N° 3363 - Rapport de Mme Ericka Bareigts et M. Daniel Fasquelle déposé en application de l'article 145-7 alinéa 1 du règlement, par la commission des affaires économiques sur la mise en application de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer




N
° 
3363

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 décembre 2015

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145-7 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur la mise en application de la loi n° 2012-1270
du
20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Ericka BAREIGTS et M. Daniel FASQUELLE

Députés.

——

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 9

PREMIÈRE PARTIE : L’APPLICATION DU CHAPITRE IER DE LA LOI DU 20 NOVEMBRE 2012 : LA RÉGULATION ÉCONOMIQUE OUTRE-MER 13

I. LES DONNÉES SOCIO-ÉCONOMIQUES, QUI AVAIENT PRÉSIDÉ À L’ÉLABORATION DE LA LOI DE 2012, N’ONT QUE PEU ÉVOLUÉ ET LES PRIX DES PRODUITS ALIMENTAIRES DEMEURENT UNE PRÉOCCUPATION MAJEURE DES MÉNAGES 13

A. DEPUIS 2012, L’INFLATION DANS LES DOM A ÉTÉ MAÎTRISÉE MAIS RESTE PRINCIPALEMENT TIRÉE PAR LES PRIX DE L’ALIMENTATION 13

1. L’évolution du taux d’inflation dans les cinq DOM suit désormais celle de la métropole 13

2. Contrairement à la métropole, l’inflation dans les outre-mer s’explique principalement par la hausse des prix des produits alimentaires 15

B. LES ÉCARTS DE PRIX ENTRE LES OUTRE-MER ET LA MÉTROPOLE SONT EN COURS DE RÉÉVALUATION MAIS SEMBLENT TOUJOURS TRÈS ÉLEVÉS S’AGISSANT DES PRODUITS ALIMENTAIRES 16

1. La prochaine enquête de l’INSEE sur la comparaison des prix entre les DOM et la métropole est attendue pour le début de l’année 2016 16

2. Les résultats d’une enquête sur les écarts de prix dans les Antilles-Guyane entre 2010 et 2013 soulignent la persistance de prix alimentaires plus élevés 18

C. LES DONNÉES RÉCENTES ET INCOMPLÈTES CONCERNANT LES REVENUS ET LA STRUCTURE DE CONSOMMATION DES MÉNAGES ULTRAMARINS MONTRENT UN POIDS CONSTANT DE L’ALIMENTATION DANS LES BUDGETS MALGRÉ UNE HAUSSE DES REVENUS 19

1. L’exploitation de l’enquête « Budget de familles 2011 » dans les départements de l’océan Indien révèle le poids constant de l’alimentation dans les budgets des ménages pourtant en hausse 19

2. Il n’existe pas encore d’étude complète appréhendant la question du pouvoir d’achat et du niveau de vie dans son ensemble 20

II. LES DISPOSITIONS « PRO-CONCURRENCE » SONT TOUTES APPLICABLES DEPUIS LA PROMULGATION DE LA LOI MAIS NÉCESSITENT DU TEMPS POUR PRODUIRE LEURS EFFETS 25

A. LA POSSIBILITÉ DE RÉGLEMENTER LES MARCHÉS DE GROS POUR REMÈDIER À LEURS DYSFONCTIONNEMENTS A ÉTÉ MISE EN œUVRE PAR LE GOUVERNEMENT DANS LE SECTEUR DES CARBURANTS 28

1. Ce que changent les dispositions des articles 1er, 6, 7 et 22 28

2. L’article 1er a été utilisé à l’occasion de la modification de la réglementation « carburant » 30

3. Le Gouvernement pourrait aller plus loin dans l’utilisation de ce nouveau pouvoir 34

B. L’INTERDICTION DES CLAUSES ACCORDANT DES DROITS EXCLUSIFS D’IMPORTATION NON JUSTIFIÉES PAR L’INTERÊT DES CONSOMMATEURS (ARTICLE 5) APPARAÎT À CE JOUR COMME LA MESURE « PRO-CONCURRENCE » LA PLUS EFFECTIVE 36

1. Ce que changent les dispositions des articles 5 et 6 36

2. L’application de cette nouvelle infraction commence à produire ses effets 38

a. L’Autorité de la concurrence enregistre des premiers résultats 38

b. Au niveau local, les services de la concurrence constatent toutefois une persistance de ces pratiques 41

3. Il convient désormais de renforcer le pouvoir d’investigation des directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIECCTE) 43

C. LE RENFORCEMENT DES POUVOIRS DE L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE EST EFFECTIF, MAIS LES CONDITIONS DE SA SAISINE DOIVENT ETRE FACILITÉES 43

1. L’élargissement du pouvoir de saisine de l’Autorité de la concurrence à certaines collectivités territoriales (article 8) et aux commissions locales d’aménagement commercial (article 12) 43

a. Ce que changent les dispositions des articles 8 et 12 43

b. Une seule saisine de l’Autorité fondée sur l’article 12 44

c. Faciliter la saisine de l’Autorité et mieux prendre en compte ses avis 46

2. L’abaissement du seuil de contrôle des concentrations (article 9) 47

3. L’injonction structurelle (article 10) 48

4. La suspension des délais de prescription devant l’Autorité (article 13) 49

III. LES DISPOSITIONS DE « MODÉRATION NÉGOCIÉE » DES PRIX, AU PREMIER RANG DESQUELLES LE « BOUCLIER QUALITÉ-PRIX », SONT LES PLUS VISIBLES POUR LE CONSOMMATEUR ULTRA-MARIN 51

A. LE « BOUCLIER QUALITÉ-PRIX » (ARTICLE 15) FONCTIONNE DIFFÉREMMENT SELON LES TERRITOIRES ET EST DEVENU UN OUTIL DE PROMOTION DES PRODUCTIONS LOCALES QUI SE RÉVÈLE PLUS EFFICACE QUE L’OBLIGATION GÉNÉRALE FIXÉE À L’ARTICLE 4 51

1. Ce que changent les dispositions des articles 4 et 15 51

2. L’application du « bouclier qualité-prix » diffère selon les territoires 53

a. Les négociations 54

b. Les magasins concernés par les accords de modération 56

c. La composition et le prix de la liste 58

d. Le contrôle du dispositif 62

i. Les modalités 62

ii. Les résultats 63

iii. Les difficultés 65

e. Les effets du BQP 66

3. Les perspectives d’amélioration du bouclier qualité-prix 68

a. Améliorer la connaissance du BQP par les consommateurs 68

b. Inclure tous les acteurs de la chaîne dans les négociations 69

c. Aider à la structuration des filières de production locale 70

B. LE PROCESSUS DE CONVERGENCE DES TARIFS BANCAIRES AVEC CEUX DE LA MÉTROPOLE EST ENGAGÉ (ARTICLE 16) DANS UN CONTEXTE DE PLUS GRANDE TRANSPARENCE (ARTICLE 3), Y COMPRIS EN NOUVELLE-CALÉDONIE (ARTICLE 32) ET EN POLYNÉSIE FRANÇAISE (ARTICLE 33) : 72

1. Ce que changent les dispositions des articles 3, 16, 32 et 33 72

2. Un bilan paradoxal : la convergence tarifaire est engagée malgré des dispositions difficilement applicables 73

C. L’APPLICATION DES RÈGLES EUROPÉENNES RELATIVES À L’ITINÉRANCE MOBILE DANS LES OUTRE-MER (ARTICLE 14) COMMENCE À AGIR SUR LE PRIX DES COMMUNICATIONS 76

IV. LES OBSERVATOIRES DES PRIX, DES MARGES ET DES REVENUS (OPMR, ARTICLE 23) SONT DEVENUS LES INSTANCES LÉGITIMES ET INCONTOURNABLES DU DIALOGUE ET DE LA TRANSPARENCE SUR LA « VIE CHÈRE » DANS LES OUTRE-MER 79

A. CE QUE CHANGENT LES ARTICLES 11, 18 ET 23 79

1. Les OPMR ont succédé aux observatoires des prix et des revenus 79

2. La LREOM a renforcé les outils de transparence sur la vie économique, au premier rang desquels figurent les OPMR 80

B. LES OPMR : ACTEURS INCOUTOURNABLES DE LA LUTTE CONTRE LA VIE CHÈRE OUTRE-MER 81

1. Implantation et présidence 81

2. La composition des OPMR a utilement été ouverte aux associations de consommateurs 84

3. Un fonctionnement à parfaire 85

a. Un budget de fonctionnement limité 85

b. La question du statut des OPMR 87

c. Fréquence et participation aux réunions des observatoires 88

4. Des attributions élargies mais inégalement mises en œuvre 89

a. Les attributions fixées dans le titre Ier A du livre IX du code de commerce (article 23 de la LREOM) 89

i. La compétence générale des observatoires achoppe sur l’analyse des marges 89

ii. Les compétences sectorielles 94

b. Les attributions fixées par d’autres textes 94

5. Des pouvoirs à consolider 95

V. L’APPLICATION DES AUTRES DISPOSITIONS DU CHAPITRE IER : 97

A. LES DISPOSITIONS NÉCESSITANT DES MESURES D’APPLICATION 97

1. Le rapport sur les tarifs aériens prévu à l’article 2 a été publié 97

2. L’ordonnance prévue à l’article 19 a été publiée mais ratifiée avec retard 97

3. L’étude sur les échanges commerciaux régionaux, prévue à l’article 21, n’a toujours pas été remise au Parlement 98

4. L’ordonnance prévue à l’article 25 a été publiée mais pas encore ratifiée 98

B. LES DISPOSITIONS NE NÉCESSITANT PAS DE MESURE D’APPLICATION 98

1. L’article 17 repousse la date d’application de l’obligation de détention d’une licence pour la vente de tabac outre-mer 98

2. L’article 20, qui permet de tenir compte du délai d’acheminement des marchandises dans les outre-mer pour le décompte du délai de leur paiement, soulève des difficultés dans son application 99

3. L’article 24 limite le commerce des outre-mer avec des entreprises situées dans des « paradis fiscaux » 100

DEUXIÈME PARTIE : L’APPLICATION DU CHAPITRE II DE LA LREOM : DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES AUX OUTRE-MER 101

I. LE CHAPITRE II DE LA LREOM PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES AUX OUTRE-MER 101

II. LES ARTICLES 27, 28 ET 30 CONCERNENT DES HABILITATIONS OU RATIFICATIONS D’ORDONNANCES 103

A. L’ARTICLE 27 EST PARTIELLEMENT APPLIQUÉ. 103

B. L’ORDONNANCE PRÉVUE À L’ARTICLE 28 A ÉTÉ PUBLIÉE 104

C. L’ARTICLE 30 RATIFIE VINGT-SIX ORDONNANCES 104

III. LES ARTICLES 26, 29, 31, 34 ET 35 METTANT EN œUVRE DES DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES AUX OUTRE-MER SONT PARTIELLEMENT APPLIQUÉS 105

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS 109

PROPOSITIONS RELATIVES AUX DISPOSITIONS PRO-CONCURRENCE 109

PROPOSITIONS RELATIVES AUX DISPOSITIONS DE « MODÉRATION NÉGOCIÉE » DES PRIX 110

PROPOSITIONS RELATIVES AUX OBSERVATOIRES DES PRIX, DES MARGES ET DES REVENUS (OPMR) 111

PROPOSITION RELATIVE AUX AUTRES DISPOSITIONS 112

EXAMEN DU RAPPORT EN COMMISSION 113

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 129

ANNEXE 139

INTRODUCTION

Présentée par le ministre Victorin Lurel et discutée au Parlement selon la procédure accélérée dès l’automne 2012, la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer (LREOM) est la quatrième loi (1) à avoir été promulguée sous la présente législature. La publication, dans la foulée, des principaux textes réglementaires d’application souligne encore l’engagement du Gouvernement à agir rapidement pour les outre-mer.

Trois ans après la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) (2), votée sous la précédente législature à la suite des crises sociales de 2009, la LREOM a mis en œuvre l’ambition du Gouvernement d’une nouvelle régulation économique des outre-mer pour lutter contre la « vie chère ». Elle a marqué une véritable rupture par rapport aux lois précédentes en adoptant une démarche de régulation axée sur l’ « amont » et le long terme et en consacrant une logique de négociation entre les acteurs économiques et les personnes publiques.

L’approche mise en œuvre par cette loi repose sur trois piliers :

1° Créer, tout d’abord, de nouveaux outils de régulation permettant non plus seulement de réglementer les prix en aval mais d’intervenir en amont, sur les marchés de gros, pour permettre d’intensifier la concurrence à long terme dans les économies ultramarines. Ces outils sont principalement l’autorisation législative donnée au Gouvernement de réglementer les marchés de gros, l’interdiction des accords d’exclusivité d’importation non justifiés par l’intérêt du consommateur et le renforcement des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence dans les outre-mer ;

2° Agir, à court terme, pour le pouvoir d’achat des consommateurs en mettant en place des mécanismes originaux de modération négociée des prix, sous l’égide de l’État, pouvant aboutir en cas d’échec à l’intervention du pouvoir réglementaire. Sur cette logique reposent à la fois le dispositif du « bouclier qualité prix » (BQP) mais aussi la convergence programmée des tarifs bancaires entre l’Hexagone et les outre-mer ;

3° Enfin, renforcer la transparence sur la formation des prix en consacrant l’existence et le rôle des observatoires des prix et des revenus et en élargissant leur champ de compétence à l’analyse des marges. Grâce à la LREOM, les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) sont devenus des instances de dialogue et de transparence incontournables sur la « vie chère ».

La LREOM est structurée en deux chapitres. Le premier, relatif à la régulation économique en outre-mer, constitue le cœur du dispositif et correspond au champ de compétence direct de votre commission. Le second portant diverses dispositions relatives aux outre-mer rassemble des articles ratifiant, pour certains, un nombre important d’ordonnances et mettant en œuvre, pour d’autres, de nouvelles dispositions touchant des domaines aussi variés que les finances locales, l’adaptation du droit à Mayotte ou encore le droit civil dans les outre-mer. Pour les dispositions du second chapitre, ce rapport se bornera à constater la prise ou non des mesures d’applications réglementaires ou des ordonnances autorisées.

Ce rapport constatera, dans l’ensemble, que les textes réglementaires et des circulaires nécessaires à la mise en œuvre de la loi ont été pris dans les temps et même, pour les principales dispositions de la loi, avec célérité par le Gouvernement (3). Vos rapporteurs n’auront, sur ce point, à regretter que l’absence de la remise d’une étude par le Gouvernement au Parlement sur la coopération régionale, prévue à l’article 21. Ils relèveront toutefois le fait qu’un certain nombre d’ordonnances prévues dans le second chapitre de la LREOM n’ont pas été prises ou ont été publiées et ratifiées avec retard.

Les travaux de cette mission de contrôle se sont déroulés entre les mois d’avril et de juillet 2015 et ont conduit vos rapporteurs dans cinq des neuf (4) territoires ultramarins concernés par l’application de la LREOM. Au cours des deux déplacements, en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, d’une part, et à Mayotte et à La Réunion, d’autre part, ainsi que lors de leurs auditions à Paris, vos rapporteurs ont rencontré plus de cent-cinquante personnes, représentants des services de l’État aux niveaux central et déconcentré, de l’Autorité de la concurrence, des responsables politiques et syndicaux, des chefs d’entreprise intervenant sur toute la chaîne de production, d’importation et de distribution mais aussi des associations de consommateurs. Des échanges ont également eu lieu avec les préfectures de Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna et Saint-Barthélemy, territoires dans lesquels s’appliquent la majeure partie des dispositions du premier chapitre de la loi.

Ces travaux sont intervenus relativement tardivement, près de deux ans et demi après la promulgation de la loi. Le présent rapport vous est d’ailleurs présenté trois ans après son entrée en vigueur. Ce délai a été conçu par vos rapporteurs comme une opportunité pour mesurer plus précisément l’impact des dispositions de la loi. Toutefois, ce délai n’est bien évidemment pas encore suffisant pour tirer des conclusions définitives. Certaines dispositions, qui auraient pu sembler inopérantes il y a quelques mois encore, démontrent aujourd’hui tout leur potentiel, comme l’illustre la récente décision de l’Autorité de la concurrence du 10 septembre 2015 s’agissant de l’interdiction des accords exclusifs d’importation (5).

En somme, trois ans après la promulgation de la loi, ce rapport permettra de bénéficier d’un recul suffisant pour esquisser une première évaluation de l’impact de la loi, tout en proposant certains ajustements afin de permettre sa meilleure application.

PREMIÈRE PARTIE : L’APPLICATION DU CHAPITRE IER DE
LA LOI DU 20 NOVEMBRE 2012 :
LA RÉGULATION ÉCONOMIQUE OUTRE-MER

I. LES DONNÉES SOCIO-ÉCONOMIQUES (6), QUI AVAIENT PRÉSIDÉ À L’ÉLABORATION DE LA LOI DE 2012, N’ONT QUE PEU ÉVOLUÉ ET LES PRIX DES PRODUITS ALIMENTAIRES DEMEURENT UNE PRÉOCCUPATION MAJEURE DES MÉNAGES

A. DEPUIS 2012, L’INFLATION DANS LES DOM A ÉTÉ MAÎTRISÉE MAIS RESTE PRINCIPALEMENT TIRÉE PAR LES PRIX DE L’ALIMENTATION

1. L’évolution du taux d’inflation dans les cinq DOM suit désormais celle de la métropole

Depuis 2012, le taux d’inflation en France a été divisé par quatre. Cette tendance, liée au ralentissement économique et à une forte baisse du prix du baril de pétrole, s’observe également dans les outre-mer. Entre janvier 2010 et avril 2015, le différentiel d’inflation entre la métropole et les cinq départements d’outre-mer (DOM) est inférieur à un point, sauf pour la Guyane où l’inflation demeure plus faible. Les taux d’inflation annuels pour ces départements convergent donc avec celui de la métropole, qui s’élève à 1,4 %. Avec 1,7 %, la Guadeloupe affiche le taux d’inflation annuel moyen le plus élevé sur la période.

Variations annuelles de l’indice des prix à la consommation total (tous produits)

               

Moyenne annuelle

France

Métropole

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

Mayotte

2010

1,5 %

1,5 %

2,7 %

1,6 %

0,2 %

1,5 %

1,3 %

2011

2,1 %

2,1 %

2,6 %

2,6 %

2,0 %

2,5 %

3,3 %

2012

2,0 %

2,0 %

1,9 %

1,5 %

 

0,9 %

1,4 %

2013

0,9 %

0,9 %

0,9 %

1,2 %

1,4 %

1,4 %

1,3 %

2014

0,5 %

0,5 %

0,4 %

0,8 %

0,5 %

0,2 %

0,8 %

Augmentation cumulée entre janvier 2010
et avril 2015

7,2 %

7,2 %

7,8 %

7,2 %

5,0 %

5,1 %

8,0 %

Augmentation annuelle moyenne

1,4 %

1,4 %

1,7 %

1,5 %

1,1 %

1,3 %

1,6 %

Source : INSEE.

La convergence des taux d’inflation est une évolution récente. En effet, comme le notait l’Autorité de la concurrence en 2009 (7), entre 1990 et 2007, l’indice des prix à la consommation avait augmenté en France de 34,5 % contre


43,5 % à La Réunion, 42 % en Martinique et 36,2 % en Guadeloupe. Le taux d’inflation de la Guyane, sur cette période, était déjà inférieur au taux national en s’élevant à 32 %. Comme le précise clairement une note récente de l’Institut d’émission d’outre-mer (8) (IEOM), « depuis 2011, l’inflation s’inscrit en baisse dans tous les [départements et collectivités d’outre-mer], à l’instar de ce que l’on observe dans l’hexagone et dans la zone euro (…). Cette faiblesse de l’inflation est imputable en grande partie à des facteurs internationaux (baisse des cours du pétrole et des matières premières), nationaux (prépondérance des échanges avec la France hexagonale où l’inflation est faible) mais également à des facteurs locaux (mise en place de la loi contre la vie chère) ».

2. Contrairement à la métropole, l’inflation dans les outre-mer s’explique principalement par la hausse des prix des produits alimentaires

Dans les cinq DOM, l’inflation au cours des dernières années demeure essentiellement tirée par le prix des produits alimentaires et, en particulier, celui des produits frais. Le tableau ci-dessous montre bien le décalage des outre-mer par rapport à la métropole concernant le prix des produits alimentaires.

 

Métropole

Guadeloupe

Guyane

Martinique

Mayotte

La Réunion

 

2013

2014

2013

2014

2013

2014

2013

2014

2013

2014

2013

2014

Taux d’inflation

0,9 %

0,5 %

0,9 %

0,4 %

1,4 %

0,5 %

1,2 %

0,8 %

1,3 %

0,8 %

1,4 %

0,2 %

Taux d’inflation des produits alimentaires (9)

– 0,4 %

– 1,4 %

2,1 %

1,4 %

3,3 %

- 0,2 %

3,3 %

1,4 %

3,8 %

2,7 %

3,3 %

0 %

Contribution de l’alimentation au taux d’inflation

 

-

0,4

-

0,8

-

0,6

-

 

-

0,4

-

Source : Assemblée nationale d’après INSEE.

En 2013 et 2014, alors que les prix alimentaires sont en baisse en métropole, ils continuent d’augmenter dans les outre-mer. Le rythme d’inflation de ces produits dans les outre-mer a toutefois ralenti au cours de ces dernières années, ce qui a pu conduire au resserrement des écarts d’inflation enregistrés avec la métropole comme à La Réunion ou en Guyane. Il n’en demeure pas moins que le secteur alimentaire contribue à lui seul, dans certains territoires, à près de la moitié du taux d’inflation. D’après l’enquête menée par l’INSEE Antilles-Guyane (10), les principaux produits inflationnistes sur la période 1998-2013 sont les légumes (qui représentent 14 % du budget d’alimentation des ménages), les huiles et graisses (en particulier en Guyane), le pain et les céréales et enfin le poisson et les crustacés. Au contraire, la viande, les œufs et les fruits sont des produits moins fortement inflationnistes, ce qui s’explique en partie par le fait qu’ils sont plus souvent produits au niveau local.

B. LES ÉCARTS DE PRIX ENTRE LES OUTRE-MER ET LA MÉTROPOLE SONT EN COURS DE RÉÉVALUATION MAIS SEMBLENT TOUJOURS TRÈS ÉLEVÉS S’AGISSANT DES PRODUITS ALIMENTAIRES

1. La prochaine enquête de l’INSEE sur la comparaison des prix entre les DOM et la métropole est attendue pour le début de l’année 2016

La dernière enquête sur la comparaison des prix entre les DOM et la métropole remonte à mars 2010. Ses résultats avaient fortement alimenté les débats au moment de l’élaboration de la LREOM. Cette enquête montre qu’il existait, en 2010, dans les quatre DOM (Mayotte n’était pas encore un département) un écart de prix significatif avec la métropole, supérieur à 13 % en Guyane, 9,7 % en Martinique, 8,3 % en Guadeloupe et 6,2 % à La Réunion.

Cet écart « général » des prix est obtenu selon la méthode de Fischer, qui tient compte du fait que les ménages adaptent la structure de leur consommation à celle des prix. Ainsi, le panier d’un ménage n’est pas composé des mêmes produits selon qu’il vit en métropole ou dans un DOM. Cette différence explique que l’INSEE produise deux indicateurs dont l’écart de Fischer est une synthèse : un écart fondé sur un panier métropolitain et un autre sur un panier local.

Source : INSEE.

Ces données générales ne sont pas représentatives des forts écarts entre les postes de consommation et entre les territoires révélés par l’analyse sectorielle. Cette dernière fait en réalité apparaître des écarts variant fortement en fonction des postes de consommation et des territoires. Si globalement les prix sont en moyenne plus élevés dans les DOM qu’en métropole, certains secteurs affichent des prix plus bas comme par exemple l’habillement et les chaussures en Guyane, les transports en Martinique, le logement/eau/énergie en Guadeloupe ou de façon encore plus significative à La Réunion (cf. graphique ci-dessous).

En revanche, les prix des produits alimentaires se distinguent par leur écart beaucoup plus marqué avec la métropole, et ce dans chaque DOM. En prenant comme référence le panier de consommation métropolitain, les prix alimentaires sont supérieurs dans les DOM dans des proportions allant de 34 % en Guadeloupe à 49 % en Guyane. Si un panier local de produits alimentaires était acheté en métropole, les prix seraient inférieurs de 9 % pour un panier guadeloupéen et de plus de 22 % pour un panier guyanais. Selon l’indice Fischer synthétisant ces deux indicateurs, les prix alimentaires sont plus élevés de 38,5 % en Guyane et de 22 % en Guadeloupe par rapport à la métropole.

Source : INSEE.

Produits alimentaires
en 2010

Écarts DOM/Métropole (panier de consommation métropolitain)

Écarts métropole/DOM (panier de consommation local)

Écarts de Fischer DOM/Métropole

Martinique (11)

44,6 %

- 13,8 %

30 %

Guadeloupe

33,8 %

- 9,1 %

22 %

Guyane

49 %

- 22,4 %

38,5 %

La Réunion

36,6 %

- 10,6 %

24 %

Source : Assemblée nationale, d’après l’INSEE.

Une enquête similaire avait précédemment été menée en 1985 et 1992 mais les comparaisons avec les résultats de 2010 sont toutefois difficiles. En effet, l’INSEE précise que « le champ de l’indice des prix à la consommation s’est élargi. Il n’est donc pas identique à chacune de ces trois dates » (12). Elle constate cependant que depuis 1985 les « écarts de prix sont restés du même ordre ». La périodicité de cette enquête tend à se régulariser et à s’établir tous les cinq ans. Les comparaisons devraient ainsi en être facilitées.

Si ce calendrier quinquennal avait été respecté, la prochaine enquête aurait dû être publiée dans le courant du premier semestre 2015. Lors de leur audition par vos rapporteurs, les représentants de l’INSEE ont évoqué des retards en partie dus à l’intégration de Mayotte dans le périmètre de l’enquête. Il est peu dire que cette dernière est attendue pour mesurer les éventuels effets des dispositions des deux lois votées contre la vie chère depuis 2009, la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) et la LREOM.

2. Les résultats d’une enquête sur les écarts de prix dans les Antilles-Guyane entre 2010 et 2013 soulignent la persistance de prix alimentaires plus élevés

L’enquête sur les prix à la consommation aux Antilles-Guyane, publiée en juin 2014 par l’INSEE (13), apporte des premiers éléments de réponse contrastés sur l’évolution des écarts de prix DOM/métropole entre mars 2010 et octobre 2013. L’INSEE remarque au préalable que les structures de consommation des ménages des trois départements français d’Amérique (DFA) se rapprochent de celles des métropolitains.

Certains secteurs connaissent, sur la période, une augmentation de l’écart de prix. C’est notamment le cas, et de façon très importante, s’agissant de la communication. Les fortes baisses de prix enregistrées en métropole n’ont pas été répercutées dans les DOM, ce qui explique qu’à tarif d’abonnement constant dans les DOM, l’écart avec la métropole se creuse. De même, les tarifs des loisirs, de la santé et des transports ont progressé plus fortement qu’en métropole.

À l’inverse, les postes liés à l’habillement, aux boissons alcoolisées et au logement affichent, dans les trois DFA, des baisses plus fortes qu’en métropole, réduisant l’écart de 2010.

Les écarts de prix des produits alimentaires n’ont pas été réduits sur la période. S’ils apparaissent stables en Guadeloupe, ils augmentent légèrement en Guyane et en Martinique. L’évolution du taux d’inflation de ce poste, plus forte dans les DOM qu’en métropole, laisse effectivement présager que cet écart n’apparaîtra pas comme ayant diminué dans la prochaine enquête publiée en 2016.

C. LES DONNÉES RÉCENTES ET INCOMPLÈTES CONCERNANT LES REVENUS ET LA STRUCTURE DE CONSOMMATION DES MÉNAGES ULTRAMARINS MONTRENT UN POIDS CONSTANT DE L’ALIMENTATION DANS LES BUDGETS MALGRÉ UNE HAUSSE DES REVENUS

1. L’exploitation de l’enquête « Budget de familles 2011 » dans les départements de l’océan Indien révèle le poids constant de l’alimentation dans les budgets des ménages pourtant en hausse

L’enquête « Budget de familles » (BdF) de l’INSEE, qui vise à restituer l’intégralité de la comptabilité des ménages à travers la prise en compte des revenus, est menée sur l’ensemble du territoire national tous les cinq ans. La dernière enquête a été publiée en 2014 et concerne les données de 2011. Dans les outre-mer, elle a fait l’objet d’une restitution dans les seuls départements de La Réunion et de Mayotte. Si, par construction, cette enquête ne peut mesurer les effets des dispositions de la loi « Lurel », elle permet cependant de pointer une évolution paradoxale concernant le niveau de vie des ménages ultramarins.

D’un côté, la capacité de consommation dans ces deux départements progresse. Entre 2006 et 2011 à La Réunion (14), la consommation totale des ménages a progressé de 22 %. Le niveau moyen de consommation par ménage est par ailleurs passé de 1 735 euros par mois en 2006 à 1 861 euros en 2011. Ce niveau de consommation demeure toutefois inférieur de 16,4 % à la moyenne nationale. L’INSEE note d’ailleurs que le rattrapage du niveau de vie entre La Réunion et la métropole s’est interrompu en 2009. À Mayotte (15), le niveau de vie médian augmente de 62 % entre 2005 et 2011 mais n’empêche toutefois pas la moitié de la population mahoraise de vivre en 2011 avec moins de 384 euros par mois. À titre de comparaison, le revenu médian en métropole s’élève à 1 599 euros par mois. 84 % de la population de Mayotte vit en dessous du seuil national de bas revenus (959 euros par mois et par unité de consommation) contre 16 % en métropole. Les dépenses de consommation ont toutefois presque doublé depuis 2006 ; la dépense moyenne par ménage passe quant à elle de 652 euros à 1 155 euros. Alors que la consommation stagne sur la même période en France métropolitaine (0,1 % par an), elle progresse de 7 % par an à Mayotte.

Dans le même temps, la part des dépenses alimentaires et en boissons non alcoolisées dans le budget des familles ne diminue pas, alors qu’habituellement c’est le cas lorsque le revenu augmente. En effet, à La Réunion, cette part, qui avait diminué entre 2001 et 2006, s’élève en 2011 à 18 %, comme en 2006. À Mayotte, les produits alimentaires représentent 27 % du budget des familles soit la même proportion qu’en 2005, cette part ayant fortement diminuée entre 1995 et 2005. En métropole, les ménages consacrent en moyenne 16,4 % de leur budget à l’alimentation.

L’INSEE avance trois explications pour le cas de Mayotte, qui peuvent être reprises, toute chose égale par ailleurs, pour La Réunion : l’inflation sur les produits alimentaires, particulièrement forte sur la période à Mayotte (+ 35 %), la diversification de la consommation alimentaire et l’augmentation de la quantité consommée pour une partie de la population.

Cette pression alimentaire sur les budgets des familles pèse en toute logique plus en proportion pour les ménages modestes. À La Réunion, 28 % des ménages les plus modestes utiliseraient en priorité une augmentation de leurs revenus pour améliorer la qualité des produits alimentaires consommés, alors qu’ils ne seraient que 17 % à épargner davantage. L’autoconsommation est également assez élevée dans les deux départements : elle représente 340 euros par an et par ménage à La Réunion ; à Mayotte, elle permettrait d’augmenter de 17 % la consommation des ménages.

En soulignant le poids constant de l’alimentation dans le budget des familles, lié directement au caractère inflationniste du secteur, cette enquête confirme l’actualité du problème du pouvoir d’achat dans les outre-mer. En effet, ainsi que le démontre l’étude, « comme l’alimentation représente une part importante du budget des ménages, les prix des produits alimentaires contribuent largement au sentiment de vie chère, en raison du caractère quotidien de ces achats. La moindre hausse de prix de ces produits est visible et particulièrement ressentie ». Ce constat valide a posteriori l’intuition du législateur en 2012 de mettre en œuvre un mécanisme d’encadrement des prix ciblés sur les produits de grande consommation, à l’origine du « bouclier qualité-prix ».

2. Il n’existe pas encore d’étude complète appréhendant la question du pouvoir d’achat et du niveau de vie dans son ensemble

Il n’existe pas d’étude détaillée sur la question du pouvoir d’achat dans les territoires ultramarins. Les antennes régionales de l’INSEE produisent chaque mois un indice des prix pour chaque DOM (voir encadré n°1 : L’INSEE et les outre-mer) et participent à l’enquête spatiale sur les écarts de prix entre la métropole et les DOM ainsi qu’à l’enquête quinquennale « budget des familles ». Si le suivi et l’analyse de la formation des prix font l’objet d’un travail approfondi, la connaissance des revenus est, en revanche, beaucoup plus lacunaire.

Comme le note un rapport sénatorial récent (16), les enquêtes statistiques sur la comptabilité des ménages ultramarins supportent de nombreuses imperfections. L’enquête annuelle de l’INSEE sur les revenus fiscaux et sociaux des ménages (RFS) est cantonnée au territoire hexagonal, à l’exception de La Réunion depuis 2010. De même, l’enquête statistique sur les revenus et les conditions de vie (SRCV) ne concerne pas les DOM. L’enquête « BdF » est, en comparaison, moins détaillée que les deux autres enquêtes RFS et SRCV. Le rapport précise que pour les collectivités d’outre-mer (COM), les enquêtes statistiques relèvent des gouvernements respectifs. Ainsi, s’il n’existe pas d’enquête « BdF » à Saint-Pierre-et-Miquelon, celle de Wallis-et-Futuna prend pour référence le ménage et non l’unité de consommation comme pour les autres études, ce qui rend difficile la comparaison des données. Des instituts statistiques locaux peuvent dans certains territoires mener des enquêtes comme l’Institut statistique de la Polynésie française (ISPF) ou l’Institut des statistiques et des études économiques de la Nouvelle Calédonie (ISEE). Vos rapporteurs partagent pleinement les préoccupations de leurs collègues sénateurs et reprennent à leur compte leurs préconisations en la matière :

- « élargir le champ d’action de l’INSEE en direction des DOM avec la réalisation d’enquêtes plus fréquentes sur les revenus fiscaux et sociaux et sur les revenus et les conditions de vie ;

- « approfondir le partenariat conclu en 2004 dans le cadre du projet CEROM (Comptes économiques rapides pour l’outre-mer) et resserrer les liens avec les instituts statistiques relevant de compétences territoriales […] afin d’harmoniser les méthodologies et le calendrier de réalisation des études portant sur les ressources des ménages ».

En 2012, les observatoires des prix et des revenus des trois DFA ont justement signé des conventions avec l’antenne de l’INSEE dans les Antilles et en Guyane pour pallier ce manque. Le texte des conventions stipule : « Les économies domiennes, et celles des DFA en particulier, sont des économies où les questions des prix et du pouvoir d’achat sont au centre des débats. […] La diffusion des données est généralement fractionnée : dans le temps (diffusion d’un indice des prix tous les mois) ; par thématique en fonction des différentes sources de données (enquête budget des familles, indice des prix, enquête de comparaison spatiale des prix). Ceci complique l’interprétation des mouvements des prix et des revenus ». La convention prévoyait donc la publication d’une étude « consommation-prix-revenus-pouvoir d’achat » pour la fin de l’année 2013.

Cette étude a finalement été divisée en deux parties : la première, publiée en juin 2014, concerne l’évolution des prix dans les Antilles-Guyane et a déjà été abondamment citée dans ce rapport ; la seconde sur les revenus est toujours attendue. D’après les informations collectées par vos rapporteurs lors de leur mission, cette étude sur les revenus doit s’appuyer sur l’exploitation de l’enquête « Bdf 2011 » qui a déjà fait l’objet d’une restitution pour les départements de l’océan Indien. Des difficultés internes au sein de l’antenne régionale de l’INSEE sembleraient expliquer ce retard. Lors de son audition à Fort-de-France, le président des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) dans les trois DFA, M. Jean-Luc Maron, avait exprimé à vos rapporteurs son souhait de voir cette étude publiée à l’automne 2015. Il convient de souligner le rôle moteur que joue l’OPMR dans la promotion et la diffusion de ces études dont il finance une partie (voir IV de la présente partie).

Vos rapporteurs souhaitent à ce titre évoquer la possibilité d’ouvrir le financement des études statistiques dans les outre-mer aux collectivités territoriales, en particulier régionales, comme cela a pu être le cas dans le passé. L’effort de l’État en faveur de la production de statistiques dans les outre-mer est en effet déjà substantiel (voir encadré n°1). Il apparaitrait en ce sens opportun que les régions puissent participer au financement d’enquêtes qu’elles jugeraient stratégiques, en lien avec les travaux des OPMR.

Encadré n° 1 : L’INSEE et l’État dans les outre-mer

L’État et l’INSEE fournissent un effort particulier s’agissant des cinq DOM en matière de production statistique et ce pour deux raisons :

- un besoin d’informations spécifiques pour le pilotage et la coordination interministérielle des politiques de l’État dans les outre-mer ;

- les obligations communautaires rattachées au statut de région ultrapériphérique (RUP).

Une implantation de l’INSEE dans chaque département d’outre-mer

Deux directions interrégionales : à Pointe-à-Pitre pour les Antilles-Guyane et à Saint-Denis-de-La-Réunion pour l’océan Indien.

Cinq services régionaux : à Basse-Terre, Fort-de-France, Cayenne, Saint-Denis et Mamoudzou.

Deux programmes spécifiques aux outre-mer

La publication d’un indice des prix à la consommation régional mensuel : les DOM sont les seuls territoires à bénéficier d’un suivi mensuel du taux d’inflation régional ;

Le programme CEROM (Comptes économiques rapides des outre-mer) : projet réunissant l’INSEE, les Instituts d’émission des départements et des collectivités d’outre-mer (IEDOM-IEOM), l’Agence française de développement et les instituts locaux de statistiques de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie.

L’accord-cadre entre l’État et l’INSEE 2013-2015 (signé le 23 septembre 2013)

Cet accord vise à pérenniser le financement des surcoûts liés aux études statistiques dans les outre-mer. Il repose sur un programme triennal d’enquête pour l’INSEE, décliné pour chacune des trois années concernées. Le programme annuel fait l’objet, le cas échéant, d’une actualisation à l’occasion de la réunion se tenant à l’automne de chaque année et associant les représentants de l’INSEE (direction générale et directeurs régionaux) et ceux du ministère des outre-mer (direction générale des outre-mer). Lors de son audition par vos rapporteurs, le directeur général de l’INSEE, M. Jean-Luc Tavernier, s’est félicité du bon fonctionnement de cet accord-cadre, indispensable à la prévisibilité des travaux de l’INSEE.

L’accord prévoit deux catégories d’enquêtes :

les enquêtes nationales nécessitant une extension dans les DOM : l’INSEE doit en effet pratiquer des sur-échantillonnages des personnes enquêtées pour que les études « ménages » soient représentatives de la situation locale ; dans les régions métropolitaines, des règles de pondération permettent d’obtenir des données pertinentes au niveau régional ;

les enquêtes complémentaires couvrant les conditions de vie des habitants outre-mer : comme par exemple, l’enquête sur la comparaison spatiale des prix.

La clé de répartition entre l’INSEE et le ministère varie en fonction des années mais s’établit globalement à une proportion de deux tiers / un tiers.

