N° 3321
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2015.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION
sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens 2015-2019 de Radio France,
ET PRÉSENTÉ PAR
Mme. Martine MARTINEL,
Députée.
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SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS 9
I. UN PLAN D’AFFAIRES SATISFAISANT MAIS DONT LA MISE EN œUVRE DOIT FAIRE L’OBJET D’UN SUIVI SCRUPULEUX PAR LES INSTANCES DE GOUVERNANCE 11
A. UNE SITUATION FINANCIÈRE TRÈS DÉGRADÉE, RÉVÉLÉE TARDIVEMENT 11
B. UNE TRAJECTOIRE DE RETOUR À L’ÉQUILIBRE SATISFAISANTE 12
1. Le choix pertinent d’un calendrier plus réaliste de retour à l’équilibre et le renoncement bienvenu à un plan de départs volontaires 12
2. Un effort important de l’État 13
3. Des engagements significatifs de l’entreprise 14
a. Une augmentation ambitieuse des ressources propres 14
b. Un effort conséquent sur les charges 16
C. UN PLAN D’AFFAIRES DONT LA MISE EN ŒUVRE APPELLE NÉANMOINS PLUSIEURS OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE 19
II. DES OBJECTIFS STRATÉGIQUES GLOBALEMENT CONVAINCANTS MAIS DONT CERTAINS ASPECTS DEMANDENT À ÊTRE PRÉCISÉS 23
A. RADIO FRANCE, RADIO DE RÉFÉRENCE À L’ÈRE NUMÉRIQUE 24
1. Des ajustements pertinents des lignes éditoriales en dépit des interrogations persistantes sur la relance éditoriale de Mouv’ 24
2. Une stratégie numérique globalement pertinente mais à compléter 26
3. Des objectifs de couverture à préciser 28
B. RADIO FRANCE, ACTEUR MAJEUR DE LA MUSIQUE ET DE LA CULTURE 28
1. Radio France en tant qu’opérateur culturel : une stratégie qui reste à élaborer 28
2. L’exposition de la musique et le soutien à la création 29
C. RADIO FRANCE, ENTREPRISE MODERNISÉE ET RESPONSABLE 30
TRAVAUX DE LA COMMISSION 33
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 51
Le présent avis est établi en application de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, au terme duquel les contrats d’objectifs et de moyens (COM) des sociétés de l’audiovisuel public sont transmis, avant leur signature, aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui peuvent formuler un avis dans un délai de six semaines. Le présent projet de COM a également été transmis au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui a formulé un avis le 25 novembre 2015.
L’article 53 précité précise également le contenu des COM qui doivent déterminer pour la société concernée :
« – les axes prioritaires de son développement ;
– les engagements pris au titre de la diversité et l’innovation dans la création ;
– les montants minimaux d’investissements de la société visée au I de l’article 44 dans la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d’expression originale française, en pourcentage de ses recettes et en valeur absolue ;
– les engagements permettant d’assurer, dans un délai de cinq ans suivant la publication de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, l’adaptation à destination des personnes sourdes ou malentendantes de la totalité des programmes de télévision diffusés, à l’exception des messages publicitaires, sous réserve des dérogations justifiées par les caractéristiques de certains programmes ;
– les engagements permettant d’assurer la diffusion de programmes de télévision qui, par des dispositifs adaptés, sont accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes ;
– le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d’exécution et de résultats qui sont retenus ;
– le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ;
– le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage ;
– les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d’un prix ;
– les axes d’amélioration de la gestion financière et des ressources humaines ;
– le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l’équilibre financier ».
La rapporteure ne reviendra pas en détail sur la situation de l’entreprise et les défis majeurs auxquelles elle est confrontée, qui ont fait l’objet d’un premier diagnostic dans son avis d’octobre 2014 sur les crédits en faveur de l’audiovisuel dans le projet de loi de finances pour 2015 (1) et d’une étude approfondie dans le rapport de la Cour des comptes d’avril 2015, Radio France : les raisons d’une crise, les pistes d’une réforme. Dans le délai bref qui lui était imparti, la rapporteure a souhaité se concentrer sur quelques observations et recommandations ciblées.
Il convient tout d’abord de souligner que le présent projet de COM, qui lie l’État et Radio France pour la période 2015-2019, est censé couvrir l’activité de l’entreprise depuis le début de l’année 2015.
Plusieurs raisons expliquent le retard dans son élaboration : une situation financière très dégradée qui n’a été révélée qu’à l’automne 2014 et a conduit à un report de l’adoption du budget 2015 ; un très long conflit social qui a suivi l’annonce d’un premier projet stratégique controversé au printemps dernier et dont la résolution a nécessité le recours à une médiation ; un changement nécessaire dans la méthode d’élaboration des décisions et de gestion des relations sociales et de nombreux allers et retours entre l’État et l’entreprise afin de définir une nouvelle trajectoire financière acceptable.
La rapporteure tient à saluer la décision prise par Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, de faire appel à un médiateur, M. Dominique-Jean Chertier, pour faciliter la sortie de la crise. Comme l’a souligné M. Mathieu Gallet lors de son audition par notre commission le 17 novembre 2015 (2), le médiateur « s’est acquitté de cette tâche compliquée avec beaucoup d’énergie et un réel succès, puisqu’il a permis une reprise du travail entre la direction, les organisations syndicales et l’ensemble des collaborateurs dans une atmosphère beaucoup plus constructive ». La rapporteure se félicite que l’élaboration du présent projet de COM ait ainsi pu faire l’objet d’un effort réel de concertation avec les salariés de l’entreprise même si le comité central d’entreprise (CCE) ne l’a pas adopté.
Issu d’un dialogue difficile entre la direction de l’entreprise et la tutelle et d’un effort de concertation avec les salariés de l’entreprise, le présent projet de COM propose un plan d’affaires et une trajectoire de retour à l’équilibre qui apparaissent satisfaisants mais dont la mise en œuvre devra impérativement faire l’objet d’un suivi particulièrement scrupuleux de la part des instances de gouvernance de l’entreprise (I). En ce qui concerne les objectifs stratégiques, la rapporteure les juge globalement convaincants même si un certain nombre d’aspects restent à préciser (II).
Ces éléments la conduisent à formuler un avis favorable assorti de plusieurs observations et recommandations résumées dans l’encadré ci-après.
PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS
1. Ø Conformément aux termes de la loi, faire apparaître dans le plan d’affaires l’évolution des budgets consacrés aux différentes activités de l’entreprise en distinguant notamment les coûts de grille, ceux des développements numériques et des autres activités, en particulier les crédits consacrés aux formations musicales. Détailler l’évolution prévisionnelle des différentes catégories de ressources propres et présenter les perspectives d’évolution des différentes recettes commerciales, en particulier les recettes de billetterie.
2. Ø Assurer un suivi extrêmement scrupuleux de la mise en œuvre du plan de redressement des comptes et de toutes les mesures d’amélioration de la gestion de l’entreprise, dont un état précis devra figurer dans le rapport annuel d’exécution du COM.
3. Ø La trajectoire d’évolution des ressources propres étant conditionnée au respect du calendrier d’achèvement des travaux de réhabilitation de la Maison de la Radio et à la réforme du cadre publicitaire fixé par le cahier des missions et des charges, s’assurer de la mise en œuvre de ces deux objectifs.
4. Ø S’assurer que le CSA, chargé du respect du cahier des missions et des charges, veille désormais beaucoup plus scrupuleusement à faire respecter le nouveau cadre publicitaire afin qu’il n’entraîne pas de déstabilisation du secteur privé de la radio.
5. Ø Pour la mise en œuvre du programme de non-remplacement systématique des départs naturels de personnels, mettre en place une répartition équilibrée et pertinente de l’effort sur la base d’un travail précis de projection des besoins futurs.
6. Ø Veiller à ce qu’une programmation et un mode de financement spécifiques soient établis en 2016 pour la rénovation des façades de la Maison de la Radio et des studios moyens.
7. Ø S’assurer que l’État propose à courte échéance une refonte globale du cahier des missions et des charges de Radio France garantissant une meilleure articulation avec le COM.
8. Ø Alors que le projet de COM, en lieu et place d’indicateurs, renvoie fréquemment à une revue annuelle de l’état de la mise en œuvre de certains de ses objectifs devant le conseil d’administration, veiller à ce qu’il soit également fait état de cette mise en œuvre dans le rapport annuel d’exécution du COM afin que le Parlement et le CSA soient mis en capacité d’en assurer un suivi précis.
9. Ø Faire figurer en annexe du rapport d’exécution du COM une synthèse du rapport responsabilité sociale de l’entreprise (RSE).
10. Ø Préciser la stratégie numérique ainsi que les moyens qui lui seront affectés.
11. Ø Assortir les indicateurs relatifs aux développements numériques de comparaisons pertinentes avec les concurrents de Radio France.
12. Ø Compléter en temps utile la stratégie numérique s’agissant des coopérations envisagées avec les autres sociétés de l’audiovisuel public. Étudier la mise en place d’un nouveau document complémentaire innovant, COM partagé qui pourrait être signé entre l’État et l’ensemble des sociétés concernées et assorti d’un budget dédié à gérer en commun.
13. Ø S’assurer que le CSA calcule les taux de couverture de Radio France selon la nouvelle méthode établie pour l’application du plafond de concentration prévu par l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986.
14. Ø Préciser de manière plus détaillée et en tenant compte des contraintes budgétaires les zones ou les régions dans lesquelles il conviendrait de diffuser en priorité un des services de Radio France.
15. Ø Préciser les objectifs de Radio France pour les formations musicales et en tant qu’opérateur culturel, sur la base notamment des propositions formulées par M. Stephan Gehmacher.
16. Ø S’agissant des objectifs d’exposition de la chanson d’expression originale française, introduire un indicateur relatif à la diversité des titres diffusés.
17. Ø Alors que le médiateur a bien souligné le dysfonctionnement majeur que constitue l’utilisation massive de contrats précaires, non seulement comme système d’ajustement des effectifs aux aléas conjoncturels, mais comme véritable mode de gestion du personnel, mettre en place un objectif plus précis de réduction du recours aux contrats à durée déterminée (CDD).
I. UN PLAN D’AFFAIRES SATISFAISANT MAIS DONT LA MISE EN œUVRE DOIT FAIRE L’OBJET D’UN SUIVI SCRUPULEUX PAR LES INSTANCES DE GOUVERNANCE
Le plan d’affaires proposé doit d’abord permettre à une entreprise en état de crise financière de retrouver l’équilibre de ses comptes d’exploitation (A). Il repose à cet effet sur un équilibre satisfaisant fondé sur le renoncement bienvenu à un plan de départs volontaires permis par le desserrement du calendrier de retour à l’équilibre, un effort financier important de l’État et des engagements significatifs de l’entreprise (B). Il appelle néanmoins plusieurs observations de la rapporteure qui insiste en particulier sur la nécessité d’un suivi particulièrement scrupuleux de sa mise en œuvre par les instances de gouvernance (C).
A. UNE SITUATION FINANCIÈRE TRÈS DÉGRADÉE, RÉVÉLÉE TARDIVEMENT
La situation financière très préoccupante de l’entreprise n’a été révélée qu’à l’automne 2014.
Le contrat 2010-2014 prévoyait une augmentation de la ressource publique de 16,4 % entre 2009 et 2014. Une telle augmentation était de toute évidence incompatible avec la situation des finances publiques. Les versements ont donc été inférieurs de 8,6 millions d’euros inférieurs aux chiffres du COM en 2012, puis de 31,3 millions en 2013 et de 47,8 millions d’euros en 2014. Cette révision de la trajectoire financière ne s’est pas accompagnée d’un avenant au COM et d’une identification des économies à réaliser. La dégradation de la situation financière résultant d’un effet de ciseau entre les ressources et les dépenses (une évolution dynamique des charges salariales à laquelle s’est ajouté l’impact de l’amortissement des investissements du chantier de réhabilitation) a ainsi pu passer inaperçue.
En décembre 2013, Radio France avait présenté à son conseil d’administration un budget pour 2014 à l’équilibre et n’a averti ses tutelles de la gravité de la situation financière qu’au cours de l’été 2014. La rapporteure, qui, dans son avis d’octobre 2014 sur les crédits en faveur de l’audiovisuel dans le projet de loi de finances pour 2015, s’est intéressée à la situation de Radio France, n’a malheureusement pas été informée de l’état de la situation financière de l’entreprise.
En octobre 2014, la direction a annoncé en conseil d’administration un possible déficit s’établissant en fin d’année entre 5 et 20 millions d’euros. Celui-ci a finalement été limité à 2,1 millions d’euros. Cependant, le budget 2015, qui a été voté en janvier 2015 avec un mois de retard, prévoyait un déficit de 21 millions d’euros. Au regard des déséquilibres financiers grandissants auxquels l’entreprise risquait d’être confrontée dans les années à venir, l’un des enjeux majeurs du futur COM était évidemment d’établir une trajectoire de retour à l’équilibre crédible.
