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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2016.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA MISSION D’INFORMATION (1)
sur l’offre automobile française
dans une approche industrielle, énergétique et fiscale,
ET PRÉSENTÉ
PAR Mme Sophie ROHFRITSCH, Présidente,
ET
Mme Delphine BATHO, Rapporteure,
Députées.
——
TOME I
TRAVAUX DE LA MISSION
La mission d’information sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale est composée de : Mme Sophie Rohfritsch, présidente ; M. Frédéric Barbier, M. Christophe Bouillon, Mme Marie-Jo Zimmermann, vice-présidents ; Mme Delphine Batho, Rapporteure ; M. Xavier Breton, M. Jean-Pierre Maggi, M. Jean Grellier, secrétaires ; M. Yves Albarello, M. François André, M. Jean-Marie Beffara, M. Marcel Bonnot, Mme Marie-George Buffet, M. Jean-Yves Caullet, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Charles de Courson, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Philippe Duron, Mme Arlette Grosskost, M. Michel Heinrich, M. Denis Jacquat, M. Philippe Kemel, M. Gérard Menuel, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Patrice Prat, M. Éric Straumann, M. Jean-Michel Villaumé, membres.
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UNE ALLIANCE FRANÇAISE
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PREMIÈRE PARTIE : POUR UNE RÉFORME RADICALE
I. LA FAILLITE D’UN SYSTÈME
II. LES TROIS PILIERS DE LA CONFIANCE
III. UNE RÉFORME GLOBALE DES SYSTÈMES DE CONTRÔLE
IV. SANCTIONNER LES VIOLATIONS DE LA NORME
DEUXIÈME PARTIE : POUR LA NEUTRALITÉ TECHNOLOGIQUE ET FISCALE
I. UN CONSENSUS EN FAVEUR DE LA NEUTRALITÉ TECHNOLOGIQUE
II. LA NEUTRALITÉ APPLIQUÉE À LA FISCALITÉ : SUPPRIMER EN CINQ ANS LES AVANTAGES FISCAUX ACCORDÉS AU DIESEL
III. PROTÉGER LES MÉNAGES MODESTES QUI SUBISSENT LA MOBILITÉ CONTRAINTE
IV. UN PLAN D’ACCOMPAGNEMENT DE L’INDUSTRIE
TROISIÈME PARTIE : ACCÉLÉRER VRAIMENT LE RENOUVELLEMENT DU PARC
I. LE VIEILLISSEMENT DU PARC ROULANT POSE UN PROBLÈME ÉCOLOGIQUE MAJEUR
II. LA RELATIVE INEFFICACITÉ DES PRIMES À LA CASSE
III. INSTAURER LE CONTRÔLE ÉCOLOGIQUE DES VÉHICULES EN CIRCULATION
IV. LES AUTRES LEVIERS D’ACTION POUR RÉDUIRE LA POLLUTION DU PARC ROULANT
QUATRIÈME PARTIE : POUR UNE OFFRE AUTOMOBILE DU XXIE SIÈCLE
I. LA RÉVOLUTION DES USAGES
II. OBJECTIF VÉHICULE ZÉRO ÉMISSION
III. LE NOUVEL HORIZON DU VÉHICULE AUTONOME
CINQUIÈME PARTIE : OUI, L’INDUSTRIE AUTOMOBILE A UN AVENIR EN FRANCE
I. UN SECTEUR STRATÉGIQUE POUR L’EMPLOI
II. LA PRIORITÉ ABSOLUE : AUGMENTER L’EFFORT DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT
III. MIEUX STRUCTURER LA FILIÈRE
IV. ASSUMER L’AMBITION INTERNATIONALE
V. DÉPLOYER L’USINE DU FUTUR
VI. ADAPTER LES COMPÉTENCES ET LES EMPLOIS
VII. CONSTRUIRE UNE INDUSTRIE DU CYCLE DE VIE
SOMMAIRE
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Pages
AVANT-PROPOS DE LA PRÉSIDENTE DE LA MISSION D’INFORMATION 19
INTRODUCTION 23
PREMIÈRE PARTIE : POUR UNE RÉFORME RADICALE 31
I. LA FAILLITE D’UN SYSTÈME 31
A. POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE ET SANTÉ PUBLIQUE : DES CONSTATS ALARMANTS 31
1. L’incontestable responsabilité de l’automobile dans la pollution de l’air 31
a. La part du trafic automobile dans la pollution de l’air ne peut être relativisée 31
b. Les principales émissions polluantes d’origine automobile 33
2. Un impact majeur sur la santé publique 40
a. 48 283 morts par an 41
b. Des coûts sanitaires qui s’ajoutent au lourd bilan humain 42
c. Les émissions du diesel « cancérigènes certains » pour l’OMS depuis 2012 47
3. Des améliorations lentes et insuffisantes 48
a. L’évolution de la qualité de l’air en zone urbaine 48
b. La diésélisation massive du parc automobile au cours des années 2000 a ralenti les progrès, particulièrement pour les NOx 50
4. Un contentieux européen ouvert à l’égard de la France 53
5. Un défi planétaire 55
B. L’AFFAIRE VOLKSWAGEN PAR LAQUELLE LE SCANDALE EST ARRIVÉ… 56
1. Une ONG pallie la défaillance des autorités de contrôle 57
a. Une coopération exemplaire entre la société civile et les institutions publiques 57
b. De lourdes procédures judiciaires à la hauteur du préjudice 59
2. L’affaire Volkswagen fait plus de victimes en France qu’aux États-Unis 62
a. Une inégalité de traitement choquante et inacceptable 62
b. Un programme de « mise en conformité » minimaliste 67
c. Les prérogatives limitées des autorités françaises 71
d. Une « concurrence déloyale » peu dénoncée 71
3. « Das Auto » n’est plus ce qu’elle était 73
a. Quand la fin justifie les moyens 73
b. La responsabilité de la culture d’entreprise 76
c. Une culpabilité partagée ? 78
4. Des « tricheries » en cascade 79
a. De découverte en découverte… 79
b. Un mal pour un bien : transformer le scandale en opportunité 81
C. « TOUT LE MONDE SAVAIT » 83
1. Des écarts de notoriété publique entre les tests et la réalité, dès l’origine 84
a. « Un marronnier » 84
b. Une multitude de protocoles pour mesurer les écarts 86
2. Des réformes annoncées et des années d’atermoiements 88
a. L’alerte lancée dès 2011 par le Commissaire Potočnik 88
b. De nouveaux protocoles de tests en débat depuis presque dix ans 90
3. Des normes de moins en moins respectées : plus les normes sont sévères, plus les écarts se creusent 96
a. En théorie, les normes sont de plus en plus exigeantes 96
b. En pratique, les normes sont de moins en moins respectées 99
D. UNE « COMPLICITÉ » EUROPÉENNE : L’ÉCHEC DE LA RÉGULATION 101
1. La tolérance des techniques d’optimisation : « on fait la voiture belle » 101
2. Le « type-approval shopping » ou la mise en concurrence des États membres 103
3. « Une tricherie légale » ? 105
a. La réglementation européenne interdit le « defeat device » 105
b. Une interprétation discutable et extensive des dérogations 107
c. Une ambiguïté contenue dans la réglementation européenne depuis 1998 108
4. L’Europe dépourvue de pouvoirs de sanctions 109
E. UNE OPACITÉ ANTI-DÉMOCRATIQUE 112
1. Quand l’Europe discrédite ses propres normes : le « facteur de conformité » 112
2. Une procédure de comitologie dévoyée 116
a. Un excès de pouvoir du comité technique 116
b. Le Parlement français éconduit dans ses demandes de transparence 118
3. Des questions sur la position et l’influence de la France 120
a. La position initiale de la France sur le « facteur de conformité » 121
b. Le vote positif de la France le 28 octobre 2015 en TCMV 123
c. L’influence française sur les normes automobiles 124
II. LES TROIS PILIERS DE LA CONFIANCE 128
A. UNE SEULE NORME 128
1. Un véhicule et mille et une normes 128
2. Pour une norme unique, intégrant tous les paramètres de pollution 130
B. LA RÈGLE DES 5 ANS 132
1. « Dites-nous ce que vous voulez, mais dites-le nous à l’avance » 132
2. Toute nouvelle norme doit être décidée 5 ans à l’avance 133
C. POUR UNE AGENCE EUROPÉENNE DE CONTRÔLE 135
1. Après l’affaire Volkswagen, l’Union européenne ne peut se contenter d’une réforme bancale 135
2. La création d’une agence européenne est nécessaire 137
III. UNE RÉFORME GLOBALE DES SYSTÈMES DE CONTRÔLE 138
A. LA RÉFORME DE L’HOMOLOGATION EN FRANCE 138
1. Transformer l’UTAC pour éviter tout soupçon de conflit d’intérêt 138
2. Le problème des « homologations à domicile » 144
B. INSTAURER UN CONTRÔLE A POSTERIORI INDÉPENDANT 146
1. L’indigence de la « surveillance de marché » en France 146
a. L’absence de contrôle des émissions polluantes des véhicules en circulation 146
b. Les procédures de contrôle mises en place à la suite de l’affaire Volkswagen 148
2. Les vertus du système de contrôle américain 154
3. Créer un organisme indépendant et permanent de contrôle des émissions des véhicules en circulation 156
a. Un choix à opérer sur le statut 157
b. Des garanties à apporter, en particulier en termes de gouvernance et de moyens 159
IV. SANCTIONNER LES VIOLATIONS DE LA NORME 166
A. RENDRE LES RAPPELS OBLIGATOIRES 166
B. FAIRE DES DONNÉES SUR LES ÉMISSIONS POLLUANTES UNE CLAUSE CONTRACTUELLE 169
C. ÉTENDRE L’ACTION DE GROUPE AUX PRÉJUDICES MORAUX ET ENVIRONNEMENTAUX 171
D. RENFORCER LES SANCTIONS 175
DEUXIÈME PARTIE : POUR LA NEUTRALITÉ TECHNOLOGIQUE ET FISCALE 178
I. UN CONSENSUS EN FAVEUR DE LA NEUTRALITÉ TECHNOLOGIQUE 179
A. LES ERRANCES DU PASSÉ 179
1. Le poids de l’histoire 179
2. Un nécessaire rééquilibrage longtemps ajourné 181
3. L’avantage fiscal accordé au diesel n’a pas de justification environnementale 184
4. Un manque à gagner fiscal considérable pour l’État 187
B. LE PRINCIPE DE NEUTRALITÉ TECHNOLOGIQUE : L’ÉTAT FIXE UNE OBLIGATION DE RÉSULTATS ET NON DE MOYENS 189
1. Un consensus désormais bien établi 189
2. L’État fixe une obligation de résultats et non de moyens 190
3. La neutralité technologique est dans l’intérêt du consommateur 192
II. LA NEUTRALITÉ APPLIQUÉE À LA FISCALITÉ : SUPPRIMER EN CINQ ANS LES AVANTAGES FISCAUX ACCORDÉS AU DIESEL 195
A. UNE FISCALITÉ ÉGALE SUR LES CARBURANTS FOSSILES, PAR UNE CONVERGENCE PROGRESSIVE DANS LES DEUX SENS 195
1. Un mouvement de convergence déjà engagé 195
2. La justification d’une progressivité et d’une programmation sur cinq ans 197
3. La nécessité de « graver dans le marbre » la convergence 200
B. POURSUIVRE LA MONTÉE EN PUISSANCE DE LA TAXE CARBONE 202
1. Un instrument utile à l’offre automobile du XXIème siècle 202
2. Une programmation d’ores et déjà inscrite dans le temps 202
3. Accélérer le mouvement après la COP 21 203
C. ÉTENDRE LA NEUTRALITE FISCALE AUX VÉHICULES D’ENTREPRISE 203
1. Étendre progressivement la déductibilité de la TVA sur les carburants à l’essence 204
2. De même, appliquer la neutralité fiscale à la récupération de la TVA sur l’achat des véhicules 206
3. Un barème en adéquation avec les normes Euro pour la taxe sur les véhicules des sociétés 207
D. REVOIR LES BASES DU BONUS-MALUS 208
III. PROTÉGER LES MÉNAGES MODESTES QUI SUBISSENT LA MOBILITÉ CONTRAINTE 211
A. DES INÉGALITÉS SOCIALES ET TERRITORIALES CRIANTES 211
1. Mobilité contrainte et précarité énergétique 211
2. Le paradoxe de la convergence fiscale au regard de ses effets sociaux 212
B. LA RESTITUTION INTÉGRALE DES RECETTES FISCALES GÉNÉRÉES PAR LA CONVERGENCE ESSENCE/DIESEL 215
1. L’écologie doit aller à l’écologie : l’affectation des recettes à la transition automobile 215
2. Ouvrir la perspective d’une « couverture énergie universelle » 216
C. PROTÉGER LES SECTEURS PROFESSIONNELS FRAGILES 218
IV. UN PLAN D’ACCOMPAGNEMENT DE L’INDUSTRIE 219
A. « ATTAQUER LE DIESEL, C’EST ATTAQUER LE MADE IN FRANCE » 219
1. De la difficulté d’établir le poids réel de la filière diesel en France 219
2. Le « tout diesel » : une stratégie qui ne peut pas être gagnante à l’international 222
3. La convergence aura un impact positif sur l’industrie du raffinage 223
B. UN SAVOIR FAIRE ET DES IMPLANTATIONS INDUSTRIELLES À PRÉSERVER 224
1. Un début de diversification 224
2. Des mesures d’accompagnement indispensables 225
C. « L’HISTOIRE DE LA DÉPOLLUTION EST UNE HISTOIRE DE CRÉATIONS D’EMPLOIS » 227
TROISIÈME PARTIE : ACCÉLÉRER VRAIMENT LE RENOUVELLEMENT DU PARC 231
I. LE VIEILLISSEMENT DU PARC ROULANT POSE UN PROBLÈME ÉCOLOGIQUE MAJEUR 231
II. LA RELATIVE INEFFICACITÉ DES PRIMES À LA CASSE 234
A. LE REFUS UNANIME DE MESURES DE TYPE « PRIME À LA CASSE » 234
B. RENFORCER LA PRIME DE CONVERSION 238
III. INSTAURER LE CONTRÔLE ÉCOLOGIQUE DES VÉHICULES EN CIRCULATION 240
A. ACCÉLÉRER LA MISE EN œUVRE DU VOLET « POLLUTION » DU CONTRÔLE TECHNIQUE 241
1. « Au niveau du contrôle technique, on ne contrôle pas le diesel, c’est quand même fou ! » 241
a. Un cadre européen laxiste, y compris dans ses développements les plus récents 241
b. Des contrôles longtemps lacunaires en France 242
c. Des défaillances et des fraudes ni identifiées, ni réparées, ni sanctionnées 243
2. Anticiper l’entrée en vigueur du volet pollution du contrôle technique 245
a. Accélérer l’entrée en vigueur de l’article 65 de la loi de transition énergétique pour la croissance verte 246
b. Introduire progressivement un véritable éco-entretien 247
B. AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DU CONTRÔLE TECHNIQUE 250
1. La question de la périodicité du contrôle technique 250
2. Instaurer un contrôle du compteur kilométrique 251
3. Créer l’historique électronique des contrôles techniques d’un véhicule 252
4. Faire des données sur le parc roulant des données d’intérêt général 253
5. Garantir la qualité du travail des centres de contrôle technique 254
IV. D’AUTRES LEVIERS POUR RÉDUIRE LA POLLUTION DU PARC ROULANT 256
A. AMÉLIORER LE DISPOSITIF DES CERTIFICATS QUALITÉ DE L’AIR 256
1. Une mise en œuvre laborieuse 256
a. Un dispositif envisagé depuis longtemps 256
b. Une entrée en vigueur retardée 257
c. Une concrétisation récente 258
2. Un dispositif à améliorer 258
B. POUR LE TRANSPORT ROUTIER : SANCTIONNER LES PRATIQUES FRAUDULEUSES ET DÉVELOPPER LE RÉTROFIT 260
1. Sanctionner les pratiques frauduleuses 261
2. Développer le rétrofit pour les poids lourds 262
a. Le rétrofit est pertinent aux plans économique et écologique 262
b. Le rétrofit doit être développé pour les poids lourds, sous certaines conditions 263
c. En revanche, ne pas étendre le rétrofit aux véhicules légers 266
C. DÉVELOPPER L’ÉCO-CONDUITE 267
1. Les formations à l’éco-conduite pour les conducteurs professionnels 267
2. Développer l’éco-conduite pour les particuliers 269
QUATRIÈME PARTIE : POUR UNE OFFRE AUTOMOBILE DU XXIE SIÈCLE 271
I. LA RÉVOLUTION DES USAGES 272
A. LA NOUVELLE ÈRE DE LA MOBILITÉ GLOBALE 272
1. Le bouleversement du rapport à l’automobile 273
a. Quand l’usage se substitue à la possession 273
b. Un phénomène générationnel 276
2. Une évolution écologiquement et économiquement bénéfique 278
B. LE DÉFI D’UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE POUR L’INDUSTRIE AUTOMOBILE 278
1. Les risques de l’aveuglement 278
a. Une tendance structurelle : moins de voitures à vendre et à construire ? 278
b. La concurrence de nouveaux acteurs 279
2. Adapter les produits et déployer une offre de services 280
a. Adapter les produits 280
b. Déployer une offre de services 282
3. Une nécessaire mutation stratégique de la filière automobile 286
a. Adapter les instances stratégiques 286
b. Renforcer le rôle de la PFA en matière de mobilité 286
4. Encourager l’économie collaborative 288
a. Un appui financier pour permettre à des services de mobilité d’émerger 288
b. Un appui matériel, pour inciter au passage à l’économie de la fonctionnalité 289
C. UNE RÉVOLUTION À PROLONGER HORS DE LA FILIÈRE AUTOMOBILE 290
1. Les entreprises du secteur routier : améliorer la logistique du dernier kilomètre 290
2. L’extension des plans mobilité à l’ensemble des entreprises 292
II. OBJECTIF VÉHICULE ZÉRO ÉMISSION 293
A. LA NÉCESSITÉ D’UNE PLANIFICATION AGILE 294
1. Un objectif clair : le véhicule zéro émission et la sortie des énergies fossiles 294
a. Appliquer à l’automobile l’Accord de Paris de la COP21 294
b. La mobilité, parent pauvre de la transition énergétique en France comme en Europe 297
2. Assumer une stratégie d’électrification de l’automobile 300
a. La généralisation de différentes formes d’hybridation 301
b. La France, patrie de la voiture électrique 302
3. Ne pas négliger d’autres technologies : hydrogène et biogaz 305
a. Le potentiel de l’hydrogène 305
b. La pertinence du gaz et du biométhane pour le transport routier 307
B. LES INFRASTRUCTURES 309
1. Pour l’électricité 309
a. Le déploiement des bornes de recharge 309
b. L’impact sur le réseau électrique 311
2. Pour l’hydrogène 313
a. L’exigence d’une production décarbonée 313
b. L’infrastructure de distribution 315
3. Pour le GNV et le bio GNV 316
C. LES SOUTIENS PUBLICS : STABILITÉ ET LISIBILITÉ 318
1. Remédier à l’instabilité chronique du bonus-malus 318
2. Un cadre fiscal durable pour les énergies alternatives 319
D. CONSTRUIRE LES BASES INDUSTRIELLES EN FRANCE 319
1. Concevoir des technologies produites ailleurs, ça suffit ! 319
2. Affirmer une ambition dans l’industrie des batteries 321
III. LE NOUVEL HORIZON DU VÉHICULE AUTONOME 323
A. UNE COURSE DE VITESSE TECHNOLOGIQUE ET INDUSTRIELLE 324
a. Une compétition mondiale 324
b. Le véhicule autonome s’inscrit dans le bouleversement du rapport à l’automobile 325
c. Prendre en compte un scénario de rupture 328
2. La valeur ajoutée se déplace dans l’immatériel 329
a. La place fondamentale des systèmes d’exploitation 329
b. L’arrivée des géants du web dans le secteur automobile 329
c. Le risque de l’émergence de monopoles irréversibles ou de partenariats déséquilibrés 330
3. En France, un engagement des pouvoirs publics insuffisant 332
a. « Un certain retard » 332
b. L’absence d’impulsion politique forte 333
B. L’URGENCE D’UNE FEUILLE DE ROUTE DÉFINIE PAR L’ÉTAT 336
1. Mettre en place une feuille de route stratégique 336
a. Définir une feuille de route stratégique et un pilote 336
b. Mettre fin à la dispersion des moyens 338
c. Ouvrir davantage les possibilités d’expérimentations en conditions réelles de conduite 340
d. Un fonds stratégique de soutien 342
2. Soutenir l’industrie française face à l’irruption des géants du numérique et accompagner l’adaptation de la filière 342
a. Lutter contre le risque de monopoles irréversibles 342
b. Accompagner l’adaptation de l’ensemble de la filière 343
C. PRÉVOIR LE CADRE DU DÉPLOIEMENT DU VÉHICULE AUTONOME 345
1. L’homologation des logiciels doit être obligatoire 345
2. Garantir la protection des données 347
3. La sécurité routière et la réglementation 349
a. L’impact du véhicule autonome sur la sécurité routière 349
b. La France doit porter un projet de révision de la convention de Vienne 350
4. Les infrastructures 353
5. Le modèle assurantiel 354
CINQUIÈME PARTIE : OUI, L’INDUSTRIE AUTOMOBILE A UN AVENIR EN FRANCE 357
I. UN SECTEUR STRATÉGIQUE POUR L’EMPLOI 357
A. UNE PERTE IMPORTANTE D’EMPLOIS CHEZ LES DEUX CONSTRUCTEURS FRANÇAIS 357
B. UNE DISTINCTION MAJEURE DE LA PRODUCTION AUTOMOBILE ENTRE LE « NOYAU » ET LA « PÉRIPHÉRIE » 360
II. LA PRIORITÉ ABSOLUE : AUGMENTER L’EFFORT DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT 364
A. LA R&D, ENJEU DÉCISIF POUR LA FILIÈRE 364
1. Un effort indissociable de la compétitivité 364
2. L’indispensable augmentation des budgets de R&D 365
3. Des comparaisons éclairantes 368
4. Le crédit d’impôt recherche (CIR) : un dispositif « anti délocalisation » des emplois qualifiés et des centres de recherche 372
B. LE BILAN EN DEMI-TEINTE DU PROGRAMME D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR (PIA) 377
C. RÉORGANISER LES PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ 381
III. MIEUX STRUCTURER LA FILIÈRE 384
A. FAIRE DE LA PFA UNE PLATEFORME À HAUTE VALEUR AJOUTÉE 385
1. La structure de la filière auto 385
2. Une redondance de structures qui manque de lisibilité et d’efficacité 388
B. METTRE UN COUP D’ARRÊT À LA DÉGRADATION DES RELATIONS ENTRE CONSTRUCTEURS ET ÉQUIPEMENTIERS 389
1. Les dispositions prises après la crise de 2008-2009 389
2. Des témoignages préoccupants 390
3. Un pacte de solidarité 391
C. DOTER L’ÉTAT ACTIONNAIRE D’UNE STRATÉGIE INDUSTRIELLE 392
1. Un État plus spectateur qu’acteur au capital de Renault 393
a. De la Régie Renault à l’Alliance Renault-Nissan 393
b. L’État actionnaire de Renault : pour quoi faire et à quel prix ? 394
2. L’État « sauveur » et rempart ultime du groupe PSA 396
a. Une réponse à une situation de péril 396
b. Une restructuration judicieuse 397
3. Maintenir les positions d’actionnaire de l’État dans l’automobile 398
4. Pour un État actionnaire avisé et de long terme 399
a. L’État : un actionnaire de référence ? 400
b. Une gouvernance de l’APE toujours imparfaite 402
c. Pour un État actionnaire actif et cohérent dans ses objectifs 403
IV. ASSUMER L’AMBITION INTERNATIONALE 404
A. ACCOMPAGNER LA RÉPONSE DES ENTREPRISES DE LA FILIÈRE AUTOMOBILE À LA NOUVELLE GÉOGRAPHIE DES VENTES 404
1. Un bouleversement profond et durable de la géographie des ventes 404
2. Un retard français dans l’adaptation à cette nouvelle donne 406
a. La dégradation continue de la balance commerciale française 406
b. Parmi les explications : les difficultés des PME à l’export et à l’internationalisation 408
c. La « success story » des ETI 408
3. Un impératif : aider les entreprises à l’export 410
a. L’importance stratégique de l’export 410
b. L’encouragement des fusions ou des mutualisations nécessaires à l’internationalisation 412
4. L’Europe ne doit plus faire obstacle à la constitution de champions mondiaux 415
B. AFFIRMER LE RÔLE DU TERRITOIRE DANS LA PRODUCTION 416
1. Le bouleversement de la géographie de la production 416
a. La nouvelle hiérarchie des zones de production 416
b. L’« effondrement » de la production des constructeurs français en France 419
2. « Localisation » versus « délocalisation » 422
3. Promouvoir le « Origine France Garantie » 425
C. ANTICIPER LES NOUVELLES MUTATIONS 428
1. Tirer les leçons de « l’échec de l’internationalisation » par une offensive à l’international 428
2. Construire des groupes globaux 430
V. DÉPLOYER L’USINE DU FUTUR 431
A. L’INDISPENSABLE MODERNISATION DES USINES AUTOMOBILES 432
1. Un outil de production surcapacitaire et vieillissant 432
2. Une modernisation indispensable 434
3. Un enjeu identifié par les pouvoirs publics, mais doté de moyens faibles et dispersés 435
B. ACCÉLÉRER LA ROBOTISATION 436
C. LE NOUVEAU MODÈLE DE FLEXIBILISATION : LA POLITIQUE DE PLATEFORME 439
1. Une capacité d’adaptation de plus en plus stratégique 439
2. Développer la politique de plateformes 440
VI. ADAPTER LES COMPÉTENCES ET LES EMPLOIS 443
A. RESTAURER L’ATTRACTIVITÉ : PROMOUVOIR LA FIERTÉ DE L’INDUSTRIE AUTOMOBILE 444
1. Promouvoir la filière 444
2. Adapter les formations initiales 446
B. ORGANISER LA MONTÉE EN COMPÉTENCES 447
1. Les entreprises, acteurs centraux de l’élévation des compétences 447
a. Renforcer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, en lien avec les organisations syndicales 447
b. Développer les formations qualifiantes en interne 449
2. Le rôle des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) et des organismes de formation 450
3. Simplifier les soutiens publics à la formation continue, nombreux et trop complexes 452
VII. CONSTRUIRE UNE INDUSTRIE DU CYCLE DE VIE 454
A. L’ENJEU DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE POUR L’INDUSTRIE AUTOMOBILE EN FRANCE 454
1. Une industrie dépendante de l’importation des matières premières 455
a. L’impact de la hausse des matières premières sur la crise de 2008-2009 456
b. Une vision stratégique et industrielle de l’économie circulaire : l’exemple de l’Allemagne 459
2. Une antériorité de la filière automobile dans la mise en place de filières de recyclage 461
a. La filière véhicule hors d’usage (VHU) 461
b. Le recyclage des pneus 463
c. Le recyclage des huiles 464
B. RÉAGIR VITE FACE À LA SITUATION ALARMANTE DES FILIÈRES DE RECYCLAGE 464
1. Restaurer la compétitivité de la filière VHU 465
a. Enrayer la perte de rentabilité économique 465
b. Lutter contre la concurrence des décharges illégales 466
c. Formaliser la fin de vie d’un véhicule 467
2. Sauver la filière du rechapage pour les poids lourds 468
C. ORGANISER LA RÉSILIENCE DE LA FILIÈRE AUTOMOBILE FACE AUX ÉVOLUTIONS PRÉVISIBLES DU PRIX DES MATIÈRES PREMIÈRES 471
1. L’éco-conception des véhicules : faire de l’automobile la première industrie à empreinte écologique positive 471
2. Développer l’usage des pièces de réemploi 474
3. La nécessité d’une planification et d’une participation des territoires 478
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS 481
EXAMEN EN COMMISSION 509
CONTRIBUTION DES DÉPUTÉS DU GROUPE « LES RÉPUBLICAINS » 523
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION 529
DÉPLACEMENTS DE LA MISSION 537
ENTRETIENS MENÉS PAR LA RAPPORTEURE 543
À N N E X E S 549
ANNEXE N° 1 : LES COMMISSIONS AD HOC DE CONTRÔLE CRÉÉES PAR LES AUTRES ÉTATS EUROPÉENS À LA SUITE DE L’AFFAIRE VOLKSWAGEN 550
ANNEXE N° 2 : LETTRE ENVOYÉE PAR LES AVOCATS DU GROUPE VOLKSWAGEN À LA COMMISSION TECHNIQUE CHARGÉE D’UNE ENQUÊTE APPROFONDIE SUR LES ÉMISSIONS DE POLLUANTS DES VÉHICULES LÉGERS 551
ANNEXE N° 3 : LES TROIS PHASES DU CYCLE ARTÉMIS DE L’ADEME 554
ANNEXE N° 4 : PROTOCOLES UTILISÉS PAR L’ASSOCIATION UFC- QUE CHOISIR POUR MESURER LES EMISSIONS POLLUANTES 556
ANNEXE N° 5 : LETTRE DE MME LA RAPPORTEURE AU PREMIER MINISTRE 557
ANNEXE N° 6 : LETTRE DE MME LA RAPPORTEURE À M. JEAN-CLAUDE JUNCKER, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE 558
ANNEXE N° 7 : RÉPONSE DE M. JEAN-CLAUDE JUNCKER, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE 559
ANNEXE N° 8 : RÉPONSE DE MME ELZBIETA BIENKOWSKA, COMMISSAIRE EUROPÉENNE EN CHARGE DE L’INDUSTRIE 560
ANNEXE N° 9 : NOTE DES AUTORITÉS FRANÇAISES SUR LE RDE DU 16 OCTOBRE 2016 562
ANNEXE N° 10 : NOTE TRANSMISE PAR LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DES AFFAIRES EUROPÉENNES LE 27 AVRIL 2016 564
ANNEXE N° 11 : BILAN DES DISPOSITIFS DE PRIME À LA CONVERSION 568
ANNEXE N° 12 : LES RÉSULTATS DE L’ÉTUDE DU SURCOÛT DU CONTRÔLE TECHNIQUE MENÉE PAR LE GERPISA 571
ANNEXE N° 13 : CERTIFICATS QUALITÉ DE L’AIR : CLASSIFICATION DES VÉHICULES ISSUE DE L’ARRÊTÉ DU 21 JUIN 2016 ÉTABLISSANT LA NOMENCLATURE DES VÉHICULES CLASSÉS EN FONCTION DE LEUR NIVEAU D’ÉMISSION DE POLLUANTS ATMOSPHÉRIQUES EN APPLICATION DE L’ARTICLE R. 318-2 DU CODE DE LA ROUTE 573
ANNEXE N° 14 : LA POLITIQUE DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS EN CALIFORNIE 574
ANNEXE N° 15 : TABLEAU RÉCAPITULATIF DE L’ÉVOLUTION DU BONUS-MALUS (2008-2016) 577
ANNEXE N° 16 : VÉHICULE CONNECTÉ ET VÉHICULE AUTONOME 578
ANNEXE N° 17 : PANORAMA DU DÉVELOPPEMENT DU VÉHICULE AUTONOME 579
ANNEXE N° 18 : LES DIFFÉRENTS SCÉNARIOS DE DÉPLOIEMENT DU VÉHICULE AUTONOME 582
ANNEXE N° 19 : LES ACTEURS DU NUMÉRIQUE DANS LE VÉHICULE AUTONOME 584
ANNEXE N° 20 : LES GROUPES DE TRAVAIL WP1 ET WP 29 DE LA CEE-ONU 587
ANNEXE N° 21 : LA DÉCLARATION D’AMSTERDAM DU CONSEIL DES MINISTRES DES TRANSPORTS DE L’UNION EUROPÉENNE DU 14 AVRIL 2016 591
ANNEXE N° 22 : LES HUIT AXES DU PROGRAMME « USINE DU FUTUR » DE LA PLATEFORME DE LA FILIÈRE « AUTOMOBILE ET MOBILITÉ ». 593
ANNEXE N° 23 : MULTIPLICATEURS DE VALEUR AJOUTÉE PAR SECTEUR 595
ANNEXE N° 24 : LES COMPÉTENCES DE L’AGENCE ALLEMANDE DES MATIÈRES PREMIÈRES 597
AVANT-PROPOS DE LA PRÉSIDENTE
DE LA MISSION D’INFORMATION
À la mi-septembre 2015, le scandale Volkswagen éclatait aux États-Unis.
La révélation de l’installation dans les véhicules diesel commercialisés par différentes marques du groupe d’un logiciel de reconnaissance des situations de tests sur banc d’essai a constitué un véritable séisme.
Il s’agit d’une fraude sans équivalent par son ampleur et sa dimension internationale de la part d’un groupe qui a atteint le 1er rang mondial des constructeurs. Ce qu’il est communément admis d’appeler l’« Affaire Volkswagen » ébranle l’industrie automobile mondiale même s’il ne peut être question de suspecter a priori tous les constructeurs d’une même fraude.
Cette révélation venue d’outre-Atlantique affecte néanmoins la confiance des consommateurs envers l’industrie automobile dans son ensemble. Devant l’ampleur des conséquences de l’« Affaire Volkswagen », la Conférence des Présidents a décidé de créer, sur proposition de Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques, une mission d’information sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale. Son cadre de réflexion dépasse le seul objet de la diésélisation du parc automobile français. La mission a donc orienté ses travaux dans une optique plus générale et prospective.
Sans prétendre à l’exhaustivité, un grand nombre d’acteurs de la filière mais aussi des ONG et les organisations syndicales ont été entendus au long de 42 auditions et de déplacements, notamment sur des sites industriels ou de R&D.
La Rapporteure, Mme Delphine Batho, a également multiplié les rencontres avec les représentants des constructeurs, équipementiers, promoteurs des nouvelles filières de motorisation (électrique, GNV, GPL, biométhane et autres biocarburants etc.), et également avec des représentants des activités de l’« aval » (entretien-réparation, financement de l’acquisition de véhicules utilitaires ou de sociétés, pièces détachées pour poids lourds et beaucoup d’autres professionnels). En France, le secteur automobile emploie près de 540 000 salariés pour la construction et ses achats. Mais, au total, l’ensemble des activités directement ou indirectement liées à l’automobile et aux transports routiers représente près de 9 % de la population active avec 2,3 millions d’emplois. Le secteur constitue le premier pôle français de R&D, des activités dont la mission d’information a tenu à souligner l’importance économique.
Il convient de souligner l’état d’esprit d’ouverture et d’écoute qui a présidé aux travaux de la mission d’information. Ses interlocuteurs ont d’ailleurs exprimé très librement leurs positions sur les sujets les plus sensibles.
Il apparaît qu’aucun expert, qu’aucun dirigeant d’un groupe automobile ne peut, aujourd’hui, prédire quelles seront les caractéristiques et à quel rythme évoluera le parc automobile du futur. L’irruption du digital dans le monde automobile a ouvert une ère nouvelle avec des véhicules d’ores et déjà massivement connectés puis l’esquisse de ce qui demeure un saut dans l’inconnu avec l’émergence du véhicule autonome.
S’il n’est pas prouvé que d’autres constructeurs ont, comme Volkswagen, organisé un système érigeant la tricherie en principe d’action, un doute s’est néanmoins installé. En témoignent les conclusions rendues dans la discrétion de l’été, le 29 juillet 2016, par la commission technique indépendante mise en place par Mme Ségolène Royal. Au total, 86 véhicules de 24 marques différentes ont été testés dans ce cadre (2).
Le plus inquiétant est que cette commission « technique » officielle n’a pas été en mesure d’accéder aux logiciels de contrôle moteur désormais installés sur les véhicules (impossibilité d’accès aux codes source et aux algorithmes mis en œuvre). L’incapacité de la commission à déchiffrer le fonctionnement de véritables « boîtes noires » l’a amenée à conclure qu’elle « … ne peut donc se prononcer définitivement sur la présence ou absence de logiciels « tricheurs » dans les véhicules testés ! ». Au regard de cette conclusion plutôt floue faisant suite à des investigations dont on pouvait attendre plus, il est possible de s’interroger sur l’opportunité de la création de cette commission comme sur sa méthode de travail.
Aucun type de motorisation « propre » ou « zéro émission » n’est à même d’être généralisé à court ou moyen terme. Les moteurs essence ou diesel de nouvelle génération qui répondent à la norme la plus récente (Euro 6) émettent jusqu’à dix fois moins de polluants nocifs et de microparticules dangereuses pour la santé que les véhicules mis sur le marché il y a quinze ou vingt ans. En termes d’émissions, des progrès plus que significatifs ont déjà été réalisés. Certes, le transport routier demeure un des facteurs principaux de la pollution atmosphérique, notamment en ville, mais il ne peut être considéré comme son fait générateur exclusif ou même dominant.
Une meilleure connaissance de la diffusion puis de la dispersion des polluants résulte de l’implantation progressive sur la majeure partie du territoire d’un réseau de surveillance de la qualité de l’air. Sur la base de relevés effectués sur de longues périodes, des travaux scientifiques ont pu quantifier les impacts épidémiologiques des principaux polluants. Les travaux les plus récents distinguent notamment les conséquences sanitaires de l’exposition chronique des populations à la pollution de fond, c’est-à-dire dans la durée, de celles résultant des pics de pollution, des épisodes journaliers souvent surmédiatisés mais dont les effets sanitaires sont moins probants.
Il n’est plus possible d’ignorer les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou d’autres institutions à vocation scientifique qui montrent la croissance des maladies chroniques et la surmortalité dues la pollution atmosphérique. La mission d’information a constaté que les constructeurs ont, à présent, pleinement conscience d’un tel défi.
Dans ce contexte, on rappellera qu’un grand nombre de Français n’ont pas la possibilité de choisir leurs modes de mobilité. Toutes les études révèlent que pour les trajets quotidiens, notamment « domicile-travail », une majorité d’habitants des zones suburbaines ou rurales est dans l’obligation d’utiliser un véhicule particulier. Prétendre « éradiquer » la circulation des véhicules considérés comme les plus polluants au travers d’une surtaxation, ou pire encore d’une forme de pénalisation de leur usage, méconnaît la dimension sociale qui caractérise les impératifs de la mobilité. Le renouvellement complet du parc circulant ne se réalisera d’ailleurs que de façon très progressive si l’on considère l’âge moyen de l’acheteur d’un véhicule neuf qui ne cesse d’augmenter (supérieur à 53 ans) et en considérant la vitalité du marché de l’occasion qui, en termes de transactions annuelles, est trois fois plus important que le marché du neuf.
Par ses propositions, la mission d’information entend soutenir des pistes prenant en compte l’évolution des modèles d’usage de l’automobile. Cette évolution est déjà perceptible d’un point de vue sociétal avec l’adoption, notamment par les plus jeunes, de pratiques nouvelles (covoiturage, auto-partage, location ponctuelle etc.) qui les détournent de la possession individuelle d’un véhicule. Sans oublier que des raisons économiques comme les coûts d’acquisition et d’entretien pèsent de tout leur poids sur ce phénomène.
En tout état de cause, une refondation de la réglementation sur les tests d’homologation et les normes d’émissions des véhicules doit intervenir. Ce travail est engagé au sein de l’Union européenne. Il importe de rompre avec une certaine opacité et de définir des normes plus réalistes dont le respect s’accordera avec les différentes étapes d’une programmation industrielle. Chaque franchissement d’étape exigera des constructeurs des efforts considérables d’adaptation de leurs gammes. Cette réorientation industrielle est inéluctable. Pour le grand public, les normes d’émissions et les tests d’homologation actuels ne sont plus crédibles, comme ne le sont plus, depuis longtemps, les « données constructeurs » relatives à la consommation de chaque modèle mis sur le marché.
La filière automobile se trouve confrontée à des défis majeurs d’évolution technologique ainsi qu’à l’obligation de concevoir des véhicules en accord avec des évolutions d’usage désormais perceptibles mais avec des échéances et sur la base de modèles économiques qui restent incertains. Il lui revient de dépasser un cap dont l’ampleur est sans doute sans équivalent dans l’histoire de cette industrie. Les propositions de la mission visent ainsi à soutenir, dans le cadre d’une telle transition, tous ceux qui concourent à cette activité.
La France a fait partie des pays pionniers de la révolution automobile. L’essor de l’industrie française s’est d’abord réalisé dans l’entre-deux guerres, avec de multiples constructeurs disparus depuis (3). Après la Seconde Guerre mondiale, subsistent de grandes marques, Peugeot, Citroën, Renault, Simca, qui feront de la France, durant les Trente glorieuses, une des places fortes de l’automobile mondiale.
L’innovation à la française, de la traction avant à la suspension hydropneumatique, en passant par le pneu radial Michelin ou le coffre à hayon, a toujours été axée sur la voiture populaire, pratique, confortable, utile pour tous.
Avec la 2CV puis la 4L, c’est l’accès à un moyen de locomotion qui irrigue les campagnes et permet à toutes les couches de population de bénéficier des facilités de la civilisation automobile que Charles Trénet chantera si bien en 1955 avec « Route Nationale 7 ». L’histoire de la France automobile se confond aussi avec celle de ses usines, de ses ouvriers et de leurs luttes sociales.
Dans les années 70, accompagnant la croissance urbaine, la R5 puis la 205 incarneront la société de consommation et l’après 68, où la voiture est un symbole de liberté et de loisirs. La « bagnole » est l’instrument de la révolution du commerce, de l’hypermarché et de la société de consommation, mais aussi d’un art de vivre où chaque Français entretient, grâce à la voiture, un rapport étroit avec ses racines rurales, les paysages de son enfance, le patrimoine exceptionnel de son pays.
Et c’est encore en France dans les années 80, avec la sortie de l’Espace, qu’une nouvelle forme de voiture s’invente, le monospace, la voiture pour la famille, qui deviendra un concept dominant du marché pendant trente ans.
Notre pays entretient une histoire passionnée avec l’automobile, sans doute moins empreinte de statut social à l’allemande ou de sportivité à l’italienne, mais comme outil au service d’un mode de vie à la française : une automobile innovante et esthétique pour être utile, dont les qualités de confort et d’agrément de conduite font, comme l’affirmait une publicité des années 80, des « voitures à vivre ».
Les valeurs cardinales du siècle dernier, la vitesse, le luxe, sont dépassées. L’automobile doit désormais épouser les attentes de son époque – sécurité, sobriété, praticité – et basculer vers une nouvelle mobilité agile et enfin écologiquement positive.
Dans un pays qui vient encore d’inventer de nouveaux outils de mobilité comme Autolib’ ou Blablacar, l’automobile à la Française, avec la créativité de ses ingénieurs et concepteurs, ses grands constructeurs présents dans la compétition internationale et ses équipementiers leaders mondiaux de l’innovation, dispose de tous les atouts pour porter une offre du XXIème siècle.
Constituée par décision de la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale le 6 octobre 2015, en application de l’article 145, alinéa 4, du Règlement, la mission d’information sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale, composée de 30 membres, a procédé à 42 auditions, 24 déplacements dans des usines et des centres de recherche, ainsi que deux déplacements à Bruxelles. En outre, votre Rapporteure a conduit 86 entretiens complémentaires. Compte tenu du périmètre très large d’étude de la mission, au total plus de trois cents représentants des constructeurs automobiles et des équipementiers, ingénieurs et techniciens, mais aussi des syndicalistes, économistes, fonctionnaires de l’État, associations de défense des consommateurs ou organisations non gouvernementales de protection de l’environnement, ont été consultés. Tous doivent être remerciés de leurs éclairages et de leurs contributions actives. Le Parlement n’avait pas produit un travail spécifiquement consacré à la filière automobile depuis 2007 (4), alors même que ce secteur est décisif pour notre économie : il emploie 541 000 salariés dans la production automobile, auxquels s’ajoutent les 635 000 emplois des activités de l’aval et les emplois indirects évalués à 2,8 millions soit 9 % de la population active occupée en France.
Le fait générateur de la constitution de la mission d’information a été « l’Affaire Volkswagen », scandale planétaire qui aura pour longtemps des conséquences majeures, bien au-delà du seul groupe allemand. Il y aura un avant et un après, pour l’ensemble de l’industrie automobile.
« La confiance se casse en un jour et met des années à se reconstruire » a souligné devant la mission Mme Monique Goyens, Présidente du BEUC, l’organisme européen de défense des consommateurs. Ce lent rétablissement de l’image de marque de l’automobile n’est pas une fatalité, si les problèmes sont pris à bras-le-corps. Le parti pris délibéré de ce rapport est d’aller au bout de l’analyse de ce scandale pour se projeter dans le futur, proposer les solutions et un chemin pour rétablir la confiance dans une industrie automobile française porteuse d’une offre compétitive et innovante à travers le monde.
La fraude organisée doit être punie. Le rôle de la mission d’information n’est pas d’interférer dans les procédures judiciaires et administratives en cours, elle n’en a d’ailleurs pas le pouvoir. En revanche, le devoir de la représentation nationale est de tirer jusqu’au bout les leçons du « Dieselgate », et d’abord celle de la faillite du régulateur, dans sa mission de protection de la santé publique et d’encadrement des normes de pollution. Pour éviter une reproduction, actuellement plausible, si ce n’est probable, dans l’automobile – ou dans d’autres secteurs économiques, chimie, agro-industrie, numérique – il est indispensable de prendre toute la mesure de la démission des autorités compétentes devant la bataille d’influence menée par certains constructeurs européens pour parvenir à leurs fins, produire des véhicules aux performances écologiques factices.
Sans éluder les responsabilités des constructeurs, l’Europe a sa part dans la tromperie des consommateurs et l’atteinte avérée à la santé des citoyens. En n’assurant pas sa mission de contrôle, en reportant toujours à plus tard les réformes à même de rétablir la transparence sur les émissions polluantes alors que tout le monde savait que les tests étaient dévoyés et même truqués, l’Union a donné le faux espoir à l’industrie automobile qu’elle pourrait s’exonérer des enjeux fondamentaux de notre époque. Elle a laissé faire un moins-disant écologique et sanitaire qui décourage l’investissement dans l’innovation, offrant une prime aux tricheurs et infligeant un handicap aux constructeurs qui, eux, ont investi pour relever les défis de la voiture responsable et durable.
Ce cercle vicieux doit être stoppé. L’opportunité doit être saisie d’organiser une rupture définitive avec l’automobile polluante et nocive pour la santé publique et accélérer toutes les mutations : révolution des usages, véhicule zéro émission, voiture autonome et connectée, économie circulaire et éco-conception des véhicules. Le moment est venu d’inventer les nouveaux produits pour que cette industrie devienne un symbole de responsabilité environnementale, porte un concept social positif et désirable, symbole de liberté, de dynamisme économique, de modernité au service de tous.
La France, si elle veut donner un avenir à son industrie automobile, doit être le fer de lance de cette rupture civilisationnelle. Pointée comme « la championne d’Europe des voitures sales » (5), elle est en première ligne.
Notre base industrielle a subi, après l’érosion continue des années 2000, un véritable effondrement au moment de la crise de 2008, avec une production en baisse de 42 % en douze ans et des suppressions d’emplois massives. Un réel rebond depuis a permis de préserver l’essentiel – un tissu industriel dense qui irrigue les territoires, une diversité d’acteurs de premier plan, entre des grands constructeurs qui ont su nouer des alliances internationales et des équipementiers à l’avant-garde de la technologie –, mais la situation demeure fragile. Bien qu’elle ait reconquis une place au classement mondial dernièrement, la France ne figure plus dans le Top 10 des grandes nations automobiles. Si l’affaire Volkswagen n’a pas eu d’effet majeur sur les ventes, le prestige de l’ensemble de cette industrie est abîmé, alors même que la compétition mondiale reste violente et que l’arrivée de nouveaux acteurs très agressifs et aux moyens considérables rend l’avenir de la filière plus incertain.
Aveuglés par la révolution numérique, certains ne sont pas loin de penser que l’industrie automobile n’est plus stratégique pour le destin de notre pays et sa place dans le concert des nations. Autant dire que pour votre Rapporteure, bien au contraire, l’automobile est la filière clé pour le rebond de notre pays : elle concentre et entraîne des pans entiers de secteurs industriels primaire et secondaire historiques (chimie, plasturgie, sidérurgie, énergie…) ou en croissance forte (numérique), infuse dans tous les domaines de la production, permet de maintenir au plus haut niveau une avance technologique décisive pour demain, de développer des services de conception, de design, d’ingénierie qui sont les secteurs clés de la créativité et de la compétitivité françaises. L’effet d’entraînement de l’automobile est décisif : une hausse de la valeur ajoutée de ce secteur se traduit par une hausse 4,1 fois plus importante dans l’ensemble de l’économie (6).Première recherche privée du pays, première en dépôt de brevets, l’industrie automobile française est la clé de voûte de la reconstruction industrielle de notre pays et un formidable levier pour regagner des points dans la mondialisation.
La France, par sa vision de l’automobile inscrite dans l’histoire et plusieurs fois réinventée, grâce à ses concepteurs toujours innovants, peut inventer l’offre automobile du XXIème siècle.
Aucun secteur industriel n’est certainement aussi dépendant des normes que l’industrie automobile. L’État a un rôle déterminant à jouer pour poser le cadre de long terme qui permette aux acteurs de la filière de prendre les décisions stratégiques, aux bureaux d’étude d’explorer les bonnes pistes d’innovation, aux concepteurs de designer les produits adaptés à la demande et aux industriels de réaliser les investissements porteurs d’avenir.
Pour ouvrir cette nouvelle voie, il faut prendre toute la mesure des enjeux que les tricheurs ont voulu contourner. La situation sanitaire des agglomérations françaises, où vivent 80 % de nos concitoyens, n’est plus supportable. La pollution constitue désormais la troisième cause de mortalité en France. Elle frappe en particulier les enfants, les personnes les plus fragiles, les personnes âgées. Au défi planétaire de la pollution urbaine s’ajoute celui du climat et de l’horizon défini par la COP21 qui doit être notre nouvelle frontière pour tracer le chemin du véhicule propre.
Ce nouveau cap doit être fixé tout de suite et pour longtemps. Il ne s’agit pas de développer quelques prototypes qui ne passeront jamais le sas qui sépare le bureau d’études de la chaîne de montage, mais bien de sortir de l’ère de la diésélisation massive et plus largement de l’utilisation des énergies fossiles pour l’automobile. Les technologies arrivent à maturité pour déployer le véhicule zéro émission de masse et accessible à tous.
L’État doit réinvestir ses missions régaliennes : celles de la norme, du contrôle, de la surveillance de marché, de façon effective et fiable. La France doit porter une position exigeante au niveau européen pour une réforme radicale de la réglementation qui a rendu possible la tricherie. Elle doit faire reconnaître cet impératif comme un corollaire de l’Accord de Paris sur le climat et de la nécessité absolue de protéger la santé des populations, mais aussi comme décisif pour la compétitivité de l’industrie européenne dans le monde.
État et constructeurs, chacun doit reprendre sa place. Alors que l’industrie automobile est dépendante des normes, il ne lui appartient pas d’être juge et partie. Alors que l’État n’est ni ingénieur, ni industriel, il n’a pas à interférer, et encore moins à fausser, les choix technologiques. La mission a ainsi pu construire, avec l’ensemble de ses interlocuteurs, un consensus autour de la neutralité technologique. Il revient à la puissance publique de fixer un objectif incontestable, cohérent, précis sur le résultat auquel doivent se conformer les constructeurs, et de l’annoncer à l’avance. C’est ce que votre Rapporteure propose à travers une norme unique, intégrant tous les paramètres de pollution, et de la « règle des 5 ans » pour que ce cadre clair stimule l’innovation et donne le temps indispensable aux adaptations industrielles. Mais la norme n’est rien sans un contrôle effectif et aléatoire des véhicules en circulation, qui justifie la proposition d’un projet de loi pour la création d’un organisme indépendant, à même de réaliser tous les tests liés à la surveillance de marché.
Ce repositionnement de l’État sur ses compétences implique également la neutralité fiscale entre les carburants fossiles, la suppression des avantages fiscaux accordés au diesel de façon progressive en cinq ans, et un volontarisme en faveur de la sortie des énergies fossiles par la montée en puissance de la taxe carbone.
Tout change très vite dans l’automobile. En quelques mois, les prévisions selon lesquelles le « Dieselgate » aurait peu d’incidence sur le marché se sont avérées erronées et la part des véhicules diesel dans les immatriculations a reculé de six points en sept mois. Le premier constructeur de moteurs diesel au monde, PSA, a conclu un partenariat avec l’ONG européenne la plus intransigeante en matière d’émissions polluantes. Le PDG de Volkswagen a annoncé que le nouvel horizon de son groupe était le lancement de trente modèles électriques. La Norvège envisage à l’horizon 2030 d’interdire tous les types de véhicules utilisant des énergies fossiles. Tesla va proposer un nouveau modèle électrique dont le prix a été divisé par trois. Renault annonce que l’autonomie de ses batteries est multipliée par deux. Toyota déploie des véhicules à hydrogène au Japon. Uber et Volvo engagent l’expérimentation d’une flotte de robos-taxis à Pittsburg tandis qu’une start up inconnue du grand public, nuTonomy, transporte ses premiers clients à Hong-Kong à bord d’une flotte de Renault Zoé et Mitsubishi i-MiEV robotisées.
Dans ce contexte d’accélération historique, les relations souvent distendues entre l’État et les constructeurs français, en comparaison de ce qu’elles peuvent être en Allemagne ou au Japon, ne facilitent pas une mobilisation nationale autour d’objectifs partagés. Bien sûr, l’Alliance Renault-Nissan comme le groupe PSA sont devenus des acteurs globaux du marché mondial de l’automobile et le retour à un dirigisme anachronique est hors de propos. Mais le patriotisme industriel n’a jamais conduit à repenser cette relation pour construire ensemble une stratégie, pas seulement défensive, pour sauver des bases industrielles en France, mais offensive dans une perspective universelle.
À l’image des « green deals », outils de politique publique innovants utilisés aux Pays-Bas pour consacrer les engagements réciproques de l’État et des industriels, le moment est venu de nouer une alliance française écologie-automobile pour porter haut l’offre française sur le front des révolutions majeures de la mobilité, imaginer les nouvelles formes, les nouveaux usages, les configurations d’une voiture à la française qui apporte non pas plus de trafic et de pollution, mais plus de confort, de sécurité, de liberté, de simplicité.
L’enjeu est massif, en compétitivité comme en emplois. La matière grise est là, chez les constructeurs comme les équipementiers. Elle demande simplement qu’on lui indique la bonne direction, par des décisions publiques claires et stables, intégrant une vision entrepreneuriale et industrielle. C’est le sens des 120 propositions de votre Rapporteure, dont la première est la formalisation de cette relation nouvelle entre la France et son industrie automobile, dans une perspective de progrès écologique.
Proposition n° 1 : Formaliser, avant fin 2016, l’acte fondateur de l’alliance française écologie-automobile, sous la forme d’engagements réciproques et volontaires, donnant lieu à un protocole signé par l’État et la filière automobile :
Les engagements de l’État |
Les engagements de la filière automobile |
- Un engagement résolu de la France pour obtenir la refondation complète du cadre réglementaire européen, avec l’élaboration d’une norme Euro 7 unique, intégrant tous les paramètres de pollution. |
- Un rôle moteur au sein de l’industrie automobile européenne en faveur d’un cadre réglementaire exigeant sur le plan environnemental. |
- La « règle des 5 ans » : un délai de cinq ans minimum avant l’entrée en vigueur d’une nouvelle norme, et l’annonce dix ans à l’avance d’un objectif cible pour les nouveaux progrès à accomplir. |
- L’augmentation des budgets de R&D et des investissements pour faire partie des pionniers du véhicule du XXIème siècle : véhicule zéro émission, révolution des usages et véhicule autonome, éco-conception. |
- Des contrôles drastiques, avec notamment la création d’un organisme d’enquête indépendant réalisant des tests aléatoires sur les véhicules en circulation en France, sans attendre la nécessaire création d’une agence européenne. |
- L’exemplarité des marques françaises par la transparence, l’accélération des programmes de mise en conformité, le choix de l’optimum technologique en matière de traitement des émissions polluantes et l’anticipation de la mise en place du RDE. |
- La neutralité technologique et fiscale, avec la suppression progressive de tous les avantages fiscaux au diesel en cinq ans, y compris pour les véhicules d’entreprise, et la montée en puissance de la taxe carbone pour soutenir le déploiement du véhicule zéro émission. |
- L’accélération de la modernisation des usines et de la diversification des productions pour permettre le maintien des bases industrielles malgré la réduction de la part du diesel dans les ventes de véhicules neufs. |
- Le soutien au renouvellement du parc, par le contrôle écologique des véhicules en circulation et le doublement de la prime à la conversion destinée aux ménages modestes. |
- Le développement du « Origine France Garantie » et l’apport de nouveaux volumes de production en France. |
- Le plan « France véhicule autonome » doté de 500 millions d’euros et une feuille de route pour faciliter les expérimentations, lever les blocages réglementaires et favoriser l’innovation. |
- La refonte et la simplification des instances stratégiques de la filière automobile pour intégrer le développement des services et la révolution des usages. |
- L’accélération du déploiement des infrastructures électriques et du bioGNV pour les transports lourds. |
- La recherche de partenariats pour les développement d’une industrie européenne des batteries. |
- La stabilité durable des participations de l’État au capital de PSA et de Renault, comme actionnaire de référence et de long terme guidé par une stratégie industrielle plus que par la recherche de dividendes. |
- Un pacte de solidarité pour mettre un coup d’arrêt à la dégradation des relations avec les équipementiers et soutenir les acteurs de la filière à l’international (aider les PME à devenir des ETI). |
PREMIÈRE PARTIE : POUR UNE RÉFORME RADICALE
L’installation dans les véhicules diesel commercialisés par différentes marques du groupe Volkswagen d’un logiciel de reconnaissance des situations de tests sur banc d’essai constitue une fraude sans équivalent par son ampleur et sa dimension internationale. Les éléments constitutifs d’un truquage caractérisé et organisé sont évidents.
Ce qu’il est communément admis d’appeler l’« Affaire Volkswagen » ébranle l’industrie automobile mondiale, même s’il ne peut être question de suspecter tous les constructeurs des mêmes fraudes. Les écarts considérables constatés entre les normes et la réalité, s’agissant notamment de dépassements importants des niveaux autorisés d’oxydes d’azote (NOx) et de CO2, discréditent l’Europe.
Votre Rapporteure plaide pour une réforme radicale du système qui a failli. Une refondation de la réglementation européenne doit impérativement intervenir.
A. POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE ET SANTÉ PUBLIQUE : DES CONSTATS ALARMANTS
1. L’incontestable responsabilité de l’automobile dans la pollution de l’air
a. La part du trafic automobile dans la pollution de l’air ne peut être relativisée
● La part du secteur des transports dans la pollution atmosphérique est prépondérante dans certains territoires en fonction de l’intensité du trafic et des conditions météorologiques. Le transport routier constitue d’abord la première source d’émissions de gaz à effet de serre. L’inventaire national du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA) établit que ce secteur était émetteur, en France, de 120 millions de tonnes de CO2 en 2014, soit 28 % du total des émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, les chiffres divergent selon les sources.
Le secteur des transports est déterminant pour la lutte contre le dérèglement climatique et la pollution de l’air car très consommateur d’énergie fossiles et très émetteur de gaz à effet de serre. On retiendra les chiffres donnés par M. Bruno Léchevin, président de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) : les transports contribuent globalement à 35 % des émissions de CO2, 54 % des émissions d’oxydes d’azote (NOx), 14 % des émissions de particules fines de taille PM10 et 17 % de taille inférieure PM2,5.
Au sein des activités de transport, l’impact du trafic routier reste de loin le plus important. Les transports représentent, dans leur ensemble, plus de la moitié des émissions d’oxydes d’azote (NOx) mais les activités routières contribuent, à elles seules, à 90 % de cette part. Il en est de même pour les émissions de particules en suspension dites PM10 et PM2,5 : au total, la contribution globale des transports s’élève respectivement à 14 % et à 17 % pour ces émissions, mais la part du trafic routier en représente 83 % et 86 %.
La majorité des interlocuteurs de la mission n’a pas cherché à contester la contribution de l’automobile à la dégradation de la situation atmosphérique.
Néanmoins certains discours visent toujours à relativiser l’impact de l’automobile sur la pollution. Le plus fréquemment cette tendance s’exprime en ne retenant que les données les moins significatives, en insistant notamment sur des moyennes nationales d’émissions, alors que les données diffèrent évidemment de façon très marquée dans les agglomérations ou pire encore le long du trafic. Votre Rapporteure a donc estimé nécessaire de rappeler des faits incontestables.
● Dans sa dernière édition (décembre 2014) de l’Inventaire régional des émissions en Île-de-France, AirParif rappelle que pour les émissions d’oxydes d’azote totaux ou NOx, bien qu’en diminution sur la période 2000 à 2012, le trafic routier demeure le contributeur majoritaire (56 % des émissions) loin devant le secteur résidentiel (18 %). En outre 43 % de ces émissions de NOx incombent aux véhicules particuliers (dont 91 % uniquement pour les véhicules particuliers diesel alors qu’ils représentent 76 % du kilométrage total parcouru par ce type de véhicule).
● Concernant les gaz à effet de serre, le secteur des transports est globalement responsable de près du tiers de leurs émissions dans l’atmosphère. En France, ces émissions ont même augmenté en 2015, à contre-courant de la baisse constatée en tendance depuis 2004 et évaluée à – 0,7 % en moyenne annuelle par le Commissariat général au développement durable (CGDD). Les émissions de gaz à effet de serre par les transports sont toujours supérieures à 2 tonnes de CO2 équivalent par habitant, c’est-à-dire à l’objectif fixé par la loi de transition énergétique pour la croissance verte. L’augmentation sensible de la circulation routière en 2015 (+ 2,2 % dont 2,4 % pour les véhicules particuliers) conjuguée à une baisse du prix des carburants n’a pas été sans conséquences dans ce domaine. (7)
L’impact des transports routiers sur la pollution atmosphérique ne peut toutefois se limiter à la seule problématique des motorisations diesel. Outre des résultats probants en termes de consommation et de rendement énergétique, le diesel est globalement moins émetteur de CO2 que les véhicules essence. Le plafond de 95 g/km de CO2 qu’il conviendra de respecter en 2021 au titre de la réglementation européenne constitue un défi pour tous les constructeurs. La France, pays dont le parc est globalement « surdiéselisé », affiche aujourd’hui un plafond moyen d’émissions de CO2 de 109,8 g, la moyenne européenne lui étant supérieure de 10 points. En revanche, les motorisations diesel émettent des rejets particulaires importants, même équipés de filtres à particules, c’est notamment le cas dans certaines conditions de circulation en ville (à froid en circulation et à faible vitesse). En outre, ces particules se combinent sous l’effet de réactions chimiques avec d’autres polluants (réglementés ou non) et génèrent une toxicité importante. Les moteurs diesel sont aussi fortement émetteurs d’oxydes d’azote (NOx), parmi lesquels le dioxyde d’azote (NO2), dangereux pour la santé.
b. Les principales émissions polluantes d’origine automobile
La première définition de la pollution atmosphérique a été donnée en droit français par la loi de 1996 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie dite loi « LAURE » comme étant l’introduction par les activités humaines (directement ou indirectement) dans l’atmosphère et les espaces clos, de substances ayant des conséquences préjudiciables et de nature à mettre en danger la santé, à nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes, à influer sur les changements climatiques, à détériorer les biens matériels et à générer des nuisances olfactives excessives. La pollution d’origine automobile dans l’atmosphère répond à cette définition avec ses différentes émissions sous des formes gazeuses et particulaires.
● La réglementation européenne (directive 2001/81/EC dite National Emission Ceilings Directive ou NECD) a d’abord fixé des plafonds d’émissions aux États membres pour quatre polluants atmosphériques majeurs ayant toutefois des origines sectorielles différentes et ne concernant que partiellement les transports : les oxydes d’azote ou NOx (transports) ; les dioxydes de soufre ou SO2 (énergie et industrie) ; l’ammoniac à l’état gazeux ou NH3 (agriculture) ; les composés organiques volatils non méthaniques ou NMVOC (8).
Quatorze ans après l’entrée en vigueur de la directive NECD, le seul indicateur respecté par tous les États membres concerne le SO2. En revanche, les plafonds exigés par la directive ne sont pas respectés par dix États pour au moins un des trois autres indicateurs. Des progrès ont néanmoins été accomplis, mais à un rythme moins soutenu qu’initialement envisagé s’agissant des polluants notamment responsables de l’eutrophisation, de l’ozone au sol et de l’acidification.
Le résultat obtenu en matière de SO2 est en grande partie dû à l’application de la directive 98/70/CE sur la qualité des carburants automobiles (le taux de soufre a diminué de près de 90 % dans les carburants depuis 2000). En outre, le recul de l’usage du fioul lourd dans la plupart des centrales thermiques a constitué un autre élément positif. Une amélioration générale des résultats en termes de pollution dans le secteur de l’industrie est à attendre de la directive 2010/75/CE qui renforce les valeurs limites des principales émissions.
● Concernant plus particulièrement les pollutions d’origine automobile, les objectifs d’émissions ont été précisés par la directive 2008/50/CE concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur en Europe qui s’inscrit dans la continuité d’une directive-cadre de 1996 relative à l’évaluation et à la gestion de la qualité de l’air ambiant (96/62/CE). Cette directive cadre a utilement contribué à l’amélioration de la collecte de données et à la connaissance des sources de pollution au sein des États membres.
Il s’avère que les normes européennes, bien qu’issues des lignes directrices de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ne les respectent pas. (9)
Les valeurs retenues par l’Union européenne ont, un temps, représenté des « valeurs cibles ». Elles constituent pour le dioxyde d’azote et les particules fines, depuis le 1er janvier 2015, des « valeurs limites » contraignantes donc opposables à tout État membre. S’agissant des particules réglementées, l’Union européenne a maintenu certaines valeurs limites d’exposition (en moyenne annuelle) plus élevées que les valeurs fixées par l’OMS. En outre, la directive ne prévoit pas de valeur limite d’exposition s’agissant des PM2,5 (en moyenne journalière), contrairement à l’OMS. Concernant l’ozone, la « valeur cible » retenue par l’Union européenne est également demeurée supérieure à celle définie par l’OMS.
Proposition n° 2 : Exiger de l’Union européenne d’accorder ses valeurs limites d’exposition aux polluants avec les seuils définis par l’OMS. Il est anormal que certaines des valeurs limites applicables dans les États membres de l’Union européenne demeurent plus élevées que celles à vocation universelle de l’OMS.
COMPARAISON ENTRE LES SEUILS DÉFINIS PAR L’OMS
ET LA RÈGLEMENTATION EUROPÉENNE
Source : AirParif
Particules primaires et secondaires
On distingue, au titre des émissions polluantes, les particules de diamètre inférieur à 10 microns (PM10), celles de diamètre inférieur à 2,5 microns (PM2,5) et les particules de diamètre inférieur à 1 micron (PM1) ou ultra fines.
Les particules présentes dans l’air ambiant sont non seulement des particules primaires, mais également des particules secondaires produites par des réactions chimiques ou des agglomérations entre particules plus fines, qui représentent de l’ordre de 30 % des PM10 et de 40 % des PM2,5 mesurées dans l’air ambiant. Par conséquent, la contribution des différents secteurs d’activités (transports, agriculture, secteurs résidentiel et tertiaire…) aux émissions primaires de particules ne reflète pas exactement la pollution qui sera présente dans l’air ambiant à la suite de transformations chimiques des polluants gazeux.
Seules les concentrations dans l’air de PM10 (8 à 10 fois plus fine qu’un cheveu) et de particules fines de type PM2,5 font l’objet d’une réglementation. Cette situation n’est pas acceptable.
La fraction considérée comme la plus grossière des PM10 (particules de diamètre compris entre 2,5 et 10 microns) peut pénétrer profondément l’appareil respiratoire jusqu’à l’appareil trachéo-bronchique. Les particules dites fines comme les PM2,5 sont susceptibles d’affecter plus lourdement encore l’appareil respiratoire jusqu’aux bronchioles et alvéoles. A fortiori, les effets sur la santé des plus petites particules (les PM1, inférieures à 1 micron) et autres nanoparticules, comme certaines émissions issues du freinage (d’une taille inférieure à 0,1 µm), sont des plus inquiétants.
Une publication de l’été 2016 dans les Comptes rendus de l’Académie américaine des Sciences (The Proceedings of the National Academy of Sciences / PNAS) suggère qu’il est possible que des nanoparticules de magnétite (un oxyde de fer) trouvées dans le cerveau humain (particules identifiées dans 37 cas) trouvent une origine dans la pollution à l’échappement ou d’autres activités de nature industrielles. L’existence naturelle de magnétite dans le cerveau est un phénomène connu, mais les nanoparticules en cause (en nombre et sous des formes différents) sont caractéristiques des résidus d’un moteur à haute température ou de systèmes de freinage. La toxicité de la magnétite génère un stress oxydatif qui perturbe le fonctionnement cellulaire. Des travaux précédemment rapportés en 2015 par la revue New Scientist montraient une corrélation entre des niveaux élevés de fer dans le cerveau et le développement de la maladie d’Alzheimer.
Dans l’Inventaire régional des émissions en Île-de-France, AirParif apporte une précision d’importance : « La répartition sectorielle des émissions de PM1 montre une contribution quasi exclusive des secteurs émettant des particules issues de la combustion. Le chauffage au bois et les véhicules diesel à l’échappement émettent 76 % des PM1 en Île-de-France pour l’année 2012 avec des contributions respectives de 41 % et 35 % aux émissions régionales ». AirParif concluant son commentaire par la précision suivante : « Il est à noter que la connaissance sur les facteurs d’émissions de PM1 est incomplète et soumise à de plus grandes incertitudes que les particules de taille supérieure ».
Les données disponibles et notamment celles d’AirParif concernent principalement la pollution de fond. Elles sont encore plus inquiétantes s’agissant de la pollution le long du trafic.
En Île-de-France, 55 % des crèches, écoles, établissements d’hébergement de personnes âgées, hôpitaux et terrains de sport en plein air sont situés à moins de 500 m d’un axe routier majeur (plus de 100 000 véhicules jours), du périphérique ou d’une section d’autoroute urbaine. Des études ont révélé que les dépassements des valeurs limites d’exposition concernent un quart de ces établissements pour les particules de type PM10 et un tiers d’entre eux pour le dioxyde d’azote. En outre, tous ces établissements dépassent l’objectif de qualité pour les particules fines de type PM2,5.
Les zones situées le long du trafic sont particulièrement polluées comme l’ont démontré des cartes annuelles développées à partir de 2004 en s’appuyant notamment sur les résultats du projet européen Heaven (10). La distance d’influence directe d’un polluant aussi nocif pour la santé que le dioxyde d’azote (NO2) est voisine de 200 m et le surcroît d’exposition à la pollution n’est atténuée dans cette zone que de façon erratique en fonction des conditions météorologiques favorisant plus ou moins rapidement la dispersion, mais aussi de la configuration des lieux qui dépend principalement des aménagements urbains. L’observatoire régional de santé (ORS) d’Île-de-France a clairement conclu qu’habiter près du trafic augmente le nombre de cas d’asthme (11).
Les données sur la pollution le long du trafic sont moins nombreuses en zones extra urbaines, en raison d’un moindre nombre d’enquêtes réalisées à ce jour, mais des mesures, effectuées à compter des années 2000 sur différents abords du réseau autoroutier, ont montré que le long d’un axe on relevait fréquemment une forte concentration de polluants et de microdéchets métalliques.
ÉMISSIONS DE PM1 PAR SECTEUR D’ACTIVITÉ – ÎLE-DE-FRANCE – 2012
(en moyenne)
Source : AirParif – Inventaire régional des émissions en Île-de-France – année de référence 2012
Cette observation sur la pollution le long du trafic peut être complétée par celle exprimée, en cours d’audition, par M. Frédéric Dionnet, directeur général du CERTAM : « C’est que la combustion, phénomène éminemment complexe, implique des centaines de réactions d’espèces chimiques qui se font concurrence et émettent non seulement des polluants réglementés déjà cités mais des centaines d’autres espèces, non toujours prévisibles, qui peuvent avoir des effets divers sur la santé humaine ».
Aux émissions particulaires s’ajoute une forme particulière d’émissions de carbone suie (également appelé black carbon), un composé de particules constituées de carbone inorganique et produit par les combustions incomplètes. Le carbone suie est généralement mesuré dans la catégorie des PM2,5. Il est principalement concentré à proximité du trafic routier qui en est le principal contributeur (66 % de ce type d’émissions en Île-de-France). AirParif considère que « les véhicules diesel sont à l’origine de la quasi-totalité des émissions franciliennes de carbone suie du transport routier en 2012 ».
• L’ozone (O3)
L’ozone faisant l’objet d’une réglementation n’est pas celui de la couche protectrice de l’atmosphère mais celui que l’on retrouve en concentration au niveau du sol et qui est l’un des principaux composant du smog photochimique généralement observé dans des périodes de fort ensoleillement et d’absence de vent.
L’ozone est formé par réaction photochimique entre divers polluants parmi lesquels les oxydes d’azote (NOx) dont les véhicules sont fortement émetteurs, mais aussi les composés organiques volatils (COV) en partie émis par le trafic automobile, et également par les activités industrielles et les solvants. En considérant les études de mortalité, l’OMS a été amenée à abaisser le seuil d’exposition à l’ozone dans ses lignes directrices relatives à la qualité de l’air corrigées en 2005. Ce seuil est désormais établi à 100 µg/m3 sur 8 heures contre 120 µg précédemment. Pour sa part, l’Union Européenne maintient néanmoins une « valeur cible » (et non une « valeur contraignante ») supérieure de 120 µg/m3« à ne pas dépasser pendant 25 jours par an en moyenne sur 3 ans ». Ce retard de la réglementation européenne relative à l’ozone est préoccupant au regard de la réalité de la situation dans de grandes agglomérations. Ainsi, Paris a récemment connu cinq journées de pics de pollution à l’ozone (29 juin, 20 juillet, puis consécutivement les 25, 26 et 27 août 2016) impliquant la mise en œuvre de la procédure d’information et de recommandation auprès de la population.
• Le dioxyde d’azote (NO2)
Au sein de la catégorie des oxydes d’azote (NOx), le dioxyde d’azote (NO2) est le polluant dont la nocivité est la plus avérée. Il est particulièrement irritant et agressif sur les voies respiratoires. À des concentrations supérieures à 200 µg/m3 sur de courtes périodes, ce gaz toxique génère de très graves inflammations des voies respiratoires.
Il est également le principal agent de la formation des aérosols de nitrates qui représentent une proportion non négligeable de PM2,5 et d’ozone en présence de rayons ultraviolets. Une étude commandée par la Mairie de Paris à AirParif sur l’évaluation de la qualité de l’air en Île-de-France (période 2002-2012) constatait que 97 % des Parisiens demeuraient exposés à un air ne respectant pas la norme annuelle retenue pour le dioxyde d’azote. AirParif constatait qu’en dépit d’une diminution globale des émissions de NOx constatée depuis 2000, « l’amélioration est peu sensible sur les niveaux moyens » s’agissant du dioxyde d’azote en précisant : « Les normes Euro ont en effet permis de faire baisser les oxydes d’azote et les particules mais pas le dioxyde d’azote qui n’est pas pris en compte par les normes d’émission et dont la part est plus importante pour les véhicules diesel » (12).
• Le dioxyde de soufre (SO2) et les hydrocarbures imbrûlés (HC)
Compte tenu des niveaux de SO2 à présent constatés dans l’environnement, les émissions de ce polluant ne sont plus considérées comme problématiques. Chacun des pays membres de l’Union européenne respecte d’ailleurs les seuils réglementairement énoncés. Il n’en va pas de même dans d’autres régions du monde et tout particulièrement dans des aires urbaines de pays émergents qui concentrent un nombre important d’activités industrielles polluantes et où les carburants et les limites d’émissions des véhicules en circulation répondent à des normes très différentes des normes européennes ou américaines.
S’agissant des hydrocarbures imbrûlés (HC), il est admis que le trafic automobile demeure responsable d’environ 50 % de cette catégorie d’émissions constituées d’atomes de carbone (CF) et d’hydrogène (H). Les véhicules essence sont quatre fois plus émetteurs d’hydrocarbures imbrûlés que les véhicules diesel. En outre, les moteurs deux temps de certains motocycles sont également responsables d’une partie de ces émissions. Le plus dangereux reste le benzène, un agent cancérigène, qui, en outre, a un effet de perturbateur endocrinien. L’exposition au benzène peut avoir des conséquences sur le système nerveux avec certains effets déprimants, mais aussi sur les globules et les plaquettes du sang.
2. Un impact majeur sur la santé publique
L’exposition à la pollution de l’air aggrave la morbidité et constitue une cause avérée de mortalité prématurée.
La pollution atmosphérique affecte principalement, mais non exclusivement, les systèmes respiratoires et cardiovasculaires. Des effets aigus peuvent se manifester à court terme, par exemple en conséquence directe d’un pic de pollution. Mais des affections et des troubles de la santé parmi les plus graves se manifestent à la suite d’expositions régulières et prolongées à des niveaux d’émissions plus bas. Le problème de la pollution de fond est mal pris en compte par la réglementation en vigueur qui, sur la base de valeur limites d’exposition à tel ou tel polluant, ne tient compte que des jours de dépassement.
L’ensemble de ces effets qualifiés de « chroniques », particulièrement importants pour les personnes vulnérables, est un enjeu sanitaire essentiel. L’exposition à la pollution atmosphérique présente certaines spécificités comme, par exemple, un temps de latence parfois long, entre l’exposition et les premiers effets ou le déclenchement plus soudain d’une maladie. L’exposition chronique aux particules les plus fines véhiculant des substances toxiques capables de passer la barrière air/sang au niveau pulmonaire est un facteur aggravant.
Les pathologies constatées ont souvent un caractère multifactoriel qui ne permet pas d’isoler ou encore d’associer avec certitude les effets sanitaires qui seraient particuliers à chacun des polluants.
En fonction des durées d’exposition, des zones des émissions, de leur intensité et aussi de l’état général et de l’âge d’un sujet, les atteintes dues ou aggravées par les émissions à l’échappement des véhicules (rejets gazeux et particules) ont de nombreuses conséquences sur la santé, certaines relevant de pathologiques parmi les plus graves. Les données statistiques nationales, en termes de pollution atmosphérique, constituent une indication mais ne traduisent en rien la dangerosité avérée pour toute la population. Des distinctions essentielles sont à faire, par exemple, entre zones urbaines les plus denses et zones à dominante rurale.
● Une étude européenne « Aphekom » pilotée par l’Institut national de veille sanitaire (Invs) sur la période 2008-2011 (13) établissait que 19 000 décès prématurés par an seraient dus aux seules particules PM2,5. Le nombre de décès prématurés liés à la pollution atmosphérique des NOx, majoritairement émis par les véhicules diesel, était estimé à 7 700 en 2013.
● Dans un rapport publié, le 21 juin 2016, la nouvelle agence Santé publique France (14), met en exergue, au titre de travaux d’épidémiologistes, un nombre de décès annuels de 48 283 (soit 9 % de la mortalité nationale) dus aux particules fines dites PM2,5 (les plus petites réglementées). La pollution représente ainsi la troisième cause de mortalité en France derrière le tabac (78 000 décès) et juste après l’alcool (49 000 décès). Bien que la perte d’espérance de vie soit évaluée à 15 mois dans les villes de plus de 100 000 habitants et à 9 mois en zones rurales, ce problème sanitaire majeur n’a pas jusqu’alors été porté dans le débat public par le ministère en charge de la santé mais par celui de l’écologie.
Effectuée sur la période 2007-2008, cette évaluation s’inscrit dans la continuité d’une étude européenne publiée en 2005 (15) qui estimait à 42 000 morts prématurés l’impact de la pollution atmosphérique en France. Cette étude croisait les niveaux de concentration de PM2,5 avec des études épidémiologiques américaines (16) auprès d’1,2 million d’Américains : elle concluait que chaque hausse de 10 microgrammes par m3 d’air (µg/m3) entraînait une augmentation de 6 % du risque de mortalité due à des maladies chroniques.
L’agence insiste sur la puissance d’impact de l’exposition chronique dans la durée (même lorsque les seuils réglementaires ne sont pas dépassés), donc au-delà de la seule problématique relative aux situations de pics de pollution. Une confirmation est, en outre, apportée : les particules sont aussi le résultat de réactions complexes qui génèrent des composés volatils issus de mélanges, notamment avec les oxydes d’azote. Le Programme national « air et santé » de l’agence prendra plus particulièrement en considération au titre de futures recherches les effets combinés des particules fines sur la population.
L’agence Santé publique France s’est exclusivement fondée sur des données épidémiologiques françaises actualisées. Sur ce total de 48 283 décès annuels, 34 500 décès seraient évités si, dans son ensemble, le territoire français atteignait le niveau d’exposition des 5 % de villes ayant le plus faible taux d’exposition et 17 700 en se référant aux critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
L’OMS (17) recommande de ne pas dépasser les valeurs suivantes :
– PM2.5 : 10 μg/m3 moyenne annuelle et 25 μg/m3 moyenne sur 24 heures ;
– PM10 : 20 μg/m3 moyenne annuelle et 50 μg/m3 moyenne sur 24 heures.
Le « scénario OMS » retenu par l’agence Santé publique est ainsi précisé (18) : « 47 millions de personnes (76 % de la population totale) sont exposés à des concentrations supérieures à la valeur recommandée par l’OMS (10 µg/m3). Si les concentrations de PM2,5 respectaient cette valeur soit en moyenne une baisse de 2,2 µg/m3 dans les communes la dépassant, les habitants gagneraient en moyenne 4 mois d’espérance de vie (…). La majorité des bénéfices seraient observée dans les grandes agglomérations. Sous ce scénario 17 712 décès pourraient être évités chaque année ».
L’agence souligne spécialement l’importance des économies associées en matière de santé. Elle fait état de bénéfices importants qui « seraient observés dans toutes les régions, y compris dans les zones rurales », en ajoutant « en réalité, les bénéfices sanitaires liés aux recours aux soins et à l’amélioration de la qualité de vie devraient être rapides, et l’impact sur la mortalité décalé de quelques années ». La conclusion est claire : « la contribution de l’exposition chronique aux PM2,5 à la mortalité et à la perte d’espérance de vie en France justifie donc la mise en place d’actions visant à réduire durablement la pollution de fond, d’autant que les économies associées en matière de santé seraient plus importantes que les coûts des mesures visant à réduire les émissions et les niveaux de pollution dans l’air ».
b. Des coûts sanitaires qui s’ajoutent au lourd bilan humain
● Une étude du Commissariat général au développement durable (CGDD), publiée à l’automne 2013, sur la pollution de l’air et la santé avait établi un coût global des impacts sanitaires et sociaux. Ce travail met en évidence les conséquences de la pollution atmosphérique sur le développement des différentes formes d’asthme (affection la plus répandue dont le nombre de cas attribuables à la pollution de l’air serait compris entre 400 000 et 1 400 000 sur les 4 millions de cas traités annuellement), des bronchites aiguës ou chroniques, des broncho-pneumopathies obstructives chroniques (ou BPCO, réduction progressive de la capacité respiratoires) ainsi que des cancers des voies respiratoires.
Les dommages sanitaires globaux ont ainsi été estimés entre 21 et 24 milliards d’euros pour une exposition au PM10 en 1996 et entre 28 et 30 milliards d’euros pour les particules fines en 2000. Les décès représentent la part la plus élevée de cette évaluation des dommages.
L’étude du CGDD a également établi un chiffrage représentatif du coût annuel des affections et maladies respiratoires pour le système de soins qui varie entre 825 millions d’euros et 1,7 milliard d’euros selon une hypothèse basse et une hypothèse haute.
Si l’étude du CGDD fait principalement état de maladies respiratoires et cardiovasculaires, elle évoque toutefois certaines pathologies du système reproducteur. Cet axe de recherche fait l’objet de travaux expérimentaux qui ont déjà abouti à montrer, chez l’animal, qu’une exposition maternelle chronique aux gaz d’échappement de moteurs diesel (munis de filtres à particules) entraîne des effets délétères sur la croissance et le métabolisme du fœtus. Les premiers résultats de ces travaux ont fait l’objet d’une publication dans la revue
Particle & Fiber Toxicology (19).
● L’exposition aux polluants de l’air ambiant des conducteurs et passagers des véhicules, le long du trafic dans le sillage d’autres véhicules et notamment dans les embouteillages urbains, doit également retenir l’attention. En effet, la concentration des polluants dans l’habitacle peut être entre 3 à 5 fois supérieure à celle de l’extérieur. Des études de l’Afsett et d’AirParif ont montré que, dans un embouteillage parisien, la quantité de particules et d’oxyde d’azote est multipliée par 4 lorsque l’on circule derrière certains poids lourds multipliant les arrêts et les redémarrages. Une étude du Laboratoire d’hygiène de la Ville de Paris révèle que dans certaines situations un automobiliste peut être, au volant de sa voiture, 5 fois plus exposé au benzène et aux oxydes d’azote et 3 fois plus aux particules qu’un piéton marchant dans la rue.
L’insuffisance des performances des systèmes de ventilation de nombreux véhicules ne permet pas d’apporter une réponse à ces situations de surexposition plus ou moins durables. Certains dispositifs de recyclage de l’air intérieur des véhicules pourraient néanmoins s’avérer efficaces si les filtres d’habitacle n’étaient pas trop rapidement sursaturés, ce qui exige de fréquents remplacements que peu d’automobilistes pensent à effectuer. Sur ce point, les constructeurs ont la responsabilité d’apporter un progrès de fonctionnement, d’abord en généralisant l’installation de filtres plus performants qui existent sur le marché : les filtres HEPA (High Efficiency Paerticulate Air).
● Tous les carburants d’origine fossile sont émetteurs de polluants toxiques. Il n’existe pas de moteurs essence « propres » pas plus qu’il n’existe de moteurs diesel « propres ». Ériger le diesel comme facteur exclusif de la dégradation de l’air serait inéquitable. Certaines pratiques agricoles et le chauffage en ville occupent toujours une place préoccupante s’agissant des incidences sur la santé. Toutes les particules rejetées dans l’atmosphère du fait des activités humaines ont des incidences, notamment les particules les plus fines qui affectent le plus lourdement le système respiratoire par franchissement des alvéoles pulmonaires. Les particules les plus fines entraînent une dégradation du système respiratoire avec des conséquences en termes d’espérance de vie.
● Les émissions polluantes d’origine routière autres qu’à l’échappement ont des effets assez mal quantifiés et fréquemment éludés. Elles sont produites par les pneumatiques et les systèmes de freinage dans des conditions et des formes qui, en outre, dépendent du caractère plus ou moins abrasif des chaussées.
– Sur ce point, la mission d’information s’interroge sur les éléments d’information qu’elle a pu recueillir comme sur les réponses apportées à des questions au cours des auditions. Dans une note du 30 novembre 2015 relative aux émissions de véhicules et à l’importance de réaliser des mesures en situations réelles, AirParif souligne que le trafic routier représente 28 % des émissions régionales de PM10 (51 % à Paris), en rappelant que ces pourcentages d’émissions « primaires » ne tiennent pas compte de l’impact du trafic sur la remise en suspension de particules déposées sur la chaussée et des particules « secondaires ».
Toutefois, AirParif intègre dans ses inventaires les phénomènes d’abrasion (pneumatiques, plaquettes et disques de freins, consistance des chaussées) qui représentent 41 % des émissions régionales de PM10 dues au trafic routier en 2012 contre 19 % en 2000 : « la diminution des émissions de PM10 à l’échappement conduit à ce que l’abrasion représente aujourd’hui une part très significative ».
Ces émissions, assez mal connues, ont des sources diverses. Elles se caractérisent aussi par une grande disparité des zones d’émissions et par la présence de métaux et de composés organiques lourds au long du trafic qui sont à l’origine de stress oxydatifs pulmonaires. Des poussières intégrant des allergènes de sources variées s’ajoutent à ce contexte.
Au cours de l’audition de MM. Éric Le Corre et Éric Vinesse, représentant le groupe Michelin (20), il a été précisé qu’à l’initiative de ce grand manufacturier, les plus importants fabricants mondiaux de pneumatiques avaient constitué, depuis 2005, un groupe de travail commun (le Tyre Industry Project) dont l’un des thèmes d’étude est précisément la problématique des débris d’usure générés par les pneus. Il a été indiqué à la mission que ces débris étaient principalement constitués de particules de route et de pneu intimement liées. M. Le Corre précisant : « Ces particules sont trop volumineuses pour rester suspendues dans l’air. Seule une faible partie d’entre elles, les plus petites, est susceptible de constituer une pollution atmosphérique. Les particules d’origine pneumatique représentent moins de 1 % des PM10 […] présentes dans l’atmosphère. Nous avons ensuite examiné les particules de taille inférieure à 10 microns, qui peuvent se retrouver dans les poumons et, au travers des alvéoles, passer dans le système sanguin. Moins de 0,4 % des PM2,5 de toutes origines sont présentes dans l’atmosphère ».
Force est de constater l’existence d’un écart important au sujet des particules d’usure des pneumatiques entre les niveaux toujours constatés en Île-de-France au titre des PM10 et ceux qui sont rapportés par des études concernant d’autres grandes agglomérations mondiales. La mission n’est pas en mesure d’expliquer une divergence aussi importante.
– Dans le prolongement de cet exposé, une observation de M. Frédéric Dionnet, directeur général du CERTAM, retient l’attention : « Il faudrait faire évoluer les indicateurs, car les particules de combustion sont actuellement très mal représentées dans l’indicateur fourre-tout PM10 et même dans l’indicateur PM2,5. L’indicateur PM10 mesure des particules qui ont jusqu’à cent fois la taille d’une particule diesel ; on répertorie aussi, concomitamment, les poussières de freinage, des usures de pneumatiques, ou encore des poussières issues de l’industrie et de la chimie atmosphérique. Cet indicateur, d’une utilisation très difficile, n’est pas intrinsèquement mauvais mais il n’est pas suffisant. Pour avoir une image précise de la filtration des particules issues de la motorisation et de ce que deviennent les polluants automobiles, il faut vraiment passer aux observations numériques ».
La notion de particules PM10 reste un indicateur-clé des situations de pollution. Il paraît néanmoins quelque peu dépassé du fait de ses imperfections comme l’absence de discrimination entre ses différentes composantes ou la relative méconnaissance de certains facteurs. On notera, en effet, que c’est le dépassement du seuil des PM10 qui, au cours du 1er semestre 2016, a justifié à six reprises le déclenchement de la procédure d’information et de recommandation en Île-de-France (21).