Les montants annuels des enveloppes budgétaires sur la période 2013-2016 varient en fonction du programme d’enquête retenu pour l’année. Ils s’élèvent sur la période entre 152 000 euros et 1,4 million d’euros.

L’article 2 de la convention évoque la priorité d’intervention en matière de « coût de la vie », l’INSEE devant apporter son secours aux cellules « vie chère » mises en place auprès de chaque préfet des DOM pour la mise en œuvre du « bouclier qualité-prix » ainsi qu’aux OPMR.

II. LES DISPOSITIONS « PRO-CONCURRENCE » SONT TOUTES APPLICABLES DEPUIS LA PROMULGATION DE LA LOI MAIS NÉCESSITENT DU TEMPS POUR PRODUIRE LEURS EFFETS

Le projet de loi initial du Gouvernement comportait sept articles relatifs à la régulation économique outre-mer dont cinq donnaient de nouveaux outils permettant d’agir sur la formation des prix en amont, c’est-à-dire sur les structures de marché : la possibilité de réglementer les marchés de gros (article 1er), l’interdiction des exclusivités d’importation non justifiées économiquement (article 5), l’élargissement du pouvoir confié aux régions et collectivités d’outre-mer de saisir l’Autorité de la concurrence (article 8), l’abaissement du seuil de contrôle des concentrations dans le commerce de détail (article 9) et enfin le renforcement du pouvoir d’injonction structurelle donné à l’Autorité (article 10). Ces cinq articles étaient au cœur du dispositif proposé par le Gouvernement pour rompre avec les solutions du passé au premier rang desquelles la réglementation des prix.

Vos rapporteurs persistent à penser que cette ambition est capitale et que les économies ultramarines ne pourront poursuivre leur développement économique qu’en assainissant les relations entre opérateurs économiques.

Certes, vos rapporteurs ont pu observer, au cours de leurs déplacements, un certain scepticisme chez les consommateurs et les opérateurs sur l’efficacité de ces mesures et se doivent d’en faire l’écho à l’heure de rendre leurs conclusions. Ils constatent, qu’à ce stade, l’effectivité des mesures « pro concurrence » n’est pas toujours aussi grande qu’espéré au départ.

Toutefois, ils considèrent que les structures des économies des outre-mer, héritées tant de l’époque coloniale que des erreurs de politique économique commises depuis la « départementalisation » en 1946, ne peuvent être bouleversées en seulement deux ans. Ils ont la conviction qu’il convient de laisser le temps aux différentes dispositions de produire leurs résultats.

À cet égard, la récente décision du 10 septembre 2015 de l’Autorité de la concurrence (17), par laquelle celle-ci a rendu obligatoire les engagements de quatre industriels de conclure des accords de distribution non exclusifs avec des grossistes importateurs dans le cadre d’une procédure engagée sur la base de l’interdiction des accords exclusifs d’importation, illustre le fait que ces dispositifs portent désormais leurs fruits.

En outre, des décrets « carburants » ont été pris sur le fondement de l’article L. 410-3 du code de commerce introduit par l’article 1er de la LREOM, même s’il convient de remarquer qu’ils ont eu plus de conséquences sur la rémunération des sociétés pétrolières en situation de monopole (raffinage et/ou stockage) que sur la facilitation de l’accès au marché permise par la nouvelle possibilité pour le Gouvernement de réglementer les marchés de gros.

In fine, le bilan de ces mesures doit être dressé avec précaution, ce rapport ayant aussi pour ambition de formuler des propositions pour faciliter la prise en main de ces nouveaux outils au service de la concurrence.

Ces mesures ne nécessitaient aucun texte d’application obligatoire. En revanche, elles posent la question des moyens accordés tant à l’Autorité de la concurrence qu’aux directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIECCTE) dans les préfectures des outre-mer. Les nouveaux outils « pro concurrence » nécessitent des moyens de contrôle et d’investigation importants qui sont autant de nouvelles tâches confiées aux agents des « pôles C » (concurrence) des DIECCTE alors même que les effectifs n’ont pas augmenté. Dans certains territoires, le pôle C des DIECCTE ne fonctionne qu’avec quelques agents. Ils ne sont par exemple que quatre à Mayotte. Il leur est ainsi impossible, dans ces conditions, de mener un travail minutieux d’enquête ou de suivi du « bouclier qualité-prix ». Vos rapporteurs appellent donc la vigilance du Gouvernement quant à la nécessité de préserver à l’avenir les effectifs des DIECCTE, voire de les augmenter dans certains territoires. Lors de leur audition, les représentants de l’Autorité de la concurrence n’ont pas fait part de difficultés de moyens pour l’application de nouveaux pouvoirs confiés par la LREOM (18).

Proposition n°1 : préserver, voire augmenter, pour certains territoires, le nombre d’agents affectés dans les pôles C (concurrence) des DIECCTE pour mettre pleinement en œuvre les nouveaux outils créés par la LREOM.

Pour information, le tableau suivant présente les effectifs des DIECCTE dans les collectivités ultramarines :

 

Effectifs

DIECCTE Guadeloupe

26

DIECCTE - Guadeloupe Pôle C - Basse-Terre

17

Catégorie A

7

directeur départemental 1ère classe de la CCRF

1

inspecteur expert de la CCRF

1

inspecteur de la CCRF

4

agent contractuel de 1ère catégorie de la CCRF

1

Catégorie B

10

contrôleur de 1ère classe de la CCRF

4

contrôleur de 2ème classe de la CCRF

6

DIECCTE - Guadeloupe Pôle C - Pointe-à-Pitre

9

Catégorie A

3

inspecteur principal DGCCRF

1

inspecteur de la CCRF

2

Catégorie B

5

contrôleur principal de la CCRF

1

contrôleur de 1ère classe de la CCRF

1

contrôleur de 2ème classe de la CCRF

3

Catégorie C

1

adjoint de contrôle principal de 2ème classe CCRF

1

DIECCTE Guyane

9

DIECCTE - Guyane Pôle C

9

Catégorie A

4

inspecteur de la CCRF

4

Catégorie B

4

contrôleur de 1ère classe de la CCRF

2

contrôleur de 2ème classe de la CCRF

2

Catégorie C

1

adjoint de contrôle principal de 1ère classe CCRF

1

DIECCTE Martinique

26

DIECCTE - Martinique PC

26

Catégorie A

17

directeur départemental 2ème classe de la CCRF

2

inspecteur principal DGCCRF

1

inspecteur expert de la CCRF

3

inspecteur de la CCRF

11

Catégorie B

9

contrôleur principal de la CCRF

3

contrôleur de 1ère classe de la CCRF

2

contrôleur de 2ème classe de la CCRF

3

secrétaire administratif de classe exceptionnelle

1

DIECCTE Mayotte

3

DIECCTE - Mayotte Pôle C

3

Catégorie A

2

inspecteur expert de la CCRF

1

inspecteur de la CCRF

1

Catégorie C

1

adjoint de contrôle de 2ème classe de la CCRF

1

DIECCTE Réunion

21

DIECCTE - Réunion Pôle C

21

Catégorie A

11

directeur départemental 1ère classe de la CCRF

1

inspecteur principal DGCCRF

1

inspecteur de la CCRF

8

agent contractuel de 1ère catégorie de la CCRF

1

Catégorie B

7

contrôleur de 1ère classe de la CCRF

5

contrôleur de 2ème classe de la CCRF

2

Catégorie C

3

adjoint de contrôle de 1ère classe de la CCRF

2

adjoint de contrôle pal de 2ème classe CCRF

1

Total général

85

A. LA POSSIBILITÉ DE RÉGLEMENTER LES MARCHÉS DE GROS POUR REMÈDIER À LEURS DYSFONCTIONNEMENTS A ÉTÉ MISE EN œUVRE PAR LE GOUVERNEMENT DANS LE SECTEUR DES CARBURANTS

1. Ce que changent les dispositions des articles 1er, 6, 7 et 22

L’article 1er de la LREOM était au cœur du « changement d’approche » (19) concernant la régulation économique outre-mer souhaité par le Gouvernement : « passer d’une régulation des marchés de détail par un contrôle des prix à une régulation des marchés de gros par la levée des obstacles à la concurrence » (20). En créant l’article L. 410-3 du code de commerce, le législateur permet de donner au Gouvernement les moyens de remédier aux dysfonctionnements des marchés de gros de biens et de services. L’article L. 410-3 précise les conditions pour l’exercice de ce pouvoir :

- les mesures de réglementation doivent être prises « dans les secteurs pour lesquels les conditions d’approvisionnement ou les structures de marché limitent le libre jeu de la concurrence » ;

- elles s’appliquent aux « marchés de gros de biens et de services concernés, notamment les marchés de vente à l’exportation vers ces collectivités, d’acheminement, de stockage et de distribution » ;

- enfin, elles portent sur « l’accès à ces marchés, l’absence de discrimination tarifaire, la loyauté des transactions, la marge des opérateurs et la gestion des facilités essentielles, en tenant compte de la protection des intérêts des consommateurs ».

Il assortit ce pouvoir de trois garanties procédurales :

- l’avis public de l’Autorité de la concurrence tant sur le constat d’une restriction de concurrence que sur le caractère adéquat des mesures prises pour répondre à cette situation ;

- le strict encadrement de la régulation dans les termes fixés par la voie du décret en Conseil d’État ;

- le respect des critères de nécessité et de proportionnalité par les mesures prises ;

L’article L. 410-3 apporte donc un nouveau tempérament au principe de fixation des prix par le libre jeu de la concurrence. En effet, pour rappel, l’article L. 410-2 du même code, d’application nationale, dispose déjà que :

« Dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d’approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d’État peut réglementer les prix après consultation de l’Autorité de la concurrence. »

Comme l’analyse l’Autorité de la concurrence (21), l’article L. 410-3 « permet de remédier aux dysfonctionnements des marchés de gros des biens et des services concernés dans des conditions moins contraignantes que celles de l’article L. 410-2. En effet, les mesures de régulation autorisées par [cet] article n’exigent plus une situation de monopole, mais le simple constat d’une limitation du libre jeu de la concurrence, et peuvent ne pas porter uniquement sur les prix, ce qui ouvre la possibilité de prendre des mesures structurelles d’organisation des marchés ».

L’article 1er de la LREOM incarne donc bien cette volonté de changement d’approche, exprimée très fortement par le ministre Victorin Lurel lors de la présentation du projet de loi devant le Parlement. Les articles 6, 7 et 22 complètent le dispositif et mettent en cohérence le code de commerce avec les nouvelles dispositions introduites par la LREOM.

L’article 6 permet de soumettre les comportements qui s’avèreraient contraires aux mesures prises en application de l’article L. 410-3 à l’application des articles L. 450-5, L. 462-6, L. 464-2 et L. 464-9 du code de commerce. Pour rappel :

- l’article L. 450-5 dispose que le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence est informé à l’avance des investigations que le ministre chargé de l’économie peut diligenter pour sanctionner des faits susceptibles de relever d’une infraction anticoncurrentielle telles que définies aux articles L. 420-1 (entente), L. 420-2 (abus de position dominante), L. 420-2-1 (interdiction des accords exclusifs d’importation dans les départements et régions d’outre-mer, créée par l’article 5 de la LREOM (22)) et L. 420-5 (abus de dépendance économique) du même code ;

- l’article L. 462-6 donne compétence à l’Autorité de la concurrence pour examiner si une pratique relève ou non d’une catégorie d’infraction anticoncurrentielle ;

- l’article L. 464-2 autorise l’Autorité à imposer aux acteurs concernés, de mettre fin à une pratique anticoncurrentielle et lui permet également de rendre obligatoires des engagements volontaires de ces acteurs ;

- Enfin l’article L. 464-9 permet au ministre chargé de l’économie d’enjoindre aux entreprises de mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles.

L’ensemble de ces pouvoirs conférés au ministre chargé de l’économie et à l’Autorité de la concurrence sont donc également applicables à l’encontre de pratiques contraires aux mesures prises sur le fondement de l’article L. 410-3.

L’article 7 de la LREOM complète l’article L. 464-2 du code de commerce en soumettant les entreprises ayant fait l’objet d’une injonction de l’Autorité de la concurrence, en raison de pratiques contraires aux mesures prises en application de l’article L. 410-3 du même code, à l’obligation de publier cette injonction, à leur frais, dans la presse quotidienne locale,

Enfin, l’article 22 de la LREOM rend obligatoire la transmission des comptes sociaux et de la comptabilité analytique des entreprises soumises à des mesures de régulation économique résultant des articles L. 410-2 et L. 410-3 du code de commerce ou bénéficiant d’une aide publique en faveur de leur activité économique. Cette obligation de transmission intervient à la demande du représentant de l’État qui peut, s’il se voit opposer un refus, saisir le juge des référés pour qu’il enjoigne l’entreprise en cause à produire ces documents.

2. L’article 1er a été utilisé à l’occasion de la modification de la réglementation « carburant »

Le Gouvernement actuel a profité de la révision des décrets dits « carburants » pour utiliser ses nouvelles prérogatives prévues à l’article L. 410-3 du code de commerce.

Trois décrets ont en effet été pris visant à réglementer les prix et le fonctionnement des marchés de gros pour la distribution des produits pétroliers : l’un dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique (23), un second pour le département de La Réunion (24) et le troisième pour celui de Mayotte (25).

Ces nouveaux décrets26 abrogent les décrets pris en 2010, sur la base de l’article L. 410-2 du code de commerce, pour les Antilles-Guyane et La Réunion et en 2012 pour Mayotte, qui offraient un nouveau cadre méthodologique de fixation des prix des produits pétroliers. Si les décrets de 2013 ne modifient pas cette méthodologie, ils en changent cependant certains paramètres qui sont au cœur de la controverse entre l’État et les trois sociétés pétrolières en situation de monopole dans les DOM : la Société anonyme de raffinage des Antilles (SARA) pour l’activité de raffinage et de stockage dans les trois DFA ; la Société réunionnaise des produits pétroliers (SRPP) pour l’activité de stockage à La Réunion ; enfin la Société mahoraise de stockage des produits pétroliers (SMSPP) et Total-Mayotte pour l’activité de stockage-distribution dans ce dernier département (cf. encadré).

Ces décrets contiennent, par ailleurs, des dispositions innovantes, au cœur de la mission de contrôle de vos rapporteurs, prises sur le fondement de l’article L. 410-3 du code de commerce ainsi que des mesures destinées à renforcer l’information du public.

Les mesures de régulation des marchés de gros font l’objet, dans chacun des trois décrets, de deux articles identiques : l’un relatif à la régulation des facilités essentielles ; l’autre à la séparation comptable pour les structures de stockage.

Suivant l’avis de l’Autorité de la concurrence (27), le Gouvernement a modifié la rédaction de l’article des décrets consacré aux facilités essentielles :

« Un arrêté préfectoral établit la liste des installations de stockage de produits [pétroliers listés dans les décrets] qui sont indispensables à la distribution de ces produits et qu’il serait impossible de reproduire par des moyens économiquement raisonnables. Les entreprises qui exploitent ces installations permettent aux opérateurs économiques d’y accéder dans des conditions non discriminatoires et pratiquent des prix orientés vers les coûts, incluant une rémunération raisonnable du capital. »

L’article n’évoque donc plus explicitement les « infrastructures essentielles » mais les définit dans la première phrase (soulignée par vos rapporteurs) comme les « installations de stockage de produits ». Le but poursuivi est bien celui de l’accès aux facilités par la pratique d’un prix « orienté vers les coûts ». Dans son avis, l’Autorité rappelle que le Conseil de la concurrence a condamné les sociétés Total et Elf en 1993 pour avoir proposé à Esso un « tarif de passage abusif » pour l’utilisation de leurs installations de stockage de carburéacteur (le kérosène). Ce décret interdit donc aux sociétés exploitant une facilité essentielle d’en permettre l’accès à un tiers à un coût prohibitif.

L’évaluation de cette nouvelle disposition se heurte à l’absence de nouveaux entrants sur les marchés des carburants dans les territoires. À La Réunion, les représentants de la SRPP ont affirmé à vos rapporteurs que l’accès aux infrastructures de stockage était ouvert à tout nouvel entrant, position toutefois contestée par une société locale de carburants. Vos rapporteurs souhaiteraient disposer d’une étude permettant de recenser et d’évaluer les modalités concrètes, retenues par les sociétés pétrolières, pour favoriser l’accès à leurs facilités essentielles. La publication de ces données pourrait permettre d’élargir le nombre d’opérateurs entrants potentiels. L’Autorité de la concurrence, après ses avis sur le secteur des carburants en 2009 et sur les projets de décrets en 2013, pourrait utilement mener à bien cette étude.

Proposition n° 2 : commander à l’Autorité de la concurrence une étude évaluant la pertinence des modalités mises en œuvre pour favoriser l’accès aux facilités essentielles exploitées par les sociétés de produits pétroliers exerçant tout ou partie de leur activité en monopole.

De même, l’article des décrets consacré à la séparation comptable pour les structures de stockage dispose que :

« Les entreprises exerçant en monopole une activité de stockage de produits mentionnés au I de l’article 2 et qui sont en concurrence avec d’autres opérateurs sur des marchés connexes à cette activité de stockage transmettent chaque année au préfet un bilan et un compte de résultat séparés pour chacune de leurs activités exercées respectivement en monopole et en concurrence. »

Il concerne les entreprises exerçant, en monopole, une activité de stockage des produits pétroliers ou gaziers et qui ont également une activité connexe (distribution par exemple) réalisée en situation de concurrence. Le décret impose à ces entreprises une séparation comptable entre leur activité en monopole et leur activité en concurrence.

Cet article touche en réalité la seule SRPP. En effet, aux Antilles-Guyane, la SARA exerce son activité de raffinage et de stockage en monopole pour les trois DFA mais n’a pas d’activité de détail. Ses actionnaires (actuellement les sociétés Rubis et Total, mais à terme uniquement Rubis) détiennent certes un réseau de distribution mais par l’intermédiaire de sociétés différentes de la SARA. À Mayotte, Total a racheté le monopoleur public en 2003 et est le seul actionnaire de deux sociétés : la SMSPP qui dispose du monopole sur l’activité de stockage et Total-Mayotte qui possède l’unique réseau de distribution. En revanche, la SRPP gère seule le dépôt du Grand Port Maritime de La Réunion tout en ayant une activité de distribution, en situation de concurrence, à travers son réseau Elf-Shell. Vos rapporteurs ont pu constater lors de leurs auditions avec les représentants de la SRPP que les décrets de 2013 ont permis de « décroiser » ces deux activités, ce qu’ont confirmé les services de l’État. La SRPP a conduit l’opération de filialisation dès l’exercice comptable de 2014.

Enfin, ces décrets renforcent, par un article identique, le rôle des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) pour améliorer l’information du public sur l’évolution et la structure des prix des produits pétroliers. Les conditions d’information des membres des OPMR ont été détaillées dans les arrêtés de méthode du 5 février 2014 (28).

Les OPMR doivent ainsi mettre en place en leur sein des commissions spécialisées sur le carburant dont les membres sont informés par le représentant de l’État de « tout projet de modification des marges de distribution » des produits pétroliers. Ces arrêtés précisent que la réunion de l’observatoire doit avoir « lieu avant la date de modification annuelle des marges » et que « les membres de l’observatoire sont convoqués individuellement et reçoivent les documents nécessaires à leur information avant la réunion ».

Par ailleurs, ces arrêtés de méthode listent l’ensemble des données « agrégées transmises par les services de l’État et non nominatives », qui doivent parvenir aux membres des OPMR avant le 30 septembre :

- « les résultats nets comptables des activités réalisées en monopole ;

- « les résultats nets comptables agrégés du secteur de la distribution de produits pétroliers et gaziers au stade de gros ;

- « les résultats nets comptables agrégés du secteur de la distribution de produits pétroliers et gaziers au stade de détail ;

- « les effectifs salariés agrégés du secteur de la distribution au détail des produits pétroliers et gaziers ».

Les arrêtés précisent également l’obligation de transmission aux membres de l’OPMR, par courrier électronique, de l’évolution des prix au stade de l’importation avant les modifications mensuelles.

D’après les informations recueillies par vos rapporteurs à La Réunion, l’application de ces dispositions est variable. La commission spécialisée sur le carburant a bien été créée au sein de l’OPMR de La Réunion. Elle a été réunie le 16 février 2015 pour une communication des services de l’État relative à la revalorisation annuelle des marges des grossistes et détaillants, précédant la publication de l’arrêté préfectoral du 27 février 2015, conformément aux dispositions de l’arrêté. Il semble cependant que les documents nécessaires n’aient pas été transmis par avance aux membres de la commission. L’OPMR n’a pas non plus été en mesure de publier à temps les données comptables et sociales des entreprises intervenant dans le secteur des produits pétroliers. Les grossistes et détaillants n’ont en effet pas communiqué spontanément leurs résultats. Seuls les grossistes et la SRPP ont finalement transmis les données attendues, à la suite de la relance des services de l’État. Les chiffres transmis par les détaillants étaient, de leur côté, partiels, non ventilés selon le chiffre d’affaire réalisé dans les boutiques et surtout sous-évalués par rapport à la réalité. Vos rapporteurs invitent donc les présidents des OPMR à redoubler d’opiniâtreté pour obtenir ces documents dans les délais impartis afin que cette transmission devienne automatique pour les entreprises concernées.

Au final, le recours à l’article L. 410-3 du code de commerce dans le secteur des carburants n’a pas conduit pour l’heure à une transformation du fonctionnement du marché de gros dans ce secteur. La difficulté à attirer de nouveaux acteurs sérieux de la distribution de carburants y est pour beaucoup.

Vos rapporteurs ne doutent pas du bienfondé du pouvoir confié au Gouvernement par cet article. Ils constatent, en premier lieu, que le risque évoqué par certains (29) d’un recours massif à la possibilité de réglementer les marchés de gros ne s’est pas avérée exacte. En effet, la formulation somme toute assez large de l’article L. 410-3, tant au niveau des conditions d’intervention du pouvoir réglementaire (une simple « limitation » du jeu de la concurrence) que des mesures à prendre (pouvant porter sur la « loyauté des transactions » ou sur « la marge des opérateurs »), aurait pu faire craindre que le Gouvernement n’intervienne systématiquement. Cela n’a pas été le cas jusqu’à présent et, d’après les informations obtenues par vos rapporteurs, le Gouvernement n’envisagerait pas de recourir à la mise en œuvre de ce pouvoir à court terme.

Vos rapporteurs estiment, en revanche, que le risque inverse de ne pas utiliser ce pouvoir semble plus réaliste. Ils ne sous-estiment pas la difficulté de réglementer un marché de gros pour ouvrir la concurrence dans un secteur donné. La décision d’intervenir sur un marché doit en effet être prise après une étude détaillée du fonctionnement du secteur. De même, il existe un risque que les mesures de réglementation ne soient pas efficaces et désorganisent ledit marché. L’utilité de cet article dépend in fine exclusivement de la nature des remèdes proposés par voie réglementaire. Pour que cet article ne demeure pas inutilisé à l’avenir, vos rapporteurs invitent donc le Gouvernement actuel, à l’origine de la disposition, à aller plus loin dans l’utilisation de ce pouvoir en envisageant d’intervenir dans d’autres secteurs, par exemple celui des matériaux de construction (voir 3. infra).

3. Le Gouvernement pourrait aller plus loin dans l’utilisation de ce nouveau pouvoir

Les mesures retenues par le Gouvernement pour la réglementation du secteur des produits pétroliers semblent répondre aux principes de nécessité et de proportionnalité. Au cours de leur entretien avec les dirigeants de la SRPP à Saint-Denis de la Réunion, vos rapporteurs ont pu constater que l’opération de séparation des comptabilités au sein de la société n’avait pas posé de problème particulier contrairement aux nouveaux critères de rémunération. À telle enseigne que le président de l’Autorité de la concurrence, Bruno Lasserre, a même considéré, lors d’une audition devant votre commission (30), que le Gouvernement aurait pu aller plus loin en parvenant au « décroisement complet des participations détenues par ces deux compagnies pétrolières [Shell et Total] dans la SRPP et à la séparation juridique des activités de stockage et de distribution […] de façon à ce que la distribution fasse l’objet d’une concurrence loyale entre les compagnies ».

Il n’est pas apparu à vos rapporteurs, au cours de leurs auditions à La Réunion, qu’un renforcement du décroisement entre les activités de stockage et de distribution de la SRPP soit particulièrement attendu. Les mouvements actuels opérés au sein de l’actionnariat de la SRPP expliquent sans doute cet état de fait. En effet, la société Rubis est entrée, au cours de l’année 2015, en négociation exclusive avec Shell et Total pour le rachat de la SRPP. Or, des interrogations subsistent à la fois quant aux intentions de ce nouvel actionnaire et quant à la stratégie de Total sur l’île de La Réunion après son retrait de la SRPP. Vos rapporteurs estiment qu’il est nécessaire d’attendre que la situation se stabilise avant d’engager toute nouvelle réflexion sur la réglementation du marché de gros des produits pétroliers.

En revanche, il convient de s’interroger sur l’opportunité d’agir sur les marchés de gros dans d’autres secteurs. Lors de la discussion parlementaire de la LREOM, le ministre avait évoqué plusieurs exemples pour justifier la souplesse du dispositif de l’article 1er : « Un remède adapté à la régulation du fret vers les Antilles ne sera pas nécessairement bon pour le marché des matériaux de construction à Mayotte ; un autre visant le stockage des carburants à La Réunion ne sera pas forcément adapté au marché de l’oxygène liquide en Guyane » (31).

Parmi tous ces secteurs cités par le ministre, certains ont déjà connu des évolutions depuis 2012. C’est le cas pour le secteur du fret maritime sur la ligne Antilles-Europe du nord pour lequel l’Autorité de la concurrence a accepté les engagements des compagnies CMA-CGM, Maersk, Marfret et WEC Lines destinés à « mettre fin à l’inertie de marché » en relançant la concurrence et en permettant l’entrée de nouveaux acteurs (32). Au cours de leurs déplacements, vos rapporteurs ont pu constater qu’un secteur semblait particulièrement visé par des demandes de réglementation des marchés de gros : celui des matériaux de construction. Ce secteur est en effet au cœur de plusieurs études commandées par les OPMR dans les Antilles et à Mayotte. L’OPMR de Mayotte a d’ailleurs récemment discuté les résultats d’une étude sur le sujet publiée en mai 2014 (33). Ce secteur a par ailleurs été mentionné dans d’autres territoires comme la Guyane. Enfin, la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État dans les outre-mer, citant une étude du ministère de l’écologie, a également identifié ce secteur comme connaissant des situations de « monopoles d’importations » et « de positions dominantes chez les distributeurs locaux de matériaux » ayant pour conséquence des « surcoûts s’élevant en moyenne autour de 35 % en plus-value incluant les frais de transport, les droits de douanes et les marges » (34).

Selon la procédure fixée à l’article L. 410-3 du code de commerce et d’après le précédent sur le secteur des carburant (35), l’Autorité de la concurrence pourrait mener une enquête préalable sur la situation de la concurrence sur le marché des matériaux de construction, qui pourrait conclure à l’opportunité ou non de réglementer les marchés de gros dans ce secteur. La remise de cet avis pourrait conduire à prendre des mesures particulières.

Proposition n° 3 : saisir l’Autorité de la concurrence pour la remise d’un avis sur la situation de la concurrence sur le marché des matériaux de construction afin d’étudier l’opportunité d’une réglementation des marchés de gros de ce secteur.

B. L’INTERDICTION DES CLAUSES ACCORDANT DES DROITS EXCLUSIFS D’IMPORTATION NON JUSTIFIÉES PAR L’INTERÊT DES CONSOMMATEURS (ARTICLE 5) APPARAÎT À CE JOUR COMME LA MESURE « PRO-CONCURRENCE » LA PLUS EFFECTIVE

1. Ce que changent les dispositions des articles 5 et 6

En insérant l’article L. 420-2-1 au sein du code de commerce, l’article 5 de la LREOM créé une nouvelle infraction en droit de la concurrence, applicable dans les seuls départements et collectivités d’outre-mer, à l’exception de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française : l’interdiction des « accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou à un groupe d’entreprises ». Outre l’interdiction des ententes (article L. 420-1 du code de commerce), des abus de position dominante ou de dépendance économique (article L. 420-2 du même code), l’interdiction des accords d’exclusivité d’importation entre un fournisseur et un distributeur (le plus souvent « importateur-grossiste » ou « agent de marque ») est une quatrième infraction qui ne s’applique donc que dans un champ géographique limité.

Cette interdiction n’est toutefois pas générale. En effet, l’article 5 complète également l’article L. 420-4 du code de commerce, qui liste les dérogations possibles aux infractions au droit de la concurrence. Les accords d’exclusivité peuvent être autorisés si leurs « auteurs peuvent justifier qu’ils sont fondés sur des motifs objectifs tirés de l’efficacité économique et qui réservent aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte ». Le législateur a en effet considéré qu’au vue de l’étroitesse des marchés ultramarins, il pouvait être parfois plus efficace économiquement, pour un fournisseur, de recourir à un importateur unique pour atteindre une taille critique. Encore faut-il, en cas de contrôle ou de contestation, que cette efficacité économique soit prouvée et qu’elle profite au consommateur. La charge de la preuve incombe aux entreprises ou groupes d’entreprises concernées.

La loi, qui s’appliquait aux contrats en cours au moment de sa promulgation, fixait un délai de quatre mois pour que les entreprises concernées se mettent en conformité. L’interdiction est donc totalement applicable depuis le 20 mars 2013.

S’il était possible de contester de telles pratiques par le passé sur le terrain de l’entente, cette dernière supposait de mener une analyse de marché qui est une procédure lourde. L’interdiction des accords d’exclusivité offre au contraire un outil allégé pour la qualification de l’infraction.

Enfin, l’article 5 complète l’article L. 462-3 du code de commerce afin de permettre à l’Autorité de la concurrence de transmettre toute information concernant une pratique anticoncurrentielle aux juridictions qui lui en feraient la demande tout en garantissant la confidentialité des documents relevant de la procédure de clémence, ce qui apparait nécessaire pour protéger les personnes contribuant à la détection des ententes secrètes. Cette disposition est d’application nationale.

L’article 6 permet la coordination du code de commerce avec le nouvel article L. 420-2-1 tel qu’issu de l’article 5. Comme pour les pratiques contraires aux mesures prises en application de l’article L. 410-3 du code de commerce (36), l’article 6 soumet les acteurs concernés par cette nouvelle infraction anticoncurrentielle aux articles L. 450-5, L. 462-6, L. 464-2 et L. 464-9 du même code. Par ailleurs, les acteurs commettant cette infraction peuvent encourir une peine de quatre ans d’emprisonnement et une amende pouvant atteindre 40 000 € (article L. 420-6). Enfin, les juridictions peuvent consulter l’Autorité sur toute question relative aux pratiques anti-concurrentielles comprenant désormais l’interdiction des accords d’exclusivité (article L. 462-3).

2. L’application de cette nouvelle infraction commence à produire ses effets

a. L’Autorité de la concurrence enregistre des premiers résultats

L’Autorité de la concurrence s’est rapidement saisie du nouveau pouvoir qui lui a été confié. Dans son avis relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les DOM (37), l’Autorité avait longuement analysé le rôle des importateurs-grossistes au sein des circuits d’approvisionnement des outre-mer qui reposent le plus souvent sur un modèle dit « long » ou « intermédié » (38) . Ce modèle, qui coûte par nature plus cher que les circuits « courts » ou « intégrés », se justifie dans les outre-mer en raison de la difficulté à atteindre une masse critique de consommateurs. Le problème, soulevé par l’Autorité, reposait non pas sur l’existence des importateurs-grossistes mais bien sur l’absence de concurrence entre eux, qui était directement liée à ces accords d’exclusivité. Les distributeurs détaillants justifient le rôle de ces intermédiaires par les nombreux services que ces derniers leurs rendent : gestion des stocks, prise de commande, mise en rayon, animation commerciale… Autant de services qui permettent de réduire la masse salariale des grandes et moyennes surfaces. L’absence de concurrence entre importateurs leur a permis de faire porter leurs marges en moyenne à de 20 à 60 % du prix du produit.

Face à ce constat formulé en 2009, l’Autorité s’était saisie d’office dès 2010 et avait ouvert une enquête (39) dans le but d’étudier l’existence de ces pratiques dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation dans les DOM-COM. Une autre décision de saisine d’office, intervenue en 2014 (40), a permis d’étendre le champ géographique de l’investigation. La décision de 2010 visant les articles du code de commerce modifiés par la LREOM, il était inutile de modifier la décision pour y inclure la nouvelle infraction.

D’après les informations recueillies par vos rapporteurs, l’enquête a été menée auprès de 35 groupes industriels permettant d’examiner 250 à 300 relations commerciales concernant une marque ou une société et son ou ses importateurs. Elle a confirmé les préoccupations de concurrence de l’Autorité en concluant à la forte concentration des points d’entrée sur chaque territoire. « Dans la plupart des cas, la distribution d’une marque donnée, voire de l’ensemble des produits, et des marques d’un industriel est assurée pour chacune d’entre elles par un seul importateur-grossiste par territoire », écrit l’Autorité à l’occasion de la publication de son test de marché le 13 mai 2015 (41). Les services instructeurs ont contrôlé l’existence d’exclusivité en droit, c’est-à-dire contractuelle, mais également cherché à déceler les exclusivités de fait. Pour ces dernières, qui reposent sur des indices, il convient de noter qu’elles ne sont pas forcément caractérisées par une situation de mono-importateur. Il suffit qu’une relation soit contestée et qu’elle profite indument à l’un ou l’autre des opérateurs concernés pour qu’elle puisse être qualifiée d’accord d’exclusivité.

À l’issue de l’enquête, l’Autorité a relevé l’existence de relations d’exclusivité de fait ou de droit qu’elle n’a, pour l’instant, pas qualifié d’infraction, et donc pas sanctionnées. Ces relations « apparaissent en particulier susceptibles d’empêcher ou de freiner le libre jeu de la concurrence entre les intermédiaires chargés de la distribution en gros des produits de grande consommation et l’entrée de fabricants concurrents sur le marché, au détriment des consommateurs. Ces pratiques pourraient, au terme d’une procédure contradictoire, être qualifiées au regard de l’article L. 420-2-1 du code de commerce », explique l’Autorité dans son test de marché.

Comme le droit commercial le permet, sept entreprises concernées sont entrées en négociation avec l’Autorité, et parmi elles, quatre ont souhaité ouvrir une procédure d’engagement. Les noms de ces sociétés ont été rendus publics lors de la publication du test de marché du 13 mai 2015 (42).

Pour rappel, le test de marché est une des étapes de la procédure d’engagement au cours de laquelle les tiers sont invités à se prononcer, s’ils le souhaitent, et de façon anonyme et secrète, sur les engagements pris par les sociétés concernées. L’Autorité de la concurrence peut alors amender ces engagements ou les modifier avant de décider ou non de les rendre obligatoires et contraignants pour les sociétés.

Les propositions d’engagement diffèrent selon les quatre entreprises et répondent aux préoccupations de concurrence qui leur sont spécifiquement adressées. Comme le précise l’Autorité, l’ensemble des engagements prévoit deux types de stipulations :

- la conclusion d’accords écrits (sous forme de contrats ou de conditions générales de vente) rappelant l’absence de caractère exclusif de la relation commerciale ;

- l’organisation d’appels publics à la concurrence réguliers (tous les 2, 3 ou 4 ans suivant les cas) pour l’acheminement et la distribution de leurs produits dans chacun des territoires concernés aux termes desquels les opérateurs seront choisis selon des critères objectifs et non-discriminatoires.

Le test de marché était ouvert jusqu’au 15 juin, date après laquelle l’Autorité pouvait rendre une décision constatant s’il y avait lieu, ou non, de clôturer l’affaire en rendant obligatoires les engagements proposés par les sociétés.

Par une décision du 10 septembre 2015 (43), l’Autorité a constaté que les quatre industriels se sont engagés à conclure des accords de distribution non exclusifs avec les grossistes importateurs et qu’ils ont même souhaité aller au-delà de leurs obligations légales en proposant de sélectionner périodiquement leurs grossistes non exclusifs à partir de procédures d’appel d’offres ou de mise en concurrence transparentes et non discriminatoires.

L’Autorité a considéré que ces engagements répondaient à ses préoccupations de concurrence. Elle les a donc acceptés et rendus obligatoires.

Dans le communiqué de presse relatif à cette décision, l’Autorité précise que « ces engagements devraient […] permettre d’animer la concurrence du côté des grossistes importateurs, voire d’amener de nouveaux opérateurs sur ce marché ». En outre, elle y précise qu’elle poursuit l’instruction de pratiques similaires mises en œuvre par d’autres entreprises  dans le secteur des biens de grande consommation.

Cette décision constitue une preuve de l’utilité et de l’efficacité de la création de cette nouvelle infraction. Le fait que cette disposition ne donne pas lieu, pour l’instant, à des condamnations ne constitue pas une preuve de son inefficacité. Bien au contraire, le fait qu’elle donne lieu à des engagements, qui vont au-delà des obligations légales et qui ont été rendus obligatoires par l’Autorité, témoigne à la fois du caractère dissuasif du dispositif et de la démarche pragmatique qui a inspiré cette loi. L’objectif est bel et bien de renforcer, à long terme et si possible via une négociation, la concurrence et non de punir les acteurs économiques.

Lors de leur audition préalable à cette décision, les représentants de l’Autorité ont insisté sur trois points :

- le secret de l’instruction empêche de mesurer l’ampleur de l’enquête qui a été menée par les services de l’Autorité. Les quatre cas concernés par la procédure d’engagement concernent déjà un panier de produits qui n’est pas négligeable en couvrant une partie du marché des eaux, des produits de beauté et d’entretien ainsi que des alcools et des spiritueux ;

- la procédure d’engagement est une démarche proactive pour les entreprises qui prennent la décision de s’y engager. Elle permet d’obtenir de ces entreprises qu’elles mettent en œuvre des processus lourds, en rupture avec leurs pratiques commerciales, et qu’une décision de sanction ne permettrait pas ;

- enfin, contrairement au sentiment partagé par nombre de consommateurs ultramarins pour qui les effets de ces procédures ne se font toujours pas sentir, la procédure a été menée avec rapidité. Ses effets devraient progressivement être perceptibles dans les rayons. Les enquêtes en matière de concurrence mettent en œuvre des procédures contradictoires qui prennent du temps mais qui protègent la liberté de commerce.

b. Au niveau local, les services de la concurrence constatent toutefois une persistance de ces pratiques

Les DIECCTE ont également pleinement investi leur mission de détection des accords d’exclusivité d’importation. Comme l’a indiqué à vos rapporteurs le sous-directeur à la protection des consommateurs et de la régulation des marchés de la DGCCRF, M. Stanislas Martin, « la recherche de [ces] accords constitue désormais une des tâches permanentes des agents de la DGCCRF chargés de la concurrence dans les DOM, dans le cadre de leur mission de détection des pratiques anticoncurrentielles ». Les recherches menées sur le terrain permettent de constater que les exclusivités de droit ont été remplacées par des exclusivités de fait en raison de l’absence de nouveaux entrants sur le marché.