Le rapport précité d’avril 2015 de la Cour des comptes a établi un diagnostic sévère de la gestion de l’entreprise et identifié plusieurs pistes de financement dont la possibilité de recourir à l’emprunt pour financer les importants investissements que doit poursuivre Radio France dans les années qui viennent (chantier et efforts en faveur du numérique) et celle d’une dotation en capital par le canal du compte de concours financiers « Participations financières de l’État ». Cependant, la Cour estimait que la principale voie qui s’ouvrait à Radio France passait par un effort très significatif sur ses charges d’exploitation, en particulier un effort de maîtrise de la masse salariale qui représente à elle seule près de 60 % des dépenses de l’entreprise.
L’annonce par la direction d’un plan de départs volontaires portant sur plus de 300 postes et d’un projet controversé de réorganisation des formations musicales en vue d’atteindre le retour à l’équilibre en 2017 a cependant largement contribué au déclenchement d’un conflit social historique qui a paralysé les antennes au printemps dernier.
La rapporteure se félicite du chemin parcouru depuis et de l’équilibre du plan d’affaires proposé qui repose sur le renoncement à un plan de départs volontaires, un effort important de l’État et des engagements significatifs de l’entreprise.
B. UNE TRAJECTOIRE DE RETOUR À L’ÉQUILIBRE SATISFAISANTE
1. Le choix pertinent d’un calendrier plus réaliste de retour à l’équilibre et le renoncement bienvenu à un plan de départs volontaires
La rapporteure se félicite vivement du renoncement à un plan de départs volontaires permis en particulier par le report de la date de retour à l’équilibre à 2018 au lieu de 2017.
Dans l’exigence légitime d’un retour à l’équilibre des finances de l’entreprise, le médiateur avait à très juste titre appelé les pouvoirs publics à prendre en considération, s’agissant du rythme de ce retour, le retard pris dans la mise en œuvre des mesures susceptibles d’y concourir : « Il serait dommageable de contrarier le nouveau mode de travail et de relations sociales, à peine installé et encore fragile, par des demandes qui ne seraient pas compatibles avec les capacités réalistes de l’entreprise à y répondre sincèrement », avait-il estimé (3).
Comme l’a indiqué M. Mathieu Gallet lors de son audition par notre commission le 17 novembre 2015, le présent projet de COM « prévoit un déficit de 21 millions d’euros pour cette année et, au terme de négociations difficiles avec l’État, un retour à l’équilibre sous trois ans. (…) Le conflit social du printemps avait notamment pour cause le plan de départs volontaires que nous avions envisagé pour retrouver l’équilibre d’exploitation sous deux ans. L’année supplémentaire qui nous est accordée pour atteindre cet équilibre nous permet de substituer à ce plan qui portait sur 300 équivalents temps plein, une politique de non-remplacement systématique des départs naturels – Radio France connaît entre 150 et 180 départs par an ».
La mise en œuvre brutale d’un plan de départs volontaires aurait risqué de casser la dynamique positive impulsée par le médiateur à travers la mise en place de groupes de travail chargés de réfléchir à la réforme des modes de production, au réseau de France Bleu et à la politique musicale.
En outre, la rapporteure, qui a eu l’occasion de dresser un bilan négatif des plans de départs volontaires mis en œuvre à France Télévisions et à France Médias Monde, rappelle qu’un plan de départs volontaires constitue un dispositif coûteux qui favorise fortement les effets d’aubaine. Sa mise en place suppose de surcroît un ciblage très précis des secteurs et des populations concernées faute de quoi, il peut donner lieu à de nouveaux recrutements, notamment en contrats précaires, tout aussi coûteux.
Compte tenu de ces éléments, le rapport précité du médiateur du 21 juillet 2015 appelait la direction à envisager « en complément ou en substitution partielle d’un plan de départs volontaires, tous autres moyens pour parvenir au retour à l’équilibre des finances de l’entreprise, qu’il s’agisse de mesures temporaires comme un gel des rémunérations (quelle que soit la forme de ces dernières) dans le respect du principe d’exemplarité, jusqu’au retour à l’équilibre des comptes de l’entreprise, la politique des achats, la limitation du recours aux cabinets de conseil, les mesures incitatives permettant l’accélération de départs naturels non remplacés… »
La rapporteure se réjouit donc de l’abandon du projet de plan de départs volontaires et d’un scénario de retour à l’équilibre qui, au vu des éléments dont elle dispose et des avis apportés par les personnes qu’elle a eu l’opportunité d’auditionner dans le cadre de la préparation du présent rapport, lui apparaît comme équilibré et solide.
2. Un effort important de l’État
Les mesures financières exceptionnelles prises par l’État pour accompagner l’entreprise dans un contexte budgétaire particulièrement contraint doivent être appréciées à leur juste mesure.
L’État consent en effet à un effort très important pour permettre à l’entreprise d’achever le chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio par le biais d’une dotation en capital de 55 millions d’euros à partir du compte d’affectation spécial « Participations financières de l’État » (dont 27,5 millions d’euros en 2016 et 27,5 millions d’euros en 2017), à laquelle s’ajoute un complément de contribution à l’audiovisuel public d’investissement à hauteur de 25 millions d’euros (5 millions d’euros en 2016, 10 millions d’euros en 2017 et 10 millions d’euros en 2018).
En outre, l’État autorise Radio France à recourir, en tant que de besoin, à l’emprunt à hauteur de 90 millions d’euros. Toutefois, le plan d’affaires prévoit un emprunt limité à 70 millions d’euros, remboursable sur cinq à sept ans, rendu nécessaire par la situation de trésorerie qui se creuse sous l’effet cumulé des déficits d’exploitation et des investissements.
La contribution à l’audiovisuel public de fonctionnement devrait par ailleurs connaître une augmentation de 1,5 % par an en 2008 et 2019, ce qui représente une augmentation de 17 millions d’euros.
Enfin, l’État s’engage à sécuriser les recettes publicitaires de l’entreprise à hauteur du niveau de chiffre d’affaires réalisé en 2014, à savoir 42 millions d’euros.
Cette « sécurisation juridique » suppose une modification du cahier des missions et des charges de l’entreprise afin d’ouvrir les antennes de Radio France à de nouveaux annonceurs. Actuellement, en application de l’article 32 du cahier des missions et des charges de Radio France, qui n’a pas été modifié depuis 1987, seule la publicité collective et d’intérêt général est autorisée sur les antennes du groupe. Or, comme l’a confirmé un récent jugement du Tribunal de commerce de Paris, Radio France diffuse des spots de publicité en dehors du périmètre autorisé par son cahier des charges. En contrepartie de l’ouverture des antennes à tous les annonceurs, le Gouvernement souhaite à juste titre encadrer le volume de publicité diffusée. Des discussions sont donc en cours pour permettre de garantir une ouverture sans augmenter le chiffre d’affaires et le volume publicitaires.
3. Des engagements significatifs de l’entreprise
L’entreprise s’engage pour sa part à des efforts significatifs en matière d’augmentation de ses ressources propres comme de réduction de ses charges.
a. Une augmentation ambitieuse des ressources propres
L’augmentation des recettes publicitaires (radio et numérique) devrait s’établir à 2,3 millions d’euros entre 2014 et 2019, dont 1,7 million sur le numérique, le solde provenant principalement du parrainage.
Source : Radio France.
L’entreprise prévoit également une augmentation de ses autres ressources propres (locations ponctuelles ou de longue durée, concessions, concerts, éditions) de 7 millions d’euros entre 2015 et 2019.
Il convient de souligner qu’une part importante de l’augmentation (2,6 millions d’euros en fin de période) provient de la remise en location d’une partie des surfaces de la Maison de la Radio après l’achèvement des travaux. C’est pourquoi il est important de souligner que la trajectoire d’augmentation des ressources propres suppose l’achèvement dans les temps de ces travaux.
Source : Radio France.
En réponse aux questions posées par la rapporteure, l’entreprise a précisé les grands axes de sa politique de développement des ressources propres :
« Côté professionnels, outre les ressources publicitaires des annonceurs, Radio France met à disposition ses espaces de la Maison de la Radio (salles, studios, halls, auditorium, etc.) pour de la location événementielle. Des services sont également proposés aux entreprises en relation avec la location de ces espaces (visites, ateliers radio). Des espaces d’environ 4 000 m2 seront également proposés à la fin du chantier de réhabilitation pour des partenaires dont l’activité et les valeurs sont compatibles avec celles de Radio France.
Côté grand public, compte tenu du succès de ses offres éditoriales (livre, livre-CD, revue, CD, DCV, etc.), Radio France développera et renforcera sa stratégie autour de l’édition sous toutes ses formes. Elle s’appuiera notamment sur les marques de ses émissions, chroniques et autres rendez-vous emblématiques, afin de mieux valoriser et diffuser les contenus radiophoniques issus des antennes et des formations musicales. Les recettes issues de la billetterie des concerts progresseront également sur la période, avec l’objectif d’améliorer la fréquentation des offres musicales proposées à la Maison de la Radio.
Le développement d’une offre de services complémentaires sera proposé à partir de fin 2016 avec l’installation de services de restauration, d’une librairie-boutique et d’un parking, qui viendra renforcer l’attractivité de la Maison de la Radio tout en facilitant les conditions d’accès à l’ensemble des visiteurs ».
Lors de son audition par notre commission le 17 novembre 2015, M. Mathieu Gallet a notamment insisté sur ses « ambitions en matière de recettes de concerts. Aujourd’hui, elles sont insuffisantes : elles s’élèvent à environ 2 millions par an, soit 5 % de notre budget, quand pour d’autres orchestres, comme l’Orchestre de Paris, elles se situent aux alentours de 15 % à 20 %. Certes, un orchestre radiophonique a d’autres missions qu’un orchestre symphonique de salle, mais nous pouvons améliorer fortement ce ratio et pour cela, mettre en place une politique ambitieuse de marketing et de communication. C’est tout l’enjeu de la création d’une structure dédiée à nos formations musicales et à nos grandes salles ».
b. Un effort conséquent sur les charges
Comme l’a indiqué M. Mathieu Gallet lors de son audition précitée par notre commission, « afin de suivre la trajectoire inscrite dans le COM, nous prévoyons le remplacement d’un départ sur deux pour les exercices 2016 et 2017, de deux sur trois à partir de 2018, avant le retour à un remplacement pour un départ. Cette politique de non-remplacement permet une économie de 22 millions d’euros et une stabilisation de la masse salariale au cours du COM. En 2014, le coût de la masse salariale s’élevait à 399 millions d’euros ; il devrait être de 395 millions en 2019 ; nous absorbons ainsi la hausse mécanique de la masse salariale ».
Lors de son audition par la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat le 28 octobre 2015, le président de Radio France a également précisé qu’en parallèle, « des créations de postes permettront, d’une part, la mise en œuvre de France Bleu Rhône et, d’autre part, l’enrichissement en matière de numérique et le développement de propositions musicales ».
L’objectif est donc celui d’une stabilisation progressive de la masse salariale (dont la part dans les charges de fonctionnement devrait rester inférieure à 58 %). Compte tenu de la dynamique propre de cette charge (en augmentation de 4 à 5 millions d’euros par an en moyenne ces dernières années), une telle stabilisation devra passer par la politique de non-remplacement des départs naturels (environ 180 départs naturels par an) évoquée précédemment mais aussi par une politique de modération salariale.
Source : Radio France.
Le plan d’affaires prévoit par ailleurs des économies très importantes sur la diffusion à travers l’arrêt de la diffusion en ondes moyennes et en ondes longues.
Précisions apportées par l’entreprise sur l’extinction
de la diffusion en ondes moyennes et en ondes longues
« Radio France procède depuis 2012 à l’extinction progressive des émetteurs en ondes moyennes, l’écoute étant devenue obsolète et résiduelle (faible qualité sonore d’une part, récepteurs en vente ne permettant plus de recevoir les ondes moyennes, notamment à bord des véhicules, d’autre part). L’extinction du dernier émetteur en ondes moyennes est prévue au 31 décembre 2015.
Cette évolution concerne la diffusion des seules antennes France Info et France Bleu :
– les programmes en alsacien de France Bleu Elsass seront désormais diffusés sur internet avec une matinale intégralement diffusée en direct et en vidéo et le développement de contenus éditoriaux en alsacien sur un site dont l’ergonomie a été totalement renouvelée en septembre 2015 ;
– les programmes de France Bleu Corse sont intégralement repris en diffusion FM ;
– la météo marine, précédemment annoncée à 6 h 40 en ondes moyennes sur France Info, fera l’objet d’un bulletin complet repris sur internet, avec l’annonce à l’antenne au même horaire de sa disponibilité sur le site.
