N° 3690
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 avril 2016
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
ET PRÉSENTÉ PAR
Mme Marie-Noëlle BATTISTEL,
Députée.
La mission d’information sur l’effacement électrique diffus est composée de : M. Yves Jégo, président ; Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure ; M. Frédéric Barbier, M. Denis Baupin, M. Christophe Borgel, M. André Chassaigne, M. Jean-Claude Mathis, Mme Béatrice Santais et M. Michel Sordi.
SOMMAIRE
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Pages
SYNTHÈSE DU RAPPORT 7
INTRODUCTION 9
I. LA FRANCE A MIS EN PLACE UN DISPOSITIF INNOVANT POUR SOUTENIR L’EFFACEMENT ÉLECTRIQUE DIFFUS 11
A. QU’EST-CE QUE L’EFFACEMENT ÉLECTRIQUE DIFFUS ? 11
1. Le marché de l’électricité en France 11
2. Les différents types d’effacements 13
a. Les effacements tarifaires 14
b. Les effacements dits « de marché » 14
i. Les effacements industriels 15
ii. Les effacements diffus 15
iii. La place de l’opérateur d’effacement électrique sur le marché de l’électricité 16
c. Une évolution contrastée de ces différents types d’effacements 18
B. POURQUOI SOUTENIR L’EFFACEMENT ÉLECTRIQUE DIFFUS ? 19
1. Une meilleure gestion de la pointe 19
2. Des économies d’énergie non nulles 21
C. EN QUOI LE DISPOSITIF FRANÇAIS DE VALORISATION DE L’EFFACEMENT EST-IL AMBITIEUX ET NOVATEUR ? 22
1. La valorisation de l’effacement électrique diffus en France 23
a. Les modes de valorisation existants 24
i. Les services système 24
ii. Le mécanisme d’ajustement 24
iii. Les appels d’offres capacitaires de RTE 25
iv. Le marché de gros de l’électricité 25
b. Les modes de valorisation à venir 27
i. Le marché de capacité 27
ii. Les dispositifs de la loi relative à la transition énergétique 29
2. L’utilité d’un soutien public pour la phase d’amorçage 30
3. La France, leader européen en matière d’ouverture du marché aux effacements de consommation 30
a. Les dispositions relatives à l’effacement diffus existant au niveau européen 30
b. Le modèle français : un modèle novateur en Europe 31
II. SI, AUJOURD’HUI, L’EFFACEMENT ÉLECTRIQUE DIFFUS N’EST PAS LA SOLUTION À PRIVILÉGIER... IL NE FAUT PAS POUR AUTANT FERMER LA PORTE À SON DÉVELOPPEMENT 33
A. LES DIFFICULTÉS ACTUELLES DE L’EFFACEMENT DIFFUS 33
1. Le modèle existant souffre de faiblesses structurelles 33
a. Le modèle économique avec installation d’un boîtier dédié à l’effacement diffus n’est pas rentable aujourd’hui 34
b. Quid de sa rentabilité demain ? 35
c. Un modèle trop peu ciblé sur les consommateurs 37
2. Le contexte actuel n’est pas propice aux effacements 38
a. Le faible prix de l’électricité 38
b. Le faible prix du carbone 39
B. DEMAIN, L’EFFACEMENT DIFFUS POURRAIT ÊTRE UN VÉRITABLE LEVIER DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE 40
1. L’effacement diffus pourrait se révéler encore plus utile à l’avenir 40
a. Une utilité pour l’intégration des énergies renouvelables 41
b. Une utilité toute l’année 42
c. Une utilité plus grande pour les gestionnaires de réseaux 43
2. De nouvelles formes d’effacement diffus pourraient naître grâce au progrès technique 45
III. QUE PEUT FAIRE LA PUISSANCE PUBLIQUE ? 48
A. RAPPELER QUE LE VERSEMENT DE L’OPÉRATEUR D’EFFACEMENT AU FOURNISSEUR EST LÉGITIME 48
1. Le versement est légitime car le fournisseur injecte l’électricité effacé 48
2. La baisse des prix de gros de l’électricité ne justifie pas une réduction du versement 49
3. Il n’est pas pertinent de s’inspirer du modèle américain qui repose sur une réduction du versement 50
4. Les effets pervers de la suppression du versement sont nombreux 52
B. ATTENDRE CERTAINS RETOURS D’EXPÉRIENCE ET PRIVILÉGIER D’AUTRES SOLUTIONS À COURT TERME 52
1. Attendre certains retours d’expérience 52
2. Les autres techniques à valoriser à court et moyen terme 54
a. Développer les outils de sobriété et d’efficacité énergétiques 55
b. Promouvoir les incitations tarifaires 55
c. Encourager le développement des effacements industriels ou tertiaires 56
C. ENCOURAGER DES MODÈLES D’EFFACEMENT DIFFUS INNOVANTS ET CENTRÉS SUR LES CONSOMMATEURS 56
1. Améliorer la visibilité quant à la mesure des effacements diffus 56
2. Améliorer la visibilité quant à la rémunération des effacements diffus 58
CONCLUSION 61
EXAMEN DU RAPPORT EN COMMISSION 63
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS 75
CONTRIBUTION PRÉSENTÉE PAR M. YVES JÉGO AU NOM DU GROUPE UDI 77
ANNEXES 79
ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION D’INFORMATION 79
ANNEXE N° 2 : DÉPLACEMENT À CAPBRETON LE 10 MARS 2016 (SMART GRID ENERGY) 83
L’effacement électrique diffus est un sujet complexe qui pose de véritables enjeux de politique publique. Dans un contexte de finances publiques restreintes, il est plus que jamais nécessaire d’employer de manière optimale et efficace l’argent public.
Si l’effacement électrique diffus est bénéfique pour l’environnement, force est de constater qu’aujourd’hui, il n’est pas une solution à privilégier. Le modèle économique souffre de faiblesses structurelles importantes et ne peut pas vivre sans subvention publique. Le contexte conjoncturel ne permet pas une juste rémunération de l’effacement électrique diffus tant les prix de l’électricité sont bas.
À court et moyen terme, nombreuses sont les autres solutions à favoriser. À titre d’exemple, il serait préférable de prioriser une meilleure isolation de tous les logements, un développement des offres tarifaires, qui, perfectionnées permettront une bonne gestion de la pointe et de la maîtrise d’électricité ainsi qu’un développement des effacements industriels ou tertiaires, qui, s’ils pâtissent également des prix bas de l’électricité, sont relativement plus rentables que les effacements diffus.
Toutefois, si une posture de vigilance et de prudence s’impose aujourd’hui face à l’effacement électrique diffus, cela ne veut pas pour autant dire qu’il faille fermer la porte à leur développement. Bien au contraire, le progrès technique permettra, demain, de faire naître des effacements diffus innovants, viables économiquement et centrés sur les gains retirés par les consommateurs, qui aideront, notamment, à faire face à la nécessaire intégration des énergies renouvelables sur le réseau.
Il s’agit de permettre à ces nouveaux modèles d’effacement diffus bénéficiant à l’ensemble de la collectivité de voir le jour. La France a établi un modèle fortement concurrentiel où des tiers, opérateurs d’effacement, ont toute leur place à côté d’acteurs plus anciens dans le secteur de l’électricité. Un tel modèle doit être défendu tant il est à même de stimuler les innovations. Il ne faut pas tuer aujourd’hui, malgré ses difficultés, la filière de l’effacement électrique diffus.
Le rôle à jouer par la puissance est donc double. Il consiste à maîtriser le coût, aujourd’hui, des effacements électriques diffus pour la collectivité. Il revient également à créer, dès maintenant, un cadre législatif et réglementaire qui offre la visibilité nécessaire aux acteurs du secteur pour créer, demain, des modèles d’effacement électrique diffus innovants et centrés sur les gains aux consommateurs finaux.
L’effacement électrique diffus n’est pas un sujet connu du grand public. Pourtant, il gagnerait à l’être, étant au cœur de problématiques tant environnementales qu’économiques et technologiques. Le présent rapport se veut être à la fois un exercice pédagogique présentant l’effacement électrique diffus, une évaluation de ses atouts et de ses faiblesses actuels, une réflexion sur la nécessité de modifier le cadre législatif et réglementaire relatif à l’effacement diffus ainsi qu’un travail prospectif sur ce que pourrait être l’effacement diffus dans les années à venir.
La France s’est fixée des objectifs très ambitieux en matière de transition énergétique, notamment ceux consistant à vouloir réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990 et de 50 % la consommation énergétique finale en 2050 par rapport à 2012. La France a également très largement œuvré au succès de la Conférence de Paris (COP 21) et s’est engagée à réviser au plus tard en 2020, ses engagements en termes de réduction des gaz à effet de serre. De nombreuses actions ont d’ores et déjà été entreprises pour atteindre ces divers objectifs. D’autres sont à mettre en œuvre. Il s’agit désormais d’envisager toute technique ou technologie qui permettrait de contribuer à leur réalisation.
L’effacement électrique pourrait potentiellement être un des leviers de la transition énergétique. Un effacement de consommation consiste en une réduction temporaire du niveau de consommation électrique d’un site. Il existe différents types d’effacement. L’effacement industriel repose sur la réduction de consommation des sites industriels. L’effacement électrique diffus fait, lui, appel à l’agrégation de micro-coupures chez les particuliers. Il s’agit, par exemple, d’interrompre brièvement, mais de façon synchronisée, l’alimentation de radiateurs ou de climatiseurs situés dans des logements pour réduire la consommation d’électricité d’une région ou du pays. Ce dernier type d’effacement fait l’objet du présent rapport en raison des nombreuses difficultés auxquelles il fait face pour se développer.
Le sujet n’est pas nouveau et il peut paraître prématuré de s’y replonger moins d’un an après le vote de la loi relative à la transition énergétique dont des dispositions, ayant fait l’objet de nombreux débats, concernent directement l’effacement électrique diffus. C’est justement en raison des nombreux débats et des incertitudes sur le sujet qu’un rapport d’information était nécessaire. La mission a été créée à la suite de l’avis négatif, donné en commission des affaires économiques le 18 novembre 2015, à la proposition de loi de Monsieur Yves Jégo tendant à favoriser la baisse de la production de CO2 par le développement de l’effacement électrique diffus (n° 3146), par ailleurs rejetée en séance publique le 26 novembre 2015. L’objectif de la mission d’information était d’éviter toute précipitation et d’entendre les acteurs concernés par le sujet avant de prendre, si nécessaire, de nouvelles dispositions législatives modifiant le cadre mis en place par la loi relative à la transition énergétique.
La question qui sous-tend ce rapport est triple. Elle est d’abord environnementale : dans quelle mesure l’effacement diffus est-il une solution prometteuse pour l’environnement ? Elle est ensuite économique : comment le marché de l’énergie peut-il permettre une bonne intégration des nouveaux acteurs qui réalisent les opérations d’effacement et comment faut-il distribuer les gains financiers induits par l’effacement ? Enfin, elle est technologique : que peut apporter le progrès technique aux effacements électriques diffus ? Le rôle que doit jouer la puissance publique dépend des réponses apportées à ces trois questions.
La mission d’information, présidée par M. Yves Jégo et rapportée par Mme Marie-Noëlle Battistel, a auditionné, entre décembre 2015 et mars 2016, de nombreux acteurs du secteur de l’électricité. Elle a pu se déplacer à Capbreton pour visiter un centre de dispatching permettant la répartition en temps réel de l’électricité en fonction des besoins ainsi qu’un laboratoire innovant dans l’effacement électrique diffus.
Au terme de ses travaux, la mission a organisé sa réflexion autour de trois parties. La première dresse le bilan des dispositifs ambitieux mis en œuvre en France pour soutenir l’effacement électrique diffus, en raison de ses avantages pour la gestion de la pointe. La deuxième fait le constat des difficultés actuelles auxquelles fait face l’effacement diffus mais explique en quoi ces faiblesses ne doivent pas préjuger de l’avenir de la filière. La dernière partie précise le rôle que peut jouer la puissance publique, entre posture de vigilance et rôle proactif pour encourager le développement de modèles d’effacement diffus innovants.
I. LA FRANCE A MIS EN PLACE UN DISPOSITIF INNOVANT POUR SOUTENIR L’EFFACEMENT ÉLECTRIQUE DIFFUS
A. QU’EST-CE QUE L’EFFACEMENT ÉLECTRIQUE DIFFUS ?
1. Le marché de l’électricité en France
Les problématiques relatives à l’effacement électrique diffus ne peuvent être appréhendées qu’au regard du fonctionnement actuel du marché de l’électricité et de ses acteurs. En France, le marché de l’électricité est divisé en quatre secteurs d’activité que sont la production, le transport, la distribution et la fourniture.
La production électrique en France s’organise autour de quelques acteurs dont font notamment partie Électricité de France (EDF), produisant à lui seul 90 % de l’électricité française, ENGIE, Alpiq, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et E.ON France. Le marché de l’électricité est ouvert à la concurrence et les autorisations de production sont délivrées par le ministère chargé de l’énergie. La production d’électricité est, en très grande majorité, d’origine nucléaire. Ainsi, d’après le dernier bilan de Réseau de transport d’électricité (RTE), en 2015, le nucléaire a assuré 76,3 % de la production d’électricité (416,8 TWh), devant l’hydraulique (10,8 %), le thermique à combustible fossile (6,2 %), l’éolien (3,9 %) et le solaire (1,4 %).
Le transport d’électricité s’appuie sur des réseaux de transport, lignes à haute tension et très haute tension, qui acheminent l’électricité des centres de production vers les zones de consommation que sont les grandes agglomérations ou les grandes entreprises. RTE gère le réseau public de transport d’électricité français.
La distribution d’électricité passe par des réseaux de distribution, à moyenne et basse tension, qui reçoivent l’électricité des réseaux de transport et distribuent celle-ci aux consommateurs. En France, la distribution est assurée à 95 % par Électricité Réseau Distribution de France (ERDF), les 5 % restant étant gérés par des entreprises locales de distribution (ELD) dont beaucoup ont le statut de régie municipale.
Enfin, la fourniture consiste dans la vente, par les fournisseurs d’énergie aux consommateurs, de l’électricité achetée aux producteurs. Certains fournisseurs sont également producteurs. Depuis 2007, l’activité de fourniture est ouverte à la concurrence. En plus du fournisseur historique, d’autres fournisseurs sont donc apparus sur le marché français. Les fournisseurs historiques et les fournisseurs alternatifs présentent des offres à prix de marché, dont les prix sont librement fixés par eux-mêmes. EDF est, en outre, le seul fournisseur à pouvoir proposer au consommateur les tarifs réglementés d’électricité fixés par les ministres chargés de l’économie et de l’énergie, sur avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
Les secteurs d’activité du marché de l’électricité en France
Source : Cour des comptes
Les acteurs du marché de l’électricité en France
Source :http://comparateur.selectra.info/infos-pratiques/rte-gestionnaire-reseau-transport-electricite.html
Au-delà des fonctions de production, de transport, de distribution et de fourniture, la fonction d’équilibrage du réseau est également nécessaire. La particularité de l’électricité est qu’elle se stocke difficilement, les dispositifs de stockage existants étant peu performants et coûteux. Il faut donc équilibrer en permanence, en temps réel, l’offre et la demande. Cette obligation revient à RTE et n’est pas une mission facile, les variations de consommation étant difficilement prévisibles. Par exemple, d’après RTE, une hausse de 2 % de la consommation d’électricité a été observée en juillet 2015 par rapport à juillet 2014 en raison d’un épisode caniculaire.
Depuis peu, un nouvel acteur est entré sur le marché de l’électricité pour faciliter la gestion de la pointe : l’opérateur d’effacement. L’opérateur d’effacement peut être soit le consommateur lui-même, soit un tiers qui joue un rôle d’intermédiaire et de courtier. Il existe différentes catégories d’opérateurs d’effacement jouant ce rôle d’intermédiaire : opérateurs d’effacement indépendants (entreprises dont l’effacement est l’activité principale) et opérateurs d’effacement également fournisseurs et/ou producteurs. L’articulation de l’action de l’opérateur d’effacement avec celle des autres acteurs du marché de l’électricité ainsi que la répartition du bénéfice tiré de l’opération d’effacement entre les acteurs sont au cœur des enjeux liés à l’effacement électrique.
2. Les différents types d’effacements
L’effacement de consommation est défini à l’article L. 271-1 du code de l’énergie : « un effacement de consommation d’électricité se définit comme l’action visant à baisser temporairement, sur sollicitation ponctuelle envoyée à un ou plusieurs consommateurs finals par un opérateur d’effacement ou un fournisseur d’électricité, le niveau de soutirage effectif d’électricité sur les réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité d’un ou de plusieurs sites de consommation, par rapport à un programme prévisionnel de consommation ou à une consommation estimée. Un arrêté du ministre chargé de l’énergie devrait prochainement définir des catégories d’effacements de consommation en fonction des caractéristiques techniques et économiques des effacements concernés ou du procédé au moyen duquel sont obtenus les effacements.
L’objectif est de soulager les tensions sur la demande aux heures de pointe et d’éviter d’avoir recours à des sources de production supplémentaires.
On peut distinguer, d’une part, les effacements tarifaires, indissociables d’une offre de fourniture, qui se basent sur le prix de l’électricité pour inciter le consommateur à réduire sa consommation sur certaines périodes et, d’autre part, les effacements de marché qui reposent sur une valorisation de l’énergie effacée sur les marchés.
Les effacements indissociables d’une offre de fourniture ou effacements tarifaires reposent sur un mécanisme relativement simple. Le consommateur est incité à réduire sa consommation les jours de pointe d’électricité car, alors, le prix de l’électricité qu’il paie est plus élevé. Une terminologie plus adaptée que celle « d’effacements tarifaires » pourrait être celle d’ « incitations tarifaires » car c’est bien le signal prix qui déclenche la réduction de consommation.
Ces incitations tarifaires sont anciennes mais ne sont plus proposées aux nouveaux adhérents. L’option tarifaire « Effacement Jour de Pointe » (EJP) a ainsi été lancée en 1983 par EDF. Elle permet au consommateur de bénéficier d’un important avantage tarifaire tout au long de l’année sauf durant les jours de pointe déclarés « EJP », où il paie le kWh à un prix beaucoup plus élevé et donc fortement dissuasif. Le nombre de jours de pointe « EJP » est fixé à 22 jours par an. Ils sont situés dans la période du 1er novembre au 31 mars. Un jour EJP comporte 18 heures au tarif de pointe (approximativement de 7 heures du matin à 1 heure le lendemain matin) et 6 heures au tarif d’heures creuses. L’EJP est un simple signal horo-saisonnalisé (1) qui ne repose pas sur du délestage (2) contrairement à l’option tarifaire Tempo. L’offre Tempo repose sur une triple différenciation des prix de l’électricité. Trois catégories de jours sont réparties tout au long de l’année (jour bleu où le prix de l’électricité est bon marché, jour blanc où le prix de l’électricité est moyennement élevé, jour rouge où le prix de l’électricité est particulièrement onéreux). Pour chacun de ces jours, un tarif heures creuses s’applique durant huit heures par jour (de 22 heures à 6 heures), quand un tarif heures pleines est en vigueur le reste de la journée. Les clients de l’offre Tempo sont prévenus la veille de la couleur de la journée et donc du tarif du kWh applicable pour le lendemain.
Certains fournisseurs proposent également des incitations tarifaires aux industriels dans les contrats de fourniture.
