N° 3131 - Rapport d'information de Mme Pascale Got et M. Damien Abad déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires économiques Pour une meilleure valorisation économique de la filière bois-forêt en France




N° 3131

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2015

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

pour une meilleure valorisation économique de la filière bois-forêt en France

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Pascale GOT et M. Damien ABAD,

Députés.

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La mission d’information sur la filière bois-forêt est composée de : M. Damien Abad, président, Mme Pascale Got, rapporteure, Mme Michèle Bonneton, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Christian Franqueville, M. François Pupponi et M. François Sauvadet.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. LES DIFFICULTÉS DE LA FILIÈRE BOIS-FORÊT 9

A. UNE FILIÈRE EN PERTE DE VITESSE 9

1. Le constat d’une dégradation progressive de la situation économique de la filière, face à l’affirmation de la concurrence internationale 9

a. Des intrants de qualité mais de faibles performances économiques 9

b. Des difficultés conjoncturelles marquées par l’impact de la crise économique 12

c. Une pression concurrentielle accrue 12

d. Les signes perceptibles d’une reprise de l’activité économique de la filière 14

2. Des difficultés de nature structurelle 16

a. Une opposition structurante et problématique entre l’amont et l’aval 16

b. L’amont 18

c. L’aval 21

3. Des disparités régionales et sectorielles 26

a. La région Rhône-Alpes 26

b. La région Aquitaine 28

c. Des secteurs compétitifs et innovants mais au poids économique modeste 29

B. UN SOUTIEN INÉGAL MAIS EN DÉVELOPPEMENT 30

1. Une grande diversité et un manque d’articulation des soutiens publics 30

a. Un constat rappelé par la Cour des comptes 30

b. L’insuffisance des politiques de valorisation économique de la filière 32

2. Un renforcement récent des soutiens publics 34

a. La mise en place de fonds publics de soutien 34

i. L’action de la Banque publique d’investissement 34

ii. Le Fonds stratégique de la forêt et du bois 35

b. Le comité stratégique de filière « bois » 36

c. Le recours aux investissements d’avenir au travers des plans de la Nouvelle France industrielle 38

d. Les pôles de compétitivité et les centres techniques industriels 39

II. RECOMMANDATIONS POUR UNE MEILLEURE VALORISATION ÉCONOMIQUE DE LA FILIÈRE 41

A. AGIR SUR LA STRUCTURE DE LA FILIÈRE 41

1. Sur la gouvernance 41

2. Sur la formation 43

3. Sur le recouplage entre l’amont et l’aval 45

B. AGIR SUR L’ÉCONOMIE DE LA FILIÈRE 46

1. Sur l’amont forestier 46

2. Sur l’aval industriel 52

SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS 59

TRAVAUX DE LA COMMISSION 61

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 83

INTRODUCTION

La situation de la filière bois-forêt en France a déjà fait l’objet de nombreux rapports, analyses et commentaires. C’est généralement le premier constat observé par les professionnels et les représentants du secteur rencontrés par la mission d’information. En janvier 2015, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a ainsi réalisé une synthèse (1) de plus de 250 rapports produits dans les trente dernières années, dont près de 50 l’ont été depuis 2006. Plusieurs dizaines de recommandations ont été relevées, à partir de constats et de diagnostics souvent communs.

Dans ce contexte, le présent rapport a pour ambition d’attaquer les problèmes rencontrés par la filière bois-forêt en France sous un angle résolument économique. L’originalité de cette approche doit permettre de tirer profit des analyses passées tout en apportant un regard neuf sur ces difficultés.

Ce tropisme économique, à quelques mois de la tenue à Paris de la Conférence internationale sur le climat (COP 21), pourrait étonner. Il n’est pourtant pas dans l’esprit du président et de la rapporteure de la mission de méconnaître la « multifonctionnalité » de la forêt, qui remplit un rôle tant productif qu’écologique et social. Au contraire, ils souhaitent, dans ce rapport, mettre en avant l’équilibre, sinon la complémentarité, qui se dégage de l’exploitation économique de la forêt ainsi que de son importance pour la préservation de la biodiversité et pour la lutte contre le changement climatique.

De même, il est généralement admis que la fragilité de la gouvernance, publique comme privée, de la filière bois-forêt est une variable centrale de l’équation des tensions qu’elle traverse. Pour autant, cette situation a été largement couverte par des rapports antérieurs, y compris très récents (2). Dans cette perspective, il est apparu plus opportun de n’aborder que marginalement cet angle de réflexion, et de ne le faire que dans la mesure où la gouvernance influe directement sur les enjeux économiques de la filière bois-forêt.

Quelle est l’étendue des difficultés économiques que rencontrent les entreprises du bois et de la forêt ? Un rapide panorama d’une filière qui subit une perte structurelle de compétitivité depuis plusieurs années et qui peine à sortir de la crise économique démontre l’urgence d’agir, en particulier après le rappel que la France détient la quatrième forêt européenne en surface (3). La filière bois-forêt devrait donc être un atout industriel pour le pays.

Le chiffre d’affaires de la filière dans son ensemble est proche des 60 milliards d’euros, répartis entre la sylviculture et l’exploitation forestière, les industries de première transformation du bois (sciages, placages, panneaux, pâtes à papier) et les industries de deuxième transformation (emballages, construction, ameublement et parquets, papiers et cartons). Assez classiquement, plus le curseur est placé en aval de la filière, plus la valeur ajoutée incorporée aux produits du bois augmente. Le bois récolté et commercialisé connaît trois destinations principales : le bois d’œuvre, en direction des secteurs de la menuiserie et de la construction, de l’ameublement et de l’emballage bois (78 % du total) ; le bois d’industrie, qui permet de produire des panneaux et des pâtes à papier (15 %) ; enfin, le bois énergie, essentiellement comme bois de chauffage mais qui peut également être utilisé pour la cogénération ou pour produire des biocarburants (7 %). L’essentiel du bois de chauffage est autoconsommé, et n’entre donc pas dans les circuits de commercialisation de la filière.

Cependant, si le chiffre d’affaires des entreprises de la forêt et du bois représente environ 3 % du total de la valeur ajoutée produite en France, la filière connaît un fort déficit commercial, à hauteur de 6 milliards d’euros, soit près de 10 % de la balance totale des transactions courantes. Ce chiffre tend à s’aggraver tendanciellement depuis une vingtaine d’années : les problèmes conjoncturels rencontrés pendant la crise économique ne suffisent donc pas à justifier un déficit de nature structurelle. Si l’année 2014 s’est traduite par une légère amélioration, c’est plus parce que les importations ont ralenti (notamment en raison de la morosité du secteur du bois construction) qu’en raison d’une meilleure performance à l’exportation. De façon contre-intuitive pour un pays industrialisé et proche de la frontière technologique, la France exporte du bois brut bon marché, sous forme de matière première, et importe des produits transformés intermédiaires ou finaux, incorporant de la valeur ajoutée : meubles, arbres sciés, charpentes. Seuls certains secteurs industriels bénéficient d’un solde commercial positif, comme l’emballage – la tonnellerie en particulier – ou les panneaux à particules. Cette situation s’explique tant en raison d’une concurrence internationale qui s’affirme, avec l’essor des pays émergents et les gains de productivité soutenus de nos concurrents européens, qu’en raison de difficultés structurelles, propres à la filière, qu’il conviendra d’analyser avec précision.

C’est donc bien la perte de compétitivité de la filière bois-forêt qu’il s’agit d’analyser. Lorsqu’elles réalisent de faibles performances économiques, les entreprises du secteur perdent des parts de marché en France et à l’international, et par conséquent aggravent leur situation. Ainsi, tandis que les entreprises industrielles allemandes du bois tirent de leurs exportations suffisamment de profit pour investir dans la modernisation de leur appareil productif et dans des dépenses d’innovation, les entreprises françaises, plus artisanales, doivent compresser leurs marges, tâcher de réduire leurs coûts d’exploitation (au détriment de l’emploi, souvent), et connaissent des tensions sur leur trésorerie qui retardent leurs projets d’investissement. Ce cercle vicieux doit être stoppé le plus rapidement possible.

Des interventions curatives sont donc nécessaires pour enclencher un sursaut de compétitivité de la filière. Plusieurs points faibles sont couramment identifiés : une gestion forestière morcelée et peu dynamique, entraînant une insuffisante mobilisation de la ressource et une déconnexion avec les besoins de l’aval industriel ; une exploitation de la matière qui souffre des faibles performances des entreprises de la première transformation du bois, handicapant le bon fonctionnement de la chaîne de valeur de la filière, tant en amont qu’en aval ; le développement de conflits d’usage du bois, en raison de la multiplicité des débouchés industriels et de la rareté de la ressource disponible.

Mais en parallèle de politiques ciblées sur ces difficultés, il faut d’ores et déjà préparer l’avenir de la filière. Les fragilités de cette dernière ne doivent pas occulter le potentiel économique qu’il est possible de tirer des nouveaux usages du bois. Le présent rapport tâche ainsi tant d’identifier les moyens de pallier le retard de compétitivité que la filière accumule que d’explorer les pistes qui permettent de la tirer par le haut : la recherche et le développement, l’innovation, l’économie verte et l’exploration de marchés nouveaux.

Pour reprendre une distinction classique en analyse économique, tandis que la filière bois-forêt souffre d’un problème chronique de compétitivité prix, sur laquelle il est difficile d’intervenir plus avant (4), la solution peut se trouver dans la recherche d’une plus grande compétitivité hors-prix. Celle-ci couvre la distinction des produits français par rapport à leurs concurrents internationaux à partir de leur qualité, de leur design ou de leur marketing, de leur contenu en innovation ou en services attachés (après-vente, assurances, chaîne d’approvisionnement, etc.). La compétitivité hors-prix renvoie donc à une montée en gamme des biens qui leur permet de rencontrer une demande même si leur prix est supérieur aux biens étrangers. En misant sur cette différenciation, la production française peut contrer le dumping social d’industries étrangères qui réduisent leurs coûts de production à partir de salaires plus faibles ou d’une moindre couverture sociale de leurs employés.

La mission d’information, présidée par M. Damien Abad et rapportée par Mme Pascale Got, constituée le 12 mai 2015, a auditionné au mois de juin des élus de collectivités territoriales, des experts forestiers, des industriels et des représentants des principales interprofessions. Elle a pu se déplacer dans deux territoires où la filière bois-forêt est particulièrement développée : en Gironde, où les massifs de pins maritimes ont permis l’émergence d’une industrie du bois compétitive, et dans l’Ain, où les performances élevées des industries de sciage tranchent avec la situation nationale.

Au terme de ses travaux, la mission a organisé sa réflexion autour d’une première partie qui établit un diagnostic poussé des difficultés de la filière bois-forêt, et d’une seconde partie qui établit des recommandations thématiques pour engager le sursaut de compétitivité dont cette filière a urgemment besoin.

I. LES DIFFICULTÉS DE LA FILIÈRE BOIS-FORÊT

A. UNE FILIÈRE EN PERTE DE VITESSE

1. Le constat d’une dégradation progressive de la situation économique de la filière, face à l’affirmation de la concurrence internationale

a. Des intrants de qualité mais de faibles performances économiques

L’économie de la filière bois-forêt française repose sur plusieurs intrants de qualité, parmi lesquels des ressources forestières riches et abondantes, un tissu industriel historique, une main-d’œuvre qualifiée et des savoir-faire. La France dispose ainsi d’un réel gisement de compétitivité par rapport à ses concurrents internationaux. Néanmoins, une exploitation lacunaire de ces atouts explique le faible dynamisme économique de la filière.

Occupant près de 16,5 millions d’hectares, la forêt française représente un tiers du territoire national, la plus importante d’Europe. La ressource forestière se compose d’une diversité d’essences, majoritairement feuillues (chênes, hêtres, châtaigniers, etc.), et compte au total 136 espèces d’arbres. Les forêts feuillues s’étendent sur 11,2 millions d’hectares et constituent 70 % des ressources françaises en bois, contre 30 % de bois résineux (sapins, pins et douglas), sur 4,4 millions d’hectares.

En outre, la forêt française a été marquée par de nettes extensions depuis les années 1970, en particulier en Aquitaine, en Bretagne et dans le Languedoc-Roussillon. En volume, la forêt française représente un potentiel de 2,6 milliards de mètres cubes de bois disponible et constitue le troisième stock européen de bois sur pied (5). Depuis 1980, ce volume a connu des augmentations progressives permettant une croissance de 68 % en 30 ans. Une telle hausse a été particulièrement portée par les espèces feuillues (+81 %), et plus modérément par les forêts résineuses (+46 %). Ce gisement de ressources permet la production annuelle de plus de 90 millions de mètres cubes de bois. Mais, malgré la richesse et l’abondance du peuplement forestier français, les récoltes en bois ont connu depuis les années 1980 une stagnation continue. En dix ans, la récolte de bois d’œuvre est par exemple tombée de 16,8 à 14,6 m3 pour les résineux et de 6,4 à 5,1 m3 pour les feuillus.

Ce constat révèle une double difficulté. D’abord, l’extension de la forêt française s’explique largement par sa croissance biologique naturelle, mais ne traduit pas une politique de plantation ou de reboisement dynamique (6) et, surtout, tournée vers une visée d’exploitation économique à moyen et long terme.

En second lieu, le fait que la croissance biologique naturelle de la forêt soit largement supérieure aux coupes de bois traduit une faiblesse économique : l’incapacité à exploiter efficacement la ressource disponible – au point que cette situation fait l’objet d’un indicateur budgétaire de suivi à part entière (cf. infra). De sérieuses lacunes dans la gestion et l’aménagement économiques des peuplements forestiers sont donc à constater, malgré l’abondance de la matière première.


Source : Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

La filière bois-forêt française se caractérise par un tissu d’entreprises hétérogène, marqué par une histoire économique ancienne, au cœur des territoires. En amont de la filière, les parcelles forestières privées (75 % de la surface totale) sont détenues par 3,5 millions de propriétaires, dont 2,4 millions possèdent moins d’un hectare. Ce morcellement se traduit par l’absence d’entreprises sylvicoles de grande ampleur : lorsque les propriétés forestières privées sont exploitées autrement qu’à des fins patrimoniales, elles le sont généralement à petite échelle, avec des politiques de gestion encouragées par les centres régionaux de la propriété forestière (CRPF). La forêt publique (25 % du total) est, quant à elle, majoritairement regroupée à l’est du territoire. 9 % des surfaces sont domaniales (détenues par l’État), et 17 % sont détenues par les collectivités territoriales. Leur exploitation économique est plus largement développée, dans la mesure où elle apporte un complément de recettes non négligeable pour les collectivités. Ainsi, l’Office national des forêts (ONF) mobilise chaque année plus de 14,5 millions de m3 de bois (soit environ 40 % du total des récoltes), dont 6,5 Mm3 en forêt domaniale et 8 Mm3 en forêts des collectivités. Cependant, elle doit se combiner avec le service public forestier, qui suppose la mise en place de politiques de conservation et d’aménagement des forêts à des fins d’aménité environnementale et de préservation de la biodiversité.

Les entreprises de la première transformation du bois représentent également un tissu de TPE et de PME qui fonctionne à l’échelle locale, dans des circuits d’approvisionnement courts et sans logique d’industrialisation d’ampleur (faibles capacités de production et appareil productif vieillissant). Cette économie locale de filière a fonctionné de façon satisfaisante jusqu’à ce que l’ouverture aux échanges internationaux et l’augmentation des besoins en matière première des industries de seconde transformation n’entraînent un découplage de l’offre et de la demande qui ne peut être résolue que par une politique d’industrialisation soutenue. La situation de la première transformation du bois fera l’objet d’un examen spécifique, en raison de son rôle clé dans le fonctionnement de la filière.

Au sein des entreprises de la seconde transformation du bois, l’ameublement français, qui produit des biens à haute valeur ajoutée, se situe au 4e rang européen, derrière l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni, mais peine à conserver ce rang devant l’accroissement de la concurrence internationale, en particulier en provenance de la Chine. Le secteur de la construction est le principal débouché industriel du bois, puisqu’il mobilise deux tiers des sciages et 40 % des panneaux de bois. Son essor, limité en France en comparaison des pays scandinaves ou de l’Allemagne, permettrait à la filière de regagner un dynamisme de sortie de crise, à la condition que le bois que les entreprises de la construction mobilisent cesse d’être majoritairement importé. Ce secteur illustre également un tissu industriel atomisé, puisque près de 2 000 entreprises se partagent le marché français, dont 90 % sont des PME ou des TPE. Ce constat reste valable pour l’industrie de l’emballage en bois, pourtant plus performante, tandis que les industries papetières (pâte à papier, papier, cartons) sont plus concentrées et plus capitalistiques : moins d’une centaine d’entreprises représentent ce secteur.

La main-d’œuvre constitue une force de la filière française. Celle-ci regroupe aujourd’hui plus de 440 000 employés, salariés ou indépendants, en comptant les emplois associés (distribution, mise en œuvre). Si l’industrie du papier-carton et les scieries restent les plus pourvoyeurs d’emplois, les besoins croissants des secteurs de la construction et du bois énergie vont être amenés à créer de nouveaux métiers, souvent qualifiés. Les attentes de la filière bois-forêt en matière d’emploi vont donc évoluer en direction d’une plus grande professionnalisation et d’un éventail plus vaste de compétences et de savoir-faire à mobiliser.

Cependant, l’offre de formation disponible pour combler la palette des métiers (des techniciens de sciage aux ingénieurs du bois, en passant par les conducteurs d’engins forestiers et les architectes) apparaît déconnectée des besoins des entreprises à court terme, et peu malléable aux besoins de plus long terme. Cela supposerait une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au sein de la filière. En outre, les emplois du bois et de la forêt pâtissent d’un faible attrait auprès des jeunes en recherche de formation initiale, malgré le renouvellement des métiers qui suit nécessairement la modernisation de la filière et son ouverture vers l’innovation.

Enfin, les besoins en formation continue sont importants, sans que ni l’offre ni la demande ne soient suffisamment performantes pour encourager les entreprises à moderniser leur appareil productif et à renouveler leurs méthodes de production. En particulier, les petites entreprises artisanales, qui sont largement majoritaires dans la filière, subissent de graves pertes de compétitivité du fait de ce manque d’adaptation.

b. Des difficultés conjoncturelles marquées par l’impact de la crise économique

La crise économique a profondément renforcé les difficultés que rencontre la filière bois-forêt. Depuis 2007, les récoltes commercialisées de bois d’œuvre et d’industrie ont enregistré une baisse de 6 millions de mètres cubes. En 2013, le volume de bois feuillus récoltés a atteint son plus bas niveau depuis 60 ans. Il faut ajouter à l’impact de la crise économique celui de la tempête Klaus de janvier 2009, qui a amplifié le bouleversement de la filière en amont, et qui se répercute encore à ce jour.

Cette situation s’explique par l’application d’un effet de ciseau. D’une part, les entreprises sylvicoles et industrielles de la filière ont subi, au même titre que l’ensemble du tissu productif français, le retournement de la conjoncture économique : chute de la consommation, contraction des marchés mondiaux, accès réduit au crédit bancaire, faibles perspectives d’investissements et risque déflationniste. À titre d’exemple, la crise du marché du logement entraîne une stagnation encore sensible du secteur du bois construction, et, avec lui, de sa chaîne d’approvisionnement. Or les entreprises du secteur, en particulier en amont, dans le secteur de la première transformation et dans la papeterie, étaient déjà sujettes à des fragilités économiques, qu’il s’agisse de problèmes de trésorerie, d’amortissement de lourds investissements ou de carnets de commandes insuffisamment remplis.

D’autre part, ces entreprises ont subi l’accroissement de la concurrence internationale, notamment issue de pays comme la Chine ou l’Allemagne, qui ont misé sur des politiques commerciales plus offensives pour redresser leur cycle de croissance et qui ont su faire face à la croissance de la demande des marchés du bois.

c. Une pression concurrentielle accrue

En effet, dans la compétition économique internationale, le poids de la filière bois-forêt française diminue de façon continuelle depuis une vingtaine d’années, ce qui se traduit par des pertes de parts de marché et un déficit commercial structurel de 5,6 milliards d’euros en 2014. Malgré une légère amélioration due à une diminution des importations de bois, la France est devenue très dépendante des marchés étrangers pour les biens en bois (meubles, sciages de résineux, pâtes à papiers et papiers-cartons, menuiseries et charpentes). Les déficits les plus lourds portent sur les produits de l’ameublement (2,1 milliards d’euros – soit 37 % du total de la filière) et sur les papiers et cartons (2,3 milliards – soit 41 % du total). Mais le secteur de la première transformation connaît également de réelles difficultés de performances extérieures, puisque 531 millions d’euros du déficit commercial sont imputables au solde des échanges de sciages. La France reste toutefois en léger excédent pour les échanges de bois bruts (119 millions d’euros, une valeur en baisse tendancielle en raison de l’augmentation des parts de marché chinoises).

Si la France exporte des grumes bruts, parfois non écorcés, à faible valeur ajoutée, et importe des produits transformés bien plus coûteux, c’est en partie parce qu’un pays comme la Chine applique des droits douaniers sur les importations de biens issus de la transformation du bois, d’autant plus fortement qu’ils incorporent de la valeur ajoutée, et jusqu’à 100 % pour un produit issu de l’ameublement. En contrepartie, la politique douanière européenne n’impose quasiment aucun droit sur les importations de produits du bois. De même, l’industrie allemande recourt, pour certaines tâches, à des travailleurs détachés étrangers (en provenance d’Europe de l’Est, par exemple) dont le coût pour les entreprises est bien plus faible, ce qui crée un gain immédiat de compétitivité prix mais une forme de dumping social déloyal.

Mais comme cela sera analysé dans les prochaines parties, les politiques commerciales étrangères ne résument pas la perte de parts de marché mondiales de la filière française, qui s’explique par des facteurs plus structurels et une concurrence étrangère mieux organisée et plus performante.

La dégradation de la balance commerciale française s’explique aussi, en effet, par l’arrivée sur les marchés du bois de nouveaux acteurs, pays émergés ou émergents, d’Asie et d’Europe de l’Est, qui se sont ajoutés à la concurrence des autres pays développés (Allemagne, Canada et pays scandinaves). Depuis le début des années 2000, le bois chinois s’est ainsi progressivement imposé sur la scène internationale. En dix ans, la Chine a ainsi multiplié par cinq ses parts de marché mondiales, et est devenue le premier importateur de bois industriel et le deuxième importateur de produits forestiers au niveau mondial, d’après la FAO (7). Si les marchés chinois sont donc une réelle opportunité pour les entreprises françaises, cela reste de manière déséquilibrée : ils encouragent l’exportation de bois brut avant transformation – peu taxée – donc à faible valeur ajoutée (cf. graphique ci-dessous). En revanche, la Chine concurrence la France sur des produits transformés qui incorporent plus de valeur ajoutée, grâce à des coûts de production et à des obligations normatives moins contraignantes.


