N° 3953 - Rapport d'information de Mmes Christine Pires Beaune et Véronique Louwagie déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur la dotation globale de fonctionnement du bloc communal




N
° 
3953

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2016.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

sur la dotation globale de fonctionnement du bloc communal

ET PRÉSENTÉ

PAR Mmes Christine PIRES BEAUNE et Véronique LOUWAGIE

Députées

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPALES PROPOSITIONS DES RAPPORTEURES 7

AVANT-PROPOS 9

PREMIÈRE PARTIE : LES POINTS À RÉFORMER DÈS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2017 15

I. LE REBASAGE DE LA DOTATION GLOBALE DE FONCTIONNEMENT DU BLOC COMMUNAL 15

A. LE SYSTÈME ACTUEL D’IMPUTATION DE LA CRFP ATTEINT SES LIMITES AVEC LA MULTIPLICATION DES CAS DE « DGF NÉGATIVES » 15

B. UN MÉCANISME PROPOSÉ EN LOI DE FINANCES POUR 2016 QUI ACCENTUE LES INJUSTICES 17

C. RÉTABLIR UNE JUSTE RÉPARTITION DE LA CRFP : LE REBASAGE DE LA DGF DU BLOC COMMUNAL 17

1. Le rebasage pour les communes 17

a. Remonter la DCRTP et la CPS des communes au niveau des EPCI 17

b. La définition de la dotation de référence 18

c. L’imputation de la CRFP 20

2. Le rebasage pour les EPCI 24

3. Une solution neutre budgétairement pour chaque commune et chaque EPCI comme pour l’État 26

II. LE PLAFONNEMENT DE L’ÉCRÊTEMENT DESTINÉ À FINANCER LA HAUSSE DE LA PÉRÉQUATION VERTICALE DOIT ÊTRE CORRIGÉ 30

A. UN PRINCIPE : UN FINANCEMENT DE LA HAUSSE DE LA PÉRÉQUATION QUI REPOSE SUR LES COMMUNES LES PLUS AISÉES 30

B. UN CONSTAT : LA CRFP NE PERMET PLUS DE RESPECTER CE PRINCIPE 32

III. RESTREINDRE LE SPECTRE DE LA DSU ET RÉPARTIR PLUS ÉQUITABLEMENT SA CROISSANCE 34

A. UNE DSU DE PLUS EN PLUS CONCENTRÉE SUR CERTAINES COMMUNES 35

B. LA RÉFORME PRÉVUE À L’ARTICLE 150 39

C. LE CHOIX DE SE LIMITER À LA CORRECTION DE LA DSU 40

1. Recentrer le nombre de communes de plus de 10 000 habitants bénéficiaires de la DSU 40

2. Mettre un terme à l’extrême concentration du partage de la croissance de la DSU qui génère un effet de seuil majeur 41

IV. LE FONCTIONNEMENT DE LA DGF DES EPCI NE RÉSISTE PAS AUX CHANGEMENTS DE CATÉGORIE JURIDIQUE 43

A. LE CALCUL DES ENVELOPPES PAR CATÉGORIE JURIDIQUE D’EPCI 43

B. LES CONSÉQUENCES DE LA TRANSFORMATION DE COMMUNAUTÉS D’AGGLOMÉRATION EN COMMUNAUTÉS URBAINES OU EN MÉTROPOLES 45

C. EN 2016, UNE PERTE DE L’ORDRE DE 50 MILLIONS D’EUROS POUR LES COMMUNAUTÉS D’AGGLOMÉRATION QUI LE DEMEURENT 45

SECONDE PARTIE : QUELQUES ENSEIGNEMENTS POUR UNE RÉFLEXION À POURSUIVRE 49

I. L’ARCHITECTURE DE LA DOTATION FORFAITAIRE 50

A. UNE DOTATION DE CENTRALITÉ À PROFONDÉMENT REMANIER 50

1. Rappel du fonctionnement de la dotation de centralité prévue par l’article 150 de la loi de finances pour 2016 50

2. Les difficultés identifiées 51

3. Les principes d’une nouvelle dotation de centralité 51

B. DES ADAPTATIONS À LA MARGE DE LA DOTATION DE RURALITÉ 52

C. FAIRE DE LA DOTATION DE BASE UNE DOTATION D’AJUSTEMENT 53

D. LA NÉCESSITÉ DE CRÉER UNE « DOTATION DE CONSOLIDATION » 54

II. CONSERVER UNE DOTATION DE PÉRÉQUATION GÉNÉRALE À CÔTÉ DE LA DSU ET DE LA DSR 56

A. LE RECENTRAGE DE LA DSU ET DE LA DSR NE DOIT PAS PRIVER LES « COMMUNES MOYENNEMENT PAUVRES » DU BÉNÉFICE DE LA SOLIDARITÉ NATIONALE 56

B. LA CONSTRUCTION D’UNE DOTATION D’AMÉNAGEMENT EN MIROIR DE LA DOTATION FORFAITAIRE 58

III. METTRE EN PLACE UNE TRANSITION À LA FOIS SUPPORTABLE ET SUFFISAMMENT RAPIDE 60

A. LE « TUNNEL » DE L’ARTICLE 150 COMPORTE PLUSIEURS INCONVÉNIENTS MAJEURS 60

B. UNE TRANSITION LISIBLE, AUTOFINANCÉE ET ACHEVÉE EN DIX ANS 63

IV. LA STRUCTURE DE LA DGF DES EPCI 64

A. LA MODIFICATION DE L’ARCHITECTURE DE LA DGF DES EPCI PRÉVUE PAR L’ARTICLE 150 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2016 NE PARAÎT PAS SOUTENABLE 64

1. La modification de l’architecture de la DGF des EPCI prévue par l’article 150 et ses effets 64

2. Une réforme potentiellement contournable du fait du plafonnement du CIF 69

B. L’ARCHITECTURE PROPOSÉE PAR LES GROUPES DE TRAVAIL PERMETTRAIT UN RECYCLAGE RAISONNABLE DES COMPENSATIONS ET GARANTIES EN DIX ANS 70

1. La redistribution des compensations et garanties serait étalée sur dix ans 70

2. Une dotation d’intercommunalité en trois parts 72

CONCLUSION 73

EXAMEN EN COMMISSION 75

ANNEXE 1 : ÉCARTS DE RÉPARTITION DE LA DGF DES COMMUNES PAR STRATE 89

ANNEXE 2 : CARTE DE LA RÉPARTITION DES RRF 90

ANNEXE 3 : CARTE DE LA RÉPARTITION DE LA DGF 91

ANNEXE 4 : LISTE DES MEMBRES DES GROUPES DE TRAVAIL 93

ANNEXE 5 : LISTE DES ABRÉVATIONS 97

PRINCIPALES PROPOSITIONS DES RAPPORTEURES

I) Remédier, dès 2017, à quatre problèmes posés par la dotation globale de fonctionnement (DGF) du bloc communal actuelle :

1) « Rebaser » la DGF du bloc communal en élargissant le support de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP), afin notamment de supprimer les « DGF négatives » ;

2) Réformer le dispositif de plafonnement de l’écrêtement à 3 % de la dotation forfaitaire des communes pour permettre un financement équitable de la péréquation ;

3) Réformer la dotation de solidarité urbaine (DSU) en resserrant le nombre de ses bénéficiaires et en répartissant plus équitablement sa croissance, afin d’éviter son saupoudrage et de limiter les effets de seuil ;

4) Remédier aux effets de transfert de DGF entre établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) liés aux changements de catégories juridiques.

II) Sur la base de l’article 150 de la loi de finances pour 2016, fixer les principes permettant une réforme de la DGF du bloc communal :

1) S’agissant de la dotation forfaitaire des communes :

• Fixer les montants de dotation de centralité et de dotation de ruralité mais faire de la dotation de base un solde afin d’éviter de devoir introduire un coefficient d’ajustement rendant la DGF illisible ;

• Réserver la dotation de centralité aux seules communes et abandonner sa répartition en fonction de leur poids démographique dans le territoire porté à la puissance cinq ;

• Prévoir que la dotation de ruralité et la dotation de centralité sont exclusives l’une de l’autre en fonction d’un seuil démographique ;

• Créer une dotation de consolidation pour compenser les effets de la suppression des « garanties justes » ;

2) S’agissant des dotations de péréquation :

• Recentrer la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale tout en conservant une dotation de péréquation générale pour les communes ayant un faible potentiel fiscal par habitant ;

3) Mettre en place une transition entre l’ancienne et la nouvelle dotation forfaitaire des communes, qui soit lisible, autofinancée et achevée en dix ans ;

4) S’agissant de la DGF des EPCI :

• Envisager une DGF composée de trois parts : une dotation d’intégration, une dotation de péréquation, une dotation territoriale calculée en fonction de critères relatifs à l’ensemble intercommunal ;

• Prévoir un abondement annuel de la DGF réformée des EPCI par la dotation de compensation actuelle sur une durée de dix ans.

AVANT-PROPOS

La Dotation Globale de Fonctionnement (DGF), qui demeure, avec 33 milliards d’euros en 2016, le principal concours financier de l’État aux collectivités locales, apparait aujourd’hui plus que jamais, à la fois injuste et illisible. C’était le constat du rapport (1) réalisé à la demande du Premier ministre selon lequel l’architecture actuelle de la DGF « ne saurait perdurer ».

Dix ans, après la dernière réforme d’ampleur, elle n’a toujours pas été mise en cohérence avec les évolutions notables telles que l’achèvement de la carte intercommunale, l’approfondissement de l’intégration des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), la suppression de la taxe professionnelle, la création du FPIC, les communes nouvelles.

L’architecture de la DGF est opaque, ses critères de répartition perfectibles et elle est devenue, pour partie, une rente justifiée par l’histoire seulement, déconnectée de la réalité des charges de fonctionnement. La nécessité de la réforme recueille un assentiment très large, reste à en définir les modalités.

C’est ce qu’a tenté de faire le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2016. L’article 150 de la loi de finances pour 2016, destiné à n’entrer en vigueur que le 1er janvier 2017, entendait répondre au souhait quasi unanime des élus de redonner à cette dotation de l’État davantage d’équité, de lisibilité et de prévisibilité.

La complexité du débat en commission des finances puis en séance publique, notamment liée à l’opacité du mécanisme de mise en œuvre progressive de la réforme et à l’absence de simulations pluriannuelles de ses effets, n’a pas permis d’évaluer correctement les différents dispositifs proposés. Pour autant, les principales pierres d’achoppement que sont les DGF négatives, la territorialisation de la dotation de centralité et l’application de la puissance 5 à la population pour la répartition de la part communale ainsi que l’excessif étalement dans le temps de ses effets à la baisse, et surtout à la hausse, ont été clairement identifiées.

Le délai entre l’adoption de la loi de finances pour 2016 et la préparation du projet de loi de finances pour 2017 a été mis à profit par les parlementaires pour analyser ces points de blocage et élaborer des solutions alternatives à celles prévues à l’article 150.

La création de groupes de travail

Un groupe de travail a ainsi été créé au sein des commissions des finances de chaque assemblée avec l’objectif de travailler de concert via un comité de pilotage paritaire associant députés et sénateurs.

À l’Assemblée, le bureau de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a décidé, le 10 février 2016, de la mise en place d’un groupe de travail sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) du bloc communal, codirigé par le Président Gilles Carrez et la Rapporteure générale, Mme Valérie Rabault, et composé d’une quinzaine de députés incluant, le cas échéant, des membres d’autres commissions permanentes (2).

Estimant que le groupe de travail doit être en mesure de se fonder sur ses propres simulations afin de ne pas dépendre exclusivement de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et de disposer ainsi d’un éclairage dont l’indépendance et la fiabilité ne puissent être mises en doute, le bureau a souhaité recourir à une expertise extérieure.

La commission des finances du Sénat a créé un groupe de travail similaire (3) et lancé, sur le fondement du III de l’article 28 du code des marchés publics, une consultation dans l’optique de s’attacher le concours d’un cabinet de conseil spécialisé en finances locales. Le marché a été attribué à la société Ressources Consultants Finances par le Sénat en sa qualité d’adjudicateur.

Les deux groupes de travail ont fonctionné chacun de manière autonome mais un comité de pilotage composé de leurs deux rapporteurs respectifs avait notamment pour fonction de définir les demandes d’expertise et de simulations présentées au prestataire. Il convient de souligner le caractère novateur de cette initiative parlementaire qui s’appuie sur un travail transpartisan et bicaméral dans le but d’élaborer des propositions consensuelles et argumentées et doter le Parlement d’une expertise renforcée sur un sujet qui concerne l’ensemble de nos concitoyens.

Durant ces cinq mois, le groupe de travail de l’Assemblée nationale s’est réuni à huit reprises pour examiner les différents thèmes de la réforme, il a auditionné les ministres en charge du dossier ainsi que l’ensemble des associations d’élus du bloc communal à l’occasion d’une table ronde. Dans le même temps, le comité de pilotage a tenu dix réunions dont deux au ministère de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales avec les cabinets des ministres intéressés.

L’ambition de ce groupe de travail a été, tout en s’inscrivant dans une démarche d’amélioration de l’article 150, de conduire une réflexion à la fois sur les origines de l’actuelle opacité de la DGF, c’est-à-dire la prise en compte des réformes successives qui au gré des cristallisations et des mécanismes de garantie ont conduit à ce phénomène, et sur les voies et moyens de parvenir à une réforme qui redonne à la DGF sa double fonction de prise en compte des charges et des ressources des communes et des EPCI.

L’expertise concrète de tous les membres du groupe de travail sur ces sujets complexes relatifs aux finances locales a été précieuse pour la mise en perspective des différentes réformes intervenues depuis 1979, celles de la DGF bien sûr mais également celle de la fiscalité économique locale.

Une réflexion sur l’ampleur de la réforme

Ce rapport (4) a notamment mis en lumière le fait que « les écarts de DGF par habitant sont principalement liés aux composantes figées de la dotation forfaitaire ». Ces composantes sont au nombre de deux, le complément de garantie et la dotation de compensation.

Le complément de garantie a été institué en 2005 au bénéfice des communes pour lesquelles la somme de la dotation de base (population logarithmée) et de la part « superficie » était inférieure à la dotation forfaitaire perçue en 2004 indexée de 1 %. Ce complément de garantie prend en compte les dotations de base, de péréquation et de compensation, ainsi que les concours particuliers, de la DGF issue de la réforme de 1985 qui ont été cristallisées au sein de la dotation forfaitaire en 1994 et demeuraient en 2004.

La dotation de compensation correspond à l’ancienne compensation « part salaires » de la taxe professionnelle ainsi qu’à la compensation des baisses de DCTP supportées par certaines communes entre 1998 et 2001, incluses depuis 2004 dans la dotation forfaitaire.

Étudiant les écarts de dotation forfaitaire des communes entre les quinze strates démographiques figurant à l’article L. 2334-3 du code général des collectivités territoriales, le rapport précité indique que « les composantes historiques créent bien des écarts plus importants entre des communes comparables qu’entre communes de strates différentes » (5).

Répartition par strate du complément de garantie et la dotation de compensation dans la dotation forfaitaire des communes en 2014

Strates de communes

Complément de garantie par habitant en 2014

Dotation de compensation par habitant en 2014

Dotation forfaitaire par habitant en 2014 (avant CRFP)

Part des composantes figées au sein de la dotation forfaitaire par habitant en 2014

0 à 499 habitants

55 €

5 €

141 €

42,5 %

500 à 999 habitants

47 €

6 €

130 €

40,7 %

1 000 à 1 999 habitants

45 €

7 €

133 €

39,9 %

2 000 à 3 499 habitants

46 €

9 €

142 €

38,7 %

3 500 à 4 999 habitants

48 €

10 €

149 €

38,9 %

5 000 à 7 499 habitants

54 €

13 €

161 €

41,6 %

7 500 à 9 999 habitants

58 €

11 €

167 €

41,3 %

10 000 à 14 999 habitants

65 €

13 €

177 €

44 %

15 000 à 19 999 habitants

78 €

15 €

196 €

47,4 %

20 000 à 34 999 habitants

81 €

11 €

200 €

46 %

35 000 à 49 999 habitants

84 €

16 €

214 €

46,7 %

50 000 à 74 999 habitants

78 €

29 €

223 €

47,9 %

75 000 à 99 999 habitants

77 €

30 €

228 €

46,9 %

100 000 à 199 999 habitants

95 €

7 €

227 €

44,9 %

200 000 habitants et plus

108 €

93 €

330 €

60,9 %

Moyenne

67 €

19 €

186 €

46,2 %

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF à partir de données de la DGCL.

La répartition du complément de garantie en fonction des indicateurs de potentiel fiscal et de revenu par habitant montre également que l’essentiel de ces garanties se trouve dans la dotation forfaitaire des communes les moins bien dotées au regard de ces deux indicateurs.

Dans le graphique ci-dessous, on observe notamment que les communes dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 30 % de la moyenne de leur strate ont un complément de garantie en moyenne de 143 euros par habitant alors que celles dont le potentiel fiscal par habitant est au moins cinq fois supérieur à la moyenne de leur strate ont un complément de garantie en moyenne de 11 euros par habitant.

RÉPARTITION DU COMPLÉMENT DE GARANTIE
EN FONCTION DU POTENTIEL FISCAL PAR HABITANT EN 2015

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF à partir de données de la DGCL.

De même, les communes dont le revenu par habitant est inférieur de moitié au moins à la moyenne de leur strate ont un complément de garantie en moyenne de 120 euros par habitant alors que celles dont le revenu par habitant est 1,5 fois supérieur au moins à la moyenne de leur strate ont un complément de garantie en moyenne de 33 euros par habitant comme le montre le graphique suivant.

RÉPARTITION DU COMPLÉMENT DE GARANTIE
EN FONCTION DU REVENU PAR HABITANT EN 2015

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF à partir de données de la DGCL.

Ce constat permet ainsi de mettre en lumière à la fois la grande diversité des situations à l’égard de ces composantes figées et l’existence d’éléments de péréquation au sein de la dotation forfaitaire. Ceux-ci doivent être considérés avec attention avant de procéder en tout ou en partie à une nouvelle répartition, ce qui n’est pas le cas dans l’article 150.

La méthode retenue

Il est apparu nécessaire, dans un premier temps, de retrouver pour chaque commune et chaque EPCI un niveau de DGF qui corresponde à de véritables critères de charge et de ressource, ce que les prélèvements au titre de la CRFP ont contribué à effacer. Prélèvement assis sur les recettes réelles de fonctionnement mais ayant pour vecteur la DGF, la CRFP a produit des effets différents selon la part que représente la DGF au sein des RRF et abouti au phénomène des « DGF négatives » lorsque la dotation forfaitaire pour les communes et la dotation d’intercommunalité pour les EPCI ne permet pas d’absorber ces prélèvements, ce qui conduit au transfert de ceux-ci sur le produit de la fiscalité locale avec, pour corollaire, les interrogations au regard de l’autonomie financière des collectivités locales.

Partant de l’article 150 dont l’application a été décalée à 2017, le groupe de travail a élaboré différents scénarios d’architectures alternatives de la DGF du bloc communal qui demandent à être testés à l’aide de simulations faisant varier les nombreux paramètres qui entrent en ligne de compte.

Des éléments nouveaux sont intervenus lors du Congrès des maires le 2 juin dernier. Le Président de la République a en effet déclaré avoir voulu faire en sorte « qu’au lieu de deux milliards d’euros en moins de dotation [pour 2017], il n’y en ait plus qu’un milliard pour le bloc communal ». Dans le même temps la réforme de la DGF s’inscrit dans une réforme plus large du financement des collectivités locales qui fera l’objet d’un texte de loi spécifique en vue d’une application en 2018.

Nous avons en conséquence décidé de ne plus nous focaliser sur une réforme de l’architecture de la DGF mais sur les améliorations qu’il apparaît à la fois possible et souhaitable de faire adopter dans le cadre du PLF pour 2017 tout en dessinant le squelette de ce pourrait être dans un proche avenir une réforme juste et soutenable.

*

La suite du présent rapport ainsi que les propositions des rapporteures sont identiques au rapport établi par Charles Guené et Claude Raynal, rapporteurs au nom du groupe de travail du Sénat.

PREMIÈRE PARTIE : LES POINTS À RÉFORMER DÈS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2017

I. LE REBASAGE DE LA DOTATION GLOBALE DE FONCTIONNEMENT DU BLOC COMMUNAL

A. LE SYSTÈME ACTUEL D’IMPUTATION DE LA CRFP ATTEINT SES LIMITES AVEC LA MULTIPLICATION DES CAS DE « DGF NÉGATIVES »

Le plan d’économies sur les dépenses publiques de 50 milliards d’euros entre 2015 et 2017 annoncé par le Premier ministre le 16 avril 2014 prévoyait une réduction des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales de 11 milliards d’euros.

La loi de programmation des finances publiques 2014-2019 (6) a traduit cet engagement en fixant une trajectoire de baisse de ces concours financiers sur la période 2015-2017 pour un montant total de 11 milliards d’euros. Ce montant s’ajoute à la baisse de 1,5 milliard d’euros de ces concours prévue par la loi de finances pour 2014 (7).

Cet effort a été réparti entre les différents niveaux de collectivités territoriales en fonction de leurs recettes totales – c’est-à-dire les recettes de fonctionnement et d’investissement – figurant dans les comptes de gestion 2013. En 2016, le montant de cette réduction est ainsi de 2,071 milliards d’euros pour les communes et les intercommunalités, de 1,148 milliard d’euros pour les départements et de 451 millions d’euros pour les régions.

Entre 2014 et 2016, la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) du bloc communal s’est élevée au total à 4,9 milliards d’euros, dont 3,48 milliards d’euros pour les communes et 1,49 milliard d’euros pour les EPCI. À l’occasion du 99e congrès des maires de France, le président de la République a annoncé la division par deux du montant de la CRFP du bloc communal prévue pour 2017 ; celle-ci s’élèvera donc à 1,035 milliard d’euros. 70 % de la CRFP du bloc communal repose sur les communes et 30 % sur les EPCI.