S’agissant de la diffusion en ondes longues, qui ne concerne que France Inter, son extinction est prévue au 31 décembre 2016. Il convient de noter qu’elle représente une audience désormais très marginale, les auditeurs pouvant écouter France Inter sur le réseau des 628 émetteurs FM qui couvrent 95 % de la population française et les taux d’équipement ayant fortement reculé au cours des dix dernières années. Par ailleurs, les 5 % restants peuvent accéder aux programmes de la station sur internet, sur téléphone mobile ainsi que sur les deux offres gratuites de la TNT par satellite (vecteur d’autant plus important que les zones blanches de France Inter sont également les zones blanches de la TNT pour lesquels les téléspectateurs se sont d’ores et déjà équipés en récepteur satellite.
Au total, l’impact financier de ces extinctions représente une économie en année pleine pour Radio France de l’ordre de 14 millions d’euros. »
L’entreprise prévoit également de réaliser des gains de productivité sur sa politique d’achats. L’effort s’élèverait au total à 5,2 millions d’euros sur toute la durée du COM (1,55 million d’euros en 2016, 1,55 million d’euros en 2017, 0,8 million d’euros en 2018 et 1,3 million d’euros en 2019). Ces économies sont à réaliser par une remise en concurrence des contrats, une modification de la politique de consommation (usage des imprimantes, consommation de papier, frais de réception, abonnements à des journaux, parc automobile, recours aux taxes, audit du parc immobilier et rationalisation des espaces d’archivage etc.). Certaines augmentations sur les achats et prestations externes sont néanmoins prises en compte, liées en particulier à la création d’une nouvelle station du réseau de France Bleu ou au développement de la politique numérique.
Source : Radio France.
Il convient également de noter que le projet de COM prévoit la fin progressive des achats et charges externes liés au fonctionnement de la réhabilitation, en particulier les locations extérieures qui s’élèvent à 9 millions d’euros en année pleine et dont l’entreprise prévoit la fin progressive à partir de la deuxième partie de l’année 2018. Là encore, la rapporteure attire l’attention sur le fait que le respect de la trajectoire de diminution des charges apparaît donc conditionné à celui de la date prévue de fin des travaux.
Le projet de COM comporte également un effort sur les grilles, à hauteur de 1,5 million d’euros. L’économie demandée étant proportionnelle au coût des grilles de chaque antenne concernée, France Inter et France Culture représenteraient donc à elles deux plus de 70 % des économies demandées.
C. UN PLAN D’AFFAIRES DONT LA MISE EN ŒUVRE APPELLE NÉANMOINS PLUSIEURS OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE
En ce qui concerne la présentation du plan d’affaires, si la rapporteure souscrit à la démarche consistant à cibler des objectifs prioritaires et à réduire le nombre d’indicateurs, elle rappelle qu’aux termes de la loi, les COM doivent obligatoirement faire figurer « la détermination du coût des activités » ainsi que « le montant des ressources publiques en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programme ». À cet égard, il conviendrait de faire apparaître l’évolution des budgets consacrés aux différentes activités de l’entreprise en distinguant notamment les coûts de grille, ceux des développements numériques et des autres activités, en particulier les crédits consacrés aux formations musicales.
La loi prévoit également que le COM doit préciser « le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage » ainsi que « les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d’un prix ». Il conviendrait donc, conformément aux termes de la loi, que le plan d’affaires détaille l’évolution prévisionnelle des différentes catégories de ressources propres et présente les perspectives d’évolution des différentes recettes commerciales, en particulier les recettes de billetterie.
Si le plan d’affaires proposé apparaît globalement équilibré et robuste, sa mise en œuvre appelle également plusieurs observations.
L’expérience de l’exécution des COM passés avec les différentes sociétés de l’audiovisuel public, quelles que soient les majorités, ne peut qu’inciter la rapporteure à rappeler au respect des trajectoires établies tant par l’État que par l’entreprise. En cas de modification significative dans la trajectoire établie, la rapporteure appelle l’attention des tutelles sur la nécessité de signer un avenant, qui a fait défaut en 2012.
Alors que la présentation annuelle de l’exécution du COM précédent n’a pas permis à la représentation nationale et aux tutelles de prendre conscience de la situation de Radio France avant la fin de l’année 2014 et au vu de l’anomalie qu’a constitué la révélation extrêmement tardive de la situation financière très dégradée de l’entreprise, la rapporteure appelle de ses vœux un suivi extrêmement scrupuleux par les instances de gouvernance, à commencer par le conseil d’administration de l’entreprise, de la mise en œuvre du plan de redressement des comptes, ainsi que de toutes les mesures d’amélioration de la gestion de l’entreprise.
Il conviendra également que le rapport d’exécution du COM fasse un point précis sur la situation financière de l’entreprise et que le Parlement profite de l’audition annuelle du président sur l’exécution de son COM pour procéder à un examen approfondi de cette dernière.
La trajectoire d’évolution des ressources propres apparaît exigeante mais réaliste même si elle est conditionnée au respect du calendrier d’achèvement des travaux de réhabilitation et à la réforme du cadre publicitaire fixé par le cahier des missions et des charges. L’amélioration en cours de la gestion doit donc impérativement permettre de tenir le calendrier d’achèvement du chantier et, comme l’a souligné le médiateur dans son rapport précité du 21 juillet 2015, d’éviter la reproduction « des invraisemblables malfaçons constatées ».
La rapporteure a pu constater l’inquiétude des syndicats entendus dans le cadre de la préparation du présent rapport au sujet de la politique de diversification. Elle estime néanmoins que le développement d’une politique de diversification ambitieuse dans le respect des missions fondamentales de Radio France est possible et nécessaire.
De même, compte tenu de la conjoncture financière difficile de la société, la rapporteure juge la stabilisation des recettes publicitaires et la réforme du cahier des missions et des charges indispensables. Il conviendra néanmoins que le CSA, chargé du respect du cahier des missions et des charges, veille désormais beaucoup plus scrupuleusement à faire respecter le nouveau cadre afin qu’il n’entraîne pas de déstabilisation du secteur privé de la radio.
S’agissant de la mise en œuvre du programme de non-remplacement systématique des départs naturels, la rapporteure attire l’attention sur la nécessité de mettre en place une répartition équilibrée et pertinente de l’effort sur la base d’un travail précis de projection des besoins futurs, lequel n’a pas encore été effectué.
En ce qui concerne le chantier de réhabilitation, il devrait être achevé au cours de l’année 2018 pour ce qui est du périmètre arrêté en 2008. Cependant, ce périmètre ne comportait pas les studios moyens, dans lesquels sont enregistrées les fictions radiophoniques, ni les façades. Des groupes de travail s’attachent à établir un diagnostic et à formuler des recommandations pour le début de l’année prochaine en vue de la rénovation de ces équipements qui ne sont pas aux normes, qu’il s’agisse de la sécurité ou de l’accessibilité. Comme l’a indiqué M. Mathieu Gallet lors de son audition par notre commission le 17 novembre 2015, il conviendra de chercher un accord avec l’État sur le financement de ce chantier supplémentaire, aucun financement spécifique n’étant prévu dans le COM actuel. Un point de la situation est prévu en 2016, sur la base de l’étude en cours. Il conviendra donc d’être attentif à cette question.
II. DES OBJECTIFS STRATÉGIQUES GLOBALEMENT CONVAINCANTS MAIS DONT CERTAINS ASPECTS DEMANDENT À ÊTRE PRÉCISÉS
À titre liminaire, il convient de préciser que le présent projet de COM présente un nombre d’objectifs plus resserré et ne prévoit que 11 indicateurs, contre 36 dans le précédent COM.
En réponse aux questions de la rapporteure, Radio France a justifié cette démarche de la manière suivante : « Les sociétés de l’audiovisuel public voient leur activité encadrée par plusieurs documents annuels qui permettent un suivi régulier à la fois de leurs obligations en matière éditoriale (définies de manière détaillée par les cahiers des missions et des charges), de leur économie (l’ensemble des indicateurs étant suivi dans le cadre de l’exercice budgétaire annuel par plusieurs tutelles, exercées notamment au plus près par le contrôleur d’État et d’une manière scrupuleuse par le conseil d’administration des sociétés où siègent des représentants des deux Assemblées) et de leur stratégie de développement pluriannuelle, qui fait précisément l’objet du COM. Conformément aux recommandations du rapport de février 2015 du groupe de travail sur l’avenir de France Télévisions coordonné par Marc Schwartz, la volonté du ministère de la culture et de la communication et des ministères concernés a été de mieux spécialiser chaque outil : cahier des missions et des charges pour les obligations en matière de programmes, rapport de gestion et rapport RSE (responsabilité sociale de l’entreprise) adoptés en conseil d’administration pour tout ce qui relève du suivi financier et des engagements de l’entreprise dans ce domaine et contrat d’objectifs et de moyens pour la stratégie à moyen terme de l’entreprise et sa trajectoire économique pluriannuelle. C’est donc dans l’ensemble de ces documents que figureront, en tant que de besoin, les indicateurs qui n’ont pas été repris dans le COM, afin d’éviter les redondances entre les différents exercices qui réclament chacun un suivi annuel de la part, selon les cas, soit des tutelles, soit du régulateur de l’audiovisuel ».
La rapporteure souscrit à cette démarche de rationalisation qui suppose que l’État propose à courte échéance une refonte pertinente du cahier des missions et des charges assurant une meilleure articulation avec le COM. L’objectif d’un COM étant de fixer des objectifs stratégiques clairs autour d’axes prioritaires de développement accompagnés d’un plan d’affaires crédible, il n’a pas vocation à constituer un catalogue descriptif de l’ensemble des activités de l’entreprise. Il importe en outre d’éviter l’écueil qui consisterait à multiplier les objectifs dans un contexte de raréfaction des moyens.
Le CSA, dans son avis du 25 novembre 2015, a estimé que l’absence d’engagements et d’indicateurs relatifs aux enjeux de cohésion sociale constituait une lacune importante. La rapporteure ne partage pas totalement cet avis et estime qu’il appartient au CSA, aux termes de la loi, de fixer à l’entreprise des objectifs relatifs à la représentation des femmes et de la diversité de la société française et d’en rendre compte selon les modalités qui lui paraissent les plus appropriées. Elle souhaite également que le rapport d’exécution du COM comporte, en annexe, une synthèse du rapport responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) permettant de mesurer les actions menées en ce domaine.
Il convient néanmoins que les objectifs prioritaires et les indicateurs en nombre limité définis par le COM soient suffisamment clairs et précis. En outre, en lieu et place d’indicateurs, le document renvoie fréquemment à une revue annuelle de l’état de la mise en œuvre de certains des objectifs devant le conseil d’administration. La rapporteure juge indispensable qu’il soit également fait état de la mise en œuvre des objectifs dans le rapport d’exécution du COM afin que le Parlement et le CSA soient mis en capacité d’en assurer un suivi précis. Cette proposition lui paraît préférable à celle d’une transmission, demandée par le CSA dans son avis précité, des documents fournis au conseil d’administration.
Le présent projet de COM comporte trois axes stratégiques majeurs qui apparaissent globalement convaincants mais dont certains aspects mériteraient encore d’être précisés : faire de Radio France une radio de référence à l’ère numérique (A), un acteur majeur de la musique et de la culture (B) et une entreprise modernisée et responsable (C).
A. RADIO FRANCE, RADIO DE RÉFÉRENCE À L’ÈRE NUMÉRIQUE
1. Des ajustements pertinents des lignes éditoriales en dépit des interrogations persistantes sur la relance éditoriale de Mouv’
Lors de son audition par notre commission le 17 novembre 2015, M. Mathieu Gallet a indiqué avoir, dès sa prise de fonction le 12 mai 2014, engagé un travail pour « repenser profondément la grille des programmes des différentes antennes ». Il a ajouté que « les nouvelles grilles, mises en place à l’été 2014, ont rencontré un beau succès puisque l’ensemble des chaînes, à l’exception de Mouv’, ont vu leur audience progresser ».
Si toutes les grilles n’ont pas connu de bouleversement majeur (en particulier celles France Bleu et France Culture dont les résultats demeurent très satisfaisants dans la continuité) et si toutes les antennes ne progressent pas (France Info ayant particulièrement souffert de la grève), les ajustements et modifications apportés et la stratégie poursuivie, décrite dans le projet de COM, apparaissent pertinents et produisent des résultats globalement positifs. La part d’audience globale des antennes de Radio France est ainsi passée de 23,1 % sur la vague septembre-octobre 2014 à 23,7 % sur la même période en 2015, en dépit de la grève qui a paralysé les antennes au printemps dernier.
ÉVOLUTION DE LA PART D’AUDIENCE DES ANTENNES DE RADIO FRANCE
(LUNDI-VENDREDI)
(en %)
Septembre-octobre 2014 |
Septembre-octobre 2015 | |
France Bleu |
6,5 |
7,1 |
France Info |
3,4 |
3,0 |
France Inter |
9,2 |
10,1 |
France Culture |
1,8 |
1,8 |
France Musique |
1,0 |
1,0 |
Source : Médiamétrie.
