N° 3472 - Rapport d'information de MM. Gilbert Le Bris et Philippe Vitel déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission de la défense nationale et des forces armées, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur l'évolution du rôle de l'OTAN




N
° 
3472

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 février 2016.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

sur l’évolution du rôle de l’OTAN

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Gilbert LE BRIS et Philippe VITEL,

Députés.

——

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

La mission d’information sur l’évolution du rôle de l’OTAN est composée de :

– MM.Gilbert Le Bris et Philippe Vitel, rapporteurs ;

– M. Bernard Deflesselles, Mme Édith Gueugneau, MM. Francis Hillmeyer, Gwendal Rouillard, membres.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

COMPRENDRE L’OTAN D’HIER À AUJOURD’HUI 11

I. L’ÉVOLUTION DES RAISONS D’ÊTRE DE L’OTAN 11

A. À L’ORIGINE, LA DÉFENSE COLLECTIVE POUR PROTÉGER LE BLOC OCCIDENTAL 11

1. La naissance de l’OTAN à l’issue de la Seconde Guerre mondiale 11

2. L’OTAN dans la Guerre froide 11

B. À LA DISSOLUTION DU PACTE DE VARSOVIE, L’OTAN EN QUÊTE D’ELLE-MÊME 13

1. La définition d’un nouveau concept stratégique 14

2. La persistance d’une fragilité européenne 14

C. LA DÉCENNIE 2000, L’IMPRESSION D’UN TÂTONNEMENT 16

1. L’expansion géographique 17

2. La diversification des missions 19

D. LE SOMMET DE LISBONNE, L’HEURE DE LA RÉAFFIRMATION 20

E. LE SOMMET DE NEWPORT, LE RETOUR AUX FONDAMENTAUX 21

1. Le Plan d’action pour la réactivité de l’Alliance (RAP) 21

2. Un plan de soutien à l’Ukraine 23

3. Un engagement budgétaire fort 23

4. Le renforcement de l’interopérabilité 26

II. LE FONCTIONNEMENT DE L’OTAN 26

A. L’ALLIANCE POLITIQUE 26

1. Le Conseil de l’Atlantique Nord 26

2. Les comités de l’OTAN 27

3. L’Assemblée parlementaire de l’OTAN 28

B. L’ORGANISATION MILITAIRE 29

1. Le Comité militaire et l’État-major international 29

2. La structure de commandement de l’OTAN 29

a. Le Commandement allié « Opérations » (ACO) 30

b. Le Commandement allié Transformation (ACT) 32

3. Les capacités militaires de l’OTAN 34

C. LES AUTRES STRUCTURES DE L’OTAN 35

1. Le secrétariat international et le secrétaire général 35

2. Les agences de l’OTAN 35

3. Les centres de formation 36

D. LA COOPÉRATION AVEC LES PAYS PARTENAIRES DE L’OTAN 39

1. Le Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA) 39

2. Le Dialogue méditerranéen de l’OTAN 40

3. L’Initiative de coopération d’Istanbul (ICI) 41

4. Les partenaires mondiaux 42

5. Les relations avec les organisations internationales 42

a. Avec l’OSCE 43

b. Avec l’Union européenne 43

c. Avec l’ONU 45

6. Les relations avec la Russie 45

ÉVALUER LA PLACE DE LA FRANCE DANS L’OTAN 47

I. LA FRANCE ET L’OTAN, UNE HISTOIRE SINGULIÈRE 47

A. LA FRANCE DANS L’OTAN 47

1. Un membre fondateur et actif 47

2. L’apparition des premières tensions 48

B. LA FRANCE « HORS » DE L’OTAN 49

1. Le retrait du commandement militaire intégré en 1966 49

2. Le maintien d’une présence auprès de l’OTAN pendant la Guerre froide 50

3. L’heure des premiers rapprochements 50

C. LE RETOUR DE LA FRANCE DANS LE COMMANDEMENT INTÉGRÉ 52

1. La décision du président Sarkozy 52

2. Le processus de réintégration 52

II. QUEL BILAN DU RETOUR ? 53

A. LE RAPPORT VÉDRINE 53

1. Le refus d’une nouvelle sortie de l’OTAN 53

2. En 2012 : un bilan mitigé 54

B. QUELLES ÉVOLUTIONS DEPUIS 2012 ? 56

1. Les points satisfaisants 56

2. Des questions en suspens 58

a. La question des forces 58

b. Le coût budgétaire 59

c. Le retour sur investissement pour les industriels 60

d. La France assume-t-elle son retour ? 61

PENSER L’OTAN DE DEMAIN : LE SOMMET DE VARSOVIE ET AU-DELÀ 63

I. ADAPTER LES INTERVENTIONS DE L’OTAN EN FONCTION DES THÉÂTRES 63

A. À L’EST, AFFICHER L’ACTION DE L’OTAN 64

a. Les mesures de réassurance 64

b. La question d’une présence permanente 66

B. AU SUD ET AU MOYEN-ORIENT, RECOURIR AUX OUTILS DE L’OTAN 66

a. L’expérience libyenne 66

b. L’OTAN comme réservoir de capacités 67

C. MAÎTRISER L’EXTENSION DU CHAMP D’INTERVENTION DE L’ALLIANCE 68

a. Approfondir l’action en matière de cyberdéfense 68

b. Poursuivre l’action en matière de lutte contre le terrorisme 70

c. Prévenir la tentation de la dispersion tout en restant vigilant 72

d. Approfondir l’interopérabilité des forces 73

II. PRÉCISER LA COMPLÉMENTARITÉ ENTRE L’OTAN ET SES PARTENAIRES 77

A. PRENDRE EN COMPTE LE PIVOT STRATÉGIQUE AMÉRICAIN 77

B. L’APPROFONDISSEMENT DES RELATIONS ENTRE L’OTAN ET L’UE 78

C. PRÉCISER L’ARTICULATION DES ACTIONS DE L’ONU ET DE L’OTAN 81

III. PRÉPARER LE SOMMET DE VARSOVIE 82

A. LES ENJEUX DU SOMMET 82

1. L’ordre du jour prévisionnel 82

2. La question de l’élargissement 83

B. FAIRE ENTENDRE LA VOIX DE LA FRANCE 84

1. Quelle position française à Varsovie ? 84

2. La vision française de l’OTAN 85

CONCLUSION 87

TRAVAUX DE LA COMMISSION 89

ANNEXE : AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DE LA MISSION D’INFORMATION 109

INTRODUCTION

Au lendemain des effroyables attentats qui ont frappé Paris le 13 novembre dernier, nombreux sont ceux qui en ont appelé à l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord, aux termes duquel : « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord. (…) ». Si, finalement, c’est l’article 42, alinéa 7, du Traité sur l’Union européenne (1) que le président de la République et le ministre de la Défense ont invoqué, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a semblé être perçue comme un recours immédiat face à une attaque armée contre l’un de ses membres. Ce réflexe surprend. En effet, l’OTAN demeure méconnue dans notre pays, ses détracteurs sont encore nombreux et elle semblait encore il y a peu en quête d’identité et de légitimité.

Conçue en 1949 pour répondre à la menace soviétique, l’OTAN aurait pu être dissoute en même temps que le Pacte de Varsovie. La fin de la Guerre froide, marquée par l’effondrement de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), privait en effet l’Alliance atlantique et son organisation militaire, l’OTAN, de son ennemi historique, et par là même de sa raison d’être. La persistance d’une fragilité européenne, particulièrement liée à la poudrière des Balkans, a un temps éloigné les critiques formulées à l’encontre de l’OTAN, avant que les attentats du 11 septembre 2001 ne la fassent basculer dans une nouvelle ère d’élargissement de ses missions. La crise russo-ukrainienne ouverte depuis l’automne 2013 a recentré l’OTAN sur ses fondamentaux, avec la réapparition d’une menace russe dont l’ombre plane sur les États les plus orientaux de l’Union européenne. Mais malgré cette résurgence d’une opposition « est-ouest », dont la ligne de fracture s’est déplacée, l’OTAN n’est évidemment pas aujourd’hui la même organisation que lors de sa fondation.

Si le rôle de l’OTAN présente certaines constantes, cette alliance a déjà connu de profondes évolutions depuis sa création, sans équivalent par rapport à d’autres organisations internationales (Organisation des Nations unies, Fonds monétaire international, Banque mondiale). La transformation continue de l’Alliance lui a permis de s’adapter, et d’intervenir dans des contextes de crise où sa légitimité était initialement contestée. Son évolution constante est une condition de sa permanence, et c’est d’ailleurs le sens des conclusions du Sommet de Lisbonne (2010), qui « engage l’OTAN à se réformer continuellement ».

Vos rapporteurs sont convaincus de l’utilité de l’OTAN.

La crise russo-ukrainienne, la menace terroriste, incarnée par Daech, la cybercriminalité comme les nombreux conflits du futur, rendent plus que jamais nécessaire l’existence d’une alliance qui a porté la renaissance de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale, contribué à mettre un terme à la Guerre froide, fait ses preuves en Bosnie, au Kosovo, en Afghanistan ou en Libye, conformément au mandat que les nations qui la composent ont souhaité lui confier.

Pour autant, de nombreuses questions méritent d’être posées quant à l’évolution future du rôle de l’OTAN, alors même que le Sommet de Varsovie, qui se tiendra les 8 et 9 juillet prochains, sera en partie consacré à « l’adaptation à long terme de l’Alliance ». Parfois perçue comme une agence de sécurité collective, l’OTAN ne peut devenir le bras armé de l’ONU, intervenir dans tous les domaines et sur tous les terrains. De même, après plusieurs élargissements ayant conduit à l’intégration dans l’OTAN d’anciens membres du Pacte de Varsovie – la politique dite de la « porte ouverte » –, l’OTAN doit se prémunir de la tentation de la mondialisation pour demeurer le fer de lance de la défense nord-atlantique et de l’Europe. Par ailleurs, conçue pour répondre à des conflits symétriques, l’OTAN est parfois critiquée pour son inadaptation à des conflits asymétriques.

Le concept stratégique actuel, qui définit la doctrine politico-militaire de l’organisation, a été établi lors du Sommet de Lisbonne. Il précise que « l’Alliance a le devoir et la volonté de continuer à remplir efficacement trois tâches fondamentales essentielles (…) : la défense collective, la gestion de crise, la sécurité coopérative ». C’est donc au regard de ces trois missions qu’il convient d’évaluer le rôle de l’OTAN et l’évolution de celui-ci, et d’analyser si l’Alliance dispose des moyens suffisants pour assurer la sécurité collective dans un monde apolaire. Cette doctrine a été confirmée au Sommet de Newport (2014), qui a aussi été l’occasion pour l’Alliance de concevoir la réponse à apporter à l’agression de l’Ukraine par la Russie.

Mais avant de conduire une analyse de l’évolution de l’OTAN, il convient d’exposer son fonctionnement, et de s’assurer que les préjugés dont elle fait souvent l’objet sont levés. C’est pourquoi la première partie du présent rapport comportera une dimension fortement pédagogique. Il s’agira de permettre au lecteur de comprendre le fonctionnement de l’OTAN aujourd’hui. Vos rapporteurs ne prétendent pas à l’exhaustivité, mais souhaitent délivrer les outils permettant d’appréhender une organisation méconnue, souvent considérée comme une institution « à la botte des États-Unis ».

La France a une relation particulière à l’OTAN. Membre fondateur de l’Alliance, elle a quitté le commandement militaire intégré de l’Organisation en 1966, sur la décision du général de Gaulle. Toujours membre de l’alliance politique, la France a engagé un lent processus de rapprochement de l’organisation militaire au début des années 1990, aboutissant à la réintégration au sein du commandement militaire intégré en 2009, sur la volonté du président Sarkozy. Cette réintégration a été confirmée par le président Hollande, à la suite de la remise, le 14 novembre 2012, du rapport de M. Hubert Védrine sur les conséquences du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, sur l’avenir de la relation transatlantique et les perspectives de l’Europe de la défense. Vos rapporteurs partagent les conclusions de ce rapport, qui encouragent au maintien de la France au sein du commandement militaire intégré, et invitent notre pays à assumer ce retour en influant davantage sur l’évolution de l’OTAN. Trois ans après les conclusions du « rapport Védrine », il conviendra de tenter une nouvelle évaluation des conséquences du retour de la France dans l’OTAN. Tel sera l’objet de la deuxième partie du présent rapport.

Enfin, vos rapporteurs ont souhaité adopter une approche prospective, et contribuer aux réflexions sur l’évolution future de l’OTAN. La résurgence d’une menace à l’est, l’ancrage d’un front au sud et au Moyen-Orient en raison de la menace terroriste et l’apparition de nouvelles sources de déstabilisation, imposent de concevoir l’OTAN de demain, tant du point de vue du champ d’intervention de l’Alliance – géographique et opérationnel – que de son fonctionnement. Au-delà de la préparation du Sommet de Varsovie, vos rapporteurs dresseront, en troisième partie, quelques pistes de réflexion pour renforcer la place de l’OTAN et assurer sa légitimité.

Au terme de nombreuses auditions et de plusieurs déplacements, vos rapporteurs ont été confortés dans leur sentiment initial : l’OTAN est plus que jamais nécessaire.

COMPRENDRE L’OTAN D’HIER À AUJOURD’HUI

I. L’ÉVOLUTION DES RAISONS D’ÊTRE DE L’OTAN

A. À L’ORIGINE, LA DÉFENSE COLLECTIVE POUR PROTÉGER LE BLOC OCCIDENTAL

1. La naissance de l’OTAN à l’issue de la Seconde Guerre mondiale

L’Alliance Atlantique est créée le 4 avril 1949, par la signature du Traité de l’Atlantique Nord. Elle apparaît comme la réponse à l’expansionnisme soviétique dénoncé dès mars 1946 par George Kennan, en poste à l’ambassade américaine à Moscou, et au rideau de fer abaissé « de Stettin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique » selon le fameux mot de Winston Churchill, prononcé le 5 mars 1947.

Face à la menace soviétique, les autorités américaines entendent aider les nations européennes à se reconstruire afin de maintenir leur liberté. La doctrine du président Truman se concrétise dès le mois de juin 1947 avec l’annonce du Plan Marshall.

Le « Coup de Prague », qui amène le parti communiste tchécoslovaque au pouvoir le 25 février 1948, marque le franchissement de la ligne rouge. Un mois plus tard, le 17 mars 1948, le Traité de Bruxelles, qui rassemble le Royaume-Uni, la France et les trois pays du Benelux, met en place l’Union occidentale. L’article 5 de ce traité comporte un engagement d’assistance « automatique » contre toute agression. À la suite du Traité de Bruxelles, les États-Unis reconnaissent que toute attaque contre un membre de l’Union occidentale pourrait être considérée comme une attaque contre eux-mêmes. Le concept de sécurité collective sera finalement traduit dans le Traité de l’Atlantique nord, signé le 4 avril 1949 à Washington par les douze membres fondateurs : Belgique, Canada, Danemark, États-Unis, France, Italie, Islande, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni.

À l’instinct de conservation face à la menace soviétique s’ajoute un impératif idéologique qui cimente la coalition, celui de constituer le bouclier du monde libre.

2. L’OTAN dans la Guerre froide

Le premier concept stratégique de l’OTAN est adopté par le Conseil de l’Atlantique Nord le 6 janvier 1950, sous le nom de « Concept stratégique de la défense de la zone de l’Atlantique Nord » (DC 6/1). La mission principale de l’OTAN est de décourager les agressions. Six mois plus tard, le déclenchement de la Guerre de Corée conduit l’Alliance à engager la consolidation de sa structure militaire : le 26 septembre 1950, le Conseil de l’Atlantique Nord approuve la création d’une force militaire intégrée placée sous commandement centralisé ; le 19 décembre 1950, le général Dwight D. Eisenhower est nommé au poste nouvellement créé de Commandant suprême des Forces alliées en Europe (SACEUR) ; le 2 avril 1951, le Grand Quartier général des Puissances alliées en Europe (SHAPE) est opérationnel ; le Commandement allié de l’Atlantique (ACLANT) est instauré en 1952, année au cours de laquelle la Grèce et la Turquie rejoignent l’Alliance.

L’OTAN, en tant qu’organisation militaire, est réellement opérationnelle trois ans après la signature du Traité de Washington, et un nouveau concept stratégique est adopté le 3 décembre 1952 (MC 3/5) afin de préciser la stratégie énoncée initialement. L’objectif stratégique est ainsi « d’assurer la défense de la zone OTAN et de détruire la volonté et les moyens de faire la guerre de l’URSS et de ses satellites ».

Dans la foulée, consciente de l’impossibilité d’atteindre les objectifs quantitatifs de forces qu’elle s’est elle-même fixés, l’OTAN, sous l’impulsion du général Eisenhower, décide de l’augmentation du recours à la puissance nucléaire pour faire face à la menace soviétique. C’est la politique dite « du new look ».

Parallèlement, des discussions sont menées entre les membres de l’OTAN et la République fédérale d’Allemagne, qui adhère à l’Alliance, le 6 mai 1955. Cet élargissement permet de rapprocher la zone de défense du rideau de fer.

Le troisième concept stratégique de l’OTAN est adopté le 23 mai 1957 (MC 14/2). Pour la première fois, le recours à des « représailles massives » est préconisé, via la force nucléaire, sans toutefois que ne soit exclue la possibilité d’utiliser des armes conventionnelles pour répondre à certaines formes d’attaque plus limitées. Pour la première fois également, l’OTAN semble envisager des interventions « hors zone », c’est-à-dire sur des territoires n’appartenant pas à ses membres, et ce dans le contexte de la crise de Suez et de la répression de l’insurrection en Hongrie par l’Union soviétique en 1956.

À côté de l’organisation militaire, l’Alliance politique poursuit également sa mutation. À la suite de la publication, en décembre 1956, du rapport du comité des Trois (2), l’Alliance donne naissance à la coopération non militaire au travers d’un dialogue politique avec des pays partenaires. Sont aussi concernées, au sein de l’Alliance, la coopération économique, la coopération scientifique et technique, la coopération culturelle et la coopération dans le domaine de l’information.

Du point de vue militaire, la doctrine exposée dans le troisième concept stratégique apparaît vite inadaptée à la nature des crises qui surviennent (blocus de Berlin et construction du Mur, crise des missiles de Cuba) et face au renforcement de la capacité nucléaire de l’URSS. À mesure que celle-ci se développe, l’avance dont l’OTAN dispose en matière de dissuasion nucléaire diminue.

Sous l’influence des États-Unis, une stratégie de « riposte graduée » est envisagée, et finalement intégrée au quatrième concept stratégique de l’OTAN, adopté le 16 janvier 1968 (MC 14/3). À l’époque, la France a déjà quitté le commandement militaire intégré de l’OTAN. Les deux grandes caractéristiques de cette nouvelle stratégie sont la souplesse et l’escalade : « Le concept de dissuasion de l’Alliance est fondé sur une souplesse qui empêchera l’agresseur éventuel de prévoir avec une certitude suffisante la réaction spécifique de l’OTAN à l’agression, souplesse qui l’amènera à conclure à un degré de risque inacceptable, quelle que soit la nature de son attaque. » Ce concept définit trois types de réponses militaires à une agression contre l’OTAN : la défense directe, qui a pour but de contrer l’agression au niveau auquel l’ennemi choisit de combattre ; l’escalade délibérée, qui ajoute une série d’étapes éventuelles pour contrer l’agression en rendant progressivement plus imminente la menace du recours à la puissance nucléaire à mesure que la crise s’aggrave ; la riposte nucléaire générale considérée comme le moyen de dissuasion ultime.

Ce concept stratégique de l’OTAN demeurera en vigueur jusqu’à la fin de la Guerre froide.

L’Alliance politique évolue également. Sur les préconisations du rapport sur les futures tâches de l’Alliance, dit « Harmel » (3), l’Alliance engage des actions en vue de réduire de manière équilibrée les forces à l’est et à l’ouest et d’approfondir le dialogue avec les partenaires. Ce rapport marque pour l’OTAN le début d’une approche plus coopérative des questions de sécurité, qui se concrétisera en 1991 après la dissolution du Pacte de Varsovie.

Entre 1967 et 1991, l’OTAN a contribué à la détente en évitant l’escalade et en engageant des négociations avec l’URSS. Ainsi, à la suite de l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS et du déploiement de missiles SS-20 soviétiques, l’OTAN propose, en décembre 1979, une limitation mutuelle des missiles balistiques à portée moyenne et intermédiaire (4). La détente se confirme avec la signature des accords américano-soviétiques sur la limitation des armes stratégiques et des systèmes de missiles antibalistiques (SALT I et SALT II), ainsi que la signature du Traité sur la réduction des armes stratégiques (START) et du Traité sur les forces nucléaires de portée intermédiaire (FNI).

B. À LA DISSOLUTION DU PACTE DE VARSOVIE, L’OTAN EN QUÊTE D’ELLE-MÊME

Les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l’Organisation du Traité de Varsovie se sont réunis le 25 février 1991 à Budapest pour mettre un terme aux institutions créées dans le cadre de la Guerre froide. La disparition de l’ennemi historique aurait pu conduire à la disparition de l’OTAN. L’Alliance a néanmoins immédiatement réagi en vue de se doter d’une nouvelle doctrine stratégique, plus ouverte sur les pays « hors zone », tandis que la persistance d’une fragilité européenne a conduit l’OTAN à ouvrir le feu pour la première fois de son histoire.

1. La définition d’un nouveau concept stratégique

La chute du bloc de l’Est et la disparition de l’ennemi historique imposent à l’Alliance de réévaluer le contexte sécuritaire et les menaces auxquelles elle fait face.

Le Sommet de Rome (novembre 1991) est l’occasion d’adopter un nouveau concept stratégique, pour la première fois rendu public, qui met l’accent sur le développement d’une politique de partenariat avec les adversaires d’hier afin d’améliorer la situation sécuritaire dans l’ensemble de l’Europe. Pour ce faire, le concept prévoit la réduction de l’usage des forces nucléaires au niveau minimum pour sauvegarder et maintenir la paix, ainsi qu’une réorientation vers des forces plus souples afin d’augmenter la capacité de projection de l’organisation. Cette évolution est conforme au souhait de l’Alliance d’agir sur la gestion de crise et la prévention, ce qui suppose un modèle de force plus expéditionnaire.

Un mois plus tard, le Conseil de coopération nord-atlantique voit le jour, transformé plus tard en Partenariat euro-atlantique. En 1994, le Partenariat pour la paix est conclu et ouvre de nouvelles relations avec les anciens membres du Pacte de Varsovie. Conçu comme un substitut à l’OTAN, il devient en fait une plate-forme de préparation à l’intégration.

2. La persistance d’une fragilité européenne

Alors que l’OTAN a remporté la Guerre froide sans tirer ni frapper une seule fois, la crise des Balkans a nécessité la première intervention armée de l’OTAN. Les opérations de stabilisation ont été un catalyseur de l’évolution de la nature des opérations de l’OTAN et ont montré que l’Europe n’avait pas encore les moyens d’assurer les conditions de la paix au sein de ses frontières.

● L’intervention en Bosnie

L’Alliance annonce être prête à intervenir dès juin 1992 et participe au mois d’octobre au contrôle de la zone d’exclusion aérienne par l’envoi d’AWACS. Au mois de décembre, il est décidé que l’Alliance soutiendra les opérations de maintien de la paix de l’ONU. L’OTAN envoie également une flotte en mer Adriatique dans le cadre de l’opération Sharp Guard, destinée à contrôler l’embargo sur les armes dans la région. C’est dans le cadre de cette surveillance que le 28 février 1994, l’OTAN abat quatre avions de combat serbes survolant la Bosnie, ce qui marque la première ouverture de feu opérationnelle de l’Alliance. En 1995, la prise d’otages par les Serbes de personnels de l’ONU et le massacre de Srebrenica conduit les Alliés à intensifier les bombardements, qui mobilisent près de 400 avions du 30 août au 20 septembre. C’est cette intensification des combats qui conduit aux accords de Dayton, signés à Paris le 14 décembre 1995.

Après la signature des accords de Dayton, l’OTAN intervient en Bornie dans le cadre de deux opérations menées sous mandat de l’ONU pour stabiliser la zone : d’abord, près de 60 000 hommes, dont 20 000 Américains, ont été déployés dans le cadre de l’IFOR (Implementation Force) ; puis 31 000 hommes sont demeurés sur place à compter du 20 décembre 1996 dans le cadre de la SFOR (Stabilisation Force).

L’intervention en Bosnie marque un succès pour l’OTAN, qui trouve une fonction opérationnelle tout en confirmant son utilité dans le renforcement de la sécurité européenne. Par ailleurs, l’OTAN connaît de profondes évolutions, d’une part en intervenant « hors zone », c’est-à-dire sur le territoire d’un pays non-membre, et d’autre part en associant à ses opérations des troupes issues de pays non-membres.

L’opération de maintien de la paix s’est poursuivie jusqu’en 2004.

● L’intervention au Kosovo

L’intervention de l’OTAN au Kosovo a fait l’objet de nombreuses critiques, la première étant celle portant sur son illégalité supposée. Face à l’accroissement des tensions ethniques qui jettent sur les routes des dizaines de milliers de réfugiés et à l’absence d’efficacité des négociations politiques, l’OTAN lance l’opération « Force alliée » le 24 mars 1999. Durant 78 jours, 38 000 sorties aériennes ont été effectuées, dont 10 484 étaient des missions de frappe.

Toutefois, l’Alliance a été fortement critiquée pour avoir agi sans mandat des Nations unies, ce qui n’est pas aussi évident qu’il l’a été dit. En effet, le Conseil de sécurité de l’ONU avait adopté trois résolutions qui autorisaient un usage de la force. Si l’usage fait de ces résolutions aurait probablement dû être évalué par le Conseil de sécurité et pas par l’OTAN elle-même, force est de constater qu’à défaut d’être pleinement légales, les opérations de l’OTAN n’en étaient pas moins légitimes.

À la suite de la campagne aérienne, l’OTAN est chargée d’un mandat assez vaste de sécurisation de la zone par la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU. La Kosovo Force (KFOR) est déployée à hauteur de 50 000 hommes placés sous l’autorité du commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) (5).

L’intervention au Kosovo a révélé les forces et les faiblesses de l’OTAN. D’abord, la campagne militaire, si elle a été un succès, n’a pas mis fin à elle seule à l’offensive serbe. En ce sens, si les forces européennes demeurent incapables d’assurer la sécurité sur son territoire, l’OTAN ne semble pas alors en mesure de remporter seule une victoire militaire sans les États-Unis. Inversement, l’opération de maintien de la paix apparaît comme un succès, et ce constat appelle à une évolution de l’OTAN comme agence de sécurité globale, au service de l’ONU. Ce sont ces questionnements qui interpellent quant à l’identité de l’OTAN.

● L’intervention en Macédoine

En 2001, à la suite de violences interethniques, les autorités gouvernementales sollicitent l’aide de l’OTAN pour prévenir une guerre civile. Trois opérations sont menées dans ce pays pendant deux ans : l’opération « Essential Harvest », composée d’environ 3 500 militaires, dans le but de désarmer les belligérants et d’imposer la paix ; l’opération « Amber Fox », qui mobilise 1 000 hommes et dont l’objectif est de protéger les observateurs de l’Union européenne et de l’Organisation de sécurité et de coopération en Europe chargés de superviser la mise en œuvre du plan de paix d’août 2001 ; l’opération « Allied Harmony », qui doit apporter soutien aux observateurs et conseiller les autorités et l’armée macédonienne dans la réorganisation de ses outils de défense dans le cadre du Partenariat pour la Paix (6).

L’intervention en Macédoine apparaît donc, elle aussi, comme une opération de maintien de la paix.

Près de dix ans après la dissolution du Pacte de Varsovie, l’OTAN apparaissait donc en quête de son identité. Très vite, elle a su s’adapter en s’ouvrant vers les pays non-membres et en nouant des partenariats. Par ailleurs, elle a su démontrer son efficacité et son utilité en contribuant fortement à la sécurisation de l’Europe. Pour autant, assimilée tantôt au bras armé de l’ONU, spécialisée dans les opérations de maintien de la paix, et tantôt critiquée pour son indépendance à la suite de l’intervention au Kosovo, l’OTAN semble toujours tâtonner en vue de se doter d’une nouvelle légitimité. Ce tâtonnement s’est poursuivi au cours des années 2000.

C. LA DÉCENNIE 2000, L’IMPRESSION D’UN TÂTONNEMENT

En 1999, année du cinquantième anniversaire de l’Alliance, un nouveau concept stratégique est adopté lors du Sommet de Washington. Celui-ci repose sur une définition large de la sécurité, qui reconnaît l’importance des facteurs politiques, économiques, sociaux et environnementaux, en plus de la dimension de défense. Il recense les nouveaux risques qui sont apparus depuis la fin de la Guerre froide, dont notamment le terrorisme, les conflits ethniques, les violations des droits de l’homme, l’instabilité politique, la fragilité économique, la prolifération des armes nucléaires, biologiques et chimiques et de leurs vecteurs. La doctrine stratégique prévoit la poursuite du développement des capacités militaires.

Parallèlement, ce Sommet est aussi l’occasion de procéder à un élargissement de forte portée symbolique, puisque la Hongrie, la Pologne et la République tchèque, tous anciens membres du Pacte de Varsovie, intègrent l’OTAN.

Alors que l’OTAN doit gérer l’expansion géographique de son champ d’intervention et l’extension, voire la dispersion, de ses missions, les attentats terroristes perpétrés le 11 septembre 2011 à New York amèneront le président Bush à invoquer l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord. Pour la première fois depuis 1949, il est officiellement fait appel à la solidarité des Alliés.

1. L’expansion géographique

L’expansion géographique de l’OTAN recouvre deux aspects. Premièrement, il s’agit de l’élargissement de l’Alliance, conformément à la politique de la « porte ouverte ». Deuxièmement, il s’agit de la zone d’intervention des forces otaniennes, amenées à intervenir « hors zone ».

S’agissant de l’élargissement de l’OTAN, après la première vague survenue en 1999, l’OTAN intègre en 2004 la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie, puis, en 2009, l’Albanie et la Croatie. Cet élargissement conduit à européaniser toujours davantage l’Alliance, qui compte aujourd’hui 25 pays européens, dont 22 membres de l’Union européenne, sur 28 membres. La frontière de l’OTAN se déplace ainsi toujours plus à l’est, s’éloignant de l’Atlantique, sans pour autant inclure tous les États situés à l’intérieur de l’espace européen.

Source : OTAN.

Parallèlement, le champ d’action géographique de l’OTAN n’est plus défini par l’article 6 du Traité de l’Atlantique Nord (7), ce qui n’est pas sans poser question. En effet, l’extension du périmètre géographique de l’OTAN au-delà de la zone euro-atlantique ne risque-t-il pas de faire perdre en crédibilité la garantie de sécurité de l’article 5 ? Par ailleurs, certains commentateurs s’interrogent sur la base légale des actions de l’OTAN non couvertes par l’article 5 du Traité qui ne se réfère qu’au droit de légitime défense collective reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations unies.

Vos rapporteurs sont convaincus que ces questions trouvent rapidement leurs réponses au regard de l’expérience. L’intervention de l’OTAN en Afghanistan a témoigné de la pertinence de l’approche globale de la sécurité poursuivie à l’issue de la Guerre froide, tandis que la légitimité de son intervention au Darfour n’est pas remise en question.

Le test afghan : lutte contre le terrorisme
et approche globale de la sécurité

L’Afghanistan constitue l’opération la plus importante et la plus exigeante aujourd’hui pour l’OTAN. Concrétisation de sa volonté d’intervention « hors zone », le mandat et les responsabilités de l’organisation ont progressivement été étendus sur la période 2003-2006. Ce théâtre a été l’occasion de mettre en œuvre l’élargissement fonctionnel et de tester les capacités à réussir les tâches de stabilisation des conditions de sécurité.

Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, l’OTAN, en application l’article 5 du traité, déploie ses forces navales permanentes dans le cadre de l’opération Active Endeavour, mission de lutte contre le terrorisme qui se traduit par la surveillance de l’espace maritime méditerranéen.

En 2003, l’OTAN prend le commandement de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), déployée en Afghanistan depuis 2001 au titre de la résolution 1384 du Conseil de sécurité de l’ONU et chargée d’assister les autorités afghanes, parallèlement à l’opération Enduring Freedom menée par les États-Unis.

La mission est un réel test pour l’OTAN : elle préfigure les nouvelles missions que l’organisation entend mener. En effet, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l’OTAN a développé son concept d’approche globale pour gérer les crises, c’est-à-dire que la réponse militaire n’est pas la seule solution pour répondre à la crise ; l’OTAN souhaite lier le volet militaire et les aspects liés au développement, à la reconstruction, à l’État de droit et à la réforme de l’outil de défense et de sécurité. À ce titre, la FIAS a pris le commandement des Provincial reconstruction team (PRT), équipes civilo-militaires impliquées dans des projets de reconstruction, dans la formation des forces de police locales ou encore le soutien à des opérations anti-drogue.

Dans la continuité et depuis le 1er janvier 2015, l’OTAN assure actuellement la direction de l’opération non combattante Resolute Support sur invitation de l’État afghan et dans le cadre d’une convention conclue bilatéralement. Les 13 000 hommes engagés dans cette opération continuent à former les forces afghanes et apporter soutien et conseils aux institutions.

Enfin, depuis la fin de la Guerre froide, l’Alliance a établi un réseau de partenariats structurés avec des pays de la région euro-atlantique, du pourtour méditerranéen et de la région du Golfe, ainsi que des relations individuelles avec d’autres partenaires du monde entier.

2. La diversification des missions

Parallèlement à cette exploration de nouveaux champs géographiques, l’Alliance, face aux multiples critiques quant à sa raison d’être, a été prise d’une sorte de frénésie conduisant à une augmentation des champs thématiques.

Très diverses, les nouvelles missions témoignent d’une certaine perte de repères de la part de l’Alliance qui, devant faire face à de nouvelles menaces, tâtonne pour chercher à les juguler, et semble avoir un temps cédé à la tentation de la dispersion.

● La continuité des actions civilo-militaires

En septembre 2005, le Conseil de l’Atlantique Nord approuve un plan d’aide militaire aux États-Unis pour faire face aux conséquences de l’ouragan Katrina en Nouvelle-Orléans. Les militaires de l’OTAN ont ainsi appuyé les opérations de secours humanitaire et ont contribué à coordonner l’acheminement des matériels.

Un mois plus tard, un séisme de forte amplitude frappe la région du Cachemire au Pakistan, faisant 53 000 morts et près de quatre millions de sans-abri. Jusqu’en 2006, l’OTAN a contribué à l’aide humanitaire d’urgence en acheminant par voie aérienne des fournitures et en déployant des unités médicales et des matériels spécialisés.