Les émissions particulaires et leurs éventuelles interactions avec d’autres sources, notamment des polluants non réglementés, représentent un champ d’études considérable auquel des moyens doivent être dévolus. À titre d’exemple, on citera AirParif dans sa note précitée du 30 novembre 2015 « … le potentiel de formation d’aérosols secondaires par réaction chimique dans l’atmosphère a été étudié ; plusieurs études ont montré un potentiel d’émissions de composés précurseurs de particules plus important pour les véhicules essence que pour les véhicules diesel récents. Ainsi, une étude récente menée en France (22)montre que les véhicules essence de la norme Euro 5 émettent davantage de précurseurs de particules secondaires que les véhicules diesel de norme équivalente ». AirParif ajoutant : « … cette étude, réalisée sur un nombre restreint de véhicules mériterait d’être étendue ».
Pour sa part, M. David Preterre, chef du département qualité de l’air, métrologie des nanoparticules aérosolisées et évaluations du CERTAM a fait état devant la mission que « … l’utilisation de carburants de type bio-fuels provoque l’élévation substantielle des émissions de polluants non réglementés qui peuvent avoir un impact sur certains paramètres biologiques ; ces données doivent être vérifiées ».
Proposition n° 3 : Renforcer les moyens dévolus aux études et expérimentations sur l’impact des plus petites particules (de tailles inférieures aux PM2,5) et des nanoparticules. Des études de quantification doivent être conduites pour mettre à jour la complexité des réactions et interactions générant des composés volatils issus de mélanges, notamment avec des oxydes d’azote, mais aussi avec d’autres éléments polluants non réglementés.
Proposition n° 4 : Afin de mieux distinguer les particules et résidus issus de l’usure des pneumatiques et des dispositifs de freinage en fonction des caractéristiques des chaussées, confier des études à des organismes publics et indépendants sur les moyens de mesurer plus précisément leurs émissions, d’améliorer les connaissances sur leur consistance ainsi que sur le degré de toxicité des résidus de faibles dimensions (PM1 et nanoparticules). À ce jour, les expertises relèvent trop exclusivement des industriels impliqués dans ces activités, il en résulte des fortes divergences dans les constatations d’émissions et pour l’appréciation de leurs impacts sanitaires éventuels : une connaissance objective de ces facteurs doit être mise à jour.
Votre Rapporteure a constaté que désormais très peu de ses interlocuteurs au sein de la profession automobile se hasardent encore à contester un impact sanitaire scientifiquement établi. Le chemin a été long pour en arriver là.
Sans retracer toutes les étapes de cette prise de conscience, qu’elle ait été spontanément éclairée par des travaux scientifiques ou plutôt contrainte par le caractère implacable du constat, l’antériorité des connaissances liées plus particulièrement au diesel doit être rappelée.
– Moins d’un an après l’adoption de la loi sur l’air et de l’utilisation rationnelle de l’énergie du 30 décembre 1996, une recommandation, au demeurant prudente, du Comité de la prévention et de la précaution mentionnait : « les particules en suspension, notamment celles émises par les moteurs diesel, compte tenu de leur impact sur la santé, posent un problème spécifique ». Cette recommandation précisait par ailleurs : « Les études épidémiologiques ainsi que les études expérimentales d’immunotoxicité et de génotoxicité permettent de conclure, avec un raisonnable degré de certitude scientifique, que les particules fines, notamment celles émises par les véhicules diesel, sont bien des facteurs de risque sanitaire » (23). En considérant, dès cette époque, que « la France présente la particularité d’être le pays qui dispose du plus fort taux de motorisation diesel », le Comité faisait état de la nécessité de développer les dispositifs de mesures des particules par les réseaux de surveillance de l’air et de poursuivre les recherches sur les effets à long terme de l’exposition aux substances émises, y compris sur « l’apparition de cancers autres que broncho-pulmonaires ». Force est de constater qu’aucune remise en cause du diesel n’a résulté de cette recommandation qui a cependant contribué à la mise en place de réseaux de surveillance de la qualité de l’air dans certaines régions et grandes agglomérations.
– La presse a récemment révélé (24) un épisode qui confirme l’isolement des scientifiques face à la puissance de certains lobbies industriels. En 1993, la direction générale du CNRS avait lancé, à l’initiative du directeur du département des sciences de la vie, une étude au titre d’une auto-saisine sur l’impact sanitaire du diesel. Le rapport intitulé « Diesel et Santé » a résulté du travail collectif d’une quarantaine de chercheurs qui avaient examiné 25 études épidémiologiques dont 22 montraient un risque accru de cancers pulmonaires chez les personnes exposées aux émissions diesel. Ce rapport, prêt à être publié à l’automne 1997, concluait, de manière mesurée, que l’exposition à long terme à des émissions de moteurs diesel pouvait contribuer à la cancérogénèse. En outre, il prônait une généralisation du filtre à particules. L’autorisation de publication, qui aurait fait l’objet de plusieurs demandes, a toutefois été systématiquement bloquée au niveau du ministère de tutelle du CNRS. Ce rapport qui aurait pu être un élément d’orientation utile pour la conduite de la politique publique de la santé a été purement et simplement « enterré ».
c. Les émissions du diesel « cancérigènes certains » pour l’OMS depuis 2012
La frilosité française a longtemps persisté alors que, dès 1988, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait qualifié les émissions du diesel en tant que « cancérogènes possibles » (groupe 2A). Cette réserve s’est, il est vrai, longtemps abritée derrière une inertie internationale lorsqu’il s’agissait de désigner plus clairement encore le rôle du diesel parmi les facteurs déterminants. En effet, il a fallu attendre le mois de juin 2012 pour le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC/AIRC), qui dépend de l’OMS, qualifie ces émissions de « cancérogènes certains » (groupe 1).
Cette conclusion désormais universellement reconnue ne peut plus faire l’objet de doutes. Elle s’est fondée sur un grand nombre de travaux et d’études, parmi lesquels ceux du National Cancer Institute américain qui a principalement mis l’accent sur l’impact négatif du mélange entre particules fines et NO2.
3. Des améliorations lentes et insuffisantes
a. L’évolution de la qualité de l’air en zone urbaine
Différentes sources permettant d’analyser l’évolution de la pollution de l’air en France.
● Premièrement, le « Bilan de la qualité de l’air en France en 2014 » (25) publié par le ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’Énergie nous indique qu’à cette date :
– malgré un épisode de pollution d’ampleur nationale, la qualité de l’air en France s’améliorait légèrement par rapport à 2013 : les concentrations moyennes annuelles avaient baissé de 1 à 3 μg.m-3 selon le type de stations de mesure pour le NO2, les PM10 et les PM2,5 ;
– sur 5 stations de mesure, au moins un des deux seuils fixés pour les PM10 en 2014 n’était pas respecté, contre 16 en 2013 ;
– la perte d’espérance de vie due aux émissions était de 5,8 mois à Paris, 7,5 mois à Marseille, 5 mois à Bordeaux ;
– 36 stations de mesure enregistraient un dépassement d’au moins un des deux seuils fixés pour le NO2, contre 39 en 2013.
Sur la période 2007-2014, les concentrations moyennes annuelles en PM10 sont de 24 et 19 μg.m-3 en 2014, respectivement à proximité du trafic routier et en fond urbain.
Sur la période 2009-2014, les concentrations des particules les plus fines (PM2,5), du moins tel qu’il est possible de les mesurer, ont baissé à proximité du trafic routier et en fond urbain. En 2014, la moyenne annuelle est respectivement de 14 μg.m-3 et de12 μg.m-3.
● Des baisses importantes ont été constatées s’agissant de l’exposition à certains polluants comme les particules fines de la catégorie PM2,5 et les oxydes d’azote (NOx). Ces résultats proviennent des mesures arrêtées au plan européen et nationalement mises en œuvre. En volumes d’émission, des réductions de 50 % sont intervenues depuis le début de la décennie 2000.
Toutefois dans les grandes agglomérations, la part relative du trafic routier n’a que peu diminué, notamment pour les NOx, et des progrès significatifs restent aussi à accomplir pour les secteurs résidentiel et tertiaire s’agissant des émissions particulaires.
ÉMISSIONS DE PM2.5 EN ÎLE-DE-FRANCE EN 2000 (TONNES/AN)
Source : AirParif – Inventaire régional des émissions en Île-de-France – année de référence 2012
ÉMISSIONS DE PM2.5 EN ÎLE-DE-FRANCE EN 2012 (TONNES/AN)
Source : AirParif – Inventaire régional des émissions en Île-de-France – année de référence 2012
b. La diésélisation massive du parc automobile au cours des années 2000 a ralenti les progrès, particulièrement pour les NOx
● S’agissant des NOx, le bilan global de l’évolution des émissions ne doit pas occulter un point persistant d’inquiétude concernant le dioxyde d’azote (NO2), le plus nocif en termes sanitaires dans cette catégorie de polluants, dont l’évolution contributrice demeure à des niveaux élevés.
Dans son rapport annuel d’activité et bilan sur la qualité de l’air (2014), AirParif souligne particulièrement l’importance de l’exposition au dioxyde d’azote dont les niveaux freinent le rythme d’amélioration générale de l’air ambiant en Île-de-France. Les niveaux actuels représentent même une sorte de butoir en dépit des améliorations qui ont été apportées aux véhicules diesel les plus récents des normes Euro 5 et euro 6.
Ce rapport souligne en page 85 : « Autre facteur défavorable pour le NO2 le long du trafic : la diésélisation du parc routier. D’après de nombreuses études [Afsett 2009] [Kousoulidou et al, 2008] si les filtres à particules catalysés équipant aujourd’hui la grande majorité des nouveaux véhicules diesel diminuent les émissions de particules, ceux utilisant la technique prépondérante de la catalyse par oxydation augmentent en revanche la part du dioxyde d’azote dans les émissions d’oxyde d’azote. Or, la part de ces véhicules augmente d’année en année avec le renouvellement du parc ».
ÉMISSIONS DE NOX EN ÎLE-DE-FRANCE EN 2000 (TONNES/AN)
Source : AirParif – Inventaire régional des émissions en Île-de-France – année de référence 2012
Les véhicules diesel émettent, en général, un nombre de particules bien supérieur aux véhicules « essence » de même génération. Les données et analyses d’AirParif le montrent, ce constat est du même ordre pour les oxydes d’azote (NOx) parmi lesquels le dioxyde d’azote (NO2), avec cependant un progrès concernant les véhicules diesel des normes Euro 5 et Euro 6 qui ne composent qu’une partie minoritaire du parc « diesel » en circulation pour l’instant (cf. histogrammes suivants d’AirParif).
Source : Airparif
Source : Airparif
Sont également disponibles, les résultats d’une étude « Impact à court terme des particules en suspension (PM10) sur la mortalité dans 17 villes françaises (26) » communiqués, le 9 septembre 2014, sur la basse de travaux de l’Institut national de veille sanitaire (Invs) et de l’Observatoire régional de santé Île-de-France qui indique :
– que la ville la plus polluée de France par les particules PM10 est Marseille avec une moyenne annuelle de 31,8 μg/m3. À titre de comparaison le taux est de 27 μg/m3 à Paris ;
– que selon cette étude menée sur 17 villes françaises de plus de 200 000 habitants, aucune des villes concernées ne dépasse le seuil toléré par l’Union Européenne de 40 μg/m3. En revanche, toutes à l’exception de Dijon, sont au-dessus de la limite recommandée par l’OMS (20 μg/m3).
4. Un contentieux européen ouvert à l’égard de la France
Une procédure contentieuse est ouverte à l’encontre de la France, sur la base de la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant en Europe, pour non-respect des valeurs limites s’agissant des particules et insuffisance des plans d’action. Ce contentieux européen a franchi une étape supplémentaire, le 29 avril 2015, avec la notification d’un avis motivé.
Dix zones sont concernées en France, dont Paris : « la Commission considère que la France n’a pas adopté les mesures qui auraient dû être appliquées depuis 2005 pour protéger la santé de ses citoyens, et elle lui demande de prendre des mesures ambitieuses, rapides et efficaces afin que la période de non-conformité soit la plus courte possible ».
Au titre de la première infraction relevée concernant les niveaux de PM10, la France encourt une amende dont le montant est susceptible d’atteindre 100 millions d’euros et qui pourrait être assortie d’astreintes de 250 000 euros/jour jusqu’au rétablissement d’une situation « normale ».
Les procédures d’infraction contre la France au sujet des polluants PM10 et NO2
Amorcée au cours de l’année 2007 par une phase précontentieuse, la démarche contentieuse s’est ouverte, en 2009, avec l’envoi par la Commission européenne d’une mise en demeure adressée à la France pour non-respect de la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (articles 13 et 23), au motif que les valeurs limites applicables aux PM10 continuaient à ne pas être respectées en 2007 et 2008 dans plusieurs zones et agglomérations. Le 28 octobre 2010, la France a reçu un avis motivé visant 16 zones et agglomérations. Suite à l’évolution de la situation dans ces zones, avec une mise en demeure du 22 février 2013 suivi d’un dernier avis motivé du 29 avril 2015, les griefs de la Commission européenne concernent 10 zones et agglomérations pour lesquelles une situation de dépassement des valeurs limites maximales journalières perdure depuis au moins six années (27).
Actuellement, la Bulgarie et la Belgique font l’objet d’un contentieux porté devant la Cour de justice de l’Union européenne. Mais 17 autres États membres sont concernés par des précontentieux sur les particules PM10 pour non-respect de la directive 2008/50/CE.
D’après les informations disponibles, il semble que la Commission n’envisage pas de saisir la Cour s’agissant d’autres États membres, du moins avant que ne soient rendus les arrêts sur les cas belge et bulgare.
Un volet complémentaire à la procédure a été ouvert, le 22 février 2013, avec l’envoi d’une mise en demeure faisant état d’un nouveau grief (insuffisance des plans d’action mis en œuvre), qui s’ajoute au grief initial de non-respect des valeurs limites de PM10.
Parallèlement, la Commission a engagé une autre procédure d’infraction (mise en demeure du 19 juin 2015) pour non-respect de la même directive au sujet cette fois des valeurs limites de NO2, dépassées depuis 2010 dans 19 zones et agglomérations. Ne sont plus concernés la Martinique, Salon-de-Provence, Douai, Béthune et Valenciennes, mais s’y ajoutent : Clermont-Ferrand, Montpellier, les zones urbaines régionales de Languedoc-Roussillon et de Poitou-Charentes, Toulouse, Reims, Strasbourg, Rennes, Rouen, Saint-Étienne, Bordeaux et Tours.
Sur le plan national, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, promulguée le 17 août 2015, prévoit une série de dispositions susceptibles d’apporter des réponses. Dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants couvertes par des plans de protection de l’atmosphère (les PPA concernent les zones visées par le précontentieux et dans lesquelles des dépassements subsistent) a été ouvert aux collectivités le droit de créer des zones à circulation restreinte (ZCR). L’amorçage d’une convergence de la taxation entre le gazole et l’essence, les appels à projets « Villes respirables en 5 ans » et les aides de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) aux fins de renouvellement des appareils de chauffage au bois peu performants font partie des éléments mis en avant par la France en réponse au contentieux.
Les effets des polluants atmosphériques représentent un enjeu de santé publique de portée mondiale. Une étude récente de l’OCDE sur les conséquences économiques de la pollution de l’air extérieur rappelle que sans mesures rigoureusement mises en œuvre, la pollution atmosphérique entraînerait, d’ici 2060, le décès prématuré de 6 à 9 millions de personnes et « coûterait » 2 280 milliards d’euros (28). L’augmentation du niveau de vie et la demande croissante en énergie auront un impact direct, avec un quasi-doublement des émissions des polluants les plus dangereux parmi lesquels les oxydes d’azote et l’ammoniac qui, au travers de réactions chimiques, contribuent à la formation de particules secondaires. L’OCDE met l’accent sur le phénomène d’urbanisation croissante qui soumet de plus en plus de personnes à des niveaux élevés et durables d’exposition.
● La circulation automobile n’est pas seule responsable mais son « apport » négatif à l’atmosphère reste déterminant dans les grandes agglomérations avec l’augmentation rapide du parc automobile en Chine et en Inde. Selon l’étude de l’OCDE, ces deux pays encourent le risque d’un quadruplement des décès prématurés à l’horizon 2060. L’OCDE fait état de l’existence d’une rupture des risques entre les grands pays émergents et les 34 pays membres de l’OCDE. Selon l’OCDE, l’accroissement des dépenses de santé aura une conséquence négative sur l’investissement global ; outre cette catégorie de dépenses, la pollution de l’air aura un effet direct sur une réduction de la productivité au travail et, dans une certaine mesure, entraînera des pertes agricoles. Dans une récente étude, la Banque mondiale (BIRD) évalue le coût mondial annuel des décès prématurés dus à la pollution atmosphérique à 225 milliards de dollars en prenant l’année 2013 comme référence (29).
Au total, l’OCDE évalue l’impact actuel de la pollution de l’air à 0,3 % du PIB mondial, un impact qui en 2060 atteindrait 1 %. À lui seul, ce pourcentage peut a priori paraître assez peu parlant mais il représenterait la totalité du PIB de la France. La pollution atmosphérique est désormais la première cause environnementale de morts prématurées dans le monde, avant les conditions sanitaires et les problèmes d’approvisionnement en eau potable. Dans la plupart des pays de l’OCDE, les maladies cardio-vasculaires et pulmonaires dues à la pollution causent d’ores et déjà plus de décès que les accidents de la route.
● Au cours du mois de juillet 2016, l’OCDE a également rendu publique son appréciation sur la politique environnementale de la France (30). Ce bilan d’étape souligne que, depuis 2000, des progrès ont été réalisés s’agissant de l’air ambiant, sous l’effet de réglementations plus strictes, de la baisse de la consommation d’énergie mais aussi de la désindustrialisation de notre économie.
Cet examen souligne que « La France a réussi à découpler les émissions des principaux polluants atmosphériques de la croissance économique. Ses émissions de SO2 et de NOx par unité de PIB sont largement en dessous de la moyenne OCDE. La France a atteint ses objectifs pour 2010 au titre de la Directive de l’UE fixant des plafonds d’émissions nationaux pour certains polluants atmosphériques (2001/81/CE) ».
En revanche s’agissant des NOx (oxydes d’azote), l’OCDE relève un moindre progrès du fait de la diésélisation du parc automobile français. Ce type d’émissions a dépassé en effet de 33 % les plafonds autorisés, ce qui confirme les fondements de la dernière mise en demeure adressée à la France par l’Union européenne sur les émissions de NO2. L’OCDE précise clairement : « Les plans mis en œuvre ne sont pas assez contraignants, leur gouvernance reste ambiguë ». Au total, l’OCDE évalue à 2,5 % du PIB de la France, les coûts économiques de la pollution atmosphérique.
B. L’AFFAIRE VOLKSWAGEN PAR LAQUELLE LE SCANDALE EST ARRIVÉ…
La révélation, en septembre 2015, de l’utilisation par Volkswagen, premier constructeur européen, d’un logiciel frauduleux destiné à tromper les tests d’homologation, a fait l’effet d’un séisme. Cette affaire, particulièrement grave, a montré jusqu’où peut conduire la course effrénée au profit, en l’occurrence à ce qui peut s’apparenter à un crime contre la santé publique, commis en bande organisée et avec préméditation. Il fait en réalité trois types de victimes :
– les consommateurs, dont la confiance a été trompée ;
– la santé publique et l’écologie, du fait de l’absence totale de conscience de ce qu’est la responsabilité environnementale d’une grande entreprise au XXIe siècle ;
– l’ensemble de l’industrie automobile, enfin, l’affaire débouchant sur une suspicion généralisée qui porte préjudice à l’ensemble d’un secteur industriel stratégique.
Ces faits, générateurs de la création de la mission d’information de l’Assemblée nationale, dont le champ d’étude s’étend bien au-delà de ce périmètre, doivent être analysés pour en établir les causes profondes.
1. Une ONG pallie la défaillance des autorités de contrôle
Deux traits caractéristiques de l’« affaire Volkswagen » doivent être soulignés :
– elle a éclaté aux États-Unis et non en Europe, alors qu’elle concerne le plus important groupe automobile de ce continent : elle fait ainsi apparaître les défaillances, voire le caractère factice des tests européens d’émissions à l’échappement réalisés à l’homologation des véhicules et discrédite par la même occasion les protocoles et normes définis dans le cadre de la réglementation européenne ;
– elle a été mise à jour non pas par une autorité officielle relevant des pouvoirs publics, mais par une ONG spécialiste des transports (l’International Council of Clean Transportation ou ICCT) à laquelle il convient de rendre hommage.
a. Une coopération exemplaire entre la société civile et les institutions publiques
● L’ICCT a été fondée en 2005 par M. Drew Kodjak, un ancien conseiller à la division « Pollution de l’air » de l’Agence américaine de l’environnement (EPA), qui assure toujours la direction générale de cette ONG. L’ICCT emploie une quarantaine d’ingénieurs, chercheurs et doctorants. Ses principaux champs d’intervention concernent la qualité de l’air, les carburants, les véhicules électriques et l’impact environnemental des industries aériennes. Ses financements proviennent principalement de la ClimateWorks Foundation, une ONG engagée dans la lutte contre le réchauffement climatique, mais également de travaux pour des institutions publiques américaines et étrangères.
Ne disposant pas des moyens techniques nécessaires, l’ICCT a chargé une équipe universitaire spécialisée d’effectuer des tests de pollution à l’échappement sur des véhicules en condition réelle d’utilisation avec un dispositif embarqué de mesures. L’ICCT avait déjà constaté que certains modèles diesel européens commercialisés en Amérique du Nord se caractérisaient par des niveaux élevés d’émissions mais considérait cette situation comme la conséquence des différences de normes entre les États-Unis et l’Union européenne.
● Le Centre pour les émissions, les moteurs et les carburants alternatifs de Morgantown (Université de Virginie occidentale), dirigé par le professeur Gregory J. Thompson, a ainsi testé trois modèles diesel du marché : les Volkswagen Jetta 2.0 TDI de 2012 et Passat 2.0 TDI de 2013 ainsi qu’une BMW X5, sur cinq types de liaisons : autoroutes, voies urbaines, routes suburbaines et rurales et en pente.
Les résultats des tests réalisés sur la période 2013-2014 se sont révélés « hors normes » concernant les deux modèles Volkswagen : plus de 25 fois supérieurs aux résultats donnés par le constructeur s’agissant des émissions d’oxyde d’azote (NOx).
L’ICCT a saisi les autorités américaines qui se sont adressées à Volkswagen : le groupe a soutenu, dans un premier temps, que les écarts de mesures entre des conditions de test et en usage routier étaient dus « à différents problèmes techniques et à des conditions d’utilisations inattendues ». L’Agence californienne de protection de l’environnement a déclenché ses propres investigations aboutissant à la découverte de l’existence d’un logiciel effectivement capable de limiter temporairement les émissions au cours des phases de tests sur banc d’essais. Une série de réunions entre les autorités et Volkswagen se sont notamment tenues entre mai et août 2015 : incapable de fournir des explications précises, Volkswagen a admis, le 3 septembre 2015, l’installation d’un logiciel « truqueur ».
● Le scandale a éclaté le 18 septembres 2015, en plein Salon automobile de Francfort. À cette date, l’Agence fédérale de protection de l’environnement (EPA), suivie par la Carb, a publiquement annoncé ses griefs à la direction de la filiale américaine de Volkswagen afin de poursuivre des enquêtes en recherche de responsabilité.
L’EPA a étendu, en novembre 2015, ses investigations sur des moteurs 3 litres au regard de leurs émissions de dioxyde de carbone (CO2). Dans un premier temps, Volkswagen a reconnu que 800 000 véhicules avaient fait l’objet de certaines manipulations destinées à maquiller une partie de leurs émissions de CO2. Puis, le 9 décembre, le groupe a ramené à 360 000 le nombre des véhicules concernés. Selon M. Jacques Rivoal, président du directoire de Volkswagen Group France (31) : « les investigations ont finalement montré que très peu de modèles étaient affectés : ils feront l’objet de ré-homologation. En France, ces écarts sont observés pour seulement sept modèles dont un aujourd’hui arrêté, soit 1 600 véhicules, et ils sont tellement infimes – 2 à 3 grammes de CO2 – qu’ils n’impliquent aucun changement de tranches dans le barème du dispositif du bonus-malus ».
En outre, à la fin de l’année 2015, l’EPA a détecté des anomalies concernant les rejets d’oxydes d’azote (NOx) sur des moteurs 3 litres TDI équipant des modèles haut de gamme Volkswagen et Audi et également des modèles de Porsche Cayenne. Cette « affaire dans l’Affaire » concerne environ 85 000 véhicules construits entre 2009 et le début de l’année 2016. À ce jour, l’EPA et la Carb ont rejeté toutes les propositions de Volkswagen concernant des rectifications techniques sur ces véhicules qui avaient été commercialement promus en tant que « Clean diesel ». Leur rachat par chaque marque concernée pourrait s’avérait extrêmement coûteux.
Un scandale que Volkswagen a eu mille fois l’occasion d’éviter…
Les normes américaines de 2008 étant particulièrement exigeantes en matière d’émissions de NOx, il paraissait évident que sans une technologie satisfaisante, les objectifs fixés ne pouvaient être atteints.
Les tests de l’ICCT ont commencé en 2013. En 2014, le groupe a eu des échanges avec l’autorité californienne de la qualité de l’air, le California Air Resources Board (CARB). Cette même année 2014, Volkswagen avait rappelé 500 000 véhicules aux États-Unis pour un « correctif informatique ».
Le constructeur a donc eu à de très nombreuses reprises l’occasion de reconnaître ses torts, d’informer loyalement les autorités compétentes aux États-Unis mais aussi les consommateurs européens.
Sans faire preuve de naïveté, votre Rapporteure n’adhère donc pas à l’interprétation donnée à la révélation de ce scandale par M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique, qui déclarait le 30 septembre 2015 : « Sur le plan industriel, vous avez des concurrents, en particulier des concurrents américains, qui sont, on le sait, beaucoup moins ouverts au diesel, même s’ils ont eux-mêmes des véhicules très polluants […] et qui cherchent à affaiblir l’industrie européenne par le biais de ce scandale ». Il appartenait aux institutions européennes de ne pas permettre une telle défaillance, de sorte que son premier constructeur ne commette pas une des plus graves fraudes par dissimulation massive de l’histoire industrielle.
b. De lourdes procédures judiciaires à la hauteur du préjudice
Il n’est pas possible de recenser de façon exhaustive toutes les enquêtes et procédures concernant l’« Affaire Volkswagen » aux États-Unis. Aux plaintes initialement déposées par l’EPA et la Carb, s’est ajoutée une grande diversité de procédures qui émanent de particuliers possédant un véhicule « affecté » par le logiciel truqueur ou s’inscrivent au titre de la procédure collective des class actions. Ces actions visent à mettre en cause la responsabilité de Volkswagen appelé à réparer financièrement des dommages. Certaines plaintes relèvent des liens contractuels de droit commercial, comme c’est le cas pour un certain nombre de concessionnaires américains des marques Volkswagen qui entendent ainsi se retourner contre le constructeur. De très nombreux tribunaux sur tout le territoire ont à connaître de plaintes, en examinant d’abord leur recevabilité.
– Dès le 4 janvier 2015, les autorités américaines avaient décidé de traduire en justice Volkswagen et ses marques Audi et Porsche pour leur réclamer au moins 20 milliards de dollars en dédommagements et frais de justice, au motif que les constructeurs ont trompé les consommateurs et porté des atteintes à la santé. Une plainte commune a ainsi été déposée par le Département de la Justice (DOJ) et l’EPA auprès du tribunal du Michigan. Il s’agit d’une action civile distincte du volet pénal de l’affaire, le département de la justice ayant ouvert une enquête pénale en parallèle.
– Puis, le 29 mars 2016, l’Autorité américaine de la concurrence (Federal Trade Commission ou FTC) a déposé une autre plainte contre Volkswagen au regard de ses campagnes publicitaires qualifiées de « mensongères » sur un « diesel propre ».
Toutefois, plusieurs procédures, représentant dès l’origine plus de 500 plaintes, ont été regroupées au niveau d’un juge fédéral de San Francisco, c’est-à-dire à un haut niveau de juridiction. La localisation californienne de ces affaires résulte notamment de la proximité avec la Carb.
– En juillet 2016, un arrangement a cependant été conçu entre Volkswagen et les autorités fédérales ainsi qu’avec le juge fédéral de San Francisco. Sur la base de ce qui ne constitue qu’un schéma partiel de sortie de crise, Volkswagen éviterait de longs procès en acceptant de régler quelque 15,3 milliards de dollars. Ce montant concernerait principalement les réparations ou les rachats (selon le choix de chaque propriétaire de véhicule) pour environ 10 milliards de dollars, un total auquel s’ajouteraient des indemnités individuelles et variables d’un montant de 5 000 à 10 000 dollars qui inclurait les 1 000 dollars déjà spontanément annoncés par Volkswagen. Ces montants sont à mettre en rapport avec le maximum encouru de l’amende (37 500 dollars par véhicule) au titre du dispositif répressif de la loi américaine sur l’air (Clean Air Act).
Par ailleurs, Volkswagen devrait contribuer à hauteur de 2,7 milliards de dollars à un fonds géré par l’EPA et investir au moins 2 milliards de dollars dans des technologies novatrices de lutte contre la pollution. Le solde étant destiné aux États américains (il est estimé à 603 millions de dollars pour 44 États). Ce type de transaction mettant fin aux poursuites civiles est relativement fréquent aux États-Unis. En 2014, Toyota avait accepté de prendre à sa charge un dédommagement de 1,4 milliard de dollars pour des modèles sujets à des accélérations soudaines et incontrôlables. Le groupe japonais avait néanmoins dû acquitter, en plus, une amende pénale de 1,2 milliard au titre d’une poursuite engagée par les autorités fédérales.
– Au plan pénal aux USA, des procédures sont également en cours, dans de nombreux États, à l’initiative des procureurs, qui se sont entendus dès octobre 2015 pour coordonner leurs investigations. Le droit américain permet toutefois l’ouverture de discussions susceptibles d’aboutir à des accords évitant les procès, sous l’empire du « deferred prosecution agreement ». Par des accords de cette nature, Volkswagen reconnaîtrait les faits qui lui sont reprochés et s’engagerait à ne plus commettre de délits similaires. Ces procédures fréquemment mises en œuvre, ont déjà été retenues dans le secteur automobile. Outre le cas de Toyota précité, avec une amende de 1,2 milliard de dollars s’ajoutant au dédommagement de 1,4 milliard, GM, dans une affaire de commutateurs d’allumage défectueux, a fait l’objet d’une amende de 900 millions de dollars prononcée en septembre 2015.
La mise en œuvre de ces transactions reste subordonnée à de nombreuses conditions, au premier rang desquelles l’approbation qu’il reste à obtenir sur les modalités de rectification en ateliers qui concerneront les différents modèles de véhicules affectés (plusieurs propositions techniques ont fait l’objet de rejets de la part de l’EPA et de la Carb). De même, sera posée la question du sort des modèles rachetés auprès de particuliers par Volkswagen : il est peu probable que les autorités américaines acceptent leur recyclage sur des marchés étrangers de l’occasion.
– Au cours du mois d’août 2016, Volkswagen a fait état d’un accord particulier avec ses 650 concessionnaires américains auxquels l’opposait un contentieux en réparation. Le montant de ce dédommagement n’a pas été divulgué mais il intègre, en outre, des rachats de véhicules en stock.
La difficulté d’affiner les recherches sur une seule source de pollution
En se référant à la seule dimension américaine de l’« Affaire Volkswagen », il reste extrêmement difficile de connaître son impact direct sur la mortalité. Un quotidien canadien a fait état de premières études relatives aux décès qui résulteraient des dépassements illégaux de NOx par les modèles mis en circulation par le groupe au cours de la période 2009-2015.
Une première étude de l’Université de Caroline du Nord (32) tente d’isoler les émissions illégales de celles qui auraient été permises en fonction des normes américaines en vigueur. Pour cela, l’étude utilise différents modèles mathématiques pour aboutir à une « mortalité excédentaire » spécifiquement causée par l’« Affaire », en retenant que les dépassements sur près de 500 000 véhicules trafiqués étaient supérieurs de 10 à 40 % en usage routier aux normes de l’EPA. Les auteurs rappellent cependant que contrairement à ce qui s’est passé pour d’autres affaires liées à des équipements gravement défectueux sur des séries de véhicules, l’exposition accrue aux émissions de NOx ne rend pas les victimes identifiables comme c’est le cas après des enquêtes en accidentologie s’agissant de défaillances techniques clairement mises à jour. Une seconde étude a été réalisée par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) en 2015. Les deux études conduites par des mathématiciens, des démographes et des économistes aboutissent à des résultats voisins en termes de mortalité directe aux États-Unis : la première étude attribue 49 décès directement imputables aux effets de la pollution des véhicules Volkswagen « affectés » par le logiciel truqueur, alors que la seconde étude du MIT leur attribue 59 décès directs. Ces chiffres qui résultent de travaux largement théoriques de modélisation doivent être pris avec précaution, d’autant qu’ils ne sont pas complétés par des données plus générales sur les réductions d’espérance de vie. En revanche, ces deux études apportent des éléments chiffrés plus convaincants, toujours exprimés à partir de modélisations, sur les « surcoûts » pour le système de santé américain ainsi générés du fait des probables atteintes à la santé et traduites en termes de « morbidité excédentaire » (coûts supplémentaires des soins et médicaments, hospitalisations, congés de maladie etc.) : la première étude évalue cette « facture » à 430 millions de dollars du fait du contournement des normes environnementales par Volkswagen, la seconde établit le surcoût de cette « morbidité excédentaire » à 450 millions de dollars.
2. L’affaire Volkswagen fait plus de victimes en France qu’aux États-Unis
Sur les 213 milliards d’euros de chiffre d’affaires du groupe Volkswagen dans le monde en 2015, un peu plus de 6 milliards sont réalisés en France, où il occupe la troisième place sur le marché national.
Dans notre pays, 948 000 véhicules commercialisés sous les différentes marques du groupe (en incluant Audi, Skoda et SEAT) sont « affectés » par le logiciel truqueur. Ainsi, ce scandale fait deux fois plus de victimes en France qu’aux États-Unis.
a. Une inégalité de traitement choquante et inacceptable
Alors qu’aux États-Unis les clients de Volkswagen ont, dès le début de l’« Affaire », bénéficié d’un premier dédommagement de 1 000 dollars en réparation du préjudice subi, ainsi que d’un engagement de rachat concernant 115 000 véhicules, le constructeur n’entend mettre en place aucun dédommagement des consommateurs français et européens dont il conteste même qu’ils aient subi un préjudice, théorisant une inégalité de traitement parfaitement choquante.
Cet état de fait a amené la Commission européenne à exprimer, dans des termes toutefois particulièrement frileux, son souhait de voir les clients européens de Volkswagen traités de la même manière que leurs homologues américains. Le 22 janvier 2016, Mme Elisabeth Bienkowska, Commissaire en charge de l’industrie, « a une nouvelle fois invité le groupe à réfléchir aux moyens adéquats » pour compenser le préjudice des consommateurs européens. Le nouveau président de Volkswagen, M. Matthias Muller, a immédiatement repoussé cette demande. La position de la direction de Volkswagen a encore été réaffirmée devant la commission d’enquête du Parlement européen, le 13 juillet dernier. M. Ulrich Eichhorn, le directeur de la R&D du groupe a admis que son entreprise avait fait « une énorme erreur » parlant même de « la honte » ressentie par ses personnels. Pour autant, il a récusé, en Europe, toute idée d’un dédommagement financier au-delà des réparations qui seront faites : « Le consommateur européen est mieux traité que le consommateur américain car il peut conserver son véhicule, il n’y a donc pas de dommage ».
Le président de Volkswagen Group France, M. Jacques Rivoal, a exposé devant la mission la ligne de défense qui est celle de la maison-mère de son entreprise vis-à-vis de l’ensemble des clients européens : « Les émissions de NOx sont une donnée contractuelle aux États-Unis et pas en Europe où l’acte de vente ne comporte nulle mention de ces émissions. En Europe, les solutions techniques validées par le KBA pour tous les modèles concernés n’ont aucune conséquence sur les prestations du véhicule ; aux États-Unis, elles ne sont pas validées, les véhicules sont bloqués à la vente – un propriétaire de véhicule équipé d’un moteur EA 189 ne peut le revendre – et on ne sait pas combien de temps cette situation perdurera – nous sommes dans un brouillard total. Pour toutes ces raisons, nous considérons qu’il n’y a pas de préjudice pour nos clients en Europe, qui vont faire l’objet d’opérations de rappel ».
Certes, les fortes différences entre les règles en vigueur aux États-Unis et en Europe concernant les émissions à l’échappement placent les propriétaires de véhicules dans des situations distinctes. En comparaison du système américain, les droits à l’indemnisation d’un éventuel préjudice seraient, à tout le moins, limités voire inexistants pour les propriétaires européens alors que la fraude concerne des véhicules de même type commercialisés sur une même période. Aux États-Unis, la commercialisation des véhicules diesel des marques de Volkswagen a toutefois été immédiatement suspendue par l’EPA au motif « d’une fonctionnalité non révélée dans le système de contrôle des émissions ». En outre, l’EPA a immédiatement retiré les demandes d’homologation des Golf, Jetta, Passat et Beetle de l’année 2016 correspondant à la norme européenne Euro 6. De plus, les propriétaires des véhicules « affectés » par le logiciel truqueur ne peuvent plus les proposer à la vente sur le marché de l’occasion, ce qui n’est pas le cas en Europe.
Ainsi, comme M. Cédric Musso, directeur de l’action politique de l’organisation de consommateurs UFC–Que Choisir l’a souligné : « Même si des véhicules équipés du logiciel incriminé ont été mis en circulation en Europe, jusqu’au 1er septembre dernier, la situation des consommateurs américains était assez différente de celle des consommateurs européens qui n’ont, à proprement parler, subi aucun préjudice. J’entends par là que, dans la mesure où les consommateurs américains étaient clairement informés des émissions de leur véhicule par rapport à la réglementation NOx (oxyde d’azote), ils ont effectivement été lésés par la tricherie et une information mensongère. En Europe, en revanche, avant le 1er septembre 2015, les fiches techniques des véhicules ne mentionnaient pas la norme NOx et les consommateurs ne peuvent donc invoquer un quelconque préjudice du fait d’une information délibérément mensongère ».
Cette observation résulte d’une analyse « littérale » des réglementations applicables aux émissions, certes fortement distinctes, entre les États-Unis et l’Union européenne. Pour autant, elle élude une réalité : l’information donnée aux acheteurs européens de véhicules « affectés » par le logiciel truqueur a été inexacte. Il existe bien, à leur égard, une dimension mensongère dans cette affaire. En effet, le logiciel en question permettait aussi de fausser les résultats des niveaux de CO2 et, en conséquence, de la consommation. Il s’agit d’informations pour lesquelles les constructeurs ont, en Europe, une obligation de publication au terme des protocoles de tests en vigueur pour l’homologation. En outre, le fait que des véhicules doivent faire l’objet de rectifications en atelier par Volkswagen est susceptible d’hypothéquer les opportunités et les valeurs de revente sur le marché de l’occasion.
Enfin, et surtout, l’inégalité de traitement entre consommateurs européens et américains n’est pas seulement inacceptable sur un plan moral, elle est aussi parfaitement discutable sur un plan juridique. En effet, votre Rapporteure souhaite « tordre le cou » à la légende selon laquelle l’utilisation du logiciel frauduleux de Volkswagen aurait pu être en quoi que ce soit « légale » en Europe puisque :
– L’utilisation d’un logiciel « truqueur » est clairement interdite par la réglementation européenne. Votre Rapporteure revient en détail sur ce point page 105.
Volkswagen est en infraction à la norme Euro 5. Celle-ci fixe les émissions de NOx à 180 milligrammes par kilomètres. Un dépassement constaté, sur les véhicules Volkswagen équipés du logiciel incriminé, de quarante fois la norme américaine équivaut à 1 720 mg par km, soit une valeur de près de dix fois supérieure à la norme européenne. M. Rivoal l’a implicitement reconnu au cours de son audition, lorsqu’il a précisé l’objet des rectifications qui doivent être réalisées au sein de son réseau : « La mise à jour du logiciel vise à établir une conformité avec la norme Euro 5 » ! Il a donc bien existé un manquement dans l’application de la norme européenne en vigueur. Les véhicules concernés peuvent même faire l’objet d’un retrait de leur homologation. L’objet du programme de « mise en conformité », soumis à l’approbation préalable puis supervisé par la KBA, est précisément d’éviter ce retrait de l’homologation qui entraînerait une interdiction de circulation en Europe.
De nombreuses procédures ont donc légitimement été enclenchées en France et en Europe :
● L’audition de Mme Nathalie Homobono, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a heureusement démontré qu’il ne convenait évidemment pas de s’en tenir aux seules analyses et affirmations des dirigeants de Volkswagen.
Mme Homobono a précisé qu’une enquête avait été très rapidement lancée par son administration, en France, concernant « une quinzaine de constructeurs sur le territoire national » après les révélations de l’EPA « … selon lesquelles il y avait une action délibérée pour contourner les normes des émissions polluantes aux États-Unis… ». Cette enquête a débuté par une phase exploratoire qui a porté, en premier lieu, sur les véhicules du groupe Volkswagen avec une perquisition, le 16 octobre 2015, au siège de Volkswagen Group France.
Mme la directrice générale de la DGCCRF a clairement exposé devant la mission l’objet et le mode opérationnel de cette enquête :
« Il nous est apparu que Volkswagen France et Volkswagen Allemagne avaient, de manière manifeste et délibérée, mis en place des dispositifs pour fausser les résultats des contrôles. Le logiciel qui pilote les véhicules avait pour objectif d’identifier les tests, de fausser les paramètres d’émissions, et donc, de permettre aux véhicules de passer avec succès les tests d’homologation concernant les émissions atmosphériques.
Nous avons adressé au parquet de Paris un procès-verbal pour tromperie, dans lequel figuraient les éléments caractérisant l’infraction au plan matériel, c’est-à-dire les lignes de code du logiciel ayant pour but de fausser les résultats des contrôles. Il nous appartenait également de démontrer le caractère intentionnel de la fraude, c’est-à-dire la volonté manifeste du groupe de mettre en place ce dispositif pour atteindre le niveau d’émissions permettant de passer avec succès les tests d’homologation. L’affaire est aujourd’hui entre les mains du parquet de Paris qui a désigné des juges d’instruction ».
Pour autant, de fortes divergences subsistent entre les systèmes de droit particuliers aux États membres, en matière pénale et civile, notamment entre les jurisprudences nationales s’agissant de l’existence et de l’étendue d’un préjudice (direct ou indirect) de nature économique qui serait subi par les consommateurs.
Mme Nathalie Homonobo a précisé « Dans certains pays, par exemple, il est possible de poursuivre les personnes morales, dans d’autres les personnes morales ou les personnes physiques. Les moyens d’action ne sont donc pas harmonisés […] ce qui incite à poursuivre les échanges entre les autorités judiciaires », ajoutant par ailleurs « ... les moyens d’action peuvent aussi différer d’un pays à l’autre ». Mme Homobono a aussi fait état de réunions de coopération entre autorités judiciaires dans le cadre d’Eurojust. La première de ces réunions qui a rassemblé 19 États membres sur 28 s’est tenue le
10 mars 2016. Cette réunion n’a apparemment pas apporté de réponse certaine sur l’application du principe selon lequel on ne peut juger deux fois un auteur d’infraction suspecté d’un même fait.
● En Allemagne, la question de l’indemnisation des propriétaires de véhicules « affectés » se pose dans les mêmes termes qu’en France. À ce jour, aucune solution ne se dessine en ce sens. Néanmoins le Parquet de Brunswick concentre cinq enquêtes distinctes sur l’affaire, une première enquête préliminaire ayant été lancée à la fin du mois de septembre 2015. Le Parquet d’Ingolstadt est également saisi.
Deux extensions aux investigations diligentées par ce tribunal sont intervenues en juin puis en juillet 2016. La première porte sur un soupçon de manipulation de cours de la part de M. Martin Winterhorn (ancien président du directoire démissionnaire au 23 septembre 2015) et d’un autre dirigeant, cette enquête faisant suite à une plainte de la Bafin (33), le gendarme allemand des marchés financiers. La seconde extension d’enquête est motivée par une suspicion de manquement de la part de la direction à ses obligations de contrôle et de supervision en n’empêchant pas la falsification des tests : à ce titre, l’entreprise risque une très lourde amende car le droit allemand prévoit une sanction financière « à hauteur de l’avantage économique retiré ».
Le groupe encourt également des poursuites engagées par certains de ses actionnaires institutionnels pour défaut d’information : il s’agit du Fonds souverain norvégien qui détient 1,6 % du capital du groupe et du Land de Bavière qui demande réparation au nom du fonds de pension de ses fonctionnaires qui détient des actions Volkswagen. Le Land de Hesse et le Land de Bade-Wurtemberg ont également fait part de leur intention de demander réparation à Volkswagen s’agissant de la perte de valeurs d’actions de ce groupe détenues dans leur portefeuille. En revanche, le Land de Basse-Saxe, deuxième actionnaire de Volkswagen, a confirmé, au cours du mois d’août 2016, qu’il ne voyait aucun fondement légal à poursuivre le constructeur en justice.
● Dans les autres pays européens, les poursuites en cours témoignent d’une grande disparité tant sur les moyens juridiquement invoqués que sur les objectifs de réparation.
– En Espagne, un pays dans lequel Volkswagen est un des premiers constructeurs, la section économique de l’Audience nationale, la plus haute instance judiciaire du pays, a mis en examen le groupe Volkswagen, en juillet 2016, pour « escroquerie et atteinte à l’environnement ». Une commission rogatoire, adressée en Allemagne, vise Volkswagen AG, la maison-mère du groupe considérée comme unique responsable. Sans préjuger de l’indépendance des autorités judiciaires espagnoles, les suites de la procédure pourraient être contrariées par le poids économique de Volkswagen en Espagne qui dispose de deux importantes usines en Catalogne et en Navarre. Le groupe s’est empressé de communiquer sur l’état de ses engagements dans le pays, en rappelant, dès octobre 2015, qu’il projetait d’y investir 4,2 milliards d’euros dans les cinq prochaines années.
– En Italie, pays dans lequel 650 000 véhicules du groupe sont concernés, l’Autorité en charge de la concurrence a infligé, en août 2016, une amende de 5 millions d’euros à Volkswagen pour « pratiques commerciales incorrectes ».
– En Suède, le ministère des finances a fait part de sa volonté d’engager un redressement fiscal à l’égard du groupe représentatif du manque à gagner au titre du malus (un régime en vigueur depuis 1991 dans le pays) pour les surplus de CO2 émis par les quelque 225 000 véhicules concernés.
Deux pays extra-européens sont fortement engagés sur la voie contentieuse et probablement plus que des États européens qui comptent pourtant un plus grand nombre de véhicules affectés :
En Australie, la Commission de la concurrence et à la consommation (ACCC) accuse Volkswagen de « comportements destinés à tromper le public » et pointe les multiples atteintes aux règles de la consommation : pour chaque violation relevée une amende pouvant atteindre 1,1 million de dollars australiens est encourue.
La Corée a déjà infligé une amende (11 millions d’euros), après avoir suspendu les ventes de 30 modèles du groupe et a engagé des investigations pénales pour « falsifications des émissions et niveaux sonores » (125 000 véhicules concernés) qui ont d’ailleurs donné lieu à des arrestations largement médiatisées de cadres du groupe.
b. Un programme de « mise en conformité » minimaliste
En tant qu’organisme d’homologation des différents modèles du groupe Volkswagen « affectés » par le logiciel truqueur, le KBA (Kraftahrt-Bundesamt), l’autorité fédérale allemande des transports, dispose du pouvoir de rendre obligatoires, par extension dans tous les pays de l’Union européenne, les mesures rectificatives à réaliser dans les réseaux. Ces mesures doivent lui être soumises par chacune des marques en cause et obtenir l’autorisation explicite de mise en œuvre. Pour chacune des versions concernées du moteur EA 189, le KBA n’accorde son autorisation à un schéma de rectification qu’après avoir vérifié qu’il n’entraîne pas de répercussions sur la consommation, les performances et les émissions, y compris les émissions sonores. Ces approbations ne concernent que le seul marché européen et n’ont aucun effet sur le marché nord-américain où s’exercent les compétences de l’EPA et de la Carb. Des mesures techniques rectificatives approuvées en Europe peuvent donc être récusées par les autorités américaines.
– Au cours mois de novembre 2015, le KBA a approuvé les solutions techniques présentées par Volkswagen concernant les deux catégories 1,6 l et 2,0 l du moteur du type EA 189 en cause. Une mise à jour du logiciel est ainsi à réaliser en atelier pour le moteur 2,0 l, alors que s’agissant du moteur 1,6 l, une opération plus complexe doit être menée à bien puisqu’il faut, en plus de la révision du logiciel, installer une pièce en plastique, un régulateur de flux, devant le débitmètre de masse d’air. Les durées d’intervention respectivement évaluées par Volkswagen sont de 30 minutes dans le premier cas et d’une heure dans le second.
Concernant la version 1,6 1 du moteur EA 189 qui exige l’adjonction d’une pièce supplémentaire de faible valeur, le journal L’Argus relevait : « la mesure qui sera appliquée au 1,6 litre TDI au cours du troisième trimestre a de quoi surprendre. Alors que le patron de Volkswagen Angleterre aurait révélé qu’il faudrait sûrement remplacer les injecteurs, le groupe s’en tire avec une refonte du logiciel destiné à optimiser la quantité d’injections et le montage d’un régulateur de flux d’air. Ce dernier est censé calmer le flux en amont du débitmètre et améliorer sa précision. Ce système détermine le débit massique de l’air, essentiel pour optimiser la combustion. Un tamis en plastique d’une dizaine d’euros, une demi-heure de main-d’œuvre et l’affaire est dans le sac ! En découle une première interrogation : pourquoi Volkswagen ne l’a-t-il pas installé auparavant ? Pourquoi avoir pris de tels risques ? ».
– La rectification à opérer sur le moteur EA 189 de la catégorie 1,2 l TDI trois cylindres, le troisième type de moteurs concernés, a obtenu plus tardivement du KBA, au mois d’août 2016, son autorisation de mise en œuvre. Ce moteur équipe certains modèles de Volkswagen Polo, Skoda Fabia et SEAT Ibiza. Au total, 460 000 véhicules en circulation de ces trois marques sont équipés de ce moteur en Europe dont 38 200 en France.
Dans les faits, la mise en œuvre des rectifications en atelier, après rappels des véhicules concernés, accuse un réel retard par rapport au calendrier dont M. Jacques Rivoal, président de Volkswagen France, a fait état devant la mission d’information au cours de son audition du 9 février 2016. Il indiquait alors que les rappels venaient précisément, à cette date, de débuter dans le réseau français et qu’ils concernaient, en premier lieu, l’Amarok, un modèle de pick-up d’ailleurs assez peu répandu en France.
À ce jour, le rythme des rectifications ne correspond pas au programme initialement annoncé par le groupe Volkswagen, dans la quasi-totalité des différents marchés européens. En septembre 2016, l’agence de presse Reuters a estimé que seulement 10 % des 8,5 millions de véhicules « affectés » en circulation en Europe avaient fait l’objet de mises à jour rectificatives. Cette information n’a pas été démentie par la direction de Volkswagen. Même si les opérations à réaliser sont a priori standardisées et strictement répétitives, la programmation des réceptions des véhicules en atelier n’est certainement pas aisée.
Au glissement du calendrier, s’ajoute l’absence de certitude sur le fait que la totalité des 948 000 véhicules concernés en France feront l’objet de la mise en conformité à la norme Euro 5. M. Jacques Rivoal a indiqué que 600 000 clients s’étaient manifestés auprès de Volkswagen France, parmi lesquels seuls 150 000 avaient été identifiés comme propriétaires d’un véhicule touché. À la date de son audition par la mission, 800 000 propriétaires n’avaient donc pas été identifiés et M. Rivoal n’a pas apporté l’assurance que tous les propriétaires concernés en France bénéficieront de solutions de correction s’agissant d’émissions polluantes qui, si elles n’entraînent pas de problème de sécurité, posent assurément des problèmes de santé publique.
À cet égard, on rappellera que Volkswagen a procédé en deux temps : d’abord en adressant un premier courrier pour signaler l’existence du problème sur leur véhicule à chaque propriétaire concerné ; ce premier courrier étant suivi d’une lettre les invitant à se rendre en concession. Sur ce point, votre Rapporteure considère, comme la presse automobile l’a également souligné, qu’il n’est pas acceptable que Volkswagen ait cru bon de faire planer une menace à l’égard des propriétaires qui ne répondaient pas à ce second courrier. En effet, une injonction leur a été adressée en leur précisant que leur abstention les obligerait à signer une décharge dédouanant le constructeur et qu’ils pourraient même s’exposer à une décision d’immobilisation administrative de leur véhicule. Il semble que Volkswagen ait renoncé à ce type d’injonction qui peut néanmoins subsister verbalement auprès d’une partie de sa clientèle ayant subi, il ne faut pas l’oublier, un désagrément manifeste.
Au-delà du désagrément et des contraintes matérielles, le préjudice juridique ne saurait être purement et simplement occulté. La procédure de rappel a entraîné une renonciation de la part des marques concernées du droit d’invoquer la prescription pour toute réclamation de garantie qui concernerait un dysfonctionnement, une panne voire un désordre mécanique du fait du logiciel truqueur installé sur les véhicules équipés des moteurs EA 189. Cette renonciation n’a qu’un caractère temporaire, elle a pour limite la date du 31 décembre 2016. Un report de cette date limite s’impose en considérant des retards désormais évidents dans l’exécution du programme de mise en œuvre des rectifications que pourtant les dirigeants de Volkswagen qualifiaient initialement de simples « mesures de service en atelier ».
Plus généralement, votre Rapporteure considère que la DGCCRF doit faire preuve de la plus grande vigilance sur les éventuelles difficultés qui pourraient d’ores et déjà subvenir ou qui se révéleraient à l’avenir sur les termes et la portée de cette garantie, postérieurement à la réalisation des rectifications. Les éventuelles augmentations de la consommation et diminutions des performances ne peuvent s’apprécier que dans une certaine durée d’utilisation d’un véhicule.
De la difficulté d’obtenir des explications de Volkswagen France
La volonté de la mission d’information d’auditionner les responsables de la filiale française de Volkswagen relevait de l’évidence.
Dès le 4 décembre 2015, un contact a été pris avec M. Jacques Rivoal, président du directoire de Volkswagen Group France, afin qu’il soit auditionné au cours du mois de janvier 2016. La réponse par mail de M. Rivoal a tout simplement été celle d’une fin de non-recevoir, en considérant qu’il ne dirigeait qu’une simple entreprise d’importation et de commercialisation de véhicules et que son audition ne pourrait guère être utile à l’information de la mission s’agissant de s’exprimer sur les conséquences de l’« Affaire Volkswagen » ou sur tout autre thème relatif à l’offre automobile.
Une telle réponse était évidemment inacceptable, notamment au regard de la place de Volkswagen en France qui détient près de 13 % du marché.
La filiale française de Volkswagen considérait son entreprise comme totalement étrangère à l’objet même de la mission. Le patron de la branche nord-américaine de Volkswagen, Michael Horn, avait pourtant immédiatement déféré, le 8 octobre 2015, à une convocation du Congrès. En outre, les homologues de M. Rivoal, à la tête des filiales du groupe en Italie et au Royaume-Uni avaient, eux aussi, déjà été auditionnés par des commissions parlementaires dans ces pays.
Officiellement convoqué par une lettre recommandée du 12 janvier 2016, cosignée par la Présidente et la Rapporteure, M. Rivoal ne s’est pas présenté à son audition fixée le 27 janvier 2016. Les membres de la mission ont unanimement exprimé leur volonté de saisir le Président de l’Assemblée nationale afin qu’il confère à la mission, en application des dispositions de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 et des articles 145-1 et suivants du Règlement, des prérogatives de contrôle analogues à ceux d’une commission d’enquête. Ce qui fut fait, le jour même, par un courrier sous la signature de la Présidente et de la Rapporteure de la mission d’information.
Invoquant un « malentendu », dans une lettre du 1er février 2016, le président du directoire de Volkswagen Group France exprimait un revirement de position en confirmant sa participation à l’audition fixée à la date du mardi 9 février 2016.
Cet épisode traduit un comportement que plusieurs interlocuteurs de la mission ont considéré tout à fait caractéristique de l’entreprise Volkswagen dans son ensemble, ce que d’aucuns qualifieraient même de « bunkerisation » à son sommet.
L’audition du président du directoire de Volkswagen Group France s’est révélée décevante :
– Monsieur Jacques Rivoal a principalement fait état du calendrier prévisionnel des rappels en atelier afin de progressivement réaliser les « mesures de service » mais sans fournir de précisions techniques détaillées ou probantes, en rappelant d’ailleurs « qu’il n’était pas ingénieur ! »
– M. Rivoal a également présenté un graphique comparatif de tests effectués en Allemagne concernant des véhicules Euro 6 de constructeurs concurrents, un graphique censé relativiser les niveaux de NOx constatés à l’échappement par les véhicules du groupe Volkswagen au sujet duquel votre Rapporteure a fait observer que « les données proviennent de l’Allgemeiner Deutscher Automobil-Club (ADAC) qui, en 2014, a été reconnu coupable de manipulations au profit de Volkswagen pour le vote portant sur la voiture préférée des Allemands, ainsi que pour les 9 années précédentes ».
– M. Rivoal a ensuite souligné l’aspect « positif » des opérations à la charge du réseau, car susceptibles d’accroître les besoins en mécaniciens et conseillers-clientèle et qui représenteraient jusqu’à 900 recrutements (en CDD ou intérim) en 2016-2017. La mission d’information ne considère évidemment pas comme structurantes, pour la filière automobile, des mesures consistant à réparer ponctuellement et dans l’urgence des erreurs ou des fraudes dont la responsabilité incombe à un industriel.
c. Les prérogatives limitées des autorités françaises
Après la révélation du scandale, les pouvoirs publics en France ont légitimement pris des dispositions vis-à-vis du groupe Volkswagen. M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat (34), a informé la mission des démarches effectuées : « Depuis la sortie de l’affaire, nous avons échangé avec Volkswagen France et nous avons auditionné des spécialistes. La société mère s’est adressée aux ministres des pays membres de l’Union européenne pour exposer son travail visant à remédier à la situation. Nous avons dû enjoindre à Volkswagen de cesser toute vente de véhicules équipés d’un defeat device – pour reprendre l’appellation en langue anglaise. »
Pour sa part, M. Jacques Rivoal, a donné une toute autre version indiquant que « c’est nous qui avons décidé d’arrêter la commercialisation de ces véhicules », par le biais d’un courrier adressé au réseau le 9 octobre 2015.
M. Cédric Messier, chef du bureau des voitures particulières au sein de la sous-direction de la sécurité et des émissions des véhicules, a précisé la forme juridique de l’injonction des pouvoirs publics : « concernant les interdictions de commercialisation de véhicules Volkswagen frauduleux, lorsqu’une nouvelle norme entre en vigueur, on peut accorder une dérogation de stock pour les véhicules relevant de la norme précédente. La norme Euro 6 étant entrée en vigueur le 1er septembre 2015, nous avons donc retiré la dérogation de stock accordée à Volkswagen pour la commercialisation des véhicules relevant de la norme Euro 5 – c’est la seule mesure que nous puissions prendre au plan national. »
Ce retrait de la « dérogation de stock » ne concerne que la vente de véhicules neufs répondant à la norme Euro 5. La vente des véhicules d’occasion équipés du logiciel fraudeur n’est donc pas interdite, bien qu’ils contreviennent à la norme Euro 5.
En outre, l’homologation des véhicules ayant été délivrée par les autorités allemandes, la législation européenne limite effectivement les prérogatives de la France en matière de retrait du certificat de conformité autorisant la circulation de ces véhicules. Pour autant, l’affaire Volkswagen témoigne des grandes insuffisances de la législation française en matière de rappels obligatoires notamment (35). Les pouvoirs publics se trouvent ainsi relativement « démunis » pour prendre un certain nombre de mesures conservatoires face à une fraude d’une ampleur inédite.
d. Une « concurrence déloyale » peu dénoncée
Devant la mission, M. Carlos Tavares, président du directoire du Groupe PSA, a été l’un des rares à dénoncer nettement le tort causé par Volkswagen aux autres constructeurs : « cette affaire de fraude a eu un grave impact et a causé un lourd préjudice à l’ensemble de l’industrie automobile, et en particulier à PSA qui est le leader des émissions de CO2 sur le marché européen, ce qui nous a beaucoup chagrinés et préoccupés ». Cette affirmation, au demeurant non polémique, traduit une réalité qui pourtant n’a été que fort peu dénoncée par les autres constructeurs européens de même que par les autres grands acteurs de la filière automobile française, dont, il est vrai, une partie des activités dépend des commandes du secteur automobile d’outre-Rhin.
Le poids de Volkswagen dans la filière automobile en France
Volkswagen Group France ne produit pas de véhicules particuliers en France (à l’exception de l’usine Bugatti de Molsheim). Premier importateur avec une part de marché voisine de 13 %, Volkswagen emploie en France quelque 15 000 salariés avec ses différents réseaux et ses activités de financement. La filiale française réalise un chiffre d’affaires supérieur à 6 milliards d’euros.
L’apport du groupe Volkswagen à la filière automobile française dépasse cependant de beaucoup les seules activités de sa filiale française. Comme n’a pas manqué de le souligner M. Rivoal, président du directoire de Volkswagen Group France, « nos commandes représentant entre un quart et un tiers du chiffre d’affaires de Valeo, Plastic Omnium et Faurecia ».
En effet, l’industrie automobile allemande, dans son ensemble, assure une part importante et croissante du chiffre d’affaires des grands équipementiers français, voisine de 30 % pour Valeo et Plastic Omnium. Volkswagen est ainsi devenu, par exemple, le premier client de Plastic Omnium en représentant 16 % de son chiffre d’affaires, juste devant General Motors (15 %), PSA (12 %) et BMW (9 %). De même, de nombreux équipementiers de rang 1 (Valeo, Faurecia) et 2 (ARaymond) ont confirmé à la mission d’information qu’ils comptaient aussi le groupe Volkswagen parmi leurs premiers clients. Les développements de haute technologie des équipementiers sont en effet tirés par le haut de gamme des marques premium.
Votre Rapporteure a souhaité connaître plus en détail le niveau de « dépendance » de l’industrie française, ainsi que le nombre d’emplois concernés chez les sous-traitants français dépendant directement de la production de Volkswagen.
Interrogé par la mission d’information sur un éventuel travail d’estimation des conséquences possibles de l’affaire Volkswagen sur l’emploi en France, M. Christophe Lerouge (36), chef du service de l’industrie à la Direction générale des entreprises, a précisé que « concernant le nombre d’emplois en France dépendant de Volkswagen, ce grand constructeur ne produisant malheureusement pas dans notre pays, nous avons interrogé sans succès ses fournisseurs car ils agrègent leurs ventes, soit au niveau de tous les constructeurs allemands soit au niveau mondial. Nous avons beaucoup de mal à obtenir des informations précises quant à l’impact de cette affaire chez nous. (…) On sait que Valeo vend près de 30 % de ses pièces à l’Allemagne mais sans plus de détails. Les équipementiers considèrent que leurs parts de marché par constructeur constituent des informations confidentielles. C’est pourquoi, même interrogés indépendamment de la FIEV, leur fédération professionnelle, et de la PFA, ils ne nous répondent pas à ce stade. Nous avons en revanche demandé aux directions régionales des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) de mener une veille très active dans la mesure où elles ont un accès privilégié à certains sites, y compris de rangs 2 et 3. (…) Pour être très franc, nous sommes même allés au-delà puisque nous avons demandé à Arcelor-Mittal quel serait l’impact de l’affaire sur leur production d’acier destiné à l’automobile. Nous n’avons pas non plus obtenu de réponse. Nous avons essayé de nous renseigner tous azimuts mais nous n’avons malheureusement guère obtenu d’informations ».
Enfin, M. Alban Galland, chef du bureau de l’industrie de l’automobile à la DGE, a précisé devant la mission « À ce stade néanmoins, comme nous l’anticipions, les impacts sur les chiffres de vente sont relativement faibles en volume. Mais il a été annoncé qu’une partie de l’effort financier accompli par Volkswagen serait reportée sur ses sous-traitants. Cela répond en partie à votre question. »
3. « Das Auto » n’est plus ce qu’elle était
a. Quand la fin justifie les moyens
L’« Affaire Volkswagen » ne peut être considérée sous le seul angle des chiffres de véhicules qu’elle a concernés sur le marché américain (482 000) et même, plus massivement encore, en Europe (8,5 millions).
Le système mis en œuvre par Volkswagen repose sur un algorithme sophistiqué qui coupe le système de contrôle des émissions en situation de circulation normale pour ne l’activer qu’au cours des tests en laboratoire dont il identifie les protocoles normalisés.
● Recourir à une telle fraude a paru « vital » à Volkswagen dans sa quête de parts de marché aux États-Unis. En effet, les véhicules diesel que le groupe a ainsi commercialisés, sur la période 2009-2015, ne pouvaient satisfaire « en l’état » aux normes américaines plus sévères et plus complètes, s’agissant spécialement des émissions d’oxydes d’azote.
Encore faut-il souligner que le marché américain du diesel est très limité puisqu’il ne concernait, en 2015, qu’un peu plus de 3 % des ventes de véhicules légers, alors que dans de nombreux pays européens le taux de diésélisation atteint ou dépasse 50 % (37). Ceci explique que près de deux fois plus de véhicules en circulation (précisément 948 064) sont « affectés » par ce logiciel fraudeur en France par rapport aux États-Unis (38). Outre la France, les pays d’Europe généralement présentés comme « surdiésélisés » sont l’Espagne, la Belgique et le Portugal. Dans le reste du monde, seuls la Corée (48 %), un pays qui compterait près 160 000 véhicules du groupe Volkswagen « affectés », et l’Inde (47 %) atteignent des taux de motorisation diesel presque aussi importants qu’en Europe.
S’agissant des motorisations diesel, les États-Unis représentent effectivement un cas particulier, ce pays étant de longue date un marché automobile « tout essence » (39). D’abord parce que le public a gardé un mauvais souvenir de véhicules diesel peu fiables introduits sur le marché au cours des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt. General Motors avait ainsi connu un important échec avec des véhicules diesel lancés sous sa marque Oldsmobile.
Dans le cadre de leur promotion du diesel, les constructeurs allemands raisonnaient aussi en termes d’économies d’échelle : en pénétrant le marché nord-américain avec une offre diésélisée intégrant des modèles déjà largement commercialisés en Europe, ils prévoyaient de compenser un ralentissement, voire une baisse, des principaux marchés européens du diesel, des mouvements qu’ils considéraient probables, dès 2013-2014.
Cette stratégie pro-diesel conduite aux États-Unis avait également pour objectif d’offrir à un prix et pour des performances comparables une alternative aux solutions « hybrides » qui se sont développées plus précocement qu’ailleurs et avec un réel succès sur le marché américain.
● Le groupe Volkswagen est un géant mondial de l’industrie automobile. Avec douze marques, il a réalisé, au titre de l’exercice 2015, un chiffre d’affaires mondial de 213 milliards d’euros. Au cours des dernières années, sa présence s’est renforcée sur tous les continents : en 2015, Volkswagen a ainsi livré en zone « Asie-Pacifique » plus de 3,9 millions de véhicules contre 3,43 millions dans la zone « Europe de l’Ouest », désormais dépassé par le marché chinois qui, à lui seul, a enregistré 3,55 millions de livraisons de véhicules du groupe. Le groupe emploie 610 000 salariés dans le monde et dispose de sites de production dans vingt pays.
Volkswagen et Toyota se livrent à un chassé-croisé pour occuper le premier rang mondial des constructeurs, une position qui, jusqu’en 2008, avait été tenue sans discontinuité par General Motors durant près de 70 ans.
Au terme du 1er semestre 2016, Volkswagen a d’ailleurs retrouvé cette place de leader mondial alors que Toyota avait terminé l’année 2015 à ce premier rang. 2015 a toutefois marqué un léger recul (le premier depuis treize ans) en termes de ventes mondiales pour le groupe avec 9,93 millions de véhicules livrés contre 10,1 en 2014, année record. Ce tassement relatif des ventes est essentiellement dû à l’orientation générale de certains marchés affectés par de profondes crises (Amérique du Sud et Russie) et non à un premier impact direct de l’« Affaire » qui n’a d’ailleurs été révélée qu’au cours du dernier trimestre de l’année. En 2015, les ventes du groupe ont d’ailleurs progressé dans la zone « Amérique du nord » (+ 1,2 % aux États-Unis).
● Un des traits caractéristiques du groupe Volkswagen tient à son obsession des volumes, particulièrement pour ce qui concerne ses marques généralistes (Volkswagen, Skoda et SEAT).
Cette orientation le porte à manifester une agressivité par les prix, particulièrement sensible dans la période de crise ouverte en 2008-2009 alors que ses concurrents étaient en grande difficulté. De même, cette inclinaison est perceptible depuis le déclenchement de l’« Affaire » sur ses principaux marchés sur lesquels le groupe multiplie les offres promotionnelles pour garantir ses débouchés. Volkswagen, la « marque phare » du groupe, qui représente la moitié de son chiffre d’affaires (106 milliards d’euros), supporte les conséquences de cette stratégie : sa marge opérationnelle était de seulement 2,5 % en 2014. Elle a atteint un point bas de 2 % en 2015, loin derrière les situations de PSA et Renault qui ont enregistré des rétablissements sensibles au terme de l’exercice avec des niveaux désormais voisins de 5 %.
À cet égard, Audi, qui est d’ailleurs la première marque Premium en France devant Mercedes et BMW, avec une marge opérationnelle de 8,6 %, et Porsche avec une marge opérationnelle de 15,8 %, demeurent « hors normes » dans le secteur automobile et assurent les principales sources de profitabilité d’un groupe plus fragile qu’il peut paraître. La marque Skoda affiche une marge opérationnelle voisine de 7 % mais est absente ou faiblement présente sur de nombreux marchés. Quant à SEAT, une progression de ses ventes de 6,5 % en 2015 lui a permis d’améliorer sa situation financière, mais pas de sortir d’une spirale d’exercices déficitaires.
Sur cette orientation, M. Carlos Tavares, président du directoire du groupe PSA, a parfaitement résumé les risques qui résultent d’une « fuite en avant » susceptible d’aboutir à une impasse industrielle. Interrogé au cours de son audition sur le scandale Volkswagen, celui-ci a précisé « … la stratégie qui consiste à faire en sorte d’être le plus gros ne fonctionne pas. On l’a observé non seulement avec le groupe Volkswagen, mais également avec d’autres entreprises
– une grande entreprise japonaise et une grande entreprise américaine. Au cours des vingt ou trente dernières années, toutes les grandes entreprises automobiles qui se sont fixé comme stratégie d’être les plus grosses ont connu de graves dysfonctionnements : soit des fraudes, comme celles que vous avez mentionnées pour Volkswagen, soit de gravissimes problèmes de qualité, ce qui est le cas pour les autres. Cette affaire a donc fini par me convaincre que la croissance n’est jamais que la conséquence juste et heureuse de la satisfaction des clients, mais ne peut être une fin en soi. Il faut donc rester concentré sur l’essentiel : la qualité, l’éthique et le respect des règles qui nous sont imposées par les sociétés dans lesquelles nous opérons ». Ce propos touche effectivement à l’essentiel. Il importe aujourd’hui de devenir un constructeur de référence par le caractère innovant des produits et services proposés, et non de produire pour produire. L’histoire dira, sans doute assez vite, si Volkswagen a perdu sa qualité de constructeur de référence à laquelle il a pourtant longtemps pu prétendre avec une perception plutôt favorable de son image dans l’opinion.
b. La responsabilité de la culture d’entreprise
Autre trait caractéristique du groupe Volkswagen : un mode de management particulièrement autoritaire et centralisé.
Au long de ses échanges avec des professionnels de l’automobile, votre Rapporteure a constaté que de nombreux interlocuteurs ont fait spontanément état de la culture d’entreprise. Au regard de sa longue expérience à la tête du groupe Renault, M. Louis Schweitzer, désormais commissaire général à l’investissement (40), a le plus clairement précisé, au cours de son audition, ses observations sur ce qu’il convient d’appeler la « culture Volkswagen » :
« Pourquoi ai-je dit n’avoir pas été surpris que cette tricherie ait eu lieu chez Volkswagen et pas chez un autre constructeur ? Cette entreprise que je connaissais bien a connu une grande réussite industrielle : il y a dix ans, elle valait moins que Renault en bourse ; aujourd’hui elle est le premier constructeur mondial. Trois traits principaux marquaient sa culture : premièrement, elle était animée d’une telle volonté de réussite entrepreneuriale que tout obstacle était considéré comme illégitime – dès lors tricher n’apparaissait pas comme un vrai péché ; deuxièmement personne ne pouvait contredire les ordres donnés par le chef ; troisièmement, il était impossible d’avouer que l’on n’avait pas réussi à exécuter lesdits ordres. Dans ces conditions, vous pouvez aisément imaginer que si le chef a dit qu’il ne fallait pas contraindre le conducteur avec un réservoir supplémentaire, qui risquait de dégrader la performance et d’accroître les coûts, les salariés ont répondu qu’ils y arriveraient car c’était la limite du possible. Je ne sais pas du tout qui a décidé de tricher, il y a une enquête en cours. Toutefois, il est clair que le mécanisme de la tricherie peut être enclenché dès lors que personne ne discute les ordres du chef et n’ose avouer qu’ils n’ont pas pu être mis en œuvre ».
L’histoire du groupe est effectivement marquée par des patrons « de droit divin », ce que ne pourra sans doute pas être le nouveau président du directoire, M. Matthias Muller, qui a accédé à cette fonction en conséquence directe du scandale américain ayant contraint son prédécesseur à la démission.
– La personnalité et la longévité des dirigeants n’ont pas été sans conséquences, depuis la présidence de M. Heinrich Nordhoff, autorisé par les Alliés à relancer l’entreprise en 1948 et qui exercera son mandat jusqu’à son décès vingt ans plus tard, à une époque où Volkswagen était un constructeur à modèle unique, la Coccinelle, qui rencontra un succès mondial. Sans oublier M. Ferdinand Piech, petit-fils de Ferdinand Porsche, qui a bâti le groupe Volkswagen dans sa dimension actuelle, à compter des années quatre-vingt-dix (notamment avec la croissance de la marque Audi) et confortera également la participation des familles Piech et Porsche à son capital, en occupant la présidence du directoire puis du conseil de surveillance jusqu’en avril 2015.
– L’entreprise a certes historiquement connu certains débats internes au plus haut niveau, d’ordre stratégique ou financier, mais elle a toujours été dirigée d’une « main de fer » par une direction ne supportant pas la mise en cause d’une orientation. L’influence syndicale au travers du système allemand de la cogestion, les représentants syndicaux disposant de la moitié des sièges au conseil de surveillance, n’a jamais véritablement tempéré les orientations managériales. Au contraire, une certaine opacité de fonctionnement a même abouti, en 2005, à un scandale de corruption interne mettant en cause des responsables du puissant syndicat IG Metall dans leurs relations avec la direction du groupe Volkswagen. Ce scandale entraînera notamment la démission forcée de hauts cadres dont M. Peter Hartz, le directeur du personnel, une personnalité qui a été à l’origine des règles d’assouplissement du droit du travail, dites « lois Hartz », mises en œuvre par le gouvernement Schröder au début des années 2000.
Les modifications opérées sur les véhicules Volkswagen ont été frauduleusement introduites dans un boîtier électronique EDC 17 produit par l’équipementier Robert Bosch (41).
Il s’agit d’un élément livré par un fournisseur mais qui, postérieurement à son assemblage, est de la responsabilité du constructeur. Ce dernier point constitue la ligne de défense constamment invoquée par l’équipementier.
Selon le quotidien allemand Bild, le logiciel en cause serait le fait de l’équipementier, lequel aurait, dès 2007, alerté Volkswagen de l’usage illégal de « ce logiciel prévu uniquement pour des tests (internes) et non pour une conduite normale ». Le groupe Robert Bosch a officiellement communiqué en précisant : « Comme il est d’usage dans l’industrie automobile, Bosch en sa qualité d’équipementier livre les composants selon les spécifications du constructeur. La calibration de ces composants et leur intégration dans le système global du véhicule interviennent chez le constructeur ». Cette position a été explicitée par M. Guy Maugis, le président de la filiale française de Robert Bosch, au cours de l’audition par la mission des dirigeants de la FIEV (42) : « … c’est généralement le constructeur qui paramètre le calculateur que nous lui fournissons […] Les constructeurs ajoutent ensuite un certain nombre de briques logicielles dont ils sont propriétaires ». Il a ajouté : « Nous livrons une boîte avec une couche de logiciels qui va être « flashée » par le constructeur. Et nous n’avons pas la connaissance complète de ce qui est installé dans le calculateur » ; « Les codes sont bloqués. […] Il s’agit d’une boîte noire dans laquelle nous ne pouvons pas entrer ».
Ce point essentiel illustre une question de portée plus générale sur les responsabilités éventuellement partagées entre les constructeurs et leurs fournisseurs s’agissant de systèmes techniquement complexes. Une réponse certaine ne semble pas, à ce jour, assurée lorsqu’il s’agit de codages informatiques intégrés à un dispositif dont le fonctionnement repose, lui-même, sur un logiciel de base.
Le droit de propriété légalement reconnu à un constructeur sur les lignes de codage informatique qu’il a spécialement définies peut-il avoir pour conséquence d’empêcher, en toutes circonstances, un droit de regard externe sur ce qui deviendrait une « boîte noire » ?
4. Des « tricheries » en cascade
a. De découverte en découverte…
L’« Affaire Volkswagen » a rapidement eu l’effet d’un détonateur dans l’industrie automobile, bien au-delà des États-Unis. De nombreux constructeurs ont, en interne et dans la plus grande discrétion, procédé à leurs propres tests de vérification concernant le respect des émissions de leurs modèles. Les procédures de tests mises en place par les pouvoirs publics ont également généré leur lot de « révélations ».
Des tricheries ont été reconnues par certains constructeurs.
– Ainsi, au Japon, Mitsubishi Motors et Suzuki ont dû successivement reconnaître, au cours du mois de mai 2016, des manipulations concernant des données relatives aux performances énergétiques et d’émissions de certains de leurs modèles les plus courants. À l’issue d’un scandale ayant entraîné le départ des deux plus hauts dirigeants du groupe, Mitsubishi a admis une fraude concernant ses mini véhicules mais aussi l’Outlander PHEV, un véhicule 4X4 hybride rechargeable. Mitsubishi a reconnu que les premières manipulations de cette nature remontaient à … 1991 ! Pour sa part, Suzuki a évoqué des problèmes tenant à la localisation du circuit où sont menés les tests de ses véhicules « … sur une colline près de la mer, avec des conditions météo, de vent notamment, affectant les mesures ». Face à cette difficulté de procéder à des tests dans de bonnes conditions, le groupe a préféré compiler, à partir de 2010, des données mesurées en laboratoire, certains techniciens admettant avoir manuellement corrigé des résultats trop défavorables. Ces manipulations grossières pour réduire « sur le papier » les émissions de NOx ne concerneraient que des véhicules commercialisés au Japon.
– Dans d’autres cas, ce sont les procédures de contrôles mises en place par les pouvoirs publics qui ont révélé l’utilisation de dispositifs « truqueurs » destinés à tromper les tests d’homologation. Il en va ainsi de la découverte par le KBA, l’autorité allemande d’homologation, d’un dispositif permettant sur certains moteurs 2.0 diesel de FCA/Fiat-Chrysler (Fiat 500 X, Jeep Renegade et Fiat Doblo), de désactiver automatiquement le système de traitement des émissions polluantes au bout de 22 minutes, soit 2 minutes de plus que la durée moyenne des tests d’homologation. Le 25 août dernier, le ministère allemand des transports a saisi la Commission européenne à ce sujet.
Au-delà des cas de « tricheries » manifestes, s’ajoute la longue liste des véhicules que l’on pourrait qualifier de « hors normes » (43). Ainsi au Royaume-Uni, en Allemagne, en France. des tests, à l’initiative des pouvoirs publics, confirment l’existence de disparités flagrantes entre « données d’homologation » et « données en conditions réelles ». Ces résultats concernent des véhicules des normes Euro 5 et Euro 6 prélevés dans les parcs en circulation. De nombreux véhicules, après avoir subi les tests d’émissions avec des résultats « conformes » aux normes au cours de leur homologation, se comportent très différemment dans des conditions se rapprochant d’un usage quotidien. Il ne s’agit pas là de cas d’espèces qui ne concerneraient que quelques modèles, mais de séries entières de véhicules largement commercialisés. Tout au long de ses auditions et de ses rencontres avec des acteurs de la filière, la mission a pu constater que des constructeurs, parmi les plus réputés, peinaient à franchir les grandes étapes technologiques que leur impose l’obligation d’un respect permanent des normes Euro.
– Ainsi Opel a été mis en cause par la commission d’enquête administrative du ministère allemand des transports s’agissant d’un modèle Zafira, le plus récent de la norme Euro 6 (pourtant équipé dans sa version récente d’une vanne EGR de recirculation des gaz vers le moteur et d’un système de réduction catalytique des émissions de type SCR) : les résultats de cette commission officielle publiés en avril 2016 montraient des dépassements de NOx 6,5 fois supérieurs à la norme sur banc et 5 fois supérieurs en conditions routières. Opel a décidé de rectifier l’ensemble des systèmes de dépollution de sa gamme, en généralisant l’installation de nouveaux systèmes SCR plus efficaces, alors que nombre de ses modèles sont encore équipés de LNT ou Lean Nox Trap (généralement dénommés « pièges à NOx ») relevant d’une technologie plus ancienne. Cette mutation n’interviendra qu’à compter de 2018 comme cela a été confirmé à votre Rapporteure par M. Éric Wepierre, président de General Motors France, au cours d’un entretien.
– Pour ce qui concerne la France, parallèlement aux travaux de la commission technique mise en place par le ministère de l’écologie, des enquêtes administratives ont été ouvertes par la DGCCRF donnant lieu à des perquisitions chez Renault en janvier, puis PSA en avril, sans que l’on ne connaisse à ce jour l’issue de ces procédures. S’agissant de Renault, auditionnée le 5 avril dernier, Mme Nathalie Homobono, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), a expliqué le cadre de cette enquête : « Nous avons mené des investigations auprès des autres constructeurs qui commercialisent une partie des véhicules en France, sous leur marque. Nous avons également participé aux travaux de la commission d’enquête indépendante, sous la houlette du ministère de l’environnement. Compte tenu des résultats des tests communiqués par l’UTAC sur les véhicules sélectionnés par la commission d’enquête, il nous a semblé que d’autres situations méritaient un examen approfondi. C’est ce qui nous a amenés à nous intéresser plus particulièrement au constructeur Renault ; les résultats transmis par l’UTAC marquant un gros écart par rapport aux résultats des tests, dans le cadre de la procédure normalisée de l’homologation. Nous en sommes aujourd’hui à la phase d’audition d’un certain nombre de personnels de Renault, à qui nous demandons des explications complémentaires sur certaines pièces nécessaires à notre enquête. Les auditions des cadres de Renault, en présence des avocats de l’entreprise, ont commencé mi-mars et se poursuivent aujourd’hui ». En ce qui concerne les émissions de NOx de certains de ces véhicules, le Groupe Renault a par ailleurs présenté un plan de mise en conformité présenté à la mission d’information le 6 avril dernier. (44)
– Nissan a de même vu certains de ses véhicules mis en cause (Navara 2.5 L de type Euro 5 et Qashqai 1.6 L DCI de type Euro 6) tant par les investigations officielles allemandes que françaises.
De découverte en découverte, et quelles que soient les distinctions qu’il conviendra d’opérer, au terme des procédures engagées, entre des tromperies avérées et une situation de défaillance des systèmes de traitement des émissions polluantes dont les pouvoirs publics savaient tout et qu’ils ont laissé faire, c’est finalement toute la crédibilité de l’industrie automobile dans son ensemble, au niveau mondial, qui est profondément atteinte. Un « Dieselgate » a suivi l’« Affaire Volkswagen ». S’il n’exonère en aucune façon la responsabilité du constructeur allemand, il a mis à jour une situation de portée générale. Aucun des grands marchés automobiles nationaux n’est épargné.
b. Un mal pour un bien : transformer le scandale en opportunité
Un an après le début du scandale aux États-Unis, il est encore prématuré de percevoir avec certitude toutes les conséquences de l’« Affaire » pour le premier concerné, à savoir un groupe aussi puissant que Volkswagen. Au terme du 1er semestre 2016, il reste le premier groupe automobile pour sa part de marché globale en Europe qui a atteint 23,8 %. Mais il perd cependant plus d’un point par rapport à la même période de référence de 2015 (45). Pour ce semestre, les ventes de Volkswagen en France ont légèrement fléchi (– 0,5 %) s’agissant des véhicules particuliers. Toutefois, ses ventes de véhicules utilitaires ont sensiblement augmenté (+ 12,1 %) alors que, pour sa part, la marque Audi continue d’enregistrer un succès croissant sur le marché français (+ 13,4 %).
En janvier 2016, Matthias Muller réaffirmait encore l’intention du groupe de poursuivre une offensive sur le diesel, y compris aux États-Unis, avec des moteurs « modernes efficaces et peu polluants », et précisait que sans le diesel « il sera pratiquement impossible à notre industrie d’atteindre ses objectifs en matière de réduction des émissions de CO2 ». Pourtant, la stratégie du groupe vient de connaître un revirement global, avec la présentation du plan « Strategy 2025 », en juin 2016. Il donne une large place au développement de l’électrique considéré comme un « parfait contre-feu des thématiques gazole qui ont fait la force du groupe avant de devenir la source de ses difficultés ». Volkswagen entend ainsi lancer 30 modèles « tout électrique », c’est-à-dire de 2 à 3 millions de véhicules par an qui pourraient représenter entre 20 et 25 % des ventes, et le développement des batteries devient « une nouvelle compétence du groupe », avec la création d’usines dédiées. Le groupe prévoit également de lancer son premier véhicule totalement autonome en 2021 et d’accroître son offre dans les services à la mobilité. Ce plan exige dix milliards d’investissement, mais s’inscrit dans un cadre visant à dégager quelque 8 milliards d’économies par an.
Ce changement de pied de Volkswagen dans ses choix industriels ne peut être simplement mis sur le compte de la communication de crise et d’une stratégie de « greenwashing ». Pour tous les constructeurs, il y aura un avant et un après l’« Affaire ».
Sans dédouaner le constructeur allemand de ses responsabilités propres, le scandale a mis en lumière, telle une pelote que l’on déroule, toutes les facettes de la faillite d’un système.
Tout n’est pas clair dans un monde industriel pourtant solidement établi et dont on pouvait espérer les pratiques plus vertueuses. Le secteur automobile, que l’on pouvait considérer encore surpuissant, se trouve confronté, en réalité, à des défis gigantesques qui concernent l’évolution de ses productions. Cet événement planétaire a donc au moins un mérite : ouvrir la voie à une accélération de la réorientation profonde des stratégies industrielles vers la prise en compte des enjeux écologiques.
Tout n’est pas clair, non plus, du côté des pouvoirs publics, incapables d’assurer le respect des normes qu’ils édictent. Il faut aller jusqu’au bout de l’analyse de ces défaillances pour réellement transformer le scandale en opportunité et ne pas laisser passer une occasion unique de refonder la réglementation sur des bases robustes.
« Certaines voitures peuvent être « manipulées » (46) afin de passer avec succès les cycles de tests en laboratoire puis ensuite dépasser largement l’optimum admis lorsqu’elles se retrouvent sur la route. »
Janez Potočnik, Commissaire européen à l’environnement, Bruxelles, intervention au Parlement européen « colloque sur le thème de la qualité de l’air dans les villes », 22 mars 2011 (47).
« La multitude de capteurs calculateurs installés aujourd’hui dans les voitures constitue autant d’espions électroniques facilitant les petits ajustements avec la réglementation. Capables de déterminer si le véhicule est en train de passer un cycle de dépollution, ils permettent le plus simplement du monde de basculer l’électronique moteur sur le programme spécial homologation (...) rien n’est plus facile que d’ajouter une ligne de programme dans le calculateur moteur avec des réglages spécifiques au cycle de dépollution. »
Katia Lefebvre et Claude Baïotti, Auto Moto, « Normes de pollution : la grande triche ? », septembre 2005 (48).
Votre Rapporteure a posé, invariablement, cette question récurrente à l’ensemble des personnes que la mission d’information a auditionné : « avez-vous eu connaissance de l’existence d’un logiciel truqueur avant que le scandale n’éclate ? ». La réponse des interlocuteurs de la mission a été invariablement la même : « non, mais... » (49).
Si, d’après les déclarations recueillies, l’utilisation par Volkswagen d’un logiciel destiné à tromper les tests d’homologation n’était pas connue, les travaux de la mission ont pu établir que la possibilité d’une telle triche, elle, l’était parfaitement. Votre Rapporteure a cherché à en reconstituer l’historique. À partir de quel moment a-t-on su, exactement, qu’une telle fraude était possible, s’agissant non pas des techniques dites d’« optimisation » notoirement connues, mais bien de l’utilisation d’un logiciel truqueur ?
Mme Katia Lefebvre, ancienne journaliste, auteure de l’article d’Auto Moto intitulé « Normes de pollution : la grande triche ? » qui décrivait de façon circonstanciée le fonctionnement d’un tel logiciel, a indiqué à votre Rapporteure que l’enquête publiée en 2005 ne reposait pas sur une simple déduction logique liée aux possibilités offertes par les développements de l’électronique, mais sur des témoignages concernant des usages constatés « plusieurs fois », bien qu’il ne lui était pas possible de nommer alors un constructeur : « Quand le scandale est sorti, j’y ai repensé. À l’époque, j’avais fait mon job ».
En 2005, aucune suite n’avait été donnée à la publication de cet article. Les pouvoirs publics n’avaient pas davantage sollicité l’éclairage des rédacteurs de l’enquête pour engager des investigations. Selon Mme Lefebvre, « ça n’intéressait pas ».
Lors de la table ronde avec la presse automobile, M. Didier Bollecker, président de l’Automobile Club Association, a affirmé que l’existence de logiciels tels que celui découvert chez Volkswagen était un « un secret de polichinelle à Bruxellestandis que d’autres intervenants, lors de cette même audition, notaient que « depuis les années quatre-vingt on sait que c’est possible et on en discute. (50)»
Ainsi si le premier constructeur européen a pu équiper jusqu’à 11 millions de véhicules Euro 5 d’un logiciel destiné à tromper les tests d’homologation, ce n’est pas parce que les autorités de contrôle auraient fait preuve d’ignorance ou d’aveuglement, mais parce que, bien qu’alertées, elles n’ont cherché ni à prévenir, ni à enquêter sur ce type de fraude, alors que tout le monde savait qu’elle était possible, probable, voire constatée.