Alors que l’âge moyen de l’audience de Radio France s’établit à 57 ans, soit dix ans de plus que l’âge moyen de la population française, et ne cesse de s’accroître, la rapporteure salue les objectifs et indicateurs de rajeunissement de l’audience, enjeu majeur dont on peut se réjouir qu’il ne soit pas cantonné à la tentative de relance de Mouv’.
En ce qui concerne l’information, les objectifs proposés apparaissent également convaincants et pertinents, même s’ils devront être complétés en ce qui concerne notamment la contribution de Radio France à la mise en place de la chaîne d’information du service public. La rapporteure se réjouit que la mise en place de « services transverses puisse être recherchée dès lors qu’elle permettra de renforcer la puissance journalistique des rédactions sans entamer leur identité propre, notamment dans le domaine du sport, de l’investigation ou des flashs de nuit ».
Quant au réseau de France Bleu, le projet de COM indique que l’ensemble des actions engagées en son sein feront l’objet d’une revue annuelle devant le conseil d’administration à compter de 2016. Là encore, la rapporteure souhaite qu’un point précis soit également réalisé dans les rapports d’exécution des COM.
S’agissant de la relance et de la ligne éditoriale de Mouv’, la rapporteure reste très réservée. Lors de son audition précitée par la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, M. Mathieu Gallet a lui-même reconnu que « les évolutions constantes des pratiques des plus jeunes en matière d’écoute musicale ne permettent pas d’affirmer avec certitude que la nouvelle mouture de Mouv’ sera un succès. Pour cette raison, un point de rendez-vous est prévu sur ce dossier par le contrat d’objectifs et de moyens (COM) de Radio France ».
En revanche, une stratégie numérique pertinente apparaît comme un moyen beaucoup plus prometteur pour le service public de toucher un public plus large et plus jeune.
2. Une stratégie numérique globalement pertinente mais à compléter
Dans son avis d’octobre 2014 sur les crédits en faveur de l’audiovisuel dans le projet de loi de finances pour 2015, la rapporteure faisait état des résultats plus que contrastés de Radio France sur le numérique.
Si des résultats encourageants étaient enregistrés en matière de téléchargements de podcasts, en ce qui concerne la fréquentation des sites internet et les applications mobiles, les comparaisons faisaient état d’un retard préoccupant, particulièrement pour France Bleu. En outre, contrairement à ses homologues étrangères, Radio France présentait la particularité de n’avoir développé aucune webradio. La rapporteure appelait donc l’entreprise à combler rapidement son retard et l’ensemble du service public audiovisuel à mieux articuler ses offres numériques.
La nouvelle direction a bien pris acte de ce que l’offre numérique actuelle de Radio France ne répond pas encore complètement aux usages existants et émergents et a engagé une stratégie qui apparaît globalement pertinente, en ce qui concerne l’objectif de comblement des retards constatés.
Comme l’indique le projet de COM, « Radio France développera une offre de sites et d’applications fiables et donnera à écouter et à regarder, en linéaire, à la demande, sur tous les écrans connectés pertinents ».
De premières avancées importantes sont à saluer. Le chantier des webradios a été lancé récemment et constitue un axe de développement majeur. Selon les informations transmises à la rapporteure, les premières radios numériques de Radio France (au nombre de six) concerneront FIP et seront lancées dès janvier 2016.
Sur sept antennes, seules deux (France Info et France Bleu) proposent aujourd’hui des sites mobiles adaptés aux smartphones. Il s’agit là encore d’un chantier prioritaire que l’entreprise a bien identifié comme tel.
Outre une nouvelle application mobile, France Bleu a enfin lancé avec succès un nouveau site internet. De manière générale, Radio France a opportunément entrepris de repenser sites web, applications et réseaux sociaux en fonction de l’évolution des usages de la radio.
Par ailleurs, la rapporteure se félicite que le projet de COM mette l’accent sur la nécessaire adaptation des outils de production. Comme l’indique le document, « L’entreprise s’engage à faire évoluer les outils de production dans le sens d’une plus grande interopérabilité et d’une intégration du numérique dans les différents environnements applicatifs. Un schéma directeur a été élaboré en ce sens, dont la mise en œuvre s’étalera sur la durée du COM et sera suivie par un comité d’investissement mis en place à cette fin ».
Enfin, alors que le projet stratégique présenté par M. Mathieu Gallet devant le CSA prévoyait une remise en cause très controversée de la gratuité des offres numériques, la rapporteure se félicite que le projet de COM précise que « Radio France intégrera les usages existants ou émergents afin de s’insérer dans l’univers connecté, en s’efforçant de préserver les fondamentaux de la radio broadcastée : la gratuité, l’anonymat et l’instantanéité de la réception ».
En dépit de ces éléments positifs, la stratégie numérique établie par ce projet de COM appelle plusieurs observations.
Tout d’abord, elle semble s’inscrire dans un cadre budgétaire incertain. Lors de son audition précitée par la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, M. Mathieu Gallet a précisé que Radio France consacre actuellement 1 % de son budget au numérique. « C’est beaucoup trop faible. Que ce soit sur la question de l’investissement ou du fonctionnement, nous n’avons évidemment pas fixé un objectif ferme dans le COM. Mais il fait partie de notre trajectoire de faire progresser ce budget dédié au numérique. Dans le cadre du COM, nous avons prévu de créer 20 postes en net sur une période de deux ans. L’aspect numérique sera particulièrement concerné. Cette compétence, nous ne l’avons pas aujourd’hui, mais cela n’empêche pas une formation de nos collaborateurs dans ce domaine ». Dans son avis sur ce projet, le CSA relève que le déploiement envisagé ne fait l’objet « d’aucune précision en termes de hiérarchisation, de calendrier ou encore sur les moyens qui lui seront affectés ». La rapporteure partage ce regret.
En ce qui concerne les indicateurs, ils se limitent en l’état aux audiences numériques (nombre de visites et nombre d’écoutes mensuelles) étant précisé qu’ils seront complétés au cours du COM selon l’évolution des outils de suivi disponibles. Comme elle l’avait indiqué dans son avis sur les crédits en faveur de l’audiovisuel dans le projet de loi de finances pour 2015, la rapporteure insiste sur la nécessité d’assortir les indicateurs relatifs aux développements numériques de comparaisons pertinentes avec les concurrents de Radio France.
En ce qui concerne les actions engagées sur les outils et les modes de production, le projet de COM précise qu’elles feront l’objet d’une revue annuelle devant le conseil d’administration à compter de 2016. S’agissant d’un objectif important du COM, la rapporteure souhaite que les actions engagées fassent également l’objet d’une revue annuelle dans le rapport d’exécution du COM afin que le Parlement et le CSA puissent en évaluer la mise en œuvre.
Enfin et surtout, la stratégie numérique devra être complétée et précisée s’agissant des coopérations envisagées avec les autres sociétés de l’audiovisuel public (partenariats éditoriaux, mise en commun de moyens, projets communs comme la chaîne d’information en continu), enjeu majeur sur lequel la réflexion en est malheureusement encore à un stade embryonnaire. Il conviendra en particulier de préciser l’articulation entre la chaîne d’information de service public et le projet France Info Media global. La formalisation de ces coopérations pourrait exiger la signature ultérieure d’un avenant au COM de Radio France. Mieux, la rapporteure souhaite que soit envisagée la mise en place d’un nouveau document complémentaire innovant, COM partagé qui pourrait être signé entre l’État et l’ensemble des sociétés concernées et assorti d’un budget dédié à gérer en commun. Cette perspective lui paraît largement préférable et plus réaliste que les propositions de fusion ou de rapprochement des différentes sociétés.
3. Des objectifs de couverture à préciser
À titre liminaire, la rapporteure réitère le souhait, formulé dans son avis précité sur les crédits en faveur de l’audiovisuel dans le projet de loi de finances pour 2015, que le CSA calcule les taux de couverture de Radio France selon la nouvelle méthode établie pour l’application du plafond de concentration prévu par l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986.
S’agissant des objectifs de couverture, la rapporteure les juge insuffisamment précis et souhaite, comme le CSA, que le projet de COM mentionne de manière plus détaillée et en tenant compte des contraintes budgétaires les zones ou les régions dans lesquelles il conviendrait de diffuser un des services de Radio France.
En revanche, le CSA souhaite que soit étudiée l’opportunité d’une diffusion outre-mer des antennes nationales de Radio France. Compte tenu du rôle imparti aux outre-mer premières et du coût important qu’aurait une telle extension de la diffusion dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, la rapporteure s’interroge sur son caractère prioritaire.
B. RADIO FRANCE, ACTEUR MAJEUR DE LA MUSIQUE ET DE LA CULTURE
1. Radio France en tant qu’opérateur culturel : une stratégie qui reste à élaborer
Le deuxième axe de ce projet de COM porte sur la stratégie de Radio France en tant qu’opérateur culturel, deuxième métier de Radio France, alors que la Maison de la Radio, qui compte désormais un auditorium, a été réouverte au public le 14 novembre 2014 et que la définition d’une stratégie cohérente pour les formations musicales a été identifiée comme un chantier majeur. Cet axe est celui qui apparaît le moins abouti.
Comme l’a indiqué M. Mathieu Gallet devant la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, « les travaux menés cet été par Stephan Gehmacher, directeur de la Philharmonie de Luxembourg, sur les formations musicales de Radio France ont été particulièrement instructifs, d’autant plus que l’auteur bénéficiait de toute la légitimité en raison de ses compétences et à sa gestion saluée du service public de l’audiovisuel de Bavière, dont les caractéristiques sont proches en de nombreux points de celles de Radio France. Je ne vous cacherai pas, néanmoins, que la réception de ses conclusions a quelque peu secoué nos musiciens, notamment s’agissant de sa proposition relative à un orchestre philharmonique à géométrie variable. Ce rapport va – j’en suis convaincu – nous permettre de construire à Radio France une offre musicale dotée d’une véritable identité, afin de la faire émerger dans un contexte où le nombre de salles parisiennes ne cesse de croître : 2015 a ainsi vu la Philharmonie être inaugurée tandis que les équipements de l’Île Seguin devraient être accessibles en 2017. Notre réflexion relative à l’affirmation d’une identité culturelle propre à Radio France s’appuie, en outre, sur les travaux menés sur ce thème par Marie-Pierre de Surville ».
Cette dernière s’est en effet vue confier une mission de préfiguration d’une future direction de la programmation et de la création musicale et culturelle pour une mise en œuvre à compter de 2016. Lors de son audition précitée par notre commission, M. Mathieu Gallet a indiqué que l’objectif était « de créer une grande direction de la musique à Radio France, qui inclura l’ensemble des métiers concourant à faire de la Maison de la Radio une salle de spectacles. Actuellement, Radio France n’est pas organisée pour porter cette dimension, à la différence de la Philharmonie de Paris qui connaît déjà le succès moins d’un an après sa création. Ces questions préoccupent les musiciens comme l’ensemble de la Maison. Il faut y apporter des réponses en donnant à cette ambition artistique les moyens et l’organisation nécessaires ».
La rapporteure regrette que cette partie du projet de COM ne soit pas rédigée en des termes plus précis, sur la base notamment des propositions formulées par M. Stephan Gehmacher. Elle souhaite par conséquent que cet axe stratégique soit approfondi et détaillé avant la signature définitive. En tout état de cause, il conviendra là encore que les actions mises en œuvre en ce domaine fassent l’objet d’une revue précise dans le rapport d’exécution du COM.
2. L’exposition de la musique et le soutien à la création
Comme l’indique le CSA dans son avis précité du 25 novembre 2015, « la place accordée par le groupe radiophonique à la création, notamment dans le domaine de la fiction et des documentaires, est sans équivalent dans le paysage radiophonique français ». La rapporteure se félicite donc, comme le régulateur, que les objectifs en matière de soutien à la création soient maintenus.
Sur l’exposition de la chanson d’expression originale française, le CSA regrette toutefois que l’ensemble des indicateurs soit maintenu en l’état, voire en dessous de l’objectif du COM précédent.
La rapporteure estime que Radio France doit être particulièrement exemplaire en matière de diversité et de rotation des titres diffusés et souscrit donc à la proposition du CSA d’introduire un indicateur relatif à la diversité des titres diffusés.
C. RADIO FRANCE, ENTREPRISE MODERNISÉE ET RESPONSABLE
Cet axe du projet de COM apparaît fondé sur un bon diagnostic et une vision claire des enjeux.
La gouvernance de Radio France doit en effet être améliorée, ce qui passe en particulier par un renforcement du rôle de son conseil d’administration.
Un contrôle interne plus strict doit être mis en place et la remise en ordre des achats doit être poursuivie et achevée.
Comme le souligne le médiateur dans son rapport précité du 21 juillet 2015, « trop de débats et de soupçons sont nés d’un défaut d’information sur la situation financière et sur le coût réel du chantier. Il apparaît donc indispensable de bâtir une véritable comptabilité analytique pour être en mesure d’identifier clairement le coût des différentes activités de l’entreprise et de distinguer ce qui relève des charges imputables au chantier de réhabilitation et ce qui relève du fonctionnement normal de Radio France ».