CRFP DU BLOC COMMUNAL SUR LA PÉRIODE 2014-2016

(en millions d’euros)

 

Communes

EPCI

2014

588

252

2015

1 450

621

2016

1 450

621

Total

3 488

1 494

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

Cette minoration est répartie au prorata des recettes réelles de fonctionnement des collectivités. La CRFP s’impute respectivement sur la dotation forfaitaire et sur la dotation d’intercommunalité des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) – ces deux dotations étant des composantes de leurs dotations globales de fonctionnement (DGF).

Le système actuel d’imputation de la CRFP atteint ses limites. En effet, les communes dont la dotation forfaitaire n’est pas suffisante pour acquitter la contribution font l’objet d’un prélèvement sur leurs recettes fiscales – c’est ce qu’on appelle les « DGF négatives ».

59 communes ont fait l’objet d’un prélèvement sur leur fiscalité en 2015 en raison d’une dotation forfaitaire insuffisante, pour un montant de 2,1 millions d’euros. Le nombre de communes concernées a triplé en 2016, puisque 168 communes ont une dotation forfaitaire nulle, et verront leurs recettes ponctionnées d’un montant de 9,15 millions d’euros.

La poursuite de la baisse des dotations en 2017 accentuera ce phénomène. Or les cas de « DGF négatives » posent problème puisque les collectivités territoriales dont la dotation forfaitaire est nulle ne participent plus au financement de la hausse de la péréquation verticale (8). Il s’agit pourtant de communes qui bénéficient d’un potentiel financier par habitant important et dont il serait légitime qu’elles participent au financement de la péréquation. Ainsi, les 168 communes ayant une « DGF négative » en 2016 présentaient un potentiel financier par habitant moyen de 1 436 euros, contre 1 052 euros par habitant pour l’ensemble des communes.

B. UN MÉCANISME PROPOSÉ EN LOI DE FINANCES POUR 2016 QUI ACCENTUE LES INJUSTICES

La réforme de la DGF votée – avec application au 1er janvier 2017 – à l’article 150 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 « redonne » une DGF à toutes les communes et prévoit que la CRFP ne peut représenter plus de 50 % de leur dotation forfaitaire. La question des « DGF négatives » est donc traitée en redonnant une dotation forfaitaire aux communes qui n’en percevaient plus, et qui bénéficient pourtant de ressources importantes par ailleurs.

Ce plafonnement conduirait à exonérer certaines communes d’une partie de la CFRP qu’elles doivent, ce qui revient à faire payer cette part de CRFP par les autres communes. Il s’agit d’un effet contre-péréquateur difficilement justifiable.

Plutôt que de traiter le problème des « DGF négatives » en redonnant une DGF aux communes concernées, les rapporteures proposent de changer les modalités d’imputation de la CRFP.

C. RÉTABLIR UNE JUSTE RÉPARTITION DE LA CRFP : LE REBASAGE DE LA DGF DU BLOC COMMUNAL

Le CRFP ne doit pas être considérée comme un prélèvement sur la DGF, mais comme une ponction sur les recettes réelles de fonctionnement (RRF). Actuellement, la dotation forfaitaire des communes a été choisie comme support de la CRFP, mais rien n’empêche que celle-ci s’impute sur d’autres vecteurs.

Afin de remédier au problème des DGF « négatives » et de faire en sorte que toutes les communes participent équitablement au redressement des finances publiques, les rapporteures proposent de modifier, dès 2017, la manière dont s’impute la CRFP sur les ressources des communes et des EPCI.

1. Le rebasage pour les communes

a. Remonter la DCRTP et la CPS des communes au niveau des EPCI

Les rapporteures proposent en préalable de faire remonter la compensation « part salaires » (CPS) (9) – en la reconstituant comme cela se fait aujourd’hui lorsqu’un EPCI choisit le régime de la fiscalité professionnelle unique – et la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) de toutes les communes au niveau des EPCI.

Aujourd’hui, les compensations de la suppression de la « part salaires » et de la composante « matériel » de la taxe professionnelle sont traitées différemment. La seconde est garantie à travers la DCRTP tandis que la première est redistribuée en tant que composante de la DGF. Ceci revient à traiter différemment les territoires selon la composition des bases de leur ancienne taxe professionnelle. L’article 150 de la loi de finances pour 2016 ne modifie rien par rapport à l’existant.

Remonter la CPS et la DCRTP de toutes les communes au niveau des EPCI permettrait de traiter ces compensations de manière équitable. Les comparaisons entre communes et entre EPCI auraient ainsi plus de sens qu’aujourd’hui.

Cette opération serait neutre budgétairement pour les communes et pour les EPCI, ces derniers devant automatiquement compenser les montants de CPS et de DCRTP des communes perçus par le versement d’attributions de compensation obligatoires.

La dotation forfaitaire des communes minorée de la DCRTP et de la CPS transférées, ainsi que du montant des prélèvements fiscaux constituerait la dotation forfaitaire nette, utilisée dans le processus de rebasage (cf. infra).

b. La définition de la dotation de référence

Il est proposé de définir, pour chaque commune, la part de ses dotations pouvant servir de support à la CRFP et la part « préservée » de cette contribution, la « dotation de référence ». Ainsi, toutes les communes retrouveraient une DGF.

Les rapporteures proposent que cette dotation de référence soit au moins égale à l’ancienne dotation de base. Pour cela, il convient de reconstituer le montant qu’aurait perçu au titre de cette dotation chaque commune en 2016 si celle-ci n’avait pas été fondue avec les autres composantes de la dotation forfaitaire dans une même dotation à l’occasion de la loi de finances pour 2015.

À titre de rappel, la dotation forfaitaire pour l’année 2014 était composée de cinq composantes : une dotation de base, dont le montant variait selon nombre d’habitants de la commune en fonction d’un coefficient logarithmique, une dotation de superficie, un complément de garantie visant à compenser les effets de la réforme de la DGF de 2004, une part « compensations » correspondant à l’ancienne compensation « parts salaires » (CPS) de la taxe professionnelle ainsi qu’à la compensation des baisses de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) supportées par certaines communes entre 1998 et 2001, et une dotation en faveur des parcs nationaux et des parcs naturels marins.

ARCHITECTURE DE LA DOTATION FORFAITAIRE DES COMMUNES EN 2014

Source : Charles Guené et Claude Raynal, Sénateurs, rapport spécial sur la mission Relations avec les collectivités territoriales, projet de loi de finances pour 2016, annexe XXVI.

Pour reconstituer une dotation de base en 2016, il convient de repartir de la dotation de base versée aux communes en 2014 et de faire varier son montant en fonction des évolutions de la population en 2015 et 2016.

La différence entre la dotation forfaitaire nette et la dotation de base reconstituées constituerait le montant « support » de la CRFP (cf. supra).

LE REBASAGE DE LA DGF DES COMMUNES

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

c. L’imputation de la CRFP

Une fois la CRFP déduite de ce support (10), deux cas de figure pourraient alors se présenter :

● Soit le « support » est suffisant pour absorber la CRFP 2017, auquel cas la fraction résiduelle de dotation serait ajoutée au montant de la dotation de base reconstituée, pour former la dotation de référence 2017 de la commune.

CAS D’UNE COMMUNE DONT LE « SUPPORT » PERMET D’ABSORBER TOUTE LA CRFP 2017

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

● Soit le « support » est insuffisant, et le reliquat de CRFP dû serait alors acquitté par l’EPCI auquel appartient la commune, qui le répercuterait automatiquement et obligatoirement sur cette dernière à travers une minoration de son attribution de compensation (AC). En conséquence, des attributions de compensation seraient instaurées pour les communes appartenant à des EPCI à fiscalité additionnelle. Pour les communes isolées, l’ajustement se ferait à travers leur contribution ou attribution au titre du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR).

Ainsi, tout en redonnant une DGF à toutes les communes, chaque commune acquitterait la CRFP qu’elle doit, contrairement aux dispositions de l’article 150.

CAS D’UNE COMMUNE DONT LE « SUPPORT » NE PERMET PAS D’ABSORBER
TOUTE LA CRFP 2017

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

Les communes en situation de « DGF négative » en 2016 constituent un cas particulier mais le même mécanisme leur serait appliqué. Elles se verraient attribuer une dotation de référence en 2017 correspondant au montant de dotation de base 2016 reconstitué. En contrepartie, ces communes verraient leur attribution de compensation diminuée du montant de cette dotation de référence ajouté à celui du prélèvement sur leurs recettes fiscales en 2016 ainsi qu’à celui de leur CRFP 2017.

CAS D’UNE COMMUNE AYANT UNE « DGF NÉGATIVE » EN 2016

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

Ce système permettrait donc de résoudre le problème des « DGF négatives », puisque chaque commune percevrait une dotation forfaitaire, tout en maintenant le principe de participation équitable des communes au redressement des finances publiques à travers une variation de leurs AC.

De même, chaque commune ayant à nouveau une dotation forfaitaire pourrait contribuer au financement de la progression de la péréquation verticale.

Un tel rebasage permettrait en outre d’isoler les effets d’une réforme de la DGF de la CRFP, ce qui permettrait de les rendre lisibles. En effet, quel que soit le montant de leur CRFP, les communes disposeraient d’une dotation de référence permettant d’avoir une comparaison entre elles, avant et après réforme. La variation du montant de DGF perçu imputable à la réforme pourrait alors être clairement identifiée.

2. Le rebasage pour les EPCI

Le rebasage de la DGF des EPCI repose sur la même logique que pour les communes. Il s’agit de modifier les modalités d’imputation de la CRFP et de déterminer une dotation de référence pour tous les EPCI permettant de comparer les établissements entre eux.

Les rapporteures proposent que cette dotation de référence soit au moins égale à la dotation d’intercommunalité, hors garanties. Le support de la CRFP serait pour sa part égal à la somme de la DGF de l’EPCI notifiée en 2016, hors dotation d’intercommunalité, de la DCRTP de l’EPCI et de la DCRTP et de la CPS des communes membres transférées à l’EPCI.

LE REBASAGE DE LA DGF DES EPCI

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

Comme pour les communes, deux cas de figure pourraient se présenter :

● Soit le « support » est suffisant pour absorber la CRFP 2017, auquel cas la fraction résiduelle de dotation serait ajoutée au montant de la dotation d’intercommunalité pour former la dotation de référence 2017 de l’EPCI.

CAS D’UN EPCI DONT LE « SUPPORT » PERMET D’ABSORBER TOUTE LA CRFP 2017

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

● Soit le « support » est insuffisant et le reliquat de CRFP serait acquitté par l’EPCI à travers un prélèvement sur son FNGIR.

CAS D’UN EPCI DONT LE « SUPPORT » NE PERMET PAS D’ABSORBER TOUTE LA CRFP 2017

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

3. Une solution neutre budgétairement pour chaque commune et chaque EPCI comme pour l’État

Avant et après rebasage, les ressources des communes et de l’EPCI sont strictement identiques, tant au niveau global qu’au niveau de chacun d’entre eux.

Cette neutralité serait assurée à travers la variation des attributions de compensation. Il est en effet proposé que le système d’AC obligatoires créées suite au transfert de la DCRTP et de la CPS des communes aux EPCI s’articule avec le rebasage présenté ci-dessus de la façon suivante : si l’EPCI devait prendre en charge le reliquat de la CRFP d’une commune dont le « support » était insuffisant, ceci entraînerait une minoration du montant de l’AC qu’il lui verse au titre du transfert de la DCRTP et de la CPS. Si le montant de l’AC obligatoire était insuffisant pour supporter le reliquat de CRFP, la commune se verrait attribuer une « AC négative » – et devrait donc s’acquitter auprès de l’EPCI du montant correspondant.

VARIATION DES ATTRIBUTIONS DE COMPENSATION (AC) DES COMMUNES

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

Les tableaux suivants présentent le processus de rebasage pour des exemples-types de communes et d’EPCI.

CAS D’UNE COMMUNE DONT LE « SUPPORT » PERMET D’ABSORBER TOUTE LA CRFP 2017

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

CAS D’UNE COMMUNE DONT LE « SUPPORT » NE PERMET PAS D’ABSORBER
TOUTE LA CRFP 2017

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

CAS D’UNE COMMUNE AYANT UNE « DGF NÉGATIVE » EN 2016

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

CAS D’UN EPCI DONT LE « SUPPORT » PERMET D’ABSORBER TOUTE LA CRFP 2017

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

CAS D’UN EPCI DONT LE « SUPPORT » NE PERMET PAS D’ABSORBER TOUTE LA CRFP 2017

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

De même, le rebasage est budgétairement neutre pour l’État. En effet, seules les modalités d’imputation de la CRFP seraient modifiées, sans que son montant ne soit remis en cause. Seuls deux cas nécessiteraient que l’État intervienne pour assurer la neutralité budgétaire de la réforme : lorsqu’une commune isolée ou un EPCI n’a pas suffisamment de « montant support » pour acquitter la CRFP due, l’État prélèverait le montant correspondant à travers leur contribution ou attribution au titre du FNGIR.

ÉQUILIBRE GLOBAL DU REBASAGE POUR L’ÉTAT

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

*

Ce mécanisme de rebasage peut sembler complexe. Son principe est cependant simple et repose sur deux idées : d’une part, redonner une dotation à chaque commune et à chaque EPCI afin d’éviter les effets aberrants (« DGF négatives », moindre participation au financement de la péréquation verticale) et, d’autre part, assurer la neutralité de l’ensemble en jouant sur les attributions de compensation.

En tout état de cause, ce système complexe doit permettre de sortir d’une situation encore plus complexe suscitée par le choix de faire porter la CRFP sur la DGF.

II. LE PLAFONNEMENT DE L’ÉCRÊTEMENT DESTINÉ À FINANCER LA HAUSSE DE LA PÉRÉQUATION VERTICALE DOIT ÊTRE CORRIGÉ

A. UN PRINCIPE : UN FINANCEMENT DE LA HAUSSE DE LA PÉRÉQUATION QUI REPOSE SUR LES COMMUNES LES PLUS AISÉES

Au sein de la DGF, certaines enveloppes connaissent une évolution spontanée, par exemple du fait de la hausse de la population, tandis que les dotations de péréquation augmentent conformément aux dispositions de la loi de finances de l’année, le Comité des finances locales pouvant décider de majorer ces montants.

Dans le cadre d’une enveloppe des concours financiers de l’État en baisse, ces évolutions doivent être financées en interne. Ainsi, traditionnellement, pour les communes, la moitié de ces montants sont financés par minoration des allocations compensatrices d’exonération de fiscalité directe locale (les « variables d’ajustement »), l’autre moitié étant financée par un prélèvement sur la dotation forfaitaire des communes.

Jusqu’en 2015, ce prélèvement sur la dotation forfaitaire prenait la forme :

– d’un écrêtement non-péréqué de la part « compensations » de la dotation forfaitaire, correspondant à l’ancienne compensation de la « part salaires » de l’assiette de la taxe professionnelle ainsi qu’à la compensation des baisses de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) supportées par certaines communes entre 1998 et 2001, incluses depuis 2004 dans la dotation forfaitaire (11) ; cet écrêtement prenait la forme d’une minoration uniforme des compensations, égale par exemple à 1,83 % en 2013 ; entre 2010 et 2014, les compensations sont passées de 1,84 milliard d’euros à 1,33 milliard d’euros
(– 28 %) ;

– d’un écrêtement péréqué du complément de garantie des communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à 75 % du potentiel fiscal par habitant moyen (supérieur à 90 % en 2012) ; le prélèvement était réparti entre les communes en fonction de la population et de l’écart au potentiel fiscal par habitant moyen ; cet écrêtement était plafonné à 6 % du complément de garantie ; entre 2010 et 2014, le complément de garantie est passé de 5,1 milliards d’euros à 4,7 milliards d’euros (– 8 %).

Entre 2011 et 2014, les montants à financer et les règles d’écrêtement du complément de garantie ont pu varier. Ainsi, ce prélèvement concernait les communes dont le potentiel fiscal était supérieur à 75 % du potentiel fiscal moyen au niveau national (sauf en 2012, où ce pourcentage était fixé à 90 %). De plus, en 2013 et en 2014, la population prise en compte pour le calcul de cet écrêtement s’est vue appliquer un coefficient logarithmique.

ÉVOLUTION DE L’ÉCRÊTEMENT PÉRÉQUÉ DU COMPLÉMENT DE GARANTIE

 

2011

2012

2013

2014

Montant à financer (en millions d’euros)

130,0

87,3

110,0

64,5

Nombre de communes écrêtées

6 303

3 873

14 026

14 552

Nombre de communes plafonnées

3 663

1 827

5 758

3 647

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF à partir de données de la DGCL.

La loi de finances pour 2015 (12) a fondu les différentes composantes de la dotation forfaitaire et mis en place un écrêtement portant sur la dotation forfaitaire dans son ensemble. Cet écrêtement fonctionne sur un modèle similaire à celui du complément de garantie, dans la mesure où :

– sont écrêtées les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à 75 % du potentiel fiscal par habitant moyen ;

– le prélèvement est réparti en fonction de la population (en appliquant le coefficient logarithmique) et de l’écart au potentiel fiscal par habitant moyen ;

– il est plafonné à 3 % de la dotation forfaitaire.

Le plafond de l’écrêtement a logiquement été diminué de 6 % à 3 %, dans la mesure où la base concernée est beaucoup plus large. Le projet initial prévoyait d’ailleurs un plafond à 2 %, porté à 3 % au cours de la discussion parlementaire. À défaut, le Gouvernement avait alors indiqué que 16 420 communes seraient écrêtées et 11 347 communes seraient plafonnées.

ÉVOLUTION DE L’ÉCRÊTEMENT PÉRÉQUÉ DE LA DOTATION FORFAITAIRE

 

2015

2016

Montant à financer (en millions d’euros)

151,3

152,3

Nombre de communes écrêtées

17 198

17 702

Nombre de communes plafonnées

6 371

10 467

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF à partir de données de la DGCL.

B. UN CONSTAT : LA CRFP NE PERMET PLUS DE RESPECTER CE PRINCIPE

La contribution au redressement des finances publiques a plusieurs conséquences sur le fonctionnement de l’écrêtement, qui remettent en cause la pertinence du plafonnement à 3 % :

– le plafonnement implique que les communes plafonnées contribuent moins que ce qu’elles devraient à la péréquation, eu égard à leur situation financière. Dans un contexte de baisse importante et non péréquée des dotations, cette situation est difficile à justifier ;

– la CRFP entraîne une diminution de la dotation forfaitaire de toutes les communes. Ainsi, le plafonnement s’applique à une enveloppe qui diminue et dès lors, plus une commune a une CRPF élevée (et donc des ressources réelles de fonctionnement élevées), plus son prélèvement diminue ;

– les 168 communes qui n’ont plus de dotation forfaitaire du fait de ressources réelles de fonctionnement particulièrement importantes ne contribuent plus au financement de la hausse de la péréquation.

Il en résulte une moindre contribution au financement de la hausse de la péréquation de la part des communes ayant les ressources les plus élevées et un report sur les autres communes.

DÉTAIL DE L’ÉVOLUTION DE L’ÉCRÊTEMENT ENTRE 2015 et 2016

Strates de communes

Nombre de com-munes

Nombre de communes écrêtées

Nombre de communes plafonnées

Écrêtement total
(en millions d’euros)

2015

2016

%

2015

2016

%

2015

2016

%

0 à 499 habitants

18 689

7 171

7 522

+ 4,9%

2 349

4 074

+ 73%

3,59

4,31

+ 19,9%

500 à 999 habitants

7 460

3 596

3 709

+ 3,1%

1 420

2 237

+ 58%

5,14

5,78

+ 12,5%

1 000 à 1 999 habitants

4 921

2 544

2 612

+ 2,7%

1 064

1 645

+ 55%

7,60

8,31

+ 9,3%

2 000 à 3 499 habitants

2 364

1 424

1 425

+ 0,1%

591

921

+ 56%

8,59

9,08

+ 5,6%

3 500 à 4 999 habitants

1 022

709

696

– 1,8 %

291

469

61 %

7,36

7,66

+ 4,1%

5 000 à 7 499 habitants

814

596

580

– 2,7 %

268

401

+ 50%

10,24

10,00

– 2,3 %

7 500 à 9 999 habitants

411

299

305

+ 2,0%

123

210

+ 71%

7,39

7,80

+ 5,5%

10 000 à 14 999 habitants

380

296

293

– 1,0 %

111

189

+ 70%

10,15

10,78

+ 6,3%

15 000 à 19 999 habitants

189

160

152

– 5,0 %

67

99

+ 48%

9,30

8,77

– 5,7 %

20 000 à 34 999 habitants

267

216

220

+ 1,9%

54

133

+ 146%

16,57

19,00

+ 14,7%

35 000 à 49 999 habitants

93

78

77

– 1,3 %

19

41

+ 116%

10,33

10,83

+ 4,9%

50 000 à 74 999 habitants

67

56

58

+ 3,6%

7

26

+ 271%

9,78

10,65

+ 8,9%

75 000 à 99 999 habitants

24

20

20

5

12

+ 140%

5,31

6,01

+ 13,2%

100 000 à 199 999 habitants

32

24

24

2

6

+ 200%

6,54

9,65

+ 47,5%

200 000 habitants et plus

11

9

9

4

33,46

23,66

– 29,3 %

Total

36 744

17 198

17 702

+ 2,9%

6 371

10 467

+ 64%

151,33

152,27

+ 0,6%

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF à partir de données de la DGCL.