1. Des écarts de notoriété publique entre les tests et la réalité, dès l’origine
Le protocole NEDC (New European Driving Cycle), qui évalue, en vue de leur homologation, la consommation et les émissions polluantes des véhicules en laboratoire, sur des bancs à rouleau, a plus de quarante ans (51). Or, non seulement ces tests sont très loin de refléter les conditions de conduite en situation réelle, mais les constructeurs automobiles ont pu aller, du fait du flou juridique qui entoure l’« optimisation » de ces tests, jusqu’à des pratiques aux marges de la légalité.
Tous les témoignages concordent, qu’il s’agisse de ceux des professionnels de l’automobile, des organisations non gouvernementales ou des organismes chargés du contrôle de l’homologation des véhicules : les écarts entre le protocole d’homologation et la réalité étaient connus depuis l’origine.
Pour M. José Caire (52), directeur Villes et Territoires à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), « le sujet des valeurs d’homologation est à vrai dire un marronnier, qui est reparu dans ce climat délétère [de l’affaire Volkswagen]. Un consommateur qui achète un véhicule censé rouler à quatre litres au cent sait bien que ce sera en réalité davantage. Le cycle d’homologation est, si vous me passez l’expression, un cycle pépère au cours duquel ni la vitesse ni les accélérations ne sont poussées trop loin. ».
M. Christian Peugeot (53), Président du Comité des constructeurs français d’automobiles, confirme que « des écarts demeurent entre les niveaux d’émission en homologation et les niveaux en situation réelle d’usage ». Cet écart s’explique par « l’obsolescence du cycle d’homologation actuellement en vigueur, qui date des années soixante-dix, le cycle NEDC, dont les caractéristiques sont assez éloignées de l’usage réel : vitesse trop faible, non prise en compte de l’apparition de la sixième vitesse dans les boîtes de vitesses ».
M. Gaspar Gascon Abellan (54), membre du comité exécutif et directeur de l’ingénierie du Groupe Renault ne dit pas autre chose : « les procédures d’homologation sont aujourd’hui fondées sur un cycle bien défini et sont exécutées en laboratoire ; elles présentent l’inconvénient de ne pas être représentatives de toutes les conditions d’usage par les conducteurs. »
La presse automobile spécialisée, auditionnée par la mission d’information, le 2 février 2016, est, également, unanime sur le sujet : « nous savons tous que les constructeurs optimisent le cycle européen de conduite, dit New European Driving Cycle (NEDC) » (55).
L’organisation non gouvernementale Transport & Environment, dans une étude parue le 14 septembre 2015, avant que le scandale Volkswagen n’éclate, intitulée « Retenez votre souffle : attention au tueur invisible. Réduire la pollution atmosphérique due aux véhicules (56) », fait le point sur les écarts entre les tests et la réalité. Elle met également en évidence que ces divergences sont intrinsèquement liées à l’utilisation et à l’interprétation d’une législation obsolète et que les pratiques d’optimisation des tests, décrites avec précision, sont connues depuis longtemps.
Ce rapport procède au recensement de toutes les études indépendantes qui ont déjà fait apparaître des non-conformités lorsque les émissions étaient mesurées sur route. Ainsi, selon M. François Cuenot (57) « sur 10 véhicules diesel neufs, 9 ne respectent pas la norme théorique qu’ils annoncent ».
MESURES DES ÉMISSIONS DE NOX DES VÉHICULES DIESEL SUR ROUTE
COMPILATION DES DONNÉES INDÉPENDANTES
PAR L’ONG TRANSPORT & ENVIRONMENT (T&E)
Auteur |
Année |
Nombre d’Euro 6 diesel testé |
Type de mesures |
Sévérité du test |
Moyenne NOx FC |
Nombre de véhicules atteignant la limite légale |
Centre commun de recherche (JRC (UE) |
2012 |
1 |
PEMS |
sévère |
2.6 |
0 |
INFRAS |
2013 |
9 |
Dyno-CADC |
moyenne |
4 |
NA |
TNO |
2010-2015 |
16 7 |
Dyno PEMS |
sévère sévère |
2.9 5.2 |
1 0 |
ICCT |
2014 |
15 |
PEMS |
sévère |
7 |
1 |
ADAC |
2015 |
70 |
Dyno-WLTC |
faible |
2.5 |
18 |
Baden Wurtemberg |
2015 |
3 |
PEMS |
sévère |
4.2 |
0 |
Emission Analytics |
2014-2015 |
25 + |
PEMS |
sévère |
4.5 |
3 |
Source : Transport & Environment (58)
Le protocole de test en vigueur, le NEDC (New European Driving Cycle), n’a jamais été conçu pour mesurer les émissions des véhicules en situation de conduite réelle. Son unique objectif était de permettre de comparer des véhicules entre eux grâce à des tests en laboratoire reproductibles.
Devant la mission, Mme Béatrice Lopez de Rodas, directrice de la marque « UTAC » (59), a souligné : « je puis affirmer qu’en trente ans de métier, jamais il n’a été avancé que les mesures réalisées en laboratoire seraient représentatives de la réalité. J’ai été interrogée sur le sujet il y a trente ans et je déclarais la même chose. Les essais faits en laboratoire le sont à des fins de comparaison entre véhicules. Encore une fois, des paramètres maîtrisés en laboratoire ne le sont pas en service réel. ».
b. Une multitude de protocoles pour mesurer les écarts
En raison de l’absence de représentativité des tests d’homologation, un certain nombre d’organismes ont développé leurs propres protocoles de mesure.
Il existe ainsi une multitude de protocoles pour mesurer ces écarts, réalisés dans le cadre de recherches, expertises et évaluations des politiques publiques ou conduits dans une perspective d’information des consommateurs et des automobilistes. Sans procéder à un recensement exhaustif, on peut citer par exemple :
– les travaux de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) à des fins d’expertise en partenariat avec l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTARR). Elle utilise depuis les années 2000 le cycle Artémis (Common Artemis Driving Cycle), protocole mis au point par un programme de recherche, au niveau européen, qui prend en compte trois phases de mesure : une mesure en ville, une en zone rurale, l’autre sur autoroute. Plus proche des conditions de conduite réelles, le cycle Artémis permet de donner des résultats plus précis. (60) Comme le rappelle M. Laurent Gagnepain, ingénieur expert au service Transports et mobilité (61), les cycles Artémis « ont permis de constater, entre 2005 et 2010, quand la norme Euro 4 est entrée en vigueur, alors que l’émission d’oxyde d’azote est devenue plus réglementée pour les véhicules diesel, que les valeurs réelles d’émission n’ont pourtant pas baissé. » ;
– les tests de l’UFC-Que Choisir selon trois types de protocole : le protocole en vigueur au niveau européen, le NEDC, le protocole WLTP en cours d’adoption, mais également sur un cycle de type « autoroute (62) » ;
– les partenariats du Bureau européen des associations de consommateurs (BEUC) (63), qui travaille avec un organisme indépendant l’International Consumer Research Testing (ICRT) (64) et l’ONG Transport & Environment afin de mesurer de la manière la plus fiable possible la réalité des émissions polluantes et la consommation des véhicules ;
– les protocoles du magazine Autoplus sur des voitures fournies par les constructeurs : le protocole de test permet de comparer les voitures entre elles, la réalité de leur consommation, mais également la qualité de l’accélération, du freinage et également des émissions de CO2. Les tests sont effectués dans un box, à Montlhéry, et les résultats sont certifiés par un organisme indépendant. Selon M. Laurent Chiapello (65), directeur de la rédaction d’Auto Plus, « dans le cadre d’un cycle mixte représentant une moyenne des consommations, nous avons constaté 40 % d’écart entre la norme et ce que nous mesurons dans la réalité ; au sein de ces 40 %, certains constructeurs se situent à plus 60 % de consommation, d’autres entre 10 % à 20 % » ;
– l’organisation non gouvernementale Transport & Environment, dans l’étude précédemment citée du 14 septembre 2015, explique comment elle a défini ses propres protocoles de tests afin de mesurer les émissions polluantes, en conditions réelles, sur route.
Enfin ce panorama doit être complété par une initiative nouvelle qui mérite d’être saluée : le protocole conclu par PSA et
Transport & Environment, associée à France Nature Environnement (FNE) sur les mesures de consommation en usage réel, avec des tests validés dans leur conception puis vérifiés pour leurs résultats par le Bureau Veritas. Elle s’inscrit dans une volonté d’anticipation et de transparence dont aucun constructeur n’avait, à ce jour, fait preuve.
Le protocole PSA – T&E et FNE – Bureau Veritas :
Une première mondiale associant un constructeur automobile, deux ONG et un organisme de certification
Les mesures sont réalisées selon un protocole défini avec l’organisation européenne non gouvernementale Transport & Environment (T&E) sur des axes routiers publics ouverts à la circulation à proximité de Paris (25,5 km en zone urbaine, 39,7 km en zone extra-urbaine et 31,1 km sur autoroute), dans des conditions de conduite réelles (utilisation de la climatisation, poids des bagages et des passagers, déclivités, etc…).
Inspiré par le projet européen RDE « Real Driving Emissions », le protocole mesure la consommation de carburant grâce à un équipement portable installé sur le véhicule (PEMS).
Bureau Veritas, organisme indépendant reconnu au plan international, est garant du protocole et de son exécution dans les conditions définies et atteste de la sincérité et de l’intégrité des résultats.
M. Gilles Le Borgne, directeur de la R&D du groupe PSA, a indiqué à la mission (66) que le protocole ainsi mis en œuvre entend préfigurer le prochain cycle de tests routiers RDE (Real Driving Emissions) avec des mesures effectuées sur un parcours le plus représentatif possible de l’usage courant (mêlant des parties urbaines, péri-urbaines et autoroutières). Les premiers résultats sur huit modèles testés ont été publiés en mars 2016. En outre, M. Le Borgne a indiqué qu’en plus des consommations et rejets de CO2, qui font actuellement l’objet des tests, des mesures complémentaires sur les émissions de NOx seront effectuées au cours de l’année 2017.
2. Des réformes annoncées et des années d’atermoiements
a. L’alerte lancée dès 2011 par le Commissaire Potočnik
Le premier à avoir, publiquement, évoqué la possibilité d’une triche est le Commissaire européen à l’Environnement, M. Janez Potočnik.
Une étude du Centre commun de recherche de l’Union européenne (European Commission’s Joint Research Center, CCR), datant de 2011 et intitulée Analyse sur route à l’aide des PEMS des émissions des véhicules légers (67), témoignait des écarts considérables entre les tests en laboratoires et les mesures sur la route. Le CCR est l’une des directions générales de la Commission européenne chargée de lui apporter un soutien pour l’évaluation des politiques publiques.
Sur cette base, M. Janez Potočnik (68), dès 2011 lors d’un colloque au Parlement européen (69), met en évidence que les normes négociées, puis votées ne reflètent pas la réalité : les écarts entre les tests sur banc et sur route sont tels que les normes ne correspondent plus à rien. « Un problème qui mérite d’être mentionné est l’écart entre ce que l’on nomme les ʺémissions en situation de conduite réelleʺ et les émissions selon les normes autorisées. Ces dernières années, nous avions de plus en plus de preuves que les bus, voitures, camions, vans qui roulaient au diesel, en situation de conduite réelle, avaient des taux d’émissions bien supérieurs à ceux prescrits par la législation. Cela vaut tant pour la nouvelle norme EUROV/5 relatives aux véhicules que pour les normes EURO III et IV. Ces différences peuvent être considérables – dans certains cas jusqu’à 500 % – de la valeur limite mentionnée sur l’autorisation de réception du véhicule. »
Pour le Commissaire, ce constat sévère ne concerne alors pas seulement le passé mais engage également l’avenir, à savoir la nouvelle norme Euro 6, décidée en 2007 (70) et qui doit entrer en vigueur en 2014.
M. Janez Potočnik, dans la même intervention, précise ainsi que « nous anticipons qu’il en sera de même pour la nouvelle norme EURO VI/6 qui ne pourra pas combler l’écart entre les objectifs attendus de la législation et les taux d’émission en situation de conduite réelle. Ces résultats montrent que les attentes relatives à des améliorations substantielles de la qualité de l’air telles que nous les mentionnons en introduction seront pour une grande part d’entre elles tout simplement balayées. »
« Comment expliquer ces différences ? Premièrement le test requis par la législation en cours ne reflète pas les conditions de conduite réelle. Deuxièmement les nouvelles technologies pour réduire les émissions perdent de leur efficacité avec le temps. Troisièmement, certaines voitures peuvent être « manipulées » (71) afin de passer avec succès les cycles de tests en laboratoire puis ensuite dépasser largement l’optimum admis lorsqu’elles se retrouvent sur la route. »
Comment y remédier et sortir de ce qui pourrait s’apparenter à une sorte de schizophrénie européenne compte tenu du fait que la Commission européenne traduit en justice des États membres pour non-respect de la législation relative aux émissions de NO2 et de particules (PM10) dans les centres-villes engorgés, établit un programme ambitieux en matière environnementale – et – dans le même temps, elle continue à produire des normes qui n’ont aucune valeur puisqu’elles ne sont pas respectées du fait de conditions de mesure non réalistes. M. Janez Potočnik précise que si la Commission est consciente de cet état de fait, elle entend bien y remédier.
b. De nouveaux protocoles de tests en débat depuis presque dix ans
La Commission européenne met donc en place un groupe de travail en 2011 dont M. Potočnik précise les objectifs : « La Commission a reconnu ces problèmes et a déjà commencé à agir. Mon collègue Antonio Tajani dans sa Communication relative à une stratégie européenne pour des véhicules propres et économes en énergie (72), d’avril 2010, précise comment il compte remédier à la situation. Cela nécessite de développer un nouveau cycle mondial plus réaliste, d’introduire des tests additionnels – appelés Système portable de mesure des émissions, ainsi que des dispositions anti-falsifications (73). Les poids lourds sont déjà concernés par la législation EURO VI. Concernant les voitures, je travaille en étroite collaboration avec le commissaire Tajani pour que les développements techniques soient opératoires d’ici 2013. »
Les termes « anti-falsifications », s’ils sont bien présents dans le discours de M. Potočnik, ne figurent pas dans la communication de 2010 portée par le Commissaire à l’industrie M. Tajani. Seules figurent les deux propositions suivantes, complémentaires :
– passer du test NEDC (New European Driving Cycle) au test WLTP (Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedures) ;
– développer la procédure dite RDE (Real Driving Emissions).
Dans sa communication publiée en 2012 (74), la Commission reconnaît très clairement que les conditions de mesure des émissions polluantes ne reflètent pas la réalité – loin s’en faut. Elle affirme : « ces dernières années, il est devenu évident que les procédures actuellement utilisées pour mesurer les émissions polluantes, les émissions de CO2 et la consommation de carburant des véhicules légers n’étaient pas suffisamment représentatives des conditions de conduite réelles. […] La Commission reconnaît qu’il importe de garantir une réduction effective des émissions de NOx générées en conditions de conduite réelles pour pouvoir atteindre les objectifs actuels et futurs de la législation relative à la qualité de l’air. En conséquence, et en vue d’appliquer les exigences du règlement (CE) nº 715/2007, la Commission a initié, en janvier 2011, la mise au point d’une nouvelle procédure d’essai. »
En réalité, c’est dès 2007 que ce débat a été ouvert au sein de l’Union européenne, soit dès l’adoption du règlement Euro5/Euro6 (75). En effet, la nécessité d’avoir à réviser les cycles de tests figure expressément au considérant 15 du règlement (CE) n° 715/2007 (76). M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat, (77) a confirmé devant la mission que « dès la publication de la directive 2007/46/CE, la Commission européenne a lancé une série de réflexions sur l’entrée en vigueur de deux cycles d’essais, l’un censé mesurer les émissions d’oxyde d’azote – le cycle Real Driving Emission (RDE) –, un autre celles de dioxyde de carbone – le cycle Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedures (WLTP) ».
En atteste également la Communication de la Commission « Une stratégie européenne pour des véhicules propres et économes en énergie » (78) parue le 8 avril 2010, selon laquelle l’adoption de deux protocoles – WLTP pour les émissions de CO2 et RDE pour les émissions de NOx – était une priorité : la Commission « garantira que les émissions de CO2 et de polluants sont bien réduites dans des conditions de conduite réelles en proposant, pour 2013 au plus tard, un cycle d’essais révisé pour mesurer les émissions, développé par la CEE-ONU (79) et incluant une méthodologie permettant de tenir compte des technologies innovantes, et développera, d’ici à 2012, une procédure solide pour mesurer les émissions en conditions réelles en étudiant l’utilisation de systèmes portables de mesure des émissions » (80).
La norme Euro 6 est entrée en vigueur en 2014 sans que les travaux initiés depuis 2011 par la Commission n’aient abouti. La proposition relative au premier paquet RDE a été présentée au printemps 2015, soit quatre ans après la mise en place du groupe de travail chargée de la mise au point de la nouvelle procédure d’essai.
Nous sommes en 2016 et la définition technique de ces nouveaux protocoles ainsi que les procédures liées à leur adoption définitive ne sont pas intégralement achevées à ce jour. Les auditions conduites par la mission, notamment lors de deux déplacements à Bruxelles, ont convaincu votre Rapporteure que, sans le scandale lié à l’affaire Volkswagen, une bonne partie de ces réformes, annoncées pour 2013 et 2014, serait encore probablement dans les limbes.
● Le WLTP
Élaboré dans les années soixante, en vigueur depuis 1973, le protocole NEDC a pour objectif de tester la consommation des voitures ainsi que les émissions polluantes, en laboratoire, sur des bancs à rouleaux. Il s’agissait de créer une référence commune pour l’ensemble des constructeurs avec des conditions de tests reproductibles.
Pour autant l’obsolescence de ce protocole s’est rapidement trouvée en débat car les conditions de conduite que ce cycle entendait reproduire étaient dès l’origine très éloignées d’un usage réel. En effet le cycle NEDC ne comporte que de faibles accélérations, peu représentatives d’une conduite sur route : en cycle urbain le véhicule passe de 0 à 50 km/h en 26 secondes, soit en 180 mètres ; la vitesse maximale de 120 km/h n’est tenue que 10 secondes sur l’ensemble du test ; la vitesse moyenne est de 33 km/h.
Accélération d’un véhicule lors du test NEDC
Le nouveau protocole WLTP (Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedure) a pour objectif de corriger les faiblesses du cycle NEDC. Ces cycles d’accélération sont plus précis. Compte tenu du souhait des constructeurs et des autorités de réglementation que les procédures soient les plus harmonisées possible au niveau mondial, des travaux ont été lancés en vue d’établir un Règlement technique mondial (RTM) élaboré sous l’égide des Nations-Unies à Genève, afin de définir des procédures d’essai harmonisées concernant les émissions pour les voitures particulières et véhicules utilitaires légers.
Le WLTP s’appuie sur un nouveau cycle d’essai, le WLTC (Worldwide harmonized Light vehicles Test Cycle), bâti à partir des données de circulation des véhicules fournies par l’Europe, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud et les États-Unis. Ces données ont été compilées pour en extraire quatre phases différentes de roulage (Basse vitesse, Moyenne vitesse, Haute vitesse, et Très haute vitesse), avec un profil plus dynamique que celui du NEDC.
Accélération d’un véhicule lors du test WLTP (81)
Les nouveaux cycles d’essai prenant en compte une plage plus large d’utilisation des moteurs et un maximum de points de fonctionnement, ils devraient fournir des valeurs moins éloignées des valeurs d’usage réel.
Pour M. José Caire (82) de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), « plus significatifs, ces derniers cycles ne suscitent pas toujours l’enthousiasme des constructeurs, car ils produisent des valeurs moins flatteuses. » Pour autant les constructeurs français soutiennent depuis le début des discussions une adoption rapide du nouveau cycle WLTP, ce qu’a rappelé notamment M. Gilles Le Borgne (83) « nous avons toujours demandé à ce que le règlement WLTP soit mis en œuvre le plus rapidement possible. Aujourd’hui, il y a un écart entre la réglementation et la consommation de nos clients – entre 1,5 et 1,8 litre/100 km d’écart pour les trois premiers véhicules sur lesquels nous avons communiqué au salon de Genève –, que la mise en œuvre du nouveau cycle va permettre de réduire de moitié. Comme nous sommes bien placés en termes de consommation réelle, nous avons tout intérêt à ce que le cycle de réglementation qui nous est imposé soit le plus représentatif des usages réels de nos clients, car cela évite des incompréhensions. »
Cette volonté de se conformer à des protocoles clairement définis est pour M. Éric Poyeton, directeur général de la PFA, une exigence de l’ensemble des constructeurs : « le cycle WLTP est amélioré. Il prend en compte beaucoup plus de phases. […] Je vous confirme que les industriels français respectent ces normes – qui sont ce qu’elles sont. Celles-ci évoluent rapidement mais nous n’avons jamais remis en cause ce rythme. » (84)
Du NEDC au WLTP : une nouvelle procédure mondiale en cours d’achèvement
La Commission européenne a adopté le 14 juin 2016 en comité des véhicules à moteurs (TCMV), un nouveau règlement mettant en application le règlement 715/2007 Euro 5/6 en prévoyant l’utilisation du nouveau cycle harmonisé mondial WLTP en lieu et place du NEDC qui était en vigueur depuis 1973.
Élaboré dans le cadre des Nations-Unies (CEE-ONU), ce nouveau protocole a pour objectif de mesurer de manière plus fiable les émissions de CO2.
Ce nouveau texte va être adressé au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne dans le cadre de la procédure dite PRAC (procédure avec contrôle). Sans objection d’ici trois mois de l’un des deux co-législateurs, le texte sera considéré comme définitivement adopté et entrera en vigueur.
Néanmoins, selon le calendrier de la Commission européenne, l’utilisation volontaire de ce nouveau cycle sera permise dès la publication de ce nouveau règlement (début 2017). L’application obligatoire est prévue au 1er septembre 2017 pour les nouvelles homologations de voitures et au 1er septembre 2018 pour toutes les voitures neuves vendues.
En parallèle des discussions sur le WLTP, certes plus représentatif mais toujours effectué en laboratoire sur des bancs à rouleaux, la Commission européenne a, en 2011, engagé l’élaboration d’un test sur route en conditions réelles de conduite, le RDE (Real Driving Emission : « essai en conditions réelles de conduite »).
Mme Béatrice Lopez de Rodas, directrice de la marque UTAC, a précisé devant la mission la nature de ce nouveau protocole : « Quant à la Real Driving Emission (RDE), elle doit permettre de mesurer les émissions polluantes en conduite réelle. Ce type d’essai est complètement différent des essais sur banc à rouleaux. On ne pourra jamais obtenir de coefficient 1, à savoir l’équivalence des essais sur banc à rouleaux et des essais en conduite réelle : c’est techniquement impossible puisque l’environnement extérieur va influer sur la mesure, qu’il s’agisse du vent, de la température, du revêtement, de la façon dont le véhicule est conduit… » Pour M. Éric Poyeton, directeur général de la PFA : « la nouvelle norme est plus représentative de la réalité, et comme rien ne vaut la réalité, la combinaison WLTP-RDE me paraît très bonne. »
Les « paquets RDE » comprennent en réalité quatre textes :
– le premier paquet RDE définit la méthodologie du test RDE ainsi que les détails techniques. Il a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE), le 10 mars 2016 (85) ;
– le second paquet RDE définit les valeurs limites pour les émissions de NOx et le calendrier d’entrée en vigueur de celles-ci. Il est paru au JOUE du 20 avril 2016 (86) ;
– le troisième paquet RDE définit les valeurs limites pour mesurer les particules en nombres (PN), le calendrier d’entrée en vigueur ainsi que la méthode pour prendre en compte le démarrage à froid, un test à chaud, et les spécificités liées aux hybrides et aux véhicules utilitaires. Le vote en comité technique est prévu en décembre 2016 ;
– le quatrième paquet RDE devrait prévoir la méthode de vérification des résultats en service (ISC In use conformity – test sur un véhicule usagé jusqu’à 100 000 km) et les modalités pour que des vérifications indépendantes par des tiers soient possibles. Le texte sera discuté en 2016-2017.
Le PEMS, Portable emission measurement system (87)
« S’il était difficile de mesurer, sur route, les émissions, cela s’avère dorénavant possible grâce à un système embarqué : le système portable de mesure des émissions (Portable Emission Measurement System) dit PEMS. Ce système, mis au point à la fin des années 1990, se trouve opérationnel depuis le début des années 2000 pour les véhicules lourds (ils étaient très volumineux) et opérationnel pour les véhicules particuliers depuis 2011.
Le système paraît tout à fait fiable. Le PEMS, une fois installé sur le véhicule, peut déterminer la concentration ou le taux des émissions polluantes. Chaque test est évidemment unique et n’offre pas les conditions de reproductibilité qu’offrent les tests dans les laboratoires. »
3. Des normes de moins en moins respectées : plus les normes sont sévères, plus les écarts se creusent
La controverse qui a mobilisé les institutions européennes en 2011 était éclairante : face aux défaillances constatées, fallait-il privilégier la poursuite du mouvement de « durcissement » des normes « théoriques », ou bien s’assurer en priorité que les normes édictées seraient respectées en toutes circonstances. Le premier choix, l’affichage politique, l’a emporté sur le second. Le débat, fondamental mais jugé plus technique, sur le caractère virtuel du relèvement des seuils a été renvoyé à des cercles plus confidentiels.
a. En théorie, les normes sont de plus en plus exigeantes
Par étapes successives, la lutte contre la pollution de l’air due aux rejets d’émissions polluantes des véhicules s’est traduite, au niveau européen, par un relèvement progressif des règles imposées aux constructeurs automobiles. Les normes ont été durcies pour les polluants déjà mesurés, et de nouveaux types d’émissions telles que les dioxydes d’azote (NOx), à partir d’Euro 3, et les particules en nombre, à partir d’Euro 5 pour les seuls véhicules diesel, ont été pris en compte.
Pour les particules en masse, les exigences ont été renforcées. La limite d’émissions autorisées a diminué de plus de 96 % pour les véhicules diesel entre les normes Euro 1 et Euro 5. Pour les NOx, le durcissement des normes est aussi particulièrement sensible. On constate une diminution de 60 % des limites autorisées entre la norme Euro 3 (150 mg/km) et la norme Euro 5 (60 mg/km) pour les véhicules essence, et de 84 % pour les véhicules diesel (500 mg/km pour Euro 3 ; 80 mg/km pour Euro 5). Pour les particules en nombre, une différence notable subsiste entre essence et diesel. Dans la norme Euro 6, les émissions de particules (en nombre) autorisées pour les véhicules essence sont dix fois plus importantes que pour les véhicules diesels (88).
RÉCAPITULATIF DE L’ÉVOLUTION DES NORMES EURO
MOTEUR À COMPRESSION (DIESEL, BIO DIESEL...) | ||||||||
Norme |
Texte de référence |
Date de mise en application (homologation) |
Date de mise en application (ventes /immatriculations) |
NOx |
CO |
HC + NOx |
Particules |
Particules (en nombre/km) |
Euro 1 |
93/59/CEE |
1er juil 1992 |
1er janv 1993 |
/ |
2 720 mg/km |
970 mg/km |
140 mg/km |
/ |
Euro 2 |
96/44/CE-93/116/CEE |
1er janv 1996 |
1er janv 1997 |
/ |
1 000 mg/km |
700 mg/km |
80 mg/km |
/ |
Euro 3 |
98/69/CE 2003/76/CE |
1er janv 2000 |
1er janv 2001 |
500 mg/km |
640 mg/km |
560 mg/km |
50 mg/km |
/ |
Euro 4 |
98/69/CE 2003/76/CE |
1er janv 2005 |
1er janv 2006 |
250 mg/km |
500 mg/km |
300 mg/km |
25 mg/km |
/ |
Euro 5 |
715/2007 et 692/2008 |
1er sept 2009 |
1er janv 2011 |
180 mg/km |
500 mg/km |
230 mg/km |
5 mg/km |
E5a : rien, E5b : 6*1011 |
Euro 6 a |
715/2007 et 692/2008 |
Pas d’obligation |
Pas d’obligation |
80 mg/km |
500 mg/km |
170 mg/km |
4,5 mg/km |
6*1011 |
Euro 6 b |
715/2007 et 692/2008 |
1er sept 2014 |
1er sept 2015 |
80 mg/km |
500 mg/km |
170 mg/km |
4,5 mg/km |
6*1011 |
Euro 6 c |
715/2007 et 459/2012 |
Pas d’obligation |
1er sept 2018 |
80 mg/km |
500 mg/km |
170 mg/km |
4,5 mg/km |
6*1011 |
Euro 6 d TEMP |
2016/646 (RDE NOx) |
1er sept 2017 |
1er sept 2019 |
80 mg/km |
500 mg/km |
170 mg/km |
4,5 mg/km |
6*1011 |
Euro 6 d |
2016/646 (RDE NOx) |
1er janv 2020 |
1er janv 2021 |
80 mg/km |
500 mg/km |
170 mg/km |
4,5 mg/km |
6*1011 |
Pour toutes les étapes Euro (exceptée Euro1), application pour les VUL est décalée de 12 mois, aussi bien en essence que diesel
MOTEUR À ALLUMAGE COMMANDÉ (ESSENCE, ÉTHANOL, GPL, ...) | |||||||||
Norme |
Texte de référence |
Date de mise en application (homologation) |
Date de mise en application (ventes /immatriculations) |
NOx |
CO |
THC (Masse d’hydrocarbure totaux) |
NMHC (Masse d’hydrocarbure non méthanique) |
Particules (en masse/km) pour moteur à injection directe seulement |
Particules (en nombre/km) |
Euro 1 |
93/59/CEE |
1er juil 1992 |
1er janv 1993 |
/ |
2 720 mg/km |
/ |
970 mg/km (HC + NOx) |
/ |
/ |
Euro 2 |
96/44/CE-93/116/CEE |
1er janv 1996 |
1er janv 1997 |
/ |
2 200 mg/km |
/ |
500 mg/km (HC + NOx) |
/ |
/ |
Euro 3 |
98/69/CE 2003/76/CE |
1er janv 2000 |
1er janv 2001 |
150 mg/km |
2 200 mg/km |
200 mg/km |
/ |
/ |
/ |
Euro 4 |
98/69/CE 2003/76/CE |
1er janv 2005 |
1er janv 2006 |
80 mg/km |
1 000 mg/km |
100 mg/km |
/ |
/ |
/ |
Euro 5 |
715/2007 et 692/2008 |
1er sept 2009 |
1er janv 2011 |
60 mg/km |
1 000 mg/km |
100 mg/km |
68 mg/km |
5 mg/km |
/ |
Euro 6 a |
715/2007 et 692/2008 |
Pas d’obligation |
Pas d’obligation |
60 mg/km |
1 000 mg/km |
100 mg/km |
68 mg/km |
4,5 mg/km |
/ |
Euro 6 b |
715/2007 et 692/2008 |
1er sept 2014 |
1er sept 2015 |
60 mg/km |
1 000 mg/km |
100 mg/km |
68 mg/km |
4,5 mg/km |
6*1012 |
Euro 6 c |
715/2007 et 459/2012 |
Pas d’obligation |
1er sept 2018 |
60 mg/km |
100 mg/km |
68 mg/km |
4,5 mg/km |
6*1011 | |
Euro 6 d TEMP |
2016/646 (RDE NOx) |
1er sept 2017 |
1er sept 2019 |
60 mg/km |
1 000 mg/km |
100 mg/km |
68 mg/km |
4,5 mg/km |
6*1011 |
Euro 6 d |
2016/646 (RDE NOx) |
1er janv 2020 |
1er janv 2021 |
60 mg/km |
1 000 mg/km |
100 mg/km |
68 mg/km |
4,5 mg/km |
6*1011 |
b. En pratique, les normes sont de moins en moins respectées
Laurent Gagnepain, ingénieur expert au service transports et mobilité de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), interrogé précisément par votre Rapporteure pour savoir si l’on peut affirmer « qu’à mesure que les normes se durcissaient, l’écart se creusait entre les tests homologués et l’évaluation des véhicules en usage réel » a précisé devant la mission que l’augmentation des écarts entre la norme d’homologation et la réalité concernait uniquement les rejets d’oxyde d’azote (NOx) et de dioxyde de carbone (CO2) : « Oui, pour les oxydes d’azote, mais non pour les particules fines, le dioxyde de carbone étant à considérer à part. […]La notoriété publique de ces écarts ne concerne d’ailleurs que le dioxyde de carbone (…). » (89)
Deux études de l’organisation non gouvernementale ICCT (International Council on Clean Transport) ont fait apparaître des discordances manifestes. L’étude intitulée, « Réalité des émissions pour les véhicules diesel » (90) parue en octobre 2014, porte sur les écarts qui existent entre les émissions de NOx telles que vérifiées à l’homologation et celles mesurées en situation de conduite réelle. Elle met en évidence que le durcissement des normes n’est que théorique. Sur les 15 véhicules diesel homologués Euro 6 qu’ICCT a pu tester, en moyenne, les émissions s’avèrent huit fois supérieures au standard autorisé par la norme. Surtout, cette étude prouve que plus la norme est sévère plus l’écart augmente. Ainsi alors que l’écart mesuré, en conditions de conduite réelle est de 100 % pour la norme Euro 3, il est de 700 % pour la norme Euro 6.
Les émissions limites pour les véhicules diesel en Europe ont baissé de 85 % entre 2000 (Euro 3) et 2014 (Euro 6). Cependant durant cette même période en situation de conduite réelle elles n’ont dans les faits baissé que de 40 %.
Concernant les émissions de CO2 un constat similaire peut être dressé. L’ICCT a conduit, en 2015, une compilation de toutes les mesures relatives aux émissions de CO2 pour les véhicules en Europe. Elle montre que l’écart, entre les valeurs de CO2 à l’homologation et celles mesurées en situation de conduite réelle, a augmenté de manière significative. En 2001 la mesure de l’écart était de 8 %, en 2014 de 40 %. Il a par ailleurs doublé entre 2009 et 2014. Cet écart moyen devrait continuer à augmenter pour atteindre 50 % en 2020, à moins que les règles de certification n’évoluent, ainsi avec le nouveau cycle d’homologation WLTP, l’écart entre les normes et la réalité devrait décroître pour atteindre environ 30 %.
Écarts entre les valeurs de CO2 affichées sur les véhicules homologués
et « la réalité des émissions » (91)
D. UNE « COMPLICITÉ » EUROPÉENNE : L’ÉCHEC DE LA RÉGULATION
L’ancien Commissaire européen à l’Environnement, M. Janez Potočnik, parle de « manipulation » ; l’économiste Élie Cohen de « complicité générale pour fermer les yeux sur le fait que les normes adoptées ne pouvaient pas être respectées » (92) ; Xavier Timbeau, de « connivence entre le régulateur et le constructeur » (93) : les mots ne sont pas assez durs pour qualifier la faillite du système européen.
1. La tolérance des techniques d’optimisation : « on fait la voiture belle »
Les techniques dites « d’optimisation », utilisées par les constructeurs afin de « faire la voiture belle » avant de passer avec succès les tests en laboratoire, sont de notoriété publique.
Pour M. Stéphane Meunier, directeur de la rédaction d’Automobile Magazine, les tests d’homologation ne sont rien d’autre qu’« une épreuve d’anglais du baccalauréat dont l’organisateur, en l’occurrence le législateur, communiquerait à l’avance les sujets au candidat, ici le constructeur automobile. » (94)
L’organisation non gouvernementale Transport & Environment a mis en exergue, dans son étude de 2015 (95), une liste des techniques d’optimisation, sortes de « tricks of the trade », c’est-à-dire de « tours du métier » parmi lesquels : le déchargement total de la batterie avant le début du test, puis la déconnexion de l’alternateur ; le retrait des plaquettes de frein afin d’éviter des frottements producteurs d’énergie ; l’allègement de la voiture de tout élément superflu afin de réduire son poids au moment du test ; l’utilisation d’une huile spécifique adaptée au test ; le retrait de toutes les options telles que les barres du toit, les feux optionnels, voire les rétroviseurs ; le sous-gonflage des pneus…
Comme l’a souligné avec justesse le représentant de T&E M. François Cuenot, « tout ce qui n’est pas expressément interdit par la législation a été interprété par les constructeurs comme étant expressément autorisé. (96) »
Pour leur défense les constructeurs invoquent l’article 5.1 relatif aux « exigences et essais » du Règlement 715/2007. Cet article dispose que « le constructeur équipe les véhicules de telle sorte que les composants susceptibles d’exercer un effet sur les émissions sont conçus, construits et montés de manière à permettre aux véhicules, en utilisation normale, de se conformer au présent règlement et à ses mesures d’exécution. »
D’après Mme Béatrice Lopez de Rodas, directrice de la marque UTAC (97), l’optimisation « est permise par les textes en vigueur et pratiquée, par conséquent, légalement : des tolérances sont admises pour certains paramètres d’essais. » Cette interprétation est discutable.
L’interprétation de ces « tolérances » est particulièrement extensive. Dépourvu d’une multitude d’éléments influents sur la consommation et les émissions polluantes, un véhicule n’est assurément pas « en utilisation normale », pas plus qu’il n’est habituel de voir un automobiliste rouler à bord d’une voiture sans rétroviseurs, sans plaquettes de frein et avec des pneus sous gonflés.
La légalité de ces pratiques est néanmoins défendue bec et ongles par l’Association des constructeurs européens (ACEA), qui a fait appel aux compétences d’un cabinet d’avocats dont un mémorandum en date du 28 mai 2014 expose que les termes « utilisation normale » renvoient aux conditions de tests en laboratoire avec le protocole NEDC.
Votre Rapporteure propose que la nouvelle législation interdise expressément toutes les techniques d’optimisation.
Proposition n° 5 : Interdire expressément les techniques dites d’« optimisation » des protocoles d’homologation dans la nouvelle législation européenne, en établissant une liste formelle et complète des pratiques proscrites.
2. Le « type-approval shopping » ou la mise en concurrence des États membres
Au cours de son audition, le directeur général de l’énergie et du climat (98), a indiqué à la mission, la nécessité « de moraliser certaines pratiques d’homologation ». Les industriels peuvent effectivement être tentés d’aller chercher une homologation là où elle serait plus facile à obtenir, au titre de ce que M. Laurent Michel a appelé le « type approval shopping » : « un nombre considérable d’homologations » (totales sur des véhicules ou partielles pour certains éléments) peut être conduit par des entités qui n’en auraient en fait « ni les moyens techniques, ni l’expérience ».
M. Laurent Benoit, président de l’UTAC (99), a confirmé devant la mission qu’un « ménage s’imposerait ». En effet, il est avéré que des organismes, pourtant spécialement habilités par un État membre, n’ont pas de laboratoires dont ils assumeraient les charges de propriété et d’exploitation : ils sous-traitent les tests tout en limitant leur nombre au minimum et pratiqueraient sur certains points une interprétation jugée plus laxiste des textes en vigueur.
La Directive 2007/46/CE (100) prévoit que l’État membre « met en place ou désigne les autorités compétentes pour les questions relatives à la réception. » L’homologation des véhicules est donc laissée à la libre appréciation des États membres, notamment en ce qui concerne les autorités qu’il entend désigner. Le sérieux des organismes d’homologation n’est pas identique selon les pays, certains d’entre eux ne disposant tout simplement pas de l’expertise technique nécessaire, d’autres ayant un lien avec les constructeurs particulièrement étroits. En outre, cette liberté conduit, de fait, à une mise en concurrence des États membres qui peut s’apparenter à une forme de « moins-disant » en termes de respect de la réglementation.
Dans certains pays membres, plusieurs organismes sont nationalement habilités pour effectuer les opérations d’homologation.
Tel est le cas en Allemagne où plus de trente services techniques sont habilités par l’Office fédéral des véhicules (Kraftfahrbundesamt ou KBA). Certains sont assez directement liés à des constructeurs (Volkswagen) ou à de grands équipementiers (Robert Bosch), mais on relève également six branches régionales du Technische Uberwachungs Verein (TUV), un organisme plus que centenaire qui joue outre-Rhin un rôle important pour l’homologation des véhicules et, plus généralement, le contrôle technique.
En Espagne, le ministère de l’industrie habilite plusieurs organismes aux origines publiques ou parapubliques, le plus actif en matière d’homologation étant l’Institut de recherche appliqué de l’Université polytechnique de Catalogne ou IDIADA (dont le capital, après transformation statutaire, est désormais majoritairement privé).
Au Royaume-Uni, l’organisme d’homologation est une agence publique, The Vehicle Certification Agency (VCA), dont le modèle économique repose exclusivement sur la facturation de ses services (principalement aux industriels de l’automobile), parmi lesquels l’homologation des véhicules et pièces détachées.
En Italie, le ministère des infrastructures et transports a la responsabilité intégrale de l’homologation par l’intermédiaire de ses directions régionales dont relèvent plusieurs centres d’essais de véhicules (Centro Prove Autoveicoli ou CAV) qui réalisent les tests.
Le marché européen de l’homologation laisse à tout constructeur d’un véhicule destiné à une commercialisation en Europe la liberté du choix de l’organisme d’homologation. Il peut tout à fait être distinct du pays membre dans lequel se trouve le site de production.
En France, les deux constructeurs français constituent les deux plus importants clients de l’UTAC pour les homologations complètes de type « RCE » (réception communautaire) de véhicules. Hors de Renault et des marques du groupe PSA, l’UTAC fait état de nombreux autres clients en citant AvtoVaz (filiale russe de Renault) ainsi que Nissan (associé à Renault dans l’Alliance) et Volvo, non sans préciser que d’autres constructeurs (non cités dans ses réponses pour des motifs de confidentialité) recourent également à ses services. En réalité, les deux groupes français représentent sans doute la majorité des travaux de cette nature, du moins en chiffres d’affaires.
Cette situation n’a rien d’extraordinaire car les constructeurs allemands optent de façon quasi exclusive pour soumettre leurs véhicules à l’homologation envers les organismes agréés par les autorités allemandes. Il convient d’ajouter que l’UTAC, comme ses principaux homologues européens, est autorisée (au titre de l’annexe 16 de la directive 2007/46) à homologuer des pièces automobiles pour le compte des constructeurs et équipementiers. Certaines de ces opérations peuvent être réalisées par simulation et non au moyen d’essais réels, à la condition d’être à même de démontrer que le système de simulation pratiqué reproduit ou est en tout cas très proche des conditions habituelles.
En raison de l’importance des activités d’homologation, l’indépendance et l’éthique professionnelle sont des éléments-clés de la crédibilité des opérations dans un marché concurrentiel et disputé.
Pour n’être entachées d’aucune suspicion, les prestations doivent être contrôlables à tout moment, mais aussi payées à leur juste prix par les demandeurs. La mission d’information n’est pas une commission d’enquête et, de plus, les pouvoirs d’investigation de parlementaires d’un État membre ne peuvent s’étendre aux diverses institutions d’autres pays de l’Union européenne, même de statut public. Il reste cependant permis d’évoquer le succès croissant de certains organismes d’homologation auxquels s’adressent de plus en plus de constructeurs, notamment dans des pays quasiment dénués d’industrie automobile nationale.
Par exemple, la position géographique au carrefour de l’Europe du Luxembourg ne constitue pas l’explication principale du succès de certaines de ses activités comme les services financiers. Or, il est également constaté un autre succès auprès de constructeurs étrangers qui se tournent dorénavant favorablement vers la Société nationale de certification et d’homologation (SNCH), l’organisme chargé par le ministère luxembourgeois du développement durable et des infrastructures de l’« intégralité » des travaux de réception automobile, des essais jusqu’à la certification. Le capital de la SNCH est totalement contrôlé par les autorités luxembourgeoises (de façon directe mais aussi indirecte par l’intermédiaire d’un autre organisme public, la Société nationale de Circulation Automobile). La promptitude et la qualité des prestations de la SNCH sont soulignées alors qu’elle ne dispose que d’une quarantaine d’ingénieurs et techniciens dont le niveau professionnel n’est pas a priori en cause, même s’il est avéré qu’en dépit de sa compétence « intégrale », cette institution d’État recourt fortement à la sous-traitance d’autres laboratoires et organismes en charge de l’exécution d’essais et de vérifications.
Comme votre Rapporteure l’a entendu à de nombreuses reprises à Bruxelles, il lui semble peu opportun de conférer à Malte ou à Chypre, des pays assez peu industriels, des pouvoirs leur permettant d’effectuer des homologations opposables dans tous les États membres de l’Union européenne.
a. La réglementation européenne interdit le « defeat device »
Les très nombreux tests réalisés après la révélation de l’affaire Volkswagen dans différents pays européens, dont la France, établissent de manière implacable les écarts substantiels, parfois même considérables, entre la norme et la réalité. Ils ont aussi mis en exergue l’utilisation généralisée de « dispositifs d’invalidation ». La nature légale ou illégale de l’utilisation de ces dispositifs, dans chaque cas d’espèce, est au centre des débats et fait l’objet de plusieurs procédures. La mission d’information de l’Assemblée nationale n’a pas pour prérogatives d’intervenir dans ces procédures du fait de la séparation des pouvoirs. Elle ne dispose pas non plus des moyens d’expertise qui lui permettraient de se prononcer sur les spécificités techniques de ces différents types de logiciel. Elle ne peut pas davantage saisir « une Cour des Codes informatiques » qui n’existe pas, sur le modèle des prérogatives du Parlement en matière de saisine de la Cour des Comptes (101).
Elle peut, toutefois, à ce stade au regard des informations disponibles et rendues publiques, distinguer deux cas de figure :
– Le recours à des logiciels destinés à tromper l’essai d’homologation, de sorte que le système de traitement des émissions polluantes ne fonctionne que durant le cycle de test.
Entrent bien évidemment dans cette catégorie le logiciel truqueur utilisé par la firme Volkswagen, mais également un logiciel qui permet de faire fonctionner le système de dépollution durant 22 minutes seulement, tel que découvert par le KBA sur des véhicules FCA/Fiat-Chrysler.
Ces techniques sont expressément interdites par les textes en vigueur, qui prévoient d’ailleurs des sanctions (article 13.2.d (102) du Règlement 715/2007).
Interrogée par votre Rapporteure sur le caractère illégal de ces agissements au regard du règlement européen qui interdit explicitement les dispositifs d’invalidation, Mme Nathalie Homobono, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, a confirmé la clarté du cadre en vigueur : « la lecture juridique que nous faisons aujourd’hui du règlement européen et des directives qui encadrent la réception des véhicules amène à la conclusion que les dispositifs d’invalidation sont interdits. (103) »
– Le calibrage, par un logiciel, du moteur et du système de traitement des émissions polluantes, de sorte que celui-ci n’agisse sur route que dans une fenêtre thermique et/ou sur les mêmes points de fonctionnement du moteur que ceux du cycle d’essais selon le protocole NEDC.
Au regard des dispositions du Règlement 715/2007 (104) qui dispose que « l’utilisation de dispositifs d’invalidationqui réduisent l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions est interdite », mais autorise néanmoins trois dérogations par rapport à cette interdiction, l’appréciation de la légalité de ces pratiques ne pourra être établie qu’au cas par cas, selon les caractéristiques spécifiques des systèmes utilisés.
b. Une interprétation discutable et extensive des dérogations
L’affaire Volkswagen a, en effet, mis en lumière une utilisation presque généralisée de l’article 5.2 du Règlement 715/2007 qui prévoit trois régimes de dérogation (105) à l’interdiction générale d’utiliser des dispositifs d’invalidation. Ces dispositions ont été interprétées de façon extensive et ont été utilisées par certains constructeurs de façon systématique.
L’affirmation selon laquelle le recours à des dispositifs d’invalidation dans le cadre de ces dérogations serait, en tout état de cause légal, n’est pas convaincante au regard de la définition très précise qui en est donné à l’article 3 (10) du même règlement :
« dispositif d’invalidation » signifie tout élément de conception qui détecte la température, la vitesse du véhicule, le régime du moteur en tours/minute, la transmission, une dépression ou tout autre paramètre aux fins d’activer, de moduler, de retarder ou de désactiver le fonctionnement de toute partie du système de contrôle des émissions, qui réduit l’efficacité du système de contrôle des émissions dans des conditions dont on peut raisonnablement attendre qu’elles se produisent lors du fonctionnement et de l’utilisation normaux des véhicule (106) »
Il ne faut donc pas confondre le débat d’interprétation juridique sur les termes « en utilisation normale » (article 5.1) qui concernent la procédure d’essais, et les dispositions applicables à l’usage d’un dispositif d’invalidation (article 3.10).
La réglementation européenne n’a jamais indiqué que le système de traitement des émissions polluantes ne pouvait fonctionner que dans une certaine fenêtre thermique, ou que sur les points de fonctionnement du moteur qui sont ceux du cycle d’essai. Elle dit même expressément l’inverse, à savoir que le système de contrôle des émissions doit fonctionner dans toutes les circonstances habituelles d’usage d’un véhicule.
Votre Rapporteure ne partage donc pas l’interprétation qui est faite par le KBA dans son rapport : « les dispositions actuellement en vigueur (…) n’offrent pas une base suffisante qui permettrait aux autorités chargées de la réception par type de différencier entre les dispositifs d’invalidation interdits et les dispositifs d’invalidation admissibles ainsi que d’engager une procédure pour l’utilisation d’un dispositif d’invalidation interdit. (107)».
c. Une ambiguïté contenue dans la réglementation européenne depuis 1998
Reste que les dérogations à l’interdiction du « dispositif d’invalidation » introduisent bien une ambiguïté et une confusion dans la législation européenne, à l’origine de ce que M. François Cuneot (108) a qualifié de « tricherie légale ». Selon M. Raymond Lang (109),membre du directoire « transports et mobilités durables » de France Nature et Environnement : « Les choses peuvent être juridiquement différentes, l’une est interdite et l’autre ne l’est pas, mais le résultat est le même : les constructeurs mettent sur le marché des véhicules qui ne respectent pas des normes ».
Votre Rapporteure a cherché à retracer l’origine de ces dispositions, sans qu’il soit possible, aujourd’hui, d’en reconstituer les circonstances précises. La notion de « defeat device » a été introduite pour la première fois dans le droit communautaire par la Directive 98/69/CE (110) relative aux mesures à prendre contre la pollution de l’air par les émissions des véhicules à moteur.
Le terme employé alors n’était pas celui de dispositif d’invalidation mais de « dispositif de manipulation. » (111)
Si ni la définition du dispositif d’invalidation ni les trois régimes dérogatoires n’ont été modifiés sur le fond par les dispositions législatives ultérieures, le terme de « dispositif de manipulation », lui, a été remplacé, dans la version française, par celui de « dispositif d’invalidation », à partir du Règlement 715/2007 (112). Cet ajustement sémantique n’est sans doute pas anodin.
Afin de couper court aux ambiguïtés mises en exergue à la suite de l’affaire Volkswagen, le nouveau cadre réglementaire ne peut se contenter, comme l’évoquent les propositions portées par l’Allemagne (113) dans les instances européennes, et plus récemment par la France (114), de ne réécrire qu’à la marge les dispositions de l’article 5.2 du Règlement 715/2007, en laissant ouverte la possibilité de dérogations dont les circonstances seraient mieux précisées. Tout dispositif d’invalidation doit être strictement interdit, sans exception. En effet, pour votre Rapporteure, un système de contrôle des émissions polluantes doit opérer en permanence et non de façon intermittente, et c’est au constructeur qu’il appartient de faire en sorte que le fonctionnement de ce système n’ait pas d’incidence néfaste sur le fonctionnement de la motorisation. Au regard des technologies disponibles, la mission a pu clairement établir qu’aucun obstacle technique ne s’y oppose.
Proposition n° 6 : Interdire strictement tout dispositif d’invalidation et supprimer, en conséquence, dans la réglementation européenne, toute dérogation à cette interdiction. La France doit proposer une modification de l’article 5.2 en supprimant les dispositions a) b) c) de cet article.
4. L’Europe dépourvue de pouvoirs de sanctions
Toute la mise en œuvre de la législation européenne en matière d’homologation et de contrôle du marché des véhicules automobiles en Europe repose sur le principe de subsidiarité, c’est-à-dire qu’il appartient aux seuls États membres de mettre en application la réglementation.
En effet, l’article 13.2 de la directive 2007/46/CE (115) dispose qu’« une demande de modification d’une réception CE par type est soumise exclusivement à l’État membre qui a procédé à la réception CE par type originelle ». Comme le rappelle M. Laurent Michel (116), directeur général de l’énergie et du climat, « le système en vigueur implique en effet que seul l’État membre où a été délivrée l’homologation peut procéder à un retrait, une suspension ou à une mesure de sauvegarde efficiente. »
Sommée d’agir lors de la révélation de l’affaire Volkswagen afin de faire retirer les véhicules incriminés de la circulation, la Commission européenne n’a pas manqué de se réfugier derrière ce principe de subsidiarité. Si les lacunes de la législation en vigueur sont indiscutables, elles ne dispensaient pas la Commission européenne d’aller au-delà d’une simple lecture juridique de ses prérogatives dans des circonstances aussi exceptionnelles.
Selon Mme Monique Goyens (117), directrice générale du Bureau européen des associations de consommateurs (BEUC), si « la Commission européenne n’a pas pu lancer d’enquête c’est parce qu’elle n’en avait pas le pouvoir ! ». Ce que M. Ilmari Peltomäki, directeur général adjoint de la DG GROW (118) n’a pu que confirmer à votre Rapporteure : « la Commission n’a pas de mandat, pas de pouvoir juridique », ajoutant au surplus que celle-ci ne souhaitait pas « centraliser le système et dégager les États membres de leurs responsabilités ».
Malheureusement, l’illustration de cette impuissance des institutions de l’Union n’est pas une première. En 2013, l’affaire Mercedes-Daimler avait confronté la Commission européenne à la même difficulté : l’impossibilité pour un État membre, ou la Commission elle-même, de retirer une homologation accordée par un autre État membre, bien que les dommages pour la santé ou l’environnement soient avérés. En l’état actuel de la législation, le principe de subsidiarité aboutit à une impuissance, même lorsque l’État membre qui a accordé l’homologation a failli.
La climatisation de Mercedes-Daimler : un exemple d’impuissance
En 2013, la Commission européenne a considéré que les véhicules Mercedes classe A, B et CLA et SL utilisaient un gaz réfrigérant non conforme à la législation européenne du fait d’un potentiel de contribution à l’effet de serre de 1300 au lieu de 150.
Mercedes-Daimler, malgré la demande expresse de la Commission européenne de ne plus utiliser le gaz réfrigérant incriminé, refuse de se conformer aux exigences réglementaires. La firme allemande obtient alors du KBA des extensions d’homologations délivrées avant 2011.
La France, en juin 2013, refuse d’accorder un certificat d’immatriculation aux véhicules incriminés du fait de la non-conformité à la législation européenne.
La société Mercedes-Benz France (MBF) saisit le juge administratif d’une demande de suspension de l’exécution de la décision prise par le ministère de l’Environnement : le juge des référés fait droit à sa demande. La France prend alors une nouvelle décision de refus d’immatriculation des véhicules fondée sur la clause de sauvegarde prévue à l’article 29-1 de la directive 2007/46/CE, qui autorise en cas de dommages à l’environnement ou à la santé publique de suspendre une immatriculation (119).
La société Mercedes-Benz France (MBF) saisit à nouveau le juge français des référés qui ordonne la suspension de la décision d’interdiction de l’immatriculation, au motif que le droit applicable n’autorisait pas la France à refuser les immatriculations contestées parce que la mise en circulation sur le territoire national des véhicules en cause, en nombre limité, ne permettait pas de caractériser une nuisance grave à l’environnement.
Le Conseil d’État, saisi en appel, annule la décision française d’interdiction d’immatriculation de quatre modèles des véhicules de MBF sans préjuger des suites données à l’affaire au niveau européen.
La Commission européenne décide, enfin, de lancer une procédure d’infraction le 23 janvier 2014, en mettant en demeure l’Allemagne de faire appliquer pleinement la directive européenne 2006/40/CE au constructeur, puis le 10 décembre 2015, forme un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne contre l’Allemagne au motif qu’elle a autorisé la commercialisation de véhicules qui ne respectaient pas la législation européenne en matière de gaz à effet de serre.
Commencée en 2012, au niveau européen, poursuivie en 2013 en France, l’affaire n’est toujours pas jugée quatre ans après la dénonciation des faits.
Cet exemple illustrait, bien avant les révélations de septembre 2015, trois lacunes de la législation communautaire :
– la possible collusion d’intérêts entre les services d’un État membre chargés de l’homologation d’un véhicule et un constructeur de la même nationalité. Dans l’affaire Mercedes-Daimler, le KBA s’était montré particulièrement complaisant avec le constructeur puisqu’il avait accepté de prolonger des homologations alors que la Commission européenne avait exigé que l’entreprise se conforme à la législation en vigueur ;
– l’impossibilité pour un État membre de faire respecter la législation européenne en retirant une homologation accordée complaisamment par un autre État membre. La France a essayé d’agir en se fondant sur la clause de sauvegarde, mais le juge national – juge d’application du droit communautaire – a considéré que le motif évoqué – une atteinte grave à l’environnement – n’était pas recevable eu égard au peu de voitures concernées ;
– l’impuissance de la Commission européenne à faire respecter la législation car elle ne dispose pas de pouvoir de sanctions excepté celui de saisir la Cour de Justice de l’Union européenne.
Un nouvel exemple de l’entrave que constitue la législation européenne actuelle à des mesures rapides de retrait de la vente ou de la circulation de véhicules polluants vient d’être apporté à la suite des découvertes par le KBA concernant des véhicules FCA/Fiat-Chrysler. L’autorité d’homologation étant l’Italie, le ministre allemand des transports n’a pu qu’adresser un courrier, le 25 août dernier, à la Commission européenne demandant que les autorités italiennes soient saisies…
E. UNE OPACITÉ ANTI-DÉMOCRATIQUE
1. Quand l’Europe discrédite ses propres normes : le « facteur de conformité »
Le 28 octobre 2015, une stupéfaction légitime a accueilli la décision, annoncée par l’Union Européenne en pleine affaire Volkswagen, d’accorder à l’industrie automobile une dérogation générale concernant le respect des seuils d’émission de NOx prévus par la norme Euro 6 (80 mg/km) (120). Dans le cadre du second paquet relatif aux émissions dites en situation de conduite réelle (Real Driving Emissions), sont en effet autorisés :
– dans un premier temps, un dépassement de 110 % de la norme, soit un « facteur de conformité » de 2,1 portant en réalité la norme Euro 6 à une limite de 168 mg/km au lieu de 80 mg/km pour les nouveaux modèles d’ici septembre 2017 (septembre 2019 pour les nouveaux véhicules (121)) ;
– dans un deuxième temps, un dépassement de 50 %, soit un « facteur de conformité » de 1,5 (120 mg/km), d’ici janvier 2020 pour tous les nouveaux modèles (janvier 2021 pour tous les nouveaux véhicules). » (122)
Il faut souligner que cette même décision ne prévoit pas de date à partir de laquelle la norme NOx Euro 6 de 80 mg/km serait strictement respectée. La seconde étape, à partir de 2020, avec un facteur de conformité de 1.5, tiendrait ainsi compte, pour une durée indéfinie, de marges d’erreurs techniques inhérentes à la mesure des émissions avec le système embarqué PEMS.
L’Union Européenne autorise ainsi officiellement les constructeurs automobiles à déroger aux normes qu’elle avait elle-même établies. Cet état de fait ne peut être qu’incompréhensible et choquant aux yeux des citoyens pour lesquels il s’apparente à la délivrance d’un « permis de polluer ». Il s’avère désastreux pour l’Europe, qui apparaît comme incapable de faire respecter ses propres normes et dont les institutions sont soupçonnées d’être sous la pression de lobbies industriels puissants. Enfin, l’image de l’industrie automobile elle-même est abîmée, puisque cette décision acte que les constructeurs seraient incapables de respecter les règles, le tout dans le contexte de l’affaire Volkswagen qui met déjà à rude épreuve la confiance des consommateurs en l’industrie automobile. La décision du 28 octobre 2015, devenue définitive le 20 avril 2016, ne fait donc que des perdants. Elle ne répond bien sûr pas aux attentes des citoyens qui veulent que la pollution automobile diminue, mais, au surplus, elle ne rend service ni à l’Europe dont les normes sont discréditées, ni à l’industrie automobile dont la réputation est écornée.
Telle n’est pas la conception de la Commission européenne qui justifie essentiellement le « facteur de conformité » comme une contrepartie de l’entrée en vigueur du nouveau protocole RDE. La Commission n’hésite d’ailleurs pas à se féliciter de cette décision allant dans le sens de « contrôles rigoureux ».
La décision du 28 octobre 2015 :
un compromis ambitieux selon la Commission européenne(123)
« La Commission se félicite de l’accord des États membres sur des contrôles rigoureux de la pollution atmosphérique générée par les émissions de véhicules » :
– l’Union européenne « est la première et unique région du monde à mettre en place des méthodes d’essais aussi rigoureuses » selon la Commissaire au marché intérieur, à l’industrie, à l’entrepreneuriat et aux PME, Mme Elzbieta Bienkowska ;
– l’écart avec la norme Euro 6 en situation de conduite réelle est bien plus important que le compromis accepté puisqu’il est de l’ordre de 400 % : « l’accord conclu aujourd’hui par les États membres en ce qui concerne l’écart autorisé entre la limite réglementaire mesurée dans des conditions de conduite réelles et la limite mesurée dans des conditions de laboratoire représente une réduction importante par rapport au différentiel actuel (400 % en moyenne) » ; (124)
– l’écart se justifie du fait de l’absence de fiabilité technique des nouveaux systèmes embarqués (PEMS) et qu’une marge d’erreur doit donc être prise en compte ;
– le nouveau système sera plus fiable car « ces essais limiteront en outre dans une large mesure le risque de manipulation par des dispositifs d’invalidation. »
Auprès de votre Rapporteure, tous les constructeurs automobiles auditionnés ont unanimement insisté sur la justification technique du facteur de conformité et il est indéniable qu’à partir du moment où le protocole d’homologation se rapproche des conditions de conduite sur route, respecter le seuil fixé par la norme Euro 6 diesel de 80 mg/km pour les NOx est plus difficile, et ce d’autant plus que les écarts constatés depuis des années entre la fiction – le cycle d’homologation – et la réalité sont importants.
Les constructeurs affirment que respecter la norme Euro 6, même avec les libéralités autorisées par le facteur de conformité, reste un défi technique et économique difficile. Certains semblent s’y être mieux préparés que d’autres. En effet, tous les constructeurs n’ont pas eu la même stratégie en matière de technologie de traitement des NOx. Devant la mission, M. Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et du développement, membre du comité exécutif de PSA-Citroën (125), a précisé : « nous sommes le seul constructeur à avoir généralisé la technologie SCR, reconnue comme la plus efficace pour traiter les oxydes d’azote. Nous l’avons introduite sur l’ensemble de nos moteurs diesel à partir de septembre 2013 afin de répondre à la première version de la norme Euro 6, et elle est présente sur la totalité de notre ligne de produits depuis septembre 2015. Grâce au potentiel de la SCR et à son savoir-faire – là encore, nous serons certainement pionniers –, PSA saura se conformer à l’objectif d’un facteur de conformité de 1 plus 0,5 – ce deuxième chiffre correspondant à l’incertitude de mesure – pour les émissions d’oxydes d’azote en 2020 : nous serons même en mesure d’atteindre cet objectif dès 2017. ».
A contrario, M. Thierry Bolloré, directeur délégué à la compétitivité au sein du Groupe Renault, a reconnu publiquement et devant votre Rapporteure : « nous ne sommes pas les meilleurs élèves de la classe ». M. Gaspar Gascon Abellan, membre du comité exécutif et directeur de l’ingénierie du Groupe Renault, a présenté à la mission le plan d’action du constructeur afin de rattraper son retard : les évolutions attendues « seront appliquées en usine sur les véhicules diesel à partir du mois de juillet 2016. (…) Par ailleurs, le groupe Renault développe de nouvelles technologies pour préparer la prochaine étape Euro 6d qui devrait entrer en vigueur en septembre 2017 pour les nouveaux types, et nous étendrons à l’ensemble de nos véhicules la technologie SCR déjà présente sur nos utilitaires Trafic et Master, ainsi qu’un nouveau système EGR. ».(126)
Pour tous les constructeurs présents significativement sur le marché français, interrogés par la mission sur leur stratégie en matière de traitement des NOx, la solution du SCR, probablement couplée à d’autres systèmes de traitement, semble clairement devenir la technologie de référence.
Votre Rapporteure tient à souligner qu’il n’y a pas d’obstacle technologique au respect strict de la norme Euro 6, sans facteur de conformité ou avec un facteur de conformité maximal de 1.2 – selon M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat (127) –, en raison de la marge technique liée à la nature non reproductible des tests. Les solutions existent et sont disponibles. L’AECC (128) (Association for Emissions Control by Catalyst), qui regroupe les entreprises européennes élaborant des technologies de traitement des émissions polluantes, n’a pas manqué d’insister devant la mission sur le fait que « la technologie sait faire la voiture conforme aux normes » et qu’« il faut faire le boulot jusqu’au bout pour que le système soit actif sur la route et pas qu’en conditions de tests. » Il est incontestable que les technologies sont matures. En réalité, le défi que doivent relever les constructeurs est économique, lié au renchérissement du coût des véhicules du fait des équipements de dépollution, mais également aux adaptations industrielles nécessaires.
D’autres approches techniques et politiques que la dérogation généralisée au respect de la norme Euro 6 auraient donc pu et dû être envisagées. La décision sur le facteur de conformité reste contestable et contestée. Sur le fond, mais aussi sur la forme.
En effet, ce choix politique n’a pas été fait par le législateur européen, mais dans le cadre d’un comité technique, le Comité technique pour les véhicules à moteur (TCMV pour Technical Committee Motor Vehicles), lors de la réunion du 28 octobre 2015, par un vote obtenu à une large majorité.
Votre Rapporteure tient à alerter sur d’autres décisions en préparation, discutées dans la même enceinte, concernant l’objectif de 95 g/km de CO2, prévue par la réglementation européenne à partir de 2020.
Après le facteur de conformité pour les NOx,
une dérogation au seuil de 95 g/km pour le CO2 ?
Le Règlement333/2014 (129) prévoit que les constructeurs devront se conformer à un objectif de 95 g/km de CO2 pour tous les véhicules neufs en 2021. Lors des négociations sur cette cible, le protocole d’homologation en vigueur était le NEDC (130).
Le protocole WLTP étant moins éloigné de la consommation et des émissions de CO2 réelles, les constructeurs automobiles ont demandé à la Commission européenne l’instauration d’une période transitoire jusqu’à la fin 2022 durant laquelle, si les valeurs mesurées selon le protocole WLTP apparaissent très différentes, l’autorité en charge de d’homologation des véhicules pourra demander que le véhicule soit homologué s’il satisfait les critères avec le protocole NEDC.
En 2015, dans son rapport annuel, VDA, Verband der Automobilindustrie, l’union de l’industrie automobile allemande considérait comme « illégale » l’application du WLTP aux objectifs CO2 de 95 g/km en 2021 et demandait « que le système ne soit pas converti en WLTP tant que les objectifs exprimés en NEDC n’ont pas été atteints ».
Cette période transitoire de coexistence des deux cycles d’essais, WLTP et NEDC, a été actée lors du Comité technique du changement climatique du 23 juin 2016. Leurs modalités d’application sont encore en cours de discussion.
Selon les informations recueillies par la mission, cette faculté ne sera accordée qu’à la demande des autorités en charge de l’homologation. Il en résultera néanmoins une nouvelle dérogation aux exigences fixées par les normes européennes. Elle pourrait ainsi aboutir à une nouvelle distorsion de concurrence, par exemple entre constructeurs allemands et français.
2. Une procédure de comitologie dévoyée
Un comité technique, dans le cadre d’une procédure de comitologie, peut-il autoriser une violation de la norme européenne votée par les co-législateurs que sont le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ? D’après la Commission européenne, oui, d’après votre Rapporteure, non.
a. Un excès de pouvoir du comité technique
Le Règlement 715/2007 définit un large champ dans lequel la Commission est habilitée à recourir à la procédure de comitologie. L’article 15 du règlement précise ainsi que la Commission est « assistée par un comité », le Comité technique pour les véhicules à moteur.
Le Comité technique pour les véhicules à moteur (TCMV)
Institué à l’article 40 (131) de la Directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (132), le Comité technique pour les véhicules à moteur (« TCMV » pour « Technical Committee Motor Vehicles ») a pour but d’assister la Commission européenne dans ses missions d’exécution.
Il se réunit en moyenne 6 à 8 fois par an.
Comme tout comité technique, il dispose d’un règlement interne propre. Ses délibérations revêtent un caractère confidentiel et ne sont pas transmissibles. La position des États membres n’est pas communicable. (133) Seuls sont communicables l’ordre du jour, un compte rendu sommaire de la réunion, le projet d’acte ainsi que la fiche de vote.
Siègent au sein du comité technique les représentants des États membres ainsi que le représentant de la Commission (DG GROW), qui le préside. Chaque État membre est libre de choisir le niveau auquel il souhaite être représenté.
Les professionnels du secteur automobile ne siègent pas au sein du comité.
Lors de la réunion du 28 octobre 2015 siégeaient en tant que représentants de la France : le ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie ainsi que l’UTAC-CERAM (qui a précisé devant la mission n’intervenir qu’« en tant qu’expert technique. Nous n’avons donc pas droit à la parole au sein du TCMV sur les décisions politiques » (134)).
Étaient présents pour l’Allemagne : le ministère fédéral des transports et des infrastructures numériques, le ministère fédéral des affaires économiques et de l’énergie, le ministère fédéral de l’environnement, ainsi que le KBA.
La législation européenne (135) encadre néanmoins les prérogatives de ce type de comité. Une fois voté, l’avis du comité est transmis parallèlement au Conseil de l’Union européenne et au Parlement européen. Les deux co-législateurs ont trois mois pour statuer (136). Ils peuvent s’opposer à l’adoption de l’acte pris en comité technique, si celui-ci dépasse les compétences d’exécution de la Commission européenne, ou s’il n’est pas compatible avec le but ou le contenu de la législation qu’il entend modifier, ou s’il ne respecte pas les principes de subsidiarité ou de proportionnalité (137).
Or la décision de changer de facto les seuils de la norme Euro 6 n’est pas une décision technique, mais bien politique.
La comitologie est entourée d’une opacité notoire :
– la position de chacun des États membres demeure secrète ;
– le procès-verbal de la réunion est sommaire (il n’y a pas de compte rendu des débats) ;
– il n’y a, a fortiori, aucune publicité des débats.
La décision du 28 octobre 2015 excède les compétences d’exécution de la Commission européenne et n’est pas compatible avec le but de la législation. En effet, le Règlement 715/2007 propose d’introduire « les valeurs limites d’émission prévues pour la phase Euro 6 (138) » afin de « réduire considérablement les émissions d’oxyde d’azote des véhicules diesels pour améliorer la qualité de l’air » ce qui nécessite « d’atteindre les valeurs limites ambitieuses de la phase Euro 6. » (139) Or la décision prise par le Comité technique des véhicules à moteur, le 28 octobre 2015, augmente sensiblement ces valeurs limites.
La Commission ENVIdu Parlement européen a porté une analyse similaire en engageant une procédure d’objection le 14 décembre 2015 (140) . Son rejet en session plénière, le 3 février 2016, ne clôt pas le débat juridique. En effet, ce vote politique ne préjuge en rien de l’appréciation qui pourra être portée par les juridictions européennes ultérieurement sur le respect des procédures prévues par les traités. Plus de vingt villes européennes, au nombre desquelles se trouvent Paris, Madrid et Copenhague ont saisi le Tribunal de l’Union européenne d’une action en annulation de la modification du règlement européen sur le facteur de conformité. La Ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, chargée des relations internationales sur le climat, a indiqué qu’elle soutiendrait cette démarche.
b. Le Parlement français éconduit dans ses demandes de transparence
Votre Rapporteure a souhaité obtenir auprès de la Commission européenne un compte rendu exhaustif de la réunion du 28 octobre, la liste des membres composant le TCMV depuis sa création ainsi que le résultat nominal des votes afin de satisfaire l’exigence légitime de l’Assemblée nationale en matière de transparence.
Après avoir reçu une fin de non-recevoir des services de la Commission européenne, votre Rapporteure a saisi, le 4 novembre 2015, le Président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, d’une nouvelle demande de communication, à laquelle la Commissaire en charge du marché intérieur et de l’industrie, Mme Elzbieta Bienkowska (141), n’a apporté qu’une réponse partielle. Celle-ci renvoie à l’adresse Internet du site du comité technique (142) où figure un relevé sommaire des conclusions de la réunion ainsi que le résultat des votes : 25 voix pour, une voix contre, un absent (143). Ces informations ne permettent pas d’identifier les États membres qui ont voté en faveur ou non de la proposition de la Commission. Mme Bienkowska a parallèlement opposé la confidentialité à la demande de communication d’un compte rendu exhaustif de la réunion. Les arguments invoqués par la Commission européenne sont évidemment irrecevables :
– Sur le plan des principes, tout d’abord. L’article 42 de la Charte des droits fondamentaux (144) ouvre un droit d’accès aux documents des institutions européennes. Ce droit d’accès vaut a fortiori pour le Parlement d’un État membre. L’effectivité de ce droit d’accès est également garantie par les principes d’ouverture et de transparence tels que définis dans les articles 11 § 2 du Traité de l’Union européenne (145) et 15 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (146) ;
– Sur le plan du droit, ensuite. Se référant à l’article 10 du Règlement 182/2011(147), qui mentionne que peuvent être rendus publics « les comptes rendus sommaires (148)», la Commission considère qu’elle n’a pas d’autre obligation légale. Ce raisonnement, au regard des principes du droit communautaire, n’est pas recevable.
Enfin, concernant la demande relative à la liste des personnes membres du TCMV (fonctionnaires représentants les États membres et experts), la Commission européenne a opposé la protection des données à caractère personnel. Dans sa réponse en date du 7 janvier 2016 (149), Mme Elzbieta Bienkowska précise, en effet, que « les noms des représentants des États membres qui assistent aux réunions du comité sont considérés comme des données à caractère personnel ». En la matière, une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (150) autorise pourtant cette transmission lorsque sa nécessité est démontrée. Enfin invoquer la « protection des données personnelles », sur laquelle l’Union européenne est souvent peu regardante, à la communication de la simple liste des noms et fonctions des représentants officiels des États membres, mais aussi des experts dont les analyses sont souvent déterminantes dans ce genre de cadre, prêterait à sourire si elle ne soulevait pas un problème de principe.
Au final, cette opacité anti-démocratique est d’autant plus dérangeante que, comme le rappelait en 2008 la Cour de justice de l’Union européenne (151) : « l’absence d’information et de débat est susceptible de faire naître des doutes dans l’esprit des citoyens, non seulement quant à la légalité d’un acte isolé, mais aussi quant à la légitimité du processus décisionnel dans son entièreté. ».
3. Des questions sur la position et l’influence de la France
Malgré la qualité et l’efficacité de la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne, l’influence française sur l’élaboration des normes européennes s’appliquant à l’industrie automobile fait l’objet d’interrogations récurrentes.
Il en va de même des positions défendues par notre pays à Bruxelles. La France a en effet approuvé le compromis proposé par la Commission européenne sur le facteur de conformité, avant de le critiquer.
a. La position initiale de la France sur le « facteur de conformité »
Votre Rapporteure a cherché à retracer la position prise par la France lors du TCMV du 28 octobre 2015, ainsi que les modalités de son élaboration. La communication de nombreux documents a été demandée au Secrétariat général des Affaires européennes (SGAE) ainsi qu’au Premier ministre, pour ce qui concerne les conclusions des réunions interministérielles arrêtant la position française.
Lors du comité des véhicules à moteur du 6 octobre 2015, la Commission européenne avait présenté une première proposition, nettement plus ambitieuse que la décision finalement adoptée.
Première proposition de la Commission européenne (TCMV du 6 octobre 2015)
« – pour la première étape, la Commission européenne a proposé un coefficient de conformité de 1.6 en conditions modérées avec une mise en œuvre, pour les nouvelles homologations de véhicules, le 1er septembre 2017, et, pour tous les véhicules neufs, le 1er septembre 2018 ;
– pour la seconde étape, la Commission européenne a proposé un coefficient de conformité de 1.2 en conditions modérées, avec une mise en œuvre, pour les nouvelles homologations de véhicules, le 1er septembre 2019, et, pour tous les véhicules neufs, le 1er septembre 2020. » (152)
La France n’était pas favorable à cette première proposition, comme en témoigne la « note des autorités françaises » adressée à la Commission.
Note des autorités françaises du 16 octobre 2015 : « Observations des autorités françaises sur la proposition relative à l’essai en condition réelle de conduite (RDE) présentée au comité des véhicules à moteurs le 6 octobre 2015 » (153)
Pour les nouvelles homologations :
– pour la première étape « les autorités françaises (…) sont prêtes à discuter de la valeur appropriée pour ce coefficient de conformité, tout en souhaitant qu’il ne soit pas supérieur à 2 en conditions modérées. » ;
– en ce qui concerne la seconde étape, « les autorités françaises sont favorables à sa mise en oeuvre pour les nouvelles homologations au plus tard le 1er septembre 2019. Elles considèrent à ce stade qu’un facteur de conformité ne devrait pas être inférieur à 1.4 » (154).
La même note précise : « Pour ce qui concerne la date d’application à tous les véhicules neufs, les autorités françaises considèrent que, pour la première étape, les contraintes techniques liées à la modification rendue nécessaire des modèles en circulation justifient un délai de 2 ans (soit septembre 2019). »
La position officielle des autorités françaises se rapprochait donc très sensiblement de la décision finalement adoptée par le TCMV le 28 octobre 2015 (facteur de conformité de 2.1 puis 1.5). On peut néanmoins remarquer :
– que la position de la France n’était pas analogue à celle des constructeurs automobiles français qui demandaient, pour la première étape, un facteur de conformité de 2.3, et, pour la seconde, un facteur de conformité de 1.7 ;
– que la position des constructeurs français était elle-même beaucoup moins laxiste que celle de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), qui plaidait pour un facteur de conformité de 3.3 pour la première étape, et de 2.5 pour la seconde.
La note adressée par le SGAE (155) à votre Rapporteure retrace les différentes positions prises par les différents États membres sur la première proposition ambitieuse de la Commission européenne, conduisant à son rejet. C’est dans ce contexte que, lors du Comité des véhicules à moteur du 28 octobre 2015, la Commission européenne a relevé très sensiblement les seuils de sa proposition :
Seconde proposition de la Commission européenne (CMTV du 28 octobre 2015)
– « un facteur de conformité de 2.1 pour la première étape avec une date de mise en œuvre, au 1er septembre 2017, pour les nouvelles homologations, et, au
1er septembre 2019, pour les nouveaux véhicules ;
– un facteur de conformité de 1.5 pour la seconde étape avec une date de mise en œuvre, au 1er septembre 2019, pour les nouvelles homologations, et, au 1er septembre 2020, pour les nouveaux véhicules. »
Ce compromis, très proche de la position française, a été approuvé par la France.
b. Le vote positif de la France le 28 octobre 2015 en TCMV
Il n’y a pas le moindre doute à entretenir sur le soutien apporté par la France à la décision du TCMV, ni sur la part active qu’elle a prise à la construction du compromis adopté. Comme le souligne la note du SGAE « l’accord (…) n’a pu être obtenu que par le soutien de la France et de l’Allemagne ».
Les autorités françaises justifient essentiellement le soutien à la proposition la moins ambitieuse de la Commission européenne par la nécessité d’éviter un report du texte et d’aboutir vite à un accord permettant d’apporter à l’industrie automobile un minimum de visibilité sur les nouveaux critères d’homologation. Elles mettent également en avant l’obtention d’une « clause de révision » afin de modifier annuellement le coefficient de conformité en tenant compte du retour d’expérience. De façon plus officieuse, certains interlocuteurs ont indiqué à votre Rapporteure que ce compromis pouvait être considéré comme satisfaisant étant donné que « sans le scandale Volkswagen jamais l’Allemagne ne l’aurait voté ».
Ce n’est donc qu’a posteriori que le gouvernement (156) a considéré que « ce projet de mesure n’est pas satisfaisant », en soulignant à juste titre qu’« une décision de cette importance doit être discutée et décidée en réunion des ministres, c’est-à-dire au niveau politique ». M. Laurent Michel (157) a rappelé le cheminement de la position française lors de son audition : « il y a eu un ensemble d’échanges, avec les positions de chaque ministère et une position française qui demandait, par rapport à la proposition de la Commission, un certain nombre d’ajustements sur le facteur et sur les dates. On est arrivé au comité du 28 [octobre] où in fine on a eu un consensus large sur des éléments qui effectivement a posteriori nous apparaissent un peu trop élevés. […] La discussion et le consensus dans le comité a amené à ce résultat, […] la Ministre a estimé qu’il n’était pas satisfaisant. »
Les services du ministère de l’Environnement, de l’énergie et de la mer, qui représentaient la France au sein du comité technique des véhicules à moteur, ont strictement respecté la feuille de route définie en amont, comme l’a confirmé M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat, lors de son audition (158), « c’étaient les instructions ».
Le revirement français a été mal perçu à Bruxelles où, non sans un certain agacement, plusieurs interlocuteurs de la mission ont jugé que la France devait « arrêter de se cacher derrière Bruxelles », ces incohérences ne contribuant pas à la crédibilité et à l’influence française au sein des institutions européennes.
c. L’influence française sur les normes automobiles
De façon plus générale, l’empreinte normative de la France à Bruxelles dans le secteur automobile a fait l’objet, auprès de la mission, de franches inquiétudes. Souvent fondées et légitimes, elles ne sont d’ailleurs pas propres à ce seul secteur industriel. Un récent rapport parlementaire relatif à l’influence française au sein de l’Union européenne (159) présenté par MM. Christophe Caresche et Pierre Lequiller, au nom de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, établit d’ailleurs le constat implacable d’une « perte d’influence réelle » et avance de nombreuses propositions pour y remédier.
S’agissant de tous les sujets se rapportant à l’industrie automobile, c’est plus particulièrement l’affaiblissement de l’autorité technique et politique de la France au sein du Parlement européen, dont le rôle de co-législateur est amené à être encore renforcé, qui n’a pas manqué d’être constamment invoqué par les interlocuteurs de la mission. C’est aussi la présence et la composition des délégations dans toute une série d’instances, dont le rôle est décisif dans l’élaboration des normes. À cet égard, un rapide examen de la liste des participants au TCMV fait apparaître, même si chaque État membre n’a qu’une seule voix, que la France y est représentée par un fonctionnaire et un expert, alors que l’Allemagne l’est par trois fonctionnaires représentant trois ministères et un expert.
En complément de ces constats de portée générale, votre Rapporteure a souhaité rencontrer les représentants d’intérêts des constructeurs français à Bruxelles, ainsi que l’ACEA, pour mieux comprendre les rapports de force internes à l’industrie automobile et leurs conséquences sur les normes.
La mission a agrégé les données disponibles sur le registre de transparence de l’Union européenne en les mettant en rapport avec les parts de marché des différents constructeurs en Europe.
CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES : REPRÉSENTATION DES INTÉRÊTS
AUPRÈS DE L’UNION EUROPÉENNE
Entité enregistrée |
Parts de marché |
Nombre de personnes participant aux activités couvertes par le registre |
Participe à un groupe d’experts créé par la Commission européenne |
Estimation des coûts annuels liés aux activités couvertes par le registre | |
Nombre de personnes concernées |
Équivalent temps plein (ETP) | ||||
Volkswagen AG |
22,2 % |
33 |
15,5 |
OUI |
2 800 000 € |
Peugeot S.A |
9,8 % |
4 |
2 |
NON |
>= 500 000 € et < 599 999 € |
Renault |
9,2 % |
4 |
1,8 |
NON |
>= 300 000 € et < 399 999 € |
Ford Motor Company |
7,9 % |
3 |
2 |
NON |
>= 500 000 € et < 599 999 € |
Opel Group |
7,30 % |
3 |
1,8 |
NON |
>= 700 000 € et < 799 999 € |
BMW Group |
6,9 % |
8 |
5,2 |
OUI |
>= 1 250 000 € et < 1 499 999 € |
Fiat Chrystler |
6,4 % |
6 |
2 |
NON |
>= 600 000 € et < 699 999 € |
Daimler AG |
5,80 % |
15 |
8 |
OUI |
>= 2 500 000 € et < 2 749 000 € |
Nissan |
4,5 % |
4 |
1,8 |
NON |
>= 300 000 € et < 399 999 € |
Toyota Motor Europe |
4,3 % |
5 |
1,2 |
OUI |
>= 400 000 € et < 499 999 € |
Hyundai Motot Company |
3,20 % |
5 |
2 |
NON |
>= 600 000 € et < 699 999 € |
Jaguar Land Rover |
2,10 % |
2 |
1 |
OUI |
>= 300 000 € et < 399 999 € |
Volvo AB |
1,70 % |
1 |
1 |
NON |
>= 300 000 € et < 399 999 € |
Mazda Motor Logistics Europe |
1,70 % |
2 |
0,5 |
NON |
>= 25 000 € et < 49 999 € |
Suzuki |
1,30 % |
4 |
2,5 |
NON |
>= 900 000 € et < 999 999 € |
Premier en parts de marché, le groupe Volkswagen est également logiquement en tête pour le nombre de lobbyistes à Bruxelles ainsi que pour le niveau de son budget consacré aux activités d’influence. BMW, sixième en parts de marché, se situe en troisième position pour ses capacités de représentation d’intérêts. De même, Daimler, huitième constructeur sur le marché européen, arrive en deuxième position pour la taille de ses équipes et de ses budgets de lobbying. A contrario, PSA, deuxième en part de marché en Europe, et Renault, troisième, se situent respectivement en cinquième et sixième positions pour leurs nombres de représentants d’intérêts, et septième et neuvième dans le classement des budgets consacrés aux activités d’influence.
Ces déséquilibres ne sont pas sans conséquence sur l’empreinte normative que peut avoir l’industrie allemande. Aussi efficaces que puissent être les représentants d’intérêt français, le rapport de force est tout simplement inégal en termes de capacités de déploiement, entendues comme la capacité à participer aux différents groupes de travail qui influencent la législation en amont.
Tout se joue dans les détails. Un bon exemple de l’empreinte normative de l’industrie automobile allemande peut se voir dans le contenu du premier paquet RDE qui autorise des essais sur route à 160 km/h alors que la législation française limite la vitesse à 130 km/h.
M. Christian Peugeot, président du CCFA, valide cette analyse : « Nous sommes en face d’une très puissante industrie allemande dont les relations avec les pouvoirs publics sont très proches, voire très, très proches, même si l’affaire Volkswagen est passée par là. L’Allemagne est le seul pays à avoir conservé des portions d’autoroutes où ne s’applique aucune limitation de vitesse. Je n’ai pas encore trouvé quelqu’un qui soit prêt à parier qu’ils allaient mettre fin à cette spécificité dans les cinq ans qui viennent. Les constructeurs allemands souhaitent valoriser leurs grosses voitures, capables de freiner à 200 km à l’heure sur l’autoroute. Cette démonstration de marketing est soutenue par les pouvoirs publics allemands. Dans la procédure RDE, il est même prévu des tests à 160 km à l’heure, à la demande des Allemands. »
Le protocole RDE (160) prévoit des essais à 160 km
Le Règlement 2016/427 (161) définit précisément les conditions de mesure sur route, à l’aide de dispositifs embarqués, les PEMS (Portable Emissions Measurement System).
Lors des discussions, l’Allemagne a insisté pour que la vitesse maximale durant l’essai soit supérieure à 130 km/h afin de refléter les conditions de conduite sur les autoroutes allemandes et a obtenu gain de cause bien que la législation française limite la vitesse à 130 km/h.
Durant un essai RDE il est possible d’aller jusqu’à 160 km/h même s’il n’est pas obligatoire d’atteindre cette vitesse lors du test. Demeure seulement l’obligation de mesurer une vitesse du véhicule supérieure à 100 km/h pendant au moins 5 minutes.
M. Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, confirme que la France s’est opposée à cette mesure sans succès (162) : « s’agissant du cycle à 160 kilomètres à l’heure, bien que nous ne fussions pas concernés au premier chef, nous avons été saisis : nous avons exprimé notre plus totale opposition. Ce cycle était demandé par les constructeurs allemands, alors qu’il désavantage les constructeurs français dont les moteurs ne sont pas conçus pour avoir de tels rendements. La négociation s’est déroulée en comitologie ; je n’en étais pas directement chargé. La France a voté pour un texte permettant de ne pas l’imposer à tous, un compromis tel qu’on les pratique à Bruxelles avec la formule « sous réserve de la législation nationale ». La difficulté provient toujours de ces tronçons d’autoroutes allemandes sur lesquels la vitesse n’est pas limitée. ».
Ce poids inégal des lobbies se retrouve également au sein de l’Association européenne des constructeurs (ACEA), organisation qui représente les intérêts de l’ensemble des constructeurs automobiles ayant une activité en Europe, ce qui explique la présence de constructeurs non européens au sens strict.
M. Christian Peugeot (163) en a témoigné devant la mission : « Dans mes fonctions précédentes, j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de participer aux réunions de l’ACEA. Il est clair que les constructeurs français n’ont pas la même sensibilité que les constructeurs allemands. C’est ainsi que, pour l’objectif réglementaire européen, ces derniers ont imposé des calculs en fonction de la masse des véhicules vendus au lieu de s’en tenir à la règle selon laquelle à 1 gramme de CO2 vaut 1 gramme de CO2, à laquelle nous tenions. Il y a eu des négociations et un compromis.».
Le règlement CO2 : un exemple de lutte d’influence
Le Règlement 443/2009 (164) prévoit les obligations à atteindre, à partir de 2020, en matière d’émissions de CO2, pour les véhicules des particuliers, avec une limite de 95 g de CO2 /km pour la totalité des immatriculations en 2021.
En 2012, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement qui conservait l’approche par « objectif commun et efforts comparables », qui consiste à établir des objectifs différenciés par constructeurs prenant en compte la flotte de leurs véhicules neufs (en masse). Elle prévoyait également d’introduire des flexibilités supplémentaires. Cette proposition laxiste a donné lieu à une vigoureuse bataille franco-allemande, l’Allemagne demandant de repousser la date d’entrée en vigueur du règlement de 2020 à 2024.
La France s’y est opposée pour une raison environnementale, puisque les objectifs par flotte de véhicules et de constructeurs ne sont pas vertueux et n’incitent pas à la baisse des émissions, mais aussi industrielle, étant donné que la réglementation européenne avantage de facto les constructeurs pourvoyeurs de grosses cylindrées davantage émettrices d’émissions de CO2.