● Lutte contre la piraterie (8)

Depuis 2008, l’OTAN mène des opérations successives dans le golfe d’Aden et au large de la Corne de l’Afrique. Ces missions, menées en collaboration avec des forces internationales s’inscrivent dans le cadre de résolutions prises par le Conseil de sécurité de l’ONU au titre du chapitre VII de la Charte des Nations unies.

● Police du ciel

L’OTAN, au titre de la défense collective, est engagée dans des missions de police de ciel au profit de ses membres qui ne possèdent pas leurs propres chasseurs. C’est notamment le cas des pays baltes (9).

● La protection des événements à haute visibilité (HVE)

L’OTAN intervient pour des missions de sécurisation lors d’événements publics importants : en 2004 pour les Jeux olympiques d’Athènes ; en 2006 lors du Sommet de Riga et lors de la Coupe du monde de football en Allemagne.

D. LE SOMMET DE LISBONNE, L’HEURE DE LA RÉAFFIRMATION

Ce n’est qu’à la fin des années 2000 que l’OTAN semble préciser le sens de son action. Au sommet de Strasbourg-Kehl, en avril 2009, les dirigeants des pays de l’Alliance entérinent la « Déclaration sur la sécurité de l’Alliance », prévoyant l’établissement d’un nouveau concept stratégique.

En introduction de son ouvrage consacré à l’OTAN au XXIsiècle (10), Olivier Kempf s’exprime en ces termes : « Le 20 novembre 2010, les chefs d’État et de Gouvernement de l’Alliance Atlantique, qui se sont réunis à Lisbonne pour leur sommet bi-annuel, se séparent satisfaits : ils ont adopté un nouveau concept stratégique, annoncé une réforme profonde de la structure de commandement et évoqué des perspectives moins sombres que d’habitude au sujet de l’Afghanistan. Lisbonne restera dans les annales de l’Alliance comme un « bon » sommet, qui a produit des décisions utiles tout en réaffirmant la solidarité transatlantique. Une fois encore, l’Alliance Atlantique que l’on annonce régulièrement moribonde aura fait la preuve de son adaptation. ».

Le Sommet de Lisbonne sonne en effet l’heure de la réaffirmation et de la rationalisation : vingt ans après la chute de l’URSS, l’OTAN semble enfin prête à se doter d’une nouvelle identité.

Le concept stratégique de 2010, « Engagement actif, défense moderne », est une déclaration claire et résolue sur les tâches et les principes fondamentaux de l’OTAN, ses valeurs, l’évolution de l’environnement de sécurité et les objectifs stratégiques de l’Alliance pour les dix prochaines années. Le concept présente les trois tâches fondamentales essentielles de l’OTAN :

– la défense collective, qui suppose que les membres de l’Alliance se prêteront toujours assistance mutuelle contre une attaque, conformément à l’article 5 du Traité de Washington ;

– la gestion de crise, grâce à la diversité des capacités d’intervention, politiques et militaires, dont dispose l’OTAN pour agir sur la gamme complète des crises, que ce soit avant, pendant ou après un conflit ;

 – la sécurité coopérative, dont l’objectif est de permettre à l’Alliance d’infléchir les développements politiques et sécuritaires intervenant au-delà de ses frontières, grâce au renforcement des partenariats, en contribuant activement à la maîtrise des armements, à la non-prolifération et au désarmement, et en maintenant sa porte ouverte à l’adhésion de toutes les démocraties européennes qui répondent aux normes de l’OTAN.

Ce concept stratégique, qui appelle aussi à la poursuite d’un processus continu de réforme, fait état d’une doctrine claire, conforme aux capacités et à l’histoire de l’Alliance, tout en ouvrant un champ de missions plus adaptées aux circonstances. D’une certaine manière, il semble possible de saluer la fin de la dispersion. Le concept stratégique de Lisbonne est robuste, et n’a pas été remis en cause par la crise russo-ukrainienne. Celle-ci a néanmoins conduit les chefs d’État et de Gouvernement à réaffirmer le primat de la sécurité collective lors du Sommet de Newport, organisé en septembre 2014 au Pays de Galle.

E. LE SOMMET DE NEWPORT, LE RETOUR AUX FONDAMENTAUX

Si le Sommet de Newport a été l’occasion pour les Alliés de rappeler leur attachement aux trois dimensions du concept stratégique établi à Lisbonne, force est de constater qu’il a aussi démontré une prise de conscience par les Alliés d’un nouveau paysage sécuritaire, et la volonté d’endiguer le désarmement structurel des défenses européennes engagé depuis plus de vingt ans sous la pression des crises économiques et d’une certaine démobilisation post Guerre froide.

La résurgence d’une menace russe a amené les Alliés à se recentrer sur l’impératif de sécurité collective, au cœur de la solidarité fondatrice de l’OTAN. Parallèlement, l’intensification de la menace terroriste sur le flanc sud et moyen-oriental a amené l’Alliance à s’interroger sur l’adéquation de ses moyens à la nature des menaces, et sur sa réactivité.

C’est pourquoi le principal résultat du sommet du Pays de Galles est l’élaboration et l’adoption d’un Plan d’action pour la réactivité de l’Alliance (Readiness Action Plan ou RAP), qui comprend différentes mesures visant, d’abord, à répondre aux préoccupations des Alliés orientaux et, ensuite, à accroître la réactivité et la flexibilité de l’emploi des forces de l’OTAN.

1. Le Plan d’action pour la réactivité de l’Alliance (RAP)

Le RAP comprend un ensemble de mesures articulées en deux volets : des mesures d’assurance, visant à répondre à la crise russo-ukrainienne et à renforcer l’unité de l’Alliance face aux actions de la Russie ; des mesures d’adaptation, visant à adapter de manière plus durable l’Alliance aux évolutions de son environnement stratégique et à renforcer sa réactivité et sa flexibilité.

Parmi les mesures d’adaptation que comporte le RAP, les travaux de définition et de mise en œuvre ont progressé significativement sur les aspects suivants :

– le renforcement de la réactivité de la Force de réaction de l’OTAN (NATO Response Force, ou NRF) à travers la réorganisation de sa structure en trois brigades. La Force de réaction de l’OTAN, qui permet actuellement de déployer 5 000 hommes en 30 à 60 jours, pourra compter désormais jusqu’à 40 000 soldats (11) ;

– la définition des paramètres principaux de la force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation de l’OTAN (VJTF), brigade d’intervention très rapide au sein de la NRF.

Éléments de la Force de réaction de l’OTAN

– un élément de commandement et de contrôle : le commandement opérationnel de la NRF est assuré en alternance par les commandements OTAN de forces interarmées de Brunssum et de Naples ;

– la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (VJTF) ;

– le groupe initial de force de deuxième échelon, c’est-à-dire des forces à haut niveau de préparation capables de se déployer rapidement après la VJTF, en réponse à une crise. Ce groupe se compose de deux brigades multinationales ;

– une composante maritime, articulée autour des groupes maritimes permanents OTAN (SNMG) et des groupes permanents OTAN de lutte contre les mines (SNMCMG) ;

– une composante aérienne dotée de capacités de combat et d’appui ;

– des forces d’opérations spéciales ;

– une équipe opérationnelle de défense CBRN (chimique, biologique, radiologique et nucléaire).

Source : OTAN.

La nouvelle force « très rapide », qualifiée de « fer de lance » (spearhead) doit pouvoir mobiliser un bataillon – 800 hommes – dans les deux jours, une brigade – 5 000 à 7 000 hommes – dans les cinq à sept jours, et ce partout dans le monde. Les unités de la VJTF et de la NRF seront basées dans leurs pays d’origine, mais seront à même de se déployer pour des exercices ou pour répondre à une crise. L’encadrement et les effectifs de la VJTF et de la NRF changeront tous les ans, par rotation. Le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Norvège ont déjà créé une force intérimaire, qui est opérationnelle et a procédé à son premier exercice de déploiement en Pologne en juin 2015 (Noble Jump). La brigade de la VJTF a participé à l’exercice à haute visibilité Trident Juncture 2015 de l’OTAN, mené à l’automne 2015 avec plus de 36 000 soldats, en Italie, au Portugal et en Espagne. Cet exercice a également permis de certifier le quartier général de la NRF pour 2016, à Brunssum.

En 2016, la VJTF est dirigée par l’Espagne. Sept Alliés – France, Allemagne, Italie, Pologne, Espagne, Turquie et Royaume-Uni – ont déjà offert d’assumer le rôle de pays chef de file les années suivantes ;

– l’établissement d’éléments de commandement et de contrôle, dits unités d’intégration de forces (NATO Force Integration Units, ou NFIUs) sur le territoire de huit Alliés orientaux (Pologne, États baltes, Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Slovaquie), qui faciliteront un éventuel déploiement de la VJTF et assureront une présence physique de l’OTAN ;

– la réorganisation des arrangements de commandement et de contrôle de l’OTAN, notamment à travers la définition d’un rôle spécifique pour le quartier général du corps multinational nord-est (MNC-NE) de Szczecin lorsque la VJTF est déployée en Pologne ou dans les États baltes, mais sans revenir à une forme de régionalisation de la structure de commandement ;

– la refonte de la planification avancée de l’OTAN, en vue de la rendre plus étoffée et plus rapide à mettre en œuvre à travers des procédures accélérées ;

– l’adaptation de la politique d’exercices de la NRF rénovée, à travers l’organisation d’exercices à très faible préavis, notamment avec des scénarios de défense collective.

2. Un plan de soutien à l’Ukraine

L’OTAN s’est engagée à défendre l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Si l’Alliance n’a pas envoyé de troupes sur le territoire ukrainien, cinq fonds d’affectation spéciale ont été créés pour accompagner l’évolution des forces ukrainiennes et sont maintenant opérationnels. Par ailleurs, des moyens de renseignement, ainsi qu’une aide en matière de cyberdéfense, ont aussi été apportés.

En juin 2015, un nouveau fonds d’affectation spéciale a été créé, consacré à la lutte contre les engins explosifs improvisés et à la neutralisation des explosifs et munitions.

Le secrétaire général de l’OTAN s’est rendu en Ukraine en septembre 2015, afin de signer l’accord sur le statut de la représentation de l’OTAN auprès de l’Ukraine, qui conforte le bureau de liaison et le Centre d’information et de documentation de l’Organisation, installés à Kiev. À cette occasion, deux autres accords ont été signés, confirmant le soutien apporté par l’OTAN à l’Ukraine dans le domaine de la communication stratégique et dans celui de la coopération militaro-technique. La venue du secrétaire général de l’OTAN a coïncidé avec la réalisation de l’exercice de terrain « Ukraine 2015 », qui visait à simuler une réponse à une situation d’urgence civile.

3. Un engagement budgétaire fort

Les 28 États membres se sont engagés à consacrer 2 % de leur PIB au titre de la défense, et 20 % de cet effort à l’investissement dans les futurs équipements militaires à l’horizon 2025.

Comme le souligne le rapport annuel du secrétaire général de l’OTAN (12), l’année 2015 a été marquée par un net allégement des coupes dans les dépenses de défense de la plupart des membres de l’Alliance. Aujourd’hui, cinq d’entre eux respectent le seuil de 2 % au moins du PIB consacré à la défense. Par ailleurs, seize alliés ont décidé d’augmenter le montant des dépenses de défense, douze ont accru la part du PIB allouée à la défense et vingt-trois ont augmenté l’enveloppe destinée aux nouveaux équipements.

Pour rappel, plusieurs définitions de l’effort de défense sont possibles :

– le périmètre du ministère de la Défense (fixé en loi de finances initiale), 42 milliards d’euros en 2014 pour la France, soit 2 % du PIB ;

– le périmètre OTAN, dit V1, c’est-à-dire défense hors Anciens combattants, mais pensions comprises, 39,2 milliards d’euros en 2014 pour la France, soit 1,8 % du PIB ;

– le périmètre OTAN hors pensions, dit V2, 31,4 milliards d’euros en 2014 pour la France, soit 1,5 % du PIB.

Les chiffres exprimés ci-dessous, qui correspondent aux références OTAN, sont ceux de la norme V1. L’Islande ne possédant pas d’armée, elle ne figure pas dans les tableaux ci-dessous.

DÉPENSES DE DÉFENSE DES MEMBRES DE L’OTAN

(en millions de monnaie nationale)

Pays

Unité monétaire (en millions)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Prix courants

Albanie

Leks

//

17 358

19 321

19 877

19 820

19 022

18 788

16 671

Allemagne

Euros

32 824

34 171

34 925

34 630

36 168

34 593

34 749

35 517

Belgique

Euros

4 298

4 048

3 960

3 956

4 023

3 964

3 913

3 758

Bulgarie (a)

Leva

1 553

1273

1 230

1 066

1 099

1 196

1 102

1 036

Canada

Dollars canadiens

21 100

21 828

19 255

21 808

19 978

18 754

20 076

20 011

Croatie

Kunas

//

5 356

5 057

5 323

5 059

4 848

4 625

4 596

République Tchèque

Couronnes

52 755

59 656

50 808

43 131

42 780

42 035

41 002

43 761

Danemark

Couronnes

24 410

23 252

25 328

24 259

25 618

23 682

22 769

23 296

Estonie (b)

Krooni-Euros

4 595

3 978

3 922

280

340

361

386

418

Espagne

Euros

12 756

12 196

11 132

10 059

10 828

9 495

9 508

9 666

États-Unis

Dollars

729 544

757 466

720 423

740 744

712 947

680 825

654 264

649 931

France (c)

Euros

45 366

39 190

39 241

38 443

39 105

39 402

39 199

39 199

Grèce

Euros

6 896

7 311

5 966

4 934

4 384

3 999

3 939

4 265

Hongrie

Forint

326 792

298 620

280 895

295 967

297 650

286 341

281 402

295 765

Italie

Euros

22 631

21 946

21 637

21 741

20 600

20 078

18 427

16 328

Lettonie (b)

Lats-Euros

259

160

133

145

136

149

221

257

Lituanie (b)

Litai-Euros

1 251

998

849

855

870

923

1 111

425

Luxembourg

Euros

146

145

187

167

167

176

190

247

Pays-Bas

Euros

8 488

8 733

8 472

8 156

8 067

7 702

7 788

8 000

Norvège (d)

Couronnes

35 932

38 960

39 279

40 534

41 560

43 518

46 234

47 550

Pologne

Zlotys

20 528

23 323

25 608

26 979

28 365

28 467

31 874

38 836

Portugal

Euros

2 536

2 692

2 673

2 627

2 366

2 457

2 263

2 491

Roumanie

Nouveau lei

7 558

6 785

6 630

7 255

7 282

8 160

9 014

10 052

Royaume-Uni

Livres

37 127

37 357

39 053

39 204

36 563

39 824

39 985

39 019

Slovaquie (b)

Couronnes-Euros

30 146

972

859

768

794

729

752

877

Slovénie

Euros

566

575

583

479

423

382

386

387

Turquie

Livres

18 755

19 603

21 241

22 807

24 956

27 466

29 727

32 690

Source : Rapport 2015 du secrétaire général de l’OTAN (a) Les données n’incluent pas les pensions. (b) Les données sont exprimées en euros (pour la Slovaquie à compter de 2009, pour l’Estonie à compter de 2011, pour la Lettonie à compter de 2014 et pour la Lituanie à compter de 2015). (c) À compter de 2009, les données incluent uniquement les éléments déployables de la Gendarmerie. (d) À compter de 2009, une nouvelle méthodologie est utilisée pour le calcul des pensions.

Pays

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

En pourcentage du produit intérieur brut

Albanie

//

1,52

1,56

1,53

1,49

1,41

1,35

1,16

Allemagne

1,28

1,39

1,35

1,28

1,31

1,23

1,19

1,18

Belgique

1,20

1,16

1,08

1,05

1,05

1,01

0,97

0,90

Bulgarie (a)

2,13

1,75

1,67

1,33

1,35

1,46

1,32

1,20

Canada

1,28

1,39

1,16

1,23

1,09

0,99

1,02

1,00

Croatie

//

1,62

1,54

1,60

1,53

1,47

1,41

1,38

République Tchèque

1,31

1,52

1,29

1,07

1,06

1,03

0,96

0,97

Danemark

1,36

1,34

1,41

1,30

1,35

1,24

1,17

1,18

Estonie

1,78

1,79

1,70

1,68

1,89

1,90

1,93

2,04

Espagne

1,14

1,13

1,03

0,94

1,04

0,92

0,91

0,89

États-Unis

5,04

5,32

4,81

4,77

4,42

4,09

3,79

3,62

France (b)

2,27

2,02

1,96

1,87

1,87

1,86

1,84

1,80

Grèce

2,85

3,06

2,63

2,37

2,26

2,19

2,20

2,46

Hongrie

1,21

1,14

1,04

1,05

1,04

0,95

0,87

0,85

Italie

1,43

1,42

1,35

1,30

1,24

1,20

1,09

0,95

Lettonie

1,52

1,21

1,06

1,02

0,89

0,93

0,94

1,06

Lituanie

1,11

1,07

0,88

0,79

0,76

0,76

0,88

1,14

Luxembourg

0,39

0,40

0,47

0,39

0,38

0,38

0,39

0,47

Pays-Bas

1,35

1,42

1,34

1,26

1,23

1,16

1,15

1,16

Norvège (c)

1,46

1,54

1,52

1,51

1,47

1,49

1,52

1,49

Pologne

1,61

1,71

1,77

1,72

1,74

1,72

1,85

2,18

Portugal

1,42

1,53

1,49

1,49

1,41

1,44

1,30

1,39

Roumanie

1,44

1,33

1,24

1,28

1,22

1,28

1,35

1,44

Royaume-Uni

2,44

2,51

2,51

2,42

2,20

2,30

2,20

2,07

Slovaquie (b)

1,46

1,52

1,27

1,09

1,10

0,99

0,99

1,12

Slovénie

1,49

1,59

1,61

1,30

1,18

1,06

0,98

0,95

Turquie

1,97

2,06

1,93

1,76

1,76

1,75

1,70

1,69

Europe-OTAN

1,69

1,70

1,64

1,56

1,53

1,51

1,47

1,43

Amérique du Nord

4,67

4,94

4,46

4,42

4,09

3,78

3,51

3,37

Total – OTAN

3,16

3,31

3,04

2,98

2,82

2,66

2,51

2,42

Source : Rapport 2015 du secrétaire général de l’OTAN. (a) Les données n'incluent pas les pensions.(b) À compter de 2009, les données incluent uniquement les éléments déployables de la Gendarmerie.(c) À compter de 2009, une nouvelle méthodologie est utilisée pour le calcul des pensions..

Néanmoins, les marges de progression demeurent fortes, y compris pour la France.

4. Le renforcement de l’interopérabilité

L’initiative d’interconnexion des forces (CFI), annoncée lors du Sommet de Chicago (2012) (13), vise à renforcer le haut niveau d’interconnexion et d’interopérabilité des forces alliées. La CFI combine un programme complet de formations, d’entraînements, d’exercices et d’évaluations.

Le Sommet de Newport a été l’occasion d’adopter un « paquet CFI » qui comprend les mesures suivantes : adoption d’une doctrine de l’OTAN en matière de formation, d’entraînement, d’exercices et d’évaluation (ETEE) ; renforcement de la formation au sein de la NRF et des forces d’opérations spéciales (SOF) ; développement des liens et de l’interaction entre la structure de commandement de l’OTAN ; réalisation d’un exercice à haute visibilité en 2015 (Trident Juncture 2015) ; mise en place d’un programme d’exercices majeurs à partir de 2016.

II. LE FONCTIONNEMENT DE L’OTAN

A. L’ALLIANCE POLITIQUE

1. Le Conseil de l’Atlantique Nord

Le Conseil de l’Atlantique Nord (CAN) est l’organe suprême de décisions de l’Alliance. Présidé par le secrétaire général de l’OTAN et composé de hauts représentants de chaque pays membre (14), il se réunit de manière hebdomadaire afin d’aborder les questions politiques et militaires qui intéressent l’Alliance.

Le CAN est le seul organe institué par le Traité de l’Atlantique Nord qui, en vertu de son article 9 (15), l’investit de l’autorité requise pour constituer les organes subsidiaires qui pourraient être nécessaires à l’application du Traité.

Les décisions sont prises d’un commun accord, à l’unanimité. En somme, en l’absence de vote majoritaire, les politiques arrêtées par le Conseil de l’Atlantique Nord traduisent nécessairement la volonté collective de tous les États souverains membres de l’Alliance. Ce mode de fonctionnement peut toutefois nuire à la réactivité des membres de l’Alliance, et interroge à l’heure de la mise en place d’un plan d’action pour la réactivité… Il n’en reste pas moins l’un des éléments fondateurs tant de la lettre du Traité que de son esprit.

Les travaux du Conseil sont préparés par des comités subordonnés, qui ont chacun un domaine de compétence spécifique.

2. Les comités de l’OTAN

L’OTAN dispose d’un vaste réseau de comités qui s’intéressent à tous les domaines relevant de la compétence de l’Alliance (16). Le principe de la décision par consensus, applicable au Conseil de l’Atlantique Nord, est également en vigueur à tous les niveaux de la structure des comités.

En juin 2010, les comités ont fait l’objet d’une revue qui devait permettre à l’OTAN de réagir plus efficacement face aux problèmes de sécurité et de répondre à la nécessité de disposer de procédures de travail mieux intégrées et plus souples (17).

Les principaux comités de l’OTAN sont, outre le CAN, le Groupe des plans nucléaires (NPG) et le Comité militaire. Le Comité des plans de défense (DPC), qui était lui aussi l’un des principaux organes décisionnels de l’OTAN, a été dissous dans le cadre de la réforme des comités de juin 2010, et ses fonctions ont été transférées au CAN.

le groupe des plans nucléaires (npg)

Il a pour tâche d’examiner la politique nucléaire de l’Alliance à la lumière de l’évolution constante de l’environnement de sécurité. Tandis que le Conseil de l’Atlantique Nord est l’autorité ultime au sein de l’OTAN, le NPG est l’organe de haut niveau chargé des questions nucléaires au sein de l’Alliance. Le NPG examine les questions politiques spécifiques liées aux forces nucléaires et des questions plus larges comme la maîtrise des armes nucléaires et la prolifération nucléaire.

Tous les membres, à l’exception de la France, qui a décidé de ne pas y participer, font partie du NPG, indépendamment du fait qu’ils détiennent ou non des armes nucléaires (18).

Le NPG a été fondé en décembre 1966 pour permettre un processus de consultation sur la doctrine nucléaire au sein de l’OTAN. Il s’appelait initialement le Comité des questions de défense nucléaire.

Source : OTAN.

3. L’Assemblée parlementaire de l’OTAN

Si l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN) est, sur le plan institutionnel, distincte de l’OTAN, elle constitue un lien essentiel entre cette dernière et les parlements des pays membres de l’Alliance. Depuis la Conférence des parlementaires des pays de l’OTAN au Palais de Chaillot à Paris, alors siège de l’organisation, du 18 au 22 juillet 1955, les représentants d’États membres de l’Alliance se sont régulièrement réunis, donnant ainsi corps au préambule du traité de Washington qui affirme que ces États sont « fondés sur les principes de la démocratie ».

L’AP-OTAN réunit 257 parlementaires issus des 28 pays membres de l’Alliance atlantique. Le nombre de parlementaires par délégation est fonction de la taille du pays et reflète la composition politique du parlement de celui-ci, afin que la délégation soit politiquement la plus représentative possible. Les délégués sont nommés par leur parlement selon la procédure habituelle interne à leur institution. La délégation française compte dix-huit membres, à raison de onze députés et sept sénateurs, et vos rapporteurs ont l’honneur d’en faire partie.

Outre les délégations des pays membres de l’OTAN, des délégations de quatorze pays associés (19), quatre pays méditerranéens associés (20), ainsi que des observateurs de sept autres pays (21) prennent également part à certaines des activités de l’Assemblée. Le Parlement européen, l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et le Conseil législatif palestinien ont également le statut d’observateurs. Le nombre total de délégués atteint environ 360 personnes. Il convient de noter que lors de sa réunion du 5 avril 2014, la commission permanente de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN a retiré à la Russie son statut de membre associé.

Chacune de ses cinq commissions est le cadre de quatre ou cinq déplacements chaque année. Avec les trois réunions du Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient et les séminaires, entre 25 et 30 sessions de travail sont organisées annuellement.

L’objectif est de faire connaître et de rapprocher les différents points de vue au sein de l’Alliance. En outre, lors des sessions plénières et lors de la réunion conjointe des commissions à Bruxelles, le Secrétaire général de l’OTAN s’exprime devant les parlementaires et répond à leurs questions.

L’Assemblée est essentiellement financée par les contributions des parlements ou des gouvernements des pays membres. Les contributions de chaque pays sont calculées sur base de la clef de répartition utilisée pour le budget civil de l’OTAN. L’OTAN verse également une contribution.

Son secrétariat international est à Bruxelles, place du Petit-Sablon, dans des locaux distincts de ceux de l’OTAN.

B. L’ORGANISATION MILITAIRE

1. Le Comité militaire et l’État-major international

Le Comité militaire est la plus haute instance militaire de l’OTAN. Créé quelques mois après le CAN, il est constitué d’officiers des pays alliés (22), et assure un rôle de liaison essentiel entre le processus politique de prise de décisions et la structure militaire de l’OTAN. Il est ainsi consulté avant qu’une intervention militaire ne soit autorisée et, plus généralement, il a pour responsabilité de conseiller le CAN et le Groupe des plans nucléaires. Il est aussi chargé de recommander aux autorités politiques de l’Organisation les mesures qu’il juge nécessaires à la défense commune de la zone de l’OTAN, et de mettre en œuvre les décisions qui concernent les opérations et missions de l’OTAN, en transmettant notamment des directives aux deux commandements suprêmes. Le Comité contribue également à l’élaboration des concepts stratégiques globaux de l’Alliance et établit une évaluation annuelle à long terme du potentiel et des capacités des pays et des zones présentant un risque pour les intérêts de l’OTAN.

Le président du comité, élu pour un mandat de trois ans, anime les réunions dont le rythme est traditionnellement le suivant : trois fois par an au niveau des chefs d’état-major de la défense ; au moins une fois par semaine au niveau des représentants militaires. Dans le cadre du programme du Conseil de partenariat euro-atlantique et du Partenariat pour la paix, le Comité militaire tient régulièrement des réunions avec les pays partenaires afin d’examiner les questions relatives à la coopération militaire. Le Comité militaire se réunit aussi en différentes configurations dans le cadre du Conseil OTAN-Russie, de la Commission OTAN-Ukraine et de la Commission OTAN-Géorgie, ainsi qu’avec les chefs d’état-major de la défense des sept pays du Dialogue méditerranéen.

Le Comité militaire bénéfice de l’appui de l’État-major international (EMI), chargé de préparer les études nécessaires, les évaluations et tous les documents relatifs aux questions militaires.

2. La structure de commandement de l’OTAN

Jusqu’en 2002, les deux commandements stratégiques de l’OTAN étaient le Commandement allié en Europe (ACE), établi en 1951, et le Commandement allié de l’Atlantique (ACLANT), créé un an plus tard. Si l’ACE et l’ACLANT ont fait l’objet d’une rationalisation à la fin de la Guerre froide, marquée par la réduction du nombre de quartiers généraux de soixante-dix-huit à vingt, les deux commandants stratégiques (SC) ont alors été maintenus selon une répartition géographique des tâches.

Ce schéma a été remis en cause lors du Sommet de Prague (2002), qui a décidé de la réorganisation de la structure de commandement selon une répartition fonctionnelle des tâches : l’ACE a été remplacé par le Commandement allié Opérations (ACO), responsable de toutes les opérations de l’Alliance et dont le quartier général est le SHAPE (23), près de Mons (Belgique) ; l’ACLANT a quant à lui été remplacé par le Commandement allié Transformation (ACT), chargé de la transformation de la structure, des forces, des capacités et de la doctrine militaires de l’OTAN, et dont le siège est situé à Norfolk (États-Unis).

La structure militaire de l’OTAN est donc divisée entre ces deux commandements suprêmes.

a. Le Commandement allié « Opérations » (ACO)

L’ACO, placé sous la responsabilité du commandant suprême des forces alliées en Europe – ou SACEUR – est responsable de toutes les opérations de l’Alliance (24). L’objectif du commandement est de maintenir l’intégrité du territoire de l’Alliance, de défendre le principe de la liberté des mers et les artères économiques vitales, et de préserver ou rétablir la sécurité des pays membres de l’OTAN.

L’ACO se compose d’un petit nombre de quartiers généraux permanents ayant chacun un rôle spécifique. Dans la foulée de l’adoption du dernier concept stratégique à Lisbonne, une vaste réforme de la structure de commandement a été engagée, afin de gagner en souplesse et de réduire de 13 000 à 8 000 le nombre de personnels au sein des deux commandements suprêmes. L’ACO a été particulièrement concerné, avec le renforcement de la capacité de déploiement de certains centres de l’ACO et la création d’un Groupe Systèmes d’information et de communication (SIC) chargé d’apporter un soutien supplémentaire dans le domaine des SIC déployables (25). Dorénavant, le SHAPE compte six commandements opérationnels, dont deux sont appuyés par des entités de niveau tactique, aussi dits de niveau de composante.

● le niveau opératif se compose de deux commandements de forces interarmées (JFC) permanents – l’un à Brunssum (Pays-Bas), l’autre à Naples (Italie) – permettant de conduire des opérations à partir de leurs emplacements fixes ou depuis un quartier général déployé lorsqu’ils agissent directement sur un théâtre d’opération ;

● le niveau tactique comprend trois commandements d’armée (SSC), terrestre, maritime et aérien qui apportent aux éléments de niveau opérationnel les compétences propres aux différentes armées – terre, mer ou air.

Leur nombre a été réduit par deux dans le cadre de la réforme de la structure de commandement de l’ACO. On compte désormais le Commandement aérien allié (QG du AIRCOM), situé à Ramstein (Allemagne), le Commandement maritime allié (QG du MARCOM), basé à Northwood (Royaume-Uni) et le Commandement terrestre allié (QG du LANDCOM), à Izmir (Turquie).

Le QG de l’AIRCOM dispose également de deux centres multinationaux d’opérations aériennes (CAOC) l’un à Torrejón (Espagne) et l’autre à Uedem (Allemagne), ainsi que d’un centre déployable de commandement et de contrôle aériens (DACCC), situé à Poggio Renatico (Italie).

● les services des systèmes d’information et de communication (SIC) se composent de deux composantes, les capacités SIC déployables, gérées par le Groupe SIC OTAN, basé à Mons (Belgique) et les capacités SIC fixes, de la responsabilité de l’Agence OTAN d’information et de communication (NCIA), qui ne fait pas partie de la structure de commandement de l’OTAN. Trois bataillons de transmissions, basés à Wesel (Allemagne), à Grazzanise (Italie) et à Bydgoszcz (Pologne), sont placés sous la responsabilité du Groupe SIC OTAN.

Source : OTAN.

les structures multinationales en dehors de la structure de commandement

Le QG Forces navales OTAN d’intervention et de soutien (STRIKFORNATO), la Force aéroportée de détection lointaine et de contrôle de l’OTAN (Force NAEW&C) et la capacité alliée de surveillance terrestre (AGS) s’inscrivent dans le cadre de la capacité de réaction immédiate de l’OTAN. Ces structures multinationales ne font pas partie de la structure de commandement mais elles sont à la disposition de l’Alliance en vertu de mémorandums d’entente et d’arrangements techniques signés par les pays contributeurs concernés.

STRIKFORNATO est un quartier général maritime rapidement déployable qui offre une capacité modulable de commandement et de contrôle pour toute la gamme des tâches de sécurité fondamentales de l’Alliance. Dans le cadre des réformes de l’OTAN, le QG, qui concentre ses activités sur les opérations maritimes, a quitté l’Italie pour s’installer au Portugal. Comptant onze pays participants, il sert de lien pour l’intégration des forces maritimes des États-Unis dans les opérations de l’OTAN.

La Force NAEW&C doit encore faire l’objet d’un accord final. Le commandant procède actuellement à une revue générale de sa force afin de déterminer la taille et la configuration de la capacité des systèmes aéroportés de détection et de contrôle (AWACS) pour l’avenir, et il adapte cette capacité en fonction des nouveaux plafonds d’effectifs établis dans le cadre de la nouvelle structure de commandement. La Force NAEW&C comprend trois éléments : un quartier général multinational (Mons) et deux composantes opérationnelles, l’E3.A, multinationale, et l’E3.D. La base aérienne de l’OTAN de Geilenkirchen (Allemagne) accueille dix-sept appareils AWACS Boeing E-3A « Sentry ». L’OTAN exploite cette flotte, qui lui offre une capacité aéroportée immédiatement disponible de commandement et de contrôle (C2), de surveillance aérienne et maritime, et de gestion de l’espace de bataille. La flotte de six appareils Boeing E-3D, basée à Waddington, dans le Lincolnshire (Royaume-Uni), est servie exclusivement par du personnel de la RAF. La participation du Royaume-Uni est limitée, mais sa flotte d’E-3D fait partie intégrante de la Force NAEW&C.

L’OTAN acquiert actuellement une capacité alliée de surveillance terrestre (AGS) qui permettra au SACEUR d’avoir, en temps quasi-réel et en continu, des informations et une connaissance de la situation pour les entités terrestres et de surface amies, neutres et adverses. La capacité AGS comprendra cinq véhicules aériens sans pilote « Global Hawk » et les stations de base de commandement et contrôle associées, ainsi que des installations de soutien qui seront fournies par la base d’opération principale de l’AGS, située à Sigonella (Italie). À l’aide de capteurs radar avancés, ce système assurera en continu la détection et le suivi d’objets en mouvement et fournira des images radar des zones présentant un intérêt et des objets fixes. Il sera pleinement testé et équipé pour pouvoir participer aux opérations approuvées par l’OTAN dans le monde, et il sera disponible à divers degrés de préparation. L’AGS devrait être disponible pour l’Alliance en 2017-2018.

Source : OTAN.

b. Le Commandement allié Transformation (ACT)

L’ACT, dont le quartier général est situé à Norfolk (États-Unis), est placé sous la responsabilité du commandant suprême allié Transformation (SACT), actuellement le général français Denis Mercier, qui a pris ses fonctions le 30 septembre 2015 à la suite du général Jean-Paul Paloméros (2012-2015) et du général Stéphane Abrial (2009-2012). Depuis la réintégration de notre pays au sein du commandement militaire intégré, le poste de SACT est dévolu à un officier français.

Le SACT supervise la transformation des capacités militaires de l’OTAN, mène la transformation militaire de l’Alliance, en développant une analyse prospective des futurs défis pour la sécurité, en préparant l’interconnexion des forces, et en encourageant le développement de capacités interopérables novatrices.

L’ACT comprend le Centre de guerre interarmées (Norvège), un nouveau Centre d’entraînement de forces interarmées (Pologne) et le Centre interarmées d’analyse des enseignements tirés (Portugal).