Les montants à financer ont très peu évolué de 2015 à 2016 (+ 0,6 %) et les règles n’ont pas été modifiées, ce qui autorise les comparaisons. On observe notamment que le nombre de communes écrêtées est relativement stable, que ce soit au total (+ 2,9 %) ou au sein des strates (+ 4,9 % au maximum).

En revanche, le nombre de communes plafonnées a fortement crû, passant de 6 371 à 10 467 (+ 64 %). Ceci implique des reports importants de CRFP que l’on peut observer dans l’évolution de l’écrêtement total. Alors que les montants en jeu n’ont pas sensiblement augmenté, certaines strates voient leur contribution diminuer (– 29 % pour les communes de plus de 200 000 habitants) tandis que d’autres strates voient leur contribution augmenter sensiblement (jusqu’à + 48 %).

Selon nos estimations, entre 2013 (dernière année avant la CRFP) et 2015, plus de 10 000 communes ont vu leur prélèvement augmenter plus que proportionnellement à la hausse globale du prélèvement ; pour plus de 7 000 communes, ce prélèvement a augmenté de plus de 50 % et même de plus de 100 % pour 4 500 communes. Ceci a pu expliquer certaines incompréhensions en mars 2016, lors des notifications de la dotation forfaitaire.

D’après les chiffres transmis par la DGCL, par rapport à une situation sans plafonnement, le plafonnement à 3 % de la dotation forfaitaire se traduit par un report de 51 millions d’euros sur les autres communes. Ce montant augmentera, probablement considérablement, dans la mesure où les effets présentés précédemment vont s’accentuer en 2017 du fait de la poursuite de la contribution des communes au redressement des finances publiques.

En tout état de cause, ce système de financement de la hausse de la péréquation verticale ne fonctionne plus. Le « rebasage » de la DGF proposé pourrait y apporter une première réponse, dans la mesure où toutes les communes percevraient une dotation forfaitaire d’un montant significatif et disposeraient donc d’une base susceptible d’être écrêtée.

À défaut, les rapporteures considèrent qu’il faudrait envisager de faire évoluer le mécanisme de plafonnement de l’écrêtement. Seule sa suppression permettrait de corriger l’ensemble des effets décrits précédemment, mais les conséquences pourraient s’avérer importantes et brutales pour certaines communes. En conséquence, il vaudrait mieux en augmenter progressivement le taux, de façon à corriger les effets de la CRFP sur ce point. Ainsi, en se basant sur les chiffres des années passées, avant la mise en œuvre de la CRFP, il semblerait logique qu’environ 3 600 communes soient plafonnées chaque année – contre plus de 10 000 en 2016.

III. RESTREINDRE LE SPECTRE DE LA DSU ET RÉPARTIR PLUS ÉQUITABLEMENT SA CROISSANCE

Aujourd’hui la péréquation verticale regroupe trois dotations au sein de la dotation d’aménagement :

– la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) créée en 1991 ;

– la dotation de solidarité rurale (DSR) créée en 1994 ;

– la dotation nationale de péréquation (DNP) issue du Fonds national de péréquation intégré à la DGF par la loi de finances pour 2004.

Elles représentent en 2016 un montant total de 3 947 millions d’euros, soit 31,7 % de la DGF des communes.

Leurs montants respectifs s’élèvent à 1 910 millions d’euros pour la DSU, 1 242 millions d’euros pour la DSR, et 794 millions d’euros pour la DNP.

De ces trois dotations, la DSU est celle qui concentre le plus d’attention car elle apparaît comme un puissant levier de réduction des écarts entre les communes en matière de création et de gestion des services publics au bénéfice des administrés.

Son histoire, vieille de vingt-cinq ans, doit être rappelée car les règles permettant l’identification des communes bénéficiaires ainsi que celles présidant au calcul du montant des dotations individuelles ont été modifiées à plusieurs reprises depuis 1991.

A. UNE DSU DE PLUS EN PLUS CONCENTRÉE SUR CERTAINES COMMUNES

Créée en 1991 (13), la dotation de solidarité urbaine « a pour objet de contribuer à l’amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées » (14).

Elle était initialement perçue par les communes :

– de moins de 10 000 habitants ayant plus de 1 100 logements sociaux ;

– de plus de 10 000 habitants sous réserve de remplir deux conditions cumulatives (relatives à la proportion de logements sociaux ou de bénéficiaires des aides aux logements et au niveau relatif de potentiel fiscal par habitant par rapport à celui de l’ensemble des communes de plus de 10 000 habitants).

Deux nouvelles réformes, introduites en 1993 et en 1996, ont remplacé ces conditions, d’abord pour les communes de plus 10 000 habitants puis pour les communes de moins de 10 000 habitants, par un indice synthétique de ressources et de charges. En outre, la réforme de 1996 a conduit à exclure du bénéfice de la DSU les communes de moins de 5 000 habitants.

Aussi, à partir de 1996, percevaient la DSU :

– les trois premiers quarts des communes de plus de 10 000 habitants classées en fonction de l’indice synthétique nouvellement défini ;

– et le premier dixième des communes dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants.

INDICE SYNTHÉTIQUE DE RESSOURCES ET DE CHARGES
UTILISÉ POUR LA RÉPARTITION DE LA DSU À PARTIR DE 1993

L’indice synthétique de ressources et de charges prend en compte :

– le rapport entre le potentiel fiscal (15) par habitant des communes de 10 000 habitants et plus et le potentiel fiscal par habitant de la commune (50 % (16)) ;

– du rapport entre la part des logements sociaux de la commune dans le total des logements de la commune et la part des logements sociaux des communes de 10 000 habitants et plus dans le total des logements de ces mêmes communes (20 %) ;

– du rapport entre la proportion des logements dont un occupant bénéficie des aides personnalisées au logement (APL) ou des allocations de logement dans le nombre total des logements de la commune et la proportion de ces logements dans le total des logements des communes de 10 000 habitants et plus (20 %) ;

– du rapport entre le revenu moyen par habitant des communes de 10 000 habitants et plus et le revenu par habitant de la commune (10 %).

Source : article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales, dans sa version issue de la loi n° 96-142 du 21 février 1996 relative à la partie législative du code général des collectivités territoriales.

En 2005, la loi de programmation pour la cohésion sociale (17) a introduit des zonages utilisés dans le cadre de la politique de la ville, afin de favoriser les communes comprenant des zones franches urbaines (ZFU) ou des zones urbaines sensibles (Zus).

Poursuivant la dynamique antérieure, la loi de cohésion sociale comprenait également une garantie de progression de la DSU ; ainsi, son article 135 prévoyait que « pour chacune des années 2005 à 2009, la progression de la dotation globale de fonctionnement des communes et de leurs groupements est affecté en priorité, à concurrence de 120 millions d’euros, à la dotation de solidarité urbaine (…). Si, pour chacune des années 2005 à 2009, le montant de l’accroissement de la dotation globale de fonctionnement des communes et de certains de leurs groupements est inférieur à 500 millions d’euros, l’affectation prévue à la phrase précédente est limitée à 24 % de l’accroissement constaté ».

Selon le bilan financier de dix années de dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, réalisé en 2012 par l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, « sur la période 2004-2012, le montant de la DSU des communes comportant des Zus et/ou ZFU a bénéficié d’un taux de croissance annuel moyen plus soutenu que celui observé sur l’ensemble des communes de 5 000 à 9 999 habitants : 25,3 % contre 17,6 % » (18).

Pour les communes de plus de 10 000 habitants comprenant des Zus ou des ZFU, le phénomène est de moindre ampleur puisque le montant de DSU de ces communes ne connaît, sur la même période, qu’une croissance annuelle légèrement supérieure à celle constatée sur l’ensemble de la strate : « 10,6 % d’augmentation en moyenne par an contre 9,6 % en moyenne par an pour l’ensemble de la strate des communes de 10 000 habitants et plus ».

MONTANTS DE DSU DES COMMUNES DE MÉTROPOLE (2004-2012)
DONT COMMUNES AVEC ZUS ET/ OU ZFU

Source : rapport public 2012 de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles.

En 2009, une nouvelle réforme de la DSU est envisagée.

Initialement, le projet de loi de finances pour 2009 réservait la hausse du montant de la DSU à la moitié des communes de plus de 10 000 habitants (au lieu des trois quarts), supprimait le critère relatif à la proportion de logements sociaux ainsi que les majorations accordées pour les ZFU et les Zus. Toutefois, comme le rappelle le rapport de Bernard Saugey, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois du Sénat, « ce projet de réforme a suscité l’émotion d’un grand nombre d’élus locaux et, le Bureau de l’Association des maires de France (AMF) a demandé un réexamen des dispositions du PLF relatives à la DSU ». Il est en effet apparu qu’« avec l’application des nouveaux critères de répartition, des communes emblématiques de la politique de la ville risquaient de sortir du dispositif. La réforme produisait des effets très négatifs pour des communes connaissant des difficultés économiques et sociales très importantes, en particulier en Île-de-France ».

Le projet initial du Gouvernement a donc été modifié et la loi de finances pour 2009 a mis en œuvre une nouvelle réforme de la DSU, dans l’optique de mieux la cibler : c’est la création de la DSU dite « cible », qui concentre les augmentations de la DSU sur un faible nombre de communes, considérées comme les plus défavorisées.

Ainsi, à partir de 2009, l’augmentation de la DSU est concentrée sur la seule part « cible » de la DSU, réservée :

– aux 150 premières communes de 10 000 habitants et plus ;

– aux 20 premières communes dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants,

classées en fonction de l’indice synthétique.

En 2010, le dispositif est élargi aux 250 premières communes de plus de 10 000 habitants (19) et, en 2011, aux 30 premières communes de moins de 10 000 habitants (20) .

En outre, les dispositions relatives à la DSU « non cible » sont modifiées par la loi de finances pour 2009 : la dotation perçue au titre de la DSU est désormais égale à celle perçue l’année précédente, éventuellement indexée sur l’inflation prévue par le projet de loi de finances. Ceci aboutit donc à une « cristallisation » des montants de DSU perçus.

RÈGLES ACTUELLES DE CALCUL DU MONTANT DE DSU
DES COMMUNES DE PLUS DE 10 000 HABITANTS

Classement

Calcul de la DSU

250 premières

DSU n-1 indexée sur l’inflation du PLF + « DSU cible »

Entre 251 et 501

DSU n-1 indexée sur l’inflation du PLF

Entre 502 et 751

DSU n-1

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

Pour les communes de moins de 10 000 habitants, le mécanisme est similaire : le montant de DSU perçu l’année précédente est également reconduit, sauf pour les 30 premières communes classées en fonction de l’indice synthétique, qui perçoivent la DSU « cible ».

Les hausses importantes de DSU « cible » ajoutées à cette cristallisation produisent un effet de seuil très important entre les communes percevant la DSU « cible » et les autres communes bénéficiant de la seule DSU.

MONTANTS DE LA DSU ET DE LA DSU CIBLE (2009-2016)

(en millions d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

DSU totale

1 103

1 169

1 241

1 299

1 411

1 467

1 638

1 808

dont DSU cible distribuée *

39

54

56

32

93

42

161

158

DSU cible cumulée

39

94

152

187

284

330

494

657

DSU hors cible cumulée

1 063

1 074

1 089

1 111

1 126

1 137

1 143

1 150

Évolution annuelle DSU

 

5,95 %

6,22 %

4,62 %

8,61 %

4,02 %

11,59 %

10,43 %

* Après déduction de la part de péréquation pour l’Outre-mer.

Source : Ressources consultants finances.

B. LA RÉFORME PRÉVUE À L’ARTICLE 150

L’article 150 dans sa version adoptée par le Parlement prévoit une réforme des dotations de péréquation en 2017 :

– la suppression de la dotation nationale de péréquation afin d’abonder le montant de la DSU et la dotation de solidarité rurale (DSR) ;

– une réforme de la DSR prenant notamment la forme d’une fusion des fractions « péréquation » et « cible » et d’un resserrement du nombre de communes éligibles ;

– une réforme de la DSU. Afin d’éviter le « saupoudrage », le bénéfice de la DSU est resserré : au lieu des trois quarts des communes de plus de 10 000 habitants, classées en fonction de l’indice synthétique, ce sont les deux premiers tiers de ces communes qui bénéficieraient de la DSU.

Selon les dispositions du projet de loi de finances pour 2016, l’augmentation de la DSU aurait dû désormais bénéficier à l’ensemble des communes éligibles et non plus seulement aux communes « cibles ». Cette modification de la répartition de la DSU n’a cependant pas été mise en œuvre, la suppression du dispositif concerné (les deux premiers alinéas de l’article L. 2334-18-4 du CGCT) ne figurant pas dans le texte adopté en raison d’une erreur matérielle intervenue en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.

Enfin, une garantie dérogatoire sur trois ans est créée, lorsqu’une commune cesse d’être éligible à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, elle perçoit, à titre de garantie, une dotation égale à 90 % en 2017, 75 % en 2018 et 50 % en 2019.

C. LE CHOIX DE SE LIMITER À LA CORRECTION DE LA DSU

Pour les rapporteures du groupe de travail, une réforme de l’architecture et des composantes des dotations de péréquation ne peut intervenir que dans le cadre d’une réforme globale de la DGF. En effet, la composante forfaitaire et les dotations de péréquation doivent être articulées entre elles afin que le résultat final soit conforme aux objectifs d’équité, de lisibilité et de soutenabilité.

À ce stade, il apparaît préférable de ne proposer que quelques modifications de la DSU, répondant aux souhaits, assez largement partagés, d’éviter à la fois le saupoudrage et les effets de seuils trop brutaux.

La DSR qui concerne un nombre très important de communes (33 850 communes éligibles à la DSR péréquation) ne serait pas modifiée indépendamment d’une réforme plus globale des différentes dotations.

Il est apparu souhaitable de conserver la DNP en l’état, dans l’attente d’une réforme de l’architecture des dotations de péréquation, qui pourrait reposer sur deux enveloppes (DSU/DSR) ou trois enveloppes (DSU/DSR/DNP), car il serait sans doute difficile de recréer une dotation générale de péréquation une fois la DNP supprimée.

Le groupe de travail propose de recentrer le nombre de communes de plus de 10 000 habitants bénéficiaires de la DSU et de répartir son augmentation parmi l’ensemble de celles-ci.

1. Recentrer le nombre de communes de plus de 10 000 habitants bénéficiaires de la DSU

Selon les bilans de la répartition de la DGF, en 2016, 1 001 communes ont une population d’au moins 10 000 habitants, soit 12 de plus qu’en 2015 et 48 de plus qu’en 2008. Le nombre de communes éligibles à la DSU parmi ces communes, soit celles classées parmi les trois premiers quarts au titre de l’indice synthétique, s’élève à 751 en 2016 contre 742 en 2015 et 715 en 2008.

La proportion de trois quarts des communes éligibles peut sembler très élevée, comparée, toutes choses égales par ailleurs, au premier dixième des communes de 5 000 à 9 999 habitants. Surtout, cet échantillon regroupe des situations très diverses allant de la banlieue défavorisée à la commune résidentielle en passant par les capitales régionales et les villes « moyennes » hors Île-de-France. L’idée selon laquelle la maille retenue est trop large n’est pas nouvelle et la tentative de réforme entreprise dans le projet de loi de finances pour 2009 en est l’illustration (cf. supra).

Cette réforme qui aboutissait à réserver la DSU à 477 communes et à en priver 238 n’a pas été acceptée en raison de son ampleur et de ses effets d’éviction à l’encontre de certaines communes défavorisées, en particulier en Île-de-France, comme Gennevilliers ou Bagneux (21).

En conséquence, s’il apparaît souhaitable de limiter le saupoudrage de cette dotation de péréquation – le montant par habitant le plus faible s’élevant à 4,25 euros par habitant (Chevilly-Larue – 94), il convient de restreindre la proportion d’éligibles de manière plus modérée. La règle des deux premiers tiers qui figure à l’article 150 de la loi de finances initiale pour 2016 apparaît mieux calibrée. En pratique, et sans autre modification concernant le calcul de l’indice synthétique ou les modalités de répartition, le recentrage autour de 667 communes (pour s’en tenir aux chiffres de 2016) ne devrait pas exclure du bénéfice de la DSU des communes pouvant être regardées comme particulièrement défavorisées. Une telle mesure permettrait de concentrer l’effort de péréquation sur les communes en ayant le plus besoin.

2. Mettre un terme à l’extrême concentration du partage de la croissance de la DSU qui génère un effet de seuil majeur

La création en 2009 d’une DSU « cible », composée à l’origine des 150 premières communes classées suivant l’indice synthétique puis des 250 premières, a incontestablement permis un rattrapage important au bénéfice de ces communes. Ce mode de fonctionnement, qui allie l’accumulation des augmentations annuelles (puisque la dotation dépend principalement de la dotation perçue l’année précédente) et la concentration de fortes augmentations (+ 180 millions d’euros en 2015 et en 2016) sur 250 communes, ne paraît plus justifié aujourd’hui.

Quelques données :

L’augmentation cumulée de la DSU « cible » depuis 2009 est de 658 millions d’euros.

En 2016, 85 communes « cible » perçoivent plus de 200 euros par habitant au titre de la DSU et 10 communes plus de 390 euros par habitant.

En 2016, 484 des 501 communes classées après le 250e rang ont enregistré une stagnation (239) ou une augmentation limitée à 1 % (245). En revanche 244 des communes classées parmi les 250 premières ont connu une augmentation de plus de 5 % de leur DSU, dont 85 communes entre 10 et 15 % ; 115 entre 15 % et 20 % et 30 de plus de 20 %.

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF d’après les données de RCF et du CFL (séance du 28 juin 2016).

Les communes classées parmi les premières au titre de l’indice synthétique, qui font incontestablement partie des « communes les plus pauvres avec des habitants pauvres », bénéficient en 2016 de montants de DSU par habitant très élevés en raison des montants capitalisés depuis 2009. On peut citer Clichy-sous-Bois avec 474 euros par habitant, Sarcelles avec 457 euros, Garges-lès-Gonesse avec 429 euros ou Roubaix avec 390 euros.

Les écarts de DSU par habitant se creusent entre communes comparables en raison de l’existence de la DSU « cible ».

EXEMPLES D’ÉCART DE DSU PAR HABITANT EN 2016

Ville

Code INSEE

Rang DSU

Population DGF

DSU/hab

Beauvais

60 057

240

56 772

98 euros

Colmar

68 066

253

70 073

33 euros

Ville

Code INSEE

Rang DSU

Population DGF

DSU/hab

Orly

94 054

235

22 692

130 euros

Choisy le Roi

94 022

258

43 226

48,50 euros

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF d’après les données de la DGCL.

Sur la période 2012-2016, les communes les mieux classées au titre de l’indice synthétique ont connu des taux de progression allant de 35 à 73 %.

ÉVOLUTION DE LA DSU DES 10 PREMIÈRES COMMUNES « DSU CIBLE »
DE PLUS DE 10 000 HABITANTS

(en euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

Évolution

2012/2016

Clichy-sous-Bois (93)

10 632 248

11 492 621

11 968 069

13 362 752

14 680 044

+ 38 %

Creil (60)

7 002 979

7 865 674

8 327 432

9 768 287

11 141 793

+ 59 %

Villiers-le-Bel (95)

6 875 373

7 567 228

7 953 158

9 126 478

10 207 811

+ 48 %

Aniche (59)

1 618 619

1 864 814

1 994 927

2 419 354

2 812 287

+ 73 %

Sarcelles (95)

19 677 856

21 211 607

22 058 297

24 382 839

26 579 128

+ 35 %

Méricourt (62)

1 715 924

1 992 127

2 133 082

2 581 183

3 000 903

+ 74 %

Garges-lès-Gonesse (95)

13 272 657

14 301 198

14 863 830

16 517 727

18 080 125

+ 36 %

Avion (62)

2 804 765

3 194 509

3 409 107

4 106 711

4 743 155

+ 69 %

Roubaix (59)

27 053 136

29 377 143

30 630 634

34 240 762

37 717 474

+ 39 %

Denain (59)

3 016 046

3 449 721

3 680 115

4 421 697

5 133 047

+ 70 %

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF d’après les données de RCF et de la DGCL.

Par comparaison les communes classées au-delà du 250ème rang ont connu, sur la période 2012/2016, des augmentations beaucoup plus modestes, égales à 5 % pour les communes situées entre le 251ème et le 501ème rang puisqu’elles bénéficient d’une augmentation de 1 % par an.

Les communes éligibles à la DSU situées au-delà du 501ème rang ont perçu chaque année le même montant non revalorisé.

Le tableau ci-dessous présente des exemples de ces deux catégories de communes.

ÉVOLUTION DE LA DSU DE COMMUNES SITUÉES APRÈS LE 251E RANG

(en milliers euros)

DSU

Rang DSU 2016

2012

2013

2014

2015

2016

Évolution

2012/2016

Créteil (94)

281

4 843

4 928

4 992

5 037

5 087

+ 5 %

Bezons (95)

321

1 499

1 525

1 545

1 559

1 574

+ 5 %

Villejuif (94)

332

1 301

1 324

1 341

1 353

1 367

+ 5 %

Villeurbanne (69)

417

3 185

3 241

3 283

3 312

3 345

+ 5 %

Orléans (45)

436

3 287

3 345

3 389

3 419

3 453

+ 5 %

Sarrebourg (57)

570

109

109

109

109

109

0 %

Florange (57)

596

114

114

114

114

114

0 %

Lagny-sur-Marne (77)

640

214

214

214

214

214

0 %

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF à partir de données de la DGCL.

Par conséquent, il est proposé, dès 2017, de :

– recentrer l’éligibilité à la DSU des communes de plus de 10 000 habitants des trois premiers quarts aux deux premiers tiers (soit de 751 à 667 communes) comme le prévoit l’article 150 ;

– répartir l’augmentation annuelle de la DSU sur l’ensemble des communes éligibles et non pas seulement sur les 250 premières. Cette répartition pourra être affectée d’un coefficient multiplicateur pour tenir compte des écarts de ressources et de charges.