Si le résultat obtenu (165) ne donne pas entièrement satisfaction – la législation communautaire sur le CO2 n’avantage toujours pas « les constructeurs les plus vertueux (166) », voire « plombe ceux qui ont fait le plus d’efforts (167) » – le maintien d’une entrée en vigueur à partir de 2020, et de 2021 pour l’ensemble des véhicules neufs, a été obtenue.
Le mode de calcul aboutit néanmoins à une nette inéquité entre les constructeurs européens, comme Gilles Le Borgne n’a pas manqué de le souligner lors de son audition : « Compte tenu de la masse moyenne de ses véhicules, l’objectif assigné à PSA pour 2021 est de 91 grammes par kilomètres, alors que l’objectif fixé par l’Union européenne à la même date est de 95 grammes au kilomètre »
L’influence de l’ACEA est décisive sur tous les sujets et intervient souvent bien en amont de l’élaboration des normes, d’autant que la particularité de la législation communautaire tient au fait que seule la Commission européenne a le monopole de l’initiative législative. La participation aux groupes de travail techniques et autres comités d’experts instaurés par la Commission est donc déterminante. La capacité de déploiement d’un nombre important de personnes n’est dès lors pas sans conséquences sur la capacité d’influence. L’ACEA ne représente pas nécessairement les intérêts français, comme l’a précisé devant votre Rapporteure un lobbyiste à Bruxelles, « l’ACEA dégage un commun dénominateur. (168) »
II. LES TROIS PILIERS DE LA CONFIANCE
Il est possible de restaurer la confiance dans l’industrie automobile et la crédibilité des institutions, européennes et nationales, chargées de définir les normes environnementales applicables et de contrôler leur respect de façon effective.
Non seulement une remise à plat complète de la législation s’impose, mais surtout de nouvelles règles, claires et saines, doivent la refonder.
Les bases mêmes du système normatif européen sont en réalité viciées. Un nouvel empilement de réformes, des correctifs à la marge, ajoutant empiriquement un nouvel étage au « mille-feuille » réglementaire, ne permettront pas d’en finir avec les scandales et les défaillances. Ils ne garantiront pas d’avantage aux citoyens des progrès réels dans la lutte contre la pollution, ni n’apporteront à l’industrie automobile la clarté qu’elle est en droit d’attendre.
Votre Rapporteure préconise que la France défende, à l’échelle européenne, une vision cohérente qui repose sur trois piliers : une seule norme, intégrant tous les types de polluants et s’appliquant à toutes les motorisations thermiques ; la règle des cinq ans pour donner à l’industrie automobile la visibilité indispensable sur les progrès à accomplir ; une surveillance de marché effective par la création d’une autorité de contrôle européenne, avec sa déclinaison nationale qui peut être mise en place immédiatement.
1. Un véhicule et mille et une normes
Le système normatif européen applicable à l’automobile s’est construit empiriquement par paliers successifs. Il en résulte des incohérences structurelles.
Il en va ainsi de l’arbitrage à opérer, par les constructeurs, entre les émissions de particules, de NOx et celles de CO2. Il existe en effet, comme l’a exposé devant la mission M. Christian Peugeot, président du CCFA (169), une interdépendance dans le calibrage moteur qui implique que ce qui est décidé pour l’un à une incidence sur l’autre : « la difficulté technique pour nous consiste à devoir traiter en même temps la réduction des émissions de CO2 et celles de NOx – je n’oublie pas les particules, je considère seulement qu’elles ont été traitées. En effet, ces objectifs sont quelque peu contradictoires, dioxydes de carbone et oxydes d’azote ayant des comportements antagonistes. Par parenthèse, je soulignerai qu’aux États-Unis, si les émissions de NOx sont suivies de près, celles de CO2 font l’objet d’une moindre attention – je ne crois pas que les gros 4x4 à moteur V6 soient des champions en la matière. »
Plusieurs interlocuteurs de la mission ont affirmé que le retard européen en matière de traitement des NOx serait un « effet collatéral » du volontarisme affiché en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Les objectifs ambitieux concernant la réduction drastique des émissions de CO2 imposées par la législation européenne se sont traduits par une forte diésélisation du parc automobile français, les véhicules diesel émettant « 15 % à 20 % de CO2 de moins que les véhicules essence » (170). En revanche, ils sont davantage pollueurs en termes d’émissions de NOx. Toujours selon M. Christian Peugeot, « les constructeurs français ont profité de leur forte part de marché en France – plus de la moitié, de manière régulière – pour répondre aux obligations liées au règlement européen limitant les émissions de CO2. Les deux groupes français font ainsi partie des trois groupes les plus vertueux en ce domaine au niveau européen. »
Dans toute la législation européenne, pollution globale, à l’échelle de la planète, et pollution locale, n’ont en fait jamais été appréhendées ensemble. Il y a un seul calibrage moteur, un système de traitement des émissions, un véhicule sur la route, mais plusieurs règlements, pour le climat d’une part, la qualité de l’air de l’autre, plusieurs commissaires européens, autant de directions générales, et autant de calendriers distincts.
À dire vrai, tout est organisé comme si l’Europe avait « deux cerveaux », le climat d’un côté, la qualité de l’air de l’autre, et que les deux organes ne communiquaient jamais, à charge pour les constructeurs automobiles de veiller à la cohérence d’ensemble. Ainsi le système de norme Euro n’intègre pas le CO2, qui lui est règlementé (171) par valeur pondérée par la masse moyenne des véhicules vendus annuellement dans l’Union européenne par chaque constructeur, et non par véhicule ou gamme de véhicule ! Ce seuil en moyenne de 130 g/km de CO2, n’est pas une limite, mais un objectif au-delà duquel le constructeur doit payer des pénalités par gramme de CO2 supplémentaire. Le calendrier d’entrée en vigueur du nouveau Règlement fixant l’objectif de 95 g/km de CO2, est indépendant de celui prévu pour l’entrée en vigueur du nouveau palier de la norme Euro 6 concernant les NOx, intégrant le RDE.
Il résulte de ces injonctions contradictoires un profond désordre. Les constructeurs doivent faire avec, non sans réelles difficultés d’adaptation industrielles, tandis que pour le citoyen le système est de plus en plus illisible.
S’y ajoute une complexité indéniable. Ainsi, la norme Euro 6, définie, initialement en 2007, pour une application en 2014, a été découpée en autant de lettres de l’alphabet. Dès 2008, le Règlement d’application 692/2008 (172) a prévu un découpage de la norme Euro 6, entre une phase optionnelle Euro 6 (a), pour les constructeurs volontaires, et une phase obligatoire Euro 6 (b). En 2012, le Règlement 459/2012 (173) a ajouté la mesure des particules en nombres et a défini un seuil intermédiaire pour les exigences relatives à la surveillance des émissions par l’ordinateur de bord (OBD) (174). Le seuil final plus ambitieux a conduit à une étape supplémentaire Euro 6 (c) dont l’application est prévue pour septembre 2018. Enfin en 2016, le Règlement 2016/646 (175) qui a pour finalité de mesurer en conditions de conduite réelle les émissions de NOx a introduit 2 phases supplémentaires : Euro 6 (d) TEMP (RDE step 1, facteur de conformité 2.1) et Euro 6 (d) (RDE step 2, facteur de conformité 1.5). La publication des textes relatifs au WLTP ainsi que le troisième paquet RDE relatif aux particules en nombres pourraient éventuellement rajouter des niveaux intermédiaires supplémentaires à la norme Euro 6…
Enfin, summum de l’incohérence, ces règles font également apparaître une différence de traitement significative entre les exigences normatives pour les véhicules diesel par rapport aux véhicules essence, malgré la convergence amorcée à partir d’Euro 5 pour les particules en masse, et à partir d’Euro 6c pour les particules fines.
2. Pour une norme unique, intégrant tous les paramètres de pollution
La dichotomie entre les objectifs de lutte contre la pollution locale et de protection du climat est une des causes du retard européen dans la réduction des émissions de NOx, et par voie de conséquence, de toutes les pratiques mises à jour à la suite de l’affaire Volkswagen. Bien sûr, elle n’excuse en rien les tricheries ou les arrangements avec les protocoles de tests. Mais la complexité technique indiscutable du fonctionnement d’un moteur et d’un système de traitement des émissions polluantes ne peut suffire à elle seule à justifier un enchevêtrement technocratique illisible, dont toutes les failles sont habilement exploitées.
Remédier à cette absence de vision systémique est un impératif. L’arbitrage entre les différents facteurs de pollution, particules en masse et en nombre, oxydes d’azote, CO2, compte tenu de leur interdépendance, doit relever des pouvoirs publics et non des constructeurs. De plus, l’exigence posée par la puissance publique, c’est-à-dire la démocratie, vis-à-vis de la pollution de tout véhicule en circulation, doit être la même pour tous les véhicules à énergie fossile, quel que soit leur type de motorisation.
Alors que, tôt ou tard, s’ouvrira un débat à l’échelle européenne sur une nouvelle norme Euro 7, votre Rapporteure propose que la France soit à l’initiative. Interrogé sur l’ouverture prochaine d’une négociation en vue d’une nouvelle norme Euro 7, M. Ilmari Peltomäki, directeur général adjoint de la DG GROW à la Commission européenne, a indiqué à la mission que « ce n’est pas exclu » (176), sans vouloir donner d’avantage de précisions. Il est indispensable que cette négociation s’ouvre dès à présent et permette de tirer toutes les leçons du « dieselgate ».
La France doit jouer un rôle moteur pour ouvrir cette perspective immédiatement et que le débat autour d’Euro 7 s’engage sur la base d’un objectif évident : l’élaboration d’une norme multicritères, intégrant tous les types d’émissions polluantes et s’appliquant à tous les véhicules thermiques.
Alors que le marché automobile est totalement globalisé, cette refondation est indispensable pour que le système normatif européen puisse redevenir une référence dans le cadre de l’harmonisation mondiale, souhaitable, des normes s’appliquant à l’industrie automobile.
Proposition n° 7 : Pour une norme unique : ouvrir le chantier de l’élaboration d’une nouvelle norme Euro 7, sur une base refondée.
La France doit exiger l’ouverture rapide d’une négociation européenne en vue de l’élaboration d’une norme Euro 7 :
– identique pour tous les véhicules à énergie fossile, diesel comme essence ;
– intégrant tous les paramètres de pollution et remettant en cohérence toutes les directives relatives au climat et à la qualité de l’air qui s’appliquent à l’automobile ;
– fixant le nouvel horizon des progrès à accomplir en matière de NOx, de particules fines et de CO2.
1. « Dites-nous ce que vous voulez, mais dites-le nous à l’avance »
L’industrie automobile est totalement dépendante des normes, dans des proportions que les membres de la mission ne pouvaient imaginer avant d’engager les travaux destinés à l’information du Parlement.
D’après M. Gaspar Gascon Abellan, membre du comité exécutif et directeur de l’ingénierie du groupe Renault (177), le coût d’un changement de normes peut être très élevé : « le développement d’une génération de moteurs adaptée à un changement de norme représente un investissement de l’ordre de 1,2 à 1,5 milliard d’euros, en fonction du nombre d’applications à mettre au point. Cela nécessite un fort investissement de départ pour le développement, auquel s’ajoute l’adaptation de l’outillage du groupe et de ses fournisseurs pour fabriquer les moteurs de base, plus une sorte de forfait pour chaque application, car chaque véhicule fait l’objet d’une motorisation particulière, au minimum en termes de calibrage, et est équipé de quelques pièces en propre. »
Ce que confirme M. Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et du développement, membre du comité exécutif de PSA-Citroën : « En matière de R&D, les dépenses en jeu sont considérables. Le coût pour le passage d’une norme Euro – d’Euro 3 à Euro 4 ou d’Euro 4 à Euro 5, par exemple – est variable, mais s’établit entre 1 et 1,5 milliard d’euros, ce qui correspond à la totalité de notre résultat net pour 2015. À chaque évolution de norme – la norme Euro 6 s’est divisée en trois normes, la première s’appliquant en 2014, la deuxième en 2017 et la troisième en 2020 –, nous avons 250 applications véhicule par véhicule, j’entends un ensemble de groupes motopropulseurs associés à une silhouette – à modifier en Europe, et plus de 100 en Chine : ce sont donc, à chaque fois, plus de 350 applications à modifier complètement. » (178)
Selon M. Éric Poyeton, directeur général de la Plateforme automobile et mobilités (PFA), « le processus européen de définition des normes pose problème car il ne laisse pas toujours aux industriels le temps de réaliser leurs innovations. […] Nous n’avons jamais été opposés à l’évolution des normes. Simplement, nous souhaitons avoir le temps de faire les travaux de recherche-développement nécessaires pour y répondre dans l’ensemble des gammes. » (179). Un message que M. Gilles Le Borgne, au nom de PSA, a exprimé avec force : « s’il vous plaît, dites-nous ce que vous voulez, mais dites-le nous à l’avance, dans des délais compatibles avec des développements industriels ». D’autant plus que l’absence de prévisibilité peut être plus favorable à certains positionnements stratégiques, c’est-à-dire qu’elle avantage les constructeurs qui ont adopté une stratégie de développement dans la gamme premium. Toujours selon M. Gilles Le Borgne « la plus grande sévérité des normes [peut être] à l’origine de surcoûts plus difficiles à assumer par les constructeurs généralistes que par les constructeurs de véhicules premium. […] Leur coût relatif diffère en fonction de la gamme des véhicules. Proportionnellement, un surcoût de 1 000 euros de technologies nouvelles est plus facile à transférer à l’acheteur d’une voiture coûtant 45 000 euros à 50 000 euros qu’à l’acheteur d’une voiture de 20 000 euros. (180)»
L’ensemble des interlocuteurs de la mission, au cours des auditions, comme lors des visites d’usines et des centres de R&D, ont unanimement partagé ces points de vue : la difficulté pour l’industrie automobile réside moins dans le niveau d’exigence de la norme, que dans le délai imparti pour la respecter, compte tenu des lourds investissements nécessaires et des indispensables adaptations de l’outil de production. À titre d’exemple, la mission a pu constater lors de sa visite du site de production de moteurs Renault, à Cléon, que le remplacement d’une seule chaîne de production nécessite un investissement d’environ 30 millions d’euros et un délai d’environ 18 mois.
De ce point de vue, que les « règles du jeu », à savoir le protocole d’homologation WLTP et RDE, alors qu’il est en débat depuis des années, ne soient définitivement établies qu’en 2016, pour s’appliquer à partir de 2017, génère d’immenses difficultés. Comme l’a relevé M. Christophe Lerouge (181), chef du service de l’industrie à la direction générale des entreprises, « le calendrier d’application des normes change régulièrement ». M. Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et du développement, membre du comité exécutif de PSA-Citroën, ne dit pas autre chose (182) :« Nous devons relever ces défis dans des conditions difficiles. Il s’agit d’abord d’un cadre réglementaire instable et tardif. »
Votre Rapporteure estime que la demande de l’industrie automobile, d’une prévisibilité en matière de normes relève du bon sens et doit être entendue.
2. Toute nouvelle norme doit être décidée 5 ans à l’avance
Un délai de cinq ans entre la détermination, finalisée, d’une nouvelle norme environnementale applicable à l’automobile, et son entrée en vigueur, paraît à la fois correspondre aux enjeux d’investissements et de développements industriels, et à même de favoriser une compétition positive entre les constructeurs pour atteindre l’objectif avec les meilleures innovations et la meilleure compétitivité économique.
Pour M. Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA) (183) « un délai de cinq ans s’approcherait davantage du temps nécessaire à la mise au point d’une nouvelle génération de voitures – sachant qu’il faut plus de temps encore pour l’élaboration de nouveaux moteurs, même si certaines adaptations de groupes motopropulseurs sont plus courtes. La construction automobile est une industrie lourde. Nous ne pouvons pas prendre de décisions du jour pour le lendemain. »
Le président du directoire du groupe de PSA, M. Carlos Tavares (184) a évoqué, pour sa part, plutôt un délai de sept à huit ans pour tenir compte de l’adaptation de la norme aux différents modèles de la gamme : « cinq ans entre deux normes successives ; et si possible, ensuite, dix-huit mois à deux ans pour l’extension de l’application à l’ensemble des modèles concernés par cette nouvelle norme. »
Pour tenir compte des contraintes financières et techniques des constructeurs, M. Gaspar Gascon Abellan, membre du comité exécutif et directeur de l’ingénierie du groupe Renault (185), a précisé, devant la mission : « Nous ne pouvons financer de tels montants que tous les cinq ou six ans, car, à eux seuls, ils consomment parfois toute une année de bénéfices de l’entreprise. Une autre contrainte résulte du temps nécessaire à la conception des moteurs, qui est de quatre ans dans le meilleur des cas. Une norme qui évoluerait dans un délai moindre serait impossible à suivre : un changement tous les deux ou trois ans représente une perturbation majeure et des dépenses considérables. »
Au-delà du nécessaire délai entre l’adoption d’une norme et son entrée en vigueur, les pouvoirs publics doivent porter une vision à moyen et long terme, avec un objectif cible indiqué dix ans à l’avance. Comme l’ont exprimé les équipes de Renault rencontrées au Centre technique de Lardy, « nous avons besoin de connaître la norme, mais aussi d’avoir une idée en amont de ce que sera le coup d’après » (186). En effet l’affirmation d’un objectif clair à dix ans est un puissant levier de R&D et donc d’innovation.
Proposition n° 8 : La « règle des 5 ans » : respecter un délai de 5 ans entre l’adoption par les pouvoirs publics d’une nouvelle norme environnementale applicable à l’automobile et son entrée en vigueur effective.
Parallèlement, affirmer, dix ans à l’avance, le nouvel objectif cible en matière de protection du climat et de l’environnement, afin de favoriser la R&D et l’innovation.
C. POUR UNE AGENCE EUROPÉENNE DE CONTRÔLE
1. Après l’affaire Volkswagen, l’Union européenne ne peut se contenter d’une réforme bancale
La Commission européenne a présenté, le 27 janvier 2016, un projet de réforme de la législation fixant les règles d’homologation des véhicules (187). Cette proposition se présente sous la forme d’un projet de règlement qui, une fois adopté, sera d’application directe dans l’ensemble des États membres, contrairement à la législation précédente qui prenait la forme d’une directive nécessitant une transposition, laissant donc aux États membres certaines marges d’appréciation.
La proposition de réforme présentée par la Commission européenne
La proposition de règlement relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules du 27 janvier 2016 (188), doit, selon la Commission, contribuer à atteindre les trois objectifs suivants :
● Renforcer l’indépendance et la qualité des essais permettant à une voiture d’être mise sur le marché :
– en mettant en place un système d’audit des autorités de réception et en renforçant les compétences des services techniques ;
– en limitant la durée et la validité des autorisations de réceptions par type ;
– en modifiant le système de rémunération pour éviter les liens financiers directs entre les services techniques et les constructeurs ;
● Mettre en place un système efficace de surveillance du marché pour contrôler la conformité des voitures déjà en circulation :
– en opérant des contrôles ex post sur les véhicules homologués (pouvoir accordé tant à la Commission européenne qu’aux États membres) ;
– en offrant la possibilité aux États membres de prendre des mesures de sauvegarde à des véhicules non conformes en circulation sur leur territoire sans attendre que l’autorité qui a délivré la réception par type agisse ;
– en instaurant des pénalités applicables par les États membres aux opérateurs économiques ainsi qu’aux services techniques qui ne conforment pas aux obligations ;
● Améliorer le système de réception par type grâce à une plus grande supervision européenne :
– en évaluant si une mesure restrictive prise par un État membre est justifiée ou non ;
– en instaurant la possibilité pour la Commission européenne de procéder au retrait de véhicules qui seraient non conformes ;
– en instaurant la possibilité pour la Commission européenne d’infliger des amendes administratives pouvant atteindre jusqu’à 30 000 euros par véhicule.
Le projet de règlement présenté par la Commission européenne prend acte de l’incontournable nécessité d’une réforme du cadre européen d’homologation des véhicules et de la surveillance de marché. Il contient des avancées substantielles au regard du laxisme dont l’Europe a fait preuve et accorderait à la Commission des compétences nouvelles et directes qui font défaut aujourd’hui.
Malgré ses mérites, cette réforme demeure bancale :
– elle ne procède pas à une refondation complète du cadre réglementaire, mais ajoute un niveau supplémentaire de supervision à l’organisation existante dont les fondements sont conservés (désignation des autorités de réception et surveillance de marché par les États membres par exemple) : il en résulte une plus grande complexité juridique ;
– bien qu’elle affirme l’intention d’éviter les conflits d’intérêts entre constructeur et régulateur, elle continue d’autoriser la désignation d’un « organisme appartenant à une association d’entreprises ou à une fédération professionnelle » de l’automobile comme service technique par l’autorité de réception ;
– elle ne clarifie pas les compétences respectives des États membres et de la Commission, dont l’articulation hybride est confuse : ces compétences se cumuleront, non sans engendrer des risques de contradiction et des retards procéduraux dommageables ;
– en excluant par principe la création d’une agence européenne, elle ne dote pas la Commission des moyens techniques, financiers et administratifs lui permettant d’exercer ses prérogatives de contrôle de façon effective.
Dans sa logique d’ensemble, la proposition de la Commission européenne n’apporte par les clarifications attendues. À l’aune des cas Mercedes-Daimler et Volkswagen, l’application de ce nouveau règlement aurait-il évité ces affaires ou autorisé à les traiter plus promptement ? Il est permis d’en douter.
2. La création d’une agence européenne est nécessaire
Une très large majorité des interlocuteurs de la mission se sont déclarés favorables à la création d’une agence européenne, qu’il s’agisse des constructeurs, des ONG, et même des responsables des organismes actuellement en charge de l’homologation. Mme Béatrice Lopez de Rodas, directrice de la marque UTAC, a ainsi exprimé son soutien à cette proposition : « L’UTAC y est très favorable. Nous en avons véritablement « ras le bol » que les autorités se montrent plus clémentes ! Nos laboratoires sont soumis à la norme ISO/CEI 17025:2005, ce qui coûte très cher. D’autres autorités n’ont pas de laboratoire et donc n’investissent pas en la matière. Aussi, si l’on pouvait harmoniser les processus d’homologation avec des exigences plus sévères, nous serions preneurs. » (189)
La France doit porter cette proposition. Encore faut-il clarifier ce que seraient les compétences propres d’une telle agence européenne, à créer sous la forme d’une autorité administrative indépendante.
Pour votre Rapporteure, le périmètre d’intervention de l’agence européenne doit mettre fin à l’enchevêtrement des compétences relevant des États membres d’une part, et de l’Union européenne d’autre part. Ainsi :
– les États membres conserveraient la responsabilité de l’homologation avant la mise sur le marché ;
– l’agence européenne prendrait en charge la surveillance de marché et le contrôle de conformité des véhicules en circulation, les procédures de sanctions, ainsi que l’agrément des services techniques désignés par les autorités nationales d’homologation.
L’Europe se doterait ainsi d’une institution exerçant des prérogatives de contrôle comparables à celle de l’EPA américaine ou d’agences européennes telles qu’il en existe dans le domaine aérien (190), avec toute la force nécessaire pour exiger d’un constructeur défaillant qu’il rende des comptes.
Proposition n° 9 : Créer une Agence européenne indépendante en charge :
– de la surveillance de marché et du contrôle de conformité des véhicules en circulation ;
– des procédures de sanctions en cas de non-conformité ;
– de l’agrément des services techniques désignés par les autorités nationales d’homologation pour garantir le respect de standards de qualité et de déontologie.
Un mémorandum de la France, adressé à ses partenaires européens, doit ouvrir le débat sur cette proposition dans le cadre de l’examen de la proposition de règlement relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules.
De nombreux pays membres sont opposés à toute prérogative nouvelle à l’échelon européen. La proposition de règlement présentée par la Commission, bien qu’insuffisante, suscite elle-même de fortes oppositions, en particulier celle de l’Allemagne. Le rapport de la commission d’enquête confiée au KBA sous l’égide du ministère allemand des transports, conclut ainsi « il n’est pas nécessaire de créer de nouvelles autorités et compétences européennes. » (191)
Le risque existe que la montagne du Volkswagengate accouche d’une souris, et que tout continue comme avant à Bruxelles. La France ne doit pas l’accepter. Elle doit être à l’avant-garde d’initiatives diplomatiques fortes pour convaincre ses partenaires que l’avenir de l’industrie automobile européenne passe par le rétablissement de la crédibilité de ses normes et de leur respect, et donc de la création d’une Agence européenne.
Sans attendre l’issue du débat européen qui paraît d’ores et déjà enlisé, une réforme globale des systèmes de contrôle en France est nécessaire et peut être réalisée.
I. UNE RÉFORME GLOBALE DES SYSTÈMES DE CONTRÔLE
A. LA RÉFORME DE L’HOMOLOGATION EN FRANCE
1. Transformer l’UTAC pour éviter tout soupçon de conflit d’intérêt
L’attribution d’une compétence opérationnelle exclusive et la refondation à venir des normes et procédures d’homologation amènent à examiner le statut de l’UTAC, une entité privée à laquelle est conférée, en France, pour la partie de ses activités qui fonde d’ailleurs sa réputation, une mission relevant de l’intérêt général.
L’UTAC est une structure qui se présente, historiquement, sous la forme d’une « union de syndicats » (UdS). Ce statut est toujours celui de l’entité que l’on peut considérer comme la holding de tête d’un ensemble devenu, avec le développement des activités, un groupe qui a successivement créé plusieurs filiales spécialisées sous le statut du droit commercial, celui de la société par actions simplifiée (SAS), généralement contrôlées à 100 %.
Sous la seule raison sociale « UTAC », la plus importante des filiales, d’ailleurs dépositaire des marques « Utac » et « Ceram », a pour activités les tests et essais qui génèrent plus des deux tiers du chiffre d’affaires du groupe. Cette société, créée en 2001, est bien une société par actions simplifié à actionnaire unique (SASU) ainsi que le mentionne le Registre du commerce. Cet actionnaire unique est, en l’occurrence, l’« UTAC UdS » dont le président directeur général est également le président de la société « UTAC ».
Les syndicats associés dans cette « union de syndicats » sont des organismes professionnels qui, très majoritairement, relèvent directement de la filière industrielle de l’automobile, au premier rang desquels figure le Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA) qui compte le plus grand nombre d’administrateurs au conseil d’administration (4 représentants sur 11 membres). Participent également à ce conseil, des représentants du Syndicat des fabricants d’équipements et de pièces pour l’automobile (SFEPA) qui rassemble au sein de la FIEV les plus importants équipementiers, de la Fédération française de la Carrosserie (FFC), de la Chambre syndicale nationale du motocycle (CSNM), de l’Union syndicale du vélo (UNIVELO) et de l’Union des industriels de l’agroéquipement (AXEMA). Une personnalité qualifiée d’« extérieure » mais néanmoins président de l’Automobile club de France, siège également à ce conseil.
Dans ses réponses écrites aux questions de votre Rapporteure, le président de l’UTAC UdS a tenu à préciser le rôle du conseil d’administration qui, selon ses propres termes, est de « déterminer le budget, arrêter les comptes, valider la stratégie sans aucun reporting opérationnel (étanchéité totale des dossiers) », en insistant tout particulièrement sur cette « étanchéité » car « … les sujets relatifs aux homologations ne sont jamais (en caractères gras et souligné dans la réponse) abordés lors de ses séances » (192).
L’UTAC-CERAM
Depuis sa création, en 1945, sous l’appellation d’« Union technique de l’automobile du motocycle et du cycle », cette structure qui se présente toujours dans ses publications comme sur son site internet en tant qu’acteur « privé et indépendant » est incontestablement un rouage essentiel du secteur français de l’automobile, dans sa dimension technique. L’UTAC a acquis, en 2008, le CERAM (Centre d’essais et de recherche appliqués à la mobilité). Au total, le groupe UTAC-CERAM compte 380 ingénieurs et techniciens. Son chiffre d’affaires est de 52,2 millions d’euros en 2015.
L’UTAC est, depuis l’origine, un centre d’expertise à vocation national qui a cependant diversifié ses champs d’intervention, y compris par une prolongation de ses activités sur d’autres marchés, notamment en Russie et en Chine. L’UTAC vise à proposer une gamme étendue de services dans les différents domaines de la mobilité terrestre : essais et tests, certifications, expertises, formations à la conduite et activités événementielles.
Son centre névralgique et opérationnel est évidemment en France, à proximité immédiate de l’autodrome de Linas-Montlhéry (Essonne) que contrôle l’UTAC (de même que le circuit de Mortefontaine dans l’Oise, créé par l’ancien constructeur SIMCA, qui dépendait du CERAM jusqu’à son rachat). Dans l’enceinte de Linas-Montlhéry est implanté l’essentiel de ses moyens techniques, laboratoires et bancs d’essais qui servent notamment aux mesures des émissions à l’échappement dans le cadre des cycles d’homologation. L’UTAC est également un laboratoire officiel EuroNcap qui évalue les performances en termes de sécurité des véhicules.
La mission a auditionné les dirigeants de l’UTAC, le 25 novembre 2015. Puis votre Rapporteure a effectué une visite des installations de Montlhéry, le 7 mars 2016, et a également adressé deux courriers aux dirigeants afin d’obtenir des précisions, spécialement sur le statut et l’activité de l’organisme en considérant le rôle central qui est dévolu à l’UTAC, en France, pour la réception communautaire des véhicules, c’est-à-dire la procédure usuellement mentionnée sous le vocable de l’« homologation ».
Deux organismes sont également rattachés à l’UTAC :
– le premier est le Bureau de la normalisation automobile (BNA) ; une ancienne structure créée par les constructeurs français en 1927, ultérieurement rattachée à l’UTAC. La mission n’a pas examiné en profondeur les activités du BNA qui reste un cadre de concertation technique pour les constructeurs et, sans doute, les équipementiers. Aucun de ses interlocuteurs n’a d’ailleurs spontanément évoqué l’existence et les missions du BNA, tant au cours des auditions que des rencontres avec des acteurs de la filière automobile ou encore pendant les déplacements effectués dans des sites industriels. À l’exception de M. Laurent Benoit, président de l’UTAC, qui a mentionné le rôle du BNA au sujet d’une confrontation franco-allemande concernant les normes relatives aux prises de recharge des véhicules électriques, un débat dont il a rappelé l’issu favorable aux orientations techniques allemandes ;
– la seconde structure est l’Organisme technique central (OTC) créé par le décret n° 91-1021 du 4 octobre 1991. L’OTC a d’abord vocation à collecter les résultats de l’ensemble des opérations annuellement réalisées au titre du contrôle technique obligatoire des véhicules en circulation. Son rattachement à l’UTAC est également justifié par son autre mission de supervision des installations des opérateurs du contrôle technique et de formation de leurs personnels, tout en tenant à jour les éléments permettant l’adaptation des méthodes de contrôle. Ce point doit être mis en rapport avec le renforcement du contrôle des émissions de polluants par les véhicules (article 65 de la loi de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique).
En dépit de sa désignation par les pouvoirs publics en tant qu’unique organisme français d’homologation des véhicules, l’UTAC ne dispose pas d’un monopole relatif aux activités d’homologation car cette procédure, réglementée à l’échelon communautaire, est dorénavant un marché concurrentiel et, à ce titre, ouvert à d’autres organismes agréés par les différents pays de l’Union européenne qui constituent les homologues de l’UTAC.
L’UTAC n’est pas un centre de recherche et de développement. En France, cette compétence existe dans d’autres pôles techniques. D’abord, chez les constructeurs et les principaux équipementiers, mais aussi au sein d’écoles d’ingénieurs ou d’établissements universitaires spécialisés ou encore dans certaines structures relevant d’opérateurs publics ou privés de recherche. On citera, par exemple, l’IFP Energies nouvelles pour l’analyse de la qualité de tous les carburants et de leurs différents degrés d’émission en utilisation. Il existe aussi des entités spécialisées comme le Centre d’étude et de recherche en aérodynamique des moteurs (CERTAM) qui, à partir d’une compétence dans la surveillance de la qualité de l’air dans l’agglomération rouennaise, a développé une expertise de haut niveau sur les effets de l’émission des polluants (193).
Mais l’UTAC est le seul organisme habilité pour réaliser ou superviser, sous sa responsabilité, l’ensemble des essais et contrôles constitutifs de la chaîne des opérations aboutissant à une homologation. Conformément aux dispositions réglementaires européennes, l’UTAC est donc désignée par le gouvernement français en tant que « service technique » (au sens des textes en vigueur) auquel est attribué par le gouvernement la compétence sur cet ensemble d’opérations (décret n° 91-1021 du 4 octobre 1991).
En outre, l’« UTAC UdS » n’a pas de capital social du fait de son statut actuel. Elle a créé en son sein une sorte de fonds de dotation alimenté par une remontée de ses revenus d’activité.
Ce principe d’autofinancement intégral peut présenter fiscalement quelques avantages. Il limite cependant les capacités d’investissement de l’UTAC. En l’état actuel, votre Rapporteure a déjà pu constater que les moyens techniques mis en œuvre nécessitent une modernisation et également des extensions de capacités tant ils sont sollicités. Avec l’entrée en vigueur de nouvelles normes d’émission à l’échappement dont le respect sera contrôlé sur la base de cycles plus détaillés, les besoins en investissements de court et moyen termes sont évidents. Par exemple, l’UTAC dispose dans ses locaux de trois bancs d’essais qu’il lui est matériellement quasiment impossible de faire fonctionner en parallèle. Le grand nombre de tests que l’UTAC a effectué actuellement, de jour et de nuit, pour le compte de la commission technique créée à la suite de l’« Affaire Volkswagen » qui visait initialement à contrôler 100 véhicules prélevés dans le parc français, a démontré que les moyens sont à saturation. Mais, surtout, un seul des bancs serait actuellement en mesure de fonctionner, sans adaptations majeures, conformément aux futurs cycles WLTP (Worldwide Harmonized Light Vehicles Tests Procedures), pourtant appelés à entrer en vigueur en 2017.
L’UTAC doit moderniser ses propres moyens d’essais.
Il convient de rappeler que les homologations réalisées par l’UTAC n’ont jusqu’ici jamais fait l’objet de contestations ou de mises en cause. D’ailleurs au cours de ses déplacements à Bruxelles, votre Rapporteure a pu constater que ses interlocuteurs considéraient favorablement l’UTAC au sein de la diversité des opérateurs désignés dans les différents pays européens pour effectuer les essais d’homologation. Ses capacités techniques sont donc reconnues, même si les équipes de l’UTAC ont indiqué à votre Rapporteure que « le logiciel de Volgswagen, on ne l’aurait pas vu non plus » car l’organisme n’est pas en capacité de « décortiquer un calculateur ».
L’actuelle construction statutaire, héritée du passé, traduit néanmoins une situation d’« entre soi ». Dans un contexte de forte concurrence, elle peut susciter certaines interrogations. Les activités réglementées d’homologation, mais aussi les autres expertises qui sont normalement confiées à l’UTAC par les industriels, doivent être universellement perçues comme étant conduites en totale indépendance.
Il ne s’agit pas de mettre en cause le statut de droit privé de l’UTAC ou la qualité du travail de ses personnels. Il revient simplement à cet organisme de concevoir une nouvelle architecture juridique et financière afin d’adapter son organisation au contexte de l’exercice de ses activités.
À cet égard, il est positif qu’une réflexion s’engage. Devant la mission, le nouveau président du CCFA, en fonction depuis le 1er janvier 2016, n’a pas semblé exclure toute évolution statutaire de l’UTAC. Pour sa part, le président de l’UTAC a confirmé par écrit à votre Rapporteure qu’une étude sur ce thème est en cours au sein d’un important cabinet d’experts juridiques. Lors de sa visite sur le site de l’UTAC, les responsables avaient d’ailleurs fait état d’un premier audit conduit en 2014, à la demande des pouvoirs publics, afin d’évaluer la conformité des installations et l’indépendance de la structure juridique.
Il paraît indispensable que cette réorganisation intervienne avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de la directive 2007/46 CE sur la réception communautaire des véhicules et qu’elle soit prise en compte dans le cadre de la révision à venir de la convention entre l’UTAC et l’État. Le statut de la société anonyme (SA) disposant d’un actionnariat plus diversifié paraît constituer une solution aisément accessible.
Le contrôle de l’homologation exercé par
le Centre national de réception des véhicules (CNRV)
Votre Rapporteure a tenu à constater sur place les modalités d’exercice du contrôle du processus d’homologation par le Centre national de réception des véhicules (CNRV), organisme administratif rattaché à la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie d’Île-de-France (DRIEE-IdF). Son activité est de veiller à la bonne exécution des procédures d’homologation des véhicules sur le fondement d’un processus harmonisé au niveau européen dit « RCE » (Directive cadre 2007/46/CE).
Le CNRV tient ses instructions de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Les discrets locaux du CNRV se trouvent dans l’enceinte de l’autodrome de Linas-Montlhéry, à proximité immédiate du centre des activités de l’UTAC-CERAM dont les équipes du CNRV partagent la cantine. Le CNRV a des fonctions d’ordre administratif. Il ne dispose pas de moyens d’essais, hormis un garage attenant à ses bureaux qui, le cas échéant, permet d’effectuer des vérifications, principalement visuelles, sur un véhicule, lesquelles semblent au demeurant plutôt rares. Selon les informations et documents communiqués à votre Rapporteure, le CNRV a validé, en 2014, 4 483 réceptions partielles (modifications sur véhicules ou sur d’autres éléments routiers comme des remorques) et 750 réceptions communautaires de véhicules complets, dont 237 de véhicules particuliers.
M. Chassard, directeur du CNRV, a précisé que pour l’homologation d’un nouveau véhicule de type berline, une soixantaine de dispositions complexes figurant dans des textes divers est applicable, chacun des points réglementaires correspond à une réception partielle qui constitue une étape du processus d’homologation, pour lesquels le rôle du CNRV est « d’assembler les pièces du puzzle ».
Pour les réceptions complètes de nouveaux véhicules la procédure d’homologation se déroule en trois étapes :
– En premier lieu, le constructeur établit, sous sa seule responsabilité, un dossier technique descriptif du véhicule qu’il présente à l’homologation ;
– L’UTAC supervise les essais successifs et émet un rapport récapitulatif des essais techniques ;
– Le CNRV, après avoir vérifié la cohérence du dossier qui lui est transmis, valide la réception et délivre une fiche de réception communautaire, document officiel qui garantit la conformité du véhicule, opposable pour une commercialisation dans l’ensemble des pays européens.
Au cours de son audition du 25 novembre 2015, M. Laurent Benoit, PDG de l’UTAC-CERAM a précisé de façon quelque peu lapidaire que le CRNV « … signe les fiches d’homologation en vue de la commercialisation des véhicules ».
Le directeur du CNRV a indiqué à votre Rapporteure que le contrôle de l’UTAC « n’est pas la mission du CNRV » car « le contrôle de l’UTAC est cadré par la directive », ajoutant que « le CNRV a un rôle d’application réglementaire, c’est un contrôle administratif : on ne refait pas les essais, on vérifie les procédures ». Ainsi, les cas cités de retour à l’UTAC sur des fiches de réception l’ont été « souvent pour des problèmes de forme administrative ».
Dans les faits, les missions du CNRV consistent principalement en un contrôle purement formel, administratif voire bureaucratique, des documents. Cette entité administrative, qui emploie 27 agents, ne dispose pas des moyens matériels lui permettant, par exemple, de renouveler, en interne, un essai.
Au regard de cette mécanique, l’exercice des prérogatives de contrôle par l’État des opérations d’homologation paraît faible. En outre, à l’heure du digital, les tâches actuellement confiées au CNRV pourraient être facilement simplifiées et modernisées. Le rôle et la mission du CRNV sont manifestement à reconsidérer.
2. Le problème des « homologations à domicile »
Selon l’ONG « T&E » qui vient de publier un premier palmarès des trente véhicules les plus polluants, la pente naturelle des constructeurs à s’adresser pour les essais aux organismes de leur pays d’origine (réglementairement désignés pour l’homologation) expliquerait en grande partie un « laxisme » quasi généralisé. Certains doutes existent depuis longtemps. Mais il n’est pas, à ce jour, prouvé que la complaisance délibérée, voire la connivence, de tous les organismes nationaux soit principalement à l’origine de la situation actuelle. D’autres facteurs seraient au moins autant déterminants s’agissant des possibilités d’une « optimisation » préalable des véhicules qui, dans le cadre réglementaire actuel, suffisent à fausser les tests sans pour autant constituer des fraudes susceptibles d’être sanctionnées. De plus, il y a une marge entre ce qui relève d’une certaine tolérance et une complaisance « tous azimuts ».
Mais dans le cadre d’une réforme d’ensemble qui doit intervenir afin de refonder, au plus tôt, les procédures d’homologation, les modalités et finalités des interventions des organismes en charge des essais sont à revoir. En particulier, la question de l’« homologation à domicile », avec un nombre important d’essais réalisés chez les constructeurs, pose problème.
L’UTAC doit moderniser mais évidemment rentabiliser ses propres moyens d’essais. À cet égard, trois observations méritent particulièrement d’être formulées à la suite de la visite à l’UTAC et des contacts avec ses dirigeants :
– Le déroulement des opérations d’homologation d’un véhicule peut être géographiquement fractionné, « ce qui se fait de plus en plus, on fait les homologations chez le constructeur », pour des raisons de facilité, de disponibilités de bancs à rouleaux et de confidentialité, selon les explications fournies à la mission. C’est le cas par exemple au centre de développement de Lardy pour Renault ou encore dans l’enceinte du centre d’essais de Belchamp pour PSA. Dans ces situations, les tests s’effectuent en présence et sous la responsabilité des techniciens de l’UTAC, l’organisme ayant d’ailleurs préalablement homologué les installations et instruments de mesures du constructeur concerné. Il n’a toutefois pas été caché à votre Rapporteure que cette délocalisation des tests « c’est lié à l’optimisation, chez soit c’est plus facile, mais cela reste conforme à la réglementation » ;
– Les missions réalisées par l’UTAC en « externe » ne sont en rien exceptionnelles. Elles s’exercent aussi au titre d’activités de contrôle de conformité de production des véhicules et pièces des véhicules. Ainsi, M. Éric Vinesse, directeur des pré-développements du groupe Michelin a indiqué lors de son audition que l’UTAC intervenait « tous les ans » pour auditer les laboratoires d’essais du groupe et, dans le cadre de la fabrication de pneumatiques de catégorie E 2 (dont l’homologation est requise pour une commercialisation dans l’Union européenne), un audit de leurs lieux de fabrication doit être aussi réglementairement réalisé « tous les trois ans », une opération également conduite par l’UTAC ;
– Par ailleurs, il a également été indiqué à votre Rapporteure qu’en l’état actuel de la réglementation, les opérations d’homologation de véhicules essence coûtent plus cher que pour les véhicules diesel car deux tests supplémentaires sont imposés : un essai à -7° et un essai « évaporation » ;
Cette activité « externe » a également été soulignée par écrit de la part de l’UTAC, à l’occasion d’une question précisément posée par votre Rapporteure dans un de ses courriers sur les essais de « durabilité » dans les processus d’homologation. Ce point, rarement évoqué, est important car ce type d’essais a toujours été inscrit dans le processus d’homologation mais a évolué au cours des années.
La réponse de l’UTAC est la suivante :
« Actuellement le principe est de vieillir uniquement les systèmes de dépollution (Essence : convertisseur catalytique ; Diesel : convertisseur catalytique + Filtre à particules + piège à NOx) sur des bancs d’endurance. Avant et après le vieillissement du dispositif de dépollution, un essai émissions est réalisé au banc à rouleaux. Bien que pouvant être réalisés sur piste, les essais d’endurance sont toujours effectués en laboratoire. Pour le diesel, le principe est de reproduire sur banc moteur le même nombre de cycles de régénération et/ou de désulfuration équivalent à 160 000 kms de conduite sur route. L’UTAC supervise les essais au début et à la fin de l’endurance chez le constructeur et vérifie au cours de l’endurance que les essais se déroulent dans de bonnes conditions. Pour chaque polluant, les facteurs de détérioration (Durabilité) sont calculés à partir des essais de type homologation « Émissions » effectués avant et après l’endurance. Les résultats obtenus à l’homologation sont multipliés par les facteurs de détérioration pour tenir compte du vieillissement des dispositifs de dépollution. C’est ensuite cette valeur qui est comparée aux valeurs limites à respecter ».
Déjà au regard de la réglementation actuelle puis avec la « sévérisation » à venir des essais et des tests, il est légitime de poser la question d’un rapatriement hautement souhaitable de l’intégralité des opérations d’homologation, donc de proscrire les formules d’externalisation qui, au cours des années, se sont développées en Europe. Le corollaire est un indispensable renforcement des moyens techniques de l’UTAC, dont la disponibilité est actuellement insuffisante.
Quelles que soient les modalités de l’évolution du système d’homologation, dans le cadre d’une réforme désormais impérative, l’UTAC peut demeurer un des grands opérateurs européens des essais et tests sur banc, sur piste mais aussi en conditions d’usage routier. Cet organisme ne doit pas craindre une éventuelle supervision par une agence européenne qu’il reste à créer.
Proposition n° 10 : Achever la réforme du statut de l’UTAC dans les meilleurs délais, pour assurer l’indépendance de cette structure privée, la préserver de tout soupçon de conflit d’intérêt.
Proscrire la pratique des « homologations à domicile » en renforçant les moyens techniques de l’UTAC au travers d’un plan d’investissement concomitant à l’évolution de son statut juridique.
B. INSTAURER UN CONTRÔLE A POSTERIORI INDÉPENDANT
Au terme de l’examen du dispositif d’homologation des véhicules tel qu’il est organisé en France, votre Rapporteure a acquis la conviction que, plus que la réforme de l’UTAC et des procédures de contrôle a priori, le levier le plus déterminant et le plus dissuasif pour éviter toute tricherie est l’instauration d’un contrôle a posteriori indépendant des émissions polluantes des véhicules en circulation.
1. L’indigence de la « surveillance de marché » en France
a. L’absence de contrôle des émissions polluantes des véhicules en circulation
En pratique, le contrôle des émissions de polluants ne s’exerce qu’au seul moment de l’homologation. Passée cette mise sur le marché, aucune vérification régulière n’est opérée, à l’exception des contrôles effectués par les constructeurs eux-mêmes, dans le cadre de l’obligation de la vérification de la conformité de la production (COP), définie à l’article 12 de la directive cadre 2007/46/CE (194). Ces contrôles peuvent, lorsqu’un même défaut est signalé à plusieurs reprises chez les concessionnaires, ou lorsqu’un problème de qualité des produits fournis par les sous-traitants ou encore un dysfonctionnement de la ligne de production sont constatés, aboutir à une campagne de rappel décidée par les constructeurs. Aux termes l’article 18 de la même directive (195), transcrit en droit français par l’article 22 de l’arrêté du 4 mai 2009 relatif à la réception des véhicules, le constructeur délivre lui-même un certificat de conformité à « tout véhicule conforme à un type, variante et version ».
En pratique, aucun contrôle ne permet de s’assurer qu’un véhicule continue à respecter les normes environnementales pour lesquelles il a été homologué, dès sa mise en circulation ou après quelques années. Le système, dans sa configuration actuelle, ne permet pas de détecter une éventuelle fraude lors de l’homologation ni d’éviter une dégradation des performances environnementales au fil du temps.
Pour cette raison, l’UFC Que Choisir (196) en appelait « à un renforcement de la réglementation européenne en matière de tests, réclamant que ceux-ci soient effectués en conditions réelles d’utilisation et assortis de contrôles a posteriori, afin que les consommateurs puissent disposer d’une information crédible ».
L’indigence de la surveillance de marché :
l’exemple des Renault Captur et Kadjar
En juillet 2015, Renault constatait des anomalies sur les modèles Captur et Kadjar, homologués Euro 6. L’efficacité des NOx Trap était altérée par une calibration erronée d’un capteur, ne déclenchant pas la régénération (197) du catalyseur de soufre tous les 700 à 1 000 kilomètres, comme ce devrait être le cas. Or, en l’absence de cette régénération, des émissions anormales de polluants sont constatées après 3 000 kilomètres parcourus.
Pour autant, alors que les responsables de Renault étaient au courant de ce dysfonctionnement depuis juillet 2015, l’information n’a pas été rendue publique et n’a donné lieu à aucun rappel des véhicules concernés avant le début de l’année 2016, c’est-à-dire après la publication des résultats des tests menés par la commission chargée d’une enquête approfondie sur les émissions de polluants des voitures particulières. Cette commission pointait des rejets de NOx de deux à sept fois supérieurs à la limite autorisée (198). Sans l’affaire Volkswagen et la mise en place de la commission pilotée par le ministère de l’Environnement, de l’énergie et de la mer, cette faille serait donc passée inaperçue. Selon Gaspar Gascon Abellan, membre du comité exécutif et directeur de l’ingénierie du Groupe Renault (199), l’absence de rappels par le constructeur, dès la constatation de ce dépassement notable de la norme, ne serait pas délibérée mais due à « une erreur humaine interne à l’entreprise » : l’ingénieur qui devait signaler qu’il fallait réaligner les calibrations des véhicules aurait « omis cette mention ». Les véhicules mis sur le marché avant la détection du dysfonctionnement n’ont pas été rappelés avant janvier 2016, et la correction du logiciel n’a été opérée que sur les nouveaux véhicules du même modèle mis en vente.
Depuis janvier en revanche, à la suite des résultats des tests menés, les autorités françaises ont demandé au constructeur de prendre les mesures nécessaires et d’indiquer les modalités et le calendrier qu’il envisageait pour faire en sorte que les 11 461 véhicules concernés en Europe par le dysfonctionnement soient mis en conformité. En réponse à une question de votre Rapporteure, la DGEC a précisé que la remise en conformité des véhicules nécessiterait un rappel, puis des modifications en distinguant deux cas :
– véhicules ayant parcouru moins de 3 000 kilomètres : reprogrammation du calculateur d’injection ;
– véhicules ayant parcouru plus de 3 000 kilomètres : échange du Nox Trap et reprogrammation du calculateur d’injection.
Le plan de mise en conformité a été annoncé le 5 avril 2016 et a été validé par la DGEC.
Tous les véhicules en production depuis juillet 2016 sont rectifiés. Les propriétaires des véhicules déjà en circulation recevront, à partir d’octobre 2016, un courrier leur indiquant qu’ils peuvent procéder à la modification.
Conformément aux dispositions de l’article 30.1 de la directive 2007/46 relative à l’homologation des véhicules, les autorités françaises ont informé leurs homologues et la Commission européenne de la procédure mise en œuvre par courrier du 6 mai 2016.
b. Les procédures de contrôle mises en place à la suite de l’affaire Volkswagen
De façon salutaire, la France – comme d’autres États européens – a mis en place à la suite de l’affaire Volkswagen un organe ad hoc chargé d’organiser des contrôles a posteriori sur « 100 voitures prélevées de façon aléatoire sur le marché automobile français », choisies toutefois de manière à représenter la répartition des parts de marché des différents constructeurs. Cette commission chargée d’une enquête approfondie sur les émissions de polluants des voitures particulières, pilotée par le ministère de l’Environnement, de l’énergie et de la mer présentait le mérite d’associer, pour la première fois, toutes les parties prenantes : les associations de consommateurs, des organisations non gouvernementales engagées dans le domaine de la qualité de l’air et de l’écologie, les services des ministères de l’Écologie, de l’Industrie, et de l’Économie, l’ADEME et des experts (200).
Les premiers résultats des tests menés, communiqués en janvier 2016, puis les seconds résultats, communiqués en avril 2016, confirmaient que, sur les 52 premiers véhicules testés, la quasi-totalité dépassait très largement, sur route, les valeurs limites de CO2 et de NOx pourtant respectées lors de leur homologation. La commission établissait par ailleurs que « les systèmes de dépollution utilisés par plusieurs constructeurs ne fonctionnent pas de façon optimale en permanence afin de préserver différents éléments de motorisation ». Huit constructeurs français et étrangers, pour lesquels des anomalies avaient été détectées, avaient été auditionnés par la commission technique (Renault, FCA–Fiat Chrysler, Mercedes, Volkswagen, Opel, Ford, PSA et Nissan) (201).
Le rapport final de la commission indépendante, publié au cœur de l’été 2016, confirme d’importantes dérives pour une partie conséquente des 86 véhicules ayant pu, au total, être testés : « En matière d’émissions de NOx, des véhicules Euro 6 de certains constructeurs ont dépassé plus de dix fois la norme, alors que le test réalisé sur piste, qui ne fait reproduire le cycle NEDC [cycle actuellement en vigueur], paraît beaucoup moins exigeant (en termes de dynamique) que le futur test RDE [tendant à reproduire des conditions normales de circulation] pour lequel le facteur de conformité sera égal à 2,1 en 2019 pour toutes les voitures particulières » (202).
Le tableau ci-dessous retrace le nombre de véhicules « en anomalie » selon le rapport final de la commission. Ces résultats concernent un panel pouvant être considéré comme plutôt représentatif du marché du diesel (85 véhicules testés + 1 modèle essence), bien que les tests ne portent pas sur 100 véhicules prélevés dans le parc en circulation comme initialement annoncé.
Ainsi, les deux tiers des véhicules de la norme Euro 6 équipés d’un dispositif EGR couplé à un piège à NOx, sont en situation d’anomalie à l’issue des essais sur piste (dit D3) (203), tant pour leurs émissions de NOx que de CO2.
Néanmoins, le rapport final de la commission, publié le 29 juillet 2016 et notifié à la Commission européenne le 2 août 2016, peut laisser perplexe au regard de ses objectifs initiaux :
● La Commission ne se prononce pas sur la présence de logiciels truqueurs – y compris pour Volkswagen :
Alors que l’objet initial de la création de la commission ad hoc était de s’assurer de l’absence de logiciels truqueurs chez d’autres constructeurs que Volkswagen, non seulement ce motif légitime d’investigation des pouvoirs publics n’a pas trouvé de réponse, mais, pire, la tricherie de Volkswagen ne figure plus dans les conclusions de la commission technique.
Ce revirement est d’autant plus troublant que, dès les premiers tests effectués en novembre 2015, la ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie avait clairement indiqué : « Sur les dix voitures que nous venons de contrôler, de toutes marques, on observe que sur Volkswagen il y a un dépassement de cinq fois la valeur limite de la réglementation en oxyde d’azote, donc on a bien confirmation de la tricherie ».
De même, dans le premier communiqué sur les travaux de la commission, le 14 janvier 2016 (204), le ministère de l’écologie soulignait clairement : « Les tests confirment l’existence de logiciels de fraude sur les deux véhicules Volkswagen testés ; […] les tests n’établissent pas l’existence de logiciel de fraude, tels que celui de Volkswagen, sur les véhicules testés des autres marques ».
Dans la communication officielle du mois d’avril (205) il est toujours mentionné : « deux modèles du groupe Volkswagen dépassent largement l’écart jugé acceptable. Ces véhicules ont détecté la modification du cycle et déconnecté leur système de dépollution sur le second essai » (ce qui met en évidence la présence d’un logiciel fraudeur) (206).
Au contraire, le rapport final de la commission, plus exactement dans une annexe n°3 (207) conclue : « La commission ne peut donc pas se prononcer définitivement sur la présence ou l’absence de logiciels « tricheurs » dans les véhicules testés » (208).
Votre Rapporteure s’étonne que le rapport final ne fasse même plus état de la fraude de Volkswagen. Ainsi, à la page consacrée au constructeur Volkswagen, il est simplement mentionné que « trois des six véhicules testés dépassent le critère du seuil de NOx, selon le protocole de test D2 », et que le constructeur n’a pas apporté « d’explication spécifique ». La France se distingue ainsi notoirement de l’Allemagne, où le rapport du KBA, qui avait procédé à l’homologation des véhicules utilisant le logiciel truqueur, établit clairement la fraude de Volkswagen (209), et du Royaume-Uni, où le rapport publié par la commission d’évaluation conclut à la même fraude.
Votre Rapporteure déplore également les pressions inacceptables exercées par Volkswagen sur les membres de la Commission. Le constructeur a en effet adressé aux membres de la Commission une note signée par trois cabinets d’avocats (210) pour souligner les risques juridiques auxquels ils s’exposeraient s’ils faisaient usage des termes « tromperie », « fraude » ou « logiciel truqueur ». Ce type de méthode s’apparente à une tentative d’intimidation.
● La Commission n’a, à ce stade, pas investigué les codes sources et les algorithmes :
En outre, alors même que la Commission avait été instituée pour déterminer si d’autres constructeurs avaient, ou non, recouru à un logiciel truqueur, elle n’a, jusqu’ici, pas expertisé, en tant que tels, les logiciels qui équipaient les véhicules testés. Les membres de la Commission n’ont pas eu accès aux codes sources et aux algorithmes utilisés, ni aux documentations accompagnant les logiciels embarqués. Elle n’a donc pas été en mesure, au cours de ses échanges avec les constructeurs, d’obtenir des éléments de certitude et de preuve. Selon Mme Charlotte Lepitre (211), membre de la Commission au titre de l’association France Nature Environnement, certains constructeurs « ont accepté de donner accès » aux logiciels mais « cela n’a pas été plus loin ». Faute d’analyses complémentaires, les travaux n’ont donc pas abouti aux indispensables clarifications. Les avocats du groupe Volkswagen s’en félicitent d’ailleurs : « nous prenons acte que les essais prévus par l’UTAC afin de vérifier et corroborer l’existence d’une fraude alléguée n’ont pas été réalisés » (212). Comme l’indiquait M. Éric Horlait, directeur général délégué de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) en juillet 2016, « il aurait pourtant été légitime d’engager une analyse des logiciels, d’autant que c’était la question qui était posée au départ, et a suscité la mise en place de cette commission ». Selon M. Horlait, il aurait, de plus, été « techniquement tout à fait possible » de tester ces logiciels, en exploitant les données recueillies (213).
La « recommandation » n° 5 du rapport définitif de la commission semble, à cet égard, tout à fait équivoque : « Imposer aux constructeurs de transmettre au Centre national de réception des véhicules (CNRV) les détails du fonctionnement des dispositifs d’invalidation éventuellement présents sur leurs véhicules, notamment les modalités d’activation de ces dispositifs. Rendre publiques les justifications apportées par les constructeurs pour démontrer que les éventuels dispositifs d’invalidation sont conformes à l’article 5 du règlement (UE) n° 715/2007 du Parlement européen et du conseil du 20 juin 2007 ».
Toutefois, lors de sa réunion du 22 septembre dernier, la Commission technique a décidé de poursuivre ses travaux « pour approfondir l’analyse des logiciels de gestion des véhicules concernés » et d’engager un programme de tests complémentaires sur 7 véhicules qui seront réalisés par l’IFPEN en vue « d’investigations techniques plus poussées ». L’INRIA devrait être mise à contribution en ce qui concerne le protocole d’inspection des logiciels.
● La soif de transparence, de clarté et de vérité n’est pas pleinement satisfaite :
Le rapport final de la commission aboutit, in fine, à un constat de carence. À ce stade, la plupart des questions fondamentales demeure sans réponse et le rapport publié en juillet comportait un grand nombre de formulations vagues : « il semble que », « la plupart des constructeurs semblent » ; ou encore « la commission n’a pas mis en évidence (…) mais ne peut en écarter l’hypothèse, qui ne pourrait être confirmée ou infirmée que par d’autres investigations approfondies » (214). Il en résulte un doute généralisé, un « sentiment de flou » pour reprendre une expression utilisée par la presse automobile (215), qui a mécontenté toutes les parties prenantes, qu’il s’agisse de la société civile ou des constructeurs automobile.
Selon Mme Charlotte Lepitre, de l’association France Nature Environnement, auditionnée par votre Rapporteure, « il manque des informations », au regard notamment des auditions des constructeurs et l’association « s’est posé la question de quitter la Commission à cause du manque de transparence » (216). En outre, les membres de la Commission ont dû signer, après le 14 janvier 2016, une clause de confidentialité conditionnant la possibilité d’accéder aux données brutes des tests. Les premiers éléments d’information sont parvenus au public grâce à l’initiative de l’ONG France Nature Environnement (FNE) qui, sans méconnaître la clause de confidentialité, a publié une infographie par marque (et non par modèle testé) montrant le pourcentage des dépassements d’émissions par rapport aux normes, sans précision sur les chiffres relatifs à ces dépassements. Enfin, à ce jour, les tests complémentaires réalisés par les experts de l’IFPEN, à la demande de la commission, n’ont pas encore été rendus publics.
Il semble donc, en tout état de cause, que la commission technique ne puisse se prévaloir du qualificatif « indépendante ».
● Les rapports des autorités allemandes et britanniques apportent des compléments utiles :
La commission d’enquête ministérielle allemande, dont le rapport final a été connu dès le 22 avril 2016, a donné lieu à des procédures de rappel obligatoire et à la révélation de nouvelles fraudes, à l’image de celle mise en œuvre par le constructeur Fiat, désactivant les dispositifs de dépollution après 22 minutes de fonctionnement (le test d’homologation étant conçu pour ne durer que 20 minutes). Dès la publication du rapport de la commission d’enquête allemande, cinq des constructeurs nationaux ont décidé d’effectuer des mesures de service rectificatives, sous la forme de rappels ciblés, sur certains de leurs modèles : Mercedes (Classes A, B et V), Audi (Q5, A6, A8), Volkswagen (Amarok et Crafter), Porsche (Macan) et Opel (Zafira, Insignia et Cascada). En outre, le rapport du KBA fournit une analyse, technique et juridique, du recours des constructeurs à une « fenêtre thermique » réduite pour le fonctionnement des systèmes de dépollution, alors qu’en usage courant un véhicule est naturellement soumis à de fortes variations climatiques. Certes, on ne pouvait pas en attendre moins de la part de l’organisme qui a délivré pour l’Europe une homologation aux véhicules Volkswagen équipés de logiciels truqueurs…
De même, le Royaume-Uni a, lui aussi, mis en place une commission chargée de tester des véhicules prélevés de façon aléatoire, en fonction de leur présence sur le marché national, et publié un rapport particulièrement complet en juillet 2016 (217).
Si la commission française indique que les résultats des trois organismes sont « cohérents », il est regrettable qu’aucun protocole commun de test entre les différentes commissions nationales n’ait été mis en place : il n’est en effet pas possible de comparer les résultats obtenus, les tests étant réalisés dans des conditions différentes, sur des modèles différents. Cette défaillance est imputable à l’Union européenne, qui n’a pas cherché à compiler, coordonner ou harmoniser les démarches des différents États membres. Interrogée sur cette indispensable coordination par votre Rapporteure, M. Antti Peltomaki, directeur général adjoint de la direction générale chargée du marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des PME de la Commission européenne (218), a simplement constaté que « chaque État membre suit sa propre route ». S’engouffrant dans cette brèche, l’organisation non gouvernementale européenne Transports & Environment a publié, le 19 septembre, une étude, intitulée « Dieselgate : Qui ? Quoi ? Comment ? » (219), compilant les données des tests en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. Il en résulte un « classement » des constructeurs dont les véhicules dépassent, en conditions réelles, les normes d’émission NOx, ainsi qu’une estimation du nombre de véhicules concernés en circulation dans chaque pays, particulièrement désastreux pour la France.
Les différentes procédures de tests mises en place, en France et en Europe, à la suite de l’affaire Volkswagen étaient, en réalité, bien le moins qu’on puisse attendre de la part des pouvoirs publics après un tel scandale. Ce premier pas, utile mais imparfait, confirme qu’il n’est pas possible de s’en tenir à une sorte de « contrôle minimum » et superficiel. Il reste beaucoup de chemin à parcourir pour qu’un véritable contrôle aléatoire des véhicules en circulation s’exerce, fiable et transparent, à même de garantir le respect des normes.
2. Les vertus du système de contrôle américain
Votre Rapporteure n’idéalise en rien le modèle américain qui, rappelons-le, tolère des valeurs maximales de CO2 bien plus élevées que ne le fait l’Union européenne.
Pour autant, le système américain d’homologation, qui diffère sensiblement du modèle européen, présente des aspects positifs. À la « méfiance a priori » s’oppose la « confiance a priori », toutefois très encadrée.
En effet, le mécanisme retenu est celui d’une « self-certification », sous le contrôle de l’EPA (Environmental Protection Agency, l’agence fédérale en charge de l’homologation des véhicules à moteurs). L’EPA est l’une des agences indépendantes du Gouvernement des États-Unis, (en anglais Independent agencies of the United States Government), c’est-à-dire une agence de la branche exécutive du gouvernement fédéral des États-Unis (quelques-unes dépendent de la branche législative), qui n’est rattachée à aucun département exécutif fédéral. Elle dispose d’un pouvoir réglementaire et est indépendante du pouvoir et du contrôle présidentiel, le Président ne pouvant pas révoquer un administrateur ou un membre du bureau. Elle emploie 15 000 personnes réparties entre le siège à Washington, les dix bureaux régionaux et les 17 centres de recherche. Elle est dirigée par Mme Gina McCarthy, administratrice nommée par le Président Obama en juillet 2013, puis confirmée par le Sénat (220).
La self-certification implique que les constructeurs s’engagent à respecter les normes environnementales en vigueur, et testent eux-mêmes leurs véhicules sur leurs propres bancs à rouleaux et avec leurs propres instruments de mesure. Les résultats sont transmis à l’EPA qui décide, sur cette base, de certifier le véhicule. L’EPA ne certifie pas de laboratoires de tests, mais tient à jour une liste des laboratoires avec lesquels elle a déjà travaillé. Les normes d’émissions sont, par ailleurs, identiques pour tous les véhicules, quel que soit le carburant utilisé.
Le programme de vérification de l’EPA comporte trois aspects :
– une évaluation en pré-production (en général sur un modèle pilote) ;
– une évaluation sur la ligne d’assemblage, pour évaluer les émissions des véhicules en cours de production ;
– une évaluation sur un échantillon de véhicules, lors de leur mise en service.
Ces évaluations sont à la charge du constructeur, suivant une procédure définie par l’EPA. L’EPA peut choisir de réaliser certains tests par elle-même, dans ses propres laboratoires, pour s’assurer de la conformité des analyses réalisées par le constructeur. L’EPA demande par ailleurs à chaque constructeur de définir un processus d’évaluation de la durabilité des émissions, afin de prédire la dégradation des émissions dans le temps. Ce processus doit être validé par l’EPA.
En contrepartie de cette « confiance a priori », l’EPA met en œuvre un grand nombre de contrôles a posteriori, sur des véhicules prélevés de façon aléatoire dans le parc roulant. Tous les ans, environ 15 % des modèles présents dans le parc roulant sont sélectionnés et testés. Ces contrôles sont particulièrement sévères, expliquant le très grand nombre de campagnes de rappel aux États-Unis.
Ce système paraît faire ses preuves. L’intérêt des constructeurs n’est pas de tenter de frauder en espérant échapper aux contrôles ex post, mais bien de se conformer, dès l’origine, aux exigences posées par l’agence environnementale. En effet, en cas contraire, les campagnes de rappel sont lourdes et coûteuses, les sanctions potentiellement très élevées, et l’image de marque fortement dégradée.
Toutefois, un tel système ne peut fonctionner qu’en donnant aux autorités de surveillance du marché des moyens suffisamment importants pour permettre aux contrôles d’être nombreux et fréquents, et ainsi assurer leur caractère dissuasif.
Certains constructeurs ont fait part à votre Rapporteure de leurs inquiétudes quant aux provisions financières qu’induirait un risque contentieux accru. Votre Rapporteure considère toutefois que l’existence de cette épée de Damoclès constitue une incitation puissante au respect des normes.
3. Créer un organisme indépendant et permanent de contrôle des émissions des véhicules en circulation
Votre Rapporteure estime nécessaire de créer, au niveau national, un organe permanent et indépendant – tant des pouvoirs publics que des constructeurs – chargé de superviser l’ensemble du processus de contrôle.
En pratique, il s’agirait, pour cet organisme, d’opérer un contrôle a posteriori et aléatoire, complémentaire au contrôle à l’homologation et, si nécessaire, un contrôle de l’UTAC elle-même.
Il réaliserait de nouvelles mesures de la consommation et des émissions polluantes sur des véhicules prélevés de façon aléatoire sur route ou en concession, de manière à les comparer aux valeurs annoncées lors de l’homologation, et à s’assurer qu’elles sont cohérentes entre elles, prouvant à la fois que les valeurs initiales n’ont pas été truquées et que les performances environnementales des véhicules ne se sont pas dégradées excessivement avec le temps.
En cas de constatation de valeurs anormalement élevées, il pourrait diligenter une enquête technique destinée à en déterminer les causes et les responsabilités – enquête technique toutefois distincte d’une éventuelle enquête judiciaire.
Sans attendre la création d’une agence européenne, cette proposition est compatible avec le cadre réglementaire européen actuel, qui confie aux États membres la surveillance de marché, comme avec la proposition de règlement présentée par la Commission européenne début 2016.
a. Un choix à opérer sur le statut
Votre Rapporteure a examiné les différents statuts pouvant être envisagés pour un tel organisme :
– une autorité administrative indépendante (AAI). Une telle structure permettrait d’externaliser des missions pour lesquelles l’État n’a pas les compétences et moyens techniques suffisants, la DGCCRF ayant indiqué, lors de son audition (221), ne pas s’estimer en mesure de les prendre en charge. Elle serait aussi l’occasion d’associer des experts ou des ONG, en permettant notamment leur participation au conseil d’administration. Conformément au droit en vigueur, une telle AAI serait indépendante, aucun pouvoir hiérarchique ne pouvant donner ni d’injonction, ni d’instruction, et son président étant irrévocable. Elle disposerait d’un pouvoir décisionnel, ses décisions administratives étant susceptibles de recours devant le juge administratif. Elle disposerait également d’un pouvoir réglementaire, pour édicter des réglementations à caractère général et impersonnel dans son champ de compétences, et d’un pouvoir de sanction sous réserve que la loi l’instituant le prévoie. Une telle création serait justifiée, y compris au regard des cinq critères fixés par le Conseil d’État dans son rapport de 2012 « Les agences : une nouvelle gestion publique ? » : la spécialité : l’AAI répondrait à des missions circonscrites et spécialisées ; l’efficience : ses missions seraient plus efficacement exercées par elle que par un service de l’État ; l’expertise : elle aurait une expertise distincte de celle habituellement rencontrée dans les services de l’État ; le partenariat : elle rendrait plus aisés les partenariats avec des acteurs de la société civile ; la gouvernance : elle disposerait d’une autonomie et d’une neutralité par rapport à l’État. En outre, de telles AAI existent déjà en matière de contrôle, dans d’autres secteurs : le respect des règles de concurrence (Autorité de la Concurrence), l’audiovisuel (CSA), les marchés financiers (AMF)… Toutefois, la création d’une AAI donne, à chaque fois, lieu à un débat sur l’abandon par l’État de ses missions régaliennes, ainsi que sur les dépenses budgétaires qui résultent de sa création ;
– un établissement public administratif. À la différence d’une AAI, l’établissement public serait sous tutelle de l’État, en l’occurrence celle du ministère chargé des transports. Il jouirait cependant d’une autonomie de gestion et d’une autonomie financière, pourrait employer son propre personnel, passer ses propres contrats et disposer de son propre patrimoine. Il disposerait en outre de prérogatives de puissance publique et pourrait prendre des décisions exécutoires. Cet établissement public constituerait, à lui seul, une nouvelle catégorie, et devrait être créé par la loi, en vertu de l’article 34 de la Constitution (222). Son principe de spécialité l’empêcherait d’exercer des missions dans d’autres domaines. La loi portant création de cet établissement public devrait mentionner ses rapports avec son autorité de tutelle, sa mission et sa spécialité, le cadre général dans lequel il exercera sa mission, les grandes lignes de sa gouvernance et la provenance de ses ressources ;
– un groupement d’intérêt public (GIP). Selon la définition fixée par la loi du 17 mai 2011, le GIP est « une personne morale de droit public, constituée par convention, approuvée par l’État, soit entre plusieurs personnes de droit public, soit entre une ou plusieurs d’entre elles et une ou plusieurs personnes de droit privées. Ces personnes exercent ensemble des activités d’intérêt général à but non lucratif en mettant en commun les moyens nécessaires à l’exercice de leur activité ». Une telle structure permettrait d’associer des personnes publiques et des personnes privées à l’intérieur d’une même personne morale, avec une majorité de personnes publiques emportant le statut public de la structure. Un commissaire du gouvernement serait présent au conseil d’administration. La création par mode conventionnel apporterait un surcroît de souplesse par rapport aux établissements publics ;
– un service à compétence nationale, sous tutelle de l’État, mais disposant d’une indépendance fonctionnelle, à l’image du bureau d’enquêtes et d’analyses dans le secteur de l’aviation, ou du bureau d’enquêtes sur les accidents de transports terrestres. Le BEA « aviation » est un service du ministère chargé des transports, placé directement sous l’autorité du ministre, et disposant d’un budget identifié. Toutefois, son indépendance et l’impartialité de ses enquêtes ne sont jamais remises en cause. La loi l’instituant a en effet prévu deux dispositions pour garantir l’indépendance des enquêtes : le directeur du BEA est nommé pour sept ans ; il ne peut recevoir ni solliciter aucune instruction quant au déroulement des enquêtes. De plus, la directive européenne n° 94/56/CE dispose que l’organisme d’enquête est fonctionnellement indépendant des autorités nationales en charge de l’aviation civile et de toute autre partie dont les intérêts pourraient entrer en conflit avec la mission qui lui a été confiée. Cette solution est un compromis entre l’absence d’autonomie et une totale indépendance qui, selon M. Jean-François Le Grand, sénateur, « a l’avantage d’instaurer entre les parties intéressées un climat de confiance qui s’est révélé être, à l’usage un atout important pour obtenir des informations et pour persuader les parties impliquées du bien-fondé des recommandations de sécurité émises » (223). De même, le BEAT – TT (« transports terrestres ») a été créé par la loi du 3 janvier 2002, consécutive à l’incendie du tunnel du Mont-Blanc du 24 mars 1999. Celle-ci prévoit que des enquêtes sont réalisées par un organisme permanent spécialisé bénéficiant d’un droit d’accès à tous les éléments utiles à l’enquête, même couverts par le secret de l’instruction judiciaire, le secret médical ou le secret professionnel. Cette loi affirme également les principes d’indépendance des enquêteurs et de publicité des rapports d’enquêtes. Dans la pratique, les enquêtes sont conduites par des enquêteurs permanents avec, le cas échéant, l’appui d’enquêteurs temporaires et d’experts choisis en fonction des compétences jugées nécessaires pour analyser l’accident concerné.
Votre Rapporteure souhaite retenir cette dernière option : un service à compétence nationale, sous tutelle du ministère chargé des transports (224), mais indépendant statutairement. L’État ne peut se décharger de sa responsabilité en matière de contrôle du parc roulant, mais doit, dans le même temps, prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter tout conflit d’intérêts et garantir l’impartialité des mesures.
En conséquence, votre Rapporteure propose de créer un service à compétence nationale, chargé de contrôler les émissions polluantes du parc automobile en circulation de manière à vérifier leur conformité aux valeurs d’homologation, et pouvant mener une enquête technique sur les causes et responsabilités de dépassements éventuels. Cette création supposerait l’adoption d’une loi, introduisant des articles nouveaux à la partie législative du code de l’environnement, et d’un décret, précisant l’application de cette loi et introduisant des articles nouveaux à la partie réglementaire du code de l’environnement.
b. Des garanties à apporter, en particulier en termes de gouvernance et de moyens
Cet organe devra, pour être viable et efficace, respecter des conditions préalables :
– être, tout comme le BEA-TT, doté de pouvoirs d’investigation. Le directeur de l’organisme doit avoir le pouvoir d’engager des enquêtes, dont les résultats seront publics, de même que les recommandations formulées aux parties concernées. Il doit pouvoir s’appuyer, le cas échéant, sur des experts choisis en fonction de leurs compétences dans le domaine d’investigation, faire appel aux services de l’État ou associer les parties prenantes ;
– avoir accès à tous les éléments utiles et à l’enquête technique. Il doit, en particulier, avoir accès aux dossiers complets d’homologation, codes sources et algorithmes. Aucun secret industriel ne doit pouvoir être opposé à ses travaux de recherche ; le rapport de la commission technique mise en place par le ministère de l’Énergie, de l’environnement et de la mer l’esquisse, lorsqu’il indique qu’« il faudrait prévoir que les autorités […] puissent demander aux constructeurs de fournir une information complète sur les logiciels embarqués et sur leur paramétrage, ainsi que les moyens de vérifier ces informations » (225). De même, le rapport du KBA va dans le même sens : « Il faut que la réglementation oblige le constructeur à divulguer le logiciel qui commande le véhicule auprès de l’autorité » (226). Ce droit d’accès doit être étendu aux autorités chargées du contrôle a posteriori, en particulier à l’organisme que votre Rapporteure souhaite instituer ;
– employer, au côté des techniciens de mesure, des spécialistes des algorithmes et des informaticiens de pointe capables d’analyser les logiciels ;
– être le bras armé de l’agence européenne, dont la mission souhaite la création. Tout comme le BEA aviation (selon les dispositions prévues par le règlement européen n° 996/2010), il pourrait faire partir d’un réseau européen, participer aux enquêtes de l’agence européenne dédiée au contrôle des émissions polluantes des véhicules – dès lors que celle-ci aura été instituée – et assurer des procédures d’échanges d’information ;
– garantir que les véhicules testés soient prélevés en concession ou sur route, et non envoyés par les constructeurs ;
– comporter, au sein des instances de gouvernance, un comité permettant d’associer les parties prenantes et la société civile. Ce comité comprendrait, a minima, des personnalités qualifiées reconnues pour leur expertise scientifique, des associations de protection de l’environnement et des associations de consommateurs. Il pourrait, comme le comité équivalent de l’INERIS (227), proposer des questions à traiter en priorité, être consulté sur les modalités de diffusion des résultats des différents travaux ou sur le contenu de certains rapports ;
– être doté de moyens opérationnels qui lui soient propres et suffisants : il est indispensable que l’organe créé dispose ainsi de plusieurs cellules de tests, bancs à rouleaux et instruments de mesure embarqués
– alors même que l’UTAC ne dispose actuellement, pour le contrôle a priori, que d’une seule cellule de test compatible avec le test WLTP. L’équipement de la France en de telles cellules, dont la valeur unitaire est de trois millions d’euros environ (228), représente un investissement important mais indispensable à la crédibilité du dispositif de contrôle a posteriori et à son effet dissuasif.
En pratique, l’organisme devrait disposer des moyens suivants :
– trois à quatre bancs à rouleau, d’une valeur unitaire de 3 millions d’euros ;
– plusieurs instruments de mesure des émissions polluantes embarqués (PEMS) d’une valeur unitaire d’environ 150 000 euros (229) ;
– au moins quinze techniciens de mesure, quinze ingénieurs experts en informatique et cinq agents administratifs.
Le coût global d’un tel dispositif comprendrait, selon les estimations de votre Rapporteure, un investissement initial d’environ 30 millions d’euros, puis un budget annuel de 4 à 5 millions d’euros. Un tel budget paraît raisonnable au regard de l’importance stratégique de l’industrie automobile française et de sa crédibilité dans le monde.
Proposition n° 11 : Projet de loi relatif à la création d’un service à compétence nationale chargé du contrôle a posteriori des émissions polluantes des véhicules en circulation, dénommé Bureau d’enquête et d’analyse sur la pollution des véhicules (dit BEA-PV).
Après le chapitre IX du titre II du livre II du code de l’environnement, insérer les dispositions suivantes :
Article 1er : « Au sens du présent titre, le transport routier comprend le transport par deux-roues motorisées, par véhicules particuliers légers, par véhicules utilitaires légers et par poids lourds ; au sens du présent titre, les émissions polluantes désignent l’ensemble des émissions de gaz polluants et de particules mesurées au stade de l’homologation des véhicules. »
Article 2 : « Il est instauré une procédure de mesure des émissions polluantes des véhicules de transport routier en circulation visant à contrôler leur conformité aux mesures d’homologation du véhicule. Le constat de mesures anormalement élevées au regard des valeurs présentées lors de l’homologation du véhicule peut donner lieu à la conduite d’une enquête technique. »
Article 3 : « L’enquête technique prévue à l’article 2 a pour objet de prévenir de futurs dépassements d’émissions polluantes par les véhicules en circulation. Sans préjudice, le cas échéant, de l’enquête judiciaire qui peut être ouverte, elle consiste à collecter et analyser les informations utiles, à déterminer les circonstances et les causes certaines ou possibles des dépassements et, s’il y a lieu, à établir des recommandations. »
Article 4 : « Un rapport de mesure, puis, le cas échéant, un rapport d’enquête technique sont établis par l’organisme permanent responsable des mesures des émissions polluantes et éventuelles enquêtes mentionnées à l’article 6. Ces rapports sont rendus publics, au terme de la mesure ou de l’enquête. Ils n’indiquent pas les noms des personnes. Ils ne font état que des informations résultant de la mesure et de l’enquête nécessaires à la détermination des circonstances et des causes des mesures et à la compréhension des recommandations. Avant que les rapports ne soient rendus publics, les techniciens de mesure et les enquêteurs peuvent recueillir les observations des autorités, entreprises et personnels intéressés qui sont tenus au secret professionnel concernant les éléments de cette consultation. »
Article 5 : « Le procureur de la République reçoit copie du rapport d’enquête technique en cas d’ouverture d’une procédure judiciaire. »
Article 6 : « La mesure des émissions polluantes des véhicules de transport routier en circulation et la conduite éventuelle d’une enquête technique résultant du constat d’émissions anormalement élevées mentionnées à l’article 2 sont effectuées par un organisme permanent spécialisé. »
Article 7 : « Dans le cadre de la mesure des émissions polluantes et de l’enquête technique, l’organisme et les personnes chargées de la mesure et de l’enquête agissent en toute indépendance et ne reçoivent ni ne sollicitent d’instructions d’aucune autorité ni d’aucun organisme dont les intérêts pourraient entrer en conflit avec la mission qui leur est confiée. »
Article 8 : « Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de commissionnement des techniciens de mesure et des enquêteurs techniques et personnes chargées des enquêtes, les conditions d’agrément des enquêteurs de première information et les conditions de nomination des membres des commissions d’enquête. Il définit également dans quels cas et selon quelles procédures les techniciens de mesure et enquêteurs techniques de nationalité étrangère peuvent être autorisés à participer à des investigations sur le territoire national, lorsque leur participation est nécessaire au bon déroulement de l’enquête. Ils sont soumis aux dispositions de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires et en particulier aux dispositions des articles 1 à 6 relatifs à la prévention des conflits d’intérêts. »
Article 9 : « Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de prélèvement et d’immobilisation des véhicules qui doivent faire l’objet de mesures des émissions polluantes, ainsi que les modalités de mesures des émissions. »
Article 10 : « Les techniciens de mesure et les enquêteurs techniques peuvent rencontrer toute personne concernée et obtiennent, sans que puisse leur être opposé le secret professionnel, communication de toute information ou de tout document concernant les circonstances, entreprises, organismes et matériels en relation avec la mesure des émissions polluantes, et concernant notamment la construction, la certification, l’entretien, l’exploitation des véhicules. Les enquêteurs peuvent organiser ces rencontres en l’absence de toute personne qui pourrait avoir intérêt à entraver l’enquête. Les témoignages, informations et documents recueillis ne peuvent être utilisés par les enquêteurs techniques à d’autres fins que l’enquête technique elle-même, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie leur divulgation. Il est établi une copie des documents placés sous scellés par l’autorité judiciaire à l’intention de ces enquêteurs. Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Article 11 : « Les personnels de l’organisme permanent de mesure et les personnes chargées de l’enquête, y compris les enquêteurs de première information et les membres des commissions d’enquête ainsi que les experts auxquels il est éventuellement fait appel sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues par l’article 226-13 du code pénal. »
Article 12 :
« I. - Par dérogation aux dispositions de l’article L11, le responsable de l’organisme permanent de mesure et d’enquête est habilité à transmettre des informations résultant de l’enquête technique, s’il estime qu’elles sont de nature à prévenir un risque d’atteinte grave à l’environnement ou à la santé publique :
1° A l’autorité judiciaire. En cas de décision d’ouverture d’une procédure judiciaire, le procureur de la République reçoit alors copie du rapport d’enquête technique ;
2° Aux autorités administratives chargées de l’environnement et de la santé publique ;
2° Aux dirigeants des entreprises de construction ou d’entretien des véhicules, des matériels de transport ou de leurs équipements ;
3° Aux personnes physiques et morales chargées de l’exploitation des véhicules ou des matériels de transport ;
II. ― Le responsable de l’organisme permanent responsable des enquêtes et, le cas échéant, les présidents des commissions d’enquête sont habilités, dans le cadre de leur mission, à rendre publiques des informations à caractère technique sur les constatations faites par les enquêteurs, le déroulement de l’enquête technique et, éventuellement, ses conclusions provisoires. »
Article 13 : « Sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, des éléments des procédures judiciaires en cours permettant de réaliser des recherches ou enquêtes scientifiques ou techniques, destinées notamment à prévenir la réitération des dépassements, ou à faciliter l’indemnisation des victimes, peuvent être communiqués à des autorités ou organismes habilités à cette fin, par arrêté du ministre de la justice, pris, le cas échéant, après avis du ou des ministres intéressés. Les agents relevant de ces autorités ou organismes qui reçoivent ces informations sont tenus au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal. »
Article 14 : « Les informations ou documents relevant du secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaires peuvent être communiqués aux enquêteurs techniques avec l’accord du procureur de la République. »
Article 15 : « Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait d’entraver l’action des enquêteurs techniques :
1° Soit en s’opposant à l’exercice des fonctions dont ils sont chargés ;
2° Soit en refusant de leur communiquer les enregistrements, les matériels, les informations et les documents utiles, en les dissimulant, en les altérant ou en les faisant disparaître. »
Proposition n° 12 : Projet de décret relatif à la création d’un service à compétence nationale chargé du contrôle a posteriori des émissions polluantes des véhicules en circulation, dénommé Bureau d’enquête et d’analyse sur la pollution des véhicules (dit BEA-PV).
Insérer à la partie réglementaire du chapitre IX du titre II du livre II du code de l’environnement, les dispositions suivantes :
Article 1er : « L’organisme permanent spécialisé chargé, en application des dispositions de la loi relative à la création d’un service à compétence nationale chargé du contrôle a posteriori des émissions polluantes des véhicules en circulation, de procéder aux mesures des émissions polluantes des véhicules en circulation et, en cas de constatation de valeurs anormalement élevées, des enquêtes destinées à en établir les causes et les responsabilités est un service à compétence nationale dénommé « Bureau d’enquête et d’analyse sur la pollution des véhicules », ci-après dénommé « BEA-PV »
Article 2 : « Le directeur du BEA-PV dirige l’action de celui-ci. Il a autorité sur les personnels. Il est l’ordonnateur secondaire des recettes et des dépenses du service. Il peut déléguer sa signature aux fonctionnaires et agents relevant de son autorité. »
Article 3 : « Le directeur du BEA-PV fixe les méthodes des mesures des émissions polluantes des véhicules en circulation et le champ d’investigation des enquêtes techniques diligentées en cas de constatation de valeurs anormales, au regard des objectifs fixés par la loi. Il désigne les techniciens de mesure et enquêteurs techniques chargés d’en assurer l’organisation, la conduite et le contrôle. »
Article 4 : « Le directeur du BEA-PV organise la participation française aux mesures des émissions polluantes des véhicules en circulation et aux enquêtes en cas de valeurs anormales menées par un autre État membre de l’Union européenne ou tout autre État, lorsque cela est pertinent, et fixe les règles relatives à cette participation dans les conditions prévues par le règlement relatif à la réception et à la surveillance de marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules. Dans les mêmes conditions, les représentants des États concernés peuvent participer aux mesures des émissions polluantes des véhicules en circulation et aux enquêtes en cas de valeurs anormales sous le contrôle du BEA-PV. »
Article 5 : « Le BEA-PV est placé auprès de la Direction générale de l’énergie et du climat. »
Article 6 :
« 1° Le directeur du BEA-PV est nommé par arrêté du ministre chargé des transports.
2° Le directeur est choisi parmi les agents de l’État de catégorie A pour ses compétences et son expertise en matière d’émissions polluantes.
3° Le directeur du BEA-PV est nommé pour une durée de sept ans.
La nomination du directeur du BEA-PV vaut commissionnement de ce dernier en qualité d’enquêteur technique.
Article 7 : « Outre le directeur, le BEA-PV comprend un secrétaire général, des techniciens de mesure et des enquêteurs techniques, désignés parmi les agents de l’État de catégorie A ou de niveau équivalent. La désignation des enquêteurs vaut commissionnement de ces derniers. Le directeur du BEA-PV agrée les enquêteurs parmi les agents de l’État en fonction à la Direction générale de l’énergie et du climat, ou parmi les personnes attestant d’une expérience professionnelle d’au moins dix ans dans le domaine des transports ou de l’environnement. Ces agents et ces personnes suivent un stage de formation organisé par le BEA-PV préalablement à leur agrément. Ce dernier peut leur être retiré par le directeur, après qu’ils ont été en mesure de présenter leurs observations, en cas de manquement à leurs obligations déontologiques ou de faute dans l’exercice de leur fonction. »
Article 8 : « Le BEA-PV peut faire appel à des experts, éventuellement étrangers, qui sont soumis au secret professionnel dans les mêmes conditions que ses agents. »
Article 9 : « Les destinataires de recommandations émises à l’occasion des mesures des émissions polluantes des véhicules en circulation et des enquêtes menées font connaître au directeur du BEA-PV, dans un délai de deux mois après leur réception, sauf autre délai expressément fixé dans les recommandations, les suites qu’ils entendent leur donner et, le cas échéant, le délai nécessaire à leur mise en œuvre. »
Article 10 : « Les rapports d’enquête établis dans les conditions prévues par la loi BEA-PV, ainsi que les études et les statistiques, sont publics. Ils sont mis à la disposition du public par tout moyen. Leur publication respecte le principe du contradictoire et peut faire l’objet d’un droit de réponse. »
Article 11 : « L’organisation du BEA-PV est fixée par arrêté du ministre chargé de l’environnement. »
Article 12 : « La nomination du secrétaire général du BEA-PV vaut commissionnement en qualité d’enquêteur technique. »
Article 13 : « Outre les techniciens de mesure et enquêteurs techniques mentionnés, le BEA-PV comprend des agents techniques ou administratifs. Les enquêteurs et agents sont, selon qu’ils sont titulaires ou contractuels, affectés ou recrutés sur proposition du directeur du BEA-PV. »
Article 14 : « Les enquêteurs techniques, autres que ceux mentionnés à l’article 7, sont commissionnés par le directeur du BEA-PV. Le commissionnement ne peut intervenir si la personne concernée a fait l’objet d’une condamnation ou d’une décision mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire national. Le commissionnement peut leur être retiré dans l’intérêt du service selon la même procédure. »
Article 15 : « La rémunération des enquêteurs techniques et des experts qui ne sont pas affectés au BEA-PV ou qui ne sont pas mis à la disposition de l’un de ces bureaux d’enquêtes, est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé des transports. »
Article 16 : « Le directeur peut rendre publiques les recommandations mentionnées à l’article 9, accompagnées, le cas échéant, des réponses reçues des destinataires. »
Article 17 : « Le directeur du BEA-PV établit un rapport annuel sur ses activités qui est rendu public. »
Article 18 : « L’ouverture d’une enquête est décidée par le directeur du BEA-PV, à son initiative ou sur demande du ministre chargé des transports. »
Article 19 : « Le directeur du BEA-PV peut proposer au ministre chargé des transports la réglementation relative aux émissions polluantes des véhicules. »
I. SANCTIONNER LES VIOLATIONS DE LA NORME
A. RENDRE LES RAPPELS OBLIGATOIRES
Les mesures de rappel doivent, en théorie, obligatoirement être mises en œuvre par un constructeur qui constaterait une défaillance risquant de compromettre gravement « la sécurité routière, la santé publique ou la protection de l’environnement ». En pratique pourtant, les pouvoirs publics disposent de peu de prérogatives pour les imposer aux constructeurs et aucune disposition ne permet de rendre ces rappels obligatoires pour les propriétaires des véhicules concernés.