Il est intéressant de mettre en perspective les effacements de marché et les effacements tarifaires. Même s’ils ne reposent pas sur la même logique, l’objectif partagé est celui de diminuer la consommation d’électricité en période de pointe où les prix de l’électricité sont particulièrement élevés. Les effacements de marché peuvent être réalisés sur des sites industriels ou diffus.
b. Les effacements dits « de marché »
Les effacements dits de marché peuvent être valorisés sur les services système (réserves primaire et secondaire), les réserves rapide et complémentaire, le mécanisme d’ajustement et le marché de l’énergie.
i. Les effacements industriels
Le premier type d’effacement de marché est l’effacement industriel. Il consiste, pour un site industriel, à réduire, à la suite d’une sollicitation extérieure, tout ou partie de sa consommation électrique physique.
Une telle réduction de consommation prend différentes formes selon l’industrie considérée. Elle peut, par exemple, passer par la substitution d’une source d’énergie par une autre ou par l’arrêt de tout ou partie du processus de production industrielle, via la coupure des ventilateurs, pompes, fours et compresseurs.
Le mécanisme d’effacement industriel
Source : http://www.energystream-solucom.fr/2014/02/pourquoi-leffacement-industriel-peine-t-il-decoller-en-france/
Le deuxième type d’effacement de marché est l’effacement électrique diffus. Il consiste à baisser temporairement la consommation d’électricité d’un grand nombre de logements pour réduire la demande d’électricité. Il s’agit par exemple d’interrompre pendant 10 à 30 minutes l’alimentation de chauffages électriques et d’agréger ces micro-coupures pour, in fine, réduire la consommation d’électricité d’une région ou d’un pays.
Concrètement, dans le modèle économique développé aujourd’hui en France, l’effacement électrique diffus passe par la mise en place d’un boîtier installé sur le tableau électrique des consommateurs. Ce boîtier permet à l’opérateur d’effacement électrique diffus, à distance et sans action directe du consommateur, de mesurer et de commander certains usages en temps réel. Les consommateurs souscrivent préalablement au service et peuvent à tout moment choisir d’interrompre le système. D’autres opérateurs d’effacement envisagent de développer l’effacement diffus en passant par des systèmes moins coûteux qu’un déploiement de boîtiers dédiés à l’effacement diffus (par exemple : mutualisation avec un boîtier télécom).
Si le principe de l’effacement diffus et de l’effacement industriel est identique pour les petits industriels (un opérateur d’effacement se charge d’effacer simultanément un grand nombre de petites entreprises), le principe est différent pour les gros industriels qui peuvent arrêter eux-mêmes certains équipements électriques de leurs usines.
iii. La place de l’opérateur d’effacement électrique sur le marché de l’électricité
L’effacement électrique industriel ou diffus est un effacement dit explicite ou de marché car l’opérateur d’effacement électrique peut revendre les quantités effacées sur tous les marchés de l’électricité (marchés de l’énergie, mécanismes de réserve, mécanisme d’ajustement). Cette possibilité offerte aux opérateurs d’effacement est un gage de l’ouverture du marché de l’électricité français et de la place que le législateur a voulu faire aux nouveaux acteurs du marché. Aujourd’hui, la France est le seul pays européen à avoir placé l’effacement sur le même plan que les moyens de production conformément aux dispositions de la directive relative à l’efficacité énergétique (article 15).
Cette possibilité offerte aux opérateurs d’effacement s’est accompagnée d’un important travail de régulation ayant pour objectif de définir les liens entre les acteurs du marché de l’électricité permettant effectivement aux opérateurs d’effacement d’agir librement sur le marché.
Ce modèle s’applique à tous les opérateurs d’effacement (industriels et diffus) et a notamment permis l’essor de l’effacement industriel. Aujourd’hui, le débat se concentre plutôt sur la manière dont ce cadre s’applique à l’effacement diffus et à la manière de traiter efficacement la relation entre fournisseur d’électricité et opérateur d’effacement. En effet, cette relation est au cœur des problématiques liées à l’effacement électrique diffus.
L’exemple ci-dessous, avec deux fournisseurs F1 et F2, représente, sous forme simplifiée, les liens entre fournisseur et opérateur d’effacement.
La place de l’opérateur d’effacement sur le marché de l’électricité
Dans cet exemple, en J-1, F1 achète 100 MWh et F2 80 MWh de production. F1 est à l’équilibre. Ses clients consommeront, en J, 100 MWh, et c’est précisément la quantité d’électricité qu’il injectera sur le réseau. En J-1, F2 doit encore trouver 20 MWh supplémentaires pour couvrir la consommation de ses clients qui sera également de 100 MWh en J. Les 20 MWh restants peuvent être produits par les centrales électriques qu’il exploite mais ils peuvent également lui être fournis par un opérateur d’effacement qui effacera pour cela 20 MWh de consommation chez les clients de F1 en J. Pour compenser F1, l’opérateur d’effacement lui verse une compensation équivalente au prix de fourniture de l’énergie effacée suivant des modalités décrites dans les règles NEBEF(3) c’est-à-dire le cadre réglementaire régissant la valorisation des effacements sur les marchés de l’énergie.
L’opérateur d’effacement n’a pas besoin de l’accord de F1 pour réaliser l’effacement diffus. Le principe selon lequel l’accord du fournisseur n’est pas nécessaire à l’opération d’effacement a été inscrit dans la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013, dite loi « Brottes ». Ce principe est justifié par le droit de la concurrence européen. Dans son avis rendu le 26 juillet 2012, l’Autorité de la concurrence a considéré que, puisque fournisseur d’électricité et opérateur d’effacement étaient en concurrence pour la valorisation de la flexibilité du consommateur, le modèle consistant à demander à l’opérateur d’effacement de négocier avec le fournisseur les conditions de participation et de valorisation du site effacé, était contraire au droit européen de la concurrence, et à la directive « Services » de 2006 en particulier. La CRE a alors progressivement approuvé l’ensemble des règles proposées par RTE permettant la valorisation des effacements sur la base d’un modèle sans accord préalable du fournisseur.
Sous des aspects techniques, cette réforme du marché de l’électricité mise en place par RTE et la CRE, avec le soutien de l’Autorité de la concurrence, permet à la France d’être précurseur au niveau européen sur la question de l’ouverture du marché de l’électricité aux nouveaux acteurs pouvant accompagner la transition énergétique. Par ailleurs, aujourd’hui, seuls la France et les États-Unis disposent d’un marché ouvert à tous les acteurs (production et effacements).
Au-delà de ce cadre de participation des effacements aux marchés, une question plus générale a animé les débats politiques et techniques : le soutien aux effacements, et en particulier à l’effacement électrique diffus. Ce soutien s’est articulé autour de plusieurs dispositifs : la prime prévue par la loi « Brottes » puis la mise en place d’appel d’offres sur les effacements pouvant prévoir une catégorie spécifique pour l’effacement diffus et enfin le régime de versement dérogatoire. Ces deux derniers dispositifs ont été introduits par la loi relative à la transition énergétique.
c. Une évolution contrastée de ces différents types d’effacements
Les effacements de marché diffèrent des effacements tarifaires. Les deux types d’effacements se distinguent par leur objectif principal. L’effacement tarifaire est, pour l’instant, plus un outil de gestion du portefeuille clients des fournisseurs qu’un moyen d’équilibrage du réseau, contrairement à l’effacement de marché. Le rôle joué par le signal prix est différent. C’est une incitation unique et directe dans le cas de l’effacement tarifaire mais une incitation plus indirecte dans le cas de l’effacement de marché (l’opération d’effacement de marché repose in fine sur un signal prix puisque l’opérateur décide des opérations d’effacement en période de pointe donc lorsque le prix de l’électricité est élevé). Enfin, l’effacement de marché repose sur la possibilité de revendre l’énergie effacée sur les marchés.
Ces différents types d’effacements ne connaissent pas la même évolution. D’après l’Union française de l’électricité, auditionnée par la mission, le volume des effacements, industriels et diffus, valorisés sur le marché ont augmenté de 42 % ces 3 dernières années. À l’inverse, les effacements tarifaires ont, eux, fortement diminué.
Deux raisons principales expliquent le moindre recours aux incitations tarifaires. La première tient à la fin des tarifs réglementés verts et jaunes pour les clients ayant souscrit une puissance strictement supérieure à 36 kVA à partir du 1er janvier 2016 (article L. 337-9 du code de l’énergie). Les options EJP et Tempo étant deux des quatre options tarifaires, avec l’option « Base » et l’option « Heures pleines / heures creuses », du tarif réglementé d’EDF, elles disparaissent avec la fin des tarifs réglementés. La réduction des offres tarifaires s’explique également par un problème de calibrage de ces offres, souvent souligné au cours des auditions menées par la mission. Tempo, par exemple, ne donnerait pas toujours les bons signaux. Ce mauvais calibrage explique que, malgré l’ouverture du signal Tempo à la concurrence (le choix de la couleur des jours Tempo revenant désormais à RTE sur la base de critères physiques), les concurrents des opérateurs historiques n’aient pas été poussés à proposer, pour l’instant, des offres tarifaires alternatives intéressantes.
B. POURQUOI SOUTENIR L’EFFACEMENT ÉLECTRIQUE DIFFUS ?
Si l’effacement diffus fait l’objet de soutiens, c’est qu’il contribue à répondre au défi important de gestion de pointe et par là même à diminuer les émissions de CO2 et à réduire les contraintes d’acheminement sur les réseaux. Les acteurs auditionnés par la mission ont différé sur la perception de cette contribution à la transition énergétique, décrite comme mineure ou à l’inverse, comme majeure, mais l’existence d’effets bénéfiques pour l’environnement a fait l’unanimité.
1. Une meilleure gestion de la pointe
Si un nouvel acteur a pu émerger pour aider à la gestion de la pointe, c’est parce que cette dernière constitue un véritable enjeu. La pointe est définie par le ministère du développement durable comme une période où la demande électrique est la plus élevée. Il existe plusieurs catégories de pointes de consommation d’électricité. La pointe journalière correspond au moment où la consommation électrique totale en France est la plus importante de la journée. La pointe saisonnière correspond, elle, à une période de tension sur le réseau en hiver se caractérisant par une forte consommation qui se prolonge dans le temps.
La gestion de la pointe est relativement complexe et fait appel à un type de production d’électricité spécifique. Pour le comprendre, il faut revenir sur les trois types de production qui permettent de répondre à la demande d’électricité. La production de base assure la réponse à une consommation normale et régulière. Les premières unités de production appelées sont celles produisant l’électricité dite « fatale », c’est-à-dire l’électricité « perdue » si elle n’est pas utilisée à un instant donné (hydraulique au fil de l’eau, éolien et solaire). Les centrales nucléaires, aux coûts marginaux faibles, sont ensuite appelées. La production de semi-base gère les pics de consommation prévisibles et est assurée par la production hydraulique modulable (barrage de retenue) et le parc thermique à flamme. La production de pointe doit, elle, faire face à des demandes élevées et soudaines. Elle est fournie par les barrages de retenue et les centrales thermiques, mobilisables très rapidement. Les turbines à combustion sont également utilisées. Cette logique qui consiste à faire appel aux différentes unités de production électriques, au fur et à mesure, en fonction de leurs coûts marginaux croissants est appelée logique de préséance économique (ou de merit order).
Merit order de la production électrique française
Source : éCO2mix (RTE) 11 décembre 2013
La gestion de la pointe est un enjeu important. La pointe a augmenté deux à trois fois plus vite que l’énergie dans les années 2000, d’après le bilan prévisionnel de RTE de 2015 (4). Cette forte dynamique était liée au développement important des usages résidentiels. Toutefois, la croissance de la pointe de consommation a eu tendance, tout récemment, à ralentir.
L’effacement électrique diffus permet de diminuer la consommation d’électricité en période de pointe et contribue à éviter le recours aux centrales thermiques, qui ont un impact négatif sur l’environnement.
Par ailleurs, la récente pointe de consommation de février 2012, qui a vu la consommation française atteindre un niveau historique de 102 GWh, a mis en évidence le besoin de disposer d’un cadre de marché incitant au développement des effacements de consommation. Le retour d’expérience de la vague de froid de 2012 publié par RTE met en évidence plusieurs points intéressants :
– les prix de l’électricité étaient élevés. Les prix enregistrés par Epex spot étaient en moyenne de 150 €/MWh pendant la semaine de la vague de froid. Le 9 février, les prix ont été en moyenne de 369 €/MWh avec un pic à 2000 €/MWh. Or, les semaines précédentes et suivantes, le prix de l’électricité était inférieur à 60 €/MWh. D’un point de vue économique, les fournisseurs avaient donc intérêt à activer des effacements pour ne pas payer un prix de l’électricité élevé pendant la vague de froid ;
– l’analyse montre, au contraire, que très peu d’effacements ont été activés. Le parc électrique français a ainsi été très fortement sollicité, et le solde importateur de la France a largement augmenté, conduisant à la sollicitation de moyens de production thermique à combustible fossile étrangers (absence de vent pour solliciter de la production éolienne en Allemagne par exemple) ;
– en temps réel, RTE n’a pas eu besoin d’activer d’effacements car le système électrique montrait plutôt un excédent de production. Ce qui montre que les fournisseurs d’électricité avaient préféré acheter plus d’électricité (au risque d’en injecter trop sur le système) plutôt que de prévoir des offres d’effacement.
L’exemple de la vague de froid de 2012 a joué un rôle important dans la mise en place du cadre favorisant la participation d’opérateurs d’effacement indépendants sur les marchés de l’électricité. Dans le cas d’espèce, si le cadre de régulation l’avait permis, le potentiel d’effacement français aurait pu être mieux sollicité par l’action d’opérateurs d’effacement tiers, en complément des fournisseurs (les prix étaient élevés et les effacements étaient donc rentables d’un point de vue économique). La sollicitation de ces effacements aurait permis de diminuer le recours à des moyens de production thermique à combustible fossile en France et à l’étranger.
2. Des économies d’énergie non nulles
L’effacement électrique diffus, en engendrant des économies d’énergie, permet également de réduire quelque peu les émissions de CO2.
Ces économies d’énergie sont extrêmement complexes à mesurer et ont fait l’objet d’un récent rapport de RTE (5) à la suite d’expérimentations menées tant avec Voltalis, Direct Énergie qu’avec EDF et ERDF. Le rapport montre que si, ni les effacements industriels, ni les effacements tertiaires ne conduisent à de significatives économies d’énergie, il en va autrement pour l’effacement électrique diffus.
RTE montre qu’il existe un effet report. Cet effet, systématiquement mis en évidence par les expérimentations réalisées, correspond au surcroît d’énergie qui est consommée à la suite d’un effacement de consommation i.e. au report, partiel ou total, de la consommation à une période ultérieure. La mise en évidence sans ambiguïté de cet effet report permet de conclure que les économies d’énergie ne sont pas égales à 100 %. Pour autant, ce report n’est pas intégral – comme avaient pu l’évoquer certains acteurs – il y a donc bien des économies d’énergie associées aux effacements de consommation (par rapport au volume d’énergie effacée). Selon RTE, entre 45 et 75 % de l’énergie effacée serait consommée ultérieurement, au moins pendant une vingtaine d’heures après la fin de l’effacement de consommation. Sur une journée, RTE considère que le taux de 50 % est compatible avec l’ensemble des expérimentations et des études théoriques. Cela vient compléter les études précédentes, notamment avec l’avis de l’ADEME de septembre 2014 qui concluait sur des taux d’économie constatée pour une journée d’effacement de 0 % sur l’eau chaude sanitaire et de 12,1 % pour le chauffage.
Si l’effacement électrique diffus engendre des économies directes, qui bien que devant être relativisées, n’en sont pas moins existantes, il peut également produire des économies d’énergie indirectes. L’effacement diffus encourage une prise de conscience chez les consommateurs de la possibilité de mieux gérer leur demande d’énergie. Ce point a souvent été relevé au cours des auditions, notamment par l’ADEME qui a insisté sur la nécessité de prendre en compte les bénéfices collatéraux de l’effacement électrique diffus c’est-à-dire la participation au développement d’une réelle culture de l’économie d’énergie.
Cela s’explique essentiellement par la mise à disposition des consommateurs, par les opérateurs d’effacement, d’informations relatives à leur consommation d’électricité. Au-delà de la mise à disposition d’informations précises sur la consommation d’électricité, la pose et l’installation du boîtier d’effacement peuvent déclencher une réflexion chez les consommateurs sur la nécessité de maîtriser leur demande d’énergie.
Cette prise de conscience semble avoir des effets concrets. D’après la start-up Ijenko, qui a participé en 2011 à Modelec (6), l’effacement électrique diffus induit des comportements vertueux chez les consommateurs. Ainsi, dans le cadre de Modelec, outre le fait que l’effacement diffus était bien accepté (taux de dérogation (7) de 1,3 % seulement sur 65 000 actes d’effacement sur plusieurs hivers), ce dernier a permis de réelles économies d’énergie. 10 % d’économies d’énergie ont été observées chez les foyers effacés et étaient en très grande partie liées au changement de comportement du consommateur, ce dernier consommant volontairement moins en période de pointe.
C. EN QUOI LE DISPOSITIF FRANÇAIS DE VALORISATION DE L’EFFACEMENT EST-IL AMBITIEUX ET NOVATEUR ?
En raison du levier que constitue l’effacement électrique diffus pour la transition énergétique, de nombreux soutiens ont été mis en œuvre en France depuis une dizaine d’années pour aider l’effacement électrique diffus à se développer. Ces soutiens recoupent non seulement les aides directes à l’effacement mais plus généralement l’ensemble du cadre normatif, tant législatif que réglementaire visant à assimiler une offre d’effacement à une offre de production (8), ce qui est très novateur en Europe.
1. La valorisation de l’effacement électrique diffus en France
L’effacement électrique diffus a une double valeur : une valeur capacitaire et une valeur énergétique. D’après la majorité des acteurs que la mission a pu auditionner, la valeur capacitaire de l’effacement électrique diffus est plus importante que sa valeur énergétique. Pour Direct Énergie, 80 % de la valeur de l’effacement électrique diffus serait une valeur capacitaire. À titre d’exemple, la valeur capacitaire du nucléaire est de 10 %.
La valeur capacitaire de l’effacement électrique diffus tient à la valeur d’assurance qu’il offre au système. Certains consommateurs sont prêts à s’effacer en cas de pointe et il n’est pas nécessaire de dimensionner le parc de production pour couvrir leur consommation pendant ces pointes. Au même titre que les capacités de production d’électricité, les effacements constituent un moyen de gestion de l’équilibre offre-demande et permettent d’assurer que le système dispose de suffisamment de capacité pour couvrir la pointe de consommation. À long terme, ils contribuent à la sécurité d’approvisionnement du système électrique. La valeur capacitaire de l’effacement contribue aussi au maintien d’un prix de l’énergie compétitif en évitant certains coûts de construction ou de maintenance de centrales.
La valeur énergie de l’effacement électrique diffus, qui explique sa valorisation possible sur le marché de l’énergie, se justifie par la non-consommation d’un certain volume d’électricité engendrée par l’opération d’effacement. L’effacement permet de ne pas produire le volume d’électricité additionnel qui aurait été nécessaire pour équilibrer offre et demande et contribue également au maintien d’un prix de l’énergie compétitif (en évitant les coûts variables associés à la production du volume additionnel d’électricité).
Une troisième valeur de l’effacement électrique diffus, qui est parfois évoquée, est la valeur flexibilité correspondant à l’ajustement et aux services système dans le schéma ci-dessous. Les effacements sont utiles en cas d’aléas techniques ou d’erreurs de prévisions de l’équilibre offre/demande sur le système électrique.