Le quartier général ACT supervise également le Centre de recherche sous-marine de La Spezia (Italie), et entretient des liens directs avec les écoles de l’Alliance (26) et les agences de l’OTAN, ainsi qu’avec le Centre d’entraînement aux opérations d’interdiction maritime (Grèce).

L’ACT compte aussi un représentant du SACT au siège de l’OTAN à Bruxelles et un autre au Pentagone près de Washington DC, un élément d’état-major au quartier général de l’ACO et une Direction Partenariats militaires (MPD) partagée avec l’ACO, située également au SHAPE.

En outre, le commandement peut solliciter les centres d’excellence parrainés par un ou plusieurs pays et dont les activités sont axées sur des efforts de transformation dans des domaines militaires spécifiques.

Source : OTAN.

Lors de son audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées de votre Assemblée le 23 juin dernier, le Général Paloméros indiquait s’être fixé cinq grands axes d’effort pour l’ACT : « le renforcement de la réflexion prospective et de l’anticipation stratégique, dont l’histoire a montré l’importance ; le recentrage sur la préparation opérationnelle des forces de l’Alliance – quelque peu négligée par ses membres, du fait de la pression budgétaire –, y compris pour des conflits de haute intensité, dont on avait perdu les « fondamentaux », l’Alliance ayant été engagée pendant près de vingt ans dans des opérations certes importantes, mais de moindre intensité ; la rationalisation et l’optimisation des capacités présentes et futures, avec des perspectives de réinvestissement budgétaire – qui demeurent cependant un peu lointaines et ont du mal à se concrétiser – ; un rapprochement et un engagement plus actif avec nos pays partenaires, en particulier l’Union européenne, qui partage vingt-deux de ses membres avec l’OTAN ; enfin, le renforcement du lien transatlantique, véritable ADN de l’Alliance, sans qu’il soit trop pesant, du fait du déséquilibre des budgets de la défense entre les deux côtés de l’Atlantique. »

D’après lui, les priorités stratégiques de l’ACT sont donc de soutenir l’état de préparation et l’interopérabilité des forces, de rationaliser et d’exploiter au mieux les capacités militaires existantes et futures, d’améliorer les liens et la coopération, en particulier avec l’ONU et l’Union européenne, et de renforcer le lien transatlantique.

Par ailleurs, à l’initiative du secrétaire général de l’Alliance, qui s’est prononcé en mars 2015 en faveur de l’établissement d’une stratégie d’innovation pour l’OTAN, ACT a mis en place plusieurs outils permettant de porter l’innovation :

– un processus de vision prospective et stratégique identifiant à l’horizon 2030 l’environnement et les implications militaires prises en compte dans la dimension long-terme du processus de développement capacitaire (NDPP) ;

– une approche de la définition des besoins capacitaires centrée sur l’interopérabilité et visant à disposer de capacités militaires « plug and play », et à offrir aux nations un modèle de juste retour dans leur investissement ;

– une culture très forte du partenariat, que ce soit avec les nations partenaires de l’OTAN ou les organisations internationales, l’industrie et le monde académique ;

– une approche des exercices en tant que vecteur central de la démonstration de l’état de préparation et de la capacité de réaction de l’OTAN avec ses partenaires

3. Les capacités militaires de l’OTAN

Depuis le sommet du Pays de Galles, l’OTAN a engagé d’importants efforts pour renforcer la crédibilité de son outil militaire et adapter sa posture aux défis protéiformes auxquels les Alliés sont aujourd’hui confrontés.

Cela suppose de disposer de capacités modernes et flexibles pour assurer les trois tâches fondamentales que s’est fixées l’Alliance dans son concept stratégique : défense collective ; gestion de crise ; sécurité coopérative.

L’identification des capacités nécessaires se déroule dans le cadre du cycle de planification capacitaire de l’OTAN – le NDPP. Ce processus complexe se déroule de la façon suivante :

– sur la base du concept stratégique, les Alliés ont adopté une « directive politique » en juin 2015, qui constitue le document-cadre du processus capacitaire : il définit le niveau d’ambition de l’OTAN, c’est-à-dire ce que l’Alliance doit être capable de réaliser ;

– les capacités nécessaires pour répondre à ce niveau d’ambition en sont ensuite dérivées, testées contre différents scénarios, et comparées avec l’inventaire des forces que les Alliés déclarent à l’OTAN ;

– à partir des lacunes capacitaires constatées, chaque nation se voit attribuer, au terme d’un échange avec l’OTAN, des cibles capacitaires permettant de combler ces lacunes.

L’OTAN est aujourd’hui engagée dans la redéfinition de ses besoins capacitaires. Il est donc trop tôt pour dire si les capacités actuelles répondent à l’ensemble des besoins. Néanmoins, l’OTAN vérifie en permanence l’adéquation entre ses ressources et ses missions fondamentales, et le Plan d’action pour la réactivité constitue un vecteur essentiel pour adapter les capacités à la disposition de l’OTAN au nouveau contexte stratégique.

Vos rapporteurs tiennent à rappeler que les capacités de l’OTAN sont avant tout celles des États qui en sont membres. Il est à ce titre utile de rappeler que l’OTAN dispose de très peu de capacités en propre – principalement la flotte de 17 appareils AWACS (27) à Geilenkirchen (Allemagne) et, à compter de 2017-2018, la flotte de cinq drones AGS à Sigonella (Italie).

Dans le contexte actuel, et compte tenu de l’engagement de nos troupes en opérations extérieures, il est évident que la flexibilité et la modernité des capacités doivent être, du point de vue français, au cœur du sujet. L’Alliance ne sera crédible militairement, face à l’ensemble des menaces et risques, que si elle est plus réactive, à travers des forces bien équipées, bien entraînées, et rapidement déployables sur tous les théâtres possibles.

C. LES AUTRES STRUCTURES DE L’OTAN

1. Le secrétariat international et le secrétaire général

Le secrétariat international est l’organisme administratif de soutien de l’Alliance placé sous la responsabilité du secrétaire général, désigné par les chefs d’États et de gouvernements lors des sommets, pour un mandat d’environ cinq ans. Il s’agit depuis le 1er octobre 2014 de M. Jens Stoltenberg, ancien Premier ministre norvégien.

Président du Conseil de l’Atlantique Nord et des autres Comités décisionnels de haut niveau comme le Groupe des plans nucléaires, le secrétaire général est également le porte-parole de l’organisation, et en charge du pilotage du processus de consultation et de prise de décision de l’Alliance.

Le Secrétariat international emploie 1 100 civils, tous ressortissants de pays membres de l’Alliance, alors qu’à l’échelle mondiale, l’OTAN emploie environ 6 000 personnes dans différentes agences et commandements stratégiques ou régionaux.

2. Les agences de l’OTAN

À l’occasion du Sommet de Lisbonne, il a été décidé de réformer les agences de l’OTAN et d’en réduire le nombre de quatorze à trois, autour de trois thématiques majeures : l’acquisition, le soutien, l’information et la communication. Trois nouvelles organisations ont ainsi été créées en juillet 2012 afin de reprendre les fonctions et responsabilités des agences existantes.

● L’Agence d’information et de communication (NCIA), dont le siège est à Bruxelles, assure à l’échelle de l’OTAN les prestations informatiques d’ordre général touchant aux services, aux acquisitions et au soutien dans les domaines tels que les systèmes C2 (commandement et contrôle), les communications tactiques et stratégiques et les systèmes de cyberdéfense. L’agence emploie 2 900 agents, dont la moitié sont des civils.

● L’Agence de soutien (NSPA), dont le siège est à Capellen (Luxembourg), fournit le soutien en matière de maintien en condition opérationnelle, de maintenance et de logistique pour les systèmes d’armes, tout en assurant aussi la logistique opérationnelle et d’autres services au bénéfice des pays et de l’Alliance dans son ensemble. Cette agence est également en charge de l’acquisition de nouveaux matériels. L’agence emploie 1 100 civils.

● L’Organisation pour la science et la technologie (STO), qui comprend un Bureau de programme pour la collaboration S&T et un Centre pour la recherche et l’expérimentation maritimes. La STO dispose d’un réseau d’experts rassemblant plus de 4 000 personnes dans le monde.

3. Les centres de formation

Les premières activités de formation de l’OTAN ont débuté dès 1949. Aujourd’hui, c’est le commandement allié « Transformation » qui est responsable de cette mission au sein de l’OTAN.

● Le Collège de défense de l’OTAN, situé à Rome, a accueilli plusieurs milliers d’officiers supérieurs, de diplomates et de responsables depuis sa fondation en 1951. Il a pour mission principale d’aider à préparer les officiers supérieurs et les cadres civils de haut rang à occuper des postes de responsabilité à l’OTAN, d’organiser des activités d’ouverture à l’intention des pays partenaires, et d’apporter aux décideurs de l’OTAN des éclairages nouveaux.

● L’École de l’OTAN, située à Oberammergau (Allemagne) est le principal établissement de formation de l’OTAN au niveau opérationnel, elle dispense aux personnels civils et militaires des pays de l’OTAN, des pays du Partenariat pour la paix, des pays du Dialogue méditerranéen et des partenaires mondiaux un enseignement individuel pluridisciplinaire de courte durée. Dans le cadre de son soutien aux opérations, elle a aussi compté parmi ses étudiants du personnel de pays non OTAN, comme l’Afghanistan ou l’Irak.

● L’École des systèmes d’information et de communication de l’OTAN, actuellement située à Latina (Italie) jusqu’à son déménagement à Oerias près de Lisbonne (Portugal) en 2016 ou 2017, dispense une formation de haut niveau à des civils et des militaires en charge de l’exploitation et de la maintenance des systèmes d’information et de communication de l’Alliance.

● Le Centre d’entraînement aux opérations d’interdiction maritime (NMIOTC), situé dans la baie de la Sude (Grèce), assure l’entraînement multinational nécessaire aux forces de l’OTAN pour qu’elles soient mieux à même de mener des activités de surface, sous la surface et de surveillance aérienne et des opérations spéciales à l’appui des opérations d’interdiction maritime.

● Les centres d’excellence, accrédités par l’OTAN mais financés aux niveaux national ou multinational en dehors de la structure de commandement de l’organisation, délivrent des formations spécifiques à leur spécialisation. Les premiers centres d’excellence à avoir été pleinement homologués par l’OTAN sont le Centre de compétences en matière de puissance aérienne interarmées (en Allemagne) et le Centre d’excellence pour la défense contre le terrorisme (en Turquie).

● Par ailleurs, l’OTAN organise des stages de formation et d’entraînement pour assurer l’efficacité et l’interopérabilité des forces de ses pays membres, ainsi qu’avec des pays non-membres dans le cadre de sa coopération. Les trois grands objectifs de la formation sont les suivants : renforcer l’interopérabilité et l’efficacité des forces multinationales dirigées par l’OTAN, aider les pays partenaires à mener à bien leurs travaux de réforme et contribuer à instaurer la paix et la stabilité dans les régions en crise.

À titre d’exemple, le programme de renforcement de la formation « défense » (DEEP) fournit aux partenaires des conseils sur les moyens de mettre en place, de développer et de réformer les établissements de formation des secteurs militaire et de la défense. Actuellement, treize pays bénéficient d’un DEEP qui leur est propre (28).

De nombreuses institutions « hors OTAN » sont associées à ces programmes, parmi lesquelles le Centre des hautes études militaires des États-Unis, l’Académie canadienne de la défense, l’Université nationale de défense de Pologne, l’Université nationale de défense de Roumanie, l’Université de défense tchèque, l’Académie des forces armées slovaques, le Centre de politique de sécurité de Genève et le Centre George C. Marshall de Garmisch-Partenkirchen. Le centre de coordination pour la formation, qui fonctionne sous la direction de la République tchèque, de l’Italie, de la Pologne, de la Roumanie, de la Slovaquie, de l’Espagne, de la Suisse et des États-Unis, joue un rôle capital dans la coordination des activités de l’OTAN et des pays à l’appui des projets DEEP.

Par ailleurs, dans le cadre de ses programmes de coopération, l’OTAN a mis en place des missions de formation dans les pays en sortie de conflit, afin de préparer les nouvelles forces de sécurité à assurer leur mission.

Exemples de programmes de formation dans les régions
en situation de post-conflit

– Afghanistan

Un élément important de l’engagement de l’OTAN en Afghanistan est l’aide qu’elle apporte à ce pays pour qu’il mette en place ses structures et ses forces de sécurité. Créée en novembre 2009, la mission OTAN de formation en Afghanistan (NTM-A) regroupe les activités de formation menées par l’OTAN. Ses tâches essentielles sont, entre autres, la formation des forces de sécurité nationales afghanes, le soutien au socle de la formation institutionnelle de l’Armée nationale afghane, et la réforme de la police nationale afghane au niveau des districts et plus localement. L’Alliance a également déployé des équipes de liaison auprès d’unités de l’armée nationale afghane à différents échelons de commandement. Ces équipes se sont peu à peu transformées en équipes consultatives militaires et en équipes consultatives de police, plus généralement appelées « équipes d’assistance aux forces de sécurité ».

En 2006, l’OTAN a signé avec l’Afghanistan une déclaration instaurant un programme substantiel de coopération à long terme. Ce « programme de coopération afghan » prévoit un complément d’aide pour l’entraînement et notamment l’accès des Afghans aux activités de partenariat et aux stages de l’OTAN, l’échange de conseils et de savoir-faire sur la réforme de la défense et la mise en place d’institutions de sécurité, ainsi qu’une assistance spécifique, notamment pour la formation linguistique.

Par la suite, l’OTAN et le gouvernement de la République islamique d’Afghanistan ont signé, le 20 novembre 2010 au sommet de l’OTAN à Lisbonne, une déclaration sur un partenariat durable. Le partenariat durable vise à apporter un soutien politique et pratique à long terme à l’Afghanistan tandis que ce pays reconstruit ses institutions de sécurité et prend progressivement la pleine responsabilité de sa sécurité dans le cadre du processus de transition. Il comprend une série d’activités et de programmes agréés dans le cadre de la coopération qui s’exerce entre l’OTAN et l’Afghanistan. Il s’agit notamment du programme de formation militaire professionnelle pour l’Afghanistan, qui vise à développer plus avant les institutions afghanes, ainsi que d’autres initiatives comme le projet pilote de formation à la lutte antidrogue.

– L’Union africaine

À la demande de l’Union africaine (UA), l’OTAN a aidé celle-ci, de juin 2005 à fin décembre 2007, à consolider sa force de maintien de la paix au Darfour pour qu’elle puisse mettre fin à la violence qui secouait la région. Initialement, le soutien de l’OTAN a consisté à former les troupes de l’UA à la planification stratégique et aux procédures opérationnelles. L’OTAN a contribué à l’organisation d’un exercice sur cartes dirigé par l’ONU et, à l’été 2006, elle a aussi fourni une aide à la formation dans les domaines de la certification avant déploiement, des « enseignements tirés » et de la gestion de l’information.

En outre, depuis 2007, l’OTAN met à la disposition de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) des experts spécialisés dans des domaines comme la planification maritime, la coordination des mouvements aériens et la logistique. L’OTAN fournit également, à la demande de l’UA, un soutien sous la forme d’experts et de formateurs pour la Force africaine en attente, laquelle s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par l’UA pour développer des capacités de maintien de la paix à long terme.

– Irak

De 2004 à fin 2011, l’OTAN a aidé l’Irak à assurer sa propre sécurité en formant du personnel irakien et en apportant son soutien à la mise en place des institutions de sécurité du pays. Elle a formé et encadré, dans ses écoles et ses centres d’entraînement, aussi bien en Irak qu’à l’extérieur du pays, des personnels de rang intermédiaire et supérieur des forces de sécurité irakiennes. Elle a aussi assuré la coordination des offres d’équipements et de formation faites par certains pays de l’OTAN et certains pays partenaires.

Source : OTAN.

D. LA COOPÉRATION AVEC LES PAYS PARTENAIRES DE L’OTAN

Depuis la chute de l’URSS et la dissolution du Pacte de Varsovie, l’Alliance a établi un réseau de partenariats structurés avec des pays de la région euro-atlantique, du pourtour méditerranéen et de la région du Golfe, ainsi que des relations individuelles avec d’autres partenaires du monde entier.

Aujourd’hui, le concept stratégique de l’OTAN considère la « sécurité coopérative » comme l’une des trois tâches fondamentales de l’OTAN. La sécurité coopérative sous-entend que l’approfondissement des partenariats permettra de mieux assurer la sécurité de chacun. Cette approche a été confirmée par les Alliés, qui ont mis en place une politique des partenariats réformée lors du Sommet de Berlin en avril 2011. De même, le Sommet de Newport, organisé en septembre 2014, a conduit au lancement de deux initiatives visant à approfondir la coopération entre l’OTAN et les partenaires dans le domaine de la sécurité : l’initiative pour l’interopérabilité avec les partenaires et l’initiative de renforcement des capacités de défense et des capacités de sécurité s’y rapportant.

La nouvelle politique concerne non seulement les partenariats avec les pays non-membres, mais également la coopération de l’OTAN avec d’autres organisations et acteurs internationaux.

1. Le Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA)

Le Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA) est né en 1997 de la fusion des deux premiers forums de dialogues de l’OTAN, le Conseil de coopération nord atlantique (CCNA) et le Partenariat pour la Paix (PPP).

Dès 1991, l’Alliance a institutionnalisé les relations diplomatiques avec les anciens membres du Pacte de Varsovie, et mis en place un forum, le CCNA, permettant des échanges de vue sur les préoccupations de sécurité héritées de la Guerre froide, comme le retrait des troupes russes des Pays baltes, ainsi que les conflits régionaux, comme dans l’ex-Yougoslavie. L’instauration d’un climat de confiance a permis le lancement du Partenariat pour la paix (PPP) en 1994. Tous les membres du Conseil de l’Atlantique Nord ainsi que des pays de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe y ont été invités afin d’instaurer une coopération bilatérale pratique avec l’OTAN.

Aujourd’hui, le Conseil de partenariat euro-atlantique compte cinquante pays, et fonctionne comme un forum multilatéral de dialogue et de consultation sur des questions politiques et de sécurité entre les pays membres et les pays partenaires de l’OTAN. Il se réunit mensuellement au niveau des ambassadeurs et annuellement au niveau des ministres des Affaires étrangères, des ministres de la Défense et des chefs d’état-major de la défense.

Le CPEA intervient notamment dans les domaines suivants : la gestion des crises et les opérations de soutien de la paix, les questions régionales, la maîtrise des armements et les questions liées à la prolifération des armes de destruction massive, le terrorisme international, les questions concernant les plans, les budgets, la politique et la stratégie de défense, les plans civils d’urgence et la préparation aux catastrophes, la coopération dans le domaine de l’armement, la sûreté nucléaire, la coordination civilo-militaire de la gestion de la circulation aérienne et la coopération scientifique.

2. Le Dialogue méditerranéen de l’OTAN

Le Dialogue méditerranéen de l’OTAN a été initié en 1994 par le Conseil de l’Atlantique Nord. Il rassemble actuellement sept pays de la région méditerranéenne : l’Algérie, l’Égypte, Israël, la Jordanie, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie.

Ce partenariat s’inscrit dans une vision globale de la sécurité, réaffirmée par les chefs d’État et de gouvernement rassemblés lors du sommet de Prague en 2002 : « Nous réaffirmons que la sécurité en Europe est étroitement liée à la sécurité et à la stabilité en Méditerranée […].»

Ce forum de discussion, très peu formalisé, a pour objectif général de contribuer à la sécurité et à la stabilité de la région, d’instaurer une meilleure compréhension mutuelle et de dissiper, dans les pays participant au Dialogue, les idées fausses au sujet de l’OTAN.

Le Dialogue méditerranéen repose sur deux piliers interdépendants : le dialogue politique et la coopération pratique.

La dimension politique s’est fortement accrue depuis que le Dialogue méditerranéen a été élevé au rang de partenariat à part entière lors du sommet d’Istanbul de juin 2004. Depuis lors, le nombre et la qualité des activités menées dans le cadre du dialogue politique sont en augmentation constante et plus d’une dizaine de réunions des chefs d’état-major de la défense des pays de l’OTAN et du Dialogue méditerranéen ont eu lieu à ce jour.

La dimension pratique est fixée par un programme de travail annuel, qui prévoit des séminaires, des ateliers et d’autres activités pratiques dans de nombreux domaines – modernisation des forces armées, plans civils d’urgence, gestion des crises, sécurité aux frontières, élimination des armes légères et de petit calibre, diplomatie publique, coopération scientifique et environnementale –, ainsi que des consultations sur le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive.

Par ailleurs, la coopération pratique repose également sur des actions de nature militaire : les pays membres du Dialogue méditerranéen sont ainsi parfois invités à assister, voire à participer, à des exercices militaires OTAN, ou à suivre des activités de formation dans les différentes structures de l’OTAN prévues à cet effet. La dimension militaire prévoit également des escales des forces navales permanentes de l’OTAN dans des pays du Dialogue méditerranéen, des séances de formation des formateurs sur place données par des équipes de formation mobile, ainsi que des visites d’experts de l’OTAN.

Par ailleurs, Israël, l’Égypte, la Jordanie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie bénéficient de programmes de coopération individuels sur mesure.

3. L’Initiative de coopération d’Istanbul (ICI)

Lancée en 2004 lors du Sommet éponyme, l’Initiative de coopération d’Istanbul (ICI) ouvre la voie à une offre de coopération pratique bilatérale entre les pays du Moyen-Orient – en premier lieu les États du Conseil de coopération du Golfe – et l’OTAN dans le domaine de la sécurité.

À ce jour, quatre pays – Bahreïn, Koweït, Qatar, Émirats arabes unis – ont adhéré à l’ICI. L’Arabie saoudite et Oman ont également exprimé leur intérêt pour l’Initiative.

L’Initiative propose une liste d’activités bilatérales parmi lesquelles les pays peuvent faire leur choix, dans divers domaines de coopération :

– conseils adaptés sur la transformation de la défense, l’établissement des budgets de défense, la planification de la défense et les relations civilo-militaires ;

– coopération entre militaires, afin de contribuer à l’interopérabilité par la participation à certains exercices militaires et à des activités de formation et d’entraînement connexes ;

– coopération à la lutte contre le terrorisme, y compris par le partage du renseignement ;

– coopération à l’action de l’Alliance contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs ;

– coopération à la sécurisation des frontières en ce qui concerne le terrorisme, les armes légères et de petit calibre, et la lutte contre les trafics illicites ;

– plans civils d’urgence, y compris la participation à des stages de formation et à des exercices sur les opérations de secours en cas de catastrophe.

L’Initiative de coopération en matière de formation (NRCI), lancée au sommet de Riga en 2007, a complété les activités de coopération existantes par la création d’un cycle relatif aux défis sécuritaires actuels au Moyen-Orient au sein Collège de défense de l’OTAN à Rome.

Plus récemment, les partenaires de l’ICI ont fait part de leur intérêt croissant à participer à des opérations dirigées par l’OTAN, en tant que prestataires de sécurité. Aujourd’hui, plusieurs partenaires de l’ICI contribuent à l’opération de la FIAS dirigée par l’OTAN en Afghanistan. De même, après le lancement de l’opération Unified Protector (OUP) en Libye, le Qatar et les Émirats arabes unis ont mis à disposition des moyens aériens pour appuyer l’opération.

4. Les partenaires mondiaux

L’intervention de l’OTAN « hors zone » – notamment en Afghanistan et en Libye – a accru les opportunités et la nécessité d’un renforcement de l’interaction au niveau mondial.

L’OTAN coopère ainsi à titre individuel avec un certain nombre de pays qui ne font pas partie de ses cadres de partenariat formels. Ces pays – les « partenaires mondiaux » – sont l’Afghanistan, l’Australie, l’Irak, le Japon, la République de Corée, la Mongolie, la Nouvelle-Zélande et le Pakistan.

Les « partenaires mondiaux » coopèrent avec l’OTAN à titre individuel, hors des cadres de partenariat traditionnels de l’Alliance, bien qu’ils aient aujourd’hui accès aux mêmes activités de partenariat que tous les autres partenaires. La coopération porte ainsi aussi bien sur des opérations et exercices conjoints que sur la formation au niveau stratégique concernant les questions de renseignement, d’information et de technologies.

Ce dialogue s’explique notamment par la contribution de certains de ces pays aux opérations dirigées par l’OTAN. Ainsi, en Afghanistan, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la République de Corée travaillent aux côtés des Alliés dans le cadre de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS). Sans participer militairement, le Japon soutient les efforts de stabilisation engagés par la FIAS en Afghanistan en finançant de nombreux projets de développement et en envoyant des officiers de liaison. De même, le Pakistan participe dorénavant aux efforts déployés par l’OTAN et la communauté internationale pour stabiliser la situation en Afghanistan. Enfin, des forces argentines et chiliennes avaient travaillé aux côtés des Alliés pour assurer la sécurité en Bosnie-Herzégovine.

5. Les relations avec les organisations internationales

Si l’Alliance cherche à renforcer ses relations avec d’autres organisations internationales depuis l’effondrement du bloc soviétique, cette stratégie a été renforcée lors du Sommet de Lisbonne, qui a promu une approche globale de la gestion des crises. Consciente de ne pouvoir répondre seule tant aux menaces protéiformes susceptibles de survenir dans un monde apolaire toujours plus complexe qu’aux besoins grandissants pour stabiliser les pays en situation de sortie de crise, l’OTAN mène ainsi un dialogue approfondi, et parfois compliqué, avec la plupart des grandes organisations internationales.

a. Avec l’OSCE

La coopération entre l’OTAN et l’OSCE remonte aux années 1990 et à la chute de l’URSS. Elles coopèrent sur les plans politique et opérationnel dans des domaines tels que la prévention et la résolution des conflits, le relèvement post-conflit, la gestion des crises et la réponse aux nouveaux défis de sécurité : la sécurité aux frontières, le désarmement, la maîtrise des armements (en particulier pour ce qui est de la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre), la sécurité énergétique et le terrorisme. Au travers de l’initiative « Environnement et sécurité » (ENVSEC), leur coopération porte également sur les questions environnementales qui constituent une menace pour la sécurité, la stabilité et la paix.

Les relations politiques entre l’OTAN et l’OSCE sont aujourd’hui régies par la « Plate-forme pour la sécurité coopérative » lancée par l’OSCE en 1999.

b. Avec l’Union européenne

Depuis l’élargissement des deux organisations en 2004, et suite à l’adhésion de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie à l’Union européenne, l’OTAN et l’Union européenne ont désormais 22 États membres en commun.

L’année 2001 a marqué le début des relations institutionnalisées entre l’OTAN et l’Union européenne, qui ont tiré parti des mesures prises pendant les années 1990 dans le but de promouvoir une plus grande responsabilité européenne en matière de défense. Les principes politiques sous-tendant ces relations ont été définis dans la Déclaration OTAN-UE sur la politique européenne de sécurité et de défense, adoptée le 16 décembre 2002, qui confirme notamment l’accès assuré de l’Union européenne à des capacités de planification de l’OTAN pour ses propres opérations militaires.

Le 17 mars 2003, les arrangements dits « Berlin + » ont posé les fondements permettant à l’Alliance de soutenir des opérations dirigées par l’Union européenne dans lesquelles l’OTAN dans son ensemble n’est pas engagée.

Des réunions régulières ont lieu, à différents niveaux (29), afin d’approfondir les relations entre les deux institutions. De même, des arrangements de liaison militaire permanents ont été établis afin de faciliter la coopération au niveau opérationnel. Une équipe de liaison permanente de l’OTAN est ainsi présente à l’état-major de l’Union européenne (EMUE) depuis novembre 2005, et une cellule de l’Union européenne a été mise en place au SHAPE en mars 2006.

Auparavant, les deux institutions ont créé un Groupe sur les capacités en mai 2003 afin de veiller à ce que les efforts de l’OTAN et de l’UE en matière de développement capacitaire soient cohérents et synergiques.

La coopération OTAN-UE sur le terrain

– Balkans occidentaux

En juillet 2003, l’UE et l’OTAN ont publié une « approche concertée pour les Balkans occidentaux ». Élaboré conjointement, ce document définit les domaines clés de la coopération et met l’accent sur la vision commune des deux organisations et sur leur détermination partagée à instaurer la stabilité dans cette région.

– L’ex-République yougoslave de Macédoine

Le 31 mars 2003, l’opération Concordia, dirigée par l’UE, a succédé à l’opération Allied Harmony, mission que l’OTAN dirigeait dans l’ex-République yougoslave de Macédoine. Cette opération, qui s’est terminée en décembre 2003, était la première opération « Berlin + » au cours de laquelle des moyens OTAN ont été mis à la disposition de l’UE.

– Bosnie-Herzégovine

Mettant à profit les résultats de l’opération Concordia, et dans le prolongement de la mission de la Force de stabilisation (SFOR) dirigée par l’OTAN en Bosnie-Herzégovine, l’UE a lancé une nouvelle mission, l’opération Althea, le 2 décembre 2004. La Force de l’Union européenne (EUFOR) opère dans le cadre des arrangements « Berlin + », en tirant parti de l’expertise de l’OTAN en matière de planification ainsi que des autres moyens et capacités de l’Alliance. Le Commandant suprême adjoint des Forces alliées en Europe (DSACEUR) assure le commandement de l’opération Althea. L’état-major de l’opération (EMO) de l’UE se trouve au SHAPE.

– Kosovo

L’OTAN dirige une force de maintien de la paix au Kosovo, la KFOR, depuis 1999. L’UE met quant à elle des moyens civils à la disposition de la Mission des Nations Unies au Kosovo (MINUK) depuis plusieurs années et a accepté de prendre la relève de la composante policière de la mission de l’ONU. Déployée en décembre 2008, la mission « État de droit » menée par l’Union européenne au Kosovo (EULEX) est la mission civile la plus importante jamais lancée dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Son principal objectif est d’aider et de soutenir les autorités du Kosovo pour ce qui est de l’État de droit, et plus particulièrement dans les secteurs de la police, du judiciaire et des douanes. EULEX collabore étroitement avec la KFOR sur le terrain.

– Afghanistan

L’OTAN et l’UE jouent un rôle clé pour ce qui est d’instaurer la paix et la stabilité en Afghanistan, et elles interviennent dans le cadre des efforts plus larges déployés par la communauté internationale pour mettre en œuvre une approche globale de l’aide à fournir à ce pays. La Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) dirigée par l’OTAN aide à créer un environnement stable et sûr dans lequel le gouvernement afghan et les autres acteurs internationaux pourront mettre en place des institutions démocratiques, étendre l’État de droit et reconstruire le pays. L’OTAN a salué le lancement par l’UE, en juin 2007, d’une mission « État de droit » dans le cadre de la PSDC (EUPOL). L’UE a en outre engagé un programme de réforme de la justice, et elle contribue au financement de projets civils dans le cadre des équipes de reconstruction provinciales (PRT) administrées par l’OTAN et placées sous la direction d’un pays membre de l’UE.

– Darfour

L’OTAN et l’UE apportent toutes deux leur aide à la mission de l’Union africaine au Darfour (Soudan), en particulier pour ce qui est des rotations des avions de transport.

– Piraterie

Depuis septembre 2008, des forces navales de l’OTAN et de l’UE sont déployées côte à côte (respectivement dans le cadre des opérations Ocean Shield et EUNAVFOR Atalanta), avec d’autres acteurs, au large de la Somalie, pour mener des missions de lutte contre la piraterie.

– Terrorisme et prolifération des ADM

L’OTAN et l’Union européenne sont toutes deux résolues à lutter contre le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive. Elles échangent ainsi des informations sur leurs activités dans le domaine de la protection des populations civiles contre des attaques dues à des armes chimiques, biologiques, radiologiques ou nucléaires (CBRN).

c. Avec l’ONU

Le Traité de l’Atlantique Nord, signé le 4 avril 1949, établit clairement que la Charte des Nations unies constitue le cadre de référence de l’Alliance. Par le Traité, les Alliés réaffirment leur foi dans les buts et les principes de la Charte et s’engagent à régler les conflits de manière pacifique. Ils s’engagent en outre à appliquer le principe de la défense collective, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations unies, qui reconnaît le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, de tous les membres des Nations unies.

La filiation de l’OTAN à l’ONU est donc évidente. Toutefois, et pour des raisons évidentes, les deux organisations ne coopèrent que depuis le début des années 1990 et la chute de l’URSS.

Les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ont constitué le mandat des opérations de l’OTAN dans les Balkans occidentaux, en Afghanistan et en Libye. Elles ont en outre défini le cadre de la mission OTAN de formation en Irak. L’OTAN a par ailleurs apporté son soutien à des opérations parrainées par l’ONU au Darfour et en Somalie, et elle a participé aux opérations de secours organisées par l’ONU au Pakistan en 2005.

En septembre 2008, les secrétaires généraux des deux organisations ont établi le cadre d’une consultation et d’une coopération accrues, par la signature d’une Déclaration prévoyant notamment le renforcement des échanges et l’élargissement du champ de la coopération entre les deux institutions. Celle-ci touche désormais des domaines très divers, comme la gestion des crises, la coopération civilo‑militaire, la formation et l’éducation, la logistique, la lutte contre la traite des êtres humains, le déminage, les capacités civiles, les femmes, la paix et la sécurité, la maîtrise des armements et la non-prolifération, et la lutte contre le terrorisme.

6. Les relations avec la Russie

La crise russo-ukrainienne a mis à mal de manière brutale les efforts consentis durant vingt ans pour construire une relation sereine avec la Russie. Dès le 2 mars 2014, le Conseil de l’Atlantique Nord a condamné l’escalade militaire provoquée par la Russie en Crimée et s’est dit gravement préoccupé de constater que le Parlement russe avait autorisé l’utilisation des forces armées russes sur le territoire ukrainien. La stérilité des discussions engagées dans la foulée au sein du Conseil OTAN-Russie (COR) a conduit l’OTAN à condamner le référendum organisé le 16 mars 2014 dans la République autonome ukrainienne de Crimée, puis à suspendre toute coopération pratique dans le cadre du COR au mois d’avril 2014. Le Sommet de Newport, organisé au Pays de Galles en septembre 2014, a été l’occasion pour les dirigeants des pays de l’OTAN de condamner l’intervention militaire russe en Ukraine. La situation y demeure aujourd’hui extrêmement tendue.

Auparavant, un dialogue et une coopération pratique dans des domaines d’intérêt commun avaient été mis en place dans le cadre de l’Acte fondateur de 1997, puis de la Déclaration de Rome (2002), qui a suscité la création du Conseil OTAN-Russie. Ces deux étapes majeures ont permis à l’OTAN de nouer des relations approfondies avec la Russie, qui avait déjà rejoint le Conseil de coopération nord-atlantique en 1991, puis le programme du Partenariat pour la paix en 1994. Par ailleurs, l’Assemblée parlementaire de l’OTAN avait mis en place une Commission parlementaire OTAN-Russie (NRPC), suspendue en raison de la crise russo-ukrainienne.