Il convient en outre de remédier de toute urgence aux graves insuffisances des systèmes d’information en y consacrant les moyens nécessaires.
L’entreprise doit également engager un vaste chantier de modernisation sociale incluant tout particulièrement une gestion anticipatrice des emplois et des compétences pour accompagner les mutations de l’entreprise et une indispensable réduction programmée du recours à la précarité. Enfin, la négociation d’un nouvel accord collectif doit pouvoir être menée à bien dans des délais rapides.
Comme elle l’a indiqué dans la première partie du présent rapport, la rapporteure appelle de ses vœux un suivi extrêmement scrupuleux par les instances de gouvernance de la mise en œuvre du plan de redressement des comptes, ainsi que de toutes les mesures d’amélioration de la gestion de l’entreprise.
Elle invite également la direction à organiser une information régulière de l’ensemble du personnel sur la situation financière de l’entreprise.
Pour assurer l’achèvement du chantier de réhabilitation dans le calendrier fixé, la rapporteure attire l’attention sur la nécessité d’une planification plus précise des travaux et d’un suivi régulier de celle-ci par le conseil d’administration.
Le projet de COM précise qu’une revue des actions menées en matière d’amélioration de l’information financière, de maîtrise des risques et d’exemplarité de la gestion ainsi que des modalités de recours à l’emploi intermittent sera réalisée annuellement devant le conseil d’administration. Là encore, s’agissant d’objectifs majeurs du COM, la rapporteure juge indispensable qu’un point précis sur la mise en œuvre des actions menées soit également réalisé dans le rapport d’exécution du COM.
Enfin, alors que le médiateur a bien souligné le dysfonctionnement majeur que constitue l’utilisation massive de contrats précaires, non seulement comme système d’ajustement des effectifs aux aléas conjoncturels, mais comme véritable mode de gestion du personnel, la rapporteure appelle également à la mise en place d’un objectif plus précis de réduction du recours aux contrats à durée déterminée (CDD).
La Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède à l’examen du rapport d’information de Mme Martine Martinel sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens 2015-2019 de Radio France lors de sa séance du mercredi 9 décembre 2015.
M. le président Patrick Bloche. Je rappelle que nous avons auditionné le président de Radio France, Mathieu Gallet, le 17 novembre dernier, et avons pu à cette occasion échanger sur l’exécution de son COM pour 2014 ainsi que sur ce projet.
Les enjeux du COM 2015-2019 sont majeurs après la grave crise traversée par Radio France au printemps dernier, avec la plus longue grève de son histoire. Il a pour objet de trouver une trajectoire financière qui permette d’assurer l’équilibre des comptes de la société mais aussi de procéder aux réformes nécessaires à sa modernisation.
Radio France est riche de son histoire, de ses talents, de ses ambitions. Elle constitue un élément de notre patrimoine et de notre mémoire. Le COM doit lui permettre de conjuguer tous ses atouts en dégageant les perspectives d’un développement pérenne et dynamique, afin qu’elle puisse poursuivre au mieux l’exécution de ses missions de service public.
Mme Martine Martinel, rapporteure. Je suis très heureuse de vous présenter mon avis sur le projet de COM liant l’État et Radio France pour la période 2015-2019.
Il ne vous aura pas échappé que ce projet est censé couvrir l’activité de l’entreprise depuis le début de l’année 2015. Mais vous connaissez les raisons qui expliquent le retard dans son élaboration : une situation financière très dégradée, qui n’a été révélée qu’à l’automne 2014 ; un très long conflit social ayant suivi l’annonce d’un premier projet stratégique controversé et dont la résolution a nécessité le recours à une médiation ; et de nombreux allers et retours entre l’État et l’entreprise afin de définir une nouvelle trajectoire financière acceptable.
En outre, le médiateur intervenu pour aider l’entreprise à sortir du conflit avait appelé à un changement dans la méthode d’élaboration des décisions et dans la gestion des relations sociales. À cet égard, on ne peut que se féliciter que le projet qui nous est soumis ait pu faire l’objet d’un effort réel de concertation avec les salariés.
Les principaux défis que l’entreprise doit relever dans les prochaines années sont désormais bien identifiés. Radio France doit retrouver assez rapidement l’équilibre de ses comptes tout en achevant le chantier de réhabilitation. Elle doit redresser les audiences de ses antennes, la plupart ayant connu des évolutions préoccupantes lors de la fin du précédent COM, mais aussi rattraper le retard pris sur le numérique.
Radio France doit également définir une politique claire s’agissant de son deuxième métier, celui d’opérateur culturel, avec la gestion de l’auditorium et des formations musicales. Enfin, elle doit améliorer sa gestion et engager un vaste chantier de modernisation sociale dans une vieille maison quasiment familiale.
Le document qui nous est soumis n’est pas parfait, il a même encore un côté « chantier » sur certains aspects, mais il a le grand mérite de proposer un plan d’affaires et une trajectoire de retour à l’équilibre qui me semblent globalement solides et satisfaisants.
Je salue tout d’abord le choix pertinent d’un calendrier plus réaliste de retour à l’équilibre, qui permet à l’entreprise d’éviter un plan de départs volontaires. J’ai déjà eu l’occasion de dresser un bilan négatif de tels plans mis en œuvre à France Télévisions et à France Médias Monde. Je rappelle qu’un plan de départs volontaires est un dispositif très coûteux qui favorise les effets d’aubaine. Il suppose un ciblage très précis des métiers concernés, faute de quoi le risque est grand qu’il ne débouche sur de nouveaux recrutements, notamment en contrats précaires, tout aussi coûteux, si ce n’est plus, comme on a pu le constater ailleurs. Le médiateur avait d’ailleurs appelé la direction de l’entreprise à envisager tous les autres moyens de parvenir à l’équilibre : gel des rémunérations, politique des achats, limitation du recours aux cabinets de conseil, non-remplacement des départs naturels. Je pense donc que nous pouvons nous féliciter du renoncement à un plan de départs volontaires.
Le plan d’affaires repose aussi sur un effort important de l’État, qui consent à une dotation en capital de 55 millions d’euros et à un complément de redevance d’investissement de 25 millions d’euros pour permettre à l’entreprise d’achever le chantier de réhabilitation. La redevance de fonctionnement devrait quant à elle augmenter de 1,5 % par an en 2018 et 2019. L’État autorise également Radio France à recourir à un emprunt de 70 millions d’euros. Enfin, il s’engage à sécuriser les recettes publicitaires de l’entreprise à hauteur du niveau réalisé en 2014, soit 42 millions d’euros. Cette sécurisation suppose donc une réforme du cahier des missions et des charges, qui est en cours de discussion. Compte tenu de la situation financière de l’entreprise, cette évolution me paraît inéluctable, mais j’attire l’attention sur la nécessité que le CSA fasse respecter le nouveau cadre publicitaire beaucoup plus scrupuleusement que par le passé afin qu’il ne déstabilise pas les acteurs privés.
Enfin, le plan d’affaires repose sur des engagements très significatifs de l’entreprise en matière d’augmentation de ses ressources propres, de réduction de ses charges et de stabilisation de sa masse salariale, laquelle suppose une politique de non-remplacement de tous les départs naturels mais aussi une politique de modération salariale. La mise en œuvre de ce plan appelle néanmoins plusieurs observations.
L’expérience des COM passés, quelles que soient les majorités, ne peut qu’inciter à rappeler au respect des trajectoires établies tant par l’État que par l’entreprise. En cas de modification significative de ces trajectoires, j’attire l’attention des tutelles sur la nécessité de signer un avenant – lequel a fait défaut en 2012.
Je formulerai quelques préconisations sur la présentation de ce plan, qui, aux termes de la loi, me semble devoir être un peu plus détaillé sur certains points.
En ce qui concerne l’augmentation des ressources propres et la diminution des charges envisagées, je note qu’elles supposent l’achèvement du chantier dans les temps.
Concernant le programme de non-remplacement systématique des départs, il faudra veiller à mettre en place une répartition équilibrée de l’effort entre les métiers, sur la base d’une projection des besoins futurs.
Il faudra aussi veiller à ce qu’un mode de financement spécifique soit établi en 2016 pour la rénovation des façades de la Maison de la Radio et des studios moyens, ce financement n’étant pas prévu par le projet.
Surtout, au vu de l’anomalie grave qu’a constituée la révélation très tardive de la situation financière de l’entreprise, j’appelle à un suivi particulièrement scrupuleux par les instances de gouvernance, à commencer par le conseil d’administration, de la mise en œuvre du plan de redressement des comptes et des mesures d’amélioration de la gestion. Il conviendra également que la direction tienne les salariés informés de l’évolution de la situation financière et que le rapport d’exécution du COM fasse un point précis sur cette dernière. Il conviendra enfin que nous profitions des auditions sur l’exécution du COM pour procéder à un examen approfondi de ces sujets, qui sont au cœur de ce contrat.
J’en viens maintenant aux objectifs stratégiques. Ils me semblent globalement pertinents mais insuffisamment précis sur certains aspects.
Il convient tout d’abord de préciser que ce projet propose un nombre d’objectifs plus resserré et ne prévoit que 11 indicateurs, contre 36 dans le précédent COM. En lieu et place d’indicateurs, il renvoie fréquemment à une revue annuelle devant le conseil d’administration des actions mises en œuvre. Il me semble indispensable de préciser que le rapport d’exécution du COM devra également faire état de leur mise en œuvre pour que la représentation nationale et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) puissent en assurer le suivi.
Par ailleurs, l’entreprise et ses tutelles ont souhaité mieux spécialiser et rationaliser chacun des outils : le cahier des missions et des charges pour les obligations en matière de programmes, le rapport de gestion et le bilan social pour le suivi des engagements correspondants, et le COM pour les priorités stratégiques et la trajectoire financière pluriannuelle. Je souscris à cette démarche à condition que le Gouvernement propose à brève échéance une réforme du cahier des missions et des charges et que les objectifs et indicateurs prioritaires fixés par le COM soient suffisamment précis. À cet égard, certains aspects me semblent devoir être précisés. Il en va ainsi en particulier de l’axe qui définit les objectifs de la politique de Radio France en tant qu’opérateur culturel, alors que la Maison de la Radio a été rouverte au public le 14 novembre 2014 et que la définition d’une stratégie cohérente pour les formations musicales a été identifiée comme un chantier majeur. M. Stephan Gehmacher, directeur de la Philharmonie de Luxembourg, a rendu un rapport constructif sur les formations musicales. Il est fait référence à celui-ci dans le projet de COM, mais je suggère que cet axe stratégique soit approfondi et détaillé avant la signature définitive.
Je suggère également que les objectifs de couverture soient précisés et qu’un indicateur relatif à la diversité des titres diffusés soit introduit s’agissant des objectifs d’exposition de la chanson d’expression originale française.
Les ajustements apportés à la stratégie éditoriale me paraissent globalement convaincants et pertinents et produisent des résultats globalement positifs au vu des derniers résultats d’audience. S’agissant de France Info, les résultats décevants ne signent pas selon moi l’échec de la nouvelle stratégie éditoriale car l’antenne a beaucoup souffert de la grève. Je me réjouis aussi des objectifs et indicateurs de rajeunissement de l’audience, qui ne se cantonnent pas à Mouv’.
En ce qui concerne ce dernier, je reste réservée sur sa relance et sa politique éditoriale. Je constate que mon scepticisme est largement partagé par les personnels et par le document lui-même puisqu’une clause de rendez-vous est fixée en 2016 pour faire le point sur la situation et en tirer les conséquences qui s’imposent. Une politique numérique pertinente me semble en revanche un levier beaucoup plus prometteur pour toucher un public plus large et plus jeune.
S’agissant justement du numérique, je constate que la nouvelle direction a bien conscience du retard qui a été pris et des priorités pour le combler – rénovation des sites, des applications, mise en place de développements numériques dignes de ce nom pour France Bleu, adaptation des outils de production. Je constate néanmoins que la politique de développement numérique s’inscrit dans un cadre budgétaire particulièrement contraint et incertain et que les grands chantiers numériques communs, en particulier le projet de chaîne d’information du service public, n’ont pas pu être abordés dans ce COM, la réflexion en étant encore à un stade embryonnaire. Je soutiens pleinement ce projet et souhaiterais que les salariés de Radio France soient également convaincus de l’intérêt de projets numériques communs pour l’avenir du service public. Il ne s’agit aucunement de remettre en cause le rôle fondamental, les spécificités et l’identité de la radio.
Pour la définition et la mise en œuvre de ces projets, je propose la mise en place d’un nouveau document innovant, un COM complémentaire, qui pourrait être signé ultérieurement entre l’État et les différentes sociétés de l’audiovisuel public concernées – et serait peut-être plus efficace que les incantations évoquées par chaque société sans qu’on en voie jamais la concrétisation. Ce COM partagé pourrait définir les projets à mener collectivement et les assortir d’un budget dédié, à gérer en commun. Cette piste me paraît plus pragmatique et plus prometteuse que des propositions de fusion ou de rapprochement entre les sociétés.