Valeur de l’effacement et mécanismes de valorisation
Source : RTE
Les divers mécanismes existants ou à venir permettent de valoriser la valeur énergie, la valeur capacitaire et la valeur flexibilité de l’effacement électrique diffus.
a. Les modes de valorisation existants
Afin de garantir l’équilibre à tout instant entre l’offre et la demande en électricité, le code de l’énergie prévoit que RTE puisse contractualiser des services système qui permettent de disposer d’une réserve de puissance disponibles en très peu de temps (de quelques secondes à quelques minutes). Les services système (réserves primaire et secondaire) sont ouverts aux consommateurs depuis le 1er juillet 2014. À titre d’exemple, en 2015, jusqu’à 10 % de la réserve primaire a été fourni par des consommateurs.
Cette ouverture du marché des services système aux consommateurs montre des résultats rapides. À titre d’exemple, en 2015, les consommateurs ont effectivement contribué à fournir de la réserve primaire pour un niveau pouvant atteindre 10 % de la réserve.
L’effacement électrique diffus peut être valorisé sur le mécanisme d’ajustement depuis 2007. Ce mécanisme a été mis en place par RTE en 2003 pour équilibrer offre et demande d’électricité en cas d’aléas de consommation ou de production. Le mécanisme d’ajustement prend le relais des services système et permet à RTE de solliciter de nouveaux moyens pour rétablir l’équilibre offre-demande. Sur le mécanisme d’ajustement, RTE étudie les offres, à la baisse ou à la hausse, de production ou d’effacement et demande en conséquence aux acteurs de modifier leur programme de fonctionnement. Ce mécanisme permet donc de sélectionner l’offre la plus performante techniquement et économiquement et de rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité.
D’après l’avis de l’ADEME de septembre 2014, la puissance liée à l’effacement diffus sur ce mécanisme a atteint le cap des 100 MW en février 2013.
iii. Les appels d’offres capacitaires de RTE
L’effacement électrique diffus peut également être valorisé grâce aux appels d’offres capacitaires de RTE prévus à l’article 7 de la loi du 7 décembre 2010 portant organisation du marché de l’électricité, dite « loi NOME » pour mettre en œuvre des capacités d’effacement additionnelles sur une durée de trois ans. Ces appels d’offres ont été prolongés jusqu’au 31 décembre 2016 par l’article 168 de la loi relative à la transition énergétique.
Dans le cadre de l’appel d’offres pour l’année 2016, 2 100 MW ont été contractualisés, dont 1 900 MW d’effacement industriel et 200 MW de diffus.
iv. Le marché de gros de l’électricité
L’effacement électrique diffus trouve une valeur sur les marchés de gros de l’électricité depuis la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, dite loi Brottes. Le décret du 3 juillet 2014 relatif aux effacements de consommation d’électricité est venu fixer le cadre réglementaire dans lequel s’insère la valorisation des effacements sur les marchés de l’énergie. Ces règles sont appelées règles NEBEF.
Elles organisent tout d’abord la reconnaissance et la qualification des capacités d’effacement dans le mécanisme NEBEF. L’article 4 des règles NEBEF « Reconnaissance des capacités » prévoit ainsi que l’opérateur d’effacement doit apporter la preuve de la mise en place du dispositif technique adéquat. La reconnaissance est délivrée par RTE.
Les règles NEBEF définissent ensuite les modalités de constitution des périmètres d’effacement. L’opérateur signe un accord avec les sites de consommation qu’il souhaite effacer, puis les déclare à RTE et au gestionnaire de réseau de distribution auquel ils sont rattachés.
Les règles NEBEF organisent également les modalités de déclaration et de certification des effacements NEBEF. En J-1, l’opérateur d’effacement vend les quantités qu’il effacera en J et les déclare à RTE. L’effacement est réalisé en J et est certifié par RTE. La certification des effacements revient à calculer le volume d’énergie effacée comme la différence entre l’énergie qui aurait été consommée en l’absence d’effacement d’une part et l’énergie effectivement consommée d’autre part.
Source : RTE
Ces mêmes règles encadrent les transferts de blocs d’énergie en J-1 entre les responsables d’équilibre. Les responsables d’équilibre sont des opérateurs qui se sont contractuellement engagés auprès du gestionnaire de réseau de transport d’électricité, RTE, à financer le coût des écarts constatés a posteriori entre électricité injectée et électricité consommée, au sein d’un périmètre d’équilibre contractuel. Le responsable d’équilibre peut être un fournisseur d’électricité, un gros consommateur ou un tiers (banque, courtier, ...).
Source : RTE
Les règles NEBEF organisent un mécanisme de transferts de blocs d’énergie entre le responsable d’équilibre (RE) du fournisseur effacé, le responsable d’équilibre (RE) de l’opérateur d’effacement du site et le responsable d’équilibre (RE) de l’acheteur des quantités effacées, lorsque ces entités sont différentes.
Ces règles évoluent dans un sens de plus en plus favorable aux effacements électriques. La CRE précise, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires, par décision publiée au Journal officiel de la République française, les règles concernant notamment la valorisation des effacements de consommation sur proposition de RTE. Dans sa délibération du 11 février 2016 portant décision s’agissant des règles relatives à la valorisation des effacements de consommation sur les marchés de l’énergie, la CRE a notamment approuvé la proposition de RTE de permettre la participation simultanée d’un site de soutirage au dispositif NEBEF et au mécanisme d’ajustement, de simplifier le renouvellement de la reconnaissance des opérateurs d’effacement, de faciliter l’agrégation de sites de soutirage quels que soient leur fournisseur, leur RE, leur réseau de raccordement, leur modèle de versement, leur barème forfaitaire dans le cadre du modèle régulé et de faciliter la participation individuelle des capacités au mécanisme d’ajustement (en permettant à des capacités de faible puissance d’offrir individuellement leur flexibilité). Cette réforme des règles constitue une avancée majeure pour supprimer les barrières techniques à l’entrée du marché de l’électricité pour les effacements de consommation et reconnue comme tel au niveau européen.
b. Les modes de valorisation à venir
Les capacités d’effacement électrique diffus pourront être valorisées à partir de 2017 sur le marché de capacité établi par les dispositions de la loi NOME, codifiées aux articles L. 335-1 et suivants du code de l’énergie.
Le principe du marché de capacité est que chaque fournisseur doit être capable d’attester qu’il est en mesure de couvrir les besoins en électricité de ses clients pendant les périodes de pointe. Pour remplir cette obligation, les fournisseurs devront détenir un montant de garanties de capacité calculé par RTE soit en utilisant des moyens détenus en propre (installation de production ou capacité d’effacements), soit en acquérant ces garanties de capacité auprès d’autres détenteurs. Cela revient à obliger chaque fournisseur à contracter une assurance dont le niveau est fixé par l’État pour assurer la sécurité d’approvisionnement. L’obligation est fonction de paramètres définis quatre années avant l’année de livraison visée (N-4). Elle sera actualisée selon les données de consommation effectivement mesurées pour les sites du périmètre de chaque fournisseur. À N-2 et N-1, lorsque des capacités viennent à manquer, l’effacement devient un moyen de recours prioritaire, car il est le seul à pouvoir être mis en œuvre aussi rapidement.
Les règles prévoient que les effacements puissent être valorisés selon deux méthodes différentes, au libre choix de l’exploitant, soit en réduisant le niveau de l’obligation de capacité d’un fournisseur, soit en obtenant des certificats reflétant leur disponibilité pendant les périodes de pointe (« être prêt à s’effacer ») et en les vendant sur le marché.
Les effacements bénéficient de règles qui leur sont favorables dans le cadre du mécanisme de capacité, notamment d’un préavis de certification plus court. Ainsi, en avril 2015, la phase de certification des moyens de production et d’effacement d’électricité a été ouverte par RTE, en vue de la première année de mise en œuvre du dispositif. Si les producteurs d’électricité avaient jusqu’au 15 octobre 2015 pour faire certifier par RTE les moyens de production existants qu’ils rendront disponibles en 2017, les opérateurs d’effacement disposent, eux, d’un délai plus long, jusqu’en octobre 2016. Ce délai se justifie en raison de la plus grande flexibilité apportée par les effacements. Ces derniers peuvent être mis en service plus rapidement que les moyens de production.
La comparaison avec le mécanisme de capacité mis en place aux États-Unis dans certaines régions laisse penser que l’instauration du marché de capacité en France permettra le développement des effacements, notamment diffus. Aux États-Unis, dans certaines zones, les capacités d’effacement ont été multipliées par 5 en six ans suite à la mise en place du mécanisme de capacité, d’après le ministère de l’écologie français.
Le développement du marché de capacité en France est cependant entaché d’incertitudes. La Commission européenne a lancé une enquête sectorielle en matière d’aides d’État sur les mécanismes de capacité, notamment le mécanisme français, afin de vérifier qu’ils garantissent un approvisionnement en électricité suffisant sans fausser la concurrence ou les échanges dans le marché unique européen. La Commission compte publier un rapport à l’été 2016 présentant les conclusions de cette enquête.
Le marché de capacité français
Source : http://www.developpement-durable.gouv.fr
ii. Les dispositifs de la loi relative à la transition énergétique
Deux nouvelles formes de soutien, non cumulables entre elles, ont été introduites dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et entreront en vigueur prochainement : un nouveau mécanisme d’appel d’offres et le régime dérogatoire.
L’article 168 de la loi prolonge les appels d’offres mis en place par la loi NOME du 7 décembre 2010 d’une année supplémentaire. Ces appels d’offres sont financés par la communauté des fournisseurs.
L’article 168 de la loi crée également un nouveau mécanisme d’appels d’offres (article L. 271-4 du code de l’énergie). Ces appels d’offres doivent permettre de tenir les objectifs définis par l’État dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). L’autorité administrative peut recourir à la procédure d’appel d’offres lorsque les capacités d’effacement ne répondent pas aux objectifs de la PPE ou lorsque leur développement est insuffisant au vu des besoins mis en évidence dans le bilan prévisionnel pluriannuel mentionné à l’article L. 141-8.
Les nouveaux appels d’offres remplacent la prime aux opérateurs d’effacement qui avait été mise en place par la loi du 15 avril 2013 (9) visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, dite loi Brottes. Son montant avait été fixé pour 2015 à 16 euros par mégawattheure lors des heures pleines (de 7 heures à 23 heures) et à 2 euros par mégawattheure lors des heures creuses (de 23 heures à 7 heures). Chaque opérateur d’effacement pouvait bénéficier de cette prime dans la limite d’un volume de 250 gigawattheures par an. Cette prime était financée par la contribution au service public de l’électricité (CSPE) dont s’acquittent tous les consommateurs d’électricité. Si la prime, dite « prime Brottes », n’existe plus, la prime aux opérateurs d’effacement n’a pas pour autant réellement disparu, les nouveaux appels d’offres créés par la loi relative à la transition énergétique étant aussi financés par la CSPE.
L’article 168 de la loi crée également un régime dérogatoire, incompatible avec le mécanisme des appels d’offres et qui constitue un véritable soutien à l’effacement électrique diffus (article L. 271-3 du code de l’énergie). Par dérogation au principe selon lequel l’opérateur d’effacement verse au fournisseur une compensation, l’autorité administrative peut, pour les catégories d’effacements qui conduisent à des économies d’énergie significatives, imposer que le paiement de ce versement soit intégralement réparti entre l’opérateur d’effacement et le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité. Le gestionnaire de réseau répercute ensuite ses coûts sur la communauté des fournisseurs selon les modalités prévues à l’article L.321-12 du code de l’énergie.
Cette dérogation au principe du versement constitue bien un soutien à l’effacement électrique diffus (voir II.), puisqu’elle permet de diminuer le versement à la charge des opérateurs d’effacement diffus. Les modalités d’application de ce régime dérogatoire seront fixées par un décret en Conseil d’État, après avis de la Commission de régulation de l’énergie.
2. L’utilité d’un soutien public pour la phase d’amorçage
La justification principale au soutien de l’effacement électrique diffus tient à la fois aux externalités positives engendrées par l’effacement (baisse des émissions de CO2) et au faible degré de maturité de cette technique. D’après le ministère du développement durable, une technologie peut être considérée comme mature lorsqu’on ne peut attendre une baisse significative de ses coûts du fait d’améliorations techniques ou de gains de productivité importants. Le processus de développement de l’effacement électrique diffus a certes déjà commencé (développement de pilotes de recherche, de démonstrateurs et début de la commercialisation) mais n’a pas atteint le stade de la production industrielle permettant la réduction des coûts par effet d’échelle.
Les appels d’offres visent donc à aider une technique en plein développement. La subvention aux effacements diffus dépasse aujourd’hui la valeur apportée par les effacements au système. D’après RTE, s’il n’y avait pas eu deux catégories d’appels d’offres pour 2016 (diffus et industriel), aucune offre d’effacement électrique diffus n’aurait été retenue. Toutefois, l’objectif à terme est que la valeur des appels d’offres se rapproche de la valeur réelle apportée par l’effacement diffus au système dans son ensemble.
3. La France, leader européen en matière d’ouverture du marché aux effacements de consommation
La France est le seul pays à avoir ouvert son marché de l’électricité intégralement aux effacements de consommation. Cette ouverture est reconnue par la Smart Energy Demand Coalition au niveau européen.
En complément à ce cadre de valorisation par le marché, des soutiens importants à l’effacement électrique diffus, justifiés tant par des externalités positives que par la nécessité de soutenir une nouvelle technique en phase d’amorçage, ont été mis en place et sont très novateurs en comparaison avec le reste des pays européens.
a. Les dispositions relatives à l’effacement diffus existant au niveau européen
La directive 2009/72/EC sur l’électricité prévoit, dans son article 3, que les États membres puissent mettre en œuvre une planification à long terme qui tienne compte du fait que des tiers (opérateurs d’effacement, par exemple) puissent vouloir accéder au réseau. Cette prise en compte doit faciliter l’atteinte des objectifs en matière de sécurité d’approvisionnement et d’efficacité énergétique ainsi que les objectifs environnementaux.
La directive 2012/27/EU sur l’efficacité énergétique insiste, elle, dans son article 15 (paragraphe 8), sur la nécessaire non-discrimination envers les capacités d’effacement. Les États membres doivent veiller à ce que les autorités nationales de régulation de l’énergie encouragent les ressources portant sur la demande, telles que les effacements de consommation, à participer aux marchés de gros et de détail au même titre que les ressources portant sur l’offre. La seule réserve est liée aux contraintes techniques inhérentes à la gestion des réseaux. Ces dernières peuvent justifier une éventuelle discrimination envers les capacités de production. La Commission européenne vérifie désormais la bonne transposition dans les différents États membres de cette directive entrée en vigueur à l’été 2014.
b. Le modèle français : un modèle novateur en Europe
Malgré ces dispositions communes au niveau européen, force est de constater que les cadres réglementaires et législatifs mis en place diffèrent très fortement d’un État membre à un autre.
La France a réussi à établir un cadre normatif permettant l’émergence d’un nouvel acteur et une concurrence accrue. Dans une étude de 2015 (10), la Smart Energy Demand Coalition (SEDC), l’association professionnelle qui assure au niveau européen la promotion des effacements, a classé les différents pays européens selon le soutien apporté à la valorisation des effacements diffus. Le graphique ci-dessous montre que seuls les pays en vert permettent une valorisation de l’effacement électrique diffus sur les marchés. Parmi ces pays, deux, dont la France, ont créé un cadre normatif reposant sur des accords standardisés clairs entre opérateur d’effacement et responsable d’équilibre.
D’après la CRE et RTE, dans tous les autres pays européens, le fournisseur, soit est le seul autorisé à valoriser les effacements de ses clients (les opérateurs d’effacement indépendants ne sont pas autorisés), ou bien, conserve une place privilégiée puisqu’il doit donner son accord pour permettre à un opérateur d’effacement de démarcher ses clients.
Valorisation des effacements en Europe
Source : SEDC
Les barrières au développement de l’effacement électrique diffus rencontrées dans les autres pays sont nombreuses. La première difficulté tient à la nature de l’effacement électrique diffus. Sur de nombreux marchés ou mécanismes de capacités des États membres, l’effacement diffus n’est pas considéré comme une ressource. Ensuite, beaucoup d’États membres ne possèdent pas de système de mesure adéquat, ce qui empêche les consommateurs ou opérateurs d’effacement d’être rémunérés pour le service qu’ils rendent au système. Enfin, dans certains États membres, la reconnaissance, la qualification des capacités d’effacement et leur mesure se fait au niveau du consommateur individuel et non pas de l’opérateur d’effacement. Cela complexifie considérablement les démarches de valorisation de l’effacement électrique diffus.
La France est donc le pays qui permet la plus grande valorisation des effacements. Pour cette raison, la SEDC préconise, pour la valorisation de l’effacement électrique diffus, un modèle similaire au modèle français. La direction générale à l’énergie de la Commission européenne, auditionnée par la mission, a d’ailleurs affirmé étudier de près le fonctionnement de l’effacement électrique diffus en France pour en tirer ensuite des conclusions sur d’éventuelles nouvelles dispositions à prendre au niveau européen. La France pourrait donc mettre en valeur son modèle d’effacement dans le cadre des discussions sur la politique européenne de l’énergie, et ce alors qu’elle est trop souvent critiquée, à tort, sur son manque d’ouverture.
Le soutien politique à l’effacement diffus se justifie à la fois par le souhait d’engager au mieux la transition énergétique sans créer de situation critique en termes de capacité de production et par la volonté de soutenir une technique non encore mature. La logique est donc bien celle d’accorder une aide économique temporaire à l’effacement avant que le prix de marché spot, ou le prix de marché des capacités, prenne le relais. Toutefois, aujourd’hui, malgré les subventions existantes, la filière de l’effacement électrique diffus ne prend pas son envol. La question se pose donc de savoir si les difficultés sont telles qu’il faut fermer la porte au développement de la filière pour l’avenir.
II. SI, AUJOURD’HUI, L’EFFACEMENT ÉLECTRIQUE DIFFUS N’EST PAS LA SOLUTION À PRIVILÉGIER... IL NE FAUT PAS POUR AUTANT FERMER LA PORTE À SON DÉVELOPPEMENT
Les problématiques liées à l’effacement diffus ne sont pas les mêmes selon que l’on considère l’effacement diffus tel qu’il est aujourd’hui dans la conjoncture actuelle ou que l’on tente d’imaginer ce que le modèle d’effacement diffus et le contexte conjoncturel seront dans dix ans.
Force est de constater qu’aujourd’hui, l’effacement électrique diffus est certes bénéfique pour l’environnement mais n’est pour autant pas la solution à privilégier. Les raisons sont multiples et tiennent tant aux faiblesses du modèle économique développé actuellement qu’au contexte conjoncturel qui rend extrêmement compliquée une valorisation des effacements.
Il ne faut pas pour autant fermer la porte aux effacements diffus, sous de nouvelles formes, ces derniers pouvant se révéler très utiles à l’avenir.
A. LES DIFFICULTÉS ACTUELLES DE L’EFFACEMENT DIFFUS
1. Le modèle existant souffre de faiblesses structurelles
Il faut bien distinguer la technique de l’effacement diffus de la forme que prend l’effacement diffus dans le modèle économique actuel. À une même technique, ici l’agrégation de baisses de consommation chez les particuliers, peuvent correspondre différents modèles économiques.
Le modèle existant repose sur l’existence d’un tiers, opérateur d’effacement qui installe chez les particuliers volontaires un boîtier. Ce boîtier est posé sans coût pour les consommateurs et, piloté à distance par l’opérateur d’effacement, permet à la fois de mesurer la consommation et de couper les chauffages électriques pendant 10 à 30 minutes. L’opérateur d’effacement agrège ensuite les micro-coupures et les valorise sur les différents mécanismes sus-évoqués (C du I). Le consommateur n’est pas rémunéré directement par l’opérateur d’effacement à la suite de cette valorisation.
a. Le modèle économique avec installation d’un boîtier dédié à l’effacement diffus n’est pas rentable aujourd’hui
La non-rentabilité du modèle économique actuel, développé principalement par le plus gros opérateur d’effacement diffus, la société Voltalis, a presque fait l’unanimité parmi les acteurs auditionnés par la mission. D’après l’économiste Thomas-Olivier Léautier, auditionné par la mission, le bénéfice total pour l’opérateur d’effacement serait actuellement entre 1 et 3 euros par client et par an.