Source : Fédération nationale du bois.

d. Les signes perceptibles d’une reprise de l’activité économique de la filière

Le bois fait aujourd’hui figure de matériau de l’avenir : écologique et renouvelable, peu polluant, sa production à des fins de production de chaleur connaît un important essor, encouragé par les pouvoirs publics. Il permet également de séquestrer d’importantes quantités de carbone, d’où sa valorisation comme vecteur de la transition énergétique, et sa place centrale dans de nombreux projets de recherche de chimie du bois ou d’élaboration de matériaux composites (plastique et bois). Résistant et isolant, esthétique, il est de plus en plus communément recherché comme matériau de construction. Enfin, ses applications industrielles restent porteuses de nombreux débouchés, renforcés par l’essor des marchés émergents dont la demande de bois augmente continûment, et par une demande domestique pour des biens de consommation à base de bois en hausse.

De même, selon les statistiques du ministère de l’Agriculture, le cours du bois connaît une tendance quasiment générale à la hausse depuis 2013, après une année 2012 difficile. Plus précisément, au second semestre 2014, les cours du chêne et du pin maritime augmentent modérément, tandis que ceux du hêtre, du peuplier, du douglas, du sapin épicéa et du pin sylvestre stagnent. Les cours du bois énergie et du bois de trituration, quant à eux, augmentent sensiblement, comme le graphique ci-dessous l’indique (la base 100, de référence, se situant au quatrième trimestre 2011).


Source : AGRESTE, 2015

La compétitivité de la filière devrait également profiter de l’évolution favorable du taux de change entre l’euro et le dollar. Hors Union européenne, dans laquelle l’euro est naturellement la monnaie de référence des échanges commerciaux, une baisse de l’euro par rapport au dollar renchérit les importations et réduit le prix des exportations, au profit du bois français. En effet, les marchés du bois et des produits du bois sont relativement élastiques au prix : une variation de ce dernier modifie les arbitrages des entreprises ou des particuliers qui les consomment. Cela est particulièrement opérant pour des produits du bois très homogènes, comme les sciages issus d’essences classiques (les résineux, en particulier), le bois de trituration ou encore la papeterie. Les marchés de l’ameublement sont moins élastiques au prix dans leur segment haut de gamme, où le choix de consommation porte sur d’autres critères (esthétique, qualité de confection, durabilité, etc.), mais la production bas et moyen de gamme, comme les meubles produits à échelle industrielle, demeure sensible au prix. Toutes choses égales par ailleurs, les exportations françaises devraient donc bénéficier de cette évolution du cours euro/dollar.

Enfin, les entreprises françaises devraient tirer parti d’une ressource qui est présente, en quantité importante, et qui doit être mobilisée pour redynamiser la filière, tant en amont qu’en aval.

Pourtant, l’essor spontané de la filière, tirée par des débouchés prometteurs et une ressource abondante, tarde à être constaté, malgré son rôle évident de moteur de la croissance verte. Le retard de développement pris ces dernières années du fait de la crise et la perte progressive de compétitivité au regard des avancées des concurrents internationaux de la France justifient donc une analyse plus poussée des défauts structurels de la filière bois-forêt, sur lesquels il s’agit d’accentuer l’intervention publique.

2. Des difficultés de nature structurelle

D’après le Plan national d’action pour l’avenir des industries de transformation du bois (8), d’octobre 2013, la valeur ajoutée créée par le secteur forestier et le secteur de la transformation du bois et des produits papetiers s’élevait à 20,4 Mds d’euros en 2001. Au début de la crise, en 2008, elle ne s’élevait plus qu’à 15,2 Mds d’euros. Dans le même temps, l’emploi direct dans la filière est passé de 343 000 emplois équivalents temps plein à 254 000. La crise économique aggrave la dégradation structurelle que connaît la filière bois-forêt en France mais ne la résume pas. En effet, les tensions sur le marché des biens, l’accroissement de la concurrence mondiale, le manque d’investissements productifs se doublent de problèmes spécifiques et anciens.

L’opposition structurante entre l’amont et l’aval de la filière, combinée aux difficultés propres à chaque secteur, a conduit à un découplage économique d’ampleur. D’une part, la filière manque de structuration, de cohérence, d’intérêts communs entre producteurs, ce qui entraîne une sous-exploitation chronique de la ressource et gêne le bon fonctionnement de la chaîne de valeur ajoutée. D’autre part, les marchés de la forêt et du bois reposent sur des logiques économiques particulières : l’accès au bois et sa mobilisation comme matière première, la diversité des essences, la grande lenteur de la croissance biologique des arbres et la multifonctionnalité de la forêt – à la fois comme objet d’exploitation économique, comme écosystème durable et comme paysage et lieu de loisir – posent des défis caractéristiques aux entreprises de la forêt. Les entreprises de l’aval connaissent des difficultés plus communes au tissu industriel français, mais dans des proportions qui peuvent susciter l’inquiétude. Elles sont en outre dépendantes du bon fonctionnement de ses fournisseurs de l’amont et de la première transformation – à moins de recourir à l’importation.

a. Une opposition structurante et problématique entre l’amont et l’aval

La filière bois-forêt est généralement présentée comme l’association d’un amont forestier, sylvicole, comprenant la mobilisation et la récolte du bois d’œuvre, du bois d’industrie et du bois énergie, et d’un aval industriel, comprenant la première transformation du bois (sciage, broyage et trituration) et sa deuxième transformation (papeterie, emballage, ameublement, construction et chimie).

Source : Ministère de l’Agriculture, 2010

Les représentations de la filière par les professionnels ou par les pouvoirs publics utilisent donc communément l’image d’un amont et d’un aval, dont la linéarité est contestée par des intérêts – notamment économiques, mais pas uniquement – difficilement conciliables. Les initiatives publiques récentes en la matière tentent de dépasser cette représentation structurante par la mise en place de politiques plus transversales, avec un succès encore limité. Le comité stratégique de filière « bois », qui associe pourtant tous les acteurs économiques de la filière, est considéré comme le pendant industriel du programme national de la forêt et du bois, plus sylvicole. De même, si les interprofessions associent depuis longtemps amont et aval – France Bois Forêt et France Bois Industries Entreprises en tête –, elles peinent à aborder les problèmes à l’unisson, tant les difficultés des petits propriétaires sylvicoles privés sont éloignées de celles des industriels de la papeterie.

Historiquement, cette distinction entre l’amont et l’aval se justifiait, y compris dans la mécanique de la gouvernance publique. L’amont forestier concilie les usages pluriels de la forêt, comme lieu d’aménité, comme investissement patrimonial ou comme lieu de production d’une matière première, dans une optique de conservation et de gestion durable. La gouvernance de l’amont est ainsi marquée par le poids prépondérant du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, concurrencé par le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie. En aval, les différentes industries du bois se sont développées sans concertation avec les entreprises sylvicoles. Le ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie encadre leur activité, en concurrence avec le ministère du Logement et de l’Égalité des territoires.

Cette absence d’équilibre est devenue problématique dès lors que la croissance des activités industrielles en aval, en parallèle de l’encouragement à la production de bois énergie, s’est déconnectée des capacités de production de la matière première, peu tournée vers une exploitation économique de grande envergure. De façon plus problématique, lorsque la ressource est disponible, la mésentente chronique des acteurs économiques sur leurs besoins mutuels fragilise la filière française dans son ensemble. Aujourd’hui, en effet, l’ouverture à l’international reste la solution de prédilection des entreprises, qui exportent ou importent en fonction de leurs besoins, au détriment d’un patriotisme économique qui permettrait à la filière de retrouver une réelle dynamique.

Cette présentation a l’avantage de mettre en évidence les divergences d’intérêts et de relation au bois entre l’amont et l’aval, mais le défaut de masquer la grande complexité de la filière, de ses besoins, de ses débouchés, de ses acteurs. Si, par abus de langage, l’expression « filière bois-forêt » est couramment utilisée, y compris dans ce rapport, ce sont bien des filières du bois et de la forêt qui cohabitent et tâchent de s’entendre pour exploiter la ressource.

In fine, la mesure de la déconnexion entre les intérêts de l’amont et de l’aval de la filière suppose un examen plus complet des difficultés spécifiques auxquels ils se confrontent.

b. L’amont

En amont, la forêt française se caractérise par de fortes disparités géographiques et un important morcellement qui favorisent la sous-exploitation du bois. Pour mémoire, 3,5 millions de propriétaires forestiers se partagent 75 % des forêts françaises. Parmi eux, 2,4 millions de propriétaires possèdent moins d’un hectare de parcelle.

Les propriétaires forestiers ne sont pas tous exploitants sylvicoles : les petites parcelles détenues peuvent se limiter à un investissement patrimonial, tandis que certaines n’atteignent pas la taille critique pour justifier une exploitation économique rentable. Selon un sondage mené en 2015 par l’association Forêt Privée Française, la majorité des propriétaires considèrent davantage la forêt comme un patrimoine culturel et familial que comme un bien économique à exploiter. 40 % d’entre eux déclarent s’occuper eux-mêmes de la gestion sylvicole de leur forêt alors que seulement 3 % font appel à une expertise forestière au travers d’un contrat de gestion.

Le morcellement de la forêt française implique ainsi une diversité d’acteurs dans la gestion des forêts françaises (ONF pour les forêts publiques ; experts forestiers, coopératives, sociétés de gestion, propriétaires isolés pour les forêts privées) qui rend difficile la mise en place d’une politique forestière commune. Ce morcellement explique un des principaux problèmes économiques de l’amont de la filière : la difficulté à mobiliser la ressource disponible. En effet, les petits propriétaires privés ne sont pas suffisamment incités à une gestion dynamique de leur parcelle, ou rencontrent des difficultés à structurer une offre compétitive. Les petites parcelles se confrontent à une rentabilité économique aléatoire ou à des obstacles pour écouler localement leur production (industries locales de première transformation déficientes ou tensions logistiques sur le coût, l’accessibilité ou la disponibilité des transports).

Ces difficultés sont de nature à contraindre des projets d’exploitation économique viables sur le temps long. En conséquence, la quantité de bois sur pied disponible est sans commune mesure avec le bois récolté et commercialisé à destination de l’aval de la filière. Aujourd’hui, selon les évaluations de l’IFN, citées par le PIPAME (9), l’accroissement naturel de la forêt est d’environ 103 millions de mètres cubes par an, dont seulement 57 % sont commercialisés ou autoconsommés (soit 59 Mm3). La proportion restant se répartit entre les bois morts, les pertes d’exploitation et le bois non récolté. Au sein de cette dernière catégorie, le bois n’est certes pas entièrement mobilisable, soit que les arbres ne soient pas encore mûrs, soit qu’ils soient inaccessibles, notamment à cause de la nature des terrains : les forêts en montagne présentent ainsi des coûts d’exploitation souvent prohibitifs. Toutefois, cette réserve formulée, les incitations à une gestion production de la forêt, qu’elles portent sur le regroupement des parcelles ou sur l’encouragement à démarrer une exploitation économique, demeurent insuffisantes à mobiliser en quantité suffisante le bois français.

Il convient de compléter ces remarques par le constat d’une particularité des marchés forestiers. Le pendant d’une croissance biologique très longue des arbres (entre 25 et 60 ans selon les essences) est la relative liberté des exploitants pour fixer le calendrier des coupes. En effet, si une récolte agricole est obligatoirement cadencée, une forêt peut continuer à croître après que les arbres soient parvenus à maturité. Ainsi, si un propriétaire fait le constat que le cours du bois sur pied est faible à une période donnée, il peut choisir d’attendre des perspectives plus favorables pour vendre. À la différence des marchés agricoles traditionnels, où la quantité offerte fait le prix, pour les marchés forestiers, le prix fait la quantité disponible. Cette analyse économique est lourde de sens pour l’aval de la filière, qui subit, en plus de la volatilité des cours, la volatilité des quantités. Le développement de la contractualisation de l’approvisionnement en bois est une solution à cette difficulté.

En outre, ce morcellement est à l’origine d’un autre problème, dans la mesure où il implique que l’offre de matière première, atomisée et déconnectée des besoins des marchés, s’adapte difficilement à une demande domestique et mondiale pourtant en expansion. Par exemple, les ressources en bois sur pied, en majorité feuillues, ne correspondent pas aux besoins réels des industries de la première et de la deuxième transformations, orientés vers les essences résineuses. Ce constat se reflète dans les proportions de bois récolté, majoritairement résineux (en progression tendancielle), tandis que la forêt française est largement composée de feuillus (cf. graphique ci-dessous).

Source : Enquête annuelle de branche (AGRESTE)

En particulier, le secteur du bois construction, malgré une demande en hausse constante, ne parvient pas à s’alimenter suffisamment en bois résineux français correspondant aux canons réglementaires et techniques – fixés internationalement. Certes, il ne faut pas souhaiter l’uniformisation de la forêt française autour de certaines essences demandées massivement par les marchés mondiaux : d’une part, la demande est susceptible d’évoluer au fil du temps, et une plantation ne produit de ressource exploitable que plusieurs décennies après ; d’autre part, la diversité des essences françaises peut être une source de compétitivité, en raison de sa rareté – comme le châtaignier – ou de son intérêt pour certaines innovations – extraction d’huiles, de tannins aux propriétés particulières, par exemple –. En conséquence, un rééquilibrage de la composition de la forêt française serait souhaitable pour tirer la filière vers le haut, sans verser dans le tout résineux, dans le respect de la richesse des essences.

Une dernière spécificité de la forêt porte sur sa polyvalence : elle n’est pas qu’une matière première, mais également un lieu d’aménité et une source de biodiversité. Les politiques de coupes peuvent ainsi se confronter à un problème d’acceptabilité sociale : l’opinion publique tolère difficilement que des parcelles de chênes centenaires deviennent le fruit d’une exploitation économique. Pourtant, d’un point de vue écologique, une forêt correctement entretenue joue mieux son rôle de puits de carbone. La forêt, ressource renouvelable, se renouvelle : cette tautologie ne paraît pourtant pas aller de soi lorsque les coupes sont souvent associées, dans l’imaginaire social, à la déforestation. Des efforts de communication devraient être entrepris pour expliquer que la croissance biologique française est supérieure à la quantité d’arbres débités chaque année, et qu’une exploitation économique peut être durable et respectueuse des fonctions écologiques de la forêt.


Pour faire face à ces difficultés structurelles, une stratégie gouvernementale est mise en
œuvre avec l’appui d’indicateurs qualitatifs. Si la stratégie forestière du gouvernement porte également sur les fonctions écologiques et sociales de la forêt, un axe de politique publique porte plus particulièrement sur sa fonction économique : « produire plus et mieux valoriser la ressource bois ». Cet objectif est évalué par l’exploitation de l’indicateur de la part de récolte de bois rapporté à la production biologique. Dans le projet de loi de finances pour 2015, au sein du programme 149, cet indicateur montrait une évolution mitigée de cet indicateur :

Source : Projet annuel de performances – Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » – Projet de loi de finances pour 2016

L’objectif fixé en 2008 par le gouvernement demeure ambitieux : il est celui d'une augmentation de la récolte de 12,4 millions de mètres cubes entre 2008 et 2020, donc une cible pour 2017 établie à 53 % de bois récolté rapporté à la production biologique de la forêt française.

c. L’aval

En aval, les principales difficultés structurelles de la filière portent les faibles performances des industries de première transformation, en particulière des scieries, qui pèsent par ricochet sur celles des industries de la deuxième transformation, et sur la concurrence des débouchés industriels, situation que l’on renvoie souvent au concept de conflit d’usage du bois.

En premier lieu, le secteur de la première transformation est paradoxalement le secteur pivot de la filière et son principal point faible. Ainsi, selon Eurostat, environ 101 millions de mètres cubes de sciages ont été produits dans l’Union européenne en 2013, en provenance, principalement, de l’Allemagne (21,3 %), de la Suède (16,2 %), de la Finlande (10,1 %), de l’Autriche (8,8 %) et de la France (8,0 %). Rapporté au potentiel forestier français, que ce soit en termes de volume de bois sur pied ou en termes de volume de bois récolté, ce pourcentage illustre l’incapacité de l’industrie française à produire des sciages en quantité suffisante.

Source : FCBA, 2014 (depuis des données AGRESTE)

Cela est dû à plusieurs facteurs : tout d’abord, les scieries françaises, implantées au plus près de la ressource forestière, sont souvent de très petite taille, sur un mode de production artisanal et sur un mode de financement familial : 46 % des scieries de résineux ne produisent que 3 % des sciages. Les faibles économies d’échelles attendues d’un tissu économique aussi atomisé expliquent la difficulté de concurrencer efficacement les scieries industrielles allemandes, par exemple, qui ont atteint la taille critique suffisante pour débiter de gros volumes de grumes. D’un point de vue dynamique, cette situation connaît une aggravation tendancielle, dans la mesure où les petites scieries françaises connaissent une augmentation de leurs coûts d’exploitation qui les empêche d’investir suffisamment dans la modernisation de leur appareil productif, ce qui influence négativement leur performance économique à court et moyen termes.

En particulier, ce sous-investissement chronique se traduit par la difficulté d’être compétitif sur les techniques de séchage et de calibrage du bois en fonction des essences sciées. Ces retards d’investissement ont une portée explicative plus importante des difficultés des entreprises de la première transformation que la concurrence des industries à bas coûts des pays émergents, où le coût du travail et les contraintes normatives sont moindres. Ainsi, l’offre proposée n’est souvent pas adaptée aux besoins en bois d’œuvre des industriels en aval, à la recherche de bois de qualité et certifié, afin qu’ils puissent eux-mêmes répondre aux exigences de la demande de leur production. Cela explique que la consommation de sciages résineux est couverte à plus de 25 % par des importations.

Enfin, dans un secteur à forte intensité capitalistique, un financement essentiellement familial, à partir de fonds propres, représente un frein supplémentaire à la restructuration des industries de première transformation du bois. Ce mode de financement n’est plus adapté à de nécessaires stratégies de modernisation et d’industrialisation, seules à même d’engendrer de réels gains de productivité : elles nécessiteraient une plus grande ouverture du capital de ces entreprises.

En conséquence, l’activité et le nombre de scieries diminuent continuellement : selon les données du PIPAME (10), de 1 958 en 2008, dont 90 % de très faible capacité (moins de 4 000 m3 de sciages par an), ce nombre passe à 1 744 en 2010 et à 1 600 en 2013. Il ne s’agit pas de concentrations : depuis 30 ans, 100 scieries disparaissent chaque année, faute de repreneurs ou de rentabilité économique suffisante.

Mais, pour faire écho aux développements précédents, l’industrialisation des exploitations de première transformation, condition indispensable pour un sursaut général de compétitivité de la filière, repose sur une mobilisation suffisante de ressources adaptées aux besoins des industries du bois produisant de la valeur ajoutée. En conséquence, sans politique forestière plus volontaire pour s’adapter aux besoins des débouchés du bois, le développement économique des scieries restera incertain. À défaut d’une offre française cohérente de sciages, le bois d’importation restera le choix expédient des industriels de la filière, au détriment de l’équilibre de notre balance commerciale.

Des difficultés structurelles atteignent également les industries de la deuxième transformation. Ces industries font face à une double concurrence : une concurrence externe, que subit en particulier le secteur de l’ameublement, et une concurrence interne pour l’accès à la ressource. Les industriels qui recourent au bois d’œuvre ou au bois d’industrie redoutent en particulier l’essor du secteur du bois énergie, soutenu par l’État (par l’intermédiaire du Fonds chaleur, par exemple).

En effet, certaines filières locales peuvent être déstabilisées par l’installation de grosses unités de cogénération (Grand-Couronne, Gardanne) ayant une forte demande en matière première, y compris lorsque celle-ci trouve habituellement un débouché industriel où elle serait mieux valorisée économiquement. Plus généralement, en fonction des années, les récoltes soumises aux aléas climatiques peuvent se révéler insuffisantes pour combler les besoins de tous les secteurs, engendrant une pénurie problématique.

À titre d’exemple, la filière du bois énergie en Allemagne a été fortement stimulée par des mesures gouvernementales de soutien. Mais cette politique a entraîné un effet pervers, puisque le bois à destination des filières énergétiques, au prix plus attractif pour les entreprises sylvicoles, n’était plus disponible en quantité suffisante pour le secteur des panneaux en bois, pourtant performant : de nombreux sites industriels ont dû fermer.

Selon la majorité des acteurs rencontrés par la mission d’information, le risque de pénurie pourrait être facilement enrayé à l’aide d’une meilleure mobilisation non seulement de la ressource naturelle, mais des productions des industries en aval. En effet, de nombreuses entreprises du bois énergie utilisent du bois de récupération, en fin de vie, ou des produits connexes des usages industriels du bois (déchets, copeaux, etc. – cf. tableau ci-dessous). Ces produits connexes peuvent alimenter le bois de trituration, qui permettra la production de pâte à papier, ou être récupéré à des fins énergétiques. L’augmentation de la production de bois d’œuvre, par exemple, permettrait une augmentation naturelle des produits connexes disponibles, réglant en partie la concurrence des usages du bois.

Source : AGRESTE, 2015

Le bois construction constitue un segment en expansion des industries de la deuxième transformation du bois. La demande mondiale en construction bois est en expansion, tandis que l’habitat en bois bénéficie d’un effet de mode qui s’illustre dans les bâtiments publics comme dans les maisons individuelles. Cependant, malgré le gisement de croissance et d’emploi que ce secteur constitue, ainsi que les performances énergétiques supérieures qu’il autorise, il est actuellement handicapé par une culture de la construction trop tournée vers le béton et le ciment, et par des standards réglementaires peu favorables.

Le secteur de l’ameublement souffre plus particulièrement de la concurrence internationale, en raison du positionnement très compétitif de certains pays (Chine, Finlande) sur des meubles à bas coût et produits à échelle industrielle. Les meubles français sont souvent de meilleure qualité, offrant une meilleure résistance au temps, mais les différences de prix de vente aux particuliers restent déterminantes. Enfin, les grands distributeurs de l’ameublement, également soumis à une forte pression concurrentielle, entretiennent des relations tendues avec leurs sous-traitants industriels, et importent en larges quantités du bois déjà transformé. Le segment haut de gamme du marché de l’ameublement est dans une meilleure situation, le facteur prix ayant un moindre impact sur la structure de la demande. Les meubles produits par les artisans compagnons du Tour de France bénéficient ainsi d’un effet de réputation favorable – ce constat étant valable dans d’autres secteurs du bois (menuiserie, ébénisterie, etc.).

Cette présentation d’ensemble fait apparaître un paradoxe relevé par un des acteurs rencontrés par la mission d’information : « plus on touche au bois, plus on perd de l’argent ». En effet, tandis que les industries de la seconde transformation incorporant peu de valeur ajoutée à leurs produits (panneaux, emballage – sauf biens supérieurs comme les produits de la tonnellerie –, pâte à papier) connaissent de meilleures performances économiques que celles qui créent de la haute valeur ajoutée, comme l’ameublement et la construction.