Enfin, en ce qui concerne le dernier axe du COM – Radio France entreprise modernisée et responsable –, il m’apparaît fondé sur un bon diagnostic et une vision claire des enjeux. Cependant, alors que le médiateur a bien souligné le dysfonctionnement majeur que constitue l’utilisation massive des contrats précaires, non seulement comme système d’ajustement des effectifs aux aléas conjoncturels mais aussi comme mode de gestion du personnel, je suggère la mise en place d’un objectif plus précis de réduction du recours aux contrats à durée déterminée.
Sous le bénéfice de ces observations et recommandations, je formule un avis favorable sur ce projet.
Mme Colette Langlade. Tout d’abord, je souhaite saluer le travail de la rapporteure qui, dans un délai contraint s’expliquant par la période troublée que connaît le groupe Radio France, a pu nous présenter clairement les principaux objectifs de ce COM 2015-2019 et nous faire part de ses recommandations.
Nous nous prononçons effectivement aujourd’hui avec un certain paradoxe sur un COM qui, applicable à compter du 1er janvier 2015, est censé couvrir l’année qui vient de s’écouler.
Ce COM prend donc directement acte des difficultés budgétaires du groupe Radio France, malgré un soutien financier exceptionnel de l’État, et du conflit social qui a durement touché l’entreprise au cours des premiers mois de 2015. Il s’agit donc d’un COM de responsabilité budgétaire, mais aussi de préservation des emplois. On peut ainsi se réjouir du report de l’objectif, indispensable, de retour à l’équilibre financier du groupe de 2017 à 2018. Si ce groupe public doit impérativement assainir ses comptes et ainsi retrouver un modèle économique durable, il ne faut pas oublier que derrière ces objectifs financiers, se trouvent des emplois, des journalistes, des investissements et une certaine idée de la diversité culturelle et de l’information de proximité à travers la radio publique.
Or toute austérité non maîtrisée aurait pour conséquence de faire perdre à Radio France plus que de l’argent : sa raison d’être et son identité.
Ce COM renonce donc, par la trajectoire financière qu’il propose, au plan de départs volontaires de près de 300 postes initialement envisagé par la direction, qui avait entraîné plusieurs semaines de grève. En complément, il engage Radio France dans un grand chantier de modernisation sociale et dans la négociation, pour l’avenir, d’un nouvel accord collectif.
Il sera néanmoins indispensable – comme vous le précisez, madame la rapporteure, dans vos recommandations – de suivre de manière scrupuleuse et attentive les objectifs financiers contenus dans ce COM afin de voir toute menace de plan social ou de plan de départs volontaires définitivement s’éloigner.
Ce COM revient également sur l’orientation des missions du groupe et sur les intentions de la direction pour préparer la radio publique à l’évolution continue des modes de consommation.
Tout d’abord, la gouvernance est réaménagée, avec un pouvoir accru offert au conseil d’administration, afin d’augmenter la réactivité et l’efficacité des prises de décision, notamment concernant la programmation des stations. Ensuite, la personnalisation des différentes stations du groupe est poursuivie pour améliorer l’offre proposée mais aussi l’audience générale du groupe. Ainsi, certaines stations comme FIP disposeront d’une orientation numérique forte tandis que l’importance du réseau France Bleu se voit réaffirmée. Je souhaite, sur ce point, que le nombre de stations mais aussi la place accordée à l’information locale sur le réseau France Bleu ne soient pas sacrifiés sur l’autel des réductions budgétaires.
Enfin, ce COM évoque pour Radio France un devoir de soutien à la création, comme l’exposition musicale plurielle et variée. Un objectif qui demande désormais d’adopter une démarche précise dans son application par la direction.
Ce projet de COM pour 2015-2019 représente, pour toutes ces raisons, une réponse responsable, sociale et ambitieuse aux profondes difficultés budgétaires que rencontre le groupe Radio France. Il devra néanmoins, dans son application, prendre en compte les justes observations effectuées par le CSA et respecter de manière rigoureuse la trajectoire financière proposée.
Le groupe SRC votera pour l’adoption de ce projet de COM, qui va dans l’intérêt du groupe Radio France et de son personnel, comme dans celui des nombreux auditeurs.
M. Franck Riester. Je voudrais saluer le très bon travail de la rapporteure.
S’agissant de la situation financière, je rappelle la responsabilité de l’État, notamment lors de la crise du printemps dernier. Entre 2012 et 2014, 87 millions d’euros prévus dans le COM n’ont pas été versés par l’État, sans aucune explication. Comment une entreprise comme Radio France peut-elle absorber un choc aussi important ?
Par ailleurs, en 2016, l’État va prélever pour l’audiovisuel public sur les contribuables français plus de 128 millions d’euros supplémentaires – 100 millions de rendement liés à 0,4 point de taxe sur les télécoms et 28 millions issus de l’euro supplémentaire pour la contribution à l’audiovisuel public (CAP). Or, in fine, ne seront reversés aux entreprises de l’audiovisuel public que 35 millions d’euros en 2016, hors subventions d’investissement. Il est important de souligner cette cavalerie budgétaire consistant à faire croire aux Français qu’ils vont substantiellement renforcer les financements de cet audiovisuel alors qu’il ne bénéficiera que d’une petite partie de ce prélèvement supplémentaire.
Dans ce contexte, le groupe fait des efforts importants pour retrouver un équilibre budgétaire à l’horizon 2017-2018. Mais nous pensons qu’on aurait pu aller plus loin dans certains domaines, notamment en explicitant de façon plus importante les synergies et réorganisations internes permettant d’améliorer la productivité et la réduction des coûts support. On aurait aussi aimé que la tutelle accompagne davantage le groupe dans le traitement de la question des deux orchestres. Peut-on raisonnablement maintenir deux orchestres à Radio France alors même qu’un certain nombre de salles, y compris en Île-de-France, n’en a pas et pourrait en héberger un ? Nous restons sur notre faim quant aux pistes possibles d’économies dans un certain nombre de domaines – même si on comprend qu’après la crise sociale du printemps dernier, il était important pour la direction et la tutelle de retrouver un dialogue social et un rapport de confiance entre les différents acteurs de l’entreprise.
S’agissant de l’augmentation des ressources propres, on reste dubitatif sur l’accroissement de la publicité, notamment du champ couvert par elle, car cela sera forcément au détriment de celle du secteur privé, qui souffre d’un manque de ressources. Si cet accroissement permet d’équilibrer les comptes du groupe, il revient un peu à habiller Jacques en déshabillant Paul. Ce n’est pas une clarification de ce que doivent être les financements des secteurs public et privé dans l’avenir. Rappelons-nous du slogan de France Inter, qui était « Écoutez la différence » ; or on écoute la différence notamment en ayant une publicité très restreinte sur les antennes du service public radiophonique.
Concernant la partie stratégie éditoriale, je rejoins beaucoup de points évoqués par la rapporteure, en particulier sur le succès de France Inter, les questions sur l’avenir de France Info et la question de Mouv’, dont on ne voit pas bien les résultats associés à cette stratégie. En tout état de cause, on s’étonne qu’il n’y ait rien dans le COM au sujet de la chaîne d’information continue – à laquelle je suis à titre personnel favorable –, en particulier sur le rôle de France Info, qui doit être majeur dans la constitution de cette chaîne.
Enfin, nous sommes ouverts à un COM commun aux différentes entreprises de l’audiovisuel public. Il y a débat sur la nécessité de rapprocher, voire de fusionner, ces entreprises : un rapport sénatorial va d’ailleurs dans ce sens et j’y suis pour ma part très favorable. Un COM commun peut être une première étape vers ce nécessaire rapprochement, à un moment où se fait jour en France et dans le monde une recomposition majeure de tous les acteurs de l’audiovisuel vers davantage de convergence et de consolidation. Pourquoi l’audiovisuel public serait-il le seul à ne pas s’adapter à l’évolution de ce secteur ?
Pour toutes ces raisons, nous émettrons un avis favorable à ce COM.
Mme Barbara Pompili. Je tiens en tout premier lieu à vous remercier pour la qualité de votre rapport, dont je partage la grande majorité des observations.
Les treize objectifs de ce COM font écho aux enjeux que doit relever Radio France, que nous avons déjà évoqués ici à différentes reprises.
Concernant la volonté de renforcer la singularité et la complémentarité des différentes chaînes, la dynamique lancée dans le précédent COM, qui va se poursuivre avec celui-ci, va dans le bon sens.
Par ailleurs, concernant le problème du vieillissement de l’audience, il faut savoir être innovant et s’adapter aux usages des nouvelles générations. Les smartphones et tablettes prennent de plus en plus d’importance dans les modes d’écoute des radios et cette trajectoire ne va pas s’arrêter. D’où l’enjeu d’adapter l’offre à ce type de supports et aux nouvelles interactions permises.
Le numérique est en effet un véritable défi et ce COM est particulièrement volontariste sur ce point.
Le développement prévu des webradios, à commencer par FIP puis France Musique, est d’ailleurs une très bonne chose. De même, la volonté de faire de France Info un média global de référence est très intéressante, mais je suis étonnée par le peu de précisions sur le projet de création d’une chaîne d’information en continu avec France Télévisions, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA), auquel participe Radio France.
D’ailleurs, je souscris totalement à votre proposition, madame Martinel, de mettre en place un COM partagé – avec un budget dédié – par l’ensemble des acteurs concernés.
Sur la question de l’amélioration du maillage territorial, le numérique peut être un outil intéressant. J’ai souvent évoqué la radio numérique terrestre (RNT) et je suis contente de voir que celle-ci apparaît ici comme un complément de la diffusion FM des chaînes.
Mais l’amélioration de la couverture par les chaînes de Radio France
demeure un enjeu. Trois exemples en témoignent : FIP ne dispose que de dix émetteurs ; France Info ne couvre que 80 % du territoire ; et France Bleu – qui par définition doit être au plus proche des territoires – est absente de 34 départements. La couverture des territoires ruraux est essentielle et les propositions du nouveau COM – avec notamment l’ouverture à Lyon – sont certes de bonnes nouvelles, mais elles demeurent insuffisantes.
Comme vous l’indiquez, madame la rapporteure, mieux préciser les objectifs de couverture du territoire semble nécessaire. Bien sûr, cette question est indissociable de celle du financement du groupe. Radio France, on le sait, vient de traverser une crise financière lors d’un mouvement social historique. Pour que cette situation appartienne réellement au passé, deux points sont essentiels.
Tout d’abord, s’agissant du dialogue social, il faut donner aux partenaires sociaux toute leur place dans les projets et évolutions en cours, faire vivre la concertation et accompagner les personnels dans les évolutions de leurs métiers.
Le COM se veut volontariste. Mais des inquiétudes demeurent : je pense aux annonces relatives à la vente de la banque de programmes Sophia – qui est d’ailleurs totalement absente de ce COM – et au manque d’objectifs clairs quant à la réduction du recours aux emplois précaires.
De même, quand on regarde l’ampleur des chantiers à relever prévus par le COM, on ne peut qu’être inquiet de voir que tout cela se fera avec moins d’effectifs. Le non-remplacement de départs à la retraite va nécessairement conduire à accroître la charge de travail des personnels. C’est demander plus avec moins de moyens.
D’où le deuxième point que je veux aborder : la sécurisation du financement du groupe. Je rejoins bien sûr la rapporteure dans ses demandes de précision sur l’évolution des budgets, qu’il s’agisse des postes de dépenses, des recettes escomptées ou de la mise en place d’un réel suivi du plan de redressement.
Quoi qu’il en soit, nous devons donner aux médias publics les ressources financières suffisantes et pérennes leur permettant de remplir leurs missions de service public, dans de bonnes conditions et dans la durée. Des pistes existent et mériteraient d’être creusées, comme par exemple l’évolution de la CAP vers une « contribution forfaitaire universelle ».
Concernant les ressources, Mathieu Gallet a indiqué son souhait d’augmenter les recettes liées à la publicité. Je souhaiterais que la « diversification » envisagée soit mieux explicitée et, sur cette question, il me semble primordial d’être vigilant sur l’aspect éthique des annonceurs retenus par les médias publics.
Concernant la location des salles et la vente des billets, je souhaiterais savoir si une tarification sociale est prévue pour être en cohérence avec la volonté d’ouvrir la Maison de la Radio à tous.
Enfin, les recettes numériques nécessiteraient d’être précisées. J’en profite pour réaffirmer mon opposition à des podcasts payants : la gratuité des services proposés est essentielle, d’autant que ceux-ci sont déjà financés par le contribuable via la CAP.
Autre enjeu budgétaire de taille quand on voit les dérives du passé : le chantier de réhabilitation. Quelles sont les garanties prévues dans ce nouveau COM pour éviter les dérapages ? Je rejoins à cet égard la rapporteure sur le besoin de précisions concernant le financement des travaux des façades et des studios moyens.