Ce constat de non-rentabilité n’est pas nouveau. Dès le 18 juillet 2014, le Conseil d’État (11) avait souligné que la valorisation de l’effacement diffus sur le marché de gros de l’énergie revêtait un caractère expérimental : « ainsi, les perspectives de valorisation de l’activité d’effacement diffus étaient, en toute hypothèse, marquées par un degré d’incertitude élevé que la société Voltalis ne pouvait ignorer lorsqu’elle a réalisé les investissements en cause ».
Le faible nombre d’acteurs tentant d’entrer sur le marché de l’effacement électrique diffus est également un indicateur de la faible rentabilité du modèle économique actuel. Voltalis est pour l’instant l’unique opérateur d’effacement pouvant candidater aux appels d’offres. La capacité à effacer de Voltalis en plein hiver, est, d’après RTE, de 250 mégawatts. D’autres opérateurs, comme Direct Énergie et Actility développent peu à peu des offres d’effacement électrique diffus mais ces acteurs sont peu nombreux.
Cette non-rentabilité s’explique par des coûts très importants qui dépassent fortement les bénéfices qu’il est possible de tirer de l’effacement électrique diffus.
Les coûts actuels sont multiples :
1° Le coût de production et d’installation du boîtier d’effacement (environ 400 euros) :
Le coût d’installation du boîtier est d’autant plus important qu’un grand nombre de tableaux électriques ne sont pas aux normes. Ce coût dépend toutefois partiellement de critères qui ne sont pas connus, notamment la durée de vie du boîtier.
Le coût de production et d’installation élevé explique le choix de nombreuses start-up auditionnées par la mission de développer l’effacement industriel plutôt que l’effacement diffus. D’après Smart Grid Energy, le coût d’installation du dispositif d’effacement pour les gros sites industriels est de l’ordre de 2 000 € à 5 000 € par site alors que le coût d’équipement chez les particuliers de l’ordre de 500 € par site. Étant donné que les sites avec de fortes consommations (les consommateurs électro-intensifs) sont capables d’effacer 10 000 kW/site alors que chaque site particulier n’est capable d’effacer qu’1 kW, le coût du kilowatt d’effacement diffus est environ 1 000 fois plus élevé que celui issu des sites industriels ;
2° Le coût d’accès au client :
Ce coût est très important, notamment en raison de la relative réticence des consommateurs à opter pour les services d’un opérateur d’effacement. Il est difficile à estimer car il varie d’un opérateur à un autre. Il est ainsi plus conséquent pour un opérateur d’effacement indépendant que pour un fournisseur qui a accès plus facilement aux consommateurs, qui sont déjà ses clients. Il diffère également selon le type de logement dans lequel l’opérateur d’effacement souhaite agir. Le logement collectif semble améliorer l’acceptation de l’effacement mais la profondeur d’effacement est bien plus faible, donc les revenus pour les opérateurs d’effacement moindres ;
3° Le coût de maintenance et de déménagement :
L’opérateur d’effacement doit être à même de se tenir au courant des déménagements éventuels de ses clients et de réinstaller le boîtier d’effacement dans le nouveau logement.
À l’inverse, les revenus de l’opérateur d’effacement sont moindres. Ils sont tirés de la valorisation de l’effacement sur les divers mécanismes exposés en première partie (mécanisme d’ajustement, appels d’offres de RTE, marché de gros de l’électricité).
b. Quid de sa rentabilité demain ?
Si le modèle économique développé aujourd’hui, avec installation d’un boîtier dédié à l’effacement diffus dans chaque foyer est peu rentable, force est de constater qu’il le sera peu demain également.
Une grande incertitude règne sur la rentabilité du modèle économique avec boîtier dédié à l’effacement, même à l’avenir, malgré la diversification certaine des revenus tirés de l’effacement diffus (développement du marché de capacité, nouveaux appels d’offres mis en œuvre dans la loi relative à la transition énergétique) et probable (en cas de hausse des prix de l’électricité et de hausse du prix du CO2).
Les conditions de rentabilité des effacements électriques diffus sont décrites par RTE dans son rapport de juillet 2015 (12). Pour que le modèle actuel d’effacement diffus devienne rentable, il faudrait qu’au moins une des conditions suivantes soit vérifiée, et cela semble très incertain :
1° Il faudrait une diminution importante des coûts des effacements.
Certes, les coûts pourraient se voir réduits. Les coûts de production et d’installation du boîtier pourraient diminuer grâce au déploiement des compteurs Linky. S’ils ne permettront pas directement de faire des effacements diffus, les compteurs Linky peuvent les faciliter. Ces compteurs paramétrables à distance, capables de stocker et véhiculer de l’information vers les gestionnaires de réseaux et les fournisseurs d’énergie comprennent deux types de fonctions : la fonction paramétrage/mesure/comptage et la fonction pilotage. D’après les acteurs que la mission a pu auditionner, les opérateurs d’effacement pourraient, grâce au plug-in de Linky, y brancher un appareil qui ne comporterait plus que la fonction effacement (la fonction paramétrage/mesure/comptage étant déjà assurée par Linky). Encore faut-il que les opérateurs se saisissent de cette possibilité offerte par les compteurs Linky.
À quoi sert le compteur Linky ?
Les coûts pourraient également diminuer si des boîtiers communs existaient (gestion de l’électricité, internet, gestion de l’eau chaude, gestion du chauffage, etc.). Certains acteurs réfléchissent à ce type de solutions industrielles dans la filière innovante des réseaux électriques intelligents.
Les coûts d’accès au client pourraient également baisser. La prise de conscience par les consommateurs de la nécessité de mieux maîtriser leur demande d’énergie, accentuée par le déploiement des compteurs Linky et la mise en œuvre de la réglementation thermique 2020, pourrait conduire à une meilleure connaissance des solutions d’effacement d’électrique diffus et à la volonté d’y participer.
Toutefois, si diminution des coûts il y a, elle ne paraît pas suffisante pour permettre au modèle actuel de devenir rentable étant donné le niveau d’incompressibilité des coûts et l’absence d’économies d’échelle. Les coûts sont effet unitaire (installation d’un boîtier dans chaque logement, suivi de chaque consommateur) ;
2° Il faudrait que ce modèle produise des économies d’énergie significatives (taux de report inférieur à 50 %).
Comme le souligne RTE, un tel taux est « en rupture avec les résultats des démonstrateurs identifiés par les auteurs du rapport ». Comme évoqué précédemment, RTE (13) estime des taux de report entre 45 et 75 % selon la méthodologie employée. Même si RTE considère que le taux de 50 % est plus pertinent, étant donné qu’il résulte de l’expérimentation menée sur le plus grand nombre de sites, il est peu probable que le taux de report soit inférieur à 50 % ;
3° Il faudrait que les caractéristiques techniques des services offerts soient plus favorables.
Rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que la puissance accessible ou le nombre et la durée des effacements de chauffage par foyer équipé augmenteront ;
4° Il faudrait que ce modèle dégage une valeur importante pour le réseau de distribution.
Cette dernière n’est pas prouvée à ce stade mais fera l’objet d’une future étude par RTE.
Le modèle économique actuel d’effacement électrique diffus n’est pas rentable aujourd’hui, la situation ne semblant pas s’améliorer dans les années à venir. Ce modèle souffre également d’une autre faiblesse. Il est beaucoup trop peu ciblé sur les consommateurs finaux d’électricité.
c. Un modèle trop peu ciblé sur les consommateurs
Les gains que peuvent retirer les consommateurs de l’effacement électrique diffus sont difficilement mesurables. Toutefois, la quasi-unanimité des acteurs auditionnés par la mission étaient d’accord sur ce point : le modèle économique actuel n’est pas assez centré sur les gains pour les consommateurs.
Le consommateur ne bénéficie pas, dans les modèles actuels, d’une compensation sous forme financière pour ses services (i.e. pour le fait qu’il accepte de se faire effacer). La baisse de la facture dont il bénéficie grâce aux économies d’énergie est difficile à chiffrer mais est relativement faible. Elle paraît se situer, d’après la quasi-unanimité des acteurs auditionnés par la mission, entre 0,5 % et 8 % (14) de la facture.
Les coûts pour les consommateurs liés aux effacements diffus peuvent être relativement importants, tant pour les consommateurs effacés que pour l’ensemble des consommateurs.
Ainsi, de fortes incertitudes demeurent sur l’éventuelle baisse de confort subie par le consommateur qui voit sa consommation d’électricité effacée. Pour certains opérateurs d’effacement diffus, la perte de confort est nulle car, non seulement la durée des effacements est trop brève pour diminuer véritablement la température du logement mais le consommateur peut également décider d’interrompre l’opération d’effacement en appuyant sur un bouton d’interruption en cas de perte de confort. Pour d’autres, comme Edelia, filiale d’EDF qui a lancé pendant l’hiver 2009-2010 une expérimentation appelée « Une Bretagne d’avance », auprès de 420 foyers bretons, la perte de confort existe bel et bien. Selon elle, le taux d’utilisation du bouton d’interruption de l’effacement n’est pas un bon indicateur de l’existence ou non d’une perte de confort car la plupart des consommateurs qui disent ressentir une perte de confort n’utilisent pas ce bouton. Certains opérateurs facturent d’ailleurs une somme forfaitaire à leurs clients en cas d’utilisation fréquente ou abusive du bouton d’interruption.
Les coûts pour l’ensemble des consommateurs sont également à prendre en compte tant les subventions existantes peuvent peser sur leur facture. L’ancienne prime ainsi que le nouveau système d’appels d’offres sont financés par la CSPE et donc directement par les consommateurs. Quant au régime dérogatoire, il sera financé, en partie, par l’ensemble des fournisseurs qui répercuteront probablement la hausse de leurs coûts sur le prix facturé au client.
2. Le contexte actuel n’est pas propice aux effacements
Il ne paraît pas pertinent de subventionner l’effacement électrique diffus, sous la forme qu’il prend aujourd’hui. Le modèle économique existant souffre de faiblesses structurelles que ne peut pas combler le dispositif de soutien actuel. Un dispositif de soutien plus ambitieux est inenvisageable tant le contexte n’est pas favorable aux effacements diffus.
a. Le faible prix de l’électricité
Une des raisons des difficultés de l’effacement, qu’il soit industriel ou diffus, est la faiblesse des prix de l’électricité, même en période de pointe.
La France, et l’Europe en général, sont en surcapacité, ce qui fait pression à la baisse sur les prix de l’électricité. D’après RTE (15), la moyenne annuelle des prix spot sur les bourses de l’électricité a baissé de manière importante dans toute l’Europe occidentale en 2014. La France est l’un des pays où l’électricité est parmi les moins chères d’Europe sur les marchés de gros.
Cette baisse des prix s’explique par la croissance de la production liée aux énergies renouvelables et par la faiblesse de la consommation depuis la crise de 2008. Corrigée de l’aléa climatique et du secteur de l’énergie, la consommation en 2014 est ainsi en baisse de 0,5 %. La tendance à la stabilisation globale de la consommation annuelle française d’électricité est constatée pour la quatrième année consécutive.
En raison du prix de l’électricité aussi faible et de l’écrasement du différentiel base-pointe sur lequel se rémunèrent les opérateurs d’effacement, il est évident que les offres d’effacement ne peuvent pas trouver de valorisation suffisante, même en y ajoutant les diverses subventions.
Prix spot moyens sur les bourses de l’électricité en 2014
Source : RTE
Les prix de gros de l’électricité étant si bas actuellement, il faudrait subventionner de manière extrêmement importante l’effacement électrique diffus pour permettre son développement dans les prochaines années. Cela ne semble pas opportun : nous sommes en situation de surcapacité et n’avons donc pas besoin, dans les quelques années à venir, d’effacement électrique diffus.
Prévu en 1997 par le protocole de Kyoto et initié il y a dix ans en Europe, le marché du carbone n’a pas permis de faire émerger un prix suffisant du carbone. En raison d’une allocation trop importante de quotas et de la crise de 2008, le dispositif s’est effondré.
L’instauration par la France d’une taxe carbone en 2014 (la contribution climat énergie) ne permet pas non plus d’établir un prix du carbone suffisant pour rendre l’effacement électrique diffus rentable.
Un prix plus important du carbone rendrait la production de pointe d’électricité, fortement émettrice en CO2, beaucoup plus coûteuse et permettrait donc une meilleure valorisation des effacements. Il permettrait d’internaliser l’externalité positive engendrée par l’effacement électrique diffus, i.e. la réduction des émissions de CO2.
B. DEMAIN, L’EFFACEMENT DIFFUS POURRAIT ÊTRE UN VÉRITABLE LEVIER DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
Aujourd’hui, le modèle économique développé est peu rentable et tente de trouver sa place dans un contexte où le prix de l’électricité ainsi que le prix du carbone ne permettent pas une juste valorisation des effacements.
Toutefois, les enjeux environnementaux, technologiques et économiques liés aux effacements diffus ne seront peut-être pas les mêmes demain. Le contexte pourrait être plus favorable à un développement des effacements diffus, qui, grâce au progrès technique, trouveraient leur juste rémunération sur le marché et bénéficieraient à l’ensemble de la collectivité.
1. L’effacement diffus pourrait se révéler encore plus utile à l’avenir
Certes, les évolutions réglementaires et législatives permettent une meilleure maîtrise de la demande d’énergie, ce qui réduit l’énergie potentiellement effaçable.
Toutefois, malgré les évolutions législatives et réglementaires, le potentiel d’effacement reste très important : la puissance effaçable serait entre 1 et 2 kW (16) dans les maisons individuelles. Ce potentiel d’effacement électrique diffus est particulièrement important en France du fait du recours conséquent au chauffage électrique. D’après l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) (17), le chauffage électrique équipe environ 31 % des logements individuels et collectifs en France.
a. Une utilité pour l’intégration des énergies renouvelables
Le besoin d’effacements diffus pourrait augmenter en raison des nécessités d’intégration des énergies renouvelables sur le réseau. La part d’électricité produite à partir d’EnR augmente d’année en année en France. Elle est déjà relativement importante. Ainsi, au 30 juin 2015, d’après RTE, les EnR représentaient 19,3 % de la consommation électrique. Si le parc hydraulique représente environ 60 % de la capacité installée, les filières éolienne et solaire participent davantage à la croissance des énergies renouvelables électriques.
Le parc des installations de production d’électricité renouvelable
Source : RTE, Panorama de l’électricité renouvelable au 30 juin 2015
La part d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables augmentera fortement dans les années à venir. La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a ainsi posé des objectifs ambitieux en portant la part des énergies renouvelables à 40 % de la production d’électricité en 2030.
Cette croissance de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique français pose la question de leur intégration sur les réseaux. Si le système électrique peut actuellement prendre en charge les EnR pour des taux de pénétration limités (généralement estimés à 30 %), des problèmes d’ordre technique apparaissent en revanche pour des taux de pénétration plus importants. Les EnR sont intermittentes, c’est-à-dire qu’elles sont produites de façon très variable en fonction des conditions météorologiques locales.
L’effacement électrique diffus pourrait permettre de répondre au défi posé par l’intermittence de la production renouvelable en abaissant temporairement la consommation et en comblant un déficit momentané de production d’énergies renouvelables.
Le besoin d’effacements diffus à l’avenir pourrait également s’accroître du fait du développement des véhicules électriques. Les consultations menées par la CRE (18) évaluant l’impact de la recharge des véhicules électriques sur le réseau montrent que la recharge de la voiture électrique induit un accroissement notable de la consommation électrique à la pointe. La recharge du véhicule a lieu à domicile ou sur le lieu de travail, le matin quand l’utilisateur arrive au travail, et le soir quand il rentre chez lui. Cette utilisation accentue donc les pics de consommation de 9 heures et de 19 heures. Avec une hypothèse de 2 millions de véhicules électriques au niveau national en 2020, les premiers chiffres avancés par les gestionnaires de réseaux sont les suivants :
– à l’échelon national : une augmentation de la pointe nationale de + 0 à + 11 % ;
– à l’échelon du poste source (HTB/HTA) (19) sur la base d’une hypothèse de 300 à 3 000 véhicules électriques se rechargeant sur un poste source) : une augmentation de la puissance de soutirage maximale atteinte de + 0 à + 25 % ;
– à l’échelon du poste de distribution (HTA/BT) (20) sur la base d’une hypothèse de 0 à 100 véhicules électriques se rechargeant sur un poste HTA/BT : une augmentation de la puissance de soutirage maximale atteinte d’un poste de distribution publique de + 0 à + 100 %.
Aujourd’hui pratiqué l’hiver en période de pointe à travers l’effacement de consommations de chauffage électrique, l’effacement diffus pourrait devenir utile tout au long de l’année pour permettre l’intégration des EnR et faire face aux pointes locales. Le développement des EnR est, en effet, susceptible d’accroître le nombre de pointes locales, la production renouvelable se faisant parfois loin des lieux de consommation.
L’effacement diffus, pourrait offrir de nouvelles solutions pour les gestionnaires de réseaux de distribution dans leur gestion de ces pointes locales.
D’autres appareils électriques seraient donc amenés à être effacés.
Par ailleurs, la variabilité de la production d’énergie renouvelable, du moins pour les filières éolienne et photovoltaïque, va imposer un pilotage accru des autres moyens (moyens de production, interconnexions, effacements ou stockage) pour assurer l’équilibre à tout instant de l’offre et de la demande résiduelle, c’est-à-dire de la consommation française diminuée de la production intermittente. Plus cette consommation résiduelle sera variable, plus la flexibilité du système devra s’accroître.
Le Bilan prévisionnel 2015 de RTE a mis en évidence de profondes modifications de la forme de la consommation résiduelle avec une forte pénétration de la production d’électricité d’origine éolienne ou photovoltaïque à un horizon de moyen terme. En effet, un quart de la consommation française serait assuré par l’éolien et le photovoltaïque à l’horizon 2030 dans le scénario étudié par RTE. Dans ce scénario, la production photovoltaïque contribue à créer un nouveau creux de consommation en milieu de journée, tandis que la production éolienne atténue la périodicité hebdomadaire de la consommation et que l’écart journalier entre le maximum de consommation et le minimum de consommation augmente également. En conséquence, les besoins de flexibilité augmentent sensiblement de plusieurs GW.
Ce besoin de flexibilité est confirmé et accru au niveau européen par le REGRT-E – l’association rassemblant les GRT européens.
Le rapport sur la valorisation socio-économique des réseaux électriques intelligents a mis en évidence la rentabilité de l’effacement dans un contexte de transition énergétique ambitieuse, conforme à celui défini par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et à un horizon 2030. C’est ce besoin de flexibilité accru du système électrique qui permet d’accroître la rentabilité des effacements (s’ils se sont développés). Ce besoin de flexibilité du système électrique à l’horizon 2030 entraînera des possibilités de rémunération sans subvention pour les effacements via un mécanisme dédié aux services de flexibilité et/ou via le marché de l’énergie qui connaîtra des occurrences plus importantes de pics de prix.
Il serait ainsi envisageable de définir une plateforme qui permette de solliciter les flexibilités (effacements ou autres) là où elles ont le plus de valeur en s’appuyant sur le mécanisme d’ajustement et de favoriser l’émergence de nouveaux modèles innovants en permettant une participation large à cette plateforme.
c. Une utilité plus grande pour les gestionnaires de réseaux
L’effacement électrique diffus aiderait également les gestionnaires de réseau à assumer leur mission en cas de tension sur leur réseau.