3. Des disparités régionales et sectorielles

Malgré une situation nationale inconfortable, votre président et votre rapporteure ont pu observer le fonctionnement performant de certaines filières locales du bois et de la forêt. Ceci témoigne de la grande hétérogénéité de la filière française, tant dans la diversité des massifs forestiers que dans les spécialisations industrielles. Plus que pour d’autres secteurs, l’économie de la filière bois-forêt repose donc sur des variables locales déterminantes.

a. La région Rhône-Alpes

La région Rhône-Alpes est la seconde région forestière de France après l’Aquitaine. Sa forêt couvre 39 % du territoire sur une surface de plus 1,7 million d'hectares. La filière bois en Rhône-Alpes, en plus d’abriter un peuplement forestier varié et dense, bénéficie d’un dynamisme industriel qui dénote avec la situation nationale.

La surface forestière de cette région croît au rythme de 6 000 ha par an. Contrairement à l’Aquitaine, la croissance de la forêt rhônalpine est naturelle, et s’approprie les surfaces laissées par l’agriculture. Selon les estimations de l’ONF, les récoltes forestières annuelles sont évaluées à 2 000 000 m³ de bois d'œuvre, 254 000 m³ de bois d’industrie et de 400 000 à 1 000 000 m³ de bois de chauffage autoconsommé.

La région Rhône-Alpes est progressivement devenue une région industrielle exemplaire pour la filière bois française. Elle se classe à la première place des régions productrices de bois en France en fournissant notamment la moitié des bois utilisés dans les scieries de Rhône-Alpes, ce qui illustre l’importance des filières locales. 10 000 entreprises du bois et de la forêt y sont implantées, représentant 40 000 emplois directs – la proportion la plus importante des régions françaises.

L’Ain, avec une surface forestière occupant 33 % de son territoire, occupe un très bon positionnement dans la filière bois-forêt en Rhône-Alpes : il se classe au 1er rang régional pour la transformation du bois, grâce à des scieries industrialisées et dynamiques, ainsi que dans la récolte de bois (en particulier de bois d’œuvre). Ce département concentre le quart des effectifs des salariés des scieries et des industries d’exploitation de Rhône-Alpes. Il est en pointe en matière d’offre de formation initiale – 25 diplômes dans près de 70 établissements – comme continue. L’Ain est enfin le premier exportateur régional de produits en bois (26 %) et de produits mobiliers (37 %), comme l’illustre le tableau ci-dessous.

Source : Livre blanc de la filière bois de l’Ain – 2014-2016

Il est en particulier possible de relever le succès des propriétaires de la scierie Ducret, que la mission d’information a pu rencontrer pendant son déplacement dans ce département. Employant 80 personnes, la scierie traite 120 000 m3 de grumes chaque année, et produit 70 000 m3 de sciages, avec des débouchés tant locaux qu’internationaux (Sénégal, Algérie). Enfin, les établissements Ducret encadrent et financent des projets de recherche, comme le développement de granulés composites (bois et plastique) en lien avec l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Lyon, et avec le soutien du Fonds unique interministériel (FUI).

Cette scierie illustre également la difficulté à s’industrialiser, malgré sa volonté de croissance externe : en raison de l’hétérogénéité des bois traités et des difficultés de s’approvisionner en quantité suffisante (ses dirigeants anticipent deux ans de stocks de bois sur pied seulement), les coûts d’industrialisation ne laissent pas apparaître une rentabilité suffisante. Les établissements Ducret ont donc préféré adopter une stratégie d’intégration verticale, en diversifiant leur production : traitement des bois ronds, production de sciages, de charpentes ou encore d’emballage en bois.

Malgré l’ensemble de ces atouts, la filière bois-forêt rhônalpine demeure encore perfectible. À l’image du territoire national, son tissu industriel – composé en majorité de petites structures anciennes et locales – est resté atomisé, donc fragile face à la concurrence internationale. Ce phénomène a été renforcé par le morcellement des peuplements forestiers et la diversité des essences présentes. Quant à la production de sciages, elle a progressivement diminué ces vingt dernières années, les scieries artisanales représentent encore plus de 60 % des scieries utilisées en Rhône-Alpes (40 % pour l’Ain), au détriment des scieries industrielles. D’autre part, si l’Ain s’est doté d’une large offre de formations, certaines sections peinent toujours à attirer suffisamment d’étudiants, notamment en scierie.

b. La région Aquitaine

La forêt d’Aquitaine constitue sur le territoire national un cas particulier tant par la nature de ses essences que par la productivité de ses peuplements. Avec une surface de près de 1,8 million d’hectares – 43 % de surfaces boisées – la forêt aquitanienne est la première région forestière de France avec un taux de boisement supérieur à la moyenne nationale (29 %). Elle produit plus d’un quart de la récolte annuelle de bois (26,1 % en 2011). Il est à noter que les peuplements forestiers privés occupent des surfaces particulièrement étendues : 60 % des propriétés dépassent les 25 ha.

La surface forestière d’Aquitaine se compose essentiellement du massif des Landes de Gascogne, qui abrite près d’un million d’hectares de pins maritimes (75 % des réserves nationales). Il a la particularité d’être la plus grande forêt artificielle d'Europe – créée à compter du XVIIIe siècle afin de répondre à la progression des sables mobiles – et présente comme principal atout une absence de relief, rendant l’exploitation forestière très compétitive. Le massif périgourdin, s’étendant sur le nord-est de la région, est constitué majoritairement de chênes et de châtaigniers. Au sud, le massif pyrénéen se compose de hêtres, de chênes et de résineux. Les vallées fluviales, traversant l’Isle, la Dordogne, la Garonne ou l’Adour, sont des espaces majoritairement feuillus (peupliers et acacias) connaissant une croissance dynamique.

Aujourd’hui, la filière bois en Aquitaine connaît un véritable dynamisme sur un ensemble de secteurs. La région participe activement à la transformation du bois : le sciage aquitanien représente 30 % de la production nationale des sciages résineux, et le travail mécanique du bois 70 % de la production française de parquets résineux. D’autre part, les massifs d’Aquitaine procurent à l’industrie française 48 % de ses ressources en bois. Les Landes de Gascogne jouent un rôle prédominant dans cette production en fournissant en moyenne 4,1 millions de mètres cubes par an. En outre, pour répondre à l’émergence de besoins nouveaux en matière de chimie du bois (usage de résine, d’essence de térébenthine), le secteur historique du gemmage connaît un nouvel essor, et illustre la capacité du bois d’allier techniques traditionnelles et couverture de marchés nouveaux, pour autant que l’effort d’innovation des entreprises de la filière soit suffisant.

Toutefois, le dynamisme de la forêt aquitanienne est depuis quelques années bouleversé. En effet, les récentes tempêtes de la décennie 2000 ont engendré dans les années qui ont suivi des problèmes d’approvisionnement considérables pour les industries. De même, le tissu industriel de la filière bois, constitué en majorité de petites entreprises, connaît la même situation de dégradation de sa compétitivité que dans d’autres régions françaises.

c. Des secteurs compétitifs et innovants mais au poids économique modeste

En dépit des faiblesses structurelles précédemment énumérées, la filière bois française compte parmi ses industries des secteurs particulièrement compétitifs, à l’image de l’emballage bois qui occupe le premier rang mondial et réalise près de 20 % de son chiffre d’affaires à l’étranger. Produisant la majorité des emballages exportés, la tonnellerie est le principal moteur de ce dynamisme, notamment grâce à un savoir-faire séculaire et à des ressources naturelles de qualité correctement mobilisées. Le chêne, abondant en France, permet en effet au vin de s’enrichir d’arômes complémentaires, boisés, vanillés ou épicés.

Plus de 800 industries, en grande partie des PME et des TPE, alimentent le secteur français de l’emballage bois. Elles emploient au total près de 13 500 salariés. Toutefois, seules 5 % d’entre elles possèdent plus de 50 salariés alors que presque un tiers du chiffre d’affaires est réalisé par des entreprises de moins de 20 personnes, dont la production est généralement axée sur un seul type d’emballage. Une telle configuration traduit ainsi une forte atomicité au sein de la filière française de l’emballage bois, ce qui n’est pas systématiquement le signe de faibles performances économiques. Parmi les leaders du secteur figurent Beynel Manustock, la Palette Rouge, Seguin Moreau ou encore Tonnellerie Vicard.

En grande majorité familiales, les tonnelleries françaises forment, quant à elles, un tissu industriel très varié. Allant de 3 à 600 salariés, elles comptent en moyenne une cinquantaine de salariés. Si elles ont connu un fort ralentissement pendant la crise financière de 2008, elles ont su toutefois retrouver rapidement le chemin de la croissance. La Fédération des tonneliers de France, syndicat des principaux fabricants français, a confirmé le retour à une bonne santé économique en publiant dès 2011 des résultats encourageants : environ 500 000 tonneaux de bois ont été produits en France en 2011, soit une augmentation de 3,3 % par rapport à l’année précédente, permettant ainsi un chiffre d’affaires de plus de 300 millions d’euros. 35,5 % de ces volumes ont été vendus en France.

La réputation de la tonnellerie française à l’étranger est par ailleurs toujours attractive. La tonnellerie est le seul secteur de la filière bois à présenter une balance commerciale largement positive : les ventes à l’étranger, traditionnellement élevées, ont représenté 67 % de la production en 2013. La France se place ainsi à la première place mondiale dans l’exportation de fûts, les États-Unis étant son premier marché.

La tonnellerie française tire enfin sa compétitivité de ses capacités d’innovation – techniques notamment – qui lui ont permis de s’adapter aux exigences des marchés. Les fûts français, en chêne, sont présentés comme des produits haut de gamme, capables d’accompagner la maturation des meilleurs vins (2 à 4 % de la production mondiale de vin – la plus prestigieuse – étant élevée de cette façon). Pour ce faire, une cinquantaine d’entreprises françaises travaillent dans la production de ces fûts, produisant chaque année au total près de la moitié de la production mondiale destinée au vin. Les tonneliers n’hésitent pas en outre à investir dans des barriques « high tech » dans le but de toujours mieux préserver chaque arôme, à l’image de la barrique « Icône Elégance » de Seguin Moreau lancée en 2011.

B. UN SOUTIEN INÉGAL MAIS EN DÉVELOPPEMENT

1. Une grande diversité et un manque d’articulation des soutiens publics

a. Un constat rappelé par la Cour des comptes

À la demande de la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes a rendu en novembre 2014 un rapport d’enquête sur la filière forêt-bois (11) présentant un diagnostic des soutiens publics et une liste de propositions visant à redonner une dynamique à la filière.

Le rapport de la Cour se concentre sur les difficultés de gouvernance de la filière bois-forêt en France. Il révèle également des soutiens financiers à la filière nombreux et dispersés. Une diversité d’acteurs est ainsi impliquée dans la filière bois : l’État et les établissements publics apportent la part la plus large des financements (84 %) au moyen de dépenses budgétaires, fiscales et recettes fléchées ; les collectivités territoriales constituent ensuite la seconde source de soutiens (9 %), mais leur poids est davantage significatif à l’aval de la filière qu’elles soutiennent prioritairement. Enfin des financements d’appoint existent pour la filière comme les fonds européens (5 %) ou encore les fonds d’origine professionnelle (2 %), notamment celui de l’interprofession France Bois Forêt ou celui du comité professionnel de développement des industries françaises de l’ameublement et du bois (CODIFAB). Si l’ensemble de ces acteurs permet d’offrir un volume conséquent de soutiens – s’élevant depuis quelques années à environ 910 millions d’euros par an –, ces financements souffrent toutefois d’un manque criant de cohérence. En effet, les pouvoirs publics peinent à coordonner leurs politiques de soutien à l’échelle nationale et territoriale, faute notamment de coordination interministérielle aboutie. D’autre part, les professionnels de la filière défendent des intérêts et des priorités épars, parfois peu compatibles, renforçant ainsi la dispersion des soutiens.

La Cour des comptes souligne par ailleurs que les soutiens apportés à la filière répondent mal aux attentes des différents secteurs, aussi bien à l’amont qu’à l’aval. En amont, les financements accordés ne vont pas dans le sens des objectifs de valorisation économique souhaités. Les trois principaux soutiens accordés par l’État – dépenses budgétaires, fiscales et actions du Centre national de la propriété forestière (CNPF) – manquent d’efficacité, faute de crédits ou de ciblage suffisants. De façon plus problématique, la Cour rappelle un constat déjà bien connu : les dispositifs fiscaux existants favorisent une approche patrimoniale des biens forestiers au détriment d’une gestion économiquement efficace. Enfin, le CNPF ne parvient pas à pertinemment évaluer l’efficacité de ses actions.

À l’image de l’amont, les soutiens à l’aval sont fragilisés par un ensemble de contradictions. Les financements accordés à l’aval sont particulièrement mal répartis entre les différents secteurs, et donc peu adaptés aux besoins des industriels. Les soutiens à l’internationalisation de la filière sont insuffisants, ce qui explique les difficultés de son équilibre commercial extérieur.

Face à ce constat, les recommandations de la Cour des comptes ont mis en avant quatre priorités. En premier lieu, la gouvernance de la filière doit être améliorée pour donner une meilleure articulation aux soutiens accordés. Pour cela, la Cour recommande la création d’une instance interministérielle, capable de définir des priorités communes, afin de garantir aux multiples financements une meilleure cohérence. Cette instance s’organiserait autour d’une « stratégie de filière » permettant d’éviter toute potentielle contradiction entre les objectifs fixés, notamment entre le contrat de filière du comité stratégique et le programme national de la forêt et du bois (PNFB) du Conseil supérieur de la forêt et du bois. Par ailleurs, la Cour préconise de renforcer le rôle des comités régionaux de la forêt et du bois créés par la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, et de leur confier la responsabilité de l’animation et du financement de la filière au niveau local. Enfin, la Cour propose de décharger les chambres d’agriculture de la mission de développement forestier des forêts privées au profit du CNPF.

En second lieu, la Cour des comptes s’intéresse dans son rapport à l’amélioration de la pertinence et de l’efficacité des soutiens apportés à l’amont. Elle propose pour ce faire de renforcer la tutelle de l’État sur le CNPF, notamment pour vérifier que ses actions soient bien appliquées aux différentes échelles du territoire. Elle recommande en outre de mettre fin, de manière progressive, à l’exonération qui s’applique à la forêt privée dans le calcul de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et des droits de mutation à titre gratuit (DMTG). Elle reconnaît en effet qu’une fiscalité trop patrimoniale n’encourage pas les propriétaires privés à une gestion productive de leur bien forestier.

Concernant les soutiens accordés à l’aval de la filière, la Cour demande à l’État d’organiser régulièrement des concertations entre les acteurs de l’amont et de l’aval afin d’évaluer, à des fréquences suffisamment rapprochées, les ressources en bois disponibles et les besoins quantitatifs et qualitatifs des différentes industries du bois. Elle recommande de même de favoriser, dans les appels à projets, « les unités de production de chaleur ou de cogénération d’une taille adaptée à la capacité d’approvisionnement des bassins forestiers ».

Enfin, les dernières recommandations de la Cour concernent les professionnels de la filière, et demandent la fusion de France Bois Forêt, de France Bois Industries Entreprises et du CODIFAB en un « organisme interprofessionnel unique », capable de se doter d’un contrat d’objectifs avec l’État, et d’adapter ses actions territoriales aux attentes des interprofessions régionales.

Ces recommandations axent leur champ d’intervention sur la gouvernance de la filière. L’approche plus économique choisie par le présent rapport apporte des éclairages complémentaires mais convergents : la filière ne bénéficie pas d’un soutien suffisamment ciblé pour encourager son développement économique.

b. L’insuffisance des politiques de valorisation économique de la filière

En dehors des considérations de nature fiscale, il apparaît qu’une réelle politique économique forestière est manquante. L’opérateur de l’État en charge des forêts, l’ONF, doit en effet assurer des missions de gestion productive et des missions de conservation, et leur conciliation ne va pas de soi.

Pour rappel, l’ONF gère 4,7 millions d'hectares de forêts publiques, soit environ 27 % de l’ensemble de la surface forestière française, et assure environ 40 % de la vente de bois en France. Cette position dominante sur le marché permettrait d’engendrer de forts effets de levier en direction de la filière, si une politique économique volontariste était mise en œuvre : dynamisation des plantations, contractualisation avec les industries du bois, rééquilibrage de la composition des essences afin de répondre aux besoins des marchés en résineux, partenariats avec des industries de première transformation pour améliorer les circuits d’approvisionnement et la productivité… En qualité d’établissement public industriel et commercial, l’ONF dispose en effet d’une autonomie suffisante pour adopter un comportement d’acteur de marché à même de stimuler la filière.

Or l’ONF connaît depuis plusieurs années des difficultés budgétaires et opérationnelles. Ainsi que le rappelle le rapporteur spécial du Sénat pour le programme « Forêt » au sein du projet de loi de finances pour 2015, M. Yannick Botrel (12), le contrat d’objectifs et de performance de l’ONF pour la période 2012-2016, qui comprend des objectifs économiques ambitieux, n’a pas été atteint. Les besoins chiffrés d’investissements publics en forêts domaniales pour assurer leur renouvellement – 87 millions d’euros par an en moyenne de travaux patrimoniaux, dont des dépenses d’entretien et de reconstitution –, n’ont été comblés qu’à hauteur de 70,2 millions d'euros en 2012 et de 62,6 millions d’euros en 2013. Un effort budgétaire de 30 millions d’euros de dotation supplémentaire a été consenti dans la loi de finances pour 2015 : il devrait permettre de meilleures performances économiques. Il faut également noter qu’un nouveau contrat d’objectifs et de performance 2016-2020 rénovant le modèle de l’ONF devrait être signé avec l’État d’ici la fin de l’année 2015. Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit que l’ONF bénéficie encore d’une subvention exceptionnelle de l’État, mais réduite d’environ 16 millions d’euros.

En complément de ce soutien budgétaire, l’État a modernisé ses documents de gouvernance de la forêt au sein de la loi pour l’avenir de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt. L’article L. 121-2-2 du code forestier crée ainsi un programme national de la forêt et du bois, qui précise les orientations de la politique forestière pour dix ans. La gouvernance multifonctionnelle de la forêt est rappelée, puisqu’est visée « une meilleure valorisation du bois et du développement des entreprises, ainsi que (…) la production d’aménités environnementales et sociales de la forêt en vue de leur développement ».

Néanmoins, les enjeux économiques de la filière bois-forêt occupent une place centrale dans cette réforme. Les plans pluriannuels régionaux de développement forestiers, créés par la loi du 9 juillet 2001, qui visaient à l’amélioration de la production et de la valorisation économique du bois par massif forestier, sont remplacés par des programmes régionaux de la forêt et du bois, pilotés par des commissions régionales, créées par le décret du 29 juin 2015. Aux termes de ce dernier, les commissions auront notamment comme missions « d’identifier les besoins et les contraintes de la filière de la forêt et du bois afin notamment de faciliter l’approvisionnement en bois des industries de cette filière » et « d’élaborer, le cas échéant, le contrat de la filière bois au niveau régional et de le mettre en œuvre ». Une politique forestière territoriale plus dynamique est donc à espérer d’une telle réforme de gouvernance.

Enfin, en direction des propriétaires privés, l’action publique s’organise autour du CNPF et de ses relais régionaux. Dans le projet de loi de finances pour 2016, la subvention à son profit est rétablie à hauteur de 15,4 millions d’euros. Il élabore et agrée les documents de gestion qui garantissent que les propriétaires forestiers accomplissent une exploitation économique durable de leur parcelle, en échange d’avantages fiscaux, comme les dispositifs d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt (DEFI ; cf. infra). En lien avec les recommandations du rapport de la Cour des comptes précité (13), l’évaluation des moyens de contrôle du CNPF et des CRPF est toutefois insuffisante, et ne permet pas de garantir que les obligations des documents de gestion sont effectivement suivies d’effet.

2. Un renforcement récent des soutiens publics

Les initiatives publiques récentes mobilisent de nouveaux moyens d’intervention, qui sortent de la logique de la subvention et se caractérisent par leur ciblage économique et par la recherche d’effets de levier qui limitent leur impact pour les finances publiques.

a. La mise en place de fonds publics de soutien

i. L’action de la Banque publique d’investissement

La création de la Banque publique d’investissement a constitué un moteur important du soutien économique de la filière bois. La BPI a rapidement identifié le principal maillon faible de la filière : l’industrie du sciage, dont les faibles performances économiques ont encouragé l’exportation de grumes et l’importation de sciages et de produits transformés du bois.

À ce titre, BPI France a créé un fonds sectoriel, le fonds Bois I, doté de 20 millions d’euros. Ouvert à des appels à projets de restructuration, de modernisation de l’appareil productif ou de croissance externe, le fonds accompagne des entreprises d’au moins 5 millions d’euros de chiffres d’affaires et suffisamment rentables pour garantir l’efficacité du levier de financement public. Le fonds vise ainsi l’accès à des entreprises souvent familiales et rétives à l’investissement privé, sans imposer d’ouverture de leur capital social, malgré une activité à forte intensité capitalistique. L’effet de levier recherché a fonctionné jusqu’à un facteur 10 : pour un euro public investi, dix euros ont pu être levés auprès d’investisseurs privés.

Désormais fermé à de nouveaux projets, le fonds Bois reste pérenne jusqu’en 2021, y compris pour faciliter la recapitalisation d’entreprises encore bénéficiaires du dispositif.

Devant le succès de cette opération, BPI France a lancé au cours de l’année un fonds Bois II, également ouvert au secteur de la construction et à celui de l’ameublement, afin d’appuyer les projets d’investissement dans des équipements de production et les projets de développement sur les marchés nouveaux du bois (électronique imprimée, chimie du bois, produits éco-conçus, gazéification, etc.). De manière plus classique, la consolidation et l’expansion économiques des acteurs (mutualisation, croissance externe, industrialisation) sont également encouragées.

Le fonds Bois II sera doté à hauteur de 25 à 40 millions d’euros, issus de fonds publics et de souscripteurs privés. Il associe les fédérations professionnelles, notamment pour la recherche d’investisseurs. Une première évaluation interne a montré que la réussite de ce fonds ne dépendait à ce jour pas tant du niveau des fonds mobilisés, somme toute modeste, que du nombre de projets à soutenir, encore insuffisant. Un effort de communication, à l’échelle des BPI régionales notamment, paraît donc crucial à l’efficacité complète de cette initiative.

Plus généralement, les outils de la BPI doivent être mis à la portée des entreprises de la forêt et du bois pour soutenir leur activité. Le prêt pour l’innovation (PPI), qui peut mobiliser jusqu’à 1,5 million d’euros sur 7 ans, permet de financer sans garantie les charges liées à l’industrialisation et à la commercialisation des innovations, qui sont une des principales clés du gain de compétitivité de ces entreprises.

En outre, les prêts participatifs de développement (PPD), utilisés par BPI France dans le cadre du fonds de modernisation des scieries, permettent de soutenir le haut de bilan des petites entreprises qui investissent sans ouverture de leur capital, ce qui trouve une application appropriée dans un tissu industriel caractérisé par des entreprises de petite taille et souvent familiales.