Cette coopération constructive avait permis à l’OTAN et à la Russie de travailler ensemble tant sur des terrains extérieurs, la Russie apportant par exemple un soutien à la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) et aux forces armées afghanes (30), que de manière bilatérale, en matière de lutte contre le terrorisme (31) ou de coopération scientifique et technique par exemple.

ÉVALUER LA PLACE DE LA FRANCE DANS L’OTAN

Le retour en 2009 de la France au sein du commandement militaire intégré impose, alors que les derniers rapports parlementaires consacrés à l’OTAN datent de 2007, de tenter d’évaluer la place de la France dans l’OTAN. Cette analyse ne prétend pas à l’exhaustivité du fait de la complexité de la question. Elle prend appui sur le rapport rédigé par M. Hubert Védrine en 2012, et remis au président Hollande quelques mois après son accession à la présidence de la République. Elle ne pourra non plus faire l’économie d’un bref rappel historique des relations entre notre pays et l’OTAN. Les débats passionnés qui ont entouré la question de la réintégration dans le commandement intégré de l’OTAN justifient à eux seuls que vos rapporteurs rappellent au préalable une évidence : la France n’a jamais complètement quitté l’OTAN, et s’en est fortement rapprochée depuis le début des années 1990. Enfin, il conviendra de répondre à quelques critiques entendues parfois quant à la relativité de notre engagement dans l’Alliance, et d’inciter à davantage assumer ce retour.

I. LA FRANCE ET L’OTAN, UNE HISTOIRE SINGULIÈRE

A. LA FRANCE DANS L’OTAN

1. Un membre fondateur et actif

La France a toujours été un allié de premier plan de l’OTAN, et ce dès l’origine. En tant que membre fondateur, elle participe pleinement aux missions de l’OTAN de 1949 à 1966.

La France est donc un membre actif, comme en témoigne la forte présence des infrastructures de l’OTAN sur son territoire. D’abord, le Palais de Chaillot, situé au Trocadéro à Paris, accueille de manière transitoire le siège de l’OTAN à partir de 1952. Celui-ci est transféré à compter de 1959 Porte Dauphine, au « Palais de l’OTAN » (32) construit à cet effet sur des plans de l’architecte Jacques Carlu, jusqu’au retrait de la France du commandement militaire intégré en 1966.

De plus, le Grand quartier général des puissances alliées en Europe (SHAPE), est établi à Rocquencourt, dans les Yvelines. La France accueille également plusieurs bases de l’Alliance sur son territoire, dont des bases aériennes de l’US Air Force.

Les forces de l’OTAN en France en 1966


2. L’apparition des premières tensions

L’accession du général de Gaulle à la présidence de la République en 1958 marque l’ouverture d’une période de crises successives entre la France et l’OTAN. Dès 1959, la France décide de retirer sa flotte méditerranéenne du commandement intégré. En 1962, les flottes stationnées dans la Manche et dans l’Atlantique sont également retirées du commandement allié. Entre-temps, la France a acquis le statut de puissance nucléaire, au terme d’un programme lancé précisément dans le but de garantir son indépendance à l’égard de ses alliés.

Selon plusieurs auteurs, la volonté d’indépendance de la France vis-à-vis de l’OTAN est également motivée par les rebuffades que les autorités françaises ont régulièrement dû supporter sous la IVRépublique et par le souvenir de la défaite de 1940, qui impose d’être pansée par un regain de fierté et d’autonomie.

B. LA FRANCE « HORS » DE L’OTAN

1. Le retrait du commandement militaire intégré en 1966

Le 21 février 1966, le général de Gaulle distingue clairement l’Alliance et l’Organisation militaire lors d’une conférence de presse. Quelques jours plus tard, le 7 mars, il adresse une lettre au président Johnson faisant état de sa volonté de quitter le commandement militaire intégré. La décision de se retirer des états-majors militaires de l’organisation ne remet nullement en cause l’engagement français à prendre part à la défense collective de l’Alliance : il s’agit, selon la formulation du général de Gaulle, de « modifier la forme de notre Alliance sans en altérer le fond ». Les raisons invoquées par le général de Gaulle sont la volonté de disposer librement de ses forces et de son territoire, de choisir librement son concept de défense (en l’espèce la dissuasion nucléaire), de conserver une liberté d’appréciation en période de crise, notamment quant aux moyens à utiliser.

Lettre du président de la République, Charles de Gaulle,
au président américain, Lyndon Johnson,
annonçant le retrait de la France de la structure militaire intégrée de l’OTAN
(7 mars 1966
)

Cher Monsieur le Président,

Notre Alliance atlantique achèvera dans trois ans son premier terme. Je tiens à vous dire que la France mesure à quel point la solidarité de défense ainsi établie entre quinze peuples libres de l’Occident contribue à assurer leur sécurité et, notamment, quel rôle essentiel jouent à cet égard les États-Unis d’Amérique. Aussi, la France envisage-t-elle, dès à présent, de rester, le moment venu, partie au Traité signé à Washington le 4 avril 1949. Cela signifie, qu’à moins d’événements qui, au cours des trois prochaines années, viendraient à changer les données fondamentales des rapports entre l’Est et l’Ouest, elle serait, en 1969 et plus tard, résolue, tout comme aujourd’hui, à combattre aux côtés de ses alliés au cas où l’un d’entre eux serait l’objet d’une agression qui n’aurait pas été provoquée.

Cependant, la France considère que les changements accomplis ou en voie de l’être, depuis 1949, en Europe, en Asie et ailleurs, ainsi que l’évolution de sa propre situation et de ses propres forces, ne justifient plus, pour ce qui la concerne, les dispositions d’ordre militaire prises après la conclusion de l’alliance soit en commun sous la forme de conventions multilatérales, soit par accords particuliers entre le gouvernement français et le gouvernement américain.

C’est pourquoi la France se propose de recouvrer sur son territoire l’entier exercice de sa souveraineté, actuellement entamé par la présence permanente d’éléments militaires alliés ou par l’utilisation habituelle qui est faite de son ciel, de cesser sa participation aux commandements « intégrés » et de ne plus mettre de forces à la disposition de l’OTAN. Il va de soi que, pour l’application de ces décisions, elle est prête à régler avec les gouvernements alliés et, en particulier, avec celui des États-Unis, les mesures pratiques qui les concernent. D’autre part, elle est disposée à s’entendre avec eux quant aux facilités militaires à s’accorder mutuellement dans le cas d’un conflit où elle s’engagerait à leurs côtés, et quant aux conditions de la coopération de ses forces et des leurs dans l’hypothèse d’une action commune, notamment en Allemagne.

Sur tous ces points, cher monsieur le président, mon gouvernement va donc prendre contact avec le vôtre. Mais, afin de répondre à l’esprit d’amicale franchise qui doit inspirer les rapports entre nos deux pays et, permettez-moi de l’ajouter, entre vous et moi, j’ai tenu, tout d’abord, à vous indiquer personnellement pour quelles raisons, dans quel but et dans quelles limites la France croit devoir, pour son compte, modifier la forme de notre alliance sans en altérer le fond.

Je vous prie de bien vouloir agréer, cher monsieur le président, les assurances de ma très haute considération et l’expression de mes très cordiaux sentiments.

Charles de GAULLE

2. Le maintien d’une présence auprès de l’OTAN pendant la Guerre froide

Après 1966, l’engagement de la France auprès de l’OTAN a perduré, que l’on pense à la contribution aux orientations politiques de l’organisme, de ses engagements au titre de la défense collective ou de sa participation aux opérations de gestion de crise. La solidarité de la France avec ses Alliés ne s’est ainsi jamais démentie pendant les périodes de tension de la Guerre froide, de la crise des missiles de Cuba à celle des « euromissiles », lors de laquelle la France a soutenu le déploiement par l’OTAN de missiles Pershing en République fédérale d’Allemagne en réponse au déploiement de missiles nucléaires soviétiques SS-20.

Dès 1967, un échange de lettre franco-allemand et les accords Ailleret-Leimnitzer encadrent le statut des troupes françaises stationnées en Allemagne (FFA) et définissent les conditions dans lesquelles ces forces pourraient agir en collaboration avec l’OTAN. Selon M. Olivier Kempf, « quelle que soit la posture politique, la réalité stratégique ne disparaissait pas : l’ennemi était à l’est, « à deux étapes du tour de France » de la frontière. Les FFA n’étaient pas seules en jeu, c’était l’ensemble des forces françaises qui était pris en compte. La France ne pouvait pas faire la guerre seule, elle s’intégrerait en temps voulu à l’effort allié. »

Les accords Ailleret-Leimnitzer prévoient d’ailleurs la mise en place de Missions militaires françaises (MMF) auprès de chacun des états-majors les plus importants de la structure.

D’autres accords ont par la suite permis la participation de la France à certains projets de l’OTAN, notamment en termes d’infrastructures et d’installations radar.

3. L’heure des premiers rapprochements

À la fin de la Guerre froide, le président Mitterrand propose, le 19 avril 1990, l’organisation d’un Sommet de l’OTAN destiné à débattre de la stratégie à adopter dans un monde devenu apolaire. Si un tel sommet n’a pas lieu, la France accepte de participer à la définition du nouveau concept stratégique, adopté en 1991. Puis, en 1993, la France signe un accord avec l’Alliance s’agissant du recours à l’Eurocorps, le corps franco-allemand dont le principe est entériné en mai 1992.

La France a par la suite participé aux opérations de gestion de crise en Bosnie dès 1993, en se plaçant sous commandement OTAN, puis a intégré l’IFOR et la SFOR. Avec près d’une centaine d’avions sur un millier déployés et son groupe aéronaval, la France a été le premier contributeur européen à l’opération « Force alliée » en ex-Yougoslavie au printemps 1999, participant à tous les types de missions (bombardement, appui au sol, renseignement et observation, ravitaillement en vol, extraction d’équipages). Elle a par ailleurs apporté une contribution significative à la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan, placée depuis 2003 sous le commandement de l’OTAN.

Deux ans avant la réintégration de la France dans le commandement militaire intégré, nos collègues sénateurs dressaient ainsi le bilan du retour progressif de la France dans les structures de l’OTAN.

Extrait du rapport d’information n° 405 (2006-2007)
de MM. Jean François-Poncet, Jean-Guy Branger et André Rouvière,
fait au nom de la commission des affaires étrangères du Sénat,
déposé le 19 juillet 2007

À la fin de l’année 1995, la France annonçait qu’elle participerait de nouveaux aux réunions des ministres de la défense de l’Alliance et que son chef d’état-major réintégrerait le comité militaire. Évoquer la réintégration pleine et entière de la France dans l’OTAN achoppe alors sur la question d’un rééquilibrage des commandements, la proposition française d’attribuer à un Européen le commandement en charge de la Méditerranée (Cincsouth) étant rejetée.

La France participe à toutes les instances intergouvernementales de l’Alliance (Conseil de l’Atlantique Nord, Comité militaire, État-major international notamment), hormis le Comité des plans de défense et le Groupe des plans nucléaires qui traitent respectivement de la planification de défense et de la planification nucléaire. La planification de défense, distincte de la planification opérationnelle, vise en théorie à coordonner les politiques de défense des alliés et à leur assigner des objectifs de forces en fonction des besoins recensés par l’OTAN.

Cependant, la participation française aux opérations de l’OTAN l’avait amenée à « insérer », terme qui suppose qu’ils peuvent être retirés à tout moment, certains officiers au Grand quartier général des forces alliées en Europe (SHAPE).

Une nouvelle étape a été franchie après 2002, à la suite des décisions du sommet de Prague relatives à la refonte des structures de commandement de l’OTAN et à la mise en place de la NRF.

D’une part, la France a considéré que le nouveau commandement dédié à la transformation possédait un caractère plus stratégique qu’opérationnel, et qu’elle avait donc vocation à y participer pleinement. Elle y voit un moyen de bénéficier de la réflexion américaine en vue d’améliorer la compatibilité de nos forces avec celles des États-Unis.

D’autre part, elle a accentué de manière limitée et ciblée, l’insertion d’officiers français dans les états-majors en charge des planifications opérationnelles qui concernent la France.

La participation française aux états-majors de l’OTAN a été formalisée dans l’accord dit « Flag to posts » du 18 mars 2004. Cet accord prévoit une enveloppe de 110 postes pour la France. Les officiers effectivement « insérés » dans ces états-majors sont au nombre de 107, dont 34 relevant de l’Allied Command Transformation de Norfolk et 73 relevant de l’Allied Command Operations en Europe. À ces personnels s’ajoutent 43 autres militaires français insérés dans des organismes ou agences de l’OTAN.

L’insertion dans les états-majors représente une évolution sensible par rapport au dispositif des missions militaires ou des officiers de liaison auprès des principaux états-majors. Ceux-ci constituaient depuis plusieurs décennies l’unique lien avec la structure militaire de l’Alliance pour tenir compte des besoins de coordination et d’interopérabilité nécessaires à une éventuelle implication des forces françaises dans les opérations de défense collective ou de gestion de crise.

Le choix des postes occupés par les personnels insérés a été effectué en fonction des priorités actuelles de l’Alliance : la transformation et les opérations.

Globalement, même renforcée, la présence française au sein des états-majors de l’OTAN reste extrêmement modeste : 110 militaires sur un total de près de 11 000 personnels inclus dans la structure militaire intégrée, soit 1 % de l’effectif. En comparaison, la présence américaine avoisine les 2 800 personnes, la présence britannique plus de 2 000 personnes, tout comme la présence allemande, les Italiens comptant environ 1 200 militaires intégrés et les Turcs près de 600.

Enfin, la France a accentué la participation de ses militaires aux structures en charge de la formation, comme le comme l’école de l’OTAN à Oberammergau.

C. LE RETOUR DE LA FRANCE DANS LE COMMANDEMENT INTÉGRÉ

1. La décision du président Sarkozy

En octobre 2007, le président Sarkozy déclare devant le Congrès américain que « nous sommes prêts à rentrer dans l’Alliance atlantique dès demain à condition que vous nous aidiez à renforcer la Défense européenne… ». En juin 2008, il annonce, lors de la présentation du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, le prochain retour de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN. Cette décision fait l’objet d’un vote à l’Assemblée nationale en mars 2009, le gouvernement ayant engagé sa responsabilité sur une déclaration de politique étrangère au titre de l’article 49-1 de la Constitution. Le plein retour de la France dans les structures intégrées de l’OTAN est confirmé lors du Sommet de Strasbourg-Kehl des 3 et 4 avril 2009. La France rejoint le Comité des plans de défense mais reste en dehors du Groupe des plans nucléaires.

En réintégrant pleinement l’OTAN, la France souhaite, d’une part, accroître sa présence et son influence dans l’Alliance et, d’autre part, faciliter la relance de l’Europe de la défense, en levant toute ambiguïté sur une éventuelle concurrence entre les deux organisations.

Par ailleurs, la réintégration reposait sur des raisons pratiques au vu des difficultés que présentait la succession des opérations militaires de l’OTAN auxquelles la France participait : présente dans les états-majors de ces opérations, la France ne l’était pas dans la structure intégrée permanente, ce qui occasionnait des problèmes relationnels et une difficulté évidente à intervenir sur la planification en amont des opérations.

2. Le processus de réintégration

En pratique, le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN se traduit par le déploiement de plusieurs centaines de militaires français dans la quinzaine d’états-majors de la structure militaire de l’OTAN et l’obtention par la France de deux postes à responsabilité : le commandement suprême allié chargé de la transformation de l’OTAN basé à Norfolk et le commandement interarmées basé à Lisbonne, qui a autorité notamment sur la force de réaction rapide. La France contribue de manière significative à cette force en termes d’effectifs et de moyens. Enfin sur le plan financier, elle se situerait à l’époque de au quatrième rang des contributeurs de l’Alliance atlantique. Elle est aujourd’hui le troisième contributeur aux budgets de l’OTAN, sa contribution s’élevant en 2015 à près de à 220 millions d’euros.

Par ailleurs, plusieurs conditions avaient été posées en vue de la pleine réintégration au sein de la structure militaire :

– la préservation d’une liberté d’appréciation totale pour la contribution de la France aux opérations de l’OTAN ;

– le maintien de son indépendance nucléaire (la France ne participe pas au Groupe des plans nucléaires) ;

– la garantie qu’aucune force française ne serait placée en permanence sous un commandement de l’OTAN en temps de paix ;

– la non-participation au financement commun de certaines dépenses décidées avant notre retour dans la structure de commandement.

II. QUEL BILAN DU RETOUR ?

A. LE RAPPORT VÉDRINE

1. Le refus d’une nouvelle sortie de l’OTAN

En arrivant au pouvoir au printemps 2012, le président Hollande a souhaité que soit réévaluée la décision prise en 2009 par son prédécesseur. En mai 2012, il se montre ainsi prudent au Sommet de Chicago, en déclarant que « la France est un allié exerçant sa responsabilité de membre fondateur, engagé au service de valeurs communes, mais qui n’hésite pas, si nécessaire, à faire valoir loyalement ses différences… Allié oui, aligné, non ».

Le rapport « Védrine » sur les conséquences du retour de la France dans les structures militaires intégrées de l’OTAN, remis au président de la République en novembre 2012 a conclu notamment qu’une « (re)sortie française du commandement intégré n’est pas une option ».

La décision de 2009 a en conséquence été confirmée par l’actuelle majorité au pouvoir en France, et inscrite dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013. Celui-ci précise que « la stratégie de défense et de sécurité nationale de la France ne se conçoit pas en dehors du cadre de l’Alliance atlantique et de son engagement au sein de l’Union européenne ». La France se veut un allié fiable et solidaire, essentiel à la bonne mise en œuvre des missions de l’OTAN, mais qui conserve une capacité d’action en dehors de l’Alliance et une pleine autonomie de décision. La France assume ainsi de faire valoir ses intérêts au sein de l’Alliance et d’y conserver une voix originale, tout en étant force de proposition.

2. En 2012 : un bilan mitigé

Dans son rapport, M. Hubert Védrine note que la France a retiré un surcroît d’influence de sa pleine participation à l’OTAN, alors qu’elle était devenue la seule organisation internationale où elle se privait d’exercer son influence.

Tout d’abord, le retour a permis de « franciser » les structures de l’OTAN, puisque la participation française est passée de 242 à 925 personnels militaires. L’octroi de postes importants comprenant notamment un des deux commandements suprêmes – le SACT – va également dans ce sens, le commandement allié chargé des opérations restant quant à lui occupé par un Américain.

Ensuite, en matière d’influence sur l’organisation de l’OTAN, la France a joué un rôle moteur pour rationaliser le fonctionnement de l’Alliance, hiérarchiser les priorités, refondre les procédures, ramener le nombre des agences de quatorze à trois, en en espérant une économie de 20 %, réduire la structure de commandement – réduction des personnels de 35 % en 2013 et passage de onze à sept du nombre d’états-majors.

Toutefois, comme l’indiquait Hubert Védrine lors de son audition devant la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat (27 novembre 2012) « il faut avoir à l’esprit que ce n’est pas parce que la France obtient des postes de responsabilité qu’elle dispose automatiquement d’une influence accrue sur l’ensemble de l’organisation. L’influence est une notion plus complexe ».

L’influence française sur la stratégie de l’OTAN apparaît alors ainsi moins évidente. Même si la France a obtenu au sommet de Lisbonne, avec le président Sarkozy, et au sommet de Chicago, avec le président Hollande, la mention selon laquelle l’Alliance atlantique restait une alliance militaire défensive, une alliance nucléaire, et que la défense antimissile balistique était compatible avec la dissuasion nucléaire, et ce contre la position de l’Allemagne, elle a accepté que l’OTAN décide de se doter d’une capacité de défense des territoires et des populations contre les missiles balistiques, sur la base d’une extension du programme de défense de théâtre (ALTBMD : Active Layered Theatre Ballistic Missile Defence). Le président Hollande n’a d’ailleurs validé cette stratégie qu’avec prudence lors du Sommet de Chicago, rappelant les principes auxquels la France reste attachée en matière de défense antimissile balistique : « le caractère complémentaire, et non substituable, de la défense antimissile à la dissuasion nucléaire ; l’adaptation du système à la menace ; le contrôle politique par les Alliés ; la maîtrise des coûts ; la nécessité de préserver la BITDE (base industrielle et technologique de défense européenne) ; et enfin la coopération avec la Russie. »

La défense antimissile balistique (DAMB)

Selon le rapport annuel du secrétaire général de l’OTAN, plus de trente pays à travers le monde disposent déjà ou sont sur le point d’acquérir des technologies de missiles balistiques susceptibles d’être les vecteurs de charges conventionnelles ou d’armes de destruction massive. La prolifération de missiles balistiques constitue donc une menace importante pour les membres de l’Alliance, les populations et les forces engagées.

Lors du Sommet de Lisbonne, l’accent a été mis sur la nécessité de renforcer la DAMB au sein de l’Alliance. Le concept stratégique intègre cette préoccupation, invitant l’OTAN à développer « sa capacité à protéger les populations et le territoire de ses pays membres contre une attaque de missiles balistiques, en tant qu’un des éléments centraux de la défense collective, qui contribue à la sécurité, indivisible, de l’Alliance ».

La DAMB revêt trois aspects :

Premièrement, la capacité de défense contre les missiles balistiques de théâtre, qui vise à protéger les forces OTAN déployées contre la menace que représentent les missiles balistiques à courte et moyenne portée (jusqu’à 3 000 kilomètres). Ce programme (ALTBMD) consiste, dans sa forme complète, en un système de systèmes, comprenant des défenses à basse et haute altitude, et notamment un système de commandement, de contrôle, de communication et de renseignement pour la gestion tactique (BMC3I), des capteurs et divers intercepteurs. Les pays membres de l’OTAN mettront à disposition les capteurs et les systèmes d’armes. Début 2010, la première capacité ALTBMD opérationnelle – appelée capacité intérimaire – a été mise en service. La prochaine version sera livrée à l’horizon 2016-2017 avant de fusionner avec l’initiative BMD.

Deuxièmement, la BMD pour la protection du territoire, des populations et des forces des pays européens de l’OTAN, établie lors du Sommet de Lisbonne. Ce système de défense, dont le caractère opérationnel a été affirmé lors du Sommet de Chicago en 2012, consiste en un élargissement de la défense antimissile balistique. Plusieurs actions ont été menées en 2015 afin de conforter la BMD :

– deux navires Aegis américains dotés de capacité BMD ont rejoint leur port d’attache en Espagne ;

– la construction du site Aegis Ashore en Roumanie a été achevée ;

– les infrastructures techniques et les dispositions de commandement et de contrôle ont été améliorées ;

– plusieurs alliés ont procédé à l’acquisition de moyens DMB auquel l’OTAN pourrait recourir : la Pologne a prévu d’acquérir des batteries de missiles Patriot pour appuyer sa défense aérienne et antimissile basée au sol, l’Allemagne a annoncé son intention d’acquérir des systèmes MEADS dans le même but, le Danemark et les Pays-Bas ont poursuivi la mise à niveau de leurs capteurs basés en mer pour la défense antimissile.

Troisièmement, une coopération a été engagée avec la Russie, conduisant notamment à l’organisation d’un exercice assisté par ordinateur sur la défense antimissile en Allemagne en avril 2012. Toutefois, en octobre 2013, la Russie a décidé de suspendre les discussions avec l’OTAN sur la défense antimissile, et en avril 2014, l’OTAN a suspendu toute coopération avec la Russie en réponse à la crise ukrainienne. L’un des enjeux du Sommet de Varsovie sera précisément de convaincre la Russie que le développement de la DMB n’est pas dirigé contre elle.

Source : OTAN – rapport annuel 2015 du secrétaire général de l’OTAN.

De même, notre influence sur la stratégie de l’OTAN en Afghanistan a été très limitée. Celle-ci a été avant tout définie par le président des États-Unis et les généraux américains. Notre pouvoir de décision propre s’est de fait limité à la fixation d’abord par Nicolas Sarkozy, puis par François Hollande, de notre calendrier de retrait.

Hubert Védrine se montrait également perplexe s’agissant de la capacité des industriels français, et plus largement européens, à tirer bénéfice des dépenses militaires des pays de l’OTAN. Selon lui, il existait ainsi un « risque de cannibalisation des crédits de défense par les industriels américains », d’autant plus que l’Agence européenne de défense ne parvient que difficilement à faire émerger des projets communs sous le terme de « pooling and sharing ».

En conclusion, il estimait que si l’on pouvait contester les raisons de la réintégration, ou en discuter certains des effets, la pire des options pour la France serait de rester passive dans la nouvelle situation où elle se trouve. Il appelait alors à davantage de dynamisme, d’offensive et de combat au sein de l’Alliance atlantique en vue de tirer pleinement parti de la réintégration. Il convient dès lors de s’interroger sur les suites données à ces recommandations depuis 2012.

B. QUELLES ÉVOLUTIONS DEPUIS 2012 ?

À la suite du rapport Védrine, l’approche française est claire : développer une politique audacieuse et décomplexée d’influence accrue dans l’Alliance qui facilitera les efforts européens de la France. Cette approche a rencontré quelques succès dont il convient de retirer une certaine fierté, même si de multiples questions demeurent en suspens.

1. Les points satisfaisants

Aujourd’hui, cette influence se mesure à plusieurs marqueurs :

– à l’intégration de nos priorités en amont du processus de décision de l’OTAN : nous sommes aujourd’hui présents beaucoup plus tôt dans le processus de gestion de crises de l’Alliance et de préparation d’options militaires, lorsque cela est nécessaire. La France a également encouragé efficacement l’OTAN à se réformer et à s’adapter aux contraintes économiques actuelles (réduction d’effectifs au sein de la structure de commandement intégrée et du Secrétariat international, suppression de certaines agences de l’OTAN), car l’OTAN demeure, à bien des égards, une bureaucratie, voire parfois « une usine à gaz ». Cette démarche est délicate, car nombreux sont les États-membres qui souhaitent conserver des états-majors ou structures de l’Alliance sur leur sol. À cet égard, le souhait actuel des Polonais de voir installé un état-major permanent sur leur territoire illustre ce phénomène, alors même que l’utilité opérationnelle d’une nouvelle structure de ce type est très discutable. Enfin, la France a contribué à la reconnaissance par les Alliés de la contribution de l’Union européenne à la sécurité de l’espace euro-atlantique ;

– à la prise en compte de notre vision stratégique. Ainsi, la directive politique approuvée par les ministres de la Défense le 24 juin 2015 et précisée le 23 juillet 2015 par la directive complémentaire du comité militaire reprend notre préoccupation quant à la nécessité, au regard de la situation sécuritaire changeante sur les flancs est et sud de l’Alliance, d’assurer un équilibre entre les menaces identifiées sur ces flancs, mais aussi quant au rôle de certaines capacités comme la défense antimissile ;

– à l’approfondissement de la relation de confiance que nous entretenons au plan militaire avec nos plus proches alliés, et en particulier les États-Unis. Le soutien apporté par les États-Unis à nos opérations au Mali ou en Centrafrique est aussi le résultat direct des habitudes de travail en commun prises au sein de l’OTAN ;

– à la reconnaissance des opérations nationales françaises comme contribuant à la sécurité de l’Alliance dans son ensemble, et à la définition de cibles pour la déployabilité des forces. Celles-ci nous permettront, à terme, de nous assurer que nos Alliés disposent des capacités dont nous pourrions avoir besoin lors de nos opérations, qu’elles se déroulent dans le cadre national, dans le cadre de l’UE ou dans le cadre de l’OTAN ;

– à la prise en compte de nos appréciations opérationnelles par la chaîne de commandement de l’OTAN : l’évaluation française de la situation sur les théâtres d’opérations est désormais pleinement intégrée aux travaux menés par la chaîne de commandement ;

– à la promotion de nos intérêts industriels : l’OTAN est aussi un vecteur de notre diplomatie économique. La France est aujourd’hui mieux placée pour mettre en valeur ses industriels, notamment les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), dans les appels d’offres conduits par l’OTAN, ou liés à cette organisation ;

– à notre représentation à des postes clés : grâce à la mise en place de près de 800 personnels dans la structure de commandement et les agences de l’OTAN depuis notre réintégration, nous sommes en mesure d’exercer une réelle influence dans la structure. La France est notamment présente à la tête de l’un des deux commandements suprêmes, le commandement allié pour la transformation (33), ainsi qu’au poste de Secrétaire général adjoint pour les investissements de défense (34). À ce titre, le maintien de la fonction « doctrine » sous la chaîne de commandement du SACT est une bonne nouvelle, alors que la création d’un centre d’excellence dédié avait un temps été envisagée. La solution finalement retenue maintiendra la capacité d’influence française sur la production doctrinale de l’Alliance.

Toutefois, malgré ces satisfecit, de nombreuses questions demeurent en suspens.

2. Des questions en suspens

a. La question des forces

La France fait partie des bons élèves de l’Alliance, car elle est opérationnellement très active. Elle a fortement contribué à la sécurité de l’Alliance, en maintenant un effort de défense conséquent et en entretenant les outils d’une dissuasion nucléaire crédible. Son rôle dans les dernières opérations militaires de l’OTAN, sa participation aux mesures d’assurance aux profits des alliés orientaux, qui ont mobilisé 5 000 soldats en 2014, ainsi qu’aux exercices et son apport sur le flanc sud contribue à renforcer sa crédibilité.

Pour autant, il est difficile d’ignorer les reproches qui sont régulièrement adressés à la France s’agissant du non-respect de ses engagements d’affectation de personnels. En effet, nous ne pourvoyons effectivement pas l’ensemble des postes pour lesquels nous nous sommes engagés. Théoriquement, la France devrait fournir 692 postes dans les structures de commandement. Après négociation, cet effectif a été ramené à 632 postes. Or, nous n’en pourvoyons effectivement que 75 %. En ajoutant les postes théoriquement à pourvoir dans les agences, les soutiens et à Norfolk, nous devrions fournir 810 effectifs. En comptabilisant les postes non répertoriés, ce sont néanmoins près de 800 personnels qui sont affectés au sein de l’Alliance, ce qui n’est pas négligeable au regard des 1 500 postes permanents à l’étranger dont dispose le ministère de la Défense. Par ailleurs, si l’on se penche sur le rythme opérationnel de nos forces et sur la capacité autonome d’appréciation de situation, force est de constater que nous sommes loin d’être les derniers, les Britanniques étant par exemple désormais fort peu déployés à l’extérieur.

La pression exercée sur les effectifs est très forte tant en raison de la manœuvre de déflation des effectifs d’officiers, qui implique une baisse de 10 % des postes permanents à l’étranger, que de nos activités opérationnelles. De fait, la France a très peu participé à l’exercice Trident Juncture de 2015, car ses troupes sont particulièrement sollicitées en opérations, intérieures comme extérieures. Nous avons néanmoins réussi à affecter quelques personnels au sein de la NATO Force Integration Unit (NFIU), qui a pour objectif le déploiement au sein de six États situés à l’est de structures embryonnaires d’état-major pouvant servir de point d’appui à des déploiements ultérieurs de forces (un personnel en Estonie, deux en Pologne, un en Roumanie).

De fait néanmoins, la France ne remplit pas ses engagements en matière de postes, avec un déficit de l’ordre de 150 effectifs, qui concerne principalement l’ACO. Si l’enjeu pour notre pays est bien évidemment de parvenir à maintenir l’équilibre entre défense intérieure et capacité à projeter nos forces, il n’en demeure pas moins que nous devrions davantage respecter nos engagements.

b. Le coût budgétaire

L’appréciation du coût budgétaire de la réintégration de la France dans le commandement militaire intégré est complexe. En septembre 2012, soit quelques semaines avant la remise par Hubert Védrine de son rapport au président de la République, la Cour des comptes a remis un rapport consacré à la question, sur saisine de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, en application de l’article 58, alinéa 2 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Ce rapport, intitulé La réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, quel coût et quelles pistes d’économies possibles, fait un état d’un surcoût limité en raison des contributions budgétaires que la France versait à l’OTAN avant même la réintégration. Ainsi, en 2008, soit un an avant la pleine participation de la France aux structures intégrées, les contributions financières directes de la France à l’OTAN s’élevaient déjà à 172,66 millions d’euros, auxquels s’ajoutaient les rémunérations et charges sociales des 242 militaires alors mis à disposition de l’Alliance par la France, d’un montant de 29,99 millions d’euros. Le coût complet de la contribution française à l’OTAN s’élevait donc à un peu plus de 200 millions d’euros.

Selon les estimations de la Cour des comptes, le montant de la participation financière française au budget de l’OTAN atteignait 325,86 millions d’euros en 2011, alors qu’elle se serait établie à 264,86 millions d’euros sans la réintégration au sein du commandement militaire intégré. Les contributions financières directes représentent près de 65 % (211,22 millions d’euros) du montant total, les 35 % restant étant le fait des rémunérations et charges sociales des personnels insérés au sein de l’OTAN (114,64 millions d’euros).

Si l’augmentation du coût budgétaire de la participation à l’OTAN a augmenté pour la France, celle-ci ne s’explique pas exclusivement par la réintégration, mais plutôt par l’importante augmentation du budget de l’OTAN depuis 2007 en raison de l’évolution de l’opération afghane. Le budget total de l’OTAN est ainsi passé de 1 875,49 millions d’euros en 2007 à 2 419,25 millions d’euros en 2011.

Le surcoût annuel pour la France strictement lié à la pleine participation aux structures intégrées s’élève donc à 61 millions d’euros, ce qui est inférieur aux prévisions initiales du ministère de la Défense (79 millions d’euros)(35). Cet effort moindre est notamment dû à l’importante réforme structurelle engagée par l’Alliance, qui s’est traduite par exemple par la réduction du nombre d’agences otaniennes et par la réduction de personnels qui a suivi.

Pour autant, le surcoût définitif de la réintégration et, plus largement, de la participation française à l’OTAN, demeure difficile à établir à long terme. À titre d’exemple, la pleine participation au budget « investissements » est progressive et ne sera pas atteinte avant 2020. Comme le souligne le rapport de la Cour des comptes précité, « c’est seulement à cet horizon que le surcoût final total pourra être mesuré ». Aujourd’hui estimé à 75 millions d’euros par an par le ministère de la Défense, ce surcoût devra faire l’objet d’une étroite attention de la part du Parlement, l’évolution du contexte sécuritaire et des missions de l’OTAN étant susceptible de rendre cette évaluation caduque. Pour l’heure, il convient néanmoins de noter que le montant de la contribution financière française au budget de l’OTAN est en diminution, à hauteur de 217 millions d’euros, en raison d’une part de la réduction des besoins de financements de l’Alliance et d’autre part de celle du nombre de personnels mis à sa disposition par la France. Ce dernier point est néanmoins lié au fait que nous ne satisfaisons pas nos engagements.