Ainsi, le code de la route (230), reprenant les termes de la directive 2007/46/CE, indique, certes, que tout constructeur auquel a été octroyée une réception communautaire CE par type de véhicule « doit rappeler les véhicules déjà vendus lorsqu’un ou plusieurs systèmes, composants ou entités techniques installés sur ces véhicules […] risquent de compromettre gravement la sécurité routière, la santé publique ou la protection de l’environnement ». Le constructeur en informe le ministre chargé des transports (231) et propose un ensemble de solutions appropriées en vue de neutraliser le risque. Le ministre chargé des transports communique aux autorités compétentes en matière de réception des autres États membres les mesures proposées par le constructeur et « veille à la mise en œuvre efficace de ces mesures sur le territoire national ». Si le ministre juge que ces mesures sont insuffisantes ou ne sont pas mises en œuvre dans un délai suffisamment court, ou si une autorité compétente en matière de réception dans un autre État membre lui signale l’une de ces deux difficultés, il en informe l’autorité qui a accordé l’homologation, ainsi que le constructeur. S’il n’est toujours pas satisfait des mesures nouvelles proposées par le constructeur, il peut alors prendre « toutes les mesures de protection qui s’imposent, y compris le retrait de la réception CE par type de véhicule ».
Pour autant, ces dispositions sont loin d’être suffisantes, dans la mesure où :
– la mesure de rappel est initiée par le constructeur. Le constructeur ne fait qu’« en informer » le ministre chargé des transports, qui ne peut avoir d’action coercitive qu’en cas d’insuffisance des mesures proposées, et après de nombreuses étapes de discussions. Or il importe que le rappel puisse constituer une opération exigée par les autorités publiques et non seulement proposée spontanément par le constructeur. Ainsi, en Allemagne, le rappel des 2,4 millions de véhicules Volkswagen concernés par le logiciel fraudeur a été explicitement « imposé par le ministère des transports », le KBA (sous tutelle du ministère des transports), ayant nettement précisé par l’intermédiaire de son porte-parole : « nous ordonnons le rappel » (232). En France, il s’agit toujours d’une opération mise en œuvre volontairement par le groupe Volkswagen, M. Rivoal indiquant, lors de son audition par la mission d’information le 9 février 2016 : « Nous avons choisi d’effectuer des opérations de rappel » ;
– les propriétaires des véhicules concernés ne sont pas tenus de se soumettre aux mesures de rappel. Même en matière de sécurité, le dispositif de rappel s’impose aux constructeurs, qui sont responsables de la sécurité des véhicules qu’ils ont mis sur le marché, et non aux propriétaires des véhicules. Or, actuellement, de nombreux automobilistes ne donnent pas suite aux courriers leur proposant un rappel de leur véhicule et des modifications, dès lors que leur sécurité n’est pas en cause, notamment parce qu’ils craignent de perdre du temps ou du confort de conduite. Un grand nombre de propriétaires français de véhicules Volkswagen pourraient ainsi ne pas effectuer les mesures correctrices. En Allemagne, au contraire, les rappels ordonnés par le KBA ont, par principe, un caractère obligatoire pour les propriétaires des véhicules concernés, à partir du moment où les mesures ont été prises par les autorités compétentes des Länder pour pouvoir mettre en œuvre cette obligation (233). Le KBA a par ailleurs décidé de prendre le contrôle du calendrier des rappels. Selon les déclarations publiques du ministre allemand des transports, M. Alexander Dobrindt, « la dimension de ce rappel rend nécessaire un certain degré de contrôle. Le KBA supervisera donc de manière intensive le début et le déroulement de l’action de ce rappel » des véhicules Volkswagen incriminés.
Il est extrêmement regrettable que des dispositions similaires n’aient pas été prises en France : M. Rivoal, président du directoire de Volkswagen France, indique simplement que, pour atteindre « l’objectif que 100 % des clients concernés confient leur véhicule à [leurs] ateliers », seules des mesures incitatives seront mises en œuvre, telles que la mise à disposition d’un véhicule de courtoisie, la proposition d’un lavage extérieur et intérieur du véhicule, ou un contrôle gratuit des éléments de sécurité… Ces dispositions ne sont, assurément, d’aucune commune mesure avec l’ampleur de la fraude commise en France.
Il convient donc de modifier l’article R321-14-1 du code de la route, de manière à préciser :
– que le ministère chargé des transports peut ordonner au constructeur de mettre en œuvre une procédure de rappel, sous peine de retrait de son homologation, et ce dès la constatation d’un défaut pouvant compromettre gravement la protection de l’environnement ;
– que le ministère chargé des transports peut rendre obligatoire, pour les propriétaires des véhicules concernés, de se soumettre à cette procédure de rappel, dès lors qu’une défaillance met en cause la sécurité, la santé publique ou la protection de l’environnement. À l’issue du délai déterminé par le ministre chargé des transports en fonction des circonstances, les conducteurs refusant de procéder à la modification se verraient retirer leur autorisation de circuler.
Proposition n° 13 : Projet de décret relatif à l’effectivité des mesures de rappel des véhicules en cas d’atteinte à la sécurité routière, à la santé publique ou à la protection de l’environnement.
À la fin de l’article R321-14-1 du code de la route, insérer les deux alinéas suivants :
« Le ministre chargé des transports peut ordonner à un constructeur auquel a été octroyée une réception CE par type de véhicule de catégorie M, N, O, L, T, C, R ou S de rappeler les véhicules déjà vendus, immatriculés ou mis en service lorsqu’un ou plusieurs systèmes, composants ou entités techniques installés sur ces véhicules, qu’ils aient ou non été dûment réceptionnés, risquent de compromettre gravement la sécurité routière, la santé publique ou la protection de l’environnement. Le ministre chargé des transports peut retirer à tout constructeur qui refuserait de se soumettre à l’obligation de rappel l’homologation du véhicule concerné.
Le ministre chargé des transports peut rendre le rappel obligatoire pour les propriétaires de véhicules déjà vendus, immatriculés ou mis en service, lorsqu’un ou plusieurs systèmes, composants ou entités techniques installés sur ces véhicules, qu’ils aient ou non été dûment réceptionnés, risquent de compromettre gravement la sécurité routière, la santé publique ou la protection de l’environnement. Ce rappel est gratuit. À l’issue du délai déterminé par le ministre chargé des transports en fonction des circonstances, les conducteurs refusant de procéder à la modification se voient retirer leur autorisation de circuler ».
A. FAIRE DES DONNÉES SUR LES ÉMISSIONS POLLUANTES UNE CLAUSE CONTRACTUELLE
Votre Rapporteure n’adhère pas au raisonnement invoqué par Volkswagen selon lequel les conducteurs européens n’auraient pas subi de préjudice dans la mesure où les valeurs relatives aux émissions de NOx et de particules ne figurent pas dans le contrat (234), faiblesse du cadre réglementaire également pointée par l’UFC–Que Choisir (235).
En effet, tout véhicule vendu comme homologué est supposé respecter les normes selon lesquelles il a été homologué. Volkswagen, en installant son logiciel fraudeur, n’a pas respecté les règles du contrat, selon lesquelles les véhicules vendus par la marque respectaient les valeurs maximales tolérées par la réglementation européenne. Ce point pourrait faire l’objet de procédures contentieuses.
Quelle que soit l’issue de ces procédures, il paraît indispensable d’étendre la liste des données contractuelles aux émissions de NOx et de particules, de manière à permettre aux acheteurs de se prévaloir d’une violation des obligations contractuelles, en cas de fraude délibérée du constructeur, pour mener des actions en justice.
En effet, à ce jour, ni l’étiquette environnementale que le constructeur est tenu d’afficher sur chaque véhicule mis à la vente, ni l’acte de vente dans son intégralité, ne comportent d’informations relatives aux émissions de particules ou de NOx. Aux termes des articles 2 et 3 du décret du 23 décembre 2002 relatif à l’information sur la consommation de carburant et les émissions de dioxyde de carbone des voitures particulières neuves, « dans chaque point de vente, une étiquette indiquant la consommation de carburant et les émissions de dioxyde de carbone est apposée sur chaque voiture particulière neuve ou affichée près de celle-ci, d’une manière visible » et « une liste des données relatives à la consommation de carburant et aux émissions de dioxyde de carbone des voitures particulières neuves proposées à la vente ou en crédit-bail dans un point de vente, dressée par marque et par type de véhicule, est affichée de manière visible dans le point de vente ».
Aucune clause contractuelle ne concerne les particules ni les NOx et les automobilistes qui se verraient lésés par un constructeur sur ces catactéristiques ne pourraient intenter aucune action en justice pour violation des clauses contractuelles ou pour information mensongère.
Source : ADEME
N.B. : Lecture : seule la consommation de carburant et les émissions de CO2 figurent sur l’étiquette environnementale en France.
Au contraire, aux États-Unis, les données relatives aux émissions de particules et de NOx sont contractuelles, de même que celles relatives au CO2 : le constructeur les communique à l’acheteur et s’engage sur les valeurs transmises. En conséquence, toute erreur ou tout manquement du constructeur à leur sujet présente le caractère de non-respect des engagements contractuels, ouvrant la voie à une possible action en justice sur ce motif.
Source : ADEME – la note (au numéro 9) indique la performance quant aux émissions des polluants autres que le CO2.
Votre Rapporteure propose donc d’étendre les données contractuelles à l’ensemble des émissions polluantes des véhicules.
Proposition n° 14 : Projet de décret relatif à l’extension des données contractuelles à l’ensemble des informations relatives aux émissions polluantes des véhicules.
Modifier les articles 2 et 3 du décret du 23 décembre 2002 relatif à l’information sur la consommation de carburant et les émissions de dioxyde de carbone des voitures particulières neuves pour les remplacer par les dispositions suivantes :
– remplacer l’article 2 du décret du 23 décembre 2002 par l’alinéa suivant : « Dans chaque point de vente, une étiquette indiquant la consommation de carburant, les émissions de dioxyde de carbone, les émissions de dioxydes d’azote et les émissions de particules fines est apposée sur chaque voiture particulière neuve ou affichée près de celle-ci, d’une manière visible. »
– remplacer l’article 3 du décret du 23 décembre 2002 par l’alinéa suivant : « Une liste des données relatives à la consommation de carburant, aux émissions de dioxyde de carbone, aux émissions de dioxydes d’azote et aux émissions de particules fines des voitures particulières neuves proposées à la vente ou en crédit-bail dans un point de vente, dressée par marque et par type de véhicule, est affichée de manière visible dans le point de vente. »
A. ÉTENDRE L’ACTION DE GROUPE AUX PRÉJUDICES MORAUX ET ENVIRONNEMENTAUX
Les consommateurs européens, et particulièrement français, sont mis en difficulté par la définition restrictive et les conditions drastiques posées à l’ouverture d’une action de groupe.
En effet, aux termes de l’article L. 423-1 du code de la consommation, créé par la loi Hamon (236), « une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l’article L. 411-1 peut agir devant une juridiction civile afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles :
1° À l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ;
2° Ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. ».
Ce même article précise toutefois, de façon regrettable, que « l’action de groupe ne peut porter que sur la réparation des préjudices patrimoniaux résultant des dommages matériels subis par les consommateurs. »
Dès lors, les actions de groupe ne sont autorisées qu’en réponse à un préjudice de nature économique, mais non à un préjudice moral ou environnemental. Les consommateurs européens, qui n’ont pas fait l’objet d’une violation des obligations contractuelles par le constructeur, et pour lesquels le préjudice économique – par exemple la perte de valeur du véhicule à la revente sur le marché de l’occasion – n’est pas établi n’ont aucun moyen d’agir en justice, alors même que leur préjudice moral, tout comme le préjudice environnemental, sont incontestables.
Comme l’indiquait l’UFC–Que Choisir (237), « contrairement à ce que revendiquent certains collectifs, une action de groupe n’est pas possible en France, puisque la loi Hamon sur la consommation n’a autorisé les actions de groupe qu’en réponse à un préjudice économique mais en aucun cas à préjudice moral ou environnemental […]. Si nous avons émis une voix dissonante, c’est que, je le répète, telle qu’elle a été définie par la loi relative à la consommation, l’action de groupe est limitée au seul préjudice matériel et économique et ne peut en aucun cas concerner un préjudice moral ou environnemental ».
C’est pourquoi, il importe d’étendre la recevabilité des actions de groupe aux actions menées en réparation d’un préjudice moral ou environnemental. Le projet de loi relatif à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 24 mai 2016 comporte des avancées en ce sens. Néanmoins, ce texte n’est pas encore définitivement adopté : après une lecture par chacune des deux assemblées, et l’échec de la commission mixte paritaire du 22 juin 2016, il doit être de nouveau examiné par l’Assemblée nationale. Surtout, la rédaction des dispositions relatives à l’action de groupe en matière environnementale présente des incertitudes. En particulier, les associations de consommateurs craignent qu’il ne soit très difficile de prouver l’existence d’un préjudice, même non individuel, lié à une atteinte à l’environnement, et que l’exigence d’un lien direct de causalité ne soit particulièrement complexe à établir.
C’est pourquoi, il convient donc :
– d’une part, de s’assurer que la poursuite de la procédure législative en cours n’entrave pas cette ouverture de l’action de groupe aux actions collectives en matière environnementale ;
– d’autre part, de simplifier le cadre juridique entourant ces actions de groupe, de manière à ce qu’elles puissent être effectivement exercées. En particulier, il doit être possible d’engager une action de groupe au seul motif de l’existence d’un dommage à l’environnement, sans rendre obligatoire d’apporter la preuve, par les particuliers, de l’existence d’un préjudice résultant de ce dommage à l’environnement.
Proposition n° 15 : Étendre l’action de groupe aux préjudices moraux et environnementaux :
À l’article 45 ter du projet de loi relatif à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire, remplacer le II. par : « II. – lorsqu’un dommage à l’environnement résulte d’un même manquement, par une personne à ses obligations légales ou contractuelles vis-à-vis de plusieurs personnes placées dans une situation similaire, une action de groupe peut être exercée devant une juridiction civile ou administrative. »
Au-delà du seul préjudice environnemental, il convient d’être attentif à l’existence potentielle d’un préjudice économique dans l’affaire Volkswagen.
À ce jour, nous manquons du recul suffisant pour être en mesure de caractériser l’existence d’un préjudice économique :
– à la revente : il n’a pas, au cours des quelques mois écoulés depuis la révélation de la fraude, été possible d’établir une baisse généralisée du prix à la revente des véhicules Volkswagen incriminés, leurs propriétaires ayant choisi de les conserver, plutôt que de les mettre sur le marché de l’occasion. Ainsi, le groupe Argus, qui a créé, dès septembre 2015, un observatoire des véhicules concernés par l’affaire Volkswagen, n’a pas observé d’incidence sur les prix de vente des véhicules d’occasion, mais a constaté une diminution du volume des échanges : en attendant d’avoir plus de visibilité sur le marché, les concessionnaires ne souhaitaient pas avoir en stock ce type d’automobiles, et les particuliers préféraient ne pas les revendre. Comme l’indique l’Argus dans une réponse adressée aux questions de votre Rapporteure, « dès l’annonce de l’existence des moteurs truqués, on observe un décrochage des ventes par rapport à l’année précédente, plus marqué en fin d’année 2015 qu’en début 2016 et avec la notable exception du mois d’avril […]. Sur la période, les valeurs [prix] ne fluctuent pas de façon significative, le ratio prix de vente/cote Argus évoluant très peu » (cf. graphique). Le groupe concluait : « sur le marché de l’occasion, l’affaire n’a pas eu de réel impact sur les valeurs de vente de la marque Volkswagen, exception faite d’une légère revalorisation des véhicules Essence (tendance générale du marché, caractérisé par demande grandissante pour cette énergie). La marque Volkswagen a en outre vu ses délais de vente augmenter davantage que le marché, sans toutefois atteindre à date des niveaux alarmants [ces délais, ou « taux de rotation », étant passés de 61 à 66 jours en moyenne] ». À la date de publication du rapport, les données relatives aux mois de juin, juillet et août 2016 n’étaient pas disponibles. L’Argus a toutefois confirmé que la tendance observée dans les premiers mois se prolongeait ;
Source : Argus : fluctuation des prix des véhicules d’occasion VW, essence et diesel, entre janvier 2015
et mai 2016
– à l’usage : les premiers tests post-rappels n’ont pas permis, selon l’UFC–Que Choisir (238), d’établir catégoriquement que les « mesures correctrices » conduisaient à un surcroît de consommation de carburant, donc de dépenses pour l’automobiliste.
Ces incertitudes sur l’existence d’un préjudice économique pourraient, toutefois, être levées. L’enquête pénale en cours pourrait, par ailleurs, caractériser ce préjudice économique, à la revente ou à l’usage. Il sera alors toujours juridiquement possible de le faire valoir devant la justice, pour les plaintes individuelles ou collectives non encore introduites (dans le respect du délai de recours).
Votre Rapporteure alerte le ministère chargé de la consommation, dans le cadre de sa mission de protection des consommateurs, sur la nécessité de suivre avec attention les répercussions de l’affaire Volkswagen sur les prix des véhicules du groupe à la revente d’occasion et sur la consommation de carburants post-rappels, pour établir avec certitude l’existence ou non d’un préjudice économique. Cette étude pourrait être confiée à la DGCCRF, conformément à sa mission de protection des consommateurs.
Proposition n° 16 : Confier à la DGCCRF la mission d’établir un suivi régulier des répercussions de l’affaire Volkswagen sur les prix des véhicules du groupe à la revente d’occasion et sur la consommation de carburants post-rappels pour caractériser – ou infirmer – l’existence d’un préjudice économique de nature à ouvrir de nouveaux recours en justice.
Votre Rapporteure a souhaité connaître les sanctions applicables en France en cas de mise en vente d’un véhicule n’ayant pas reçu d’homologation ; de tromperie ou de tentative de tromperie quant aux contrôles effectués sur un véhicule ; de pratiques anti-concurrentielles ou d’autorisation indûment délivrée par une autorité chargée d’une mission de service public. La liste des sanctions pour l’application de la directive cadre 2007/46/CE (239) et de certains de ses règlements d’application (240) n’a été notifiée à la Commission européenne qu’en 2013 (241), alors qu’elle aurait dû l’être depuis 2009. Elle fait état de larges insuffisances en ce qui concerne les dispositions spécifiquement applicables aux cas envisagés :
– le fait de mettre en vente ou de vendre un véhicule ou un élément d’un véhicule sans qu’il ait fait l’objet d’une réception est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, sans préjudice des mesures administratives qui peuvent être prises par le ministre chargé des transports (article R.321-4 du code de la route), soit d’un montant de 1 500 euros au plus, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit, hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit. Les mesures administratives pouvant être prises par le ministre des transports sont précisées à l’article R.321-10 du code de la route, et peuvent certes aller jusqu’au retrait de la réception, mais le montant de l’amende apparaît dérisoire au regard des pratiques concernées par ce dispositif juridique ;
– le fait de se faire délivrer indûment par une administration publique ou par un organisme chargé d’une mission de service public, par quelque moyen frauduleux que ce soit, un document destiné à constater un droit, une identité ou une qualité ou à accorder une autorisation est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende (article 441-6 alinéa 1 du code pénal).
Fort heureusement, d’autres dispositions générales s’appliquent :
– le fait de tromper ou de tenter de tromper le contractant, notamment sur les contrôles effectués, était, jusqu’au 19 mars 2014, puni d’un emprisonnement de deux ans maximum et d’une amende de 37 500 euros maximum, ou de l’une des deux sanctions seulement (article L.213-1 du code de la consommation (242)). Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, la sanction maximale encourue a été durcie, pour passer à deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende (1,5 million d’euros pour les personnes morales), le montant de l’amende pouvant être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits ;
– les pratiques anti-concurrentielles, comme l’ont parfois été qualifiées les actions de Volkswagen par d’autres constructeurs automobiles, sont sanctionnées d’une amende de 10 % maximum du chiffre d’affaires mondial hors taxes d’une entreprise, réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre (article L. 464-2 du code de commerce).
Ces sanctions, bien que durcies par la loi Hamon de 2014, paraissent encore insuffisantes. Il convient de les renforcer, en établissant systématiquement un barème relatif au chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise, et non une amende en valeur absolue, dans une proportion suffisamment élevée pour être dissuasive.
Proposition n° 17 : Compléter le code de la consommation et le code pénal pour renforcer les sanctions en matière de tromperie et de fraude à l’homologation :
– à l’article L213-1 du code de la consommation, sanctionner la tromperie sur les risques inhérents au produit d’une sanction pécuniaire d’un montant maximal de 5 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 10 % en cas de nouvelle violation de la même obligation, et pouvant être augmenté de façon proportionnée à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés.
– à l’article 441-6 alinéa 1 du code pénal, sanctionner le fait, pour une personne morale, de se faire délivrer indûment par une administration publique ou par un organisme chargé d’une mission de service public, par quelque moyen frauduleux que ce soit, un document destiné à constater un droit, une identité ou une qualité ou à accorder une autorisation d’une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, d’un montant maximal de 5 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux minimum porté à 10 % en cas de nouvelle violation de la même obligation.
Par ailleurs, la mission s’est vu confirmer la possibilité pour l’État d’engager des procédures en lien avec l’attribution indue de bonus dont les critères écologiques n’auraient pas été respectés par un constructeur fautif. Ainsi, lors de son audition, M. Christian Eckert, ministre du Budget, (243) a affirmé que dans un tel cas « l’intention du Gouvernement est d’engager une action en responsabilité pour faute contre les fabricants à raison bien entendu du préjudice causé par le manque à gagner fiscal ».
DEUXIÈME PARTIE : POUR LA NEUTRALITÉ TECHNOLOGIQUE ET FISCALE
La France hérite d’une longue histoire qui a abouti à une diésélisation massive du parc automobile. Il en résulte une singularité française : la France est un des pays d’Europe dont le parc roulant est le plus diésélisé (244) et où l’écart de fiscalité appliqué à l’essence et au gazole reste parmi les plus importants.
Le soutien décisif apporté par les pouvoirs publics au travers de la fiscalité à ce choix de motorisation a fait l’objet d’une multitude de rapports depuis de nombreuses années, jusqu’à un référé de la Cour des comptes en décembre 2012 (245). Dans une période récente, pas moins d’une quarantaine de rapports parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat, ont mis en évidence l’avantage fiscal indu accordé au diesel.
L’affirmation du Premier ministre Manuel Valls, selon laquelle « En France, le moteur diesel a longtemps été privilégié. Il l’est encore. (...) Cela a été une erreur, il faut progressivement revenir dessus avec intelligence et pragmatisme » (246) a indéniablement constitué un tournant. Depuis 2015, un mouvement de convergence a ainsi été amorcé par les décisions prises lors de deux dernières lois de finances, qui ramèneront l’écart entre le gazole et le SP 95 à 12 centimes en 2017.
Mais aujourd’hui encore il manque une doctrine claire, à même d’éclairer les choix qui seront faits par les pouvoirs publics pour les années à venir, et d’apporter aux ménages et à l’industrie la visibilité qu’ils sont en droit d’attendre. Il y a en effet en réalité un non-dit dans le débat sur l’avenir du diesel : jamais il n’a été ouvertement abordé en considérant ses implications industrielles et sociales, qui sont lourdes. C’est ce qui a conduit pendant des années à un blocage.
La mission s’est attachée à rechercher, avec la filière automobile, le chemin d’un consensus responsable permettant de doter la France d’une cohérence, d’une méthode, d’une programmation dans le temps.
Une très large majorité de nos interlocuteurs ont abordé cet enjeu avec une grande maturité, des représentants des constructeurs spécifiant même ne plus vouloir mener un « combat d’arrière-garde » en faveur du maintien d’une fiscalité avantageuse pour le diesel. Il s’agit d’une évolution notable et décisive. C’est une chance pour la France qu’il faut saisir afin de sortir, bien sûr progressivement, mais définitivement d’une situation installée depuis soixante ans.
I. UN CONSENSUS EN FAVEUR DE LA NEUTRALITÉ TECHNOLOGIQUE
● Il serait vain de rechercher, depuis la création en mars 1928 de la taxe intérieure pétrolière (247), une volonté politique explicite d’encourager le diesel au détriment de l’essence. Les avantages accordés au fil du temps au gazole résultent essentiellement de mesures de soutien en direction de certains secteurs professionnels, seuls à l’époque à avoir recours à ce carburant, qui ne représentait que 8,4 % des immatriculations en 1980.
Nulle trace donc, d’une vision stratégique de l’État qui aurait particulièrement voulu promouvoir les moteurs diesel. Il y a une cinquantaine d’années, ils étaient l’apanage quasi exclusif des professionnels accomplissant de longs trajets : représentants de commerces et taxi pour les véhicules légers, agriculteurs et transport routier de marchandises notamment, pour les véhicules utilitaires et lourds.
La taxe intérieure pétrolière fut instituée en 1928 pour accroître les ressources de l’État à partir d’une nouvelle matière physique, le pétrole, pleine d’avenir à l’époque, à la différence de l’impôt sur le sel, la gabelle, qu’elle a remplacée (248). Cette fiscalité est née de préoccupations de rendement. Jusqu’à une période récente, elle n’a jamais été conçue comme une fiscalité écologique, appliquant le principe « pollueur-payeur » et donnant un signal prix au carbone comme aux autres facteurs de pollution (249). Comme l’indique M. Michel Costes, président du cabinet d’analyse de données économiques INOVEV, « sur le long terme, on constate que la fiscalité de l’énergie s’est constituée par strates successives et qu’elle est le fait de l’histoire, sans que se soit exprimé le souci d’envoyer des incitations en termes écologiques ou sanitaires. C’est plutôt la recherche du rendement qui a dominé. »
L’octroi d’avantages fiscaux au diesel est lié historiquement aux exigences de la reconstruction qui ont conduit à favoriser les véhicules utilitaires fonctionnant au gazole, ainsi que les tracteurs agricoles (les tickets de rationnement des produits agricoles n’ont disparu que le 1er décembre 1949), au détriment des véhicules de tourisme (au début des années 50, il fallait attendre plus d’un an la livraison d’une voiture neuve). Cette volonté apparaît très clairement dans le premier plan quinquennal (1946-1952), dit plan Monnet, intitulé « modernisation ou décadence », qui met l’accent sur les biens d’équipement, en particulier pour l’agriculture. Seuls les camions et les tracteurs fonctionnent au diesel, et c’est pour soutenir les transporteurs routiers, agriculteurs et artisans que les gouvernements allègent les taxes sur ce carburant.
● Les véhicules légers à motorisation diesel destinés aux particuliers ne sont apparus massivement qu’il y a une trentaine d’années. Si les premières voitures diesel sont apparues avant la seconde guerre mondiale (Mercedes 260D en 1936 et Peugeot 402 en 1938), ces véhicules ne sont commercialisés de manière significative qu’à partir du début des années 60 et l’offre des constructeurs est très limitée : essentiellement la Mercedes 170D (1949) et la Peugeot 403d (1959), Renault pas plus que Citroën ne disposant à cette époque de véhicules diesel à leur catalogue.
Les ventes de véhicules légers à moteurs diesel représentaient moins de 10 % du total jusqu’en 1980. Ce phénomène n’est pas propre à la France, comme l’a rappelé Michel Costes devant la mission : « La motorisation diesel a véritablement commencé en France à la fin des années 1980. Le diesel représentait 10 % du marché en 1980, 15 % en 1985, et 33 % en 1990. À partir de cette période et du début des années 2000, le diesel a en revanche décollé dans tous les pays européens, principalement du fait des progrès techniques accomplis par les constructeurs. La France a augmenté la diésélisation de son parc de manière continue de 1998 à 2008 pour atteindre un taux de près de 80 % en 2008, juste avant la crise. L’Espagne a pour sa part accru sa proportion de diesel jusqu’à 70 %. Même le Royaume-Uni, qui a pour spécificité en Europe de proposer un prix de carburant diesel plus élevé que l’essence, a atteint et conservé depuis 2008 un taux de diésélisation proche de 50 %. » (250)
En effet, des progrès techniques importants ont conduit à l’amélioration des performances et de l’agrément des véhicules diesel à partir du tournant des années 75. L’un des premiers modèles à pouvoir offrir un agrément de conduite équivalent aux modèles à essence a été la berline Citroën CX de 1975, suivi en 1979 de la 604D, premier diesel à moteur turbo commercialisé en grande série, mais il s’agissait de voitures haut de gamme. L’industrie automobile française était à l’avant-garde des progrès de la motorisation diesel, notamment pour réduire le bruit et améliorer le démarrage. Mais il a fallu attendre 1976 pour que soit commercialisé le premier véhicule diesel de gamme inférieure, la Golf D de Volkswagen. Le premier modèle français de petite voiture diesel a été la 205 Peugeot en 1983. La généralisation des moteurs à turbocompresseurs à partir des années 80, suivie de l’injection directe (251) à partir des années 90, ont permis de réduire considérablement les différences de performances et d’agrément entre les deux motorisations et ont accéléré la diésélisation massive du parc.
● Du fait du maintien des avantages fiscaux, les constructeurs ont développé, à partir des années 2000, des petits véhicules diesel, ce qui explique que ces motorisations aient représenté jusqu’aux trois quarts des ventes en 2008.
À partir des années 1990, il était manifeste que le gazole n’était plus réservé aux seuls professionnels. Les quantités de carburant vendues traduisent cette évolution, puisque depuis 1991 il se vend, en France, plus de diesel que d’essence.
CONSOMMATION DE CARBURANT
(en millions de tonnes)
Source : www.developpement-durable.gouv.fr, en millions de tonnes/an
2. Un nécessaire rééquilibrage longtemps ajourné
Cette situation n’est cependant pas propre à la France, mais son ampleur constitue une singularité car « une telle progression, qui a eu lieu dans le cadre d’une politique énergétique visant à l’utilisation des coupes lourdes du pétrole, est restée une spécificité française jusqu’à la fin des années 1990 (252) ». Par ailleurs, ce différentiel est en cours de rééquilibrage dans l’ensemble de l’OCDE.
● En 1997 le rapport d’expertise collective du CNRS intitulé « Diesel et santé », et jamais rendu public (253), alertait déjà sur le lien entre les émissions des véhicules diesel et le risque de cancer.
L’intention de faire évoluer la fiscalité sur le gazole avait été annoncée pour la première fois par la ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, Mme Dominique Voynet, le 7 janvier 1998, au lendemain de la publication d’une autre étude, confirmant l’impact de la pollution sur la santé publique dans les grandes villes. Le gouvernement de M. Lionel Jospin avait alors présenté un plan de réduction de l’écart de taxation entre le gazole et l’essence en sept ans, afin, non pas de supprimer la différence de taxation, mais d’atteindre un écart conforme à la moyenne européenne. En 1999 puis en 2000, ce plan a été respecté avec une hausse annuelle de 7 centimes de francs (1,07 centime d’euros) par litre de la TIPP sur le gazole. En 2000, un contexte de flambée des prix pétroliers avait donné lieu à un conflit social tendu avec les transporteurs routiers. Dans un premier temps gelé, le plan de rattrapage a été officiellement abandonné le 28 août 2001.
Par la suite, le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin, après avoir écarté toute hausse du gazole en 2002, avait annoncé, en 2003, une hausse de 2,5 centimes d’euros du prix du gazole par litre et une stabilité des taxes sur l’essence, applicable au 1er janvier 2004. « Je souhaite qu’il puisse y avoir (...) une augmentation légère du gazole, qui reconnaît la pollution du diesel », avait précisé le Premier ministre alors que cette hausse était perçue, à juste titre, comme une mesure essentiellement destinée à augmenter les recettes fiscales de l’État et ne s’inscrivant pas dans un plan d’ensemble concernant la qualité de l’air.
De 2004 à 2012, l’écart entre la taxation du diesel et le SP 95 s’est maintenu à 9 %, et l’introduction du bonus-malus a favorisé la diésélisation du parc automobile.
● In fine, la convergence fiscale entre le diesel et l’essence aurait, à tout le moins, dû être décidée immédiatement après la décision de l’OMS classant les particules diesel comme cancérogènes.
La décision du Centre international de recherche sur le cancer
de l’Organisation mondiale de la santé (juin 2012)
« À l’issue d’une réunion d’une semaine regroupant des spécialistes internationaux, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui fait partie de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a aujourd’hui classé les gaz d’échappement des moteurs diesel comme étant cancérogènes pour l’homme (Groupe 1), sur la base d’indications suffisantes prouvant qu’une telle exposition est associée à un risque accru de cancer du poumon.
En 1988, le CIRC a classé les gaz d’échappement des moteurs diesel comme étant probablement cancérogènes pour l’homme (Groupe 2A). Un groupe consultatif qui examine et préconise les futures priorités pour le Programme des monographies du CIRC recommandait avec une priorité élevée que soient réévalués les gaz d’échappement des moteurs diesel dès 1998…
Les données scientifiques ont été examinées à la loupe par le Groupe de travail qui a globalement conclu qu’il disposait d’indications suffisantes de la cancérogénicité pour l’homme des gaz d’échappement des moteurs diesel.
Le Groupe de travail a conclu que les gaz d’échappement des moteurs à essence étaient peut-être cancérogènes pour l’homme, un résultat qui demeure inchangé par rapport à l’évaluation précédente de 1989 (Groupe 2B). »
Communiqué de presse n° 213/12 - Juin 2012 (extraits)
La Cour des comptes dans son référé de décembre 2012 (254) recommandait « d’étudier en particulier (…) un alignement progressif du taux de TIC du carburant gazole destiné aux véhicules légers sur celui applicable à l’essence, en cohérence avec les normes sur la qualité de l’air concernant en particulier les émissions de particules fines et de dioxyde d’azote. »
Un avis du Comité pour la fiscalité écologique mis en place par le gouvernement et présidé par l’économiste Christian de Perthuis, professeur à l’université Paris Dauphine, plaidait également en ce sens : « Le comité demande que les services de l’état mettent à l’examen, d’ici le 16 mai 2013, différents scénarios de réduction progressive de cet écart, avec une évaluation complète des impacts d’un tel réalignement fiscal sur l’environnement et la consommation d’énergie, sur l’évolution du produit par territoire, ainsi que sur les ménages et les entreprises, afin d’identifier l’ensemble des mesures d’accompagnement à mettre en place pour les plus touchés. » (255)
Dans le contexte de hausse globale de la fiscalité des ménages, de prix élevés du baril de pétrole, mais aussi de graves difficultés rencontrées par PSA, le gouvernement n’a alors pas pris cette décision difficile.
Jusqu’à une période relativement récente, l’absence de décision courageuse des pouvoirs publics, accréditant même l’idée d’un statu quo fiscal durable en la matière, n’a pas incité les industriels à se préparer au mouvement actuel, structurel et profond, de baisse des ventes de véhicules diesel, dont l’accélération aurait pu et aurait dû être mieux anticipée.
La déclaration du Premier Ministre en 2014 représente à cet égard une évolution qui doit être saluée, concrétisée par les décisions adoptées lors des lois de finances 2015 puis 2016. Bien entendu, la baisse des prix pétroliers à certainement facilité cette première évolution.
3. L’avantage fiscal accordé au diesel n’a pas de justification environnementale
Comme le note la Cour des Comptes (256) dans son rapport réalisé à la demande du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale : « Ce carburant a longtemps été considéré comme moins émetteur de gaz à effet de serre, car en raison de son contenu énergétique plus élevé que celui de l’essence, les véhicules qui l’utilisent consomment moins et émettent moins de CO2 au kilomètre parcouru (…) Les véhicules diesel (voitures particulières, véhicules utilitaires légers et poids lourds) sont la source d’environ 90 % des émissions de dioxyde d’azote et de particules fines du secteur des transports. (…) En dépit du resserrement des valeurs limites d’émission entre véhicules essence et véhicules diesel, ceux roulant au gazole continuent donc d’émettre à l’échappement, à distance parcourue équivalente, davantage de particules fines (257) et surtout d’oxydes d’azote ».
Pour sa part, le Comité pour la fiscalité écologique (258), s’il indiquait que la diésélisation de l’offre automobile était intervenue « à une époque où les impacts sanitaires de ce carburant étaient méconnus », rappelait que :
– « la combustion d’un volume de gazole émet 15 % de CO2 de plus que la combustion du même volume d’essence », toutefois « la consommation de carburant au kilomètre est inférieure pour le gazole, comparé à l’essence, du fait de la meilleure performance énergétique de la motorisation des véhicules diesel » ;
– « les émissions de NOx sont supérieures de 72 % et celles de PM10 de presque 4000 % pour le gazole par rapport à l’essence (259) ».
Le Comité concluait : « L’écart de taxation au profit du gazole est injustifié au regard des coûts externes environnementaux des différents carburants, compte tenu notamment des nouvelles connaissances sur les dangers pour la santé humaine des particules fines émises par le gazole. Le comité rappelle que même si les émissions polluantes du parc gazole sont appelées à diminuer en masse grâce à la généralisation des filtres à particules, la justification de l’écart de taxation en faveur du gazole ne peut pas être apportée par des considérations environnementales. ».
Le « diesel propre » n’existe pas, le diesel moins polluant oui
Le diesel propre n’existe pas et les publicités vantant le « clean diesel » sont mensongères.
En revanche, les progrès accomplis sont indéniables, en particulier sur le plan des particules depuis l’instauration obligatoire des filtres à particules à partir de 2011 (norme Euro 5). PSA a équipé ses véhicules de filtres à particules depuis 2009, deux ans avant que la norme ne les rende obligatoires. Les FAP, notamment lorsqu’ils sont « fermés » (260), permettent de réduire les émissions de particules de 95 % en masse et de 99 % en nombre (261). L’efficacité du filtre ne dépend pas des conditions de roulage ni de la température : il s’agit d’un mécanisme de filtration au travers de parois poreuses. Pour cette raison, un diesel ancien ne peut en aucune cas être mis sur le même plan, en terme environnemental, qu’un diesel Euro 5 ou Euro 6.
Toutefois, le diesel récent ne peut pas pour autant être qualifié de « propre », en raison des émissions polluantes de NOx encore importantes. Il peut au mieux être « performant », selon le terme utilisé par M. Bruno Léchevin, président de l’ADEME. (262)
Plusieurs systèmes de traitement des NOx ont été développés ces dernières années, dont l’efficacité est inégale :
L’EGR (pour « Exhaust Gas Recirculation ») est un système de recyclage et de recirculation des gaz d’échappement à l’admission, qui permet d’abaisser la température de combustion. Le système consiste à rediriger une partie des gaz d’échappement brûlés dans le collecteur d’admission, afin de ralentir la vitesse de combustion (via la diminution de la proportion d’oxygène dans les gaz) et d’augmenter la capacité thermique des gaz (pour diminuer leur température lors de la combustion). Ceci permet de réduire la quantité de NOx dans les gaz d’échappement.
Les constructeurs européens ont massivement adopté ce système depuis 1996, afin de satisfaire aux exigences de la norme Euro 2, sans avoir à remettre en cause de manière significative la conception de leur moteur. L’EGR s’avère être le système de traitement des NOx le moins onéreux. Il comporte plusieurs défauts :
– il augmente la production de particules en raison de la raréfaction de l’oxygène. La proportion de gaz remis en circulation doit alors, non seulement, être adaptée à chaque moteur et à chaque régime de fonctionnement, mais aussi située au plus juste niveau, permettant d’optimiser les émissions d’oxydes d’azote et celles de particules (la proportion de gaz réinjectés pouvant varier de 5 à 40 %) ;
– la diminution de la vitesse de combustion entraîne une diminution du rendement du moteur et induit donc une augmentation de la consommation de carburant ;
– la « vanne EGR » du système, qui est pilotée par le calculateur moteur et permet de régler le débit des gaz brûlés, fait l’objet de défaillances fréquentes. La panne la plus courante résulte de son encrassement par des particules chargées en hydrocarbures huileux, ce qui entraîne son blocage. Un blocage en position ouverte entraîne une perte de puissance, des défauts d’accélération, et une augmentation de la production de fumées. Lorsque la vanne est bloquée en position fermée, le véhicule ne respecte plus les normes de pollution ;
– ce système, employé seul, ne permet pas de réduire suffisamment les NOx pour mettre le véhicule en accord avec les normes Euro actuelles.
Le NOx Trap ou « piège à NOx », consiste en un catalyseur trois voies, auquel il a été rajouté une fonction de stockage. Il agit tel un filtre : imprégné de métaux précieux (platine, baryum, rhodium), il piège chimiquement les oxydes d’azote et, régulièrement, les transforme en gaz neutres, principalement de l’azote (N2) et de l’oxygène (O2). Comme tout filtre, il dispose, nécessairement, d’une capacité limitée, qui le contraint à se purger périodiquement des oxydes d’azote qu’il accumule. Le calculateur moteur détermine le moment opportun pour cette régénération, généralement au bout de 700 à 1 000 kilomètres, pour déclencher le processus chimique de purge.
L’efficacité du piège à NOx dépend principalement de la quantité de NOx dans les gaz d’échappement (elle-même déterminée par l’efficacité de l’EGR) et de la quantité de dioxyde de soufre (SO2) contenue dans les gaz d’échappement (quant à elle déterminée par l’efficacité de la désulfuration du filtre).
Cette technologie est plus adaptée aux modèles de petite et moyenne taille. Elle possède aussi certains défauts : son prix de revient, pour l’instant inférieur à celui de la SCR, dépend de celui des métaux précieux ; comme pour les filtres à particules, chaque régénération requiert une surchauffe du système, consommatrice de carburant, donc émettrice de CO2.
Enfin, la SCR (selective catalyst reduction) permet, grâce à la pulvérisation d’un liquide (le « réducteur »), de transformer les oxydes d’azote en diazote et en vapeur d’eau. Ce « réducteur » est une solution d’urée commercialisée en stations-service (263). L’urée est stockée dans un réservoir et injectée dans la ligne d’échappement via un injecteur positionné en amont du catalyseur SCR. Elle renforce l’efficacité du catalyseur, notamment dans la durée : il est ainsi possible d’augmenter les quantités injectées de réducteur pour favoriser les réductions de NOx.
Décidée en 2011, lancée pour équipée les lignes d’échappement BlueHDi dès 2013 par PSA (en avance sur la réglementation Euro 6), la SCR est en passe de devenir la technologie de référence pour la réduction des NOx pour les véhicules légers.
Toutefois, le système, qui comporte à la fois un catalyseur, un « réducteur » et un injecteur, est complexe à implanter sur les véhicules. Il met en œuvre des moyens électroniques, un réservoir, une pompe et des injecteurs, ce qui en augmente le prix.
Surtout le système SCR n’est réellement performant que si l’injection d’urée est constante. Le nouveau protocole RDE de test des émissions sur route va obliger à « injecter de plus en plus d’urée dans la vie réelle », et donc conduire à augmenter la taille des réservoirs ou la fréquence de leur remplissage.
Les constructeurs doivent donc relever le défi d’une commodité d’usage pour les automobilistes qui ne soit pas une contrainte supplémentaire. Si les transporteurs routiers peuvent déjà de remplir les réservoirs d’urée des poids lourds à la pompe, il n’en va pas de même pour les particuliers.
Selon M. Philippe Montantème, directeur de la stratégie de la branche marketing et services du groupe Total, aujourd’hui « le plein peut être fait entre deux vidanges, lors de la maintenance, soit entre 15 000 et 20 000 kilomètres parcourus. L’utilisateur ne se rend pas compte qu’il est équipé d’un réservoir d’AdBlue », en revanche « pour les véhicules vendus à partir de 2017, la consommation d’AdBlue sera d’un à trois litres tous les 1 000 kilomètres. Les utilisateurs devront donc faire un plein d’ADBlue tous les quatre pleins de diesel ». À défaut, l’absence d’urée, après différents seuils d’avertissement, stoppe le fonctionnement du moteur et entraîne une panne sèche.
La disponibilité de l’urée dans le plus grand nombre de stations-services, son conditionnement et ses modalités de distribution sont donc essentielles. Total a indiqué à la mission que la quasi-totalité de son réseau la propose en bidons de 5 ou 10 litres. La commercialisation de formats de plus petites quantités est à l’étude afin de répondre aux éventuels besoins de compléments pour les véhicules particuliers.
La distribution « à la pompe » n’existe pas à ce jour pour les véhicules légers. Total prévoit d’en installer dans une station sur sept dans les années à venir, avec 350 sites de distribution d’ici fin 2018, tout en précisant que « la faiblesse des volumes d’ADBlue VL entraînera cependant une nécessaire sélectivité dans le déploiement de cette solution ». Selon Mme Isabelle Muller, déléguée générale de l’Union française des industries pétrolières (UFIP), « la nécessité de mettre à disposition de l’urée pour les futurs véhicules diesel est bien prise en compte » par les réseaux des compagnies pétrolières, en revanche, « il ne faut pas oublier que la grande distribution occupe plus de 60 % du marché des produits pétroliers ».
En ce qui concerne la production de solution d’urée, les représentants de Total ont indiqué que ce groupe pétrolier comptait deux entités françaises de production et une unité de conditionnement.
4. Un manque à gagner fiscal considérable pour l’État
Selon la réponse du Gouvernement à votre Rapporteure (264), la perte nette de recettes fiscales pour l’État en raison du différentiel de TICPE appliqué au gazole comparé à l’essence est de 5 milliards d’euros en 2015 (265) et de 21,9 milliards en total cumulé depuis 2012, déduction faite des mesures spécifiques concernant les professionnels.
COÛT DE L’AVANTAGE FISCAL DONT BÉNÉFICIE LE GAZOLE
EN TICPE PAR RAPPORT À L’ESSENCE (266)
Année de consommation | ||||
2012 |
2013 |
2014 |
2015 | |
Différence de tarif (en euro) |
17,85 |
17,85 |
17,85 |
15,59 |
Volume consommé (en Mhl) |
402 |
402 |
405 |
408 |
Recettes brutes (Mde €) |
7,2 |
7,2 |
7,2 |
6,4 |
Volume remboursé partiellement aux transporteurs routiers, aux chauffeurs de taxis et aux transporteurs de voyageurs (Mhl) |
- 86 |
- 86 |
- 86 |
- 86 |
Recettes nettes (Mde€) |
5,6 |
5,6 |
5,7 |
5,0 |
Comme la Cour des comptes (267) le rappelle « Le différentiel de fiscalité en faveur du diesel n’est pas propre à la France. Une étude de l’OCDE a montré que 33 pays l’appliquaient en 2014, pour un manque à gagner de 24,5 Mrds d’euros pour les budgets nationaux. (…) Si l’on prend en compte le différentiel de fiscalité par unité d’énergie (donc rapporté à l’intensité énergétique des carburants), la France présente également l’un des différentiels les plus importants en faveur du gazole. Cet écart est ainsi de 10 € par Giga joule aux Pays-Bas (donc le gazole est moins taxé à hauteur de 10 € par rapport à l’essence), 7 € en France comme en Allemagne mais 5 € en Suède, 2 € en Australie et au Royaume-Uni (les Britanniques ayant quasiment comblé l’écart depuis quelques années) ou 1 € au Canada. »
Le manque à gagner est d’autant plus important que la TICPE est la quatrième recette fiscale de l’État, derrière la TVA, les impôts sur le revenu et sur les sociétés. En 2016, les recettes de TICPE dans le budget de l’État s’élèveraient à 15,9 milliards d’euros (268), auxquels s’ajoute la part de TICPE affectées aux régions et départements (4,4 milliards d’euros au profit des régions et 6,3 pour les départements en 2015 (269)).
Les marges de manœuvre pour procéder à l’alignement de la fiscalité entre les carburants en diminuant les taxes sont, dans le contexte budgétaire actuel, inexistantes.
B. LE PRINCIPE DE NEUTRALITÉ TECHNOLOGIQUE : L’ÉTAT FIXE UNE OBLIGATION DE RÉSULTATS ET NON DE MOYENS
1. Un consensus désormais bien établi
Dès les premières auditions, l’ADEME et les représentants des consommateurs ont souligné devant la mission la nécessité d’une nouvelle approche en rupture avec l’avantage accordé au diesel pendant des années : la neutralité technologique des pouvoirs publics. « L’ADEME insiste sur la nécessité d’adopter une approche de neutralité technologique (…) qui s’entend par rapport aux normes en vigueur et au regard des techniques existantes » (270), de même les associations de consommateurs militent « en faveur d’une harmonisation de la fiscalité et d’une convergence entre le prix de l’essence et celui du diesel, afin d’assurer la neutralité des prix sur les choix des consommateurs » (271), ajoutant « en aucun cas l’UFC-Que Choisir ne crie haro sur le diesel. Nous ne lui sommes pas hostiles par principe mais réclamons, d’une part, que les informations données au consommateur reposent sur des données objectives et, d’autre part, que les différentes mesures politiques qui peuvent être prises respectent le principe de neutralité technologique. »
Tout au long des travaux de la mission, un consensus s’est dessiné autour de ce principe de neutralité technologique des pouvoirs publics. Il a été exprimé par les constructeurs automobiles français par la voie du Président du CCFA, M. Christian Peugeot, pour qui « dans le principe, une certaine neutralité ne nous pas pose pas problème » (272), de même que par M. Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et du développement, membre du comité exécutif de PSA Peugeot Citroën : « chez PSA, nous insistons beaucoup sur le fait qu’une approche des pouvoirs publics privilégiant la neutralité technologique est indispensable : il s’agit de raisonner sur les résultats recherchés et non sur la solution technique. »
Les équipementiers adhèrent également à cette nouvelle approche. « Nous avons donc besoin d’une neutralité technologique de la réglementation pour éviter de pénaliser une technologie par rapport à une autre » (273), « la neutralité technologique est essentielle, pour nous. Nous fabriquons des équipements pour des véhicules diesel, essence, hybrides et électriques. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, notre intérêt économique ne nous pousse donc pas forcément à défendre à tout prix le diesel parce que ce serait bon pour nos affaires » (274).
Ce principe est par ailleurs soutenu par France Nature Environnement : « Je plaide pour une neutralité technique (…) Cette approche fondera la neutralité qui s’imposera pour savoir si, globalement, un système est acceptable pour l’environnement, la santé publique, et le changement climatique. Il n’y a aucune raison de faire une différence entre les divers moteurs. » (275). Enfin, M. François Cuénot a précisé que « T&E reste partisan de la neutralité technologique s’agissant des énergies fossiles » (276), tout en soulignant que cette position concerne les véhicules thermiques et que des choix doivent être affirmés par les pouvoirs publics en faveur du déploiement du véhicule électrique.
2. L’État fixe une obligation de résultats et non de moyens
La neutralité technologique doit constituer une nouvelle « doctrine » pour les pouvoirs publics. Elle aboutit à redéfinir les rôles respectifs de l’État et des industriels. Il incombe à la puissance publique de définir la norme environnementale à respecter et de fixer une obligation de résultat, charge aux industriels de choisir les moyens de l’atteindre, avec la meilleure technologie et la meilleure compétitivité industrielle.
La neutralité constitue donc une nouvelle approche globale, qui sous-entend les propositions déjà présentées par votre Rapporteure en faveur d’une norme unique (277), s’appliquant à tous les véhicules thermiques, et intégrant tous les paramètres d’émissions polluantes. Elle constitue l’objectif à atteindre à court terme en matière de fiscalité. Elle représente une puissante incitation à l’innovation, les constructeurs et équipementiers devant faire preuve de créativité pour relever le challenge avec la technologie la plus performante. Elle met fin à des décennies durant lesquelles le système normatif comme la fiscalité ont biaisé l’innovation industrielle, par le soutien décisif apporté au diesel.
Proposition n° 18 : Faire de la neutralité technologique le principe constant des décisions de l’État, applicable aussi bien à la définition des normes d’émissions polluantes des motorisations thermiques qu’à la fiscalité des carburants fossiles.
L’injection directe essence plus polluante que le diesel ?
Jusqu’à l’entrée en vigueur de la norme Euro 6c à partir de 2017, la réglementation européenne Euro 6b en vigueur, autorise les moteurs essence à émettre dix fois plus de particules (en nombre/km) que les moteurs Diesel. Ainsi, alors que les véhicules diesel Euro 6b ne peuvent émettre plus de 6 x 1011 particules (en nombre par kilomètre), la limite pour les moteurs essence est de 6 x 1012. Comme M. Michel Costes, président du cabinet d’analyse de données économiques INOVEV, l’a souligné devant la mission (278) : « le rapport entre le diesel et l’essence connaît de très fortes évolutions, en particulier avec le moteur essence à injection directe qui consomme moins et permet de downsizing – obtenir plus de puissance pour une même cylindrée. Le moteur essence se rapproche finalement du moteur diesel (…) Une dérogation temporaire permet d’ailleurs au moteur à essence d’émettre jusqu’en 2017 plus de particules fines que le diesel ».
Le système de l’injection directe se rapproche du fonctionnement d’un moteur diesel. Le principe est de pulvériser le carburant directement dans la chambre de combustion, au moment de l’admission d’air, pour que les différents composants se mélangent de façon homogène. Cette méthode permet de contrôler la dose de carburant injectée et de la moduler en fonction du régime moteur, afin de réduire la consommation de carburant à bas et moyen régime. Ces moteurs apportent ainsi des gains substantiels de consommation et d’émission de CO2 (– 21 % selon PSA), même si le diesel restera plus économe (de 15 à 20 % par litre pour 100 km).
M. Stéphane Raux, chef de projet « Connaissance et traitement des polluants » à l’IFPEN (Institut français du pétrole Énergies nouvelles), précise en effet que « si toute combustion entraîne la formation de particules, l’injection directe en engendre beaucoup plus qu’un moteur classique à injection indirecte ». En 2015, l’association Transport & Environment le mettait en évidence en testant trois modèles Euro 6 à injection directe (Renault Mégane 1.2 TCe, Ford Focus 1.0 EcoBoost et Hyundai i40 1.6 GDI). Avec des émissions respectives mesurées sur le cycle NEDC de 3,9 x 1012 par kilomètre, 2,2 x 1012 par kilomètre et 2,4 x 1012 par kilomètre, les trois modèles testés dépassaient donc la norme autorisée pour les diesel.
Le niveau réglementaire des émissions de particules des moteurs essence ne sera aligné sur celui des moteurs diesel qu’à partir de 2017, et applicable à tous les véhicules neufs au 1er septembre 2018. Jusqu’à cette date, de nombreux modèles essence à injection indirecte, qualifiés de moins polluants que les diesel, ce qui reste vrai pour les NOx mais faux pour les particules, auront été mis en circulation sans filtre à particules.
Plusieurs constructeurs, dont PSA, ont annoncé qu’ils équiperaient leurs prochains modèles de filtres adaptés aux moteurs essence. L’équipementier Faurecia, spécialiste des systèmes de traitement des gaz d’échappement, a été le premier à présenter en 2015 ce type de filtre à particule pour moteurs à essence capable d’éliminer jusqu’à 90 % des particules. De même, M. Guy Maugis, président de Bosch France, indiquait (279) : « Il faut noter, à cet égard, que les moteurs à essence modernes à injection directe commencent à émettre des particules : il faudra donc les équiper eux aussi de filtres à particules au fur et à mesure du renforcement des normes ».
En définitive, selon M. Bruno Léchevin, président de l’ADEME (280), « les nouvelles motorisations à l’essence ne sont pas forcément beaucoup plus propres que les motorisations au diesel, notamment quand elles utilisent l’injection directe. Elles rejettent en effet davantage de particules fines que les véhicules diesel équipés d’un filtre à particules. Pour respecter la norme Euro 6c, qui entrera en vigueur en 2017-2018, les véhicules à essence auront eux-mêmes certainement besoin d’un filtre à particules ».
Pour votre Rapporteure, cet élément change les termes du débat sur l’avenir du diesel, qui ne peut en aucun cas être considéré comme la seule motorisation à la source d’émissions dangereuses pour la santé.
Par conséquent, le mot d’ordre de « l’interdiction du diesel », tel qu’il a été porté par certaines voix dans le débat public, s’avère erroné et trompeur. Toutes les émissions des véhicules thermiques, quelle que soit la motorisation, doivent être ciblées par la réglementation. Ainsi, à la question de votre Rapporteure « faut-il, comme le suggèrent certains, interdire le diesel », M. François Cuenot, membre de l’ONG Transport & Environment, répondait : « Non, il n’est pas nécessaire d’abandonner le diesel pour répondre à des impératifs anti-pollution » (281).
3. La neutralité technologique est dans l’intérêt du consommateur
« Rouler en Twingo diesel pour faire cinq kilomètres par jour est une aberration ! » a déclaré devant la mission M. Yann Le Moal, porte-parole de l’association Diésélistes de France (282). Selon lui, « Le développement aberrant du diesel en France depuis les années 1970 doit impérativement laisser place à une mixité dans le choix des véhicules et de carburants. Ainsi, selon que l’on est citadin ou extra-urbain, il convient de choisir le véhicule correspondant le mieux à son utilisation, c’est-à-dire en fonction du nombre de kilomètres parcourus par an. »
La neutralité technologique permet de favoriser une différenciation des choix de motorisation, entre essence et diesel, adaptée à l’usage qui sera fait du véhicule. Elle correspond à l’intérêt du consommateur.
● Plus que l’importance donnée dans le débat public à la pollution émise par les moteurs diesel, que plusieurs interlocuteurs de la mission ont qualifié de « diesel bashing », les études des associations de consommateurs et de la presse automobile montrant que le choix du diesel n’est pas économiquement adapté à la majorité des usages des automobilistes, ont fait évoluer les comportements d’achat.
Le diesel n’est pas adapté à la majorité des automobilistes (283)
UFC-Que Choisir a publié en 2012 une étude qui montre que le diesel n’est pas adapté à la majorité des conditions d’utilisation des véhicules, en particulier pour la ville et les petits et moyens rouleurs.
« Le diesel ne convient en effet pas à tout le monde, loin de là. Déjà, parce que le kilométrage moyen d’un véhicule est aujourd’hui de 12 800 km (source CCFA). Un chiffre qui avoisinerait les 9 000 km lorsqu’il s’agit de la seconde voiture. Or, il faut savoir que le diesel n’est rentable, selon les voitures, qu’à partir de 20 000 à 30 000 km par an. La faute à un prix d’achat et à un coût d’entretien plus élevés. D’après le Budget de l’automobiliste 2011 réalisé par l’Automobile club association (ACA), le montant annuel dédié à l’entretien d’une voiture est de 737 € pour un modèle à essence (une Renault Clio 1.2 TCE) et 1 461 € pour un diesel (une Peugeot 308 HDi 90). Soit 725 € par an de plus pour le diesel. Même si la revente peut parfois être plus avantageuse pour un diesel, le gain n’est pas systématiquement au rendez-vous. La différence de prix à la pompe ne suffit pas non plus à compenser le surcoût lié à l’achat d’un diesel. En outre, les moteurs à essence deviennent de plus en plus efficients, réduisant d’autant leur appétit. Mais surtout, le moteur diesel n’est pas adapté à un usage urbain et, en cas d’utilisation exclusive en ville, les risques de rencontrer un problème mécanique sont très élevés. »
« Ne faire que des parcours urbains n’est pas très bon pour le moteur diesel. Ce dernier est en effet conçu pour tourner à des régimes assez faibles et surtout constants pour offrir un meilleur rendement. En outre, le diesel doit être à bonne température pour fonctionner dans des conditions optimales. Situation que l’on n’obtient pas avec des trajets de moins de 5 ou 6 kilomètres sur route ou de moins de 10 à 15 minutes en ville. »
« Une voiture équipée d’un moteur diesel, en dehors d’une promotion spéciale d’un constructeur, n’est vraiment intéressante que si son usage est en adéquation avec sa façon de fonctionner. C’est-à-dire parcourir au moins 20 000 km par an et effectuer des déplacements d’une durée minimum de 30 minutes en milieu urbain et périurbain à des vitesses de roulage normales ou, et c’est encore mieux, sur routes et autoroutes. S’il s’agit de la deuxième voiture destinée aux courses ou à amener les enfants à l’école, l’essence est, de loin, la plus appropriée ».
Bien entendu on ne saurait reprocher aux constructeurs d’avoir rendu l’agrément de conduite des véhicules diesel comparable de ceux à essence, mais un constat s’impose : les pouvoirs publics, au travers du maintien d’une fiscalité avantageuse, ont encouragé le diesel y compris pour de petits véhicules pour lesquels le recours à ce type de motorisation n’est pas pertinent. Pour Nicolas Mouchnino (284), chargé de mission Énergie et Environnement à l’UFC-Que Choisir, « C’est d’autant plus problématique que, le diesel étant moins cher que l’essence, les consommateurs ont été incités à se tourner vers la motorisation diesel, effectuant ainsi un choix technologique inadapté à l’usage qu’il faisait en général de leur véhicule. »
Selon Diésélistes de France, « au-dessus de 20 000 kilomètres par an, le diesel est incontestablement le plus adapté (…), alors qu’un petit véhicule essence ou électrique sera plus intéressant pour moins de 10 000 kilomètres par an ». Dans le même sens, le Comité pour la fiscalité écologique relevait que, du fait de sa moindre consommation au kilomètre, « un prix au litre équivalent pour les deux carburants se traduirait donc toujours par un avantage financier au kilomètre en faveur du gazole ». (285)
● Encore faut-il disposer d’un indicateur objectif du coût réel d’usage d’un véhicule. M. Bernard Fourniou, président de l’Observatoire du véhicule d’entreprise, a ainsi présenté devant la mission le TCO (286) Scope proposé par l’OVE, sur lequel les entreprises peuvent fonder leurs décisions d’achat. Cet « indicateur clé » intègre de nombreux paramètres : le coût de la dépréciation, la fiscalité (charges sociales sur les avantages en nature, carte grise, taxe sur les véhicules de sociétés, amortissements non déductibles), le coût de l’énergie, l’assurance, l’entretien, les pneus, les frais financiers…
Les consommateurs ne disposent pas d’un indicateur équivalent alors que la fiabilité de l’information délivrée est essentielle pour faire le choix d’un véhicule et d’une motorisation adaptés à leur usage. Selon M. Nicolas Mouchnino, de l’UFC-Que Choisir « les coûts « cachés » (…) diffèrent grandement d’un carburant à l’autre : ni le coût de l’entretien ni le coût de l’assurance ne sont en effet identiques pour un véhicule diesel et un véhicule essence. Il est donc essentiel de réintégrer ces dépenses dans le calcul du coût du véhicule, de manière à pouvoir afficher un coût d’usage kilométrique de ce dernier. En fonction du nombre de kilomètres qu’il parcourt en moyenne, le consommateur aurait ainsi la possibilité de comparer différents produits technologiques et de choisir celui qui lui convient le mieux, en pouvant anticiper le coût d’usage global du véhicule. »
Votre Rapporteure propose que l’information sur le coût d’usage kilométrique du véhicule soit délivrée au consommateur par le constructeur. La DGCCRF, dans le cadre de ses missions relatives à l’information loyale des consommateurs pour donner confiance dans l’acte d’achat, peut conduire le processus d’élaboration de la base de calcul harmonisée, en lien avec les constructeurs et les associations de consommateurs, prenant en compte les coûts de carburant, d’entretien et d’assurance. D’abord volontaire, cette information pourrait dans un second temps devenir obligatoire.
Proposition n° 19 : Délivrer aux consommateurs une information sur le coût d’usage kilométrique lors de l’achat d’un véhicule.
Confier à la DGCCR l’élaboration d’une base de calcul harmonisée, en lien avec les constructeurs et les associations de consommateurs, pour établir un indicateur fiable.
II.
LA NEUTRALITÉ APPLIQUÉE À LA FISCALITÉ : SUPPRIMER EN
CINQ ANS LES AVANTAGES FISCAUX ACCORDÉS AU DIESEL
A. UNE FISCALITÉ ÉGALE SUR LES CARBURANTS FOSSILES, PAR UNE CONVERGENCE PROGRESSIVE DANS LES DEUX SENS
1. Un mouvement de convergence déjà engagé
Comme le rappelle notre collègue Valérie Rabault, Rapporteure générale du budget, « un rééquilibrage partiel est intervenu depuis 2014 et l’écart de fiscalité est passé de 17,9 à 15,6 centimes par litre entre 2014 et 2015. Il correspond à l’augmentation de quatre centimes par litre de la TICPE sur le gazole au cours de l’année 2015 (pendant que la TICPE sur l’essence n’augmentait que de deux centimes) et à l’augmentation de 2,4 centimes par litre de gazole (contre 2 centimes par litre pour l’essence) intervenue au 1er avril 2015 dans le cadre de la montée en charge de la contribution énergie climat. Le projet de loi de finances 2016 prévoit à ce jour une réduction de ce différentiel à 13,3 centimes en 2016. Elle découlerait d’une augmentation de la TICPE sur le gazole (+ 1 centime) et d’une réduction de celle-ci sur l’essence (– 1 centime). Du point de vue de la lutte contre la pollution de l’air, ce rééquilibrage doit être poursuivi. » (287)
Le tableau ci-après retrace l’évolution de la TICPE telle qu’elle résulte de ces dispositions, à texte inchangé pour 2017.
ÉVOLUTION DE LA TICPE DE 2012 À 2017
|
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
TICPE sur l’essence SP 95 « classique » (en euros par hectolitre) |
60,69 |
60,69 |
60,69 |
62,41 |
64,12 |
65,07 |
TICPE sur l’essence SP 95 « E 10 » (en euros par hectolitre) |
60,69 |
60,69 |
60,69 |
62,41 |
62,12 |
63,07 |
TICPE sur le gazole (en euros par hectolitre) |
42,84 |
42,84 |
42,84 |
46,82 |
49,81 |
53,07 |
La composante carbone de la TICPE a été introduite par la loi de finances initiale 2014. Elle prévoit une augmentation progressive de la TICPE basée sur le carbone, soit 7 €/tonneCO2 en 2014, 14,5 €/tCO2 en 2015, et 22 €/tCO2 en 2016. La loi de finances rectificative pour 2015 a prolongé cette trajectoire pour atteindre l’objectif de 56 €/tCO2 en 2020 fixé par la loi de transition énergétique. Le prix de la tonne de CO2 est ainsi fixé à 30,5 €/t pour 2017, 39 €/t en 2018, 47,5 €/t en 2019. Cet instrument contribue de facto à la réduction de l’écart entre l’essence et le diesel.
Les dispositions de la loi de finances rectificative pour 2015 relevaient de considérations bien plus conjoncturelles. Elles visaient à compenser le manque à gagner lié à la suppression regrettable de l’écotaxe. La conséquence a été un relèvement de deux centimes par litre de la TICPE sur le gazole pour les particuliers (qui s’ajoutaient aux deux centimes liés à la composante carbone) et une réduction de 4 centimes sur le tarif réduit accordé aux transporteurs routiers, le produit de ces hausses étant affecté au financement des infrastructures de transport à hauteur de 1,1 milliard d’euros.
Ce n’est qu’à partir de la loi de finances pour 2016 qu’a été introduite une décision spécifiquement liée à la réduction de l’écart entre le gazole et l’essence afin, selon l’exposé des motifs de l’amendement gouvernemental (288), d’« entamer un rapprochement en 5 ans entre le prix du gazole et celui de l’essence ».
Votre Rapporteure souscrit aux modalités choisies d’opérer cette convergence « dans les deux sens », c’est-à-dire par une augmentation d’un centime de la TICPE sur le gazole, concomitante à une baisse symétrique d’un centime sur l’essence. La même évolution étant prévue pour 2017 dans le projet de loi de finances rectificative pour 2015 (289), l’écart de la TICPE entre gazole et SP95, de 14,31 centimes en 2016, sera réduit à 12 centimes en 2017 (11,5 centimes contribution climat-énergie incluse).
Lors de son audition par la mission M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget, a précisé qu’en réalité « avec le mouvement de « +1/–1 » que nous avons fait adopter pour 2016 et pour 2017, nous amorçons un mouvement de convergence en six à sept ans. »
Du fait que les volumes de diesel vendus en France sont trois fois supérieurs aux volumes d’essence, les recettes supplémentaires pour l’État qui résultent du mouvement + 1/– 1 sont estimées à 244,5 millions € ( sur la base de la loi de finances 2016).
Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Données d’inflation : indice des prix à la consommation, ensemble hors tabac, métropole + DOM, base 98 (moyennes annuelles ; décembre 2015 pour 2016), INSEE.
2. La justification d’une progressivité et d’une programmation sur cinq ans
● Le mouvement de convergence, désormais engagé, est intervenu tardivement, créant une situation de fait accompli qui interdit, pour des raisons tant sociales qu’industrielles, un alignement brutal de la TICPE du gazole sur celle de l’essence qui se traduirait par :
– une perte de pouvoir d’achat sévère pour les catégories populaires et moyennes qui subissent la mobilité contrainte ;
– une destruction nette d’emplois conséquente dans l’industrie automobile qui, dans l’ensemble, a déjà perdu 42 % de sa production en douze ans et dont l’implantation dans les territoires est déjà le produit de restructurations industrielles antérieures et déchirantes.
À ces raisons légitimes, s’ajoute une évidence : la diésélisation massive du parc automobile français a résulté des décisions fiscales des pouvoirs publics qui en portent la totale responsabilité morale et politique. Ils ne peuvent s’en affranchir du jour au lendemain, de façon erratique, en « faisant payer » l’inertie d’hier aux près de 24 millions d’utilisateurs de véhicules diesel, qui ont été puissamment incités à choisir cette motorisation.
À cet égard, M. Nicolas Mouchnino, chargé de mission Énergie et Environnement à l’UFC-Que Choisir, a rappelé devant la mission que « le parc de véhicules diesel étant beaucoup plus important que celui des véhicules essence, l’augmentation du prix du diesel va mathématiquement alourdir la pression fiscale globale sur les ménages. Selon nous, une solution plus équilibrée, qui préserve l’équilibre et maintienne les prélèvements fiscaux sur le carburant à leur niveau actuel aurait été préférable. Par ailleurs, une hausse de la fiscalité doit être programmée dans le temps, afin de permettre aux ménages de l’anticiper et de décider de leur achat de véhicule en conséquence. (…) Il faudrait en aligner les délais sur la durée moyenne de conservation d’un véhicule par ses différents propriétaires. »
● Au regard des contraintes liées au pouvoir d’achat des ménages d’une part et au temps nécessaire à l’adaptation de l’outil industriel d’autre part, que votre Rapporteure développe ci-après, un délai de cinq ans paraît à la fois raisonnable et volontariste pour aboutir à un alignement complet de la TICPE sur le diesel et l’essence.
En effet, la sortie de la diésélisation massive doit être planifiée et organisée pour éviter des effets d’emballement chaotiques qui pourraient avoir des effets pervers conséquents, en particulier sur le marché de l’occasion et sur l’équilibre des locations avec option d’achat (LOA) basées sur une valeur de reprise. Pour M. Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire CETELEM de l’automobile, « ces grands coups de volant en termes de politiques publiques, extrêmement difficiles à suivre pour les constructeurs, ne sont pas non plus sans conséquences pour les automobilistes (…) Dans un tel contexte, la valeur des véhicules diesel à la revente va diminuer, et leurs propriétaires vont subir une décote d’environ 20 % – ce qui peut représenter une perte de 1 000 euros pour un véhicule de 8,5 ans et 70 000 à 80 000 kilomètres au compteur, donc une perte potentielle totale de 20 milliards d’euros si l’on considère que 20 millions de véhicules sont concernés en France. » (290)
S’il convient de prendre en considération l’impact sur le marché de l’occasion, ce propos alarmiste doit néanmoins être contredit. Tout d’abord la consommation de carburant des véhicules diesel étant inférieure d’environ 20 % à celle des véhicules à essence, les propriétaires de véhicules diesel continueront à bénéficier de moindres dépenses de carburant au kilomètre parcouru. De plus, fiscalité égale entre essence et diesel ne signifie pas équivalence du prix à la pompe. Comme l’a exposé M. Philippe Montantème, directeur stratégie de la branche marketing et services du groupe Total devant la mission (291), du fait d’un excédent d’offre de diesel sur les marchés pétroliers internationaux vraisemblablement durable dont il a exposé les causes (292) il existe « un écart de six centimes d’euros entre le prix hors taxe du litre d’essence et celui du litre de diesel ». Cette différence de prix hors taxe explique que si l’écart de TICPE entre SP95 et gazole est de 14,31 centimes en 2016, l’écart des prix à la pompe puisse être supérieur, actuellement de 18 centimes dans les Deux-Sèvres ou 20 voire 30 centimes à Paris (293).
● Enfin, plaide également pour une progressivité dans le temps de la convergence fiscale le fait que la décrue des ventes de véhicules diesel aux particuliers est d’ores et déjà engagée et que les constructeurs commencent à faire évoluer leur offre depuis quelques années : le diesel a quasiment disparu du segment A (294) et est beaucoup moins abondant sur le segment B.
ÉVOLUTION DU PARC AUTOMOBILE FRANÇAIS
Source CCFA
Cette évolution, amorcée depuis 2008, de façon plus significative depuis 2012, s’accélère. Elle constitue une tendance de fond structurelle. Sur les huit premiers mois de l’année 2016, les ventes de véhicules diesel ont reculé de 5,7 points par rapport à 2015. La part du diesel dans les immatriculations de véhicules neufs sur la même période est descendue à 52,72 %. Cette tendance est encore plus marquée pour les achats des particuliers : le diesel ne représente plus qu’environ un tiers des achats de leurs achats. (295)
ÉVOLUTION DE LA PART DU DIESEL SUR LE MARCHÉ DES VÉHICULES PARTICULIERS
Source : CCFA
Proposition n° 20 : Appliquer à partir de 2017 « la règle des 5 ans » au rythme de convergence progressive des fiscalités sur le diesel et l’essence, pour que l’écart de TICPE soit supprimé au 1er janvier 2021.
3. La nécessité de « graver dans le marbre » la convergence
S’il est prévu d’appliquer un nouveau mouvement +1/–1 au 1er janvier 2017 par une décision déjà adoptée, aucune disposition n’a inscrit dans la loi la poursuite du même mouvement pour les années à venir.
Votre Rapporteure tient à souligner que, pour des raisons tant industrielles que sociales, l’incertitude qui en résulte est dangereuse. Après des années d’immobilisme, il n’est plus possible que les décisions sur la fiscalité du diesel soient prises au coup par coup, au gré des circonstances ou de considérations de rendement budgétaire qui sont sans rapport avec la pertinence écologique et industrielle de la neutralité fiscale.
Ce processus doit être conduit avec constance et méthode, ce qui implique un consensus national autour d’une convergence progressive.
Dans ce cadre, votre Rapporteure propose de « graver dans le marbre », c’est-à-dire dès à présent dans la loi, un mouvement de réduction de l’écart de TICPE entre l’essence et le diesel prolongeant le mouvement + 1/– 1 pendant cinq ans.
Cette proposition permet d’aboutir à la neutralité fiscale en cinq ans entre le diesel et le SP 95 à l’horizon 2021 (296), en intégrant l’impact sur la TVA, et en prenant en compte l’évolution de la contribution climat-énergie qui réduit de 0,5 centime par an le différentiel essence-diesel. Il conviendra d’apprécier en cours de période la nécessité d’un éventuel ajustement concernant le SP 95-E10.
Cette politique rapporterait à l’État 250 millions d’euros supplémentaires par an, soit, au terme de la période, une recette annuelle augmentée d’environ 1,75 milliard d’euros par an.
ÉVOLUTION DE LA TICPE
EN INTÉGRANT LA CONTRIBUTION CLIMAT ÉNERGIE ET L’IMPACT SUR LA TVA
TICPE |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
Sp 95 |
64,12 |
65,07 |
66,27 |
67,47 |
68,67 |
69,87 |
Diesel |
49,81 |
53,07 |
57,27 |
61,47 |
65,67 |
69,87 |
Écart |
14,31 |
12 |
9 |
6 |
3 |
0 |
Chiffres calculés sur la base d’une évolution + 1/– 1 et de la poursuite du mouvement d’augmentation de la taxe carbone + 2.5/+ 2 en intégrant l’impact sur la TVA
Diesel Evolution TICPE +1+ contribution climat énergie ( 2,5) et TVA ( 0,7)= + 4,2 centimes
SP 95 Evolution TICPE – 1 + contribution climat énergie (2) et TVA (0,2)= + 1,2 centimes
La neutralité fiscale ainsi obtenue contribuera à la différenciation des choix de motorisation selon les usages. Au sein des motorisations thermiques appelées par ailleurs à être supplantées par de nouvelles technologies propres, il restera une place pour le diesel dans le marché automobile français. Il redeviendra le carburant destiné aux professionnels qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être ainsi qu’un choix adapté à l’usage de certains automobilistes qui effectuent des kilométrages importants.
Proposition n° 21 : Supprimer progressivement l’écart de TICPE sur le gazole et l’essence, par un mouvement de + 1 centime / – 1 centime chaque année pendant cinq ans, aboutissant à la neutralité fiscale sur les carburants fossiles au
1er janvier 2021.
Inscrire dans la loi, dès l’examen du projet de loi de finances pour 2017, les dispositions correspondantes au tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes.
B. POURSUIVRE LA MONTÉE EN PUISSANCE DE LA TAXE CARBONE
1. Un instrument utile à l’offre automobile du XXIème siècle
Le véritable enjeu n’est plus tant celui de l’équilibre entre le diesel et l’essence, que la sortie de l’automobile de l’ère des énergies fossiles.
La compétitivité économique des technologies d’ores et déjà disponibles pour les véhicules zéro émission (297), dont la commercialisation est actuellement totalement subordonnée à des soutiens publics, dépend directement du renchérissement du prix des carburants fossiles. La taxation du CO2 est l’instrument le plus puissant pour faire comparativement baisser le coût de l’automobile propre, qui reste aujourd’hui un frein à sa diffusion de masse. En outre, dans une période où l’argent public est rare, le rendement de l’impôt sur le CO2 peut et doit être réinvesti dans la transition énergétique, notamment automobile.
Prévue une première fois en 2010 par le gouvernement de François Fillon et censurée par le Conseil constitutionnel, ce n’est qu’en 2014 que la contribution climat énergie a été introduite sous la forme d’une « composante carbone » proportionnelle aux émissions de CO2 dans les taxes sur les énergies fossiles (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques). En 2014, elle a été compensée par une baisse équivalente de la TICPE et n’a pas eu d’incidence sur les prix des carburants routiers et du fioul, mais à partir de 2015 cette compensation a cessé. M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget, a rappelé devant la mission qu’« à travers la valeur du carbone, c’est au réchauffement climatique plus directement qu’à la qualité de l’air que la CCE a donné un prix. C’est une trajectoire ambitieuse. Elle suppose d’accepter que les automobilistes supportent, chaque 1er janvier, une hausse de fiscalité de 2 centimes d’euro le litre pour l’essence, et de 2,5 centimes d’euro le litre pour le gazole. Ce qui contribue au rapprochement de la fiscalité entre les deux types de carburants. »
2. Une programmation d’ores et déjà inscrite dans le temps
À l’initiative de notre collègue Jean-Paul Chanteguet, président de la Commission du développement durable, un amendement a permis d’inscrire à l’article premier de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, lors de sa discussion en lecture définitive en juillet 2015, la trajectoire de la contribution climat-énergie applicable à l’utilisation d’énergies fossiles à 56 euros en 2020 et 100 euros en 2030.
Un nouvel amendement de Jean-Paul Chanteguet, adopté au mois de novembre de la même année, lors des débats sur la loi de finances rectificative pour 2015, a permis de compléter le même alinéa de la loi du 17 août 2015 en précisant les valeurs de la tonne de CO2« de 30,50 € en 2017, de 39 € en 2018, de 47,50 € en 2019 ». La trajectoire de la contribution climat énergie a été inscrite dans la loi de finances jusqu’en 2020.
3. Accélérer le mouvement après la COP 21
Après le succès de la COP21 et l’entrée en vigueur effective de l’Accord de Paris, l’action doit être amplifiée pour traduire en actes les engagements de la communauté internationale pour protéger le climat. Une fois encore, la France peut être à l’avant-garde.
La baisse des prix pétroliers est une occasion historique d’accélérer la montée en puissance de la contribution climat énergie, sans conséquences négatives pour le pouvoir d’achat et l’économie. C’est le point de vue défendu par M. Alain Grandjean, économiste, associé fondateur de Carbone 4, devant la mission et que votre Rapporteure partage : « Ce serait actuellement le moment de relever la taxe carbone, en profitant de la baisse du baril de brut de 100 dollars à 50 dollars. Oui, partageons-nous la baisse ! Cette baisse correspond, par son ampleur, à une taxe carbone de 100 euros par tonne de dioxyde de carbone. Or l’instrument fiscal est l’un des meilleurs pour déplacer l’offre de voitures vers des véhicules moins gourmands en carburant, comme le montre le parallèle entre le marché américain et le marché européen. » (298)
Votre Rapporteure souhaite que cette possibilité soit examinée. Si cette proposition était retenue, le rythme de la convergence de la taxation du diesel et de l’essence serait ajusté à la marge pour conserver sa progressivité en cinq ans.
Proposition n° 22 : Après la COP21 et l’Accord de Paris, examiner la possibilité d’avancer d’un an la trajectoire prévue pour la montée en puissance de la taxe carbone, en portant la tonne de CO2 à 39 € dès 2017 sans impact sur le pouvoir d’achat des ménages, compte tenu du prix des produits pétroliers.
C. ÉTENDRE LA NEUTRALITE FISCALE AUX VÉHICULES D’ENTREPRISE
Plusieurs données fondamentales doivent être retenues concernant l’importance du marché du véhicule d’entreprise pour l’industrie automobile :
– les achats automobiles des entreprises tirent le marché du neuf : les ventes aux entreprises représentent 730 763 véhicules utilitaires et légers en 2015, en hausse de 6,3 %, meilleur résultat depuis 2009 ;
– les motorisations diesel ont le quasi-monopole de ce marché où il représentait 87,35 % des achats en 2015, et 86,08 % sur les neufs premiers mois de 2016. Toutefois il faut distinguer les utilitaires (le diesel représente 97 % de ce segment du marché où l’offre de motorisation essence est quasi inexistante) et les véhicules légers où le diesel a ainsi perdu 10 points de part de marché entre 2012 (90,54 %) et 2015 (80,61 %) ;
– le kilométrage annuel moyen au sein des entreprises est de 30 000 kilomètres ;
– l’âge moyen du parc roulant des entreprises est de quatre à cinq ans, c’est-à-dire deux fois moins élevé que l’ensemble du parc roulant en France. (299)
Le statut fiscal des véhicules d’entreprise diesel et essence n’a rien de comparable puisque seuls les premiers sont éligibles à la déductibilité de 80 % de la TVA sur le carburant, du fait que la motorisation diesel est présumée utilisée par les professionnels.
1. Étendre progressivement la déductibilité de la TVA sur les carburants à l’essence
Lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2015, l’Assemblée nationale avait d’abord adopté, à l’initiative de notre collègue Charles de Courson et de la Rapporteure générale du budget Valérie Rabault, un amendement permettant d’admettre progressivement que les véhicules d’entreprise essence puissent bénéficier de la récupération de TVA. Celui-ci a ensuite été rejeté en nouvelle lecture (300). Il proposait que la TVA sur l’essence payée par les entreprises pour leur flotte de véhicules soit déductible. Alors que l’amendement initialement adopté prévoyait une progressivité sur deux ans, la commission des finances avait proposé que la mise en œuvre de la déductibilité s’étale sur quatre ans. Ainsi, au 1er janvier 2016, l’entreprise aurait la possibilité de déduire 20 % de la TVA sur l’essence pour mettre fin à ce que Charles de Courson qualifiait d’« anomalie fiscale ».
Votre Rapporteure précise que la mesure de bon sens proposée n’enlève aucun soutien aux entreprises qui font un choix d’achat tourné vers le diesel, mais consiste à donner progressivement le même avantage aux autres choix de motorisation. Le coût de cette mesure est estimé à 15 millions d’euros.
Tout au long des travaux de la mission, votre Rapporteure a constaté que ce sujet constituait le point de crispation le plus important pour les constructeurs français, compte tenu du poids prépondérant du marché professionnel sur les ventes de véhicules neufs. Une solution responsable vis-à-vis des enjeux industriels a été trouvée pour avancer vers la suppression de cet archaïsme en cinq ans. En effet, l’Observatoire du véhicule d’entreprise, qui promeut depuis des années l’élargissement de la déductibilité, et le CCFA, qui représente les intérêts des constructeurs, ont travaillé à une proposition conjointe. Votre Rapporteure salue ce rapprochement qui permet de sortir d’une situation de blocage. Cette proposition opère une distinction dans le rythme de convergence entre véhicules légers et utilitaires, pour tenir compte de façon pragmatique de l’absence d’offre française en la matière. En outre elle prévoit un rythme de convergence réellement progressif.
Votre Rapporteure salue également l’évolution de la position du gouvernement, exprimée par le secrétaire d’État chargé du budget, qui l’année dernière s’était opposé à l’adoption des dispositions proposées par nos collègues. Lors de son audition, M. Christian Eckert a en effet annoncé être dans l’attente des propositions des parlementaires : « Se pose désormais, comme vous le savez, la question de la déductibilité de la TVA sur l’essence, qui sera certainement débattue au cours de l’automne. Le Gouvernement aura alors l’occasion d’indiquer dans quelle ampleur et à quel rythme il souhaite suivre les propositions qui ne manqueront pas de survenir à l’occasion de la discussion des textes budgétaires. En tout état de cause, il me semble que ce mouvement devra être pris en compte, et nous définirons le cadre de cette progressivité nécessaire pour laisser à chacun le temps de s’adapter. ».
Pour M. Bernard Fourniou, Président de l’Observatoire du véhicule d’entreprise, la déductibilité étendue à l’essence « ne changera pas le marché : on estime entre 18 000 et 20 000 le nombre de véhicules d’entreprise qui passeront à l’essence » (301). Par rapport au coût d’usage TCO du véhicule, l’extension de la déductibilité de TVA « fait bouger de 2 000 kilomètres par an » le seuil à partir duquel il restera, pour une entreprise, un intérêt économique à faire le choix du diesel en raison de ses caractéristiques.
Proposition n° 23 : Appliquer la neutralité fiscale aux véhicules d’entreprise, en étendant progressivement, sur cinq ans, la déductibilité de TVA, actuellement possible pour le seul diesel, à l’essence, conformément à la proposition conjointe de l’OVE et du CCFA. En conséquence, adopter l’amendement suivant dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2017 :
Amendement au projet de loi de finances pour 2017
Article additionnel après l’article 12
I. – Le a du 1° du 4 de l’article 298 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Dans la limite de 90 % de son montant à partir du 1er janvier 2017, de 80 % de son montant à partir du 1er janvier 2018, de 60 % à partir du 1er janvier 2019, de 40 % à partir du 1er janvier 2020 et de 20 % à partir du 1er janvier 2021, les essences mentionnées aux indices 11, 11 bis et 11 ter du tableau B de l’article 265 du code des douanes utilisées pour des voitures particulières exclues du droit à déduction ainsi que pour des voitures particulières prises en location quand le preneur ne peut pas déduire la taxe relative à cette location, à l’exception de celles utilisés pour les essais effectués pour les besoins de la fabrication de moteurs ou d’engins à moteur ;
Dans la limite de 80 % de son montant à partir du 1er janvier 2018, de 60 % à partir du 1er janvier 2019, de 40 % à partir du 1er janvier 2020, de 20 % à partir du 1er janvier 2021 et sans limite à partir du 1er janvier 2022, les essences mentionnées aux indices 11, 11 bis et 11 ter du tableau B de l’article 265 du code des douanes utilisées pour des véhicules utilitaires légers et engins exclus du droit à déduction ainsi que pour des véhicules utilitaires légers et engins pris en location quand le preneur ne peut pas déduire la taxe relative à cette location ; ».
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
2. De même, appliquer la neutralité fiscale à la récupération de la TVA sur l’achat des véhicules
La TVA est déductible à 80 % sur l’achat des seuls véhicules utilitaires fonctionnant au gazole et à l’E85 et à 100 % pour les véhicules légers fonctionnant au GPL, au GNV et à l’électricité. Les véhicules fonctionnant avec d’autres énergies ne sont pas éligibles à la déductibilité de la TVA.
Les véhicules de tourisme posent néanmoins un problème particulier car, malgré l’interdiction de principe de récupération de la TVA sur le prix d’achat il est possible pour les entreprises de procéder dans des cas non négligeables à cette opération.
Les exceptions au principe de non récupération de TVA sur les achats des véhicules de tourisme sont les suivantes :
– L’activité professionnelle implique le recours à un véhicule de tourisme, taxi, auto-école, véhicule sanitaire léger… ;
– Le véhicule du fait de certains aménagements est qualifié d’utilitaire. Les garagistes racontent à loisir la façon dont ils doivent réinstaller une banquette arrière dans certains véhicules qui ont, à l’achat, pu être qualifiés d’ « utilitaires » de sorte à bénéficier de la récupération de TVA. Cette pratique ne semble pas marginale s’agissant de véhicules à vocation urbaine : en 2015, 29 332 Renault clio diesel ont été acquises comme véhicule utilitaire, il en a été de même pour 14 567 208 Peugeot diesel et 8816 C3 Citroën (302).
Sur un véhicule d’une valeur de 20 000 €, la société peut ainsi récupérer 3 200 € qui s’ajoutent aux autres avantages évoqués précédemment. La catégorie des véhicules utilitaires légers représentait 302 100 ventes en 2015.
Aussi faut-il étendre cette récupération de la TVA à l’ensemble des véhicules, sans considération de leur carburant.
Le coût de cette mesure serait sans doute limité car actuellement les immatriculations de véhicules essence par les entreprises ne représentent que 9 % du total. (303)
Proposition n° 24 : Étendre la récupération de TVA sur les achats de véhicules de société selon la même progressivité en cinq ans.