Le partenariat avec les agents privés – investisseurs ou interprofessions – est la clé de voûte de ces interventions, dans la mesure où il augmente leur efficacité : meilleure entente mutuelle, meilleure connaissance des dispositifs proposés auprès des entreprises visées, installation d’une relation de confiance propice à l’investissement. Ainsi, BPI France souhaite reprendre le contact avec les fédérations professionnelles en vue de créer un nouveau fonds commun de placement à risque (FCPR) pour la filière. Une telle logique de partenariat public-privé préside également aux initiatives de la Nouvelle France industrielle (cf. infra).

ii. Le Fonds stratégique de la forêt et du bois

Les acteurs rencontrés par votre rapporteure et votre président ont unanimement regretté la disparition du Fonds forestier national en 1999. Créé en 1946, il avait pour objet de financer les investissements forestiers et d’aider au reboisement des parcelles privées, à partir d’une taxe récoltée auprès des exploitants forestiers et des industriels de la première transformation du bois. Il était abondé, depuis les années 1980, à hauteur de 60 millions d’euros.

La justification de l’existence de ce fonds était d’encourager la mobilisation de la ressource bois, afin de fournir, en aval, des industries en essor comme la production papetière. L’investissement public initial était largement compensé par les gains économiques observés en matière de croissance et d’emplois des activités concernées. Cependant, le fonctionnement complexe du Fonds comme son manque de transparence budgétaire ont entraîné sa disparition.

La loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, a répondu aux attentes des professionnels de la filière et a rétabli un fonds de soutien public : le Fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB). Le nouvel article L. 156-4 du code forestier précise que, via ce fonds, « l'État concourt […] au financement de projets d'investissements, prioritairement en forêt, et d'actions de recherche, de développement et d'innovation ».

Ce fonds est abondé par des crédits de l’État uniquement, dans le respect des principes budgétaires. La loi de finances pour 2015 a prévu une dotation de 21,8 millions d’euros en crédits de paiement et de 10,7 millions d’euros en autorisations d’engagement. Le rapport Caullet (14), qui avait encouragé le rétablissement d’un tel fonds, avait milité pour une dotation à hauteur de 100 millions d’euros. Par ailleurs, cette dotation ne reflète qu’un effort budgétaire modeste : les crédits du FSFB sont principalement issus de transferts d’actions existantes de soutien à la filière sylvicole. La dotation du FSFB provient en effet :

– des crédits de l’action budgétaire auparavant consacrée aux investissements forestiers, à la modernisation des scieries, à l’animation de filières, aux études et recherches (10,5 millions d’euros) ;

– du produit existant des compensations financières pour défrichement (18 millions d’euros) ;

– enfin, du produit d’une taxe additionnelle sur le foncier non bâti, collectée par les chambres d’agriculture (3,8 millions d’euros).

Une amélioration est toutefois perceptible : le fonds bénéficiera en 2016 de crédits estimés à près de 25 millions d’euros, lesquels appellent un cofinancement du fonds européen FEADER pour monter à un niveau estimé entre 40 et 50 millions d’euros. Il reste à observer comment ces crédits seront effectivement déployés, avec quel ciblage et selon quelles modalités d’intervention (subventions, investissements, prises de participation, etc.).

b. Le comité stratégique de filière « bois »

Le Conseil national de l’industrie a permis l’émergence, entre 2013 et 2014, de nouvelles structures de gouvernance des principales filières industrielles françaises : les comités stratégiques de filière. Ces derniers ont l’ambition de consolider chaque filière française pour les rendre plus compétitives, développer des stratégies d’exportation et privilégier les solutions françaises en matière de sous-traitance ou de fourniture, au travers de la signature d’un « contrat de filière » qui engage ses principaux acteurs économiques. En outre, ils ont un rôle de soutien des initiatives innovantes, pour structurer une offre d’avenir de rupture.

Le contrat de filière du comité stratégique de la filière bois, signé en décembre 2014, vise à engager l’ensemble des acteurs – l’État, les régions et les professionnels – en faveur d’une stratégie commune de long terme permettant de développer efficacement et durablement l’exploitation et l’usage du bois en France. Il permet ainsi d’organiser les politiques publiques autour de plusieurs objectifs :

– Une meilleure structuration du segment industriel et du tissu entrepreneurial de la filière bois française ;

– Un renforcement de l’innovation, du marketing et du design autour des produits en bois pour favoriser leur vente sur le territoire national et à l’étranger ;

– La promotion et le développement de l’offre de formation au sein de la filière bois ;

– Une plus grande adaptation de l’offre de la première transformation aux besoins des marchés de la deuxième transformation.

L’État s’engage également sur le plan budgétaire, puisque jusqu’à 30 millions d’euros du Fonds chaleur devraient être consacrés chaque année à des actions de mobilisation du bois.

Le contrat de la filière bois présente un ensemble d’avantages. Il offre un outil d’accompagnement et d’analyse commun à toutes les parties prenantes, permettant une vision d’ensemble de la filière et une meilleure structuration du segment industriel et du tissu entrepreneurial. Il repose ainsi sur des objectifs préalablement définis au travers de 9 axes stratégiques, déclinés en 31 actions. Il permet un pilotage plus sûr de la filière, notamment en permettant le partage de données fiables et transparentes, en tenant compte des évolutions des marchés internationaux et de la diversité des forêts françaises.

Toutefois, certaines faiblesses peuvent d’ores et déjà être soulignées : un nombre trop ambitieux d’actions lancées simultanément, mais sans hiérarchisation évidente. En outre, le contrat recherche le développement de la demande de bois français sans s’attacher à résoudre, par des propositions concrètes, le problème de la mobilisation de la ressource sur le territoire national. Précisément, avec un tropisme industriel fort, l’articulation avec les actions menées sur l’amont de la filière, en particulier avec le programme national de la forêt et du bois, doit être un point de vigilance. Enfin, la Fédération nationale du bois (FNB), qui représente en particulier de nombreux industriels de la première transformation du bois, a refusé d’apposer sa signature au contrat.

c. Le recours aux investissements d’avenir au travers des plans de la Nouvelle France industrielle

Avant qu’ils ne soient fusionnés au sein des 9 solutions industrielles, les 34 plans de la Nouvelle France industrielle visaient à concilier intervention publique et gouvernance privée, dans une démarche de partenariat relativement inédite. Un de ces plans était consacré aux industries du bois. Piloté par deux industriels, MM. Frank Mathis et Dominique Weber, il a pour ambition de développer le bois dans la construction, et en particulier à permettre le déploiement d’immeubles de grande hauteur (IGH), pour lesquels la culture « béton » est particulièrement ancrée : l’ambition est de créer un immeuble de 30 étages avec une ossature bois à l’horizon 2030. Plusieurs actions ont été retenues dans la feuille de route du plan :

– Simplifier les normes pour lever les freins à l’offre d’IGH en bois ;

– Soutenir des projets pilotes (démonstrateurs) ;

– Amorcer le marché par la commande publique, de l’État ou des collectivités territoriales ;

– Structurer l’offre pour la rendre compétitive et exportable.

L’enjeu du plan est de prouver qu’avec une impulsion publique, les innovations du secteur du bois construction en matière d’ossature pouvaient aller jusqu’au stade de l’industrialisation et rencontrer une demande à même de tirer la filière vers le haut. En effet, les responsables du plan, qui avait été auditionnés par M. Jean Grellier dans le cadre de son rapport pour avis « Industrie » sur le projet de loi de finances pour 2015 (15), faisaient un constat analogue à celui présenté dans ce rapport : sans débouché sûr (la construction urbaine, en particulier), l’atomicité et l’intensité capitalistique du tissu industriel de la filière bois-forêt découragent la prise de risques, l’investissement et le développement d’une offre industrielle compétitive.

Le financement des plans industriels obéit à une logique budgétaire particulière, adossée aux crédits des deux programmes d’investissements d’avenir (PIA). Aucune subvention ne vient à l’appui du plan « industrie du bois », qui doit faire émerger des projets industriels, innovants, et suffisamment porteurs pour qu’une aide publique puisse se matérialiser. Ces projets candidatent aux appels d’offres proposés par les opérateurs des PIA (l’ADEME, BPI France, par exemple), avec un dossier élaboré conjointement avec les services de la direction générale des entreprises. Il n’y a certes pas de fléchage automatique des crédits PIA vers les plans industriels, mais les projets retenus par ces derniers répondent suffisamment aux critères de « mieux-disant » des appels d’offres pour obtenir en règle générale un soutien public.

Enfin, pour le plan « Industrie du bois », l’articulation avec le comité stratégique de filière (cf. supra) a été prévue pour assurer un relais territorial efficace, et permettre que la filière dans son ensemble puisse se mobiliser autour de l’ambition de ce plan.

Le plan « Industrie du bois » a été fusionné avec d’autres au sein de la solution industrielle « Ville durable », qui a été créée en mai 2015. L’initiative des 9 solutions industrielles devrait faire rapidement l’objet d’une première évaluation dans les travaux à venir de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

d. Les pôles de compétitivité et les centres techniques industriels

La philosophie qui anime le développement des pôles de compétitivité et des centres techniques industriels (CTI) est de permettre de joindre les efforts de l’appareil industriel français, des établissements d’enseignement supérieur et des centres de recherche et de développement, afin d’encourager un dialogue permanent et une synergie à même de stimuler l’innovation. Les pôles de compétitivité ont été créés en 2004, autour d’un territoire et d’une thématique définis, et animent un écosystème tourné vers l’innovation ; les centres techniques industriels datent de 1948, afin d’encourager la modernisation de l’industrie, la promotion du progrès technique et l’adaptation des entreprises aux besoins du marché.

Lors de son déplacement en Gironde, la mission d’information a ainsi pu rencontrer les responsables du pôle de compétitivité Xylofutur. Organisé autour de la filière bois-forêt, ce pôle a pour ambition de créer des liens durables entre les acteurs économiques et les laboratoires de la région, en offrant des solutions d’ingénierie et d’animation de projets de recherche et de développement ou en soutenant des programmes d’industrialisation ou de commercialisation. Il oriente également son action dans le domaine de la chimie verte, où de nombreux marchés innovants émergent.

Depuis 2005, le pôle a labellisé 174 projets, pour un budget de 354,5 millions d’euros. 113 projets ont été financés à hauteur de 128 millions d’euros, dont 59,4 millions de fonds publics. À ce jour, 52 projets ont abouti : 16 projets forestiers, 28 projets dans le secteur du bois construction, et 8 projets de chimie du bois.


Source : Xylofutur

La mission d’information a également pu auditionner des représentants du CTI qui soutient la filière bois-forêt : l’Institut technologique Forêt Cellulose Bois-construction Ameublement (FCBA). Sa mission correspond au constat présenté dans le rapport au Premier ministre de Mme Clotilde Valter (16) : « les TPE et PME industrielles françaises n’ont pas les moyens d’innover, de se doter en R&D et de se développer à l’international. Grâce aux CTI (...), elles peuvent accéder à des outils techniques de pointe, à une expertise innovante et assurer leur développement à travers l’innovation et la conquête de marchés extérieurs ». À ce titre, l’État soutient le FCBA à hauteur de 7 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016.

Plus précisément, le champ d’action du FCBA couvre l’ensemble des industries de la forêt, de la pâte à papier, du bois et de l’ameublement. Ses activités se structurent autour de trois grands axes : la mise à disposition d’un savoir-faire (assistance technique, formation, information) ; l’accompagnement sur les marchés français comme internationaux ; l’acquisition et la diffusion d’informations scientifique susceptibles d’intéresser les entreprises.

II. RECOMMANDATIONS POUR UNE MEILLEURE VALORISATION ÉCONOMIQUE DE LA FILIÈRE

A. AGIR SUR LA STRUCTURE DE LA FILIÈRE

1. Sur la gouvernance

Recommandation n° 1 :

La création d’un délégué interministériel pour la forêt et le bois

Même si la gouvernance publique et privée de la filière bois-forêt n’est pas au cœur des préoccupations auxquelles ce rapport s’attache de répondre, force est de reconnaître que l’économie de la filière ne se structure pas spontanément de manière satisfaisante et qu’une action publique plus volontariste serait opportune.

La création d’un délégué interministériel pour la forêt et le bois, placé auprès du Premier ministre, aurait trois principaux objectifs :

Améliorer la cohérence et la transparence de la gouvernance publique de la filière : il s’agit de permettre la meilleure articulation des politiques des ministères concernés (Agriculture, Économie et industrie, Écologie et développement durable), parfois contradictoires, et de montrer un seul « visage » aux acteurs de la filière. Les missions du délégué interministériel seraient, dans ce cadre, de valoriser la forêt et le bois dans leur dimension économique, dans le respect de principes de gestion écologique et durable.

Faciliter la structuration de la filière afin de la rendre compétitive : en particulier, le délégué interministériel aurait pour mission d’encourager le « recouplage » entre les besoins et les ressources de l’amont forestier et les besoins et les débouchés de l’aval industriel. En particulier, il pourrait jouer un rôle d’interface entre le Comité stratégique de filière « bois » et le programme national de la forêt et du bois. Il pourrait également servir de médiateur dans l’éventuel rapprochement des deux principales interprofessions de la filière, France Bois Forêt et France Bois Industries Entreprises, que de nombreux acteurs plébiscitent. La mise en place d’un réseau de délégués régionaux, coordonné par le délégué interministériel, permettrait d’obtenir un maillage suffisamment fin pour saisir et exploiter les spécificités de chaque territoire.

Communiquer les mesures concrètes de soutien qui sont mises en place par les acteurs publics à destination des entreprises du bois et de la forêt, écouter et transmettre leurs revendications – dans une logique de guichet unique –, mener des campagnes de sensibilisation de l’opinion publique pour encourager l’acceptabilité sociale des coupes d’arbres.

Il ne s’agit pas d’ajouter une couche de gouvernance supplémentaire, mais bien de créer un outil de médiation entre des intérêts publics et des intérêts privés qui peuvent diverger, dans une logique d’émulation plus que de gouvernance à outrance. Votre rapporteure et votre président croient en effet que si la rencontre d’intérêts mutuels entre les différents acteurs de la filière peut être stimulée lorsqu’elle n’est pas spontanée, il est essentiel que l’intégration de filières vienne de l’action collective de ces acteurs eux-mêmes.

Recommandation n° 2 :

La mise en place d’un Observatoire économique de la forêt et du bois, rattaché à l’Office national des forêts

Le regain de compétitivité de la filière bois-forêt serait facilité par la mise à disposition des acteurs économiques d’études économiques et de ressources statistiques complètes et fiables. Il s’agit d’éclairer les décisions économiques des entreprises par une meilleure connaissance de leur environnement : cartes des massifs forestiers (pourcentage d’exploitation, quantité de bois récolté, variétés d’essences, capacité de mobilisation, etc.) et des chaînes logistiques (implantation des principaux sites sylvicoles et industriels, routes d’approvisionnement, zones de tension sur la disponibilité des ressources).

Par exemple, l’Observatoire pourrait compiler les données issues du schéma d’accès à la ressource forestière, élaboré par les départements en application de la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de 2014. Ce schéma prévoit des itinéraires empruntant des routes départementales, communales et intercommunales et permettant d’assurer le transport de grumes depuis les chemins forestiers jusqu’aux différents points de livraison.

Les travaux de l’Observatoire seraient également essentiels à la précision des politiques publiques à destination de la filière : ils permettraient d’évaluer et de désamorcer les éventuels conflits d’usage sur la ressource bois, d’anticiper les besoins en main-d’œuvre et en formation professionnelle, d’assortir de données chiffrées les mesures de planification du Comité stratégique de filière « bois » ou du programme national de la forêt et du bois.

Parmi les enjeux qui pourraient animer cette initiative figure la nécessaire prospective des besoins nouveaux et des marchés émergents afin que les entreprises concentrent leur effort d’innovation et commercialisent une offre adaptée.

L’interprofession France Bois Forêt a mis en place, en 2009, un observatoire qui compile des données de marché à destination des professionnels de la filière (prix et volumes de bois disponibles, points de conjoncture, baromètres d’activité, etc.). L’état d’esprit est identique : il s’agit de développer la filière par une meilleure connaissance de son environnement économique. L’Observatoire économique serait placé sous la tutelle de l’ONF, et aurait l’avantage de disposer d’importantes bases de données publiques pour produire ses analyses, études et documents de prospective. Des partenariats ad hoc entre administration et interprofessions pourraient également être envisagés afin qu’elles combinent leurs efforts pour produire l’information économique la plus complète possible.

2. Sur la formation

Le fonctionnement vertueux d’une filière industrielle repose sur un appareil de formation efficace, qui permet de renouveler les compétences et de tirer le meilleur parti des efforts d’innovation des entreprises. La filière bois-forêt se heurte pourtant à un double problème, qualitatif et quantitatif. D’une part, l’éventail de formations est insuffisamment développé sur le territoire français et l’appariement de ces formations avec les besoins des entreprises est lacunaire ; d’autre part, les formations disponibles manquent d’attractivité. Il convient donc d’agir à la fois sur l’offre et sur la demande de formations tournées vers les métiers de la forêt et du bois.

Recommandation n° 3 :

Compléter l’offre de formation pour répondre aux besoins des entreprises en main-d’œuvre qualifiée

Selon le FCBA, pour maintenir le volume de bois récolté et mobilisé, il faudrait former chaque année 80 bûcherons en France, alors que les capacités des établissements n’excèdent pas 35 diplômes de BTS par an.

Plus largement, c’est l’ensemble de la palette des métiers de la filière bois-forêt qui fait l’objet d’une carence d’offre de formation, ce qui gêne la revitalisation des entreprises du secteur et empêche de développer correctement une économie davantage tournée vers la croissance verte. Il manque ainsi, en amont de la filière, des conducteurs d’engins, des scieurs, des ouvriers sylvicoles ; en aval, des architectes spécialisés dans la construction en bois, des ingénieurs de la première transformation, des spécialistes du bois énergie et des chimistes. L’évolution des métiers, davantage mécanisés, sinon digitalisés, suppose que la modernisation de l’appareil productif s’accompagne d’une modernisation des compétences des personnels. L’accroissement et la diversification de l’offre de formation, initiale ou continue, doivent constituer une priorité.

À l’heure actuelle, s’il existe des écoles spécialisées dans les métiers du bois, celles-ci restent peu répandues sur le territoire national : l’école AgroParisTech Engref est la seule à véritablement former des ingénieurs forestiers, l’Enstib (École nationale supérieure des technologies et industries du bois) de l’université de Nancy et l’ESB (École supérieure du bois) à Nantes sont les deux seuls grands établissements ayant développé une large gamme de formations (BTS, licences professionnelles, masters, cycles ingénieur, doctorats) pour répondre aux besoins de la filière. Toutefois, le nombre de diplômes est encore modeste dans ces deux établissements.

Dans ce cadre, il convient :

– de développer les offres de formations offertes au sein des écoles de la filière bois-forêt : élargir les spécialités proposées en BTS, licence et master vers le design et l’écoconception ; créer des doubles diplômes permettant d’intégrer des profils commerciaux aux profils ingénieurs ; développer les formations d’agroforesterie ;

– de soutenir l’essor du réseau de formations continues à tous les niveaux, des ingénieurs forestiers jusqu’aux exploitants eux-mêmes, afin de sensibiliser et de démocratiser les techniques, modes d’organisation et outils nouveaux ;

– de promouvoir et faire mieux connaître les centres départementaux de formation du bois ;

– de mettre en place, aux niveaux gouvernemental et déconcentré, une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) permettant d’évaluer le réservoir de compétences nécessaires à moyen et long termes, par exemple par le biais des programmes national et régionaux de la forêt et du bois.

Recommandation n° 4 :

Stimuler l’attrait des formations initiales et continues dans les métiers de la forêt et du bois

Des campagnes de communication et de sensibilisation doivent être mises en œuvre à destination des jeunes à la recherche d’une formation qualifiante tout comme des actifs qui souhaitent opérer une reconversion professionnelle.

En effet, les métiers du bois et de la sylviculture pâtissent d’une réputation passéiste, déconnectée de la réalité des formations et des carrières. La révolution des techniques, notamment l’irruption du numérique, le besoin d’innovation à chaque stade de la filière, les enjeux écologiques, devraient contribuer à renforcer l’attrait des métiers du bois et de la forêt, à condition que leur image surannée soit effacée.

Souffrant encore d’une mauvaise réputation, les débouchés qu’offre la filière bois sont souvent méconnus par les jeunes. L’amont de la filière – et en particulier les scieries – peinent à recruter suffisamment de main-d’œuvre qualifiée, en grande partie parce que les formations professionnelles actuelles ne sont pas parvenues à rester attractives. Pourtant, la filière bois offre désormais de nouvelles perspectives de carrière, en accord avec les attentes d’une large population, notamment les actifs en reconversion, les femmes ou encore les plus jeunes qui souhaiteraient un contact plus direct avec le monde professionnel par la voie de l’apprentissage. L’attrait des formations est donc l’un des principaux défis de la filière.

Plusieurs leviers sont envisageables pour concourir à renforcer cette attractivité :

– promouvoir la filière bois-forêt à l’école, dans les régions forestières, au moyen de partenariats éducatifs conclus avec les acteurs locaux du bois : interventions organisées en classe par des représentants de la filière, visites programmées en entreprises, présentation des centres de formation d’apprentis, orientation des stages vers les métiers du bois ;

– améliorer l’information et l’orientation professionnelle vers les métiers du bois avec par exemple la labellisation d’un réseau d’organismes chargés de conseiller et d’informer sur les opportunités d’emploi de la filière (informations sur les métiers, les qualifications, les formations ou des conseils personnalisés) ;

– créer des campagnes de communication orientées sur l’accomplissement individuel, l’innovation et la diminution de la pénibilité des métiers du bois afin de moderniser l’image de ces métiers ;

– développer l’apprentissage au sein de la filière en encourageant la mise en relation des établissements d’enseignement et des entreprises locales.

3. Sur le recouplage entre l’amont et l’aval

La déconnexion des intérêts de l’amont et de l’aval est la difficulté structurante des entreprises du bois et de la forêt. Dans une économie mondialisée et concurrentielle, l’intégration de la filière relève d’un patriotisme économique qui fait aujourd’hui défaut, comme en témoigne son important déficit commercial. Cette intégration suppose la rencontre d’une offre et d’une demande locales, tout au long de la chaîne de valeur, afin de présenter à l’international une filière indépendante et compétitive. Dans le cas particulier du bois, ressource lourde et coûteuse à transporter, le recours à des circuits courts est en outre une décision économique rationnelle.