De nombreux exemples illustrent cette réalité. À La Réunion, les agents de la DIECCTE ont par exemple rapporté les propos oraux d’un agent de marque selon lesquels l’ouverture d’importations parallèles ne signifiait pas qu’il allait se lancer dans de nouveaux produits car il ne voulait pas d’une guerre commerciale avec ses concurrents. En Guadeloupe, la brigade interrégionale d’enquêtes de concurrence (BIEC) basée à Fort-de-France a évoqué le cas d’un producteur national ayant refusé de livrer un détaillant au motif qu’il était représenté dans ce territoire par une société en charge de la distribution de ses produits. L’intervention de l’agent de marque en question aurait entraîné l’arrêt des relations commerciales entre le producteur basé en métropole et la société plaignante. Cette pratique a été directement évoquée au cours des visites de vos rapporteurs dans plusieurs centres commerciaux. De façon encore plus marquante, des distributeurs installés en Martinique et en Guyane se sont vus refuser les avantages auxquels ils considéraient avoir droit alors que leur centrale d’achat en métropole participait à une opération promotionnelle conclue avec un producteur. Les avantages accordés aux adhérents métropolitains leur auraient été refusés après l’intervention de l’importateur-grossiste sur place.

Vos rapporteurs ne perdent toutefois pas de vue le double discours des grandes et moyennes surfaces dans les outre-mer. Elles critiquent, d’un côté, le prix toujours trop élevé du fournisseur-importateur mais elles demandent, de l’autre, à ces mêmes fournisseurs des services que les grandes surfaces dans l’hexagone assurent directement : mises en rayon, retour des produits, inventaires… Comme l’indique la réponse écrite d’une DIECCTE à vos rapporteurs, « ces services qui dépendent à l’origine du magasin font peser l’embauche sur les fournisseurs [importateurs-grossistes], ce qui facilite le chantage à l’emploi auprès des administrations en cas de remise en cause du système ». À titre d’exemple, à La Réunion, les importateurs-grossistes emploient 1 500 personnes.

Lorsque le marché de la distribution est suffisamment dynamique, comme c’est le cas à La Réunion ou dans les Antilles, la concurrence entre les enseignes permet de faire diminuer les prix. Le poids de ces enseignes devrait permettre à terme de contourner les importateurs-grossistes disposant d’un pouvoir de marché. Vos rapporteurs expriment en revanche de vives inquiétudes quant à la situation des commerces de proximité en Guyane et à Mayotte, qui représentent pourtant plus de la moitié de l’activité de détail (44). À Mayotte, les 2 000 commerces de proximité, appelés « doukas », sont contraints de s’approvisionner directement auprès des grandes ou moyennes surfaces appartenant à l’un des trois groupes de distribution présents dans le département (45). En Guyane, les petits commerces de détails peuvent, de leur côté, s’approvisionner auprès d’un marché un peu plus concurrentiel composé de cinq groupes (46). Or, ces petits commerces ne disposent pas de tarifs professionnels et sont contraints de s’approvisionner aux prix de détail avant de revendre, à un prix majoré, leurs marchandises. Ce système entraîne mécaniquement une inflation sur les prix des produits alimentaires liée à une mauvaise organisation du système de distribution. Il a aussi pour conséquence de creuser la pauvreté, les clients de ces magasins de proximité ayant généralement moins de ressources que la moyenne de la population. Vos rapporteurs feront une proposition pour pallier ce problème (47).

Les investigations lancées n’ont pour l’instant pas débouché sur la prise de sanctions prévues à l’article 6 de la LREOM.

À La Réunion, la chambre de commerce et d’industrie tente de régler un problème similaire par la constitution d’une société coopérative d’intérêt collectif du nom de « Koopérativ », créée en 2014. Cette société, forte d’une centaine d’actionnaires disposant chacun d’une voix, agit pour eux comme une centrale d’achat pour 1 500 références, soit les besoins en approvisionnement d’un point de distribution d’une surface de 100 m², permettant par la négociation collective de faire baisser les prix auxquels s’approvisionnent les petits commerces. Si la création de cette structure est trop récente pour analyser finement son impact sur les prix et la pérennité des petits commerces, vos rapporteurs ne peuvent que saluer cette initiative et suggérer, après qu’un bilan plus complet a été effectué, que cette initiative puisse être déclinée dans l’ensemble des collectivités ultramarines françaises.

3. Il convient désormais de renforcer le pouvoir d’investigation des directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIECCTE)

L’Autorité de la concurrence dispose de l’outil nécessaire au traitement des cas d’accords d’exclusivité d’importation, à savoir une nouvelle infraction plus simple à qualifier. Il n’est pas exclu que des sanctions puissent être, à l’avenir, prononcées mais elles ne le seront que si des affaires sont portées à la connaissance des services compétents pour leur instruction.

Or, si les accords d’exclusivité en droit sont facilement qualifiables, les exclusivités de fait sont plus difficiles à prouver. Elles doivent reposer sur un faisceau d’indices qu’il est d’autant plus délicat à détecter qu’aucun tiers n’a formulé de plainte. Aussi, les agents des DIECCTE ont exprimé le besoin de pouvoir utiliser une identité d’emprunt pour mener les enquêtes sur les exclusivités, à l’instar du pouvoir de contrôle des agents en matière de vente de biens et de services sur internet récemment introduit dans le droit commercial par la loi relative à la consommation, dite « Hamon » (48). Ce pouvoir, spécifique aux outre-mer, ne serait utilisable que pour la détection de l’infraction fixée à l’article L. 420-2-1 du code de commerce. Il faciliterait le repérage des cas suspects avant la phase d’instruction à proprement parler. Ce nouveau pouvoir devrait bien sûr respecter le principe selon lequel l’agent verbalisateur ne suscite pas l’infraction, ce qui ne saurait être le cas en ce qui concerne une simple vérification. Vos rapporteurs souhaitent que le Gouvernement puisse étudier l’élargissement de cette procédure au cas précis des accords d’exclusivité d’importation de fait dans les outre-mer.

Proposition n° 4 : doter les agents enquêteurs des DIECCTE du pouvoir de faire usage d’une identité d’emprunt pour la vérification d’indices établissant l’existence d’un accord d’exclusivité d’importation de fait, avant d’engager une procédure classique d’enquête.

C. LE RENFORCEMENT DES POUVOIRS DE L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE EST EFFECTIF, MAIS LES CONDITIONS DE SA SAISINE DOIVENT ETRE FACILITÉES

1. L’élargissement du pouvoir de saisine de l’Autorité de la concurrence à certaines collectivités territoriales (article 8) et aux commissions locales d’aménagement commercial (article 12)

a. Ce que changent les dispositions des articles 8 et 12

Les articles 8 et 12 élargissent le pouvoir de saisine de l’Autorité de la concurrence de certaines collectivités territoriales et des commissions locales d’aménagement commercial ultramarines selon des conditions toutefois très différentes.

L’article 8, qui figurait dans le projet de loi initial du Gouvernement, modifie l’article L. 462-5 du code de commerce pour étendre le pouvoir de saisine de l’Autorité aux régions d’outre-mer, au Département de Mayotte, aux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin et à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les collectivités territoriales disposaient déjà d’un pouvoir de saisine pour les « intérêts » dont elles avaient la charge. Avec cette nouvelle disposition, les collectivités concernées peuvent désormais saisir l’Autorité pour toutes les pratiques anti-concurrentielles affectant leur territoire. Dans l’esprit du législateur, ce pouvoir élargi de saisine devait permettre aux « petites entreprises locales, réticentes à affronter directement des clients ou des fournisseurs puissants ou qui n’auraient pas les moyens économiques d’affronter un contentieux, d’utiliser [le] canal [des collectivités territoriales] pour dénoncer une pratique anticoncurrentielle » (49). Ce nouveau pouvoir conforte la compétence économique des régions et des collectivités d’outre-mer en les associant directement à la lutte contre les atteintes à la concurrence.

L’article 12, issu d’un amendement de notre collègue Philippe Gomès, complète le code de commerce par l’article L. 752-6-1, qui permet aux commissions départementales d’aménagement commercial, lorsqu’elles sont saisies d’une demande d’autorisation pour un projet d’exploitation commerciale portant à plus de 50 % la part de marché de l’entreprise sollicitant l’autorisation, de demander, de façon facultative, l’avis de l’Autorité de la concurrence.

b. Une seule saisine de l’Autorité fondée sur l’article 12

Depuis la promulgation de la LREOM, l’Autorité de la concurrence n’a pas été saisie sur le fondement de l’article L. 462-5 du code de commerce (article 8 de la LREOM) mais a rendu un avis sur la base de l’article L. 752-6-1 (50) (article 12). Les conditions dans lesquelles l’avis de l’Autorité, saisie par la commission territoriale d’aménagement commercial de Saint-Barthélemy (CTAC), a été rendu méritent d’être précisées en ce qu’elles jettent un doute sur l’utilité de la mesure.

L’Autorité a été saisie par une lettre du préfet de Saint-Barthélemy, président de la CTAC, en date du 13 avril 2013 au sujet d’un projet d’extension d’une exploitation commerciale qui répondait au seuil de 50 % fixé par la loi. De façon déjà surprenante, la saisine de l’Autorité a été officiellement demandée, le 22 mars 2013, à l’occasion d’une première décision de la CTAC sur ce projet, qui concluait à un refus d’autorisation. Postérieurement à cette décision, et avant même que l’Autorité n’ait pu rendre son avis, une nouvelle demande d’autorisation a été déposée par les mêmes promoteurs pour un projet plus restreint que la CTAC a finalement autorisé dans une décision du 6 août 2013.

Interrogée par vos rapporteurs, la préfecture de Saint-Barthélemy précise que l’avis de l’Autorité avait été sollicité après la première décision pour obtenir une analyse sur les problématiques de concurrence soulevées par ce projet sur lequel les membres de la CTAC savaient qu’ils allaient devoir se prononcer à nouveau. Pour justifier le délai de sept mois pour rendre son avis alors même que la décision de la CTAC avait déjà été prise, l’Autorité évoque le fait que le président de la CTAC a maintenu expressément sa demande et que les pièces utiles à l’instruction du projet dans sa nouvelle dimension lui ont été transmises trop tardivement. Par ailleurs, elle estime que cet avis « demeurait utile […] pour éclairer la CTAC sur la situation concurrentielle de l’île, faire de la pédagogie en vue de l’examen de demandes d’autorisation postérieures, souligner la possibilité pour l’Autorité de prendre de mesures correctives (avec son pouvoir d’injonction structurelle) et appeler les enseignes de la grande distribution à ne pas verrouiller les commerçants indépendants (franchisés ou associés coopérateurs) membres de leur réseau par des clauses contractuelles excessivement restrictives » (51).

L’avis de l’Autorité est en effet fort documenté, analysant finement les acteurs locaux et le secteur d’activité concerné ainsi que les conséquences du projet d’extension. Il conclut d’ailleurs à l’absence d’objection au projet d’agrandissement envisagé. Les arguments de l’Autorité sur l’utilité de son avis peuvent donc être entendus.

En revanche, il est à déplorer que, saisie en appel de la décision de la CTAC par des associations de Saint-Barthélemy, la commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), n’ait, dans sa décision du 27 novembre 2013 (52), ni suivi l’avis de l’Autorité (elle a finalement refusé le projet d’agrandissement), ni même fait référence à celui-ci. Si la CNAC n’est pas tenue par l’avis de l’Autorité, vos rapporteurs regrettent qu’elle puisse conclure que « la réalisation de ce projet […] aura pour effet de bouleverser les équilibres et les comportements locaux et de porter atteinte au maillage commercial du territoire » (53), sans répondre aux arguments avancés par l’Autorité de la concurrence qui aboutissaient à un avis contraire et, surtout, sans motiver sa décision. La CNAC a surtout considéré le fait que ce projet d’agrandissement nécessitait la construction d’une nouvelle voie d’accès dont le « financement et le calendrier de réalisation [… n’étaient] pas déterminés au jour où la commission nationale » se prononçait. Or, interrogés par vos rapporteurs, les représentants de la CNAC ont précisé qu’ils se « sont appuyés sur la jurisprudence du Conseil d’État du 23 septembre 2013 (req n° 361685) qui a constamment été réaffirmée depuis, selon laquelle lorsque l’instruction fait apparaître que, pour satisfaire aux objectifs fixés par le législateur en matière d’aménagement du territoire ou de développement durable, des aménagements [routiers] sont nécessaires, l’autorisation ne peut être accordée que si la réalisation de tels aménagements à l’ouverture de l’ensemble commercial est suffisamment certaine » (54). Cet argument n’avait pas été évoqué par l’Autorité de la concurrence.

Au-delà du cas d’espèce et sans n’aucunement tenter de remettre en cause la décision souveraine de la CNAC, vos rapporteurs déplorent qu’un dialogue plus soutenu entre les deux instances n’ait pu s’instaurer à l’occasion de cette requête. Pour que la possibilité de saisir l’Autorité de la concurrence soit utile, il convient en effet de s’assurer que son avis puisse être mieux pris en compte dans la procédure d’autorisation.

c. Faciliter la saisine de l’Autorité et mieux prendre en compte ses avis

Au regard du bilan de l’application de ces deux dispositions, vos rapporteurs formulent deux propositions.

La première concerne la saisine de l’Autorité de la concurrence par les collectivités régionales. Vos rapporteurs ont interrogé l’ensemble des élus régionaux ou départementaux rencontrés lors de leurs déplacements et ont pu constater que cette disposition était très mal connue. Un effort de pédagogie est donc à accomplir pour promouvoir dans les territoires la faculté de saisine de l’Autorité par les collectivités. Les présidents des observatoires des prix, des marges et des revenus dans chaque territoire pourraient être des interlocuteurs efficaces à la fois pour expliquer aux services des collectivités compétentes le rôle et l’action de l’Autorité mais également pour les assister dans la rédaction de leur saisine. Les présidents des OPMR pourraient, à l’occasion de leur réunion annuelle au ministère des outre-mer, bénéficier d’une formation spécifique. Leur statut de magistrat financier en fait des interlocuteurs compétents pour assurer cette promotion et cette assistance afin de rendre effectif ce nouveau pouvoir de saisine.

Proposition n° 5 : médiatiser la possibilité de saisine de l’Autorité de la concurrence par les collectivités territoriales, par l’intermédiaire des présidents des observatoires des prix, des marges et des revenus, qui pourraient devenir des référents au sein de leur territoire.

Concernant les avis de l’Autorité de la concurrence dans le cadre de la procédure d’autorisation de projets d’urbanisme commercial, leur prise en compte doit être renforcée. Les décisions visées par la loi concernent des projets importants qui peuvent avoir des conséquences durables sur la structuration du paysage commercial d’un territoire. Dès lors, au vu du faible nombre de projets concernés, il semble envisageable de suspendre la décision de la commission territoriale à la remise de l’avis. En revanche, un délai d’examen plus réduit de la part de l’Autorité pourrait être exigé : trois mois serait une durée acceptable tant pour permettre le traitement de la demande que pour assurer une certaine sécurité juridique aux requérants porteurs desdits projets.

Proposition n° 6 : lorsqu’une commission départementale décide, dans le cadre de la procédure d’autorisation de projets d’urbanisme commercial, de saisir l’Autorité de la concurrence, suspendre sa décision à la remise de l’avis de l’Autorité, qui disposerait d’un délai maximal de trois mois pour répondre.

2. L’abaissement du seuil de contrôle des concentrations (article 9)

L’article 9 de la LREOM modifie l’article L. 430-2 du code de commerce pour abaisser le seuil de chiffre d’affaires, réalisé au niveau national, requis pour rendre obligatoire le contrôle, par l’Autorité de la concurrence, des opérations de concentration dans le secteur du commerce de détail dans les outre-mer. Ce seuil, qui était précédemment de 7,5 millions d’euros est désormais de 5 millions d’euros. Pour qu’elle soit obligatoirement contrôlée, une opération de concentration dans le secteur du commerce de détail située dans les outre-mer doit concerner cumulativement :

- un ensemble de parties au projet de concentration qui réalisant un chiffre d’affaires mondial de plus de 75 millions d’euros (hors taxes) par an ;

- au moins une entreprise partie au projet de concentration dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes est supérieur à 5 millions d’euros.

Le but de cet abaissement de seuil, qui figurait dans le projet de loi initial du Gouvernement, était de permettre le contrôle des rachats de surface de ventes comprises entre 600 et 1 000 m². Cette mesure devait ainsi avoir pour effet de contrôler l’évolution de la croissance externe des réseaux de distribution outre-mer.

Depuis la promulgation de la loi, une seule décision de l’Autorité de la concurrence (55) a été rendue concernant une opération qui n’aurait pas fait l’objet d’un contrôle sur la base du seuil précédent. Située en Guadeloupe, la société, visée par le rachat, exploitait en effet un fonds de commerce de distribution alimentaire générant au moment de l’opération un chiffre d’affaire compris entre 5 et 7,5 millions d’euros.

L’Autorité de la concurrence rend chaque année en moyenne 200 décisions sur des opérations de concentration (statistiques 2013 et 2014). En 2013, 3 opérations contrôlées ont été menées dans les outre-mer contre huit en 2014. Au regard de ces chiffres, le bilan de la mesure d’abaissement du seuil de chiffre d’affaires national pour rendre obligatoire le contrôle des opérations de concentration dans le commerce de détail n’est donc pas nul.

3. L’injonction structurelle (article 10)

L’article 10 de la LREOM insère l’article L. 752-27 dans le code de commerce pour renforcer le pouvoir d’injonction structurelle de l’Autorité de la concurrence en cas de position dominante d’entreprises ultramarines dans le secteur du commerce de détail (56). Dans le cas où une entreprise tirerait profit de sa position dominante pour pratiquer des marges abusives, l’Autorité dispose du pouvoir de lui faire part de ses « préoccupations de concurrence ». S’ouvre alors une procédure contradictoire à l’issue de laquelle l’entreprise peut proposer à l’Autorité ses engagements pour y mettre fin. En cas d’absence ou d’insuffisance de ces engagements, l’Autorité peut alors enjoindre à cette entreprise de modifier ses comportements ou de mettre fin aux accords ayant créé la situation de puissance économique. En dernière extrémité, l’Autorité peut enjoindre à cette ou ces entreprises « de procéder à la cession de surfaces » s’il s’agit du seul moyen de mettre un terme à la position dominante. L’innovation réside dans le fait qu’il n’est plus nécessaire qu’un abus de position dominante soit préalablement sanctionné pour que des injonctions structurelles puissent être prononcées.

Cette disposition a fait l’objet de vifs échanges lors de la discussion parlementaire en particulier sur le risque d’insécurité juridique qu’elle provoque. Ce nouveau pouvoir n’a jamais été mis en œuvre dans les outre-mer.

Vos rapporteurs rappellent que le but d’une telle disposition est d’être une arme « dissuasive » plutôt que « répressive ». Le fait qu’un tel pouvoir existe doit empêcher les opérateurs économiques d’abuser de leur position dominante sur un marché. Le législateur avait bien cette dimension dissuasive à l’esprit au moment du vote de la loi.

Par une décision récente (57), le Conseil constitutionnel a censuré certaines dispositions de l’article 39 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques étendant l’injonction structurelle dans le secteur du commerce de détail à l’ensemble du territoire national. Il conclut en effet qu’« eu égard aux contraintes que ces dispositions font peser sur les entreprises concernées et à leur champ d’application, les dispositions de l’article L. 752-26 du code de commerce [établissant le pouvoir d’injonction structurelle dans l’hexagone] portent tant à la liberté d’entreprendre qu’au droit de propriété une atteinte manifestement disproportionnée au regard du but poursuivi ». Cette déclaration d’inconstitutionnalité ne condamne pas pour autant de facto la disposition d’injonction structurelle contenue dans la LREOM. En effet, le Conseil précise dans sa décision que « les dispositions contestées s’appliquent sur l’ensemble du territoire de la France métropolitaine et à l’ensemble du secteur du commerce de détail, alors même qu’il ressort des travaux préparatoires que l’objectif du législateur était de remédier à des situations particulières dans le seul secteur du commerce de détail alimentaire ». Il est donc tout à fait concevable que dans le contexte spécifique des outre-mer, ce pouvoir d’injonction structurelle puisse être jugé adapté et ne portant pas une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété. Le Conseil constitutionnel n’a toutefois jamais encore eu à statuer sur la constitutionnalité de cette mesure, n’ayant été saisi ni de la LREOM avant sa promulgation, ni d’une question prioritaire de constitutionnalité sur ce sujet. Vos rapporteurs demeurent donc vigilants quant aux évolutions de la jurisprudence constitutionnelle sur l’injonction structurelle.

4. La suspension des délais de prescription devant l’Autorité (article 13)

L’article 13 de la LREOM complète l’article L. 462-7 du code de commerce pour permettre de déroger au principe selon lequel la prescription est acquise dix ans après la cessation de la pratique anticoncurrentielle sans que l’Autorité de la concurrence n’ait statué sur celle-ci (58). Si le principe est conservé, cette nouvelle disposition prévoit certaines dérogations afin que certains évènements ne conduisent pas à ce que le délai s’écoule et ne prive ainsi l’Autorité de toute capacité d’action. Les deux causes introduites sont l’éventuel exercice d’un recours devant le juge et le délai de suspension afférent au rendu d’une décision de la Cour d’appel de Paris lorsqu’il est fait appel des décisions de l’Autorité.

D’après les informations recueillies par vos rapporteurs, les « causes de suspension du délai de prescription décennale introduites par la loi Lurel n’ont pas, à ce jour, été utilisées dans le cadre d’une décision rendue par l’Autorité de la concurrence, [l’Autorité n’ayant pas été confrontée] à une situation de prescription des faits qui aurait requis l’utilisation des causes de suspension introduites par la loi de 2012 » (59).

III. LES DISPOSITIONS DE « MODÉRATION NÉGOCIÉE » DES PRIX, AU PREMIER RANG DESQUELLES LE « BOUCLIER QUALITÉ-PRIX », SONT LES PLUS VISIBLES POUR LE CONSOMMATEUR ULTRA-MARIN

A. LE « BOUCLIER QUALITÉ-PRIX » (ARTICLE 15) FONCTIONNE DIFFÉREMMENT SELON LES TERRITOIRES ET EST DEVENU UN OUTIL DE PROMOTION DES PRODUCTIONS LOCALES QUI SE RÉVÈLE PLUS EFFICACE QUE L’OBLIGATION GÉNÉRALE FIXÉE À L’ARTICLE 4

1. Ce que changent les dispositions des articles 4 et 15

Introduit par un amendement de notre collègue Jean-Philippe Nilor (60), l’article 4 de la LREOM dispose que dans les collectivités d’outre-mer, « les entreprises de la grande distribution ont l’obligation de réserver une surface de vente dédiée aux productions régionales ». Lors de sa discussion (61), le ministre des outre-mer, ainsi que votre rapporteure, avaient émis de fortes réserves sur le caractère applicable de cette mesure en raison principalement de l’imprécision de la notion de « surface de vente significative » qui avait finalement été modifiée en « surface de vente ». Au cours de leurs auditions, vos rapporteurs ont constaté, d’une part, que l’absence de définition de la « surface de vente » rendait le dispositif incontrôlable (62) et que, d’autre part, les différences de niveau de développement des filières de production locale entre les territoires ne permettaient pas de rendre applicable uniformément cette disposition. Si l’objectif de favoriser le développement de la production locale est totalement justifié, il semble que le « bouclier qualité-prix » y contribue de façon plus efficace.

L’article 15 de la loi introduit deux nouveaux articles au sein du code de commerce. L’article L. 410-4, tout d’abord, reprend les dispositions contenues à l’article 1er de la LODEOM en permettant au Gouvernement dans les collectivités d’outre-mer de réglementer, par décret en Conseil d’État et après avis de l’Autorité de la concurrence, « le prix de vente de produits ou de familles de produits de première nécessité » (souligné par vos rapporteurs). Ce dispositif n’a, pour le moment, jamais été mis en œuvre. À la suite de la crise sociale de 2009, le préfet de La Réunion avait pris un arrêté fixant une liste de soixante produits de première nécessité (les « produits solidaires ») pour lesquels les distributeurs s’étaient engagés à baisser puis à geler les prix. Mais cet arrêté, dont les termes avaient fait l’objet d’un accord négocié, n’avait pas été pris sur le fondement de la LODEOM qui autorisait, d’ailleurs, la prise d’un décret en Conseil d’État et non d’un simple arrêté préfectoral.

L’article 15 crée également l’article L. 410-5 qui prévoit l’organisation, par le représentant de l’État, d’une négociation annuelle, entre « les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail et leurs fournisseurs », visant à trouver « un accord de modération du prix global d’une liste limitative de produits de consommation courante » (souligné par vos rapporteurs). Cette négociation doit se tenir en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna et, désormais (63), à Saint-Martin. Elle intervient après avis public de l’OPMR territorialement compétent. « En l’absence d’accord un mois après l’ouverture des négociations, le représentant de l’État arrête, sur la base des négociations [entreprises] et des prix les plus bas pratiqués dans le secteur économique concerné, le prix global de la liste ». L’article prévoit que le prix global est affiché dans les magasins concernés dans les conditions prévues à l’article L. 113-3 du code de commerce soit par voie de marquage, étiquetage, affichage ou tout autre procédé. Enfin, il précise que les manquements à l’affichage et au respect du « prix global de la liste » sont sanctionnés.

Ces accords de modération des prix, appelés « bouclier qualité-prix » (BQP), sont un mécanisme original de réglementation des prix fondé sur une négociation à laquelle doivent participer tous les acteurs de la chaîne de production et de distribution dans les outre-mer. La mesure d’encadrement ne porte que sur le prix global de la liste, permettant une concurrence entre les distributeurs pour fixer le prix de chaque produit au sein de la liste. L’originalité du dispositif réside dans le fait qu’il s’agit, certes, d’une mesure d’encadrement des prix mais qui n’annihile pas toute forme de concurrence entre les opérateurs.

Ce dispositif n’était pas prévu dans le projet de loi initial présenté par le Gouvernement, qui se concentrait sur les dispositions destinées à favoriser la concurrence. Il a été introduit au Sénat, par un amendement gouvernemental, pour traduire dans les faits l’une des déclinaisons de l’engagement n° 5 du Président de la République pour les outre-mer pendant sa campagne : « Je mettrai en place un “bouclier qualité-prix” grâce à des chartes entre la grande distribution et les producteurs locaux, et si nécessaire, en encadrant le prix des produits de première nécessité ». Le BQP devait permettre à court terme, c’est-à-dire dès le vote de la loi, de faire baisser les prix sur un panier de produits de grande consommation et pas seulement de première nécessité. Si les mesures « pro-concurrence » devaient modifier à long terme les structures des économies ultramarines, le BQP était une réponse immédiate aux demandes des consommateurs de lutter contre la vie chère.

Alors qu’il n’est pas fait mention de la production locale dans l’article du code de commerce instaurant le BQP, ce dernier est pourtant devenu, dans certains territoires, un instrument central pour le développement et la structuration des filières de production agroalimentaire. Vos rapporteurs considèrent donc que le BQP doit être évalué sous ses deux aspects que sont la baisse des prix et la promotion de la production locale.

2. L’application du « bouclier qualité-prix » diffère selon les territoires

Lors de son audition, le représentant de la DGCCRF a confié, à vos rapporteurs, que le BQP avait suscité au départ un certain scepticisme au sein du ministère de l’économie. En effet, l’Autorité de la concurrence avait estimé, dans son avis de 2009, que les mesures d’encadrement des prix étaient rarement une solution aux problèmes de concurrence en raison de la complexité de leur mise en œuvre (nombreux contrôles à prévoir) et de la difficulté à définir un prix de vente dans une situation de forte asymétrie entre le contrôleur et le contrôlé. Par ailleurs, l’encadrement des prix n’est pas optimal dans la théorie économique, en ce qu’il n’incite pas les opérateurs à modifier leur mode de production pour s’adapter aux caractéristiques du marché. De plus la DGCCRF jugeait le dispositif peu lisible. L’originalité du BQP, alliant encadrement du prix d’une liste de produits, négociation sur ce prix et sur le contenu de la liste et concurrence sur la fixation du prix de chaque produit a permis de lever le scepticisme initial pour faire du BQP un « dispositif astucieux » au « bilan satisfaisant » (64).

La mise en œuvre du BQP a été rapide à la suite de la publication dès la fin du mois de décembre 2012, soit seulement un mois après la promulgation de la LREOM, du décret d’application prévu à l’article L. 410-5 du code de commerce (65). Vos rapporteurs se félicitent de la célérité avec laquelle le Gouvernement a pris ce texte réglementaire permettant la mise en œuvre des premiers accords, dans les magasins concernés, dès le 1er mars 2013.

Ce décret comporte neuf articles dont sept précisent le dispositif : l’article 1er fixe les conditions de saisine de l’OPMR ; l’article 2 définit les termes sur lesquels portent la négociation annuelle ; l’article 3 prévoit la possibilité de fixer des marges de dépassement limitées à 5 % du prix global de la liste ; l’article 4 précise les critères de définition des « produits génériques » présents sur la liste en prévoyant qu’un critère de qualité ou d’origine peut être défini (introduction de la notion de production locale dans le dispositif) ; l’article 5 concerne les établissements participant à l’accord ; l’article 6 explicite la liberté de choix des marques commerciales pour chaque « produit générique » et les obligations afférentes aux magasins participant à l’accord ; enfin l’article 7 prévoit les ajustements de marges des prix. Ce dernier article nécessite la prise d’un arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé des outre-mer pour déterminer le périmètre de la clause de sauvegarde, les références à prendre en compte et son seuil de déclenchement en cas de variations importantes de certains coûts susceptibles de modifier significativement le coût de revient de certains articles. L’arrêté conjoint du 23 avril 2015 relatif à la clause de sauvegarde met en œuvre ces dispositions.

Une première évaluation du dispositif a été présentée par la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer (CNEPEOM) en octobre 2014 à l’occasion de la remise de son rapport biennal d’activité (66). Il prend en compte uniquement le bilan du premier exercice du BQP pour l’année 2013. Vos rapporteurs disposent à ce jour d’un recul plus important avec le bilan du BQP 2014 et la mise en œuvre du troisième accord en 2015 qui permet de dresser un état des lieux plus étayé de ce dispositif. Les déplacements de la mission ont montré des degrés divers d’investissement des territoires dans le BQP donnant lieu à des résultats contrastés.

a. Les négociations

La procédure de négociation annuelle est strictement encadrée par l’article L. 410-5 du code de commerce ainsi que par les cinq premiers articles du décret d’application du 26 décembre 2012. On distingue six étapes :

- Première étape (non réglementaire) : l’envoi aux préfectures de la note d’orientation relative à la négociation des accords de modération des prix par le ministère des outre-mer. Cette note (67) précise les objectifs en termes d’évolution des prix ou de composition qualitative de la liste à atteindre au cours des négociations. Pour le BQP 2015 par exemple, les préfectures ont eu pour consigne de « mieux prendre en compte les politiques publiques d’alimentation et de nutrition de l’État (…) par une sélection de produits alimentaires ayant une meilleure qualité nutritionnelle » (68;

- Deuxième étape : la saisine, par le représentant de l’État, de l’observatoire des prix, des marges et des revenus territorialement compétent. Conformément à l’article 1er du décret, cette saisine doit intervenir entre le 15 et le 30 novembre de l’année civile précédent l’année d’exécution du BQP. Cette saisine officielle de l’OPMR confère aux associations de consommateurs, qui en sont membres, un rôle reconnu au sein de la procédure de négociation ;

- Troisième étape : l’OPMR dispose alors d’un mois pour rendre un avis, discuté en séance plénière. Aux termes de l’article 1er du décret, l’avis doit porter sur l’évolution du coût de la vie dans le territoire et les prix effectivement pratiqués pour les produits de consommation courante. L’OPMR peut également formuler des propositions pour la constitution ou la modification de la liste. Ces avis sont normalement rendus publics. Vos rapporteurs regrettent qu’ils ne soient pas tous mis en ligne ou en tous cas qu’il soit très difficile de les consulter (69). Les avis des OPMR diffèrent selon les territoires : ils varient en taille (de trois pages par exemple pour les avis des OPMR de La Réunion ou de Mayotte à douze pour l’avis de l’OPMR de la Guyane pour le BQP 2015) mais également en contenu. Les avis consultés contiennent tous un bilan, plus ou moins étayé, de l’exercice précédent du BQP au regard des contrôles effectués par les DIECCTE. Les OPMR sont, à ce titre, très vigilants sur le taux de disponibilité des produits BQP dans les rayons tout au long de l’année. Vos rapporteurs se félicitent du niveau d’expertise atteint par ces avis ainsi que par la qualité des propositions formulées. L’OPMR de La Réunion a par exemple été conseillé par un nutritionniste pour rendre son avis sur le BQP 2015. Il ressort des entretiens avec les préfets et les services de l’État dans tous les territoires visités qu’il est fortement tenu compte de l’avis des OPMR dans les négociations entre l’État et les opérateurs économiques. Jusqu’à présent, les OPMR ont été en mesure de rendre chaque année un avis ;

- Quatrième étape : le représentant de l’État transmet ensuite aux parties intéressées à la négociation l’avis de l’OPMR et fixe la date de la première réunion de négociation au moins une semaine après la transmission de l’avis. Les parties disposent alors d’un délai pour répondre par écrit, si elles le souhaitent, aux observations de l’OPMR ;

- Cinquième étape : les négociations qui se manifestent par une série de réunions rassemblant, aux termes de l’article L. 410-5 du code de commerce, « les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail et leurs fournisseurs, qu’ils soient producteurs, grossistes ou importateurs ». Ces négociations portent sur la composition et le prix de la liste, les catégories de commerce participant au dispositif et les efforts de modération de prix de chacun des opérateurs. Les négociations peuvent nécessiter six à huit réunions pouvant être, selon les services de l’État, « âpres et serrées » mais avec des acteurs qui « ont néanmoins [toujours] fait de sorte que les négociations aboutissent et n’ont pas fait de blocage » (70). Comme vos rapporteurs ont pu le constater, les négociations semblent désormais avoir atteint leur rythme de croisière. Les efforts consentis sur les prix (71) ont été réalisés et la dimension qualitative du bouclier apparait à présent comme celle offrant le plus de perspectives d’évolution. Un problème est toutefois partagé dans tous les territoires, y compris ceux comme La Réunion ou la Martinique où la conduite des négociations du BQP semble la plus aboutie : l’absence aux négociations de certains acteurs de la chaîne de production et de distribution, en particulier celle des transporteurs. Il convient de noter que le code de commerce ne mentionne pas les transporteurs à part entière, même si le transport est une composante de l’importation. Dans tous les territoires cependant, l’absence des transporteurs a été soulignée pour constater que la profession n’avait pas, contrairement aux autres, accompli son effort de modération. Comme l’indique la Fédération du commerce et de la distribution de La Réunion (72), « à ce jour, seuls les éleveurs, industriels et distributeurs importateurs ont contribué à la baisse des prix, au détriment des logisticiens, transporteurs, acconiers et de l’État à travers les taxes ». Vos rapporteurs ont rencontré des représentants du groupe CMA-CGM à Pointe-à-Pitre. Ces derniers n’ont pas exclu de pouvoir participer aux négociations, alors même que les préfectures ont indiqué les y convier. Le transporteur a néanmoins remarqué que depuis la mise en œuvre des engagements des compagnies maritimes à la suite de la procédure de l’Autorité de la concurrence dans les Antilles (73), le prix du transport de conteneurs avait diminué de plus de 40 % entre 2008 et 2015 (74). Enfin, il a souvent été évoqué lors des auditions le fait que les collectivités territoriales n’avaient pas accompli d’effort de modération sur le niveau d’octroi de mer concernant les produits contenus dans le BQP ;

- Sixième étape : la conclusion des négociations. Aux termes de l’article L. 410-5 du code de commerce, ces négociations doivent aboutir à un accord dans le mois suivant l’ouverture des négociations. L’accord en Guadeloupe pour l’année 2015 a ainsi nécessité un plein mois de négociation en raison de la structuration du tissu commercial qui comprend quatre hypermarchés et quinze supermarchés. Pour la première fois, l’accord a établi trois listes différentes pour adapter le niveau d’effort supplémentaire demandé par rapport à 2014 en fonction de la taille des magasins (75). Chaque réunion de négociation fait l’objet d’un procès-verbal. En cas d’échec, le procès-verbal de la dernière réunion doit en prendre acte, en préciser les motifs et indiquer les propositions de prix et de composition de la liste faites par les parties (article 2 du décret). Le représentant de l’État peut alors arrêter la composition et le prix de la liste, sur la base des négociations et des prix les plus bas pratiqués dans le secteur de la distribution. Ce cas de figure ne s’est pas encore présenté, les accords ayant finalement toujours été trouvés.

Vos rapporteurs saluent l’initiative du préfet de la Guadeloupe qui a indiqué lors de son audition qu’il allait réunir les acteurs du BQP au cours de l’année 2015 pour discuter, in itinere, de la mise en œuvre du BQP, ce qui devrait permettre une meilleure appropriation du dispositif.

b. Les magasins concernés par les accords de modération

Les magasins parties prenantes figurent en annexe à l’accord. Initialement, l’accord de modération visait les grandes et moyennes surfaces. Lors de la discussion du premier BQP au début de l’année 2013, les négociations ont porté sur la surface minimale au-dessus de laquelle les magasins devaient participer à la mise en œuvre de l’accord. La différence de seuil entre les territoires s’explique par les différences de structuration du tissu commercial et a été déterminé par les préfectures :

Le dispositif de modération des prix ayant vocation à s’appliquer le plus largement possible, deux catégories de commerce ont été intégrées au dispositif, dans certains territoires, par le biais d’une convention spécifique reposant sur une liste de produits moins importante que celles des grandes et moyennes surfaces : les magasins « hard discount » dont la vocation réside dans la vente au prix le plus bas possible et les magasins de proximité.

Dans les Antilles et en Guyane, des conventions spécifiques ont été mises en œuvre avec les magasins « hard discount ». En Guadeloupe, cette convention concerne les treize magasins de l’enseigne Leader Price sur une liste de trente-deux produits et les trente magasins « Ecomax » sur une liste de 24 produits. En Martinique, la convention avec les magasins discounters inclut dans le dispositif 14 magasins supplémentaires pour une liste de 52 produits. En Guyane, la convention concerne les magasins de 300 à 1 100 m², qui sont engagés sur une liste de 51 produits. À La Réunion, il n’existe pas de convention avec les discounters et les petits magasins. Seuls les magasins de moyenne surface sous enseigne Leader Price ont mis en place une liste d’une cinquantaine de produits, qui ne fait pas l’objet d’une convention officielle et ne figure donc pas dans l’arrêté du préfet.

De même, les magasins de proximité représentent un enjeu important, en particulier dans des territoires comme Mayotte ou la Guyane dans lesquels ils captent près de 50 % du marché de la distribution (76). En Guyane, le nombre de petits commerces se situe entre 300 et 400 et touche essentiellement la population à faible pouvoir d’achat pouvant difficilement se déplacer. La convention signée entre le préfet et le représentant d’une association de commerçants met en œuvre un accord de modération des prix portant sur 28 produits pour l’année 2015. Chaque commerce doit volontairement adhérer à cette convention. Dans les Antilles, des conventions de libre adhésion pour les petites surfaces ont également été négociées. En Guadeloupe, elles concernent une vingtaine de magasins ayant une surface inférieur à 800 m². Une convention spécifique a également été signée avec des petites surfaces présentes sur les îles du sud (deux magasins à Marie Galante et un magasin aux Saintes ainsi que sur La Désirade) afin de ne pas renforcer le phénomène de « double insularité ».