Enfin, je souhaiterais savoir ce qui est prévu pour que la création se poursuive lorsque les studios moyens seront réhabilités, car cela nécessite aussi d’être budgété.
Il n’en reste pas moins que ce COM va dans le bon sens : nous lui donnerons donc un avis favorable.
M. Rudy Salles. Avant de commencer mon intervention, je tenais à remercier madame Martinel pour la qualité de son rapport.
Alors que l’on examine le projet de COM de Radio France pour 2015-2019, comment ne pas revenir sur le long conflit social du printemps dernier ? Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer ce sujet avec Mathieu Gallet lors de sa venue en novembre pour présenter le rapport d’exécution du COM 2010-2014 et ses propos se voulaient alors rassurants quant à la bonne tenue du dialogue social au sein de Radio France. Pour autant, nous devons rester vigilants sur cette question.
S’agissant plus particulièrement du projet de COM 2015-2019 et du rapport de madame Martinel, j’ai un certain nombre de questions.
Ma première interrogation concerne l’équilibre des comptes. Le retour à l’équilibre espéré à l’horizon 2017 sera difficile à atteindre tant la trajectoire financière semble fragile. Outre le soutien de l’État, il est prévu un emprunt de 70 millions d’euros, qui se traduira nécessairement par un accroissement des charges financières. Pouvez-vous nous en dire plus et savez-vous à quoi seront destinés ces 70 millions ?
Par ailleurs, le rapport de la Cour des Comptes, publié en avril dernier, était très critique sur la gestion de la précédente direction. Vous comprendrez que nous soyons particulièrement attentifs aux prévisions financières. Des réformes structurelles sont-elles déjà prévues d’après vous afin de revenir à l’équilibre ?
Puisque nous traitons des sujets financiers, je me permets de revenir sur le chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio. Ce même rapport de la Cour des Comptes épinglait en effet aussi, entre autres, le coût de ce chantier. Si la Maison de la Radio a été présentée comme étant un atout majeur de Radio France, nous pouvons nous interroger sur ce coût et la durée du chantier.
L’opération a été enclenchée en 2004, pour une durée prévisionnelle de huit ans, et le coût estimé à 262 millions d’euros. Or, aujourd’hui, on apprend que les travaux devront encore durer trois ans, soit jusqu’à 2018. La Cour des comptes a de son côté indiqué que le coût final du chantier était estimé à 575 millions d’euros. Si l’on rapporte ce chiffre au budget public de Radio France, qui était de 601 millions en 2015, la comparaison est inquiétante. Avez-vous obtenu des éléments sur les raisons de ce retard et de ce surcoût ?
Je souhaiterais également évoquer la coopération au sein de l’audiovisuel public. Il n’est pas fait mention de ce projet dans le COM. Savez-vous quelle est la position de Radio France à ce sujet ainsi que l’avancée du projet ? À la suite de la remise du rapport du groupe de travail interministériel sur l’avenir de France Télévisions, le Gouvernement a exprimé le souhait de renforcer les coopérations au sein de l’audiovisuel public, notamment au travers de l’installation d’une chaîne publique d’information. Ce projet est notamment porté par la ministre de la culture et la présidente de France Télévisions.
J’ai eu l’occasion de le rappeler à de multiples reprises, je suis en désaccord avec cette idée. L’objectif, à première vue louable, de coordonner et de mutualiser les moyens des rédactions des différents groupes de l’audiovisuel public était déjà visé pour France 24, or beaucoup de chemin reste à faire. Par ailleurs, il ne faudrait pas prendre le risque de déstabiliser les chaînes privées d’information en continu qui sont déjà en difficulté. La création d’une chaîne publique d’information aurait été pertinente il y a quinze ans, mais aujourd’hui il me semble qu’il est trop tard.
Enfin, je conclurai par quelques mots sur Mouv’. Lors de la venue en novembre de M. Gallet devant notre commission, je l’avais alerté sur la situation de cette chaîne qui peine à trouver son public, et ce depuis sa création. Aussi suis-je satisfait de constater qu’une évaluation de la nouvelle grille est prévue dans le COM, à la fin de l’année 2016, afin d’analyser les effets du nouveau positionnement éditorial de l’antenne.
Le groupe UDI donnera un avis favorable à ce projet de COM.
Mme Gilda Hobert. Madame la rapporteure, chère collègue, je tiens tout d’abord à vous remercier pour l’investissement qui a été le vôtre dans l’élaboration de ce rapport et la diligence dont vous avez fait preuve dans vos travaux.
Nous pouvons dire notre satisfaction quant à la direction que prend l’entreprise publique, qu’il s’agisse de Mouv’, du virage numérique du groupe ou encore de l’ancrage local de France Bleu, qu’on aimerait voir se développer encore davantage.
La réhabilitation de la Maison de la Radio, et en son sein du nouvel auditorium et du studio 104, devrait élargir les champs du rayonnement culturel de nos chaînes de radio publique. Elle devrait permettre au groupe d’être à nouveau à l’équilibre financièrement. Le développement de ses ressources propres passe en effet par une hausse des recettes issues de la billetterie et de l’édition. Dans cette perspective, une programmation ambitieuse doit voir le jour. On peut en mesurer l’impact à l’Auditorium de Lyon, qui a vu le nombre de ses abonnés augmenter de manière fulgurante grâce au développement de ciné-concerts avec orchestre.
Quelle pourrait être selon vous, madame la rapporteure, l’ambition d’une programmation qualitative et diversifiée des lieux de création de Radio France ? Quel rôle pourrait-elle jouer dans l’accroissement de sa trésorerie ?
L’équilibre budgétaire reste néanmoins précaire. L’année 2014 s’est achevée avec un bénéfice de 2 millions d’euros pour un déficit de 20 millions d’euros au budget 2015. À l’évidence, l’opacité dont a fait preuve l’ancienne gouvernance n’est pas étrangère à cette situation. Toutefois, ces erreurs ont peut-être apporté leur lot d’enseignements et l’on peut se réjouir qu’elles ne se soient pas reproduites.
Le retour à l’équilibre, prévu pour 2018, passe également par la maîtrise des charges salariales sans qu’il y ait de plan de départs volontaires, objectif que l’on ne peut que saluer. Après un conflit social et d’âpres discussions, et compte tenu des choix structurels du groupe et de son orientation, il est aujourd’hui indispensable de faire évoluer la force vive, en intégrant notamment de nouveaux métiers.
J’insiste sur l’objectif de « lutter contre la précarisation de l’emploi » et de mieux encadrer la collaboration avec les intermittents. Certes, il est important de rendre effectif le retour à une stabilisation pour 2018 et, dans cette perspective, on peut concevoir la nécessité de baisser à terme – mais toujours à la marge – la masse salariale, par exemple en appliquant le principe de non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite. Toutefois, il est impératif de penser aussi à la sécurité des salariés et des intermittents qui travaillent pour le groupe. Comment pensez-vous qu’il soit possible, madame la rapporteure, d’accompagner cette légère baisse de la masse salariale sans porter atteinte à la qualité et à la stabilité du travail effectué par l’ensemble du personnel ?
Le retour à l’équilibre passe aussi par une présence affirmée de l’État, qui prend ses responsabilités en accordant une dotation exceptionnelle au groupe public.
Je suis, en revanche, circonspecte quant à l’ouverture de la publicité, et plus précisément à l’ouverture des antennes à tous les annonceurs, même si un encadrement du volume de la publicité est prévu. Le CSA doit ici jouer pleinement son rôle. Il en va de l’indépendance du groupe et du respect de ses auditeurs qui restent attachés à ce particularisme, celui d’un groupe public qui doit demeurer un exemple de responsabilité.
Il conviendra que soient portées régulièrement à la connaissance de notre assemblée et du CSA les étapes de la mise en œuvre du contrat d’objectifs et de moyens de Radio France.
Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste votera en faveur de ce projet qui fait preuve de responsabilité, tant en termes de qualité et de diversité de la programmation que de respect des salariés et des auditeurs.
M. Michel Françaix. À mon tour, je féliciterai Mme la rapporteure pour son rapport, dont la qualité rend la liste des questions moins longue.
J’estime qu’il y a néanmoins quelques points qui nous laissent sur notre faim, comme Franck Riester l’a indiqué. Je note toutefois avec une certaine malice qu’après avoir souligné que l’État avait versé à Radio France 87 millions d’euros de moins que prévu, il a omis de dire que ce même État vient de lui verser 90 millions d’euros de plus, ce qui oblige à un regard plus nuancé.
Après le conflit entre la direction de l’entreprise et les salariés, il a fallu un médiateur et une concertation, qui a abouti à un renoncement au plan de départs volontaires. Aujourd’hui, Radio France cherche le retour à l’équilibre. Toutes choses qui laissent à penser que les réponses ne sont pas simples.
Je ferai quatre observations.
Premièrement, Radio France est-elle un acteur majeur de la musique avec ses orchestres et l’Auditorium ? La volonté d’avancer est réelle mais il reste un certain flou.
Deuxièmement, il faut aller plus loin dans la réorganisation de la stratégie numérique pour la parachever. Et, comme Mme la rapporteure, j’estime qu’il existe des points où cette stratégie pourrait être commune avec les autres sociétés de l’audiovisuel public.
Troisièmement, j’appelle l’attention sur l’achèvement des travaux. Je fais partie de ceux qui pensent que les délais actuels auront du mal à être tenus, ce qui aura une répercussion directe sur les finances de Radio France, puisque ce seront autant de recettes liées à la location d’espaces qui seront reportées. De nouveaux déficits risquent d’apparaître.
Enfin, la réorganisation sociale devrait nous permettre d’accélérer le processus de réduction des emplois précaires. Il reste toutefois beaucoup de chemin à parcourir.
Il faudrait peut-être faire en sorte que le conseil d’administration devienne un intervenant plus actif.
M. Patrick Hetzel. Ma question porte sur la quatrième des préconisations formulée dans le très bon rapport de Martine Martinel : « s’assurer que le Conseil supérieur de l’audiovisuel, chargé du respect du cahier des missions et des charges, veille désormais beaucoup plus scrupuleusement à faire respecter le nouveau cadre publicitaire ».
Cette formulation laisse à penser que le CSA n’a peut-être pas correctement rempli son rôle, ou du moins qu’il aurait pu faire son travail différemment. Quelles recommandations faire au Conseil afin qu’il améliore son fonctionnement en ce domaine ?
Mme Sophie Dessus. Merci, madame la rapporteure, pour votre travail de qualité.
En dehors de la Maison de la Radio, le monde tourne-t-il encore rond ? Les Français, épris de liberté, trahissent Marianne et, s’entichant de Marine ou Marion, votent pour le totalitarisme. Nos sénateurs eux-mêmes, d’habitude si raisonnables, réclament de la vitesse, reprochant au petit jeunot qu’est le PDG de Radio France de lambiner sur la mise en place de son projet. Il faut se rendre à l’évidence, il n’y a pas que le climat qui est déréglé en ce début de XXIe siècle. Sans doute, comme le chantait l’une de nos valeurs sûres, Brassens, le vent qui souffle à travers la montagne les a-t-il rendus fous.
Compte tenu des dix préconisations du CSA et des raisons qui ont poussé le Sénat à rendre un avis défavorable, je suis bien consciente que les réponses aux questions que je souhaite vous poser tiennent du grand écart.
Comment faire pour rétablir l’équilibre des comptes avec un déficit de 21,3 millions – dû en partie au chantier de réhabilitation – tout en maintenant la cohésion sociale et en respectant l’humain ? Nul ne souhaite voir se reproduire la grève du printemps dernier. Comment inciter aux départs volontaires tout en renouvelant les postes avec 50 % de femmes, 6 % de handicapés et un pourcentage non défini de personnes qui ne sont pas nées avec des yeux bleus – disons-le ainsi ? Comment faire en sorte que Radio France, l’une des rares radios où la culture, la chanson française, la jeunesse, l’éducation, le débat restent au cœur de la reconquête de la citoyenneté, ait toujours les moyens de former les citoyens, de nous divertir, de nous réapprendre à être fiers de nos valeurs sans avoir à vivre au crochet de Coca-Cola ou d’autres financeurs ? Ne serait-ce pas l’une des rares radios capable d’organiser un débat de fond autour d’un sujet tel que : « Morale, politique et éthique » ?
L’équation n’est certes pas des plus simples à résoudre et réclame des dons d’équilibriste mais n’est-ce pas à tout cela que Radio France est confrontée aujourd’hui ?
M. François Vannson. Monsieur le président, j’espère que mes yeux bleus et mes cheveux châtain clair ne froisseront personne…
Madame Martinel, je tiens à vous féliciter pour la qualité de votre rapport. Vous soulignez que Radio France souhaite développer ses ressources, maîtriser les charges d’exploitation, investir pour dépasser ses difficultés financières, notamment en réduisant son déficit de 21 millions d’euros. Pourriez-vous nous faire part d’éléments plus factuels concernant le plan de redressement, vital pour l’avenir de la radio publique ?