Les trois composantes des dépenses collectives de l’OTAN

– le budget civil (218 millions d’euros en 2015, dont 11,14 % de contribution française) ;

– les budgets militaires (1 171 millions d’euros en 2015, dont 10,97 % de contribution française), qui couvrent les coûts d’opération des QG de la structure de commandement, des théâtres du Kosovo et de l’Afghanistan ainsi que les coûts d’opération des réseaux de communication et défense aérienne, des centres d’entraînement ;

– le programme d’investissement au service de la sécurité (plafond de 700 millions d’euros en 2015, dont 10,97 % de contribution française), qui fournit aux commandements stratégiques de l’OTAN des installations et des équipements tels que des moyens de commandement et de contrôle des opérations aériennes, des systèmes de communication et d’information, des QG pour la structure intégrée et les opérations extérieures, etc.

c. Le retour sur investissement pour les industriels

Si, par la voie de ses représentants, la France veille très en amont, s’agissant des standards techniques, à ce que ne soient pas imposées des normes définies par et pour l’industrie américaine, cela reste un travail techniquement difficile, et politiquement sensible car nombre de nos alliés sont partagés sur le sujet de la protection de l’industrie européenne et très sensibles au risque de rupture du lien transatlantique. Or, on ne peut en effet que constater une forme de régression dans ce domaine si l’on se reporte à des programmes importants de coopération européenne initiés dans les années 1960 et 1970, tels que le Transall et le Puma. Le constat du général Paloméros est sans appel : « on ne tire pas suffisamment bien notre épingle du jeu. »

Pourtant, les intérêts de la BITDE sont bien pris en compte très en amont au sein de l’ACT, par les industriels concernés et par les « DGA » européennes. Une vingtaine des personnels insérés au sein des services de l’OTAN provient de la Direction générale de l’armement (DGA), avec pour mission d’intervenir au plus tôt, afin de pouvoir identifier les dérives potentielles et de jouer un rôle d’alerte et d’influence. Par exemple, des réflexions sont actuellement en cours sur le renouvellement de la composante AWACS de l’OTAN, ce qui pourrait être l’occasion, pour les Européens, de proposer de nouvelles solutions techniques, l’une d’elle pouvant être l’utilisation de plusieurs capteurs différents mis en réseau. De même, dans le cadre de la lutte contre la menace asymétrique, l’OTAN est régulièrement amenée à travailler avec les acteurs industriels du secteur de la défense – en particulier les petites et moyennes entreprises – afin d’identifier des solutions innovantes et de conserver une avance technologique. Les acteurs français pourraient davantage se positionner.

Le rapport de la Cour des comptes précité invite ainsi la France à consolider sa position, en encourageant les entreprises françaises à se porter candidates et à mieux répondre aux besoins de l’OTAN. Si des actions ont déjà été entreprises – mise en place d’un réseau d’agents de la DGA présents à la représentation permanente et dans les agences de l’OTAN, diffusion des appels d’offres de l’OTAN sur la plateforme des achats du ministère de la Défense, réunions régulières entre les représentants des entreprises françaises d’armement et la représentation permanente de la France auprès de l’OTAN – il conviendrait de les compléter en sensibilisant davantage les petites et moyennes entreprises ainsi que les entreprises de taille intermédiaire aux opportunités que représente l’OTAN et à ses besoins, en renforçant la capacité d’analyse et d’anticipation de la DGA par un accroissement de personnel au sein du bureau OTAN.

Bien entendu, les acteurs européens ne jouent pas dans la même cour que les Américains en termes de taille, de budget ou de base industrielle. De surcroît, même si cela n’est jamais exprimé aussi brutalement, les achats de matériels américains par des pays de l’OTAN sont aussi perçus comme l’acquisition d’une forme de garantie politique et militaire. C’est précisément ce réflexe qui doit conduire à une vigilance particulière afin de permettre à notre industrie de se développer, y compris dans le cadre de programmes de l’OTAN.

Comme le rappelait M. Hubert Védrine devant nos collègues sénateurs, « il nous faut nous concentrer sur les enjeux industriels, sans oublier les questions stratégiques. Aujourd’hui, pour l’Europe, une des principales menaces n’est pas militaire mais économique : c’est la perte de compétitivité par rapport aux pays émergents, mais également par rapport aux États-Unis, Ces derniers ont non seulement un budget de défense qui représente 47 % des dépenses militaires mondiales, mais également une avance technologique considérable. »

d. La France assume-t-elle son retour ?

Au cours de leurs auditions et de leurs déplacements, vos rapporteurs ont parfois eu le sentiment que la France avait en quelque sorte honte de son retour. Cette impression se traduit à plusieurs niveaux.

D’abord, il semblerait qu’il y ait une certaine réticence à afficher la bannière de l’OTAN lors d’opérations menées de manière bilatérale ou multilatérale.

Ensuite, il apparaît que les personnels militaires insérés au sein des structures de l’OTAN ne bénéficient pas d’un retour optimal au sein des armées françaises, une mobilité auprès de l’OTAN n’étant pas suffisamment valorisée dans les déroulements de carrière.

Enfin, comme le notait M. Hubert Védrine devant la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, il est nécessaire d’opérer un « changement de mentalité, y compris pour nos ministères : à la défense, certains officiers espèrent des postes de haut niveau au sein de l’organisation, aux affaires étrangères, on doute de notre capacité à influencer le cours des choses après tant d’expériences négatives. Enfin, au Quai d’Orsay, certains diplomates, « européistes convaincus », ne veulent pas admettre le piétinement de l’Europe de la défense et en analyser les causes. Ces postures ne peuvent tenir lieu de véritable politique. »

Plus largement, l’« assiduité politique » de la France au sein de l’OTAN semble aléatoirement perfectible. Si le ministre de la Défense ainsi que le CEMA sont très présents, d’autres le sont moins, au motif que le processus de discussion et de décision est lourd et bureaucratique. Si vos rapporteurs peuvent comprendre qu’un excès bureaucratique procure le sentiment d’une « agitation un peu vaine et parfois décourageante » selon les mots de l’une des personnes auditionnées, la politique de la chaise vide n’est pas acceptable à l’heure où il s’agit, plus que jamais, de faire entendre la voix de la France.

L’approbation du Protocole de Paris

Le projet de loi autorisant l’accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l’Atlantique Nord a été déposé le 4 janvier au Sénat. M. Jacques Gautier a été nommé rapporteur par la commission des Affaires étrangères et de la défense nationale du Sénat lors de sa réunion du 20 janvier dernier. Le texte sera donc examiné au Sénat à compter du 17 mars et sera soumis à l’appréciation de l’Assemblée nationale dans les semaines qui suivent. Le projet de loi ne vise qu’à tirer les conséquences de la réintégration de la France dans le commandement militaire intégré.

La décision de réintégration au sien du commandement militaire intégré aurait dû s’accompagner de la ratification de ce protocole.

En effet, le protocole de Paris définit le cadre juridique du stationnement des organismes de l’OTAN et de leurs personnels au sein des pays de l’Alliance, en traitant particulièrement le cas des quartiers généraux. Il complète la convention entre les États parties au Traité de l’Atlantique Nord signée le 19 juin 1951, dite SOFA OTAN, qui régit les échanges de personnels entre Alliés et constitue la référence dans ce domaine. L’objet du protocole de Paris est d’assurer un statut aux quartiers généraux militaires interalliés créés en vertu du Traité de l’Atlantique Nord, une couverture juridique aux personnels militaires et civils stationnés ainsi qu’aux personnes à leur charge, et précise les garanties et privilèges dont ils bénéficieront. La France l’avait dénoncé en 1967, lorsqu’elle avait quitté le commandement intégré.

Depuis 2009, la France a recommencé à accueillir du personnel de l’Organisation dans ses quartiers généraux militaires sans que ceux-ci ne bénéficient d’aucun statut international. Seuls des arrangements de circonstance ont permis jusqu’ici l’accueil de personnels de l’OTAN dans les quartiers généraux situés sur le sol français.

Au début de l’année 2014, une consultation interministérielle a été lancée par le ministère des Affaires étrangères et du développement international, en lien avec le ministère de la Défense. Toutes les administrations concernées ont approuvé le principe de la ré-adhésion. La France a alors saisi le Conseil de l’Atlantique Nord d’une demande de ré-adhésion, qui a été approuvée à l’unanimité le 21 janvier 2015. L’approbation de ce protocole est donc logique et attendue.

PENSER L’OTAN DE DEMAIN :
LE SOMMET DE VARSOVIE ET AU-DELÀ

Le prochain Sommet des chefs d’État et de gouvernement, qui se tiendra à Varsovie au printemps prochain, sera l’occasion de préciser la position de l’OTAN face à la résurgence d’une menace à l’Est, d’affiner les modalités de son action sur le flanc sud, et de réfléchir aux prochaines évolutions de l’OTAN. Si la défense collective doit demeurer au cœur de l’identité otanienne, il convient également de mener une analyse des deux autres volets du concept stratégique établi à Lisbonne : la gestion de crise et la sécurité coopérative. Vos rapporteurs livrent ainsi ici quelques pistes de réflexion pour penser l’OTAN de demain.

I. ADAPTER LES INTERVENTIONS DE L’OTAN EN FONCTION DES THÉÂTRES

Comme le soulignait le général Paloméros devant la commission de la Défense nationale et des forces armées de votre assemblée, « l’OTAN, comme d’autres organisations, doit faire face aujourd’hui à une combinaison de risques et de menaces qui sont sans précédent. La simultanéité des crises, leur complexité et leur interconnexion appellent une stratégie d’ensemble, fondée sur la solidarité et qui doit prendre en compte les différentes sensibilités nationales de ses membres, du nord au sud et de l’est à l’ouest. »

La nature des menaces varie fortement selon les fronts.

Ainsi, à l’Est, la crise russo-ukrainienne a ravivé le risque d’affrontements interétatiques. Au-delà d’une opposition « conventionnelle », cette crise a également rappelé brutalement combien les frontières n’étaient pas figées et l’intégrité territoriale des différentes nations potentiellement menacée.

Au Sud et au Moyen-Orient, à l’inverse, les conflits naissent de la désétatisation dans des régions entières. L’ennemi ne peut être ramené au sein de ses frontières, il ne pratique pas la guerre conventionnelle, frappe de manière à contourner, ou à éviter, la suprématie des forces de l’Alliance. La menace terroriste et extrémiste a déjà frappé sur le territoire même de ses membres.

La réponse apportée par l’OTAN ne peut évidemment être la même selon les conflits ou selon les terrains. L’OTAN doit en revanche être perçue comme une « boîte à outils », permettant de fournir une solution adaptée aux différents États membres de l’Alliance.

A. À L’EST, AFFICHER L’ACTION DE L’OTAN

La crise russo-ukrainienne a renforcé la perception, chez beaucoup de nos Alliés, de l’existence d’une menace croissante russe aux frontières de l’Alliance. Si certains rejettent la notion de « menace », il existe a minima un « risque ». Les inquiétudes des Alliés les plus orientaux sont légitimes, et c’est ce qui les conduit à souhaiter que l’Alliance tire toutes les conséquences des actions de la Russie en s’adaptant à ce risque en renforçant son flanc est et la posture de dissuasion et de défense de l’Alliance. C’est le sens de l’« Initiative d’adaptation stratégique de Varsovie », présentée en août par la Pologne, et de la déclaration de Bucarest sur « la solidarité des Alliés et la responsabilité partagée », publiée début novembre à l’issue du sommet des Alliés orientaux autour du groupe de Višegrad, des États baltes, de la Roumanie et de la Bulgarie.

S’il semble nécessaire d’afficher la bannière de l’OTAN, cela ne signifie pas qu’il faille en revenir à une logique de Guerre froide, et à une lecture de la sécurité du continent européen fondée sur la confrontation et le partage de zones d’influence. Si les actions de la Russie rendent inenvisageable, dans les circonstances actuelles, un partenariat stratégique, elle demeure pourtant un interlocuteur stratégique indispensable pour la sécurité en Europe et dans le monde.

Dans sa relation avec la Russie, l’OTAN doit donc trouver le bon équilibre entre fermeté et dialogue, et prévenir le risque d’escalade. De fait, l’OTAN souffre sur ce point des différences profondes d’analyses stratégiques et de sécurité entre ses différents membres. S’opposent les nations qui voient dans la Russie un ennemi, et qui n’avaient en fait qu’à contre cœur accepté la logique partenariale mise en place dans le cadre du conseil OTAN-Russie, et les nations favorables à des mesures de réassurance et à l’article 5, mais estimant que les outils militaires alliés doivent pouvoir servir face à d’autres défis sécuritaires au sud, qu’il s’agisse de la bande sahélo-saharienne ou de la Méditerranée.

a. Les mesures de réassurance

Vos rapporteurs ont exposé dans la première partie du présent rapport les mesures décidées au Sommet de Newport et en amont pour répondre aux agissements de la Russie.

Les mesures d’assurance ou de réassurance prennent la forme d’activités terrestres, maritimes et aériennes à l’intérieur, au-dessus et autour du territoire des pays membres de l’OTAN, afin de renforcer la défense et de rassurer les populations de ces pays, tout en décourageant une agression potentielle. Les 28 Alliés contribuent tous à ces mesures, par rotation.

Parmi ces mesures figure notamment la mission de police du ciel. Depuis mai 2014, l’OTAN a accru le nombre d’avions de chasse patrouillant au-dessus des États baltes pour assurer la police du ciel, et déployé des avions de chasse en Roumanie et en Pologne. De plus, l’Alliance a envoyé des AWACS pour des vols de surveillance réguliers au-dessus du territoire de ses Alliés orientaux, et des avions de patrouille maritime le long de ses frontières orientales.

Pour garantir la sécurité en mer, l’OTAN déploie un certain nombre de forces maritimes multinationales, dont un Groupe permanent OTAN de lutte contre les mines, qui patrouille notamment en mer Baltique.

La constitution de la force de réaction très rapide (la VJTF) ainsi que l’implantation des centres multinationaux de commandement à l’est, déjà évoquées par vos rapporteurs, font bien évidemment partie des mesures de réassurance.

En outre, l’OTAN organise davantage d’exercices, qui offrent l’occasion d’améliorer l’aptitude des Alliés et des partenaires à travailler ensemble, d’une part, et de montrer que l’OTAN est prête à répondre aux menaces potentielles, d’autre part. Ces exercices se déroulent à terre, en mer et dans les airs, sur la base de scénarios de défense collective et de gestion de crise.

Résumé des actions entreprises par l’OTAN en 2015 en matière d’assurance

– accroissement du nombre d’avions de chasse patrouillant au-dessus des États baltes dans le cadre de la mission de police du ciel ;

– déploiement d’avions de chasse en Pologne et en Roumanie ;

– envoi d’appareils de sa capacité aéroportée de détection lointaine et de contrôle pour effectuer des vols de surveillance au-dessus du territoire des membres les plus orientaux de l’Alliance ;

– déploiement d’avions de patrouille maritime le long des frontières orientales de la zone OTAN ;

– intensification des patrouilles maritimes en mer Baltique, en mer Noire et en mer Méditerranée avec les Groupes maritimes permanents OTAN et les Groupes permanents OTAN de lutte contre les mines ;

– déploiements de troupes terrestres dans les pays orientaux de l’Alliance pour des exercices et des entraînements ;

– réalisation de plus d’une centaine d’exercices (sur près de 300 exercices dans l’année) dont l’objectif était d’appuyer les mesures d’assurance.

S’agissant de la France, elle a engagé des avions radar de type AWACS le 1er avril dernier afin de participer à la surveillance des espaces aériens balte et polonais, depuis la base d’Avord. Quelques semaines plus tard, elle a déployé sur le territoire polonais, pour une période de sept semaines, un sous-groupement tactique interarmes à dominante blindé (SGTIA blindé) composé de 300 militaires armés par le 12e régiment de cuirassier d’Orléans, par une section d’infanterie du 16bataillon de chasseurs de Bitche et par une section du 13e régiment du génie de Valdahon. Ce détachement est équipé de quinze chars Leclerc et de quatre véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI). Enfin, du 24 avril au 1er septembre 2014, quatre avions de chasse français – Rafale puis Mirage 2000 –, ainsi qu’une centaine d’aviateurs, ont été déployés sur la base polonaise de Malbork afin de remplir une mission de permanence opérationnelle dans l’espace aérien des pays baltes dans le cadre des opérations de police du ciel de l’OTAN.

b. La question d’une présence permanente

Malgré les mesures de réassurance, il demeure évident que l’OTAN ne constitue pas une menace pour la Russie, ne serait-ce que parce que le propre de la guerre hybride menée par la Russie en Crimée et en Ukraine consiste pour elle à rester en dessous du seuil de déclenchement d’une riposte armée conventionnelle. Il est ainsi essentiel que l’Alliance montre l’exemple en demeurant transparente et prévisible, y compris sur les mesures de dissuasion, afin d’obtenir de la Russie les mêmes gages en retour. Les décisions que prendra l’Alliance en matière de défense collective doivent s’accompagner de propositions concrètes visant à prévenir les risques d’escalade.

Dans ce contexte, alors que certains Alliés ont plaidé pour que l’Alliance adopte des mesures permettant d’assurer une présence permanente à l’est et déploie des forces sous le contrôle opérationnel permanent (OPCON) du commandant suprême pour l’Europe (SACEUR), en vue de dissuader, et éventuellement de repousser, une éventuelle agression russe, il ne paraît pas souhaitable d’implanter de nouvelles infrastructures permanentes, dont l’efficacité reste fortement à démontrer.

Les mesures de réassurance déjà prises et les dispositions du plan d’action pour la réactivité (RAP) apparaissent beaucoup plus pertinentes, d’autant qu’elles n’obèrent pas la capacité de l’Alliance d’utiliser ses forces pour répondre face à tous les types de menaces, y compris sur le flanc sud. Elles ne constituent en effet pas une réaction ponctuelle aux actions de la Russie, mais renforcent de manière structurelle la réactivité, la flexibilité et l’interopérabilité de l’Alliance.

Cela étant, la Russie continue d’être un acteur imprévisible et cherche, année après année, à exploiter nos vulnérabilités. À cet égard, il est crucial de mener un travail d’analyse toujours plus fin sur les intentions de la Russie pour mieux les anticiper et moins nous laisser surprendre.

B. AU SUD ET AU MOYEN-ORIENT, RECOURIR AUX OUTILS DE L’OTAN

Tout d’abord, il convient de noter que les instruments du plan d’action pour la réactivité ont vocation à être utilisées partout où cela serait nécessaire.

Toutefois, l’OTAN n’a pas forcément vocation à intervenir sur le flanc sud militairement. En revanche, ses ressources peuvent être utilisées comme une boîte à outils, pour assurer des programmes de formation et fournir des capacités.

a. L’expérience libyenne

En mars 2011, une coalition de pays de l’OTAN et de pays partenaires a entamé, dans le cadre de l’opération Unified Protector (OUP), des opérations visant à faire respecter un embargo sur les armes, à imposer une zone d’exclusion arienne, et à assurer la protection des populations et des zones civiles confrontées à des attaques ou à des menaces d’attaque en Libye.

La guerre menée en Libye a mis en lumière une nouvelle forme d’intervention de l’OTAN, fondée sur la fourniture de capacités. Ainsi, la direction politique d’ensemble de l’OUP a été assurée par le Conseil de l’Atlantique Nord, tandis que le Grand Quartier général des Puissances alliées en Europe (SHAPE) exécutait les décisions du Conseil à partir du Quartier général du Commandement des Forces alliées interarmées (JFC) à Naples.

Le commandement maritime de l’OTAN à Naples a dirigé les opérations navales à l’appui de l’OUP, tandis que les opérations aériennes étaient conduites à partir du centre multinational d’opérations aériennes de l’OTAN à Poggio Renatico, en Italie.

Au cours de la mission OUP, qui a pris fin le 31 octobre 2011, plus de 26 000 sorties aériennes ont été effectuées par les membres de l’OTAN ou leurs partenaires, soit une moyenne de 120 sorties par jour, permettant la destruction de 6 000 cibles militaires. 21 navires de l’OTAN ont participé à l’opération en Méditerranée et plus de 250 aéronefs de tous types ont été mobilisés.

b. L’OTAN comme réservoir de capacités

Des leçons peuvent être tirées de l’exemple libyen, qui montre que même si l’OTAN demeure une machinerie complexe, elle offre aussi une souplesse de recours à sa chaîne d’emploi ou à ses moyens opérationnels, notamment de renseignement. Ainsi, les drones acquis en propre par l’Alliance dans le cadre du programme de capacité alliée de surveillance terrestre (AGS) pourraient utilement servir sur le flanc sud, sans pour autant l’être formellement dans le cadre d’une opération de l’OTAN qui enverrait un signal politique différent et pas forcément adapté.

D’une certaine manière, l’Alliance agit ainsi comme un réservoir de capacités. Une telle situation n’est pas illogique : les nations y contribuent et, en retour, elles accèdent à des capacités communes. Une telle modalité d’intervention est d’autant plus pertinente dans le contexte actuel, où l’engagement opérationnel de l’Alliance est faible. Certes, l’Alliance effectue d’importants exercices, mais cette énergie pourrait aussi être dirigée au profit des opérations. Cette souplesse d’emploi est d’autant plus nécessaire que l’OTAN dispose en propre de capacités précieuses, en matière de commandement et de communications, de détection aérienne (AWACS), de transport stratégique ou de renseignement, avec les cinq drones américains précités acquis en propre.

En effet, si l’Alliance a bien une crédibilité militaire, ce n’est pas en tant que « first responder » ou par ses capacités d’entrer en premier sur les terrains, comme en témoigne d’ailleurs l’idée d’une force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (VJTF) retenue en 2014 alors que la NRF avait été créée pour le même objet il y a bien longtemps. La prise de décision politique suivant un processus long, pas toujours à même de garantir une véritable réactivité, la création de la VJTF est avant tout un message à destination de la Russie. De fait, ce sont les nations qui répondent et répondront en premier en cas de crise, l’Alliance assurant le relais et la transition vers la phase de stabilisation.

Dans le cadre de cette phase de stabilisation, l’OTAN représente également un outil adéquat pour mener des opérations de maintien de la paix, gérer les situations post-conflits et engager des actions de formation. Elle dispose en effet des ressources nécessaires, tant en terme d’infrastructures via ses nombreux centres de formation, que d’expérience et de ressources humaines. Les expériences afghane et irakienne sont à cet égard sources de nombreux enseignements et d’une expérience précieuse.

C. MAÎTRISER L’EXTENSION DU CHAMP D’INTERVENTION DE L’ALLIANCE

a. Approfondir l’action en matière de cyberdéfense

En juin 2014, les ministres de la Défense des pays membres ont entériné la nouvelle politique de cyberdéfense de l’OTAN (36), confirmée lors du Sommet de Newport. Cette politique intègre la cyberdéfense au sein de la mission de défense collective, confirme que le droit international s’applique dans le cyberespace, et prévoit l’intensification de la coopération de l’Alliance avec les acteurs industriels dans le cadre du cyberpartenariat OTAN-industrie (NICP). En conséquence, les plans de défense de l’OTAN ainsi que les programmes de planification opérationnelle ont intégré une dimension « cyberdéfense », et un nouveau concept militaire pour la cyberdéfense a été approuvé en septembre 2015. L’OTAN définit donc, en collaboration avec les autorités nationales – l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information s’agissant de la France – les principes, les critères et les mécanismes garantissant un niveau approprié de cyberdéfense pour les systèmes d’information et de communication des membres de l’Alliance. Par ailleurs, la capacité de réaction aux incidents informatiques (NCIRC) protège les réseaux appartenant à l’OTAN en assurant un soutien centralisé et permanent en matière de cyberdéfense pour les différents sites de l’Organisation. Le centre technique de la NCIRC, situé à Mons, est responsable de la fourniture de services techniques de cybersécurité et des questions d’assurance de l’information au sein de l’OTAN ; son rôle est de détecter et de traiter les incidents, et de diffuser l’information au sein de l’Alliance afin de mettre en place la meilleure réponse possible et de prévenir de nouvelles attaques.

La Gouvernance de l’OTAN en matière de cyberdéfense

Le Comité de cyberdéfense (anciennement appelé Comité de la politique et des plans de défense - Cyberdéfense), qui dépend du Conseil, est le comité pilote pour la gouvernance politique et la politique de cyberdéfense en général : il assure une supervision et fournit des avis aux pays alliés sur les activités de cyberdéfense de l’OTAN, au niveau des experts. Au niveau opérationnel, le Bureau de gestion de la cyberdéfense (CDMB) est chargé de la coordination des activités de cyberdéfense dans l’ensemble des organismes civils et militaires de l’OTAN. Le CDMB est composé des responsables des organes politiques, militaires, opérationnels et techniques de l’OTAN qui assument des responsabilités dans le domaine de la cyberdéfense.

Le Bureau des C3 (C3B) est le principal comité consultatif pour toutes les questions touchant aux aspects techniques et à la mise en œuvre de la cyberdéfense.

Les autorités militaires de l’OTAN (NMA) et l’Agence OTAN d’information et de communication (NCIA) sont expressément responsables de l’énoncé des besoins opérationnels, ainsi que de l’acquisition, de la mise en œuvre et de l’exploitation des capacités de cyberdéfense de l’Organisation. Le Commandement allié Transformation (ACT) est chargé de la planification et de la conduite de l’exercice annuel Cyber Coalition.

Source : OTAN.

Dans le cadre de l’initiative pour la défense intelligente, ont été développés le projet de plateforme d’échange d’informations sur les logiciels malveillants (MISP), le projet de développement d’une capacité multinationale de cyberdéfense (MNCD2) et le projet multinational de coopération sur la formation et l’entraînement à la cyberdéfense (MN CD E&T). Par ailleurs, l’OTAN conduit régulièrement des exercices (exercice annuel Cyber Coalition) propose de nombreuses formations au sein du Centre d’excellence pour la cyberdéfense en coopération (CCD CoE) (37), situé à Tallinn (Estonie), ou de l’École des systèmes d’information et de communication de l’OTAN (NCISS), située à Latina (Italie) (38).

Informations clés sur la cyberdéfense à l’OTAN en 2015

– 320 incidents en moyenne par mois pour l’ensemble de l’OTAN, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2014 ;

– 41 sites sont couverts par la NCIRC – sites civils et militaires en Europe et en Amérique du Nord ;

– approbation d’un nouveau mémorandum d’entente sur la cyberdéfense entre l’OTAN et les Alliés, destiné à faciliter le partage d’informations et la coopération ;

– exercices :

• Cyber Coalition 2015 : plus de 750 participants de 33 pays (Tartu, Estonie) ;

• Locked Shields 2015 : 400 participants de 16 pays (conduit par le Centre d’excellence de l’Alliance pour la cyberdéfense en coopération, à Tallinn (Estonie) ;

– événements majeurs : plus de 1 400 participants au symposium OTAN sur l’assurance de l’information ;

– 20 pays membres et 2 pays partenaires participent à des projets de défense intelligente en matière de cyberdéfense ;

– les objectifs capacitaires en matière de cyberdéfense ont été intégrés dans le processus OTAN de planification de défense, auquel les 28 Alliés sont associés ;

– 19 pays partenaires ont des programmes individuels de partenariat et de coopération, qui incluent une composante cyber ;

– 16 pays partenaires ont une dimension cyberdéfense intégrée dans leurs plans de partenariat ;

– plusieurs projets relevant du programme pour la science au service de la paix et de la sécurité concernent la cyberdéfense : 6 en cours, 2 en développement, 1 prévu ;

– 11 projets relatifs à la cyberdéfense sont placés sous la direction du Bureau du conseiller scientifique de l’OTAN ;

– une étroite collaboration est établie avec l’UE et l’OSCE, en particulier sur le partage d’informations relatives aux cybermenaces et aux mesures de confiance dans le cyberespace ;

– cyberpartenariat OTAN-industrie : l’OTAN et chacun de ses pays membres ont renforcé les relations avec les milieux industriels et universitaires, en mettant l’accent sur le partage d’informations.

Source : Rapport annuel 215 du secrétaire général de l’OTAN.

L’un de vos rapporteurs a présenté en novembre 2014 un rapport sur le Cyberespace et sécurité euro-atlantique (39) dans le cadre des travaux de la Commission des sciences et des technologies de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. Le rapport montre que les cyberattaques dont sont la cible les réseaux militaires et les infrastructures nationales critiques constituent la menace la plus grave pour la sécurité nationale, ces infrastructures étant de plus en plus vulnérables en raison de leur dépendance croissante à des capacités en réseaux. Alors que les mesures de lutte contre les cybermenaces en sont encore au stade du développement, et même si les efforts en matière de cybersécurité sont avant tout une responsabilité nationale que les États doivent endosser, vos rapporteurs considèrent que la coopération internationale, notamment dans le cadre de l’OTAN et de l’UE, offre de grandes possibilités encore inexplorées et inexploitées. Il est donc essentiel que les efforts de l’OTAN en matière de cyberdéfense soient poursuivis, et coordonnés avec les démarches entreprises par ses membres.

b. Poursuivre l’action en matière de lutte contre le terrorisme

Les attentats terroristes qui ont frappé en 2015 la France, mais aussi la Turquie, la Tunisie, l’Égypte, la Russie, le Liban et d’autres pays du monde rappellent avec horreur la permanence de la menace terroriste. Il s’agit d’une menace mondiale, à laquelle l’OTAN peut en partie répondre. À la suite des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, le Conseil de l’Atlantique Nord a publié une déclaration confirmant la ferme solidarité des Alliés avec la France, et soulignant que « ces attaques ont pour but de semer la terreur, mais elles ne feront que renforcer notre détermination. ». L’ensemble des membres de l’Alliance contribuent d’ailleurs à la coalition mondiale contre Daech.

L’action de l’OTAN en matière de lutte contre le terrorisme revêt trois aspects.

Premièrement, elle vise à approfondir la mise en commun du renseignement, afin de permettre à tous les Alliés de disposer d’une connaissance commune de la menace terroriste et de leurs vulnérabilités. À titre d’exemple, l’OTAN contribue à l’identification des combattants terroristes étrangers, alors que plusieurs milliers de ressortissants des pays membres de l’OTAN ont rejoint les rangs de divers groupes terroristes. Pour autant, comme il l’a été indiqué à vos rapporteurs au cours des auditions qu’ils ont menées, dans le domaine du renseignement et de la gestion de l’information, des progrès sont à accomplir, notamment face à la difficulté inhérente à la règle du consensus.

Deuxièmement, l’OTAN travaille sur le développement des capacités adéquates pour répondre à la menace terroriste et, plus largement, asymétrique. Sont ainsi concernés le durcissement des hélicoptères, des avions à réaction rapides et des avions de chasse contre les missiles sol-air à très courte portée (MANPADS), l’amélioration des procédures d’enlèvement des mines et engins explosifs improvisés (EEI) sur les routes des convois, ou encore le renforcement de la préparation aux attaques terroristes, y compris les attaques chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires (CBRN), en partenariat avec les acteurs civils. En 2015, le programme de travail pour la défense contre le terrorisme a couvert six domaines : développement et amélioration de prototypes ; exercice et entraînement ; démonstrations et essais ; amélioration de la doctrine ; ateliers techniques ; simulations et modélisations.

Troisièmement, l’OTAN conforte ses échanges avec les pays partenaires, et intervient notamment dans les pays où sont basés les centres d’entraînement et de coordination de nombreux groupes terroristes : en Afghanistan, en Jordanie ou en Irak, des programmes de coopération et de formation visent à doter ces pays des moyens de lutter contre le développement de l’extrémisme et du terrorisme. Par ailleurs, l’OTAN a contribué à la création d’un Centre national de coordination en Mauritanie afin de répondre plus efficacement à tout incident terroriste.

Source : OTAN.

c. Prévenir la tentation de la dispersion tout en restant vigilant

Il faut également éviter que l’OTAN se disperse. Sa priorité reste et doit rester la défense collective dans le cadre de l’article 5 du Traité de l’Atlantique nord. Ce souhait de vos rapporteurs appelle néanmoins trois remarques.

Premièrement, il convient de se réjouir de l’abandon de certaines missions que l’OTAN a cru devoir exercer au cours des dernières années. Il convient notamment, vos rapporteurs y reviendront, de ne pas créer de duplication avec les missions civilo-militaires menées par l’Union européenne, qui reste dans ce domaine bien mieux armée financièrement et techniquement pour faire face à la palette des besoins de gestion de crise. Avec des capacités en matière de formation militaire et de police, mais aussi de développement et de reconstruction de capacités étatiques, l’Union européenne est bien plus efficace. Une réflexion similaire pourrait être menée à l’égard de l’ONU.

Deuxièmement, il est indispensable de mener une réflexion sur le contenu de l’article 5. En effet, le Sommet de Newport a été l’occasion pour les chefs d’État et de gouvernement d’étendre le champ de l’article 5 afin d’y inclure les cyberattaques (40). Si cette évolution va dans le bon sens, vos rapporteurs souhaitent néanmoins que l’énoncé de l’article 5 demeure suffisamment général pour maintenir sa force dissuasive.

Troisièmement, il ne faut évidemment pas s’interdire, à l’avenir, de rendre compétente l’OTAN pour la résolution de conflits encore très peu présents. C’est notamment le rôle d’ACT d’anticiper les menaces et risques émergents, y compris jusqu’à l’horizon 2040. Pour vos rapporteurs, cette évaluation doit continuer à s’exercer « à 360° », de l’Arctique au flanc sud, même s’il est certain que pour l’ensemble de l’Alliance, l’Afrique subsaharienne n’est pas vraiment un terrain historique. C’est pourtant là que naîtront nombre de conflits du futur, liés au changement climatique et à la raréfaction des ressources naturelles.

À cet égard, la Commission des sciences et des technologies de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN a présenté au cours de l’année 2015 plusieurs rapports qui méritent la plus vive attention. En effet, le rôle de cette commission est notamment de mener un travail prospectif sur les nouvelles menaces, afin de préparer l’Alliance et ses membres aux prochains enjeux stratégiques. Cette réflexion, à laquelle se consacre également le Commandement suprême allié Transformation (ACT), doit conduire à améliorer la connaissance stratégique des menaces pour la sécurité que pose de plus en plus le changement climatique : conséquences des catastrophes naturelles, une concurrence accrue pour les ressources naturelles telles que les denrées alimentaires et l’approvisionnement en eau, pression accrue des migrations. Comme l’un de vos rapporteurs l’a écrit dans son rapport consacré au changement climatique et à la sécurité internationale (41), le changement climatique est probablement le défi le plus crucial et le plus difficile du XXIe siècle. La sécurité énergétique constitue à à ce titre un risque de déstabilisation important, en raison de la raréfaction des ressources fossiles et de l’accroissement des tensions, tant entre la Russie et les membres de l’Alliance qu’au Moyen-Orient ou dans la bande sahélo-saharienne. La commission a également remis un rapport consacré au « Grand Nord » (42), l’Arctique représentant plus que jamais un enjeu stratégique mondial au fur et à mesure de la fonte des glaces. Même si la menace d’un conflit armé demeure faible, l’importance géopolitique de la région est appelée à s’accroître – en raison notamment de la recrudescence des tensions entre la Russie et les membres de l’Alliance ou ses partenaires.

d. Approfondir l’interopérabilité des forces

Afin d’être en mesure de répondre aux menaces protéiformes qui menacent les membres de l’Alliance, leurs partenaires et leurs populations, l’OTAN se doit de conforter sa capacité de réaction et d’adaptation. Pour ce faire, il est nécessaire d’œuvrer sans cesse au renforcement de l’interopérabilité entre les forces des membres de l’Alliance, c’est-à-dire à l’aptitude à agir ensemble de manière cohérente, efficace et efficiente.