3. Un barème en adéquation avec les normes Euro pour la taxe sur les véhicules des sociétés
La taxe sur les véhicules des sociétés (TVS) a rapporté 773 millions d’euros en 2015 et constitue, depuis 2014, le seul outil fiscal du secteur des transports qui intègre partiellement un critère lié aux émissions polluantes.
La Cour des comptes (304) relève « qu’instituée en 1979, elle est payée par toutes les sociétés utilisant ou possédant en France des voitures particulières, son barème est progressif depuis 2006. Ce barème a été appliqué jusqu’au 30 septembre 2013 sur la seule quantité de CO2 émise par les véhicules. À compter du 1er octobre 2013, il a été complété, pour prendre en compte les émissions de polluants atmosphériques. Depuis 2009, le produit de cette taxe a été affecté à la branche maladie du régime des exploitants agricoles puis depuis 2014 à la Caisse nationale des allocations familiales. Pour les véhicules pour lesquels cette information n’est pas disponible, la taxe est assise sur la puissance fiscale du véhicule. » (305)
Le rendement de la TVS a régressé de 30,6 % entre 2009 et 2015. « Cette baisse pourrait être le signe de l’efficacité de la taxe, de plus en plus de sociétés préférant acquérir des véhicules moins polluants » selon la Cour.
ÉVOLUTION DU RENDEMENT DE LA TVS (EN M€)
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 | |
1 114 |
995 |
927 |
983 |
876 |
821 |
773 |
Source : Cour des comptes
La taxe sur les véhicules des sociétés repose sur deux barèmes :
– l’un concerne les émissions de CO2 et va de 2 € par gramme (au-delà de 5 grammes) à 27 € par gramme au-delà de 250 grammes. Il avantage les véhicules diesel qui, à cylindrée équivalente, consomment 15 à 20 % de moins que les véhicules à essence. Il faut noter que cette taxe comporte des effets de seuils importants qui sont pris en compte dans l’offre des constructeurs (770 € pour un véhicule émettant 140g de CO2 et 1621,50 € pour un véhicule émettant 141g de CO2) ;
– la taxe forfaitaire additionnelle à la TVS, instituée par l’article 30 de la loi de finances pour 2014, basée sur l’année de mise en service, et opérant une distinction entre essence et diesel. Elle est de 20 € pour les véhicules essence commercialisés à partir de 2011 et de 40 € pour les véhicules diesel. Elle est beaucoup plus lourde pour les véhicules diesel anciens.
CALCUL DE LA SECONDE COMPOSANTE DE LA TVS
Année de mise en circulation |
Essence et assimilé |
Diesel et assimilé* |
Jusqu’au 31 décembre 1996 |
70 EUR |
600 EUR |
De 1997 à 2000 |
45 EUR |
400 EUR |
De 2001 à 2005 |
45 EUR |
300 EUR |
De 2006 à 2010 |
45 EUR |
100 EUR |
À partir de 2011 |
20 EUR |
40 EUR |
Malheureusement, la « composante air » de la TVS n’est ni fondée sur les normes Euro, ni identique selon les motorisations. Votre Rapporteure propose que cette simplification soit opérée.
Proposition n° 25 : Réformer le barème de la « composante air » de la taxe sur les véhicules de société pour l’établir selon la norme Euro des véhicules.
D. REVOIR LES BASES DU BONUS-MALUS
Le bonus-malus constitue une des réussites du Grenelle de l’environnement d’octobre 2007, même s’il a aussi eu des effets pervers sur le marché automobile (306), en particulier en matière de diésélisation des petites voitures citadines.
Le mécanisme incitatif du bonus-malus avait trois objectifs initiaux :
– inciter les acheteurs de véhicules neufs à changer leur comportement d’achat pour privilégier les véhicules à faible émission de dioxyde de carbone et favoriser ainsi la modification de la structure du parc automobile ;
– stimuler l’innovation technologique des constructeurs en les encourageant à cibler leur offre sur les produits les plus propres ;
– accélérer le renouvellement du parc automobile afin de retirer du parc les véhicules les plus anciens qui sont aussi les plus polluants.
Il comporte deux volets : une subvention à l’achat (le bonus) et une taxe (le malus (307)).
MONTANTS DU BONUS POUR L’ANNÉE 2016
Emissions de CO2/km |
Montant du bonus depuis le 4 janvier 2016 |
0 à 20 g de CO2/km |
6 300 euros (dans la limite de 27 % du coût d’acquisition) |
21 et 60 g de CO2/km |
1 000 euros |
Véhicules hybrides électriques (hors Diesel) émettant moins de 110 g de CO2/km |
750 euros |
Ce mécanisme fait l’objet de deux critiques récurrentes : ces règles révisées annuellement sont instables (308) et il a encouragé la diésélisation du parc.
Le bilan environnemental global du bonus-malus a fait l’objet d’études aux conclusions contradictoires (309). Une étude d’évaluation du Commissariat général au développement durable de mai 2010 (310) soulignait l’impact sur le marché automobile positif puisque la part de marché des véhicules peu émetteurs du CO2 bénéficiant du bonus « a fortement augmenté parmi les immatriculations neuves, passant de 30 % en 2007 à 45 % en 2008 et 56 % en 2009. » La même étude reconnaissait que « le dispositif a eu des effets différents en terme de diésélisation sur les deux années. En 2008, la part des motorisations diesel a augmenté dans toutes les gammes, puisqu’elles permettaient d’obtenir de meilleures performances en termes d’émissions de CO2. En 2009, le dispositif a favorisé les voitures très économiques où les motorisations essence sont le plus représentées. Aussi, le taux de motorisation diesel nouvellement immatriculé a varié, passant de 74 % en 2007 à 77 % en 2008 puis 70 % ».
Comme le souligne la Cour des comptes (311) « le bonus-malus a favorisé, au moins dans ses deux premières années, la diésélisation du parc automobile : avantageant exclusivement les véhicules dont les rejets de CO2 sont les moins élevés, il a de fait orienté les ventes vers les motorisations diesel. Les deux dispositifs du bonus-malus et de la prime à la casse, centrés sur la réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2) dans le cadre de la lutte contre les gaz à effet de serre, ont atteint ce seul objectif sans prendre en compte, comme cela a pu être le cas ailleurs en Europe, l’objectif de lutte contre la pollution de l’air. »
Selon le Commissariat général au développement durable (312), entre 2007 et 2013, si l’émission moyenne est en effet passée de 149 à 117 grammes de CO2 par kilomètre, ce qui constitue l’un des taux les plus bas de l’Union Européenne, le bilan sur la qualité de l’air est, en revanche, contradictoire, dans la mesure où ce dispositif n’était pas conçu en fonction du rejet de polluants comme les oxydes d’azote ou les particules fines. Aussi, « en favorisant les véhicules diesel, le dispositif a contribué en théorie à un léger accroissement des émissions unitaires de polluants locaux, les seuils de la norme Euro 4 [norme en vigueur à l’époque] étant plus élevés pour les véhicules roulant au diesel (par rapport aux véhicules essence) ».
Il faut rappeler qu’à l’époque, les véhicules diesel n’étaient pas équipés de filtres à particules. Sans même évoquer le fait que ces bilans écologiques sont basés sur les émissions de CO2 comme de particules et de NOx considérées selon les normes Euro, qui s’avèrent en fait assez éloignées de la réalité, ce bref panorama illustre les effets pervers de tout dispositif de soutien qui ne s’inscrit pas dans une vision systémique intégrant l’ensemble des paramètres de pollution locale et globale. La poursuite d’objectifs conjoints de lutte contre le réchauffement climatique et d’amélioration de la salubrité publique oblige à mettre fin à une stratification de dispositifs rendant peu lisible, pour ne pas dire incohérente, la fiscalité automobile.
Votre Rapporteure propose que les paramètres du bonus-malus intègrent, outre le CO2, un critère relatif à la qualité de l’air et donc à la norme d’homologation du véhicule.
Proposition n° 26 : Réformer les bases du bonus-malus pour ajouter au critère basé sur les émissions de CO2, un critère relatif à la qualité de l’air en adéquation avec la norme Euro.
III. PROTÉGER LES MÉNAGES MODESTES QUI SUBISSENT LA MOBILITÉ CONTRAINTE
A. DES INÉGALITÉS SOCIALES ET TERRITORIALES CRIANTES
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Tous les Français ne sont pas égaux en matière de dépendance à l’automobile et donc d’impact sur leur pouvoir d’achat de l’évolution du prix des carburants. Votre Rapporteure a estimé nécessaire de mettre en lumière cette dimension sociale, qui justifie à la fois la progressivité proposée et des mesures spécifiques.
Le sentiment d’injustice des habitants des territoires ruraux et des zones périurbaines est largement corroboré par les analyses de l’INSEE. En réalité, les inégalités territoriales se cumulent aux inégalités sociales. Dans les territoires éloignés des grands centres urbains, les ménages ont des revenus en moyenne plus bas et des dépenses énergétiques plus élevées. Exercer une activité d’agriculteur, d’ouvrier, d’employé ou une profession intermédiaire rend davantage vulnérable à l’évolution du prix des carburants.
La vulnérabilité énergétique liées aux déplacements
Une importante étude (313) conjointe de l’INSEE et du SOeS (314) reconnaît la notion de vulnérabilité énergétique liée à la mobilité. Elle décrit les fortes inégalités sociales et territoriales qui résultent de l’exposition des ménages à la mobilité contrainte :
« En France métropolitaine, 2,7 millions de ménages (10,2 % des ménages) dépensent plus de 4,5 % de leurs revenus pour l’achat du carburant nécessaire à leurs déplacements contraints.
Les cinq régions les plus exposées sont l’Auvergne (16,0 %), la Champagne-Ardenne (16,0 %), la Picardie (16,1 %), le Limousin (17,5 %) et surtout la Corse (28,0 %).
Le risque de vulnérabilité énergétique imputable aux déplacements contraints est faible dans les pôles urbains (4,3 %pour les grands pôles, 6,9 % pour les moyens et petits), mais bien plus élevé dans les zones plus éloignées.
En ce qui concerne les couronnes, les taux sont de 18,8 % pour celles des grands pôles et de 16,2 % pour celles des pôles petits et moyens.
Ce taux s’élève à 23 % dans les territoires multipolarisés et atteint même 31 % dans les zones hors aires urbaines.
Dans les grands pôles urbains, les ménages vulnérables pour les déplacements peuvent être des travailleurs, en particulier des ouvriers et des professions intermédiaires, ou au contraire des inactifs de moins de 30 ans, vraisemblablement étudiants.
Dans les couronnes de grands pôles, les ouvriers et les employés sont les catégories les plus vulnérables (respectivement 34,7 %et 29,9 %).
Dans les petits pôles, les professions intermédiaires sont les plus exposées (13,4 %) : leur facture moyenne en carburant est élevée, proche de celle des cadres, alors que leur revenu est généralement inférieur.
En couronne des petits pôles, la consommation de carburant augmente très fortement, entraînant dans la vulnérabilité énergétique professions intermédiaires (23,4 %), employés (27,6 %), ouvriers (29,1 %) et agriculteurs (24,5 %).
Dans les territoires multipolarisés, la proportion de travailleurs consacrant 4,5 % ou plus de leur revenu augmente nettement, qu’ils soient cadres (21,2 %) ou ouvriers (40,0 %). Ce phénomène est encore amplifié pour les ménages habitant hors des aires urbaines, en particulier chez les ouvriers (47,9 %) et les agriculteurs (51,2 %). Les retraités (17,2 %) et les inactifs (22,2 %) restent relativement épargnés, malgré un accès aux équipements moins aisé qu’en milieu urbain. »
PART DES MÉNAGES VULNÉRABLES POUR L’APPROCHE DÉPLACEMENTS
(LISSAGE COMMUNAL)
Sources : Insee, RP, ERFS et RDL de 2008 : SOeS, ENTD.
eԀe㬀e圀e嬀e縀e騀e鸀e f㰀f䀀f谀fꠀf가fff豈fᴀg㤀g㴀g礀g销g餀g뼀ggg⬀h䜀h䬀h관h준h촀h܀i⌀i✀i䨀i昀i樀i蜀iꌀi꜀iiìj䄀j崀j愀j需j대j뜀j︀jᨀkḀk圀k猀k眀kꈀk븀k숀kk̀l܀l伀l欀l漀l꜀l쌀l윀llကm᐀m䜀m挀m最mm윀m쬀mmကn᐀n縀n騀n鸀nnĀoԀo䜀o挀o最o꤀o씀o준o✀p䌀p䜀p樀p蘀p言p쀀pppq✀q⬀q蠀qꐀqꠀqffqᜀrᬀr匀r漀r猀r관r준r촀rȀsḀs∀s焀s贀s鄀s숀sssሀt⸀t㈀t娀 9149Le paradoxe de la convergence fiscale au regard de ses effets sociaux
Situation paradoxale : la pollution automobile sévit davantage dans les grandes agglomérations urbaines, mais les plus impactés par le prix des carburants sont d’abord les habitants des territoires ruraux et de zones périurbaines où la pollution automobile produit moins de nuisances.
L’effort financier que représente la convergence fiscale diesel-essence ne peut donc pas être directement relié au principe polleur-payeur. Il repose relativement plus sur les habitants des zones rurales et de banlieues pour lesquelles le choix de motorisation diesel restera souvent adapté à l’usage compte tenu des kilométrages effectués.
PART DU DIESEL DANS LE PARC EN CIRCULATION
DES VÉHICULES SELON LES DÉPARTEMENTS
Les conclusions de l’étude sur l’impact pour les ménages d’une composante carbone dans le prix des énergies fossiles, réalisée par le CGDD et publiée en mars 2016, sont éclairantes : « Les ménages détenant un véhicule diesel sont plus affectés que ceux détenant un véhicule essence. Le surcoût plus élevé du gazole estimé à 57 €/an (contre 30 €/an pour l’essence) est lié au contenu élevé en CO2 du gazole mais également à une consommation plus importante de carburant. Ces ménages détiennent souvent plusieurs véhicules et parcourent un kilométrage annuel élevé. L’effet serait amplifié par le rattrapage de la fiscalité du gazole sur celle de l’essence. » (315)
SURCOÛT ÉNERGÉTIQUE MOYEN LIÉ À LA COMPOSANTE CARBONE EN 2016, EN EUROS
Source : SoeS, ENTD 2008, calculs CGDD (carburant)
Toutefois, cette étude ne rappelle pas que les salariés imposables peuvent déduire de leur impôt les frais réels et que le barème kilométrique ou le barème « carburant » applicables sont révisés régulièrement selon différents paramètres, dont l’indice des prix à la consommation. M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget, a confirmé devant la mission que « les contribuables qui optent pour ce régime pourront donc effectivement obtenir une compensation partielle de l’augmentation du prix du diesel résultant de la hausse de ce carburant sous l’effet du rattrapage entre l’essence et le diesel » (316) si le barème kilométrique ou le barème carburant sont choisis. Il a également rappelé que 5,7 millions de contribuables ont opté pour ce système lors de leur déclaration de revenus 2015.
BARÈME KILOMÉTRIQUE APPLICABLE AUX VOITURES (EN EUROS) (317)
Puissance administrative (en CV) |
Distance (d) jusqu’à 5 000 km |
Distance (d) de 5 001 km à 20 000 km |
Distance (d) au-delà de 20 000 km |
3 CV et moins |
d x 0,41 |
(d x 0,245) + 824 |
d x 0,286 |
4 CV |
d x 0,493 |
(d x 0,277) + 1 082 |
d x 0,332 |
5 CV |
d x 0,543 |
(d x 0,305) + 1 188 |
d x 0,364 |
6 CV |
d x 0,568 |
(d x 0,32) + 1 244 |
d x 0,382 |
7 CV et plus |
d x 0,595 |
(d x 0,337) + 1 288 |
d x 0,401 |
La dimension sociale de l’évolution de la fiscalité des carburants se concentre donc sur les ménages non imposables, qui ne bénéficient pas de cette déductibilité de leur frais puisqu’elle ne prend pas la forme d’un crédit d’impôt.
B. LA RESTITUTION INTÉGRALE DES RECETTES FISCALES GÉNÉRÉES PAR LA CONVERGENCE ESSENCE/DIESEL
eԀe㬀e圀e嬀e縀e騀e鸀e f㰀f䀀f谀fꠀf가fff豈fᴀg㤀g㴀g礀g销g餀g뼀ggg⬀h䜀h䬀h관h준h촀h܀i⌀i✀i䨀i昀i樀i蜀iꌀi꜀iiìj䄀j崀j愀j需j대j뜀j︀jᨀkḀk圀k猀k眀kꈀk븀k숀kk̀l܀l伀l欀l漀l꜀l쌀l윀llကm᐀m䜀m挀m最mm윀m쬀mmကn᐀n縀n騀n鸀nnĀoԀo䜀o挀o最o꤀o씀o준o✀p䌀p䜀p樀p蘀p言p쀀pppq✀q⬀q蠀qꐀqꠀqffqᜀrᬀr匀r漀r猀r관r준r촀rȀsḀs∀s焀s贀s鄀s숀sssሀt⸀t㈀t娀 9149L’écologie doit aller à l’écologie : l’affectation des recettes à la transition automobile
La convergence fiscale diesel-essence ne s’inscrit pas dans une perspective de rendement, même si elle remédie à un manque à gagner fiscal dénoncé par la Cour des comptes. Elle résulte d’objectifs écologiques qui impliquent que son produit soit intégralement restitué aux Français en l’orientant vers la réduction de la dépendance sociale et industrielle au diesel. Il s’agit d’une condition fondamentale d’adhésion de la Nation à cette politique.
Après avoir été affectées à la « compensation » de l’abandon de l’écotaxe, en 2016, ces recettes supplémentaires ont été restituées aux ménages par une mesure sans aucun rapport avec les enjeux de la mobilité contrainte ou de la lutte contre la pollution. Comme M. Christian Eckert l’a rappelé « nous avions adopté cette disposition – qui, certes n’a rien à voir, mais l’exercice budgétaire consiste en la présentation d’un équilibre global – qui finançait la mesure de retour à l’exonération d’impôts locaux d’un certain nombre de contribuables de condition modeste. Le public visé, que certains appellent les « petits vieux », représentait les contribuables exonérés jusqu’alors, et qui ne l’étaient plus du fait de l’augmentation du revenu fiscal de référence dû à l’inclusion dans l’assiette de prélèvement de la demi-part des veuves, les majorations de pensions notamment. Encore une fois, il s’agissait de garantir l’équilibre du budget entre le moment de sa présentation et son état après le débat au Parlement. »
Pour votre Rapporteure, le produit du mouvement + 1/– 1 entre le diesel et l’essence n’a pas vocation à servir aux ajustements budgétaires d’opportunité, a fortiori dès lors que la convergence est planifiée sur cinq ans dans le cadre d’une stratégie écologique et industrielle. Elle propose donc que cette manne serve à abonder le compte d’affectation spéciale « aide à l’acquisition de véhicules propres » afin de financer des mesures nouvelles d’aide à l’équipement des ménages modestes.
Les marges de manœuvre budgétaire de l’État étant faibles, ces recettes doivent aussi permettre de financer intégralement la création de l’organisme chargé de la surveillance de marché, le Bureau d’enquête et d’analyse sur la pollution des véhicules.
De plus, le temps de préparer les projets tout au long de l’année 2017, à partir de 2018, ces recettes devront en partie être dirigées vers les entreprises de la filière automobile, pour accompagner dans leur mutation les sites industriels les plus exposés aux conséquences du rééquilibrage du marché automobile.
Enfin, les recettes fiscales au-delà de 250 à 300 millions environ à partir de 2019 pourraient être consacrées au financement des infrastructures de mobilité durable par le biais d’un abondement au budget de l’AFIT.
Proposition n° 27 : Restituer aux Français l’intégralité des recettes fiscales supplémentaires liées à la convergence fiscale entre l’essence et le diesel (environ 250 millions d’euros en 2017, plus de 1 milliard en 2021) en l’affectant :
. pour 150 millions d’euros, à la prime à la conversion permettant aux ménages non imposables de se défaire d’un vieux diesel au profit d’un véhicule vertueux, par abondement du compte d’affectation spécial « aides à l’acquisition de véhicules propres » (cf. infra proposition n° 32) ;
. pour 70 millions à l’aide aux entreprises de la filière automobile en situation de fragilité à se redéployer vers les nouveaux marchés porteurs ;
. pour 30 millions en 2017, puis 4 millions les années suivantes, à la création et au fonctionnement du Bureau d’enquête et d’analyse sur la pollution des véhicules.
Au-delà des 250 à 300 millions d’euros nécessaires chaque année au financement de ces trois priorités, les recettes fiscales complémentaires pourront être affectées à partir de 2019 aux programmes d’investissement dans les infrastructures de mobilité durable par le biais d’un abondement au budget de l’AFIT.
eԀe㬀e圀e嬀e縀e騀e鸀e f㰀f䀀f谀fꠀf가fff豈fᴀg㤀g㴀g礀g销g餀g뼀ggg⬀h䜀h䬀h관h준h촀h܀i⌀i✀i䨀i昀i樀i蜀iꌀi꜀iiìj䄀j崀j愀j需j대j뜀j︀jᨀkḀk圀k猀k眀kꈀk븀k숀kk̀l܀l伀l欀l漀l꜀l쌀l윀llကm᐀m䜀m挀m最mm윀m쬀mmကn᐀n縀n騀n鸀nnĀoԀo䜀o挀o最o꤀o씀o준o✀p䌀p䜀p樀p蘀p言p쀀pppq✀q⬀q蠀qꐀqꠀqffqᜀrᬀr匀r漀r猀r관r준r촀rȀsḀs∀s焀s贀s鄀s숀sssሀt⸀t㈀t娀 9150Ouvrir la perspective d’une « couverture énergie universelle »
La précarité énergétique liée à la mobilité ne fait actuellement l’objet d’aucun dispositif adapté.
En réponse à l’augmentation de la précarité énergétique, la loi relative à la transition énergétique a prévu la création du chèque énergie. Il s’agit d’un titre de paiement affecté à des dépenses strictement prévues par la loi (318) : dépenses d’énergie dans le logement ou dépenses d’amélioration du logement. Les dépenses de carburant en sont exclues. La loi prévoit une mise en place progressive du chèque énergie par expérimentation en vue de sa généralisation au plus tard le 1er janvier 2018. Cette expérimentation est en cours dans quatre départements.
Initialement, la création d’un chèque énergie avait souvent été proposée par ses promoteurs avec une part « carburants » liée aux transports. Selon un rapport de l’Inspection générale des finances, cette option a été écartée « principalement parce que la problématique de précarité transport concerne un public distinct, situé sur les 3ème et 4ème déciles de revenu ». La population dépendante de la voiture se situe majoritairement, selon le rapport, « dans les 4ème et 5ème déciles de revenus, correspondant aux actifs résidants en zone péri urbaine dépourvue de transports collectifs, dotés d’horaires étendus ». Pourtant l’étude précitée de l’INSEE et du SOeS établit une définition précise de la vulnérabilité énergétique et confirme que les déplacements contraints, en particulier en zone rurale et péri urbaine, sont une dimension essentielle de l’exposition à la précarité énergétique.
Les centres communaux d’action sociale (CCAS) des communes rurales sont amenés à délivrer régulièrement des aides au carburant. Selon l’enquête publiée par l’Union nationale des CCAS en 2013 sur la précarité énergétique, 30 % des CCAS déclaraient attribuer des aides au carburant en 2012. Ces aides, à la discrétion de chaque centre, sont majoritairement versées via des « bons essences » ou des chèques d’accompagnement personnalisé. Cette proportion est plus élevée dans les territoires de 5 000 à 10 000 habitants (36 %) et de 10 000 à 20 000 (34 %). Elle est au contraire plus faible dans les villes ou intercommunalités plus grandes du fait de la présence supposée de davantage d’infrastructures de transport en commun.
La nécessité d’appréhender globalement la précarité énergétique, telle que récemment analysée par l’Observatoire de la précarité énergétique et l’INSEE, milite pour penser ensemble les aides à la consommation d’énergie liées au logement ou aux nécessités de déplacement.
À cet égard, votre Rapporteure a souhaité auditionner M. Jean Gaubert, ancien député, Médiateur national de l’énergie. Il a fait part de ses craintes qu’une extension du chèque énergie à la mobilité, introduite dès à présent, alors même que le chèque énergie pour le logement n’est pas encore instauré et est seulement expérimenté, puisse être un facteur déstabilisant pour ce dispositif. Cet argument est parfaitement recevable et justifié.
Néanmoins, après avoir passé en revue tous les mécanismes possibles (crédit d’impôt, aide directe spécifique…) pour que la puissance publique contrecarre les inégalités flagrantes qui résultent de la vulnérabilité énergétique liée à la mobilité, votre Rapporteure considère que la perspective d’une « couverture universelle énergie », à partir de l’extension du chèque énergie, doit être envisagée. Il convient dans un premier temps d’attendre le bilan des expérimentations en cours du premier volet du chèque énergie, qui doit faire l’objet d’un rapport du gouvernement au 1er octobre 2017. Une « clause de rendez-vous » devrait donc être prévue pour revisiter ce dispositif assez rapidement.
Dans l’attente, les mesures de soutien aux ménages non imposables, pour les aider à s’équiper de véhicules qui consomment moins et qui polluent moins, doivent être vigoureusement amplifiées. Votre Rapporteure développe ces propositions dans la partie consacrée au renouvellement du parc automobile qui doit être accélérée.
Proposition n° 28 : Ouvrir la perspective d’une « couverture énergie universelle », après un point d’étape, prévu au 1er octobre 2017, sur la mise en place du chèque-énergie afin que la précarité énergétique liée à la mobilité soit prise en compte.
C. PROTÉGER LES SECTEURS PROFESSIONNELS FRAGILES
Lors de son audition, M. Christian de Perthuis, ancien président du Comité pour la fiscalité écologique, a rappelé que sa « seule réserve » concernant l’alignement nécessaire de la fiscalité du diesel et de l’essence, était son impact pour des secteurs professionnels qui bénéficient de longue date de mesures spécifiques.
Votre Rapporteure défend le point de vue que, le gazole redevenant un carburant professionnel, il n’y a pas lieu de remettre en cause le principe de certaines compensations, qui plus est dans un contexte où certaines professions, notamment la profession agricole, subissent une crise violente. En revanche, elle invite à rechercher, dans le cadre de discussions ouvertes avec chacun des secteurs professionnels concernés, la façon dont l’aide de l’État pourrait être plus utile et pertinente pour contribuer à réduire la dépendance aux énergies fossiles. Elle rejoint ainsi les propos de M. Christian de Perthuis selon lesquels « trois professions [jouissent] d’un régime particulier : agriculteurs, travaux publics, transporteurs de marchandises. Il faut chercher des solutions avec eux. Comme président du Comité pour la fiscalité écologique, j’avais noué des contacts tout à fait intéressants avec leurs représentants. Ceux de la profession agricole étaient, bien sûr, attachés au soutien dont ils bénéficient, mais ils n’étaient pas fermés à ce qu’il prenne d’autres formes, peut-être plus efficaces, que cette aide à l’achat de carburant. Il en va de même pour les bâtiments et travaux publics. Dans ces activités, il n’y a pas de lien direct entre le prix du carburant et la compétitivité internationale du secteur, qui est déterminée par de nombreux autres facteurs. La situation est différente pour les transporteurs routiers. Le coût salarial chargé d’un routier est de 10 % à 15 % plus élevé en France qu’en Allemagne. D’autres éléments que le coût du carburant pèsent donc dans le coût d’exploitation. Ne faut-il pas réfléchir, avec la profession concernée, à d’autres leviers pour soutenir son activité ? »
Pour Mme Florence Berthelot, déléguée générale de la FNTR, interrogée par votre Rapporteure, « tout relèvement du diesel va impacter le transport routier. Il y a la récupération de TVA et la « ristourne » qui existent et qui peuvent être modulées. Le gazole professionnel doit être à un prix pour les professionnels, donc inférieur. » Concernant la nécessité de développer le GNV pour lequel la FNTR est très engagée, elle a souligné que « c’est aussi une question d’acceptabilité de notre secteur qui a une mauvaise image ».
Proposition n° 29 : Le gazole redevenant un carburant adapté aux usages professionnels et utilitaires, adapter les mesures fiscales de compensations existantes à chaque secteur professionnel (agriculture, transport de marchandises, taxis, travaux publics) pour les protéger les secteurs en difficulté de la répercussion de la hausse de la TICPE sur le diesel.
Concernant le transport routier de marchandises, ouvrir une discussion avec la profession pour que l’augmentation soit intégralement restituée sous forme d’une aide à la conversion adaptée pour les poids lourds, afin de prendre en charge le surcoût du GNV lors du renouvellement des flottes (actuellement de 30 %).
IV. UN PLAN D’ACCOMPAGNEMENT DE L’INDUSTRIE
A. « ATTAQUER LE DIESEL, C’EST ATTAQUER LE MADE IN FRANCE »
« Attaquer le diesel, c’est attaquer le made in France » (319) avait résumé d’une formule M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, en mars 2013 pour dire son opposition à toute convergence fiscale entre le diesel et l’essence. Depuis des années, cette position conservatrice et récurrente des ministres de l’industrie, conduisant même certains à tenir des propos parfaitement inexacts sur la réalité des émissions polluantes de ces motorisations, a fait partie des facteurs qui ont bloqué tout mouvement de l’État.
Votre Rapporteure est partie du point de vue qu’il fallait comprendre les contraintes réelles de l’industrie automobile française pour pouvoir sortir enfin de l’immobilisme et construire une vision partagée.
Oui, en France, des usines entières fabriquent les éléments des motorisations diesel et sont souvent le premier employeur privé de leur territoire. Cette réalité ne peut pas et ne doit pas être balayée du revers de la main. Il s’agit souvent d’installations industrielles anciennes, parfois dans lesquelles des investissements récents très importants ont été réalisés. Surtout, M. Carlos Tavarès, président du directoire du Groupe PSA, a parfaitement résumé le problème posé aux industriels : « les marges sur les diesels sont plus importantes que les marges sur l’essence » (320). Ceci n’est pas seulement lié à l’écart du prix de vente des véhicules diesel, comparé à l’essence, mais aussi au fait qu’une bonne partie des outils de production sont amortis et dégagent des profits pour une filière industrielle qui commence tout juste à redevenir prospère.
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« Le Comité demande en particulier qu’une étude d’impact soit réalisée sur l’ensemble de la filière automobile et ses fournisseurs, afin de mettre en place les instruments facilitant les nécessaires transitions industrielles et professionnelles. » (321) énonçait l’avis du Comité pour la fiscalité écologique en 2013. À ce jour une telle étude d’impact n’a pas été réalisée. Il s’agit pourtant de la question presque la plus essentielle, à laquelle la mission a consacré une part importante de son travail, non sans se heurter à une difficulté : celle de l’évaluation de ce que représente réellement la « filière diesel » en France.
M. Christophe Lerouge, chef du service de l’industrie de la direction générale des entreprises, a confié son inquiétude lors de son audition « J’en viens à la question du diesel. Il s’agit d’un sujet que nous suivons de façon très attentive… Nous ne savons pas encore quel sera le véritable impact de cette affaire sur les normes de véhicules ainsi que sur les constructeurs, la production et l’emploi en France – points qui m’intéressent avant tout autre en tant que représentant du ministère de l’industrie. La filière du diesel pèse de l’ordre de 10 000 emplois. » (322)
Il convient néanmoins de relever l’incapacité de Bercy à fournir à votre Rapporteure l’étude d’impact industriel des décisions fiscales sur le diesel, dont la DGE avait mentionné l’existence : « Nous nous sommes livrés à des exercices complexes au doigt mouillé, à partir d’éléments obtenus auprès des constructeurs, pour essayer de déterminer l’impact du rapprochement de la fiscalité du gazole et de l’essence. Mais vous savez bien, madame la ministre, comment cela se passe : le Premier ministre prend un arbitrage au cours d’une réunion interministérielle où les différents services arrivent chacun avec leur propre évaluation. En l’occurrence, sur les questions de fiscalité du diesel, le cabinet de M. Macron avait demandé à la DGE et à la Direction générale du Trésor de réaliser des simulations de l’impact de la mesure. Nous avons donc essayé de le faire tant bien que mal et à partir de là, d’établir une position que nous avons défendue en réunion interministérielle. Je vous confirme donc que nous avons travaillé sur ces sujets. » (323)
Malgré plusieurs relances écrites, la mission n’a pas obtenu ces documents.
Votre Rapporteure ne peut certifier l’exactitude du chiffre de 10 000 emplois directs qui intuitivement paraît faible, en comparaison de la seule addition du nombre d’emplois que représentent les sites visités par la mission ou dont les responsables ont été auditionnés. Identifier précisément les emplois exclusivement ou principalement concernés par les activités relatives aux motorisations diesel reste difficile. L’estimation de la DGE paraît en deçà de la réalité, si on en juge aussi par l’importance des activités tant « amont » que « aval » du diesel pour l’entretien et la réparation, mais aussi la distribution de pièces.
En plus des constructeurs pour la fabrication des moteurs avec des usines spécifiquement ou principalement dédiées au diesel – Trémery pour PSA ou Cléon pour Renault –, des groupes industriels importants ont fait le choix de la France pour développer leur « expertise diesel » avec de nombreuses implantations. De puissants acteurs comme Bosch dans l’agglomération de Rodez (Aveyron) et Honeywell à Thaon (Vosges) comptent avec ces deux sites de production plus de 2 300 salariés qui produisent des éléments mécaniques à haute valeur ajoutée (nouvelles technologies d’injection chez Bosch et différents types de turbocompresseurs chez Honeywell) intégrés à des motorisations diesel. M. Guy Maugis, président de Bosch France, a rappelé à la mission que son groupe a investi, au cours des cinq dernières années, 185 millions d’euros dans l’usine de Rodez qui représente un élément clé de sa stratégie internationale de l’« industrie 4.0 » (nouveaux process dans des usines connectées et numériques). En outre, le groupe américain Delphi a rassemblé à Blois (Loir-et-Cher) ses activités dans les domaines de la conception et de la production de systèmes d’injection pour les moteurs diesel, un établissement qui est le plus important, en France, de cet équipementier de rang mondial. Ce ne sont là que des exemples.
Interrogés par la mission, les responsables de la Plateforme automobile et mobilités (PFA) ont sensiblement rectifié le chiffre de la DGE sur les emplois dans l’ensemble des activités du diesel automobile (y compris au sein des activités directement concernées de l’aval) : l’ordre de grandeur s’établirait à 50 000 emplois. À défaut de disposer de statistiques plus affinées, ce chiffre paraît néanmoins plus réaliste.
Les constructeurs et les grands équipementiers ne souhaitent pas faire connaître leur degré « d’exposition » au diesel. Les chiffres d’affaires et les niveaux d’effectifs qu’ils publient ne sont jamais subdivisés au titre des types de motorisation qui occupent principalement leurs salariés (essence ou diesel voire développement récent de l’électrique). Pour les constructeurs, par exemple, un opérateur est un opérateur, un ingénieur est un ingénieur quel que soit son domaine d’affectation. Cette volonté a aussi une portée « sociale », d’ordre interne, car tout fléchage des effectifs par spécialité leur paraît aller à l’encontre de la flexibilité des lignes de production, un mouvement désormais engagé tant dans leurs usines de moteurs que d’assemblage.
Proposition n° 30 : Confier à France Stratégie la réalisation urgente d’un audit externe sur l’« l’écosystème français du diesel » afin de quantifier les emplois et d’établir les caractéristiques de la sous-filière industrielle du diesel, ainsi que l’impact du rééquilibrage du marché du véhicule neuf.
L’usine de moteurs de Renault à Cléon
Le site de production de moteurs Renault, à Cléon (Seine-Maritime), que la mission a visité le 11 avril 2016, a produit 660 000 moteurs en 2015 : 3 % de moteurs électriques, 13 % de moteurs à essence, 84 % des moteurs diesel. De façon générale, les moteurs à essence Renault ne sont que très marginalement produits en France : l’essentiel de la production est réalisé en Espagne. Aucun moteur à essence n’est ainsi produit intégralement à Cléon, tandis que les moteurs diesel le sont dans leur intégralité. Seules des pièces de moteurs à essence sont produites pour la marque Daimler, puis envoyées pour être assemblées par Daimler. Sur l’ensemble de la France, seul le moteur 2L essence est fabriqué, mais celui-ci ne représente que 100 000 pièces par an, une part peu significative.
La mission d’information a visité une ligne de production du moteur diesel 1,6 litre, dit R9, dont 2 300 exemplaires sont produits chaque jour et 590 000 par an. Quatre équipes de 120 opérateurs se relaient en trois fois huit. 82 postes sont manuels et 80 postes sont automatiques ou semi-automatiques. Les outils de production ont entre deux et cinq ans. Pour ce seul moteur R9, 14 types sont produits (deux types étant caractérisés par plus de 30 % de différences) et 89 références existent, pour prendre en compte les variations mineures demandées par les différents clients. 689 000 moteurs R9 devraient être produits en 2017. Selon ses responsables l’usine « redécolle ». 300 millions d’euros ont été investis depuis 2011 dans les nouveaux process, et au total un milliard depuis 2004 pour introduire la flexibilité pour laquelle « on démonte les veilles installations ». Les responsables du site n’ont pas caché leur soulagement : « on revient de très très loin ».
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La part du diesel se contracte en Europe qui représente 70 % des ventes mondiales de diesel.
Les constructeurs essayent de développer leurs marchés avec des succès, par exemple en Inde (50 % des ventes) (324), en Corée du Sud (+ 18 % de ventes de voitures diesel en 2014) ou en Turquie (près de 70 % des ventes). L’affaire Volkswagen rebat les cartes, avec l’échec prévisible de stratégie d’introduction du diesel sur le marché américain.
Des marques qui autrefois ne produisaient pas de diesel tel que Jaguar Land Rover viennent à cette technologie pour leurs modèles haut de gamme. Land Rover va investir 450 millions de livres (325)pour doubler la superficie de son usine de moteurs à Wolverhampton, dans le centre de l’Angleterre. L’investissement entraînera un doublement des effectifs de cette usine qui a débuté son activité en 2014 pour fabriquer des moteurs diesel à quatre cylindres. Le constructeur fabriquera également sur le site un moteur à essence turbo de 2 litres de la famille modulaire Ingenium ainsi qu’une version biturbo plus puissante du moteur diesel. Le moteur diesel Ingenium équipe des véhicules de haut de gamme (Jaguar XE, F-Pace et XF, Land Rover Discovery Sport et Range Rover Evoque). Malgré le coût des technologies de traitement des émissions polluantes, les moteurs diesels demeurent intéressants économiquement sur les véhicules les plus puissants.
S’il restera une place pour les motorisations diesel dans le marché mondial de l’automobile, la stratégie du « tout diesel » est assurément une impasse. Il est peu vraisemblable que le diesel soit gagnant à l’international dans les années à venir car il se heurte encore à différents obstacles comme le coût du déploiement de nouvelles pompes, la qualité du carburant dans certains pays, mais aussi le coût des normes d’émission, qui renchérissent ses coûts de développement. Autant de contraintes qui expliquent que la technologie reste absente de la Chine, malgré son développement dans les petits utilitaires.
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Les raffineries françaises ont été conçues dans les années soixante pour répondre à un marché essentiellement essence. Le gazole constituant 80 % de la consommation de carburant, la France doit importer 23 millions de tonnes de gazole mais aussi exporter le surplus d’essence, ce qui, selon le groupe Total « constitue un handicap structurel pour l’industrie du raffinage ».
Le déficit cumulé de la balance commerciale française lié aux importations de produits pétroliers atteint 47,5 milliards (326). Au sein de cet ensemble, le déficit lié aux importations de gazole était estimé à près de 10 milliards.
M. Francis Duseux, président de l’Union française des industries pétrolières (UFIP) a rappelé la position de son organisation sur la convergence fiscale diesel/essence : « nous y sommes favorables, pour mieux protéger nos raffineries. Cinq ans nous paraissent raisonnables. Mais plus vite on rétablit un équilibre, moins on vend de gazole et plus on vend d’essence, et mieux c’est pour nous. » (327). M. Philippe Montantème, directeur stratégie de la branche marketing et services de Total, a exprimé la même position : « nous avons toujours été en faveur d’un rééquilibrage entre l’essence et le diesel vis-à-vis des capacités de production du raffinage, le marché français étant fortement excédentaire en essence et déficitaire en diesel » (328).
En ce qui concerne l’impact financier de l’alignement des taux de TICPE du diesel sur l’essence sur le secteur du raffinage, le président de l’UFIP a expliqué que : « Notre hypothèse actuelle, sur la base de la transition énergétique, sans autre mesure contraignante, fiscale ou autre, est qu’à l’horizon 2030, soit dans quinze ans à peine, on consommerait 10 millions de tonnes de moins. Cela réduirait d’autant les importations de gazole et le déficit commercial. Cela va donc dans le bon sens. »
B. UN SAVOIR FAIRE ET DES IMPLANTATIONS INDUSTRIELLES À PRÉSERVER
eԀe㬀e圀e嬀e縀e騀e鸀e f㰀f䀀f谀fꠀf가fff豈fᴀg㤀g㴀g礀g销g餀g뼀ggg⬀h䜀h䬀h관h준h촀h܀i⌀i✀i䨀i昀i樀i蜀iꌀi꜀iiìj䄀j崀j愀j需j대j뜀j︀jᨀkḀk圀k猀k眀kꈀk븀k숀kk̀l܀l伀l欀l漀l꜀l쌀l윀llကm᐀m䜀m挀m最mm윀m쬀mmကn᐀n縀n騀n鸀nnĀoԀo䜀o挀o最o꤀o씀o준o✀p䌀p䜀p樀p蘀p言p쀀pppq✀q⬀q蠀qꐀqꠀqffqᜀrᬀr匀r漀r猀r관r준r촀rȀsḀs∀s焀s贀s鄀s숀sssሀt⸀t㈀t娀 9149Un début de diversification
Le mouvement de contraction de la part du diesel dans le marché automobile est engagé de manière irréversible. Il est indispensable d’en prévenir et d’en accompagner les conséquences industrielles.
Comme l’illustre l’exemple de Trémery ou de Cléon, des stratégies de diversifications se sont déjà mises en place. PSA a par exemple annoncé la production de 200 000 moteurs EB essence turbo par an à partir de 2018 à Trémery, le site, qui était en compétition avec Vigo en Espagne pour le choix d’implantation de cette production, prouvant ainsi sa compétitivité. À partir de 2018, PSA produira en France 670 000 moteurs essence, soit 350 000 unités de plus qu’aujourd’hui.
En ce qui concerne Renault, un basculement de la production de moteurs diesel sur le site Renault de Cléon (Seine-Maritime) vers l’essence demanderait une adaptation de l’usine nécessairement coûteuse. Néanmoins, l’usine assemble les moteurs électriques, production appelée à se développer. En ce qui concerne les motorisations essence, Renault va investir plus de 600 millions d’euros dans ses usines espagnoles afin d’y produire notamment un nouveau véhicule et un tout nouveau moteur dans l’usine de Valladolid.
L’usine de Trémery (PSA), première usine de moteurs diesel du monde
Sur la proposition de notre collègue Marie-Jo Zimmermann, l’usine PSA de Trémery a été la première visitée par la mission d’information le 5 novembre 2015.
L’établissement est le premier employeur privé de Lorraine avec 4761 salariés en CDI et CDD. Elle représente sur le territoire 15 000 emplois indirects et un actif industriel évalué à 2,5 milliards d’euros. Le choix d’implantation du groupe Peugeot-Citroën, à une vingtaine de kilomètres de Metz, résultait de la politique de conversion industrielle d’une région marquée par la crise de la sidérurgie mais aussi d’un positionnement géographique central au cœur du marché européen. Représentant un investissement de 1,8 milliard de francs de l’époque, l’usine de Trémery a débuté sa production au cours de l’année 1979, alors que l’usine de Metz-Borny avait été inaugurée dix années auparavant.
En nombre de moteurs produits par an, Trémery demeure la première usine de moteurs diesel au monde. Les moteurs diesel représentent 80 à 82 % de sa production actuelle qui s’élève au total à 8 500 moteurs/jour. Dans les années 80, l’usine produisait une proportion égale de moteurs essence et diesel.
Trois types de moteurs sont produits à Trémery. Deux moteurs diesel : le DW (2 L ou 2,2 L) sur un module de production et le DV (1,6 L) sur deux modules de production, auxquels s’ajoute, depuis avril 2012, un moteur essence EB de petite cylindrée qui compte une version 1L et deux versions 1,2 L produites sur un module de production. Un moteur se compose de 150 à 350 pièces distinctes et représente environ 40 % du prix du groupe turbopropulseur d’un véhicule. L’usine de Trémery produit également des moteurs pour le groupe Ford. Selon ses responsables le site est « plutôt surcapacitaire, on doit ajuster en permanence à la demande des clients. » L’objectif est de retrouver une production de 1,8 million de moteurs par an, un volume proche des records enregistrés au cours de la période 2003-2007 avec près de 2 millions d’unités produites au sommet de la période de croissance du moteur diesel amorcée à compter de 1997. Avec la production de l’usine de Douvrin (Nord) de la société Française de Mécanique (qui produit trois familles de moteurs pour PSA et une famille de moteurs pour Renault), la production du site de Trémery couvre l’offre de PSA en termes de motorisation.
Au-delà des seuls gains de productivité, la crise automobile des années 2007 à 2009 a affecté l’usine qui comptait près de 5 000 salariés à la fin de l’année 2003. Il en est de même pour le site de boîtes de vitesses de Metz-Borny dont les effectifs sont passés de 2 400 salariés en 2007 à 1 400 aujourd’hui (l’âge moyen des salariés des deux usines est de 45/46 ans). Le regroupement récent (2013) des deux entités au sein du Pôle Industriel Régional Trémery-Metz de PSA poursuit un objectif de mutualisation des effectifs. Au total, la filière automobile représente près du quart des emplois industriels lorrains.
La mission a souhaité rencontrer les organisations syndicales. Après avoir rappelé les engagements des salariés (trois ans de blocage des salaires, plan de contrat social) et exprimé la fierté de leur industrie, leurs représentants ont exprimé une inquiétude au sujet de certains messages relayés par les médias sur les motorisations diesel, en insistant sur les progrès réalisés par PSA. Sans récuser les enjeux de santé publique, les syndicats ont exprimé avec vigueur leurs attentes : « il faut parler des emplois industriels » liés au diesel, « il faut produire ici un autre moteur ».
Le Groupe PSA a procédé à de lourds investissements pour diversifier et flexibiliser le site de Trémery (13,8 millions en 2014 par exemple). « Dès qu’on investit on pense flexibilité. On se trompe tout le temps donc on doit avoir un process qui soit flexible. L’agilité est meilleure mais la technologie du produit s’est complexifiée ». « On reste une industrie intense en capitale et faible en marge, l’amortissement d’une chaîne de production se fait sur vingt ans ».
PSA a annoncé au mois de mai des investissements d’ampleur pour le site de Trémery qui s’inscrivent dans une stratégie de diversification. Les chaînes de traction électriques liées au lancement de nouveaux modèles annoncés par PSA seront fabriquées à Trémery. En outre, PSA va doubler d’ici 2019 la production des moteurs turbo essence. L’ambition du groupe est de faire de Trémery « l’usine de moteurs la plus diversifiée du monde ».
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L’organisation des productions des deux constructeurs nationaux se saurait résumer les enjeux des adaptations industrielles nécessaires de la filière diesel.
Plusieurs sous-traitants étrangers, comme Delphi qui dispose d’activités R&D spécialisées dans le diesel, sont implantés en France et ont déjà réduit leurs activités avec l’annonce à la fin de 2014 de la suppression de 150 postes en production à Blois (Loir-et-Cher) et à La Rochelle (Charente-Maritime), suivie de l’annonce en mai 2015 de la fermeture de ce site qui employait 330 personnes (329).
D’autre part des investissements lourds ont été effectués par des entreprises importantes. Le site Bosch (330) d’Onet-le-Château, dans l’Aveyron a bénéficié d’un investissement de 185 millions d’euros pour l’implantation de lignes de fabrication d’injecteurs diesel de nouvelle génération. Le chiffre d’affaires de la division diesel du groupe a globalement augmenté de 14 % en 2015, tiré par les volumes. Les investissements réalisés à Rodez, inaugurés en juillet 2014, s’inscrivaient néanmoins en contrepartie d’un accord de performance industrielle signé un an plus tôt, en avril 2013, avec l’ensemble des organisations syndicales qui s’engageaient sur un plan d’économie évalué à un peu plus de 9 millions d’euros par an, avec au programme une modération salariale, un plan de départs en pré-retraite et une plus grande flexibilité du temps de travail. L’usine est le premier employeur privé de l’Aveyron avec quelque 1 515 salariés. Il faut aussi rappeler que cette implantation résulte de la délocalisation, dans les années 70 de l’usine de Saint-Ouen. De plus, en 2004, lorsque Volkswagen a abandonné le common rail, avec de lourdes conséquences pour les quatre usines de production d’injecteurs de pompe de Bosch, après des mesures de chômage technique, le personnel a été divisé par deux et deux usines ont été fermées. Le groupe Bosch a rappelé à la mission avoir choisi alors de « maintenir Rodez » et de « choisir la France » en raison de son excellence dans le diesel. Le groupe n’exprime pour autant pas d’inquiétudes pour l’avenir du site : « aujourd’hui notre problème c’est qu’on est plutôt sous-capacitaires », Rodez « tourne 7 jours sur 7, 24h sur 24 », et « c’est vrai qu’autant de diesel en France c’était aberrant, le biais fiscal n’a pas de raison d’être ».
Le fait que ce site ait bénéficié d’investissements majeurs le protège. En revanche Robert Bosch France a décidé l’arrêt de la production fin 2017 de l’usine de Vénissieux qui fabriquait des pièces pistons et cylindres pour moteurs diesel, et où une activité de production de panneaux photovoltaïque avait été également abandonnée.
De fait, une distinction s’impose selon la taille des sites. Pour les grands établissements la solution passe par des investissements destinés à favoriser de nouvelles motorisations dont l’avenir sera plus prometteur que le diesel, ce que fait par exemple Renault avec le véhicule électrique. Les difficultés pourraient se concentrer sur les établissements de plus petite taille situés dans des départements ruraux. Dans la Vienne, la fermeture de Federal Mogul à Chasseneuil-du-Poitou, dernière usine de production de pistons de moteurs diesel en France, entraînant la suppression de 241 emplois, en est un exemple.
C’est pourquoi votre Rapporteure propose d’utiliser le programme « usine du futur » pour mettre en place un mécanisme de soutien adapté, compatible avec la réglementation européenne sur les aides aux entreprises. Les soutiens publics devront être accordés sur la base d’un projet de modernisation et de diversification industrielle, sous la forme de subvention et non d’avances remboursables.
Proposition n° 31 : Sur la base du diagnostic de France Stratégie, mettre en place un plan d’accompagnement des sites de production de la filière diesel, avec un appel à projets lancé par l’État en faveur des mesures d’adaptation industrielles des sites les plus fragiles, financé par un abondement du programme « usine du futur ».
C. « L’HISTOIRE DE LA DÉPOLLUTION EST UNE HISTOIRE DE CRÉATIONS D’EMPLOIS »
Votre Rapporteure a visité plusieurs sites de production industrielle de systèmes de traitement des émissions polluantes. Pour ces entreprises, le relèvement des normes et des exigences se traduit par des créations d’emplois et des activités en forte croissance. Ainsi Robert Bosch France a souligné que la SCR, en passe de se généraliser, va nécessiter la création de nouvelles capacités de production : « on est très contents pour ça ». Comme l’a bien résumé un responsable de Umicore à Florange « on a besoin de la législation », « l’histoire de la dépollution est une histoire de créations d’emplois ».
Ainsi, les différents pas de normes, de plus en plus exigeantes en matière d’émission polluantes, ne représentent pas uniquement une contrainte mais aussi un potentiel vivier pour l’emploi, avec des savoir-faire français à valoriser :
– Solvay produit des substances catalytiques recouvrant l’intérieur des filtres à particules, ainsi que des additifs pour carburants, brûlant les suies accumulées dans les filtres à particules à haute température. L’activité de dépollution ne représente certes que 2 % de l’activité totale du groupe, mais emploie ainsi environ 120 personnes en France. Le durcissement des normes, qui a déjà rendu nécessaire d’engager d’importants travaux de recherche et développement, pourrait contribuer à accroître l’activité de ce département ;
– Ibiden fabrique le support en céramique des filtres à particules. Elle est la seule entreprise présente en France sur ce créneau, et emploie environ 400 personnes près de Fontainebleau (intérimaires compris) pour produire 100 000 filtres à particules par mois. La perspective du développement de filtres à particules pour les véhicules essence à injection directe développerait l’activité de l’entreprise ;
– Umicore recouvre les filtres à particules de la matière chimique aux vertus catalytiques, achetée notamment chez Solvay. Elle emploie plus de 100 personnes en France, son siège étant situé en Belgique. Là encore, une généralisation de l’obligation de filtres à particules serait bénéfique à l’activité de l’entreprise, même s’il n’est certes pas acquis que le choix serait fait d’attribuer ce surcroît d’activité au site français, d’autres sites européens de l’entreprise étant plus « rentables », en particulier pour les pièces à plus faible valeur ajoutée ;
– Honeywell fabrique en France des turbocompresseurs, dont le développement est poussé par l’accentuation des contraintes en matière d’efficacité énergétique. La logique du « downsizing » bénéficie au « turbo », qui permet de conserver une puissance équivalente avec un moteur plus petit, ainsi que de réaliser 40 % d’économies de carburant par rapport à un moteur de puissance équivalente non équipé de turbo (donc nécessairement plus gros). Les normes Euro 4 à 6 ont rendu indispensable d’équiper les moteurs diesel de turbos, car ce sont ces dispositifs qui enclenchent les systèmes de dépollution. Elles ont ainsi pérennisé l’activité de l’entreprise sur le site de Thaon-les-Vosges, qui emploie plus de 700 salariés. Les responsables que nous avons rencontrés étaient confiants sur l’avenir de leur implantation et de leurs emplois, notamment grâce aux perspectives d’accentuation des exigences environnementales.
Évidemment les grands équipementiers français comme Faurecia, Plastic Omnium, Valéo sont leaders dans l’ensemble des technologies liées au traitement des émissions polluantes. Quant au renforcement du volet pollution du contrôle technique, il pourrait créer à lui seul près de 4 500 emplois.
Au-delà des seuls filtres à particules, ou autres systèmes de dépollution, le renforcement des exigences environnementales peut créer et maintenir de l’emploi en France, pour peu que les entreprises et les pouvoirs publics saisissent cette opportunité pour favoriser l’implantation en France des usines de production.
Visite de l’entreprise Solvay, site d’Aubervilliers
Votre rapporteure s’est rendue sur le site de l’entreprise Solvay, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), le 25 janvier 2016.
Créée en 1863, Solvay est une entreprise d’envergure mondiale qui développe des produits chimiques utilisés sur divers marchés dans le monde, allant des biens de consommation à la construction, l’automobile, l’électronique, l’environnement ou l’énergie. Solvay réalise un chiffre d’affaires de 10,2 milliards d’euros dans le monde, et de 790 millions d’euros en France, où elle dispose de 14 sites industriels, de 6 centres de recherche et d’innovation, et où elle emploie 6 100 collaborateurs.
Solvay développe en particulier des produits dans des domaines identifiés comme des opportunités de croissance, dont les matériaux avancés polymères, la chimie renouvelable ou encore les solutions énergétiques durables. Dans le domaine automobile, qui représente 18 % de l’activité de Solvay, l’entreprise propose des solutions dans quatre secteurs-clés : l’allègement, l’efficacité de la propulsion, l’électrification et les technologies propres. Sur ce dernier point, Solvay a ainsi développé des catalyseurs et additifs pour carburants, permettant de brûler à basse température les suies accumulées dans le filtre à particules, et ainsi de réduire les dépôts sur les injecteurs, puis la consommation, et par conséquent les émissions de CO2 de
3 à 5 %. Sur le coût d’un système catalytique total, d’une centaine d’euros pour une voiture essence, à 1 000 euros pour une voiture diesel, Solvay représente 1 % du coût du dispositif final (dont 80 % proviennent de l’achat des métaux précieux). L’entreprise assure toutefois 40 % du marché mondial des composantes des catalyseurs. Cette activité est appelée à se développer, du fait de la demande croissante en systèmes de dépollution, notamment pour les véhicules essence à injection directe qui pourraient être prochainement contraints par la réglementation de s’en équiper.
L’entreprise a par ailleurs connu une grande réussite au travers de l’amélioration de rendement énergétique des pneus, grâce à l’utilisation de silice hautement dispersible, innovation technique majeure introduite par Solvay dans les années 1990. La silice hautement dispersible remplace ainsi le noir de carbone dans la composition du caoutchouc synthétique utilisé dans la fabrication des pneus. Cette solution offre de nombreux avantages : une faible résistance au roulement, jusqu’à 7 % d’économies de carburant, une réduction des émissions de CO2, des améliorations du comportement de traction et aucune perte de performance des pneus sur les autres critères. Avec 20 années d’innovation sur ce produit et une part de marché de 60 %, Solvay commercialise la plus large gamme de silice pour l’industrie automobile.
Le site d’Aubervilliers, créé en 1953, rassemble environ 500 collaborateurs, dont près de 280 travaillant pour la recherche et innovation (R&I). Il représente l’un des trois grands centres de recherche européens de Solvay, avec Lyon et Bruxelles, et accueille des chercheurs de pointe, qui contribuent au leadership dans la silice de haute performance pour les pneumatiques à basse consommation d’énergie et dans les terres rares pour la réduction des émissions des véhicules. À cet égard, le soutien français à la recherche est jugé satisfaisant. Le dispositif du Crédit d’impôt recherche (CIR), en particulier, permet un gain trois fois supérieur à celui du Crédit d’impôt compétitivité-emploi (CICE), Solvay employant peu de salariés pour des niveaux de rémunération inférieurs à 2,5 fois le salaire minimum.
TROISIÈME PARTIE : ACCÉLÉRER VRAIMENT
LE RENOUVELLEMENT DU PARC
I. LE VIEILLISSEMENT DU PARC ROULANT POSE UN PROBLÈME ÉCOLOGIQUE MAJEUR
A. UN PARC DE PLUS EN PLUS ÂGÉ
Le parc roulant en France est un parc de plus en plus âgé, qui fait une large place aux véhicules d’occasion, anciens et souvent plus polluants. Il a connu de profondes mutations depuis le début des années 1990.
– La part des véhicules neufs a fortement diminué. Ainsi, en 2015, 1,8 millions de véhicules neufs se sont vendus – dont 960 000 véhicules particuliers, le reste étant des véhicules de société – contre plus de 2,3 millions dans les années 1990. Selon M. Flavien Neuvy (331), de l’observatoire Cetelem de l’automobile, l’augmentation des prix des véhicules est la cause première de ce faible niveau des ventes de véhicules neufs.
– Les véhicules sont détenus de plus en plus longtemps et le parc est donc de plus en plus âgé. L’âge moyen du parc automobile roulant est ainsi de 8,8 ans, et la durée moyenne de détention de 5,4 ans (332) en 2014, contre respectivement 5,8 et 3,7 ans en 1990. Cette tendance est également observée en Europe et aux États-Unis.
– Les acheteurs de véhicules neufs sont eux-mêmes de plus en plus âgés. Selon l’observatoire Cetelem de l’automobile, l’âge moyen d’un acheteur de véhicule particulier neuf est aujourd’hui de 55 ans, soit l’un des plus élevés des pays économiquement développés. Il était de 49,7 ans en 2005 et de 43 ans en 2000 (333). Les conducteurs de moins de 35 ans ne représentent, a contrario, que 10 % des acheteurs de véhicules neufs.
– En parallèle, la part des véhicules d’occasion dans les immatriculations augmente. En 2015, plus de 5,4 millions de véhicules d’occasion se sont vendus, contre 4,7 millions en 1990. Au cours du premier semestre 2016, 2,8 millions de voitures d’occasion ont été échangées, soit une hausse de plus de 2,5 % par rapport à 2015. Au sein du parc roulant, il y a ainsi, désormais, trois fois plus de véhicules d’occasion que de véhicules neufs. Ces véhicules sont achetés principalement par des particuliers, le marché du neuf étant désormais concentré à 50 % sur les véhicules d’entreprise (334). Ils sont, par ailleurs, particulièrement âgés : en 2015, les véhicules de plus de 10 ans représentaient 40 % des transactions et 850 000 voitures de plus de 16 ans ont fait l’objet d’une transaction (335). Parmi les véhicules d’occasion, 34 % concernent des véhicules de moins de cinq ans (contre 52 % en 1990) et 66 % concernent des véhicules de plus de cinq ans (contre 48 % en 1990).
Le parc roulant en France au 1er janvier 2016
Au 1er janvier 2016, le parc roulant en circulation en France est estimé par le CCFA (336) à 38,65 millions de véhicules (soit une hausse de 0,6 % par rapport au 1er janvier 2015), dont 32 millions de véhicules particuliers (+ 0,6 %), 6,03 millions de véhicules utilitaires légers (+ 0,8 %) et 628 000 véhicules utilitaires (véhicules industriels, cars et bus, – 1%). Le rythme annuel de croissance du parc continue à ralentir, comme dans d’autres États européens : il est désormais de 1 % par an, contre plus de 2 % à la fin des années 1990.
Au cours de l’année 2015, 7 242 000 véhicules ont été vendus et immatriculés, dont 1 796 000 véhicules neufs (24,8 %) et 5 446 000 véhicules d’occasion (75,2 %).
L’âge moyen des véhicules est estimé à 8,8 ans, contre 5,9 ans en 1990 et 7,3 ans en 2000 (337).
Les véhicules particuliers à motorisation diesel représentaient 53 % du parc au 1er janvier 2016 (contre 70 % en 2010, 72 % en 2011 et 73 % en 2012, puis 67 % en 2013, 64 % en 2014 et 58 % en 2015) : après une phase de hausse jusqu’en 2012, la part de motorisation diesel dans le parc roulant ne cesse de décroître (338).
Source : CCFA
Il y a aujourd’hui trois fois plus de véhicules d’occasion que de véhicules neufs dans le parc roulant. En 1982, le ratio était de 2,3 véhicules d’occasion pour un véhicule neuf. En 1996, le ratio est tombé à 1,96 véhicule d’occasion pour un véhicule neuf.
A. UN IMPÉRATIF DE RENOUVELLEMENT DU PARC INCONTESTABLE
En définitive, le parc roulant en France est un parc vieillissant, majoritairement constitué de véhicules d’occasion. Son renouvellement se ralentit.
Or les véhicules anciens sont souvent les plus polluants, tant en termes de CO2 – car ils consomment davantage – qu’en termes de particules et de NOx – car ils ne sont pas équipés de dispositifs antipollution. En particulier, 28 % des véhicules particuliers légers toutes motorisations confondues, soit neuf millions de véhicules – qui représentent 61 % des véhicules diesel – ne sont pas équipés de filtres à particules (339), car ils sont entrés en circulation avant 2006 et répondent à des normes antérieures à la norme Euro 4.
L’accélération du renouvellement du parc est un impératif car l’impact des véhicules les plus anciens sur les émissions polluantes est manifeste. Pour cette raison, les véhicules répondant aux normes Euro 1, 2 et 3, non équipés, doivent être, prioritairement, retirés du parc roulant.
Selon Air Parif (340), un retrait des 2 % des véhicules les plus polluants aboutirait à une réduction des émissions de NOx de 5 %, à une réduction des émissions de particules PM10 de 3 % et à une réduction des émissions de particules fines PM2,5 de 4 %.
En 2012, les services de l’État estimaient à 27 % – correspondant aux véhicules diesel non équipés de filtres à particules – la part des véhicules dont il fallait, prioritairement organiser la sortie du parc roulant.
L’impact de l’évolution de la composition du parc roulant sur la qualité de l’air fait, par ailleurs, actuellement l’objet d’un groupe de travail de l’ANSES auquel est associé l’ADEME.
Ce constat d’urgence est largement partagé : l’ensemble des auditions conduites par la mission a confirmé que, sans action sur le parc roulant, et quels que soient les progrès qui seront accomplis sur les émissions polluantes des véhicules neufs, l’amélioration de la qualité de l’air sera trop lente.
– Selon MM. Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean, associés fondateurs de Carbone 4, cabinet de conseil spécialisé dans la stratégie carbone, « le renouvellement du parc constitue l’enjeu majeur ».
– Selon M. Michel Costes, président du cabinet d’analyse de données économiques INOVEV, « le retrait de véhicules anciens se traduit par une moindre pollution dans des proportions extrêmement plus fortes que celles que peut avoir un renforcement des normes ».
– Selon M. Michel Rollier, président de la Plateforme de la filière automobile et mobilités et président du conseil de surveillance de Michelin, « s’agissant des émissions, […] le premier facteur d’amélioration de la situation environnementale en Europe et en France est la vitesse de ce renouvellement, sachant qu’il faut dix ans au parc pour se renouveler […]. J’y insiste donc, le premier facteur de diminution des atteintes portées à l’environnement reste le renouvellement du parc automobile ».
– Selon M. Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), « l’accélération du renouvellement apparaît comme le levier à actionner en priorité pour la réduction des émissions des polluants issus du transport routier. Comment y parvenir ? C’est une autre question ».
Votre Rapporteure souscrit pleinement à l’affirmation de cette priorité forte, sans l’opposer aux progrès qui doivent être accomplis, par ailleurs, pour que les normes soient plus ambitieuses et vraiment respectées.
La mission a donc étudié les différents mécanismes envisageables pour déployer une stratégie globale, permettant de mettre un coup d’arrêt au ralentissement du renouvellement du parc.
Il est indispensable de développer une politique de gestion active des 38 millions de véhicules du parc roulant.
I. LA RELATIVE INEFFICACITÉ DES PRIMES À LA CASSE
La prime à la casse est une mesure de soutien ponctuel au marché automobile qui n’a d’efficacité que conjoncturelle. Elle entraîne une anticipation des achats se traduisant par un « boum » immédiat suivie d’une dépression des ventes les années suivantes. Aussi le recours à cette mesure coûteuse pour les finances publiques doit-il être évité. En revanche, des dispositifs écologiques ciblés, tels que la prime à la conversion, ont toute leur pertinence et doivent être renforcés.
A. LE REFUS UNANIME DE MESURES DE TYPE « PRIME À LA CASSE »
Tous les interlocuteurs de la mission dans la filière automobile ont, unanimement, exprimé leur opposition à l’instauration d’une prime à la casse comme instrument d’accélération du renouvellement du parc.
Les leçons ont été tirées par l’industrie française des effets pervers de ce type de mécanisme sur le marché du véhicule neuf et comme l’a résumé M. Christian Peugeot, Président du CCFA, « aujourd’hui, nous ne demandons pas non plus de mesures de type prime à la casse, qui a été favorable dans une période où la chute de la production était telle qu’il était nécessaire de trouver un moyen de faire tourner les usines. » (341)
Comme l’a exposé M. Michel Costes, président du cabinet d’analyse de données économiques INOVEV « la crise automobile de 2008 n’a pas été vécue de la même manière en France et en Allemagne. Les deux pays ont mis en place des primes à la casse, mais de façon différente : en Allemagne, il a été annoncé que la mesure serait ponctuelle et limitée dans le temps, alors qu’en France, la mesure a duré plus longtemps et elle est donc devenue, dirons-nous, plus « habituelle ». Cela dit, nous constatons que ces dispositifs n’ont généralement qu’une incidence faible sur le niveau moyen du marché sur cinq ans. Ils créent un effet d’aubaine qui permet d’anticiper des ventes mais non de les additionner : l’augmentation des ventes est généralement suivie de leur baisse, ce dernier mouvement annulant l’effet du précédent sur le moyen terme. Le procédé présente néanmoins l’avantage de soutenir le marché à court terme. » (342)
Ce type de mesure de soutien artificiel au marché, souvent utilisé en période de crise pour soutenir la production, comme cela avait été fait avec les successives « baladurette », « jupette », ou encore avec la prime à la casse de 1 000 euros mise en place au plus fort de la crise automobile à partir de 2008, produit en effet des « effets de bord » sur le marché, comme l’illustrent les données de l’INSEE.
IMMATRICULATION DE VÉHICULES DE TOURISME NEUFS
(En milliers, cvs)
Source : INSEE.
Toutefois, selon M. Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire CETELEM de l’automobile, les primes à la casse auraient eu des effets positifs sur le parc roulant : « Le système de la prime à la casse a été très efficace : un million de voitures ont été « bonussées », et nous avons calculé que cette mesure aurait provoqué 600 000 ventes par anticipation. Quant au bilan économique, il n’est pas simple à établir, car les ventes anticipées se sont traduites par des retombées de TVA, ainsi que par un fonctionnement accru de l’outil de production et des réseaux de distribution : on ne peut donc pas dire que la prime a coûté 1 000 euros nets par véhicule concerné. Par ailleurs, cette mesure a eu un effet positif en matière environnementale, mais aussi en termes de sécurité, car les nouveaux véhicules sont mieux équipés en airbags ou en dispositifs d’aide à la conduite tels les stabilisateurs de trajectoire – ce qui contribue à faire diminuer le nombre de morts sur les routes. Le plus gros inconvénient d’un système de ce type, c’est le contrecoup qui se fait ressentir quand la mesure prend fin, et rien ne permet d’y remédier. » (343)
Votre Rapporteure a déjà évoqué le bilan environnemental de ces mesures de soutien, notamment leur effet sur la diésélisation massive. Il faut ajouter à cette controverse sur des mesures qui, au point de départ, n’avaient pas d’objectifs écologiques, un aspect social peu évoqué : les primes à la casse et même le bonus écologique ont prioritairement bénéficié à des catégories sociales qui avaient les moyens d’acheter un véhicule neuf.
En outre le ralentissement de l’activité économique lié à l’arrêt de ces aides est notoire. Elles induisent en fait une « addiction » du marché automobile aux subventions publiques massives, très onéreuses pour le budget de l’État.
EFFETS DES FINS DE PRIME A LA CASSE SUR LA CONSOMMATION ET L’ACTIVITÉ
(en %, t/t-1)
* Acquis en mai 2011 pour le deuxième trimestre
** Acquis en avril 2011 pour le deuxième trimestre
Source : INSEE, calculs OFCE
Enfin, M. Carlos Tavares, président du directoire du groupe PSA a exposé devant la mission les conséquences des primes à la casse sur les marges des constructeurs : « Maintenant, sommes-nous demandeurs d’incitations à des modifications du parc automobile ? Au risque de vous surprendre, je vous répondrai par la négative. Il y a deux raisons à cela. La première raison est que si elles augmentent les dépenses de l’État français, cela aura à un moment donné – pas immédiatement – des conséquences négatives sur les entreprises. Nous ne souhaitons donc pas contribuer à l’augmentation des dépenses de l’État français. La seconde raison est que, d’expérience, nous savons qu’une fois que l’on a mis ce subside dans le marché et qu’on le retire, les conséquences qui en résultent sur la destruction de valeur au niveau des prix de vente sont considérables. En effet, la tentation de nos commerçants est de continuer à donner aux clients, avec nos propres ressources commerciales, ce qui était précédemment donné par l’État français. Cela détruit les marges de l’entreprise. La rupture de ces incitations a donc un effet très pervers. Ainsi, le groupe PSA n’est pas demandeur de ces incitations. Il est plutôt demandeur d’un travail collaboratif pour gérer les transitions à une vitesse qui, à la fois, satisfait les sociétés et nous permet de nous adapter. » (344)
B. RENFORCER LA PRIME DE CONVERSION
Un dispositif qui s’inscrit dans une autre logique a été mis en place avec la prime à la conversion. Ces aides ont un but écologique, lié au renouvellement du parc roulant plus polluant, et ne se présentent pas comme un mécanisme de soutien au marché automobile. Elles visent cependant, comme le bonus-malus, à orienter l’offre des constructeurs vers le véhicule zéro émission. Le mécanisme est fondamentalement différent de celui des « primes à la casse » puisque la mise au rebut d’un vieux véhicule polluant doit être corrélée à l’achat d’un véhicule vertueux.
Il existe en fait deux niveaux d’aide :
● La prime à la conversion « super-bonus électrique », qui permet de cumuler une prime de conversion de 3 700 euros au bonus écologique de 6 300 euros pour une voiture électrique, soit une aide totale de 10 000 euros, en contrepartie de la mise au rebut d’un véhicule diesel ancien. Initialement réservé aux véhicules de plus de 15 ans, ce dispositif a été étendu aux véhicules de plus de 10 ans depuis le 1er janvier 2016. Selon les échanges que votre Rapporteure a pu avoir avec les responsables du groupe Renault, cette prime impacte positivement les ventes de Zoé.
Dans sa réponse écrite aux questions de votre Rapporteure en date de décembre 2015, Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, a précisé que « fin octobre, la quasi-totalité des demandes de primes à la conversion enregistrées à l’ASP ont concerné des véhicules électriques (2 236 demandes sur 2 322 au total) ».
● La prime à la conversion en faveur de l’achat d’un véhicule d’occasion essence récent. Cette aide intègre un critère social puisqu’elle est réservée aux ménages non imposables. Les mêmes conditions de mise au rebut d’un véhicule diesel ancien sont prévues. D’autre part elle concerne l’achat d’un véhicule neuf ou d’occasion essence de norme Euro 6 n’émettant pas plus de dioxyde de carbone par kilomètre. Là encore, ce dispositif a été étendu au 1er janvier 2016 en portant la prime initiale de 500 euros à 1 000 euros d’une part, et en l’élargissant aux véhicules essence de norme Euro 5 d’autre part, avec le même critère concernant le CO2. (345)
Votre Rapporteure salue ces évolutions positives. Il est bien sûr encore trop tôt pour faire un premier bilan du dispositif, entré en vigueur en avril 2015 et dont les règles ont été élargies au 1er janvier dernier, l’enregistrement des demandes de versement ayant été ouvert au mois de juillet seulement. On observe en outre un délai de plusieurs mois entre la date de commande du véhicule et celle de son immatriculation, qui permet l’enregistrement de la demande de versement.
Dans sa réponse, la ministre soulignait que le dispositif de prime à la conversion de 500 euros n’avait pas fonctionné : « il apparaît que la prime de 500 € n’est pas assez incitative au regard du prix des véhicules actuellement visés (véhicules respectant la norme Euro 6 donc neufs voire très récents). Pour que cette prime ait un effet réel, l’aide de 500 € actuellement prévue en faveur des ménages non imposables passera à 1 000 €. Dans sa forme actuelle, la prime de conversion ne bénéficie pratiquement qu’à des acquéreurs de véhicules électriques. »
Les constructeurs français ne sont pas particulièrement favorables à ce second mécanisme tourné vers le véhicule d’occasion moins polluant, comme l’a exprimé M. Christian Peugeot, président du CCFA : « Sincèrement, nous ne sommes pas très favorables à un dispositif de primes données aux acquéreurs de voitures d’occasion récentes. En dehors du fait que cela ne favorise pas la production de voitures neuves, et donc les emplois qui y sont liés, nous considérons que si l’État met de l’argent partout, y compris au milieu du marché, cela pourrait avoir des effets paradoxaux, tels l’importation de voitures étrangères d’occasion. » Au regard du faible recours à ces primes jusqu’ici, un effet d’appel d’air sur des importations paraît peu probable, même s’il faut bien sûr rester attentif à tout risque d’effet pervers.
Le montant des dépenses au titre des primes à la conversion est estimé à 30 millions d’euros pour 2016. Le dispositif reste ainsi relativement modeste. C’est ce qui conduit votre Rapporteure a souhaité que les recettes nouvelles liées à la convergence entre le diesel et l’essence lui soit affecté en large majorité.
En revanche, votre Rapporteure estime discutable la distinction opérée dans les choix des motorisations des véhicules d’occasion, au regard des bilans environnementaux respectifs des véhicules diesel et essence Euro 6. Les diesel récents émettent encore beaucoup trop de NOx, mais comme précédemment exposé, les véhicules essence même récents ne sont pas équipés de filtres à particules et sont autorisés à émettre dix fois plus de particules en nombre. Du point de vue de la santé publique et de la qualité de l’air, attribuer une subvention publique à l’émission de particules est certainement aussi contestable que pour des émissions de NOx, même si bien entendu le bilan environnemental global demeure positif au regard de la sortie du parc roulant d’un modèle ancien très polluant.
De plus, dans une logique de neutralité technologique favorisant des différenciations selon les usages, le dispositif proposé incite à faire le choix de l’essence pour des usages économiquement inadaptés au regard du budget des ménages modestes, par exemple pour des kilométrages importants en zone rurale. Enfin, les effets de la différenciation opérée sur le marché de l’occasion et la valeur à la revente des véhicules selon leur motorisation ne paraissent pas avoir été étudiés.
Enfin la prime de 1 000 euros n’est sans doute pas suffisamment incitative pour déclencher la décision d’achat d’un véhicule presque neuf pour des ménages dont les marges de manœuvres financières sont strictement inexistantes.
Proposition n° 32 : Pour les ménages non imposables, doubler la « prime à la conversion » en faveur de l’achat d’un véhicule d’occasion récent performant au plan environnemental, en la portant à 2000 euros.
Réviser les critères afin d’appliquer la neutralité technologique au choix des motorisations des véhicules d’occasion éligibles à cette aide, en se basant sur les émissions de CO2, de NOx, de particules en masse et en nombre.
Établir un guide pratique destiné au grand public afin de faire connaître cette aide ainsi que les démarches concrètes à accomplir, et comportant des informations objectives sur les coûts d’usages et le bilan environnemental des différentes motorisations selon leur utilisation.
I. INSTAURER LE CONTRÔLE ÉCOLOGIQUE DES VÉHICULES EN CIRCULATION
Une amélioration de l’entretien des véhicules tout au long de leur vie est plus vertueuse, sur le plan écologique comme sur le plan économique, qu’une incitation à la casse et à l’achat de véhicules neufs, fortement consommatrice d’énergie et qui concernerait davantage les ménages ayant les moyens financiers de remplacer un véhicule usagé par un véhicule neuf.
Le contrôle technique est un rendez-vous essentiel dans la vie d’un véhicule, pour éviter des réparations coûteuses et des accidents, mais aussi pour vérifier la performance environnementale des véhicules en circulation. Selon M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat (346) « ce n’est pas le tout d’avoir des véhicules sûrs et non polluants une fois sortis d’usine, encore faut-il que leur état d’entretien soit suffisant pour garantir de bonnes performances. »
Pourtant, dans sa configuration actuelle, le contrôle technique (347) ne permet pas d’atteindre ces objectifs. Il apparaît même laxiste et ne garantit pas une surveillance satisfaisante du vieux parc roulant. Selon M. Laurent Benoit, président de l’UTAC, « il y a […] une vraie pauvreté des données du contrôle technique sur le fait de savoir comment un véhicule vieillit ».
C’est pourquoi, selon le CNPA « enrichir le contrôle technique au-delà du seul contrôle des points d’homologation du véhicule contribuerait à renforcer son rôle, à valoriser son image et à lutter contre les fraudes, plus particulièrement à l’occasion des transactions de véhicules d’occasion. »
Votre Rapporteure propose donc d’accélérer le déploiement du volet « pollution » du contrôle technique et d’encourager un véritable éco-entretien.
Le contrôle technique en chiffres
Le ministère de l’Environnement, de l’énergie et de la mer a publié, en janvier 2016, les chiffres-clés du contrôle technique pour l’année 2015 :
– 4 450 entreprises, exploitant 6 275 centres dédiés aux véhicules légers, et 400 centres pour les véhicules lourds réalisent les contrôles techniques ;
– 88 % des centres de contrôle technique étaient rattachés à l’un des cinq réseaux agréés (Autosur, Autosécurité, Autovision, Sécuritest et Dekra) malgré une part croissante de centres indépendants ;
– le secteur représentait 11 500 salariés et générait 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires (348) ;
– 24,46 millions de véhicules particuliers et de véhicules utilitaires légers se sont soumis à un contrôle technique en 2015 ;
– le taux de prescription de contre-visites a été de 18,11 %, en recul par rapport à 2014 (18,94 %) ;
– les fonctions qui ont motivé le plus de contre-visites sont les liaisons au sol (9,15 %), l’éclairage et la signalisation (8,48 %) et le freinage (5,05 %).
– 2,25 % des véhicules essences sont déclarés non conformes en raison d’une teneur en CO excessive, et 1,79 % en raison d’une valeur du lambda excessive ou insuffisante. 0,75 % des véhicules diesel sont déclarés non conforme en raison d’une opacité excessive des fumées d’échappement.
A. ACCÉLÉRER LA MISE EN œUVRE DU VOLET « POLLUTION » DU CONTRÔLE TECHNIQUE
eԀe㬀e圀e嬀e縀e騀e鸀e f㰀f䀀f谀fꠀf가fff豈fᴀg㤀g㴀g礀g销g餀g뼀ggg⬀h䜀h䬀h관h준h촀h܀i⌀i✀i䨀i昀i樀i蜀iꌀi꜀iiìj䄀j崀j愀j需j대j뜀j︀jᨀkḀk圀k猀k眀kꈀk븀k숀kk̀l܀l伀l欀l漀l꜀l쌀l윀llကm᐀m䜀m挀m最mm윀m쬀mmကn᐀n縀n騀n鸀nnĀoԀo䜀o挀o最o꤀o씀o준o✀p䌀p䜀p樀p蘀p言p쀀pppq✀q⬀q蠀qꐀqꠀqffqᜀrᬀr匀r漀r猀r관r준r촀rȀsḀs∀s焀s贀s鄀s숀sssሀt⸀t㈀t娀 9149« Au niveau du contrôle technique, on ne contrôle pas le diesel, c’est quand même fou ! »
a. Un cadre européen laxiste, y compris dans ses développements les plus récents
Comme l’exprimait le responsable d’un centre de contrôle technique des Deux-Sèvres, « au niveau du contrôle technique, on ne contrôle pas le diesel : c’est quand même fou ! ». Il précisait « on voit des voitures qui fument beaucoup, on ne peut rien faire… ».
En effet, selon les termes de la directive 2009/40/CE, pour les véhicules à moteurs diesel, « la mesure de l’opacité des fumées est jugée suffisamment révélatrice de l’état d’entretien du véhicule en ce qui concerne les émissions », un certain seuil d’opacité des fumées étant toléré. En ce qui concerne les véhicules essence, « la mesure des émissions de monoxyde de carbone à la sortie du tuyau d’échappement […] est jugée suffisamment révélatrice de l’état d’entretien du véhicule en ce qui concerne les émissions ». Une simple « inspection visuelle de tout équipement de régulation des émissions installé par le constructeur, afin de vérifier s’il est complet et dans un état satisfaisant et s’il ne présente pas de fuites » est requise.
La directive de 2014 (349) ne remédie pas aux faiblesses de la directive précédente. Les équipements de réduction des émissions à l’échappement doivent toujours faire l’objet d’un simple contrôle visuel, visant à assurer que ledit équipement n’est ni absent, ni sujet à des fuites, et les moteurs à essence et les moteurs diesel sont à nouveau soumis à des traitements différents, le contrôle des véhicules diesel étant moins poussé : alors que les moteurs à essence font l’objet d’une mesure des émissions gazeuses à l’aide d’un analyseur de gaz d’échappement ou du relevé du système de diagnostic embarqué (350), les moteurs diesel ne sont soumis qu’à une simple mesure de l’opacité des fumées en accélération libre. Pour ces derniers, la prise en compte du relevé du système de diagnostic embarqué (OBD) est possible, mais non obligatoire. Une défaillance est constatée lorsque l’opacité dépasse un certain niveau, supérieur à zéro.
Ce traitement différencié des moteurs diesel et essence, que la directive de 2014 maintient, est une aberration. Si certains l’ont, initialement, expliqué par des arguments techniques, déjà contestables – les centres de contrôle n’auraient pas été en mesure de procéder à un tel contrôle – il n’est pas concevable que la réglementation n’ait pas évolué en parallèle de l’instauration et de la diffusion de nouveaux moyens de mesure.
b. Des contrôles longtemps lacunaires en France
Alors que les directives européennes ne fixent que des exigences minimales, la France n’avait, jusqu’en juillet 2016, pas choisi d’instaurer des contrôles plus stricts des émissions polluantes dans le cadre du contrôle technique. L’arrêté du 18 juin 1991 relatif au contrôle technique des véhicules dont le poids n’excède pas 3,5 tonnes, modifié par l’arrêté du 15 janvier 2013, était lui aussi laxiste en matière de contrôle des émissions polluantes :
– sur les 124 points de contrôle vérifiés dans le cadre du contrôle technique, seuls deux étaient relatifs aux émissions polluantes : la teneur en CO et la valeur λ (lambda) (351) des gaz d’échappement pour les moteurs à essence d’une part, et l’opacité des fumées d’échappement pour les moteurs diesel d’autre part ;
– le contrôle technique ne comportait qu’un contrôle sommaire de l’OBD (on board diagnostic), dispositif de diagnostic embarqué grâce auquel, en cas d’excès d’émissions polluantes, un voyant s’allume sur le tableau de bord, et ne s’éteint qu’après réparation : dans le cadre du contrôle technique, il était seulement vérifié qu’il n’y avait pas d’« anomalie de fonctionnement », sans que ce point ne puisse toutefois donner lieu à une contre-visite. Ainsi, selon Mme Béatrice Lopez de Rodas, directrice de la marque UTAC, « nous pratiquons désormais un essai relatif aux systèmes de diagnostics embarqués (OBD, pour On Board Diagnostics), qui permet de vérifier que le véhicule détecte bien des défauts du dispositif antipollution, cela par le signalement lumineux, de couleur orange, au conducteur qui doit donc aller chez son garagiste. Dans le cadre du contrôle technique on va seulement vérifier si la lampe orange fonctionne – ici aussi, c’est du « on-off », ce qui reste assez sommaire ». (352)
c. Des défaillances et des fraudes ni identifiées, ni réparées, ni sanctionnées
Il résultait de ces faiblesses du contrôle technique une trop faible identification des défauts des systèmes de dépollution :
– selon la Fédération des syndicats de distributeurs automobiles (FEDA), entre 2,4 et 3,2 % des véhicules ayant un moteur à essence, et 1,22 % des véhicules ayant un moteur diesel étaient soumis à contre-visite au contrôle technique pour pollution excessive. Ces chiffres sont excessivement faibles ;
– selon l’organisme technique central, qui collecte les données de tous les contrôles techniques, 2,25 % des véhicules essence étaient déclarés non conformes en raison d’une teneur en CO excessive, et 1,79 % en raison d’une valeur du lambda excessive ou insuffisante. Seuls 0,75 % des véhicules diesel étaient, in fine, déclarés non conformes en raison d’une opacité excessive des fumées d’échappement ; il faut ajouter, à ces valeurs, 1,84 % de véhicules essence déclarés non conformes car le contrôle de la teneur en CO et de la valeur du lambda était impossible, et 1,25 % de véhicules diesel déclarés non conformes car le contrôle de l’opacité des fumées d’échappement était impossible (en raison, notamment, d’une fuite importante à l’échappement) ;
– des pratiques frauduleuses, telles que le défapage se multiplient et demeurent impunies.
Le défapage
Le défapage est une pratique consistant à enlever le filtre à particules (« FAP », d’où le terme de défapage) installé dans un véhicule, de manière à en améliorer les performances en matière de puissance et de consommation, et à réduire les coûts d’entretien voire de réparation, en particulier sur des voitures dont la valeur vénale est relativement faible. Un responsable d’un centre de contrôle technique des Deux-Sèvres a ainsi témoigné auprès de votre Rapporteure : « il y en a qui, sciemment, enlèvent les filtres à particules pour rendre leur véhicule plus performant. Sur les dernières Renault Mégane, on gagne un à deux litres aux cent kilomètres. Les utilisateurs nous le disent, et en plus, ça ne s’encrasse pas ».
Des annonces se multiplient sur différents sites internet, telle que la suivante, lue sur www.leboncoin.fr : « Vous avez des messages d’erreur, votre véhicule se met en mode dégradé, perte de puissance et d’accélération ? Cette modification d’enlever le filtre à particules offre un gain de puissance et une diminution de consommation mais surtout plus jamais de dépenses supplémentaires dues à un filtre à particules défectueux ; cette modification est définitive et indétectable ; elle n’entraîne aucun code défaut et n’altère en rien le passage au contrôle technique … ».
En pratique, l’opération est simple : le magazine télévisé de France 2 Cash Investigation, « diesel : la dangereuse exception française » (353), révélait au grand public, il y a trois ans déjà, que l’opération était extrêmement rapide – il suffit d’ouvrir le silencieux, de retirer la partie céramique située à l’intérieur, de refermer le silencieux – et ne laissait que la marque d’une soudure sur le pot d’échappement. Le garagiste qui réalisait l’opération illégale témoignait : « même en imaginant que cela se voie, ce n’est pas un souci pour nous, car la voiture passe le contrôle technique ». Le journaliste précisait « quand la voiture passe le contrôle technique, cela ne veut surtout pas dire que la voiture ne pollue pas. Cela signifie juste que les autorités ne verront rien ».
En effet, le défapage n’est aujourd’hui pas détecté par le contrôle technique, qui demeure visuel uniquement : M. Bruno Léchevin, président de l’ADEME, indiquait ainsi : « on voit ici les limites du contrôle technique, qui ne permet même pas de s’apercevoir de l’existence de telles pratiques ». Un responsable d’un centre de contrôle technique des Deux-Sèvres, précédemment mentionné, indiquait : « on voit des choses… », sans pour autant pouvoir les sanctionner.
Pourtant, les moyens techniques et juridiques pour déceler et sanctionner cette pratique existent.
Au plan technique, selon le CNPA, « c’est une constatation très facile à faire ». La seule présence de suies sur le pot d’échappement est un très fort indice de l’absence de filtre à particules. La possibilité de démonter certaines pièces, dans le cadre du contrôle technique, permettrait sans difficulté de contrôler la présence ou non d’un filtre.
Une fois le constat opéré, des moyens juridiques existent pour sanctionner cette pratique :
– la directive 2014/45/CE, dans son considérant 8, prévoit que « les États membres devraient envisager l’adoption de mesures appropriées, notamment dans le cadre du contrôle technique périodique, afin de prévenir la manipulation frauduleuse ou la falsification de pièces et de composants du véhicule qui pourraient avoir une incidence négative sur les caractéristiques requises du véhicule en matière de sécurité et d’environnement, y compris des sanctions ayant un caractère effectif, proportionné, dissuasif et discriminatoire » ;
– l’article 58 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a créé un délit de défapage. « Article L. 318-3 du code de la route est : « Est puni d’une amende de 7 500 € le fait de réaliser sur un véhicule des transformations ayant pour effet de supprimer un dispositif de maîtrise de la pollution, d’en dégrader la performance ou de masquer son éventuel dysfonctionnement, ou de se livrer à la propagande ou à la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de ces transformations ». Elle ne donne pourtant pas aux centres de contrôle technique les moyens de déceler cette fraude.