Le rôle de chaque gestionnaire de réseau est de veiller, à chaque instant, à l’équilibre des flux d’électricité, à l’efficacité, à la sécurité et à la sûreté du réseau qu’il exploite, compte tenu des contraintes techniques pesant sur ce dernier (article L. 322-9 du code de l’énergie).
L’effacement électrique diffus pourrait permettre d’éviter certains investissements sur les réseaux requis par un accroissement de la pointe. Ces investissements sont en hausse depuis 2007. C’est sur ce point qu’a insisté Électricité Réseau Distribution France (ERDF) lors de son audition par la mission. En cas de forte augmentation de la demande, l’activation de l’effacement permettrait, par exemple, d’éviter d’avoir à installer un transformateur pour y faire face.
Investissements réalisés sur le réseau de distribution d’électricité exploité par ERDF
Source : UFE
Il faudrait alors qu’un bon échange d’informations se mette en place. Que ce soit pour les décisions d’exploitation des réseaux ou pour celles de développement des réseaux, l’effacement ne pourra avoir une vraie valeur que si les informations nécessaires pour leur prise en compte dans les décisions sont connues des gestionnaires de réseau en amont de l’opération d’effacement. Ils doivent être à même d’anticiper les conséquences des effacements diffus sur leurs réseaux et de prendre, si nécessaire, les mesures adéquates.
À long terme, la valeur de l’effacement pour les réseaux pourrait considérablement s’accroître si les gestionnaires de réseau devenaient eux-mêmes clients d’opérateurs d’effacement dans le cadre de relations contractuelles.
Aujourd’hui, la valeur des effacements pour les réseaux est réduite par la non-concordance entre les pointes électriques nationale et locale. Des pointes locales sont observées sans pour autant qu’il n’y ait de déséquilibre entre la production et la consommation sur le réseau de distribution national. En 2014, à la suite de l’analyse des courbes de charges de 1908 postes sources sur la période 2007-2012, la CRE a trouvé un taux de concordance entre les pointes de consommation nationale et celles des postes sources d’environ 65 %. L’activation de l’effacement en période de pointe nationale ne facilite ainsi pas toujours la gestion des pointes locales.
L’effacement électrique diffus pourrait toutefois devenir un outil majeur pour faire face aux pointes locales si les gestionnaires de réseau devenaient eux-mêmes clients d’opérateurs d’effacement. Ils ne peuvent pas exercer le rôle d’opérateurs d’effacement de consommation (article L271-2 du code de l’énergie) mais rien ne les empêche de pouvoir devenir clients d’opérateurs d’effacement.
Comme le souligne l’Association des distributeurs d’électricité en France (ADEeF), certaines conditions sont à réunir pour qu’une telle relation de clientèle s’instaure de manière optimale. Si appel aux opérateurs d’effacement il y a, ce dernier devra se faire de façon non discriminatoire et transparente, via des appels d’offres ou des consultations publiques. Le respect des engagements définis préalablement sera déterminant pour le développement à long terme de ces relations. La non-atteinte d’un niveau d’effacement contractualisé pourrait aller jusqu’à générer des mises hors tension de l’ouvrage en contrainte, ce qui ne serait pas sans conséquence pour l’alimentation des utilisateurs.
Enfin, il convient de s’assurer que l’activation d’un effacement pour des raisons de congestion réseau ne se fasse pas au détriment d’un effacement qui aurait plus de valeur pour la collectivité s’il servait à résoudre une tension sur l’équilibre offre-demande global. Il n’existe pas d’effacement dont le rôle est prédéfini : l’utilisation de tel ou tel effacement doit être privilégié en fonction de l’état du système électrique.
2. De nouvelles formes d’effacement diffus pourraient naître grâce au progrès technique
Grâce au progrès technique, il est possible d’envisager des modèles d’effacement diffus innovants qui soient rentables économiquement, n’aient plus besoin de subvention, soient plus faciles à mesurer et à valoriser, et permettent au consommateur final de récupérer une partie des gains engendrés par l’opération d’effacement.
Le secteur de l’énergie est en pleine métamorphose. Certains observateurs parlent d’une « ubérisation » prochaine du secteur de l’énergie.
Certains de ces progrès techniques remettent en cause le modèle de l’effacement électrique diffus avec présence d’un tiers opérateur d’effacement installant un boîtier dédié chez les consommateurs. Ainsi, des box domotiques intégrant des fonctions de régulation du chauffage sont d’ores et déjà commercialisées. Les fournisseurs de téléphonie et d’accès dotent leurs nouvelles box de fonctions domotiques, axées en particulier sur la maîtrise des consommations énergétiques. Le coût unitaire de la box est moindre que celui d’un boîtier d’effacement dédié, ce qui rend l’effacement électrique diffus bien plus rentable. De nombreuses start-up sont également actives dans le Home Management. Aujourd’hui, ces entreprises fondent leur développement sur la maison ou du quartier autonome : elles installent des boîtiers qui permettent d’adapter la demande du consommateur à son dispositif personnel de production et de stockage. Demain, les radiateurs, les chauffe-eau et même les frigidaires qui viendront renouveler ou accroître le parc installé seront pilotables intrinsèquement, sans ajout de boîtier dédié. Comme étape ultérieure de leur développement, certaines entreprises de Home Management envisagent de se tourner vers l’échange d’électricité entre leurs consommateurs : c’est la nouvelle perspective de l’effacement diffus.
Même si les appareils pourront à l’avenir réduire, sans pilotage extérieur, leur consommation, force est toutefois de constater que la présence d’un tiers « valorisateur », (fournisseur ou opérateur d’effacement) sera sûrement nécessaire pour valoriser les quantités effacées sur les marchés et ainsi permettre aux consommateurs de tirer parti de la capacité d’effacement intégrée dans leurs appareils ménagers. Cette présence sera d’autant plus nécessaire qu’elle permettra de faire le lien entre le monde du Home management et le monde des réseaux électriques. Une déconnexion des deux mondes rendrait extrêmement complexe la mission d’équilibrage de l’offre et de la demande d’électricité.
Le projet Smart Machine développé par Smart Grid Energy ou le mécanisme d’auto-effacement intégré dans les objets
La mission, lors de son déplacement à Capbreton, au siège de l’entreprise Smart Grid Energy, s’est vue présenter le projet Smart Machine.
La mission s’est déplacée à Capbreton, au siège de Smart Grid Energy. Cette entreprise a démarré son activité en 2011 comme opérateur d’effacement pour les industriels. En 2012, elle a complété son offre de services en devenant agrégateur de capacités de production décentralisées. Depuis 2014, elle développe une troisième activité de conseil opérationnel en achats d’énergie. Ces trois activités ont comme point commun, la gestion opérationnelle et la valorisation d’actifs de l’énergie (capacités d’effacement, capacités de production, contrats d’achats) pour le compte de tiers. En 2015, l’entreprise a piloté et valorisé plus de 350 MW de capacités d’effacement, 300 MW de production décentralisée, 900 GWh d’achats de gaz et 400 GWh d’achats d’électricité pour une centaine de sites industriels en France.
Le projet Smart Machine de Smart Grid Energy est né d’une double idée, celle de permettre un effacement diffus respectant le confort du consommateur (la température de consigne) et celle de fonder l’effacement diffus sur des équipements émettant eux-mêmes des offres d’activation.
Techniquement, le projet, testé sur un frigidaire, est déjà bien avancé. Une puce est greffée à l’appareil et répond aux appels d’offres en fonction des possibilités de variation de puissance de l’appareil. Les possibilités de variation de puissance de l’appareil sont paramétrées par le constructeur. La puce demande à l’appareil de fonctionner différemment en cas d’activation de l’offre et de réduire sa consommation. L’interface entre la puce et l’équipement électroménager est simple ; seuls trois fils sont nécessaires.
L’entreprise réfléchit actuellement, en partenariat avec des entreprises de télécommunications à la liaison entre l’appeleur d’offre (pouvant être un agrégateur d’effacement comme Smart grid Energy, par exemple) et la puce intégrée dans l’équipement.
Si ce projet voyait le jour, il permettrait de ne plus limiter l’effacement électrique diffus aux chauffages, chauffe-eau ou systèmes de climatisation. Il permettrait une mesure précise de la capacité et une valorisation de l’effacement par le foyer.
Tableau comparatif : L’effacement diffus aujourd’hui et demain
Aujourd’hui |
Demain | |
Utilité |
– permet d’éviter la mise en route de moyens de production polluants en période de pointe – engendre des économies d’énergie non nulles malgré un effet report non négligeable |
En plus de l’utilité qu’il apporte aujourd’hui, l’effacement diffus : – contribuera à permettre l’intégration des EnR – facilitera la gestion des réseaux de transport et de distribution d’électricité |
Modèle économique |
Un modèle économique domine largement : – installation gratuite d’un boîtier dédié à l’effacement diffus chez chaque particulier – pas de rémunération spécifique versée au consommateur qui s’efface (baisse mineure de sa facture) – effacement de chauffages électriques l’hiver en période de froid |
– pas forcément de boîtier dédié à l’effacement (puces intégrées dans les appareils ou autres systèmes innovants) – modèles prenant en compte les gains que peuvent retirer les consommateurs – possibilité d’effacer d’autres appareils que les chauffages électriques, et à toute période de l’année |
Valorisation |
– marché de gros de l’électricité – mécanisme d’ajustement de RTE – services système – réserves rapide et complémentaire – mécanismes de subvention à travers les appels d’offres de la loi NOME prolongés d’un an |
En plus des dispositifs existants, l’effacement diffus sera valorisé : – sur le marché de capacité – grâce à un nouveau mécanisme de subvention mis en place par la loi relative à la transition énergétique (les appels d’offres) et s’il est appliqué par le régime de versement dérogatoire |
III. QUE PEUT FAIRE LA PUISSANCE PUBLIQUE ?
Le rôle à jouer par la puissance publique est donc clair. Il s’agit, à court terme, de faire preuve de prudence et de privilégier d’autres techniques de gestion de pointe. Toutefois, la puissance publique a également pour mission de ne pas détruire une filière qui pourrait nous permettre de relever certains défis de la transition énergétique à moyen terme. Le modèle de soutien extrêmement novateur en France ne doit pas être détricoté mais peut être utilement complété pour offrir plus de visibilité aux acteurs.
A. RAPPELER QUE LE VERSEMENT DE L’OPÉRATEUR D’EFFACEMENT AU FOURNISSEUR EST LÉGITIME
L’opérateur doit verser au fournisseur une rémunération pour l’énergie que ce dernier doit, dans tous les cas, injecter dans le système. Pourtant, certains acteurs (21) considèrent que ce versement à la charge des opérateurs n’est pas justifié et en souhaitent la suppression ou la baisse. Le débat mérite cependant d’être clos. Le versement est légitime, nécessaire et justifié économiquement. À l’inverse, la baisse ou suppression du versement serait une subvention cachée aux opérateurs d’effacement.
1. Le versement est légitime car le fournisseur injecte l’électricité effacé
Le versement est la contrepartie du fait que le fournisseur injecte de l’électricité dans le réseau pour laquelle il n’est pas rémunéré puisque cette dernière n’est pas consommée.
Même si le fournisseur était au courant en amont de l’opération d’effacement, il ne pourrait pas ne pas injecter l’électricité correspondante. En tant que responsable d’équilibre, il a obligation d’injecter l’énergie qui sera ultérieurement effacée. L’absence d’une obligation d’injection menacerait la préservation de l’équilibre instantané entre production et consommation d’électricité comme le montre cet exemple avec deux fournisseurs F1 et F2.
L’absence d’une obligation d’injection menacerait la préservation de l’équilibre
Dans cet exemple, identique à celui utilisé en première partie du rapport, F1 achète, en J-1, 100 MWh et F2 80 MWh de production. F1 est à l’équilibre. Ses clients consommeront, en J, 100 MWh, et c’est précisément la quantité d’électricité qu’il injectera sur le réseau. En J-1, F2 doit, lui, encore trouver 20 MWh supplémentaires pour couvrir la consommation de ses clients qui sera également de 100 MWh en J. Les 20 MWh restants peuvent être produits par les centrales électriques qu’il exploite mais ils peuvent également lui être fournis par un opérateur d’effacement qui effacera pour cela 20 MWh de consommation chez les clients de F1 en J. Dès lors, les clients de F1 ne consommeront plus que 80 MWh. En supposant que F1 soit au courant en J-1 de l’opération d’effacement, s’il n’était pas contraint de maintenir le même niveau d’injection d’électricité, il n’injecterait plus que 80 MWh, soit précisément la consommation de ses clients, c’est-à-dire celle pour laquelle il sera payé par eux. Dans une telle situation, tous les acteurs seraient alors apparemment équilibrés, mais en réalité, le système électrique serait déséquilibré, puisque seulement 160 MWh seraient injectés (80 MWh par F1 et 80 MWh par F2) quand 180 MWh seraient consommés.
2. La baisse des prix de gros de l’électricité ne justifie pas une réduction du versement
Le principal argument mis en avant pour justifier une réduction du versement à la charge des opérateurs est celui de la baisse des prix de gros engendrée par la vente de quantités d’énergie effacées sur le marché de gros de l’énergie. En vendant les quantités effacées sur les marchés, les opérateurs d’effacement font baisser les prix de l’électricité et diminuent ainsi les coûts d’approvisionnement des fournisseurs. Les fournisseurs gagneraient donc doublement à l’effacement électrique diffus, d’une part à travers la baisse des prix de gros, et, d’autre part, à travers la rémunération qui leur est versée par les opérateurs d’effacement.
1° L’éventuelle baisse des prix de gros de l’électricité ne justifie toutefois pas une réduction du versement pour les trois raisons suivantes :
2° Il n’est pas possible de calculer la baisse du prix de gros engendrée par l’offre d’effacement. Il faudrait pour cela calculer le prix qui prévaudrait en absence d’effacement. Cela n’est possible qu’en faisant l’hypothèse que les acteurs auraient adopté le même comportement en l’absence d’offre d’effacement. Or, les acteurs ajustant leurs comportements les uns en fonction des autres, il est probable qu’ils agissent différemment en présence d’offre d’effacement et en l’absence de cette offre. Il est donc irréaliste de penser pouvoir calculer la baisse exacte des prix engendrée par l’opération d’effacement ;
3° Il n’est pas certain qu’en présence d’une baisse des prix de gros les fournisseurs en profiteraient. Ces derniers s’approvisionnent sur des contrats à terme ou sur la bourse de l’électricité ou grâce au dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), qui constitue un droit pour les fournisseurs d’acheter de l’électricité à EDF à un prix régulé et pour des volumes déterminés par la Commission de régulation de l’énergie. La baisse des prix de gros de l’électricité à un moment « t » ne profiterait donc pas directement aux fournisseurs ;
4° Enfin, même en postulant l’existence d’une baisse importante des prix profitant aux fournisseurs, il ne semble pas légitime de rémunérer l’opérateur d’effacement pour cette baisse du niveau des prix. Tout nouvel entrant, quel que soit le marché, fait baisser les prix en augmentant les quantités offertes sur le marché et en amplifiant la concurrence entre offreurs. Les acteurs auditionnés par la mission ont souvent fait la comparaison suivante : il n’y a pas de justification particulière à rémunérer l’opérateur d’effacement pour la baisse des prix induite par son action et non les vendeurs de double vitrage qui réduisent également la demande d’électricité et font donc baisser son prix de gros.
3. Il n’est pas pertinent de s’inspirer du modèle américain qui repose sur une réduction du versement
Le second argument souvent avancé pour justifier la baisse ou suppression du versement à la charge des opérateurs d’effacement se base sur l’exemple américain. Il n’est toutefois pas justifié d’appliquer le modèle américain en France.
Le modèle américain reposant sur l’absence de versement
Le modèle américain fonctionne sur l’absence de versement de l’opérateur d’effacement en direction du fournisseur d’électricité. Contrairement aux opérateurs d’effacement en France, les opérateurs d’effacement américains sont donc rémunérés, en cas de baisse de prix, au prix spot et non au prix spot diminué du prix de fourniture.
Cette absence de versement a été récemment validée au plus haut niveau. La Cour suprême américaine a jugé, dans une décision du 25 janvier 2016, que la Federal Energy Regulatory Commission (FERC) (22) n’avait pas outrepassé ses compétences en permettant aux opérateurs d’effacement de ne pas payer le versement aux fournisseurs pour l’énergie effacée, si l’effacement permet une réduction des prix.
Certaines conditions doivent toutefois être réunies pour que le gestionnaire du réseau demande l’activation de l’effacement.
Premièrement, l’effacement doit faciliter, de la même manière que les offres de production, l’équilibrage offre-demande sur le marché. Le niveau de consommation après effacement doit être effectivement réduit par rapport au niveau attendu sans action d’effacement.
Deuxièmement, l’activation de l’effacement doit permettre de faire diminuer le prix marginal, et donc le coût pour les acheteurs, d’un montant supérieur au coût représenté par le paiement de l’effacement au prix marginal. Concrètement, les gestionnaires de réseau de transport définissent un seuil au-delà duquel il est moins coûteux de faire appel à une offre d’effacement que de recourir à une offre de production. Dès que le prix marginal sur le marché dépasse ce seuil, alors l’effacement est rémunéré au prix marginal et non au prix marginal diminué du prix de fourniture. À l’inverse, lorsque le prix marginal est inférieur à ce seuil, il est plus avantageux pour les acheteurs de payer une offre de production additionnelle, plutôt que de payer une offre d’effacement et d’en supporter le financement, la baisse des prix de marché étant insuffisante pour compenser ce surcoût.
Les différences structurelles d’organisation entre marchés français et américains empêchent de tirer de conclusions sur la légitimité et la faisabilité que la réduction du versement à la charge des opérateurs pourrait avoir en France. L’absence de versement des opérateurs aux fournisseurs en cas de baisse des prix est doublement justifiée aux États-Unis.
Elle l’est, tout d’abord, en raison de l’organisation du marché de l’électricité américain, structurellement différente de celle du marché français. Le marché américain est fortement centralisé. Le gestionnaire de réseau de transport, acheteur unique, sélectionne lui-même les offres qui serviront à satisfaire l’offre et la demande. Il peut donc clairement identifier la baisse de consommation associée à l’offre d’effacement qu’il choisit d’activer. Le fournisseur des sites effacés n’a pas l’obligation de maintenir le niveau d’injection de ses clients qui s’effacent, contrairement au système français. La justification du versement comme contrepartie d’une obligation d’injection pour le fournisseur n’a donc pas sa place aux États-Unis.
Ensuite, l’absence de versement en cas de baisse de prix est facilitée aux États-Unis par la possibilité de calculer plus facilement la baisse du prix marginal. Le gestionnaire du réseau de transport américain collecte toutes les offres de production, ce qui permet l’apparition d’un prix marginal sur l’ensemble des capacités de production. Ce calcul est beaucoup plus complexe en France dans la mesure où le marché français est décentralisé.
La FERC est d’ailleurs consciente du fait que la rémunération des effacements au prix spot revient à les subventionner. Elle permet une telle rémunération, d’une part, pour des raisons pratiques (le calcul du prix de fourniture pouvant être extrêmement complexe) et, d’autre part, pour des raisons de politique publique (notamment la volonté de lever les barrières au développement des effacements).
4. Les effets pervers de la suppression du versement sont nombreux
Rémunérer les opérateurs d’effacement au prix spot, et non au prix spot diminué du prix de fourniture, peut diminuer l’utilité du consommateur. Cela revient à créer une incitation pour les consommateurs à ne pas consommer. Les consommateurs étant plus fortement rémunérés lorsqu’ils s’effacent, ils peuvent être économiquement incités à s’effacer alors même qu’ils tireraient une utilité supérieure d’une consommation d’électricité.