IV. LE FONCTIONNEMENT DE LA DGF DES EPCI NE RÉSISTE PAS AUX CHANGEMENTS DE CATÉGORIE JURIDIQUE

A. LE CALCUL DES ENVELOPPES PAR CATÉGORIE JURIDIQUE D’EPCI

Pour le calcul de la dotation d’intercommunalité, est tout d’abord calculé le montant global de l’enveloppe dont disposent les EPCI d’une même catégorie juridique (communautés urbaines et métropoles, communautés d’agglomération, etc.), qui est ensuite répartie en fonction de différents critères (coefficient d’intégration fiscale, potentiel fiscal, population, etc.).

Pour calculer chaque enveloppe, la population des EPCI concernés est multipliée par un montant compris entre 20,05 euros par habitant pour les communautés de communes (CC) à fiscalité additionnelle et 60 euros par habitant pour les communautés urbaines et les métropoles. En outre, l’enveloppe des communautés urbaines (CU) et des métropoles est augmentée d’une garantie.

Le changement de statut juridique d’un EPCI a donc des conséquences sur le montant de l’enveloppe de son « ancienne » catégorie et de sa « nouvelle » catégorie.

ÉVOLUTION DES ENVELOPPES DE LA DOTATION D’INTERCOMMUNALITÉ
(AVANT CRFP)

(en euros)

 

Montant par habitant

Montant 2016

Montant 2015

Évolution de l’enveloppe

CU et métropoles

60,00

1 148 931 598

773 865 490

+ 48,47%

- dont métropole de Lyon

102 859 110

101 914 416

 

- dont Métropole du Grand Paris

217 284 409

   

- dont Aix Marseille Provence Métropole

171 549 704

   

CA

45,40

1 025 227 113

1 212 558 454

– 15,45%

CC FPU bonification

34,06

649 247 278

639 513 665

+ 1,52%

CC FPU

24,48

17 826 584

18 573 106

– 4,02%

CC FA

20,05

192 586 581

211 778 896

– 9,06%

SAN (2015)

48,42

 

7 288 953

– 100,00%

         

Total

 

3 033 819 154

2 863 578 564

5,95 %

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF à partir des notes d’information du 13 mai 2015 et du 12 mai 2016 relatives à la dotation d’intercommunalité des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre pour les exercices 2015 et 2016

Une fois le montant global de chacune de ces enveloppes ainsi calculé, ces dernières sont réparties selon les critères fixés par la loi (coefficient d’intégration fiscale, population, etc.). Ainsi, au sein de chaque catégorie d’EPCI (22), chaque EPCI ne perçoit pas exactement le montant par habitant utilisé pour calculer le montant total de l’enveloppe.

Par exemple, chaque communauté d’agglomération ne perçoit pas 45,40 euros par habitant au titre de la dotation d’intercommunalité : en 2015 (avant contribution au redressement des finances publiques) le montant par habitant de la dotation d’intercommunalité des communautés d’agglomération était compris entre 8,90 euros et 128 euros par habitant, soit un rapport de 1 à 14.

B. LES CONSÉQUENCES DE LA TRANSFORMATION DE COMMUNAUTÉS D’AGGLOMÉRATION EN COMMUNAUTÉS URBAINES OU EN MÉTROPOLES

La transformation d’une communauté d’agglomération (CA) en communauté urbaine ou en métropole entraîne, toutes choses égales par ailleurs, une diminution de l’enveloppe des communautés d’agglomération de 45,40 euros par habitant de la communauté d’agglomération « sortante », et ce quel que soit le montant effectif de dotation d’intercommunalité qu’elle percevait.

Par conséquent, si la communauté d’agglomération « sortante » percevait une dotation d’intercommunalité par habitant inférieure à 45,40 euros, les communautés d’agglomération « restantes » voient mécaniquement leur dotation d’intercommunalité diminuer puisque la diminution de l’enveloppe est supérieure à la dotation que la communauté d’agglomération « sortante » percevait effectivement.

En outre, les systèmes de garanties prévus peuvent contraindre encore l’enveloppe, au détriment de nouvelles ou de récentes communautés d’agglomération. En effet, depuis 2013, les communautés d’agglomération ne peuvent percevoir, à compter de la troisième année, un montant par habitant au titre de la dotation d’intercommunalité inférieur à 95 % du montant perçu l’année précédente.

C. EN 2016, UNE PERTE DE L’ORDRE DE 50 MILLIONS D’EUROS POUR LES COMMUNAUTÉS D’AGGLOMÉRATION QUI LE DEMEURENT

En 2016, 28 communautés d’agglomération se sont transformées en communautés urbaines ou métropoles ; elles comptent environ 5 millions d’habitants et elles percevaient, en 2015, un montant moyen par habitant au titre de la dotation d’intercommunalité de 35,10 euros.

Au contraire, en moyenne les communautés d’agglomération « restantes » percevaient, en 2015, 47,80 euros par habitant.

DOTATION D’INTERCOMMUNALITÉ DES COMMUNAUTÉS D’AGGLOMÉRATION DEVENUES COMMUNAUTÉS URBAINES OU MÉTROPOLES EN 2016

EPCI

Dotation d’intercommunalité

Montant par habitant

Population DGF

CA Perpignan Méditerranée

20 544 538

70,0

293 389

CA de Clichy-sous-Bois - Montfermeil

2 974 792

51,9

57 329

CA de Mantes-en-Yvelines

5 678 728

48,5

117 206

CA des Deux Rives de la Seine

4 476 209

48,3

92 770

CA de l’Aéroport du Bourget

4 351 285

46,3

94 000

CA Angers Loire Métropole

12 761 657

45,7

279 528

CA Seine et Vexin

2 987 726

43,5

68 682

CA les Portes de l’Essonne

4 364 186

42,3

103 186

CA du Pays d’Aubagne et de l’Étoile

4 371 463

41,3

105 831

CA Plaine Centrale du Val de Marne

6 339 949

40,3

157 170

CA de Saint-Étienne Métropole

15 631 341

39,1

400 027

CA Sud de Seine

5 583 714

38,1

146 681

CA Val de Bièvre

7 496 376

36,2

207 336

CA du Haut Val de Marne

3 870 660

36,0

107 642

CA Poissy. Achères. Conflans-Sainte-Honorine

3 343 760

35,7

93 779

CA Plaine Commune

14 809 514

35,6

415 990

CA Seine - Amont

6 748 952

35,4

190 886

CA de la Vallée de la Marne

2 254 215

34,6

65 224

CA Est Ensemble

13 965 781

34,6

404 155

CA des Hauts de Bièvre

6 131 275

32,5

188 611

CA Cœur de Seine

1 581 869

27,4

57 775

CA du Pays d’Aix-en-Provence

10 799 214

27,1

397 828

CA Grand Paris Seine Ouest

6 386 696

20,0

319 652

CA Terres de France

2 294 594

19,0

120 525

CA Salon - Étang de Berre - Durance - Agglopole Provence

2 648 988

18,2

145 566

CA du Mont Valérien

2 982 915

13,4

222 971

CA Seine - Défense

1 764 160

13,0

135 696

CA du Pays de Martigues

657 436

8,9

73 586

       

Total

177 801 993

35,1

5 063 021

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

Aussi, toutes choses égales par ailleurs, en raison de ces seuls changements de statut juridique, l’enveloppe des communautés d’agglomération a diminué de 229,8 millions d’euros (23) alors même que celles qui ont changé de statut juridique percevaient, au total, 177,8 millions d’euros. Autrement dit, toutes choses égales par ailleurs, la perte, pour les communautés d’agglomération « restantes », s’élève à 52 millions d’euros, soit 4,3 % de l’enveloppe totale de 2015 (1,212 milliard d’euros).

Déjà en 2016, ce problème a entraîné des conséquences importantes pour les communautés d’agglomération. En 2017, celles-ci seront encore plus brutales en raison de l’entrée en vigueur des dispositions de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui prévoit notamment la mise en place de nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) et permet (24) aux établissements publics de coopération intercommunale comprenant une « commune ayant perdu la qualité de chef-lieu de région » d’opter pour la catégorie des communautés urbaines, même s’ils n’atteignent pas le seuil démographique fixé par la loi, soit 250 000 habitants.

SECONDE PARTIE : QUELQUES ENSEIGNEMENTS POUR UNE RÉFLEXION À POURSUIVRE

Les rapporteures considèrent que l’article 150 de la loi de finances pour 2016, qui constituait le point de départ de la réflexion des groupes de travail, doit voir son application reportée au 1er janvier 2018 mais ne devrait pas être supprimé, afin de s’assurer qu’une réforme de la DGF demeurera à l’ordre du jour.

L’architecture de la dotation forfaitaire des communes, proposée par l’article 150 de la loi de finances pour 2016 et à partir de laquelle les groupes de travail ont travaillé, repose sur trois dotations :

– une dotation de base, d’un montant de 75,72 euros par habitant, pour toutes les communes ;

– une dotation de centralité, partagée entre l’EPCI et ses communes membres ;

– une dotation de ruralité perçue par les communes les moins denses ;

– un coefficient d’ajustement et un « tunnel » assurant la transition.

Il convient de souligner à ce titre que deux volets importants de la réforme adoptée en 2015 soulèvent des difficultés sérieuses :

– d’une part, le choix de proposer une dotation universelle avec un montant par habitant égal pour toutes les communes, quelle que soit leur situation, rend nécessaire la création de dotations de ruralité et de centralité tenant compte de leurs charges spécifiques ; toutefois, plus le montant de la dotation universelle est élevé, plus les marges de manœuvre pour prendre en compte la diversité des situations des communes sont réduites ;

– d’autre part, la redistribution, à l’aveugle, de toutes les garanties, a des effets particulièrement brutaux pour certaines communes en difficulté : toutes les garanties ne sont pas injustifiées et certaines, correspondant notamment à d’anciennes dotations de péréquation, paraissent au contraire justifiées.

Plus généralement, à l’issue d’une réforme réussie, les écarts de DGF par habitant devraient être corrélés aux écarts de dépenses de fonctionnement, de richesse des collectivités par habitant ainsi qu’à leurs efforts fiscaux.

I. L’ARCHITECTURE DE LA DOTATION FORFAITAIRE

A. UNE DOTATION DE CENTRALITÉ À PROFONDÉMENT REMANIER

La dotation de centralité ayant été la plus critiquée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, les rapporteures proposent de la modifier profondément.

1. Rappel du fonctionnement de la dotation de centralité prévue par l’article 150 de la loi de finances pour 2016

L’article 150 prévoit que la dotation de centralité est calculée au niveau de l’ensemble intercommunal, c’est-à-dire l’EPCI et ses communes membres. Seuls les ensembles intercommunaux de plus de 500 habitants la percevraient.

Pour chaque ensemble intercommunal, le montant par habitant de la dotation de centralité dépend de sa population, à laquelle est appliqué un coefficient logarithmique variant de 1 à 3.

Ainsi, les ensembles intercommunaux les moins peuplés perçoivent 15 euros par habitant au titre de la dotation de centralité, tandis que les plus peuplés bénéficieraient de 45 euros par habitant.

Ainsi calculée, la dotation de centralité est ensuite répartie entre l’EPCI et l’ensemble de ses communes membres en fonction du coefficient d’intégration fiscale (CIF) – dans la limite de 40 % et à l’exception des EPCI à fiscalité additionnelle qui ne perçoivent pas cette dotation. La part communale de cette dotation est alors répartie en fonction de leur poids démographique dans l’ensemble intercommunal, porté à la puissance 5.

EXEMPLES DE RÉPARTITION
DE LA PART COMMUNALE DE LA DOTATION DE CENTRALITÉ (DC)

 

 

Commune 1

Commune 2

Commune 3

Commune 4

Cas A

Population

10 000

2 500

2 800

8 000

Part de la DC

75,2 %

0,1 %

0,1 %

24,6 %

Cas B

Population

10 000

8 000

7 000

6 000

Part de la DC

63,6 %

20,8 %

10,7 %

4,9 %

Cas C

Population

10 000

2 000

2 000

2 000

Part de la DC

99,9 %

0,0 %

0,0 %

0,0 %

Source : Sénat, rapport spécial de MM. Charles Guené et Claude Raynal sur le projet de loi de finances pour 2016 (annexe n° 26 au rapport général de M. Albéric de Montgolfier).

2. Les difficultés identifiées

La répartition de la dotation de centralité, notamment s’agissant de la part communale, dépendait étroitement du périmètre intercommunal, alors en pleine redéfinition : les nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) n’étant pas connus lors du vote de la loi de finances, le montant de la dotation de centralité effectivement perçu par une même commune pouvait varier très brutalement (en raison de la « puissance 5 »), en fonction de son poids démographique par rapport aux autres communes du nouvel EPCI.

Au-delà de la non-prise en compte des nouveaux périmètres intercommunaux, pourtant déterminants dans la répartition de la dotation de centralité, le fait de répartir la part communale entre les communes en fonction du poids démographique de chacune porté à la puissance 5 entraînait des résultats absurdes, notamment dans le cas des EPCI « polycentriques ».

Par ailleurs, on peut s’interroger sur la notion même de « centralité intercommunale ».

En effet, dans les EPCI à fiscalité professionnelle unique, les charges de centralité sont prises en compte dans l’attribution de compensation versée aux villes centres. Dans les EPCI à fiscalité additionnelle, les charges de centralité sont financées par l’ensemble du territoire par le biais de la fiscalité.

En l’état, l’approche d’une dotation de centralité calculée au niveau de l’ensemble intercommunal nous semble devoir être différée.

En outre, la définition des critères de centralité s’avère particulièrement difficile.

Enfin, le fait qu’une part de la dotation forfaitaire des communes soit « territorialisée », c’est-à-dire calculée au niveau de l’ensemble intercommunal et en partie perçue par l’EPCI – au lieu de ses seules communes membres demeure un point particulièrement sensible, qui ne fait pas l’objet d’un consensus. Les rapporteures le regrettent.

3. Les principes d’une nouvelle dotation de centralité

Pour l’ensemble de ces raisons, les rapporteures ont considéré qu’il convenait d’abandonner la territorialisation de la dotation de centralité et, par conséquent, de la répartition entre communes en fonction de leur poids démographique dans le territoire porté à la puissance 5.

La nouvelle dotation de centralité pourrait être perçue par les communes à partir d’un seuil démographique. Ce critère d’éligibilité permettrait de fixer le montant de l’enveloppe de la dotation de centralité : il correspondrait à la population des communes éligibles, multipliée par un montant par habitant.

Une fois l’enveloppe de dotation de centralité déterminée, elle serait répartie en fonction de la population :

– pondérée par un coefficient logarithmique (variant de 1 à 2) pour prendre en compte les charges des communes les plus peuplées ;

– majorée en fonction du poids démographique de la commune par rapport à celui de l’ensemble des communes éligibles du département, afin de prendre en compte les charges spécifiques des communes centres qui offrent des équipements et des services aux communes alentours.

Cette majoration permettrait de conserver une notion de centralité, non plus par rapport au territoire intercommunal mais par rapport à celui du département, ce qui limiterait également les effets des changements de périmètres intercommunaux.

La dotation de centralité serait donc répartie uniquement en fonction de critères de charges (population, centralité).

À ce titre, la part « bourg-centre » de la dotation de solidarité rurale (DSR) – bien qu’elle soit considérée comme une dotation de péréquation – répond à des préoccupations du même ordre dans la mesure où elle prend en compte les charges de centralité en zone rurale. Dans l’architecture de la dotation forfaitaire, l’enveloppe constituée de la part « bourg-centre » de la DSR pourrait donc être considérée comme une composante de la dotation forfaitaire : son enveloppe demeurerait séparée de la dotation de centralité et ses critères, comme ses bénéficiaires, ne seraient pas modifiés.

B. DES ADAPTATIONS À LA MARGE DE LA DOTATION DE RURALITÉ

La loi de finances pour 2016 prévoit que les communes dont la densité est inférieure à 75 % de la moyenne nationale sont éligibles à la dotation de ruralité. L’enveloppe nationale est calculée en multipliant la population des communes éligibles par 20 euros.

La répartition entre communes éligibles s’effectue ensuite en fonction de leur population et du rapport entre la densité moyenne et leur propre densité. La dotation de ruralité est plafonnée à quatre fois la dotation de base et les communes accueillant un parc national ou un parc naturel marin bénéficient d’une majoration.

Contrairement à la dotation de centralité, aucun dysfonctionnement majeur de la dotation de ruralité n’a été observé lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016.

Les rapporteures considèrent toutefois qu’en raison du montant élevé de la dotation de base, il est préférable de considérer que les dotations de centralité et de ruralité doivent être exclusives l’une de l’autre en fonction d’un seuil démographique. Autrement dit, aucune commune ne pourrait cumuler les deux dotations : en-deçà d’un seuil de population, elles pourraient percevoir la dotation de ruralité, au-delà de ce seuil, elles pourraient bénéficier de la dotation de centralité.

À ce seuil démographique s’ajouterait un critère de sous-densité, à la fois pour déterminer l’éligibilité à la dotation de ruralité et donc pour calculer le montant de l’enveloppe de cette dotation, mais aussi pour la répartir.

Une pondération de la densité serait prévue pour les communes accueillant des parcs naturels et un plafonnement devrait nécessairement être introduit, par habitant voire par hectare.

C. FAIRE DE LA DOTATION DE BASE UNE DOTATION D’AJUSTEMENT

L’article 150 de la loi de finances pour 2016 prévoit, en plus des dotations de centralité et de ruralité, que toutes les communes, sans distinction, perçoivent, au titre de la dotation de base, 75,72 euros par habitant.

L’architecture de la dotation forfaitaire ainsi définie ne permet toutefois pas de répartir toute l’enveloppe disponible : aussi, l’article 150 de la loi de finances pour 2016 prévoyait un coefficient d’ajustement, rendant l’ensemble du dispositif peu lisible.

Aussi, pour éviter de tels écueils, vos rapporteures souhaitent que la dotation de base, d’un même montant par habitant quelle que soit la commune, soit considérée comme le solde de l’enveloppe après le calcul des enveloppes dédiées à la centralité et à la ruralité.

Chaque année, le montant de la dotation de base par habitant s’ajusterait automatiquement à la dimension de l’enveloppe de la dotation forfaitaire, rendant le système beaucoup plus lisible que celui proposé par l’article 150 de la loi de finances pour 2016.

ARCHITECTURE DE LA DOTATION FORFAITAIRE

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

D. LA NÉCESSITÉ DE CRÉER UNE « DOTATION DE CONSOLIDATION »

L’article 150 de la loi de finances pour 2016 repose sur la suppression de toutes les garanties existantes. Or un même montant de garanties par habitant peut dissimuler des situations très différentes.

L’étude des effets de la réforme de l’article 150 de la loi de finances pour 2016 montre des effets parfois peu compréhensibles dans certains territoires. Ainsi, la Lozère et le Cantal, qui comptent de nombreuses communes pauvres, sont perdants à la réforme. Cette situation s’explique principalement par une répartition très variable des garanties internes à la dotation forfaitaire actuelle entre les communes.

Ainsi, la répartition du complément de garantie – qui constitue la principale garantie de la dotation forfaitaire – n’est absolument pas corrélée au potentiel fiscal. Une suppression « aveugle » du complément de garantie aurait des effets particulièrement importants sur des communes pauvres pour lesquelles le complément de garantie constitue une part importante des recettes.

RÉPARTITION DU COMPLÉMENT DE GARANTIE PAR HABITANT
EN FONCTION DU POTENTIEL FISCAL PAR HABITANT

complément de garantie par habitant (en euros par habitant)


Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF à partir des données DGCL 2014.

NB : les valeurs extrêmes ont été exclues pour la lisibilité du graphique (potentiel fiscal supérieur à 5 000 euros par habitant, soit 25 communes sur 36 660).

Lecture : chaque point représente une commune. Deux communes ayant un potentiel fiscal par habitant similaire peuvent percevoir un complément de garantie par habitant très différent.

Cette situation s’explique par le fait que ces garanties correspondent notamment à la compensation des effets de la réforme de la DGF de 2003 qui a remplacé la DGF de 1993 forfaitisant celle de 1985. Or 37,5 % du montant de la DGF de 1985 correspondait à des dotations de péréquation – contre 31 % en 2016. Les dotations de péréquation devraient être augmentées de 713 millions d’euros (et la dotation forfaitaire diminuée à due concurrence) pour retrouver la même part de péréquation qu’en 1985.

ARCHITECTURE DE LA DGF DE 1985

   

Part de la DGF

Dotation de base

destinée à tenir compte des charges liées à l’importance de la population

40 %

Dotation de péréquation

 

– première fraction

destinée à tenir compte de l’inégalité des ressources fiscales

30 %

– seconde fraction

destinée à tenir compte de l’insuffisance du revenu par habitant

7,50 %

Dotation de compensation

destinée à tenir compte de certaines charges particulières des communes :

22,50 %

 

– proportionnellement au nombre d’élèves relevant de l’enseignement obligatoire et préélémentaire domiciliés dans la commune (20 %) ;

 

 

– proportionnellement à la longueur de la voirie classée dans le domaine public communal ; pour les communes situées en zone de montage, la longueur de la voirie est doublée (20 %) ;

 

 

– en fonction de l’importance du parc des logements sociaux (60 %).

 

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF.

Par conséquent, afin de rendre acceptable une réforme de la DGF qui redistribuerait l’ensemble des garanties, il paraît nécessaire de créer une dotation spécifique, qui consoliderait les anciennes garanties de certaines communes (en fonction d’un seuil de potentiel financier et d’effort fiscal par exemple). La création d’une telle dotation ne serait certes pas satisfaisante, puisqu’elle reviendrait à cristalliser une partie du passé.