Cette situation impose une adaptation du contrôle technique, de manière à lui confier la responsabilité de déceler ces pratiques frauduleuses. Des outils existent, dont disposent déjà les garagistes, mais qui ne sont pas déployés ni utilisés à ce jour par les centres de contrôle technique.
Votre Rapporteure a demandé des informations précises sur le défapage au ministère de l’Intérieur, par courrier de février 2016, puis par relance en mars 2016. Elle souhaitait en particulier obtenir :
– un bilan statistique sur le défapage, faisant état des infractions relevées par la gendarmerie, la police et la Chancellerie ;
– des précisions relatives à l’article L. 318-3 du code de la route, introduit en août 2015, en particulier pour savoir si cet article avait fait l’objet de circulaires d’application à destination des gendarmes et policiers, et si les opérateurs du contrôle technique obligatoires des véhicules avaient été sensibilisés à l’interdiction de cette pratique.
À la date de la conclusion des travaux de la mission, aucune réponse n’était parvenue.
Proposition n° 33 : Instaurer le contrôle obligatoire de la présence d’un filtre à particules dans le cadre du contrôle technique, pour déceler et sanctionner les délits de défapage (article L. 318-3 du code de la route).
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Un mauvais entretien – involontaire ou frauduleux – est source de dégradation des performances environnementales : un véhicule mal entretenu multiplierait ainsi par deux à cinq ses émissions polluantes (354). Selon Éric Poyeton, directeur général de la plateforme de la filière automobile, « les écarts de consommation peuvent varier de plus de 10 % suivant l’entretien que l’on fait d’un véhicule ». Par ailleurs, il apparaît particulièrement incohérent que les conducteurs puissent, a posteriori, ne pas entretenir leur véhicule, voire pratiquer un défapage, alors même que les normes d’homologation a priori exigent que le véhicule ne dépasse pas certains seuils.
C’est pourquoi, il est indispensable d’accélérer l’entrée en vigueur de l’article 65 de la loi relative à la transition énergétique, qui renforce le volet pollution du contrôle technique.
a. Accélérer l’entrée en vigueur de l’article 65 de la loi de transition énergétique pour la croissance verte
L’article 65 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 prévoit une extension du contrôle technique des véhicules essence et diesel par la mesure, non plus uniquement de l’opacité des fumées, mais de cinq gaz d’échappement : monoxyde de carbone, hydrocarbures imbrûlés, oxydes d’azote, dioxyde de carbone et oxygène. Il s’agit de garantir que ces émissions restent dans des proportions et quantités proches de celles du fonctionnement d’un véhicule neuf.
Le décret d’application, paru le 17 juin 2016, prévoit ainsi que :
– « pour les véhicules essence, le contrôle technique […] est complété par la mesure des niveaux d’émission d’oxydes d’azote et de particules fines » ;
– « pour les véhicules diesel, ce même contrôle est complété par la mesure des niveaux d’émissions de monoxyde de carbone, d’hydrocarbures imbrûlés, d’oxydes d’azote, de dioxyde de carbone et d’oxygène. »
Votre Rapporteure salue le renforcement des mesures des émissions polluantes effectuées dans le cadre du contrôle technique. Elle regrette toutefois le report de l’entrée en vigueur de cette mesure, qui ne sera généralisée qu’au 1er janvier 2019 (355).
Votre Rapporteure appelle à avancer la date d’entrée en vigueur généralisée du dispositif au 1er janvier 2018, la première année devant toutefois être une année de contrôle « à blanc », sans obligation de contre-visite ni de réparation. La mise en œuvre du caractère contraignant de la mesure pourrait être maintenue au 1er janvier 2019.
En effet, les mesures et conditions de contrôle devant être fixées par arrêté au plus tard le 1er juillet 2017, il n’est nullement nécessaire de prévoir 18 mois avant l’entrée en vigueur de la mesure, d’autant plus que l’équipement des centres de contrôle ne pose pas de difficulté majeure. Cette première année de contrôle « à blanc » aurait valeur d’information pour les automobilistes, et permettrait d’assurer une transition vers le renforcement du volet pollution du contrôle technique, garantissant sa bonne compréhension.
Proposition n° 34 : Avancer l’entrée en vigueur du volet « pollution » du contrôle technique au 1er janvier 2018, par l’analyse « cinq gaz » à l’échappement. Dans un premier temps des contrôles « à blanc », sans contre-visite, seront réalisés pour sensibiliser les automobilistes. Modifier en ce sens le décret du 17 juin 2016.
De plus, pour que le renforcement du volet pollution du contrôle technique soit efficace, il est indispensable que les défauts constatés lors de la mesure des cinq gaz soient soumis à contre-visite obligatoire. En cas contraire, le « taux de transformation » (taux de réalisation des opérations de remise en conformité postérieures à la détection d’un dysfonctionnement) serait trop faible et le diagnostic inutile. Le décret du 17 juin 2016 n’apporte pas de garantie sur ce point et renvoie la question à un arrêté du ministre chargé des transports, non encore pris. Votre Rapporteure appelle à ce que cet arrêté précise explicitement que les anomalies ou défauts constatés lors du nouveau contrôle technique sont soumis à une contre-visite obligatoire, de manière à ne délivrer le certificat de contrôle technique qu’après remise en conformité.
Proposition n° 35 : Rendre obligatoire la contre-visite en cas de défauts substantiels constatés lors du volet « pollution » du contrôle technique, à partir du 1er janvier 2019.
a. Introduire progressivement un véritable éco-entretien
Le renforcement du volet pollution du contrôle technique doit conduire à l’instauration, progressivement, d’un véritable « éco-entretien(356) ». Celui-ci se distingue de la seule mesure des cinq gaz d’échappement en ce qu’il conduit, par l’utilisation d’un logiciel dédié, à identifier la source des dysfonctionnements éventuellement constatés, et à proposer des mesures de réparation ou d’entretien adaptées. Il constitue ainsi un diagnostic plus poussé que celui réalisé dans le cadre du contrôle technique, y compris dans sa forme issue de la loi de transition énergétique.
L’éco-entretien est déjà pratiqué par certains centres d’entretien de véhicules, tels que les centres Norauto. Il consiste, en pratique en l’introduction d’un diagnostic de la performance environnementale du véhicule, à partir de la mesure des cinq gaz, pour les voitures diesel comme pour les voitures essence. Le diagnostic, piloté par un logiciel et d’une durée de deux minutes et trente secondes, permet de déterminer les excès d’émissions polluantes, mais aussi d’identifier leur source. À l’issue de la phase de test, un rapport de mesures est rédigé, et une information transmise au consommateur sur les corrections à effectuer pour ramener le véhicule au plus près de ses plages de fonctionnement optimales, en termes de puissance, de consommation et de pollution. Plusieurs prestations peuvent alors être proposées, du nettoyage des dispositifs de dépollution à leur remplacement, ou en matière de réglage du moteur.
Le Plan d’urgence pour la qualité de l’air, présenté par le Gouvernement en février 2013, faisait d’ailleurs déjà de l’éco-entretien sa mesure n° 18 : « développer l’éco-entretien des véhicules (moteurs, plaquettes de freins, pneus…) : l’objectif est de renforcer l’entretien des véhicules, notamment ceux roulant en ville, car un véhicule bien entretenu pollue moins ». Cette mesure n’a fait l’objet d’aucun suivi postérieur au mois de décembre 2013 et n’a pas été mise en œuvre.
L’éco-entretien chez Norauto
Depuis 2013, 340 000 éco-diagnostics ont été réalisés chez Norauto, facturés à 29,90 €. Ces diagnostics sont intégrés aux entretiens courants des véhicules et réalisés systématiquement lors des visites de routine, dites « préventives » (ce qui a représenté 320 000 contrôles). Ils peuvent aussi être effectués dans le cas de visites postérieures à un dysfonctionnement quelconque, dites « curatives » (ce qui a représenté 20 000 contrôles).
315 centres Norauto sur 375 sont équipés de l’analyseur cinq gaz et du logiciel associé, permettant de réaliser l’éco-diagnostic : aucune difficulté ne paraît donc résider dans l’équipement des centres de contrôle.
Lors des contrôles « préventifs », des excès d’émissions polluantes sont décelés pour 24 % des véhicules. Lors des contrôles « curatifs », c’est le cas pour 50 % des véhicules. Parmi les sources de dysfonctionnement les plus fréquemment rencontrées figure l’encrassement de la vanne EGR, lui-même dû à une mauvaise pulvérisation des injecteurs, entraînant une mauvaise combustion et la formation de particules.
Sur les 24 % de véhicules pour lesquels des défaillances sont constatées, le « taux de transformation », c’est-à-dire de réalisation d’opérations de mise en conformité, n’est que de 14 %. En effet, il n’existe à ce jour aucune obligation de réparation ou d’entretien, et ces modifications, parfois coûteuses, se font uniquement sur la base du volontariat.
L’éco-entretien présente de multiples avantages :
– l’éco-entretien permettrait de réduire de 5 % la consommation de carburant et de 20 % les émissions polluantes et ainsi d’économiser, selon les cas, près de 550 000 tonnes de CO2, presque 13 500 tonnes de NOx et près de 700 tonnes de particules par an, selon une étude réalisée en 2013 par l’ADEME, l’IFSTTAR, la FEDA, AirBE et Spheretech (357). Il permettrait en effet d’apporter des solutions précoces à certains défauts fréquemment observés sur les véhicules diesel de plus de quatre ans – mauvaise injection, encrassement de la vanne EGR, encrassement de l’admission… – qui contribuent à la dégradation des performances environnementales ;
– cette évolution est techniquement réaliste : de nombreux centres de contrôle technique sont déjà équipés d’un analyseur de gaz (le plus souvent quatre gaz), auquel il suffirait de rajouter une cellule pour le 5ème gaz mesuré (les NOx) pour les véhicules essence, et, éventuellement, un kit de sonde pour adapter la mesure cinq gaz aux véhicules diesel. Les devis réalisés par la fédération des syndicats de la distribution automobile (FEDA), à la demande de votre Rapporteure, font état d’un coût moyen de 1 000 euros pour l’ajout d’une cellule NOx (940,00 euros pour une cellule NOx Bosch installée sur un analyseur quatre gaz, 796,00 euros pour le même produit chez AVL DiTEST) et de 5 000 euros pour un kit de sonde complet ;
– il en résulterait enfin des créations d’emplois, dans les garages et centres de contrôle technique, mais aussi dans les entreprises produisant les analyseurs de gaz et les logiciels de diagnostic. Le groupe Mobivia, qui regroupe 15 enseignes spécialisées dans la réparation et l’après-vente, estime à 4 500 le nombre d’emplois qui pourraient être créés.
Votre Rapporteure s’est interrogée sur l’impact financier éventuel, pour les automobilistes, d’un tel éco-entretien :
– le surcoût occasionné par ce diagnostic approfondi serait, au maximum, d’une vingtaine à une trentaine d’euros, tous les deux ans ;
– le surcoût lié aux réparations consécutives au test serait plus variable, de 80 euros en moyenne pour les propriétaires de véhicules diesel, comme en témoignent des études réalisées en 2015 par l’UTAC et du GERPISA (groupe d’étude et de recherche permanent sur l’industrie et les salariés de l’automobile) (358).
La question de la compensation des coûts occasionnés par l’éco-entretien par les économies réalisées ultérieurement (moindre consommation de carburant, moindres réparations plus tardives donc plus coûteuses, moindres risques de casse moteur…) n’est pas tranchée. Certaines personnes auditionnées par la mission estimaient que les dépenses résultant d’un tel renforcement des exigences en matière d’émissions polluantes seraient amorties en quelques mois. Pour d’autres, au contraire, le coût des réparations ou remises en conformité recommandées à chaque diagnostic serait élevé, en particulier pour les ménages modestes équipés de véhicules anciens.
En tout état de cause, si l’éco-entretien conduit effectivement à des coûts supplémentaires, il en résultera un arbitrage à opérer par les automobilistes entre conserver – mais devoir réparer – un vieux véhicule, ou le remplacer par un véhicule plus récent. Cet arbitrage est l’effet recherché par une telle mesure, dès lors que l’objectif est d’inciter au renouvellement du parc et à son bon entretien.
A. AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DU CONTRÔLE TECHNIQUE
Si la mission a accordé une importance particulière au contrôle technique, dans le cadre de ses travaux sur l’offre automobile française, c’est parce qu’il constitue un rendez-vous stratégique pour l’entretien et le suivi du parc roulant. Au cours des auditions menées, il est apparu que plusieurs modifications pouvaient être apportées pour en améliorer l’efficacité.
1. La question de la périodicité du contrôle technique
Votre Rapporteure s’est interrogée sur la pertinence d’accroître la fréquence du contrôle technique, de manière à le rendre annuel (359).
À ce stade, cette option doit être écartée. Il est primordial d’instaurer, d’abord, un contrôle technique complet et efficace sur le volet pollution, tous les deux ans. Cette évolution est en cours, et il convient de ne pas la compromettre par une augmentation brutale de la périodicité des contrôles, qui pèserait sur la charge de travail des centres de contrôle technique. En outre, une annualisation représenterait un surcoût significatif pour les ménages. Pour ce motif déjà, l’annualisation du contrôle technique avait été écartée lors des débats relatifs à la loi de transition énergétique (360).
Pour autant, la nécessité que le contrôle technique devienne annuel au-delà de sept ans devra être envisagée dans un second temps et cette perspective doit rester ouverte. En effet, la France est l’un des pays les moins stricts d’Europe en la matière : le Royaume-Uni impose ainsi un contrôle annuel à partir de la troisième année de mise en circulation et l’Espagne et le Luxembourg ont annualisé le contrôle à partir de la sixième année.
C’est pourquoi, votre Rapporteure propose d’instaurer un dispositif de suivi de la mise en œuvre du nouveau volet pollution du contrôle technique, avant d’évaluer la possibilité et la pertinence de son annualisation. Ce suivi pourrait être confié à l’organisme technique central (OTC), qui collecte déjà toutes les données relatives au contrôle technique.
Proposition n° 36 : Instaurer un dispositif de suivi de la mise en œuvre du volet pollution du contrôle technique, avant d’évaluer la possibilité et la pertinence éventuelle de son annualisation ultérieure.
1. Instaurer un contrôle du compteur kilométrique
Le marché de l’occasion représente de plus en plus de transactions chaque année, pour des véhicules de plus en plus anciens. Cette situation impose que soit instauré un contrôle plus strict de l’intégrité du compteur kilométrique des véhicules vendus, nécessaire pour garantir la fiabilité de l’information donnée au futur acheteur. La technique qui consiste à « rajeunir » la voiture ne saurait être un biais dans les transactions de véhicules d’occasion.
En effet, il arrive fréquemment que les compteurs kilométriques soient trafiqués, et ce d’autant plus facilement qu’une proportion de plus en plus grande de transactions a lieu hors des réseaux de professionnels. Selon Céline Kastner, Directrice du service juridique et des politiques publiques de l’Automobile Club Association « La fraude au compteur touche pratiquement un véhicule d’occasion sur trois en Europe et un sur cinq en France » (361). Alors même qu’elle est sanctionnée en France d’une peine pouvant aller jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende (article L.213-1 du code de la consommation), la fraude au compteur kilométrique est difficile à déceler, donc à sanctionner.
La directive 2014/45/CE, non encore transposée, apporte une première réponse à cette difficulté, en instaurant une mention obligatoire du kilométrage sur chaque certificat de contrôle technique. Elle précise, à son article 8 paragraphe 6, que « les États membres veillent à ce que, afin de vérifier le kilométrage, pour les véhicules équipés normalement d’un compteur kilométrique, les informations communiquées lors du précédent contrôle technique soient mises à la disposition des inspecteurs dès qu’elles sont disponibles par voie électronique » (362).
La mention du kilométrage sur le certificat de contrôle et l’accès des inspecteurs à ces informations devraient faciliter la détection de toute altération ou manipulation du compteur kilométrique. Elle fiabiliserait ainsi le marché de l’occasion pour le consommateur.
Cette mesure doit faire l’objet d’une transposition rapide en droit français, puis d’une application effective.
Proposition n° 37 : Instaurer un contrôle du compteur kilométrique en transposant la directive 2014/45/CE pour assurer la fiabilité des transactions sur le marché de l’occasion et contribuer, indirectement, au renouvellement du parc roulant.
1. Créer l’historique électronique des contrôles techniques d’un véhicule
L’organisme technique central (OTC) est chargé, depuis 1991, de recueillir et d’analyser les résultats de tous les contrôles techniques effectués sur véhicules légers et lourds, de s’assurer de l’homogénéité des contrôles et de collecter les informations sur l’état du parc automobile national. En pratique, les résultats de tous les contrôles sont transmis par voie électronique par les centres de contrôle technique dans les 24 heures suivant la réalisation du contrôle, collectés et conservés par une base de données centralisée : l’OTC conserve ainsi la mémoire de tous les contrôles techniques effectués sur un véhicule, même s’il n’existe pas, à proprement parler, de dossier d’historique pour chaque véhicule.
Le propriétaire d’un véhicule peut avoir accès aux résultats de l’ensemble des contrôles techniques effectués (363) : il lui suffit de remplir un formulaire en ligne, et d’y joindre une copie de son certificat d’immatriculation (ou, à défaut, du certificat de cession) et de sa pièce d’identité. L’OTC s’engage à transmettre, par courriel, la liste des centres (avec leur adresse et leur numéro de téléphone) ayant effectué les contrôles avec, pour chacun d’eux : le résultat du contrôle, sa date de réalisation, le kilométrage relevé et le numéro d’agrément du contrôleur. Ceci nécessite une recherche manuelle par les personnels de l’OTC. Pour consulter les procès-verbaux et les défauts relevés, le propriétaire doit ensuite contacter les centres de contrôle concernés. La durée minimale d’archivage des documents est de quatre ans. Ces données ne sont pas communicables à des tiers notamment aux professionnels de l’automobile, du fait de l’article R 323-20 du code de la route.
Ce dispositif est efficace et assure une traçabilité électronique du contrôle technique et de ses résultats, pour chaque véhicule.
Il paraît, d’ores et déjà, répondre aux exigences que posera, à l’avenir, la directive 2014/45/CE, qui vise à instaurer un système de suivi électronique des résultats du contrôle technique, au travers d’un certificat, délivré à l’issue de chaque contrôle technique, en version papier et sous forme numérique, mentionnant l’identité des véhicules et les résultats du contrôle. Il répond tout autant à l’obligation, posée par la directive, selon laquelle « les États membres devraient collecter et conserver ces informations dans une base de données, notamment à des fins d’analyse des résultats des contrôles techniques périodiques ».
Le dispositif est toutefois trop peu connu et les demandes annuelles répertoriées par l’OTC sont peu nombreuses : 2767 demandes de particuliers ont été formulées en 2015 et 3000 demandes au 30 juin 2016.
Il peut faire l’objet d’améliorations :
– la durée minimale d’archivage des documents du contrôle technique – de quatre ans – paraît trop courte au regard de la durée de vie d’un véhicule et de la nécessité de pouvoir consulter son historique complet. Cette durée devrait être augmentée, ceci étant d’autant plus facile que l’archivage électronique ouvre de nouvelles possibilités ;
– l’obligation de s’adresser en premier lieu à l’OTC, puis à chacun des centres de contrôle technique, semble excessivement contraignante : il serait préférable que l’OTC soit en mesure de transmettre, pour chaque véhicule, l’intégralité des résultats de chacun des contrôles techniques réalisés et que soit mis en place un outil informatique d’interrogation automatisé dédié à l’usager. Cela nécessiterait « d’historiser » l’ensemble de données du contrôle technique, mais garantirait un déploiement plus large des informations.
Proposition n° 38 : Rendre facilement accessible l’historique électronique des contrôles techniques d’un véhicule en :
– portant à 15 ans la durée minimale d’archivage des documents du contrôle technique ;
– organisant la transmission par l’OTC, sur demande du propriétaire d’un véhicule, de l’intégralité des résultats de chacun des contrôles techniques opérés sur ce véhicule et mettant en place d’un outil informatique d’interrogation automatisé et sécurisé dédié à l’usager.
1. Faire des données sur le parc roulant des données d’intérêt général
L’UTAC est, depuis 1991, l’Organisme technique central (OTC). À ce titre, l’UTAC est chargé, aux termes de l’arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l’organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n’excède pas 3,5 tonnes (364), de :
– centraliser et archiver les résultats des contrôles dans les conditions fixées par une convention d’assistance technique entre l’Organisme technique central et chacun des réseaux ou des centres de contrôle non rattachés ;
– établir annuellement un bilan du parc de véhicules contrôlés et de ses caractéristiques techniques conformément aux directives données par le ministre chargé des transports.
L’OTC compile ainsi, depuis plus de vingt-cinq ans, de très nombreuses informations sur l’état du parc automobile roulant. Ces données sont la propriété du ministère des transports, et ne sont pas utilisées à des fins de recherche. Leur seule utilisation réside en la réalisation d’un bilan annuel du contrôle technique, comportant des données factuelles, telles que le nombre de centres en activité ou le taux de non-conformité des véhicules.
Les données collectées par l’OTC doivent être requalifiées en données d’intérêt général au sens de la section 2 du projet de loi pour une République numérique, pour ne pas servir qu’au recalibrage des contrôles. De façon concrète, il s’agit d’imposer une liberté d’accès aux données et statistiques issues du contrôle technique, ainsi qu’une liberté de leur exploitation, afin de faciliter le suivi de la profession et son impact sur la gestion du parc. Cela permettrait de mettre à profit la vision large et transversale que le contrôle technique a de l’état du parc, afin de développer une véritable politique globale de gestion des parcs roulants, éventuellement différenciée selon leur âge, leur kilométrage ou leur motorisation.
Proposition n° 39 : Requalifier les données collectées à l’occasion du contrôle technique par l’OTC en données d’intérêt général, librement accessibles et exploitables.
1. Garantir la qualité du travail des centres de contrôle technique
Actuellement, près de 6 300 centres sont agréés par les préfectures de département pour réaliser le contrôle technique (articles 12 à 26 de l’arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l’organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n’excède pas 3,5 tonnes. La liste des centres agréés est disponible sur les sites des préfectures et de l’UTAC-OTC).
L’installation d’un nouveau centre de contrôle technique est ainsi libre
– sous réserve du respect des conditions prévues pour l’agrément – et non soumise à numerus clausus, alors même que la profession est dite « réglementée ». Selon le CNPA, « les centres de contrôle technique, profession réglementée, ne bénéficient d’aucune contrepartie leur assurant une certaine rentabilité (numerus clausus, tarifs réglementés, etc.) afin de leur permettre d’honorer les investissements requis ».
En conséquence, la concurrence sur les prix est croissante, les prix du contrôle technique étant eux aussi libres. Le coût d’un contrôle technique est extrêmement variable, allant de 35 à 95 euros, pour une moyenne nationale de 67 euros. Une guerre des prix s’exerce désormais, sous l’effet de l’apparition de centres de contrôle technique « low-cost », proposant des tarifs préférentiels, allant jusqu’au « contrôle technique à 1 euro », aux usagers réservant le plus longtemps à l’avance. Selon un responsable d’un centre de contrôle technique des Deux-Sèvres, la « concurrence est violente », les centres de contrôle technique menant une guerre des prix pour « récupérer des clients ».
Cette évolution soulève des interrogations quant à la qualité des contrôles techniques ainsi effectués. Selon le CNPA, un contrôle technique complet ne peut pas être rentable s’il est facturé à moins de 35 euros, et pourrait être qualifié de « vente à perte » s’il s’agissait d’un bien et non d’un service. Selon des témoignages recueillis dans les Deux-Sèvres, alors qu’il faut au moins 30 minutes pour réaliser un contrôle technique correct, certains centres seraient tentés de passer à 20 minutes, voire moins, de manière à accueillir davantage de clients et à conserver leurs marges.
Les centres de contrôle technique font pourtant, théoriquement, l’objet de contrôles administratifs. Aux termes de l’article 30-1 de l’arrêté du 18 janvier 1991 relatif à la mise en place et à l’organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n’excède pas 3,5 tonnes, modifié par l’arrêté 9 juin 2011, « la surveillance administrative des installations de contrôle et des contrôleurs est assurée par les directions régionales agissant pour le compte du ministre chargé des transports, sous l’autorité des préfets », en l’occurrence les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). Il relève ensuite du pouvoir du préfet de suspendre ou de retirer l’agrément d’un centre de contrôle technique « si les conditions de bon fonctionnement des installations ou si les prescriptions qui leur sont imposées par la présente section ne sont plus respectées », ces prescriptions comportant notamment l’engagement pris sur « l’organisation et les moyens techniques mis en œuvre par le centre pour assurer en permanence la qualité et l’objectivité des contrôles techniques effectués » (365). La réalisation de contrôles techniques à bas coûts, si elle devait conduire à un contrôle trop rapide pour être complet et de qualité, constituerait un motif de retrait d’agrément.
Pourtant, selon l’Automobile Club des Deux-Sèvres, les contrôles des DREAL seraient inexistants ou trop faibles et les préfets ne fermeraient aucun centre, malgré des alertes.
Votre Rapporteure propose d’accroître les contrôles effectués par les services de l’Etat sur les centres de contrôle technique, de manière à vérifier que ces contrôles sont réalisés dans des conditions garantissant leur qualité et leur exhaustivité, et en particulier qu’une durée suffisante leur est consacrée.
Proposition n° 40 : Veiller à l’effectivité des contrôles exercés par les DREAL sur les centres de contrôle technique pour garantir la qualité des prestations.
Votre Rapporteure propose, par ailleurs, d’harmoniser les prix facturés aux automobilistes, en fixant par exemple un plancher et un plafond recommandés par l’État, adaptés simplement au coût estimé du loyer du local du centre technique, selon sa localisation géographique.
Proposition n° 41 : Définir un plancher et un plafond pour le tarif du contrôle technique, fixés au niveau national, modulables uniquement selon la localisation géographique.
La concurrence doit pouvoir s’exercer, mais dans un cadre permettant à chaque centre de respecter la réglementation, et garantissant la qualité des contrôles, compte-tenu de leur caractère essentiel pour la préservation de la sécurité routière et la lutte contre la pollution.
I. D’AUTRES LEVIERS POUR RÉDUIRE LA POLLUTION DU PARC ROULANT
A. AMÉLIORER LE DISPOSITIF DES CERTIFICATS QUALITÉ DE L’AIR
Depuis le 1er juillet 2016, les véhicules – particuliers ou non – peuvent être identifiés par une pastille de couleur, ou « certificat qualité de l’air » en fonction de leurs émissions polluantes.
Cette classification est mise à disposition de l’État dans la définition des mesures d’ordre public environnemental – en particulier pour l’identification des véhicules autorisés à circuler ou non lors des pics de pollution – mais aussi des collectivités qui souhaitent conduire des politiques volontaristes en faveur de la qualité de l’air. L’objectif est alors de permettre aux collectivités de moduler les mesures incitatives ou restrictives qu’elles souhaitent mettre en place en fonction des différentes catégories de véhicules, pour répondre à leurs impératifs en matière de qualité de l’air. Il leur est ainsi possible de mettre en œuvre des modalités de stationnement favorables aux véhicules faiblement polluants ou de leur attribuer des conditions de circulation privilégiées dans des zones à circulation restreinte. Ce principe de certificat a déjà été retenu par plusieurs pays, dont l’Allemagne, le Danemark, la Suède, l’Italie ou la République Tchèque.
1. Une mise en œuvre laborieuse
a. Un dispositif envisagé depuis longtemps
Dès 1997, la ministre Dominique Voynet annonçait la création d’une « pastille verte », transcrite en 2001 dans le code de la route (366). Celui-ci prévoyait une possibilité d’identification des véhicules fondée sur « leur contribution à la limitation de la pollution atmosphérique », et la possibilité de faire bénéficier les véhicules ainsi identifiés de conditions de circulation et de stationnement privilégiées.
À partir de 2012, en application de la loi dite « Grenelle » et dans le contexte d’une relance du contentieux européen, une précision était apportée (367) de manière à ce que le classement des véhicules à moteur soit « établi à partir de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques ». Il revenait ainsi aux ministres en charge de l’environnement, des transports, de l’intérieur et des collectivités territoriales, de prendre un arrêté établissant la nomenclature des véhicules « en tenant compte de leur date de première immatriculation, de la norme Euro qui leur est applicable ou de leur motorisation ».
En février 2013, le plan d’urgence pour la qualité de l’air du Gouvernement recommandait la mise en œuvre d’un système de classification des véhicules selon leurs émissions polluantes. Il s’agissait d’accompagner les démarches locales d’incitation à l’utilisation de véhicules vertueux, notamment dans les zones particulièrement affectées par la pollution atmosphérique, afin de pouvoir, à terme, restreindre l’accès de véhicules particulièrement polluants à certaines zones sensibles, de manière temporaire ou pérenne. Ces mesures, initiées, étaient restées inachevées.
Enfin, la feuille de route de la conférence environnementale de 2014 rappelait l’objectif d’identification des véhicules selon leurs émissions polluantes, par le certificat qualité de l’air.
a. Une entrée en vigueur retardée
La mise en œuvre de ce « certificat qualité de l’air » a par la suite subi de nombreuses évolutions qui ont retardé son entrée en vigueur.
Alors qu’une classification en sept catégories avait été initialement retenue, le premier projet d’arrêté avait réduit le nombre de classes à quatre. Cette évolution avait suscité le mécontentement de nombreux maires et parties prenantes, exprimé dans le cadre d’une consultation publique sur le projet organisée en janvier 2016 : beaucoup estimaient qu’un trop petit nombre de catégories nuirait à la progressivité des mesures envisagées.
L’arrêté final, daté du 21 juin 2016 établissant la nomenclature des véhicules classés en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques en application de l’article R. 318-2 du code de la route retient six catégories (368).
Le décret relatif aux certificats qualité de l’air, daté du 29 juin 2016, précise que le fait d’apposer sur son véhicule un certificat qualité de l’air ne correspondant pas à ses caractéristiques est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe.
En pratique, le certificat qualité de l’air est un document sécurisé, qui fait l’objet d’une démarche volontaire pour les usagers qui le souhaitent. Il n’est pas gratuit : le coût du certificat est fixé à 3,70 euros (369). Il est téléchargeable depuis le 1er juillet 2016 sur le site www.certificat-air.gouv.fr . Il doit être apposé à l’avant du véhicule, de manière à être lisible par les agents de contrôle depuis l’extérieur (370).
L’une des principales applications attendues de la mise en œuvre du certificat qualité de l’air est l’utilisation par les mairies de leur pouvoir – attribué par la loi de transition énergétique – de définition de zones à circulation restreinte, au sein desquelles la circulation des véhicules les plus polluants (identifiés par les vignettes « non classé », voire « classe 5 », puis « classe 4 ») pourrait être interdite à certaines heures de la journée.
Une zone à circulation restreinte est créée par un arrêté local, qui doit être justifié par une étude environnementale permettant de faire un état de lieux et d’évaluer la réduction attendue des émissions de polluants. Il est soumis, pour avis, aux autorités organisatrices de la mobilité dans les zones concernées et leurs abords, aux conseils municipaux des communes limitrophes, aux gestionnaires de voirie ainsi qu’aux chambres consulaires.
Le fait, pour un conducteur, de circuler en violation des restrictions d’une zone à circulation restreinte, est puni d’une amende (371).
Une collectivité territoriale peut ainsi, depuis le 1er juillet 2016, étendre la zone à circulation restreinte qui existait déjà depuis septembre 2015 pour les autobus, autocars et poids lourds immatriculés avant le 1er octobre 2001 aux véhicules dits « non classés », soit l’ensemble des véhicules particuliers diesel et essence immatriculés avant le 1er janvier 1997 et des deux-roues immatriculés avant mai 2000.
Votre Rapporteure émet cinq réserves sur le dispositif retenu et propose des améliorations :
– le système est basé sur des normes Euro et non sur le niveau réel ni sur le respect effectif de la norme. Or le critère de l’homologation Euro ne permet pas de prendre en compte l’hétérogénéité des performances environnementales des véhicules appartenant à une même catégorie Euro, car immatriculés au cours de la même période. Le magazine AutoMoto (372) donnait ainsi l’exemple de la Toyota Prius 2, commercialisée en Europe en 2004, répondant donc officiellement à la norme Euro 3 en vigueur à l’époque, et classée en catégorie 3, alors même que ses performances environnementales – émissions de particules nulles, rejets de NOx de 10 mg/kilomètre – la rendent 5 à 8 fois meilleures que les véhicules diesel homologués Euro 6. Au contraire, une Renault Clio diesel de 2014, donc Euro 5, sera classée en catégorie 2, bien qu’elle n’obtienne qu’une « note écologique » de 3/20 selon le barème défini par le magazine automobile (contre 12,7 sur 20 pour la Prius). Surtout, un tel système de classement ne tient pas compte des émissions en conditions réelles, et ne permet pas de sanctionner des délits tels que le défapage : un véhicule défapé pourra ainsi disposer d’un certificat qualité de l’air correspondant à une norme Euro théorique qu’il ne respecte pas ;
– la classification actuellement retenue ne garantit pas la neutralité technologique, car elle s’appuie sur le critère « carburant » : elle privilégie ainsi largement le moteur à essence sur le moteur diesel, ce dernier étant exclu par principe de la classe 1. Pourtant, certains véhicules diesel les plus récents peuvent parfois être plus performants au plan environnemental que leurs équivalents essence qui, pour leur part, bénéficient automatiquement de la pastille 1. Un véhicule diesel Euro 6 émet ainsi théoriquement, au maximum, 80 mg/km de NOx, 500 mg/km de CO et 4,5 mg/km de particules. Il est pourtant classé dans la même catégorie – la classe 2 – qu’un véhicule essence Euro 4, lequel émet pourtant théoriquement, au maximum, 80 mg/km de NOx, 1000 mg/km de CO et n’est soumis à aucune valeur maximale d’émissions de particules ! L’attribution de la pastille 2 à ces véhicules diesel récents revient à mettre sur un même plan environnemental un diesel immatriculé en 2015 et un véhicule essence immatriculé en 2006, alors que leurs performances environnementales ne sont pas comparables. Au contraire, dans tous les pays européens dans lesquels il existe un système de pastille, les diesels les plus récents bénéficient de la pastille 1 (373) ;
– les certificats qualité de l’air sont payants ;
– les certificats qualité de l’air restent un système optionnel, destiné à « récompenser » les conducteurs vertueux. Ce système permet certes de ne pas stigmatiser les ménages peu aisés qui détiennent souvent les véhicules les plus anciens. Votre Rapporteure estime toutefois que leur efficacité serait accrue par l’identification de tous les véhicules, et non uniquement de ceux qui le souhaitent, selon la nomenclature établie ;
– l’arrêté ne mentionne pas explicitement la façon dont les certificats qualité de l’air seront attribués ou renouvelés. Certes, l’article 37 de la loi de transition énergétique modifiant l’article L 318-1 du code de la route, indique qu’ils doivent être renouvelés dans le cadre de chaque contrôle technique : « l’identification des véhicules selon leurs émissions est renouvelée lors du contrôle technique ». Pour autant, aucune garantie n’est donnée à ce sujet dans les textes actuels. Or, il est indispensable de fonder le renouvellement de la vignette sur le niveau réel d’émissions polluantes, tel que mesuré par le contrôle technique.
Dès lors, votre Rapporteure propose :
– de modifier le critère retenu pour se fonder uniquement sur le niveau d’émissions polluantes et non sur le type de motorisation ou l’année d’immatriculation, de manière à rendre le certificat qualité de l’air conforme au principe de neutralité technologique ;
– de rendre les certificats qualité de l’air gratuits ;
– de rendre l’identification par un certificat qualité de l’air obligatoire à partir du 1er janvier 2018 ;
– de garantir que le contrôle technique devienne effectivement le moment de renouvellement du certificat qualité de l’air : les certificats seraient alors attribués pour deux ans au-delà de la quatrième année de circulation, toute dégradation des systèmes de dépollution pouvant conduire au déclassement du véhicule vers une catégorie inférieure. Ceci garantira une meilleure représentativité des pastilles, et une plus grande incitation au bon entretien de son véhicule. Ainsi, les pratiques telles que le défapage entraîneraient automatiquement le retrait de la vignette ou la rétrogradation du véhicule dans une catégorie moins vertueuse.
Proposition n° 42 : Modifier le dispositif des certificats qualité de l’air :
– rendre le certificat qualité de l’air obligatoire à partir du 1er janvier 2018 ;
– rendre les certificats qualité de l’air gratuits ;
– après une première attribution sur déclaration ou à l’immatriculation du véhicule, renouveler le certificat qualité de l’air à chaque contrôle technique, conformément à l’article 37 de la loi de transition énergétique ;
– modifier les critères de classification afin qu’ils respectent la neutralité technologique, et soient fondés sur le seul niveau des émissions polluantes.
A. POUR LE TRANSPORT ROUTIER : SANCTIONNER LES PRATIQUES FRAUDULEUSES ET DÉVELOPPER LE RÉTROFIT
Le transport de marchandises représente encore des nuisances importantes, sur le plan environnemental comme sur le plan sonore.
Certes, des améliorations récentes auraient été réalisées, particulièrement sous l’effet de l’entrée en vigueur des normes Euro V puis Euro VI : les émissions auraient diminué de 97 % pour les NOx, de 97 % pour les particules, de 94 % pour les hydrocarbures et de 86 % pour le monoxyde de carbone (374). Au global, les émissions de CO2 du transport routier de marchandises n’auraient augmenté que de 1,8 % entre 1990 et 2012, alors que l’activité des entreprises de transport augmentait de 27 % sur la même période. En conséquence, les émissions de CO2 par tonne de marchandises transportée auraient diminué de 28 % par rapport à leur niveau de 1995. Selon la Fédération nationale des transporteurs routiers, que la mission a auditionnée, cette amélioration serait due aux évolutions technologiques des véhicules, mais aussi à une meilleure organisation des flux au sein des entreprises, à une utilisation plus performante de l’outil informatique et à une volonté marquée des entreprises de s’inscrire dans l’effort de développement durable, comme en témoigne par exemple le « Label CO2 », lancé en mars 2016, pour reconnaître les performances environnementales des entreprises de transport routier de marchandises.
Toutefois, l’ensemble du transport routier de personnes et de marchandises représente environ 34 % des émissions de CO2, dont 19 % pour les véhicules particuliers et 13,5 % pour les poids lourds et véhicules utilitaires légers. Le seul transport routier de marchandises représente aujourd’hui 4,8 % de la circulation en France, mais 6,7 % des émissions de CO2 (375).
C’est pourquoi, l’amélioration des performances du parc roulant des véhicules lourds est essentielle.
1. Sanctionner les pratiques frauduleuses
Un long historique de fraudes diverses concerne les véhicules lourds.
Un précédent cité par le commissaire général à l’investissement, M. Louis Schweitzer, lors de son audition, est apparu aux États-Unis en 1998 avec la découverte du premier véritable logiciel truqueur sur les niveaux d’émissions installé sur les poids lourds fabriqués en Amérique du Nord. L’EPA avait exigé une remise en conformité de l’ensemble des véhicules et conclu un arrangement avec les motoristes et constructeurs américains concernés portant sur une amende globale d’un milliard de dollars. Caterpillar avec son système ACERT, et Navistar, avec un système particulier d’EGR, avaient été directement poursuivis par des clients et avaient dû consentir de lourdes indemnisations. En dépit d’une ligne de défense des industriels qui affirmaient n’avoir cherché qu’à rendre leurs motorisations plus économes, l’EPA avait déjà frappé fort. L’affaire n’avait cependant pas eu de retentissement en Europe.
Par ailleurs, certains constructeurs se sont entendus pour ne pas jouer le jeu de l’amélioration de la performance environnementale, comme en témoigne la récente médiatisation de l’amende record de 2,93 milliards d’euros infligée au « cartel des camions » par la Commission européenne : dans ce dossier, la Commission européenne a reproché aux constructeurs allemands Daimler, MAN et germano-suédois Scania – ces deux derniers étant détenus par Volkswagen –, au constructeur suédois Volvo, au constructeur néerlandais DAF, et au constructeur italien Iveco de s’être entendus pendant quatorze ans (entre 1997 et 2011) pour retarder l’introduction de technologies de réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2) mais aussi d’avoir arrêté en commun un principe de répercussion des coûts liés aux normes environnementales sur leurs prix de vente. MAN, principale filiale poids lourds de Volkswagen, a cependant échappé à cette sanction car à l’origine de la dénonciation du cartel et de la documentation des services de la Commission européenne sur cette affaire.
Enfin, une nouvelle fraude sévit actuellement, comme l’a révélé le magazine Auto Moto (376) sur la base d’une enquête de l’association des entreprises de transport allemande Camion Pro. Actuellement, un boîtier contenant le logiciel « AdBlue Emulator », en vente libre sur internet à partir de la modique somme de 19,76 euros, est utilisé pour tromper le calculateur qui, lorsqu’il détecte un dysfonctionnement du système SCR, empêche le moteur de démarrer. Les publicités en ligne sont explicites : « vous pouvez faire fonctionner votre camion sans système AdBlue sans aucune conséquence négative, sans enfreindre la loi. Dans ce cas, vous pouvez désactiver le système d’AdBlue du camion pour économiser beaucoup d’argent » ; AdBlue Emulator Box est « conçu pour désactiver le système AdBlue utilisé dans les camions et véhicules lourds Euro IV à Euro VI Mercedes, HOMME, Scania, Iveco, DAF, Volvo et Renault. AdBlue Émulator Box contourne le module électronique du système AdBlue. Très facile à monter sur tout camion, il remplace le système AdBlue instantanément, pour cesser l’utilisation de liquide AdBlue. AdBlue Émulateur Box désactive le système électronique doucement, sans perte du moteur ou des avertissements sur le tableau de bord et dans le système de diagnostic. » L’étude de Camion Pro indique que 20 % de l’ensemble des camions circulant en Allemagne seraient équipés.
Proposition n° 43 : Enclencher immédiatement une saisine de la DGCCRF à l’encontre du « AdBlue Emulator Box » et de tout dispositif comparable permettant de désactiver le système de traitement des NOx sur les véhicules lourds. Interdire et sanctionner la vente en ligne de ces logiciels de fraude. Saisir la DGFIP des implications de cette tricherie en matière fiscale.
2. Développer le rétrofit pour les poids lourds
a. Le rétrofit est pertinent aux plans économique et écologique
Le rétrofit consiste en l’installation, sur un véhicule ancien en circulation, d’un dispositif de post-équipement limitant les oxydes d’azote ou les particules de manière à en réduire les émissions. Son installation permet à un véhicule initialement homologué Euro III ou Euro IV de répondre aux exigences plus strictes fixées par les réglementations Euro V ou Euro VI, ou, de façon plus générale, de surclasser un véhicule Euro X vers un véhicule Euro X + 1 (notamment dans le cadre de l’attribution des certificats qualité de l’air).
Le rétrofit peut aussi désigner le remplacement du moteur d’un véhicule dans son intégralité, ou la conversion de la motorisation vers un carburant moins polluant (gaz naturel, GPL…). Ces deux dernières définitions, moins courantes, ne sont pas approfondies dans le cadre de ce rapport. En effet, en ce qui concerne les poids lourds, l’analyse de leur pertinence dépendra du développement des infrastructures – notamment pour la conversion des motorisations vers des motorisations à GNL ou GPL – et du soutien public en la matière (cf. Quatrième partie). En ce qui concerne les véhicules légers, elles représentent des coûts trop importants par rapport à la valeur vénale du véhicule et peuvent, pour cette raison, être écartées.
Le rétrofit « post-équipement » est actuellement peu répandu en France : seuls 9 000 bus et poids lourds sont rétrofités (377), et les véhicules légers sont très peu concernés. Selon la direction générale de l’énergie et du climat, répondant à un courrier adressé par votre Rapporteure, « deux fabricants de dispositifs de post-équipement ont demandé et obtenu l’homologation de leurs dispositifs de filtres à particules : une entreprise allemande, HJS, et une entreprise britannique, Eminox. En 2015, ces deux fabricants ont rétrofité environ 500 véhicules, répartis comme suit : 400 bus, 100 cars et poids lourds ».
Pourtant, la réglementation régissant le rétrofit existe. Elle s’appuie sur l’arrêté du 15 mai 2013 relatif aux conditions d’installation et de réception des dispositifs de post-équipement permettant de réduire les émissions de polluants des véhicules en service (378). Au niveau international, le système est encadré par le règlement n° 132 (379) de la CEE-ONU (380), à Genève, concernant les prescriptions uniformes relatives à l’homologation des dispositifs antipollution de mise à niveau (DAM), destinés aux véhicules utilitaires lourds, aux tracteurs agricoles et forestiers, et aux engins mobiles non routiers à moteurs à allumage par compression (diesel).
a. Le rétrofit doit être développé pour les poids lourds, sous certaines conditions
Le rétrofit présente de nombreux avantages pour les poids-lourds et les véhicules industriels, sur les plans économiques et écologiques :
– le rétrofit est plus économique que l’achat d’un véhicule neuf. Les véhicules lourds diesel Euro III et Euro IV, des années 2000 à 2010, peuvent ainsi être dépollués à faible coût – entre 3 500 euros et 7 000 euros par véhicule, pose comprise ; selon la technologie commandée (381) – en rajoutant un filtre à particules. Il est alors possible aux conducteurs et aux entreprises de transport de s’adapter à des coûts inférieurs au coût du remplacement d’un véhicule non conforme à d’éventuelles réglementations nouvelles (circulation restreinte…) ;
– le rétrofit, quoique moins efficace que l’installation d’un filtre à particules dès la fabrication du véhicule, permet une réduction d’une part significative des émissions de particules – entre 45 et 95 % (382), selon le type de véhicule et la technologie retenue ;
– le rétrofit est plus écologique que la mise à la casse de véhicules relativement récents : si les véhicules les plus polluants – Euro I et Euro II – doivent disparaître, il est plus pertinent de rétrofiter les véhicules Euro III et Euro IV que de les mettre au rebut de façon anticipée.
En 2012, l’ADEME estimait que le rétrofit pouvait apporter des résultats positifs et de court terme, en particulier dans les zones urbaines, lorsque des filtres à particules étaient installés sur des véhicules utilitaires lourds non équipés lors de leur fabrication, sous certaines réserves toutefois :
– les filtres installés doivent être des filtres fermés additivés (383) ;
– la pose des filtres doit se faire sur des véhicules circulant sur des lignes d’exploitation sur lesquelles les conditions de température et d’échappement sont connues et compatibles avec le fonctionnement des dispositifs ;
– les filtres ne doivent pas être installés sur des véhicules trop anciens (antérieurs à Euro 1) ;
– la maintenance des filtres doit être effectuée de manière régulière et approfondie, afin d’éviter un encrassement.
L’installation de rétrofit sur les véhicules lourds semble encore trop peu répandue en France. Elle doit faire l’objet d’incitations, notamment financières, pour se développer : il en résulterait une accélération de la dépollution du parc roulant.
Plusieurs raisons expliquent ce faible développement :
– il n’existe plus, depuis fin 2014, d’aides de l’ADEME (384) pour le rétrofit des poids lourds. Il n’existe pas davantage de soutien au niveau national ;
– tous les poids lourds Euro VI (postérieurs à 2010) sont équipés de filtres à particules en première monte, et une grande partie des Euro V l’était également ;
– tous les dispositifs de post-traitement de seconde monte doivent désormais être homologués, sur un moteur de référence et selon un protocole contraignant et coûteux, ce qui a mis un coup de frein à l’activité des équipementiers du rétrofit, cumulée avec la restriction du marché induite par le point précédent. Votre Rapporteure estime toutefois cette homologation nécessaire.
Votre Rapporteure propose donc de renouveler des aides destinées à favoriser le rétrofit des poids lourds. Ces aides seraient administrées par l’ADEME, dans les zones couvertes par un plan de protection de l’atmosphère (PPA (385)), zones où se concentrent les excès d’émissions polluantes. Elles recouvriraient deux aspects :
– une aide financière pour les propriétaires de véhicules lourds ou de flottes de véhicules lourds qui souhaiteraient s’équiper de dispositifs de post-traitement de seconde monte. Cette aide serait financée par l’ADEME pour le compte de l’État et consisterait en une subvention accordée à l’achat de filtres à particules de seconde monte (sur le modèle des subventions accordées jusqu’en 2014 pour le rétrofit des bus par des filtres à particules approuvés par l’ADEME), d’un montant de 1 000 à 2 000 euros par filtre acheté (386). Elle pourrait être complétée par un financement des collectivités territoriales situées dans le périmètre du PPA ;
– un accompagnement technique et administratif des équipementiers de rétrofit à l’homologation des systèmes de seconde monte.
Proposition n° 44 : Pour déployer le rétrofit des poids lourds :
– dans le cadre des plans de protection de l’atmosphère, accorder aux propriétaires de véhicules lourds souhaitant s’équiper d’un dispositif de post-traitement des émissions de seconde monte une aide de l’ADEME – et éventuellement par les collectivités territorialement concernées ;
– développer un accompagnement technique et administratif des équipementiers du rétrofit pour l’homologation des systèmes de post-traitement de seconde monte pour les poids lourds.
a. En revanche, ne pas étendre le rétrofit aux véhicules légers
Certes, il existe, au premier abord, un parc potentiellement important de véhicules diesel anciens pour lesquels le rétrofit pourrait paraître pertinent. Fin 2013, l’ADEME estimait ainsi que, dans le parc automobile diesel français, la part de véhicules équipés d’un filtre à particules était d’environ 35 % (7 millions d’unités), contre 65 % de véhicules (13 millions d’unités) sans filtres à particules. En 2015, il reste encore 61 % de véhicules diesel non équipés de filtres à particules (387).
Si la proportion de véhicules non équipés diminue progressivement, elle devrait rester importante pour plusieurs années encore, en raison du vieillissement du parc et du ralentissement de son renouvellement. En 2012, l’ADEME estimait que le nombre de véhicules non équipés serait de 2,7 millions en 2015, de 2,1 millions en 2020 et d’1,1 million en 2025, si aucune mesure spécifique n’était mise en place. Une grande partie du parc automobile roulant pourrait donc faire l’objet de mesure de dépollution.
Pour autant, selon l’ADEME, le rétrofit sur véhicules légers présente de nombreux inconvénients et se heurte à des obstacles :
– la mise en place de filtres à particules fermés sur des véhicules légers nécessite des modifications lourdes d’adaptation du moteur et de mise en place d’un système embarqué d’additivation du carburant, qui prennent une place importante et représentent un coût élevé ;
– la mise en place de filtres à particules ouverts est plus simple, mais leur efficacité est limitée, avec, au mieux, une réduction de la masse des particules de 40 % et une efficacité faible sur les particules fines ;
– le coût du rétrofit sur véhicule léger est trop élevé au regard de la valeur vénale du véhicule. Un tel système ne pourrait fonctionner qu’avec des incitations financières importantes, représentant un coût important pour l’État pour une efficacité limitée ;
– le rétrofit conduirait à usage prolongé de véhicules rejetant des particules, et entretiendrait le vieillissement du parc. Si une telle mesure paraît justifiée en ce qui concerne les véhicules lourds, elle paraît contre-productive en matière de véhicules légers.
M. Éric Poyeton, directeur général de la plateforme de la filière automobile, indiquait ainsi à ce sujet : « je ne vois pas du tout comment transposer cette démarche à la voiture : personne n’acceptera de supporter le coût de ce rétrofit. En revanche, dans le business to business, c’est-à-dire pour les véhicules industriels, utilitaires, les autocars et les bus, les possibilités et les innovations existent ». (388)
Selon la DGEC (389), reprenant les conclusions de l’ADEME, « l’intérêt d’équiper de dispositifs de post-équipement limitant les particules et/ou les oxydes d’azotes est beaucoup plus marqué pour les véhicules lourds que pour les véhicules légers, d’une part au regard de la complexité de l’installation pour des systèmes efficaces, et d’autre part des surcoûts associés, rendant économiquement peu intéressantes de telles installations ».
1. Les formations à l’éco-conduite pour les conducteurs professionnels
Il est, enfin, indispensable de promouvoir l’éco-conduite dans l’activité de transport. Actuellement, la réglementation française n’impose aucune formation à l’éco-conduite à proprement parler. Si ces formations sont partiellement incluses au sein de la formation continue obligatoire des chauffeurs routiers et conducteurs de véhicules de plus de 3,5 tonnes, les chauffeurs de véhicules utilitaires légers ou les conducteurs professionnels de véhicules particuliers ne sont, pour leur part, soumis à aucune obligation de formation continue et ne disposent donc d’aucun module de formation à l’éco-conduite. L’enjeu est particulièrement important, compte-tenu de l’importance des déplacements professionnels dans les émissions polluantes et de l’influence du comportement de conduite sur la consommation et la pollution.
Selon l’UFC-Que Choisir, auditionnée par la mission le 28 octobre 2015, « en fonction du type de conduite, la consommation d’un véhicule peut varier jusqu’à 30 % ». Certaines entreprises ont cherché à compenser cette lacune, de façon spontanée. Ainsi, La Poste a expérimenté, dès 2005, une formation à l’éco-conduite sur quelques territoires, puis l’a généralisée à l’échelle nationale à partir de 2007. Les résultats sur la diminution des émissions de carburants et de la consommation ont été positifs, au point que la démarche a été reprise par l’ensemble des directions du groupe. En 2012, l’ensemble des postiers avaient été formé, au travers d’une demi-journée de formation, puis de quelques séances ultérieures.
Actuellement, plusieurs organismes proposent ces formations aux entreprises (390). La plupart d’entre elles sont prises en charge, partiellement ou totalement, par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) de chaque branche, au titre du droit à la formation et des contributions financières versées par les entreprises. Ces formations durent le plus souvent une journée et sont composées d’un module théorique et d’un module pratique. Elles s’adressent aux entreprises souhaitant former leurs salariés se déplaçant régulièrement dans le cadre professionnel, en véhicules particuliers comme en véhicules utilitaires. Elles sont facturées entre 200 et 450 euros par personne et par journée, le prix variant en fonction du nombre de participants, du type de véhicule, du lieu de la formation ou de certaines demandes spécifiques. Il est regrettable que la demande pour ces formations soit encore faible, alors même que l’offre est abondante.
L’éco-conduite doit être généralisée pour l’ensemble des conducteurs professionnels de véhicules particuliers ou de véhicules utilitaires légers, et être encouragée pour les salariés utilisant régulièrement un véhicule dans le cadre de leur activité professionnelle.
Les effets de l’éco-conduite
Le rapport de stage délivré par l’un des organismes de formation, le CNFCE, permet de comparer un trajet témoin, effectué avant le début de la formation, à un trajet réalisé à la fin de la journée de formation, pour évaluer les comportements de conduite et émissions polluantes.
Sans contestation possible, le second trajet conduit à des émissions moindres de tous les polluants, de 12 % en moyenne.
( 1) Centre national de la formation conseil en entreprise (CNFCE), Rapport de stage éco-conduite.
Pour développer ces formations à l’éco-conduite pour les conducteurs professionnels, votre Rapporteure propose :
– de garantir que les formations à l’éco-conduite sont prises en charge à 100 % par les OPCA ;
– de diffuser une campagne de communication nationale incitant les employeurs à faire participer leurs salariés utilisant des voitures de fonction à des formations à l’éco-conduite ;
– d’étudier la pertinence de rendre obligatoire pour les employeurs disposant d’une flotte de véhicules professionnels dépassant un certain seuil – à déterminer – de faire suivre à leurs salariés une formation à l’éco-conduite. Cette étude pourrait être menée en concertation avec l’OVE, observatoire du véhicule d’entreprise.
Proposition n° 45 : Instaurer une prise en charge à 100 % des formations à l’éco-conduite par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA).
Proposition n 46 : Encourager le développement de l’éco-conduite pour les usages automobiles professionnels :
– diffuser une campagne de communication nationale incitant les employeurs à faire participer leurs salariés utilisant des voitures de fonction à des formations à l’éco-conduite ;
– étudier la pertinence de rendre obligatoire pour les employeurs disposant d’une flotte de véhicules professionnels dépassant un certain seuil – à déterminer – de faire suivre à leurs salariés une formation à l’éco-conduite.
2. Développer l’éco-conduite pour les particuliers
Il est tout aussi important d’inciter les particuliers à suivre des formations à l’éco-conduite. Elles représentent un gain écologique pour tous, et un gain économique pour le conducteur, qui réduit sa consommation de carburant et ses risques d’accidents responsables. L’éco-conduite limite, en outre, les risques de panne et les coûts d’entretien.
Cette formation à l’éco-conduite existe déjà, depuis quelques années, dans le cadre de l’examen théorique et de l’examen pratique du permis de conduire. Elle ne doit toutefois pas se limiter aux « nouveaux conducteurs », mais doit pouvoir être étendue à l’ensemble des automobilistes.
Pour cette raison, plusieurs compagnies d’assurances incitent les particuliers à suivre des formations à l’éco-conduite, et proposent des remises de prime d’assurance aux conducteurs qui les réalisent.
À titre d’illustration, le groupe Allianz vante les mérites de l’éco-conduite : « Pourquoi privilégier l’éco-conduite ? Plus qu’une nouvelle manière de conduire, l’éco-conduite s’avère une conduite économe, puisqu’elle permet de diminuer de 7 à 10 %, en moyenne, la consommation de carburant, selon l’ADEME. C’est également une conduite écologique, qui contribue à diminuer les émissions de CO2 en sollicitant moins le moteur. L’éco-conduite : des plus pour votre assurance automobile à long terme. En adoptant une conduite éco-citoyenne sur le long terme, un conducteur réduit ses risques d’accident responsable. Il augmente ainsi son bonus, et bénéficie année après année de tarifs plus avantageux pour son assurance auto. L’éco-conducteur prolonge aussi la durée de vie de sa voiture, limitant les risques de panne et le coût de l’entretien auto ».
De même, le groupe AGEM, groupe d’assurance mutualiste et d’éthique militaire, indique, pour sa part, que l’éco-conduite permet « grâce à une modification du comportement d’avoir une conduite plus responsable, aux nombreux effets bénéfiques : une réduction de [la] consommation de carburant ; une facture d’entretien [du] véhicule réduite ; une réduction des émissions de gaz à effet de serre ; une baisse du nombre d’accidents ». Le groupe propose une remise de 5 % sur le contrat d’assurance automobile des conducteurs suivant une formation à l’éco-conduite, qu’elle soit réalisée par l’AGEM ou par un autre organisme.
Votre Rapporteure propose d’inciter les assureurs automobiles à soutenir auprès des conducteurs les formations à l’éco-conduite.
Proposition n° 47 : Inciter les assureurs automobiles à généraliser auprès des conducteurs les formations à l’éco-conduite.
Votre Rapporteure propose également d’encourager les concessionnaires à dispenser une formation à l’éco-conduite, lors de la prise en main du véhicule.
Proposition n° 48 : Encourager les concessionnaires à dispenser une formation à l’éco-conduite, lors de la prise en main du véhicule.
QUATRIÈME PARTIE : POUR UNE OFFRE AUTOMOBILE
DU XXIE SIÈCLE
L’industrie automobile est confrontée à une série de bouleversements sans précédents dans son histoire. Les mutations technologiques, sociales et environnementales sont rapides et simultanées, et obligent la filière à s’adapter à un rythme inédit. Elle qui, jusque-là, n’avait connu que des paliers d’innovations successifs, doit aujourd’hui maîtriser rapidement des innovations disruptives pour se positionner sur les marchés prometteurs et rester dans la compétition mondiale.
Les effets conjugués de l’irruption massive des technologies numériques et de l’impératif écologique placent en effet les industriels dans une phase de pré-ruptures :
– le réchauffement climatique et le fléau de la pollution urbaine leur imposent de mettre en place les solutions pour s’émanciper de la dépendance du secteur aux énergies fossiles ;
– le « Big Data » et l’omniprésence des algorithmes ouvrent un vaste champ des possibles et d’applications encore impensables il y a peu, comme le véhicule autonome. Les innovations liées au numérique et leur rythme de diffusion ont un impact considérable sur l’automobile, devenue objet connecté. Si ces évolutions peuvent être enthousiasmantes, elles entraînent aussi un bouleversement majeur de la chaîne de valeur et la pénétration dans le secteur de nouveaux acteurs agiles et rompus aux technologies numériques ;
– La filière doit prendre en compte l’évolution des comportements des consommateurs vis-à-vis de l’objet automobile : les contraintes économiques et l’émergence d’offres alternatives à la propriété favorisent l’ascendant de l’usage sur la possession, et le basculement de la production vers le service.
L’industrie automobile est entrée dans une phase majeure de transition. Nouveaux acteurs, évolution des comportements des consommateurs et enjeux écologiques bousculent les certitudes des acteurs historiques. Les constructeurs doivent prendre des risques pour imaginer ce que sera le véhicule du XXIe siècle et perdurer dans un secteur fortement concurrentiel et mondialisé. « Il faut anticiper plutôt que subir », comme l’ont résumé les syndicalistes du secteur devant les membres de la mission d’information (391). Et sans doute aussi, comme l’ambitionnent déjà certains acteurs de l’aval de la filière, chercher à davantage séduire « l’Homme mobile » que le traditionnel automobiliste.
Cet impératif d’anticipation et d’adaptation rapides concerne aussi les pouvoirs publics, au niveau français comme européen, qui doivent se mettre en ordre de marche pour accompagner les mutations, avec un cadre stable et clair de nature à permettre à l’industrie automobile française de rester maîtresse de son destin.
A. LA NOUVELLE ÈRE DE LA MOBILITÉ GLOBALE
En quelques années, le rapport à l’automobile a considérablement évolué. L’économie de la fonctionnalité, basée sur l’usage plutôt que sur la seule possession, s’est imposée sous l’effet d’une mutation systémique globale :
– La crise économique a eu un impact considérable sur le pouvoir d’achat des ménages. Pour faire face à la baisse de leur revenu réel, ils ont adopté des comportements de consommation plus souples et plus sobres, en optimisant leur consommation de ressources et de biens.
– Les technologies numériques ont permis le développement d’offres alternatives en mettant en rapport des usagers avec des ressources inutilisées. Des entreprises se sont positionnées sur ces nouveaux modes de consommation fondés sur le partage, et ont fait émerger dans le secteur automobile une nouvelle économie de l’usage, comme Blablacar, Heetch, Autolib’, etc.
L’automobile est en effet une ressource, un bien, dont l’utilisation peut être amplement optimisée. Selon les données transmises par l’ONG International Resource Panel (392) (IRP), dont l’ancien commissaire européen M. Potočnik est co-président (393), un véhicule individuel ne roule effectivement que 5 % du temps. Il est 92 % du temps en stationnement, 1,6 % du temps en recherche de place de stationnement, et 1 % du temps immobilisé dans les embouteillages. Alors que la voiture européenne moyenne comporte 5 sièges, elle ne transporte qu’1,5 passager par trajet.
Dans une logique d’économie de fonctionnalité, la mutualisation des véhicules permet d’en intensifier l’usage et le partage, en ouvrant à davantage d’individus le bénéfice de l’utilisation d’un nombre moindre de véhicules, sans pour autant devoir limiter leurs besoins en mobilité.
UTILISATION D’UN VÉHICULE PARTICULIER
Source : International Resource Panel (IRP)
1. Le bouleversement du rapport à l’automobile
a. Quand l’usage se substitue à la possession
Alors que la possession d’une automobile paraissait incontournable pour se déplacer, la mobilité a, en quelques années, pris le pas sur la propriété du bien. L’automobile peut en effet, en particulier en zone urbaine, être perçue comme une contrainte, davantage que comme un outil d’émancipation, en raison de son coût économique, de ses impacts environnementaux, mais aussi de la congestion des trafics ou des difficultés liées au stationnement.
Au cours des dix dernières années, le secteur a vu apparaître une multitude d’offres alternatives à la possession du véhicule, et permis de passer d’une économie de la possession à une économie d’usage, de la « voiture patrimoine » à la « voiture utile ». Parmi ces services, figurent notamment :
– l’autopartage ou la voiture en libre-service : ce système, développé notamment à Paris avec l’Autolib permet à l’usager d’avoir accès à un véhicule électrique en libre-service. L’autopartage est souvent envisagé comme un complément à l’offre de transport en commun. La mise à disposition en libre-service permet une rotation qui maximise l’utilisation de la ressource automobile. Avantages non négligeables pour l’usager, il n’a plus à se préoccuper de l’entretien ou du stationnement de son véhicule. L’autopartage se développe aussi pour les flottes d’entreprises, en particulier dans les grandes entreprises ayant suffisamment de collaborateurs pour partager les véhicules. En France, en 2014, 3 900 véhicules étaient disponibles en autopartage, et ces services étaient utilisés par 153 000 usagers (394). Selon une étude réalisée en 2015 par le Boston Consulting Group, il y aurait actuellement 86 000 véhicules disponibles en autopartage dans le monde (dont 33 000 en Asie et 31 000 en Europe, près de la moitié de ces véhicules européens étant en Allemagne) (395). 2,1 millions d’automobilistes en font usage en Europe, et 5,8 millions dans le monde. Ces activités ont généré 650 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2015. Le groupe estime qu’en 2021, les services d’autopartage seront utilisés par 35 millions d’automobilistes, soit six fois plus qu’aujourd’hui ;
– le covoiturage : l’utilisation d’une même voiture particulière par plusieurs personnes effectuant un même trajet permet le partage des frais tout en réduisant le trafic routier. La loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 a apporté une assise légale à cette pratique : « l’utilisation en commun d’un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, dans le cadre d’un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte », « à titre non onéreux, excepté le partage des frais ». La mise en relation des particuliers peut s’effectuer à titre onéreux, à l’instar du modèle économique de la plateforme numérique Blablacar. Ces dernières années, le covoiturage s’est diffusé de manière spectaculaire. Dans le seul département des Deux-Sèvres, en 2013, 120 aires de covoiturage étaient recensées (396). Au niveau national, alors qu’en 2013, 30 % des automobilistes avaient déjà expérimenté le covoiturage, comme passager ou conducteur, ils étaient déjà près de 45 % en 2014 – dont 19 % déclarant le faire de manière régulière. En outre, alors que les premiers utilisateurs de la formule étaient essentiellement des jeunes de 20 à 33 ans, les plus de 35 ans représentent désormais la moitié des covoitureurs (397). La plateforme numérique Blablacar recense plus de 10 millions de membres, chiffre que le fondateur de l’entreprise, M. Frédéric Mazella, ne pensait atteindre qu’en 2018. L’entreprise revendique un volume de trajets proposés en progression de plus de 200 % par an, et plus de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires. Une étude réalisée par le Conseil général à l’environnement et au développement durable (CGEDD) en mai 2016, intitulée « Covoiturage longue distance : état des lieux et potentiel de croissance », indique que le covoiturage représente désormais 1,6 % des trajets longue distance (398) en voiture effectués et France – soit 11 millions de trajets par an, avec une distance moyenne de 320 km par voyage –, et prévoit une augmentation française de 60 % de ces trajets en covoiturage à l’avenir. De nouveaux acteurs apparaissent, tels que Carpooling, Easycovoiturage, et 123envoiture, ces deux dernières entités ayant été rachetées par la SNCF et fusionnées sous la marque IDVroom, lancée le 1er septembre 2014 ;
– la location entre particuliers : plusieurs plateformes de mise en relation de particuliers permettent à ceux dont le véhicule reste au garage une grande partie du temps de le mettre à disposition, moyennant rémunération, de ceux qui souhaitent l’utiliser occasionnellement. Cette location est le plus souvent moins onéreuse que le recours à un loueur professionnel. On compte aujourd’hui plus de 60 000 véhicules proposés à la location sur des plateformes collaboratives. Cette activité est en forte hausse. Le groupe PSA croit au développement de cette pratique et estime son évolution de 10 à 40 millions d’utilisateurs d’ici à 2020 dans les principaux pays européens. C’est pourquoi le constructeur français a, en partenariat avec la Maif en avril 2016, investi 18 millions d’euros dans la start-up Koolicar qui a lancé son service d’autopartage entre particuliers en 2012 et est aujourd’hui présente dans quarante agglomérations françaises avec plus de 60 000 inscrits ;
– la location avec option d’achat (LOA) : elle témoigne, elle aussi, de la réticence croissante des automobilistes à s’engager dans l’achat d’un véhicule. Elle permet d’utiliser un véhicule pendant une période déterminée, en versant un loyer à la société qui en demeure propriétaire, et de bénéficier, au terme de cette période, d’une option d’achat pour un prix convenu à l’avance. Les premières offres de LOA sont apparues en France au milieu des années 1990. En juillet 2014, pour la première fois, le volume d’affaires de transactions automobiles en LOA a dépassé celui du crédit traditionnel. Les opérations de location avec option d’achat ont augmenté de plus de 60 % en France entre mai 2015 et mai 2016 (399).
Le succès de ces offres alternatives à la possession d’une automobile doit être appréhendé à l’échelle d’une offre de mobilité qui va bien au-delà du seul véhicule particulier. Les usagers n’hésitent plus à combiner les modes de transport, en utilisant une combinaison de solutions multiples, adaptées à chaque segment de déplacement, à chaque contexte géographique ou aux besoins de chaque usager. Pour déterminer les modalités de leur déplacement, les usagers s’appuient désormais sur le « coût d’usage global du véhicule », recouvrant à la fois le coût d’achat, l’entretien, l’assurance et le carburant. La comparaison leur permet de s’orienter vers le mode de transport pour lequel ce coût d’usage est le plus faible. Selon ces critères, l’automobile individuelle n’est qu’une solution parmi d’autres dans le système de mobilité, et sa pertinence n’est plus acquise en toutes circonstances.
Les impacts de la modification des comportements vis-à-vis de l’automobile
– Les Français achètent de moins en moins de voitures neuves. En 2014, 962 000 voitures particulières neuves ont été vendues en France, ce qui représente un taux de ménages acheteurs de 3,4 %, le plus faible niveau du marché français au cours des trente dernières années. Ce taux était de 7 % au début des années 1990, quand plus de 1,5 million de voitures neuves étaient vendues aux ménages chaque année. Cette chute s’explique par la multiplication des offres alternatives, mais aussi par la hausse du prix des véhicules neufs – causée par le développement d’équipements, notamment électroniques, coûteux – ainsi que par la diminution du prestige social associé à la possession d’un véhicule neuf ; le véhicule « utile » prend le pas sur le véhicule « désir » (400) ;
– Le nombre de kilomètres parcourus en automobile chaque année par un Français diminue, alors même que le nombre de déplacements tous modes confondus augmente continuellement ;
– L’âge moyen pour l’achat d’un véhicule neuf augmente, et atteint désormais plus de 55 ans ;
– Un budget total rédhibitoire, en particulier pour les jeunes générations. En 2015, l’Automobile Club association estime à 5 796 € le budget total dépensé par le possesseur d’une Renault Clio essence en prenant en compte les frais liés au carburant, au financement de l’achat, à l’entretien, au stationnement et à l’assurance du véhicule (401) ;
– Le nombre de ménages motorisés diminue : alors qu’il a augmenté régulièrement de 1980 à 2011, passant de 70,8 % à 83,5 %, le taux de ménages motorisés en France décroît depuis lors, pour se situer autour de 82,8 % en 2014 (402).
Selon un sondage réalisé par le groupe Mobivia (regroupant une quinzaine de marques du secteur de l’après-vente automobile), les jeunes font partie des catégories les plus disposées à abandonner leur voiture. Ainsi, 74 % des sondés âgés de 18 à 24 ans se disent prêts à préférer toute solution alternative à la voiture.
Selon l’Automobile Club association, la génération Y, née dans les années 1980 et 1990, sera la première à moins s’équiper en automobile par rapport à la précédente.
Elle représentera 40 % des actifs en France dans moins de dix ans et 75 % de la population active mondiale en 2025.
Cette désaffection des jeunes pour l’automobile « traditionnelle » n’est pas propre à la France. Elle s’observe également aux États-Unis et au Japon. Ainsi, selon une étude menée par l’Institut de recherche sur les transports de l’université américaine du Michigan, le taux de détention du permis par les jeunes de 19 ans est passé de 87,3 % en 1983 à 69,5 % en 2010. En France également, le taux de détention du permis a cessé de progresser chez les 18-29 ans, passant de 76 % en 1992 à 73 % en 2012.
La génération Y et l’automobile (403)
Le cabinet Deloitte a mené en 2014, auprès de 23 000 jeunes européens dont 1 000 en France, une étude intitulée « Quelle automobile pour la génération Y ? », de laquelle sont tirés les enseignements suivants :
− les jeunes nés entre 1980 et 1995 conservent un intérêt persistant pour la détention d’une automobile : 61 % de la génération Y en France projette l’acquisition d’une voiture d’ici 5 ans ;
− le coût du véhicule demeure la préoccupation majeure et le premier frein à l’achat (57 %) ;
− 44,6 % de ces jeunes sont prêts à évoluer vers une motorisation alternative à l’essence ou au diesel d’ici 5 ans ;
− 41 % sont prêts à payer plus pour un véhicule plus économe en matière de carburant ;
− ils attendent des technologies avancées (54 %), et d’abord qu’elles rendent la conduite plus sûre (71 %) ;
− ils attendent davantage, préalablement à l’achat, de pouvoir essayer le véhicule (au moins 24 h).
La génération Y se différencie des générations précédentes par une sensibilité aux coûts plus affirmée, un fort niveau d’information et des exigences croissantes en matière de technologie (sécurité et connectivité).
Si le bouleversement du rapport à l’automobile s’observe en ville, c’est en premier lieu parce que l’offre alternative y est abondante et facilement disponible ; dans les zones rurales en revanche, la possession d’un véhicule demeure un facteur d’émancipation indispensable, notamment pour les jeunes femmes et les femmes.
Ainsi, selon une étude de l’observatoire Cetelem de l’automobile, datée de 2011, 78 % des jeunes indiquent qu’ils n’imaginent pas se passer d’une voiture toute leur vie et 83 % déclarent adorer conduire. L’observatoire Cetelem conclut : « il n’y a pas de rejet de l’automobile, elle est toujours perçue comme le moyen le plus simple de se déplacer, indispensable », vital même dans les zones périurbaines ou rurales.
2. Une évolution écologiquement et économiquement bénéfique
L’économie de la fonctionnalité, par une meilleure efficacité de l’usage des ressources, permet de concilier bénéfices économiques et réponse aux enjeux écologiques.
Pour le président de l’ADEME, Bruno Léchevin, « nous devons passer d’une logique de possession à une logique d’usage et de partage » (404), et ce pour plusieurs raisons :
– l’économie de l’usage contribue à réduire les émissions polluantes en limitant l’usage de la voiture à sa stricte nécessité et en évitant des déplacements inutiles ;
– elle contribue au décongestionnement des centres urbains ;
– elle préserve le pouvoir d’achat des particuliers et des entreprises (le transport étant en effet devenu le deuxième poste de dépense des ménages, selon l’ADEME, pour un montant moyen de 5 000 euros par an) ;
– elle est particulièrement adaptée à certains types de véhicules : les véhicules électriques doivent ainsi beaucoup rouler pour amortir le coût environnemental de leur construction et garantir leur performance écologique à l’échelle du cycle de vie ; les véhicules autonomes resteront encore longtemps inaccessibles pour un particulier seul. Dans les deux cas, un usage partagé permet de réduire les coûts ;
– elle peut enfin contribuer au renouvellement du parc, avec des véhicules neufs, mieux équipés et adaptés aux usages ; à l’inverse, la possession d’un véhicule conduit le propriétaire à le converser sur une longue durée avant d’envisager son renouvellement.
A. LE DÉFI D’UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE POUR L’INDUSTRIE AUTOMOBILE
1. Les risques de l’aveuglement
a. Une tendance structurelle : moins de voitures à vendre et à construire ?
L’optimisation des ressources pourrait laisser penser que les sociétés développées auront, d’ici une dizaine d’années, besoin de moins de véhicules neufs. Selon certains, l’augmentation du taux de remplissage des véhicules et leur utilisation partagée conduiraient à réduire la demande en neuf.
Ainsi, selon le cabinet Boston Consulting Group, l’industrie automobile mondiale serait confrontée à un manque à gagner de 7,4 milliards de dollars en raison du seul effet de l’autopartage : une proportion importante de consommateurs préfèrerait louer une voiture ponctuellement plutôt que d’en acheter une. La baisse des ventes induite par ce report (792 000 véhicules livrés en moins en 2021, soit 1 % du marché) ne serait pas compensée par les ventes de véhicules aux services d’autopartage (246 000).
Cette perspective ne fait pas l’unanimité. Votre Rapporteure considère avec prudence le diagnostic d’une décroissance inéluctable de la demande en automobile en raison des besoins croissants de mobilité d’une part, et surtout des effets induits par l’apparition de nouveaux objets de mobilité répondant à de nouveaux usages et à des évolutions technologiques majeures d’autre part.
Ainsi, M. Carlos Tavarès, président du groupe PSA, indiquait (405) : « Je ne suis pas devin, mais j’observe que nos enfants ont des besoins exponentiels de mobilité ; ils voyagent beaucoup et se déplacent plus que moi-même à leur âge. Si les besoins de mobilité sont exponentiels et si les objets de mobilité venaient à être majoritairement utilisés en auto-partage, leur usage sera également beaucoup plus intense. Si cet usage est beaucoup plus intense, le nombre de kilomètres parcourus sera lui aussi bien plus élevé. À partir d’un tel raisonnement, il n’est pas dit que l’on aura moins d’objets de mobilité à construire ».
Le développement de l’économie de la fonctionnalité, et ses effets sur les habitudes modales, représente un défi considérable pour l’industrie automobile, mais, plus encore, une réelle opportunité. Les constructeurs en premier lieu doivent sortir de leur zone de confort et repenser leur place dans le champ de la mobilité en passant d’une logique de producteur, – leur savoir-faire historique –, à une logique de fournisseur de services évoluant au gré des innovations et de l’évolution des usages.
a. La concurrence de nouveaux acteurs
Pendant longtemps, les acteurs historiques de la filière automobile ont estimé qu’il était peu probable que de nouveaux entrants parviennent à pénétrer le secteur de la production à grande échelle de véhicules. Aujourd’hui pourtant, de nouveaux acteurs s’appuyant sur des modèles économiques innovants provenant d’autres secteurs, et souvent plus agiles, menacent les positions des grands constructeurs :
– jusqu’à présent, les offres alternatives dans le secteur de l’automobile n’ont pas été lancées par les acteurs historiques – qui étaient parfois convaincus qu’elles ne fonctionneraient pas – mais par des start-up que les principaux acteurs industriels n’avaient pas vu venir, le plus souvent issues du secteur du numérique ;
– la révolution de l’imprimante 3D peut conduire à une autre forme de concurrence plus directe, avec la multiplication des lieux de production d’automobiles ou de pièces détachées. Il s’agit d’un mouvement encore embryonnaire, mais le système se développe, notamment aux États-Unis. Ainsi, l’entreprise Local Motors propose de fabriquer des voitures à partir d’imprimantes 3D – au moins pour 70 % des pièces – et presque « sur-mesure ». Ce système ne nécessite qu’un espace minime et des investissements raisonnables : l’assemblage se fait sur un site unique, de proximité (on parle de « micro-facturing »). Les véhicules produits par Local motors sont déjà homologués et sortiront en 2017.
L’industrie automobile doit se positionner rapidement, face à la concurrence de ces acteurs hors-filière, pour ne pas se faire, elle aussi, « uberiser ». Pour France Stratégie (406), l’industrie automobile est exposée comme d’autres secteurs à l’irruption du numérique, avec l’« arrivée de nouveaux acteurs dans la filière ou la restructuration de la chaîne de valeur autour de plateformes ».
Cela implique d’adapter l’offre de produits et de déployer une offre de services. Selon les organisations syndicales rencontrées par la mission (407), « la filière automobile est restée un peu trop longtemps « droit dans ses bottes » [mais] il est encore temps de changer » (408).
1. Adapter les produits et déployer une offre de services
Dans les années à venir, nous verrons apparaître sur les routes françaises de nouveaux objets de mobilité conçus pour des usages spécifiques.
Selon l’ADEME, depuis les années 1960, le poids moyen d’un véhicule de tourisme a augmenté de plus de 60 %. En 1961, le poids moyen d’un véhicule particulier était de 758 kg. Il est aujourd’hui de 1,266 kilos. Or, un véhicule plus lourd consomme davantage d’énergie et émet plus de CO2. À l’inverse, une réduction du poids d’un véhicule de 5 % permettrait d’économiser 3 % de carburant (409).
Selon le CGDD, au moins 90 % des allers-retours domicile-travail directs lors d’un jour ouvré moyen, quelle que soit la zone géographique, sont réalisés par « un individu voyageant seul ». Le taux d’occupation des véhicules est compris entre 1,04 personne par véhicule au sein des unités urbaines du pôle urbain de Paris et de sa couronne et 1,084 pour les déplacements entre communes rurales et communes hors espace rural (410).
La mise sur le marché de véhicules plus petits et plus légers, adaptés à un usage individuel semble donc répondre aux usages ainsi qu’à la nécessaire réduction des émissions de CO2 dans un contexte post-COP21.
Ainsi que l’indique le CNPA (411) dans son Pacte de mobilité de janvier 2016, « la performance intrinsèque du véhicule vendu perd en importance : l’essentiel réside désormais dans l’optimisation des fonctionnalités rationnelles d’exploitation et d’utilisation ». Il paraît souhaitable, dès lors, de développer des modèles répondant mieux aux besoins quotidiens des particuliers, notamment de ceux effectuant tous les jours, et seuls, des trajets domicile-travail. Les constructeurs devraient ainsi être incités à proposer davantage de véhicules plus petits – donc moins polluants – dotés de plus faibles capacités de montée en puissance, mais amplement suffisants pour ce type de trajets.
Plusieurs avantages pourraient être tirés de cette offre de petits véhicules :
– elle permettrait de résoudre la question de l’arbitrage entre émissions de NOX et émissions de CO2 (412), répondant ainsi à l’argument de nombreux constructeurs selon lequel le maintien d’un fort taux de diésélisation est indispensable pour permettre à la France d’atteindre les objectifs fixés par l’Union européenne en matière de réduction des émissions de CO2, les véhicules diesel émettant moins de CO2 que les véhicules essence ;
– des véhicules plus petits permettraient de réduire la congestion en ville, avec davantage de facilité à circuler et à se garer ;
– ces véhicules redonneraient du pouvoir d’achat aux automobilistes, en étant moins chers à l’achat et moins consommateurs de carburant tout au long de leur durée d’utilisation.
Pour autant, certaines objections doivent être prises en considération :
– la demande pour ce type de véhicules n’est pas garantie : les automobilistes continuent à préférer un véhicule « tous usages » à un véhicule adapté uniquement « la plupart du temps ». Conserver une capacité d’accélération standard – pour pouvoir tenir sa vitesse en montée, ou se dégager rapidement en cas d’accident – ou quatre places assises pour véhiculer davantage de personnes en cas de besoin, apporte une sécurité, ne serait-ce que psychologique. Cet « alibi d’usage » (413) est un élément important de la relation de l’automobiliste à sa voiture et entrave le goût pour des véhicules monovalents ;
– en raison de la faiblesse de la demande actuelle, il n’existe pas encore de modèle économique et industriel viable pour les constructeurs, qui optent pour des modèles productibles en grandes séries et dont les débouchés sont importants ;
– « tout le monde a besoin du même type de véhicule en même temps » (414). Le déploiement de véhicules monovalents, notamment à usage urbain, sur courtes distances et pour peu de passagers, conduirait à une explosion de la demande de location de véhicules de plus grande taille et de plus grande puissance à certaines périodes de l’année, notamment au moment des vacances, à laquelle les loueurs professionnels ne pourraient faire face.
• Des véhicules plus solides et adaptés à un usage partagé
Au-delà de la réduction de leur taille, la conception des produits eux-mêmes doit être adaptée aux usages qui en seront faits. Ainsi que l’indiquait Carlos Tavarès, président directeur général du groupe PSA, « on peut penser qu’à l’avenir, les objets de mobilité en partage auront une conception différente de celle des objets de mobilité en propriété […]. Ces véhicules vont devoir se développer sur des dimensions de connectivité, de fonctionnalité de l’habitacle, de résistance de l’habitacle à un usage plus intensif ». (415) Cette tendance est notamment illustrée par les choix du groupe Bolloré dans la conception des véhicules Autolib, destinés à l’autopartage : leur cahier des charges a été modifié, s’agissant notamment de la peinture des véhicules.
Ceci constitue également une opportunité pour les constructeurs et équipementiers, qui pourront développer de nouvelles offres, de nouveaux produits, de nouveaux savoir-faire. Comme l’indiquait Carlos Tavarès, « C’est pour nous davantage une opportunité qu’une menace. C’est même une « disruption » que nous appelons de nos vœux, parce que nous sommes une entreprise qui est devenue plus agile au travers de la reconstruction de ses fondamentaux et des épreuves que nous avons traversées ».
b. Déployer une offre de services
Les véhicules se transforment aujourd’hui en plateformes de services.
Selon Bruno Léchevin, président de l’ADEME, les constructeurs doivent aujourd’hui répondre à la question stratégique suivante : « faut-il changer de métier, et passer de la vente de véhicules à la vente de mobilité ? ». En ce domaine, « les gagnants seront ceux capables d’inventer des nouveaux modèles économiques, dans un monde où la technologie va bouleverser les usages ».
Les acteurs traditionnels devront en effet, pour être pérennes, faire évoluer leur métier vers la vente de mobilité. Ils pourront, ainsi, s’associer aux différents dispositifs existants permettant de réduire l’usage du véhicule, tels que le covoiturage ou la location entre particuliers. Ils pourront également élargir leur gamme de services en proposant une assurance, un parking ou l’entretien régulier du véhicule. Selon la vice-présidente de General Motors, dans un communiqué de presse, « l’idée est de proposer le bon véhicule et le bon service de mobilité pour le bon trajet au bon moment ».
Aujourd’hui, et c’est à saluer, plusieurs constructeurs ont entamé cette démarche de diversification des activités, autour de trois stratégies :
– Certains ont créé leurs propres services d’autopartage, de covoiturage ou de location entre particuliers. Ainsi, General Motors, 5e constructeur mondial, a investi 500 millions de dollars dans Lyft, concurrent américain d’Uber. General Motors a également lancé son propre service d’autopartage, nommé Maven, testé dans la ville d’Ann Arbor, où est basée l’université du Michigan, avant d’être étendu à de grandes villes américaines dans le courant de l’année. Une flotte de véhicules connectés (dont certains électriques) sera mise en place dans 21 parkings dédiés de la ville. General Motors devient ainsi un peu moins constructeur automobile et un peu plus service d’auto-partage. Le groupe attend 25 millions de clients potentiels d’ici 2020. En Allemagne, Volkswagen a investi 300 millions d’euros dans Gett, un autre acteur de la mobilité numérique et Opel mènent une initiative de location entre particuliers, CarUnity.
– D’autres ont créé, en leur sein, une branche dédiée aux services. C’est le cas du groupe Ford USA qui annonçait ainsi, dans un communiqué de presse du 11 mars 2016, la création de sa filiale Ford Smart Mobility (Ford mobilité intelligente), pour concevoir et développer des services de mobilité. Ford entend ainsi devenir un fournisseur de mobilité autant qu’un constructeur automobile. Cette diversification représente en effet un potentiel de croissance important, et s’opère au côté de la poursuite du cœur de métier (la conception et la construction de véhicules particuliers et de camions). La nouvelle filiale est conçue pour fonctionner comme une start-up à l’intérieur de l’entreprise. Elle agira en autonomie, mais pourra aussi collaborer avec d’autres start-ups ou entreprises de technologies. Selon Bill Ford, président de l’entreprise Ford Motors, « cette nouvelle filiale permettra de développer des solutions de mobilité pour aborder les défis changeants des transports dans un monde de plus en plus encombré ».
– D’autres, enfin, intègrent désormais la révolution des usages et l’enjeu de la mobilité à leurs plans stratégiques. C’est notamment le cas du groupe PSA, dont le président directeur général, M. Carlos Tavarès, a présenté le plan Push to pass aux membres de la mission (416) : « il s’agit pour nous, non pas de contrer ces changements mais simplement d’en prendre acte, d’abord [par] un centrage de plus en plus marqué sur la mobilité et de moins en moins sur le produit automobile ; ensuite [par] le fait que l’expérience prend le pas sur la notion de propriété ». Il indiquait plus loin : « nous voulons préparer notre entreprise à l’éventualité d’une fourniture de services de mobilité qui serait associée à cette idée que l’usage et l’expérience de la mobilité deviendront, pour certaines parties de la population, plus importantes que l’objet de mobilité en lui-même ». Enfin, « l’opportunité, pour l’industrie automobile, est d’être capable d’accompagner ces besoins de mobilité […]. Voilà pourquoi nous nous plaçons pour préparer l’entreprise à cette éventualité ». Votre Rapporteure souligne que le plan Push to pass est l’un des premiers qui soit en phase avec ce que la mission a entendu au sujet de l’évolution des usages de l’automobile et de la relation des consommateurs à l’automobile, et qui anticipe et mesure la révolution que représente de passer de constructeur à fournisseur de mobilité.
Le plan “Push to pass “de PSA
Le nouveau plan stratégique du groupe PSA, « Push to pass », présenté en avril 2016 pour la période 2016-2021 et décrit par M. Carlos Tavarès comme « une offensive produits sans précédent », représente une mutation importante. PSA se veut désormais un « fournisseur de solutions de mobilité dans le monde entier », non seulement en rendant accessibles au plus grand nombre des véhicules de qualité, mais aussi en « orchestrant l’ensemble de l’écosystème de services » autour de l’usage automobile, pour devenir « un constructeur automobile mondial à la pointe de l’efficience et un fournisseur de services de mobilité plébiscité par les clients ». Cinq engagements sont pris :
– passer « du produit au client » ;
– passer « de la propriété à l’expérience » ;
– passer « de la voiture à la mobilité » ;
– passer « d’une seule activité à un portefeuille d’activités » ;
– passer « du local au global ».
Selon PSA, l’innovation ne consiste plus uniquement en de nouveaux produits – bien qu’un nouveau modèle soit annoncé pour chaque zone géographique où le groupe est implanté – mais en la possibilité d’ « offrir des services inédits et indispensables aux conducteurs et passagers ». Les services de financement, notamment le « leasing », sont aussi concernés.
Quatre leviers particuliers de croissance autour des services de mobilité sont identifiés et seront développés :
– l’autopartage « business to consumer » ;
– l’autopartage « business to business » et la gestion de flotte ;
– le service après-vente connecté ;
– les services intelligents et big data appliqués à l’automobile.