À Mayotte, les petites surfaces, ou « doukas », ne sont pas encore engagées dans un processus de modération des prix. Les services de l’État, soutenus par l’OPMR, étudient la faisabilité d’une telle convention qui nécessiterait en premier lieu le recensement de l’ensemble des commerces présents dans l’archipel. Ce travail est actuellement mené par la DIECCTE (77). Vos rapporteurs ont par ailleurs été sensibilisés au problème d’approvisionnement que rencontrent ces doukas. Ne disposant d’aucune plateforme de gros pour se fournir, les petits commerçants sont tenus de s’approvisionner dans l’un des quinze supermarchés appartenant aux trois groupes présents sur l’île. Ils n’y bénéficient d’aucun tarif professionnel et sont donc contraints de vendre à un prix bien supérieur que dans ces grandes surfaces. En Guyane, où ce phénomène a également été observé, les grandes surfaces tiennent compte de leur rôle de « grossistes » pour un tiers de leur commande, surtout lorsqu’elles s’approvisionnent pour des ventes promotionnelles. Il a été expliqué à vos rapporteurs que lorsque les grandes surfaces imposent une limite sur le nombre d’articles passés en caisse les jours de promotion, les petits commerçants peuvent agir en groupe organisé de faux clients pour bénéficier de ces offres. À La Réunion, la chambre de commerce et d’industrie tente de régler le problème de l’approvisionnement des petits commerces par la constitution d’une société coopérative d’intérêt collectif du nom de « Koopérativ » (78).

Vos rapporteurs, partageant l’opinion des pouvoirs publics locaux et de nombreux observateurs, estiment que le refus des groupes de grande distribution de considérer leur rôle de « grossistes » contribue à augmenter le coût de la vie. Le Gouvernement pourrait étudier la faisabilité d’instaurer à court terme, l’obligation pour les groupes de grande et moyenne surfaces en Guyane et à Mayotte de pratiquer un tarif professionnel pour leur activité de gros. Cette obligation pourrait faire l’objet d’un arrêté préfectoral, pris après consultation des parties concernées. Ces tarifs ne seraient opposables qu’aux seuls détaillants disposant d’un numéro d’enregistrement au registre du commerce.

Proposition n° 7 : dans les départements où existe une situation d’oligopole d’importation (en Guyane et à Mayotte), contraindre les grandes et moyennes surfaces à pratiquer un tarif professionnel pour leur activité de gros auprès des petits commerces de détail déclarés.

c. La composition et le prix de la liste

Les listes du BQP ont été inspirées des listes de produits qui avaient été établies, à la suite des crises sociales de 2009, pour suivre l’évolution du prix du « chariot-type » des consommateurs ultramarins. Les produits présents sur ces listes faisaient l’objet d’un relevé de prix réalisés par les services de la DIECCTE et correspondent également aux produits sur lesquels l’INSEE s’appuie pour calculer l’indice des prix à la consommation. Si la priorité avait été donnée dans la LODEOM aux produits de première nécessité, les produits du BQP doivent être de grande consommation. Comme l’ont indiqué les représentants de la DGCCRF lors de leurs auditions à Paris ou dans les territoires, les listes ont été élaborées en 2013 sur la base d’une analyse des produits les plus consommés par les ménages et de la volonté de réserver une large place aux produits locaux mais également aux produits de qualité à travers un équilibre entre la présence de produits de marque nationale (MN) et de produits de marque distributeur (MDD).

Outre le prix global de la liste, les accords de modération portent donc sur la dénomination d’un article générique auquel est rattachée, le cas échéant, une gamme (MN, MDD ou production locale). L’article 4 du décret précise que la liste décrit l’article générique par sa composition, sa nature, son poids ou son conditionnement « à l’exception de toute marque commerciale ». Il revient en effet aux commerçants partie prenante à l’accord de choisir la marque et donc le prix du produit générique. Les produits correspondent aux grandes familles de consommations : produits alimentaires et boissons (principale composante), hygiène corporelle, entretien ménager, produits pour très jeunes enfants, papeterie, petit équipement ménager etc.

Le prix de la liste

Le prix de la liste a été l’indicateur le plus observé depuis 2013. Les accords de modération ont véritablement permis d’obtenir une baisse des prix assez significative dans tous les territoires. Le tableau suivant indique le taux de diminution du prix global des listes du BQP 2015 par rapport à celles de 2013 :

 

Martinique

Guadeloupe

La Réunion

Guyane

Mayotte

Saint-Pierre-et-Miquelon

Wallis-et-Futuna

Baisse des prix depuis 2013

- 16 %

- 14,50 %

- 13,36 %

- 14,61 %

- 4,86 %

- 12,33 %

(79)

Depuis 2013, les listes évoluent à la marge sur le nombre de produits mais continuent à afficher un prix global à la baisse :

 

Martinique

Guadeloupe

La Réunion

Guyane

Mayotte

Saint-Pierre-et-Miquelon

Nombre d’articles 2014/2015

101

103/106

110/107

90/96

87/78

51

Prix de départ

407 €

406 €

350 €

353 €

244 €

 

Prix BQP 2014

360 €

360 €

300 €

305 €

219 €

153 €

Prix BQP 2015

350 €

357 €

292 €

305 €

215 €

153 €

Sources : Ministère des outre-mer et préfecture de la Martinique.

La possibilité d’autoriser le dépassement de prix plafond en fixant une marge maximum de 5 % (article 3 du décret) n’a pas encore été mise en œuvre. Elle peut intervenir « afin d’augmenter le nombre de points de vente participant au dispositif ». Les préfectures ont préféré augmenter ce nombre par la signature de conventions ad hoc.

L’ensemble des acteurs du BQP, y compris les associations de consommateurs, considèrent aujourd’hui que le prix de la liste ne pourra plus diminuer de façon significative. Désormais, l’objectif des négociations est d’améliorer, à prix constant, la qualité des produits qui composent le BQP.

La qualité des produits

Lors de la présentation du BQP 2015, l’accent a été mis sur la création d’un sous-panier de produits « santé » afin de prendre en compte les politiques de santé publique. Un effort a été fait pour intégrer des produits frais ou substituer à des produits gras ou riches en sucre, des produits de meilleure qualité nutritionnelle. Ainsi, à Mayotte, les populaires « mabawa » (ailes de poulet) ont été retirées au profit du « foie de porc ». Dans tous les territoires, il a été essayé d’ajouter plus de fruits et légumes frais à la liste. Vos rapporteurs ont pu vérifier que la consigne nationale a bien été intégrée et respectée. Ils constatent qu’à ce stade, cette logique de qualité peut se heurter à celle du prix. Comme le note la préfecture de Mayotte, le BQP 2015 inclut « pour la première fois une liste “santé” de 22 produits comprenant des aliments, quoi que plus chers que les autres produits de consommation courante, recommandés par l’agence régionale de santé car ils sont les plus représentatifs dans l’ordre des bons produits alimentaires à privilégier à Mayotte » (80).

La dimension de qualité des produits se retrouve également dans la gamme des produits choisis lors des accords. La liste élaborée à La Réunion est, à la connaissance des rapporteurs, la seule à qualifier la gamme pour chaque article générique entre « marque nationale », « marque économique » et « production locale ». Les autres territoires spécifient simplement les produits qui devront être issus de la production locale. Le taux de production locale au sein des listes du BQP 2015 varie très fortement selon les territoires :

 

Martinique

Guadeloupe

La Réunion

Guyane

Mayotte

Saint-Pierre-et-Miquelon

Wallis et Futuna

Part des produits locaux

30 %

24,5 %

46 %

9,40 %

6,4 %

1 %

13 %

Source : Ministère des outre-mer et Assemblée nationale.

La présence de produits locaux sur les listes BQP est directement fonction des capacités de la production locale. Non seulement l’article générique doit être produit sur place mais également tout au long de l’année et de façon continue. Cette condition rend donc difficile d’inclure la viande ou les fruits et légumes frais produits localement dans les listes de BQP. En effet, à l’exception de La Réunion, les territoires ultramarins ne disposent pas de filières agroalimentaires suffisamment organisées pour assurer une production régulière. La filière œuf fait exception mais il n’est pas rare de rencontrer des situations de pénurie, comme vos rapporteurs ont pu directement le constater lors de leur visite d’un magasin à Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane. En Guyane et à Mayotte, le poids de la vente directe hors des circuits classiques de distribution fait que les grandes surfaces ont beaucoup de difficultés à s’approvisionner en produits frais locaux. Ainsi à Mayotte, seuls quatre produits de la liste sont issus de la production locale : les sucettes à l’eau glacée aromatisée, le yaourt nature fermier, la bouteille d’eau plate et le savon de ménage.

Alors que leur mission était au départ consacrée au contrôle de l’application de la loi « Lurel » dans la lutte contre la vie chère, vos rapporteurs se sont trouvés confrontés à la problématique, très forte dans les outre-mer, de la structuration des filières de production. Le BQP est en effet perçu par de nombreux acteurs et producteurs, en particulier les plus dynamiques, comme un instrument pouvant aider à cette structuration.

Les problèmes de la production agroalimentaire outre-mer sont connus :

- un marché trop restreint qui empêche les productions industrielles de pouvoir bénéficier d’économies d’échelle, ce qui rend les investissements moins rentables. Les outre-mer ne possèdent pas ou peu d’infrastructures industrielles permettant d’assurer une production suffisante. De plus, les industriels rencontrés par la mission ont tous témoigné de la difficulté à trouver un matériel adapté pour une production modeste ;

- une agriculture très peu structurée. Si les filières sont en voie de structuration dans les Antilles, elles sont quasi inexistantes en Guyane et à Mayotte. La Réunion offre en revanche un contre-exemple intéressant avec une filière interprofessionnelle très développée, ancienne et qui intègre en son sein à la fois les producteurs et les distributeurs. Le président de l’interprofession est d’ailleurs le représentant d’une enseigne de grande distribution ;

- une forte concurrence de la production locale par les produits importés de métropole. Les outre-mer sont utilisés par les industriels métropolitains comme des marchés dits de « dégagement » pour leur production invendue. Ainsi la production locale, en particulier de viande (cuisses ou ailes de poulet, côtes de porc), doit faire face à des importations de produits surgelés à des niveaux de prix beaucoup plus faibles que ceux de la métropole, même après y avoir ajouté les frais de transports. Ces prix bradés constituent dans la grande distribution des prix de référence face auxquels la production locale ne peut entrer en concurrence. À La Réunion, territoire pourtant le plus en avance sur la production agroalimentaire, la filière interprofessionnelle déplore une hausse des importations de volaille de 25 % en 2013 et de 10 % supplémentaires en 2014 sous la forme de cuisses de poulet surgelées. La direction départementale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt constate, de son côté, que le prix des cuisses de poulet ou des morceaux de porc importés est 30 % moins cher que leur prix en métropole. Quant à la filière laitière à La Réunion, la hausse exponentielle des importations de produits laitiers premiers prix depuis 2007 (+ 2 554 %, soit 6 à 7 millions de litres de lait d’après la filière) a provoqué une diminution équivalente de la production locale.

Le BQP, par les effets volume qu’il doit induire sur les produits sélectionnés, représente donc un enjeu pour les producteurs locaux. Vos rapporteurs formuleront des propositions en ce sens.

d. Le contrôle du dispositif

Chaque mois, les magasins partie prenantes à l’une des conventions BQP transmettent à la DIECCTE la liste des produits de marque choisis pour chaque article générique avec le prix correspondant. En plus de ces déclarations mensuelles, les agents contrôleurs des DIECCTE effectuent des contrôles inopinés dont les modalités peuvent varier en fonction des territoires.

i. Les modalités

Les magasins contrôlés et la fréquence des contrôles

Pour les grandes et moyennes surfaces participant au BQP, les DIECCTE dans les Antilles et à La Réunion déclarent effectuer des contrôles en moyenne deux à trois fois par an dans chaque magasin. À La Réunion, cette fréquence ne s’applique qu’aux hypermarchés et principaux supermarchés mais l’ensemble des 52 magasins est contrôlé au moins une fois par an.

Les magasins parties prenantes des conventions « discounter » et « petites surfaces » dans les Antilles et en Guyane sont également contrôlés mais de façon moins régulière en raison de moyens humains limités dans les pôles C des DIECCTE. En Guadeloupe, l’administration déclare malgré tout contrôler une quinzaine de magasins par mois parmi les 66 magasins conventionnés hors BQP. Les contrôles réalisés sont cependant plus souples que pour les plus grandes surfaces.

Les opérations de contrôles réalisées

Les contrôles des DIECCTE s’effectuent de manière inopinée et ne peuvent servir à vérifier d’autres obligations des magasins. Lors de leurs auditions, les agents des DIECCTE ont insisté sur l’étanchéité de leurs tâches de contrôle.

Les engagements des magasins concernant le BQP sont vérifiés selon trois axes : l’information du consommateur (affichage de la liste à l’entrée du magasins, signalisation des produits BQP dans les rayons avec la présence du macaron « bouclier qualité-prix »), la disponibilité des produits (avec le contrôle des substitutions de produits en cas de rupture de stock et ce dans le respect de la gamme définie) et le prix de la liste (le contrôle se faisant au niveau du prix global mais aussi produit par produit après passage en caisse).

Ces contrôles sont également l’occasion pour les agents des DIECCTE de dialoguer avec les distributeurs, permettant ainsi d’établir des recommandations précises. Les DIECCTE ont insisté sur le fait que ces contrôles, en l’absence de sanctions, ont un caractère de conseil aux magasins. À ce titre, l’OPMR de La Réunion a même participé au financement du salaire de deux employés de l’Union départementale des associations familiales (UDAF), membre de l’observatoire, qui ont réalisé une partie des contrôles BQP jusqu’en septembre 2014. La convention entre l’OPMR et l’UDAF n’a cependant pas été renouvelée, ce que regrettent les agents de la DIECCTE qui y voyaient l’occasion de mener un dialogue plus souple avec les professionnels ne se sentant pas menacés d’une sanction. À Mayotte, les contrôles sont menés par deux personnes sous « contrat d’avenir » employées par la CISMA-CFDT, représentant les consommateurs au sein de l’OPMR.

À La Réunion, vos rapporteurs ont eu connaissance d’une bonne initiative prise par une grande enseigne : la désignation d’un employé dédié au BQP, à son contrôle et à sa valorisation dans le magasin. Vos rapporteurs sont convaincus, à terme, que le BQP peut devenir un outil commercial non négligeable si les enseignes se donnent les moyens de le promouvoir dans ses dimensions de prix et de production locale.

ii. Les résultats

D’après les informations des DIECCTE des Antilles et de La Réunion, les résultats des contrôles des magasins participant au BQP sont globalement satisfaisants mais plus contrastés pour les plus petites surfaces conventionnées. En Guadeloupe par exemple, le taux d’anomalie calculé par les services de l’État s’élève à 4 % pour l’année 2014.

Les résultats concernant l’information du consommateur

Dans les grandes et moyennes surfaces, l’information du consommateur est assez bien assurée. Les magasins utilisent la signalétique appropriée tant à l’entrée des magasins que dans les rayons. Vos rapporteurs ont pu eux-mêmes le constater au cours de leurs nombreuses visites de supermarchés. Le logo BQP présent sur les « stop-rayon » (voir photo ci-dessous) est désormais uniformisé dans les départements de la Guyane, des Antilles et de La Réunion. Ce n’est pas encore le cas à Mayotte où le logo BQP n’est pas suffisament visuel pour pouvoir être compris des consommateurs.

Visuel BQP

Des problèmes concernant le respect du conditionnement du produit ont cependant été soulevés à La Réunion. Pour les produits à poids variable, il a été observé, en particulier pour la production locale, que certains produits ne correspondent pas au poids déterminé lors des négociations.

Dans les petites surfaces, les DIECCTE des Antilles pointe de nombreuses anomalies en particulier concernant la signalisation des produits en rayon.

Les résultats concernant le respect des prix

Sur ce point également, les résultats sont bons dans les cinq DOM. Les inspecteurs constatent une bonne concordance entre le prix global du panier affiché et le prix constaté. Dans presque la totalité des grands magasins, le prix global de la liste est même plus faible que le prix négocié, la différence pouvant se situer entre 5 et 15 euros. Cette situation peut s’expliquer par le fait que pour certains produits, le prix cible issu des négociations semble avoir été surévalué. À La Réunion par exemple, la DIECCTE a constaté que le prix cible d’un litre d’« assouplissant dilué » était de 3,8 euros alors qu’il était facturé entre 0,7 et 1,2 euros dans tous les magasins.

À Mayotte, les premiers contrôles du magasin participant au BQP avaient montré des écarts de prix. Ces derniers semblent désormais corrigés.

Les magasins de petites surfaces conventionnés sont également rarement rappelés à l’ordre sur la question des prix.

Les résultats concernant la disponibilité des produits

Ce point demeure sans doute le plus problématique. En Guadeloupe, le taux de disponibilité est pourtant en hausse, passant de 87 % en 2013 à 94 % en 2014 (81).

Les chiffres des premiers contrôles pour l’année 2015 à La Réunion révèlent en revanche une légère détérioration de la situation. Le taux de rupture sur le premier trimestre 2015 s’élèverait à 17 % contre 13 % pour l’année 2014. Les contrôles montrent également que les produits les plus faiblement consommés ne sont même pas toujours commandés par les chefs de rayon. Ces premiers résultats soulignent la nécessité d’un engagement constant des professionnels de la distribution pour faire vivre le BQP auprès des consommateurs.

iii. Les difficultés

Le développement du BQP au fil de ses trois années d’exercice confère désormais au dispositif un certain degré de sophistication. Les contrôles en sont donc forcément plus complexes à la fois pour les agents des DIECCTE mais aussi pour les professionnels.

Du côté de l’administration, les agents des DIECCTE regrettent de ne pas avoir les moyens humains pour pouvoir davantage s’investir sur le BQP. Les contrôles du dispositif s’ajoutent à l’ensemble des tâches qui incombent aux pôles C et que la LREOM a contribué à élargir. Entre les négociations, pilotées au niveau des secrétariats généraux pour les affaires régionales des préfectures, et les contrôles, la mise en œuvre du BQP représente en moyenne dans les outre-mer 1 à 1,5 équivalent temps plein. Vos rapporteurs renouvellent ici leur recommandation de maintenir, voire d’augmenter, les effectifs dans les pôles C des DIECCTE pour leur permettre de mener à bien leurs nouvelles missions confiées par la LREOM.

Du côté des professionnels, et plus particulièrement des professionnels de la distribution, les contrôles du BQP sont perçus comme chronophages. Les distributeurs soulignent également qu’ils sont les seuls à subir ces contrôles et rappellent que le BQP participe d’une démarche volontaire. Vos rapporteurs sont conscients du risque de rejet du dispositif par les professionnels si les contrôles devaient devenir trop stricts.

C’est pourquoi, le problème d’absence de sanctions pour les méconnaissances des engagements pris dans le cadre du BQP doit être posé avec beaucoup de précaution. La demande en a été faite à vos rapporteurs à plusieurs reprises par les services contrôleurs. L’absence de sanctions est perçue par ces derniers comme entraînant un risque de service a minima des distributeurs, et à terme, d’un désintérêt. Ils indiquent qu’un dispositif de sanctions administratives similaires à celui soutenant la réglementation sur l’affichage des prix contribuerait à une meilleure mise en œuvre du dispositif, en particulier dans les petites structures. Vos rapporteurs considèrent, à ce stade, que le BQP n’a pas encore été suffisamment intégré par les consommateurs pour qu’il soit possible de sanctionner des distributeurs volontaires, qui demeurent par leur action les meilleur promoteurs du dispositif. L’esprit de la loi de 2012 est bien de mettre en place, non pas un instrument classique de réglementation, mais bien un dispositif négocié et donc partagé par tous les acteurs de la chaîne de production et de distribution. Dès lors, la création de sanctions administratives serait un signal négatif, de méfiance, envoyé aux entreprises alors même que leur adhésion au dispositif est essentielle pour la continuité du BQP.

e. Les effets du BQP

La connaissance du BQP n’est pas encore suffisamment partagée par nos concitoyens ultramarins. Comme vos rapporteurs ont pu le constater directement dans les rayons, le BQP est un dispositif vaguement connu mais qui n’est en rien un réflexe de consommation. Ce constat montre que l’effort de signalisation accompli dans les magasins n’est pas suffisant, même s’il a nécessité la création d’un logo unique ainsi que l’achat par les interprofessions du matériel de signalétique (82). Le relais du BQP dans les médias locaux est également insuffisant, ces derniers évoquant le sujet une fois par an au moment de la clôture des négociations.

Des initiatives heureuses sont cependant à saluer. À La Réunion, un site internet dédié au BQP (83) a été créé au début de l’année 2015 par la préfecture, l’OPMR, l’agence régionale de santé (ARS) et deux associations de consommateurs (UDAF et UFC-Que Choisir), notamment. Alimenté par le chargé de mission du secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR) chargé du secrétariat administratif de l’OPMR, ce site présente les principales informations relatives au BQP (liste des produits et des magasins concernés), ainsi que l’animation « Menus BQP ». Chaque mois, deux menus composés uniquement de produits BQP et validés pour leur qualité nutritive par l’ARS et l’Institut régional de protection et d’éducation à la santé sont mis en ligne. Cette action a été doublée par une campagne de publicité lancée en avril 2015 : « Manger équilibré avec le BQP ». En Guadeloupe, le conseil régional finance le site internet Zoban (84), « Le site des consommateurs de Guadeloupe ». Ce site, contrairement au site réunionnais, n’est pas exclusivement dédié au BQP ; son ambition est même plus large puisqu’il présente un comparateur des prix de milliers de produits entre les magasins guadeloupéens. Il constitue également un relais de promotion pour le BQP.

Les effets du BQP sur le pouvoir d’achat des ménages sont également modestes, bien que réels, pour les consommateurs décidant d’adapter leur consommation à ce dispositif. Le panier du BQP ne concerne qu’une centaine de produits alors même qu’une moyenne ou grande surface expose dans ses rayons entre 30 000 et 50 000 produits. Par ailleurs, les principales enseignes de distribution mènent régulièrement des campagnes de promotion importantes sur lesquelles elles communiquent abondamment. Les consommateurs y sont souvent plus sensibles qu’aux produits du BQP. Néanmoins, la baisse du prix des produits BQP est incontestable et peut véritablement réduire le prix total du ticket de caisse. Pour gagner en pouvoir d’achat, le BQP doit ainsi devenir un réflexe.

Enfin, l’analyse du volume de produits BQP consommés est un autre indicateur utile pour mesurer l’impact du dispositif chez les consommateurs. Tous les mois, les volumes de vente sont transmis par les magasins aux DIECCTE. Ces volumes sont analysés, chaque année, dans le cadre des négociations afin d’évaluer l’opportunité de retirer un produit ou de le maintenir, même si ce critère est utilisé avec beaucoup de précaution par les préfectures. Comme l’indique les services du SGAR de Guadeloupe, « cette analyse ne peut à elle seule guider les négociations n + 1 [car elle] ne mesure pas dans quelle proportion les produits qui se vendent mal sont substitués par des produits identiques mais d’une autre gamme (par exemple une hausse de la part de marché du produit premier prix au détriment du produit de marque nationale figurant au BQP) » (85).

L’analyse des ventes depuis 2013 offre des résultats contrastés. À La Réunion, En 2014, sur 107 produits, 96 connaissaient une hausse de leur vente, dont 69 une hausse de plus de 30 %. Parmi les 15 plus fortes ventes figuraient 10 produits locaux, ce qui permettait aux services préfectoraux de conclure : « Malgré un tassement de la croissance des ventes, le BQP soutient la production locale et correspond aux attentes des réunionnais » (86). Vos rapporteurs ont visité des entreprises locales qui ont bénéficié de leur intégration dans le BQP. À La Réunion par exemple, l’entreprise Mascarin a enregistré une hausse de ses ventes de sirops spectaculaire entre 2012 et 2014. Les résultats de sa tablette de chocolat sont toutefois plus contrastés. À l’inverse, les représentants de l’entreprise martiniquaise La Tivolienne, produisant du café et des confitures, ne perçoivent pas un effet volume particulier alors que le paquet de café retenu dans le BQP 2015 est un produit local produit par cette entreprise. En Guadeloupe, la DIECCTE indique également constater une hausse des ventes des produits de grande consommation (beurre, pâtes, eau, farine, yaourts, morue, riz, lait, steaks hachés), sans toutefois donner de chiffres.

À La Réunion, les premiers résultats pour l’année 2015 montrent, en revanche, un recul des ventes des produits BQP de 10 % par rapport aux premiers mois de 2014. La DIECCTE est soucieuse de l’évolution de ce résultat et s’interroge sur le degré d’investissement des distributeurs, pour la mise en rayon des produits BQP, mais aussi des fournisseurs locaux, s’agissant de leur capacité à approvisionner les magasins. Elle s’interroge également sur le degré d’adéquation du BQP avec les attentes des consommateurs.

Ces premiers résultats ne valent toutefois que pour La Réunion. Il n’a pas été donné à vos rapporteurs la possibilité de pouvoir comparer ces résultats avec d’autres territoires, les DIECCTE n’ayant pas fourni au cours des auditions le même degré d’analyse. Ils confortent cependant vos rapporteurs dans l’idée que le dispositif est encore en cours d’installation dans le paysage consumériste ultramarin et qu’il convient de le consolider tant auprès des consommateurs que des professionnels.

3. Les perspectives d’amélioration du bouclier qualité-prix

Deux ans après son introduction dans les commerces ultramarins, le BQP présente désormais des perspectives d’amélioration, essentiellement dans sa dimension « qualité ». Lors de leurs auditions et visites de terrain, vos rapporteurs ont pris conscience que les efforts substantiels obtenus en 2013 (- 10 % de baisse des prix en moyenne) ne pourront plus être renouvelés et que les acteurs cherchent désormais à stabiliser le prix global de la liste. Le ministère des outre-mer partage également ce constat. Les prix des listes BQP ne devraient donc plus diminuer de façon importante dans les prochaines années. Les seules marges de manœuvre dans ce domaine pourraient être obtenues des transporteurs et acconiers. Leur effort de modération en termes de prix apparait toutefois plus difficile à négocier tant la mesure du poids des produits BQP dans leur activité est délicate à déterminer.

Les préconisations de vos rapporteurs suivent trois pistes d’amélioration permettant une montée en puissance du BQP : une meilleure connaissance du dispositif par les consommateurs pour que le BQP devienne un réflexe de consommation, des négociations incluant tous les acteurs de la production et de la distribution, et enfin une nécessaire structuration des filières de production permettant d’assurer un approvisionnement en produits locaux plus varié et plus fiable.

a. Améliorer la connaissance du BQP par les consommateurs

Il semble tout d’abord impératif d’uniformiser la signalétique du BQP sur tous les territoires. Celle observée par vos rapporteurs à Mayotte, par exemple, ne permet pas d’assurer une visibilité et une intelligibilité suffisantes au dispositif. En s’inspirant du logo, si ce n’est identique mais à tout le moins similaire, utilisé dans les Antilles-Guyane et à La Réunion, les services de l’État, l’OPMR de Mayotte et les groupes de distribution doivent mettre en place une nouvelle signalétique homogène et plus visuelle pour le consommateur.

Proposition n° 8 : dans les territoires ne l’ayant pas encore adopté, mettre en place une signalétique « bouclier qualité-prix » utilisant le logo généralisé dans les départements de Guadeloupe, Guyane, Martinique et de La Réunion et financé à moitié par l’OPMR et à moitié par les distributeurs.

À l’instar des exemples actuellement mis en œuvre en Guadeloupe et à La Réunion, il convient également d’intensifier la communication sur le BQP, qui doit devenir un réflexe. Il est donc nécessaire de renforcer la communication publique en faveur du dispositif du BQP. Comme il est observé depuis l’édition 2015 du BQP, cette promotion doit s’appuyer sur les dimensions prix et qualité des produits à la fois en termes de santé mais aussi de développement économique local. En mettant en valeur des produits locaux, le BQP est aussi une vitrine permettant de développer l’emploi local.

Proposition n° 9 : relancer la promotion du « bouclier qualité-prix » dans les territoires en insistant sur l’intérêt « d’acheter BQP » pour son pouvoir d’achat, sa santé et son emploi.

b. Inclure tous les acteurs de la chaîne dans les négociations

L’absence de certains opérateurs économiques dans les négociations du BQP fait actuellement l’objet de critiques de la part de ceux présents depuis le départ. Outre leur absence, il est aussi déploré le fait que ces opérateurs n’aient pas encore assumé leur part d’effort dans la modération des prix. Sont visés dans toutes les collectivités ultramarines concernées par le dispositif : les acconiers et les transporteurs mais également les importateurs-grossistes, à l’exception de La Réunion où vos rapporteurs ont pu constater que ces derniers participent pleinement aux négociations.

Vos rapporteurs considèrent que ces catégories d’acteurs, en ce qu’ils participent à l’activité d’importation, doivent prendre part à ces négociations. Les préfets de chaque département et collectivité d’outre-mer pourraient ainsi rappeler ces entreprises à leur devoir de participation aux instances de dialogue sur la vie chère. Une difficulté se pose toutefois quant à la possibilité de mesurer l’effort en matière de prix à accomplir pour ces professionnels. Les produits BQP ne sont en effet pas expédiés vers les outre-mer dans des containers ne transportant que ce type de produits. Une réflexion pourrait être menée en termes de volumes d’importation que représentent dans chaque territoire les produits du BQP. Une analyse fine des ventes du BQP permettrait de déterminer pour un exercice clos le volume approximatif de produits transportés qu’implique le BQP. Ce volume théorique pourrait être ramené à un nombre de containers transportés par an et par magasin sur lequel les transporteurs et acconiers s’engageraient à diminuer leur prix, baisse que leurs clients distributeurs répercuteraient sur l’ensemble des produits BQP. Bien évidemment, l’effort de modération diffèrera entre les territoires en fonction de la part des produits locaux, par nature non importés, qui figurent sur la liste. Cette piste a été évoquée avec vos rapporteurs par certains préfets. Il s’agit d’une des dernières marges concrètes de manœuvre pour faire diminuer davantage le prix de la liste BQP.

Proposition n° 10 : rappeler, par l’intermédiaire des préfets, les opérateurs économiques n’ayant pas encore participé aux négociations à leur devoir d’assumer leur part dans l’effort de modération des prix sur les produits BQP.

Proposition n° 11 : mener une étude, par territoire, sur les volumes transportés que représentent les produits BQP pour une année et les convertir en un nombre de containers théorique sur lequel pourrait s’appliquer l’effort de modération des transporteurs et acconiers.

Vos rapporteurs ont également été sensibles à la proposition faite par la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État dans les outre-mer sur l’amélioration du maillage territorial des magasins participant à un accord de modération des prix. Dans son rapport annuel pour 2013-2014 (87), la CNEPEOM propose en effet d’assouplir le dispositif du BQP pour mieux intégrer les petites surfaces en particulier en Guyane où les petits commerçants des zones forestières doivent pouvoir disposer de conventions adaptées pour participer au dispositif.

Au cours de leurs déplacements, vos rapporteurs ont pu constater que la fréquence et l’intensité des contrôles des DIECCTE sont déjà bien moins importantes pour les petites surfaces sous convention que pour les grandes et moyennes surfaces. Il semble en revanche essentiel de mieux sensibiliser les petits commerçants, situés dans les régions les plus reculées, à l’existence du BQP. À Mayotte, l’agent recruté pour recenser tous les petits commerces est également chargé de leur présenter le BQP. Plus qu’un assouplissement des conditions de mise en œuvre du dispositif, vos rapporteurs considèrent qu’il faut poursuivre ce travail d’information et d’extension du maillage du BQP pour que chaque commerce de détail supporte une partie de l’effort de modération. Dans les territoires ne l’ayant pas prévu comme à La Réunion, par exemple, vos rapporteurs insistent sur la nécessité de mettre en place une convention à destination des petites surfaces.

Proposition n° 12 : accroître l’information des petits commerçants sur l’existence du BQP et sur l’importance de leur participation à la convention de modération des prix dans les petites surfaces.

Proposition n° 13 : dans les territoires ne l’ayant pas encore prévu, mettre en place une convention de modération des prix pour les petits commerces de détail.

c. Aider à la structuration des filières de production locale

L’avenir du BQP et de son intérêt auprès des acteurs économiques passe par son rôle de promotion de la production locale. Toutefois, les producteurs locaux sont confrontés à une contradiction. D’un côté, le BQP serait une promesse d’entraîner un effet volume dans les ventes d’un produit en échange de la baisse de son prix. De l’autre, il constitue à court terme une contrainte, l’inscription d’un produit local sur la liste BQP nécessitant que le producteur soit en mesure de fournir les magasins toute l’année. Or, en matière de production maraîchère et animale, les filières de production ne sont bien souvent pas en mesure de pouvoir y prétendre.

Vos rapporteurs ont eu de nombreux échanges sur cette contradiction avec les producteurs et les distributeurs rencontrés lors de leurs déplacements. Ils ont pu découvrir des entreprises très dynamiques prêtes à relever le défi. Il en est ainsi, par exemple, de l’entreprise d’élevage et de transformation de viande Ducat à Macouria en Guyane. Cette exploitation élève depuis une trentaine d’années des bœufs, porcs, moutons et chevaux et vient d’investir récemment dans un laboratoire de découpe et de transformation performant. Lors de la visite de leur entreprise, les gérants ont expliqué à vos rapporteurs leur volonté de fédérer autour de leur nouvel outil les éleveurs de la région pour augmenter leur production de produits carnés transformés. Ils se heurtent toutefois à la persistance de la vente directe des animaux dans les fermes, qui conduit les éleveurs à préférer ne pas honorer leurs promesses de fourniture de bétail abattu. En Guyane, un problème d’infrastructures d’abattage semble se poser avec l’existence d’un abattoir dans l’ouest guyanais que n’utilisent pas les éleveurs de l’est alors même qu’il est loin d’atteindre ses pleines capacités de production.

Cet exemple souligne à quel point la structuration des filières de production est un enjeu crucial pour le développement économique des territoires. Vos rapporteurs appellent donc l’attention des chambres d’agriculture dans les outre-mer à utiliser le BQP comme un outil d’impulsion pour fédérer distributeurs et producteurs autour du développement de la production agroalimentaire. Une réflexion pourrait d’ailleurs être ouverte au niveau national tant il semble que ces chambres d’agriculture peinent à jouer pleinement ce rôle, en particulier celles de Guyane et de Mayotte.

Des problèmes spécifiques se posent selon les territoires même si des sujets communs apparaissent, comme le poids de l’économie parallèle ou l’accès au foncier agricole, qui est rendu difficile par la rareté liée à l’insularité ou par le nécessaire déboisement qu’il implique en Guyane. Vos rapporteurs rejoignent donc les récents rapports invitant les pouvoirs publics à s’engager dans la structuration des filières à l’aide en particulier du POSEI européen (programme d’option spécifique à l’éloignement et à l’insularité) (88).

Au regard de la problématique des importations déjà évoquée (89), faisant des outre-mer des marchés de dégagement, vos rapporteurs ont été intéressés par l’initiative de l’interprofession réunionnaise visant à établir une « charte de bonne conduite pour la promotion de la production locale » signée par les producteurs, les distributeurs et l’État : aux distributeurs, le soin de diminuer la communication sur les produits importés concurrençant indument la production locale (importation de dégagement) afin de ne plus fixer le niveau de prix de référence au niveau de ces produits ; à l’État, le soin de réguler les importations dans le respect des règles de la concurrence en définissant par exemple un seuil d’alerte ; aux producteurs, le soin de s’organiser pour maintenir leur compétitivité-prix.

Vos rapporteurs ont partagé certaines de leurs auditions à Mayotte et à La Réunion avec les membres de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires, conduite par nos collègues Brigitte Allain et Jean-Charles Taugourdeau. La question de la structuration des filières a été au centre des échanges et vos rapporteurs partagent un grand nombre des préoccupations et propositions sur les outre-mer contenues dans le rapport de la mission (90).

*

Vos rapporteurs se félicitent qu’auprès de toutes les personnes rencontrées dans leurs déplacements, le BQP apparaisse comme un outil utile non seulement pour les consommateurs mais également pour les producteurs locaux. Il doit désormais continuer à être animé et porté par l’ensemble des acteurs économiques et défendu par les consommateurs lors de leurs achats.

B. LE PROCESSUS DE CONVERGENCE DES TARIFS BANCAIRES AVEC CEUX DE LA MÉTROPOLE EST ENGAGÉ (ARTICLE 16) DANS UN CONTEXTE DE PLUS GRANDE TRANSPARENCE (ARTICLE 3), Y COMPRIS EN NOUVELLE-CALÉDONIE (ARTICLE 32) ET EN POLYNÉSIE FRANÇAISE (ARTICLE 33) :

1. Ce que changent les dispositions des articles 3, 16, 32 et 33

Parmi ses trente engagements pour les outre-mer, le candidat François Hollande s’était engagé à « mettre en œuvre une politique d’égalité tarifaire, en faisant converger les tarifs bancaires entre les DOM et l’hexagone ». Cet engagement s’est traduit par le vote de plusieurs dispositions, issues d’amendements parlementaires, dans la LREOM.

L’article 3 dispose que les rapports de l’Institut d’émission des DOM (IEDOM) et de l’Institut d’émission des outre-mer (IEOM) sur le suivi des tarifs bancaires aux particuliers sont désormais semestriels et incluent des comparaisons avec les tarifs métropolitains. La loi de 2010 sur la régulation bancaire et financière (91) avait en effet créé au sein de l’IEDOM et de l’IEOM un observatoire des tarifs bancaires ayant pour mission de produire des relevés périodiques de tarifs et d’en présenter les résultats dans un rapport annuel. Elle avait également créé au sein du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) un observatoire des tarifs bancaires ayant la même mission au niveau national. Depuis 2011, il était donc possible de comparer les niveaux moyens de tarifs entre la métropole et les outre-mer, ce qui avait fait apparaître le problème des frais de tenue de compte dans les outre-mer, des tarifs globaux très élevés dans les COM du Pacifique et des tarifs unitaires souvent moins élevés dans les DOM qu’en métropole. La publication semestrielle du rapport de l’observatoire des tarifs bancaires aux particuliers outre-mer, prévue par la LREOM, permet d’accroître encore davantage la transparence tarifaire et la concurrence entre les établissements.

Avec les articles 16, 32 et 33, la LREOM fixe l’objectif de convergence des tarifs bancaires entre la métropole et les outre-mer en définissant deux régimes distincts.

L’article 16 définit le régime applicable aux DOM ainsi qu’à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Les établissements bancaires doivent participer à une réunion annuelle autour du représentant de l’État destinée à définir les mesures nécessaires à la détermination de tarifs ne pouvant « être supérieurs à la moyenne de ceux que les établissements ou les caisses régionales du groupe auquel ils appartiennent pratiquent dans l’Hexagone ». L’article 16 prévoit donc un mécanisme négocié d’alignement des tarifs bancaires.