De nombreuses initiatives spontanées ont émergé pour réconcilier les intérêts de l’aval et de l’amont, et amorcer le recouplage économique de la filière. Ainsi, l’association Forinvest a pour objet de regrouper les propriétaires forestiers privés qui souhaitent investir dans des entreprises industrielles du bois. Elle compte 150 investisseurs pour un capital investi qui s’élève à 4 millions d’euros. La démarche recherchée est l’intégration de l’amont forestier et de l’aval industriel de la filière (scierie, construction, chimie du bois, etc.) : en investissant des capitaux dans des PME industrielles, les propriétaires forestiers sont à même d’engager un dialogue constructif sur les besoins mutuels de chaque partie, et sur le meilleur moyen d’améliorer leur performance économique et de créer de la valeur ajoutée. En outre, avec ces partenariats, les propriétaires forestiers consolident leurs débouchés et les industriels sécurisent leur approvisionnement, dès lors que la plupart des investisseurs choisissent des PME proches de leur forêt. L’impulsion publique a été utile : le ministère de l’agriculture a soutenu l’initiative Forinvest en permettant son financement logistique (gestion, finances, comptabilité) et, au départ, sa communication.

De même, une réflexion a émergé au sein de la filière, dans la continuité des travaux du comité stratégique de filière : les professionnels se rencontrent et partagent leurs points de vue pour améliorer leur bonne entente économique. Votre président et votre rapporteure ont ainsi pu observer des échanges constructifs lors de tables rondes réunissant de nombreux acteurs de la filière bois-forêt de l’Ain, au sein du salon des produits innovants et design d’Oyonnax (SPIDO).

Recommandation n° 5 :

Créer un label « qualité France » pour développer l’esprit de patriotisme économique de la filière

Lorsque les initiatives spontanées sont insuffisantes, il faut développer des outils d’action publique à même d’encourager les acteurs de la filière à mieux s’entendre. Ainsi, il serait utile de confier au comité stratégique de filière « bois » une mission de labellisation des produits du bois français.

Dans un référé de 2013 à l’attention du Premier ministre, portant sur la politique publique en matière de qualité industrielle, la Cour des comptes avait ainsi préconisé de développer un label « qualité France ». Il pourrait s’appliquer aux produits du bois français, qui, s’ils peinent à concurrencer efficacement les produits à prix cassés en provenance de concurrents étrangers, sont réputés pour leur confection, pour le savoir-faire qu’ils incorporent et pour la qualité du bois utilisé. Ce label serait un levier utile de compétitivité hors-prix à l’international, et permettrait d’unifier la filière autour d’une bannière commune.

A. AGIR SUR L’ÉCONOMIE DE LA FILIÈRE

1. Sur l’amont forestier

Les entreprises sylvicoles pourraient bénéficier d’une politique fiscale davantage ciblée vers la gestion active des parcelles forestières et d’une politique économique mieux assumée.

L’enjeu principal de ces politiques est d’améliorer la disponibilité de la ressource et de réduire la sous-exploitation chronique de la forêt française, qui empêche le développement vertueux de l’aval de la filière.

Recommandation n° 6 :

Réorienter la fiscalité forestière afin d’encourager une gestion plus productive des exploitations

La spécificité de l’exploitation économique de la forêt – temps de croissance biologique très long, récoltes irrégulières, investissements sur le temps très long, bénéfices aléatoires – explique la mise en œuvre d’un régime fiscal adapté. Ainsi l’impôt sur le revenu est calculé de façon forfaitaire chaque année, par anticipation des revenus qui seront issus des futures coupes.

En tout, 11 dispositifs sont relevés dans le projet annuel de performances du programme « Forêt » en 2015. Si une majorité vise à compenser les lourdes assurances contre les risques de tempête que les propriétaires doivent prendre à leur charge, il existe également plusieurs crédits d’impôt sur le revenu pour investissements et travaux forestiers (les DEFI – cf. infra), à hauteur de 8 millions d’euros, ainsi qu’une exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties en faveur des terrains plantés ou replantés en bois (5 millions d’euros pour 2014), afin d’encourager les politiques de reboisement.

Mais certains dispositifs fiscaux historiques ont fait de la forêt un champ d’investissement patrimonial favorable, sans pour autant requérir d’exploitation économique :

– Les propriétaires assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) peuvent bénéficier d’un abattement de 75 % de la valeur de leur forêt ;

– Lors d’une donation, d’un legs ou d’une succession, un abattement de 75 % est également consenti sur les droits de mutation à titre gratuit (DMTG).

Certes, l’abattement sur l’ISF comme sur les DMTG est conditionné à la mise en place d’un certificat de gestion durable et d’un contrôle de la gestion de la propriété, mais pas à une véritable gestion productive – en tout cas lorsque la taille de la parcelle le justifie. De même, l’abattement sur les DMTG favorise la transmission par héritage des biens forestiers, mais, faute de porter également sur les droits de mutation à titre onéreux (pour les plus petites parcelles), aucun dispositif fiscal, jusqu’à la mise en œuvre cette année du DEFI, n’encourageait le regroupement des petites parcelles à des fins d’exploitation économique rentable.

De ce fait, il convient de réorienter les incitations fiscales forestières dans un sens plus gestionnaire et moins patrimonial. Cette réorientation permettrait aussi de remédier au morcellement de la forêt privée. À cette fin, il est préconisé de :

– conditionner l’abattement de 75 % de la valeur de la forêt pour les propriétaires forestiers assujettis à l’ISF (qui ne représentent que 1 % du total, pour un coût estimé par la Cour des comptes à 20 millions d’euros) à une exploitation économique effective de leur parcelle, dans une logique proche du mécanisme ISF-PME. L’abattement sur l’ISF se justifie dans la mesure où il permet d’encourager des contribuables aisés à investir dans la forêt ; cette mesure permettrait de transformer la niche fiscale en incitation fiscale productive ;

– étendre aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO) le dispositif d’exonération portant sur les DMTG, qui permet de limiter le morcellement de la forêt française – les héritiers pouvant être tentés de vendre des petites parcelles de leur propriété pour acquitter ces droits de mutation. L’extension de cette mesure aux DMTO ne vaudrait que pour les plus petites parcelles (moins de 4 ha) et serait temporaire, afin d’amorcer efficacement le regroupement des parcelles. Le coût de cette mesure pourrait être compensé par les gains d’ISF des contribuables ayant renoncé à l’abattement de 75 % suite à la mise en place de la conditionnalité prévue ci-dessus ;

– prolonger la durée des différents dispositifs d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt (DEFI) afin d’apporter un horizon fiscal stable aux entrepreneurs sylvicoles. Les DEFI consistent en une réduction de l’impôt sur le revenu ou un crédit d'impôt pour les contribuables réalisant des investissements forestiers. Ces dispositifs doivent s’éteindre au 31 décembre 2017. Ils se matérialisent par plusieurs formes d’incitations fiscales cumulables : une réduction d’impôt sur le revenu de 18 % de la valeur de l’acquisition de bois, de terrains à boiser, de parts de groupements forestiers ou de sociétés d’épargne forestières ; une réduction d’impôt sur le revenu de 76 % du coût de la cotisation d’assurance comprenant le risque tempête ; un crédit d’impôt sur le revenu de 18 % du coût de la réalisation de travaux forestiers sur des parcelles d’au moins 10 ha ; un crédit d’impôt sur le revenu de 18 % du coût de passation d’un contrat de gestion de forêts avec un expert, une coopérative, une organisation de producteurs ou l’ONF. Il est proposé de prolonger la durée des DEFI jusqu’à 2020, au moins, afin d’apporter aux propriétaires un gage de stabilité fiscale propice à la réalisation d’investissements forestiers et donc de redynamisation économique du secteur sylvicole.

Recommandation n° 7 :

Renforcer les incitations fiscales au regroupement des propriétaires, sans coût financier supplémentaire

La structuration de l’offre forestière suppose d’encourager le regroupement des propriétaires forestiers. L’exploitation de parcelles plus importantes permet de mutualiser les moyens de production, de rationaliser les politiques de coupe, d’engendrer des économies d’échelle importantes. À ce titre, le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt a mis en place un agrément à destination des organisations de producteurs (OP), en contrepartie d’obligations détaillées dans la circulaire du 23 décembre 2010. Parmi celles-ci figurent :

– la mobilisation et la commercialisation d’au moins 50 000 mètres cubes de bois par an ;

– la vente d’au moins 50 % des volumes récoltés par voie de contrats d’approvisionnement avec les industries de l’aval (cf. infra) ;

– une proportion d’au moins 70 % du chiffre d’affaires issus d’activités sylvicoles ;

– la garantie de l’origine des produits ;

– la tenue de documents de gestion comme les plans simples de gestion.

Ces obligations importantes permettent de bénéficier de majorations fiscales au titre des DEFI : tandis qu’un propriétaire isolé, produisant un document de gestion durable et réalisant des travaux forestiers bénéficie crédit d’impôt sur le revenu de 18 % du coût de la réalisation de ces travaux, un propriétaire regroupé en organisation de producteurs agréée bénéficie d’un taux de 25 %. La même majoration vaut pour la déduction fiscale sur le coût de passation d’un contrat de gestion de forêts.

L’enjeu est d’envoyer des signaux fiscaux aux propriétaires en les incitant à se diriger vers des organisations productives. L’agrément, délivré par les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF), produit de réels effets économiques : selon l’Union de la coopération forestière française, un adhérent de coopérative agréée « OP » produit en moyenne 56 % de volume en plus qu’un adhérent de coopérative non agréée.

Afin de renforcer l’efficacité de ce dispositif, il est proposé d’augmenter l’incitation fiscale dont bénéficient les organisations de producteurs agréées, à obligations égales, à 33 % du coût de travaux forestiers ou du coût de passation d’un contrat de gestion de forêt. Ce dispositif serait financé par la réduction de l’aide fiscale dont bénéficient les propriétaires isolés (18 % actuellement), dans une proportion qui suppose une évaluation par la direction de la législation fiscale, afin de neutraliser le coût pour les finances de l’État. L’incitation serait donc double : l’augmentation de la première incitation encourage la mobilisation de la ressource, par la réalisation de travaux ou par la passation de contrats de gestion ; la réduction de la seconde encourage le regroupement.

Recommandation n° 8 :

Développer une politique économique forestière à part entière

L’État doit saisir l’opportunité que constitue la signature du nouveau contrat d’objectif et de performance 2016-2020 de l’ONF pour inciter cet opérateur à développer une réelle politique économique forestière, dont il a les moyens en sa qualité de principal acteur du marché de la forêt en France. L’ONF, placé sous la tutelle du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt et du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, est en effet légitime pour organiser cette politique, alors que les actions menées par le ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie sont parfois considérées comme des ingérences.

En particulier, l’ONF devrait remplir une mission de gestion prévisionnelle des ressources et des besoins pour adapter au mieux la forêt publique à la demande de l’aval de la filière, dans une logique d’intégration économique plus que de conservation des massifs forestiers.

Comme acteur public, l’ONF peut aussi jouer un rôle d’impulsion, comme en matière de contractualisation des approvisionnements, afin de réduire l’incertitude des livraisons et de consolider les relations entre amont et aval. Aujourd’hui, cet opérateur ne recourt au contrat que pour 20 % des bois feuillus vendus, et 41 % des résineux. En fixant un standard de contractualisation plus élevé, l’ONF utiliserait son poids d’acteur dominant du marché sylvicole pour développer cette pratique.

Enfin, l’ONF pourrait, en lien avec le Conseil de la simplification, amorcer une réflexion sur l’opportunité de créer un document de gestion durable unique, pour réduire les coûts de transaction des entreprises sylvicoles. Ces documents de gestion, qui concernent également les forêts publiques (documents d’aménagement) analysent de l’état et le potentiel de la parcelle et permettent une planification des interventions (coupes, reboisement, travaux d’entretien) sur plusieurs années. Ces documents sont aujourd’hui au nombre de quatre :

– le plan simple de gestion (PSG) pour les forêts privées de plus de 10 ou de 25 ha selon les régions ;

– le code de bonnes pratiques sylvicoles (CBPS) pour les petites parcelles ;

– le schéma régional de gestion sylvicole (SRGS), document d’orientation régional élaboré par les CRPF ;

– le règlement type de gestion (RTG) pour les propriétaires dispensés de l’obligation d’élaborer un PSG mais qui exploitent effectivement leur forêt.

Ainsi, produire un plan simple de gestion à jour permet de s’exonérer de formalités administratives (comme des autorisations de coupe) et de bénéficier des avantages fiscaux décrits ci-dessous, en échange de la garantie d’une gestion durable des parcelles. Les contraintes administratives et les modalités de contrôle qui accompagnent les PSG expliquent que certains propriétaires détenant des forêts peu productives refusent de s’y soumettre. La simplification administrative de ces documents pourrait être un gage de gains de temps et un signal envoyé aux propriétaires afin d’encourager une gestion économique de leur bien forestier.

La politique économique forestière doit également se développer à l’échelon régional. Depuis la promulgation de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, la compétence économique est en effet détenue de plein droit par les Régions, afin de prendre en compte les particularités de chaque territoire. Pour la filière bois-forêt, cette maille territoriale est pertinente, dans la mesure où elle permet d’appréhender la spécificité de chaque bassin de production : massifs forestiers, sites industriels, bassins d’emplois. La politique régionale du nouvel ensemble Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes ne dessinera ainsi pas les mêmes priorités que la politique de Rhônes-Alpes-Auvergne, tant la forêt française et le tissu industriel de chaque territoire sont différents.

Une feuille de route « forêt et bois » devrait donc rapidement être mise en place par les conseils régionaux lors de leur prochain renouvellement, en lien avec les services déconcentrés de l’État d’une part (les DRAAF et le préfet de région en charge de l’élaboration du programme régional de la forêt et du bois), et les déclinaisons régionales du Conseil stratégique de filière d’autre part. La forme du contrat de filière semble ainsi la plus pertinente pour associer les interprofessions régionales à cette politique économique, et la Région pourra être garante de la bonne articulation entre ce contrat et les programmes régionaux de la forêt et du bois.

Recommandation n° 9 :

Assurer l’effectivité du déploiement des GIEEF

Le groupement d’intérêt économique et environnemental forestier (GIEEF) instauré par la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt est opérationnel suite à la publication du décret du 24 juin 2015.

Il devrait permettre aux propriétaires forestiers privés de se concerter pour gérer durablement et activement leurs forêts, sur une base volontaire. Le GIEEF devra comporter une surface suffisante d’au moins 300 ha ou d’au moins 20 propriétaires pour une surface d’au moins 100 ha, avec des conditions particulières en zone de montagne. La création des GIEEF vise à l’accroissement de la production de bois à l’échelle d'un territoire tout en garantissant des standards environnementaux suffisants pour ne pas surexploiter la ressource.

Cependant, les acteurs rencontrés par votre rapporteur émettent des réserves sur l’efficacité d’un tel dispositif, qui apporte des contraintes administratives supplémentaires sans contrepartie clairement identifiée. À ce titre, il est proposé, de concert avec le ministère de l’Agriculture, que les propriétaires forestiers membres d’un GIEEF bénéficient d’un taux de crédit d’impôt majoré au titre des avantages DEFI. Le niveau de cette majoration devrait être modulé en fonction des obligations réclamées aux propriétaires en contrepartie.

En outre, les plans simples de gestion produits par les GIEEF pourraient être contrôlés de façon plus stricte par les CRPF, afin de garantir une exploitation économique active des parcelles concernées. Ce contrôle soutenu devrait être étendu aux associations de producteurs agréées qui bénéficient également de conditions fiscales plus favorables.

Recommandation n° 10 :

Garantir le ciblage du Fonds stratégique pour la forêt et le bois

Pour rappel, le Fonds stratégique de la forêt et du bois concourt au financement de projets d’investissements, prioritairement en forêt, et d’actions de recherche, de développement et d’innovation qui s’inscrivent dans le cadre des orientations stratégiques du programme national de la forêt et du bois. Ces projets et ces actions visent notamment à améliorer la gestion durable et multifonctionnelle de la forêt.

Toutefois, on peut regretter que le ciblage législatif du fonds ne soit pas uniquement économique (l’article L. 156-4 du code forestier vise la « valorisation de l'ensemble des fonctions économiques, sociales et environnementales des bois et forêts »), ce qui ne signifierait pas négliger la multifonctionnalité de la forêt.

Il serait ainsi souhaitable que ces crédits soient prioritairement investis dans des actions à fort effet de levier pour la filière bois-forêt, notamment pour soutenir l’innovation, la restructuration et le regroupement des industries faiblement compétitives – notamment dans la première transformation. Des actions combinées avec BPI France, avec le FCBA ou avec les pôles de compétitivité permettraient de tirer le meilleur parti des subventions. Il s’agit d’éviter le saupoudrage d’un fonds déjà faiblement doté au vu des enjeux économiques que la filière doit affronter.

2. Sur l’aval industriel

Recommandation n° 11 :

Assurer la continuité des approvisionnements en matière première par le développement de la contractualisation

Comme il a été vu, les industries de l’aval de la filière sont confrontées à des problèmes de sous-investissement. Une des raisons relevées pour justifier cette situation est la difficulté d’avoir un horizon de production suffisamment sécurisant à moyen terme. En effet, les délais de livraison irréguliers ou l’hétérogénéité de la ressource forestière font peser un risque économique aux entreprises : tensions de trésorerie, difficultés à tenir le cahier des charges ou à amortir les investissements réalisés. De même, les incertitudes sur la quantité de matière première à disposition tendent à inhiber les projets de croissance externe ou d’exploration de marchés étrangers.

À ce titre, le développement de la contractualisation de l’approvisionnement, en termes de volumes, de qualité comme de délais, doit être recherché afin de stabiliser les relations commerciales entre l’amont et l’aval. Ainsi, les coopératives forestières utilisent fréquemment cet outil, et les organisations de producteurs agréées sont obligées d’y recourir dans une certaine proportion de leurs volumes commercialisés pour bénéficier de soutiens fiscaux. Plus généralement, la contractualisation pourrait être encouragée en donnant aux propriétaires sylvicoles engagés dans des contrats un accès préférentiel aux aides publiques – par exemple aux interventions du Fonds stratégique de la forêt et du bois.

Dans certaines situations, un modèle de contractualisation souple, sous la forme d’engagements de principe ou de partenariats, serait préférable afin d’éviter les effets pervers de contrats juridiquement trop contraignants sur le prix, la quantité et la qualité des ressources échangées. En effet, si la contractualisation est plébiscitée par les acteurs industriels, les propriétaires sylvicoles ont davantage de réserves à se lier les mains.

Recommandation n° 12 :

Accompagner la restructuration et la modernisation de l’industrie de la première transformation du bois

Secteur pivot de la filière bois-forêt, l’industrie du sciage doit faire l’objet d’une attention particulière. Les fonds Bois I et II de BPI France y concentrent leurs interventions. Face au constat de scieries trop atomisées, à l’appareil productif vieillissant et sans marges de manœuvre financières, la filière doit intervenir. Le comité stratégique de filière devrait représenter l’instance de dialogue naturelle pour encourager les concentrations des scieries en concurrence sur le même territoire, afin de dégager de précieuses économies d’échelle sur les équipements de production, très coûteux.

Il faut en outre noter l’effort fiscal consenti par l’État à destination des scieries : un taux d'amortissement dégressif majoré de 30 % – qui permet, grâce à un amortissement plus rapide, de limiter le coût fiscal de l’acquisition de biens productifs – a été mis en place pour les matériels de production, de sciage et de valorisation des produits forestiers, acquis jusqu’au 31 décembre 2016 par les entreprises de première transformation du bois.

Outre la restructuration du tissu existant, des initiatives de création de scieries industrielles de grande ampleur et modernes pourrait être encouragée par les solutions industrielles, comme le plan « Industrie du futur », avec l’appui des crédits du PIA. Trois conditions seraient requises : ces unités mobiliseraient un effort de R&D suffisant pour dégager des gains de productivité susceptibles d’essaimer dans le reste du secteur. En outre, elles devraient bénéficier de quantités suffisantes de matière première pour être immédiatement rentables. Les grands massifs de forêts de résineux devraient donc être ciblés en priorité. Enfin, elles devraient permettre le maintien en activité de scieries plus artisanales mais spécialisées dans le traitement d’essences rares : les scieries en mesure de traiter des châtaigniers sont ainsi d’ores et déjà en nombre insuffisant sur le territoire français.

Recommandation n° 13 :

Stimuler l’exploration de marchés étrangers pour valoriser les produits à haute valeur ajoutée

Le tissu industriel du secteur bois est largement composé de TPE et de PME, qui ont structurellement des difficultés à pénétrer des marchés étrangers, sur lesquels leurs produits peuvent être compétitifs. En effet, la variété des essences françaises, le savoir-faire et la qualité des biens produits, la haute valeur ajoutée qui en résultent, peuvent s’exporter, à condition que cette offre soit connue.

Un juste accompagnement, par exemple à l’aide de Business France, pourrait ainsi permettre de donner un second souffle à la filière de l’ameublement en France, qui accuse un important déficit commercial (segment moyen de gamme et bas) mais qui pourrait être tiré par le segment haut de gamme. En outre, sur le modèle de la mise en place à venir de la plateforme commerciale « France Viande Export » par le ministère de l’Agriculture, une plateforme consacrée au bois et gérer par les professionnels permettrait aux entreprises de « chasser en meute » à l’international.

Recommandation n° 14 :

Faciliter l’essor du bois construction

Le bois construction constitue un segment en expansion des industries de la deuxième transformation du bois. Cependant, malgré le gisement de croissance et d’emploi que ce secteur constitue, ainsi que des performances énergétiques supérieures, il est actuellement handicapé par une culture de la construction trop tournée vers le béton et le ciment, et par des normes peu favorables. Ainsi, la part du bois dans le marché de la construction stagne depuis plusieurs années autour de 10 % de parts de marché, alors qu’il atteint 15 % en Allemagne et 35 % dans les pays scandinaves.

Le législateur avait tâché de développer les marchés du bois construction en obligeant à recourir à un quota de bois dans certaines constructions nouvelles, disposition censurée par le Conseil constitutionnel (17) pour atteinte à la liberté d’entreprendre.

Dans ce contexte, le développement du secteur du bois construction passe par plusieurs actions qui peuvent se combiner :

– utiliser l’effet d’amorçage de la commande publique pour développer les constructions en bois, à la fois pour encourager les entreprises du secteur et pour utiliser ces bâtiments publics comme vitrine à même de stimuler la demande privée ;

– encourager une normalisation plus équilibrée en direction de la culture bois dans la construction (règles de sécurité, contraintes architecturales, etc.), dans un champ où les normes sont très favorables au béton et au ciment. À cette fin, il faut tâcher de renforcer la part des professionnels du bois dans les comités spécialisés de qualification et de normalisation français comme européens. En outre, certains standards normatifs français peuvent être revus dans un sens plus favorable, comme l’interdiction de l’utilisation du hêtre dans la construction en France, alors que l’Allemagne l’autorise ;

– améliorer la certification et la qualification du bois feuillu pour un usage dans la construction, et communiquer sur la disponibilité de la ressource à destination des entreprises de construction qui ont pris l’habitude d’importer leurs produits sans solliciter l’offre française ;

– accroître l’effort de communication autour des avantages du bois dans l’opinion publique : techniquement, énergétiquement, écologiquement, esthétiquement. La COP21 serait le levier naturel d’actions de communication grand public pour stimuler la demande.