L’interopérabilité permet aux unités et aux systèmes de fonctionner ensemble, à partir d’une même doctrine, et d’éviter les redondances et les incompréhensions préjudiciables à la réussite d’une intervention militaire.

L’interopérabilité ne suppose pas de disposer de matériels identiques, mais impose que les équipements militaires et les hommes puissent communiquer efficacement. Elle recouvre donc des aspects techniques (matériel, équipement, armements, systèmes), procéduraux (doctrines et procédures) et humains (terminologie et formation). Aujourd’hui, les forces armées des pays de l’OTAN sont parvenues à un haut niveau d’interopérabilité grâce à la planification, aux entraînements communs et aux exercices interarmées multinationaux, ainsi qu’aux opérations et missions menées dans les Balkans, en Méditerranée, en Afghanistan, ou en Libye, qui ont offert aux Alliés la possibilité de mettre en pratique l’interopérabilité et de la renforcer.

Afin de renforcer l’interopérabilité des forces, l’OTAN s’est dotée, lors du Sommet de Chicago, de l’Initiative d’interconnexion des forces (CFI). Celle-ci a été confortée lors du Sommet de Newport en septembre 2015, et comprend aujourd’hui les mesures suivantes :

– une doctrine en matière de formation, d’entraînement, d’exercices et d’évaluation (ETEE), régulièrement actualisée ;

– l’élargissement du concept de formation pour la période 2015-2020 ;

– la réalisation de l’exercice Trident Juncture à l’automne 2015 ;

– la mise en place d’un programme d’exercices majeurs à partir de 2016 ;

– l’accomplissement de progrès dans la mise en œuvre des aspects technologiques de la CFI ;

– la création d’un QG de commandement de composante Opérations spéciales placé sous le commandement opérationnel du SACEUR.

Par ailleurs, le renforcement de l’interopérabilité passe aussi par le développement de normes communes. Les organismes de l’OTAN compétents en matière de normalisation sont regroupés au sein de l’Organisation de normalisation (NSO), qui comprend le Comité de normalisation (CS), chargé de la diffusion des politiques et des orientations pour toutes les activités de normalisation de l’OTAN, ainsi que l’Agence de normalisation (AON), son bras exécutif.

La normalisation consiste en l’établissement de concepts, de doctrines et de procédures assurant la capacité pour les forces des différents membres de l’Alliance de mener en commun des opérations Elle consiste également à développer des matériels interopérables comme les bouches de raccordement sur les aérodromes. Au niveau national, nombre d’exercices réalisés par les armées visent à obtenir une « certification OTAN », garantissant ainsi la capacité à interagir avec des forces d’un autre membre de l’Alliance dans le cadre d’une opération.

Le renforcement de l’interopérabilité permet de disposer d’une chaîne de commandement politique, militaire, diplomatique et juridique unifiée. En utilisant le même langage, les forces des membres de l’OTAN gagnent en efficacité, mais aussi en réactivité, afin de répondre à tout type de menace. L’interopérabilité garantit également la possibilité pour chaque État de recourir aux forces qui lui manqueraient dans le cadre d’une opération menée en dehors du cadre de l’OTAN.

EXERCICES INTERARMÉES MULTINATIONAUX RÉALISÉS EN 2015

Exercice

Dates

Lieu

Dragoon Ride

Exercice dirigé par les États-Unis consistant à transférer des matériels militaires et des milliers de personnes d’un bout à l’autre du territoire des Alliés orientaux.

Ce déplacement sur un itinéraire de 1 900 km a démontré la capacité de l’OTAN à permettre à des forces militaires de traverser rapidement les frontières de l’Alliance.

L’exercice a mis en avant la coopération militaire internationale ainsi que les

engagements pris par les États-Unis envers les pays de l’Alliance.

20 mars – 1er avril

République tchèque, Allemagne Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne

Joint Warrior

Exercice naval de grande envergure dirigé par le Royaume-Uni. Objectif : tester

le déminage, la défense contre les attaques aériennes et l’interdiction maritime.

Participation OTAN : 14 navires accompagnés de 40 autres navires de guerre et sous-marins et 70 aéronefs. Ont également pris part à l’exercice 13 000 soldats venus de Belgique, du Canada, du Danemark, de France, d’Allemagne, d’Italie, des Pays-Bas, de Norvège, de Pologne, du Portugal, d’Espagne, de Turquie et des États-Unis.

11-23 avril

Atlantique Nord

Dynamic Mongoose

Exercice de lutte anti-sous-marine. Le Canada, la France, l’Allemagne, les Pays‑Bas, la Norvège, la Pologne, l’Espagne, la Suède, la Turquie, le Royaume‑Uni et les États-Unis ont fourni plus de 5 000 soldats ainsi que des sous-marins et des

bâtiments de surface.

4-15 mai

Au large des côtes norvégiennes et en mer du Nord

Steadfast Javelin

Le plus important exercice terrestre organisé dans la région de la Baltique cette année. Plus de 13 000 soldats se sont exercés aux opérations terrestres et aériennes. Participation : Belgique, Estonie, Allemagne, Lettonie, Pologne, Pays‑Bas, Royaume-Uni et États-Unis.

4-15 mai

Estonie

Arctic Challenge

Exercice multinational dirigé par la Norvège faisant intervenir des avions de chasse. Près d’une centaine d’avions de chasse de neuf pays se sont exercés au traitement de cibles terrestres et aéroportées, à la lutte contre l’artillerie anti‑aérienne (simulée) et au ravitaillement en vol.

25 mai – 5 juin

Norvège, Finlande, Suède

BALTOPS 2015

Le plus grand exercice naval allié jamais organisé en mer Baltique.

Objectif : entraînement à l’interdiction maritime, à lutte anti-sous-marine, à la guerre des mines, à la lutte antiaérienne et au débarquement amphibie. Près de 5 600 soldats venus du Danemark, d’Estonie, de Finlande, de France, de Géorgie, d’Allemagne, de Lettonie, de Lituanie, des Pays-Bas, de Pologne, de Suède et du Royaume-Uni ont participé à l’exercice.

5-20 juin

Mer Baltique et côte polonaise

Sabre Strike 15

Exercice terrestre multinational axé sur l’interopérabilité entre l’OTAN et les partenaires et sur la préparation des soldats en vue de la participation à la Force de réaction de l’OTAN. Participation : 6 000 soldats venus du Canada, du Danemark, d’Estonie, de Finlande, d’Allemagne, de Lettonie, de Lituanie, de Norvège, de Pologne, du Portugal, de Slovénie, du Royaume-Uni et des États-Unis.

8-19 juin

Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne

Noble Jump

Dirigé par l’OTAN. Premier entraînement au déploiement pour la force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (VJTF), nouvelle force « fer de lance » de l’OTAN. Participation : 2 100 soldats venus de République tchèque, d’Allemagne, des Pays Bas, de Norvège et de Pologne.

10-21 juin

Pologne

Trident Joust 15

Dirigé par l’OTAN. Exercice de la Force de réaction de l’OTAN sur le commandement et le contrôle visant à développer la capacité de planifier et d’exécuter des opérations. Participation : près de 1 500 soldats.

17-28 juin

Bulgarie, Italie, Roumanie

Agile Spirit 2015

Exercice terrestre multinational en Géorgie basé sur un scénario d’opérations de maintien de la paix. Participation : plus de 800 soldats venus de Bulgarie, de

Géorgie, de Lettonie, de Lituanie, de Roumanie et des États-Unis.

8 au 22 juillet

Géorgie

Trident Juncture 2015 – Jointex 2015

Le plus grand exercice OTAN depuis dix ans. Plus de 30 pays et 36 000 soldats y ont participé. L’exercice a mis en jeu des forces aériennes, terrestres, maritimes et d’opérations spéciales. Il a mis à l’épreuve la force « fer de lance » (VJTF) et a testé la capacité de l’OTAN à travailler avec les pays partenaires et les organisations.

L’exercice canadien JOINTEX 2015 a aussi été intégré.

3 octobre-6 novembre

Italie, Portugal, Espagne

Cyber Coalition 2015

Exercice annuel de cyberdéfense de l’OTAN destiné à tester la capacité de

l’Alliance à assurer la défense de ses réseaux contre des cyberattaques.

Des centaines d’experts (techniciens, représentants gouvernementaux et cyberspécialistes) opérant à partir de dizaines d’endroits dans toute l’Europe, ont été associés à cet exercice.

16-20 novembre

Estonie

Source : Rapport annuel 2015 du secrétaire général de l’OTAN

II. PRÉCISER LA COMPLÉMENTARITÉ ENTRE L’OTAN ET SES PARTENAIRES

A. PRENDRE EN COMPTE LE PIVOT STRATÉGIQUE AMÉRICAIN

Si, pour nombre de nos concitoyens européens, l’OTAN demeure une organisation sous influence américaine, force est de constater que les États-Unis ont lancé, sous l’administration Obama, une politique de pivot stratégique réorientant leur intérêt vers le Pacifique et l’Asie. Le lien transatlantique, raffermi par la crise russo-ukrainienne, n’a pourtant jamais semblé aussi ténu.

Si la contribution financière et militaire américaine n’est pas en cause, notamment dans le cadre des mesures de réassurance décidées en 2014, la stratégie globale des États-Unis est en effet de trouver de nouveaux équilibres en matière de déploiement des forces, ce qui s’est traduit par une réduction de l’empreinte militaire à 67 000 personnes, contre 213 000 en 1990.

Cette réorientation américaine est assumée dans les derniers documents stratégiques des États-Unis. À la suite de la mise en garde de l’ancien secrétaire américain à la Défense, Robert M. Gates, qui prévient le 10 juin 2011 que « la patience des États-Unis va s’émousser quand il s’agira d’octroyer des fonds toujours plus précieux à des nations qui ne consacrent pas à la défense les moyens nécessaires et n’opèrent pas les changements requis pour être des partenaires sérieux et capables d’agir pour leur propre défense », les États-Unis ont décidé de retirer deux brigades de combats et d’accroître la présence militaire dans le Pacifique, et ont annoncé que d’ici 2020, 60 % des navires de guerre américains, dont six groupes de porte-avions, seront stationnés dans la zone Asie-Pacifique. Sur le plan opérationnel, les documents stratégiques américains indiquent que sera privilégiée une capacité aéronavale bien éloignée des besoins européens.

Cette réorientation s’inscrit également dans un contexte budgétaire difficile pour les États-Unis, l’ampleur de la dette obligeant une réduction sévère des dépenses militaires. Ainsi, le Budget Control Act voté en 2011 prévoit une réduction des dépenses sécuritaires de l’ordre de 450 milliards de dollars et une réduction encore plus importante du budget de défense, à hauteur de 550 milliards, au cours des dix prochaines années.

Il découle de cet état de fait une européanisation à marche forcée de l’Alliance. Ce mouvement n’est pas non plus illogique, alors que 26 des 28 membres de l’Alliance sont situés du côté européen de l’Atlantique. Toutefois, l’Europe demeure dépendante des États-Unis dans les domaines essentiels de la communication, de la reconnaissance de terrain, du ciblage, du ravitaillement en vol et des munitions.

Cette situation doit inciter à approfondir le concept de Smart defence promu lors du Sommet de Lisbonne.

La défense intelligente

La décision d’engager la démarche de défense intelligente de l’OTAN a été confortée lors du Sommet de Chicago (2012). Cette démarche doit permettre à l’Alliance de développer, d’acquérir et de maintenir en condition les capacités nécessaires pour atteindre l’objectif « Forces de l’OTAN à l’horizon 2020 », à savoir disposer de forces modernes et étroitement interconnectées, équipées, formées, entraînées et encadrées.

La défense intelligente repose sur la coopération en matière de définition des priorités, afin de s’assurer que les priorités capacitaires nationales soient le plus fortement possible alignées sur celles de l’OTAN, sur la spécialisation des forces des pays membres au regard de leurs atouts et de leur avance technologique, ainsi que sur la coopération entre États membres en vue de réaliser des économies d’échelle.

Elle doit également inciter les États européens à approfondir les relations entre l’OTAN et l’Union européenne.

B. L’APPROFONDISSEMENT DES RELATIONS ENTRE L’OTAN ET L’UE

Opposer l’OTAN et l’Union européenne, et penser que les deux organisations sont en concurrence serait une erreur. Au contraire, l’Union européenne et l’OTAN sont aujourd’hui pleinement complémentaires, tant dans les domaines capacitaires qu’opérationnels. Vos rapporteurs militent pour que la France joue pleinement son rôle dans l’une comme dans l’autre organisation, et plaident en faveur d’un renforcement de la coopération et de la coordination entre les deux organisations. Si le Sommet de Newport a reconnu la contribution de l’Union européenne à la sécurité de l’espace euro-atlantique, il convient d’aller encore plus loin, notamment dans les capacités du haut du spectre.

Pour vos rapporteurs, les deux principaux enjeux de la réflexion sur le partenariat UE-OTAN concernent, d’une part, la préservation de la dimension militaire de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) dans la gestion des crises, et, de l’autre, la limitation du champ d’action de l’OTAN à son cœur de métier militaire. Les résultats obtenus par les opérations et missions militaires européennes ont démontré l’efficacité et la grande légitimité politique de l’Europe sur le terrain militaire. Côté OTAN, les opérations en cours continuent de prouver quotidiennement la plus-value des interactions avec les acteurs légitimes de l’approche globale, au sein du cadre « modeste et approprié » défendu à Lisbonne. Ces constats parallèles permettent d’ancrer l’idée d’une nécessaire complémentarité OTAN-UE.

Le dialogue politique d’égal à égal entre l’OTAN et l’UE est désormais une réalité ; les échanges sont déclinés à tous les niveaux : réunions informelles NAC-COPS, participations du Secrétaire général exécutif du SEAE à des NAC informels, des SG adjoints de l’OTAN à des COPS, etc. Loin d’être une menace, la présence de représentants de l’OTAN dans les formats UE devrait plutôt être utilisée pour favoriser, sur la durée, une prise de conscience par les Européens eux-mêmes de l’intérêt de leurs travaux sur la PSDC.

Alors que s’engage la préparation du prochain sommet, vos rapporteurs souhaitent que ces deux instruments de notre sécurité, l’OTAN et l’Europe de la défense, progressent de façon complémentaire. Le partenariat UE-OTAN pourra notamment prendre appui sur les travaux en cours du concept de « guerre hybride », face auquel l’UE dispose de nombreux leviers qui pourraient être mobilisés de manière complémentaire de ceux de l’OTAN.

C’est d’ailleurs dans ce cadre que les Conseils européens de décembre 2014 et de juin 2015 ont également affirmé la nécessité de renforcer la coopération OTAN-UE. En février 2015, le SACT a émis 62 propositions concrètes pour renforcer cette coopération dans le domaine de la transformation.

Exemples de coopération UE-OTAN

– un site informel ACT-EMUE permettra aux officiers d’ACT et de l’EMUE de partager les documents, d’interagir plus facilement de façon informelle, tout en respectant les contraintes de protection de l’information. Ce site a été initié par ACT et sera progressivement partagé avec l’EMUE dès qu’il sera opérationnel ;

– travaux coopératifs sur la menace hybride : attente d’une stratégie européenne de réponse aux menaces hybride à laquelle sera associé l’OTAN ;

– cybersécurité : bien que discrète, la coopération entre ACT et l’Agence européenne de défense dans ce domaine peut être qualifiée de très satisfaisante. Des observateurs de l’UE ont été invités à suivre l’exercice Cyber Coalition qui a eu lieu en novembre 2015. Le groupe politico-militaire de l’UE a été briefé par le comité de cyberdéfence de l’OTAN sur la « enhanced NATO policy on cyber defence ». Ce comité cyber a quant à lui reçu une information complète sur la politique de l’UE en matière de cyber. Mais c’est surtout dans le cadre des travaux de développement capacitaire en multinationale (MCDC) que les progrès sont les plus significatifs, notamment grâce à l’entremise d’ACT – le centre d’excellence de cyber de l’OTAN à Tallin en Estonie ;

– entraînement, formation, exercices : sous l’impulsion d’ACT, un effort particulier a été entrepris depuis octobre 2014 pour permettre aux officiers de l’EMUE de suivre certains cours de l’École d’Oberammergau. Des contacts ont également été établis pour échanger sur de possibles scenarii d’exercice intégrant les menaces hybrides (exercices Steadfast Pyramid et Pinnacle)

Mais s’il y a bien un « moment européen » pour l’OTAN, les défis sont encore nombreux. En effet, la transcription des intentions politiques en actions stratégiques militaires concrètes sur le long terme semble être délicate, en raison de réticences persistantes à tous les niveaux :

– la France semble relativement isolée sur la complémentarité entre l’Alliance et une PSDC s’affirmant, alors qu’il s’agissait d’un axe important du rapport Védrine. L’Allemagne apparaît très « otanienne » et cherche avant tout à arrimer les États-Unis au continent. Quant au Royaume-Uni, chaque pas fait en direction de l’approfondissement de la relation militaire avec la France et le Continent semble susciter des réactions conservatrices très fortes ;

– des rivalités géopolitiques tenaces demeurent entre la Turquie, Chypre et la Grèce, qui limitent le rapprochement entre les instances européennes et otaniennes sur certains sujets ;

– des rivalités, inimités ou parfois des blocages de principes parmi les fonctionnaires internationaux freinent l’approfondissement des relations entre les deux institutions.

L’absence d’un approfondissement de la défense européenne représente pourtant une menace en tant que telle. En effet, la stratégie du « pivot » américain laisse à penser que les États européens seront majoritairement seuls pour intervenir dans leur zone de compétence, et notamment au flanc sud. L’expérience libyenne est, à ce titre, éclairante : des Européens poussent à une action, l’ONU définit le mandat, les États-Unis soutiennent et acceptent l’utilisation des moyens de l’OTAN, fournissant les moyens manquants à des Européens menant une grande part des opérations. Par ailleurs, il est nécessaire que l’Union soit aussi capable à terme d’intervenir dans le cadre d’opérations militaires de haute intensité, non pour faire face à une divergence hypothétique d’intérêts avec les États-Unis, mais pour pouvoir prendre en compte une différence éventuelle de priorités.

De plus, il est impératif d’approfondir également les relations entre l’Union européenne et l’OTAN, afin d’entretenir l’expérience acquise au cours de la dernière décennie : l’Union européenne et l’OTAN ont été fortement engagées sur différents théâtres d’opérations, et il faut prévoir des exercices conjoints, synchronisés, planifiés autour de scenarii partagés afin de permettre de mieux insérer les opérations de l’OTAN dans le contexte d’approche globale des missions civiles et militaires de l’Union européenne. Compte tenu de l’ambition de l’Alliance d’améliorer la réactivité de ses forces de réaction rapide, l’entraînement en commun avec les groupements tactiques de l’Union européenne (GTUE) offre l’occasion de partager l’expérience européenne acquise avec l’opération Artémis en 2003. À titre de première expérience, les pays du groupe de Višegrad ont participé à l’exercice Trident Juncture 2015.

Les deux organisations ont également tout intérêt à améliorer le partage de leur appréciation des situations maritimes afin de standardiser les équipements et le transfert d’information, comme l’ont souligné par les opérations Atalante et Ocean Shield au large de la Somalie ces huit dernières années.

C. PRÉCISER L’ARTICULATION DES ACTIONS DE L’ONU ET DE L’OTAN

Si les liens entre l’OTAN et l’ONU, dont elle se réclame, sont évidents, il convient néanmoins de préciser l’articulation des actions de ces deux organisations. En effet, à la suite de la chute du bloc soviétique, l’OTAN, en quête d’elle-même, a pu donner le sentiment de vouloir évoluer vers une agence de sécurité globale au service des Nations unies. Le rôle de l’OTAN dans les opérations de maintien de la paix menées sous mandat onusien tout au long des années 1990, et son irruption dans des champs d’intervention habituellement dévolus aux Casques bleus ont parfois troublé l’appréciation du rôle de l’OTAN.

Vos rapporteurs en sont convaincus, l’OTAN n’a pas vocation à devenir le bras armé de l’ONU. En ce sens, si la politique de partenariats, renforcée par le concept de sécurité coopérative promu lors du Sommet de Lisbonne, ne doit pas être remise en cause, l’OTAN doit se prémunir de la tentation de la mondialisation. Toutefois, l’OTAN et l’ONU peuvent évidemment travailler en bonne intelligence, selon une répartition des tâches conforme à l’approche globale et à la sécurité coopérative, deux concepts fondamentaux pour l’Alliance. Celle-ci doit néanmoins se restreindre à son rôle sécuritaire, afin de préserver et de conforter l’identité qu’elle avait perdue durant de longues années.

Par ailleurs, l’OTAN a été critiquée à deux reprises, pour avoir agi hors mandat de l’ONU ou avoir détourné celui qui avait été donné. La première fois, on l’a vu, il s’agissait de l’opération aérienne déclenchée en 1999 au Kosovo. La seconde fois, il s’agissait des modalités de l’intervention de l’OTAN en Libye.

Le débat sur l’intervention de l’OTAN en Libye

– Le 17 mars 2011, le Conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 1973 et autorise les États à recourir à tous les moyens nécessaires pour protéger les civils en Libye.

– Le 31 mars, soit deux semaines après le début des bombardements, l’OTAN, pourtant tenue initialement à l’écart, prend le contrôle des opérations. C’est le début de l’opération « Protecteur unifié », associant quatorze pays membres de l’Alliance et quatre pays partenaires.

– Certains se sont interrogés sur un éventuel détournement du mandat confié par l’ONU, qui n’autorisait l’intervention que pour protéger les populations. La résolution 1973 peut être interprétée de différentes manières :

i. Succès qui témoigne de la coopération entre deux institutions qui parviennent à conjuguer leurs efforts pour parvenir à atteindre leurs objectifs. La division du travail se fait opportunément : à l’ONU la charge de la définition du mandat et de la légalité internationale, à l’OTAN la charge de son exécution. La sécurité coopérative conceptualisée à l’occasion du Sommet de Lisbonne de 2010 trouve là un dialogue plus structuré : aucun pays ou organisation ne peut faire face seul aux défis complexes et imprévisibles de l’environnement de sécurité en mutation : la conduite d’une action multilatérale s’impose.

ii. On peut retenir d’autres aspects, comme le font les Russes et certains membres onusiens, en considérant que le rôle central joué par l’OTAN dans la chute de M. Kadhafi est un détournement du mandat donné par le Conseil de sécurité. D’ailleurs quelques semaines après les premières frappes, des pays non alignés comme l’Afrique du sud émettent des doutes sur la résolution 1973. La coopération entre l’ONU et l’OTAN apparaît alors purement formelle : elle ne signifie en aucun cas que l’ONU exerce une quelconque influence ou contrôle politique sur les opérations menées par l’OTAN.

À l’époque de l’intervention au Kosovo, Mme Madeleine Albright, secrétaire d’État américaine aux affaires étrangères, déclarait que « l’Alliance ne peut pas être l’otage du veto de tel ou tel pays contre une opération car, dans une telle hypothèse, l’OTAN ne serait qu’une simple filiale de l’ONU ». L’OTAN n’a pas vocation à être le « bras armé de l’ONU, en théorie sous son contrôle » selon l’expression de Serge Sur (43), et il peut arriver qu’elle intervienne en dehors du cadre onusien.

III. PRÉPARER LE SOMMET DE VARSOVIE

Le prochain sommet de l’OTAN se déroulera à Varsovie les 8 et 9 juillet 2016. À ce jour, il ne fait guère de doute que la perception de l’existence d’un risque russe constituera la toile de fond sur laquelle se joueront les décisions qui seront adoptées lors du sommet de Varsovie. La Pologne accueillera pour la première fois un sommet de l’OTAN, et le président Duda souhaite à cette occasion que les Alliés tirent toutes les conclusions de la crise ouverte en 2014 en Crimée en entérinant le retour de l’OTAN à une posture renforcée en matière de défense collective. Cela se traduit d’ores et déjà par de nouvelles demandes exigeantes de la part de nos Alliés orientaux concernant des mesures d’assurance allant plus loin que le plan d’action pour la réactivité adopté au pays de Galles.

A. LES ENJEUX DU SOMMET

1. L’ordre du jour prévisionnel

Le fil rouge du Sommet de Varsovie sera « l’adaptation à long terme de l’Alliance ». Concernant l’ordre du jour, le sommet prendra acte de la mise en œuvre des principales mesures du plan d’action pour la réactivité décidé au sommet de Newport. Au-delà, trois sujets délicats, susceptibles de diviser les Alliés et d’irriter la Russie, pourraient figurer au centre des débats du sommet de Varsovie :

– la suite à donner au plan d’action pour la réactivité adopté au sommet du pays de Galles, qui pourrait, comme le souhaitent les Alliés orientaux, marquer le retour de l’OTAN à une posture militaire rigide de défense collective exclusivement tournée vers l’est ;

– la défense antimissile balistique, avec l’objectif affiché par les États-Unis, soutenus par d’autres Alliés, de déclarer la capacité opérationnelle initiale de la défense antimissile balistique de l’OTAN, alors même que les éléments permettant de garantir un contrôle à 28, opérationnel et politique, de la capacité ne sont pas réunis ;

– la question de l’élargissement de l’Alliance, à la suite de la décision, lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères des pays de l’OTAN tenue le 2 décembre 2015, d’inviter le Monténégro à entamer des pourparlers d’adhésion à l’OTAN.

2. La question de l’élargissement

L’élargissement de l’OTAN est une question délicate, et vos rapporteurs mettent en garde contre le risque de perdre en cohésion ce que l’on gagne en extension. Par ailleurs, l’extension de l’OTAN à une zone trop proche de la Russie pourrait rapidement constituer un risque d’appel à l’article 5 du Traité. Il convient donc d’être prudent, car l’OTAN risque de se trouver entraînée dans des conflits gelés, avec des interrogations évidentes sur l’application de garanties collectives.

Même si le processus est engagé s’agissant du Monténégro, vos rapporteurs sont réservés sur l’opportunité de poursuivre aujourd’hui la politique d’élargissement, à un moment où la sécurité de l’Alliance et la crédibilité des engagements de l’article 5 doivent être la priorité.

Lors du Sommet de Newport, les Alliés avaient d’ailleurs clairement indiqué que le contexte stratégique actuel impliquait plus que jamais pour les candidats de partager les valeurs et les principes sur lesquels reposait l’Alliance (44).

À l’heure actuelle, trois candidats sont officiellement reconnus en plus du Monténégro : l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine, la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie.

La question centrale est celle de l’apport des pays candidats en matière de sécurité et de capacités militaires. Pour l’heure vos rapporteurs soutiennent donc le processus d’adhésion du Monténégro et considèrent, qu’à terme, il est de l’intérêt de l’OTAN d’intégrer les pays qui se situent au sein des frontières de l’Europe et de la zone actuelle de l’OTAN, comme la Macédoine et la Bosnie. En revanche, l’adhésion éventuelle de la Géorgie ou de l’Ukraine pose fondamentalement la question du risque d’atteinte à la crédibilité de l’article 5. Lors du sommet de Newport, la Géorgie n’a pas obtenu le MAP, mais elle a bénéficié de « l’initiative pour le développement de capacités de défense », dont le contenu reste encore à définir précisément. Il est dans tous les cas essentiel que le Sommet de Varsovie ne soit pas un sommet de l’élargissement.

B. FAIRE ENTENDRE LA VOIX DE LA FRANCE

1. Quelle position française à Varsovie ?

Si les exigences de nos partenaires les plus orientaux doivent être prises en considération, vos rapporteurs ne souhaitent pas que l’Alliance revienne à une posture statique qui serait susceptible de mener à l’escalade.

En ce sens, il paraît plus opportun de poursuivre quatre objectifs parallèles dans la perspective du sommet de Varsovie :

– maintenir la cohésion au sein de l’Alliance, alors même que l’ouverture de deux fronts géographiques pourrait diviser les Alliés : cela affaiblirait considérablement l’OTAN et mettrait en danger la crédibilité politique et militaire de l’Alliance ;

– poursuivre la mise en œuvre du plan d’action pour la réactivité décidé au Sommet de Newport. Ce sommet du Pays de Galles avait adopté une formule de défense collective autour des notions-clefs de flexibilité et de réactivité. Un pays comme la France, capable dans le même temps de déployer des chars lourds en Pologne, de mener une opération contre Daech en Syrie et en Irak, d’éliminer des chefs djihadistes au Sahel, de contribuer à la stabilisation de la Centrafrique, de mener des opérations de bombardement en Irak et de déployer 10 000 soldats pour protéger les sites sensibles sur son territoire, tient nécessairement à la réaffirmation de cette formule au Sommet de Varsovie. Elle seule, et non une posture de déploiements statiques, peut assurer la sécurité à long terme de l’Alliance dans le contexte actuel. Elle est certainement très exigeante pour beaucoup d’Alliés, en particulier européens, mais les efforts de défense doivent être équitablement partagés, et l’OTAN ne peut revenir à une posture rigide reposant sur le positionnement permanent de forces, qui nous ramènerait trente ans en arrière ;

– il est essentiel, dans le contexte de la crise russo-ukrainienne, que les mesures que nous prenons ne poussent pas à l’escalade avec la Russie : l’OTAN doit être, par sa posture dissuasive, une partie de la solution, mais ne doit surtout pas ajouter au problème ;

– il est indispensable de veiller à la soutenabilité des décisions qui seront prises, en termes de ressources humaines mais aussi financières. Alors qu’aujourd’hui les menaces sont multiples, les ressources humaines, les capacités militaires et les moyens financiers des Alliés sont limités.

2. La vision française de l’OTAN

Schématiquement, il existe deux visions du rôle de l’OTAN.

La première pourrait être qualifiée d’« intégratrice », avec l’idée qu’il s’agit de payer une forme de « chèque de police d’assurance collective », concrétisé par des achats de matériels américains. Cela présente à l’évidence un risque de déresponsabilisation.

La seconde vision, qui est aussi celle de vos rapporteurs, est participative. Il faut que chaque nation investisse suffisamment dans sa défense, soit de manière autonome, soit de manière coordonnée dans le cadre de la « défense intelligente » promue par ACT.

Certains alliés conçoivent l’acquisition de matériels financés en commun comme le ciment de la solidarité, alors qu’en fait c’est l’engagement opérationnel qui en est la véritable meilleure expression. Vos rapporteurs privilégient donc la création de capacités par les nations elles-mêmes, puis leur mise à disposition au profit de l’Alliance.

Vos rapporteurs partagent aussi les interrogations de M. Hubert Védrine quant au fonctionnement de l’Alliance atlantique. Il paraît en effet surprenant que les Sommets des chefs d’État et de gouvernement des pays de l’OTAN ne soient souvent que l’occasion d’adopter des conclusions, sans que n’aient lieu de vrais débats politiques sur les questions stratégiques, comme la défense antimissile et de ses implications pour la dissuasion nucléaire, ou autre.

Enfin, bien que la France ne participe pas au groupe de planification nucléaire, elle participe, conformément au discours du président de la République tenu à Istres le 19 février 2015, à la culture stratégique nucléaire de l’Alliance, notamment face au groupe des pays « désarmeurs ». Même si le discours antinucléaire est moins fort depuis que les tensions à l’est se sont accrues, vos rapporteurs considèrent qu’il importe de rappeler à nos alliés que leur stratégie consiste encore largement à se placer sous parapluie nucléaire américain. De plus, on voit mal comment certaines menaces potentielles à long terme pourraient être intimidées par une « dissuasion conventionnelle ». Ce travail d’influence et de conviction est important, car beaucoup de nos alliés ont perdu toute culture de dissuasion nucléaire.

CONCLUSION

Vue des États-Unis, l’OTAN est une organisation européenne. Vue de l’Europe, l’OTAN est une organisation américaine. Aux yeux de vos rapporteurs, l’OTAN est une alliance politique et militaire indispensable à la sécurité euro-atlantique et constitue une boîte à outils militaires disponible tant pour les forces européennes que pour les forces américaines.

Lors de sa création, l’Alliance a pour finalité, selon le mot de Lord Ismay, de « maintenir les Russes au-dehors, les Américains au-dedans et les Allemands soumis » (45). Cette doctrine est évidemment obsolète, tant les rapports de forces ont évolué : l’URSS est devenue la Russie, les États-Unis ne sont plus cette « République impériale » qualifiée par Raymond Aron, l’Europe s’est transformée, notamment sous l’impulsion du couple franco-allemand. Certes, les États européens membres de l’OTAN demeurent des freeriders – des passagers clandestins – ne partageant pas suffisamment le fardeau de la défense collective aux yeux des États-Unis. Néanmoins, ils travaillent de plus en plus à la cessation de leur déflation stratégique.

La question de la pertinence de l’Alliance atlantique, encore sur de nombreuses lèvres il y a peu, est aujourd’hui moins problématique. Le contexte sécuritaire actuel justifie l’existence de l’OTAN, à même d’assurer, aux côtés de ses partenaires, la sécurité des territoires et des populations de ses membres, mais également d’autres, en intervenant « hors zone ». Le monde bipolaire de la Guerre froide a disparu, de même que le monde unipolaire qui a émergé au lendemain de la chute du Mur de Berlin et de la dissolution du Pacte de Varsovie. Aujourd’hui, nous nous trouvons dans un monde « apolaire », où plus personne – du moins pour l’instant – ne peut imposer sa volonté au reste du monde.

Nous n’imposerons pas notre vision du monde, pas plus que les valeurs qui nous unissent – liberté, société ouverte, droits de l’homme, égalité entre les femmes et les hommes – aux autres par la force. De ce point de vue, l’OTAN est et doit rester une alliance défensive. Toutefois, dans le contexte stratégique actuel, il nous faut garder intact un esprit de défense et savoir se doter des moyens humains, matériels, tactiques, permettant de nous protéger de toutes les hostilités.

Il est difficile de prédire la nature des conflits de demain. Les travaux prospectifs de l’Alliance, de l’ACT et de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN ont notamment pour objet d’anticiper ces menaces pour l’heure insaisissables. Au-delà de la résurgence d’une menace russe, il conviendrait ainsi par exemple de veiller à l’émergence de nouvelles forces, issues notamment d’Asie. L’expansion chinoise n’est ainsi pas sans interpeller. C’est pourquoi, comme vos rapporteurs l’ont indiqué dans le corps du rapport, cette vigilance doit s’adresser « à 360° », tant s’agissant des espaces géographiques, de l’Arctique au flanc sud, que s’agissant de nouvelles sources de conflits, dont nombreux seront liés au changement climatique et à la raréfaction des ressources naturelles.