Application numérique (CRE)
Lorsqu’il renonce à 1 MWh, un consommateur économise le prix d’achat de ce MWh. S’il pensait en obtenir une utilité de 50 €, et que le MWh lui coûte 40 €, sa rémunération ne doit pas excéder 10 € faute de quoi une distorsion est créée en le rémunérant davantage que nécessaire. Réduire le versement à la charge du consommateur peut engendrer une rémunération de 15 € et inciter le consommateur à s’effacer alors qu’il tirerait une plus grande utilité d’une consommation d’électricité.
B. ATTENDRE CERTAINS RETOURS D’EXPÉRIENCE ET PRIVILÉGIER D’AUTRES SOLUTIONS À COURT TERME
En raison des faiblesses du modèle économique, du contexte conjoncturel actuel et du climat d’incertitudes pesant sur la technique même de l’effacement électrique diffus, il ne paraît pas opportun de le subventionner davantage.
1. Attendre certains retours d’expérience
Il est nécessaire d’attendre d’avoir certains retours d’expérience avant de modifier en profondeur le cadre mis en place par la loi relative à la transition énergétique. Les différents acteurs du marché de l’effacement, qu’il soit diffus ou industriel, ont ainsi tous rappelé, lors des auditions, la nécessité pour eux d’avoir une certaine visibilité sur la valorisation possible des effacements. L’instabilité législative et réglementaire peut nuire à des solutions qui auraient pu autrement se développer et être porteuses d’innovation.
Les seuls éléments véritablement nouveaux depuis les débats parlementaires sont les deux rapports de RTE, l’un de 2015 sur la valorisation socio-économique des réseaux électriques intelligents et l’autre de 2016 sur les économies d’énergie. Le premier rapport ne préconise pas la généralisation des technologies d’effacement diffus et insiste sur les coûts importants pour de faibles économies d’énergie. Le second rapport indique certes que le taux de report n’est pas de 100 % et que les économies d’énergie engendrées par l’effacement électrique diffus sont réelles. Toutefois, le taux de report reste supérieur à 50 % quelle que soit l’expérimentation considérée, ce qui nuance l’effet significatif de l’effacement électrique diffus pour la maîtrise de la demande d’énergie.
Non seulement aucune analyse technique nouvelle n’est à même de justifier un retour sur les dispositions de la loi relative à la transition énergétique mais il est également nécessaire d’attendre les conclusions du rapport demandé par cette loi. L’article 168 de ladite loi prévoit qu’à l’issue d’une période de trois ans à compter de la promulgation de la loi pour la croissance verte, la Commission de régulation de l’énergie remettra un rapport au ministre chargé de l’énergie sur la mise en œuvre du régime de versement, sur l’impact de l’effacement de consommation sur les prix de marché, sur le mécanisme de capacité et sur les coûts des réseaux ainsi que sur la répartition entre les opérateurs d’effacement, les fournisseurs d’électricité et les consommateurs des flux financiers générés par l’effacement de consommation. Le cas échéant, la CRE pourra proposer au ministre chargé de l’énergie une modification des règles relatives au versement.
En plus du rapport de la CRE, d’autres retours d’expérience seront disponibles d’ici à 2018, comme l’ont notamment souligné les entreprises locales de distribution auditionnées par la mission d’information. L’utilité de Linky pour le développement des effacements diffus sera connue tout comme la valeur de la valorisation des effacements électriques diffus sur le marché de capacité. Rien ne sert de se précipiter dans un domaine où règne l’incertitude, d’autant plus que nous sommes dans une situation de surcapacité où d’autres technologies de gestion de la pointe se développent. Le rapport demandé à RTE et à l’ADEME sur le déploiement des réseaux électriques intelligents permettra également d’affiner les éléments sur la rentabilité des solutions d’effacements de consommation.
Si la loi relative à la transition énergétique a supprimé la prime aux opérateurs d’effacement mise en place dans la loi Brottes de 2013, les nouveaux appels d’offres mis en œuvre dans la loi relative à la transition énergétique reposent implicitement sur le même mécanisme. Ils sont également financés par la CSPE. Les modalités d’application de l’article relatif aux appels d’offres seront prochainement fixées par un décret en Conseil d’État, après avis de la Commission de régulation de l’énergie. Il serait préférable de limiter le coût, pour les consommateurs, de cette forme de subventionnement.
Proposition : Veiller à ce que le montant de la prime aux opérateurs d’effacement dans les appels d’offres ne pèse pas plus fortement sur la CSPE que l’ancienne prime dite « prime Brottes »
On peut émettre des doutes, soulevés également par certaines personnes auditionnées, sur la pertinence du régime dérogatoire mis en place par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Le régime dérogatoire, en cas d’économies d’énergies significatives (23), permet de diminuer le versement que doit faire l’opérateur d’effacement au fournisseur. Ce régime répartit le paiement fait au fournisseur effacé entre l’opérateur d’effacement et l’ensemble des fournisseurs (24). Les capacités d’effacement rémunérées dans le cadre des appels d’offres mis en place par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ne peuvent pas bénéficier de ce régime dérogatoire.
Les doutes relatifs à la pertinence de ce régime dérogatoire sont multiples :
– Ce régime dérogatoire a pour inconvénient de remettre en cause la légitimité du versement de l’opérateur d’effacement au fournisseur ;
– Les économies d’énergie sont extrêmement complexes à mesurer en raison des effets reports et peuvent être sources d’incertitudes voire de contentieux ;
– Ce régime dérogatoire n’est, in fine, pas favorable au développement des effacements diffus en raison de sa complexité et du manque de visibilité qu’il engendre ;
– Le régime dérogatoire revient à subventionner la valeur énergie des effacements diffus alors que la valeur capacitaire de ces derniers est bien plus importante.
2. Les autres techniques à valoriser à court et moyen terme
Afin, à la fois de gérer la pointe, de renforcer la flexibilité du système électrique et de faire des économies d’énergies, d’autres techniques que l’effacement électrique diffus dont la pertinence est avérée peuvent être privilégiées. Ces techniques mettent l’innovation et le consommateur au centre du dispositif.
a. Développer les outils de sobriété et d’efficacité énergétiques
L’efficacité énergétique est un moyen relativement simple de réduire nos consommations d’énergie et nos émissions de gaz à effet de serre.
Elle passe par des mesures d’efficacité énergétique dites passives renforçant la performance technique des bâtiments et améliorant, par exemple, leur isolation.
L’efficacité énergétique recouvre également les solutions d’efficacité énergétique dites actives visant à optimiser les flux énergétiques grâce à l’utilisation d’appareils performants et à des systèmes intelligents de mesure, de contrôle et de régulation.
Enfin, l’efficacité énergétique nécessité la sensibilisation des utilisateurs à leur empreinte environnementale. L’information et la formation des consommateurs doivent leur permettre de prendre conscience de la nécessité de maîtriser leur demande d’énergie.
b. Promouvoir les incitations tarifaires
Il ne s’agit pas de promouvoir les effacements tarifaires à la place de l’effacement électrique diffus dit de marché. Il n’y a pas de concurrence entre les différents types d’effacements comme ont pu le rappeler tous les acteurs auditionnés par la mission. L’effacement électrique diffus a d’ailleurs l’avantage, par rapport aux effacements tarifaires, de mieux permettre de gérer des pointes très fines.
Les incitations tarifaires sont extrêmement prometteuses pour la gestion de la pointe et la maîtrise de la demande d’énergie. Certes, il existe un risque que le consommateur choisisse de ne pas répondre au signal prix et de ne pas diminuer sa consommation où moment où une baisse de la demande serait pourtant utile pour l’équilibrage du système. Toutefois, ce risque serait fortement diminué si les incitations tarifaires se développaient. Plus le nombre de consommateurs à même de réagir à des signaux tarifaires augmente, plus la probabilité d’une baisse de la demande en période de pointe est forte. De plus, il faudrait promouvoir les effacements tarifaires qui sont actionnés par le fournisseur directement, i.e. ceux qui reposent sur une communication, à l’avance des tarifs d’électricité au client, ce dernier acceptant de voir sa consommation réduite à des moments prédéfinis où l’électricité est particulièrement chère. Ces effacements tarifaires sont plus utiles au système.
c. Encourager le développement des effacements industriels ou tertiaires
Les effacements doivent viser en priorité les gros consommateurs d’électricité. Pour Engie, que la mission a auditionné, l’effacement devrait cibler les trois millions de clients consommant plus de 10 MWh/an, i.e. l’industrie, le tertiaire et les gros clients résidentiels. Il considère le seuil de 10 MWh/an comme le seuil en deçà duquel l’effacement n’est pas rentable et au-delà duquel il le devient. Les effacements industriel et tertiaire sont donc à privilégier.
Les effacements industriel et tertiaire pourraient d’ailleurs devenir de plus en plus pertinents et utiles. La fin des tarifs réglementés au 31 décembre 2015, notamment l’EJP, tend à libérer une capacité d’effacement importante pour les offres de marché, notamment les effacements tarifaires et industriels.
C. ENCOURAGER DES MODÈLES D’EFFACEMENT DIFFUS INNOVANTS ET CENTRÉS SUR LES CONSOMMATEURS
Certains acteurs auditionnés par la mission ont fait part de leurs craintes quant aux dérives et aux contentieux juridiques que pourrait engendrer un développement des effacements. Le risque de dérive repose sur l’augmentation de la consommation de référence. Les consommateurs étant rémunérés en fonction de la différence entre la consommation qu’ils pouvaient réaliser, appelée consommation de référence, et leur consommation réelle, ils sont incités à augmenter leur consommation de référence pour vendre une plus grande quantité d’électricité effacée. L’exemple souvent donné au cours des auditions menées par la mission est celui du stade de Baltimore. Ayant connaissance d’une période de pointe à venir, le stade alluma son éclairage en pleine journée pour créer une demande et être ensuite rémunéré pour la réduire. La Commission fédérale de régulation de l’énergie américaine (FERC) lui appliqua une amende. Le risque de contentieux s’explique également par un problème de mesure des consommations de référence et des quantités effacées. Il s’agit donc, pour la puissance publique, d’anticiper les risques de dérives et de contentieux en encourageant l’utilisation d’une juste mesure des effacements diffus réalisés.
Force est de constater que la France a fait émerger un modèle fortement concurrentiel où des tiers, opérateurs d’effacement, ont toute leur place à côté d’acteurs plus anciens dans le secteur de l’électricité. Un tel modèle peut être complété pour encourager un plus grand nombre d’acteurs à créer des modèles d’effacement diffus innovants, en renforçant dès aujourd’hui la visibilité des acteurs du secteur quant à la mesure et à la valorisation des effacements.
1. Améliorer la visibilité quant à la mesure des effacements diffus
L’effacement électrique diffus est extrêmement compliqué à mesurer car une mesure exacte nécessiterait de connaître l’énergie qui aurait été consommée sans l’intervention de l’opérateur d’effacement.
Pour établir la consommation d’un client s’il n’avait pas participé à un effacement, plusieurs méthodes peuvent exister et permettre de calculer le volume d’effacement réalisé. Deux classes de méthodes sont utilisées : les méthodes dites « non-baseline » et les méthodes « baseline ».
Les méthodes non-baseline s’appuient uniquement sur les courbes de charge des clients effacés et tentent de comparer la consommation avant effacement avec la consommation après effacement. Les méthodes proposées par différents acteurs (et notamment Direct Energie, EDF et Voltalis) en font partie.
Les méthodes baseline reposent sur une consommation de référence, purement théorique, qui est celle qui aurait prévalu sans effacement. Les méthodes baseline estiment la courbe de charge des clients effacés à partir de courbes de charge de clients non effacés. Plus les clients « de références » (non soumis aux effacements) ont des profils de consommation proches de ceux des clients effacés (hors période d’effacement), plus la consommation de référence est pertinente. Parmi les méthodes « baseline », on trouve par exemple la méthode des panels testée dans le cadre du projet Greenlys.
Au sein même de chacune des classes de méthodes, les modalités de mesure peuvent différer. Ainsi, RTE, dans son rapport d’évaluation des économies d’énergie et des effets de bord, utilise deux méthodes non baseline différentes et trois méthodes baseline différentes pour mesurer les effacements de consommation.
Alors que plusieurs méthodes de calcul du volume d’énergie effacée peuvent refléter différents types d’effacement et permettre à l’innovation d’émerger, il est important de garantir un traitement non-discriminatoire à tous les acteurs.
Pour ce faire, il est nécessaire de disposer d’une trame permettant d’analyser l’ensemble des méthodes de contrôle des effacements, de vérifier leur fiabilité avant d’autoriser leur utilisation pour le calcul effectif des effacements sur le marché. Avoir une méthode de contrôle unique emporterait un risque car cela risquerait de verrouiller les méthodes de contrôle sur un modèle d’effacement et empêcherait la percée d’opérateurs avec de nouveaux business models. Il faut donc, sur le sujet du contrôle des effacements, à la fois assurer un traitement équitable des effacements (une méthode commune de calcul) et permettre aux nouveaux modèles économiques d’émerger (plusieurs de méthodes de calcul).
RTE a entamé ce travail dans son rapport sur les économies d’énergie et sur le report de consommation associés aux effacements de consommation. Ce travail doit être poursuivi afin de permettre à de nouveaux acteurs de l’effacement d’émerger tout en garantissant un contrôle efficace et équitable des effacements de consommation. Les recommandations qui figurent à la fin de ce rapport devraient être suivies pour organiser au mieux une seconde campagne de tests, qui permettra d’affiner les informations disponibles dans le débat public au sujet de l’effet des différentes formes d’effacement de consommation.
Proposition : Poursuivre les travaux engagés par RTE pour tester, agréer, contrôler et vérifier l’efficacité des méthodes de contrôle du réalisé et de mesure des effacements de consommation
2. Améliorer la visibilité quant à la rémunération des effacements diffus
Selon un principe de base en théorie économique, les entrepreneurs et les investisseurs ont besoin d’un cadre réglementaire et législatif clair, stable et visible à moyen terme pour pouvoir mener à bien leurs projets. Or, jusqu’à présent, le cadre législatif et réglementaire a fortement été modifié.
Le système des appels d’offres mis en place dans la loi relative à la transition énergétique paraît être à même d’offrir la stabilité et la visibilité tant souhaitée.
Un dispositif pourrait accroître encore plus la visibilité de la rémunération tirée des effacements, notamment diffus : la mise en place d’un prix plancher dans les appels d’offres. Un tel prix plancher, fixé à un juste niveau, pourrait inciter à l’innovation sans pour autant induire la création d’une bulle sur l’effacement électrique.
Il ne semble pas nécessaire de créer deux prix planchers différents, pour les effacements industriels et pour les effacements diffus. Une telle discrimination entre les différents types d’effacements n’est pas souhaitable étant donné qu’ils apportent le même service aux réseaux électriques.
Proposition : Mettre en place, dans les appels d’offres créés par la loi relative à la transition énergétique, un prix plancher pour accroître la visibilité offerte aux entrepreneurs et aux investisseurs
Pour le moyen et long terme, il serait envisageable d’axer les appels d’offres sur les produits de Home Management (et plus particulièrement sur ceux qui permettent un couplage effacement/production locale/stockage).
Il serait également bénéfique, dans la perspective d’améliorer la visibilité des acteurs quant à la rémunération des effacements, de mettre fin à l’incertitude sur l’articulation entre appels d’offres et marché de capacité.
Cela passe, tout d’abord, par un soutien à la vision française du marché de capacité. Aujourd’hui, l’incertitude créée par l’enquête de la Commission européenne sur le marché de capacité, à laquelle est subordonnée la mise en place d’enchères organisées par EPEX (25) en 2016, est forte. Il s’agirait de défendre la vision française du marché de capacité tout en soutenant une intégration européenne du mécanisme de capacité.
Cela passe également par la recherche d’un consensus sur l’articulation entre appels d’offres et marché de capacité. Dans le cas où le mécanisme de capacité serait validé par la Commission européenne, l’effet que les valeurs capacitaires auront sur le résultat des appels d’offres effacement, notamment sur le prix de ces appels d’offres, n’est pas connu. Ce point devra être traité dans la concertation avec les acteurs de marché afin d’apporter de la visibilité des opérateurs sur les offres d’effacement et leurs structures pour 2017.
Proposition : Accroître la visibilité des opérateurs d’effacement en recherchant un consensus sur la façon dont les valeurs capacitaires pourront influer sur le résultat des appels d’offres effacement
L’effacement électrique diffus permet une meilleure gestion de la pointe et est susceptible d’être de plus en plus utile dans les années à venir, notamment pour l’intégration des énergies renouvelables. Pourtant, aujourd’hui, le modèle économique souffre de faiblesses importantes, accentuées par la conjoncture qui ne permet pas une bonne valorisation des effacements. La puissance publique doit donc réussir à trouver un juste équilibre. S’il ne faut pas subventionner un modèle économique inadapté, il ne faut pas pour autant tuer une filière qui pourrait prendre des formes plus innovantes, centrées sur les gains retirés par les consommateurs. La France a mis en place un dispositif de valorisation de l’effacement électrique diffus novateur en Europe qu’il convient à la fois d’évaluer et de compléter pour assurer une meilleure visibilité aux acteurs potentiellement innovants.
EXAMEN DU RAPPORT EN COMMISSION
Lors de sa réunion du 26 avril 2016, la commission a examiné le rapport d’information relatif aux enjeux et aux impacts de l’effacement électrique diffus (Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure).
Mme la présidente Frédérique Massat. Je vous rappelle que la mission d’information a été créée à la suite du rejet en commission des affaires économiques, le 18 novembre 2015, de la proposition de loi de M. Yves Jégo tendant à favoriser la baisse de la production de CO2 par le développement de l’effacement électrique diffus, par ailleurs rejetée en séance publique le 26 novembre 2015.
Cette mission d’information se compose de M. Yves Jégo, président, Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure, MM. Frédéric Barbier, Christophe Borgel, Mme Béatrice Santais et MM. André Chassaigne, Jean-Claude Mathis, Michel Sordi et Denis Baupin.
Je tiens à les féliciter pour ce rapport très complet, qui nous permet d’avoir une bonne vision de ce que peut être l’effacement électrique diffus, notamment pour les particuliers, les industriels et les acteurs qui œuvrent aujourd’hui dans ce domaine. Si ce rapport est parfois un peu technique, c’est parce que le sujet n’est pas simple.
La question qui sous-tend ce rapport est triple. Elle est d’abord environnementale : dans quelle mesure l’effacement diffus est-il une solution prometteuse pour l’environnement ? Elle est ensuite économique : comment le marché de l’énergie peut-il permettre une bonne intégration des nouveaux acteurs qui réalisent les opérations d’effacement et comment faut-il distribuer les gains financiers induits par l’effacement ? Enfin, elle est technologique : que peut apporter le progrès technique aux effacements électriques diffus ? Quel rôle doit jouer la puissance publique dans ce domaine ?
Ce rapport comporte un certain nombre de propositions qui nous permettent de voir comment peuvent évoluer les mesures que nous avons adoptées dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Madame la présidente, mes chers collègues, la mission a été créée à la suite de l’avis négatif, donné en commission des affaires économiques, le 18 novembre 2015, à la proposition de loi de M. Yves Jégo tendant à favoriser la baisse de la production de C02 par le développement de l’effacement électrique diffus. La commission a considéré que l’adoption de cette proposition reviendrait à légiférer dans la précipitation. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, votée en août dernier, contient en effet de nombreuses dispositions sur l’effacement électrique diffus, qui, pour la plupart, ne sont pas encore entrées en vigueur.