Recommandation n° 15 :

Définir une politique d’innovation dynamique pour sortir la filière de la crise par le haut

La France est une économie proche de la frontière technologique (18), c’est-à-dire qu’elle fait partie des économies avancées qui tirent leur croissance de leur capacité à innover, tandis que les économies émergentes, plus éloignées, développent des stratégies d’imitation technologique. Par conséquent, le déploiement de politiques fortes d’innovation dans chaque filière est devenu une condition indispensable de la croissance en France.

Dans la filière bois-forêt, le besoin d’innovation est transversal : si tous les secteurs sont exposés à la concurrence internationale, ils disposent tous d’un potentiel d’innovation à exploiter. Ainsi, dans le secteur sylvicole, les dépenses de recherche et de développement peuvent se concentrer sur les procédures de récolte ou sur les moyens logistiques d’exploitation et de sortie du bois, où de réels gains de productivité sont à espérer. En outre, la recherche de produits ou de procédés innovants pourrait notamment servir d’issue au manque de débouchés des ressources en bois feuillus, qui composent la majorité du bois français, alors que la demande mondiale est concentrée sur les résineux.

Plus largement, l’adaptation au changement climatique constitue un champ de recherche et de prospective essentiel pour tenir compte de l’évolution de l’écosystème forestier, et tâcher d’en tirer parti sur le plan économique.

Toutefois, c’est dans le secteur industriel que les gains de compétitivité liés à l’effort d’innovation sont les plus importants. En effet, les produits transformés du bois, qui incorporent de la valeur ajoutée, sont susceptibles de détenir un fort contenu en innovation. Ce constat se vérifie pour les processus de production (robotisation, numérisation), pour le design et le marketing, pour la création de biens nouveaux – comme la production de bois plastique composite. Les produits à haute valeur ajoutée sont en effet davantage susceptibles de se démarquer face à la concurrence étrangère à partir d’éléments de compétitivité hors prix, sur laquelle l’innovation intervient. Le bois non transformé, plus homogène, réagit de façon plus sensible au facteur prix.

Dans ces conditions, encourager les entreprises de la filière à accentuer leur effort sur l’innovation, dans une situation de marges dégradées, suppose une stimulation publique adaptée. Si le dispositif du crédit d’impôt recherche (CIR) est bien connu, d’autres mesures pourraient être portés à la connaissance des entreprises, et des actions ad hoc peuvent être envisagées :

– Associer les banques publiques d’investissement (BPI) régionales aux interprofessions régionales pour faire connaître leurs dispositifs aux TPE et PME du secteur, comme l’accès aux fonds d’investissement de BPI France (capital innovation en particulier), l’avance remboursable ou le prêt d’amorçage. De même, le dispositif du crédit d’impôt innovation, à destination des seules PME, est moins connu que le CIR, mais représente une incitation fiscale forte à moderniser son appareil productif.

– Développer, à l’aide des crédits des programmes d’investissement d’avenir, les appels à manifestation d’intérêt (AMI) ou les appels d’offre qui permettent aux projets d’innovation des entreprises de bénéficier d’un soutien public. Ainsi, l’AMI « Dynamic Bois » de l’ADEME (19), dont les actions ont débuté début octobre 2015, permet de favoriser la mobilisation de bois additionnel pour les chaufferies biomasse, à partir de crédits du Fonds chaleur (à hauteur de 30 millions d’euros). Dans les critères de sélection des appels d’offres ou des AMI pourrait figurer l’exigence d’un projet commun à plusieurs secteurs du bois et de la forêt, afin d’encourager les acteurs à agir ensemble et d’améliorer l’intégration économique de la filière.

Accroître les offres de financement de thèses portant sur les matières relatives au bois et à la forêt, afin de dynamiser le tissu d’ingénieurs et de chercheurs très qualifiés, à même de faire émerger des résultats de recherche économiquement exploitables. Ainsi, les ministères disposent de prix de thèse qu’ils pourraient davantage flécher en direction des secteurs du bois et de la forêt. De même, les entreprises peuvent cofinancer la formation de doctorants associés à leurs projets innovants, au travers du dispositif CIFRE (20), peut-être trop méconnu par les PME de la filière. L’objet serait également, à terme, de modifier le curriculum des établissements d’enseignement supérieur afin de faire émerger des matières capables de répondre aux problématiques de la filière et de développer l’offre de formation qualifiée dans les écoles d’ingénieurs et les universités. En effet, l’effort d’innovation doit s’appuyer sur des compétences de pointe, en physique, chimie, biologie ou agrologie, qui peuvent être valorisées au service des entreprises innovantes.

– Mobiliser les entreprises, les établissements d’enseignement supérieur et les pôles de compétitivité de la filière autour de concours d’innovation, comme le concours mondial de l’innovation du programme Innovation 2030, dont une des ambitions stratégiques concerne la chimie du végétal. En particulier, la résurrection du secteur du gemmage, en Aquitaine, pourrait tirer profit des débouchés innovants qui sont apparus ces dernières années en matière d’utilisation des résines récoltées.

SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 : Créer un délégué interministériel pour la forêt et le bois.

Recommandation n° 2 : Mettre en place un Observatoire économique de la forêt et du bois, rattaché au délégué interministériel à la forêt et au bois

Recommandation n° 3 : Compléter l’offre de formation pour répondre aux besoins des entreprises en main-d’œuvre qualifiée.

Recommandation n° 4 : Stimuler l’attrait des formations initiales et continues dans les métiers de la forêt et du bois.

Recommandation n° 5 : Créer un label « qualité France » pour développer l’esprit de patriotisme économique de la filière.

Recommandation n° 6 : Réorienter la fiscalité forestière afin d’encourager une gestion plus productive des exploitations.

Recommandation n° 7 : Renforcer les incitations fiscales au regroupement des propriétaires, sans coût financier supplémentaire.

Recommandation n° 8 : Développer une politique économique forestière à part entière.

Recommandation n° 9 : Assurer l’effectivité du déploiement des GIEEF.

Recommandation n° 10 : Garantir le ciblage du Fonds stratégique pour la forêt et le bois.

Recommandation n° 11 : Assurer la continuité des approvisionnements en matière première par le développement de la contractualisation.

Recommandation n° 12 : Accompagner la restructuration et la modernisation de l’industrie de la première transformation du bois.

Recommandation n° 13 : Stimuler l’exploration de marchés étrangers pour valoriser les produits à haute valeur ajoutée.

Recommandation n° 14 : Faciliter l’essor du bois construction.

Recommandation n°15 : Définir une politique d’innovation dynamique pour sortir la filière de la crise par le haut.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du 14 octobre 2015, la commission a examiné le rapport d’information sur la filière bois-forêt en France (M. Damien Abad, président, et Mme Pascale Got, rapporteure).

Mme la présidente Frédérique Massat. L’ordre du jour de nos travaux appelle l’examen du rapport d’information pour une meilleure valorisation économique de la filière bois-forêt en France. La réunion constitutive de la mission d’information s’est tenue le 12 mai 2015. La mission se compose de M. Damien Abad, président, Mme Pascale Got, rapporteure, Mme Michèle Bonneton, MM. André Chassaigne, Dino Cinieri, Christian Franqueville, François Pupponi et François Sauvadet. Les conclusions de ce rapport sont très attendues sur l’ensemble des territoires, la filière bois-forêt étant un enjeu important, tant en termes économiques que d’aménagement du territoire.

M. Damien Abad, président de la mission. La situation de la filière bois-forêt en France ayant déjà fait l’objet de nombreux travaux, on peut s’interroger quant à la valeur ajoutée d’un nouveau rapport parlementaire. C’est le premier constat dressé par les représentants du secteur que nous avons rencontrés. En janvier 2015, une synthèse des plus de 250 rapports produits lors des trente dernières années sur le sujet a même été effectuée. Dans ce contexte, le rapport que nous soumettons aujourd’hui n’a pas vocation à traiter de l’ensemble des sujets liés à la filière bois-forêt ni à venir s’ajouter à la pile de rapports existants mais à s’attaquer aux problèmes rencontrés par cette filière en France sous un angle résolument économique. L’originalité de cette approche doit permettre de tirer profit des analyses passées et d’apporter un regard neuf sur ces difficultés.

Bien sûr, dans le contexte de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) qui se tiendra dans quelques semaines à Paris, nous avons veillé à ce que cette focale économique ne se transforme pas en œillères : multifonctionnelle, la forêt française remplit un rôle tant productif qu’écologique et social. Le rapport tâche donc de mettre en avant l’équilibre, sinon la complémentarité, entre l’exploitation économique de la forêt, la préservation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique.

La forêt française n’est pas – loin de là – menacée par la déforestation, malgré ce que pourrait croire l’imaginaire populaire. Au contraire, les fragilités économiques de la filière bois-forêt se traduisent par une sous-exploitation chronique : la croissance naturelle de la forêt est supérieure au volume des coupes. En outre, les entreprises sylvicoles se heurtent à un réel problème d’acceptabilité sociale : l’opinion publique tolère difficilement que des parcelles de chênes centenaires fassent l’objet d’une exploitation économique. Pourtant, d’un point de vue écologique, une forêt correctement entretenue joue mieux son rôle de puits de carbone. La forêt, comme ressource renouvelable, se renouvelle : cette tautologie ne paraît pourtant pas aller de soi, situation qui met en péril nombre de petites entreprises. Des efforts de communication devraient être entrepris pour expliquer que la croissance biologique française est supérieure à la quantité d’arbres débités chaque année et qu’une exploitation économique peut être durable et respectueuse des fonctions écologiques de la forêt. Il semble nécessaire de faire évoluer les mentalités sur le sujet.

Quelles sont les difficultés économiques de la filière bois-forêt ? Celle-ci subit une perte structurelle de compétitivité depuis plusieurs années et peine à sortir de la crise économique. Pourtant, la France détient la troisième forêt européenne en surface ; ses entreprises sont présentes dans tous les secteurs du bois et de la forêt ; nous disposons d’une main-d’œuvre qualifiée. Ainsi, alors que la filière bois-forêt devrait être un atout industriel pour le pays, c’est loin d’être le cas.

Pour établir un diagnostic complet, il convient de distinguer facteurs conjoncturels et structurels.

Sur le plan conjoncturel, la filière subit de plein fouet la crise économique. D’une part, les entreprises sylvicoles et industrielles de la filière ont subi, au même titre que l’ensemble du tissu productif français, le retournement de la conjoncture en 2008-2009 : une chute de la consommation, une contraction des marchés mondiaux, un accès réduit au crédit bancaire, de faibles perspectives d’investissements et un risque déflationniste. À titre d’exemple, la crise du marché du logement a entraîné une stagnation encore sensible du secteur du bois construction, et, avec lui, de sa chaîne d’approvisionnement. Or, les entreprises du secteur, en particulier en amont, dans le secteur de la première transformation et dans la papeterie, étaient déjà sujettes à des fragilités économiques, qu’il s’agisse de problèmes de trésorerie, d’amortissement de lourds investissements ou de carnets de commandes insuffisamment remplis. D’autre part, ces entreprises ont subi l’accroissement de la concurrence internationale, notamment issue de pays comme la Chine ou l’Allemagne, plus vite sortis de la crise que nous, et qui ont misé sur des politiques commerciales très offensives pour redresser leur rythme de croissance.

Sur le plan structurel, les difficultés sont de trois ordres.

Celles de l’amont forestier, tout d’abord. La forêt française se caractérise par de fortes disparités géographiques et un important morcellement. Pour mémoire, 3,5 millions de propriétaires forestiers se partagent 75 % des forêts françaises. Parmi eux, 2,4 millions de propriétaires possèdent moins d’un hectare de parcelle. Les propriétaires forestiers ne sont pas tous exploitants sylvicoles : les petites parcelles détenues peuvent se limiter à un investissement patrimonial, tandis que certaines n’atteignent pas la taille critique pour justifier une exploitation économique rentable. Ce morcellement explique un des principaux problèmes économiques de l’amont de la filière : la difficulté à mobiliser la ressource disponible. En effet, les petits propriétaires privés ne sont pas suffisamment incités à une gestion dynamique de leur parcelle ou ont des difficultés à structurer une offre compétitive. Les petites parcelles sont sujettes à une rentabilité économique aléatoire et confrontées à des obstacles pour écouler localement leur production – soit parce que les industries locales de première transformation sont déficientes, soit en raison de tensions logistiques dues au coût, au manque d’accessibilité et à l’indisponibilité des transports. Ces difficultés sont de nature à contraindre des projets d’exploitation économique viables à long terme. En conséquence, la quantité de bois sur pied disponible est sans commune mesure avec le bois récolté et commercialisé à destination de l’aval de la filière, ce qui crée des risques de pénurie assez paradoxaux.

La deuxième difficulté concerne l’aval industriel. Les travaux de la mission d’information ont montré que l’essentiel des difficultés provenait du secteur des scieries. Certaines d’entre elles sont très compétitives, telles que les établissements Ducret et Monnet-Sève, dans l’Ain, dont nous avons rencontré les dirigeants en juin. Mais dans l’ensemble, les faibles performances économiques des scieries pèsent par ricochet sur celles des industries de la deuxième transformation c’est-à-dire de l’ameublement et de la construction. Rapporté au potentiel forestier français, que ce soit en termes de bois sur pied ou de bois récolté, le volume annuel de sciages est très faible.

Cela s’explique par plusieurs facteurs : tout d’abord, les scieries françaises, implantées au plus près de la ressource forestière, sont souvent de très petite taille et fonctionnent selon un mode de production artisanal et un mode de financement familial. Les faibles économies d’échelle attendues d’un tissu économique aussi atomisé expliquent la difficulté à concurrencer efficacement les scieries industrielles allemandes qui ont atteint la taille critique suffisante pour débiter de gros volumes de grumes. Cette situation s’aggrave d’année en année : les petites scieries françaises connaissent une augmentation de leurs coûts d’exploitation qui les empêche d’investir suffisamment dans la modernisation de leur appareil productif, ce qui influence négativement leur résultat économique. Ce sous-investissement chronique se traduit par une perte de compétitivité qui se répercute sur l’ensemble des secteurs.

Enfin, la dernière difficulté structurelle de la filière bois-forêt réside dans le « découplage » économique observé entre l’amont et l’aval : les acteurs économiques ont du mal à s’entendre sur leurs besoins mutuels et préfèrent souvent recourir à l’importation plutôt que de privilégier un patriotisme économique essentiel à la survie de la filière. Par exemple, les ressources de bois disponibles, en majorité feuillues, comme celles issues des chênes, ne correspondent pas aux besoins réels des industriels, orientés vers les essences résineuses telles que les pins. En particulier, le secteur du bois construction, malgré une demande en hausse constante, ne parvient pas à s’alimenter suffisamment en bois résineux français correspondant aux canons réglementaires et techniques actuels. Économiquement, nous observons donc une situation contre-intuitive pour un pays industrialisé : la France exporte du bois brut bon marché, sous forme de matière première, et importe des produits transformés intermédiaires ou finaux, incorporant de la valeur ajoutée : meubles, arbres sciés et charpentes.

L’offre de formation disponible dans la filière apparaît parfois déconnectée des besoins des entreprises à court terme et peu adaptée aux besoins de plus long terme, ce malgré certaines bonnes pratiques en ce domaine. Les emplois du bois et de la forêt pâtissent encore d’un faible attrait auprès des jeunes cherchant une formation initiale, ce qui exige que ces emplois soient davantage orientés vers l’innovation.

Face à ces préoccupations, nous énonçons dans notre rapport quinze recommandations qui seront détaillées par Mme Got. Ayant travaillé dans le même état d’esprit, nous partageons la grande majorité des constats et des solutions cités dans ce document. Cette convergence de vues illustre l’urgence d’agir pour sauver la filière.

Cependant, je souhaiterais exprimer quelques divergences d’appréciation. La première concerne le rôle d’acteur économique majeur du marché du bois que le rapport souhaite conférer à l’Office national des Forêts (ONF). L’ONF joue certes un rôle important mais parfois en décalage avec ses capacités d’action réelles tant il est contraint budgétairement et peu efficace dans les territoires. C’est donc une réforme en profondeur de l’ONF qu’il aurait fallu viser. La deuxième divergence de vues concerne l’attention particulière portée aux soutiens et à la gouvernance publics qui laisse à penser que les acteurs privés, notamment les interprofessions, n’ont pas leur rôle à jouer dans le redressement de la filière. Il conviendrait d’éviter le penchant consistant à vouloir apporter des solutions de nature publique à tous les problèmes économiques. C’est pourquoi je m’interroge quant à la nécessité d’instituer une structure nouvelle et supplémentaire, l’observatoire de la forêt et du bois, surtout en période d’économies budgétaires. Enfin, j’aurais souhaité mettre davantage l’accent sur les blocages socio-culturels qui empêchent le développement des coupes d’arbres et l’orientation des plantations vers les résineux, y compris dans les forêts publiques – déterminant essentiel des difficultés que rencontrent les entrepreneurs sylvicoles.

Globalement, hormis ces trois points, je rejoins l’ensemble des préconisations de ce rapport. Je remercie donc la rapporteure pour son travail de qualité.

Mme Pascale Got, rapporteure. Partageant le diagnostic d’une perte structurelle et inquiétante de compétitivité de la filière bois-forêt, je m’attacherai à présenter les mesures qu’il serait souhaitable de prendre pour mieux la valoriser économiquement. À la différence de M. Damien Abad, j’estime que l’impulsion publique est nécessaire au redressement de cette filière. La situation actuelle réclame un électrochoc : c’est à l’État et aux collectivités locales de prendre la responsabilité de restaurer le dynamisme des entreprises du bois et de la forêt. Si le patriotisme économique ne se décrète pas, il peut être encouragé par des politiques adaptées, ciblées et visant le cœur des problèmes à traiter. Je n’écarte pas pour autant les acteurs privés, notamment les interprofessions qui ont tout leur rôle à jouer en ce domaine.

C’est dans cet esprit que j’ai proposé quinze recommandations visant tant la structure que l’économie de la filière. Sa structure, d’une part, parce qu’un recouplage de l’amont et l’aval est absolument nécessaire pour parvenir à l’intégration économique de la filière, à sa croissance et au développement de l’emploi. Nous devons être en mesure d’affronter la concurrence internationale et mettre fin à un déficit commercial chronique. Son économie, d’autre part, car les difficultés propres à l’amont et à l’aval appellent des solutions économiques spécifiques. On ne saurait résoudre d’un même trait les problèmes des entreprises sylvicoles et ceux des entreprises de la construction bois. En allant au plus près des logiques économiques de chaque secteur, il est possible d’avancer des recommandations réellement opérantes. Il convient d’amorcer le redressement des parties avant de songer à guérir le tout.

En vue d’assurer le recouplage de l’amont et de l’aval, nous énonçons cinq recommandations.

Il conviendrait tout d’abord de désigner un délégué interministériel pour la forêt et le bois. Car la filière ne fonctionne pas spontanément, par le libre jeu des acteurs économiques. La nomination de ce délégué interministériel, placé auprès du Premier ministre, aurait trois objectifs. Elle permettrait d’améliorer la cohérence et la transparence de la gouvernance publique de la filière, actuellement suivie par quatre ministères. Il est temps de montrer un seul visage aux acteurs de la profession. Elle permettrait également de restaurer le dialogue entre les différents acteurs pour amorcer un recouplage entre les besoins et les ressources de l’amont forestier et les besoins et les débouchés de l’aval industriel. Le délégué pourrait jouer un rôle d’interface entre le comité stratégique de la filière bois et le programme national de la forêt et du bois. Il pourrait également servir de médiateur dans l’éventuel rapprochement des deux principales interprofessions de la filière, France Bois Forêt et France Bois Industries Entreprises, que beaucoup appellent de leurs vœux. Enfin, le délégué interministériel aurait pour mission de communiquer sur les dispositifs de soutien institués par les décideurs publics en faveur des entreprises du bois et de la forêt et de mener des campagnes de sensibilisation afin de renforcer l’acceptabilité sociale des coupes d’arbres. Il ne s’agit pas là d’ajouter une couche de gouvernance supplémentaire mais bien de créer un outil de médiation entre des intérêts publics et privés qui peuvent diverger, dans une logique d’émulation plus que de gouvernance à outrance.

Notre deuxième proposition consiste en la création d’un observatoire économique de la forêt et du bois. La filière économique agissant parfois à l’aveugle, nous pourrions l’éclairer quant à son environnement à l’aide d’études économiques, de ressources statistiques complètes et fiables, de cartes des massifs forestiers, des routes d’approvisionnement et des zones tendues en termes de disponibilité des ressources. Cet observatoire permettrait aussi de disposer d’une meilleure prospective des besoins nouveaux et des marchés émergents afin que les entreprises concentrent leur effort d’innovation et commercialisent une offre adaptée.

Nous avons également émis deux recommandations en matière de formation : il convient de développer l’offre disponible, de l’apprentissage à l’enseignement supérieur, et de stimuler la demande en renforçant l’attractivité des métiers de la filière – qui se heurte à un double problème qualitatif et quantitatif. En amont de la filière, il convient de former des conducteurs d’engins, des scieurs et des ouvriers sylvicoles ; et en aval, des architectes spécialisés dans la construction bois, des ingénieurs de la première transformation, des spécialistes du bois énergie et des chimistes. Il faut élargir les spécialisations proposées en BTS (brevet de technicien supérieur), en licence et en master, et créer des doubles diplômes permettant d’intégrer des profils commerciaux aux profils des ingénieurs. Parallèlement, il convient de démocratiser les nouvelles techniques et modes d’organisation par des formations continues ponctuelles et ciblées.

Nous avons un effort important à mener en matière de demande de formation. Comme dans la viticulture, on ne devrait pas « finir dans la forêt » parce que l’on est en échec scolaire. Compte tenu de l’essor des nouvelles technologies et de l’enjeu écologique, des besoins d’innovation se font sentir à chaque stade de la filière, ce qui devrait permettre d’effacer l’image surannée qu’ont les jeunes et les actifs en reconversion des métiers de la sylviculture. Nous envisageons dans notre rapport le recours à plusieurs leviers, dont la promotion de la filière bois-forêt dans les écoles situées dans des régions forestières, au moyen de partenariats éducatifs conclus entre l’éducation nationale et les professionnels.

La dernière recommandation de ce premier ensemble vise à créer un label « qualité France » pour développer l’esprit de patriotisme économique des entreprises. La déconnexion des intérêts de l’amont et de l’aval est la difficulté structurante des entreprises du bois et de la forêt, dans une économie mondialisée et concurrentielle. Il importe de favoriser la rencontre de l’offre et de la demande locales, tout au long de la chaîne de valeur, afin de présenter à l’échelle internationale une filière homogène, indépendante et compétitive. Au-delà de la certification des bois, nous proposons un label « qualité France » pour les produits du bois français : cela nous semble un levier utile à la compétitivité hors prix à l’échelle internationale, permettant de rassembler la filière autour d’une même bannière.