L’alternative serait d’augmenter significativement le caractère péréquateur de la DGF et, si l’on raisonne à enveloppe constante, de diminuer à due concurrence l’enveloppe de la dotation forfaitaire.

II. CONSERVER UNE DOTATION DE PÉRÉQUATION GÉNÉRALE À CÔTÉ DE LA DSU ET DE LA DSR

A. LE RECENTRAGE DE LA DSU ET DE LA DSR NE DOIT PAS PRIVER LES « COMMUNES MOYENNEMENT PAUVRES » DU BÉNÉFICE DE LA SOLIDARITÉ NATIONALE

Les rapporteures partagent le constat selon lequel il faudrait éviter le « saupoudrage » des dotations de péréquation. Elles tiennent cependant à souligner que les communes vulnérables ne sont pas uniquement des communes en grande difficulté, mais qu’il existe également des « communes moyennement pauvres », comme le montre le graphique ci-dessous.

RÉPARTITION DES COMMUNES EN FONCTION DE LEUR POTENTIEL FINANCIER PAR HABITANT

(en euros par habitant)



Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

N.B. Par souci de lisibilité, les communes dont le potentiel financier est supérieur à 4 000 euros ne sont pas représentées

Ces communes, dont le potentiel fiscal par habitant est en dessous de la moyenne, doivent également bénéficier de la solidarité nationale. À cet égard, trois principes à l’œuvre dans l’article 150 de la loi de finances pour 2016 appellent une analyse particulière.

Tout d’abord, l’article 150 prévoit une dotation de base très importante, assise sur un montant par habitant de plus de 75 euros. À elle seule, elle représenterait 75 % de la dotation forfaitaire quand la part de l’ancienne dotation de base (2014) dans la dotation forfaitaire s’élevait à 50 % environ. De plus, la dotation de base serait répartie uniquement selon le critère de population, sans tenir compte des charges de centralité qui étaient précédemment prises en compte à travers le coefficient logarithmique. Les trois quarts de l’enveloppe sont donc répartis sans distinction entre les communes ; celles qui ne bénéficieront pas de la péréquation verticale seraient traitées pratiquement de façon identique entre elles, alors que les différences de richesse peuvent être considérables comme le montre le graphique précédent. 

Par ailleurs, la loi de finances pour 2016 prévoit une réduction du nombre de communes bénéficiaires de la péréquation verticale, afin d’éviter le « saupoudrage ». Plus précisément, le nombre de communes de plus de 10 000 habitants bénéficiaires de la DSU serait passé de 742 à 659 (83 communes en moins) et le nombre de communes bénéficiaires de la DSR « péréquation » serait passé de 34 000 à 26 000 environ (8 000 communes en moins). Seules les communes les plus à gauche sur le graphique précédent bénéficieraient donc de ces deux dotations.

Enfin, l’article 150 prévoit de supprimer la DNP en répartissant son montant (752 millions d’euros) entre la DSU et la DSR. Les communes de plus de 10 000 habitants sont assurées, la première année de la réforme, que leur DSU soit au moins égale à la somme de leur DSU et de leur DNP de l’année précédente. Une garantie équivalente est prévue pour les communes de moins de 10 000 habitants sur leur DSR. Ces garanties joueraient tant que les attributions au titre de la DSU et de la DSR sont calculées par rapport à l’attribution de l’année précédente.

Il découle de ces trois points que, si l’article 150 de la loi de finances pour 2016 n’est pas modifié, les « communes moyennement pauvres » risquent d’être exclues de toute péréquation verticale et traitées de façon identique à des communes beaucoup plus riches.

B. LA CONSTRUCTION D’UNE DOTATION D’AMÉNAGEMENT EN MIROIR DE LA DOTATION FORFAITAIRE

Les rapporteures proposent de conserver une dotation de péréquation « générale », baptisée « dotation globale de péréquation », face à la dotation de base, afin de construire une dotation d’aménagement en miroir de la dotation forfaitaire.

CONSTRUCTION EN MIROIR DE LA DOTATION FORFAITAIRE
ET DE LA DOTATION D’AMÉNAGEMENT

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

Cette dotation globale de péréquation serait répartie de la même façon que la DNP aujourd’hui, c’est-à-dire entre les communes dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur au potentiel fiscal par habitant moyen de sa strate et dont l’effort fiscal est supérieur à l’effort fiscal moyen des communes de sa strate.

Deux hypothèses d’abondement de cette dotation ont été envisagées par les groupes de travail, le choix dépendant de ce qui sera décidé concernant les autres dotations de péréquation.

La première hypothèse part du principe que la DSU serait recentrée et que l’effet de seuil propre à la DSU « cible » serait supprimé ou du moins considérablement atténué. Par la suite, sous réserve d’une réforme de la dotation forfaitaire, la DSR pourrait également être corrigée. Dès lors, il serait nécessaire de conserver une péréquation générale et la DGP serait uniquement alimentée par le montant actuel de la DNP, le changement de dénomination permettant d’en faire le miroir de la dotation de base.

HYPOTHÈSE 1 : RECONDUIRE DANS LA DGP LE MONTANT DE LA DNP

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

La seconde hypothèse, quant à elle, repose sur l’idée de réserver la DSU et la DSR aux communes les plus en difficulté, c’est-à-dire en se limitant aux fractions « cible » de ces deux dotations. Ce système serait plus lisible que l’actuel, dans lequel le Parlement vote une augmentation de la DSU (859 communes éligibles) qui ne bénéficie en fait qu’aux 280 communes « cible ». La DSR « péréquation » et la DSU « standard » reconstituée en cumulant la DSU « cible » depuis 2009, abonderaient la nouvelle dotation globale de péréquation, en lui permettant d’atteindre un montant conséquent de 2,5 milliards d’euros.

HYPOTHÈSE 2 : ABONDER LA DGP DE LA DNP, DE LA DSR PÉRÉQUATION
ET DE LA DSU NON CIBLE

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

III. METTRE EN PLACE UNE TRANSITION À LA FOIS SUPPORTABLE ET SUFFISAMMENT RAPIDE

A. LE « TUNNEL » DE L’ARTICLE 150 COMPORTE PLUSIEURS INCONVÉNIENTS MAJEURS

La mise en place d’un système de transition entre les anciennes et les nouvelles modalités de répartition de la dotation forfaitaire est un impératif pour la réussite d’une réforme de la DGF, afin d’éviter les effets trop brutaux et de laisser le temps aux collectivités territoriales concernées de s’adapter. Cette transition est d’autant plus importante que la prochaine réforme de la DGF, contrairement aux précédentes, se fera – au mieux – à enveloppe constante. En d’autres termes, les « perdants » de la réforme ne subiront pas une moindre hausse ou une stabilisation de leur dotation mais bien une diminution.

Cet impératif doit être concilié avec le souci de mettre fin le plus rapidement possible aux injustices actuelles de la DGF, tout en veillant à ne pas rendre illisible le fonctionnement de la dotation forfaitaire.

L’article 150 prévoit que la dotation forfaitaire de chaque commune, avant CRFP, évolue au sein d’un « tunnel » de plus ou moins 5 % : chaque année, la dotation forfaitaire perçue par une commune ne peut être inférieure à 95 % du montant perçu l’année précédente (hors CRFP), ni supérieure à 105 % de ce même montant.

Les rapporteures considèrent que ce « tunnel » présente trois inconvénients majeurs.

Tout d’abord, ce « tunnel » n’est pas autofinancé : il n’y a aucune raison pour que la somme des garanties (versées aux communes dont la nouvelle dotation forfaitaire devrait être inférieure à 95 % du montant perçu l’année précédente) soit égale, chaque année, à la somme des écrêtements (prélevés sur les communes dont la nouvelle dotation forfaitaire devrait être supérieure à 105 % du montant perçu l’année précédente). C’est pourquoi l’architecture de l’article 150 prévoit une composante « majoration et tunnel », destinée à financer ces garanties. Celle-ci nuit de façon importante à la lisibilité d’ensemble du dispositif.

Par ailleurs, un système de transition en « tunnel » implique que l’on « tende » vers le montant d’arrivée, mais à un rythme parfois très lent. Les données transmises par le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016 indiquaient qu’une commune pouvait mettre plus de 40 ans pour « sortir du tunnel » et percevoir le juste montant de dotation, au regard des nouveaux critères fixés. Ce délai est manifestement excessif, d’autant plus que la DGF est traditionnellement réformée tous les dix ans.

Exemples de fonctionnement du « tunnel » de l’article 150

Le graphique représente les données de deux communes fictives. La commune A perçoit en 2015 une dotation forfaitaire de 1,5 million d’euros, tandis que sa dotation spontanée s’élève, après réforme, de 500 000 euros. La commune B perçoit pour sa part une dotation forfaitaire de 500 000 euros en 2015 et sa dotation forfaitaire spontanée s’élève, après réforme, à 1,5 million d’euros.

Au titre de la contribution au redressement des finances publiques, les deux communes voient leur dotation forfaitaire baisser de 14 % en 2016 et de 17 % en 2017, ce qui correspond à la baisse moyenne, et ne sont pas écrêtées.

ÉVOLUTION DU MONTANT DE LA DOTATION FORFAITAIRE DES COMMUNES A ET B

(en euros)

La commune A atteint sa dotation forfaitaire « cible » au bout de 16 ans, tandis que la commune B atteint la sienne au bout de 31 ans.

Source : Sénat, Charles Guené et Claude Raynal, rapport spécial sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », projet de loi de finances pour 2016, annexe XXVI, 19 novembre 2015.

Enfin, avec l’article 150, le rythme auquel une commune parvient à son montant cible ne dépend pas de l’écart entre sa dotation actuelle et ce montant cible. En d’autres termes, une commune dont la dotation forfaitaire devrait doubler et une commune dont la dotation forfaitaire devrait augmenter de 15 % progresseront au même rythme : + 5 % par an. Les rapporteures considèrent pour leur part que l’écart à la cible devrait être corrigé d’autant plus vite qu’il est important.

B. UNE TRANSITION LISIBLE, AUTOFINANCÉE ET ACHEVÉE EN DIX ANS

Pour l’ensemble de ces raisons, les rapporteures proposent un système de transition différent, étalé sur dix ans.

Chaque année, le montant de la dotation forfaitaire serait divisé en deux parts : la première part serait répartie en fonction de la nouvelle architecture et des nouveaux critères, tandis que la seconde part serait répartie en fonction des modalités actuelles (et donc en fonction de la dotation de référence, si la DGF est « rebasée »). La première année, la première part serait égale à 10 % de l’enveloppe, puis à 20 % la deuxième année et ainsi de suite, comme le montre le graphique ci-dessous.

TRANSITION PROGRESSIVE SUR DIX ANS ENTRE LA DOTATION DE RÉFÉRENCE
ET LA NOUVELLE DOTATION FORFAITAIRE

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

Ce système présente plusieurs avantages :

– la transition est autofinancée : on répartit l’ensemble de l’enveloppe sans besoin d’un apport extérieur ou d’une composante « transition » ; la lisibilité de l’ensemble est donc garantie ;

– la transition est effective dans un délai raisonnable de dix ans pour toutes les communes ;

– une commune dont l’écart au montant cible est deux fois supérieur à celui d’une autre commune progressera vers ce montant deux fois plus vite qu’elle ; les injustices de la répartition actuelle sont donc réparées plus vite.

IV. LA STRUCTURE DE LA DGF DES EPCI

A. LA MODIFICATION DE L’ARCHITECTURE DE LA DGF DES EPCI PRÉVUE PAR L’ARTICLE 150 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2016 NE PARAÎT PAS SOUTENABLE

1. La modification de l’architecture de la DGF des EPCI prévue par l’article 150 et ses effets

Alors que la DGF des EPCI se compose aujourd’hui d’une dotation d’intercommunalité et d’une dotation de compensation, l’article 150 de la loi n° 2015-1785 de finances pour 2016 prévoit de fusionner leurs montants et de les répartir entre trois nouvelles dotations : une dotation de péréquation, une dotation d’intégration et la part de la dotation de centralité revenant à l’EPCI. Le schéma ci-dessous illustre cette nouvelle structure, avec les montants qui étaient prévus par le projet de loi de finances pour 2016. Avant minoration au titre de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP), la DGF des EPCI devait augmenter légèrement de 2015 à 2016 du fait d’une majoration de 113 millions d’euros pour le financement de la métropole du Grand Paris (MGP) et de la métropole Aix Marseille Provence (MAMP).

MODIFICATION DE L’ARCHITECTURE DE LA DGF DES EPCI
PROPOSÉE PAR L’ARTICLE 150 DE LA LFI 2016



Source : DGCL, groupes de travail des commission des finances du Sénat et de l’Assemblée nationale.

● L’architecture actuelle de la DGF des EPCI

La dotation de compensation répartie en 2016 s’élève, après CRFP, à 5,170 milliards d’euros, contre 4,551 milliards d’euros en 2015. Cette évolution résulte du basculement de la compensation « part salaires » (CPS) des communes ayant adhéré à un EPCI à FPU, d’un changement de fiscalité de l’EPCI ou d’un mouvement de périmètre intercommunal.

La dotation de compensation est composée de l’ancienne CPS et de la compensation des baisses de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), intervenues entre 1998 et 2001. La part CPS est écrêtée de manière uniforme (– 1,94 % en 2016) pour financer la hausse de la population et l’achèvement de la carte intercommunale. Le montant de cet écrêtement est de 101,5 millions d’euros en 2016.

Le montant de la dotation d’intercommunalité est calculé à partir d’un montant par habitant, différent selon les catégories d’EPCI. Ces modalités de calcul et de répartition ont été présentées plus haut (IV de la première partie) Après application de la contribution au redressement des finances publiques, 1,568 milliard d’euros a été réparti en 2016 au titre de la dotation d’intercommunalité, contre 1,998 milliard d’euros en 2015.

● L’architecture proposée par l’article 150 de la loi de finances pour 2016

Une application de l’article 150 précité dès 2016 aurait conduit à la répartition de la DGF des EPCI, soit 7,3 milliards d’euros avant CRFP, selon l’architecture suivante :

– une dotation de péréquation de 49 euros par habitant, soit un montant de 3,4 milliards d’euros. Les EPCI dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 1,5 fois le potentiel fiscal moyen de leur catégorie y seraient éligibles et la répartition serait effectuée en fonction de la population, de l’écart de potentiel fiscal par habitant à 1,5 fois le potentiel fiscal moyen de sa catégorie et du coefficient d’intégration fiscale (CIF) ;

– une dotation d’intégration de 21 euros par habitant, soit un montant de 1,5 milliard d’euros. Tous les EPCI y seraient éligibles, et la répartition prendrait en compte la population et le coefficient d’intégration fiscale (CIF) ;

– la part intercommunale de la dotation de centralité (650 millions d’euros), à laquelle tous les EPCI sauf ceux à fiscalité additionnelle seraient éligibles (les EPCI à fiscalité additionnelle pourraient toutefois également bénéficier de cette part de dotation de centralité à condition que soit prise une délibération à la majorité qualifiée). Cette dotation serait répartie entre les communes membres et l’EPCI en fonction du CIF dans la limite de 40 %.

Comme pour les communes, des mécanismes de plafonnement et de garanties ainsi qu’une majoration sont prévus :

– un abattement : les EPCI qui, en 2015, n’ont pas perçu de dotation de compensation ou de dotation d’intercommunalité (EPCI à fiscalité additionnelle par exemple) auraient perçu, en 2016, une DGF égale à la moitié de leur DGF « spontanée », c’est-à-dire la somme des dotations de péréquation, d’intégration et de centralité ;

– des garanties.

L’article 150 précité prévoit un « tunnel » garantissant que la DGF par habitant d’un EPCI ne peut augmenter ni diminuer de plus de 5 % par rapport à l’année précédente. De plus, une garantie de non-baisse est prévue dans les cas où :

– le CIF de l’EPCI est supérieur à 0,5 ;

– le potentiel fiscal par habitant de l’EPCI est inférieur de plus de 50 % à celui de sa catégorie.

Pour 2016, selon les simulations transmises par le Gouvernement, 211 EPCI auraient bénéficié de la garantie (95 % du montant par habitant perçu l’année précédente) et 1 808 EPCI auraient vu leur DGF plafonnée.

C’est l’écart entre le montant de la DGF « spontanée » des EPCI en 2016 et la DGF répartie en 2015, qui permet de financer les garanties, à hauteur de 1,7 milliard d’euros. Toutefois, cet écart indique aussi l’ampleur de l’impact de la mutualisation des garanties historiques et de la CPS dans le cadre de la réforme prévue par l’article 150 précité, qui apparaît peu soutenable.

● Effets généraux de la réforme prévue par l’article 150, la première année

Les simulations transmises par le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016 faisaient état de 89 % d’EPCI gagnants à la réforme prévue par l’article 150, et de 74 % de la population DGF des EPCI. Ces résultats sont ceux de simulations ne prenant pas en compte la CRFP 2016, alors que le montant de la DGF des EPCI, avant CRFP, est majoré de 113 millions d’euros pour compenser le coût de la métropole du Grand Paris (MGP) et de 680 millions d’euros du fait du transfert de la part CPS des communes de la MGP.

La présentation de résultats pour la première année de la réforme, avant CRFP, fait apparaître l’ensemble des catégories d’EPCI comme gagnant, avec un bénéfice plus prononcé pour les communautés d’agglomération et les communautés de communes.

SIMULATION DE L’IMPACT D’UNE APPLICATION EN 2016 DE LA RÉFORME DE LA DGF DES EPCI TELLE QUE PRÉVUE PAR L’ARTICLE 150 DE LA LFI 2016

(en euros)

 

DGF/habitant moyenne 2015

DGF/habitant moyenne 2016 (simulations)

Variation DGF/habitant 2015/2016

Communautés d’agglomération (CA)

111,13

114,56

3,06 %

Communautés de communes (CC)

47,47

48,78

2,76 %

Communautés urbaines (CU)

164,31

164,98

0,41 %

Métropoles

178,96

183,08

2,30 %

Ensemble

102,31

104,98

2,61 %

Source : DGCL.

Le Gouvernement n’a pas transmis de simulation pluriannuelle de l’impact de l’article 150 pour les EPCI.

● Effets de la remise en jeu de la dotation de compensation

Le graphique ci-contre illustre l’écart, pour les métropoles et les communautés urbaines, entre la DGF qu’elles ont perçue par habitant en 2015 et la dotation spontanée qui leur aurait été attribuée par habitant en 2016 selon les dispositions de l’article 150, hors garantie, plafond et CRFP. Le montant total indiqué dans chaque colonne de gauche correspond à la DGF notifiée, après CRFP. La répartition interne de la DGF 2015 est toutefois présentée de manière simplifiée. La DGF 2015 de chaque EPCI est décomposée entre la dotation d’intercommunalité (DI), la dotation de compensation (DC) et les garanties. Afin de permettre une comparaison de la dotation d’intercommunalité hors CRFP au nouveau dispositif, les contributions 2014 et 2015 sont imputées sur la dotation de compensation et non pas sur la dotation d’intercommunalité. La réallocation des dotations est d’autant plus massive que la dotation de compensation est faible.

IMPACT DE LA MUTUALISATION DES GARANTIES PASSÉES ET DE LA CPS AU SEIN DE MÉTROPOLES ET DE COMMUNAUTÉS URBAINES

Source : Ressources consultants finances.

La part des garanties et compensations dans la DGF 2016 des EPCI se répartit comme suit. La part de la dotation de compensation dans la DGF des EPCI est de 76,75 % en 2016 et elle est supérieure à la moyenne pour 490 EPCI.

PART DES GARANTIES ET COMPENSATIONS DANS LA DGF RÉPARTIE EN 2016

(en %)

Catégories d’EPCI

Part de la garantie (dotation d’intercommunalité)

Part de la CPS (dotation de compensation)

Part de la DCTP (dotation de compensation)

Part de la garantie, de la part CPS et de la DCTP

CA

27,73

80,41

0,56

86,76

CC à fiscalité additionnelle (FA)

21,52

27,01

0,33

48,86

CC à fiscalité professionnelle unique (FPU)

14,24

80,05

0,40

94,70

CC à FPU majorée

7,20

67,25

0,03

74,48

CU et métropoles.

5,79

80,41

0,56

86,76

Total

13,70

76,36

0,39

90,44

Source : calcul des groupes de travail des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat à partir des données de Ressources consultants finances.

Intégrée à la DGF des EPCI depuis 2004, la part CPS vise à compenser la suppression progressive, entre 1999 et 2003, de la part salaires des bases de taxe professionnelle. Elle est donc particulièrement importante pour les territoires industriels qui comptaient alors des entreprises à forte intensité de main-d’œuvre. La part DCTP, également intégrée depuis 2004, compense les baisses de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) constatées en 1999, 2000 et 2001, au bénéfice des EPCI créés avant 1987 et comprenant des communes éligibles à la DSU ou bénéficiaires de la fraction bourg-centre de la DSR en 1998.

La garantie au sein de la dotation d’intercommunalité correspond à la plus favorable des garanties suivantes : garantie en cas de changement de catégorie, garantie à 95 % de la dotation par habitant perçue l’année précédente, garantie sous condition de CIF, garantie d’évolution de la dotation spontanée, garantie sous condition de potentiel fiscal.

2. Une réforme potentiellement contournable du fait du plafonnement du CIF

La prise en compte du CIF par les dispositions de l’article 150 précité appelle principalement deux remarques. Si les écarts de potentiel fiscal par habitant sont bien mesurés par catégorie d’EPCI, les différences de CIF entre EPCI ne prennent pas en compte les compétences transférées à l’EPCI par la loi.

Surtout, la garantie de non-baisse de la DGF prévue pour les EPCI dont le CIF est supérieur à 0,5, qui est une garantie traditionnellement choisie pour encourager l’intégration fiscale, conduit à s’interroger sur la conception même de la réforme puisqu’elle revient à prévoir que dans ces cas, la réforme ne s’applique pas. En particulier, les EPCI qui, à l’issue de la réforme, seraient perdants, auraient tout intérêt à augmenter le plus rapidement possible leur CIF au-delà de 0,5.