Ne souhaitant toutefois pas couper court au débat, la commission a créé cette mission d’information dans une démarche constructive avec les groupes minoritaires et d’opposition, pour entendre tous les acteurs concernés par l’effacement diffus – opérateurs d’effacement, fournisseurs d’électricité, gestionnaires de réseaux, autorités de régulation et consommateurs –, évaluer précisément les charges qui pèsent sur eux et estimer la nécessité de légiférer ou non dès maintenant pour modifier les dispositions de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Depuis le mois de décembre, la mission a auditionné soixante-cinq personnes. Elle a effectué un déplacement à Capbreton, près de Biarritz, au siège de Smart Grid Energy, entreprise d’effacement industriel développant un modèle innovant d’effacement électrique diffus.
L’effacement électrique diffus n’est pas un sujet connu du grand public, contrairement à l’effacement industriel. Le présent rapport se veut être à la fois un exercice pédagogique présentant l’effacement électrique diffus, une évaluation de ses atouts et de ses faiblesses actuels, une réflexion sur la nécessité de modifier le cadre législatif et réglementaire relatif à l’effacement diffus ainsi qu’un travail prospectif sur ce que pourrait être l’effacement diffus dans les années à venir.
Un effacement de consommation consiste en une réduction temporaire du niveau de consommation électrique d’un site. Il existe différents types d’effacement. L’effacement industriel repose sur la réduction de consommation des sites industriels. L’effacement électrique diffus fait, lui, appel à l’agrégation de microcoupures chez les particuliers. Il s’agit, par exemple, d’interrompre brièvement, mais de façon synchronisée, l’alimentation de radiateurs, de chauffe-eau, ou de climatiseurs situés dans des logements pour réduire la consommation d’électricité d’une région ou d’un pays. Contrairement à l’effacement industriel qui a déjà fait ses preuves et montré son efficacité, l’effacement diffus fait face à de nombreuses difficultés pour se développer. C’est pourquoi notre mission s’est concentrée sur ce type d’effacement.
L’opérateur d’effacement peut être soit le consommateur lui-même, soit un tiers qui joue un rôle d’intermédiaire et de courtier. Il existe différentes catégories d’opérateurs d’effacement jouant ce rôle d’intermédiaire : opérateurs d’effacement indépendants – ce sont des entreprises dont l’effacement est l’activité principale – et opérateurs d’effacement également fournisseurs et/ou producteurs. L’articulation de l’action de l’opérateur d’effacement avec celle des autres acteurs du marché de l’électricité ainsi que la répartition du bénéfice tiré de l’opération d’effacement entre les acteurs sont au cœur des enjeux liés à 1’effacement électrique.
La France a développé l’effacement et créé un cadre pour les opérateurs d’effacement indépendants afin de répondre à une problématique spécifique qu’est la pointe électrique. Historiquement, la pointe est le problème majeur du système électrique français. Elle génère des émissions de C02 et suscite des coûts importants. Chacun ici se souvient de la pointe hivernale de 2012… L’effacement électrique diffus, en diminuant le recours à des moyens de production thermique à combustible fossile en France et à l’étranger, contribue à répondre au défi important de gestion de la pointe et par là même à diminuer les émissions de C02 et à réduire les contraintes d’acheminement sur les réseaux.
Pour développer l’effacement, la France a placé l’effacement, qu’il soit industriel ou diffus, sur le même plan que les moyens de production. Permettez-moi de rappeler brièvement le contexte législatif.
En 2013 est votée la loi, dite « Brottes », visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre. Cette loi définit, pour la première fois, un cadre pour les effacements explicites, c’est-à-dire permettant la valorisation de l’énergie effacée sur les marchés de l’énergie. Le principe d’une rémunération des fournisseurs par les opérateurs d’effacement est posé, ainsi que celui du versement d’une prime aux opérateurs d’effacement, alimentée par la contribution au service public de l’électricité (CSPE), au titre de leur contribution aux objectifs de la politique énergétique.
En juillet dernier, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte en a tiré les enseignements et a modifié la loi Brottes. La prime aux opérateurs a été remplacée par un système d’appels d’offres rémunérant les effacements de consommation du candidat retenu et dont les modalités sont fixées par arrêté des ministres chargés de l’énergie et de l’économie. Le système d’appel d’offres a l’avantage, à l’inverse de la prime, de mieux maîtriser les charges du soutien public, et donc l’impact sur la facture du consommateur, et de piloter le déploiement de la filière en volume. La loi a introduit également un régime dérogatoire qui permet de diminuer le versement des opérateurs d’effacement aux fournisseurs effacés en cas d’économie d’énergies significatives, ce régime n’étant pas cumulable avec les nouveaux appels d’offres.
L’effacement diffus peut donc être valorisé sur le marché de gros de l’électricité, sur le marché de l’ajustement, les services système et les appels d’offres capacitaires de Réseau de transport d’électricité (RTE). Il le sera bientôt sur le mécanisme de capacité, dans le cadre des nouveaux appels d’offres et du régime dérogatoire.
Le rapport dresse trois grandes conclusions.
La première conclusion est que l’effacement électrique diffus fait face aujourd’hui à de très grandes difficultés pour se développer.
Le modèle économique existant souffre de faiblesses structurelles importantes. Ce modèle repose sur l’existence d’un tiers, opérateur d’effacement qui installe chez les particuliers volontaires un boîtier. Ce boîtier est posé sans coût pour les consommateurs et est piloté à distance par l’opérateur d’effacement. Il permet à la fois de mesurer la consommation et de couper les installations électriques pendant dix à trente minutes. L’opérateur d’effacement agrège ensuite les microcoupures et les valorise sur différents mécanismes et marchés, dont le marché de gros de l’électricité. Les économies réalisées ne sont pas toujours vérifiées. Le consommateur n’est pas rémunéré directement par l’opérateur d’effacement à la suite de cette valorisation. Ce modèle avec installation d’un boîtier dédié à l’effacement diffus n’est pas rentable : les coûts sont très importants et dépassent fortement les bénéfices qu’il est possible de tirer de l’effacement électrique diffus. De plus, la quasi-totalité des acteurs auditionnés par la mission est d’accord sur ce point : le modèle économique actuel n’est pas assez centré sur les gains pour les consommateurs. Certains vont jusqu’à dire que les consommateurs peuvent subir des pertes de confort s’ils se font effacer, ainsi que des pénalités financières s’ils disposent d’un boîtier d’effacement mais refusent trop souvent de se faire effacer.
Le contexte actuel renforce les difficultés auxquelles fait face l’effacement électrique diffus. Les prix de marché de l’électricité ont tellement chuté que les offres d’effacement ne trouvent pas de valorisation suffisante, même en y ajoutant les diverses subventions.
Toutefois, et c’est la deuxième grande conclusion du rapport, ces difficultés ne doivent pas conduire la puissance publique à tuer dans l’œuf une filière qui pourrait s’avérer utile à l’avenir. Le contexte du système électrique va nécessairement évoluer et pourrait recréer des espaces économiques de valorisation.
Le besoin d’effacements diffus pourrait augmenter en raison des nécessités d’intégration des énergies renouvelables sur le réseau. En effet, la variabilité de la production d’énergie renouvelable, du moins pour les filières éolienne et photovoltaïque, va imposer un pilotage accru des autres moyens – moyens de production, interconnexions, effacements ou stockage – pour assurer l’équilibre à tout instant de l’offre et de la demande résiduelle, c’est-à-dire de la consommation française diminuée de la production intermittente. Plus cette consommation résiduelle sera variable, plus la flexibilité du système devra s’accroître. Le besoin de flexibilité entraîne des possibilités de rémunération sans subvention pour les effacements via des mécanismes dédiés à la flexibilité ou sur le marché de l’énergie qui connaîtra des occurrences importantes de pics de prix. Le rapport de RTE sur la valorisation socio-économique des réseaux électriques intelligents a mis en évidence la rentabilité de l’effacement dans un contexte de transition énergétique ambitieuse, conforme à celui défini par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et à un horizon 2030.
Grâce au progrès technique, il est possible d’envisager des modèles d’effacement diffus innovants qui permettent d’effacer d’autres appareils que les chauffages électriques à toute période de l’année, qui soient rentables économiquement, plus faciles à mesurer et à valoriser, et qui permettent au consommateur final de récupérer une partie des gains engendrés par l’opération d’effacement. Des entreprises innovantes développent des dispositifs de home management qui pourraient remplir un service d’effacement pour le système électrique. Lors de son déplacement, la mission a ainsi observé une expérimentation d’effacement diffus innovant reposant sur des puces intégrées dans des appareils électroménagers, en l’occurrence un réfrigérateur. Ces nouveaux modèles sont à encourager. Il serait, par exemple, envisageable de cibler les appels d’offres effacement diffus sur les dispositifs innovants de home management, notamment sur ceux permettant un couplage effacement - production locale - stockage.
La troisième conclusion à laquelle est arrivée la mission d’information concerne le rôle que peut jouer la puissance publique.
La première tâche de la puissance publique consiste à rappeler que la rémunération que verse l’opérateur d’effacement au fournisseur effacé est légitime. Le versement est la contrepartie du fait que le fournisseur injecte de l’électricité dans le réseau pour laquelle il n’est pas rémunéré puisque cette dernière n’est pas consommée. La baisse ou la suppression du versement que certains acteurs appellent de leurs vœux serait une subvention cachée aux opérateurs d’effacement.
Il est ensuite nécessaire d’attendre d’avoir certains retours d’expérience avant de modifier en profondeur le cadre mis en place par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Il faut d’abord attendre quelques années afin d’évaluer les dispositifs de la loi – nouveau mécanisme d’appels d’offres et régime dérogatoire – qui ne sont pas encore entrés en vigueur.
En plus du rapport de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) prévu par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, d’autres retours d’expérience seront disponibles d’ici à 2018 : les compteurs Linky et le marché de capacité. L’utilité de Linky pour le développement des effacements diffus sera mieux connue. Les compteurs Linky ne permettront pas directement de faire des effacements diffus mais seraient à même de les faciliter. Les opérateurs d’effacement pourraient, grâce au plugin de Linky, y brancher un appareil qui ne comporterait plus que la fonction effacement, la fonction paramétrage - mesure - comptage étant déjà assurée par le compteur lui-même. La valeur de la valorisation des effacements électriques diffus sur le marché de capacité sera aussi mieux connue dans quelques années. Rien ne sert de se précipiter dans un domaine où règne encore l’incertitude.
Le rapport demandé à RTE et à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) sur le déploiement des réseaux électriques intelligents permettra également d’affiner les éléments sur la rentabilité des solutions d’effacement de consommation. Afin, à la fois de gérer la pointe, de renforcer la flexibilité du système électrique et de faire des économies d’énergie, d’autres techniques que l’effacement électrique diffus dont la pertinence est avérée peuvent être également développées. L’efficacité énergétique est un moyen relativement simple de réduire nos consommations d’énergie et nos émissions de gaz à effet de serre. Cela passe notamment par une meilleure isolation des bâtiments. Les incitations tarifaires sont également extrêmement prometteuses pour la gestion de la pointe et la maîtrise de la demande d’énergie. Il faut faire en sorte d’avoir davantage recours aux effacements tarifaires. Le rapport propose donc de favoriser le développement de ces solutions et de veiller à ce que les aides à l’effacement diffus ne pèsent, à court terme, de manière trop importante sur les consommateurs. Il serait bon ainsi de faire en sorte que le montant de la prime aux opérateurs d’effacement dans les appels d’offres ne pèse pas plus fortement sur la CSPE que l’ancienne prime dite « prime Brottes ».
Force est de constater que la France a fait émerger un modèle novateur fortement concurrentiel où des tiers, opérateurs d’effacement, ont toute leur place à côté d’acteurs plus anciens dans le secteur de l’électricité. La France est en avance par rapport à tous les autres pays européens sur l’ouverture de son marché aux différents types d’effacement. Un tel modèle est à mettre en valeur sur la scène de la politique européenne de l’énergie alors que notre pays est souvent critiqué, à tort, sur son manque d’ouverture. Le cadre réglementaire et législatif français peut encore être complété pour encourager un plus grand nombre d’acteurs à créer des modèles d’effacement diffus innovants, en renforçant dès aujourd’hui la visibilité des acteurs du secteur quant à la mesure et à la valorisation des effacements.
Le rapport propose ainsi : d’améliorer la visibilité quant à la mesure des effacements en poursuivant les travaux engagés par RTE pour tester, agréer, contrôler et vérifier l’efficacité des méthodes de contrôle du réalisé et de mesure des effacements de consommation qui ne sont pas encore totalement calées ; de renforcer la visibilité des acteurs quant à la rémunération des effacements. Il serait bon de mettre en place, dans les appels d’offres créés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, un prix plancher pour accroître la visibilité des entrepreneurs et des investisseurs. Il est également nécessaire, quand le marché de capacité français sera validé par la Commission européenne, de rechercher un consensus sur la façon dont les valeurs capacitaires pourront influer sur le résultat des appels d’offres d’effacement et, bien sûr, d’encourager l’efficacité énergétique et la réhabilitation thermique.
En conclusion, vous aurez compris que l’effacement diffus est un sujet extrêmement complexe et qu’il n’est pas le seul levier pour gérer la pointe. Les modes de soutien qui ont été prévus par la loi avaient été conçus sur la base d’un diagnostic du système électrique qui a évolué très rapidement depuis. Cela ne les disqualifie pas en tant que tels mais il faut ouvrir la porte aux solutions et recommandations mises en valeur dans le rapport. Il est nécessaire sur le sujet d’assurer une veille constante et de réactualiser la conclusion proposée dès que l’on aura plus de visibilité sur les évolutions pressenties.
M. Jean Grellier. Madame la présidente, je voudrais m’associer, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, à l’hommage que vous avez rendu à Mme Anne Grommerch dont j’avais pu apprécier l’engagement lors de la commission d’enquête sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie, compte tenu de son implication territoriale.
Madame la rapporteure, je tiens à vous féliciter pour votre maîtrise sur un sujet très technique. Comme vous l’avez dit, il convient d’agir sur plusieurs leviers, dont certains ont été inscrits dans les différents textes qui ont été examinés par notre Assemblée. Il faut intégrer cette capacité nouvelle d’effacement diffus qui a fait ses preuves dans le secteur industriel, notamment pour les électro-intensifs, puisque c’est un argument de compétitivité relativement important, mais qui est techniquement beaucoup plus complexe à mettre en place pour l’ensemble des consommateurs.
Vous faites des propositions qui pourraient être intégrées aujourd’hui dans cette démarche, tout en indiquant qu’il faut analyser les mesures qui ont été prises, notamment dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, afin de connaître précisément quelles en sont les conséquences pour la consommation de l’ensemble de nos concitoyens.
Les éléments financiers du gagnant-gagnant sont également importants à prendre en compte, tant pour le producteur-distributeur d’électricité que pour l’ensemble des acteurs qui contribueront à mettre en place cet effacement diffus.
Que peut apporter l’effacement diffus par rapport aux tarifs qui sont incitatifs à certains moments de consommation ? Quelles sont les capacités d’innovation pour maîtriser cette nouvelle approche ? Le compteur Linky, qui est remis en cause dans certains territoires, peut-il être un élément important pour contrôler l’effacement et ses conséquences ?
Les démarches entreprises en termes de recherche sur le stockage peuvent-elles contribuer à modifier l’intérêt de cet effacement ?
Je suis d’accord avec vous, il faut peut-être donner du temps au temps. Cela dit, je vous remercie pour les pistes que trace ce rapport dans la perspective d’un effacement diffus.
Mme Laure de la Raudière. Madame la présidente, je tiens à dire, au nom du groupe Les Républicains, que le décès de notre collègue Anne Grommerch nous a tous laissés terriblement tristes. Nous avions, comme vous tous ici, beaucoup d’estime et d’amitié pour Anne, qui était une femme engagée et dont l’énergie de vie était tout à fait remarquable. C’était un modèle de courage, de persévérance, d’engagement politique. Notre commission et mon groupe politique se sentent un peu orphelins aujourd’hui. Nous aurions aimé qu’elle soit l’exemple de quelqu’un qui gagne face au cancer car, malgré de nombreuses rechutes, elle n’a jamais baissé les bras dans aucune partie de sa vie, en tant que femme, en tant que mère, et en tant que femme politique.
M. Antoine Herth. Madame la rapporteure, nous étions habitués depuis plusieurs années à l’expertise de M. François Brottes sur ce sujet. Vous avez repris le flambeau avec brio et je tiens à vous féliciter pour ce travail très technique.
Je vous poserai trois questions.
Premièrement, combien de compteurs intelligents faut-il pour que l’effacement diffus devienne un élément significatif pour la gestion des réseaux ? On a bien compris en effet que pour peser sur une pointe il faut qu’il y ait beaucoup de monde.
Ma deuxième question concerne l’importance de l’intégration des énergies renouvelables. On sait bien que c’est l’un des facteurs de difficulté de gestion du réseau. Quel est l’intérêt pour le consommateur dans le cadre d’un marché surabondant avec des prix extrêmement bas ? Comment lui garantir une attractivité dans ce contexte ? Nous voyons, au fil des auditions que nous menons sur la situation d’EDF, que le marché s’est totalement retourné, et que ce qui était un sujet important dans un marché de prix plus élevés l’est peut-être aujourd’hui beaucoup moins. N’y a-t-il pas un prix plancher en deçà duquel rien ne change qu’il y ait ou non un compteur Linky ?
Ma troisième question porte sur la responsabilité des acteurs historiques - producteurs, transporteurs, distributeurs. On le sait, la France a besoin de renforcer considérablement les lignes de transport électrique. C’est vrai dans les territoires excentrés - je pense à la Bretagne - mais aussi en cas de fermeture d’une centrale nucléaire - je pense à l’Alsace. N’est-ce pas une manière de déplacer le débat vers le consommateur et de déresponsabiliser ceux qui ont la responsabilité de renforcer les réseaux de distribution et de les mettre à niveau ?
M. Philippe Armand Martin. Madame la rapporteure, je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention, et je vous félicite pour le travail que vous avez accompli.
Vous nous avez parlé du principe de l’effacement diffus qui est assez simple : en cas de pic de consommation, l’opérateur peut, grâce à un boîtier, réduire la consommation du particulier en coupant l’alimentation de certains appareils pendant une durée de quinze à vingt minutes, et ainsi limiter la consommation totale sur l’ensemble du territoire à ce moment précis.
La Commission de régulation de l’énergie, saisie du contentieux entre l’agrégateur Voltalis et EDF, a considéré que l’économie réalisée sur la consommation d’électricité pouvait être revendue à un réseau de transport d’électricité comme de l’électricité non produite. Pouvez-vous nous indiquer ce que représente le coût de rachat de l’effacement diffus en 2015 ?
Concernant les particuliers, il s’avère que l’effacement diffus n’est en fait qu’un décalage ou un report de consommation d’électricité. Dès lors, comment quantifier la réduction de la consommation d’énergie électrique ? Dispose-t-on d’éléments chiffrés qui permettent de constater une vraie réduction de la consommation d’énergie électrique ?
Mme la présidente Frédérique Massat. Madame la rapporteure, comme vous l’avez dit, l’effacement électrique diffus est un sujet complexe. Vous avez fait une évaluation de la situation et présenté un certain nombre de propositions. En tout état de cause, c’est un dossier que notre commission suivra avec attention.