À l’inverse, les articles 32 et 33, qui fixent le régime applicable respectivement à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française, donnent la possibilité au Gouvernement de définir, par décret, le tarif maximal de seize services définis dans la loi. L’hypothèse d’une négociation sur les tarifs et les mesures à prendre pour y parvenir entre l’État et les établissements bancaires n’est donc pas évoquée.

2. Un bilan paradoxal : la convergence tarifaire est engagée malgré des dispositions difficilement applicables

Le rapport semestriel prévu à l’article 3 de la LREOM est publié, depuis la promulgation de la loi, à bonne échéance aussi bien par l’IEDOM que par l’IEOM. Les mois de référence, pour le suivi des tarifs, sont les mois d’avril et d’octobre et les rapports sont publiés au début des mois de mai et de novembre de chaque année. Ces rapports établissent la moyenne, pour chaque territoire, des tarifs de l’extrait standard (14 services bancaires de base) ainsi que de 19 autres services en les comparants avec la moyenne de la métropole, déterminée annuellement par l’observatoire du CCSF. Ils présentent également, par territoire, les tarifs de ces mêmes services pour chacun des groupes bancaires présents sur la place, ce qui permet au consommateur de mieux les comparer et de suivre leur évolution. Lors de leurs auditions par vos rapporteurs, les représentants du secteur bancaire dans les territoires ont fait remarquer qu’il existait peu de secteurs au sein desquels la transparence et la comparaison des prix étaient aussi développées et qu’elle permettait une forte concurrence.

L’application des articles 16, 32 et 33 a été en revanche plus difficile. À la suite de la promulgation de la loi, une phase de concertation s’est ouverte dans chaque territoire entre l’État et les établissements bancaires, avec l’appui technique des Instituts. À l’exception de celle menée en Nouvelle-Calédonie, l’ensemble des concertations s’est conclu par un échec pour des raisons différentes selon le régime de convergence fixé. Les banques ont toutes, à cette occasion, exprimé des réserves quant à l’objectif de convergence en mettant en avant des coûts d’exploitation plus élevés qu’en métropole : coût salariaux, coût du risque en raison de la fragilité financière d’une partie importante de la population, coût de transports, supplémentaire etc.

Dans les DOM, l’application de l’article 16 a posé deux difficultés techniques :

- les « services bancaires de base » visés par la loi ne correspondaient pas à ceux suivis par l’observatoire des Instituts. La loi supposait donc d’élargir le champ de la collecte ;

- surtout, la notion de tarif moyen par groupe au niveau national n’existait pas au sein de l’observatoire du CCSF qui fournit des moyennes métropolitaines globales et non des moyennes par groupe bancaire. Les incertitudes méthodologiques soulevées par cette notion menaçaient le risque de réputation des Instituts en cas de contestation des résultats de l’état des lieux.

Dans les collectivités d’outre-mer du Pacifique, des dispositions législatives supplémentaires ont dû être votées pour permettre l’application des articles 32 et 33. Les articles 16 et 17 de la loi du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions sur l’outre-mer (92) prévoient que le haut-commissaire ouvre chaque année une négociation entre le 1er juin et le 31 juillet pour obtenir un accord de modération des tarifs applicables à partir du 1er janvier et qu’en l’absence d’accord, il fixe par arrêté les tarifs bancaires maximaux après avis de l’IEOM.

En Nouvelle-Calédonie, la concertation ouverte dès juin 2013 a débouché sur un accord de modération signé en décembre 2013, ce qui a évité de recourir au décret visé à l’article 32. Cet accord prévoit notamment une baisse des frais de tenue de compte de 20 %, la gratuité des chèques de banque (dans la limite de deux chèques par mois), le gel de cinq tarifs et la baisse de trois autres…

En Polynésie française, en revanche, la concertation entamée en août 2013 a été interrompue pour ne reprendre qu’en juin 2014.

Parallèlement à ces concertations, une mission sur la tarification des services bancaires dans les départements et collectivités d’outre-mer, conduite par le président du CCSF, M. Emmanuel Constans, a été créée par la loi (93) pour « déterminer si [les] tarifs élevés sont justifiés et soutenables au regard des contraintes propres du secteur bancaire dans ces territoires » (94). Remis au gouvernement le 30 juin 2014, ce rapport fait état de l’évolution des tarifs bancaires dans les outre-mer :

- dans les DOM, 15 tarifs bancaires sur les 20 sélectionnés sont en moyenne moins élevés en 2014 qu’en 2009 et sont même inférieurs qu’en métropole. Seule la moyenne des frais de tenue de compte demeure nettement supérieure dans tous les outre-mer ;

- dans les COM, les tarifs sont stables voire en légère hausse entre 2009 et 2014 et demeurent très supérieurs à ceux de la métropole.

Le rapport préconise surtout « de ne pas modifier l’architecture normative actuelle » et propose une nouvelle approche pour tendre vers la convergence des tarifs. « Plus pragmatique et consensuelle (95) », cette nouvelle méthode tient compte des réalités économiques des territoires en fixant un double objectif pour une convergence d’ici 2017 :

- « Pour les DOM : en trois ans, les moyennes départementales des frais de tenue de compte rejoignent les moyennes France entière des établissements facturant des frais de tenue de compte ». Vos rapporteurs précisent que les frais de tenue de compte sont l’unique spécificité des tarifs bancaires dans les DOM par rapport à ceux de la métropole, les autres étant similaires ;

- « Pour les COM du Pacifique : en trois ans, les écarts moyens de tarifs entre chaque COM et la France entière sont réduits de 50 % ».

Dans son avis du 30 septembre 2014, le CCSF reprend à son compte les conclusions et la nouvelle approche du rapport Constans. Il précise notamment que « la convergence sera appréciée non par établissement mais sur la base d’une moyenne pondérée par département ou par territoire pour chaque ligne tarifaire ou pour un ensemble de tarif ». Enfin, « la réalisation de ces objectifs triennaux donne lieu à des réunions de suivi annuelles par département ou territoire, qui se placent également dans le cadre prévu par la loi ».

Sur la base de cette nouvelle méthode, des accords de modération ont été trouvés dans les deux COM du Pacifique (96). Dans les DOM, des accords de principe ont été trouvés. Lors de leurs déplacements, vos rapporteurs ont pu consulter des projets de protocole d’engagement relatif à la convergence des frais de tenue de compte dans certains départements (97). Leur article 1er précise les termes de l’engagement :

« Article 1er – Engagement. (…) les établissements de crédit signataires s’engagent à faire en sorte qu’en trois ans, c’est-à-dire à l’échéance 2017, la moyenne départementale des frais de tenue compte rejoigne la moyenne France entière des établissements facturant des frais de tenue de compte. Conformément au rapport Constans, “cette convergence ne serait pas nécessairement synonyme d’égalité stricte des tarifs ultra-marins moyens avec les moyennes métropolitaines” ».

Un accord de concertation sur les tarifs bancaires avec les représentants des établissements de crédit de La Réunion, sous l’égide de la fédération bancaire française de La Réunion (FBFR), a récemment été signé le 15 octobre 2015.

Si vos rapporteurs demeurent vigilants quant à l’application de ces accords à l’horizon 2017, ils considèrent que l’ambition de la LREOM de tendre vers une convergence des tarifs bancaires a été globalement atteinte.

C. L’APPLICATION DES RÈGLES EUROPÉENNES RELATIVES À L’ITINÉRANCE MOBILE DANS LES OUTRE-MER (ARTICLE 14) COMMENCE À AGIR SUR LE PRIX DES COMMUNICATIONS

L’article 14 de la LREOM met à jour le code des télécommunications pour substituer à la référence « règlement (CE) n° 717/2007 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2007 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de la Communauté », la référence « règlement (UE) n° 531/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juin 2012, concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union », le second règlement ayant succédé au premier.

Le règlement de 2007 sur l’itinérance internationale, qui fixait les plafonds tarifaires de communications, appelés « eurotarifs », ne régissait que les prestations d’itinérance fournies entre opérateurs d’États distincts. Il ne couvrait pas les opérateurs en activité dans des territoires nationaux géographiquement distants. Une loi nationale était donc nécessaire pour étendre aux communications infranationales, en l’espèce ultramarines, les plafonds tarifaires européens. Une première loi (98) faisant explicitement référence au règlement de juin 2007, il était donc nécessaire d’adapter la législation française après l’adoption d’un nouveau règlement européen sur l’itinérance entré en vigueur le 1er juillet 2012. Tel est l’objet de l’article 14 qui ne nécessite donc pas de mesures d’application. Les nouveaux plafonds tarifaires, actualisés par le règlement de 2012, sont donc applicables dans les outre-mer.

D’après les informations recueillies par vos rapporteurs auprès de la DGCCRF et de l’Autorité de régulation des communications électroniques et postales (ARCEP), « la disposition a été mise en application par les opérateurs, entraînant la poursuite de la baisse des surcoûts d’itinérance appréciée par les consommateurs ultramarins » (99). Le but poursuivi par la réglementation européenne est de supprimer les sur-tarifs (fin du surcoût lié à l’itinérance internationale) dans la limite d’un usage encadré à travers par exemple une clause de limitation d’utilisation raisonnable dite de « fair use » (quelques jours par an, par exemple). Comme le montrent les enquêtes de l’ARCEP, c’est bien cette logique qui est actuellement en œuvre dans les outre-mer. Les opérateurs vont au-delà des plafonds légaux en proposant des offres incluant un certain volume de communication sans surcoût (par ex : 30 jours par an) quand le consommateur ultramarin est en métropole ou inversement quand un consommateur métropolitain se déplace dans les outre-mer. Ces clauses de « fair use » permettent d’assurer l’équilibre économique des offres.

Les baisses de tarifs des télécommunications enregistrées dans les outre-mer sont toutefois moins dynamiques que celles dont bénéficient les consommateurs hexagonaux. Comme le montrent les premiers résultats de l’enquête sur les écarts de prix entre les outre-mer et la métropole menée dans les Antilles-Guyane entre mars 2010 et octobre 2013, le secteur des communications est celui qui subit la plus forte progression malgré une baisse des tarifs sur l’ensemble du territoire national.

L’ARCEP a mis en lumière les difficultés que pourrait représenter une fin trop rapide des surcoûts d’itinérance entre la métropole et les outre-mer. Une suppression brutale comporterait, selon elle, le risque d’entraîner des distorsions de concurrence entre les opérateurs présents à la fois en métropole et dans les outre-mer et ceux qui n’y sont pas encore implantés, ce qui induirait un danger de limitation d’accès au marché. En outre, une disparition rapide pourrait avoir des conséquences inflationnistes sur tous les forfaits, y compris ceux n’utilisant pas l’itinérance et qui devraient en porter le coût.

La négociation en cours du nouveau règlement « Marché unique des télécommunications » va dans le sens d’une baisse sensible des surcoûts d’itinérance, ce dont les outre-mer devraient bénéficier. Par anticipation, la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer prévoit finalement, en son article 11, que « les surcoûts de l'itinérance ultramarine sont supprimés pour les communications vocales et les minimessages », tout en prenant utilement la précaution de reporter cette suppression au 1er mai 2016.

IV. LES OBSERVATOIRES DES PRIX, DES MARGES ET DES REVENUS (OPMR, ARTICLE 23) SONT DEVENUS LES INSTANCES LÉGITIMES ET INCONTOURNABLES DU DIALOGUE ET DE LA TRANSPARENCE SUR LA « VIE CHÈRE » DANS LES OUTRE-MER

Issu d’un amendement de votre rapporteure (100), l’article 23 consacre l’existence des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) pour renforcer la transparence du débat sur la « vie chère » dans les outre-mer. La transparence est le troisième axe du projet de régulation économique contenu dans cette loi. Il reprend l’une des déclinaisons du cinquième engagement du Président de la République lors de sa campagne qui était de lutter contre la vie chère « en renforçant les instances de contrôles et les observatoires des prix et des revenus ». Les articles 11 et 18 prévoient également des mesures destinées à promouvoir la transparence sur les prix et les marges des entreprises.

A. CE QUE CHANGENT LES ARTICLES 11, 18 ET 23

1. Les OPMR ont succédé aux observatoires des prix et des revenus

La LREOM consacre l’existence des observatoires des prix et des revenus (OPR). Créés par la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer, les OPR n’ont pu être mis en place qu’après la publication d’un premier décret d’application en mai 2007 (101). Les OPR ont été visés par plusieurs lois ayant progressivement élargi leurs attributions (102). Ces observatoires n’ont véritablement pris leur consistance qu’après le comité interministériel des outre-mer (CIOM) du 6 novembre 2009 réuni à la suite des états généraux des outre-mer.

Le CIOM a en effet renforcé l’autonomie des OPR en confiant leur présidence à un magistrat des chambres régionales des comptes (CRC), et non plus aux préfets (103), et en les dotant de moyens financiers. Enfin, la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services a donné le pouvoir aux présidents des OPR de saisir l’Autorité de la concurrence.

Le renforcement des pouvoirs des OPR avait permis de les installer dans le paysage consumériste ultramarin sans lever toutefois tous les doutes quant à l’adéquation entre leurs pouvoirs et la réalité des moyens mis en œuvre. Dans leur rapport sur le contrôle de la mise en application de la LODEOM (104), nos collègues Claude Bartolone et Gaël Yanno ne manquaient pas de constater, s’agissant de la mission confiée aux OPR en 2009, « le contraste entre l’urgence ressentie au moment de l’examen du projet de loi et le moindre empressement observé depuis lors » pour la mise en application de leur nouvelle mission de comparaison trimestrielle des prix. Ils remarquaient, par ailleurs, que « si leur secrétariat devait être assuré par les services de l’État, il leur serait probablement difficile de publier leurs travaux tous les trois mois ». Le rapport précisait enfin qu’un « financement particulier devrait être prévu pour les OPR en loi de finances pour 2011, à hauteur de 30 000 euros par observatoire en année pleine ». L’enquête trimestrielle sur les prix, appelée enquête « chariot-type », n’aura finalement été mise en œuvre qu’à partir de 2012, c’est-à-dire pratiquement au moment où cette enquête a été abandonnée au profit de la mise en place du BQP.

Le fonctionnement des OPR n’était donc pas optimal, situation que la LREOM a considérablement fait évoluer.

2. La LREOM a renforcé les outils de transparence sur la vie économique, au premier rang desquels figurent les OPMR

L’article 23 de la LREOM consacre l’existence des observatoires des prix et des revenus en regroupant au sein du titre Ier A du livre IX du code de commerce l’ensemble des dispositions législatives qui existaient auparavant au sujet des OPR. Il créé ainsi dix nouveaux articles qui fixent l’implantation des OPMR (art. L. 910-1 A) et déterminent les modalités de leur présidence (art. L. 910-1 B), leur composition (art. L. 910-1 C), leur fonctionnement (art. L. 910-1 D), leurs compétences (art. L. 910-1 E à art. L. 910-1 G), leurs pouvoirs (art. L. 910-1 H) et les conditions de publication de leur rapport annuel (art. L. 910-1 I). Ces articles donnent une base légale à l’observatoire des prix de Wallis-et-Futuna (105) et élargissent les missions des OPR à l’analyse des marges, en plus de celles des prix et des revenus. Ils ouvrent également la composition des OPMR aux associations de consommateurs, consacrant ainsi leur participation au débat sur la « vie chère » outre-mer. Enfin, le rapport annuel de chaque OPMR doit être transmis, non seulement au Gouvernement, mais également au Parlement.

L’article L. 910-1 J du code de commerce prévoit que les modalités d’application du titre consacré aux OPMR sont précisées par décret. Ce texte a été publié par le Gouvernement dès le mois de juillet 2013 (106), ce qui a permis de rendre pleinement effective ces nouvelles mesures moins d’un an après la promulgation de la LREOM.

L’article 11 complète l’article L. 113-3 du code de la consommation, qui fixe les obligations d’information du consommateur, par un alinéa prévoyant qu’en cas de situation conjoncturelle où le prix de cession par les producteurs des produits locaux périssables est « anormalement bas par rapport à la moyenne des prix observés lors de la période correspondante de la précédente campagne », l’OPMR peut demander au représentant de l’État « de rendre obligatoire l’affichage sur les lieux de vente du prix d’achat au producteur et du prix de vente au consommateur ».

L’article 11 a été introduit lors de la discussion du texte en séance publique à l’Assemblée nationale par un amendement de notre collègue Jean-Jacques Vlody. Le ministre avait exprimé un avis de sagesse en rappelant « la nécessité de ne pas alourdir les charges pesant sur le petit commerce. Il faut éviter la surcharge. De plus, si un double étiquetage est instauré sans mise en place d’un contrôle, voire d’une sanction, cela n’aura aucun effet. » (107) Cette mesure ne nécessitait aucune mesure d’application mais n’a toutefois pas encore été utilisée. L’évolution des prix des produits agricoles est suivie par les services économiques et statistiques des directions de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF). D’après les informations recueillies dans les territoires par vos rapporteurs, aucun signalement n’a été effectué sur des prix de cession anormalement bas. Aucun OPMR n’a donc été conduit à utiliser cette disposition.

L’article 18 prévoit de rendre obligatoire la communication par les entreprises, à la demande de l’administration ou du juge, des éléments permettant d’établir la répercussion effective d’une baisse des prix de détail alors qu’elles auraient bénéficié d’une baisse de leur fiscalité « aux fins de lutter contre la hausse ou le niveau de prix de détail ». Cette disposition n’a pour l’instant pas non plus été utilisée.

B. LES OPMR : ACTEURS INCOUTOURNABLES DE LA LUTTE CONTRE LA VIE CHÈRE OUTRE-MER

1. Implantation et présidence

Les OPMR étaient jusqu’à très récemment présents dans sept territoires d’outre-mer : en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna. La récente loi d’actualisation du droit outre-mer (108) prévoit la création de deux nouveaux observatoires dans les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. L’option consistant à étendre la compétence de l’OPMR de Guadeloupe à ces deux collectivités n’a pas été retenue par le Gouvernement, en raison de leurs spécificités institutionnelles et économiques justifiant la création de deux observatoires ad hoc. Dès que ces nouveaux OPMR auront été effectivement mis en place (109), l’ensemble des collectivités relevant des articles 73 et 74 de la Constitution, à l’exception de la Polynésie française, vont donc disposer sur leur territoire d’un observatoire des prix, des marges et des revenus.

Depuis le décret de 2010 et aux termes de l’article L. 910-1 B du code de commerce, les présidents des observatoires sont désignés pour cinq ans renouvelables, par un arrêté du premier président de la Cour des comptes, parmi les membres du corps des magistrats des chambres régionales des comptes ou parmi les magistrats honoraires de ce corps. Au 1er juillet 2015, les présidents des observatoires sont les suivants :

- M. Jean-Luc Maron, pour les observatoires de Guyane, de Guadeloupe et de Martinique ;

- M. Francis Nival, pour les observatoires de La Réunion et de Mayotte ;

- M. François David, pour l’observatoire de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- M. Xavier Pelat, pour l’observatoire de Wallis-et-Futuna.

Les présidents sont censés travailler à mi-temps pour les OPMR, ce qui est une donnée relative puisque le président des trois OPMR des Antilles-Guyane ne dispose pas d’une décharge supplémentaire de travail à la chambre régionale des comptes. Le président des OPMR de La Réunion et de Mayotte est un magistrat honoraire à la retraite.

Vos rapporteurs ont été saisis d’une demande des membres de l’OPMR de Guyane de pouvoir bénéficier d’une présidence unique et non plus partagée avec les observatoires des Antilles. Une présidence commune, observée également depuis le début de l’année 2015 dans l’océan Indien à la suite du départ de la présidente de l’observatoire de La Réunion, présente à la fois des inconvénients et des avantages.

Les principaux inconvénients sont le coût et la disponibilité des présidents pour les OPMR situés dans les territoires dans lesquels ne réside pas le président. Les frais inhérents au déplacement du président de l’OPMR en Guyane sont en effet à la charge de l’OPMR pour un coût annuel d’environ 10 000 euros (110). La possibilité de financer des études en est d’autant réduite. Chaque OPMR désigne en son sein un vice-président résidant dans le territoire correspondant, qui est chargé d’assumer la continuité de la présidence.

À l’inverse, la présidence commune des OPMR devrait permettre une meilleure coordination des travaux entre observatoires. Il semble, en effet, qu’un besoin d’études comparatives entre territoires se fasse jour, justifiant que les observatoires travaillent de concert pour financer, par exemple, des études à l’échelle d’un même espace régional. La présidence commune facilite alors ces échanges. Lors de leur rencontre avec vos rapporteurs à Cayenne, les membres de l’OPMR de Guyane ont pourtant regretté le peu d’échanges entre les observatoires des trois DFA. Ils ont surtout soutenu l’argument en faveur d’une présidence « guyanaise » au regard des spécificités socio-économiques de la Guyane par rapport aux départements antillais : explosion démographique alors que la population antillaise vieillit, gestion d’un territoire comparable à celui du Portugal, forte problématique de l’immigration illégale, présence du territoire sur un continent émergent quand la Guadeloupe et la Martinique doivent gérer leur insularité, investissements publics à prévoir en matière de transports ou d’infrastructures scolaires etc.

Vos rapporteurs sont conscients du contexte politique dans lequel s’inscrit cette demande (111) et ne souhaitent pas prendre part au débat. Néanmoins, la création de deux observatoires supplémentaires à Saint-Martin et Saint-Barthélemy modifie le contexte dans lequel se pose cette question. En effet, il semble difficile d’envisager que le président des trois OPMR des Antilles-Guyane puisse en plus assumer la présidence de ces deux nouveaux observatoires. Ainsi, si ces deux OPMR devaient avoir leur propre président, information dont vos rapporteurs ne disposent pas actuellement, il semblerait curieux de pouvoir le refuser à la Guyane. La demande d’un président « résidant » en Guyane semble en revanche difficile à satisfaire au regard de l’obligation légale que ce dernier soit issu d’une chambre régionale des comptes alors même que la Guyane relève du ressort de la chambre régionale des comptes située en Guadeloupe.

Vos rapporteurs proposent donc la nomination d’un président unique pour l’OPMR de la Guyane appartenant à la chambre régionale des comptes Antilles-Guyane. Afin de répondre à l’argument financier, il conviendrait d’augmenter l’enveloppe budgétaire annuelle des OPMR de Guyane, de Martinique mais aussi de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna (112), à hauteur des frais engagés pour les déplacements de leur président. À défaut, un financement mutualisé entre les OPMR d’une même zone géographique pourrait être envisagé afin de ne pas faire porter sur un seul observatoire le coût qu’implique le fait que son président ne réside pas sur le territoire.

Proposition n° 14 : doter l’OPMR de Guyane d’un président unique issu de la chambre régionale des comptes Antilles-Guyane.

Proposition n° 15 : adapter les enveloppes budgétaires annuelles des OPMR dont le président ne réside pas sur leur territoire. À défaut, mutualiser le financement des déplacements des présidents des OPMR entre les observatoires d’une même zone.

2. La composition des OPMR a utilement été ouverte aux associations de consommateurs

Les OPMR sont composés de parlementaires élus dans les circonscriptions concernées, d’élus locaux, de représentants de l’État, de représentants des chambres consulaires, des représentants d’organisations syndicales des salariés du secteur privé et du secteur public, de représentants d’associations de consommateurs et du conseil économique, social et environnement régional, des personnalités qualifiées à raison de leur compétence ou de leur connaissance en matière de formation des prix et des revenus et du directeur de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer.

C’est la LREOM qui a permis l’entrée des associations de consommateurs au sein des observatoires. Cette mesure est destinée à favoriser le développement d’un contre-pouvoir consumériste, ce qui correspondait à l’ambition du ministre Victorin Lurel lors de l’élaboration et la discussion du projet de loi.

Vos rapporteurs ont pu constater, lors de leurs déplacements, la très grande qualité des analyses et des propositions formulées par les associations de consommateurs au niveau local et ont pleinement mesuré l’intérêt de leur participation aux réunions des OPMR. Ils regrettent à ce titre qu’aucune association ni organisation syndicale ne participe aux travaux de l’OPMR de Saint-Pierre-et-Miquelon. D’après les informations recueillies, il n’existe pas d’associations consuméristes dans l’archipel et les syndicats ont refusé d’y participer au motif que les activités et moyens de l’observatoire ne correspondaient pas à leurs attentes. Cette situation est déplorée localement par les services de l’État qui constatent que l’OPMR est ainsi privé « de tout relais pour entreprendre et piloter les actions et recruter des emplois spécifiques comme cela est constaté ailleurs. [Cette absence] a rendu plus difficile la recherche d’un vice-président » (113).

Un problème juridique a été soulevé au regard de l’obligation, fixée par le décret de 2013 relatif aux modalités de désignation des membres des observatoires (114), faite aux associations de consommateurs de justifier d’un agrément conforme aux dispositions de l’article R. 411-1 du code de la consommation pour pouvoir être représentées au sein d’un OPMR. Une ambiguïté demeure au sujet du niveau auquel doit être donné l’agrément pour les associations locales affiliées à une fédération nationale ayant déjà l’agrément. En effet, ces dernières bénéficient par leur affiliation à un réseau national agréé, d’une présomption d’activité effective au service des consommateurs. Il semble donc inutile d’exiger d’elles qu’elles soient, en plus, agréées par la préfecture. Vos rapporteurs considèrent que l’article 2 doit être précisé pour simplifier au maximum la possibilité pour une association de consommateurs de participer aux travaux des OPMR.

D’après les informations obtenues par vos rapporteurs, l’obligation de justifier de l’agrément ou d’avoir engagé une procédure qui prenait effet le 9 juillet 2014 n’est pas encore respectée par plusieurs associations pourtant membres des observatoires (115).

Proposition n° 16 : modifier le décret n° 2013-608 du 9 juillet 2013 pour préciser qu’en cas d’affiliation à un réseau national d’associations de consommateurs agréé, l’association locale est dispensée de justifier d’un agrément qui lui est propre pour être représentée au sein d’un OPMR.

3. Un fonctionnement à parfaire

a. Un budget de fonctionnement limité

Le budget des OPMR est inscrit au sein du programme opérationnel 123 « Conditions de vie outre-mer » au sein de la mission budgétaire interministérielle « Outre-mer ». En 2015, chaque OPMR bénéficiait d’une enveloppe s’élevant à 20 000 euros pour Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, 50 000 euros pour la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et Mayotte et 100 000 euros pour La Réunion. Le doublement de l’enveloppe réunionnaise correspond au versement d’une subvention à l’UDAF pour l’emploi de deux personnes (contrats d’avenir) dans le cadre du dispositif « bouclier qualité-prix ». La convention entre l’OPMR et l’UDAF étant incertaine, ce budget pourrait diminuer dans les années à venir. Lors de la discussion du projet de loi d’actualisation du droit outre-mer créant deux OPMR supplémentaires, la question du niveau de leur budget n’a pas été évoquée. Vos rapporteurs recommandent qu’il ne soit pas inférieur à 20 000 euros par OPMR. Les sept OPMR entraînent donc aujourd’hui une dépense annuelle pour l’État s’élevant à 340 000 euros.

Proposition n° 17 : doter les OPMR de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin d’un budget minimal de fonctionnement de 20 000 euros par an.

À ce budget de fonctionnement, s’ajoutent des frais de personnel qui ne sont pas supportés directement par les OPMR. En effet, l’activité des présidents n’est pas rémunérée ce qui laisse à la charge de la Cour des comptes le financement de 2 équivalents temps plein (116). Par ailleurs, la circulaire de 2014 sur le fonctionnement des OPMR (117) prévoit que les observatoires peuvent s’appuyer sur les « cellules vie chère » mises en place dans les préfectures dès 2013 pour contrôler l’application du BQP. À l’expérience, ces cellules ne fonctionnent pas. Les OPMR bénéficient donc de l’appui d’agents, chargés de mission dans les secrétariats généraux pour les affaires régionales des préfectures. Le niveau et la qualification de ces agents varie d’un département à l’autre, pouvant être de catégorie A ou B. Aucun de ces agents n’est en revanche exclusivement affecté à l’OPMR et ils ont souvent une mission plus large d’animation des politiques économiques de l’État. À ce titre, le fait que les préfets ne soient plus les présidents des OPMR, comme c’était le cas jusqu’en 2010, n’a pas conduit à renforcer les moyens des observatoires. La situation à La Réunion, où l’OPMR finance des emplois au sein d’une association de consommateurs, n’est pas non plus satisfaisante d’un point de vue juridique car elle peut s’apparenter à une gestion de fait.

Lors de leurs auditions, vos rapporteurs ont constaté que ce budget apparaissait adapté sans pour autant être trop élevé. En effet, les budgets requis pour commander des études sont importants. Les OPMR des Antilles-Guyane ont par exemple financé l’extension des études « budget des familles » de l’INSEE pour des montants, en 2014, de 25 000 euros par département. Par ailleurs, un besoin de formation des membres se fait jour notamment pour les représentants des associations de consommateurs. Enfin, la sophistication du dispositif BQP nécessiterait que les OPMR puissent davantage intervenir dans le contrôle de son application et surtout dans sa promotion. À ce titre, les OPMR ont pu participer au financement du matériel de communication du BQP. L’OPMR de La Réunion a également lancé son propre site internet, en septembre 2015 (118). Si sa mise à jour sera effectuée par le chargé de mission du SGAR qui assure le secrétariat administratif de l’OPMR, son coût de conception s’élève à 60 000 euros.

À la condition qu’un effort budgétaire supplémentaire soit fourni pour tenir compte des frais de déplacement des présidents des OPMR, vos rapporteurs considèrent que le budget annuel des observatoires leur donne globalement les moyens d’accomplir leur mission de financement d’enquêtes statistiques. Il semble qu’une plus forte mutualisation des commandes d’enquêtes entre OPMR pourrait permettre des économies d’échelle et une plus grande comparaison entre les territoires. Vos rapporteurs considèrent, d’un point de vue général, que les présidents des OPMR devraient être plus régulièrement conviés à échanger entre eux sur leurs méthodes ainsi que sur leur programme de travail (119).

S’agissant des moyens humains, la proposition faite dans le rapport du Sénat sur les niveaux de vie outre-mer de juillet 2014 demeure d’actualité (120). Vos rapporteurs estiment en effet que chaque observatoire devrait bénéficier d’un emploi de cadre permanent afin d’assurer le secrétariat administratif et l’animation de l’OPMR. Si des personnels sont pour l’instant détachés à temps partiel pour l’OPMR, aucune préfecture n’a pour l’instant créé de poste spécifique. Dans la perspective d’un renforcement des pouvoirs du président de l’observatoire, cette demande relève de l’exigence.

Proposition n° 18 : dédier à chaque OPMR un emploi de cadre permanent, rattaché au secrétariat général aux affaires régionales des préfectures.

b. La question du statut des OPMR

La question budgétaire pose également celle du statut des OPMR. En effet, au regard de leurs missions, il n’est pas absurde d’envisager qu’ils puissent être dotés de la personnalité morale leur garantissant une plus grande indépendance vis-à-vis des services de l’État, comme certaines associations de consommateurs ont pu le demander au cours des auditions, mais aussi pour qu’ils puissent recevoir des financements d’autres collectivités publiques. Dans un contexte de contrainte budgétaire, cet argument semble séduisant.

Vos rapporteurs voient toutefois deux inconvénients à cette évolution statutaire :

- elle serait, tout d’abord, contraire à la volonté du législateur. Les observatoires ont été créés comme des instances de dialogue entre les acteurs permettant de faire contrepoids à la puissance de la grande distribution. Ils n’ont donc pas été conçus comme des structures administratives ad hoc ;

- de plus, elle conduirait à alourdir la gestion des observatoires : procédure budgétaire, conseil d’administration, crédits budgétaires devant inclure les charges de personnel, avis pouvant être susceptibles de recours devant les juridictions…

Une autre solution (121) a été présentée à vos rapporteurs ; elle consiste à rattacher l’observatoire à un organisme public existant comme les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux.

Vos rapporteurs demeurent prudents, à ce stade, face à toute évolution institutionnelle des OPMR. Le statut de magistrat financier de leur président confère à ces observatoires un gage de sérieux et d’indépendance. Par ailleurs, l’intérêt d’une instance de dialogue au fonctionnement relativement simple est un atout pour leur pérennité. Un seul argument à l’avenir pourrait faire évoluer la position de vos rapporteurs : celui de permettre aux observatoires de recevoir des financements annexes, en particulier des collectivités territoriales. L’ensemble des membres des observatoires rencontrés n’ayant pas prioritairement indiqué que le budget d’études des OPMR était trop faible, vos rapporteurs considèrent que l’évolution statutaire des observatoires n’est pas une priorité.

c. Fréquence et participation aux réunions des observatoires

Les OPMR se réunissent chacun en moyenne deux à trois fois par an en séance plénière. L’OPMR de La Réunion a tenu toutefois quatre réunions en 2013 et cinq en 2014. Les observatoires ont également constitué en leur sein des commissions ou des groupes de travail qui se réunissent plus régulièrement. L’article L. 910-1 D dispose en effet que l’OPMR « peut constituer en son sein des commissions spécialisées ». Au 1er juillet 2015, les sept OPMR fonctionnent avec les commissions suivantes :

 

Guadeloupe

Guyane

Martinique

La Réunion

Mayotte

Wallis-et-Futuna

L’art. L. 410-5 du code de commerce prévoit un avis de l’OPMR sur le BQP

Commission de suivi du BQP

Commission de suivi du BQP

Commission de suivi du BQP

Commission de suivi du BQP

Commission de suivi du BQP

Commission de suivi du BQP

Les arrêtés du 5 février 2014 prévoient l’information des OPMR et l’existence d’une « commission spécialisée sur le carburant ».

Commission de suivi des prix des carburants

Commission de suivi des prix des carburants

Commission de suivi des prix des carburants

Commission de suivi des prix des carburants

Commission de suivi des prix des carburants

/

L’art. L. 910-F du code de commerce prévoit la publication annuelle de données portant sur les coûts de passage portuaire

Commission du coût des passages portuaires

Commission du coût des passages portuaires

Commission du coût des passages portuaires

 

Commission de suivi des prix des carburants

Commission spécialisée sur le transport maritime

L’art. L 910-D prévoit l’existence au sein de l’OPMR de commissions spécialisées

Groupes de travail :

- pilotage de l’étude sur le coût de possession et d’usage d’un véhicule

(étude publiée fin mai 2015 dans les 3 DFA)

- pilotage de l’étude sur le coût de la construction

(constitué en juin 2015)

Groupes de travail :

- pilotage de l’étude sur le coût de possession et d’usage d’un véhicule

(étude publiée fin mai 2015 dans les 3 DFA)

- pilotage de l’étude sur le coût de la construction

(constitué en juin 2015)

Groupes de travail :

- pilotage de l’étude sur le coût de possession et d’usage d’un véhicule

(étude publiée fin mai 2015 dans les 3 DFA)

- pilotage de l’étude sur le coût de la construction

(constitué en juin 2015)

Commission des études

   

Groupe de liaison avec les associations de consommateurs

Groupe de liaison avec les associations de consommateurs

Groupe de liaison avec les associations de consommateurs

   

Groupe de travail sur le pilotage de l’étude sur les coûts de l’eau (en partenariat avec l’observatoire de l’eau).

Source : Assemblée nationale.

La participation des membres des observatoires ne semble pas soulever de problèmes particuliers. Certains membres ont toutefois regretté, lors de leur audition par la mission, le manque d’assiduité des élus locaux ou des parlementaires. Vos rapporteurs rappellent à cet égard que les OPMR sont l’une des rares enceintes indépendantes de rencontres et de débats entre les principaux acteurs institutionnels, économiques et sociaux dans les territoires. La participation des responsables politiques est donc essentielle, et ce d’autant plus que les travaux des observatoires, outre le suivi du BQP, font l’objet de relais importants dans la presse locale. Les présidents des observatoires sont ainsi régulièrement invités pour des débats et organisent des points presse à chaque parution d’études.

4. Des attributions élargies mais inégalement mises en œuvre

a. Les attributions fixées dans le titre Ier A du livre IX du code de commerce (article 23 de la LREOM)

i. La compétence générale des observatoires achoppe sur l’analyse des marges

L’article L. 910-1 A du code de commerce fixe la compétence générale des OPMR, qui ont pour mission d’analyser « le niveau et la structure des prix, des marges et des revenus » et de fournir « aux pouvoirs publics une information régulière sur leur évolution ». La LREOM a élargi la compétence des observatoires des prix et des revenus à l’analyse des marges. Le tableau ci-dessous présente la synthèse des études publiées par les observatoires depuis 2012.

OPMR ÉTUDES RÉALISÉES ET PROJETS

 

Martinique

Guadeloupe

Guyane

Réunion

Mayotte

Saint-Pierre-et-Miquelon

Wallis-et-Futuna

Niveau, structure et évolution des prix

Études réalisées

- Évolution des prix en Martinique (INSEE) 2013

- Étude « Consommation – prix et revenus » (INSEE). Première partie « Prix et consommation 2014 »

- Étude sur le coût de la possession et de l’usage d’une automobile – mai 2015

Projet 2015

- Coût des matériaux de construction

-Coût de l’eau

Études réalisées

- Formation des prix agricoles et des prix des produits agricoles à la consommation –Commission « Prix agricole », 2011-2012

- Étude « Consommation – prix et revenus » (INSEE). Première partie « Prix et consommation 2014 »

- Étude sur le coût de la possession et de l’usage d’une automobile – mai 2015

Projet 2015

- Coût des matériaux de construction

Études réalisées

- Étude « Consommation – prix et revenus » (INSEE). Première partie « Prix et consommation 2014 »

- Étude sur le coût de la possession et de l’usage d’une automobile – mai 2015

Projet 2015

- Coût des matériaux de construction

Études réalisées

- Les niveaux de vie en 2010, partenariat avec Insee 2013

- Les fournitures scolaires, un vrai piège pour les familles, 2013

- Les soldes : l’occasion de faire de bonnes affaires

- La formation des prix à La Réunion 2012 (alimentation, logement, santé, communication)

- L’inflation à La Réunion depuis 2010, avec l’INSEE, 2014

- Étude sur la formation des prix des pièces détachées automobile à La Réunion, cabinet M’zé Conseil, 2015

Études réalisées

- Étude sur le système économique de Mayotte, cabinet Secafi 2012

- Enquête relative aux coûts de transports des marchandises à l’importation à Mayotte, cabinet Sikajob 2012

- Étude sur la formation des prix des matériaux de construction, cabinet M’zé Conseil, 2014

- Étude sur les pièces détachées automobiles à Mayotte, cabinet M’zé Conseil, 2014

Études réalisées

- La composition des prix, 2013

 

Niveau, structure et évolution des revenus

Projet 2015

Étude consommation-prix et revenus : Deuxième partie « Les revenus »

Projet 2015

Étude consommation-prix et revenus : Deuxième partie « Les revenus »

Projet 2015

Etude consommation-prix et revenus : Deuxième partie « Les revenus »

Etude réalisée

Exploitation enquête « Budget des familles 2011 », 2014

Etude réalisée

Exploitation enquête « Budget des familles 2011 », 2014

   

Coût des passages portuaires

À venir 2015

À venir 2015

À venir 2015

       

Rapport annuel

     

2013 et 2014

2011, 2012, 2013, 2014

2011, 12, 13 et 14

 

Carburants

     

La formation des prix des carburants à La Réunion

     

Avis BQP

2013, 2014, 2015

2013, 2014, 2015

2013, 2014, 2015

2013, 2014, 2015

2013, 2014, 2015

 

2013, 2014, 2015

Source : Ministère des outre-mer et Assemblée nationale.