En 2016, le CIF moyen des EPCI, toutes catégories confondues, est de 0,373232. En 2015, il était de 0,367169.

RÉPARTITION DU CIF DES EPCI EN 2015 ET 2016

Valeur du CIF

0 < CIF < 0,1

0,1 < CIF < 0,2

0,2 < CIF < 0,3

0,3 < CIF 0,4

0,4 < CIF < 0,5

CIF > 0,5

Total

Part des EPCI dont le CIF
est > 0,5

Nombre d’EPCI 2016

20

94

376

875

426

274

2 065

13,3 %

Nombre d’EPCI 2015

33

107

422

874

429

271

2 136

12,7 %

Source : Calcul des groupes de travail des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat à partir des données DGCL et RCF.

CIF MOYEN PAR CATÉGORIE D’EPCI

Catégorie juridique

CIF moyen 2016

CIF moyen 2015

CU et métropoles

0,468629

0,446344

CU à FA ou fiscalité professionnelle de zone (FPZ)

0,515537

Syndicats d’agglomération nouvelle (SAN)

-

0,542753

CA

0,350250

0,328421

CC à FPU

0,355642

0,354408

CC à FA

0,334252

0,317873

Source : DGCL.

À noter que le CIF des CC à FPU est supérieur au CIF des CA.

B. L’ARCHITECTURE PROPOSÉE PAR LES GROUPES DE TRAVAIL PERMETTRAIT UN RECYCLAGE RAISONNABLE DES COMPENSATIONS ET GARANTIES EN DIX ANS

1. La redistribution des compensations et garanties serait étalée sur dix ans

Les groupes de travail ont examiné un schéma dans lequel la DGF de référence 2017 pour la réforme, résultant du « rebasage » présenté plus haut, se décomposerait en deux enveloppes, l’une dite « nouvelle dotation des EPCI », correspondant au départ à la dotation d’intercommunalité de référence, la seconde correspondant à la dotation de compensation.

L’enveloppe de la nouvelle dotation des EPCI ferait l’objet d’un abondement annuel à partir de la seconde enveloppe. Le taux de ce transfert est à définir. Les groupes de travail souhaitant que la réforme soit pleinement applicable dans un délai de dix ans, ils ont examiné l’impact d’une diminution de 5 % par an pendant dix ans de la dotation de compensation, soit un abondement de la nouvelle dotation d’intercommunalité de 2 milliards d’euros en dix ans. Cette solution permettrait de répondre à certaines critiques formulées à l’encontre de la proposition du Gouvernement, considérée comme insoutenable pour certains EPCI, notamment les plus peuplés, en raison de la remise en cause brutale de la dotation de compensation (4,5 milliards d’euros en 2015 et 5,1 milliards d’euros en 2016), qui aurait été totalement redistribuée.

L’enjeu de la DGF des EPCI est donc de trouver un rythme de redistribution de la dotation de compensation qui soit acceptable, en lien avec la croissance des autres ressources de l’EPCI.

Les rapporteures proposent, la CRFP des EPCI soit prélevée en amont, sur la fraction « compensations et garanties » dans le cadre du rebasage, et non plus comme aujourd’hui sur la dotation d’intercommunalité. Cet élément contribue aussi à l’équilibre de la réforme.

PART DE LA FRACTION RÉSIDUELLE « COMPENSATIONS ET GARANTIES » DANS LA DOTATION DE RÉFÉRENCE POUR RÉFORME (APRÈS FINANCEMENT DE LA CRFP 2017)

EPCI

Dotation Intercommunalité hors garantie

Fraction Compensations et garanties résiduelle (si positive)

Dotation de référence pour réforme

Part de la fraction « Compensations et garanties » résiduelle dans la dotation de référence pour réforme

Communautés d’agglomération

395 948 462

1 647 316 838

2 043 265 300

80,62 %

Communautés de communes à fiscalité additionnelle

169 313 865

125 729 078

295 042 943

42,61 %

Communautés de communes à fiscalité professionnelle unique

12 551 919

24 982 665

37 534 584

66,56 %

Communautés de communes à fiscalité professionnelle unique (DGF majorée)

578 090 945

299 732 843

877 823 788

34,14 %

Métropoles et communautés urbaines

957 184 309

2 104 436 657

3 061 620 966

68,74 %

Total

2 113 089 500

4 202 198 081

6 315 287 581

66,54 %

Source : Calcul des groupes de travail des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat à partir des données RCF.

2. Une dotation d’intercommunalité en trois parts

Si l’architecture envisagée par les groupes de travail pour la nouvelle dotation d’intercommunalité des EPCI peut s’apparenter à celle prévue par l’article 150 précité du fait de sa tripartition, elle s’en distingue toutefois sur plusieurs points.

ARCHITECTURE DE LA DGF DES EPCI

Critères possibles

Source : groupes de travail des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Les montants par habitant fixés par l’article 150 précité (21 euros pour la dotation d’intégration, 49 euros pour la dotation de péréquation) avaient pour fonction de « recouvrir » non seulement la dotation d’intercommunalité, mais aussi une large part de la dotation de compensation.

Ces montants sont annuellement fixés, les enveloppes à répartir étant constantes. Ici, il convient de prévoir des montants par habitant progressifs chaque année, dans la mesure où la nouvelle dotation d’intercommunalité est abondée par un prélèvement sur la dotation de compensation.

La dotation de centralité serait réservée aux seules communes. La dotation territoriale serait répartie selon des critères relatifs à l’ensemble intercommunal, mais réservée aux seuls EPCI.

CONCLUSION

La nécessité de réformer la DGF demeure et le report annoncé de la réforme ne doit pas signifier son abandon, au risque de voir perdurer les injustices de la répartition actuelle de la DGF, qui deviennent d’autant moins soutenables que l’enveloppe de dotations diminue.

Le présent rapport d’étape s’inscrit dans la poursuite des travaux menés à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. Il présente un état des réflexions des groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale s’agissant de l’évolution possible de l’architecture de la DGF du bloc communal.

Cette réflexion doit désormais être poursuivie. Il conviendra de mettre à profit les prochains mois pour approfondir les pistes envisagées dans le cadre du présent rapport.

En tout état de cause, toute proposition de réforme devra préalablement faire l’objet de simulations pluriannuelles permettant d’avoir un aperçu lisible des effets de la réforme jusqu’à sa mise en œuvre complète.

Les rapporteures soulignent par ailleurs que le cas particulier des communes d’outre-mer devra être traité de manière spécifique. En effet, la situation de l’outre-mer est atypique et difficilement appréhendée par les dispositions de droit commun. Il conviendra donc, le cas échéant, d’adapter celles-ci aux spécificités de ces communes.

La perspective d’une réforme de la DGF invite également à élargir, dans les mois à venir, les travaux menés à d’autres problématiques telles que le calcul des indicateurs (potentiel fiscal potentiel financier, effort fiscal, coefficient d’intégration fiscale), qui est imparfait – et qui conduit à ce que ces indicateurs ne reflètent pas correctement la situation des collectivités –, ou la définition de la « population DGF ».

La question de l’articulation des dispositifs de péréquation verticale (DSU, DSR et DNP) et de la péréquation horizontale (FPIC), dont les effets se cumulent, – voire de la prise en compte de l’ensemble des ressources réelles des collectivités territoriales – devra également être étudiée, de même que l’appréhension des charges des collectivités, qui passe trop souvent par des « indices synthétiques » et des logarithmes, qui ne suffisent pas à apprécier assez finement les contraintes de chaque territoire et dont la définition n’est jamais consensuelle. À ce titre, le système italien des « besoins de financement standard » constitue une référence (25). Ce système permet de mesurer précisément le coût réel de fourniture des services publics locaux à travers la prise en compte d’un large panel de critères ; il a servi, en 2015, à répartir les fonds de péréquation italiens en fonction de ce coût, dans l’optique de financer un « niveau essentiel » de service public.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le rapport de la mission d’information sur la dotation globale de fonctionnement du bloc communal.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. La dotation globale de fonctionnement (DGF), qui demeure, avec 33 milliards d’euros en 2016, le principal concours financier de l’État aux collectivités locales, apparaît aujourd’hui, plus que jamais, à la fois injuste et illisible. C’était le constat du rapport, que j’avais eu l’honneur de réaliser l’année dernière, à la demande du Premier ministre, avec le sénateur Jean Germain.

Onze ans après la dernière réforme d’ampleur, la DGF n’a toujours pas été mise en cohérence avec les évolutions de notre paysage institutionnel, telles que l’achèvement de la carte intercommunale, l’approfondissement de l’intégration des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), la suppression de la taxe professionnelle, ou les communes nouvelles.

L’architecture de la DGF est opaque, et ses critères de répartition perfectibles. Elle est devenue, pour partie, une rente justifiée par l’histoire seulement, déconnectée de la réalité des charges de fonctionnement. La nécessité de la réforme recueille un assentiment très large, il reste à en définir les modalités.

C’est ce qu’a tenté de faire le Gouvernement dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2016. L’article 150, qui ne doit entrer en vigueur que le 1er janvier 2017, entendait répondre au souhait quasi unanime des élus de redonner à cette dotation de l’État davantage d’équité, de lisibilité et de prévisibilité.

Comme vous vous en souvenez, la complexité du débat en commission des finances puis en séance publique, notamment liée à l’opacité du mécanisme de mise en œuvre progressive de la réforme et à l’absence de simulations pluriannuelles de ses effets, n’a pas permis d’évaluer correctement les différents dispositifs proposés. Pour autant, les principales pierres d’achoppement que sont les DGF négatives, la territorialisation de la dotation de centralité et l’application de la puissance cinq à la population pour la répartition de la part communale, ainsi que l’excessif étalement dans le temps des effets de la réforme, ont été clairement identifiées.

Un groupe de travail a été créé au sein des commissions des finances des deux assemblées avec l’objectif de travailler de concert via un comité de pilotage paritaire associant députés et sénateurs.

Le groupe de travail a fait appel, pour obtenir une expertise indépendante de la direction générale des collectivités locales (DGCL), au cabinet Ressources Consultants Finances.

Il convient de souligner, une fois n’est pas coutume, le caractère novateur de cette initiative parlementaire qui s’appuie sur un travail transpartisan et bicaméral visant à élaborer des propositions consensuelles et argumentées ainsi qu’à doter le Parlement d’une expertise renforcée sur le sujet.

Le rapport rédigé avec Jean Germain avait notamment mis en lumière le fait que « les écarts de DGF par habitant sont principalement liés aux composantes figées de la dotation forfaitaire », à savoir le complément de garantie institué en 2005 pour cristalliser les montants de dotation forfaitaire perçus en 2004 ; il prend en compte les dotations de base, de péréquation et de compensation, ainsi que les concours particuliers, de la DGF issue de la réforme de 1985 –, et la dotation de compensation.

Étudiant les écarts de dotation forfaitaire des communes entre les quinze strates démographiques figurant à l’article L. 2334-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT), le rapport précité indiquait que « les composantes historiques créent bien des écarts plus importants entre des communes comparables qu’entre communes de strates différentes ». Or, la répartition du complément de garantie en fonction du potentiel fiscal et du revenu par habitant montre également que l’essentiel de ces garanties se trouve dans la dotation forfaitaire des communes les moins bien dotées au regard de ces deux indicateurs. Ce constat permet ainsi de souligner à la fois la grande diversité des situations à l’égard de ces composantes figées et l’existence d’éléments de péréquation au sein de la dotation forfaitaire. Ces derniers doivent être considérés avec attention avant de procéder en tout ou en partie à une nouvelle répartition, ce qui n’est pas le cas dans l’article 150 de la loi de finances pour 2016.

Il nous est apparu nécessaire, dans un premier temps, de retrouver pour chaque commune et chaque EPCI un niveau de DGF qui corresponde à de véritables critères de charges et de ressources, ce que les prélèvements au titre de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) ont contribué à effacer. Prélèvement assis sur les recettes réelles de fonctionnement et supporté par la DGF, la CRFP a produit des effets différents selon la part que représente la DGF dans les recettes réelles de fonctionnement. Ce mécanisme a abouti au phénomène des « DGF négatives » : lorsque la dotation forfaitaire pour les communes, et la dotation d’intercommunalité pour les EPCI, ne permet pas d’absorber ces prélèvements, ceux-ci sont transférés sur le produit de la fiscalité locale avec, pour corollaire, des interrogations au regard de l’autonomie financière des collectivités locales.

Partant de l’article 150, dont l’application a été différée à 2017, le groupe de travail a élaboré différents scénarios d’architectures alternatives pour la DGF du bloc communal, scénarios qui demandent à être testés à l’aide de simulations faisant varier les nombreux paramètres qui entrent en ligne de compte. Ce travail de simulations itératives était en cours lorsque, comme vous le savez, des éléments nouveaux sont intervenus lors du congrès de l’Association des maires de France au début du mois de juin.

Le dernier prélèvement au titre de la CRFP pour le bloc communal devrait ainsi être étalé sur les exercices 2017 et 2018. Dans le même temps, la réforme de la DGF s’inscrira dans une réforme plus large du financement des collectivités locales qui fera l’objet d’un texte de loi spécifique en vue d’une application en 2018.

C’est pourquoi le rapport ne présente pas de scénarios finalisés ni de simulations pour les illustrer ; ce travail interviendra ultérieurement. Dans le cadre de ce rapport d’étape, nous avons décidé de ne pas nous focaliser sur une réforme de l’architecture de la DGF, mais sur les améliorations qu’il apparaît à la fois possible et souhaitable de faire adopter dans le cadre du PLF pour 2017, tout en dessinant le squelette de ce que pourrait être, dans un proche avenir, une réforme juste et soutenable.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Je poursuis en vous présentant les propositions de notre rapport, qui se décomposent en deux grandes parties : la première, comportant quatre sujets que nous vous proposons d’examiner dès le PLF pour 2017, la seconde fixant les principes d’une réforme à venir de la DGF, étant entendu qu’il s’agit d’un rapport intermédiaire.

La première proposition en vue du PLF pour 2017 concerne le rebasage. Elle s’appuie sur l’idée évoquée par Christine Pires Beaune selon laquelle la CRFP ne doit pas être considérée comme un prélèvement sur la DGF mais comme une ponction sur les recettes réelles de fonctionnement. Le mécanisme actuel a entraîné des « DGF négatives » dont le montant, en 2016, atteint 9,15 millions d’euros. Alors que, en 2015, 85 communes se trouvaient en situation de « DGF négative », elles sont au nombre de 168 en 2016.

Il vous est proposé de rebaser la DGF en élargissant le support de la CRFP et en faisant remonter la compensation « part salaires » (CPS) et la dotation de compensation de la réforme de taxe professionnelle (DCRTP) de toutes les communes vers les EPCI, de façon neutre pour chaque commune et pour chaque EPCI, par le biais d’un système d’attributions de compensation obligatoires. Ces mesures permettront de rétablir de la justice, car, aujourd’hui, les communes qui n’ont plus de dotation forfaitaire – c’est-à-dire les communes les plus riches – ne participent pas au financement de l’augmentation de la péréquation verticale.

M. le président Gilles Carrez. La DCRTP a été attribuée aux EPCI qui percevaient déjà l’ex-taxe professionnelle, aux communes restées isolées – il y en avait quelques-unes, notamment en Île-de-France –, ou encore aux deux dans le cas d’EPCI à fiscalité additionnelle.

Lorsque vous nous proposez de transférer la DCRTP aux EPCI, cela signifie, corrigez-moi si je me trompe, que la totalité de la DCRTP ne serait plus perçue par les communes mais par les EPCI, y compris ceux à fiscalité additionnelle. La correction serait opérée par le biais des attributions de compensation.

La compensation « part salaires » avait été attribuée dans les mêmes conditions. Sera-t-elle donc soumise au même mouvement ? Pour un EPCI à fiscalité additionnelle, la part salaires reviendra-t-elle en totalité à l’EPCI ?

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Oui, nous proposons bien de concentrer toutes les composantes liées à la taxe professionnelle sur les EPCI et d’opérer les transferts nécessaires pour que ce nouveau système soit neutre pour les communes évidemment.

M. le président Gilles Carrez. La réfaction de 16 % des bases, datant de 1987 et appelée « réforme Juppé » – elle représente encore quelques centaines de millions d’euros –, restera-t-elle au niveau communal ?

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. N’a-t-elle pas été cristallisée dans la dotation forfaitaire ?

M. le président Gilles Carrez. Il me semble en effet qu’elle a été intégrée dans la dotation forfaitaire en 2015. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire d’en parler.

M. Charles de Courson. La remontée de ces deux composantes de la DGF est compensée par les attributions de compensation (AC). Dans le cas d’un EPCI à fiscalité additionnelle, il faut créer une AC puisqu’il n’en existe pas aujourd’hui.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Ces mesures sont neutres pour les communes et les EPCI, puisque les attributions de compensation servent à équilibrer les flux financiers.

M. le président Gilles Carrez. C’est une vraie simplification.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Cette simplification va également permettre une comparaison qui aura du sens entre les communes et les EPCI. La comparaison n’est pas possible aujourd’hui compte tenu de la diversité des situations et des flux financiers entre les deux entités, liés à la taxe professionnelle.

Il faut retenir de cette première proposition un rebasage neutre et un équilibre global assuré entre les masses financières.

M. Charles de Courson. Après le rebasage, se pose la question de l’évolution des attributions de compensation (AC). Dans votre schéma, l’AC est neutre l’année de rebasage, mais elle ne l’est plus ensuite.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Les AC évoluent comme aujourd’hui, en fonction des transferts de compétence.

M. Charles de Courson. Sont-elles gelées ?

M. le président Gilles Carrez. Le rebasage donne lieu à une photographie prise l’année « n », mais cela n’empêche pas les AC d’évoluer plus tard, au gré des transferts de compétence.

M. Nicolas Sansu. Que se passe-t-il si la DCRTP baisse ?

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. La DCRTP n’est pas concernée. La CRFP s’impute, pour les communes, sur la dotation forfaitaire, et, pour les EPCI, sur la dotation d’intercommunalité.

M. le président Gilles Carrez. L’État a pris en 2010 l’engagement de préserver la DCRTP ; en 2014, il était un peu trop tôt pour rompre cet engagement. La DCRTP a été protégée ; en revanche, toutes les autres dotations ont subi des diminutions. La compensation « part salaires » datant de 2000, l’État pouvait rompre son engagement quinze ans après. D’ailleurs, il l’a rompu sous la précédente législature.

M. Charles de Courson. Il y aurait donc deux AC : l’AC de rebasage et l’AC négociée dans le cadre d’un transfert de compétences.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Ce serait plus simple, me semble-t-il, d’additionner les deux.

M. Marc Goua. Votre dispositif est neutre pour les EPCI qui récupèrent de l’argent sur l’attribution de compensation, mais il ne l’est pas pour les communes.

M. le président Gilles Carrez. Pourquoi ?

M. Marc Goua. Parce que ce sont elles qui perçoivent aujourd’hui l’attribution de compensation.

À la page 30 du projet de rapport, il est écrit : « Cette neutralité serait assurée à travers la variation des attributions de compensation. […] ; si l’EPCI devait prendre en charge le reliquat de la CRFP d’une commune dont le “ support ” était insuffisant, ceci entraînerait une minoration du montant de l’AC qu’il lui verse au titre du transfert de la DCRTP et de la CPS ».

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Les simulations de rebasage pour chaque commune ont dû vous être distribuées. Nous avons vérifié la neutralité du dispositif pour les 36 000 communes.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’ai analysé le tableau qui nous a été fourni par le Comité des finances locales (CFL). Dans certaines communes en Île-de-France – je ne donnerai pas de noms – la DGF annuelle atteint 580 euros par habitant, alors que les dotations les plus faibles s’établissent aux alentours de 22 euros. Je ne vois pas comment vos propositions peuvent résoudre le problème. Les écarts sont colossaux. C’est proprement scandaleux !

J’admets qu’il peut y avoir des priorités à mettre en œuvre. Mais, à un moment donné, il n’est plus question de priorité. On a « gavé » certains territoires au détriment d’autres. On peut me faire toutes les leçons de solidarité. Aujourd’hui, les territoires ruraux sont les premiers solidaires des territoires urbains. La réalité des chiffres est quand même assez édifiante. Je tenais à le dire.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Dans le rapport d’information figurent deux cartes : la première sur la DGF des communes, la seconde sur leurs recettes réelles de fonctionnement. En les juxtaposant, on s’aperçoit que la DGF est plus élevée là où les recettes réelles de fonctionnement sont plus importantes.

M. Charles de Courson. L’argent va à l’argent !

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Il existe une vraie corrélation entre ces deux cartes ; on peut quasiment les superposer.

Le rapport identifie quatre points qui méritent d’être traités dès le PLF pour 2017. En revanche, pour la suite, il est proposé de mener une réflexion beaucoup plus large prenant en compte l’ensemble des inégalités ainsi que des péréquations horizontales et verticales afin de remédier à des situations complètement inéquitables.

Je poursuis en vous présentant notre deuxième proposition en vue du PLF pour 2017, qui concerne le dispositif de plafonnement de l’écrêtement à 3 % de la dotation forfaitaire des communes. Aujourd’hui, le dispositif « péréqué » destiné à financer la hausse de la péréquation verticale ne fonctionne plus, en raison notamment de ce plafonnement. En 2015, sur 17 298 communes écrêtées, 6 371 étaient plafonnées, tandis que, en 2016, sur 17 702 communes écrêtées, 10 467 sont plafonnées. Ce plafonnement entraîne un report du financement de la hausse de la péréquation verticale sur les autres communes écrêtées. Des évolutions peuvent donc être envisagées pour pallier ce dysfonctionnement, parmi lesquelles la suppression du plafonnement du prélèvement « péréqué » ou l’augmentation progressive de son taux.