Mme la rapporteure. Monsieur Jean Grellier, je partage les propos que vous avez tenus et les questions que vous vous posez encore. Les multiples informations que nous avons eues lors de nos auditions nous ont conduits à chaque fois à nous interroger un peu plus. Si Monsieur Philippe Armand Martin considère que le principe de l’effacement diffus est assez simple puisqu’il suffit d’appuyer sur un bouton, les choses se compliquent quand il s’agit de mesurer son incidence sur le réseau et de savoir comment capter cette ressource et la valoriser.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, des entreprises innovantes développent des dispositifs de home management. Demain, on pourra, grâce à une application, arrêter son chauffage quand on part en vacances et le rallumer à distance avant d’arriver chez soi pour optimiser les économies d’énergie. Cela se traduira par des économies sur la facture d’électricité, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui avec le modèle actuel d’effacement. Les personnes que nous avons auditionnées nous ont dit en effet que le système actuel engendrait assez peu d’économies d’énergie. Il faut traiter la question du report de consommation lorsque l’on a effacé. Comment mesurer ce report ? Doit-on reporter la totalité à un instant t + 2 heures ou t + 24 heures ? Le rebond ne neutralise-t-il pas l’économie réalisée ? On entend par rebond la surconsommation engendrée par exemple par un radiateur que l’on rallume après avoir été éteint pendant trente minutes. Aujourd’hui, on n’a pas l’assurance d’avoir une vraie réponse à ces questions puisque les méthodes de calcul sont encore en cours. C’est pourquoi nous préconisons de ne pas se précipiter dans des dispositifs dont les effets ne sont pas encore clairement connus aujourd’hui. En matière de stockage, les progrès sont très rapides et peuvent contribuer assez rapidement à compléter ce bouquet d’outils dont nous disposons – efficacité énergétique, économies d’énergie, innovation et effacement tarifaire.
J’en viens au compteur Linky qui est contesté sur un autre plan. Ce compteur permet actuellement de proposer des offres tarifaires intéressantes, donc de l’effacement tarifaire. Il indique au consommateur que de telle heure à telle heure on est en période de pointe, donc que l’électricité coûte très cher à ce moment-là. C’est un peu le même esprit que l’option tarifaire « Effacement jour de pointe » (EJP) dont certains d’entre vous se souviennent certainement. Pourquoi ne pas imaginer demain que le consommateur devienne acteur de sa consommation en la réduisant quand le compteur Linky lui indiquera qu’à tel moment le courant va lui coûter cher ? Ainsi, l’effacement se ferait de manière opérationnelle par le consommateur. Mais on n’en est pas encore là. Le déploiement qui est en cours permettra de relever les compteurs à distance, d’équilibrer le réseau, etc. mais pas d’effacer. Il faudra qu’il y ait un opérateur d’effacement qui branche ce compteur pour pouvoir le faire.
Monsieur Antoine Herth, combien de compteurs intelligents faut-il pour que l’effacement diffus devienne un élément significatif pour la gestion des réseaux ? Je ne peux pas vous répondre précisément. Il en faut beaucoup car l’effacement diffus ne sera efficace que s’il est de masse. Ce n’est pas encore pour tout de suite...
Avec un prix de marché de 23, 24 ou 25 euros, effacer n’est pas du tout rentable. Aussi, on peut se demander s’il faut inciter massivement aujourd’hui des dispositifs qui ne sont pas viables économiquement. Voilà pourquoi nous préconisons de ne pas se presser, d’attendre que des progrès soient faits et que les appels d’offres et les dispositifs qui ont été introduits dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte montrent leurs effets avant de progresser. Cela dit, il ne faut pas tuer cette filière parce que, même si elle n’est pas viable aujourd’hui d’un point de vue économique, elle peut être utile demain pour intégrer les énergies intermittentes qui vont arriver sur les réseaux de manière massive, comme le prévoit cette loi. Pour gérer ces arrivées, peut-être faudra-t-il parallèlement utiliser les effacements à la fois tarifaires et diffus qui auront alors un vrai rôle à jouer sur le marché.
Bien évidemment, nous travaillons pour que l’effacement diffus soit bénéfique pour le consommateur. Toutefois, cet effet n’est pas encore réellement prouvé. Si l’effacement tarifaire constitue un vrai bénéfice pour le consommateur, c’est moins évident pour l’effacement diffus, surtout en raison des prix de marché actuels.
Monsieur Philippe Armand Martin m’a interrogé sur le conflit entre Voltalis et EDF et m’a demandé ce que représente le coût de rachat de l’effacement diffus en 2015. Il est ridicule, voire nul, parce que le système ne fonctionne pas avec les anciens outils. Et nous ne connaissons pas encore les effets des nouveaux dispositifs qui ont été introduits dans la loi. Les appels à projet n’ont en effet pas encore montré leurs effets positifs ou négatifs. Aussi, je ne saurais vous répondre. Mais si vous le souhaitez, nous enquêterons plus précisément et je vous donnerai personnellement une réponse.
Madame la présidente, j’espère avoir répondu à l’ensemble des orateurs.
Mme la présidente Frédérique Massat. C’est un sujet sur lequel nous devrons revenir. Comme vous le savez, nous auditionnerons prochainement le président de RTE sur la situation d’EDF, ce qui ne nous empêchera pas, le cas échéant, de l’interroger sur l’effacement électrique diffus.
*
La commission autorise la publication du rapport d’information.
Faire preuve de vigilance aujourd’hui face aux effacements électriques diffus
1. Veiller à ce que le montant de la prime aux opérateurs d’effacement dans les appels d’offres ne pèse pas plus fortement sur la CSPE que l’ancienne prime dite « prime Brottes »
Créer un environnement législatif et réglementaire favorisant de nouveaux modèles d’effacement diffus centrés sur l’innovation et la redistribution des gains au consommateur final
2. Poursuivre les travaux engagés par RTE pour tester, agréer, contrôler et vérifier l’efficacité des méthodes de contrôle du réalisé et de mesure des effacements de consommation
3. Mettre en place, dans les appels d’offres créés par la loi relative à la transition énergétique, un prix plancher pour accroître la visibilité des entrepreneurs et des investisseurs
4. Accroître la visibilité des opérateurs d’effacement en recherchant un consensus sur la façon dont les valeurs capacitaires pourront influer sur le résultat des appels d’offres effacement
CONTRIBUTION PRÉSENTÉE PAR M. YVES JÉGO
AU NOM DU GROUPE UDI
La gestion du système électrique non plus seulement par la production mais par la demande est une voie évidente et d’avenir, en particulier afin de faciliter l’intégration et donc le développement des énergies renouvelables intermittentes.
Dans cette perspective ainsi qu’afin d’économiser l’énergie (cf. le récent rapport de RTE), les mérites d’un large développement de l’effacement diffus au bénéfice des consommateurs et du système électrique français nous apparaissent clairement.
Dès lors que l’effacement diffus est utile pour la collectivité, il convient de lui donner un accès au marché dans des conditions robustes et viables, pour permettre à des acteurs économiques d’investir dans cette nouvelle filière, et dans le but de bénéficier en premier lieu aux consommateurs.
Le dispositif législatif tel qu’il existe aujourd’hui et qui est en cours de mise en place reste, cependant, comme la mission le met en évidence, complexe et précaire.
Il convient d’ores et déjà de voir plus loin pour imaginer un dispositif efficace, simple et clair pour le développement de l’effacement diffus.
À cet égard, la ligne directrice proposée par les représentants des consommateurs (UFC - Que Choisir) auditionnés par la mission a le double mérite de la simplicité et de l’efficacité économique : pas de prime, pas de versement, et pas non plus d’appels d’offres financés par la CSPE.
Cette association neutre qui a effectué un travail de fond sur le sujet, se positionne clairement hors des intérêts commerciaux, au service des consommateurs et on ne peut que saluer leur travail.
Le développement de l’effacement doit être conçu dans l’intérêt des consommateurs.
Tous les consommateurs trouveront bénéfice à ce que l’effacement diffus puisse remplacer la production d’électricité, s’il est moins cher, et ce par le simple jeu du marché.
Il n’y a pour cela aucun besoin d’imposer en fait des règles complexes de partage des bénéfices à cette activité nouvelle qui profite de fait à tous.
Il n’y a dès lors aucune raison non plus de solliciter le concours des consommateurs via la CSPE, que ce soit dans la formule initiale de la prime aux opérateurs d’effacement, ni via des appels d’offres qui pourront se révéler coûteux.
Pour l’avenir nous proposons donc de retenir la proposition issue des travaux de L’UFC que choisir.
À condition que soient ainsi écartées les barrières actuelles à la valorisation des effacements diffus sur les marchés, des opérateurs y trouveront donc des revenus suffisants pour développer cette activité.
La concurrence entre les opérateurs d’effacement les portera naturellement à en faire bénéficier toujours plus les consommateurs participant à l’effacement.
Cette concurrence les poussera à rémunérer les consommateurs qui acceptent d’être effacés ou à offrir des bouquets de services toujours plus innovants et utiles pour les foyers français.
Là aussi, un tel dispositif rejoint donc le vœu exprimé par les représentants des consommateurs que les consommateurs effacés, en sus de l’économie réalisée, puissent bénéficier d’une rémunération pour leur acceptation d’être effacés.
D’ici à ce que cette évolution que nous appelons de nos vœux soit une réalité nous considérons qu’il faut maintenir le dispositif actuel même s’il présente de nombreux freins au développement de l’effacement électrique diffus.
Il est à noter que le régime de partage du versement existant ne constitue pas une subvention à l’effacement : il permet une prise en compte légitime de la valeur des effacements réalisant des économies d’énergies significatives. Un tel dispositif permet, d’une part, d’établir un versement qui garantit aux fournisseurs le maintien de leurs revenus en dépit de l’économie d’énergie réalisée par leurs clients et, d’autre part, de répartir la charge de ce versement entre tous les fournisseurs, plutôt que de l’imputer à l’opérateur d’effacement dont l’activité permet ces économies d’énergie et bénéficie financièrement à tous.
ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION D’INFORMATION
CRE* (Commission de régulation de l’énergie)
– M. Jean-Yves Ollier, directeur général
– Mme Domitille Bonnefoi, directrice adjointe, direction des réseaux
– Mme Olivia Fritzinger, chargée des relations institutionnelles
EDF* (Électricité de France)
– M. Patrice Bruel, directeur régulations
– M. Bertrand Le Thiec, directeur des Affaires publiques
– M. Jérémy Gallet, chargé de mission à la direction régulations
RTE* (Réseau de transport d’électricité)
– M. Olivier Grabette, membre du directoire, directeur général adjoint prospective, expertise et solutions
– M. Nicolas Beaulaton, directeur des relations institutionnelles
– Mme Clotilde Levillain, membre du directoire, directrice générale adjointe développement et ingénierie, exploitation et services
– M. Thomas Veyrenc, directeur du département marchés
ERDF (Électricité Réseau Distribution France)
– M. Pierre Guelman, directeur des affaires publiques
– M. Christophe Gros, chef du département mécanismes de flexibilité
DGEC (Direction générale de l’énergie et du climat)
– Mme Virginie Schwarz, directrice de l’énergie
– M. Julien Tognola, sous-directeur du service « marchés de l’énergie et des affaires sociales »
ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie)
– M. Damien Siess, directeur adjoint de la direction productions et énergies durables
– M. David Marchal, chef de service adjoint du service réseaux et énergies renouvelables
UFC que choisir
– M. Nicolas Mouchnino, chargé de mission
– M. Frédéric Blanc, juriste
ENGIE*
– M. Jean Baptiste Séjourné, directeur Régulation
– M. Guillaume Lehec, responsable de projet gestion de la demande d’énergie
– Mme Mercédès Fauvel Bantos, déléguée aux relations avec le Parlement
– Mme Valérie Alain, directeur des relations Institutionnelles
VOLTALIS
– M. Alexis Galley, co-fondateur de Voltalis
– M. Pierre Bivas, co-fondateur de Voltalis
LAMPIRIS
– Mme Sophie Audic, directrice générale Lampiris France
– Mme Annabelle Jacquet, directrice de Flexiris
– Mme Frédérique Turpault, legal and regulatory senior counsel
– M. Samuel Zeyen, manager marketing
DIRECT ENERGIE
– M. Fabien Choné, directeur général délégué de Direct Énergie
– Mme Frédérique Barthelemy, responsable des affaires institutionnelles
EDELIA
– M. Sébastien Jumel, directeur général
UFE (Union française de l’électricité)
– M. Robert Durdilly, président
– Mme Audrey Zermati, déléguée générale adjointe
ADEeF (Association des distributeurs d’électricité en France)
– M. Christophe Chauvet, Président
– Mme Virginie Delattre, assistante de Christophe Chauvet
COMMISSION EUROPÉENNE
– Mme Anne Houtman, conseillère principale auprès du directeur général de l’énergie
ELD (Entreprises locales de distribution)
– M. Claude Bourdet, délégué général d’ELE (syndicat professionnel des entreprises locales d’énergies)
– M. Francesco Delfini, secrétaire général de la FNSICAE (fédération nationale des sociétés d’intérêt collectif agricole d’électricité) et délégué général adjoint de l’UNELEG (union nationale des entreprises d’électricité et de gaz)
– M. Didier Rebischung, directeur adjoint à Électricité de Strasbourg
– M. Guillaume Tabourdeau, délégué général de l’ANROC (association nationale des régies de services publics et des organismes constitués par les collectivités locales) et de l’UNELEG
CLCV (Consommation, logement et cadre de vie)
– M. François Carlier, Délégué Général
– M. Christian Baillet, membre du Conseil d’Administration
M. Thomas-Olivier Léautier, professeur d’économie à Toulouse (TSE)
AFIEG* (association française indépendante de l’électricité et du gaz)
– M. Benoit Doin, directeur de la réglementation et des relations externes (Enel France)
– M. Géry Lecerf, directeur affaires publiques (Alpiq France)
SOLUCOM (cabinet de conseil)
– M. Ghislain de Pierrefeu, senior manager
Contribution écrite des HEI (entreprises hyper électro-intensives)
Table ronde (opérateurs d’effacement)
Smart Grid Energy
– M. Maxime Dauby, directeur général de Smart Grid Energy
Comwatt
– M. Grégory Lamotte, fondateur de Comwatt
Direct Energie
– M. Fabien Choné, directeur général délégué de Direct Energie
– Mme Frédérique Barthelemy, responsable des affaires institutionnelles
Energy Pool
– M. Olivier Baud, président fondateur d’Energy Pool
Actility
– M. Mehdi Hajjam, chef de la division énergie à Actility
Ijenko
– M. Serge Subiron, président directeur général d’Ijenko
Voltalis
– M. Alexis Galley, co-fondateur de Voltalis
– M. Pierre Bivas, co-fondateur de Voltalis
Table ronde (organisations syndicales)
Fédération Nationale de l’Énergie et des Mines FO
– M. Jacky Chorin
– M. Rémy Scoppa
Fédération Nationale Mines Énergie CGT
– Mme Claire Bordenave
– M. Bruno Bosquillon
CFE-CGC
– Mme Catherine Halbwachs
– Mme Dominique Labouré
CFDT
– M. Guy Marchetti
– M.Vincent Rodet
Table ronde avec les associations de consommateurs
AFL Paris (Association Familiale Laïque de Paris)
– Mme Françoise Thiebault, secrétaire générale du conseil national des associations familiales laïques de Paris
CNAFC (Confédération nationale des associations familiales catholiques)
– M. Thierry Dastarac, chargé de mission
AFOC (Association Force ouvrière consommateurs)
– M. Alain Misse, juriste
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
ANNEXE N° 2 :
DÉPLACEMENT À CAPBRETON LE 10 MARS 2016 (SMART GRID ENERGY)
– M. Maxime Dauby, directeur général et président fondateur de Smart Grid Energy
– M. Antoine de Broves, directeur des opérations
– M. Mathieu Bordas, directeur des systèmes d’information et de la recherche
– M. Philippe Gay, directeur du développement
– M. Tom Chastin, responsable administratif et financier
– M. Nils Haverland, responsable des opérations temps réel
– M. Jean-Raphaël Corvol, responsable du développement commercial
– M. Pierre Lartigue, technicien automatisme
– M. Rémi Vieux, ingénieur systèmes d’informations
– M. Roman le Basque, ingénieur d’exploitation
1 () Reposant sur des variations de prix selon les saisons, les jours de la semaine et/ou les heures de la journée.
2 () Le délestage électrique consiste à supprimer l’alimentation d’un groupe d’appareils ou de clients afin d’éviter la saturation de l’alimentation électrique.
3 () A leur article 10 – Versement dû par l’opérateur d’effacement.
4 () Rapport évaluant l’effet report et les économies d’énergie, non encore publié à la date de publication du présent rapport mais dont les conclusions ont été communiquées par RTE à la mission fin février 2016
5 () Rapport évaluant l’effet report et les économies d’énergie, non encore publié à la date de publication du présent rapport mais dont les conclusions ont été communiquées par RTE à la mission fin février 2016
6 () Rapport évaluant l’effet report et les économies d’énergie, non encore publié à la date de publication du présent rapport mais dont les conclusions ont été communiquées par RTE à la mission fin février 2016
7 () Rapport évaluant l’effet report et les économies d’énergie, non encore publié à la date de publication du présent rapport mais dont les conclusions ont été communiquées par RTE à la mission fin février 2016
8 () Rapport évaluant l’effet report et les économies d’énergie, non encore publié à la date de publication du présent rapport mais dont les conclusions ont été communiquées par RTE à la mission fin février 2016
9 () Rapport évaluant l’effet report et les économies d’énergie, non encore publié à la date de publication du présent rapport mais dont les conclusions ont été communiquées par RTE à la mission fin février 2016.
10 () Rapport évaluant l’effet report et les économies d’énergie, non encore publié à la date de publication du présent rapport mais dont les conclusions ont été communiquées par RTE à la mission fin février 2016
11 () Rapport évaluant l’effet report et les économies d’énergie, non encore publié à la date de publication du présent rapport mais dont les conclusions ont été communiquées par RTE à la mission fin février 2016
12 () Valorisation socio-économique des réseaux électriques intelligents, juillet 2015
13 () Rapport évaluant l’effet report et les économies d’énergie, non encore publié à la date de publication du présent rapport mais dont les conclusions ont été communiquées par RTE à la mission fin février 2016
14 () Rapport évaluant l’effet report et les économies d’énergie, non encore publié à la date de publication du présent rapport mais dont les conclusions ont été communiquées par RTE à la mission fin février 2016
15 () Bilan annuel 2014
16 () Rapport évaluant l’effet report et les économies d’énergie, non encore publié à la date de publication du présent rapport mais dont les conclusions ont été communiquées par RTE à la mission fin février 2016
17 () Rapport évaluant l’effet report et les économies d’énergie, non encore publié à la date de publication du présent rapport mais dont les conclusions ont été communiquées par RTE à la mission fin février 2016
18 () Rapport évaluant l’effet report et les économies d’énergie, non encore publié à la date de publication du présent rapport mais dont les conclusions ont été communiquées par RTE à la mission fin février 2016
19 () Lignes d’acheminement du courant en moyenne tension (15/20 kV)
20 () Lignes d’acheminement du courant en moyenne tension (15/20 kV)
21 () Rapport évaluant l’effet report et les économies d’énergie, non encore publié à la date de publication du présent rapport mais dont les conclusions ont été communiquées par RTE à la mission fin février 2016
22 () Agence du gouvernement fédéral des États-Unis qui a compétence dans les domaines du commerce inter-États et des tarifs de gros de l’électricité, les permis d’exploitation des centrales hydroélectriques et le prix du transport gazier et pétrolier
23 () Définies à l’article L. 271-1 comme la part de consommation d'électricité effacée qui n'est pas compensée par des effets reports et qui n'est pas couverte par de l’autoproduction.
24 () Plus spécifiquement, ce régime répartit le paiement fait au fournisseur entre l’opérateur d’effacement et le gestionnaire de réseau. Les coûts supportés par le gestionnaire sont ensuite couverts par la « communauté des fournisseurs » dans le cadre d’un règlement appelé « règlement des écarts » (article L. 321-12 du code de l’énergie).
25 () Bourse européenne de l’électricité au comptant
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