Mme Marie-Odile Bouillé. Madame la rapporteure, merci pour cette présentation claire et sans concession du contrat d’objectifs et de moyens de Radio France. Je souhaite ici redire mon attachement à la radio de service public.
De l’avis du CSA sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens, je retiens deux points principaux.
Premièrement, l’égalité entre femmes et hommes. Radio France a opté pour une démarche volontariste qui doit être traduite dans le contrat d’objectifs et de moyens, tant en termes de présence des femmes sur les antennes que de gestion des ressources humaines de l’entreprise. Le CSA recommande de fixer un objectif de comblement des postes par des femmes d’au moins 50 %. Qu’en pensez-vous, madame la rapporteure ? Cette évolution est-elle perceptible dans ce nouveau COM ?
Deuxième point : la situation de Mouv’, que le CSA présente comme étant très préoccupante. Les critères d’évaluation, les objectifs à atteindre et les conséquences qui pourraient être tirées de cette évaluation ne sont pas précisés dans le projet de COM. Serait-il possible de le compléter en ce sens ?
M. Marcel Rogemont. Est-il vraiment besoin de souligner la qualité du rapport de Martine Martinel, elle qui nous a tant habitués à la qualité ?
Ma première observation concerne les délais. M. Matthieu Gallet a été désigné à son poste de président directeur général de Radio France le 27 février 2014, il a pris ses fonctions le 12 mai 2014, nous sommes le 9 décembre 2015 : alors qu’il a déjà entamé un quart de son mandat, nous savons enfin ce qu’il compte faire ! N’y a-t-il pas eu une perte de temps ?
Ma deuxième observation sera un appel à la vigilance quant à la diffusion des services de Radio France. L’abandon de la couverture en grandes ondes et ondes moyennes qui figure dans le COM sera la source d’économies certaines pour Radio France. Espérons qu’elles pourront servir à assurer une diffusion satisfaisante des différents services en modulation de fréquence.
Je dois dire que le passage consacré à France Info, à la page 7 du projet de contrat d’objectifs et de moyens, a de quoi étonner. Il est précisé que le réseau couvre 80 % du territoire et 88 % de la population, or nous savons bien qu’en dehors des agglomérations, les possibilités d’écouter cette chaîne sont très incertaines. Il importerait donc que notre commission veille à deux points particuliers : savoir quel mode de calcul a permis d’établir ce taux de couverture ; comparer ce mode de calcul avec celui employé par le CSA.
M. Hervé Féron. L’année dernière, il a beaucoup été question de la maîtrise de la masse salariale mais aussi de la réduction des emplois occasionnels à Radio France. Vous évoquez, madame la rapporteure, la mise en œuvre du programme de non-remplacement systématique des départs naturels des personnels. La masse salariale, qui s’élevait en 2014 à 399 millions d’euros, devrait être stabilisée à 394,3 millions d’euros en 2019. Comment le groupe Radio France parviendra-t-il à cet objectif tout en développant de nouvelles activités autour de son cœur de métier ? J’aimerais avoir votre avis sur la question : estimez-vous possible de faire plus et mieux avec moins de moyens ?
Le groupe Radio France montre dans ce projet de COM sa volonté de limiter l’intermittence en mettant en avant un objectif de réduction du recours aux contrats à durée déterminée. Nous ne pouvons que nous féliciter d’une telle initiative qui contribue à lutter contre le développement des emplois précaires mais, là encore, nous manquons d’informations précises. Je souhaiterais savoir si vous avez pu en obtenir au cours des diverses auditions que vous avez menées.
S’agissant de l’exposition de la chanson originale française, tout comme vous, j’estime que Radio France doit être exemplaire en matière de diversité et de rotation des titres de musique. A la page 29 de votre rapport, vous exprimez le regret que l’ensemble des indicateurs relatifs à l’exposition de la chanson d’expression originale française soit maintenu en l’état, voire se situe en dessous de l’objectif du COM précédent. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet et nous fournir quelques chiffres nous permettant de nous en faire une meilleure idée ? Comment améliorer cette exposition ? Estimez-vous que le CSA ne joue pas suffisamment son rôle de contrôle à cet égard ?
S’agissant de Mouv’, j’ai eu l’occasion d’intervenir pour souligner ses mauvais résultats et déplorer que les stations régionales ne disposent plus de moyens permettant à la jeunesse d’être actrice de la radio dans une logique de proximité, à travers des émissions faites par les jeunes pour les jeunes. Dans les réseaux sociaux, mon intervention avait parfois été résumée à un appel à la suppression de Mouv’ : telle n’était pas mon intention.
M. Christophe Premat. Merci, madame la rapporteure, pour ce rapport alliant pédagogie et clarté.
Je remarque d’abord que la stratégie utilisée dans le projet de COM de Radio France se retrouve dans beaucoup d’autres contrats d’objectifs et de moyens. La vision du groupe n’étant pas clairement identifiée, il est fait appel à une mutualisation des efforts avec d’autres opérateurs, en l’occurrence l’audiovisuel. Le risque est que l’objectif se confonde avec les moyens et que ceux-ci deviennent alors une fin en soi.
Même si la stratégie numérique est devenue incontournable, la radio reste, à travers la voix, un moyen de créer et de recréer du lien social. Elle peut être associée à un lieu d’éducation populaire. Il serait intéressant de revenir sur cette primauté donnée au numérique.
Enfin, j’en viens aux ressources humaines et au dialogue social. Votre rapport se consacre aux voies qui permettraient de briser la course aux contrats temporaires et insiste sur la nécessité d’accompagner les collaborateurs afin qu’ils puissent poursuivre leur trajectoire lorsqu’ils mettent leurs compétences au service d’un autre opérateur.
Mme la rapporteure. Merci, chers collègues, pour vos questions et pour vos remarques flatteuses – parfois trop peut-être. Je me réjouis que l’avis sur le projet de COM de Radio France donne consistance à un front républicain : c’est sûrement de bon augure.
Ce COM me semble guidé par une trajectoire responsable et une volonté de gérer la crise et d’avancer. Je ne crois pas qu’il y ait un désengagement de l’État – sur ce point, Michel Françaix a répondu en partie à Franck Riester.
Des questions demeurent, à l’évidence, à commencer par celles liées au chantier de la Maison de la Radio. À lire les documents qui m’ont été communiqués et à entendre les personnes qui ont été auditionnées, j’estime que si la trajectoire prévue est appliquée et si les tutelles et le conseil d’administration exercent un bon suivi, ce chantier devrait pouvoir aboutir et être financé. Les problèmes ne datent pas de la présidence Gallet. Ce chantier est en jachère depuis de nombreuses années, sous différents présidents, et le fait que de l’argent public soit en jeu a sans doute été progressivement perdu de vue. Cette situation appelle notre vigilance à tous, celle des tutelles, celle du CSA et celle des législateurs que nous sommes. Rien ne nous interdit de manifester des exigences.
Autre grande question : la place de la musique et des orchestres. Dans le projet de COM, elle n’est abordée que de manière évasive car il n’échappe à personne qu’elle est la plus difficile à traiter. Lors des dernières auditions, le directeur de la musique n’était toujours pas nommé.
J’ai été interrogée sur les programmations. Je dois dire que je ne me sens pas en mesure d’émettre un avis précis sur ce point. On peut cependant formuler le souhait qu’il n’y ait pas de programmations concurrentes entre les chaînes.
S’agissant de la billetterie, j’ai interrogé Radio France sur les objectifs de la politique tarifaire, qui inclut la question des tarifs sociaux, mais je n’ai pas obtenu de réponses. Lors des auditions, mes interlocuteurs, selon qu’ils étaient optimistes ou pas, m’ont dit que l’Auditorium était à moitié plein ou à moitié vide. Peut-être est-ce dû à la programmation ou bien encore à des tarifs trop élevés. Gilda Hobert a évoqué l’exemple de l’Auditorium de Lyon. Il faut peut-être donner du temps au temps, même si une telle affirmation peut paraître laxiste eu égard au fait que l’argent du contribuable est en jeu. Reste que je ne suis ni chef d’orchestre, ni PDG de Radio France. Jouons notre rôle de parlementaires et soyons vigilants. Insistons pour que certains éléments soient précisés dans le COM avant sa signature.
S’agissant de la question de M. Vannson, j’avoue ne pas pouvoir lui fournir beaucoup d’éléments de réponse.
Madame Dessus, vous êtes revenue sur l’avis défavorable du Sénat. Il ne m’appartient pas d’émettre un jugement à ce propos. Je reconnais toutefois ne pas le comprendre tout à fait, car il me semble reposer sur des contradictions. Vous avez par ailleurs évoqué l’organisation d’un débat autour de la morale, de la politique et de l’éthique. Radio France est une société indépendante et il ne rentre pas dans le rôle du rapporteur de donner des consignes de programmation.
Marcel Rogemont a insisté sur la question de la couverture. Il faut savoir que Radio France n’est pas contrainte d’utiliser le nouveau mode de calcul mis en œuvre par le CSA.
M. Marcel Rogemont. Ce qui est important pour nous est de savoir quelle méthode Radio France a employée pour aboutir aux taux de couverture inscrits dans son projet de COM et de les comparer aux taux qui seraient obtenus avec le mode de calcul du CSA.
Mme la rapporteure. Nous ne savons pas ce qu’il en est du CSA. Mathieu Gallet a indiqué lors de son audition qu’il avait formulé des demandes. Nous restons dans l’expectative.
M. Marcel Rogemont. Je pense qu’il faut imposer à Radio France de fournir des éclaircissements sur le taux de couverture. Les engagements liés au service public doivent être tenus. Il n’est pas normal que les radios privées bénéficient d’une meilleure couverture qu’une chaîne publique comme France Info.
Mme la rapporteure. Hervé Féron demande comment Radio France pourra faire plus avec moins de moyens. Je dirai que la question est plutôt de savoir comment faire plus en mutualisant les services et en faisant travailler ensemble les sociétés audiovisuelles.
Sur les indicateurs de diversité, je pense avoir apporté des réponses dans le rapport.
S’agissant de l’aspiration à une radio faite par les jeunes et pour les jeunes, il me semble que le COM prend acte du vieillissement de l’audience et de la nécessité d’opérer un rajeunissement sur toutes les antennes. Quant à Mouv’, personne ne veut sa fin, mais son sort reste fragile puisqu’il est soumis à une sorte de clause de revoyure en 2016. Certaines personnes auditionnées ont insisté sur le fait que Mouv’ était en train de changer : il revient à chacun de l’écouter pour mesurer cette évolution.
Christophe Premat, enfin, a mis en balance développement des stratégies numériques et possibilité pour la radio d’être un lieu d’éducation populaire. Je ne vois pas en quoi il y aurait une opposition entre les deux. Je suis favorable au développement du numérique.
Malgré les réserves que nous avons tous émises, ce projet de contrat d’objectifs et de moyens marque une avancée. Je vous invite, chers collègues, à suivre l’avis favorable que j’émets.
M. le président Patrick Bloche. Merci, madame la rapporteure, d’avoir répondu aux questions de nos collègues.
La Commission émet, à l’unanimité, un avis favorable sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens de Radio France pour les années 2015-2019.
Puis elle autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.
ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE
(par ordre chronologique)
Ø Table ronde syndicats Radio France :
‒ Confédération générale du travail (CGT) de Radio France – M. Jean-Matthieu Zahnd, délégué syndical central, réalisateur à Radio France, et M. Bertrand Durand, représentant syndical, chef opérateur du son à Radio France
‒ Force Ouvrière (FO) Radio France – M. Olivier Martocq, secrétaire général, et Mme Sylviane Saurei, secrétaire nationale
‒ SUD Radio France – M. Benoit Gaspard, chef opérateur du son, M. Jean-Paul Quennesson, musicien à l’Orchestre national de France, et M. Sébastien Lopez, ingénieur
‒ Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Radio France – M. Philippe Ballet, secrétaire général, et M. Stéphane Part, musicien à l’Orchestre philharmonique de Radio France
Ø Ministère de la culture et de la communication – Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) – M. Martin Ajdari, directeur général, M. Romain Laleix, chef du bureau de l’audiovisuel public, et Mme Anouk Rigeade, chargée de mission au bureau du secteur audiovisuel
Ø Radio France (*) – Mme Maïa Wirgin, secrétaire générale, et M. Olivier Zegna Rata, directeur des relations institutionnelles et internationales
Ø M. Dominique-Jean Chertier, médiateur dans le conflit à Radio France, nommé par Mme Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication
Ø Mme Anne Cazala, contrôleur général économique et financier de la Mission médias-culture
Ø Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – M. Patrice Gélinet, conseiller chargé du suivi de Radio France
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
1 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2015/a2261-tV.asp.
2 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-cedu/15-16/c1516015.asp.
3 () Dominique-Jean Chertier, rapport de médiation, 21 juillet 2015.
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