La troisième proposition consiste à réformer la dotation de solidarité urbaine (DSU) en resserrant le nombre de ses bénéficiaires et en répartissant plus équitablement sa croissance, afin d’éviter son saupoudrage et de limiter les effets de seuil ; il s’agit de corriger les effets de seuil entre les communes cibles et les autres, en garantissant que chaque commune éligible bénéficie de l’augmentation de l’enveloppe. Il n’est pas proposé de revoir la dotation de solidarité rurale (DSR).

La quatrième proposition concerne le fonctionnement en enveloppes de la DGF des EPCI. L’enveloppe de DGF de chaque catégorie d’EPCI est calculée en fonction de la population et d’un montant par habitant ; elle est ensuite répartie en fonction de critères que sont le coefficient d’intégration fiscal et le potentiel fiscal. Pour les communautés d’agglomération, le montant de l’enveloppe correspond à 45 euros par habitant. En 2016, 28 communautés d’agglomération sont devenues des communautés urbaines ou des métropoles ; ce mouvement a entraîné une diminution de l’enveloppe, qui, toutes choses égales par ailleurs, a créé un manque à gagner de 52 millions d’euros pour les communautés d’agglomération restantes, soit 4,3 % de l’enveloppe des communautés d’agglomération en 2015. Face à ce mouvement qui devrait se poursuivre en 2017, il nous faut trouver un moyen de résoudre ce problème qui peut avoir des conséquences particulièrement importantes pour les communautés d’agglomération.

M. Charles de Courson. Le changement de catégorie juridique des EPCI est un vrai scandale. Il faut être conscient que ce dispositif a bénéficié de la complicité des très grands élus. Nous sommes là dans un système d’Ancien Régime, je l’ai dit à plusieurs reprises. Les pauvres alimentent ceux qui sont déjà les plus riches.

Ce système aristocratique a été mis en place par l’amendement des sénateurs Michel Mercier et Gérard Collomb. Le grand jeu consiste à sauter de catégorie en catégorie. C’est un système de fous dans lequel, à chaque fois, on ramasse le « jackpot ». Et qui paie ? Les communautés de communes rurales, les petites et les moyennes. C’est un vrai scandale. Nous sommes à la fin de l’Ancien Régime, mes chers collègues !

Madame Louwagie, vous n’avez pas traité la question de la « DGF négative » des intercommunalités. Une vingtaine d’entre elles sont concernées.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Nos propositions concernent l’ensemble du bloc communal, dont font partie les intercommunalités.

Mme Marie-Christine Dalloz. Une autre grande inconnue tient aux communes nouvelles. Le problème, qui, fin 2015, concernait un très faible nombre de collectivités, est en train de s’amplifier pour échapper à la contribution au redressement des finances publiques. Je vois fleurir autour de moi des mariages intéressants – entre Boulogne-Billancourt et Issy-les-Moulineaux par exemple. Or, la loi ne prévoit pas les divorces. Lorsque le maintien des dotations prendra fin, nul ne sait comment évolueront ces communes nouvelles. Souhaitons leur bon vent mais sans garantie aucune sur leur avenir. Sait-on aujourd’hui ce que le maintien de la DGF à ces collectivités va coûter, compte tenu du succès, dû à des préoccupations purement financières, de ce dispositif ? Dans trois ans, comment pourra-t-on imposer à ces communes de contribuer au redressement des finances publiques ? Elles auront été épargnées de tout effort. Je suis vraiment sceptique.

M. Marc Goua. Je reconnais que la DGF est complexe, mais dire qu’elle est injuste est péremptoire. Il faut regarder les faits. On met en avant des écarts de dotation importants, mais il faut savoir qu’une commune qui compte 50 % de logements sociaux ne bénéficie pas, hélas, d’une dotation cinq fois plus élevée qu’une commune qui n’en compte que 10 %. De même, une commune comme la mienne, qui dénombre 31 % de demandeurs d’emploi, ne perçoit pas une dotation multipliée par trois. La situation prend une tournure dramatique qui exige des moyens.

Je salue, ce n’est pas la première fois, l’impulsion donnée par Jean-Louis Borloo à l’augmentation de la DSU. Il connaissait les difficultés de nos concitoyens.

Je mets en garde Marie-Christine Dalloz, pour laquelle j’ai beaucoup d’estime, au sujet des propos qu’elle a tenus sur les territoires qui auraient été « gavés ». Faites attention, ma chère collègue, à ce type d’expression, surtout vis-à-vis de nos quartiers sensibles.

Le rapport, par ailleurs, exclut la suppression de la dotation nationale de péréquation (DNP). Pourquoi ce choix, contraire à l’avis du Comité des finances locales notamment ?

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Si nous qualifions la DGF d’injuste, c’est parce que deux communes se trouvant dans la même situation ne perçoivent pas la même dotation. Quand l’une perçoit 100 et l’autre 170, pour moi, c’est injuste. Leur situation identique étant appréciée au regard de plusieurs critères objectifs, tels que le revenu, la population, le potentiel fiscal, je ne vois pas comment on pourrait affirmer que cette différence est juste. Je vous renvoie à la page 44 du rapport précité dans laquelle nous présentons plusieurs exemples de communes rurales et urbaines placées exactement dans la même situation. Je reconnais que tous les mécanismes de garantie ne sont pas injustes, mais certains le sont.

S’agissant des communes nouvelles, madame Dalloz, leur impact financier est évalué dans le rapport du CFL du 28 juin dernier. Pour l’instant, les montants restent raisonnables, de l’ordre d’une vingtaine de millions d’euros. Les deux communes que vous avez citées sont l’exemple même qui nous a conduits à poser des limites : les communes nouvelles dont la population est comprise entre 1 000 et 10 000 habitants bénéficient d’une majoration de la dotation forfaitaire, mais, au-dessus de 10 000 habitants, il n’y a plus de bonus.

Monsieur Goua, notre rapport n’écarte pas la suppression de la dotation nationale de péréquation. Il évoque deux hypothèses de travail : dans la première, la DNP est supprimée, suivant la recommandation du CFL ; dans la seconde, il est proposé de la conserver dans l’optique d’un recentrage plus important encore sur la DSU « cible » et la DSR « cible », en faisant de la DNP une dotation globale de péréquation à spectre large, puisque les deux autres seront à spectre très étroit.

M. Michel Vergnier. Je me félicite du travail réalisé – indépendamment de la vitesse à laquelle il progresse, car le problème de la DGF n’est pas nouveau.

Je suis maire depuis longtemps, certains considéreront peut-être que je le suis depuis trop longtemps. La demande de participation à l’effort national des collectivités a mis en exergue les injustices qui existaient. Il y a bien longtemps que je pose la question de la DGF, et toujours dans les mêmes termes.

Malgré les annonces, que je salue, du Président de la République, l’année prochaine sera pour ma commune difficile, voire impossible.

C’est pourquoi il ne faut pas renoncer. J’ai bien compris que la réforme de la DGF ferait l’objet d’une loi particulière. Soit, mais cela signifie qu’il faudra attendre encore trois ans. En attendant, il faut plus de péréquation et de justice, car toutes les communes ne sont pas sur un pied d’égalité. Prenez le cas d’une commune-préfecture dans un territoire pauvre, dans un département lui-même pauvre, sur laquelle pèsent toutes les charges de centralité. Il faut progresser dès la loi de finances pour 2017 – et je vous remercie, mesdames les rapporteures, de votre travail en ce sens. Si nous attendons une réforme globale de la DGF, un certain nombre de communes, peut-être 1 000 ou 1 500, auront plus que des difficultés pour établir leur budget. On connaît la solution : la fiscalité locale. Mais le transfert de l’impopularité, ça suffit ! En recourant à cette solution, on accentue encore les différences, puisque les taux d’imposition sont déjà supérieurs de six à huit points à ceux des communes périphériques – tout le monde veut y habiter, mais les services restent rendus par les villes centres.

Il faut aller vers plus de justice et de péréquation dès 2017. C’est le plus important. Je l’ai dit au Président de la République : l’enveloppe globale n’est pas modifiée ; ce n’est pas un problème de moyens de l’État, mais de répartition. Les riches n’ont jamais voulu donner à qui que ce soit – on le sait – et les pauvres partagent entre eux. Certains partageaient leurs manteaux, nous partageons nos budgets !

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. L’état des lieux de la DGF par habitant laisse apparaître des variations relativement importantes au sein de chaque strate démographique. Le tableau indique pour chacune d’elles la moyenne, le minimum et le maximum, ainsi que l’écart-type. Le tableau suivant montre l’évolution des écarts au sein des strates entre 2014 et 2016 : ces écarts persistent, voire augmentent. Il est important de prendre en compte cette évolution.

M. Patrick Ollier. Je remercie les rapporteures pour ce travail très instructif.

Je voulais réagir à propos de ce que certains ont qualifié d’injustice.

Dans la région d’Île-de-France, on constate des disparités extraordinaires, et je ne peux pas l’accepter. Je voudrais qu’à partir de votre rapport, mesdames, le président de la commission des finances puisse faire des propositions concrètes pour que les méthodes de calcul changent. Tant que ces méthodes resteront inchangées, les résultats seront les mêmes. Tant que certaines communes cumuleront les avantages, les disparités demeureront.

Je ne sais pas qui est en mesure de le faire – il est vrai que la DGCL n’est pas très allante…

À la page 51 de votre projet de rapport, vous évoquez les métropoles, sans mentionner celle du Grand Paris qui existe pourtant depuis 2016. Le tableau de la page 52 sur la dotation d’intercommunalité des communautés d’agglomération devenues métropoles est intéressant, car l’injustice en ressort de manière flagrante. Prenons, par exemple, deux agglomérations identiques en nombre d’habitants : celle du Val-de-Bièvre, avec ses 207 000 habitants, et celle du Mont-Valérien, avec ses 222 000 habitants, cette dernière comptant 36 % de logements sociaux. La seconde reçoit, par habitant, 13,4 euros quand la première perçoit 36,2 euros !

Comment, monsieur le président, simplifier les calculs et fixer des modalités qui prennent davantage en compte la réalité ? Je peux citer certaines communes de l’Est parisien qui cumulent les dotations. Une opération vérité doit être conduite ; elle ne l’est pas dans ce rapport. Le rapport dresse un constat, mais les propositions qu’il contient ne permettent pas de résoudre le problème que je viens d’évoquer : deux agglomérations comparables, dont l’une perçoit presque trois fois plus que l’autre, sans qu’on puisse le justifier.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Le rapport comporte deux parties : la première porte sur des problèmes qu’il nous semble urgent de résoudre, dès le PLF pour 2017 ; la seconde propose un « squelette » pour poursuivre la réforme de la DGF.

Nous sommes confrontés à la difficulté suivante : nous devons, dans les dotations historiques, faire la part des garanties justes et de celles que l’on pourrait qualifier d’injustes.

M. Patrick Ollier. Je demande à notre président que la DGF de la métropole du Grand Paris soit intégrée dans la réflexion.

M. Christophe Castaner. On distingue deux niveaux d’action pour renforcer la solidarité territoriale : celui qui vise à rendre plus performante encore la péréquation, d’une part, et celui de la réforme de la DGF, d’autre part. Se pose immédiatement la question de la mise en œuvre. C’est une vraie difficulté, car il faut à la fois aller vite et laisser du temps aux collectivités pour digérer la réforme ; choisir d’agir sur une dizaine d’années, c’est prendre le risque qu’il n’y ait pas de vraie réforme, pas de remise à plat d’un système qui engendre de l’inégalité territoriale.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. J’espère que nous serons tous d’accord pour soutenir l’adoption de nos propositions dans le PLF pour 2017, qui, j’en conviens, ne répondent pas à la préoccupation exprimée par Patrick Ollier de corriger les inégalités.

Je vous rappelle les annonces du Président de la République en réponse aux associations d’élus qui demandaient unanimement le report de la réforme. Ce sont ces annonces qui expliquent nos propositions de réforme en deux temps. Il n’est pas question de suspendre l’effort de péréquation verticale ; cet effort devra être poursuivi dans le PLF pour 2017.

M. Joël Giraud. Je tiens à féliciter les rapporteures pour leur travail opiniâtre. Il doit être un peu frustrant pour elles de voir la vaste réforme qu’elles envisageaient circonscrite par des décisions politiques qui ne leur incombent pas…

J’approuve entièrement, mesdames, vos propositions pour 2017. Toutefois, vous n’avez pas évoqué les biais de la DSR. Je me permets d’insister à nouveau sur l’injustice la plus grande à cet égard : le calcul de la fraction dite « bourg-centre », qui s’appuie non pas sur la population municipale mais sur la population servant de base de calcul à la DGF. On observe des écarts considérables entre les communes qui sont réellement des bourgs-centres, avec des services ouverts à l’année, et les communes touristiques, dont la population est souvent très faible et qui n’ont pas de services ouverts à l’année, mais qui touchent des sommes mirifiques au titre de la DSR. Une commune de 200 habitants qui possède des remontées mécaniques, par exemple, perçoit 150 000 euros de DSR « bourg-centre ». J’avoue que cela fait réfléchir… Je souhaite que cette question soit remise à l’ordre du jour, car nous risquons de devoir faire face à des blocages. Les communes qui reçoivent une dotation parce qu’elles sont considérées comme des bourgs-centres alors qu’elles n’en ont aucune caractéristique refusent que certains services soient transférés à l’intercommunalité. Elles refusent également la logique des communes nouvelles. Quand on est assis sur un trésor de guerre, on a tendance à ignorer le reste du monde ! Cela concerne de très petites communes, notamment dans les zones de montagne, avec une forte « population DGF ». Il suffit qu’il y ait deux communes touristiques dans une intercommunalité pour qu’elles absorbent 100 % de la fraction « bourg-centre » de la DSR.

On ne peut laisser une telle injustice perdurer. La DSR ne doit pas être une manière détournée de financer les communes touristiques. Il y a d’autres financements à trouver pour elles. Les communes touristiques – les stations classées – ont déjà obtenu dans le cadre de l’« acte II de la loi montagne », contre toute solidarité, d’être exonérées de l’obligation, imposée par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), d’adhérer à un office de tourisme intercommunal. Si l’on maintient la fraction « bourg-centre » pour ce type de communes, les intercommunalités seront vidées de leur sens. Resteront des roitelets assis sur un tas d’or.

J’aimerais que cette question soit traitée dans le prochain PLF. Afin de supprimer des écarts qui sont injustifiés et qui minent la solidarité intercommunale dans les territoires concernés, la fraction « bourg-centre » de la DSR devrait être répartie selon la population calculée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et non selon la « population DGF ».

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Si notre rapport ne comporte pas de propositions sur la DSR, c’est parce qu’on ne peut pas réformer la DSR sans réformer la dotation forfaitaire.

Le problème que vous soulevez, monsieur Giraud, est très spécifique. Vous contestez l’un des critères pour le calcul de la part « bourg-centre » de la DSR, au motif qu’il repose sur la « population DGF » et non la population municipale. La simulation qui a été réalisée sur la modification que vous souhaitez vous a été transmise. La révision de ce critère peut être étudiée indépendamment de notre rapport. Continuons dans cette voie, mais reconnaissez que les simulations ne sont pas pleinement satisfaisantes.

Le financement des communes touristiques est intégré dans la dotation forfaitaire. La DSR vient amplifier la dotation, mais elle n’est pas la seule source de financement des communes touristiques. Un travail spécifique sur cette part « bourg-centre » devrait toutefois être mené dans un avenir proche.

M. le président Gilles Carrez. Je vous invite à méditer sur le tableau présentant le montant minimal et le montant maximal de la DGF par habitant pour chaque strate démographique. Si je prends l’exemple de la strate comprise entre 0 et 500 habitants, la commune la moins dotée ne perçoit rien, tandis que la plus dotée reçoit 4 655 euros.

Avec des disparités aussi colossales, et 36 000 communes, je vous souhaite bien du plaisir pour trouver l’impossible réforme qu’on recherche depuis trente ans.

M. Charles de Courson. Quelle est la commune qui perçoit 4 655 euros ?

M. Hervé Mariton. Cette commune, Pennes-le-Sec – dont le maire a été amené il y a quelques mois à démissionner parce qu’il avait été condamné pour grivèlerie dans un hôtel en Italie – a été longtemps le siège de l’entreprise Piot Pneus, grande entreprise de négoce de pneus dans le sud-est de la France.

M. le président Gilles Carrez. Le niveau de la dotation a été fixé dans les années 1960, du temps de la taxe locale.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Nous avons là l’illustration des rentes héritées de l’histoire, que nous évoquions.

M. le président Gilles Carrez. De telles dispersions existent dans chaque strate. La DGF de Champigny-sur-Marne et celle de Sarcelles, communes comparables par la taille comme par la sociologie, sont très différentes. Comment l’expliquer ?

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Je vous propose de vous présenter les principes que nous vous proposons pour envisager une réforme de la DGF du bloc communal, au-delà des quatre points que nous venons d’évoquer.

Le premier principe porte sur la structure de la dotation forfaitaire. La dotation de centralité, telle qu’elle est prévue par l’article 150 de la loi de finances pour 2016, pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, les nouveaux périmètres intercommunaux ne sont pas pris en compte, alors qu’ils sont déterminants dans la répartition de cette dotation. Ensuite, la mise à la puissance cinq du critère de population donne des résultats absurdes pour certains territoires. Il est également difficile d’appréhender les charges de centralité. En outre, la question de la territorialisation d’une part de la DGF est très sensible pour certaines associations d’élus. Enfin, des résultats très pénalisants ont été constatés pour les communes des strates 9 et 10.

Il est donc proposé d’abandonner le partage de la dotation de centralité entre les communes et l’EPCI ainsi que la mise à la puissance cinq du critère de population. Il importe de maintenir un dispositif qui tienne compte de la population relative de la commune, afin de traiter la question de la centralité en milieu rural, mais à l’échelle du département.

Il faut également créer une dotation de centralité et une dotation de ruralité, indépendantes l’une de l’autre, et faire de la dotation de base un solde. Enfin, il faut créer une dotation de consolidation pour surmonter la suppression des « garanties justes » qui correspondaient à la consolidation d’anciennes dotations de péréquation.

S’agissant des dotations de péréquation, le rapport propose de conserver une dotation de péréquation universelle, face à laquelle serait construite, « en miroir », une dotation d’aménagement. S’en tenir à la DSU et à la DSR permet certes de traiter le cas des communes qui connaissent le plus de difficultés, mais, dès lors que la dotation forfaitaire n’est pas péréquatrice, il faut également prévoir le cas des communes « moyennement pauvres ». Nous proposons donc de recentrer la DSU et la DSR tout en conservant une dotation de péréquation générale pour l’ensemble des communes, notamment celles ayant un faible potentiel fiscal par habitant.

Troisième piste : il faut mettre en place une transition lisible, autofinancée et achevée en dix ans. Le « tunnel » proposé par l’article 150 comportait plusieurs défauts : le système de garanties n’était pas autofinancé ; les effets de la réforme étaient considérablement retardés – de quarante ans pour certaines communes ; le rythme de correction de l’écart à la cible était identique pour toutes les communes.

Notre quatrième piste a trait à la DGF des EPCI. Pour garantir la soutenabilité de la mise en œuvre de l’article 150 pour les EPCI, nous envisageons une DGF composée de trois parts : une dotation d’intégration ; une dotation de péréquation ; une dotation territoriale calculée en fonction de critères relatifs à l’ensemble intercommunal.

M. Dominique Lefebvre. Je n’entrerai pas dans des considérations techniques complexes ; mon propos se veut politique. Chacun sera, cet automne, face à ses responsabilités. Puisque, manifestement, personne ne souhaite que la réforme qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2017 soit appliquée, on peut très bien déposer un amendement au PLF visant à la supprimer ou à la reporter ! Toutefois, les propositions de nos rapporteures nous offrent une alternative. Il est en effet évident qu’un système aussi complexe ne connaîtra jamais de révolution. Les dépenses des collectivités locales s’ajustant à leurs recettes – et non l’inverse –, la rigidité des dépenses à la baisse est si forte que tout bouleversement est exclu. Une réforme n’est donc possible que si elle s’accompagne d’un lissage, lequel ne peut cependant pas s’étendre sur une période trop longue car les collectivités ont besoin de visibilité.

Par ailleurs, au plan macroéconomique, le système ne se porte pas si mal que cela. On dit que les collectivités territoriales sont mieux gérées que l’État, mais, si l’on examine chaque indicateur – nombre d’emplois, évolution de la masse salariale et des dépenses générales de fonctionnement –, force est de constater que tel n’est pas le cas et que nous sommes bien face à un problème global de maîtrise de la dépense locale. Or, toute fuite en avant qui consisterait à injecter davantage d’argent dans le système est exclue. Se pose donc la question d’une redistribution interne, car le dispositif actuel se caractérise par de nombreuses incohérences et injustices.

Dès lors, il me semble que nous nous grandirions en adoptant des dispositions qui, certes, ne régleront pas tout, mais qui ont le mérite de s’inscrire dans une dynamique d’évolution cohérente. En tout cas, le groupe socialiste, écologiste et républicain fera en sorte que des évolutions soient possibles, car ces travaux ne peuvent pas se conclure, au terme du quinquennat, par une copie blanche. Quant à l’opposition, elle devra décider, à la veille de l’élection présidentielle, si elle se contente d’adopter une posture ou si elle préfère que les choses progressent. Quoi qu’il en soit, je suggère que nous votions, dans le cadre du PLF pour 2017, les premières mesures proposées par nos rapporteures, tout en traçant les perspectives d’une réforme plus durable qui relèverait, quant à elle, d’une loi – dont je ne suis pas certain qu’elle puisse être inscrite dans le calendrier parlementaire d’ici au mois d’avril prochain... Si nous ne le faisons pas, ceux, quels qu’ils soient, qui seront majoritaires en 2017 auront à faire face à des difficultés !