La deuxième série de recommandations porte plus spécifiquement sur l’amont de la filière. Nous avons formulé deux recommandations visant à réorienter la fiscalité forestière en faveur d’une gestion plus productive et d’un regroupement des exploitations. Les avantages fiscaux accordés en matière forestière doivent être soumis à une condition de réelle exploitation économique de la forêt. Nous préconisons de conditionner l’abattement sur l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) à une exploitation économique effective de la forêt afin d’encourager les contribuables aisés à investir dans la forêt. Notre objectif est de transformer la niche fiscale actuelle en incitation fiscale productive, dans la même logique que celle de l’abattement dit « ISF-PME ». Il faudrait également prolonger la durée des différents dispositifs d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt (DEFI) afin d’apporter un horizon fiscal stable aux entrepreneurs sylvicoles. Enfin, nous proposons d’encourager le regroupement des propriétaires forestiers. Pour rationaliser les politiques de coupe et engendrer des économies d’échelle importantes, il faut rendre plus incitative la fiscalité des organisations de production, en les rendant éligibles à un DEFI majoré, en contrepartie d’obligations déjà nombreuses mais qui pourraient être mieux contrôlées.

Nous préconisons par ailleurs d’assurer l’effectivité du déploiement des groupements d’intérêt économique et environnemental forestier (GIEEF) instaurés par la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, afin de permettre aux propriétaires forestiers privés de gérer durablement et activement leurs forêts, sur une base volontaire et concertée. Les acteurs que nous avons rencontrés émettent des réserves quant à l’efficacité d’un tel dispositif qui impose, selon eux, des contraintes administratives supplémentaires sans contrepartie clairement identifiée. Nous souhaitons donc que le ministère de l’agriculture rende rapidement effectives les incitations fiscales promises pour encourager leur déploiement.

Il conviendrait de redéfinir le rôle de l’ONF, principal acteur du marché de la forêt en France. L’État doit saisir l’opportunité que constitue la signature du nouveau contrat d’objectif et de performance 2016-2020 de l’ONF pour l’inciter à mieux remplir sa mission de gestion prévisionnelle des ressources et des besoins pour adapter au mieux la forêt publique à la demande de l’aval de la filière.

Nous préconisons aussi de garantir le ciblage du fonds stratégique pour la forêt et le bois. Créé par la loi du 13 octobre 2014 précitée, ce fonds vise essentiellement la multifonctionnalité de la forêt. Ses crédits devraient être prioritairement investis dans les actions à fort levier pour la filière forêt-bois, notamment pour soutenir l’innovation, la restructuration et le regroupement des industries faiblement compétitives. Il s’agit d’éviter le saupoudrage d’un fonds déjà faiblement doté au vu des enjeux économiques que la filière doit affronter.

Enfin, nous avons émis cinq recommandations concernant plus spécifiquement l’aval industriel.

Nous proposons d’assurer la continuité des approvisionnements en ressource forestière par le développement de la contractualisation. Les délais de livraison irréguliers et l’hétérogénéité du bois reçu par les industriels fragilisent la trésorerie des entreprises, les empêchent de tenir leur cahier des charges ou d’amortir les investissements réalisés. L’accès à la ressource pose problème, raison pour laquelle nous proposons de stabiliser les relations commerciales entre l’amont et l’aval et de développer la contractualisation de l’approvisionnement, en termes de volumes, de qualité comme de délais. C’est l’une des missions du comité stratégique de filière « bois » (CSF Bois).

Nous préconisons la restructuration et la modernisation de l’industrie de la première transformation du bois. Secteur pivot de la filière bois-forêt, l’industrie du sciage en est aussi le maillon faible. La filière doit intervenir pour encourager la concentration des scieries en concurrence sur un même territoire, tout comme le plan « Industrie du futur » devrait, avec l’appui des crédits du programme d’investissement d’avenir, inciter à la création de scieries industrielles de grande ampleur.

Il sera dès lors plus facile de stimuler l’exploration de marchés étrangers pour valoriser les produits à haute valeur ajoutée. L’aval est en effet constitué de nombreuses TPE et PME qui peinent à pénétrer sur les marchés étrangers alors que leurs produits sont de qualité, qu’elles disposent d’un réel savoir-faire et que la haute valeur ajoutée des produits français pourrait bien mieux s’exporter. Là encore, l’accompagnement de Business France pourrait permettre de donner un second souffle à la filière.

Le bois construction représente incontestablement un gisement de croissance, d’emplois, d’innovation et de performances énergétiques. Malheureusement, ce secteur est handicapé par une culture de la construction davantage orientée vers le béton et le ciment, et par des normes peu favorables. C’est pourquoi nous incitons au recours à ce matériau dans le cadre de la commande publique. Il convient également de mieux traiter la question de la normalisation : il convient de renforcer la part des professionnels du bois dans les comités spécialisés de qualification et de normalisation français comme européens.

La dernière recommandation du rapport porte sur la définition d’une politique d’innovation dynamique qui permette à la filière de sortir par le haut de la crise. Dans la filière bois-forêt, le besoin d’innovation est transversal : dans le secteur sylvicole, les dépenses de recherche-développement doivent se concentrer sur les procédures de récolte ou sur les moyens logistiques d’exploitation et de sortie du bois. Dans les secteurs industriels, l’innovation devrait surtout porter sur les processus de production par le biais de la robotisation et de la numérisation, du design et du marketing, pour créer de nouveaux produits à forte valeur ajoutée – tels que le bois plastique composite et les produits issus de la chimie verte. Quatre solutions sont avancées, comme le développement des appels à manifestation d’intérêt ou les appels d’offre de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ou de la Banque publique d’investissement (BPI) qui encouragent le développement de projets innovants.

J’espère que nos échanges contribueront à apporter des solutions pour améliorer la valorisation économique de cette filière. Je remercie M. Damien Abad pour l’excellent état d’esprit qui a prévalu au sein de notre mission.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je vous remercie de ce travail conséquent dans lequel vous faites le point sur plusieurs outils pour ensuite proposer des voies d’amélioration. Je ne doute pas que nous serons prochainement amenés à reprendre certaines de vos préconisations par voie législative et précise que les GIEEF feront prochainement l’objet d’un bilan dans le cadre d’une mission d’information sur l’application de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

Certaines régions ont contractualisé avec la filière bois, notamment dans le domaine de la formation : comment mieux articuler les actions menées aux niveaux national et régional ? Les grandes régions de demain couvriront des massifs forestiers importants, ce qui devrait permettre de mener des politiques publiques encore plus pertinentes en matière d’économie sylvicole. S’agissant d’autre part de la structuration de la filière, de nombreux propriétaires privés de bois et forêts ne connaissent pas toujours l’emplacement exact de leurs terrains, ce qui pose une réelle difficulté de regroupement. Or, il existe aujourd’hui sur certains territoires des associations foncières pastorales qui permettent la mise à disposition de terrains alors exploités en parallèle. Peut-être de telles associations pourraient-elles aider à résoudre le problème du morcellement et à assurer une exploitation plus rationnelle de la forêt. Enfin, la forêt gagne certains villages, ce qui pose des problèmes de sécurité publique. Il est alors nécessaire de réunir tous les acteurs concernés – producteurs et élus communaux.

M. Dino Cinieri. Lorsqu’on évoque la forêt, on pense d’abord à l’environnement, à la nature et à une respiration pour nos territoires, à l’opposé de l’hyperurbanisation. Or, l’approche économique délibérément choisie par nos rapporteurs est intéressante en ce qu’elle montre que le développement durable est aussi une économie, que la forêt et la filière bois recèlent des enjeux économiques. Compte tenu du nombre croissant de chômeurs, il est urgent de développer la filière : les territoires ruraux seront les premiers à en bénéficier et verront leur attractivité renforcée. Vous avez à juste titre rappelé tout au long de ce rapport que l’économie de la filière bois-forêt française repose notamment sur des ressources forestières riches et abondantes, un tissu industriel historique, une main-d’œuvre qualifiée et des savoir-faire. Cette filière va du producteur forestier au constructeur de maisons. Elle regroupe les sylviculteurs, les gestionnaires, les bûcherons, les débardeurs indépendants ainsi que les transporteurs et les entreprises des secteurs bois-énergie et bois d’industrie. Elle représente un maillage d’emplois sur tout le territoire, en milieu rural comme en milieu urbain.

Pragmatiques et concrètes, vos quinze propositions pour valoriser la forêt et donner à la filière bois des chances de développement économique répondent aux attentes de la profession. Mais il faudra qu’elles soient vraiment mises en application pour que ce rapport n’en soit pas un énième à finir sur le bureau du ministre. Vos propositions visent aussi à créer des emplois dans nos territoires, notamment en développant la formation initiale et continue – ce qui me paraît indispensable. Souffrant d’une mauvaise réputation, les débouchés qu’offre la filière bois restent encore trop souvent méconnus de nos jeunes. Véritable passion partagée par tous les professionnels du secteur, le bois offre de nombreux métiers. Le confort et la modernité y ont désormais toute leur place, notamment grâce aux évolutions technologiques et à l’automatisation des processus de production.

La filière bois dispose pourtant d’un énorme potentiel et de nombreux atouts. Ainsi que vous l’avez souligné, le bois est un matériau d’avenir, à la fois écologique, renouvelable, peu polluant, résistant, isolant et esthétique. Son succès est donc amplement mérité et devrait s’accroître dans les années qui viennent. Comme vous le rappelez dans cet excellent rapport, la région Rhône-Alpes est la seconde région forestière de France après l’Aquitaine : avec 41 300 salariés, elle est la première région employeur de la filière bois. Dans le département de la Loire, la forêt couvre près d’un tiers du territoire. Elle compte 170 massifs forestiers de plus de 100 hectares, répartis principalement sur les reliefs. De nombreuses réalisations récentes dans la Loire montrent que la construction en bois est techniquement et économiquement en mesure de remplacer en partie les constructions en béton et en acier, dès lors que l’on améliore les conditions d’usage de ces matériaux. La Loire a ainsi vu éclore de nombreux projets audacieux, riches en innovations architecturales et à l’ambiance chaleureuse, qui constituent des références au niveau national. Ces constructions jouent un rôle qui va au-delà de la simple fonction d’habitat : le choix des matériaux, les techniques utilisées et l’atmosphère ainsi créée reflètent les spécificités de nos territoires. Le Pilat et le Forez, dans ma circonscription, sont riches de réalisations exemplaires. En effet, deux ouvrages récemment réalisés y font honneur au bois : le centre de ressources sur l’habitat durable du parc naturel régional du Pilat et les maisons individuelles labellisées maisons passives.

Ayant moi-même mené avec notre collègue Marie-Lou Marcel une mission relative aux labels et aux signes de qualité, je ne peux que soutenir votre idée de labellisation des produits du bois français. Ce label serait, comme vous l’avez très justement souligné, un levier utile de compétitivité hors-prix à l’international et permettrait d’unifier la filière autour d’une bannière commune.

Un an après la publication de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, pourriez-vous dresser un bilan des GIEEF ?

M. François Pupponi. Ce rapport de qualité est sans concessions : à sa lecture, on s’aperçoit que nous disposons d’un potentiel important, d’une capacité industrielle et productive peu égalée dans le monde mais que nous ne sommes pas aujourd’hui capables dans notre pays de les valoriser efficacement. Ce secteur est pourtant fondamental puisqu’il représente 60 milliards d’euros pour l’économie française et 3 % de la valeur ajoutée. Petit à petit, la filière s’est laissé prendre par ses propres défauts et n’a été capable ni de se moderniser ni de comprendre l’environnement dans lequel elle évoluait pour se préparer à la période actuelle – alors même que le bois est un produit d’avenir.

J’approuve les propositions que vous formulez, en particulier celle visant à la désignation d’un délégué interministériel dont la mission consisterait à organiser, à valoriser et à structurer la filière. L’intervention publique est en effet nécessaire dans ce secteur, comme l’illustrent les dizaines de millions d’euros investis par la BPIfrance en sa faveur. S’agissant de vos propositions d’ordre fiscal, votre rapport semble arriver trop tard par rapport au projet de loi de finances en cours d’examen mais nous devrions être en mesure de déposer des amendements au projet de loi de finances rectificative. Il est urgent de mettre en application vos propositions car un marché est aujourd’hui en train de se développer sans que la France soit au rendez-vous.

Votre rapport comprend peu de propositions concernant les économies d’énergie et la biomasse. Or, certaines collectivités développent l’usage du chauffage au bois dans des circuits courts. Comment valoriser cette dimension ?

Mme Jeanine Dubié. Alors que nous disposons dans la filière forêt-bois d’intrants de grande qualité, de ressources forestières riches et abondantes, d’une main-d’œuvre qualifiée et des savoir-faire, nous n’arrivons pas à résister à la compétition internationale. Ce que l’on constate pour le bois et la forêt est d’ailleurs vrai dans de nombreux secteurs de l’économie française. La filière bois est morcelée et pour une raison qui m’échappe, au contraire de nos voisins et concurrents directs, nos entreprises ne semblent pas arriver à s’entendre pour organiser efficacement une filière à l’exportation.

Vous citez dans votre rapport la plateforme commerciale « France Viande Export » mise en place pour les producteurs de viande. Mais de telles plateformes à l’exportation sont difficiles à créer car les acteurs ont des réticences à y participer. Lors de vos auditions, les acteurs de la filière se sont-ils prononcés en faveur de la création de telles plateformes ? Sont-ils selon vous prêts à coopérer et à échanger leurs contacts pour « chasser en meute » ?

S’agissant de la marque « qualité France » et de sa promotion à l’étranger, je suis comme vous persuadée que la solution à la crise de la filière bois passe par une meilleure valorisation de nos produits à haute valeur ajoutée. Quelles sont les missions mises en place par le comité stratégique de filière « bois » pour favoriser la montée en gamme de nos produits ? Des cahiers des charges ont-ils été définis ? Des opérations de promotion sont-elles menées à l’étranger pour promouvoir nos produits ?

Enfin, je souhaiterais exprimer un coup de sang concernant la formation. Alors que les métiers de la filière offrent des débouchés, ils n’attirent pas les jeunes. Plutôt que de viser l’objectif de 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat et de 60 % dans l’enseignement supérieur, pourquoi ne pas viser celui de 10 % d’une classe d’âge en apprentissage ?

Mme Michèle Bonneton. À quelques semaines de la COP21, ce rapport est le bienvenu. Alors que la forêt occupe le quart de notre territoire, la filière bois est en perte de vitesse. Les axes de la politique forestière indiqués sont tout à fait intéressants pour faire du bois un produit d’avenir.

L’ONF est un outil précieux pour la gestion de la forêt publique. Compte tenu de ses compétences, pourquoi ne pas lui confier de nouvelles missions, ce qui supposerait de lui accorder également des moyens nouveaux ? Les trois quarts de nos forêts appartenant à des propriétaires privés, quels moyens préconisez-vous d’utiliser pour les mettre en valeur dans le cadre d’une exploitation respectueuse de l’environnement et du développement durable ?

Comme vous le relevez dans votre rapport, dans ce secteur, l’économie française n’est pas celle d’un pays industrialisé : nous vendons du bois brut et achetons du bois transformé et des produits finis. Vous l’expliquez par des facteurs structurels tels que le morcellement de la filière. Comment aider au regroupement, en dehors des GIEEF, et à la modernisation de l’outil de travail sans tuer le tissu des entreprises existantes, très présentes en milieu rural et qui y maintiennent de l’emploi ?

Vous proposez différentes mesures pour aider aux exportations de nos bois à haute valeur ajoutée telles que le chêne et l’orme. La plupart des TPE du secteur n’ont pas les moyens de se positionner sur les marchés internationaux. Comment développer ces exportations ?

Le changement climatique a un impact sur la forêt et modifie sensiblement les aires de répartition et les essences. Quelles mesures d’urgence faudrait-il prendre pour protéger et mieux adapter la forêt française au changement climatique ?

Enfin, l’utilisation adaptée du bois comme source d’énergie est très intéressante puisque si l’on considère globalement la vie d’un arbre de sa naissance à sa combustion, on s’aperçoit que son bilan d’émissions de gaz à effet de serre est nul : il absorbe de tels gaz en croissant puis en émet – mais moins – lorsqu’il brûle. Cependant, on voit actuellement arriver dans les massifs alpins d’énormes engins inadaptés aux routes et chemins existants : ils y coupent tout ce qui se présente, y compris des arbres qui pourraient servir de bois d’œuvre, pour faire des plaquettes, c’est-à-dire de petits morceaux de bois de quelques centimètres de diamètre et de moins d’un centimètre d’épaisseur destinés à brûler. Cela est d’ailleurs aussi dommageable aux chemins mêmes et aux sources – certaines exploitations ne respectant pas les aires de captage d’eau. Ces plaquettes sont parfois emmenées très loin, à des centaines de kilomètres. Voilà qui ne me paraît pas une gestion durable de la forêt. Ce alors que des deniers publics, provenant notamment de l’Union européenne, sont souvent investis massivement pour créer des chemins. Comment mieux encadrer la gestion de la forêt ? Que pensez-vous de la création de labels tenant également compte des coupes de bois et non seulement du résultat finalement obtenu ?

M. Jean-Pierre Le Roch. Dans votre rapport, vous citez un sondage effectué en 2015 par l’association Forêts privées françaises d’où il ressort que la majorité des propriétaires considère davantage la forêt comme un patrimoine culturel et familial que comme un bien économique à exploiter. D’où l’opportunité et le bien-fondé de vos travaux. Avec 14 % de surface boisée, la Bretagne fait partie des régions les moins forestières de France. Pourtant, la forêt bretonne augmente chaque année de 3 000 hectares. Mais il s’agit le plus souvent d’un peuplement pauvre et de médiocre qualité. Dans une démarche regroupant l’ensemble des acteurs de la filière a été lancé un programme dénommé Breizh forêt bois, dispositif d’aide financière à la plantation ouvert pour la période 2015-2020. Doté de dix millions d’euros, financé par l’Union européenne, l’État, la région, qui pilote l’opération, et le département, ce programme propose aux propriétaires intéressés de les aider à replanter des arbres sur trois hectares minimum en choisissant des essences de bois d’œuvre diversifiées, adaptées aux terrains et au marché, afin d’inciter les propriétaires à investir à long terme. Que pensez-vous de ce type d’initiative ?

Enfin, en 2013, le nombre de grumes exportées vers la Chine était plus important que le nombre de grumes sciées – en Bretagne, notamment. Nombre de professionnels du secteur m’avaient alors alerté sur le fait que les normes applicables aux grumes résineuses à l’export s’avèrent bien plus souples que celles relatives aux emballages de produits transformés. Ces normes favorisent donc les productions engendrant une moindre valeur ajoutée pour le territoire. Lors de vos auditions, avez-vous abordé la question des déséquilibres à l’export engendrés par les différences de niveau de taxation et d’exigences environnementales et sociales ?

M. Philippe Armand Martin. Quelles sont les aides existantes au développement à l’investissement et à l’export de bois transformé localement ? Lors l’élaboration de votre rapport, avez-vous recueilli des demandes de soutien à l’activité des entreprises de transformation de bois sur notre territoire ? Pourriez-vous nous apporter des précisions quant aux différences de tarif applicable au contrôle phytosanitaire des grumes de bois dans les pays européens, le tarif variant de quinze à cinq cents euros ? Une harmonisation des contrôles phytosanitaires est-elle envisagée ?

M. Paul Molac. Dans l’Ouest de la France, les forêts sont relativement bien gérées mais on y trouve aussi un bocage qui, jadis, servait la plupart du temps de bois de chauffage et de bois d’œuvre. Aujourd’hui, alors que le milieu agricole perd de plus en plus le contact avec l’arbre, il existe un gisement considérable et le plus souvent inexploité.

En matière d’exploitation durable, on sait qu’une fois arrivé à maturité, le bois doit être coupé. Est-il vrai partout en France que, comme vous l’affirmez, la croissance arboricole est supérieure aux prélèvements ? Alors que dans les années 1950-1960, nous avons assisté à une période de défrichement, nous visons plutôt aujourd’hui une reconquête de la forêt. Nombre de scieries ont réalisé des investissements importants pour produire des palettes : ne court-on pas un risque de rupture de la chaîne d’approvisionnement ?

Enfin, les forêts bretonnes sont « en timbre-poste », c’est-à-dire qu’elles sont réparties entre un très grand nombre de propriétaires. Comment faire en sorte que les parcelles, dont la surface est quelquefois inférieure à un hectare, soient replantées systématiquement ?

M. Antoine Herth. Damien Abad a identifié le problème de la concurrence chinoise mais aussi celui de la concurrence intra-européenne, notamment avec l’Allemagne et l’Autriche. Les auteurs du rapport ont choisi dans leurs travaux de faire un gros plan sur les régions Aquitaine et Rhône-Alpes, deux territoires à l’identité forestière très particulière. Ne faudrait-il pas justement établir un inventaire régional des problèmes qui se posent dans la filière ? La forêt aquitaine est cultivée, pour l’essentiel, et les filières de valorisation y existent depuis longtemps. En région Rhône-Alpes, le caractère montagnard de la forêt est prégnant. Mais quid du Massif central, des Pyrénées, du Centre et de la Bretagne ? Peut-être conviendrait-il de décliner vos propositions région par région afin de faire varier les priorités accordées en fonction des différentes problématiques régionales ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Vous précisez dans votre rapport que le recours aux circuits courts pourrait être une décision économique rationnelle : comment parvenir à traduire concrètement cette préconisation dans les échanges entre l’amont et l’aval de la filière ? Comment réconcilier les propriétaires forestiers et les industriels du bois autour de cette idée et développer une filière intégralement made in France ?

M. Éric Straumann. Je souscris aux propres de mon collègue Antoine Herth. De nombreux scieurs de notre région se plaignent des exportations vers la Chine. Serait-il possible, notamment au regard du droit international, d’envisager une taxation de ces exportations pour que ce bois reste en France ?

Vous proposez de faciliter l’essor du bois de construction. Or il existe en Alsace une entreprise qui a connu une belle réussite en ce domaine : dirigée par la famille Burger, Maison BOOA fabrique des maisons préfabriquées dans un style très contemporain. Il conviendra donc aussi de faire porter nos efforts sur les architectes qui n’ont pas suffisamment l’habitude d’utiliser ce matériau pour la construction.

Mme Marie-Lou Marcel. La quatrième de vos quinze recommandations met l’accent sur la sensibilisation des jeunes et des actifs aux métiers de la filière dont vous proposez de stimuler l’attrait. Ces métiers pâtissent en effet d’une réputation passéiste. Quelles actions de formation préconisez-vous ? S’agissant de la formation initiale, vous évoquez le BTS mais il serait également possible de viser d’autres diplômes tels que le baccalauréat professionnel. Quelles mesures recommandez-vous pour soutenir l’innovation ? Enfin, dans ma circonscription, un lycée des métiers du bois et de l’habitat propose différentes formations. Cet établissement comprend une plateforme technologique bois assortie d’un plateau technique et d’un centre de ressources. Cette plateforme présente l’intérêt de regrouper l’ensemble des acteurs de la filière – que ce soient les lycées, les centres de recherche ou les professionnels. Pourquoi ne pas avoir évoqué ce type de plateforme dans votre rapport ?