Près de sept ans après la réintégration de notre pays au sein du commandement militaire intégré de l’Alliance, d’aucuns s’interrogent sur la pertinence de ce choix, et souhaitent un nouveau retrait. La réponse de vos rapporteurs est sans appel : la France est à sa place au sein de l’Alliance atlantique. Elle fournit un juste effort au regard de ses engagements en OPEX et sur le territoire national, mais gagnerait à davantage assumer son retour.

Notre plein retour au sein de l’OTAN nous a permis de gagner en influence, et d’occuper des postes clés au sein des Commandements suprêmes. Il s’agit d’une chance économique, militaire, diplomatique et politique, de conforter la place de notre pays sur la scène internationale, et de nous assurer du soutien sans faille de nos alliés dans le cadre de nos actions. À l’heure où notre pays vit sous une menace terroriste permanente, et alors que nos concitoyens ont été assassinés ou sont meurtris dans leur chair, il est plus que jamais essentiel de compter sur l’entière solidarité de nos Alliés.

La fin de la Guerre froide a un temps fait croire à l’émergence d’un monde sûr. Pourtant, les menaces sont aujourd’hui plus diverses et complexes que jamais, et l’OTAN est plus que jamais nécessaire pour y faire face, en collaboration avec l’Union européenne et ses autres partenaires.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur l’évolution du rôle de l’OTAN au cours de sa réunion du mercredi 3 février 2016.

M. Philippe Nauche, président. Permettez-moi tout d’abord d’excuser notre présidente, Mme Patricia Adam. Nous avons à procéder ce matin à l’examen du rapport d’information sur l’évolution du rôle de l’OTAN, examen je le rappelle ouvert à la presse. Notre commission avait décidé de s’intéresser à cette question car, si nous débattons souvent de l’Europe de la défense, notre participation à l’Alliance atlantique fait moins régulièrement l’objet de discussions. Pourtant, elle suscite un certain nombre d’interrogations, qu’il s’agisse du bilan de notre retour au sein du commandement militaire intégré de l’OTAN, de la vision stratégique de cette institution ou de la perception qu’ont les États-Unis de leur rôle dans la politique de défense de l’Europe dans un contexte de réorientation de l’intérêt américain vers l’Asie. La France est un membre actif de l’OTAN, qui pour nombre de nos Alliés est un acteur essentiel de la défense de l’espace européen, notamment en raison des manifestations de sa puissance militaire exercées par la Russie. Je cède immédiatement la parole à nos rapporteurs, M. Gilbert Le Bris et M. Philippe Vitel.

M. Gilbert Le Bris, rapporteur. Monsieur le président, chers collègues, au terme de plusieurs mois de travail, de nombreuses auditions et de quelques déplacements, nous sommes heureux de vous présenter aujourd’hui les conclusions de notre mission d’information sur l’évolution du rôle de l’OTAN. L’OTAN, qui à nos yeux désigne autant l’Alliance politique que l’Organisation militaire, demeure trop méconnue dans notre pays, même au sein de l’Assemblée nationale, et pâtit encore d’une image très négative, celle d’une institution « à la botte des États-Unis ».

Comme vous le savez, nous sommes tous les deux membres de la délégation française auprès de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, et personne ne doutera de notre soutien à la permanence de l’Alliance. Ce soutien n’est pourtant pas partagé par l’ensemble des Français, comme en témoigne la vigueur des débats concernant la réintégration de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN en 2009 ainsi que, ces jours-ci, les interrogations relatives au projet de loi approuvant le Protocole de Paris sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l’Atlantique Nord. Ce texte, déposé au Sénat le 4 janvier 2016, sera examiné par notre Assemblée dans les prochaines semaines.

Critiquée, méconnue, l’OTAN demeure pourtant un élément essentiel de la sécurité européenne et, plus largement, de la sécurité mondiale. L’essor de ses interventions « hors zone », au premier rang desquelles l’intervention en Afghanistan et sa participation aux actions menées sur le flanc sud, confortent la pertinence du maintien d’une Alliance forte.

Le présent rapport a donc un triple objet. D’abord, il comporte une dimension pédagogique. En effet, l’OTAN demeure méconnue, je l’ai dit et nous le constatons souvent. Il nous paraît essentiel, dans un rapport consacré à l’évolution et à la transformation du rôle de l’OTAN, d’exposer son fonctionnement, son histoire, son évolution.

Ensuite, le rapport tâche d’évaluer la place de la France dans l’OTAN. Notre pays a une relation particulière avec l’OTAN. Membre fondateur de l’Alliance, la France a quitté le commandement militaire intégré de l’Organisation en 1966, sur la décision du général de Gaulle. Toujours membre de l’alliance politique, nous avions engagé un lent processus de rapprochement de l’organisation militaire au début des années 1990, aboutissant à la réintégration au sein du commandement militaire intégré en 2009, sur la volonté du président Sarkozy. Cette réintégration a été confirmée par le président Hollande, à la suite de la remise, le 14 novembre 2012, du rapport de M. Hubert Védrine sur les conséquences du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, sur l’avenir de la relation transatlantique et les perspectives de l’Europe de la défense. Trois ans après la remise de ce rapport, nous avons tenté de mieux évaluer les conséquences de ce retour.

Enfin, nous avons souhaité consacrer la dernière partie du rapport à l’avenir de l’OTAN, en proposant un regard français sur le rôle que l’Alliance pourrait être amenée à jouer à l’avenir. La résurgence d’une menace à l’est, l’ancrage d’un front au sud et au Moyen-Orient en raison de la menace terroriste et l’apparition de nouvelles sources de déstabilisation, imposent de concevoir l’OTAN de demain, tant du point de vue du champ d’intervention de l’Alliance – géographique et opérationnel – que de son fonctionnement. Au-delà de la préparation du Sommet de Varsovie, qui se tiendra à l’été prochain, il s’agit donc d’identifier quelques pistes de réflexion pour renforcer la place de l’OTAN et assurer sa légitimité.

M. Philippe Vitel, rapporteur. Lorsque l’on veut savoir où on va, il faut savoir où l’on en est mais surtout savoir d’où on vient ! C’est pour cette raison que vous me permettrez tout d’abord de dresser un bref rappel historique de l’évolution de l’OTAN.

Conçue en 1949 pour répondre à la menace soviétique, l’OTAN aurait pu être dissoute en même temps que le Pacte de Varsovie. La fin de la Guerre froide, marquée par l’effondrement de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), privait en effet l’Alliance atlantique et son organisation militaire, l’OTAN, de son ennemi historique. Il était donc légitime de se demander si cela ne la privait pas même de sa raison d’être.

La persistance d’une fragilité européenne, particulièrement liée à la poudrière des Balkans, a un temps éloigné les critiques formulées à l’encontre de l’OTAN, avant que les attentats du 11 septembre 2001 ne la fassent basculer dans une nouvelle ère d’élargissement de ses missions. La crise russo-ukrainienne, ouverte depuis l’automne 2013, a recentré l’OTAN sur ses fondamentaux, avec la réapparition d’une menace russe dont l’ombre plane sur les États les plus orientaux de l’Union européenne.

Mais malgré cette résurgence d’une opposition est-ouest, dont la ligne de fracture s’est déplacée, l’OTAN n’est évidemment pas aujourd’hui la même organisation que lors de sa fondation.

Si, au cours des années 1990, la persistance d’une fragilité européenne et la crise des Balkans ont permis à l’OTAN de se maintenir, la décennie 2000 a parfois donné le sentiment d’un tâtonnement : d’un côté la multiplication des missions de tout ordre – humanitaire, protection de grands événements, lutte contre le terrorisme, police du ciel – et de l’autre l’expansion géographique – poursuite de la « porte ouverte » et développement des partenariats mondiaux.

Finalement, c’est le Sommet de Lisbonne, en 2010 qui a permis à l’Alliance, en se dotant d’un nouveau concept stratégique, de clarifier ses missions.

Si les missions de l’OTAN se sont diversifiées au fil des années, l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord reste au cœur de la solidarité qui lie les membres de l’Alliance. Pour rappel, il stipule que « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord. » J’ajouterai d’ailleurs que depuis le Sommet du Pays de Galle, les cyber-attaques sont prises en compte dans le cadre de cet article.

Aujourd’hui, le concept stratégique de l’OTAN, c’est-à-dire la doctrine politico-militaire de l’OTAN, ne repose plus seulement sur la notion de défense collective qu’incarne l’article 5.

En effet, le concept stratégique actuel « Engagement actif, défense moderne », établi lors du Sommet de Lisbonne, précise que « l’Alliance a le devoir et la volonté de continuer à remplir efficacement trois tâches fondamentales essentielles : la défense collective, la gestion de crise, la sécurité coopérative ». La défense collective suppose que les membres de l’Alliance se prêteront toujours assistance mutuelle contre une attaque, conformément à l’article 5 du Traité de Washington. La gestion de crise permet à l’OTAN, grâce à la diversité de ses capacités d’intervention, politiques et militaires, d’agir sur la gamme complète des crises, que ce soit avant, pendant ou après un conflit. La sécurité coopérative a pour objectif de permettre à l’Alliance d’infléchir les développements politiques et sécuritaires intervenant au-delà de ses frontières, grâce au renforcement des partenariats, en contribuant activement à la maîtrise des armements, à la non-prolifération et au désarmement, et en maintenant sa porte ouverte à l’adhésion de toutes les démocraties européennes qui répondent aux normes de l’OTAN.

L’éclatement de la crise russo-ukrainienne et le renforcement de la menace terroriste au sud ont conforté la pertinence du nouveau concept stratégique, qui a été confirmé lors du Sommet du Pays de Galle en 2014 à Newport.

Newport a en effet démontré une prise de conscience par les Alliés d’un nouveau paysage sécuritaire, et la volonté d’endiguer le désarmement structurel des défenses européennes engagé depuis plus de vingt ans, sous la pression des crises économiques et d’une certaine démobilisation post Guerre froide.

Plusieurs décisions majeures ont été prises lors de ce sommet, notamment l’adoption d’un plan d’action réactivité, le RAP, qui comprend un ensemble de mesures articulées en deux volets : des mesures d’assurance, visant à répondre à la crise russo-ukrainienne et à renforcer l’unité de l’Alliance face aux actions de la Russie ; des mesures d’adaptation, visant à adapter de manière plus durable l’Alliance aux évolutions de son environnement stratégique et à renforcer sa réactivité et sa flexibilité.

Parmi les mesures d’adaptation que comporte le RAP, les travaux de définition et de mise en œuvre ont progressé significativement sur les aspects suivants. Premièrement, le renforcement de la réactivité de la Force de réaction de l’OTAN – NATO Response Force, ou NRF – à travers la réorganisation de sa structure en trois brigades. La Force de réaction de l’OTAN, qui permet actuellement de déployer 5 000 hommes en 30 à 60 jours, pourra compter désormais jusqu’à 40 000 soldats.

Deuxièmement, la définition des paramètres principaux de la force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation de l’OTAN, dite VJTF, qui doit pouvoir mobiliser un bataillon – 800 hommes – dans les deux jours, et une brigade – 5 000 à 7 000 hommes – dans les cinq à sept jours, et ce partout dans le monde. En 2016, la VJTF est dirigée par l’Espagne. Sept Alliés, dont la France, ont déjà offert d’assumer le rôle de pays chef de file les années suivantes.

Troisièmement, l’établissement d’éléments de commandement et de contrôle, dits unités d’intégration de forces – NATO Force Integration Units, ou NFIUs – sur le territoire de huit Alliés orientaux : la Pologne, les États baltes, la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie et la Slovaquie. Ces éléments faciliteront un éventuel déploiement de la VJTF et assureront une présence physique de l’OTAN. Par ailleurs, les 28 États membres se sont engagés à consacrer 2 % de leur produit intérieur brut au titre de la défense, et 20 % de cet effort à l’investissement dans les futurs équipements militaires à l’horizon 2025.

M. Gilbert Le Bris, rapporteur. Comment fonctionne institutionnellement l’OTAN ? La politique de l’Alliance et les actions militaires de l’OTAN sont mises en œuvre par des instances qui ont su se renouveler au cours des dernières années.

Au sommet de l’Alliance, le Conseil de l’Atlantique nord prend ses décisions à l’unanimité, sur la base des travaux préparatoires réalisés par les comités, dont les principaux sont le Groupe des plans nucléaires et le Comité militaire. Si elle ne fait pas partie des instances de l’Alliance d’un point de vue institutionnel, l’Assemblée parlementaire de l’OTAN réunit 257 parlementaires issus des 28 pays membres de l’Alliance atlantique.

Côté militaire, l’OTAN est pilotée par le Comité militaire, chargé de recommander aux autorités politiques de l’Organisation les mesures qu’il juge nécessaires à la défense commune de la zone de l’OTAN, et de mettre en œuvre les décisions qui concernent les opérations et missions de l’OTAN, en transmettant notamment des directives aux deux commandements suprêmes.

Jusqu’en 2002, les deux commandements stratégiques de l’OTAN étaient le Commandement allié en Europe, dit ACE, établi en 1951, et le Commandement allié de l’Atlantique, dit ACLANT, créé un an plus tard.

Ce schéma a été remis en cause lors du Sommet de Prague en 2002, qui a décidé de la réorganisation de la structure de commandement selon une répartition fonctionnelle des tâches. L’ACE a été remplacé par le Commandement allié Opérations, dit ACO, responsable de toutes les opérations de l’Alliance et dont le quartier général est le SHAPE, près de Mons en Belgique. L’ACO se compose d’un petit nombre de quartiers généraux permanents ayant chacun un rôle spécifique, comme celui de Brunssum ou de Naples. L’ACLANT a quant à lui été remplacé par le Commandement allié Transformation, dit ACT, chargé de la transformation de la structure, des forces, des capacités et de la doctrine militaires de l’OTAN, et dont le siège est situé à Norfolk aux États-Unis.

L’ACT est placé sous la responsabilité du commandant suprême allié Transformation, actuellement le général français Denis Mercier, qui a pris ses fonctions le 30 septembre 2015 à la suite du général Jean-Paul Paloméros et du général Stéphane Abrial. Depuis la réintégration de notre pays au sein du commandement militaire intégré, le poste de commandant de l’ACT est dévolu à un officier français.

Le SACT supervise la transformation des capacités militaires de l’OTAN, mène la transformation militaire de l’Alliance, en développant une analyse prospective des futurs défis pour la sécurité, en préparant l’interconnexion des forces, et en encourageant le développement de capacités interopérables novatrices. Chacun se souvient ici des propos du général Paloméros lors de son audition devant notre commission au printemps dernier et il ne nous a pas semblé utile, ce matin, de revenir en détail sur les missions du SACT.

Dans la foulée de l’adoption du dernier concept stratégique à Lisbonne, une vaste réforme de la structure de commandement a été engagée, afin de gagner en souplesse et de réduire de 13 000 à 8 000 le nombre de personnels au sein des deux commandements suprêmes.

Par ailleurs, l’Alliance peut également compter sur le secrétariat international, les agences de l’OTAN, dont le nombre a été réduit à trois, ainsi que les centres de formation et les centres d’excellence.

M. Philippe Vitel, rapporteur. Après avoir rappelé ces éléments fondamentaux, nous en venons à présent, chers collègues, au cœur de notre rapport, qui avait deux objectifs : l’évaluation de la place de la France dans l’OTAN et l’identification de pistes d’évolutions pour l’OTAN de demain. Les débats passionnés qui ont entouré la question de la réintégration dans le commandement intégré de l’OTAN en 2009 justifient à eux seuls de rappeler au préalable une évidence : la France n’a jamais complètement quitté l’OTAN, et s’en est fortement rapprochée depuis le début des années 1990.

Comme chacun le sait, la France a toujours été un allié de premier plan de l’OTAN, et ce dès l’origine.

En tant que membre fondateur, elle participe pleinement aux missions de l’OTAN de 1949 à 1966. La France est un membre actif, comme en témoigne la forte présence des infrastructures de l’OTAN sur son territoire. À la suite de quelques tensions, le général de Gaulle, le 7 mars 1966, adresse une lettre au président Johnson faisant état de sa volonté de quitter le commandement militaire intégré.

La décision de se retirer des états-majors militaires de l’organisation ne remet nullement en cause l’engagement français à prendre part à la défense collective de l’Alliance : il s’agit, selon la formulation du général de Gaulle, de « modifier la forme de notre Alliance sans en altérer le fond ». Après 1966, l’engagement de la France auprès de l’OTAN a perduré, que l’on pense à la contribution aux orientations politiques de l’organisme, de ses engagements au titre de la défense collective ou de sa participation aux opérations de gestion de crise. La solidarité de la France avec ses Alliés ne s’est ainsi jamais démentie pendant les périodes de tension de la Guerre froide, de la crise des missiles de Cuba à celle des euromissiles.

À la fin de la Guerre froide, le président Mitterrand a proposé l’organisation d’un Sommet de l’OTAN destiné à débattre de la stratégie à adopter dans un monde devenu apolaire et la France a participé à la définition du nouveau concept stratégique, adopté en 1991. La France a par la suite participé aux opérations de gestion de crise en Bosnie dès 1993, puis a intégré l’IFOR et la SFOR. Avec près d’une centaine d’avions sur un millier déployés et son groupe aéronaval, la France a été le premier contributeur européen à l’opération « Force alliée » en ex-Yougoslavie au printemps 1999, participant à tous les types de missions – bombardement, appui au sol, renseignement et observation, ravitaillement en vol, extraction d’équipages. Elle a par ailleurs apporté une contribution significative à la Force internationale d’assistance à la sécurité, la FIAS, en Afghanistan, placée depuis 2003 sous le commandement de l’OTAN. Il me semblait utile de rappeler ces éléments.

Finalement, sur la volonté du président Sarkozy, le plein retour de la France dans les structures intégrées de l’OTAN est confirmé lors du Sommet de Strasbourg-Kehl des 3 et 4 avril 2009. La France rejoint le comité des plans de défense mais reste en dehors du groupe des plans nucléaires. En pratique, le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN se traduit par le déploiement de plusieurs centaines de militaires français dans la quinzaine d’états-majors de la structure militaire de l’OTAN et l’obtention par la France de deux postes à responsabilité : le commandement suprême allié chargé de la transformation de l’OTAN, on l’a vu, et le commandement interarmées basé à Lisbonne, qui a autorité notamment sur la force de réaction rapide.

Le rapport « Védrine » sur les conséquences du retour de la France dans les structures militaires intégrées de l’OTAN, remis au président de la République en novembre 2012 a conclu qu’une « (re)-sortie française du commandement intégré n’est pas une option ».

Dans son rapport, Hubert Védrine note que la France a retiré un surcroît d’influence de sa pleine participation à l’OTAN – ce que nous avons constaté sur le terrain – alors qu’elle était devenue la seule organisation internationale où nous nous privions d’exercer notre influence.

Tout d’abord, le retour a permis de « franciser » les structures de l’OTAN, puisque la participation française a triplé s’agissant des personnels militaires. L’octroi de postes importants comprenant notamment un des deux commandements suprêmes va également dans ce sens. Ensuite, en matière d’influence sur l’organisation de l’OTAN, la France a joué un rôle moteur pour rationaliser le fonctionnement de l’Alliance, hiérarchiser les priorités, refondre les procédures, ramener le nombre des agences de quatorze à trois, en en espérant une économie de 20 %, et réduire la structure de commandement. Toutefois, Hubert Védrine se montrait notamment perplexe s’agissant de la capacité des industriels français, et plus largement européens, à tirer bénéfice des dépenses militaires des pays de l’OTAN.

À la suite du rapport Védrine, l’approche française est claire : développer une politique audacieuse et décomplexée d’influence accrue dans l’Alliance qui facilitera les efforts européens de la France. Nous avons tenté de dresser un nouveau bilan trois ans après la publication ce rapport.

Force est de constater que si la stratégie française a rencontré quelques succès dont il convient de retirer une certaine fierté, de multiples questions demeurent en suspens.

S’agissant des points satisfaisants, il s’agit premièrement de l’intégration de nos priorités en amont du processus de décision de l’OTAN : nous sommes aujourd’hui présents beaucoup plus tôt dans le processus de gestion de crises de l’Alliance et de préparation d’options militaires, lorsque cela est nécessaire. Deuxièmement, la France a également encouragé efficacement l’OTAN à réformer la structure de commandement intégrée mais cette démarche est délicate, car nombreux sont les États-membres qui souhaitent conserver des états-majors ou structures de l’Alliance sur leur sol. Troisièmement, notre vision stratégique est mieux prise en compte. Ainsi, la directive politique approuvée par les ministres de la Défense le 24 juin 2015 et précisée le 23 juillet 2015 par la directive complémentaire du Comité militaire reprend notre préoccupation quant à la nécessité, au regard de la situation sécuritaire changeante sur les flancs est et sud de l’Alliance, d’assurer un équilibre entre les menaces identifiées sur ces flancs, mais aussi quant au rôle de certaines capacités comme la défense antimissile. Quatrièmement, il convient de souligner l’approfondissement de la relation de confiance que nous entretenons au plan militaire avec nos plus proches alliés, et en particulier les États-Unis. Le soutien apporté par les États-Unis à nos opérations au Mali ou en Centrafrique est aussi le résultat direct des habitudes de travail en commun prises au sein de l’OTAN. Cinquièmement, les opérations nationales françaises ont été reconnues comme contribuant à la sécurité de l’Alliance dans son ensemble, et à la définition de cibles pour la déployabilité des forces. Celles-ci nous permettront, à terme, de nous assurer que nos Alliés disposent des capacités dont nous pourrions avoir besoin lors de nos opérations, qu’elles se déroulent dans le cadre national, dans le cadre de l’Union européenne ou dans le cadre de l’OTAN. Sixièmement, nos appréciations opérationnelles sont mieux prises en compte par la chaîne de commandement de l’OTAN : l’évaluation française de la situation sur les théâtres d’opérations est désormais pleinement intégrée aux travaux menés par la chaîne de commandement. Septièmement, s’agissant de la promotion de nos intérêts industriels, l’OTAN est aussi un vecteur de notre diplomatie économique. La France est aujourd’hui mieux placée pour mettre en valeur ses industriels, notamment les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), dans les appels d’offres conduits par l’OTAN, ou liés à cette organisation. Huitièmement, nous en avons parlé, la France est représentée à des postes clés.

Les questions en suspens sont nombreuses. D’abord, concernant la question des forces, il est difficile d’ignorer les reproches qui sont régulièrement adressés à la France s’agissant du non-respect de ses engagements d’affectation de personnels. Nous n’en pourvoyons que 75 % et, compte tenu de l’engagement de nos forces en opérations extérieures comme sur le territoire national, la France a très peu participé à l’exercice Trident Juncture de l’automne 2015. Si l’enjeu pour notre pays est bien évidemment de parvenir à maintenir l’équilibre entre défense intérieure et capacité à projeter nos forces, il n’en demeure pas moins que nous devrions davantage respecter nos engagements.

Ensuite, l’appréciation du coût budgétaire de la réintégration de la France dans le commandement militaire intégré est complexe. La Cour des comptes a remis un rapport consacré à la question en 2012, sur saisine de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Selon les estimations de la Cour des comptes, le montant de la participation financière française au budget de l’OTAN atteignait 325,86 millions d’euros en 2011, alors qu’elle se serait établie à 264,86 millions d’euros sans la réintégration au sein du commandement militaire intégré. Si l’augmentation du coût budgétaire de la participation à l’OTAN a crû pour la France, celle-ci ne s’explique pas exclusivement par la réintégration, mais plutôt par l’importante augmentation du budget de l’OTAN depuis 2007 en raison de l’évolution de l’opération afghane. Le budget total de l’OTAN est ainsi passé de 1 875,49 millions d’euros en 2007 à 2 419,25 millions d’euros en 2011.

Le surcoût pour la France strictement lié à la pleine participation aux structures intégrées s’élève donc à 61 millions d’euros, ce qui est inférieur aux prévisions du ministère de la Défense, qui s’élevaient à 79 millions d’euros. Pour autant, le surcoût définitif de la réintégration et, plus largement, de la participation française à l’OTAN, demeure difficile à établir à long terme. À titre d’exemple, la pleine participation au budget « investissements » est progressive et ne sera pas atteinte avant 2020, et c’est seulement à cet horizon que le surcoût final total pourra être mesuré.

Par ailleurs, le retour sur investissement pour les industriels est insuffisant. Le constat du général Paloméros devant notre commission au printemps dernier était sans appel : on ne tire pas suffisamment bien notre épingle du jeu. Si des actions ont déjà été entreprises – mise en place d’un réseau d’agents de la Direction générale de l’armement (DGA) présents à la représentation permanente et dans les agences de l’OTAN, diffusion des appels d’offres de l’OTAN sur la plateforme des achats du ministère de la Défense, réunions régulières entre les représentants des entreprises françaises d’armement et la représentation permanente de la France auprès de l’OTAN – il conviendrait de les compléter en sensibilisant davantage les petites et moyennes entreprises ainsi que les entreprises de taille intermédiaire aux opportunités que représente l’OTAN et à ses besoins, en renforçant la capacité d’analyse et d’anticipation de la DGA par un accroissement de personnel au sein du bureau OTAN.

Enfin, au cours de nos auditions et de nos déplacements, nous avons parfois eu le sentiment que la France avait en quelque sorte honte de son retour. Cette impression se traduit à plusieurs niveaux. D’abord, il semblerait qu’il y ait une certaine réticence à afficher la bannière de l’OTAN lors d’opérations menées de manière bilatérale ou multilatérale. Ensuite, il apparaît que les personnels militaires insérés au sein des structures de l’OTAN ne bénéficient pas d’un retour optimal au sein des armées françaises, une mobilité auprès de l’OTAN n’étant pas suffisamment valorisée dans les déroulements de carrière. Enfin, comme le notait M. Hubert Védrine devant la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, il est nécessaire d’opérer un changement de mentalité, y compris au sein de nos ministères.

Plus largement, l’assiduité politique de la France au sein de l’OTAN semble aléatoirement perfectible. Si le ministre de la Défense ainsi que le CEMA sont très présents, d’autres le sont moins, au motif que le processus de discussion et de décision est lourd et bureaucratique. Or, la politique de la chaise vide n’est pas acceptable à l’heure où il s’agit, plus que jamais, de faire entendre la voix de la France.

M. Gilbert Le Bris, rapporteur. J’en viens donc à la dernière partie : quid de l’OTAN de demain, en vue du Sommet de Varsovie et au-delà ? Le prochain Sommet des chefs d’État et de gouvernement, qui se tiendra à Varsovie à l’été prochain, sera l’occasion de préciser la position de l’OTAN face à la résurgence d’une menace à l’est, d’affiner les modalités de son action sur le flanc sud, et de réfléchir aux prochaines évolutions de l’OTAN.

Premièrement, il est nécessaire d’adapter la réponse de l’OTAN en fonction des théâtres. La nature des menaces varie fortement selon les fronts. L’OTAN doit être perçue comme une boîte à outils, permettant de fournir une solution adaptée aux différents États membres de l’Alliance. Ainsi, à l’est, la crise russo-ukrainienne a ravivé le risque d’affrontements interétatiques. Au-delà d’une opposition conventionnelle, cette crise a également rappelé brutalement combien les frontières n’étaient pas figées et l’intégrité territoriale des différentes nations potentiellement menacée. Dans la continuité du Sommet de Newport, il convient d’afficher la bannière de l’OTAN à l’est, sans contribuer à l’escalade, via des mesures de réassurance. Au sud et au Moyen-Orient, à l’inverse, les conflits naissent de la désétatisation dans des régions entières. Par ailleurs, la menace terroriste et extrémiste a déjà frappé sur le territoire même des membres de l’Alliance. Dans la continuité de l’expérience libyenne, il conviendrait probablement d’utiliser l’OTAN comme un réservoir de capacités : fourniture d’un état-major reculé mais proche du théâtre comme celui de Naples lors de l’intervention en Libye, utilisation des capacités en matière de renseignement et d’information, recours aux capacités de ravitaillement, notamment.

Par ailleurs, il convient d’approfondir les missions que l’OTAN exerce déjà, en matière de lutte contre le terrorisme et de cyber sécurité. Plus largement, il est indispensable de mener une réflexion sur le contenu de l’article 5, alors que le Sommet de Newport a déjà été l’occasion pour les chefs d’État et de gouvernement d’étendre le champ de l’article 5 afin d’y inclure les cyberattaques. Il ne faut évidemment pas s’interdire, à l’avenir, de rendre compétente l’OTAN pour la résolution de conflits encore très peu présents. C’est notamment le rôle de l’ACT d’anticiper les menaces et risques émergents, y compris jusqu’à l’horizon 2040. D’après nous, cette évaluation doit continuer à s’exercer à 360 degrés, de l’Arctique au flanc sud, même s’il est certain que pour l’ensemble de l’Alliance, l’Afrique subsaharienne n’est pas vraiment un terrain historique. C’est pourtant là que naîtront nombre de conflits du futur, liés au changement climatique et à la raréfaction des ressources naturelles.

Deuxièmement, il convient de préciser la complémentarité entre l’OTAN et ses partenaires. Ceci passe d’abord par la prise de conscience du pivot américain. Force est de constater que les États-Unis ont lancé, sous l’administration Obama, une politique de pivot stratégique réorientant fortement leur intérêt vers le Pacifique et l’Asie. Le lien transatlantique, raffermi par la crise russo-ukrainienne, n’a jamais semblé aussi ténu. Il découle de cet état de fait une européanisation à marche forcée de l’Alliance. Ce mouvement n’est pas non plus illogique, alors que 26 des 28 membres de l’Alliance sont situés du côté européen de l’Atlantique. C’est pourquoi il est nécessaire de conforter les relations entre l’OTAN et l’Union européenne, afin d’assurer leur complémentarité, tant dans les domaines capacitaires qu’opérationnels. Nous militons pour que la France joue pleinement son rôle dans l’une comme dans l’autre organisation, et plaidons en faveur d’un renforcement de la coopération et de la coordination entre les deux organisations. Si le Sommet de Newport a reconnu la contribution de l’Union européenne à la sécurité de l’espace euro-atlantique, il convient d’aller encore plus loin, notamment dans les capacités du haut du spectre.

Les deux principaux enjeux de la réflexion sur le partenariat UE-OTAN concernent, d’une part, la préservation de la dimension militaire de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) dans la gestion des crises, et, de l’autre, la limitation du champ d’action de l’OTAN à son cœur de métier militaire.

Mais s’il y a bien un « moment européen » pour l’OTAN, les défis sont encore nombreux. En effet, la transcription des intentions politiques en actions stratégiques militaires concrètes sur le long terme semble être délicate, en raison de réticences persistantes à tous les niveaux.

En parallèle, il est indispensable de préciser les relations entre l’OTAN et l’Organisation des Nations unies (ONU), tant l’OTAN n’a pas vocation à être le bras armé de l’ONU, et il peut arriver qu’elle intervienne en dehors du cadre onusien.

Enfin, le fil rouge du Sommet de Varsovie sera l’adaptation à long terme de l’Alliance. Concernant l’ordre du jour, trois sujets délicats, susceptibles de diviser les Alliés, pourraient figurer au centre des débats du sommet de Varsovie. Premier sujet, la suite à donner au plan d’action pour la réactivité adopté au sommet du Pays de Galles, qui pourrait, comme le souhaitent les Alliés orientaux, marquer le retour de l’OTAN à une posture militaire rigide de défense collective exclusivement tournée vers l’est. Deuxième sujet, la défense antimissile balistique, avec l’objectif affiché par les États-Unis, soutenus par d’autres Alliés, de déclarer la capacité opérationnelle initiale de la défense antimissile balistique de l’OTAN, alors même que les éléments permettant de garantir un contrôle à vingt-huit, opérationnel et politique, de la capacité ne sont pas réunis.

Troisième sujet, la question de l’élargissement de l’Alliance, à travers l’examen de la candidature du Monténégro.

L’élargissement de l’OTAN est une question délicate, et nous mettons en garde contre le risque de perdre en cohésion ce que l’on gagne en extension. À l’heure actuelle, quatre candidats sont officiellement reconnus : le Monténégro, l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine, la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie. Nous soutenons le processus d’adhésion en cours du Monténégro et nous considérons qu’à terme, il est de l’intérêt de l’OTAN d’intégrer les pays qui se situent au sein des frontières de l’Europe et de la zone actuelle de l’OTAN, comme la Macédoine et la Bosnie. En revanche, l’adhésion éventuelle de la Géorgie ou de l’Ukraine pose fondamentalement la question du risque d’atteinte à la crédibilité de l’article 5.

Par ailleurs, si les exigences de nos partenaires les plus orientaux doivent être prises en considération, nous ne souhaitons pas que l’Alliance revienne à une posture statique qui serait susceptible de mener à l’escalade.

En ce sens, nous proposons que quatre objectifs parallèles soient poursuivis dans la perspective du sommet de Varsovie.

Tout d’abord, il est essentiel de maintenir la cohésion au sein de l’Alliance, alors même que l’ouverture de deux fronts géographiques pourrait diviser les Alliés.

Ensuite, poursuivre la mise en œuvre du plan d’action pour la réactivité décidé au Sommet de Newport, autour des notions-clefs de flexibilité et de réactivité. Elles seules, et non une posture de déploiements statiques, peuvent assurer la sécurité à long terme de l’Alliance dans le contexte actuel. Elle est certainement très exigeante pour beaucoup d’Alliés, en particulier européens, mais les efforts de défense doivent être équitablement partagés, et l’OTAN ne peut revenir à une posture rigide reposant sur le positionnement permanent de forces, qui nous ramènerait trente ans en arrière.

Il convient également de veiller à ne pas pousser à l’escalade avec la Russie : l’OTAN doit être, par sa posture dissuasive, une partie de la solution, mais ne doit surtout pas ajouter au problème.

Enfin, il faut veiller à la soutenabilité des décisions qui seront prises, en termes de ressources humaines mais aussi financières. Alors qu’aujourd’hui les menaces sont multiples, les ressources humaines, les capacités militaires et les moyens financiers des Alliés sont limités.

En guise de conclusion, bien que la France ne participe pas au groupe de planification nucléaire, elle participe, à la culture stratégique nucléaire de l’Alliance, notamment face au groupe des pays qui sont contre. Ce travail d’influence et de conviction est important, car beaucoup de nos alliés ont perdu toute culture de dissuasion nucléaire.

Voilà, chers collègues, en quelques mots, les principales conclusions et recommandations de notre rapport.

M. Philippe Nauche, président. Je remercie nos rapporteurs pour cette présentation dense et je cède immédiatement la parole à nos collègues pour leurs questions.