M. le président Gilles Carrez. Tout d’abord, que peut-il advenir en cas de changement de majorité ? Il est frappant que la légère baisse des dotations amorcée, non sans difficultés, en 2012 ait été interrompue dès la loi de finances pour 2013, avant de reprendre à partir de 2014. Certes, à l’avenir, cette baisse devra probablement être ralentie – et, de ce point de vue, le Président de la République a montré la voie –, d’autant qu’en 2017 le rythme de la diminution baissera pour le seul bloc communal, ce qui est un peu paradoxal. Mais je plaide très clairement en faveur d’une poursuite de la baisse des dotations – à un rythme acceptable de 1 à 2 milliards par an –, et ce dès la loi de finances pour 2018.

Ensuite, je constate que, dans l’opposition, ressurgit l’idée selon laquelle le montant de la DGF doit être lié à la qualité de la gestion des collectivités. De fait, l’objectif de la baisse des dotations aux collectivités – objectif très clairement affiché par le gouvernement et la majorité actuels – était de provoquer, par répercussion, une baisse de la dépense des collectivités territoriales dont ils estiment – de même, du reste, que le gouvernement et la majorité précédents – qu’elle a progressé trop rapidement au cours des dernières décennies. Dès lors, certains semblent séduits par un dispositif qui – à l’instar de ce qui s’est fait dans beaucoup d’autres pays, notamment en Italie récemment – reposerait sur un standard de dépense. Ainsi les collectivités qui dépasseraient ce standard recevraient une dotation moindre, tandis que celles qui demeureraient en deçà percevraient une dotation plus élevée. Mais, à mon avis, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts avant qu’un tel système voie le jour…

La Cour des comptes, que nous avons sollicitée en ce sens, doit nous remettre, au mois de novembre, un rapport sur la dépense. L’une de ses conclusions est que cette dernière est corrélée à la recette : plus on est riche, plus on dépense. Par ailleurs, il ressort de son analyse de la relation entre dépense et DGF que c’est la dotation forfaitaire, et non les dotations de péréquation, qui est le principal facteur explicatif du niveau de dépense.

En tout état de cause, il existe d’importantes convergences entre nous. Je partage notamment l’avis de Dominique Lefebvre : nous ne pouvons pas laisser le dispositif en l’état et rendre une copie blanche dans le cadre de la loi de finances pour 2017. Dès lors, ne pourrait-on pas s’accorder sur une solution intermédiaire qui consisterait à proposer un squelette de réforme qui, sans être normatif et opérationnel au 1er janvier 2018, fixerait quelques principes qui font consensus ? Car, si nous entrons dans le détail, nous allons nous heurter à quantité de problèmes – on a cité celui des communes touristiques et celui des communes DSU –, et nous sommes certains d’échouer. Il ne me paraît pas opportun de proposer un produit fini dans le cadre de la dernière loi de finances de la législature.

M. Charles de Courson. Lorsque, sous la précédente législature, j’ai proposé une baisse lente et continue de 1 % à 2 %, soit un milliard par an, de la DGF, tout le monde, y compris dans la majorité de l’époque, a hurlé contre cette idée. L’erreur a été, me semble-t-il, de décider trop tard une baisse trop forte.

Si nous étions sages, nous nous accorderions sur la nécessité de ne pas baisser les dotations à un rythme trop élevé, pour laisser aux collectivités le temps de s’adapter. Mais il ne s’agit pas de réformer uniquement la DGF qui, au bout de quarante ans, à force de conservatisme, n’a fait qu’accentuer les inégalités. D’autres réformes sont nécessaires. Tout d’abord celle de la péréquation – en particulier de sa principale composante, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) –, qui connaît toute une série de dérives, puisqu’elle aboutit à ce résultat paradoxal que les pauvres contribuent à une solidarité dont bénéficient les riches ! Quant à la réforme des bases locatives, chacun reconnaît qu’elle est nécessaire mais, à chaque fois que l’on en établit de nouvelles, tout le monde met le holà.

Si l’on ne s’accorde pas, dans la majorité et dans l’opposition, sur le fait qu’on ne peut pas continuer ainsi et qu’un minimum de solidarité est nécessaire, on n’y arrivera jamais ! De plus, on agite le tapis, si bien qu’on découvre des inégalités qui, dès lors, deviennent insupportables alors qu’elles étaient acceptées tant qu’on n’en avait pas conscience. Il faudrait donc que nous aboutissions à un accord sur une réforme recueillant un consensus minimum et que celle-ci intervienne en début et non en fin de mandat, donc dès 2018.

M. Nicolas Sansu. Tout d’abord, n’oublions pas que, même si certains de ses aspects doivent être revus, la DGF compense des inégalités réelles. Ensuite, puisque l’on a évoqué la corrélation entre les recettes et les dépenses, je tiens à rappeler qu’en 2015 les dépenses des collectivités territoriales n’ont augmenté que de 0,4 %, ce qui est très faible, et que, pour la première fois, leur endettement a diminué. Par ailleurs, la baisse des dépenses publiques globales – investissement et fonctionnement – est constituée à 90 % par la baisse des dotations aux collectivités. Celles-ci me semblent donc assez maltraitées.

On ne peut pas arguer de l’existence d’injustices – l’exemple du FPIC a été cité – pour mettre à terre un système qui, globalement, favorise l’égalité. Quant aux recettes réelles de fonctionnement des collectivités, elles ne proviennent pas uniquement de la DGF. À cet égard, les bases et les modalités de la péréquation posent problème. En effet, en privilégiant la péréquation horizontale, on jette les collectivités les unes contre les autres. Il faudrait donc parvenir à rétablir une péréquation verticale dans le cadre d’un fonds national, faute de quoi les collectivités ne pourront être tournées vers un même objectif, celui de corriger les inégalités. Enfin, parmi les critères appliqués dans le cadre des dotations de l’État, il en est un qui est très peu, voire pas du tout pris en compte : je veux parler du revenu des habitants.

M. le président Gilles Carrez. Si, il l’est !

M. Nicolas Sansu. Pas suffisamment, monsieur le président, et vous le savez. Or, c’est un critère très important, car il permettrait à certaines collectivités, que ce soit celle de Marc Goua, celle de Michel Vergnier ou la mienne, de bénéficier d’une dotation un peu plus égalitaire.

M. Marc Goua. Tout d’abord, je dis « chiche » à Charles de Courson : la réforme des bases est en effet primordiale. Ensuite, je rappelle que les communes bénéficiant de la DSU doivent transmettre, chaque année, un rapport à la préfecture qui examine les modalités d’utilisation de cette dotation. Peut-être n’est-ce pas pratiqué dans tous les départements, mais ce rapport est obligatoire et il constitue un moyen de contrôle.

M. Éric Alauzet. Certes, il faut ralentir la baisse des dotations pour éviter qu’elle ne soit trop brutale, mais ce qui est vrai pour les collectivités territoriales l’est également pour l’État et les organismes de sécurité sociale… Je doute que la concorde nationale soit possible pour traiter sereinement un tel problème, mais il est certain que la confiance suppose une transparence totale : chaque collectivité doit savoir, pour chacune des dix années à venir, où elle va.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur Sansu, dès lors que les dépenses de protection sociale, en raison des mécanismes propres aux retraites et à l’assurance maladie, progresseront au mieux de 1 % à 1,5 %, au pire de 2 % à 2,5 %, la pression, à dépense publique constante, s’exerce de facto ailleurs. J’ajoute que les principales dépenses de l’État correspondent, d’abord, à ses missions régaliennes, puis aux transferts vers les collectivités locales et aux dépenses de solidarité : il n’y a donc pas de trésor caché. Et les crédits de l’éducation nationale et de la défense étant sanctuarisés, il ne reste plus grand-chose à « gratter ». Par ailleurs, on ne peut pas dire, d’un côté, que l’État fait supporter tout l’effort par les collectivités territoriales et, de l’autre, que les services de l’État sont paupérisés dans les départements et les régions.

M. Nicolas Sansu. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. J’ajoute que les dépenses fiscales ont augmenté pendant le quinquennat !

M. le président Gilles Carrez. Disons qu’elles n’ont pas diminué…

M. Dominique Lefebvre. Nous n’allons pas nous engager dans un débat sur les prélèvements, mais n’oublions pas que les recettes de l’impôt sur le revenu progressent alors que le nombre des foyers imposables baisse.

Quoi qu’il en soit, j’ai bien entendu la proposition de notre président. L’idéal serait que des dispositions soient inscrites en loi de finances, et qu’une proposition ou un projet de loi reprenne le résultat des réflexions du groupe de travail. Je ne vois pas d’autre solution.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Avant de conclure, je veux dire un mot des communautés d’agglomération car, pour nombre d’entre elles, les élus ont été étonnés par le montant de la DGF qui leur a été notifié. Je précise donc que la baisse de cette dernière n’est pas liée à un changement de critères ou de mode de calcul de la répartition, mais au mouvement intercommunal. En effet, le fait que 28 communautés d’agglomération soient devenues communautés urbaines ou métropoles a mécaniquement fait baisser le montant à répartir entre les autres communautés d’agglomération.

M. le président Gilles Carrez. Encore avons-nous dû extorquer au Gouvernement, un vendredi après-midi – heureusement que Michel Sapin était présent, plutôt que Christian Eckert –, 114 millions d’euros hors enveloppe ! Je m’étais d’ailleurs joint au groupe socialiste, lors de la suspension de séance, pour plaider cette cause…

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. En résumé, nous sommes tous d’accord pour que les mesures proposées par Véronique Louwagie pour 2017 – mesures de correction, et non réforme de fond, sauf pour la DSU – soient proposées au Gouvernement afin qu’il les reprenne à son compte dans le cadre du PLF. Quant à la seconde partie du rapport, qui dessine la structure d’une réforme globale de la DGF, un consensus semble se dessiner pour que son squelette soit proposé dès 2017. Enfin, je veux remercier les administrateurs de l’Assemblée et me féliciter qu’avec Véronique Louwagie et nos collègues du Sénat nous ayons su mettre de côté, les uns et les autres, nos étiquettes politiques pour travailler au profit de l’intérêt général.

M. le président Gilles Carrez. Il me reste à remercier à mon tour nos deux rapporteures, ainsi que les administrateurs de l’Assemblée qui les ont assistées. Nous pouvons être fiers du travail accompli ; il nous reste maintenant à le traduire en mesures durables et opérationnelles.

En application de l’article 145 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d’information sur la dotation globale de fonctionnement du bloc communal.

*

* *

ANNEXE 1 :

ÉCARTS DE RÉPARTITION DE LA DGF DES COMMUNES PAR STRATE

(en euros/habitant DGF)

Strate

Nombre de communes

DGF 2016 totale

   

moyenne

min

max

Écart-type

1

18 088

378,82

0

4 665,88*

103,2

2

7303

144,37

0

849,73

65,34

3

4862

146,31

0

552,03

65,90

4

2348

149,06

0

610,33

70,10

5

1036

151,31

0

437,43

71,22

6

829

162,91

0

824,21

94,20

7

430

159,80

0

1018,39

95,41

8

385

184,78

0

648,94

117,64

9

186

183,06

0

566,82

109,16

10

274

202,80

0

660,96

110,84

11

92

207,43

0

642,71

111,03

12

70

202,72

0

678,14

107,66

13

25

225,44

38,82

593,86

126,20

14

32

221,87

65,89

375,65

61,17

15

11

172,27

120,50

252,43

44,52

Total

35 971

174,69

0

4 665,8

89,90

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF, données DGCL et RCF.

* Strate 1 : DGF maximale de 4 665,88 euros/habitant pour la commune de Pennes-le Sec (Drôme, canton de Die), 26 habitants INSEE, 33 habitants DGF, 2,8 habitants/km². La commune bénéficie de fortes garanties compensant la perte de taxe professionnelle perçue lorsqu’elle abritait le siège de l’entreprise de négoce de pneus du maire, propriétaire du village abandonné et reconstruit, à partir de 1951. 

ANNEXE 2 : CARTE DE LA RÉPARTITION DES RRF

RECETTES RÉELLES DE FONCTIONNEMENT (RRF) 2014 DES COMMUNES

(en euros/habitant - population DGF)


© CGET 2016 - IGN GéoFla

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF, données DGCL et RCF

Zone en gris : données non disponibles du fait de changements de périmètre.

ANNEXE 3 : CARTE DE LA RÉPARTITION DE LA DGF

DOTATION GLOBALE DE FONCTIONNEMENT 2014 DES COMMUNES

(en euros/habitant - population DGF)


© CGET 2016 - IGN GéoFla

Source : groupes de travail du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la réforme de la DGF, données DGCL et RCF

ANNEXE 4 : LISTE DES MEMBRES DES GROUPES DE TRAVAIL

Liste des membres du groupe de travail de l’Assemblée nationale

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances

Mme Christine Pires Beaune (co-rapporteure) (Socialiste, écologiste et républicain – Puy-de-Dôme)

Mme Véronique Louwagie (co-rapporteure) (Les Républicains – Orne)

M. Éric Alauzet (Socialiste, écologiste et républicain – Doubs)

M. Dominique Baert (Socialiste, écologiste et républicain – Nord)

M. Charles de Courson (Union des démocrates et indépendants – Marne)

Mme Marie-Christine Dalloz (Les Républicains – Jura)

M. Olivier Dussopt (Socialiste, écologiste et républicain – Ardèche)

M. Hugues Fourage (Socialiste, écologiste et républicain – Vendée)

M. Joël Giraud (Radical, républicain, démocrate et progressiste – Hautes-Alpes)

M. Marc Goua (Socialiste, écologiste et républicain – Maine-et-Loire)

M. Jacques Lamblin (Les Républicains – Meurthe-et-Moselle)

M. Hervé Mariton (Les Républicains – Drôme)

M. François de Mazières (Les Républicains – Yvelines)

M. François Pupponi (Socialiste, écologiste et républicain – Val-d’Oise)

M. Nicolas Sansu (Gauche démocrate et républicaine – Cher)

Liste des membres du groupe de travail du Sénat

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances

M. Charles Guené, rapporteur spécial (Les Républicains – Haute-Marne)

M. Claude Raynal, rapporteur spécial (Socialiste – Haute-Garonne)

Mme Marie-France Beaufils (Communiste, républicain et citoyen – Indre-et-Loire)

M. Jean-Claude Boulard (Socialiste – Sarthe)

M. Michel Bouvard (Les Républicains – Savoie)

M. Philippe Dallier (Les Républicains – Seine-Saint-Denis)

M. Vincent Delahaye (UDI – Essonne)

Francis Delattre (Les Républicains – Val-d’Oise)

M.  Bernard Delcros (UDI – Cantal)

M. Jacques Genest (Les Républicains – Ardèche)

M. François Marc (Socialiste – Finistère)

M. Georges Patient (Socialiste – Guyane)

M. Jean-Claude Requier (RDSE – Lot)

ANNEXE 5 : LISTE DES ABRÉVATIONS

AC Attributions de compensation

AdCF Assemblée des communautés de France

AMF Association des maires de France

ANRU Agence nationale pour la rénovation urbaine

APL Aide personnalisée au logement

APUL Administration publique locale

BANATIC Base nationale sur l’intercommunalité

CA Communauté d’agglomération

CC Communauté de communes

CET Contribution économique territoriale

CFE Contribution foncière des entreprises

CFL Comité des finances locales

CGCT Code général des collectivités territoriales

CGI Code général des impôts

CIADT Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire et d’attractivité régionale

CIF Coefficient d’intégration fiscale

COM Collectivité d’outre-mer

CPS Compensation « part salaires »

CRFP Contribution au redressement des finances publiques

CU Communauté urbaine

CVAE Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

DCRTP Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle

DGCL Direction générale des collectivités locales

DGF Dotation globale de fonctionnement

DGFiP Direction générale des finances publiques

DNP Dotation nationale de péréquation

DOM Départements d’outre-mer

DPV Dotation de politique de la ville

DRF Dépenses réelles de fonctionnement

DRI Dépenses réelles d’investissement

DSC Dotation de solidarité communautaire

DSR Dotation de solidarité rurale

DSR-BC Dotation de solidarité rurale - fraction Bourgs-Centres

DSU Dotation de solidarité urbaine

EF Effort fiscal

EPCI Établissement public de coopération intercommunale

FA Fiscalité additionnelle

FCTVA Fonds de compensations pour la TVA

FDPTP Fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle

FNB Foncier non bâti

FNGIR Fonds nationaux de garantie individuelle des ressources

FP Fiscalité propre

FPIC Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales

FPU Fiscalité professionnelle unique

FSL Fonds de solidarité pour le logement

FSRIF Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France

IFER Impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux

INSEE Institut national de la statistique et des études économiques

LFI Loi de finances initiale

LFR Loi de finances rectificative

MAPTAM Loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles

MGP Métropole du Grand Paris

MAMP Métropole d’Aix-Marseille-Provence

MLETR Ministère du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

NOTRe Loi portant nouvelle organisation territoriale de la République

OFL Observatoire des finances locales

ONPV Observatoire national de la politique de la ville

ONZUS Observatoire national des zones urbaines sensibles

PF Potentiel fiscal

PFA Potentiel fiscal agrégé

PFI Potentiel financier

PFIA Potentiel financier agrégé

PLF Projet de loi de finances

PSR Prélèvements sur recettes

RCT Relations avec les collectivités territoriales

RRF Recettes réelles de fonctionnement

RRI Recettes réelles d’investissement

SAN Syndicat d’agglomération nouvelle

SRU Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain

TASCOM Taxe sur les surfaces commerciales

TEOM Taxe d’enlèvement des ordures ménagères

TFNB Taxe foncière sur les propriétés non bâties

TFPB Taxe foncière sur les propriétés bâties

TH Taxe d’habitation

TP Taxe professionnelle

ZFU Zone franche urbaine

ZRR Zone de revitalisation rurale

ZRU Zone de revitalisation urbaine

ZUS Zone urbaine sensible

1 () Christine Pires Beaune, Députée, et Jean Germain, Sénateur, Pour une dotation globale de fonctionnement équitable et transparente : Osons la réforme, 15 juillet 2015, page 99.

2 () Sont membres du groupe de travail de l’Assemblée nationale : Gilles Carrez, président de la commission des finances, Valérie Rabault, rapporteure générale, Christine Pires Beaune, co-rapporteure, Véronique Louwagie, co-rapporteure, Éric Alauzet, Dominique Baert, Charles de Courson, Marie-Christine Dalloz, Olivier Dussopt, Hugues Fourage, Joël Giraud, Marc Goua, Jacques Lamblin, Hervé Mariton, François de Mazières, François Pupponi et Nicolas Sansu.

3 () Sont membres du groupe de travail du Sénat : Michèle André, présidente de la commission des finances, Albéric de Montgolfier, rapporteur général, Charles Guené, rapporteur spécial, Claude Raynal, rapporteur spécial, Marie-France Beaufils, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Bernard Delcros, Jacques Genest, François Marc, Georges Patient et Jean-Claude Requier.

4 () Rapport précité, pages 39 à 43.

5 () Il convient de souligner que le complément de garantie représente des montants en moyenne par habitant de plus de trois fois supérieurs à la dotation de compensation par habitant, allant même de 1 à 10 pour la première strate et de 1 à 13 pour la strate 14.

Dans l’ensemble les parts figées représentaient entre 38 % et 60 % de la dotation forfaitaire des communes, leur effet sur les inégalités est donc très important.

6 () Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

7 () Article 37 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

8 () La hausse de la péréquation verticale est financée pour moitié en interne à la DGF par un écrêtement péréqué de la dotation forfaitaire des communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 0,75 fois le potentiel fiscal par habitant pour l’ensemble des communes.

9 () Cette compensation a été fondue avec les autres composantes de la dotation forfaitaire dans une même dotation par la loi de finances pour 2015, mais il est possible de la reconstruire sans difficulté.

10 () Les montants de CRFP 2017 retenus dans le présent rapport sont ceux antérieurs à l’annonce de l’étalement de la baisse de DGF annoncée par le Président de la République le 2 juin 2016 devant le congrès des maires, mais cette différence est tout à fait compatible avec le rebasage proposé.

11 () La compensation « part salaires » subissait également un écrêtement lorsqu’elle avait été transmise à l’EPCI.

12 () Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

13 () Loi n° 91-429 du 13 mai 1991 instituant une dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et un fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, réformant la dotation globale de fonctionnement des communes et des départements et modifiant le code des communes.

14 () Article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales.

15 () Le critère de potentiel fiscal a été remplacé par celui de potentiel financier en 2004.

16 () Ces pondérations ont évolué au cours des années. Aujourd’hui, les pondérations sont les suivantes : 45 % pour le potentiel financier ; 15 % s’agissant de la proportion de logements sociaux ; 30 % concernant la proportion de bénéficiaires d’aides au logement et 10 % pour le revenu par habitant.

17 () Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

18 () Observatoire national des zones urbaines sensibles, rapport public 2012, pages 269 à 290.

19 () Article 127 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

20 () Article 178 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

21 () Cf. Rapport spécial de M. Marc Laffineur, député, annexe n° 38 Relations avec les collectivités territoriales au rapport n° 1127 de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2009, page 170 qui cite ces exemples.

22 () À noter que les communautés urbaines et les métropoles bénéficient d’un dispositif spécifique de garantie qui permet à chacune d’entre elles de percevoir au moins 60 euros par habitant.

23 () Soit 45,40 multiplié par 5 063 021 habitants.

24 () Article 70 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

25 () Charles Guené et Claude Raynal, L’association des collectivités territoriales à la maîtrise des finances publiques : les exemples autrichien et italien, rapport au nom de la commission des finances du Sénat (678, 2014-2015), 9 septembre 2015.


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