Bilan de l’activité sur les prix

L’analyse du niveau et de la structure des prix est, depuis 2012, la mission dans laquelle les OPMR se sont le plus investis. Ils ont publié des études générales ou sectorielles permettant d’informer le public sur les écarts de prix entre les territoires d’outre-mer concernés et la métropole ou entre territoires ultramarins eux-mêmes. Les études les plus récentes sont disponibles sur le portail de l’Observatoire des outre-mer (122) dans la rubrique dédiée aux OPMR. Vos rapporteurs se félicitent d’ailleurs que ce site ait été mis à jour par les observatoires, au cours de leur mission.

Les études d’ordre général sur l’évolution des prix sont menées par l’INSEE et cofinancées par les observatoires avec un mécanisme de convention permettant l’exploitation des données des enquêtes nationales pour lesquelles l’État finance un sur-échantillonnage dans les outre-mer (123). Ces études offrent un panorama régional de l’évolution de l’inflation dans chaque territoire, dont ce rapport s’est déjà fait l’écho (124). Vos rapporteurs notent que de telles études n’existent dans aucune autre région métropolitaine.

Les études sectorielles peuvent plus directement concerner le consommateur. Outre des comparaisons de prix avec la métropole, elles expliquent la structuration des prix dans les secteurs concernés et en déduisent un niveau de marges des fournisseurs et détaillants. Il en est ainsi, par exemple, de l’étude menée à La Réunion sur les pièces détachées automobiles. Cette étude révèle que pour certains biens (phares, plaquettes de frein, pneus), les marges des fournisseurs peuvent représenter entre 25 et 45 % du prix de vente, ce qui les porte au triple des prix observés en métropole. L’étude montre pourtant que la décomposition du prix d’une batterie, par exemple, fait apparaître que les frais spécifiques aux outre-mer (transports, logistique portuaire, stockage) ne représentent que 5 % du prix de vente final. La méthodologie suivie semble sérieuse et n’a pas fait l’objet de contestations lors de la publication de l’enquête. Des conclusions similaires ont été rendues ailleurs. Ainsi, l’étude menée en Guadeloupe souligne qu’en moyenne, les ménages consacrent un budget supérieur de 34 % à celui des ménages métropolitain pour l’entretien de leur voiture.

Vos rapporteurs saluent l’intérêt de ces enquêtes pour l’information des consommateurs. Ils constatent également la pertinence pour les OPMR de mener leurs enquêtes sur des secteurs similaires, sans toutefois remettre en cause leur autonomie. En effet, des enquêtes conjointes peuvent inciter à une réaction plus forte des pouvoirs publics s’il apparait qu’un secteur est concerné dans tous les outre-mer par des problèmes de niveaux de prix trop importants. Pour que ces études ne restent pas sans réponse, vos rapporteurs proposent qu’elles fassent l’objet d’un avis de l’OPMR sur les éventuelles conclusions à en tirer après chaque publication et que cet avis soit transmis à l’Autorité de la concurrence ainsi qu’à la DIECCTE territorialement compétente. Ces organismes bénéficient d’un pouvoir d’instruction leur permettant de donner éventuellement une suite à ces enquêtes.

Proposition n° 19 : à chaque publication d’une enquête sectorielle, l’OPMR rend un avis, qu’il transmet à l’Autorité de la concurrence et à la DIECCTE territorialement compétente, formulant les conclusions et les propositions qu’il tire des résultats obtenus, de façon à renforcer le poids de ces études auprès des pouvoirs publics.

Bilan de l’activité des observatoires sur les revenus

Vos rapporteurs partagent l’analyse faite par leurs collègues sénateurs dans un rapport récent : « La prise en compte de la problématique des revenus, indispensable au traitement de la question du pouvoir d’achat de la vie chère, demeure le véritable parent pauvre des travaux des observatoires » (125). Comme ce rapport l’a déjà indiqué (126), il n’existe pas encore d’enquête très détaillée sur la connaissance des revenus malgré des restitutions intéressantes de l’enquête « Budget des familles ».

La publication prochaine de l’enquête sur le revenu des ménages dans les Antilles et en Guyane va, à ce titre, dans le bon sens.

Bilan de l’activité des observatoires sur les marges

Le bilan des observatoires sur les marges est encore plus faible au-delà des premières indications contenues dans les enquêtes sectorielles. En effet, la connaissance des marges pour les OPMR se heurte à plusieurs obstacles juridiques :

- seuls les services de la DGCCRF sont habilités à enquêter sur la formation des prix. Aux termes de l’article L. 450-4 du code de commerce, les agents ne peuvent intervenir que dans le cadre d’enquêtes sollicitées par la Commission européenne, le ministre chargé de l’économie ou le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence sur autorisation judiciaire. Les OPMR ne disposent d’aucun moyen juridique pour demander l’ouverture d’une enquête ;

- les informations détenues par l’INSEE sont par ailleurs couvertes par le secret des sources statistiques, consacré par la loi du 7 juin 1951 (127) ;

- enfin, la grande majorité des entreprises ultramarines ne déposent pas leurs comptes auprès des greffes des tribunaux de commerce comme le prévoit et le réprime, en cas de non transmission, le code de commerce (article L. 611-2 notamment).

À ces difficultés juridiques pour collecter les informations s’ajoute un autre risque juridique lié cette fois à la publication de données sur les marges dans un secteur : celui de la violation du secret des affaires, dans des territoires où les marchés sont étroits. Ainsi le travail mené par les OPMR sur le secteur des pièces détachées a nécessité des précautions, en particulier celle de rendre anonymes les données obtenues auprès des entreprises, en les agrégeant par type de véhicule par exemple. Le président des OPMR des Antilles-Guyane concède également que les estimations des marges reposent sur des données déclaratives obtenues sur la base d’un questionnaire envoyé aux concessionnaires.

Vos rapporteurs souscrivent au vœu formulé par leurs collègues sénateurs de « prévoir des dérogations à la confidentialité des données fiscales et sociales, rigoureusement encadrées, pour permettre aux observatoires de mener à bien leurs investigations dans le domaine des revenus » (128) et désormais des marges. Ils n’ignorent pas cependant les difficultés juridiques qu’une telle proposition emporte.

La récente loi d’actualisation du droit des outre-mer (129) confère, en son article 2, un nouveau pouvoir aux présidents des OPMR en modifiant l’article L. 611-2 du code de commerce. Pour rappel, ce dernier article prévoit notamment que « lorsque les dirigeants d’une société commerciale ne procèdent pas au dépôt des comptes annuels dans les délais prévus par les textes applicables, le président du tribunal peut leur adresser une injonction de le faire à bref délai sous astreinte ». Dans ce cadre, cette loi donne aux présidents des OPMR le nouveau pouvoir de demander au président du tribunal de mettre en œuvre ce pouvoir d’injonction. Cette évolution va dans le bon sens. Toutefois, il est regrettable pour l’utilité de cette disposition qu’il ne soit pas précisé quelle suite doit donner le président du tribunal à cette demande. En tout état de cause, il convient d’attirer l’attention des présidents de tribunaux de commerce sur la nécessité d’accorder une grande attention à ces demandes.

Enfin, les observatoires n’ont pas saisi la possibilité qui leur est donnée par l’article L. 910-1 E du code de commerce d’émettre un avis « afin d’éclairer les pouvoirs publics sur la conduite de la politique économique et de cohésion sociale menée » dans les collectivités sur les territoires desquels ils sont établis. De même, vos rapporteurs constatent que la publication du rapport annuel de chaque observatoire, prévu à l’article L. 910-1 I, est irrégulière voire inexistante pour certains observatoires. À ce jour, seuls les observatoires de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte ont mis en ligne un rapport d’activité sur le portail des observatoires et ce pour les années 2011 et 2012, c’est-à-dire avant leur transformation en OPMR. Cette méconnaissance du code de commerce n’emporte pas en soi de conséquence sur l’activité des observatoires mais pose problème quant au droit d’information du Parlement. En effet, la LREOM étendait le nombre des destinataires de ce rapport annuel aux parlementaires. Vos rapporteurs considèrent qu’un tel rapport permettrait de mieux faire connaître le rôle de ces observatoires, en particulier auprès des parlementaires non ultramarins. Ces rapports devraient également être publiés sur le portail des observatoires.

Vos rapporteurs invitent donc les observatoires à publier chaque année un rapport d’activité reprenant l’ensemble des avis formulés, des études publiées et un suivi des recommandations dans les différents champs de compétence des observatoires.

ii. Les compétences sectorielles

Aux termes de l’article L. 910-1 F du code de commerce, les observatoires doivent publier annuellement des données portant sur le niveau et la structure des coûts de passages portuaires. À ce jour, aucun des observatoires n’a publié la moindre information. Des difficultés techniques semblent expliquer ce retard. Pour les observatoires ayant commencé à réfléchir aux modalités de mise en œuvre de cette obligation, l’hypothèse de travail la plus opérante serait d’obtenir auprès des autorités responsables de l’exploitation des ports, un nombre suffisamment important de factures des transitaires pour obtenir des informations sur leurs tarifs. Il resterait cependant encore à agréger et à exploiter les données. Ce travail conséquent ne pourra pas être réalisé avec les seuls moyens humains des OPMR mais nécessitera un recours à un cabinet de conseil, ce qui diminuera d’autant le budget des études. Au cours de leurs auditions, les représentants des OPMR ont cependant indiqué à vos rapporteurs qu’ils envisageaient de publier des études dans le courant de l’année 2015.

Enfin, l’article L. 910-1 G dispose que « chaque observatoire est informé de toute mesure relative à la réglementation des marchés et à l’encadrement des prix qui concerne le département ou la collectivité d’outre-mer pour lequel il est compétent ». À l’exception des avis spécifiques prévus pour les carburants et la mise en œuvre du « bouclier qualité-prix » prévus par d’autres dispositions législatives ou réglementaires, les OPMR n’ont pas encore été saisis de telles mesures de réglementation. Il est à supposer que si le Gouvernement devait mettre en œuvre ses prérogatives, prévues à l’article L. 410-3, de réglementation des marchés de gros, les observatoires seraient saisis sur le fondement de cet article.

b. Les attributions fixées par d’autres textes

Les observatoires sont désormais consultés dans le cadre de la réglementation des prix des carburants et de la procédure de négociation du « bouclier qualité-prix ».

Les observatoires permettent l’information du public sur les évolutions des prix des carburants conformément aux dispositions des décrets du 27 décembre 2013 et des arrêtés du 5 février 2014, selon les modalités déjà décrites dans ce rapport (130).

Par ailleurs, ils interviennent chaque année, en amont du processus de négociation des accords de modération des prix conformément à l’article L. 410-5 du code de commerce et aux dispositions du décret du 26 décembre 2012 (131).

5. Des pouvoirs à consolider

La LREOM n’a donné aux OPMR qu’un seul pouvoir pour mettre en œuvre leurs prérogatives, celui de saisir l’administration. Ainsi, selon l’article L. 910-1 H du code de commerce, « les administrations de l’État et les établissements publics de l’État sont tenus de communiquer à chaque observatoire qui en fait la demande les éléments d’information et les études dont ils disposent et qui lui apparaissent nécessaires pour l’exercice de sa mission ». Cet article prévoit également que « chaque observatoire fait connaître aux administrations de l’État et aux établissements publics de l’État ses besoins afin qu’ils en tiennent compte dans l’élaboration de leurs programmes de travaux de statistiques et d’études ». Enfin, les OPMR peuvent saisir l’établissement FranceAgriMer (132).

En un mot, les OPMR ne disposent que du seul pouvoir de solliciter d’autres pouvoirs. Cette remarque pose la question des relations entre les OPMR et les administrations, en particulier les DIECCTE et l’INSEE. De l’avis de tous les acteurs rencontrés lors des auditions, ces relations sont de qualité et aucun président d’un OPMR n’a signalé une absence de réponse. Il reste qu’elles sont fondées sur l’unique bonne volonté des parties. Il pourrait donc être envisager de donner aux présidents des OPMR un pouvoir de saisine des DIECCTE pour des demandes d’enquête ou des contrôles dans le cadre du BQP, de la mission d’information sur les carburants ou de leur mission plus large de suivi de l’évolution des prix, des marges et des revenus.

Proposition n° 20 : doter les présidents des OPMR d’un pouvoir de saisine des DIECCTE dans le territoire sur lequel s’étendent leurs compétences.

Enfin, vos rapporteurs insistent sur la nécessité de développer une plus grande coordination entre les OPMR, à travers l’animation de l’équipe des présidents des observatoires au niveau national. Il semblerait utile d’institutionnaliser la réunion annuelle des présidents au ministère des outre-mer et d’en profiter pour mener des actions de formation et des échanges sur l’orientation des travaux des observatoires pour l’année à venir. Si chaque observatoire conserve bien évidemment la liberté de fixer son programme de travail, il semble que les sujets communs sur lesquels des études sont commandées puissent faire l’objet d’une meilleure coordination. Les présidents des observatoires pourraient également être conviés à la réunion annuelle entre le ministère des outre-mer et l’INSEE destinée à actualiser le programme prévisionnel d’enquête, telle que prévue dans la convention déjà évoquée dans ce rapport.

Proposition n°21 : institutionnaliser la rencontre annuelle des présidents des observatoires destinée à mieux coordonner les travaux des observatoires et à améliorer la formation de leurs présidents ; profiter de la présence des présidents des observatoires à Paris pour les faire participer à la réunion entre l’État et l’INSEE au sujet de l’actualisation du programme prévisionnel d’enquête.

V. L’APPLICATION DES AUTRES DISPOSITIONS DU CHAPITRE IER :

A. LES DISPOSITIONS NÉCESSITANT DES MESURES D’APPLICATION

1. Le rapport sur les tarifs aériens prévu à l’article 2 a été publié

Conformément à l’article 2 de la LREOM, le Gouvernement a bien remis « au Parlement un rapport sur la structure des prix pratiqués par les différentes compagnies desservant les départements et collectivités d’outre-mer depuis un autre département ou une autre collectivité d’outre-mer, ainsi que depuis la France hexagonale » afin d’analyser « en particulier le niveau des différents prélèvements et taxes applicables aux liaisons aériennes et au fret aérien ». Ce rapport a été transmis aux assemblées parlementaires en septembre 2013.

Il évoque la grande diversité de l’offre tarifaire ainsi que sa très grande complexité liée à la politique de « yield management » (133). Le marché du transport vers les outre-mer se caractérise par la mise en compétition de plusieurs transporteurs, une offre de capacité en phase avec la saisonnalité (deux pointes saisonnières : décembre-avril et juillet-août), la présence sur les zones Antilles-Guyane et La Réunion d’un transporteur ultramarin détenant une part significative du marché concerné, une desserte essentiellement opérée depuis Paris et enfin de bonnes conditions de confort et de sécurité avec des avions récents. Le rapport souligne également, parmi les spécificités dans la fixation des taxes applicables aux billets d’avions, l’existence de la taxe d’embarquement des régions d’outre-mer au profit de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion due par les entreprises de transports aérien et maritime au titre des opérations d’embarquement de voyageurs. Cette taxe est plafonnée à 4,47 euros par passager.

Vos rapporteurs souhaitent que ce rapport public soit consultable en ligne afin de répondre à une interrogation soulevée lors de plusieurs de leurs auditions.

2. L’ordonnance prévue à l’article 19 a été publiée mais ratifiée avec retard

L’article 19 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance « les mesures étendant à Wallis-et-Futuna les dispositions de nature législative introduites au livre IV du code de commerce » sur la liberté des prix et la concurrence ou des « dispositions de nature législative spécifiques à la lutte contre les marges abusives et les abus de position dominante ».

L’ordonnance n° 2014-487 du 15 mai 2014 portant extension et adaptation aux îles Wallis et Futuna de dispositions du code de commerce a été ratifiée par la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives.

3. L’étude sur les échanges commerciaux régionaux, prévue à l’article 21, n’a toujours pas été remise au Parlement

L’article 21 prévoit la remise au Parlement, avant le 1er juin 2013, d’une « étude proposant des dispositifs à prendre en vue de faciliter les échanges commerciaux entre le marché intérieur des collectivités d’outre-mer et ceux des États voisins ».

Cette étude n’a toujours pas été déposée au Parlement.

4. L’ordonnance prévue à l’article 25 a été publiée mais pas encore ratifiée

L’article 25 autorise le Gouvernement à prendre une ordonnance pour étendre et adapter la législation relative aux allocations logement à Saint-Pierre-et-Miquelon et à modifier les attributions et compétences de la caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon en matière d’action sociale et familiale.

L’ordonnance n° 2013-1150 du 11 décembre 2013 relative à l’action sociale en faveur des familles à Saint-Pierre-et-Miquelon a été publiée au Journal officiel le 14 décembre 2013. D’après les termes du projet de loi de ratification délibéré en conseil des ministres le 14 mai 2014, elle « étend le champ de l’action sociale de la branche famille dans l’archipel et prévoit le versement d’une dotation annuelle à la caisse de prévoyance sociale prise sur le Fonds national d’action sociale ».

Le projet de loi a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 14 mai 2014 mais n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour pour son adoption.

B. LES DISPOSITIONS NE NÉCESSITANT PAS DE MESURE D’APPLICATION

1. L’article 17 repousse la date d’application de l’obligation de détention d’une licence pour la vente de tabac outre-mer

L’article 17 modifie l’article 568 bis du code général des impôts qui prévoit l’obligation de détention d’une licence accordée par le conseil départemental pour pouvoir vendre du tabac dans les outre-mer.

L’objet de l’article 17 était de repousser la date d’application de cette obligation, initialement prévue au 1er janvier 2011 puis au 1er janvier 2013, au 1er janvier 2014. Depuis la promulgation de la LREOM, cette date a été modifiée à deux reprises pour être portée au 1er janvier 2016 (134).

2. L’article 20, qui permet de tenir compte du délai d’acheminement des marchandises dans les outre-mer pour le décompte du délai de leur paiement, soulève des difficultés dans son application

Cet article a été introduit par un amendement de notre collègue Mme Gabrielle Louis-Carabin lors de la discussion du texte en séance publique à l’Assemblée nationale. Selon l’exposé des motifs présenté en séance, il « vise à réduire les frais intégrés dans la reconstitution du prix de revient des produits importés dans les DOM et COM » (135) en permettant de tenir compte du délai d’acheminement. En effet, la loi de modernisation de l’économie de 2008 (136) prévoit, à ce titre, un délai de paiement plus long pour les outre-mer. Ce délai n’est en revanche pas appliqué lorsque des marchandises à destination des outre-mer sont d’abord réceptionnées par l’acheteur ou son représentant en métropole. « Les opérateurs considèrent qu’il s’agit d’une livraison en métropole, soumise au droit commun, ce qui aboutit à renchérir le prix initial par des frais d’immobilisation » (137). En effet, le délai de paiement s’ouvrant à la réception de la marchandise en métropole, la charge financière que constitue le paiement de la dite marchandise immobilisée le temps d’être acheminée (car ne pouvant pas être vendue immédiatement) repose sur l’importateur ultramarin, ce qui a pour conséquence de renchérir le coût pour le consommateur final.

L’article 20 modifie donc les articles L. 441-6 et L. 443-1 du code de commerce pour préciser que les délais de paiement sont décomptés « à partir de la date de dédouanement de la marchandise au port de destination finale » ou, lorsqu’elle est mise à disposition en métropole, « à partir du vingt et unième jour suivant la date de cette mise à disposition ou à partir de la date de dédouanement si celle-ci est antérieure ». Désormais, la charge financière que représente l’immobilisation financière liée à l’acheminement ne repose plus sur l’importateur ultramarin mais sur le fournisseur, ce qui devait conduire à faire diminuer le prix des produits importés.

Lors de leurs déplacements, vos rapporteurs ont été saisis au sujet de certaines difficultés dans l’application de cet article. Il semble, tout d’abord, que ce dispositif soit méconnu des importateurs locaux. Par ailleurs, ces derniers ne peuvent imposer cette nouvelle réglementation à leurs fournisseurs qui considèrent que le délai d’acheminement est compris dans le délai de paiement négocié entre les parties. En effet, les délais fixés par le code de commerce sont des délais maximaux de paiement et non pas minimaux. Dès lors, la non prise en compte du délai de vingt et un jours n’est pas passible de sanction. D’après les informations recueillies par vos rapporteurs, les services locaux de la DGCCRF doivent mener des contrôles spécifiques des délais de paiement pour les outre-mer auprès des fournisseurs pour rappeler, dans un premier temps, la réglementation.

Afin de permettre une application plus efficiente de cet article, vos rapporteurs suggèrent de modifier les articles L. 441-6 et L. 443-1 afin de préciser que le paiement « comptant » de la marchandise ne peut être effectué, au minimum, qu’après un délai de vingt et un jours ou à partir de la date de dédouanement si celle-ci est antérieure pour les marchandises ayant transité par la métropole. Deux difficultés sont à prendre en compte si une telle modification du code de commerce devait intervenir :

- la réticence des fournisseurs métropolitains à supporter le transfert de la charge d’immobilisation, qui pourrait être répercutée dans le prix de vente à l’importateur ;

- la formation des services de contrôle de la DGCCRF au niveau métropolitain sur lesquels retombera ce contrôle systématique pour les exportations vers les outre-mer. En effet, le non-respect de ce délai « seuil » de vingt et un jours ouvrirait la possibilité à une sanction dans les conditions définies au V de l’article L. 441-6 et à l’article L. 443-1 du code de commerce.

Proposition n° 22 : mener une expertise sur la modification du code de commerce permettant d’imposer le décompte du délai de paiement comptant d’une marchandise ayant transité par l’Hexagone à partir du dédouanement de cette marchandise ou, à défaut, d’un délai minimal de vingt et un jour.

3. L’article 24 limite le commerce des outre-mer avec des entreprises situées dans des « paradis fiscaux »

Introduit par un amendement de notre collègue Huguette Bello lors de la discussion du texte en séance publique à l’Assemblée nationale, cet article vise à prohiber, pour un distributeur, la facturation de marges arrières par l’intermédiaire d’une filiale domiciliée dans un État ou un territoire correspondant à la définition de « paradis fiscal » fixée à l’article 238 A du code général des impôts. La sanction prévue en cas de méconnaissance de cette nouvelle interdiction est la même que celle destinée à toutes les pratiques restrictives de concurrence ; elle peut faire l’objet de poursuites civiles ou commerciales en répétition de l’indu et expose ses auteurs à une amende civile pouvant atteindre 2 millions d’euros, conformément à l’article L. 442-6 du code de commerce.

Cet article n’a pas encore été utilisé.

DEUXIÈME PARTIE : L’APPLICATION DU CHAPITRE II DE LA LREOM : DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES AUX OUTRE-MER

Le second chapitre de la loi de régulation économique outre-mer porte diverses dispositions relatives aux outre-mer dont peu relèvent de la compétence de la commission des affaires économiques. Vos rapporteurs se bornent donc uniquement dans ce rapport à faire le point sur la mise en application de ces dispositions en faisant état, le cas échéant, de la publication des mesures d’application ou de leur éventuel retard.

I. LE CHAPITRE II DE LA LREOM PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES AUX OUTRE-MER

Dans son rapport fait au nom de la commission des affaires économiques pour la première lecture de la LREOM à l’Assemblée nationale, votre rapporteure écrivait (138) :

« Votre rapporteure ne peut que souligner, pour la regretter, la persistance de la tendance gouvernementale à recourir aux ordonnances s’agissant de l’outre-mer. L’article [30] procède à la ratification de vingt-six ordonnances qui touchent des domaines les plus variés : bioéthique, code de l’urbanisme, santé publique, environnement, service public de l’électricité notamment. Nombre de ces ordonnances concernent la législation applicable à Mayotte (…). Le Département de Mayotte semble donc condamné à subir les ordonnances, sans que la représentation nationale ne puisse se prononcer explicitement sur la législation applicable à nos concitoyens mahorais. (…) À l’avenir, il serait plus prudent de prévoir l’intégration des dispositifs envisagés dans le texte du projet de loi, afin de permettre à la représentation nationale de débattre des enjeux auxquels sont confrontés nos concitoyens ultramarins plutôt que de simplement entériner des textes établis dans les bureaux des différents ministères ».

Parmi les dix articles contenus dans ce chapitre, deux (les articles 32 et 33) ont déjà fait l’objet de développement dans ce rapport concernant la tarification bancaire (139).

Trois autres articles (27, 28 et 30) traduisent le travail d’extension des normes outre-mer par le recours aux ordonnances des articles 38 et 74-1 de la Constitution.

Enfin, les cinq derniers articles (26, 29, 31, 34 et 35) mettent en œuvre des dispositions spécifiques aux outre-mer.

II. LES ARTICLES 27, 28 ET 30 CONCERNENT DES HABILITATIONS OU RATIFICATIONS D’ORDONNANCES

A. L’ARTICLE 27 EST PARTIELLEMENT APPLIQUÉ.

L’article 27 prévoit la modification d’une série d’ordonnances destinées à « rapprocher la législation applicable au Département de Mayotte de la législation applicable en métropole ou dans les autres collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, ou de les mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne dans le cadre de l’accession du Département de Mayotte au statut de région ultrapériphérique à compter du 1er janvier 2014 ».

L’autorisation législative donnée par la LREOM était initialement de 18 mois. Elle a été portée à 30 mois (140). Ces deux délais sont donc expirés au moment où ce rapport est remis.

Une série (141) d’ordonnances prévues par la loi a été prise :

– ordonnance n° 2013-1208 du 24 décembre 2013, publiée au Journal officiel du 26 décembre 2013, relative à l’adaptation du code de la santé publique à Mayotte, conformément au 5° du I de l’article 27.

– ordonnance n° 2014-463 du 7 mai 2014, publiée au Journal officiel du 10 mai 2014 portant extension et adaptation à Mayotte des dispositions du code de l’action sociale et des familles relatives à l’adoption, à l’allocation personnalisée d’autonomie et à la prestation de compensation du handicap, conformément au 2° du I de l’article 27.

– ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014, publiée au Journal officiel du 10 mai 2014, portant extension et adaptation à Mayotte du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, conformément au 1° du I de l’article 27.

– ordonnance n° 2014-1380 du 21 novembre 2014, publiée au Journal officiel du 22 novembre 2014, rapprochant la législation des transports applicables à Mayotte de la législation applicable en métropole et portant adaptation au droit européen de la législation des transports applicable à Mayotte, conformément au 7° du I de l’article 27.

Un retard est donc à déplorer concernant la prise d’ordonnances relatives au rapprochement des législations du 3° (couverture des risques vieillesse, maladie, maternité, invalidité et accidents du travail, prestations familiales) (142), du 4° (travail, à l’emploi et à la formation professionnelle), du 6° (énergie et climat) et du 8° (protection de l’environnement) du I de l’article 27.

B. L’ORDONNANCE PRÉVUE À L’ARTICLE 28 A ÉTÉ PUBLIÉE

L’article 28 autorise le Gouvernement à prendre une ordonnance visant à étendre et à adapter à la Nouvelle-Calédonie les dispositions législatives relatives aux compétences énumérées au 4° du III de l’article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie contenues, d’une part, dans le code civil et le code de commerce et, d’autre part, relatives à l’exonération de la garantie des vices cachés en matière de vente d’immeuble, aux clauses abusives, à l’indemnisation des victimes d’accidents, aux sociétés d’exercice libéral et aux sociétés de participations financières de professions libérales, à la publicité foncière et aux clauses pénales.

La publication de l’ordonnance n° 2013-516 du 20 juin 2013 portant actualisation du droit civil applicable en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis-et-Futuna permet l’application de cet article.

C. L’ARTICLE 30 RATIFIE VINGT-SIX ORDONNANCES

L’article 30 ratifie vingt-six ordonnances dont quinze concernent exclusivement le Département de Mayotte. Elles ont en effet été prises sur le fondement de l’habilitation prévue à l’article 30 de la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte.

Cet article modifie également, pour coordination, le code de la construction et de l’habitation, d’une part, et le code rural et de la pêche maritime d’autre part.

III. LES ARTICLES 26, 29, 31, 34 ET 35 METTANT EN œUVRE DES DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES AUX OUTRE-MER SONT PARTIELLEMENT APPLIQUÉS

L’article 26 modifie l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales pour exclure les collectivités territoriales d’outre-mer de l’obligation, lorsqu’elles sont maîtres d’ouvrage d’une opération d’investissement, d’assurer une participation minimale au financement de ce projet. En effet, en principe, la collectivité maîtresse d’ouvrage doit participer au minimum à 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques au projet concerné, même si dans certains cas (143) cette participation peut être inférieure.

Cette nouvelle disposition, qui ne nécessitait pas de mesures d’application, a pour but de soulager la situation financière des collectivités territoriales d’outre-mer qui disposent de peu de fonds propres et sont pourtant confrontées à des besoins d’investissement en infrastructures très importants.

Les informations recueillies par vos rapporteurs, bien que non-exhaustives, révèlent une utilisation réelle mais timide de l’opportunité offerte par cette disposition. Même lorsqu’un projet d’investissement a effectivement fait l’objet d’une participation inférieure à 20 %, voire nulle, de la part de collectivité maîtresse d’ouvrage, cela ne résulte pas forcément d’une volonté de mise en œuvre des dispositions de l’article 26 mais parfois de la simple application des exceptions générales nationales à la règle de la participation minimale.

L’article 29 prévoit l’homologation, en application de l’article 87 de la loi de 1999 sur la Nouvelle-Calédonie précitée et de l’article 21 de la loi organique de 2004 sur la Polynésie française (144), des peines d’emprisonnement prévues par une série de lois de pays, de délibérations du congrès et d’ordonnances ou de codes spécifiques à ces territoires.

L’article 31 complète l’article L. 123-6 du code de commerce pour donner la possibilité de déléguer, aux chambres de commerce et d’industrie des DOM et aux chambres consulaires des COM de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, la gestion matérielle des registres de commerce et des sociétés (RCS), par convention avec le ministère de la justice dans le cas où « le fonctionnement normal de [ces registres] est compromis ». Ce nouvel alinéa précise que le « greffe reste compétent pour le contrôle des actes et des extraits du registre ainsi que pour toute contestation ente l’assujetti et la chambre compétente ».

Cette disposition devait permettre d’apporter une solution aux nombreux dysfonctionnements que subit la gestion de ces registres, assumée dans les outre-mer par les greffes des tribunaux de commerce. En effet, des durées anormales de traitement pour des formalités simples (immatriculation, modification, radiation) sont observées et peuvent dans certains cas atteindre plusieurs mois alors même qu’elles devraient être traitées en vingt-quatre heures selon les dispositions du code de commerce. Ces retards génèrent d’importants stocks qui pénalisent considérablement la vie économique des entreprises. En effet, sans enregistrement au RCS, une entreprise ne peut soumissionner à un appel d’offre, obtenir un prêt ou souscrire une assurance.

Depuis 2012, aucune convention n’a été signée entre le ministère de la justice et l’association des chambres de commerce et d’industrie des outre-mer (ACCIOM), malgré plusieurs propositions de cette dernière. En réponse aux critiques formulées sur ces dysfonctionnements, le ministère de la justice a prévu en 2013 un renfort des effectifs des greffes publics et s’est engagé à un retour à la normale du fonctionnement des greffes pour la fin de l’année 2015. Lors de son audition par vos rapporteurs à Fort-de-France, le président de l’ACCIOM (145) a regretté que les efforts du ministère n’aient entraîné que de modestes résultats.

Face à la persistance de ces dysfonctionnements, l’article 60 du la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques prévoit un dispositif expérimental de dérogation pour les départements des Antilles et de La Réunion. Dans ces départements, et ce pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2016, la gestion matérielle du registre du commerce et des sociétés (RCS) est obligatoirement déléguée, par convention avec le ministère de la justice, aux chambres de commerce et d’industrie compétentes dans les conditions déterminées, notamment en termes de contrôle, par le deuxième alinéa de l’article L. 123-6 du code de commerce ajouté par la LREOM.

Vos rapporteurs restent donc particulièrement vigilants sur l’application de ce dispositif expérimental. Un rapport sur les conditions d’exécution de la délégation sera remis au terme de la deuxième année, c’est-à-dire à la fin de l’année 2017.

L’article 34 complète la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 pour permettre son application, dans des conditions particulières, en Nouvelle-Calédonie.

Enfin, l’article 35 prévoit l’application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna de l’article L. 6332-3 du code des transports, qui prévoit les conditions d’exercice des missions de sauvetage d’aéronefs et de prévention du péril animalier par les exploitants d’aérodromes civils et les gestionnaires des zones civiles des aérodromes ouverts au trafic aérien commercial dont le ministère de la défense est affectataire principal.

Pour ces articles, vos rapporteurs n’ont pas été en mesure d’évaluer leur efficacité.

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS

PROPOSITIONS RELATIVES AUX DISPOSITIONS PRO-CONCURRENCE

Proposition n° 1 : Préserver, voire augmenter, pour certains territoires, le nombre d’agents affectés dans les pôles C (concurrence) des DIECCTE pour mettre pleinement en œuvre les nouveaux outils créés par la LREOM.

Proposition n° 2 : Commander à l’Autorité de la concurrence une étude évaluant la pertinence des modalités mises en œuvre pour favoriser l’accès aux facilités essentielles exploitées par les sociétés de produits pétroliers exerçant tout ou partie de leur activité en monopole.

Proposition n° 3 : Saisir l’Autorité de la concurrence pour la remise d’un avis sur la situation de la concurrence sur le marché des matériaux de construction afin d’étudier l’opportunité d’une réglementation des marchés de gros de ce secteur.

Proposition n° 4 : Doter les agents enquêteurs des DIECCTE du pouvoir de faire usage d’une identité d’emprunt pour la vérification d’indices établissant l’existence d’un accord d’exclusivité d’importation de fait, avant d’engager une procédure classique d’enquête.

Proposition n° 5 : Médiatiser la possibilité de saisine de l’Autorité de la concurrence par les collectivités territoriales, par l’intermédiaire des présidents des observatoires des prix, des marges et des revenus, qui pourraient devenir des référents au sein de leur territoire.

Proposition n° 6 : Lorsqu’une commission départementale décide, dans le cadre de la procédure d’autorisation de projets d’urbanisme commercial, de saisir l’Autorité de la concurrence, suspendre sa décision à la remise de l’avis de l’Autorité, qui disposerait d’un délai maximal de trois mois pour répondre.

PROPOSITIONS RELATIVES AUX DISPOSITIONS DE « MODÉRATION NÉGOCIÉE » DES PRIX

Proposition n° 7 : Dans les départements où existe une situation d’oligopole d’importation (en Guyane et à Mayotte), contraindre les grandes et moyennes surfaces à pratiquer un tarif professionnel pour leur activité de gros auprès des petits commerces de détail déclaré.

Proposition n° 8 : Dans les territoires ne l’ayant pas encore adopté, mettre en place une signalétique « bouclier qualité-prix » utilisant le logo généralisé dans les départements de Guadeloupe, Guyane, Martinique et de La Réunion et financé à moitié par l’OPMR et à moitié par les distributeurs.

Proposition n° 9 : Relancer la promotion du « bouclier qualité-prix » dans les territoires en insistant sur l’intérêt « d’acheter BQP » pour son pouvoir d’achat, sa santé et son emploi.

Proposition n° 10 : Rappeler, par l’intermédiaire des préfets, les opérateurs économiques n’ayant pas encore participé aux négociations à leur devoir d’assumer leur part dans l’effort de modération des prix sur les produits « BQP ».

Proposition n° 11 : Mener une étude, par territoire, sur les volumes transportés que représentent les produits « BQP » pour une année et les convertir en un nombre de containers théorique sur lequel pourrait s’appliquer l’effort de modération des transporteurs et acconiers.

Proposition n° 12 : Accroître l’information des petits commerçants sur l’existence du BQP et sur l’importance de leur participation à la convention de modération des prix dans les petites surfaces.

Proposition n° 13 : Dans les territoires ne l’ayant pas encore prévu, mettre en place une convention de modération des prix pour les petits commerces de détail.

PROPOSITIONS RELATIVES AUX OBSERVATOIRES DES PRIX, DES MARGES ET DES REVENUS (OPMR)

Proposition n° 14 : Doter l’observatoire des prix, des marges et des revenus de Guyane d’un président unique issu de la chambre régionale des comptes Antilles-Guyane.

Proposition n° 15 : Adapter les enveloppes budgétaires annuelles des OPMR dont le président ne réside pas sur leur territoire. À défaut, mutualiser le financement des déplacements des présidents des OPMR entre les observatoires d’une même zone.

Proposition n° 16 : Modifier le décret n° 2013-608 du 9 juillet 2013 pour préciser qu’en cas d’affiliation à un réseau national d’associations de consommateurs agréé, l’association locale est dispensée de justifier d’un agrément qui lui est propre pour être représentée au sein d’un OPMR.

Proposition n° 17 : Doter les OPMR de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin d’un budget minimal de fonctionnement de 20 000 euros par an.

Proposition n° 18 : Dédier à chaque OPMR un emploi de cadre permanent, rattaché au secrétariat général aux affaires régionales des préfectures.

Proposition n° 19 : À chaque publication d’une enquête sectorielle, l’OPMR rend un avis, qu’il transmet à l’Autorité de la concurrence et à la DIECCTE territorialement compétente, formulant les conclusions et les propositions qu’il tire des résultats obtenus, de façon à renforcer le poids de ces études auprès des pouvoirs publics.

Proposition n° 20 : Doter les présidents des OPMR d’un pouvoir de saisine des DIECCTE dans le territoire sur lequel s’étendent leurs compétences.

Proposition n° 21 : Institutionnaliser la rencontre annuelle des présidents des observatoires destinée à mieux coordonner les travaux des observatoires et à améliorer la formation de leurs présidents ; profiter de la présence des présidents des observatoires à Paris pour les faire participer à la réunion entre l’État et l’INSEE au sujet de l’actualisation du programme prévisionnel d’enquête.

PROPOSITION RELATIVE AUX AUTRES DISPOSITIONS

Proposition n° 22 : Mener une expertise sur la modification du code de commerce permettant d’imposer le décompte du délai de paiement comptant d’une marchandise ayant transité par l’Hexagone à partir du dédouanement de cette marchandise ou, à défaut, d’un délai minimal de vingt et un jour.

EXAMEN DU RAPPORT EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 16 décembre 2015, la commission des affaires économiques a examiné le rapport d’information de Mme Éricka Bareigts et de M. Daniel Fasquelle sur la mise en application de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.

Mme la présidente Frédérique Massat. Mes chers collègues, nous allons entendre ce matin la présentation du rapport d’information sur la mise en application de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, par Mme Éricka Bareigts et M. Daniel Fasquelle.

Je rappelle que la loi du 20 novembre 2012 avait pour but de mettre en œuvre l’ambition du Gouvernement d’une nouvelle réglementation économique des outre-mer, pour lutter contre la vie chère.

Les principales dispositions de cette loi consistent à créer des nouveaux outils de régulation permettant d’intensifier la concurrence à long terme dans les économies ultramarines, d’améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs, et de renforcer la transparence sur la formation des prix.