M. Thierry Benoit. Lorsque l’on évoque le bois, on pense souvent à l’énergie, au bois d’œuvre et au charpentage. Le président de la mission et la rapporteure ont-ils songé à relier la filière bois à d’autres industries productives françaises telles que le bâtiment et les travaux publics – notamment dans l’éco-construction –, l’industrie automobile – pour les finitions haut de gamme et l’isolation des portières, des plafonds et des pavillons –, et la filière du granit, présente non seulement dans les Vosges et le Tarn mais aussi en Bretagne ?

M. Lionel Tardy. Vous soulignez à juste titre que la perte de parts de marché de la filière française du bois est liée aux politiques commerciales étrangères – dont souffrent les exportateurs de grumes – et à l’apparition de nouveaux acteurs. Comme dans de nombreux autres secteurs, la filière française doit donc se moderniser et innover, ce qui suppose que nous ciblions mieux les aides qui lui sont apportées et que nous lui facilitions l’accès à BPIfrance.

Je m’interroge quant à la première et à la deuxième de vos recommandations. La désignation d’un délégué interministériel et la création d’un observatoire économique permettront-ils vraiment de résoudre les problèmes posés ? Les pouvoirs publics – ministère de l’agriculture en tête – n’ont-ils pas déjà toutes les clefs en main pour renforcer ou cibler les dispositifs existants ? Pourquoi ne pas s’appuyer sur le Conseil supérieur de la forêt et du bois qui existe déjà et qui vient tout juste d’être réformé par un décret du 8 octobre dernier ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Vous établissez le constat, que je partage, de la dégradation structurelle de la filière forêt-bois qui doit pourtant jouer un rôle important à la fois dans l’économie de proximité, les circuits courts et l’emploi, notamment en zone de montagne. Mais cette filière à fort potentiel a également toute sa place parmi les solutions aux défis énergétiques, environnementaux et climatiques, compte tenu des objectifs que nous nous sommes fixés en termes de biomasse. S’il existe plusieurs leviers pour atteindre ces objectifs, il sera nécessaire de résoudre le problème du morcellement de la forêt française. Les dispositifs de soutien à la mobilisation, tels que les appels à projet, restent insuffisamment connus des propriétaires privés et le regroupement des parcelles ne s’opère que très difficilement. Il me paraît donc indispensable d’œuvrer à la résolution de ces difficultés pour optimiser la mobilisation de la ressource bois. Il est évident que la puissance publique doit se mobiliser. Des moyens doivent être accordés aux collectivités territoriales et aux entreprises d’exploitation. Mais il me paraît essentiel de définir une politique économique forestière en lien avec les élus des communes forestières, les associations foncières pastorales, les groupements forestiers, les établissements de formation, les pôles de compétitivité et les interprofessions. Ces acteurs doivent travailler de manière concertée si l’on souhaite réussir à mieux valoriser la filière bois-forêt en France. Le délégué interministériel dont vous préconisez la nomination pourrait-il devenir l’animateur de cette politique afin que l’on parvienne rapidement à résoudre ces difficultés ?

M. Jean-Claude Mathis. La filière du bois et de la forêt représente un atout économique important, du fait de la surface forestière dans notre pays, mais sous-exploité.

Il conviendrait, selon vous, de former quatre-vingts bûcherons par an alors que les établissements actuels ne formeraient que trente-cinq titulaires de BTS. Or, non seulement il conviendrait aussi de prendre en compte les titulaires d’un baccalauréat professionnel mais, en outre, il existe depuis des décennies dans ma circonscription une école forestière. Après avoir eu pour mission pendant de nombreuses années de former des agents de l’ONF, cet établissement s’est ensuite adapté à la conjoncture. Ses dirigeants, que je rencontre régulièrement, m’ont expliqué que les élèves qu’ils forment ne trouvent pas de débouchés.

Enfin, thème que vous n’avez pas évoqué, la chasse constitue elle aussi une activité économique importante dans nos forêts.

M. Yves Daniel. Ce rapport d’information, qui vise à améliorer la valorisation économique de la filière bois-forêt française, présente d’autant plus d’intérêt qu’il permet également d’aborder des questions écologiques et sociales. Permettez-moi de souligner l’importance des opérations menées par la profession agricole en faveur de la replantation bocagère et d’aborder la question des délaissés routiers, ferroviaires et de ceux des zones d’activité. Ces délaissés représentent un potentiel important de production de bois. Nous souhaitons développer globalement la filière pour en faire un véritable acteur économique dans notre pays et au niveau européen mais nous risquons d’être déçus si nous n’avons pas de capacités de production suffisantes. Enfin, je salue celle de vos propositions qui vise à sensibiliser l’opinion au nécessaire entretien des forêts et à renforcer l’acceptabilité des coupes de bois.

Mme Josette Pons. Dans le Var, il existait autrefois de nombreuses scieries, le bois servant notamment à la fabrication de caisses pour les militaires. C’est chose révolue depuis fort longtemps mais nous nous efforçons depuis plusieurs années de faire rejaillir cette filière bois car la forêt a continué à se développer. 80 % de la forêt varoise appartient à des propriétaires privés détenant de petites parcelles. Cette forêt est essentiellement composée de résineux présentant la particularité de prendre feu en période de chaleur. Sur notre territoire, le projet Inova en cours d’élaboration permettra de produire de l’électricité à partir de la biomasse. L’État, la région et le département ont donc conclu des contrats avec les propriétaires forestiers afin qu’Inova puisse acheter du bois dans de bonnes conditions de conservation de la forêt. Depuis quelque temps, un autre projet, conduit par E.ON, vient d’être agréé par le Gouvernement qui concurrencera Inova dans l’achat de bois auprès de ces propriétaires varois : qu’en pensent le président de la mission et la rapporteure ?

M. Franck Gilard. Depuis des années, un excellent rapport sur la forêt est publié tous les ans par le Conseil économique, social et environnemental, le Sénat ou l’Assemblée nationale. Nous disposons de la plus belle forêt d’Europe et d’un savoir-faire reconnu. Or, malgré tout, la filière ne se développe pas : où est le « bug » ?

M. Alain Suguenot. Le secteur du bois subit aujourd’hui une crise dramatique. Tout d’abord, la France exporte du bois brut bon marché et importe des produits transformés. Ensuite, la forêt française présente la spécificité d’être feuillue. Or, le marché mondial est surtout orienté vers les résineux. C’est pourquoi si vous prônez, avec votre proposition n° 15, des innovations dynamiques permettant de sortir de la crise, ne conviendrait-il pas de réorienter nos plantations vers les espèces résineuses ?

M. Marcel Bonnot. Le constat que vous formulez, qui ne souffre pas la discussion, a déjà établi de manière moins complète dans certaines régions. Je suis originaire d’une région forestière, la Franche-Comté. Dans chaque vallée de ma circonscription, on trouve plusieurs scieries, souvent en difficulté. Nos forêts constituent un atout dans notre espace économique. Elles nous offrent des matériaux d’avenir. Pourtant, nous n’arrivons pas à les transformer et à les intégrer dans une économie efficace. De nombreux rapports ont déjà été publiés sur le sujet sans déboucher sur des résultats tangibles. On coupe du bois pour en faire des grumes au sciage que l’on les exporte et qui nous reviennent sous forme de petits meubles. Dans le domaine énergétique, on utilise à des fins de chauffage des pellets de bois et des granulés que l’on voit arriver des pays de l’Est alors que nos forêts ont un potentiel extraordinaire mais inexploité.

Afin de ne pas nous en tenir à des recommandations, ne conviendrait-il pas de confier leur mise en application aux régions – qui appréhendent précisément ce secteur économique ?

M. Jean-Luc Laurent. Je souhaiterais que ce travail ne soit pas un rapport de plus laissé sans suite. Nos forêts constituent certes une grande richesse mais qui n’est pas exploitée à sa juste mesure. Vous soulevez dans ce rapport la question de la compétitivité, approche qui me paraît adéquate au regard d’un gisement insuffisamment mis en cohérence et exploité. Votre recommandation n° 14, qui vise à faciliter l’essor du bois construction, me laisse sur ma faim : faut-il la rapprocher de la recommandation n° 1 visant à la désignation d’un délégué interministériel voué à assurer cette mise en cohérence et à nous permettre d’obtenir du « produire français », c’est-à-dire l’exploitation de notre production ? Dans le domaine de la construction, j’observe que l’on recourt beaucoup aux importations, plutôt qu’aux circuits courts. Comment transformer ces recommandations en des solutions opérationnelles ?

M. François Vannson. J’ai moi aussi le sentiment que ce rapport va dans le bon sens mais je souhaiterais qu’il soit suivi d’effets. L’ensemble de la filière a de gros besoins d’investissement et le marché demande à ce que les produits soient de plus en plus aboutis. Dans le département des Vosges, alors que nous sommes assez en pointe en matière d’économie circulaire, nous nous trouvons face à des situations absurdes : des bois coupés dans le massif vosgien se retrouvent transportés vers d’autres destinations – telles que l’Allemagne, notamment – pour ensuite revenir chez nous. Il va de soi que le bilan carbone de ce type de démarche n’est guère positif. Il serait donc nécessaire de développer l’économie circulaire qui constitue une approche moderne de notre économie, avantageuse en tous points en termes de développement durable mais aussi de coûts. Enfin, les procédés de vente de bois aujourd’hui utilisés, telles que la vente à la bougie, sont assez différents de ceux employés par nos partenaires européens et handicapent la filière. Les professionnels doivent notamment apporter des garanties, ce qui n’est pas le cas chez nos voisins. Il conviendrait donc de favoriser davantage la contractualisation avec l’ONF.

Mme la rapporteure. Vos nombreuses questions, qui témoignent de votre intérêt pour le sujet, nous confortent dans les préconisations que nous avons formulées. J’entends bien que ces dernières doivent se concrétiser. Je vous répondrai de manière globale tant les sujets abordés sont nombreux.

S’agissant du volet fiscal, nous déposerons des amendements au projet de loi de finances rectificative de manière à réorienter notre fiscalité patrimoniale vers l’investissement.

Il est vrai que nous nous heurtons à un blocage. Mais je crois beaucoup à la désignation d’un délégué interministériel puisque vous n’avez cessé de souligner que l’articulation entre l’amont et l’aval de la filière était inexistante. Les nombreux professionnels que nous avons rencontrés se trouvent à cet égard dans une impasse. Un délégué interministériel redonnerait non seulement de la cohérence au traitement du sujet au sein du Gouvernement mais apporterait aussi de la coordination aux professionnels à l’échelon territorial dans deux secteurs qui ont du mal à trouver un point de jonction. La nomination de ce délégué ne me semble donc pas superflue. Tout comme il ne me semble pas superflu de donner une impulsion plus moderne, plus industrielle et plus compétitive à cette filière – les atouts de celle-ci n’apparaissant pas spontanément. Quant au Conseil supérieur de la forêt et du bois, il est plutôt perçu favorablement par les sylviculteurs, puisqu’il est réuni par le ministre de l’agriculture, mais pas par les industriels. Même au sein de ce conseil, nous retrouvons cette division entre l’amont et l’aval – raison pour laquelle nous jugeons nécessaire d’introduire un correctif en la personne de ce délégué interministériel. Il ne serait d’ailleurs pas nécessaire que cette fonction perdure pendant de longues années dès lors qu’il remettrait en mouvement et en cohérence ces deux pans de la filière.

Une fois que la rationalisation sera acquise au niveau étatique, j’aurais effectivement tendance à faire confiance aux bassins de production et à préconiser une régionalisation des actions à mener de manière à ce que les actions menées soient adaptées aux spécificités de chaque territoire. En Aquitaine, par exemple, une fois défini un périmètre autour de l’aval et de l’amont, on simplifie grandement les choses. Les programmes de plantation sont concertés, la formation est assurée dans des lycées bois et des sections universitaires spécifiques et les pôles de compétitivité mettent en cohérence ce dispositif de formation. S’agissant de l’innovation, il est possible de bien mettre en adéquation l’offre et la demande à tous les niveaux, qu’il s’agisse de la formation, de la production ou des débouchés industriels – voire des scieries, même si ce pivot est défaillant.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué le bois énergie. Mais au fil de nos rencontres, nous nous sommes aperçus que ce secteur ne faisait pas encore consensus chez les professionnels et que la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte contenait des dispositions plus volontaristes qu’ils ne le souhaitaient. D’ailleurs, lors des tables rondes que nous avons organisées, le représentant du secteur bois énergie s’est retrouvé particulièrement isolé face à l’ensemble des autres professionnels. Il revient donc au champ public de donner le ton en la matière.

La filière forêt-bois a été qualifiée d’historique : je n’y vois guère un point positif. Elle est historique dans ses programmes de plantation, ses outils de production et quant à la manière dont est perçu son mode de commercialisation dans une économie mondialisée. Elle a donc grand besoin de gagner en modernité.

S’agissant de la formation, nous sommes favorables au développement des écoles du bois. La France manque réellement de bûcherons : ce n’est pas nous qui l’affirmons mais l’Institut technologique Forêt cellulose bois construction ameublement (FCBA), le plus grand centre technique industriel de cette filière, qui réclame une meilleure gestion des besoins de main-d’œuvre. Quant à nous, nous sommes tout à fait favorables à conserver toute leur place aux plateaux techniques même si dans notre rapport, nous avons plutôt pris le parti des pôles de compétitivité dans la mesure où le champ économique a été notre fil conducteur.

Nous attendons de l’ONF, qui signe actuellement un nouveau contrat avec l’État pour la période 2016-2020, qu’il soit plus réactif dans la gestion des massifs et qu’il encourage à une gestion plus productive et en adéquation avec l’amont et l’aval plutôt que de se cantonner à la protection de la forêt et au marché du bois. Car l’ONF aujourd’hui ne répond pas aux attentes du terrain.

Il est un fait établi que les scieries françaises exportent des grumes car elles ne sont pas taxées ni guère contrôlées par la Chine. En revanche, cet État taxe très fortement les produits finis que pourrait exporter la France. Le choix commercial des scieries tire toute la filière vers le bas. La question de la taxation est donc un point qu’il conviendra d’étudier dans le cadre des textes législatifs à venir.

Quant aux circuits courts, ils seront mis en avant dès lors que l’on favorisera la régionalisation. Sans doute conviendra-t-il de formuler des propositions pour rendre le code des marchés publics plus opérationnel à cet égard.

Enfin, le regroupement étant l’une des clefs de revalorisation de la filière, il importe que les incitations fiscales, dont le principe a été posé, soient vraiment mises en œuvre.

M. Damien Abad, président de la mission d’information. Si le constat est partagé, la question se pose effectivement de savoir comment mettre en application nos préconisations. Deux véhicules législatifs importants devraient nous permettre de passer des vœux pieux à l’action concrète. Nous pourrions, d’une part, proposer des incitations fiscales par voie d’amendements au projet de loi de finances rectificative. Vous constaterez d’ailleurs une différence, concernant l’abattement à l’ISF entre nos préconisations et celles de la Cour des comptes, cette dernière étant favorable à la suppression de cet abattement tandis que nous souhaitons en conditionner le bénéfice à l’investissement productif dans le secteur forestier. D’autre part, le contrôle de l’application de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt nous permettra de mieux structurer la filière et de proposer des pistes d’amélioration, parmi lesquelles la désignation d’un délégué interministériel. Autant j’ai des réserves quant à la création d’un observatoire économique, autant il me semble que le délégué interministériel est un outil indispensable pour réconcilier l’amont et l’aval de la filière.

S’agissant de la restructuration de cette filière, nous avons effectivement besoin, Mme la présidente, d’agir au niveau des bassins régionaux, compte tenu des grandes différences existant entre nos régions. Dans mon département, nous avons élaboré un livre blanc pour aider la filière bois face à des problèmes très concrets. Ainsi, par exemple, la fièvre catarrhale entraîne en ce moment même un besoin de regarnissage de nos forêts – mesure qui ne peut être que prise qu’à l’échelon territorial.

La labellisation me semble faire consensus.

Il conviendrait effectivement de développer des plateformes à l’exportation, comme dans la filière bovine qui bénéficie de la plateforme France Viande export. Cela suppose cependant une entente préalable entre les acteurs concernés.

En matière de formation, je citerai un exemple de bonne pratique : dans mon département a été mis en place un pôle bois associant une maison du bois, une maison familiale rurale et une école d’ingénieurs du bois. Des élèves formés en alternance dans cette école ont ainsi pu accéder à des fonctions d’ingénieur et à une technicité importante dans le domaine du bois.

S’agissant de l’exportation des grumes, le problème que pose le bois est que plus on le travaille, moins il rapporte. Eu égard aux contrôles sanitaires du bois, il est vrai que les différences tarifaires avec la Chine sont importantes. Mais nous avons également des difficultés européennes en ce domaine de sorte que la question de l’harmonisation des contrôles pourrait effectivement être soulevée. En revanche, la taxation est soumise aux règles européennes si bien que nous aurons du mal à aborder le sujet. La seule solution serait de poursuivre notre réflexion sur la TVA sociale afin de taxer les importations tout en respectant les règles européennes.

Mme Josette Pons a soulevé un problème, particulier au site de Gardanne, de conflit d’usage entre le bois énergie et le bois d’œuvre, auquel il nous faudra effectivement retravailler.

Il conviendrait en effet de favoriser le dialogue entre filières. Nous avons d’ailleurs essayé dans ma circonscription de favoriser le mélange du plastique et du bois qui peut servir dans l’industrie automobile. Il me semble que le délégué interministériel mais aussi le Conseil national de l’industrie sont les acteurs adéquats pour encourager un tel dialogue.

S’agissant du bois de construction, nous nous sommes heurtés à une décision du Conseil constitutionnel censurant l’instauration de quotas de bois dans la construction. Il nous faudra tenir compte de cette difficulté constitutionnelle si nous souhaitons avancer en ce domaine.

En ce qui concerne les aides à l’exportation, Business France et les fonds bois mis en place par la BPI nous permettront de résoudre nombre de problèmes.

En conclusion, nous partageons tous le constat que le potentiel de la filière est important mais sous-exploité et sous-valorisé, essentiellement pour des raisons structurelles qui peuvent donner lieu à des réponses, tant à l’échelle territoriale que régionale, nationale et européenne. C’est donc dans ce cadre qu’il conviendra de travailler en utilisant au maximum les deux véhicules législatifs précités.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je vous remercie.

La Commission autorise la publication du rapport d’information.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Cour des comptes

– Mme Michèle Pappalardo, conseiller maître

– Mme Sandrine Rocard, conseillère référendaire à la Cour des comptes, rapporteure générale du rapport sur les soutiens à la filière forêt-bois

Table-ronde réunissant des représentants des collectivités territoriales au sein du Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois, avec :

Conseil départemental de la Nièvre

– Mme Blandine Delaporte, vice-présidente en charge des Aménités, de la valorisation et de la préservation des ressources naturelles

Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR)

– M. Dominique Jarlier, président

– M. Yves Lessard, conseiller du président

Direction générale de la performance économique et environnementale es entreprises (DGPE) - Sous-direction Filières forêt-bois, cheval et bioéconomie

– Mme Véronique Borzeix, sous-directrice

Table ronde « Forêt », avec :

Office national des Forêts (ONF)

– M. Benoit Cuillier, chef du département commercial-bois

Centre national de la propriété forestière

– M. Thomas Formery, directeur général

Forestiers privés de France (FFPF)

– M. Antoine d’Amécourt, président

Comité interprofessionnel du bois énergie (CIBE)

– M. Bruno de Monclin, président

Union de la Coopération Forestière Française (UCFF)

– M. Julien Bluteau, secrétaire général

Fédération nationale du bois (FNB)

– M. Philippe Siat, président

– M. Nicolas Douzain-Didier, délégué général

Table-ronde « industries du bois », avec :

Comité stratégique de filière « Filière Bois »

– M. Laurent de Sutter, président de la société LINEX et président de l’Union des industries de panneaux de procès (UIPP)

– M. Olivier Hugon-Nicolas, secrétaire général de l’UIPP

Union nationale des industries françaises de l’ameublement (UNIFA)

– M. Dominique Weber, président

– M. Jean-Francois Stordeur, délégué général

Comité professionnel de développement économique (CODIFAB)

– M. Audoin de Gouvion Saint-Cyr, secrétaire général

France Bois Industries Entreprises (FBIE)

- Mme Emmanuelle Bour, directrice

Union française des industries des cartons, papiers et cellulose (COPACEL)

– M. Paul-Antoine Lacour, délégué général

– M. Paul Maurin, directeur bois et communication

Table ronde « Interventions et soutiens publics à la filière bois-forêt », avec :

Société forestière de la Caisse des dépôts et consignations

– M. Gilles Seigle, président-directeur général

– M. Max Penneroux, directeur général adjoint

BPI France

– Mme Isabelle Ginestet-Naudin, en charge des fonds sectoriels

– Mme Vanessa Giraud, directrice d’investissement

Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

– M. Rémi Chabrillat, directeur productions et énergies durables

Direction générale des entreprises (DGE) :

– M. Didier Basset, chef de division, bureau des matériaux

1 () Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, La filière bois-forêt. Synthèse de rapports, janvier 2015.

2 () Cour des comptes, Les soutiens à la filière forêt-bois, avril 2015.

3 () Après la Suède, la Finlande et l’Espagne, et la troisième en incluant les forêts ultramarines.

4 () Au travers du Pacte de responsabilité et de solidarité et du crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi, le Gouvernement a soutenu la compétitivité prix des entreprises par un allégement fiscal de plus de 33 Md€ en 2016 et d’environ 41 Md€ en 2017, selon le projet de loi de finances pour 2016.

5 () C’est-à-dire avant la coupe.

6 () Il n’est pas ici fait cas des interventions de reboisement qui ont suivi les grandes tempêtes de ces trente dernières années, grâce à un soutien budgétaire conséquent de l’État.

7 () Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.

8 () Élaboré par une action conjointe du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, de l’ex-ministère du redressement productif, et de l’ex-ministère de l’égalité des territoires et du logement.

9 () Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques (PIPAME), Marché actuel des nouveaux produits issus du bois et évolutions à échéance 2020, février 2012.

10 () ibid.

11 () Référence

12 () Rapport général fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2015, tome III, annexe 3.

13 () Cour des comptes, Les soutiens à la filière forêt-bois, avril 2015.

14 () Jean-Yves Caullet, rapport au Premier ministre, Bois et forêts de France, nouveaux défis, juin 2013.

15 () Avis n°2262 présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2015, tome VIII.

16 () Clotilde Valter, rapport au Premier ministre, Les CTI et CPDE au service du redressement productif, octobre 2014.

17 () Décision n° 2013-317 QPC du 24 mai 2013, Syndicat français de l’industrie cimentière et autre.

18 () D. Acemoglu, Ph. Aghion, F. Zilibotti, « Distance to frontier, selection, and economic growth », Journal of the European Economic Association, 2006.

19 () Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

20 () Conventions industrielles de formation par la recherche.


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