M. Nicolas Bays. Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail, avec une mention spéciale à Philippe Vitel pour sa maîtrise de l’anglais (Sourires). Selon vous, l’OTAN peut-il devenir le véritable outil de la défense européenne de demain ? Est-il possible d’européaniser encore davantage l’Alliance ? Par ailleurs, je m’interroge sur la place de la Turquie, que vous n’avez pas évoquée dans votre propos liminaire : dans la mesure où ce pays prend, de plus en plus souvent, des positions contraires aux intérêts des alliés, peut-il encore faire partie de l’Alliance en tant que membre à part entière ?

M. Jean-Jacques Candelier. Au cours de sa longue carrière, le général de Gaulle a su prendre des décisions sages et responsables… (Exclamations et applaudissements)

M. Philippe Nauche, président. Attendez la deuxième partie de la phrase mes chers collègues ! (Sourires)

M. Jean-Jacques Candelier. …et je pèse mes mots. Je citerai sa prise de position face au fascisme, sa participation à la création du Conseil national de la Résistance et, enfin, sa position concernant l’OTAN en 1966. Vous connaissez ma position à ce sujet. Je rappellerai simplement que, selon moi, l’OTAN est issue d’un traité de vassalisation et de subordination idéologique, stratégique et opérationnelle à la pensée américaine, qui devrait en outre coûter à la France environ 650 millions d’euros entre 2010 et 2015. Comment la France peut-elle donc conserver son indépendance dans la gestion de ses affaires étrangères ?

M. Philippe Nauche, président. Pour assurer l’équilibre des arguments, je donne maintenant la parole à Francis Hilmeyer. (Sourires)

M. Francis Hilmeyer. J’aurais souhaité que nos rapporteurs développent un peu plus le rôle de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN) et recueillir leur point de vue sur cette institution, son travail et son fonctionnement. Nous savons qu’il y a eu, dans notre assemblée, des tentations de ne plus participer aux travaux de l’AP-OTAN compte tenu des dépenses que cette participation engendrait. J’aimerais donc connaître votre opinion à ce sujet. Par ailleurs, pourriez-vous évoquer plus en détail la question de la Géorgie ? Pour m’y être rendu, j’avais constaté une demande forte de la part des Géorgiens, liée il est vrai à la présence des Russes qui ont quasiment annexé une partie du territoire géorgien, avec une surveillance électronique des frontières très poussée.

M. Gilbert le Bris, rapporteur. Monsieur Bays, concernant l’européanisation de l’OTAN, il faut rappeler que lorsque le président Nicolas Sarkozy a demandé la réintégration dans le commandement militaire intégré, c’était aussi avec l’objectif que l’Europe de la défense prenne une certaine dimension. Force est de constater que, depuis, celle-ci n’a pas beaucoup évolué car certains États membres de l’Union européenne ne sont pas très pushy comme on dit en anglais ! Je pense en particulier au Royaume-Uni qui n’est pas très allant en ce domaine. Il faut penser la relation OTAN-UE non pas en termes de substitution mais en termes de complémentarité. C’est une complémentarité qu’il faut envisager, et c’est le point de vue de l’ensemble des pays concernés. Nous plaidons pour qu’il y ait effectivement un véritable pilier européen de l’OTAN, via l’Europe de la défense. C’est essentiel, mais la balle est dans le camp des Européens : c’est à eux de mettre en place les moyens nécessaires pour compter dans cette alliance atlantique. Ils commencent à le faire ; au sommet de Newport, des objectifs précis en termes de capacités ont été déterminés : 2 % du produit intérieur brut dont 20 % consacrés à l’innovation, l’investissement et la recherche. Les Européens commencent à les remplir. L’intégration à l’OTAN comporte de nombreux aspects positifs tels que l’interarmisation ou la capacité à travailler en commun. Mais au-delà de l’OTAN, de telles évolutions doivent également être portées par l’Union européenne. À cet égard, la réorientation américaine vers l’Asie doit constituer une incitation forte pour les Européens et les obliger à se prendre en charge eux-mêmes.

Monsieur Candelier, je vous rejoins dans votre hommage au général de Gaulle qui a souvent fait preuve de grande clairvoyance. Toutefois, et vous le savez, je ne partage absolument pas votre vision de l’OTAN : il ne s’agit pas d’une vassalisation de l’Europe. Lorsque l’on s’intéresse à ce sujet, il est d’ailleurs remarquable de noter que, vue des États-Unis, l’OTAN c’est l’Europe ! Inversement, vue de l’Europe, l’OTAN ce sont les États-Unis ! Il est vrai que les Européens regardent souvent les Américains qui, quant à eux, regardent le monde entier. Il faudrait peut-être que nous nous regardions un peu plus nous-mêmes. Les Américains, qui n’ont pas été demandeurs de l’OTAN à l’origine, ont joué leur rôle. Malheureusement, beaucoup de pays européens ont profité de l’OTAN pour devenir les « passagers clandestins » de la défense – je pense notamment aux derniers pays à avoir rejoint l’Alliance. À partir du moment où ils sont entrés dans l’OTAN, ces pays ont diminué leurs dépenses de défense et s’en s’ont remis aux États-Unis pour assurer leur protection, ce qui est absolument aberrant dans le monde que l’on connaît. C’est en train de changer, je l’ai rappelé. Mais, surtout, il faut en finir avec cette idée selon laquelle « OTAN égale États-Unis ». Nous l’avons vraiment ressenti avec Philippe Vitel : d’une part, les Américains ne sont pas dans cette logique-là ; d’autre part, les Européens réalisent que l’OTAN c’est aussi l’Europe, et qu’ils doivent y contribuer.

M. Philippe Vitel, rapporteur. Je souhaite rassurer M. Hilmeyer ; le rapport explique en détail ce qu’est l’AP-OTAN et la manière dont elle fonctionne. Par ailleurs, l’ensemble des réflexions que nous conduisons dans notre rapport sont irriguées par les travaux effectués dans le cadre de l’AP-OTAN et le rôle qu’elle joue dans des domaines aussi importants que la cyber-sécurité, la défense anti-missiles ou encore les changements géopolitiques liés au réchauffement climatique.

La Turquie, membre de l’OTAN depuis 1952, est considérée comme un « bon élève » de l’Alliance. Elle participe à 4,1 % du budget de l’organisation, elle est le quatrième contributeur aux opérations de l’OTAN, et elle assure un rôle majeur dans certaines d’entre elles : je pense notamment à la relation post-2015 avec l’Afghanistan où elle est nation-cadre dans la mission Resolute Support pour la région de Kaboul. Par ailleurs, dans le cadre de la crise russo-ukrainienne, les Turcs ont largement contribué aux mesures de réassurance prises à l’égard des Alliés orientaux et ont annoncé qu’ils seront nation-cadre de la force interarmées à très haut degré de réactivité de l’Alliance. Mais il est vrai que le positionnement de la Turquie est marqué par une tension entre d’une part, sa volonté de s’affirmer comme une voix forte au sein de l’OTAN avec des attentes élevées vis-à-vis de l’Alliance – en termes de défense collective et de financement commun par exemple –, et d’autre part, son souhait de préserver une entière autonomie politique en se montrant parfois difficile s’agissant des compromis nécessaires au nom de la solidarité alliée : par exemple sur les partenariats, en particulier entre l’OTAN et l’Union européenne. En somme, la Turquie est un allié fiable pour l’OTAN, mais dont les positionnements doivent toujours être examinés avec circonspection, dans le cadre d’un dialogue permanent. Je tiens enfin à souligner qu’il existe un autre domaine où la Turquie a une grande importance. Elle s’est rapprochée de la France en ce qui concerne les menaces du flanc sud, qui sont parfois négligées dans les réflexions sur l’évolution des postures de l’Alliance. En ce sens, la Turquie est un allié de la France pour faire valoir cette dimension et cette orientation qui auront toute leur importance dans le cadre du prochain sommet de l’organisation. La Turquie est donc dans une situation singulière, avec ses ambiguïtés et ses contradictions, mais qui repose malgré tout sur une fidélité marquée depuis plus de soixante ans.

M. Alain Moyne-Bressand. Je tiens à féliciter et à remercier nos rapporteurs qui ont déjà répondu à nombre de mes interrogations au fil de leurs interventions. Si l’on reprend l’histoire, il faut rappeler que le général de Gaulle avait décidé d’un retrait partiel de l’OTAN car les Américains y étaient dominants. N’est-ce pas toujours le cas à l’heure actuelle ? N’est-ce pas pour des raisons financières et industrielles – via la vente de leurs matériels militaires – que l’OTAN reste une priorité pour eux ? Pourriez-vous nous rappeler la liste des 28 pays membres de l’Alliance ?

Le monde change et, comme vous l’avez rappelé, il semble qu’il y ait beaucoup à faire au niveau européen pour que nous prenions en main nos responsabilités. Que représente la participation financière française dans l’ensemble des ressources de l’Alliance ? Enfin, puisque nous sommes en guerre contre lui, quel est le rôle de l’OTAN – s’il existe – dans la lutte contre l’État islamique ? L’OTAN est-elle indifférente, sensible, ou prête à participer à des actions en ce sens ? Car il s’agit d’une guerre mondiale.

M. Yves Fromion. Nos rapporteurs ont évoqué la norme des 2 %. J’aimerais que vous précisiez cette notion car il existe plusieurs formules ou versions, V1 et V2, selon que l’on intègre les pensions ou encore les dépenses de gendarmerie. Si l’on se réfère à la V1, c’est-à-dire les dépenses militaires stricto sensu pensions comprises, nous sommes proches des 2 %. Mais il ne s’agit pas du ratio communément admis car les dépenses de pensions ne sont pas de « véritables » dépenses militaires. Or certains pays intègrent ces dépenses dans leur ratio. Il faut que nous parlions tous la même langue !

Par ailleurs, les Britanniques viennent de créer, sous bannière de l’OTAN, un dispositif organisant la défense spécifique du nord de l’Europe. C’est extraordinaire car se retrouvent sous commandement britannique le Danemark, les Pays-Bas et les Pays baltes. Il s’agit d’une position très antagoniste avec l’Europe de la défense ou du moins l’idée que l’on s’en fait. Il semblerait que les Polonais demandent également aux Britanniques d’assurer leur défense sur leur frontière orientale. C’est une désarticulation du concept de solidarité et d’organisation. Qu’en est-il ?

Enfin, je me demande si notre commission ne devrait pas s’intéresser aux rapports entre l’OTAN et la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Pourquoi existe-t-il des antagonismes en la matière ? Quelle est la nature des objections qui sont faites à l’Europe, pilier otanien de la défense ?

M. Philippe Folliot. Je voudrais vous livrer un élément de réflexion : tant que nous n’aurons pas une diplomatie commune, à l’échelle de l’Europe ou de l’Atlantique nord, il sera difficile d’envisager des évolutions dans la mesure où la défense est le bras armé de la diplomatie.

Nous sommes donc dans une situation schizophrénique entre les égoïsmes nationaux, la solidarité atlantique et la volonté d’approfondir la solidarité européenne, qui est souvent la variable d’ajustement. Tant qu’on restera dans ce même cadre, toute idée d’approfondissement de la PSDC demeurera un vœu pieux. Cela doit être souligné.

Ensuite, on peut juxtaposer un certain nombre d’éléments de réflexion et de stratégie mais force est de constater qu’il y a un manque de cohérence global.

Je voulais également vous poser une question très précise : quand la France a réintégré le commandement intégré de l’OTAN, des engagements avaient été pris pour faire baisser l’hypertrophie administrative de l’OTAN. Avez-vous pu analyser ces éléments ? Qu’en est-il de cette réforme, qui avait fait l’objet d’engagements lors d’un sommet en 2009 ou 2010 ?

M. Frédéric Lefebvre. J’ai d’abord une question sur la stratégie de l’OTAN et la place de l’Europe dans cette stratégie. Un sujet majeur de cette stratégie tient aux atermoiements de l’Europe. Nous voyons bien, à l’intérieur même de l’Europe, des intérêts divergents entre les pays de l’Est et les pays du Sud. Il faudrait donc que l’Europe procède à une auto-analyse de ses propres choix. Avant de faire des reproches à l’OTAN, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, on devrait en effet d’abord s’interroger sur la faiblesse de l’Europe et de ses non-choix.

Ma deuxième question porte sur les familles des militaires français en poste à Norfolk. J’aimerais que les parlementaires de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN demandent à l’OTAN de mener une démarche officielle vis-à-vis des États-Unis au sujet du mauvais traitement qui est aujourd’hui réservé aux épouses de nos militaires. Contrairement aux épouses de militaires d’autres nationalités, elles sont en effet interdites de travailler localement. J’ai moi-même relayé ce problème auprès des autorités américaines mais je pense qu’il serait plus efficace qu’il y ait un vœu officiel de l’OTAN pour demander à ce que les Français ne soient pas moins bien traités que les militaires des autres nations membres.

M. Philippe Vitel, rapporteur. La carte des pays de l’OTAN est naturellement dans le rapport : l’OTAN compte aujourd’hui 28 pays, dont 25 sont européens et 22 appartiennent à l’Union européenne – seuls les États-Unis, le Canada et la Turquie sont donc hors de l’Europe.

D’un point de vue financier, il existe aujourd’hui trois définitions possibles du budget de la défense :

– le périmètre du ministère de la Défense, tel que défini par la loi de finances initiale : 42 milliards d’euros en 2014, soit 2 % du PIB ;

– le périmètre OTAN, appelé V1, c’est-à-dire le ministère de la Défense hors Anciens combattants, pensions comprises : 39,2 milliards d’euros en 2014, soit 1,8 % du PIB ;

– le périmètre OTAN hors pensions, dit V2 : 31,4 milliards d’euros en 2014, soit 1,5 % du PIB.

M. Yves Fromion. C’est sur le périmètre V1 que vous préconisez de faire monter l’effort de défense à 2 % ?

M. Philippe Vitel, rapporteur. Exactement. En ce qui concerne les dépenses de l’OTAN, elles se répartissent en trois composantes :

– le budget civil, 218 millions d’euros en 2015, dont 11,14 % de contribution française ;

– les budgets militaires, 1,171 milliard d’euros en 2015, dont 10,97 % de contribution française ;

– le programme d’investissement au service de la sécurité, dont le plafond a été fixé à 700 millions d’euros en 2015, dont 10,97 % de contribution française.

Au total, la contribution française est donc de l’ordre de 220 millions d’euros.

M. Gilbert Le Bris, rapporteur. Pour répondre à Alain Moyne-Bressand sur les ventes réalisées par les États-Unis dans le cadre de l’OTAN, je dirais que les Américains ne sont pas ennemis de leurs intérêts ! Ce qui est certain c’est que la réintégration de la France, et notamment le rôle du SACT, joue un rôle très important. Nous avons en effet à Norfolk un ensemble de personnels de la DGA, capables d’intervenir en amont des décisions relatives aux normes. Les Américains ne sont donc plus en mesure d’imposer seuls leurs propres règles, ce qui leur permettait auparavant de vendre leurs matériels à l’OTAN, quasiment sans compétition. L’obtention du poste de SACT constitue sans nul doute un élément très positif de notre retour dans le commandement militaire intégré. Les normes ne sont plus simplement américaines mais aussi internationales. Toutefois, les Américains vendent leurs matériels à nos partenaires européens en raison de la protection qu’ils leur assurent par ailleurs, en leur offrant le parapluie de leur défense – et il est alors plus difficile pour nous de lutter. Mais sur la partie normative, la France joue désormais un rôle très important.

Le rôle de l’OTAN dans la lutte contre Daech sera l’une des questions du Sommet de Varsovie au mois de juillet. Nous souhaitons que l’OTAN porte son regard non seulement vers l’est, mais aussi vers le sud. L’OTAN n’y joue pas aujourd’hui un véritable rôle car il s’agit de relations bilatérales entre Français et Américains. L’OTAN, grâce à son centre de commandement de Naples, peut cependant jouer un rôle d’appui assez intéressant. À l’heure actuelle, il n’y a donc pas d’intervention de l’OTAN en tant que telle dans la lutte contre Daech, mais des relations bilatérales entre pays qui ont l’habitude de travailler ensemble dans le cadre de l’OTAN – le développement de cette interopérabilité entre nos armées constitue un point essentiel d’après nous.

Yves Fromion a évoqué le rôle joué par le Royaume-Uni dans l’OTAN. Nous savons qu’il y occupe une place un peu particulière, en ne concevant la politique de défense que par l’OTAN et non par l’Union européenne. Pour ce qui concerne la défense de la Pologne, ou des pays baltes en général, c’est l’OTAN en tant que tel qui effectue la réassurance. Nous ne voulons pas placer dans ces pays des troupes fixes de l’OTAN, mais les pays européens de l’OTAN assurent par exemple la police aérienne de ces pays ainsi qu’une présence militaire. La France a joué son rôle, tant en matière de police aérienne que par l’envoi de chars Leclerc sur le terrain.

M. Yves Fromion. Ma question n’était pas tout à fait celle-là. Il s’agit de la création d’un corps de 10 000 hommes, avec un état-major sous commandement britannique, implanté en Grande-Bretagne, et qui regroupe les pays que nous venons d’évoquer. Cette force aurait vocation à être projetée où que ce soit, et pas seulement en Europe. Cela mérite que l’on regarde de plus près car ce serait la pulvérisation du système tel que l’on l’imagine.

M. Gilbert Le Bris, rapporteur. Je poursuis mes réponses. La Grande-Bretagne poursuit effectivement des initiatives particulières mais la France et l’Allemagne le font également. Mais nous avons le sentiment que la Grande-Bretagne joue son rôle plutôt au sein de l’OTAN qu’ailleurs.

Je partage le point de vue de Philippe Folliot, la diplomatie doit être collective en amont de tout si nous souhaitons avoir un bras armé derrière. La diplomatie européenne a effectivement encore beaucoup de chemin à faire, même si elle se trouve dans les mains d’une de nos anciennes collègues de l’AP-OTAN, Mme Federica Mogherini.

Concernant l’hypertrophie administrative, il est vrai que quand la France est rentrée dans le commandement militaire intégré, elle a mis comme condition la diminution de ses structures. Des progrès ont été faits depuis : le nombre d’agences est passé de 14 à trois, avec une économie de 20 %, les effectifs sont passés de 13 000 à 8 000, avec également des économies financières. Cela va donc dans le sens que nous souhaitons.

Nous ne pouvons que partager les propos de Frédéric Lefebvre sur les atermoiements de l’Europe. C’est à l’Europe de jouer son rôle si elle veut prendre pleinement sa place dans les différentes instances. On dit souvent que l’on compte à l’OTAN lorsque l’on a des idées et que l’on va vite. Il faut donc que l’Europe agisse, ce que les États-Unis souhaitent par ailleurs.

La question des conjoints des militaires français insérés dans l’OTAN est effectivement importante. Ceux-ci n’avaient en effet pas le droit de travailler sur le sol américain, contrairement aux conjoints de diplomates par exemple. La situation a changé. J’avais moi-même posé une question écrite au Gouvernement sur ce point, à laquelle j’ai reçu une réponse le 5 janvier 2016. Pendant longtemps les Américains s’appuyaient sur le fait que nous n’avions pas ratifié le Protocole de Paris, dont j’ai parlé en propos liminaire. Mais selon le ministère des Affaires étrangères, il ne semble n’avoir désormais plus de problème.

M. Philippe Vitel, rapporteur. Pour compléter et répondre à Philippe Folliot, je précise que notre engagement était de vingt étoiles et environ 900 militaires. Nous respectons les vingt étoiles mais nous sommes en revanche en déficit s’agissant du nombre de militaires que nous devons fournir. Nous n’avons fourni que 75 % de ce que nous devons. Ce n’est pas à Norfolk que nous pêchons mais plutôt au niveau du SHAPE à Mons, où nous ne sommes pas assez nombreux. En revanche, dans tous les comités où nous siégeons, nous tenons la plume. Et c’est celui qui tient la plume qui a le pouvoir.

Lorsque le général Abrial a pris ses fonctions de SACT, il a mené une action de grande qualité pour mettre en avant les industriels de défense français dans les marchés de l’OTAN. Le général Paloméros a ensuite réussi à placer sous l’autorité de l’ACT tous les organes de formation de l’OTAN. Nous attendons désormais du général Mercier qu’il lie mieux la transformation à la gouvernance politique de l’OTAN. Notre retour au sein du commandement militaire intégré de l’OTAN a donc été très positif pour la France en termes d’influence mais il nous faut nous efforcer d’occuper tous les postes pour lesquels nous nous sommes engagés.

M. Jean-François Lamour. Vous avez bien expliqué l’importance de la transformation de l’OTAN et du développement de l’interopérabilité. Vous avez souligné le rôle que peuvent jouer au sein de l’organisation le général Mercier, actuel commandant allié suprême en charge de la transformation, et les ingénieurs de la DGA qui l’entourent, en faveur de la préservation de notre base industrielle et technologique de défense. Pourriez-vous préciser davantage les modalités de leurs travaux en ce sens : vise-t-on à créer une sorte de « boîte noire » qui soit compatible avec nos standards, ou à imposer un standard unique, au risque de brider l’innovation et le développement de nouveaux standards, comme le font certaines de nos entreprises, à l’image par exemple de Thales en matière de cryptographie ?

M. Philippe Nauche, président. Quelle est effectivement notre influence réelle sur la production des normes ?

M. Gilbert Le Bris, rapporteur. Quand on parle d’interopérabilité, il faut distinguer deux niveaux de travaux. En amont, le développement de l’interopérabilité consiste à définir des normes : c’est en quelque sorte un travail d’écriture, où le rôle de la vingtaine d’ingénieurs de la DGA placés auprès du général Mercier est particulièrement important pour permettre à la France de participer à l’écriture des normes. Auparavant, on avait tendance à adopter telles quelles des normes américaines ; désormais, les Alliés coproduisent véritablement ces normes, et la France a un rôle de premier plan parmi les alliés européens, grâce à cette structure particulière qu’est la DGA.

En aval, il s’agit d’assurer l’interopérabilité des standards nationaux. C’est là le grand succès de l’OTAN : son travail a permis de mettre en œuvre des forces véritablement interconnectées. C’est d’ailleurs une telle réussite que d’autres pays, non-membres de l’Organisation, cherchent à adopter eux aussi ces normes afin d’améliorer l’interopérabilité de leurs forces avec celles de l’OTAN.

*

* *

La commission autorise à l’unanimité le dépôt du rapport d’information sur l’évolution du rôle de l’OTAN en vue de sa publication.

ANNEXE :

AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DE LA MISSION D’INFORMATION

(Par ordre chronologique)

1. Auditions

Ø Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) – M. Pascal Boniface, directeur ;

Ø Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) – M. Olivier Kempf, chercheur associé ;

Ø Fondation pour la recherche stratégique (FRS) – M. Camille Grand, directeur ;

Ø Conservatoire national des arts et métiers – Mme Nicole Gnesotto, Professeur, Chaire Union européenne, Vice-présidente de la fondation Notre Europe ;

Ø M. Philippe Errera, directeur général des relations internationales et de la stratégie du ministère de la Défense, Mme Patricia Lewin, chef de cabinet du directeur général des relations internationales et de la stratégie, et M. le capitaine de vaisseau Alban Lapointe, chef du bureau OTAN ;

Ø M. le général Gilles Rouby, ancien représentant militaire au sein de la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne ;

Ø * SAFRAN M. le général Stéphane Abrial (2S), directeur général délégué ;

Ø CEISM. Olivier Darrason, président ;

Ø Direction générale de l’armement (DGA)  Mme l’ingénieure générale de l’armement Caroline Laurent, directrice de la stratégie ;

Ø M. le général Benoît Puga, chef d’état-major particulier du président de la République ;

Ø Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) : M. le capitaine de vaisseau Alban Lapointe, chef du bureau OTAN, Mme Julie Augusto et Mme Ilinca Mathieu, chargées de mission ;

Ø M. le colonel Jérôme Goisque, état-major des armées, PRIM/EA/OTAN, chef de bureau ;

Ø Mme Hélène Duchêne, directrice des Affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement du ministère des Affaires étrangères et du développement international, et M. Quentin Lopinot, adjoint au sous-directeur des Affaires stratégiques ;

Ø M. le général Gratien Maire, major général des armées.

2. Déplacements

Ø Le 31 août 2015 à Norfolk

– Rencontre avec M. le général Jean-Paul Paloméros, commandant suprême allié Transformation (SACT), M. le général Zuliani Mirco (DSACT), M. le lieutenant général Phil Jones, (chief of staff - COS), M. le vice-amiral Javier Gonzalez-Huix (DCOS JFT), M. le major général Grzegorz Sodolski (DCOS RM), M. le contre-amiral Peter Gumataotao (DCOS SPP), Mme Karen Stewart, conseiller politique, M. le lieutenant général Jeffrey Lofgren (DCOS CD).

– Entretiens avec M. l’ingénieur en chef des études et techniques d’armement Jean-Marc Duchesne, M. l’Ingénieur en chef de l’armement Emmanuel Castel, M. le capitaine de frégate Jérôme Chevalier, M. l’ingénieur en chef des études et techniques de l’armement François-Régis Boulvert, M. le colonel Grigory Medina, M. le colonel Denys Colomb, M. l’ingénieur en chef de l’armement Patrick Grelier, M. le lieutenant-colonel Laurent Blaire, et M. le lieutenant-colonel Pierre Queant.

Ø Le 16 décembre à Mons

– rencontre avec le Command Group du SACEUR : M. le général (ALL) Freers (COS), et M. le général (FRA) Yakovleff, (Vice COS) ;

– entretien avec M. l’ambassadeur Murray (conseiller politique du SACEUR) ;

– entretien avec M. le général Rittimann, représentant militaire Français, chaîne opérationnelle de l’OTAN ;

– table ronde avec des insérés français au sein de l’état-major du SHAPE, du NSHQ, et de l’agence NCIA ;

– visite du site de Mons et de l’Élément de Soutien National.

Ø Le 17 décembre à Evere

– entretien avec M. Jean-Baptiste Mattei, ambassadeur de France auprès de l’OTAN ;

– entretien avec l’amiral Charles-Edouard de Coriolis, représentant militaire français ;

– entretien avec M. Douglas Lute, représentant permanent des États-Unis ;

– entretien avec M. l’IGA Patrick Auroy, secrétaire général adjoint pour les investissements de défense ;

– entretien avec M. Heinrich Brauss, secrétaire général adjoint pour la planification de défense ;

– déjeuner avec le représentant permanent et l’équipe de la représentation française ;

– entretien avec M. Terry Stamatopoulos, secrétaire général adjoint pour les partenariats et la politique de sécurité.

* Ce représentant d’intérêt a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite par le Bureau de l’Assemblée nationale.

1 () Article 42.7 du TUE : « Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies. Cela n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres. Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre. »

2 () Rédigé par trois ministres des Affaires étrangères de pays de l’OTAN - Lester Pearson (Canada), Gaetano Martino (Italie) et Halvard Lange (Norvège).

3 () Rapport du Conseil de 1967 sur « Les futures tâches de l’Alliance ».

4 () Faute d’une réponse positive de la part de Moscou, l’OTAN menace de déployer, puis déploie, des missiles Pershing et des missiles de croisière.

5 () Aujourd’hui, la KFOR, qui a été restructurée en groupements tactiques multinationaux, regroupe environ 5 000 hommes, et travaille en coordination avec la force de police et de justice de l’Union européenne, EULEX-Kosovo.

6 () Désormais, l’Union européenne est en charge du maintien d’une présence militaire internationale, la force Concordia.

7 () Article 6 - Pour l’application de l’article 5, est considérée comme une attaque armée contre une ou plusieurs des parties, une attaque armée :

- contre le territoire de l’une d’elles en Europe ou en Amérique du Nord, contre les départements français d’Algérie 2, contre le territoire de la Turquie ou contre les îles placées sous la juridiction de l’une des parties dans la région de l’Atlantique Nord au nord du Tropique du Cancer;

- contre les forces, navires ou aéronefs de l’une des parties se trouvant sur ces territoires ainsi qu’en toute autre région de l’Europe dans laquelle les forces d’occupation de l’une des parties étaient stationnées à la date à laquelle le Traité est entré en vigueur, ou se trouvant sur la mer Méditerranée ou dans la région de l’Atlantique Nord au nord du Tropique du Cancer, ou au-dessus de ceux-ci.

8 () Les missions civilo-militaires comme la lutte contre la piraterie témoignent également de l’expansion géographique de l’Alliance.

9 () Ces actions se sont renforcées dans le cadre des mesures de réassurance décidées dans le contexte de la crise russo-ukrainienne – voir plus bas.

10 () Olivier Kempf, L’OTAN au XXIe siècle, Artège, 2010.

11 () En octobre 2015, les ministres ont donné leur accord pour la version finale du concept militaire de NRF renforcée, y compris ses dispositions de commandement et de contrôle.

12 () http://www.nato.int/nato_static_fl2014/assets/pdf/pdf_2016_01/20160128_SG_AnnualReport_2015_fr.pdf

13 () La CFI est un élément clé pour progresser vers la concrétisation de l’objectif « les forces de l’OTAN à l’horizon 2020 ».

14 () Les représentants de tous les pays membres de l’OTAN siègent au Conseil, qui peut se réunir au niveau des Représentants permanents (ambassadeurs), au niveau des ministres de la défense et des affaires étrangères, et au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement. Les représentants sont à la tête d’une délégation dont le nombre varie, de 6 environ (Islande) à 200 (États-Unis).

15 () Article 9 - Les parties établissent par la présente disposition un Conseil, auquel chacune d’elle sera représentée pour examiner les questions relatives à l’application du Traité. Le Conseil sera organisé de façon à pouvoir se réunir rapidement et à tout moment. Il constituera les organismes subsidiaires qui pourraient être nécessaires; en particulier, il établira immédiatement un comité de défense qui recommandera les mesures à prendre pour l’application des articles 3 et 5.

16 () Exemples de comités : Comité politique; Comité des partenariats et de la sécurité coopérative; Comité de la politique et des plans de défense; Comité sur la prolifération; Comité de normalisation; Comité de la logistique; Comité de défense aérienne et antimissile; Comité OTAN de gestion de la circulation aérienne; Comité des plans d’urgence dans le domaine civil; Comité de la diplomatie publique; Comité des opérations du Conseil et des exercices; Comité du renseignement civil

17 () Depuis sa création, en 1949, l’Alliance a connu trois grands remaniements de sa structure des comités. Le premier a eu lieu en 1990, à la fin de la Guerre froide, le deuxième en 2002, à la suite des attentats du 11 septembre 2001. La troisième revue des comités, et la plus récente, a été lancée en juin 2010, dans le cadre d’un vaste travail de réforme visant toute l’architecture de l’Alliance - structure de commandement militaire, organismes et agences.

18 () La France est indirectement représentée puisque y siège le Commandant suprême allié Transformation (SACT), poste occupé par un général français.

19 () Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine, Finlande, Géorgie, Ancienne république yougoslave de Macédoine, Moldavie, Monténégro, Russie, Serbie, Suède, Suisse et Ukraine.

20 () Algérie, Israël, Jordanie, Maroc.

21 () Australie, Égypte, Japon, Kazakhstan, République de Corée, Kosovo et Tunisie.

22 () Les MILREP sont généralement des officiers généraux ayant « trois étoiles ». L’Islande, qui n’a pas de forces armées, est représentée par un civil.

23 () Grand quartier général des puissances alliées en Europe/Supreme Headquarters Allied Powers Europe. Créé le 2 avril 1951et installé initialement à Rocquencourt (France), il est transféré à Mons en 1967, après le retrait de la France de la structure militaire intégrée de l’OTAN.

24 () Le SACEUR est traditionnellement un officier américain.

25 () Le Groupe SIC OTAN sera assisté par trois bataillons OTAN de transmissions, basés à Wesel (Allemagne), à Grazzanise (Italie) et à Bydgoszcz (Pologne).

26 () Le Collège de défense de l’OTAN à Rome (Italie), l’École de l’OTAN à Oberammergau (Allemagne), l’École des systèmes d’information et de communication (actuellement située en Italie).

27 () Il s’agit d’une flotte de Boeing E-3A Sentry (« sentinelles ») dotés d’un système aéroporté de détection et de contrôle (AWACS).

28 () Afghanistan, Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Iraq, Kazakhstan, Kirghizistan, Mauritanie, République de Moldova, Mongolie, Serbie, Ukraine et Ouzbékistan.

29 () Ministres des Affaires étrangères, ambassadeurs, représentants militaires et conseillers de défense, Secrétariat international et État-major militaire international de l’OTAN et leurs interlocuteurs côté UE (Service européen pour l’action extérieure, Agence européenne de défense, Commission et Parlement européen).

30 () Facilitation du transit terrestre par le territoire russe de biens non militaires destinés à la Force.

31 () Plusieurs navires russes ont été déployés à l’appui d’Active Endeavour, l’opération maritime de lutte contre le terrorisme menée par l’OTAN en Méditerranée.

32 () Le Palais de l’OTAN abrite aujourd’hui l’université de Paris-Dauphine.

33 () Depuis septembre 2015, le général Mercier, succédant au général Paloméros.

34 () L’ingénieur général de l’armement Patrick Auroy.

35 () Cette contribution comporte trois composantes : les indemnités de résidence à l’étranger des militaires mis à disposition de l’Alliance (45M€), la participation au fonctionnement de la structure intégrée (15 M€) et la participation aux nouveaux paquets de capacités, qui n’a pour l’heure pas fait l’objet d’un surcoût.

36 () Même si la cyberdéfense a été inscrite à l’agenda politique de l’OTAN lors du Sommet de Prague en 2002, la première politique de l’OTAN en matière de cyberdéfense a été élaborée en 2008, à la suite des cyberattaques qui ont touché des institutions publiques et privées de l’Estonie en avril et mai 2007.

37 () La France, par l’intermédiaire de l’État-major des armées, a décidé d’adhérer au CCDCOE en tant que sponsor et d’y détacher un personnel du ministère de la défense à compter de l’été 2013.

38 () L’école sera prochainement déplacée au Portugal.

39 () http://www.nato-pa.int/Default.asp?CAT2=0&CAT1=2972&CAT0=2151&SHORTCUT=3528.

40 () Paragraphe 72 de la déclaration de Newport : « Nous affirmons dès lors que la cyberdéfense relève de la tâche fondamentale de l’OTAN qu’est la défense collective. Il reviendrait au Conseil de l’Atlantique Nord de décider, au cas par cas, des circonstances d’une invocation de l’article 5 à la suite d’une cyberattaque. »

41 () http://www.nato-pa.int/Default.asp?SHORTCUT=4005.

42 () http://www.nato-pa.int/Default.asp?SHORTCUT=4020.

43 () Relations internationales, Montchrestien, 2004.

44 () L’article 10 du Traité de l’Atlantique Nord précise que l’invitation à l’adhésion doit être évaluée à l’aune de la contribution de l’Etat candidat à la sécurité de l’espace euro-atlantique.

45 () “to keep the Russians out, the Americans in, and the Germans down.”


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