Nous avons confié, le 18 février 2015, à Mme Éricka Bareigts, rapporteure de la loi, et à M. Daniel Fasquelle le rapport d’information sur la mise en application de la loi. Les travaux de cette mission de contrôle se sont déroulés entre les mois d’avril et de juillet 2015. Les rapporteurs ont mené des auditions à Paris, mais également sur le terrain.

Il s’est écoulé un laps de temps relativement long, entre 2012 et 2015, au regard de la pratique de nos travaux. Mais je pense que ce délai a permis de mesurer plus précisément l’impact des dispositions de la loi, ce qui ne nous interdira pas, le cas échéant, de refaire un point ultérieurement.

Mme Éricka Bareigts, rapporteure. Comme vient de le dire Mme la présidente, le 18 février dernier, vous nous avez confié un rapport d’information sur la mise en application de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer (LREOM).

Les travaux de cette mission de contrôle se sont déroulés entre les mois d’avril et de juillet 2015. Ils ont conduit vos rapporteurs dans cinq des neuf territoires ultramarins concernés par l’application de la loi. Au cours de deux déplacements, en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, d’une part, et à Mayotte et à La Réunion, d’autre part, ainsi que lors de leurs auditions à Paris, vos rapporteurs ont rencontré plus de cent cinquante personnes issues de tous les horizons.

Ces travaux sont intervenus relativement tardivement, près de deux ans et demi après la promulgation de la loi. Le présent rapport vous est d’ailleurs présenté trois ans après l’entrée en vigueur de ce texte. Toutefois, ce délai a été perçu par vos rapporteurs comme une opportunité pour mesurer plus précisément l’impact des dispositions de la loi, pour établir un constat circonstancié et pour présenter des propositions concrètes, afin de permettre sa meilleure application.

Néanmoins, ce délai n’est bien évidemment pas encore suffisant pour tirer des conclusions définitives. Certaines dispositions, qui auraient pu sembler inopérantes il y a quelques mois encore, démontrent aujourd’hui tout leur potentiel.

Ces précisions faites, venons-en au cœur du sujet.

Présentée par le ministre Victorin Lurel, la loi du 20 novembre 2012 est la quatrième loi – si l’on excepte les textes financiers – à avoir été promulguée sous la présente législature. Trois ans après la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM), votée sous la précédente législature à la suite des crises sociales de 2009, la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer visait à mettre en œuvre l’ambition du Gouvernement d’une nouvelle régulation économique des outre-mer pour lutter contre la « vie chère ». Elle a marqué une véritable rupture par rapport aux lois précédentes en adoptant une démarche de régulation axée sur 1’ « amont » et le long terme et en consacrant une logique de négociation entre les acteurs économiques et les personnes publiques.

L’approche mise en œuvre par cette loi repose sur trois piliers :

Créer, tout d’abord, de nouveaux outils de régulation permettant non plus seulement de réglementer les prix en aval, mais d’intervenir en amont, sur les marchés de gros, pour permettre d’intensifier la concurrence à long terme dans les économies ultramarines. Ces outils sont principalement l’autorisation législative donnée au Gouvernement de réglementer les marchés de gros, l’interdiction des accords d’exclusivité d’importation non justifiés par l’intérêt du consommateur et le renforcement des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence dans les outre-mer.

Ensuite, agir, à court terme, pour le pouvoir d’achat des consommateurs en mettant en place des mécanismes originaux de modération négociée des prix, sous l’égide de l’État, pouvant aboutir, en cas d’échec, à l’intervention du pouvoir réglementaire. Sur cette logique reposent à la fois le dispositif du « bouclier qualité-prix » (BQP) mais aussi la convergence programmée des tarifs bancaires entre l’Hexagone et les outre-mer.

Enfin, renforcer la transparence sur la formation des prix, principalement en consacrant l’existence et le rôle des observatoires des prix et des revenus, et en élargissant leur champ de compétence à l’analyse des marges.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Le rapport d’application constate que les textes réglementaires et les circulaires nécessaires à la mise en œuvre de la loi ont été pris dans les temps et même, pour les principales dispositions de la loi, avec une certaine célérité par le Gouvernement. Il regrette néanmoins l’absence de la remise d’une étude par le Gouvernement au Parlement sur la coopération régionale, et le fait qu’un certain nombre d’ordonnances prévues dans le second chapitre de la LREOM n’ont pas été prises ou ont été publiées et ratifiées avec retard.

Plus largement, le rapport s’attache à mesurer précisément l’impact des dispositions de la loi, sous quatre angles principaux.

En premier lieu, le rapport s’intéresse aux données socio-économiques qui avaient présidé à l’élaboration de la loi de 2012, c’est-à-dire la « vie chère »

Il est établi que l’inflation a été maîtrisée dans les départements d’outre-mer depuis 2012. Entre janvier 2010 et avril 2015, le différentiel d’inflation entre la métropole et les cinq départements d’outre-mer est inférieur à un point, sauf pour la Guyane où l’inflation demeure plus faible. Les taux d’inflation annuels pour ces départements convergent donc avec celui de la métropole, qui s’élève à 1,4 %.

Cette faiblesse de l’inflation est imputable en grande partie à des facteurs internationaux liés à la baisse des cours du pétrole et des matières premières, et nationaux, du fait de la prépondérance des échanges avec la France hexagonale, où l’inflation est faible. Toutefois, comme l’a souligné une note récente de l’Institut d’émission d’outre-mer, cette faible inflation s’explique également par la mise en œuvre des outils créés par la LREOM.

Il convient néanmoins de souligner que l’inflation reste encore aujourd’hui principalement tirée par les prix de l’alimentation. En 2013 et 2014, alors que les prix alimentaires étaient en baisse en métropole, ils continuaient d’augmenter dans les outre-mer. Les prix alimentaires sont ainsi plus élevés d’environ 40 % en Guyane et de 22 % en Guadeloupe par rapport à la métropole. En outre, malgré la hausse des budgets des ménages dans les outre-mer, les prix alimentaires conservent un poids constant dans ces mêmes budgets. Si des progrès importants ont donc été faits, le rapport fait le constat que la question de la « vie chère » demeure aujourd’hui prégnante en outre-mer.

En deuxième lieu, le rapport traite des dispositions « pro-concurrence » de la loi, toutes applicables depuis sa promulgation

Pour rappel, il s’agit principalement : de la possibilité de réglementer les marchés de gros sous certaines conditions (article 1er de la LREOM) ; de l’interdiction des exclusivités d’importation non justifiées économiquement (article 5) ; de l’élargissement du pouvoir confié aux régions et collectivités d’outre-mer de saisir l’Autorité de la concurrence (article 8) ; et du renforcement du pouvoir d’injonction structurelle donné à l’Autorité (article 10).

La possibilité donnée au Gouvernement de réglementer les secteurs pour lesquels les conditions d’approvisionnement ou les structures de marché limitent le libre jeu de la concurrence, afin de remédier à leurs dysfonctionnements, a été mise en œuvre par le Gouvernement dans le secteur des carburants via trois décrets du 27 décembre 2013. Ces décrets, qui concernent les cinq départements d’outre-mer, ont toutefois eu plus de conséquences sur la rémunération des sociétés pétrolières en situation de monopole, que ce soit en matière de raffinage et/ou de stockage, que sur la facilitation de l’accès au marché. Cet état de fait plaide pour que les modalités mises en œuvre pour favoriser l’accès aux facilités essentielles exploitées par ces sociétés pétrolières fassent l’objet d’une évaluation.

Plus globalement, il convient sans doute d’aller plus loin dans l’utilisation de ce pouvoir par le Gouvernement, par exemple en ce qui concerne le marché des matériaux de construction. En effet, ce dernier secteur connaît des situations de monopoles d’importations et de positions dominantes chez les distributeurs locaux de matériaux, ayant pour conséquence des surcoûts élevés.

L’interdiction, applicable aux seuls territoires ultramarins, des accords ou pratiques concertées accordant des droits exclusifs d’importation à une ou plusieurs entreprises, lorsque cela n’est pas justifié par l’intérêt des consommateurs (article 5 de la LREOM), démontre aujourd’hui son utilité. L’objet de cette disposition était notamment de trouver une solution à la question que pose le rôle central des importateurs-grossistes au sein des circuits d’approvisionnement des outre-mer. Ce modèle économique, qui coûte par nature plus cher que les circuits « courts » ou « intégrés », se justifie dans les outre-mer en raison de la difficulté à atteindre une masse critique de consommateurs. Toutefois, le problème repose non pas sur l’existence des importateurs-grossistes mais bien sur l’absence de concurrence entre eux, qui était directement liée aux accords d’exclusivité accordés par certaines entreprises, aujourd’hui interdits.

Sur la base de cette interdiction, l’Autorité de la concurrence enregistre ses premiers résultats ; par une décision du 10 septembre 2015, l’Autorité a en effet constaté, dans le cadre d’une procédure de négociation, que quatre industriels du secteur de la distribution des produits de grande consommation outre-mer (Bolton Solitaire SA, Danone SA, Johnson & Johnson Santé-Beauté France et Pernod-Ricard) se sont engagés à conclure des accords de distribution non exclusifs avec les grossistes importateurs. Ils ont même souhaité aller au-delà de leurs obligations légales en proposant de sélectionner périodiquement leurs grossistes non exclusifs à partir de procédures d’appel d’offres ou de mise en concurrence transparentes et non discriminatoires. L’Autorité a considéré que ces engagements répondaient à ses préoccupations de concurrence et les a acceptés et rendus obligatoires. Cette décision constitue une preuve de l’utilité et de l’efficacité de la création de cette nouvelle infraction. Si cette disposition ne donne pas lieu, pour l’instant, à des condamnations, cela ne signifie pas qu’elle est inefficace. Bien au contraire, le fait qu’elle donne lieu à des engagements volontaires, qui vont au-delà des obligations légales et qui ont été rendus obligatoires par l’Autorité, témoigne à la fois du caractère dissuasif du dispositif et de la démarche pragmatique qui a inspiré cette loi. L’objectif est bel et bien de renforcer, à long terme et si possible via une négociation, la concurrence et non de punir les acteurs économiques.

Il s’agit donc là d’une source de satisfaction, d’autant plus que l’Autorité a indiqué qu’elle poursuivait l’instruction de pratiques similaires mises en œuvre par d’autres entreprises dans le secteur des biens de grande consommation.

Par ailleurs, la loi a procédé à un renforcement des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence. Cependant, le rapport relève ici peu de retombées concrètes de ces dispositions.

L’élargissement du pouvoir de saisir l’Autorité de la concurrence confié aux régions et collectivités d’outre-mer (article 8 de la LREOM) et aux commissions locales d’aménagement commercial (article 12) n’est pas pleinement mobilisé par les acteurs concernés. L’Autorité n’a en effet été saisie qu’une seule fois sur ce dernier fondement, ce qui plaide pour faciliter la saisine de l’Autorité et pour renforcer la prise en compte de ses avis.

Par ailleurs, le renforcement du pouvoir d’injonction structurelle donné à l’Autorité de la concurrence (article 10) n’a, quant à lui, pas été mis en œuvre jusqu’ici. Cependant, il convient de souligner que cette disposition avait pour but d’être « dissuasive » plutôt que « répressive ».

Au final, nous considérons que si, à ce stade, l’effectivité des mesures « pro-concurrence » n’est pas toujours aussi grande qu’espéré au départ, il convient de prendre en compte l’horizon temporel dans lequel s’inscrivent ces mesures. Ces dispositions, qui visent à intensifier la concurrence à long terme ne peuvent produire, par nature, leurs résultats qu’à moyen et long termes.

Mme la rapporteure. En troisième lieu, le rapport s’intéresse aux dispositions de « modération négociée » des prix :

À cet égard, nos travaux nous ont tout d’abord permis d’observer que le « bouclier qualité-prix » (BQP, article 15 de la LREOM), innovation importante de la loi, produit des résultats concrets.

Pour rappel, le BQP fonctionne sur la base d’une négociation annuelle, menée par le préfet, entre les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail et leurs fournisseurs, visant à trouver un accord de modération du prix global d’une liste limitative de produits de consommation courante. Cette négociation doit se tenir dans les départements d’outre-mer, ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna et, depuis la loi du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer, à Saint-Martin. En l’absence d’accord à l’issue des négociations, le préfet peut fixer le prix global de la liste.

Si l’application du BQP diffère légitimement selon les territoires en raison des particularités locales, notamment en ce qui concerne le type de magasins concernés et la composition de la liste de produits, le bilan du dispositif est largement satisfaisant, notamment en ce qui concerne le prix. Depuis 2013, le prix global des listes par rapport au BQP 2015 a ainsi diminué de 16 % en Martinique, de 14 % en Guadeloupe, en Guyane et à la Réunion et de 5 % à Mayotte. En outre, depuis le BQP 2015, la qualité des produits fait l’objet d’une attention particulière lors de l’établissement des listes, tout comme la valorisation de la production locale – sur laquelle nous avons pu travailler avec la mission d’information menée par Mme Brigitte Allain sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires. Le taux de production locale au sein des listes du BQP 2015 est ainsi de 46 % à La Réunion et de 30 % en Martinique. Ces nouvelles dimensions « qualité » et « production locale » renforcent l’intérêt du dispositif.

Le rapport trace, en outre, des perspectives d’amélioration du BQP afin d’en tirer un profit maximal, à la fois pour les consommateurs et les producteurs locaux. Par ailleurs, le processus de convergence des tarifs bancaires avec ceux de la métropole est engagé, bien que de façon paradoxale. En effet, les dispositions de la loi en la matière sont apparues difficilement applicables et n’ont produit que peu de résultats. C’est ainsi que, sur la base d’une nouvelle méthode plus pragmatique et consensuelle, inspirée du rapport au Gouvernement de M. Emmanuel Constans, ont été conclus de nouveaux accords triennaux de modération des tarifs en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à La Réunion. Il semble, au final, que la convergence des tarifs bancaires soit aujourd’hui bien engagée.

Il est apparu, globalement, que les dispositions de modération négociée des prix sont à la fois les plus visibles pour le consommateur ultramarin et les plus efficaces dans la lutte contre la « vie chère ».

En dernier lieu, le rapport aborde les mesures relatives à la transparence des prix, au premier rang desquelles figurent les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR).

Pour renforcer la transparence du débat sur la « vie chère » dans les outre-mer, la LREOM a en effet consacré l’existence des OPMR, qui ont succédé aux observatoires des prix et des revenus créés en 2007. Elle a prévu, en outre, que leur composition déjà très diverse – des parlementaires, des élus locaux, des représentants de l’État, des représentants des chambres consulaires, des syndicats, des personnalités qualifiées, etc. – sera complétée par la représentation des associations de consommateurs, dont nous avons pu constater sur place l’apport très important. La LREOM a également élargi la compétence des OPMR à l’analyse des marges. Enfin, la récente loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer a prévu la création de deux nouveaux OPMR à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.

Nous constatons que les OPMR, qui ont pour mission d’analyser le niveau et la structure des prix, des marges et des revenus et de fournir aux pouvoirs publics une information régulière sur leur évolution sont devenus des acteurs incontournables de la lutte contre la vie chère outre-mer. Leurs nombreuses études générales ou sectorielles ont permis d’informer le public sur les écarts de prix entre les territoires d’outre-mer concernés et la métropole, ou entre les territoires ultramarins eux-mêmes. L’étude menée à La Réunion sur les pièces détachées automobiles, dont les résultats ont été présentés en début d’année, a par exemple permis d’expliquer la structuration des prix dans ce secteur et d’en déduire un niveau de marges des fournisseurs et détaillants. En outre, plusieurs OPMR mènent actuellement des enquêtes sur le coût des matériaux de construction.

Face à l’importance prise par les OPMR, nous plaidons pour que les travaux, de qualité, soient facilités matériellement. Nous nous inquiétons notamment qu’en raison du fait que la présidence des OPMR doit obligatoirement être assurée par un magistrat appartenant à une chambre régionale des comptes, certains observatoires ont un président qui réside loin de leur territoire, ce qui pose d’importants problèmes, notamment financiers ; c’est le cas entre la Martinique, la Guyane et la Guadeloupe. En outre, il est regrettable que leurs travaux ne trouvent pas un plus grand écho, notamment auprès des pouvoirs publics.

Enfin, le rapport fait vingt-deux préconisations qui se répartissent, pour les principales, en trois axes.

Plusieurs propositions visent tout d’abord à renforcer l’efficacité des dispositions pro-concurrence en améliorant les conditions concrètes de leur mise en œuvre. Il s’agirait tout d’abord – c’est un point sur lequel il faut particulièrement insister – de s’assurer que le nombre d’agents affectés dans les pôles concurrence des directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIECCTE) est suffisant pour mettre pleinement en œuvre les nouveaux outils créés par la LREOM. Il serait également opportun de tirer davantage profit de la possibilité donnée au Gouvernement de réglementer les marchés de gros dans les secteurs où cela se justifie – par exemple, celui des matériaux de construction. Enfin, deux propositions sont faites pour renforcer l’intérêt du pouvoir confié aux régions et collectivités d’outre-mer et aux commissions locales d’aménagement commercial de saisir l’Autorité de la concurrence.

D’autres propositions visent à faire mieux connaître le mécanisme du BQP et à en étendre la logique. Le triple objectif que nous soutenons consisterait à faire mieux connaître le BQP aux consommateurs, à rappeler tous les opérateurs économiques à leur devoir de participer aux négociations – par exemple, les acconiers ne sont pas autour de la table – et à adapter le mécanisme du BQP aux petits commerces. Dans le rapport, nous mettons en évidence que sur des territoires comme la Guyane et Mayotte, les petits commerces doivent s’approvisionner auprès des grandes surfaces sans bénéficier de prix préférentiels, ce qui pose de gros problèmes en termes de pouvoir d’achat. Le mécanisme du BQP est astucieux et efficace. Il mérite qu’on en tire encore un plus ample profit.

Enfin, le rapport fait des préconisations s’agissant des observatoires, des prix, des marges et des revenus.

En premier lieu, deux propositions traitent de la question de leur présidence pour s’assurer que certains OPMR ne soient pas handicapés, tant au point de vue de la gouvernance que budgétairement, par le fait que leur président réside sur un territoire éloigné.

En second lieu, d’autres propositions visent à permettre aux OPMR de disposer de moyens humains et budgétaires suffisants pour accomplir leurs missions efficacement. Lors des débats en séance publique, nous avions alerté le ministre Victorin Lurel sur cette absolue nécessité.

Enfin, trois préconisations visent à renforcer l’écho des travaux des OPMR, en en assurant leur meilleure publicité auprès des pouvoirs publics, en les coordonnant davantage au niveau national et en dotant les observatoires d’un pouvoir de saisine des DIECCTE.

Nous espérons que ces propositions, que nous avons voulues concrètes, permettront de renforcer l’efficacité des dispositions de la loi. Car si cette loi a marqué un tournant dans la lutte contre la vie chère outre-mer, d’importants efforts doivent encore être fournis. Nous espérons que ce rapport y contribuera.

M. Yves Blein. Madame la présidente, je tiens à remercier les rapporteurs pour la qualité de leur travail.

Ce rapport prouve que la loi du 20 novembre 2012 produit des effets incontestables. Pour autant, j’ai pensé, en l’écoutant, que l’on aurait mieux fait de consacrer les trois ans qui se sont passés entre la promulgation de cette loi et la publication de ce rapport à une étude d’impact, qui aurait sans doute permis de disposer d’un texte plus abouti, exempt de certains défauts. C’est ainsi, par exemple, que la loi se révèle inefficiente en matière de tarifs bancaires, et qu’elle devra être corrigée a posteriori sur ce point.

Cette réflexion pose la question récurrente de notre façon de légiférer. Pour ma part, je pense que nous pourrions gagner en temps et en efficacité en améliorant les études d’impact et, notamment, en menant des expérimentations sur certains territoires dont les particularités pourraient pâtir d’une application uniforme de la loi.

Nos rapporteurs ont mis en avant les avancées permises par la mise en place du « bouclier qualité-prix ». Cela m’a conduit à m’interroger sur la pertinence qu’il y aurait à rechercher des accords qui ne se limitent pas aux territoires : des accords supra-locaux, voire supra-nationaux. Après tout, certaines plateformes d’achat sont aujourd’hui mondialisées, et certaines zones de commerce peuvent intéresser des distributeurs qui opèrent au niveau planétaire. Pourquoi les négociations de prix seraient-elles dans les mains du seul préfet et applicables à un territoire limité du point de vue du nombre des consommateurs comme des surfaces de ventes ? Vous nous avez parlé d’entreprises d’envergure mondiale comme Danone. Faut-il négocier au niveau local avec des opérateurs dont l’influence est beaucoup plus vaste ?

Il en est de même des carburants. M. Christophe de Margerie, ancien président de Total, au cours d’une audition qui est restée célèbre, avait dit que le problème des carburants outre-mer résidait dans le fait qu’on leur appliquait des normes européennes, alors que l’on était dans des zones qui étaient à la fois hors de l’influence de la réglementation européenne, et souvent proches d’endroits où les normes étaient différentes et les hydrocarbures infiniment moins chers. Par exemple, la Guyane est voisine du Brésil, où la production et les normes applicables en matière de distribution de carburants ne sont pas du tout les mêmes qu’en Europe.

Sans pour autant affecter la qualité de vie des populations, ne pourrait-on pas intégrer certains particularismes, de façon à pouvoir jouer sur les prix ?

Ensuite, à propos de l’Observatoire des prix, des marges et des revenus, je trouve très intéressant que l’on puisse examiner en détail comment les prix se fabriquent et comment les marges se réalisent. Mais je suis assez réservé sur ce qui en est retenu, sans doute parce qu’il y a une certaine contradiction entre l’amélioration de la concurrence et la réglementation des marchés de gros. En effet, où s’arrête la réglementation, dès lors que l’on veut améliorer la concurrence ? Et puis, comment se pose la question du bénéfice ? Qu’est-ce qu’un bénéfice raisonnable ou acceptable ? Cela dépend de celui qui le réalise et de celui qui paie. En fait, sur tous ces sujets-là, on se rend compte que nos capacités d’observation et d’action sont limitées.

Enfin, en 2014, nous avons étendu la capacité à agir des associations de consommateurs. J’aimerais savoir si, en outre-mer, le mouvement des consommateurs s’est saisi de ces nouvelles opportunités d’action.

M. Antoine Herth. Merci pour ce rapport fourni et détaillé. Je rejoins l’orateur du groupe socialiste sur l’utilité des études d’impact. Celles-ci sont systématiques lorsque l’on travaille sur des projets de loi. Probablement devraient-elles être plus fouillées. Mais il n’y en a pas lorsque l’on travaille sur des propositions de loi. Je n’aurai de cesse, jusqu’à la fin de la législature, de le marteler : nous légiférons malheureusement trop souvent à l’aveugle.

Ensuite, la notion de zone économique pose un autre problème : la loi que nous votons à l’Assemblée nationale s’applique partout uniformément – sauf peut-être en Alsace-Moselle. Or les textes économiques devraient s’appliquer de façon différenciée selon les départements d’outre-mer concernés – même si cela viendrait compliquer sérieusement notre travail.

J’avais une question sur la variabilité des situations dans les outre-mer, mais le rapport y répond déjà en partie. De fait, la situation n’est pas la même selon que l’on soit à La Réunion, dans les Antilles, ou encore à
Saint-Pierre-et-Miquelon.

J’ai été surpris par le fait que l’inflation dans les DOM reste principalement tirée par les prix de l’alimentation. D’où cette question : peut-on répondre à cette situation en stimulant l’offre ? Votre rapport, pages 60 et 61, fait apparaître les difficultés de l’exercice : les filières sont très peu structurées ; elles ne sont pas toujours en capacité de produire tout au long de l’année ; enfin, elles peuvent être concurrencées par des productions extérieures, périphériques, qui perturbent le marché.

Mais à défaut de pouvoir puiser dans le texte dont nous parlons aujourd’hui, ne pourrions-nous pas chercher dans la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ? Je dois faire un rapport d’application avec M. Germinal Peiro. Ne faudrait-il pas nous pencher sur le volet outre-mer de cette loi pour compléter votre travail ?

En matière d’énergie, nous avons parlé essentiellement de carburants. De la même façon, ne pourrions-nous pas trouver des réponses dans la loi
n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique et pour la croissance verte ? Certes, on peut réfléchir à la façon la plus économique d’acheminer les carburants, mais les outre-mer peuvent également être des laboratoires de la transition énergétique, et contribuer à nous faire sortir de la logique du tout carbone. Bien plus que les départements métropolitains, les outre-mer ont des arguments à mettre en avant. Je pense qu’il y a là des pistes à explorer.

Quoi qu’il en soit, au nom du groupe Les Républicains, je voudrais remercier les rapporteurs pour leur travail, que j’ai trouvé extrêmement intéressant.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, je voudrais me faire le porte-parole des cinq députés d’outre-mer du groupe de la Gauche démocrate et républicaine que j’ai l’honneur de présider, et dire tout l’intérêt que ces derniers portent non seulement à la loi qui a été votée, mais aussi au rapport qui vient de nous être remis. Je n’ai pas pu étudier celui-ci de façon approfondie, mais je ne doute pas que mes collègues pourront le faire et réagir en conséquence.

Le 9 octobre 2012, au cours du débat autour du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer, M. Bruno-Nestor Azérot a eu ces mots assez forts dans l’hémicycle : « Enfin un texte qui fait rupture après des années de vie chère, et même des décennies, tant il est vrai que la situation de vie chère de l’outre-mer provient structurellement de notre histoire économique et sociale ! Nos économies de l’exclusif colonial ont été transformées en économies de comptoir et d’entrepôt, à travers une histoire économique faite d’abus et d’octroi de rentes. Ces vingt dernières années, cet état de fait a transformé nos économies en économies de marges où des structures oligopolistiques d’importateurs grossistes, fournisseurs et distributeurs, voire détaillants, et des monopoles comme la SARA, la Société anonyme de raffinerie des Antilles, prédominaient et organisaient la cherté de la vie. »

Notre collègue posait bien la gravité de l’enjeu. Et il précisait : « Ce à quoi vous deviez vous attaquer, monsieur le ministre, ce n’était pas un petit différentiel de prix mais un véritable gouffre ! ». Maintenant, la question est de savoir si une partie du gouffre a été comblée.

Les rapporteurs nous ont apporté des réponses extrêmement intéressantes, et ils nous ont fait des propositions qui, de façon sous-jacente, nous montrent qu’il y a encore beaucoup à faire.

Vous n’abordez pas de front la question du caractère coercitif du dispositif mis en place, et je vous cite : « L’esprit de la loi de 2012 est bien de mettre en place non pas un instrument classique de réglementation, mais bien un dispositif négocié et donc partagé par tous les acteurs de la chaîne de production et de distribution. » La question est de savoir si, en restant sur la simple négociation, sur des accords de modération, sur une démarche volontaire, sur l’absence de sanctions, on pourra, dans la durée, avoir des résultats tangibles.

Vous nous renvoyez, par la même occasion, à la question du travail de l’Observatoire des prix, des marges et des revenus que vous abordez aussi. Selon moi, il est indispensable que ce travail aboutisse à une évaluation des marges à chaque niveau de la filière.

Dans son intervention, M. Bruno-Nestor Azérot indiquait : « Le différentiel existant entre l’outre-mer et l’Hexagone est-il lié au coût du fret aérien et maritime, à notre fiscalité locale, au coût du travail, au coût du stockage, à la taille de nos petits marchés insulaires ? ». Et on pourrait y ajouter, d’après moi, « à la grande distribution ? ».

Il serait intéressant de savoir où se fabrique le surcoût, comment les marges ont évolué depuis plusieurs années, et si les efforts dont les consommateurs ont bénéficié sont le fait de l’ensemble des intermédiaires ou seulement de certains d’entre eux. Il semblerait que les transporteurs ne soient pas associés, ou fort peu, aux négociations. Or on sait bien que la question du fret et du coût du transport est déterminante.

Voilà les points sur lesquels j’aimerais avoir votre avis. J’aimerais également que vous me disiez ce que vous pensez d’éventuelles sanctions, ainsi que des possibilités de développement des filières de production locale. Il est évident en effet que la réponse aux problèmes posés par les coûts élevés de l’alimentation passe, notamment, par une agriculture de proximité, des productions au plus près des consommateurs et par la vente directe – qui fait l’objet d’une proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation dont nous discutons dans cette commission, et qui viendra en janvier prochain dans l’hémicycle.

Je terminerai par une préoccupation qui apparaît en filigrane dans vos différentes recommandations : il est difficile d’aller au fond des choses si l’on ne donne pas suffisamment de moyens aux personnes chargées d’effectuer les contrôles. Il faut du personnel et des agents sur le terrain. Sinon, on risque de rester « au pays des Bisounours » !

M. Éric Straumann. Madame la présidente, je salue évidemment ce très bon rapport.

Je suis plus particulièrement frappé par la faiblesse du taux de production locale, qui est très faible en Guyane – 9,40 %. Est-ce que, en Guyane comme ailleurs en outre-mer, on ne pourrait pas envisager la production locale comme un moyen de limiter l’augmentation du coût de la vie ?

J’imagine qu’en Guyane, la forte présence du personnel travaillant sur le site d’Ariane a dû faire monter les prix des produits, et favoriser la demande de ceux qui sont fabriqués en France. Cela dit, le développement de la production locale me semble être une piste à explorer.

M. Jean-Claude Mathis. Je m’étonne de l’absence des mesures réglementaires qui avaient été prévues par la loi de 2012, mais qui n’ont pas encore été prises par le Gouvernement. Celles-ci portent, entre autres, sur la réglementation du prix de vente de produits de première nécessité, et sur la définition des valeurs maximales que les établissements bancaires peuvent facturer – notamment aux personnes physiques.

Les décrets attendus sont certes facultatifs. Mais il semble que la population concernée soit tout de même intéressée. Avez-vous donc des informations sur les intentions du Gouvernement ?

Mme la rapporteure. Mes chers collègues, l’économie des outre-mer s’était construite autour d’oligopoles et de monopoles. La loi du 20 novembre 2012 a bouleversé la donne en affirmant qu’il fallait davantage de transparence et de concurrence sur ces territoires, et faire sauter certains verrous pour agir sur les prix.

Vous l’avez bien compris, nous sommes dans une démarche structurelle. Et nous devons admettre, les uns et les autres, qu’il faut plus de deux ou trois ans pour toucher à la structure économique de nos territoires, mise en place tout au long de leur histoire.

Ensuite, certains d’entre vous se sont exprimés à propos des études d’impact, qu’ils souhaiteraient voir étendues et renforcées. J’observe pour ma part que les éléments qualitatifs et quantitatifs dont nous disposons sont trop peu nombreux pour nous permettre d’avoir une bonne connaissance de nos territoires. Certes, ceux-ci ont des statuts différents et des histoires différentes. Mais la métropole n’a pas toujours eu et n’a toujours pas le souci de connaître précisément la France dans sa globalité. Je prends un exemple : les études nationales lancées par l’INSEE, que ce soit sur des thèmes économiques, sociaux ou culturels, sont très rarement étendues aux départements d’outre-mer – et je ne parle même pas des autres territoires.

Ce déficit de connaissance est lié au fait que la République n’est pas curieuse de savoir ce qui se passe sur l’ensemble de ses territoires. J’espère que nos travaux seront l’occasion d’une prise de conscience, et que nous nous battrons tous ensemble pour avoir suffisamment de données afin de pouvoir travailler sérieusement sur des dossiers aussi compliqués que le dossier économique dont nous discutons.

J’ai été très heureuse d’entendre un de nos collègues dire qu’il faudrait, dans certains cas, des lois particulières. Ce serait notamment nécessaire en matière économique. En effet, dans les outre-mer, on ne parle pas des mêmes volumes ; les marchés sont restreints et éloignés et subissent la concurrence à la fois des produits européens et de ceux de la zone – océan Indien, Pacifique…

Malgré la taille de leur marché, les territoires doivent faire fonctionner des machines qui sont formatées pour des volumes importants. Concrètement, les yaourts Danone qui sont produits à la Réunion, qui compte 800 000 habitants, le sont sur une chaîne de production équivalente à celle qui serait destinée à une grande région de métropole. Vous imaginez les problèmes de coûts qui en résultent pour les entreprises. Cela nous amène à relativiser l’idée selon laquelle la production locale serait la réponse à la cherté de la vie.

Ce peut être une réponse, notamment en agriculture et en élevage, si nous parvenons à structurer suffisamment les filières pour qu’elles permettent, demain, d’assurer la sécurité alimentaire, peut-être pas à l’échelle d’un territoire, mais à l’échelle d’un bassin – par exemple celui des Antilles ou celui de l’océan Indien, avec Mayotte et La Réunion.

Mais cette réponse ne sera pas possible sans aide économique et fiscale. Cela me ramène au débat que nous avons souvent à propos des demandes que formulent les territoires d’outre-mer – exonérations, défiscalisation, etc. – et qui font souvent l’objet de critiques. Or nous ne les demandons pas par pur caprice ! Nous le faisons parce que, dans certains cas, il faut soutenir la production locale, dans la mesure où le périmètre économique n’est pas suffisant pour assurer sa rentabilité.

S’agissant des carburants, je partage l’idée selon laquelle nous devons réfléchir pour savoir si nous ne pouvons pas être alimentés par des sources d’énergie venant d’autres pays – du Brésil, par exemple, dont on a parlé. Mais j’ai deux observations à faire à ce propos. D’abord, selon l’article de la loi sur les facilités essentielles, toutes les infrastructures qui existent sur les territoires, par exemple les cuves pour accueillir le fuel et le pétrole, peuvent faire l’objet d’aides et de mesures de défiscalisation. Seulement, elles ne peuvent pas être utilisées par d’autres fournisseurs. Je pense qu’il y a un travail à faire là-dessus. Ensuite, nous avons regretté l’absence d’un rapport sur la coopération régionale. Ce serait pourtant nécessaire pour poser la question des normes européennes et des accords européens dans nos zones ultramarines qui viennent « heurter » nos productions locales et nous mettent parfois en difficulté.

Par ailleurs, je voudrais insister sur le fait que les OPMR sont des outils importants de transparence et qu’ils permettent l’instauration d’un dialogue. Ils offrent l’occasion d’expliquer aux consommateurs et aux producteurs comment se font les marges, à quel niveau se situent les revenus, etc. N’oublions pas que la crise de 2009 est née, entre autres, d’un manque de discussion et de transparence.

Enfin, je crois que l’équilibre entre la discussion et la négociation est très important. Mais je pense aussi que cela ne dispense pas d’appliquer des sanctions. Celles-ci sont nécessaires lorsque la discussion a échoué. En effet, il faut que la population ait confiance dans nos démarches. Or, aujourd’hui, ce n’est pas toujours le cas.

M. le rapporteur. On ne peut qu’être d’accord avec ce qu’ont dit Messieurs Yves Blein et Antoine Herth à propos des études d’impact, qu’il serait sans doute intéressant de renforcer. Pour autant, il faut savoir qu’il ne sera jamais possible de mesurer les effets réels – positifs ou pervers – de certaines dispositions tant qu’elles n’ont pas été mises en œuvre. D’où l’intérêt d’un rapport comme celui que nous venons de rédiger. Le fait d’avoir attendu trois ans nous a permis, en outre, d’avoir un certain recul.

Maintenant faut-il élargir les accords locaux à la zone dans laquelle se trouvent les territoires d’outre-mer ? Nous devons être conscients de deux difficultés : la faiblesse des productions locales et l’application des normes européennes.

Premièrement, si les productions locales sont trop fortement concurrencées par les productions qui viennent de la zone, elles risquent d’être complètement déstabilisées. Certes, la concurrence sera peut-être stimulée. Mais les filières qui sont en train de se construire ou qui voudraient émerger seront peut-être étouffées.

Deuxièmement, le fait que les normes européennes s’appliquent outre-mer peut constituer un handicap pour les entreprises qui vont se trouver en concurrence avec des entreprises de la zone où l’on n’applique pas les mêmes normes. Dans ces conditions, ne faudrait-il pas moduler l’application des normes dans ces territoires, afin d’améliorer la compétitivité de leurs entreprises ? C’est une question que vous avez déjà posée, et qui mériterait effectivement d’être approfondie.

Monsieur Yves Blein, je crois qu’aujourd’hui, malheureusement, les consommateurs des outre-mer ne sont pas toujours suffisamment structurés pour veiller à la bonne application d’une loi comme celle à laquelle vous faites référence. Pourtant, ils disposent désormais de droits nouveaux – notamment du pouvoir de saisir la justice – et pourraient jouer un rôle très utile.

Je pense que Monsieur Antoine Herth a obtenu des réponses à ses questions. Je suis d’accord avec lui : les territoires d’outre-mer peuvent servir de laboratoires d’expérimentation pour les énergies décarbonées et les énergies renouvelables, qui sont bon marché pour les populations locales et qui offrent davantage de possibilités qu’en métropole. Ainsi, à La Réunion, on utilise la différence entre la température de l’eau de mer en surface et en profondeur pour créer une énergie nouvelle, renouvelable et décarbonée. Sur certains territoires, on développe les hydroliennes, à partir d’une technique mise au point pas des entreprises françaises, qui sont à la pointe en ce domaine. Il est donc possible de développer des énergies nouvelles et de donner accès à une énergie peu chère à nos concitoyens d’outre-mer.

Monsieur André Chassaigne s’est intéressé à l’évolution des marges des entreprises. Comme nous l’indiquons dans le rapport, il est très difficile d’obtenir des informations précises de la part des entreprises à ce sujet. On peut comprendre les réticences des entreprises ; il ne s’agit évidemment pas de donner des informations essentielles aux concurrents. En revanche, on a besoin de connaître certains éléments pour faire des analyses, retracer l’évolution des marges dans le temps, repérer où se trouve la valeur ajoutée, voire pointer des bénéfices qui ne seraient pas tout à fait justifiés.

M. André Chassaigne. En métropole, on a fait des progrès en la matière !

M. le rapporteur. En effet, mais en outre-mer, cela reste très compliqué.

Ensuite, il faut bien évidemment développer les ventes directes. Il faut également mettre en application les textes. Ils le sont quasiment tous. En revanche, certains textes ne sont pas efficaces en eux-mêmes. Par exemple, on s’est aperçu qu’en passant un accord avec les banques, on arrivait à un résultat aussi efficient qu’en appliquant la loi.

Pour le reste, c’est surtout un problème de moyens. Ce problème a été pointé dans le rapport et a donné lieu à des préconisations. Notamment, les DIECCTE doivent avoir davantage de moyens pour mettre en œuvre la loi.

Monsieur Éric Straumann souhaite que l’on encourage les productions locales. Cela suppose que les filières soient structurées, nous l’avons déjà dit. Mais justement, certaines filières locales ne peuvent pas intégrer le BQP parce qu’elles ne sont pas suffisamment structurées. Pourtant, les intégrer serait, quand cela est possible, une façon de les encourager, de les stimuler et de les faire participer à la lutte contre la vie chère outre-mer.

Enfin, je pense avoir répondu aux interrogations de Monsieur Jean-Claude Mathis.

Mme la présidente Frédérique Massat. Madame Annick Le Loch, vous avez été rapporteure de la mission de contrôle de l’application de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, en ce qui concerne et les relations fournisseurs-distributeurs. Souhaitez-vous vous exprimer ?

Mme Annick Le Loch. Je m’interrogeais à propos du périmètre d’intervention de la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC). C’est une instance consultative, compétente dans le domaine des relations entre les distributeurs et les fournisseurs. Elle a été mise en place en 2001, du moins en métropole, à la suite de l’adoption de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Elle n’a pas de pouvoir d’injonction ou de sanction comme la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou l’Autorité de la concurrence, qui intervient pour contrôler la concurrence sur les marchés. Mais c’est une instance qui fonctionne. De par son autorité morale, elle est à même de réunir autour d’une même table les différents acteurs commerciaux, distributeurs, fournisseurs et toutes les fédérations au niveau national. Et elle donne son avis lorsqu’elle est saisie sur des points précis. Elle n’intervient pas sur les marchés, mais sur les relations contractuelles entre marchands.

Mme la présidente Frédérique Massat. Il me semble que la CEPC peut être sollicitée aussi bien en outre-mer qu’en métropole

Mme Annick Le Loch. Je ne sais pas. En avez-vous entendu parler ?

M. le rapporteur. D’après moi, la CEPC est tout à fait compétente outre-mer.

Cette commission peut être saisie, notamment, par les professionnels, ce qui est très utile. En effet, ceux-ci hésitent parfois à saisir les tribunaux. En cas de marché oligopolistique, par exemple, il leur est difficile de mettre en cause celui avec lequel ils travaillent et qui leur assure 50, 60 ou 70 % de leur chiffre d’affaires.

Une fois saisie, la CEPC déclenchera une enquête et rendra un avis sur la base duquel les tribunaux pourront éventuellement être à leur tour saisis par le ministre compétent.

Mme la rapporteure. Nous allons vérifier ce qu’il en est. J’imagine que cette commission n’a pas fait preuve de son efficacité dans les outre-mer, ou qu’elle n’a pas fait l’objet de saisines. Mais c’est peut-être parce que les entreprises des outre-mer, qui sont sur un marché restreint, ne saisissent pas les institutions compétentes, que la LREOM a permis que les collectivités territoriales puissent également saisir l’Autorité de la concurrence.

La Commission émet un vote favorable à la publication du rapport d’application de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

2 avril 2015

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

- M. Stanislas Martin, sous-directeur de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés

Fédération des entreprises d’outre-mer (FEDOM) *

- M. Jean-Pierre Philibert, président

- M. Philippe Mouchard, délégué général

- Mme Samia Badat-Karam, secrétaire générale

Institut des émissions des départements d’outre-mer – Institut des émissions d’outre-mer (IEDOM-IEOM)

- M. Nicolas de Sèze, directeur général

- M. Thierry Latreille, chef de l’observatoire des études économiques

Autorité de la concurrence

- M. Thierry Dahan, vice-président

- Mme Juliette Théry-Schultz, rapporteure générale adjointe

- M. David Viros, chef du service du Président

- M. Julien Neto, rapporteur

3 avril 2015

Cabinet de Mme George Paul-Langevin, ministre des outre-mer

- M. Brice Blondel, directeur-adjoint

- M. Laurent Cabrera, conseiller

- M. Matthieu Denis-Vienot, conseiller parlementaire

Déplacement en Guyane du 20 au 22 avril 2015

Préfecture

- M. Éric Spitz, préfet

- M. Claude Vo-Dinh, sous-préfet de Saint-Laurent-du-Maroni

- M. Lionel Loutoby, commissaire à la vie des entreprises et au développement productif

Conseil général de la Guyane

- M. Alain Tien-Liong, président

Conseil régional

- M. Rodolphe Alexandre, président

Service régional de l’INSEE en Guyane

- M. Benoit Hurpeau, chef du département études diffusion

OPMR de Guyane

- Mme Joëlle Prévost-Madère, vice-présidente, présidente de la CGPME Guyane

- M. Yves Icare, membre représentant des associations de consommateur, UD FO

- M. Joël Romain, trésorier adjoint, CLCV Guyane

Supermarché Géant de Cayenne

- M. Flavien Tonon, directeur

Supermarché Super U, Saint-Laurent du Maroni

- M. Jan Du, directeur

Rhumerie Saint-Maurice, Saint-Laurent-du-Maroni

- Mlle Florence Marmot, responsable de l’usine

Guyane Consult (cabinet de conseil)

- M. Julien Cazes, gérant

Élevage Ducat - Entreprise Vivenda

- M. Julien Ducat

- M. Pierre-Edouard Ducat

- M. Pierre Ducat

BNP Guyane *

- M. Yves Leleu, directeur général de BNP Paribas Guyane

Mairie de Cayenne

- M. Éric Lafontaine, directeur de cabinet

IEDOM Agence de Guyane

- M. Fabrice Dufresne, directeur

- Mme Nadia Alibay, responsable du service études et établissements de crédit

DIECCTE Guyane

- M. Michel-Henri Mattera, directeur

Déplacement en Martinique du 22 au 24 avril 2015

Préfecture

- M. Fabrice Rigolet-Roze, préfet

- M. Philippe Maffre, secrétaire général

- Mme Éliane Miévilly, directrice des affaires locales et interministérielles

Conseil régional

- M. Serge Letchimy, Président

Conseil départemental de la Martinique

- Mme Josette Manin, présidente

- M. David Zobda, premier vice-président

- M. Émile Soumbo, directeur général des services

- Mme Patricia Adenet, directrice-générale adjointe chargée des affaires financières et des affaires juridiques

Mairie de Fort-de-France

- M. Didier Laguerre, maire

Chambre de commerce et d’industrie de la Réunion

- M. Manuel Baudouin, Président

- M. André Armougon, directeur général

DIECCTE Martinique

- M. Ronan Léaustic, directeur

- M. George Beaupreau, adjoint au chef du pôle C

Table ronde sur la production locale (préfecture)

- M. Jacques Helpin, directeur de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt

- M. Ruidice Ravier, Caraïbes Exotiques

- M. Frantz René-Louis-Arthur, président de l’association martiniquaise interprofessionnelle de viande (AMIV)

- M. Philippe Degras, secrétaire général de l’AMIV

OPMR de Martinique

- M. Jean-Luc Maron, Président des OPMR de Guadeloupe, Guyane et Martinique

- Mme Claude Giraud-Dumont, vice-présidente, représentante de la CFDT

- Mme Denise Marie, présidente de l’association départementale des consommateurs de la Martinique

Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA)

- M. Tanneguy Descazeaud, ex directeur général délégué

- M. Philippe Guy, directeur général délégué3

Parlementaires

- M. Alfred Marie-Jeanne, député

- M. Jean-Philippe Nilor, député

IEDOM Agence de la Martinique

- M. Victor-Robert Nugent, directeur

- M. Nicolas Brun, responsable du service études

INSEE Agence régionale

- M. Didier Blaizeau, directeur régional

- M. Nicolas Prud’homme, directeur de l’antenne Martinique

Association martiniquaise pour la promotion de l’industrie

- M. Hervé Toussay, président, gérant de la société La Tivolienne

- M. Pierre-Marie Joseph, vice-président

Syndicat de la distribution et des grossistes alimentaires

- M. Robert Parfait, président

- M. Alex Alivon, secrétaire général

Déplacement en Guadeloupe le 24 avril 2015

Préfecture

- M. Jacques Billant, préfet

- M. Éric Berthon, secrétaire général pour les affaires régionales

- M. Maxime Cuenot, adjoint au secrétaire général pour les affaires régionales

Conseil régional

- M. Victorin Lurel, président, ancien ministre

Mairie de Pointe-à-Pitre

- M. Jacques Bangou, maire

DIECCTE

- M. Louis Mazari, directeur

- Mme Véronique Guibert-Brand, inspecteur expert, responsable du département protection économique des consommateurs

- M. Roger Beaumont, inspecteur principal

CMA-CGM

- M. Thierry Souladié, directeur régional

Association des moyennes et petites industries de la Guadeloupe

- M. Didier Payen, 1er vice-président, société WIPACK

- M. Xavier Bourdillon, société CRAF

- M. Christophe Waechter, secrétaire général

Déplacement à Mayotte du 25 au 27 mai 2015

Préfecture

- M. Alain Faudon, secrétaire général aux affaires régionales

- M. Thibaut Prémoli, chargé de mission

Association des maires de Mayotte

- M. Said Omar Oili, Président, maire de Dzaoudzi-Labattoir

Vindemia Mayotte

- M. Marc Berlioz, directeur

- M. Tristan Ledier, responsable achat

Total Mayotte – Société mahoraise de stockage des produits pétroliers

- M. Nicolas Favre, président

DIECCTE

- Mme Monique Grimaldi, directrice

- M. Gérard Yeselnick, inspecteur expert

Table ronde sur la production locale, lycée agricole de Coconi

Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt

- M. Daniel Laborde, directeur

- M. Kévin Poveda, chef service Europe

- M. Éric Bianchini, chef service économie agricole

Lycée agricole de Coconi

- M. Guy Sommer, proviseur Lycée agricole

- Mme Laetitia Vannesson, directrice de l’exploitation du lycée

Chambre de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte

- M. Mouslim Payet, président

- Mme Nailaty Boura M’Colo, directrice par intérim

La coopérative agricole des éleveurs mahorais (éleveurs)

- M. Mohamed Boinahery, président

- M. Denis Nole, directeur

Coopérative des agriculteurs du centre (maraichers)

- M. Fouadi Salim, président

- Mme Aurélie Hoffmann, chargée de mission

« Saveur et senteurs de Mayotte » (transformateurs des produits locaux)

- M. Chadouli Soulaimana, président

- Mme Morgane Moenne, chargée de mission

Agri Evolution Maoré

- M. Ahmed Chamsidine, membre

- M. Nizari Mdallah membre

Coopérative mahoraise d’aviculture

- M. Hassan Said, président

- M. Michel Dusom, coordinateur

Jeunes Agriculteurs *

- M. Harouna Elhaddine, président

Parlementaires

- M. Ibrahim Aboubacar, député

- M. Boinali Said, député

OPMR de Mayotte

- M. Jamel Mekkaoui, chef du service régionale INSEE Mayotte

Table ronde avec le secteur bancaire

- M. Yves Mayet, directeur de l’agence de l’IEDOM à Mayotte

- M. Christian Montes, directeur de la Banque postale à Mayotte*

- Mme Nadia Berrouachdi, directrice des agences de Mayotte du Crédit agricole*

- M. Yves Farinas, directeur de la Bred – Banque populaire à Mayotte

- Mme Muriel Pareti, responsable de la clientèle commerciale de la Banque de La Réunion à Mayotte

Déplacement à La Réunion du 28 au 29 mai 2015

Préfecture

- M. Dominique Sorain, préfet

- M. Thierry Devimeux, SGAR

- M. Maurice Barate, secrétaire général

- Mme Chantal Ambroise, sous-préfète de Saint-Paul

- M. Fabrice Thibier, chargé de mission SGAR

Conseil régional

- Mme Fabienne Couapel-Sauret, vice-présidente

Conseil départemental

- M. Jean-Jacques Morel, vice-président

- M. Ismaël Locat, directeur général des services.

Mairie de Saint-Denis

- M. Gilbert Annette, maire

Table ronde sur la production locale (préfecture de La Réunion)

- M. Louis Biannic, directeur de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt

- M. Erwan Brenaut, président de l’interprofession, groupe GHB

- Mme Marina Féat-Gultzgoff, secrétaire générale Aribev et Ariv.

Océane Production

- M. Panéchou, gérant

Mascarin

- M. Frédéric Auché, président-directeur général

Société réunionnaise de produits pétroliers (SRPP)

- M. Joël Maes, directeur général délégué

- M. Cheikh Diallo, directeur administratif et financier

Table ronde sur les négociations du BQP (préfecture de La Réunion)

- M. Philippe Maillard, fédération du commerce et de la distribution (FCD) *

- Mme Françoise Delmont-de Palmas, association pour le développement industriel réunionnais (ARIV)

- M. Patrick Hoareau, fédération régionale des coopératives agricoles de La Réunion (FRCA)

OPMR La Réunion

- M. Francis Nival, président

- M. Pascal Fortin, chargé de mission SGAR

- M. Joël Rivière Mazeau, représentant de l’association UCOR (information et défense consommateurs)

- M. Jean-Louis Dumas, président de l’UFC-Que choisir La Réunion

- M. Nicolas de Launay, CFTC

- M. Michel Ah Toy, CFE/CGC

DIECCTE

- M. Gérard Cherrier, directeur départemental 1ère classe, responsable du Pôle C

- M. Philippe Noël

- M. Didier Billaud

- M. Nicolas Martin

IEDOM Agence de La Réunion

- M. Thierry Beltrand, directeur

4 juin 2015

Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE)

- M. Jean-Luc Tavernier, directeur général

- M. Pascal Chevallier, chef de division

Union Fédérale des Consommateurs – Que Choisir

- M. Maxime Chipoy, responsable du département des études

- M. Olivier Andrault, chargé de mission agriculture et alimentation.

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

ANNEXE

Les décrets « carburants » de 2013

Les trois décrets de 2013 établissent les règles de fixation des prix des produits pétroliers dans les cinq DOM en reprenant la méthodologie définie par les décrets de 2010 et 2012. Les décrets de 2013 maintiennent ainsi la structure de prix à trois étages : prix des produits pétroliers ; fiscalité ; marges et prix de gros et de détail.

Les trois arrêtés de méthode du 5 février 2014, qui précisent les dispositions des décrets, modifient toutefois certains paramètres du calcul et changent les niveaux de rémunération des trois sociétés pétrolières (SARA aux Antilles-Guyane, SRPP à La Réunion et SMSPP à Mayotte). Ces nouvelles modalités sont à la source d’une situation de tension entre l’État et ces sociétés qui a conduit à l’impossibilité de mettre en œuvre les nouvelles grilles de calcul.

I. Les règles de calcul des prix des carburants dans les cinq DOM :

A – Les prix des carburants dans les 3 DFA (146) :


+


+


=


Le « prix sortie SARA », calculé chaque mois, est le prix permettant à la raffinerie de dégager un chiffre d’affaires, suffisant pour permettre d’assurer son bon fonctionnement. Il se calcule de la façon suivante :

1) Chaque mois, est déterminé le « chiffre d’affaire mensuel d’équilibre » (CAME) qui s’obtient en additionnant l’ensemble des coûts et la rémunération des capitaux :

Ensemble des coûts soit :

Les coûts d’approvisionnement de la raffinerie :

- Approvisionnement en pétrole brut (147) ;

- Approvisionnement en produits importés, finis ou en services finis ;

- Honoraires, primes non cotées (en présence des factures) ;

Les coûts de raffinage et de logistique mutualisés de la raffinerie reposant sur les comptes certifiés de la SARA de l’année n - 1 (148) : ils doivent faire apparaître une ligne concernant le transport du produit raffiné vers la Guyane et la Guadeloupe et une ligne relative au coût du passage en dépôt.

Rémunération des capitaux :

Fixée à un taux de 9 % des capitaux propres de la SARA (149) pour les activités de raffinage et de stockage.

2) Le « CAME » ainsi obtenu permet de calculer le « prix pivot d’équilibre » (exprimé en euro/tonne) résultant de l’opération suivante :

Chiffre d’affaire mensuel d’équilibre

/

Quantité mensuelle de tous les produits réglementés commercialisés au mois n - 1

Ce « prix pivot d’équilibre » est un prix moyen théorique de production de la SARA, tout produit réglementé confondu.

3) Le « prix pivot d’équilibre » permet le calcul du prix mensuel « sortie » de la raffinerie hors taxe selon l’opération suivante :

Prix pivot d’équilibre

X

Coefficient de commercialité du prix représentatif du prix de chaque produit particulier concerné (150)

=

Prix de sortie SARA pour chaque produit pétrolier

4) Ce prix est enfin arrondi selon un système de gestion des arrondis pris en charge par la SARA

B – Les prix des carburants (151) à La Réunion et à Mayotte :


+


+


+


=


II. La mise en œuvre difficile de la réforme de la réglementation des prix des carburants :

La réforme de la réglementation du prix des produits pétroliers dans les outre-mer devait permettre, selon le Gouvernement (152) :

- d’accroître la transparence sur les modalités de fixation des prix. Les arrêtés détaillent en effet à chaque stade les éléments constitutifs de la formation des prix (fixation de la cotation de référence et exclusion de tout autre élément non coté et non facturé). « Cette disposition permet un meilleur contrôle des services de l’État et une meilleure acceptation sociale » ;

- d’accroître la transparence sur la rentabilité dégagée par les opérateurs et en particulier des entreprises en situation de monopole ou d’oligopole. Les résultats sont désormais rendus publics ;

- de réduire la rémunération perçue par les sociétés en situation de monopole. Ainsi le résultat net de la SARA s’élevait à environ 33 millions d’euros entre 2011 et 2013 et devrait être ramené à 20 millions d’euros par les effets de la nouvelle réglementation. Depuis 2008, le résultat net moyen de la SRPP s’élevait à 3,5 millions d’euros et pourrait être diminué de moitié avec l’application du nouveau décret (153).

À la suite d’une contestation forte de la SARA, une mission conduite par l’Inspection générale des finances s’est rendue en Martinique en avril 2015 pour identifier les éléments de désaccords persistants entre l’État et cet opérateur. Lors de leurs auditions avec les représentants de la SRPP et de la SMSPP, vos rapporteurs ont également été interpellés sur les conséquences des nouvelles règles de rémunération qui auraient pour conséquence, d’après ces sociétés, de menacer à terme la capacité de financement des investissements à La Réunion et à Mayotte (stocks stratégiques, développements portuaire et économique, sécurité, environnement). La SRPP a en particulier mis en avant les lourds investissements réalisés en 2008, ayant conduit à l’augmentation d’un tiers de ses capacités de stockage de carburants et qui n’ont pas encore été amortis.

Au moment de rendre leurs conclusions, vos rapporteurs constatent que la situation n’est pas encore réglée. Il leur est difficile d’analyser plus en détail les divergences entre l’État et les opérateurs sur l’application des décrets « Lurel » : tout d’abord parce qu’ils ne disposent pas de l’ensemble des éléments nécessaires et ensuite parce que ces nouvelles modalités de fixation des prix ne résultent pas directement de l’application de la LREOM. Ils souhaitent en revanche que la lumière soit faite sur les raisons de ces désaccords persistants afin que l’ambition initiale de la réforme d’accroître la transparence soit suivie d’effet. Ainsi, le rapport de la mission de l’Inspection générale des finances, qu’il n’a pas été permis à vos rapporteurs de consulter (154), pourrait être rendu public après avoir été expurgé de toutes les données confidentielles liées au secret de l’entreprise. De même, il apparaîtrait opportun de tenir informés régulièrement les présidents des OPMR de l’évolution des négociations, afin que les observatoires puissent jouer leur rôle de vigie sur la question du prix des carburants.

1 () Si l’on excepte les lois à caractère financier.

2 () Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

3 () La LREOM comportait, il est vrai, de nombreuses dispositions d’application directe.

4 () Les gouvernements de la Nouvelle Calédonie et de la Polynésie française disposent en effet de l’ensemble des compétences en matière de prix et de concurrence depuis la modification de leur statut institutionnel, respectivement, en 1999 et 2004.

5 () Décision 15-D-14 du sur les pratiques mises en œuvre par les sociétés Bolton Solitaire SA, Danone SA, Johnson & Johnson Santé et Beauté France et Pernod-Ricard dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation outre-mer, cf. infra.

6 () Les données présentées dans cette partie ne concernent que les cinq DOM, la production statistique dans les autres territoires étant moins régulière et développée.

7 () Avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer.

8 () Note n° 340 – Baisse durable de l’inflation dans les outre-mer - juillet 2015.

9 () Les taux d’inflation des produits alimentaires pour 2014 sont extraits des indices de prix à la consommation mensuels de décembre 2014 publiés en janvier 2015 par les INSEE régionaux. Ces taux sont calculés en comparant les taux des mois de décembre 2013 et de décembre 2014, et ne sont donc pas des taux annuels.

10 () Les prix à la consommation aux Antilles-Guyane, Antianéchos n° 43, INSEE Antilles-Guyane, juin 2014.

11 () Lecture : en Martinique, les prix des produits alimentaires issus d’un panier métropolitain sont supérieurs de 44,6 % par rapport à la métropole ; en métropole, les prix des produits alimentaires issus d’un panier martiniquais sont inférieurs de 13,8 % ; un panier de produits alimentaires pondéré coûte 30 % plus cher en Martinique qu’en métropole.

12 () Réponse écrite de l’INSEE à une question de vos rapporteurs.

13 () Les prix à la consommation aux Antilles-Guyane, déjà cité.

14 () Enquête Budget de famille 2011. L’alimentation, première préoccupation des ménages les plus modestes. INSEE Analyse n° 2 – La Réunion, août 2014.

15 () Enquête Budget de famille. Entre faiblesse des revenus et hausse de la consommation. INSEE Analyses n° 3 – Mayotte, décembre 2014.

16 () Rapport d’information n° 710 fait au nom de la délégation sénatoriale à l’outre-mer sur les niveaux de vie dans les outre-mer, Éric Doligé et Michel Vergoz, juillet 2014.

17 () Décision 15-D-14 du sur les pratiques mises en œuvre par les sociétés Bolton Solitaire SA, Danone SA, Johnson & Johnson Santé et Beauté France et Pernod-Ricard dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation outre mer.

18 () D’après les informations obtenues par vos rapporteurs, le président de l’Autorité, Bruno Lasserre, aurait en revanche manifesté un besoin de recrutement dans la perspective de la mise en œuvre de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

19 () Selon les termes de l’étude d’impact annexé au projet de loi, p. 19.

20 () Ibid.

21 () Avis n° 13-A-21 du 27 novembre 2013 relatif aux projets de décret réglementant le prix des carburants et du gaz de pétrole liquéfié dans les départements d’outre-mer.

22 () Cf. infra.

23 () Décret n° 2013-1314 du 27 décembre 2013 réglementant les prix des produits pétroliers ainsi que le fonctionnement des marchés de gros pour la distribution de ces produits dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique.

24 () Décret n° 2013-1315 du 27 décembre 2013 réglementant les prix des produits pétroliers ainsi que le fonctionnement des marchés de gros pour la distribution de ces produits dans le département de La Réunion.

25 () Décret n° 2013-1316 du 27 décembre 2013 réglementant les prix des produits pétroliers ainsi que le fonctionnement des marchés de gros pour la distribution de ces produits dans le Département de Mayotte.

26 () L’annexe à ce rapport apporte, d’une part, des précisions s’agissant des règles de calcul des prix des carburants que ces décrets prévoient dans les cinq DOM , et traite, d’autre part, de la difficile mise en œuvre de la réforme de la réglementation..

27 () Avis n° 13-A-21, déjà cité.

28 () - Arrêté du 5 février 2014 relatif à la mise en œuvre du décret n° 2013-1314 du 27 décembre 2013 (pour la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique).

- Arrêté du 5 février 2014 relatif à la mise en œuvre du décret n° 2013-1315 du 27 décembre 2013 (pour La Réunion).

29 () Notamment au sein de la doctrine. Voir par exemple, Christian Montet et Florent Venayre, La loi REOM contre la vie chère outre-mer : Une construction difficile entre concurrence et administration des prix. Revue Lamy de la concurrence, 2013, 35 (Avril-Juin), pp. 131-140.

30 () Audition de M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, sur les problèmes de concurrence outre-mer. Compte rendu de la séance du mercredi 4 décembre 2013.

31 () Intervention du ministre lors de la discussion générale devant la commission des affaires économiques, séance du 2 octobre 2012.

32 () Voir la décision n° 13-D-15 du 25 juin 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport maritime de fret entre l’Europe du nord et les Antilles française.

33 () Disponible sur la page de l’OPMR de Mayotte sur le portail : http://observatoire-outre-mer.interieur.gouv.fr/site/Obs.-prix-marges-et-revenus/Travaux-des-Observatoires/Mayotte/Etudes.

34 () Rapport biennal 2013-2014 de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, sous la présidence de Chantal Berthelot, députée de la Guyane, octobre 2014. Voir, en particulier, pp. 239 à 241.

35 () La réglementation de ce secteur a été fortement inspirée par un avis de l’Autorité de la concurrence du 24 juin 2009 (n° 09-A-21) relatif à la situation de la concurrence sur les marchés des carburants dans les départements d’outre-mer.

36 () Cf. supra.

37 () Avis 09-A-45 déjà cité.

38 () Le circuit long inclut un intermédiaire supplémentaire par rapport aux circuits courts, à savoir les importateurs-grossistes ou agents de marque.

39 () Décision n° 10-SO-01 du 29 janvier 2010, non disponible sur le site de l’Autorité de la concurrence.

40 () Décision n°14-SO-06 du 14 octobre 2014, également non disponible.

41 () http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?id_rub=617&id_article=2543.

42 () Il s’agit de Bolton Solidaire SA, Danone SA, Johnson et Johnson Santé et Beauté France et Pernod-Ricard.

43 () Décision 15-D-14 du sur les pratiques mises en œuvre par les sociétés Bolton Solitaire SA, Danone SA, Johnson & Johnson Santé et Beauté France et Pernod-Ricard dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation outre-mer.

44 () D’après les chiffres communiqués par la Fédération du commerce et de la distribution des outre-mer (FCD), membre de la Fédération des entreprises d’outre-mer (FEDOM).

45 () Sodifram (89 M€ de chiffre d’affaire), BDM-SNIE (70 M€ de CA) et Somaco (26 M€ de CA).

46 () Ho Hio Hen, GHB, NG Kontia, Jan Du, Fabre.

47 () Voir III de la présente partie de ce rapport concernant les magasins impliqués dans le BQP.

48 () Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

49 () Selon les termes de l’étude d’impact annexé au projet de loi.

50 () Avis n° 13-A-20 du 7 novembre 2013 relatif au projet d’agrandissement du principal magasin de distribution alimentaire de Saint-Barthélemy.

51 () Réponse écrite à une question de vos rapporteurs.

52 () Commission nationale d’aménagement commercial n° 2025T-2026T-2030T-2037T du 27 novembre 2013.

53 () Troisième considérant de la décision.

54 () Réponse écrite à une question de vos rapporteurs.

55 () Décision 14-DCC-34 du 18 mars 2014 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs de la société GD Sainte-Rose et de la SARL du Sud par la société Soco Sainte-Rose (groupe Parfait).

56 () L’Autorité de la concurrence dispose de ce pouvoir depuis la loi de modernisation de l’économie de 2008. Pour un rappel du dispositif, on se réfèrera utilement au rapport n° 2498 de l’Assemblée nationale fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour la croissance et l’activité, 19 janvier 2015. En particulier, les développements concernant l’article 11 et le compte rendu des débats parlementaires sur cette question en commission, dont on mesurera la constance par rapport à ceux ayant eu lieu sur la LREOM (p. 286 à 311).

57 () Décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, voir en particulier les considérants 27 à 32.

58 () Principe fixé par l’ordonnance du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence.

59 () Réponse écrite de l’Autorité faite à une question de vos rapporteurs.

60 () Lors de la discussion du texte en séance publique à l’Assemblée nationale. Cet amendement a été soutenu par les groupes Gauche démocrate et républicaine, Union des démocrates indépendants et Écologistes.

61 () Voir le compte rendu de la 2e séance publique du mercredi 10 octobre 2012, après l’article 1erter.

62 () Les agents des pôles C des DIECCTE ont en effet regretté leur incapacité à contrôler concrètement cette disposition, ne disposant pas de seuil chiffré pour les surfaces de vente réservées.

63 () L’article 1er de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer étend le dispositif du BQP à Saint-Martin.

64 () Selon les mots conclusifs du même représentant de la DGCCRF lors de son audition.

65 () Décret n° 2012-1459 du 26 décembre 2012 relatif aux accords annuels de modération des prix de produits de grande consommation de l’article L. 410-5 du code de commerce.

66 () Rapport biennal 2013-2014 de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, déjà cité. Voir en particulier le chapitre 2 et les recommandations relatives aux mécanismes de formation des prix et à leur niveau (pp. 109-152).

67 () Malgré de nombreuses relances du cabinet de la ministre, il n’a pas été donné à vos rapporteurs l’occasion de consulter ces notes.

68 () Communiqué de la ministre des outre-mer du 31 mars 2015 après l’entrée en vigueur des boucliers qualité-prix 2015.

69 () Une mise à jour plus régulière du portail des OPMR sur le site de l’Observatoire des outre-mer du ministère de l’Intérieur serait à envisager. La proposition sera faite par vos rapporteurs dans ce rapport (cf. IV de la présente partie).

70 () Selon la réponse écrite fournie par la DGCCRF à vos rapporteurs.

71 () Cf. infra.

72 () Note adressée à vos rapporteurs par l’intermédiaire de la Fédération des entreprises d’outre-mer (Fedom).

73 () Voir la décision n° 13-D-15 déjà citée.

74 () Outre la baisse du prix du pétrole, le contexte très concurrentiel du marché mondial du fret maritime dû à une surcapacité des compagnies explique aussi cette diminution.

75 () Les trois listes ne différent que de un à trois produits sur plus d’une centaine, pour un prix variant de seulement trois euros sur 360 euros.

76 () D’après les chiffres de la Fédération du commerce et de la distribution des outre-mer (FCD), membre de la Fedom.

77 () Grâce à l’emploi d’un agent en service civique.

78 () Voir supra.

79 () À Wallis-et-Futuna, le BQP 2015 est composée d’une liste de 23 produits alors que celle des années 2013 et 2014 ne comprenaient, respectivement, que 11 et 13 produits. L’évolution des prix entre 2013 et 2015 n’a donc aucune signification. L’accord de modération de 2015 établit le prix de la liste à 21 330 francs CFP, soit environ 179,2 euros.

80 () Communiqué de presse du 2 mars 2015 : « 2015, renforcement du BQP avec la mise en place du 1er panier santé ».

81 () Ce taux tient compte des substitutions opérées en cas de rupture de stock.

82 () Coût de l’opération par département : environ 20 000 euros.

83 () www.bqp.re.

84 () www.zoban.gp.

85 () Réponse écrite à une question posée par vos rapporteurs.

86 () Note de la DIECCTE sur le bilan du BQP 2014, février 2015.

87 () Rapport déjà cité.

88 () On citera notamment le rapport d’information n° 1510, fait au nom de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale, sur les agricultures dans les outre-mer, Chantal Berthelot et Hervé Gaymard, novembre 2013. En particulier le IV « Le développement indispensable des filières agricoles : s’appuyer sur le POSEI pour améliorer la structuration des filières et pour favoriser des démarches commerciales dynamiques fondées sur la qualité » (pp. 84 et suivantes).

89 () Voir supra, p. 61.

90 () Rapport d’information de l’Assemblée nationale n° 2942 sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires, Brigitte Allain et Jean-Charles Taugourdeau, juillet 2015.

91 () Loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière.

92 () Loi n° 2013-1029 du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions sur l’outre-mer.

93 () Loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

94 () Selon l’exposé des motifs de l’amendement parlementaire à l’origine de cette disposition.

95 () Selon les termes utilisés lors de leur audition par les représentants de l’IEDOM-IEOM.

96 () Accords du 8 décembre 2014 en Polynésie française et du 15 décembre 2014 en Nouvelle-Calédonie.

97 () Projets consultés en Guadeloupe et Martinique.

98 () Loi n°2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique.

99 () Réponse écrite de la DGCCRF à une question de vos rapporteurs.

100 () L’amendement a été adopté au cours de la discussion du texte devant votre commission.

101 () Décret n° 2007-662 du 2 mai 2007 relatif à la création d'un observatoire des prix et des revenus en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

102 () On citera notamment la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, la LODEOM qui prévoit la publication par les OPR d’un rapport trimestriel (et non plus annuel) sur la comparaison des prix, notamment avec ceux pratiqués en métropole, mais aussi la loi n° 2012-260 du 22 février 2012 portant réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État et diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’UE dans le domaine des transports.

103 () Décret n° 2010-763 du 6 juillet 2010 relatif au fonctionnement de l’observatoire des prix et des revenus en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

104 () Rapport déjà cité.

105 () Un observatoire des prix existait à Wallis-et-Futuna depuis mai 2009, sur le fondement d’un arrêté du préfet, administrateur supérieur. La LREOM lui donne donc une base légale et lui confère l’ensemble des prérogatives des OPMR.

106 () Décret n° 2013-608 du 9 juillet 2013 relatif aux modalités de désignation des membres de l’observatoire des prix, des marges et des revenus en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et aux îles Wallis et Futuna.

107 () Compte rendu de la 2ème séance du 10 octobre 2012, déjà cité.

108 () Loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer (article 1er).

109 () Les OPMR de Saint Martin et Saint Barthélemy n’ont pas encore été mis en place. En effet, il est au préalable nécessaire de modifier par décret l’article D. 910-1 C du code de commerce afin de prévoir la composition précise de chaque observatoire, compte tenu des spécificités institutionnelles de chacune des deux collectivités concernées. Selon les informations recueillies par vos rapporteurs, ce travail de rédaction pourrait aboutir à une publication du décret à la fin du premier semestre 2016. Le ministère des outre-mer saisira ensuite la Cour des comptes dont le premier président nomme, en application de l’article L. 910-1 B du code de commerce, le président de chaque observatoire par arrêté.

110 () D’après les informations recueillies par vos rapporteurs, un déplacement du président de l’OPMR, résidant en Guadeloupe, génère des frais d’avion et d’hôtel d’environ 2 000 euros. Le président effectue quatre à cinq visites en Guyane par an.

111 () En particulier celui de la scission de l’Université Antilles-Guyane qui a pris effet le 1er janvier 2015 avec la création d’une université de Guyane et d’une université des Antilles (loi n° 2015-737 portant transformation de l'université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles, ratifiant diverses ordonnances relatives à l'enseignement supérieur et à la recherche et portant diverses dispositions relatives à l'enseignement supérieur).

112 () Le président de l’OPMR de Saint-Pierre-et-Miquelon réside en métropole et celui de Wallis-et-Futuna en Nouvelle-Calédonie.

113 () Réponse écrite faite à vos rapporteurs.

114 () Décret n° 2013-608 du 9 juillet 2013.

115 () Ce cas de figure a été évoqué, par exemple, en Guadeloupe et à Wallis-et-Futuna.

116 () 1,5 actuellement, le président des OPMR de La Réunion et de Mayotte étant un magistrat à la retraite.

117 () Que vos rapporteurs n’ont pu consulter malgré plusieurs relances du cabinet de la ministre des outre-mer.

118 () http://www.opmr.re/, cf. supra.

119 () Cf. infra.

120 () « Dédier à chaque OPMR au moins un emploi de cadre permanent et assurer la prise en compte des frais de fonctionnement afférents, indépendamment du budget études des observatoires ». Recommandation n° 2 du rapport sur les niveaux de vie dans les outre-mer, déjà cité.

121 () Proposée par l’association CFTC-consommateurs de La Réunion.

122 () http://observatoire-outre-mer.interieur.gouv.fr/site.

123 () Voir I de la présente partie et, en particulier, l’encadré n° 1.

124 () Cf. infra.

125 () Rapport sur les niveaux de vie outre-mer, déjà cité.

126 () Voir supra, p. 20.

127 () Loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques.

128 () Rapport sur les niveaux de vie outre-mer, déjà cité.

129 () Loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer.

130 () Voir le II de la présente partie de ce rapport.

131 () Voir le III-A de la présente partie de ce rapport.

132 () Office agricole français ayant pour mission d'appliquer, en France, certaines mesures prévues par la Politique agricole commune, et de réaliser certaines actions nationales en faveur des différentes filières agricoles.

133 () Le « yield management » est une technique de tarification flexible qui repose sur la segmentation de la clientèle permettant d’identifier son comportement et de construire des classes tarifaires adaptées aux différentes clientèles. Cette politique permet de maximiser le chiffre d’affaire par vol en jouant sur les variables des prix et des coefficients d’occupation.

134 () Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

135 () Compte rendu de la 2e séance publique du mercredi 10 octobre 2012, Assemblée nationale. Intervention de Mme Gabrielle Louis-Carabin, après l’article 7.

136 () Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

137 () Intervention de Mme Gabrielle Louis-Carabin.

138 () Rapport déjà cité, pp. 30-31.

139 () Voir le B du III de la première partie.

140 () Par l’article 35 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

141 () Vos rapporteurs s’appuient en partie sur le travail de recensement des textes d’application de la loi de régulation économique outre-mer réalisé par le Sénat.

142 () Vos rapporteurs notent toutefois qu’une ordonnance a été prise dans ce domaine à l’été 2015, mais sur la base de l’autorisation législative donnée par l’article 52 de loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites. Il s’agit de l’ordonnance n° 2015-897 du 23 juillet 2015 relative au régime d'assurance vieillesse applicable à Mayotte.

143 () L’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales prévoit en effet des exceptions en ce qui concerne différentes opérations : menées dans le cadre de la rénovation urbaine ; en matière de rénovation des monuments protégés et en matière d’eau potable et d’assainissement, d’élimination des déchets, de protection contre les incendies de forêts et de voirie communale ; destinées à réparer les dégâts causés par les calamités publiques ; financées par le Fonds européen de développement régional dans le cadre d'un programme de coopération territoriale européenne.

144 () Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

145 () Il est par ailleurs président de la chambre de commerce et d’industrie de Martinique.

146 () Le prix fixé est un prix maximal, chaque opérateur, grossiste ou détaillant, peut décider de pratiquer des prix et marges inférieurs dans la limite de l’interdiction de ne pas revendre à perte.

147 () Le décret de 2013 améliore la transparence pour le calcul de ce coût : il se base sur la seule cotation Platt’s de la zone effective d’approvisionnement, « à l’exclusion de tout élément non côté » (d’après l’Autorité de la concurrence, cette mention « permet de mieux distinguer ce qui relève d’un prix de marché côté et ce qui relève d’un coût exposé par l’entreprise régulée » (avis n° 13-A-21)).

148 () Auparavant ces coûts étaient calculés sur le budget prévisionnel de l’entreprise.

149 () Sous l’empire du décret de 2010, la rémunération résultait d’un taux de 8 % des capitaux mis en œuvre pour l’activité de raffinage et de 12 % des capitaux mis en œuvre pour l’activité de stockage. Cette modification constitue le nœud du problème entre l’État et les sociétés pétrolières qui considèrent que la nouvelle modalité centrée sur les capitaux propres ne rémunère pas suffisamment les investissements.

150 () Calculé pour chaque produit pétrolier, ce coefficient intègre le poids de chaque produit dans le chiffre d’affaire de la SARA.

151 () Les décrets de 2013 modifient les deux mêmes paramètres que pour les règles de calcul des prix des carburants dans les DFA :

- au niveau du prix des importations : ils sont déterminés sur la base de la cotation Platt’s de la zone effective d’approvisionnement à l’exclusion de tout élément non côté (voir note 1 de la page précédente) ;

- au niveau du prix de passage en dépôt et d’embouteillage : sous l’empire des décrets de 2010 et 2012, la rémunération de la SRPP et de la SMSPP était fixée à 12 % des capitaux mis en œuvre dans l’activité de stockage, contre désormais 9 % des capitaux propres des sociétés pétrolières.

152 () D’après une note transmise à vos rapporteurs.

153 () D’après les chiffres communiqués à vos rapporteurs lors de l’audition des représentants de la SRPP à La Réunion.

154 () Malgré plusieurs relances du cabinet de la ministre des outre-mer, ce que vos rapporteurs regrettent vivement.


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