La transformation digitale du groupe doit accompagner l’ensemble de ces évolutions : l’ambition du groupe PSA est de devenir une entreprise plus proche de ses clients grâce à des processus digitaux efficients, pour une expérience client optimale, une « entreprise centrée sur les data ».
Les services de mobilité, en association avec le groupe Bolloré, seraient en outre un levier d’entrée progressive sur le marché américain avec un projet d’autopartage local à horizon de dix ans.
La mise en œuvre de ces objectifs doit permettre d’accroître de 4 % la marge opérationnelle courante moyenne pour la division automobile et de 10 % le chiffre d’affaires du groupe sur la période 2016-2018, par rapport à 2015, à taux de change constant. À horizon 2021, la cible est d’accroître de 6 % la marge opérationnelle et de 15 % le chiffre d’affaires du groupe.
Accompagner l’évolution de la typologie de leurs clients pourra donner les moyens aux constructeurs de diversifier leur offre, d’être davantage résilients aux nouvelles segmentations du marché et ainsi de reconstituer leurs marges. L’impact serait tout aussi bénéfique pour le consommateur, qui se verrait proposer une offre moins monolithique et plus adaptée à ses besoins.
Au-delà des seuls constructeurs, les équipementiers et la filière aval ont tout autant besoin de suivre la même évolution, comme certains ont déjà commencé à le faire.
Les efforts des équipementiers et de la filière « aval »
dans le développement d’une offre de service
Le groupe Michelin a mis en place une série de services. Ainsi, le suivi en temps réel permet au client de réduire le temps d’immobilisation de son véhicule, d’optimiser l’entretien et d’anticiper le renouvellement de l’enveloppe du pneu. La plateforme internet, « my Account », permet aux clients d’adopter une démarche de maintenance préventive, de manière à réduire les coûts de maintenance des pneumatiques. Dans le cadre de ses services dédiés aux flottes, le groupe a créé « Michelin solutions », qui offre aux transporteurs une gestion optimisée des postes pneumatiques. Michelin a aussi acquis la société Sascar, leader brésilien de la gestion numérique des flottes.
Le groupe Mobivia, qui regroupe 15 enseignes actives dans l’aval de la filière, notamment en matière d’entretien et de réparation, dont Midas et Norauto, s’est lui aussi diversifié pour demeurer pérenne. Selon les responsables du groupe auditionnés par la mission (417), cette diversification était obligatoire pour que le groupe survive. De façon plus large, ils estiment que la pérennité des métiers de l’automobile passe par la capacité à assurer d’autres services. C’est pourquoi, le groupe s’est lancé dans l’accompagnement de nouvelles activités, au travers de la vente de vélos à assistance électrique, du soutien au véhicule électrique (les véhicules de courtoisie mis à disposition peuvent être des véhicules électriques), ou encore du soutien à l’innovation dans les secteurs de l’économie collaborative ou du véhicule connecté. Son fonds de développement, via-ID, soutient ainsi plusieurs start-ups, dont Heetch, start-up créée en septembre 2013, spécialisée dans le partage de trajets urbains et nocturnes entre particuliers, ou Eliocity, qui développe des applications pour véhicules connectés. Mobivia travaille également sur la complémentarité des missions et la transversalité des compétences, au travers de sa collaboration avec la FEDA et de sa participation
– récente – au CNPA.
1. Une nécessaire mutation stratégique de la filière automobile
a. Adapter les instances stratégiques
La question de la mobilité est devenue stratégique pour la filière automobile, et elle ne fait pourtant l’objet d’aucun groupe de travail dédié au sein du comité stratégique de filière (418).
Il importe donc, plutôt que de créer une nouvelle instance, d’intégrer les services de mobilité au sein du comité stratégique de filière. Il rassemblerait les professions de l’amont et de l’aval, éventuellement représentées par le CNPA. Il associerait aussi tous les acteurs n’appartenant pas, au sens strict, à la filière automobile, mais pouvant être appelés à y jouer un rôle croissant, en particulier les acteurs du numérique, dont les champions français (Blablacar…). Il s’agirait, ainsi que l’indique le CNPA dans son Pacte de mobilité, de « passer d’une logique verticale à une logique transversale et circulaire ».
Le comité stratégique aurait alors vocation à renforcer la coordination et la coopération de l’ensemble des acteurs de la filière ou ayant une influence sur celle-ci, ainsi que les parties prenantes à la mutation de la mobilité et des services associés. Il pourrait abriter un « observatoire des mobilités », fondé sur les données collectées par les plateformes de l’autopartage sous toutes ses formes, afin de suivre les évolutions des besoins et des appétences de mobilité des Français, et ainsi garantir une offre de services toujours pertinente.
Proposition n° 49 : Intégrer les services de mobilité au sein du comité stratégique de filière (CSF), en particulier la filière aval et les parties prenantes extérieures au secteur automobile.
a. Renforcer le rôle de la PFA en matière de mobilité
Il est crucial que la plateforme de la filière (PFA), qui s’est récemment renommée plateforme de la filière « automobile et mobilités », accompagne les acteurs dans cette évolution industrielle et sociétale majeure d’une nouvelle offre de mobilité.
Il est pour cela indispensable qu’elle structure ou aide à se structurer une offre de services et encourage l’adaptation des produits par les industriels. Sans accompagnement, sans visibilité donnée par la structure, sans appels à projets dédiés, la filière peinera à s’adapter à un rythme suffisant pour rester compétitive.
Aujourd’hui, parmi les quatre principaux programmes actuels de la PFA – véhicule autonome, FORCE, VALDRIV PLM, et véhicule 2L/100km – aucun ne traite de la question de la mobilité. La dernière prise de position de la PFA sur le sujet est date de 2013 !
Aux côtés des quatre programmes structurants, 3 axes prioritaires ont été définis dont, une fois encore, aucun ne concerne directement la mobilité. Ces axes sont : la baisse de consommation et des émissions ; la conduite de plus en plus automatisée ; la connectivité des produits. Ces axes sont eux-mêmes déclinés en sept thèmes et en actions (cf. schéma ci-dessous), dont aucun n’évoque la question de la mobilité et des services.
Votre Rapporteure propose de créer, au sein de la PFA, un programme dédié aux services de mobilité, destiné à accompagner la mutation de la filière automobile en ce domaine.
Proposition n° 50 : Créer, au sein de la Plateforme de la filière automobile (PFA), un programme dédié aux services de mobilité.
Par ailleurs, il importe de faire entrer le CNPA dans la plateforme de la filière automobile et mobilité (PFA). À l’heure actuelle, les professions aval de la filière automobile n’y sont pas représentées, faute d’accord sur les sujets de travail entre amont et aval et de réelle implication des acteurs. L’aval joue un rôle stratégique et croissant, eu égard au nouveau rôle que prennent les « services de mobilité ». Il doit être associé aux discussions et projets menés par la PFA, pour assurer leur bonne conception en réponse aux enjeux identifiés, et leur bon déploiement sur l’ensemble du territoire et, partant, leur succès.
Proposition n° 51 : Intégrer le Conseil National des Professions de l’Automobile (CNPA) à la Plateforme de la filière automobile et mobilités (PFA).
1. Encourager l’économie collaborative
Ainsi que l’indique le CNPA dans son Pacte de mobilité présenté en 2016, « l’État doit accentuer son rôle de facilitateur ».
L’État doit, pour cela, s’appuyer sur les acteurs de la filière automobile, en particulier sur les acteurs aval de la vente et de l’après-vente. Selon le CNPA, « les réseaux des professionnels de la distribution et des services de l’automobile sont à même d’apporter des contributions décisives aux nouveaux besoins et usages. Leur maillage territorial, leur appétit entrepreneurial et leur implication dans la vie politique et économique locale constituent autant d’atouts pour explorer et développer de nouveaux paradigmes. Leurs approches pragmatiques au contact et au service des usagers peut se révéler plus efficace que la vision « top down » prévalant trop souvent dans l’approche nationale des questions de mobilité et de solidarité ».
a. Un appui financier pour permettre à des services de mobilité d’émerger
L’appel à projets en cours du programmes d’investissements d’avenir (PIA) « Véhicule et mobilité du futur », ouvert jusqu’au 1er octobre 2016, comporte un axe relatif à « l’expérimentation d’usages et services innovants de mobilité des personnes comme des biens ». Les projets visés portent sur les nouvelles pratiques de la mobilité et la production de nouvelles offres notamment sous forme de services ainsi que sur l’exploration de nouvelles organisations et nouveaux modèles d’affaires. Peuvent notamment être candidats :
– les développements de nouvelles formes ou de nouveaux usages de mobilité (personnes et/ou biens) fondées sur des services utilisant les technologies de l’informatique et des communications ;
– les innovations permettant d’améliorer la performance de la logistique dès lors qu’elles sont en lien ou en interface avec les véhicules routiers : gestion mutualisée ou collaborative du dernier kilomètre ; système logistique du futur basé par exemple sur le modèle de l’internet physique ou sur des dispositifs du type « marchandise intelligente » ;
– les innovations portant sur le transport mixte passagers / marchandises en lien ou en interface avec les véhicules routiers.
Le PIA permet de financer jusqu’à 70 % de l’activité de recherche et 55 % de l’activité de développement expérimentale (taux modulables en fonction de la taille de l’entreprise), pour des projets dont les coûts totaux sont supérieurs à 3 millions d’euros pour les grandes entreprises, à 1,5 million d’euros pour les moyennes entreprises, et à 750 000 euros pour les petites entreprises.
De façon plus large, les programmes d’investissements d’avenir peuvent apporter un soutien au développement de ces nouvelles activités et un appui pour aider les constructeurs à faire face à l’arrivée du numérique. L’État, au travers de subventions appropriées, doit permettre de développer et de tester des services de mobilité innovants, d’engager des tests opérationnels, avant éventuellement d’accompagner un déploiement à plus grande échelle.
b. Un appui matériel, pour inciter au passage à l’économie de la fonctionnalité
Des incitations seront nécessaires pour garantir le passage de l’économie de la possession à l’économie d’usage, ou pour valoriser ces comportements.
Votre Rapporteure émet plusieurs propositions :
– valoriser l’utilisation rationnelle des véhicules, en garantissant des avantages, ou des facilités, à leurs conducteurs. Les aires de covoiturage doivent être multipliées et un tarif préférentiel de péage pourrait être appliqué aux véhicules utilisés en covoiturage. Une concertation avec les collectivités territoriales doit être envisagée sur ce point ;
– développer l’autopartage, en centres urbains, mais aussi dans les zones périurbaines peu desservies par les transports en commun. Il ne peut s’agir d’une solution réservée à certaines métropoles ;
– généraliser et simplifier l’accès aux données publiques, en associant les collectivités territoriales, telles que les places de stationnement disponibles dans les emplacements municipaux, les tarifs des stations-service les plus proches, l’état du trafic routier, pour favoriser l’utilisation optimale des ressources. La loi pour une République numérique va en ce sens.
Proposition n° 52 : Valoriser l’utilisation rationnelle des véhicules, en garantissant des avantages, ou des facilités, à leurs conducteurs : places de stationnement réservées aux covoitureurs ; tarifs préférentiels de péage…
Proposition n° 53 : Multiplier les systèmes d’autopartage, en centres urbains et en zones périurbaines peu desservies par les transports en commun.
Proposition n° 54 : Généraliser et simplifier l’accès aux données publiques telles que les places de stationnement disponibles dans les emplacements municipaux, les tarifs des stations-service les plus proches, l’état du trafic routier, en associant les collectivités territoriales, pour favoriser l’utilisation optimale des ressources.
Toutefois, selon le CNPA, « certains professionnels déguisés, sous statut de simple particulier, profitent des espaces de liberté d’Internet, investissent ces nouveaux canaux et les détournent de leur utilité première. Ce que certains considèrent comme une économie de partage devient une économie souterraine, organisant une forme d’évasion sociale et fiscale. La diversité des situations rend leur contrôle difficile, mais leur développement doit être encadré, en définissant des curseurs par activité ». Ainsi, 5 % des utilisateurs de plateformes de location de véhicules entre particuliers feraient un usage professionnel de ces services, en proposant plusieurs véhicules à la location en même temps, et en réalisant des revenus mensuels élevés.
Votre Rapporteure propose en conséquence, pour permettre le développement de ces nouvelles formes de mobilité de façon complémentaire, et non concurrente, à l’offre des professionnels :
– de définir un seuil de revenus au-delà duquel l’activité est imposable : ce seuil, en première approche, pourrait être établi autour de 2 500 €, correspondant en moyenne à 90 jours de location-partage d’un véhicule ;
– de spécifier qu’il n’est pas autorisé, pour un particulier, de proposer plus de deux véhicules à la location simultanément, cette activité devant être réservée aux loueurs professionnels.
Proposition n° 55 : Rendre la location de véhicule entre particuliers imposable seulement au-delà de 2 500 euros de revenus annuels.
Proposition n° 56 : Limiter à deux le nombre de véhicules pouvant être proposés simultanément à la location par un même particulier.
A. UNE RÉVOLUTION À PROLONGER HORS DE LA FILIÈRE AUTOMOBILE
1. Les entreprises du secteur routier : améliorer la logistique du dernier kilomètre
Le transport de marchandises représente encore des nuisances importantes, sur le plan environnemental comme sur le plan sonore, en particulier dans les centres urbains, où la densité de population est importante. Or, selon Éric Poyeton, directeur général de la plateforme de la filière automobile et mobilité, « 53 % des émissions issues du transport de marchandises résultent de la congestion ». C’est pourquoi, la « logistique du dernier kilomètre » revêt une importance particulière, dans le B to C (Business to Consumers – « des entreprises aux particuliers »), comme dans le B to B (Business to Business – « des entreprises aux entreprises »).
En 2010, le plan particules prévoyait des mesures pour atteindre une baisse des particules (PM 2,5) de 30 % à horizon 2015. Il recommandait notamment d’« analyser l’impact sur la qualité de l’air de l’évolution de l’approvisionnement des commerces en ville par l’évolution des modes de livraisons de marchandises et des horaires de livraison ». Le plan constatait que « le sujet est mal appréhendé par de nombreux acteurs locaux, complexe car il se situe dans un secteur très concurrentiel », mais que « la logistique possède de multiples gisements de valeur et s’avère stratégique pour lutter contre le changement climatique ».
En 2013, le plan d’urgence pour la qualité de l’air définissait lui aussi comme priorité le fait de « favoriser le développement de toutes les formes de transport et de mobilité propres par des mesures incitatives », avec pour objectif de développer l’usage de modes alternatifs et de véhicules moins polluants pour la logistique et les livraisons de courte distance à l’intérieur des villes. Plusieurs mesures y figuraient, dont :
– Mesure n° 5 : Donner aux autorités organisatrices de la mobilité durable (AOMD) une compétence sur le transport de marchandises dans les centres urbains et sur la logistique urbaine.
– Mesure n° 6 : Harmoniser les réglementations municipales afférentes au transport de marchandises au sein d’une même agglomération, pour optimiser réellement les tournées de livraison par les entreprises de transport.
– Mesure n° 7 : Promouvoir des facilités d’accès aux véhicules de marchandises propres, en s’appuyant le cas échéant sur une identification particulière et sur une charte d’engagements volontaires, dont le cadre pourrait être proposé par le Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie.
– Mesure n° 8 : Accompagner, dans le cadre des programmes Écocités / Villes durables du Programme d’Investissements d’Avenir, des plateformes logistiques aux abords des agglomérations pour permettre le transfert de marchandises, des hôtels logistiques, des espaces logistiques urbains.
Si les mesures 5 et 7 sont mises en œuvre ou en voie de l’être – la première ayant été intégrée à la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, la seconde devant être traitée par le système des certificats qualité de l’air – les autres mesures envisagées peuvent être renouvelées. En effet, la loi de transition énergétique, dans son article 35, n’apporte qu’une réponse partielle, car trop peu normative, à l’enjeu posé par la logistique du dernier kilomètre : d’application directe, cet article dispose simplement qu’« afin de réduire les impacts environnementaux de l’approvisionnement des villes en marchandises, des expérimentations sont soutenues et valorisées pour créer des espaces logistiques et pour favoriser l’utilisation du transport ferroviaire ou guidé, du transport fluvial et des véhicules routiers non polluants pour le transport des marchandises jusqu’au lieu de la livraison finale », sans indiquer les moyens alloués à ce soutien.
Les réglementations municipales relatives au transport de marchandises en milieu urbain ont, il est vrai, fait l’objet de la publication de fiches méthodologiques par le CEREMA (centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) entre septembre 2012 et septembre 2014 (relatives à l’aménagement des aires de stationnement, au plan de déplacement urbain…). Pour autant, les réglementations locales ne sont pas encore harmonisées, loin s’en faut, y compris au sein d’une même agglomération : sans coordination, il est difficile à une entreprise de transport d’optimiser ses déplacements et de limiter ses temps d’attente et de stationnement. Il est donc nécessaire de mettre en cohérence les horaires de livraison et de développer une utilisation plus rationnelle des espaces dédiés au sein d’une même agglomération.
Proposition n° 57 : Pour la logistique du dernier kilomètre, poursuivre la coordination des réglementations municipales relatives au transport de marchandises, en particulier en matière d’horaires et de stationnement, de manière à optimiser les tournées de livraisons des entreprises de transport au sein d’une même agglomération.
2. L’extension des plans mobilité à l’ensemble des entreprises
Par ailleurs, les entreprises de tous secteurs ont elles aussi un rôle à jouer. Les employeurs peuvent déjà, s’ils le souhaitent, mettre en œuvre des plans de déplacements entreprise (PDE) (419), pour inciter leurs collaborateurs à l’utilisation de modes de déplacements alternatifs à la voiture individuelle, qu’il s’agisse des trajets domicile-travail ou des déplacements professionnels des collaborateurs, des clients et des partenaires. Comme l’indique l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), ces PDE peuvent contenir plusieurs types de mesures, telles que :
– la garantie du retour à domicile en cas de circonstances exceptionnelles pour les salariés qui ne se rendent pas au travail en voiture individuelle (420);
– la mise en place d’un service d’autopartage, permettant de mieux gérer les déplacements professionnels ;
– l’incitation au covoiturage par le développement de plateformes de mise en relation internes à l’entreprise, l’instauration de places de stationnement réservées aux « covoitureurs », ou la création d’un service de dépannage en cas d’indisponibilité exceptionnelle d’un conducteur.
Ces plans sont soutenus par les pouvoirs publics et des opérateurs de l’État, notamment, sur le plan logistique et organisationnel, par les Chambres de commerce et d’industrie et les directions régionales de l’ADEME. L’État a, par ailleurs, décidé d’encourager financièrement ces initiatives : les aides envisagées ont été notifiées à la Commission européenne et sont en cours d’approbation. Elles seraient attribuées en priorité aux établissements de plus de 300 salariés.
Le 1er janvier 2018, toutes les entreprises de plus de 100 salariés sur un même site et situées dans le périmètre d’un Plan de Déplacements Urbains auront pour obligation d’élaborer un plan de déplacements, renommé « plan de mobilité entreprise », par effet de l’article 51 de la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Ce plan devra être transmis à l’autorité organisatrice du plan de déplacements urbains, faute de quoi l’entreprise ne pourra pas bénéficier du soutien technique et financier de l’ADEME. La loi de transition énergétique précise que le plan de mobilité vise à encourager, notamment, le recours au covoiturage et à l’autopartage.
Dès lors, votre Rapporteure propose :
– avant le 1er janvier 2018, de renforcer auprès des entreprises la communication au sujet des plans de déplacements entreprise – car ils sont le plus souvent trop méconnus – mais aussi d’accroître le soutien public ou para-public, financier comme organisationnel, dont ils font l’objet. Les avantages économiques, écologiques et sociaux qu’ils procurent justifient ce soutien ;
– à compter du 1er janvier 2018, de veiller à la bonne application de l’article 51 de la loi de transition énergétique pour la croissance verte.
Proposition n° 58 : Avant le 1er janvier 2018, renforcer auprès des entreprises la communication au sujet des plans de déplacements entreprise et accroître le soutien public ou para-public, financier comme organisationnel, dont ils font l’objet.
Proposition n° 59 : À compter du 1er janvier 2018, veiller à la bonne application de l’article 51 de la loi de transition énergétique qui généralise l’obligation d’un « plan de mobilité d’entreprise » pour certaines entreprises.
I. OBJECTIF VÉHICULE ZÉRO ÉMISSION
Les véhicules zéro émission circulent déjà. La voiture électrique arrive enfin à maturité avec des ventes qui progressent significativement en France. L’hydrogène commence à émerger dans plusieurs pays comme une solution de mobilité prometteuse pour l’avenir. Le bioGNV représente déjà une technologie mature pour les poids lourds. Les solutions de la mobilité propre sont à portée de main pour les nations qui s’engagent.
Pour la France, l’enjeu n’est donc plus tellement celui de la réduction de la part du diesel par rapport à l’essence, mais bien la sortie des énergies fossiles pour protéger le climat et la santé. D’importants efforts de R&D (421) restent à accomplir pour progresser sur les technologies et leurs commodités d’usage, et surtout pour réduire les coûts et faire du véhicule zéro émission une automobile de masse.
Lever les derniers obstacles suppose un engagement sans faille des pouvoirs publics, en particulier pour répondre aux besoins en infrastructures. Il manque encore une planification d’ensemble et une stabilité des aides qui varient trop souvent d’une année à l’autre.
Enfin et surtout, l’objectif du véhicule zéro émission doit, pour la France, constituer une politique industrielle, faute de quoi les retombées économiques des soutiens publics accordés ne bénéficieraient pas aux usines et aux salariés de la filière automobile française.
A. LA NÉCESSITÉ D’UNE PLANIFICATION AGILE
1. Un objectif clair : le véhicule zéro émission et la sortie des énergies fossiles
« Victoire ! Tout reste à faire » (422) s’était exclamé M. Jean-Marc Jancovici, fondateur associé de Carbone 4, après l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat à l’issue de la COP21 le 12 décembre 2015.
L’avenir de l’industrie automobile doit désormais s’envisager dans une perspective compatible avec l’objectif d’un réchauffement climatique maintenu en dessous de 2° d’ici 2100, et dans une perspective clairement tracée
énergie-climat-santé.
a. Appliquer à l’automobile l’Accord de Paris de la COP21
● Le secteur des transports représente 30 % des émissions de gaz à effet de serre. La voiture constitue 83 % du volume des transports individuels. Comme M. Alain Grandjean, économiste, président du comité des experts du débat national sur la transition énergétique (423), l’a souligné, « cette part est remarquablement stable depuis vingt-cinq ans. Il ne faut pas s’attendre à ce que les choses puissent changer très vite, ni à ce que la répartition modale évolue rapidement. »
Pour le co-fondateur de Carbone 4 « il sera impossible de faire baisser les émissions de gaz à effet de serre sans faire baisser la consommation d’énergie ». Selon lui, à partir des différentes variables (424), il existe quatre scenarii compatibles avec une limitation du réchauffement climatique à 2°: soit décarboner par l’électricité ; soit miser sur une forte sobriété énergétique et une efficacité accrue ; soit deux hypothèses intermédiaires, l’une prévoyant une diversité plus forte des moyens technologiques.
● Force est de constater qu’il n’existe pas à ce jour un scénario de référence, de moyen et long terme, ni même plusieurs, autour duquel s’accorderaient les pouvoirs publics comme l’industrie automobile.
Les bases de cette vision partagée existent. La filière automobile est engagée dans de nombreux programmes tels le « véhicule du futur » ou les « solutions de la mobilité écologique », et travaillent d’arrache pied sur les différents leviers de la réduction de la consommation d’énergie fossile par les véhicules.
Ces efforts communs ne doivent pas cacher des visions de long terme fortement divergentes. En effet, selon le CCFA, le véhicule totalement électrique ne représentera encore que 6 % des ventes annuelles à l’horizon 2030. Selon ses scenarii, l’industrie automobile considère encore que les énergies fossiles représenteront toujours une part très largement prépondérante des motorisations, même à l’horizon 2040-2050. Ces visions, certainement pragmatiques, ne sont pas compatibles avec l’Accord de Paris sur le climat et sont sans doute considérées comme caduques par la filière elle-même au regard des accélérations en cours.
● Le challenge fixé par les pouvoirs publics à la filière depuis 2012 est l’horizon du véhicule 2 litres aux 100 km, considéré comme le « véhicule du futur ». Cet objectif était pertinent en raison de son rôle de pivot par rapport à toutes les briques technologiques nécessaires pour réduire la consommation des véhicules (allègement du poids, recours aux composites, hybridation etc). Comme l’a souligné Jean-Marc Jancovici devant la mission (425) « La mesure urgente à prendre est de diminuer la consommation unitaire des véhicules. Cela signifie, vu les impondérables des sciences physiques, que leur volume et leur masse doivent baisser. (…) Il faut aller vers des voitures de 500 kg, atteignant au plus 110 ou 120 kilomètres à l’heure en pointe, pour un moteur de 30 chevaux. Car de telles voitures consomment sans difficulté seulement deux litres aux cent. En tout état de cause, il faut aller le plus vite possible vers des véhicules ne consommant que deux litres aux cent. »
Toutefois, votre Rapporteure partage le point de vue de Didier Houssin, Président de l’IFPEN (426), selon lequel l’horizon technologique fixé par l’État est désormais trop proche et manque d’ambition. Selon lui, une nouvelle étape, avec un objectif de 1L/100 km à dix ans, serait plus à même d’être un levier pour des innovations de rupture.
Quoi qu’il en soit, une vision stratégique de long terme partagée fait défaut aujourd’hui. L’objectif central doit être celui du véhicule zéro émission. C’est une nécessité écologique, mais aussi économique pour sortir de la dépendance aux importations d’énergie fossile.
Les constructeurs et l’ensemble de la filière doivent faire des choix. Ils ont besoin d’un certain degré de « planification agile », c’est-à-dire d’une vision de long terme claire, intégrant les souplesses nécessaires pour faire face aux évolutions très rapides des technologies. Comme l’a souligné Jean-Marc Jancovici devant la mission « Ce dont nous avons besoin, ce sont des décideurs politiques qui s’expriment sur un horizon de vingt ans. L’État doit redevenir un acteur crédible dans sa capacité à définir des cadres de moyen et long terme qui créent une confiance partagée avec les acteurs qu’il a en face de lui. Tel doit être le sujet majeur de préoccupation pour le monde politique. »
● L’industrie automobile française est dans l’attente de cette vision de long terme partagée.
PSA a présenté un plan stratégique à l’horizon de six ans. Renault présentera le sien début 2017. Ces plans stratégiques à court terme sous-tendent des visions à plus long terme qui ne sont pas complètement explicites.
D’autres constructeurs, expriment des orientations fortes sur un horizon de temps plus long en particulier Toyota, qui dispose certes de capacités financières en R&D sans comparaison. M. Koeatsu Aoki, président de Toyota Motor Manufacturing France (427) a présenté à votre Rapporteure le « Toyota Environnemental Challenge 2050 », nouvelle stratégie environnementale pour les 35 ans à venir, élaborée à l’occasion de la COP21. Le constructeur se fixe pour objectif une réduction de 90 % des émissions de CO2 des véhicules neufs en 2050 et veut tendre vers le zéro émission sur le cycle de vie de l’automobile. Pour aboutir à « l’éco-voiture ultime », plusieurs étapes sont prévues, dont la commercialisation de 30 000 véhicules à pile à combustible hydrogène et de 1,5 million d’hybrides par an d’ici 2020. Le groupe veut « encourager l’avènement d’une société de l’hydrogène ».
Interrogé par votre Rapporteure sur ce contraste, M. Carlos Tavares, Président du directoire du Groupe PSA (428) a exprimé ses attentes : « Vous m’avez demandé si « Push to Pass » regardait suffisamment loin. Vous avez raison car c’est fondamental. Il est exact que nous avons limité notre plan à six ans, soit un peu plus que la durée actuelle des plans des grandes entreprises, qui durent entre trois et cinq ans. Il est exact aussi que la question à laquelle nous ne pouvons pas répondre, et à laquelle nous ne pouvons répondre qu’en travaillant ensemble, c’est celle de la place des objets de mobilité dans la société. (…) Pour que nous soyons un apporteur de solutions, il faut que l’on puisse visualiser ensemble, dans une perspective d’aménagement du territoire, comment nous voyons la place des objets de mobilité dans la société, dans les milieux urbains, dans les milieux non urbains, dans les milieux périurbains, et comment nous voyons la coexistence des objets de mobilité avec d’autres formes de transport. Mais il faut reconnaître que les constructeurs automobiles, qui peuvent avoir des idées et qui emploient des gens très talentueux, n’ont pas de visibilité au-delà du moyen terme. Cela étant, je tiens à faire état de la disponibilité du groupe PSA pour réfléchir avec les autorités et les administrations (…). Il y a là matière à un travail constructif et prospectif de qualité qui, à coup sûr, nous emmènera au-delà de la perspective de 2021 ».
Proposition n° 60 : Établir, dans le cadre de l’alliance écologie-automobile, un scenario de référence, partagé par l’État et la filière, traduisant l’application de l’Accord de Paris de la COP21 à l’industrie automobile française et comportant une vision de long terme (2050), et des étapes intermédiaires (2025-2030).
b. La mobilité, parent pauvre de la transition énergétique en France comme en Europe
● En France, dès le Débat national sur la transition énergétique lancé en 2012, la mobilité n’a pas été au cœur des échanges entre parties prenantes, l’essentiel des discussions étant accaparé par les scénarii relatifs à l’évolution de la consommation énergétique et surtout à l’avenir du parc nucléaire. De ce fait, la planification attendue en matière de transports collectifs comme individuels n’est pas au rendez-vous.
Prévue par l’article 176 de la loi de transition énergétique pour être « fixée par décret », la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) se fait attendre : un texte modifié a été ouvert à consultation le 15 septembre 2016, alors que la PPE aurait dû s’appliquer bien plus tôt. Certes, ce n’est pas le volet sur la mobilité propre qui, à titre principal, explique ce retard.
La PPE couvre les périodes 2016-2018 et 2019-2023, elle devra être révisée en 2018 puis tous les cinq ans. L’annexe consacrée à la « stratégie de mobilité propre » se caractérise par un ensemble de mesures très diverses, qui vont du covoiturage aux interdictions de circulation en milieu urbain, en passant par la fiscalité des entreprises applicable aux achats de flottes de vélos, ou les certificats de qualité de l’air. L’objectif de la PPE est de parvenir à 2,5 millions de véhicules hybrides rechargeables et 1,9 million de véhicules électriques en 2030 et, à cette même date, une part de 15 % de carburants renouvelables. Le levier essentiel est la généralisation des points de recharge. S’y ajoute la baisse de la fiscalité de l’essence SP E 10 – au titre des actions engagées.
Le 9 septembre 2016, le conseil national de la transition énergétique avait rendu un avis assez sévère sur la version antérieure de la PPE, souhaitant notamment que la convergence fiscale essence-diesel soit accélérée, que des mesures sur les ménages précaires soient ajoutées, qu’une meilleure planification soit faite au sujet de l’objectif de la généralisation du 2L/100 kilomètres, que des objectifs plus ambitieux soient dressés pour les poids lourds et en matière de développement du GNV.
Dans son avis (429), l’Autorité environnementale avait estimé que « l’ensemble des mesures semble refléter une collection de propositions des parties prenantes sans réelle analyse de l’ensemble, des effets d’aubaine éventuellement induits, de l’état de maturité des avancées scientifiques et technologiques et de leur performance, ni de réelle réflexion sur les objectifs et mesures présentés ».
« Un élément majeur de cette stratégie est le véhicule à 2 l/100 km (…). L’AE souligne que les véhicules actuellement sur le marché résultent déjà d’améliorations et d’optimisations techniques, du fait d’incitations fortes des réglementations relatives aux pollutions de l’air. La possibilité d’améliorer encore leur consommation d’un facteur trois environ, sans remettre en cause certaines de leurs caractéristiques, mériterait à tout le moins d’être argumentée. L’AE recommande de formuler précisément l’objectif en vue duquel est conçu le plan de développement du véhicule 2 l/100 km, d’expliciter les améliorations techniques à mettre en oeuvre, et de quantifier la contribution vraisemblable de chacune à l’atteinte de l’objectif. L’AE recommande en outre de conduire une réelle réflexion sur le niveau de service (taille des véhicules, vitesse, etc.) à viser pour pouvoir raisonnablement espérer. »
La mobilité reste, en dépit de mesures significatives comme la prime à la conversion ou encore le déploiement des bornes de recharge électrique, le parent pauvre de la transition énergétique. Il apparaît souhaitable que le document final intègre une véritable programmation chiffrée de progression du parc de véhicules électriques et un objectif portant sur les aides au renouvellement du parc, notamment sur la question du bonus-malus et que le document intègre des éléments portant sur la planification de la recherche.
● L’Europe n’a pas davantage défini une vision de long terme pour l’industrie automobile. Lors des déplacements à Bruxelles, votre Rapporteure a été frappée par la faiblesse des outils en la matière. Le forum GEAR 2030 (Global European Automotive Roadmap – Feuille de route globale pour l’automobile), groupe de travail de haut niveau réunissant les acteurs clés de l’industrie automobile et les décideurs européens, a été mis en place récemment. Son objectif est de produire des recommandations pour faire face aux défis du secteur automobile à l’horizon 2030. Un rapport final devrait être remis à la Commission d’ici 2017. Il succède à CARS 21, lancé en 2005 et qui a consacré une partie de ses travaux à l’harmonisation du cadre de réglementation au niveau de l’ONU-CEE ainsi qu’à la législation relative à la réglementation des émissions de CO2, et à CARS 2020, lancé en 2012 qui devait produire des recommandations afin de renforcer la compétitivité du secteur automobile à l’horizon 2020. À ce jour, l’Europe ne dispose pas d’une vision partagée sur le secteur à l’horizon de 10 ou 15 ans. Les discussions sur l’objectif de réduction des émissions de CO2 à l’horizon 2030 n’ont pas véritablement commencé. De façon générale, la politique industrielle ne semble pas une préoccupation forte pour l’actuelle Commission.
● Un exemple de planification d’ensemble peut être donné par la Californie qui a mis en place un programme au terme duquel les constructeurs doivent s’engager à mettre sur le marché un certain quota de véhicules propres
– c’est-à-dire de véhicules électriques à batterie ou à hydrogène.
Le programme « Véhicule Zéro Émission » en Californie
Afin de réduire la pollution de l’air, l’État de Californie a défini une politique ambitieuse qui vise à réduire drastiquement les émissions polluantes, dans le cadre du programme « Véhicule à zéro émission » (ZEV program). Deux réglementations de l’Agence de protection de l’environnement de Californie (CARB) fixent les obligations auxquelles sont soumis les constructeurs d’automobiles : une réglementation s’appliquant aux nouveaux véhicules mis en vente entre 2009 et 2017 « ZEV Emission Standard regulation », et une réglementation pour les nouveaux véhicules qui seront mis en vente à partir de 2018 jusqu’en 2025 « The Advanced Clean Cars Program ». L’hydrogène est expressément considéré comme un carburant zéro émission dans le cadre des deux réglementations. Par ce programme, la Californie poursuit un double objectif environnemental et économique : améliorer la qualité de l’air mais aussi implanter l’intégralité de la chaîne de production de véhicules « propres » sur son territoire.
La Réglementation pour les véhicules mis en vente entre 2009 et 2017
La réglementation « ZEV Emission Standard » oblige les constructeurs automobile souhaitant mettre en vente des véhicules à ce qu’une partie de ces véhicules soit des véhicules zéro emission, qu’ils s’agissent de voitures particulières, de véhicules utilitaires ou de camionnettes et fourgons. Chaque catégorie de véhicules permet d’obtenir un certain nombre de crédits : plus le véhicule est vertueux, plus il donne droit à des crédits avec un effet multiplicateur pour les véhicules zéro émission important. Les véhicules électriques à hydrogène sont classés dans la catégorie recevant le plus de crédits.
Les constructeurs soumis à la réglementation doivent donc atteindre un certain nombre de « ZEV credits », en proportion de leurs ventes en Californie. Un constructeur qui ne parvient pas à atteindre son quota de crédits ZEV peut en acheter auprès d’un autre constructeur qui en disposerait en surplus ou encore directement auprès de la CARB.
En parallèle, a donc été mis en place un marché de crédits, permettant aux constructeurs d’atteindre les objectifs de véhicules propres dans leur volume de vente. Un système de pénalités est prévu si les constructeurs ne remplissent pas les objectifs qui leur ont été assignés : dans un premier temps, le constructeur dispose de deux années supplémentaires pour remplir ses objectifs, si à cette échéance, le constructeur ne remplit toujours pas ses objectifs, les pénalités financières s’élèvent à 5 000 dollars par véhicule non produit.
Réglementation pour les véhicules mis en vente entre 2018 et 2025
Il n’existera plus que deux sortes de véhicules dépollués : les ZEVs et les TZEVs (qui devront démontrer qu’ils émettent 90 % d’émissions en moins qu’un véhicule à moteur classique et qu’ils respectent les normes d’émission par évaporation).
Le parc automobile californien comprenait, dès 2012, près de 3 millions de véhicules à faibles ou très faibles émissions, majoritairement des véhicules aux moteurs parmi les moins polluants (PZEV) au nombre de 2,7 millions mais également des véhicules à hydrogène avec pile à combustible (500) et des voitures électriques (17 000).
Sur le long terme, la Californie prévoit 1,5 million de ZEV sur son territoire d’ici 2025 pour que les émissions de gaz à effet de serre produites par les véhicules soient, en 2050, inférieures de 80 % par rapport au niveau d’émission de 1990. En février 2013, le « ZEV Action Plan » a été publié détaillant les actions à engager pour atteindre cet objectif :
– la construction d’une infrastructure routière adaptée avec un réseau de stations de rechargement pour véhicules électriques et à hydrogène (dont 68 stations de distribution d’H2 au minimum pour le lancement des véhicules électriques à hydrogène entre 2015 et 2017) ;
– une transformation progressive de la flotte de véhicules en Californie (objectif : 25 % de véhicules « propres » d’ici 2020) ;
– une augmentation des investissements et du nombre des emplois dans le secteur privé, permettant d’implanter toute la chaîne de production des véhicules de nouvelle génération en Californie.
1. Assumer une stratégie d’électrification de l’automobile
« La volonté politique de décarboner la société, notamment les transports, à l’horizon 2050, nécessitera une électrification générale des transports par le recours à deux solutions non pas opposées, mais complémentaires, à savoir la batterie pour les transports urbains et l’hydrogène pour les trajets sur une plus longue distance. » (430)
Votre Rapporteure partage ce point de vue, ainsi que celui de M. Cuénot, responsable de l’ONG T&E (431) pour qui « La voiture électrique représente à mon sens le meilleur moyen d’atteindre la mobilité zéro carbone. (…) Il n’est pas facile de faire un choix en matière technologique : T&E a fait celui de la mobilité électrique ».
a. La généralisation de différentes formes d’hybridation
Selon Yann Delabrière, président-directeur général de Faurecia (432) « les moteurs hybrides vont se développer de manière importante : nous envisageons qu’à l’horizon de 2025-2030, ils représenteront à peu près 40 % du total des motorisations. »
Les modèles hybrides représentent déjà 45 % des ventes en France de Toyota en 2015 (433). M. Koeatsu Aoki, président de Toyota Motor Manufacturing France (434), a justifié auprès de la mission l’engagement résolu du constructeur sur ce type de motorisation par le fait que « l’hybride est la technologie pivot pour toutes les sources d’énergie ».
Pour Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et développement de PSA, « l’ensemble constitué par les véhicules électriques et les plug-in hybrids représentera pour PSA, à l’horizon 2020-2025, environ 10 % des véhicules vendus, avec sans doute une prépondérance des véhicules hybrides, dans une proportion que je ne peux préciser. » (435)
Tous les constructeurs présents sur le marché français que votre Rapporteure a auditionné ont présenté, à des degrés divers, une stratégie de développement de l’hybridation.
Un véhicule hybride se définit par la quantité d’énergie électrique embarquée. On distingue :
– le micro-hybride, c’est-à-dire le stop & start ;
– le mild hybrid embarque 0,2 à 0,5 kWh ;
– le full hybrid embarque 1 kWh, ce qui offre 3 ou 4 kilomètres d’autonomie en mode zero emission vehicle (ZEV) et surtout un réservoir de puissance pour économiser du carburant ;
– le plug-in hybrid, c’est-à-dire l’hybride rechargeable qui embarque environ 10 kWh de batterie, soit dix fois plus que le full hybrid, et qui offre une autonomie de 50 à 60 kilomètres en mode ZEV.
Plus de 500 000 véhicules plug-in hybrid ont été vendus dans le monde en 2015. En France, plus de 5 000 véhicules de ce type ont été immatriculés l’année dernière et le marché est l’exclusivité des marques premium.
Si l’hybridation se généralise nettement, il convient d’être attentif à ce que son utilisation effective corresponde aux performances de cette technologie pour certains types d’usages, faute de quoi son bilan environnemental serait inexistant, voire moins performant qu’un véhicule thermique de la même catégorie.
Au sujet du plug-in hybrid, Gilles Le Borgne a ainsi souligné devant la mission que « cette technologie n’a de sens que si l’utilisateur recharge les batteries : à défaut, il est en mode de traction thermique, avec l’inconvénient d’embarquer 200 kg de batterie ! »
Pour Philippe Noubel, directeur général d’Arval (436), l’hybride « a l’inconvénient d’être très chère et de cumuler deux technologies, un moteur électrique et un moteur thermique. Chaque technologie est moins optimisée que s’il n’y en avait qu’une seule. Par ailleurs, le poids entraîne une consommation supplémentaire lorsque vous roulez avec le moteur thermique, ce qui fait qu’un véhicule hybride est moins efficace qu’un véhicule uniquement thermique. Le véhicule hybride est parfaitement adapté à un usage majoritairement urbain, mais complètement inadapté à un usage sur autoroute. »
b. La France, patrie de la voiture électrique
« Les véhicules électriques peuvent contribuer à atténuer la dépendance des transports routiers à l’égard du pétrole importé, contribuer à réduire la facture énergétique du pays, réduire les émissions de gaz à effet de serre, améliorer la qualité de l’air en ville, grâce à des émissions nulles à l’échappement, et réduire les nuisances sonores. » (437) L’ADEME a ainsi présenté, en avril 2016, quatre recommandations principales pour le développement du véhicule électrique :
– il doit être utilisé intensément en substitution du véhicule thermique ;
– être optimisé pour des usages spécifiques ;
– s’intégrer aux nouvelles offres de service de mobilité ;
– il peut également constituer un maillon dans la mise en œuvre de réseaux électriques intelligents.
● Les ventes en France décollent enfin, sous l’effet d’incitations financières et ce, malgré la baisse des prix des carburants. En 2015, 17 268 véhicules 100 % électriques ont été immatriculés en France. Cette tendance est confirmée en 2016. Néanmoins, le véhicule électrique reste encore très marginal dans le parc roulant. Il représente près de 1 % des ventes de véhicules neufs.
● En Europe, la Norvège a développé une politique volontariste de soutien au véhicule électrique. Le véhicule électrique est un pilier dans sa stratégie nationale de réduction des émissions de gaz à effet de serre, prévue à hauteur de 40 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990. M. Joseph Berreta, Président de l’AVERE (438), a exposé le « modèle norvégien » devant la mission : « En Norvège, le véhicule électrique représente plus de 17 % du marché, et ce pays poursuit ses aides à l’achat : ayant atteint l’enveloppe qu’il s’était fixée, il l’a multipliée par deux, si bien que le marché norvégien va probablement continuer à se développer au même rythme. Il serait idéal que le marché français atteigne un tel niveau, en incluant dans ce pourcentage les véhicules à batterie et hybrides rechargeable. Quant aux bonus, ils me paraissent nécessaires, dans cette phase de maturation du marché, pour garantir l’équation économique de la mobilité électrique, en attendant que le coût des composants de base baisse. »
Source : Avere
Deuxième sur le marché européen de l’électrique, la France a accédé au premier rang européen pour les ventes réalisées au premier semestre 2016 (+ 49 %), supplantant ainsi la Norvège dont le marché paraît connaître une crise de croissance qui a priori ne serait pas annonciatrice d’une saturation (– 12 %). Le choix des acheteurs norvégiens s’orienterait aussi vers des modèles hybrides rechargeables plutôt haut de gamme. D’un point de vue démographique et social, les marchés norvégien et français ont des traits fortement distincts : pays comptant 5 millions d’habitants mais au revenu per capita le plus élevé d’Europe, la Norvège est le plus important marché de Tesla hors des États-Unis.
● L’offre de Renault joue un rôle décisif dans l’augmentation des ventes en France. La Zoé représente 55 % des ventes de véhicules électriques. Ce modèle est produit à Flins et les moteurs sont assemblés à Cléon. Les équipes de Renault ont indiqué à votre Rapporteure qu’une part de plus en plus importante des ventes de Zoé se réalisait en LOA et surtout, fait nouveau, que les ventes aux particuliers sont désormais supérieures aux achats d’entreprises, qui jusqu’ici occupaient une part prépondérante. L’annonce par Renault du doublement de l’autonomie des batteries de la Zoé (400 km à l’homologation, 300 km en réel) devrait avoir un impact significatif sur les ventes. La Zoé est également la voiture électrique la plus vendue en Europe. Parfois moqué, Renault devrait enfin voir récompensés sa persévérance et son positionnement stratégique en faveur du véhicule électrique, même si les prévisions initiales de l’Alliance (1,5 million de véhicules vendus par an, l’électrique représentant 10 % du marché mondial en 2020) n’ont pas été réalisées. Le groupe va devoir élargir sa gamme électrique face à une concurrence qui affiche désormais des ambitions fortes sur cette technologie. Le groupe Volkswagen vient ainsi d’annoncer qu’il lancera 30 véhicules électriques d’ici à 2025 avec un objectif de production de
2 à 3 millions d’unités par an, soit 25 % des ventes globales et un investissement de plus de 10 milliards d’euros dans la mobilité électrique et les solutions de mobilité.
● PSA, avec jusqu’ici une offre limitée en coopération avec Mitsubishi, tente de rattraper son retard et prévoit désormais le lancement de quatre modèles sur les segments B et C en 2019. Un nouveau modèle, l’E-Mehari, conçue en coopération avec le groupe Bolloré, est d’ores et déjà proposé et produit à Rennes. L’offre à venir sera en partie produite à Trémery (chaînes de traction).
● Enfin, le groupe Bolloré occupe une place importante dans l’offre française électrique, à la fois avec la Bluecar et les services d’auto-partage (Autolib’) amenés à se développer au niveau mondial et par les investissements accomplis sur l’industrie des batteries lithium-métal-polymère (LPM).
Cependant, la France reste très loin des objectifs du plan Borloo de 2009 dont l’objectif était la mise en circulation de 2 millions de véhicules électriques d’ici à 2020, la création d’une filière de batteries françaises et l’investissement de plus de 1,5 milliard d’euros dans les infrastructures de recharge. Les ambitions affichées ne se sont pas concrétisées et il reste un certain nombre de freins à lever pour favoriser l’essor du véhicule électrique : durée d’autonomie des batteries, avantages à l’usage, infrastructures de recharge.
La controverse sur le bilan écologique de la voiture électrique
n’a pas lieu d’être en France
Une étude de l’ADEME a été instrumentalisée pour ouvrir une controverse sur l’intérêt écologique de la voiture électrique en France. Une tribune intitulée « Émissions de CO2 : l’impasse de la voiture électrique » (439) affirmait ainsi que « la voiture électrique n’est pas plus vertueuse pour le climat que la voiture thermique, essence ou diesel. »
Devant la mission, M. José Caire, directeur « Villes et territoires durables » de l’ADEME a contesté cette interprétation caricaturale : « Notre étude reposait sur une analyse comparative des cycles de vie de la voiture électrique et de la voiture traditionnelle à propulsion thermique. Publiée en novembre 2013 sur notre site, elle ne fait pas moins de 300 pages, car elle est bardée de toute la rigueur scientifique. (…) Dans la presse, la dominante des réactions était que l’ADEME n’aime pas les véhicules électriques. Nous sommes en fait plus nuancés et nous avons seulement pesé le pour et le contre. Mais il est vrai qu’il ne s’agissait pas du plaidoyer sans réserve auquel certains s’étaient attendus. Les études d’analyse du cycle de vie s’appuient sur des indicateurs normés qui permettent de mesurer les rejets de gaz à effet de serre, l’eutrophisation de l’eau, les émissions d’ozone, l’acidification de l’air ou les consommations de ressources… Sur cette base, nous avons analysé les avantages comparés en matière d’environnement, mais aussi de coût financier. À la construction, le véhicule électrique est cher et polluant. Au stade de l’usage, en revanche, il est peu polluant et peu cher. (…) Nous insistons donc beaucoup sur cette priorité d’usage et sur la solution « servicielle ». Car, s’il est partagé, le véhicule électrique roule beaucoup. Il a un intérêt environnemental indéniable. En matière de gaz à effet de serre, le véhicule électrique se compare au véhicule diesel. S’agissant de la qualité de l’air à proximité du véhicule, il est tout simplement imbattable. »
Pour M. Alain Grandjean, associé fondateur de Carbone 4, cabinet de conseil spécialisé dans la stratégie carbone (440), « du point de vue du gaz à effet de serre, le véhicule électrique paraît performant en France métropolitaine. Selon des études publiées par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), un véhicule électrique sera responsable de l’émission de neuf tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère pour un cycle de vie complet et une distance totale parcourue de 150 000 kilomètres, contre vingt-deux tonnes pour un véhicule classique. Si l’émission de gaz à effet de serre est plus forte pour un véhicule électrique au stade de la production, cela est donc compensé au stade de son usage, puisqu’il fait mieux que la voiture traditionnelle dès qu’il a parcouru 25 000 kilomètres. C’est cependant une affaire française, s’expliquant par le fait que notre mix électrique est bas carbone. Il en va de même en Norvège, où l’hydroélectricité prédomine. En revanche, l’analyse ne vaudrait pas en Chine ou en Allemagne, car l’électricité y est très fortement carbonée. Dans ces pays, l’usage de la voiture électrique ne serait pas très écologique. »
2. Ne pas négliger d’autres technologies : hydrogène et biogaz
a. Le potentiel de l’hydrogène
Le véhicule à hydrogène est un véhicule électrique ayant les mêmes propriétés qu’un véhicule à batterie, sa seule particularité étant de disposer d’une réserve d’énergie embarquée sous la forme d’un stockage d’hydrogène, destiné à alimenter une pile à combustible. En combinant l’hydrogène à l’oxygène, on provoque une réaction d’oxydation de l’hydrogène et une production d’électricité qui va servir à alimenter le moteur du véhicule. Dans la mesure où l’on effectue une opération exactement inverse à celle de l’électrolyse de l’eau, le seul résidu est de la vapeur d’eau : on ne produit aucun oxyde d’azote (NOx), aucun polluant, aucune particule fine. À la différence du véhicule électrique à batterie, l’autonomie est aujourd’hui de l’ordre de 500 à 600 kilomètres et l’utilisateur peut faire le plein d’hydrogène aussi simplement qu’il fait son plein d’essence aujourd’hui, en trois à cinq minutes.
● Historiquement, la filière automobile française n’a pas fait le choix de l’hydrogène. En 2012, une note de la PFA se positionnait contre les investissements de R&D dans ce domaine. À ce sujet, Éric Poyeton, directeur général de la PFA (441) , a précisé devant la mission « nous venons de faire évoluer notre position concernant l’hydrogène, en considérant qu’il fera partie de la batterie des solutions. Nous ne voyons aucune raison de dire qu’il constituera la solution principale pour la motorisation des voitures mais nous sommes conscients qu’il est une solution en tant que prolongateur d’autonomie, notamment pour les véhicules lourds et utilitaires. Nous sommes d’ailleurs très satisfaits de l’expérimentation du projet conduit sur les véhicules utilitaires Kangoo de La Poste. En outre, l’automobile pourra entrer comme consommateur dans un écosystème fonctionnant à l’hydrogène et tenant compte de la notion de smart grid (réseau intelligent) mais ce n’est pas notre secteur industriel qui favorisera le déploiement de l’hydrogène en tant que carburant. »
Les équipes de Bosch (442) ont bien résumé devant votre Rapporteure la conception qui prévaut majoritairement dans la filière : « la piste de l’hydrogène, tout le monde la promet depuis quinze ans que ça arrivera dans quinze ans. » De même M. Élie Cohen (443) : « depuis que je donne des conférences sur l’automobile, il se trouve toujours quelqu’un pour me dire que c’est la solution », ajoutant néanmoins « cette technologie fait partie des innovations disruptives indispensables de la décennie qui vient si nous voulons faire face à l’impératif écologique et climatique ».
Les constructeurs français n’ont pas investi sur cette technologie et sont confrontés à des budgets de R&D contraints. Comme l’a indiqué M. Gilles Le Borgne « PSA est en veille active sur le dossier du véhicule à hydrogène. Recourir à cette technologie n’a de sens que si l’hydrogène mis en œuvre est propre. (…) Il existe par ailleurs un certain nombre de freins technologiques liés à la compression, au transport et à la distribution de l’hydrogène, qui justifient que nous n’ayons pas entrepris pour le moment de programme actif dans ce domaine, même si nous n’y sommes pas hostiles. »
En revanche, pour Yann Delabrière, directeur général de Faurecia, « la pile à combustible et la voiture à hydrogène sont une piste très sérieuse, pour plusieurs raisons. D’abord, on sait depuis toujours que stocker l’énergie sous forme liquide est ce qu’on sait faire de mieux. (…) Il y a une continuité technologique très forte entre une voiture hybride et une voiture à hydrogène. (…) Il n’y a aucune barrière scientifique ni technologique majeure à l’usage de ces véhicules. »
Une centaine de véhicules roulent aujourd’hui en France avec une pile à combustible. Ils appartiennent essentiellement à des flottes d’entreprises ou à des collectivités locales. Une quinzaine de stations de recharge sont déjà installées sur le territoire et, d’ici à la fin de l’année, une vingtaine d’autres seront mises en service, alors que le plan de la Nouvelle France industrielle, lancé en 2013 par le ministre Arnaud Montebourg, tablait sur 100 stations à l’horizon 2018 qui devrait permettre de faire rouler plusieurs dizaines de milliers de véhicules à hydrogène.
● Au niveau international, l’hydrogène émerge comme une technologie d’avenir. Toyota a lancé une Miraï hydrogène au Japon (444) et aux États-Unis, qui commence à être commercialisée en Europe. La capacité de production est actuellement de 3 000 véhicules par an, Toyota ayant l’ambition d’atteindre les 30 000 en 2020. Hyundai et Honda commercialisent certains modèles à pile à combustible aux États-Unis et dans les pays européens à infrastructure hydrogène. Daimler annonce la sortie d’un véhicule en 2017. Au total 3 000 véhicules à hydrogène devraient circuler dans le monde à brève échéance.
En France, à l’occasion de la COP21, Air Liquide a installé une station de distribution d’hydrogène, à côté du Pont de l’Alma, que la mission a pu visiter, pour alimenter une flotte de taxis électriques à hydrogène, appelée Hype. À partir de ce démonstrateur, le groupe se fixe l’objectif de 600 taxis hydrogène à l’horizon de cinq ans.
Par ces caractéristiques technologiques, l’hydrogène pourrait à terme remplacer le diesel sur les usages automobiles liés aux longues distances. Le déploiement de l’hydrogène comme solution de mobilité à grande échelle suppose néanmoins de résoudre le problème des infrastructures, de la production d’hydrogène écologiquement vertueuse et de réduire les coûts. La France peut s’appuyer sur les compétences d’entreprises comme le groupe Air Liquide, un des principaux leaders mondiaux de la filière, pour travailler sur cette perspective.
b. La pertinence du gaz et du biométhane pour le transport routier
Si le GPL (445) n’a pas trouvé sa place pour le véhicule léger en France, malgré des soutiens publics initiaux importants, contrairement par exemple à l’Italie (446), le gaz naturel véhicules (GNV) est une technologie mature qui est en train de s’imposer comme technologie de référence pour le transport routier lourd. Il est déjà utilisé depuis longtemps pour les bus ou encore les bennes à ordures.
● Le GNV possède des atouts environnementaux indéniables puisqu’il rejette 25 % de CO2 en moins par rapport à une voiture classique, 80 à 90 % de production d’ozone en moins, et qu’il n’émet pas de substances nocives pour la santé (benzène, souffre, etc.). Le GNV affiche un prix à la pompe très compétitif et plutôt stable. Les performances d’un véhicule roulant au Gaz Naturel Véhicule sont similaires à celles d’une voiture essence, avec en prime une conduite plus souple, un moteur moins bruyant et qui pollue moins, une autonomie équivalente ou supérieure à un véhicule ordinaire. M. Alain Vidalies, Secrétaire d’État aux transports, a précisé à la mission d’information que la nouvelle « mouture » de la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie) prévoyait que 3 % du parc poids lourds utiliserait le GNV, à l’horizon 2023. (447)
Surtout, le bioGNV, produit à partir de la méthanisation de déchets organiques offre des perspectives plus intéressantes encore, puisqu’il affiche un bilan carbone inférieur de 80 % à celui des carburants classiques.
● Le GNV est déjà compétitif pour le transport routier de marchandises, compte tenu des coûts de carburant. Cette source d’énergie va sans doute venir concurrencer le diesel pour les poids lourds, car si l’on tient compte du dispositif d’aide en vigueur – l’écart de taxes ou les soutiens à l’achat –, et sans même tenir compte des externalités, notamment des avantages écologiques, il y a aujourd’hui un intérêt économique à choisir le GNV pour le transport de marchandises sur le segment de 100 000 kilomètres par an. Le parc GNV représente aujourd’hui 13 000 véhicules, pour moitié des véhicules utilitaires légers, et quarante-et-une stations publiques, sans compter les stations privées généralement installées dans des entreprises. Son déploiement est fortement soutenu par les transporteurs, comme la FNTR l’a rappelé devant la mission. Outre l’infrastructure, le frein majeur est celui du surcoût à l’achat des véhicules lourds (de l’ordre de 30 %). Bien que rapidement amorti par la réduction des coûts de gazole, l’état actuel des trésoreries des entreprises ne leur permet pas de faire ce choix au moment du renouvellement de leur flotte. La loi de finances 2016 a ouvert un droit à un surarmortissement de 40 % de la valeur d’acquisition pour les poids lourds GNV ou biométhane entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017. Cette disposition, utile, n’apparaît pas suffisante en particulier pour accompagner les PME.
Il faut également souligner qu’à défaut d’une offre française, le constructeur IVECO produit en France, à Annonay, site industriel que votre Rapporteure a visité, des poids lourds GNV « Origine France Garantie ».
Devant la mission d’information, les représentants de la filière du gaz ont tenu à souligner (448) que « le GNV représente une alternative réelle au carburant pétrolier pour trois types de raisons : techniques, pratiques et économiques. D’un point de vue technique, le GNV est une technologie mature – 20 millions de véhicules roulent aujourd’hui grâce à ce carburant – qui présente des dispositifs de dépollution simples et peu onéreux. Elle est tout à fait adaptée au renforcement futur des normes environnementales, à des coûts raisonnables. Le GNV apparaît enfin comme une véritable alternative économique. »
La neutralité technologique rencontre objectivement une limite : l’État doit faire des choix d’infrastructures adaptées au déploiement du véhicule zéro émission. L’argent public étant rare, votre Rapporteure propose que la priorité soit donnée au déploiement du véhicule électrique pour les véhicules légers pour laquelle une offre automobile française existe, au GNV pour le transport lourd, sans fermer la porte à l’hydrogène dont les développements en cours doivent être soutenus à ce stade par le déploiement de flottes captives.
a. Le déploiement des bornes de recharge
À la fin de l’année 2015, on comptait en France quelque 10 161 points de charge accessibles au public, sans compter ceux qui sont installés à domicile ou dans des lieux fermés au public – entreprises ou administrations.
Les actions de l’État pour les bornes de recharge pour véhicules électriques
Octobre 2009 – Plan national pour le développement des véhicules électriques et hybrides : Concernant les infrastructures de charge, le plan prévoyait le financement de démonstrateurs dès 2010, des évolutions juridiques pour faciliter l’intégration des infrastructures de charge dans les immeubles, un travail sur une prise de charge commune et un soutien aux collectivités pour le déploiement. À l’horizon 2015, l’État prévoyait 75 000 bornes de charge déployées sur la voie publique.
Avril 2011 – Livre vert sur les infrastructures de charge publique : véritable guide destiné aux collectivités territoriales, il apporte des précisions indispensables sur le dimensionnement des infrastructures, ainsi que sur les modèles économiques et juridiques pour leur déploiement. Il précise également les modalités d’intervention de l’État avec une enveloppe de 50 millions d’euros pour subventionner les infrastructures de recharge.
Juillet 2012 – Plan de soutien à la filière automobile : Augmentation du bonus accordé aux véhicules électriques qui passe de 5 000 à 7 000 euros. L’État met en place un plan de 50 millions d’euros issu du Programme d’Investissement d’Avenir pour financer le déploiement des infrastructures de charge.
Octobre 2012 – Lancement de la « Mission Hirtzman » : Philippe Hirtzman, ingénieur général des mines, est nommé « chargé de mission Déploiement des infrastructures de charge pour véhicules électriques et hybrides rechargeables » auprès du gouvernement avec pour tâche principale de faciliter l’accès aux financements. Le gouvernement annonce la mise en place d’une cartographie des bornes de recharge en France à travers le projet GIREVE.
Janvier 2013 – Un nouvel appel à manifestation d’intérêt de l’ADEME : ce nouveau dispositif pour toutes les collectivités (villes, agglomérations, groupements d’agglomérations, départements, régions) dès lors que la population dépasse les 200 000 habitants et que le coût total du projet est supérieur ou égal à 400 000 euros.
L’AVERE a dressé devant la mission un bilan de l’installation des bornes relativement satisfaisant : « Le déploiement des infrastructures, […], est en bonne voie : seules six ou sept régions restent encore peu dotées en points de charge, ayant du mal à s’engager dans la voie de la mobilité électrique. Les autres régions ont complètement basculé dans cette voie et commencent à mailler leur territoire. À cela s’ajoute l’action lancée par l’État et menée par de grands opérateurs nationaux, dont deux sont aujourd’hui identifiés : le groupe Bolloré, qui prévoit de développer 16 000 points de charge de sept kilowatts d’ici à 2017-2018, et la Compagnie nationale du Rhône (CNR), 52 points de charge rapide. L’avantage des points de charge de sept kilowatts est d’offrir une charge certes normale, mais quelque peu accélérée puisque tenant compte de l’évolution des batteries. En effet, il faut six à sept heures pour recharger des batteries ayant une autonomie de 150 kilomètres sur des bornes de trois kilowatts ; lorsque les batteries tiendront 250 kilomètres, il faudra dix à douze heures pour les y recharger, d’où la nécessité d’implanter des bornes de sept kilowatts. Enfin, le déploiement des infrastructures financées par l’État et installées par les collectivités territoriales comprend de nombreux points de charge accélérée à 22 kilowatts ».
« Parallèlement, la charge rapide se développe aussi : un grand projet partiellement financé par l’Union européenne va couvrir le continent de points de charge rapide, de 45 à 150 kilowatts. EDF, opérateur du projet pour la France, installera 200 de ces points de charge sur les autoroutes françaises ou à leurs abords. ».
« Le maillage du territoire en bornes est donc en cours, de sorte qu’en 2017, le déploiement des infrastructures devrait être en phase avec le parc roulant tel qu’il se sera développé. Encore faut-il ajouter, à tous ces points de charge publics, les points de charge privés, car lorsqu’un particulier achète une voiture électrique, le premier de ses réflexes est de se demander où il va la brancher chez lui. C’est pourquoi nous œuvrons activement pour que l’accès au droit à la prise, aujourd’hui reconnu par la loi, soit facilité dans les immeubles de copropriété – les copropriétaires devant aujourd’hui attendre l’assemblée générale de copropriété, soit parfois jusqu’à un an, pour exprimer leur volonté d’installer une prise, et les coûts d’installation étant entièrement à leur charge, ce qui n’est pas logique. (449) »
Ainsi, la publication, le 13 juillet 2016, du décret n° 2016-968 sur l’obligation de pré-câbler une partie du parking des immeubles neufs en vue de l’installation d’un point de recharge qui s’étendra ainsi dès 2017 à tous les bâtiments d’habitation, de bureaux, mais aussi aux services publics ou encore aux ensembles commerciaux, en application de l’article 41 de cette loi sur la transition énergétique, va naturellement dans le bon sens. Il convient de rappeler que cet article prévoit l’installation de sept millions de points de charge d’ici 2030.
Le mouvement est lancé. Néanmoins, selon ENEDIS, si le rythme actuel se poursuit « dans quatre ans, il n’y aura pas assez de bornes ».
Surtout, le décret très attendu sur les infrastructures de recharge, destiné à assurer leur universalité et leur interopérabilité, n’a pas encore été publié. Il est décisif pour permettre aux usagers de ne pas être confronté à la multitude des cartes d’abonnement et autres badges à se procurer afin de pouvoir utiliser indifféremment les bornes des réseaux de recharge privées comme publiques.
Enfin, l’État est attendu pour piloter plus fortement les différentes initiatives en matière d’infrastructure électrique et assurer une planification ordonnée.
Proposition n° 61 : Pour soutenir le déploiement de l’automobile électrique :
– Assurer dans les plus brefs délais l’interopérabilité pour l’usager de toutes les infrastructures de recharge installées sur le territoire, en publiant le décret IRVE.
– Établir un schéma directeur national des infrastructures de recharge pour assurer la cohérence géographique de l’implantation des bornes et la pertinence des technologies choisies (lente, standard, accélérée, rapide ou ultrarapide).
– Inciter les collectivités à mettre en place des avantages à l’usage pour le véhicule électrique (voies de circulation réservées).
b. L’impact sur le réseau électrique
Certaines réserves, pour ne pas dire oppositions, au déploiement du véhicule électrique sont basées sur des conceptions erronées concernant son impact sur la consommation d’électricité, et donc sur sa production. Votre Rapporteure a donc souhaité rétablir les faits pour que le déploiement de l’automobile électrique ne soit pas une victime collatérale du débat sur l’avenir du parc nucléaire en France. Contrairement aux idées reçues, l’électrification de la mobilité n’aura pas d’incidence majeure sur la consommation, en revanche, elle pose des défis très sérieux pour les réseaux de transports et de distribution d’électricité.
Au cours de son audition, M. Jancovici, associé-fondateur du cabinet Carbon 4 (450) a rappelé : « la multiplication des voitures électriques ne devrait pas faire naître d’énormes besoins en électricité, Le moteur électrique a en effet un rendement élevé. Il est si efficace qu’il ne faudrait, pour un parc d’un million de voitures, que la capacité équivalente au quart de la production d’un réacteur nucléaire. Ensuite, la question de l’appel à puissance se pose, en terme de déploiement d’un réseau de rechargement. Indubitablement, il faudra de la puissance installée pour que les batteries électriques puissent reconstituer leur contenu ».
EDF, auditionné par votre Rapporteure (451), considère que « les volumes supplémentaires que nous pourrions vendre sont limités. Une voiture c’est 3 MWh/an, un million de voitures électriques 3 TWh/an. La consommation d’électricité française est de 450 TWh. Ce n’est même pas un réacteur ! ».
Selon ENEDIS (452), un scénario ambitieux de « 10 millions de véhicules électriques en 2030, cela représentera 7 % de la consommation, mais en puissance, trois fois plus ».
Si la mise en service de nouveaux moyens de production n’est pas nécessaire, avec les appels de puissances (si tous les véhicules électriques se rechargent en même temps compte tenu des habitudes de vie), l’impact sur le réseau électrique sera considérable. Il devra être étendu et renforcé pour alimenter les bornes de recharge sur tout le territoire. En l’absence d’anticipation pour éviter de tels effets pervers, ENEDIS chiffre les coûts du renforcement ou de l’extension du réseau à 6 milliards d’euros d’ici 2030 !
PROFIL DE CHARGE D’UN JOUR OUVRABLE DE JANVIER
POUR UN PARC D’UN MILLION DE VE/VHR SELON RTE (453)
Outre le schéma directeur précédemment évoqué pour que les investissements sur le réseau soient pertinents, il est possible de mettre en place des instruments qui inscrivent le déploiement du véhicule dans l’éco-système de la transition énergétique et du numérique, au travers d’un signal tarifaire pour éviter les effets de pointe et par le déploiement des smart grids. Le véhicule électrique pourrait ainsi devenir lui-même un élément de stockage de l’électricité, en lien avec le déploiement des énergies renouvelables.
Proposition n° 62 : Anticiper l’impact du déploiement du véhicule électrique sur les réseaux et les effets de pointe par la mise en place d’un signal tarifaire incitatif et le recours aux technologies communicantes et intelligentes (smart grids).
a. L’exigence d’une production décarbonée
Les difficultés liées à la volatilité de l’hydrogène, gaz le plus léger sur terre, ont été résolues. On sait aujourd’hui fabriquer des réservoirs moins lourds et parfaitement étanches, capables de stocker jusqu’à 5 kilos d’hydrogène à des pressions de 700 bars. La quantité de platine nécessaire à la fabrication de la pile a été, depuis l’origine, divisée par deux, comme son coût.
La technologie a donc progressé, mais la recherche doit porter sur la manière de produire l’hydrogène par électrolyse à un coût compétitif. « Aujourd’hui, l’hydrogène est produit à 95 % par un procédé de reformage du gaz naturel, consistant à casser la molécule CH4 – le méthane – pour obtenir de l’hydrogène d’une part, du CO2 de l’autre. Il s’agit d’une production industrielle de masse, pratiquée essentiellement par les raffineurs, qui désulfurent le gaz de synthèse obtenu afin de réduire la pollution engendrée par les gaz carburants. L’inconvénient de ce procédé est qu’il produit du CO2 : l’utilisation de l’hydrogène carboné dans les véhicules électriques à hydrogène – le bilan CO2 « du puits à la roue » – se traduit par une réduction globale des émissions de CO2 de 20 % à 30 %, ce qui demeure insatisfaisant. Pour décarboner la molécule d’hydrogène, il faut soit utiliser du biométhane à la place du gaz naturel, ce qui ne pose pas de problèmes sur le plan technologique, soit casser des molécules d’eau par un procédé d’électrolyse de l’eau pour obtenir des molécules H2 d’une part, O2 de l’autre ; à condition d’utiliser de l’électricité renouvelable – obtenue non pas à partir d’énergies fossiles, mais du vent ou soleil, par exemple – pour effectuer l’électrolyse, on produit un hydrogène parfaitement propre » (454).
Pour votre Rapporteure, la production d’hydrogène doit nécessairement être décarbonée. Les développements à venir dans l’automobile doivent nécessairement se concevoir dans une perspective globale de transition énergétique, dans laquelle l’hydrogène permet, par le stockage de l’énergie, d’apporter une solution à l’intermittence des énergies renouvelables.
Les conclusions du rapport sur la Filière Hydrogène-énergie (455)
Le vecteur hydrogène énergie doit être considéré comme un instrument au service de la transition énergétique. C’est un vecteur flexible, utilisable pour des applications diverses (mobilité, résidentiel, stockage d’énergie), et potentiellement décarboné.
La filière hydrogène se développe notamment au Japon, aux États-Unis, en Allemagne et en Corée. En France, des infrastructures adaptées à des besoins de niche (par exemple pour des flottes automobiles captives comme celles de La Poste) sont actuellement développées mais de manière encore dispersée, et quelques petites entreprises performantes sont apparues à côté de certains grands acteurs liés à la chimie et l’automobile.
Longtemps perçue comme une technologie pour le long terme, la filière hydrogène énergie connaît un regain d’intérêt qui se manifeste par un nombre croissant de démonstrateurs, de prototypes, et de nouveaux produits.
Le développement de la filière hydrogène est un pari sur l’avenir. Mais les enjeux pour l’industrie française sont très importants et cette filière doit être encouragée.
À cet égard, il est positif de constater qu’Engie vient de rejoindre Michelin au capital de l’entreprise grenobloise Symbio FCell. Ces deux grands industriels, désormais majoritaires, témoignent ainsi plus qu’un intérêt mais un soutien effectif à la filière au travers d’une entreprise déjà reconnue avec le développement d’un modèle Kangoo ZE H2 et dont la mission a auditionné le dirigeant-fondateur. Un trio constitué par Air Liquide, Engie et Michelin, trois groupes français occupant des positions sectorielles mondiales, est capable de « tirer » le développement de la filière.
La mobilité apparaît comme le secteur le plus prometteur, et le plus concurrentiel. Le véhicule électrique à hydrogène bénéficie, outre d’une autonomie accrue, d’une grande rapidité de recharge par rapport au véhicule électrique à batteries. Son coût, encore très élevé, devrait baisser avec l’augmentation du nombre de ventes. Quelques véhicules sont déjà commercialisés avec un positionnement haut de gamme. L’approvisionnement en hydrogène du consommateur final par déploiement de stations de distribution sera néanmoins crucial. D’autres applications apparaissent par ailleurs : le stockage de l’hydrogène peut assurer une régulation de l’intermittence liée à la plupart des énergies renouvelables et l’injection d’hydrogène produit par de l’électricité excédentaire dans le réseau de gaz est un débouché potentiellement important.
b. L’infrastructure de distribution
Outre ses conditions de production, le frein majeur au développement de l’hydrogène est l’absence d’infrastructure.
Selon M. Philippe Montantème, directeur stratégie de la branche marketing et services du Groupe Total, « cinq kilogrammes d’hydrogène suffisent pour parcourir 500 kilomètres, ce qui permet un ravitaillement classique, en quelques minutes. L’usage de cette énergie ne se fera néanmoins qu’à long terme car il pose encore des défis techniques et économiques importants. Il y a trois marchés pionniers aujourd’hui dans le monde : le Japon et la Corée, la Californie et l’Allemagne. Total est présent sur le marché allemand et participe au partenariat H2 Mobility afin d’acquérir une compétence sur ce marché. Nous avons déjà 9 stations d’hydrogène en Allemagne et avons prévu d’en avoir 91 à l’horizon 2025 dans ce pays. Nous assurons une veille active sur le marché français en collaboration avec Air Liquide et avons en France quelques projets de stations pour des flottes captives comme celle de La Poste ou certains taxis. »
M. Pierre-Étienne Franc, directeur des technologies avancées chez Air Liquide, a présenté à la mission les projets portés par l’entreprise française en Allemagne, Danemark, Japon, Corée, États-Unis.
Un certain nombre de pays s’engagent en effet de façon volontariste dans le déploiement d’une infrastructure notamment :
– le Japon, où fin 2014, Toyota, Nissan, Honda et le gouvernement japonais ont conclu un accord sur les infrastructures hydrogène. L’objectif est de 65 stations fin 2015, 100 en 2016, et 300 à 400 en 2020 pour les Jeux Olympiques de Tokyo ;
– l’Allemagne qui a lancé un plan de déploiement des infrastructures grâce à un partenariat public-privé (456) pour financer les investissements, avec un objectif de 50 stations d’hydrogène en service en 2016 et 400 d’ici 2023.
Pour la France, se tenir à l’écart de ce mouvement constitue un risque pour l’avenir. Si l’hydrogène ne peut être envisagé comme une solution à court terme, il aura probablement toute sa place dans le futur. Les constructeurs français doivent être encouragés à s’y intéresser davantage, surtout dans le cadre de leur stratégie de montée en gamme. En effet, dans un premier temps, l’offre automobile hydrogène sera assurément réservée au premium. Les concurrents de la filière française y travaillent déjà.
Votre Rapporteure partage les conclusions de la mission commune du CGEDD et du CGEIET qui considère que l’hydrogène-énergie pourrait se développer à l’horizon 2025-2030. Elle recommande dès à présent une aide à la structuration de la filière française, avec notamment une feuille de route précise, une gouvernance adaptée et un soutien du Programme des Investissements d’Avenir. C’est d’ailleurs l’orientation prise par les pouvoirs publics dans le cadre de la Nouvelle France Industrielle qui propose de déployer une centaine de stations pour 2020 afin d’alimenter des flottes captives.
Proposition n° 63 : Établir une feuille de route pour le véhicule à hydrogène décarboné :
– dans l’immédiat, soutenir le déploiement de flottes captives, qui n’engendrent pas des coûts d’infrastructure trop lourds ;
– apporter un fort soutien à la R&D au travers du PIA III pour inciter les constructeurs à concevoir une offre française du véhicule hydrogène à horizon de 5 ans au plus tôt, de 2025 au plus tard ;
– organiser une task force entre la filière automobile française et les entreprises leader de la technologie ou engagées sur le stockage de l’énergie (Air Liquide, Total, Engie, Saft…).
En termes d’infrastructure, l’avantage essentiel du GNV est de pouvoir bénéficier du réseau de distribution de gaz existant et que le passage du GNV au bioGNV ne supposera pas des coûts d’infrastructure supplémentaires, autres que ceux liés à la production de biométhane qui peut être injecté dans le réseau.
La France est en retard par rapport à ses voisins. L’Italie dispose de plus de 1 000 stations, l’Allemagne 900. À l’horizon 2020, en France le nombre de poids lourds utilisant le GNV pourrait être multiplié par sept.
Un réseau de 1 500 stations est nécessaire pour couvrir le territoire national correctement. Dans un premier temps un réseau national de 150 stations, auquel s’ajouteraient 150 stations locales dans les territoires, paraît un objectif atteignable. Si le déploiement du réseau national devait être pris en charge par des investissements privés, tel ne pas le cas des projets de proximité portés par des PME ou des collectivités territoriales dans les régions qui nécessitent un soutien public. À cet égard, les critères de l’appel à projet de l’ADEME actuellement en cours favorisent les grands opérateurs et non les petits transporteurs.
En ce qui concerne le GNL (457), la mission d’information a auditionné MM. Philippe Maler et Jean-Bernard Erhardt, deux hauts fonctionnaires ayant rédigé un rapport au nom du Commissariat général au développement durable (CGDD) sur l’utilisation du GNL dans les transports routiers, dont le développement sera indispensable sur le transport routier longue distance. Le conditionnement et la livraison-distribution du GNL doivent répondre à des normes de sécurité très précises car les risques liés à des phénomènes non maîtrisés d’évaporation sont élevés. L’utilisation optimale du GNL doit en effet s’effectuer dans des réservoirs recueillant un carburant compressé à 200 bars. Les spécificités techniques de l’utilisation du GNL sont cependant précisément définies et la diffusion de ces données est désormais accessible à tous les acteurs désireux de prendre part à une filière qui, en France comme dans la plupart des pays européens à l’exception de l’Espagne, reste à construire. En toute hypothèse, les entreprises utilisatrices de ce carburant auront l’obligation de soumettre leurs livreurs et chauffeurs à des formations spécifiques.
Le gaz naturel liquéfié (GNL) est inscrit parmi les carburants alternatifs au sens de la directive n° 2014/94 du 22 octobre 2014. À ce titre, la France est tenue de notifier, au plus tard en 2017, un programme national de déploiement de ce carburant.
Proposition n° 64 : Développer résolument le GNV et le bioGNV pour le transport routier de marchandises par poids lourds :
– la législation française doit reconnaître le biométhane comme un biocarburant avancé pris en compte dans les objectifs de 10 % de carburants renouvelables à l’horizon 2020 et de 15 % à l’horizon 2030, que fixe la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ;
– mettre en place une aide de l’ADEME aux PME pour l’achat de poids lourds GNV pour la conversion progressive des flottes des PME ;
– préparer un second appel à projet de l’ADEME pour soutenir la création de stations bioGNV de proximité dans les territoires ;
– pour le GNL, accélérer la présentation du programme national de déploiement de ce carburant prévu par la législation européenne.
A. LES SOUTIENS PUBLICS : STABILITÉ ET LISIBILITÉ
1. Remédier à l’instabilité chronique du bonus-malus
Les soutiens publics accordés au travers des bonus pour le déploiement des véhicules propres sont décisifs et efficaces.
CALCUL DES RECETTES ET DES DÉPENSES LIÉES AU DISPOSITIF BONUS/MALUS
(en M€)
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
Total période 2008-2015 | |
Recettes |
230,4 |
276,6 |
334,7 |
301,5 |
1143,2 |
Dépenses |
229,6 |
281,5 |
193,7 |
225,8 |
2073,8 |
Solde |
0,8 |
-4,9 |
141 |
76,2 |
213,1 |
Toutefois, votre Rapporteure déplore l’instabilité chronique des critères d’éligibilité aux bonus :
– en 2014, le bonus pour le véhicule électrique a été baissé : il est passé de 7 000 euros à 6 300 euros ;
– depuis 2014 également, le bonus pour les hybrides est d’abord passé de 4 000 à 3 300 euros et de 5 000 à 4 000 euros pour les hybrides rechargeables ;
– en 2015, le bonus pour les hybrides a été ramené de 3 300 à 2 000 euros ;
– au 1er janvier 2016, il a encore été ramené de 2 000 à 750 euros pour les véhicules hybrides et de 4 000 à 1 000 euros pour les hybrides rechargeables ;
– enfin, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit de supprimer le bonus de 750 euros pour les hybrides, tout en maintenant le bonus pour l’hybride rechargeable à 1 000 euros. Il prévoit également un nouveau bonus en faveur des deux-roues électriques de 1 000 euros, ce qui constitue une avancée positive.
Si ces ajustements sont justifiés par le nécessaire équilibre budgétaire du bonus-malus, cette instabilité chronique ne favorise pas la lisibilité du dispositif pour les particuliers comme pour l’industrie automobile. Les règles fixées par la puissance publique ne peuvent être accommodées au coup par coup, sans que l’on n’en comprenne toujours la justification environnementale. Cela induit des effets d’aubaine et de « stop and go ».
C’est pourquoi, hormis la refondation d’ensemble du bonus-malus pour intégrer, outre le CO2, des critères liés à la qualité de l’air (458), votre Rapporteure propose que les critères du dispositif soient désormais établis dans un cadre pluriannuel afin d’introduire une stabilité et une visibilité indispensables.
Proposition n° 65 : Fixer les critères du bonus-malus dans un cadre pluriannuel d’au moins trois ans, pour mettre fin au changement perpétuel de ses règles. Dès à présent, dans le projet de loi de finances pour 2017, rétablir le bonus pour les hybrides.
2. Un cadre fiscal durable pour les énergies alternatives
La même demande de stabilité concerne la fiscalité applicable à la mobilité propre ou moins polluante. Cette prévisibilité est indispensable à la solidité du modèle économique de ces nouvelles filières, pour le développement des infrastructures comme pour l’offre industrielle, et surtout pour pouvoir mobiliser de potentiels investisseurs privés.
Il convient en particulier que le caractère décarboné et renouvelable du bioGNV soit pris en considération par un taux spécifique de TICPE.
Proposition n° 66 : Appliquer « la règle des 5 ans » au cadre fiscal des énergies de la mobilité propre et renouvelable. Dans ce cadre, créer un taux spécifique de TICPE pour le bioGNV.
A. CONSTRUIRE LES BASES INDUSTRIELLES EN FRANCE
1. Concevoir des technologies produites ailleurs, ça suffit !
Les objectifs industriels et sociaux de la « Solution de la Mobilité écologique » tels que définis au titre de la phase II de la Nouvelle France industrielle sont ambitieux (459) :
– 20 000 points de charge électrique supplémentaires accessibles au public d’ici la fin de l’année 2016 (objectif à mettre au regard de la cible des 7 millions de points de charge installés à l’horizon 2030 fixée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte) ;
– Diminution de 30 % des émissions de CO2 des véhicules neufs construits en France (sans précision d’échéance pour que cet objectif soit effectivement atteint) ;
– Création, en France, de deux sites industriels d’ici 2017 pour la filière des batteries et de l’hydrogène ;
– Création de 8 000 à 25 000 emplois, en France, à l’horizon 2030 dans le secteur du stockage de l’énergie.
S’agissant de la filière automobile française, il convient de souligner, outre les choix stratégiques de Renault, l’engagement des principaux équipementiers français dans tous les développements technologiques du véhicule zéro émission. Valeo est ainsi par exemple significativement impliqué dans l’électrification, ou encore Faurecia et Plastic Omnium dans les matériaux composites.
Néanmoins, les importants soutiens publics consacrés à la mobilité propre doivent se traduire encore d’avantage par le développement de la production en France. C’est d’ailleurs la principale conclusion du rapport du CGEIET (460) de juillet 2016 intitulé « Quelle place et quelles perspectives pour l’industrie française dans les véhicules à nouvelles motorisations ? » dont la mission a pris connaissance avec intérêt et partage les recommandations.
En effet, les financements publics accordés ne doivent pas se traduire par un encouragement à l’importation de technologies concurrentes de celles de l’offre française, ou qui auraient été conçues par la filière française, mais produites ailleurs. En terme de valeur ajoutée l’enjeu le plus critique est celui de l’industrie des batteries.
Une potentielle « Équipe de France de l’hydrogène »
Le plan « autonomie et puissance des batteries » s’attache notamment au développement du vecteur énergétique hydrogène, dont les applications technologiques en matière de fabrication et de stockage d’électricité ou de mobilité électrique sont prometteuses. Les marchés de l’hydrogène devraient générer en France un chiffre d’affaires de plusieurs milliards d’euros par an d’ici 10 à 15 ans, permettant la création de plus de 10 000 emplois.
Pour positionner la France parmi les champions européens de l’hydrogène, il convient dès maintenant d’intégrer et de structurer complètement cette filière déjà forte de nombreux acteurs industriels d’envergure internationale.
Le travail mené par l’équipe projet du plan « autonomie et puissance des batteries », sous le pilotage de Florence Lambert du CEA, a d’ores et déjà permis de poser les premiers jalons d’une réelle « Équipe de France » de l’hydrogène. Cette union des acteurs de la filière, industriels comme Areva SE, Michelin, Air liquide, SymbioFCell et d’autres, ou issus de la recherche comme le CNRS, le CEA et les universités, permettra d’offrir une solution complète sur le marché international, adaptée aux usages de marché complexes (aéronautique, maritime, logistique…).
Enfin, le lancement de ce plan industriel permet d’accélérer la mise en œuvre de nombreux investissements et de nouveaux produits et services, parmi lesquels :
– la fabrication de piles à combustibles pour la petite mobilité et les objets nomades, portée par la société BIC et le CEA, en partenariat avec les industriels consommateurs (PRAGMA, La Poste, Cycloeurope, Easy bike…), pour une commercialisation fin 2016 ;
– l’installation d’une station de distribution d’hydrogène par Air Liquide, permettant d’alimenter des chariots élévateurs munis de piles à hydrogène sur la plateforme logistique d’Ikea près de Lyon ;
– le déploiement de véhicules hybrides batteries-piles à combustible hydrogène par La Poste, une première européenne pour une flotte de véhicules utilitaires (projet Mobilhytest en Franche-Comté) ;
– le projet Hycarus de Zodiac Aerospace qui vise à démontrer le potentiel des piles à combustible fonctionnant à l’hydrogène pour fournir l’alimentation électrique des applications auxiliaires à bord des avions.
2. Affirmer une ambition dans l’industrie des batteries
Les batteries représentent le premier poste de coût d’un véhicule à traction électrique et environ la moitié de sa valeur. Comme l’a souligné à juste titre un interlocuteur de la mission « C’est quand même une erreur stratégique qu’une invention européenne, des universités en France de première qualité, une technologie de qualité, n’aient pas réussi une présence industrielle. Ce qui a manqué c’est l’excellence du manufacturing ». Comme rappelé par le rapport du CGEIET (461) « économiquement et techniquement, la batterie est l’élément le plus stratégique des véhicules électriques. ».
L’échec du projet d’usine de construction de batteries à Flins a marqué les esprits dans la filière française. En novembre 2009, Renault avait signé une lettre d’intention avec le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et le FSI en vue de créer une coentreprise pour développer et produire des batteries électriques pour Renault, mais aussi pour d’autres constructeurs automobiles. C’est d’ailleurs à ce titre que le FSI avait accepté de participer à l’aventure. L’investissement s’élevait à 600 millions d’euros pour la première phase du projet. Renault et le FSI devaient contribuer chacun à hauteur de 125 millions d’euros. Un prêt de la Banque européenne d’investissement (BEI) pouvait représenter jusqu’à 50 % des 280 millions d’euros d’emprunts totaux. En dépit de cette diversité des acteurs et des sources de financement, ce projet a échoué.
Hormis les initiatives industrielles remarquables du groupe Bolloré qui a investi 3 milliards d’euros depuis 20 ans en faveur de la batterie LMP, l’industrie des batteries échappe à la France et à l’Europe. Les productions sont très majoritairement installées en Asie.
Interrogés par votre Rapporteure, les constructeurs automobiles, comme les énergéticiens français, considérent que la situation de surcapacité mondiale dans l’industrie des batteries ne crée pas un contexte favorable à des initiatives industrielles en France ou en Europe. Mais comme le souligne le CGEIET, cette situation de surcapacité n’est pas durable et le « décollage » du véhicule électrique pourrait inverser la tendance d’ici cinq ans, ce qui est un horizon de temps court pour une industrie lourde.
Surtout, le monde de l’automobile, comme celui de l’énergie, considèrent chacun, non sans arguments, que l’industrie de la batterie n’est « pas leur métier ».
Construire une industrie européenne des batteries suppose en effet de réunir des compétences issues de secteurs différents : chimie, énergie, automobile. La France dispose dans chacun de ces domaines de leader mondiaux capables de porter des investissements d’ampleur. Il est temps qu’ils y travaillent ensemble. Les retombées seraient considérables.
Une stratégie française possible pourrait aussi être de miser sur des ruptures technologiques à venir dans le domaine des batteries, sur lesquelles travaillent de nombreux laboratoires de recherche (CEA, CNRS notamment), ou encore comme la batterie zinc-air sur laquelle EDF conduit un projet de R&D avec la start-up FORSEE. L’articulation entre recherche et stratégie industrielle est plus que jamais décisive.
Proposition n° 67 : Construire une ambition française pour l’industrie des batteries électriques. Constituer un groupe de haut niveau entre les grandes entreprises françaises de dimension internationale concernées et les laboratoires de recherche de premier plan pour établir une feuille de route stratégique dans la perspective de projets industriels solides.
Le Smart Center, siège de BlueSolutions (Groupe Bolloré) à Vaucresson (Yvelines)
Votre Rapporteure s’est rendue au Smart Center qui gère depuis Vaucresson l’ensemble du système Autolib’. Chaque véhicule électrique à vocation citadine de ce service d’auto-partage « en trace » (différent d’un auto-partage « en boucle » dans lequel le véhicule est rendu au lieu de départ) est suivi en direct au long de ses parcours dans le but de gérer le parc en service de façon optimale.
M. Vincent Bolloré a indiqué que le groupe avait investi 3 milliards d’euros, depuis quelque vingt ans, pour la maîtrise et le développement des technologies du stockage et de régulation de la distribution de l’électricité, une implication qui va bien au-delà de la conception d’un système nouveau d’auto-partage et de la fabrication de batterie à vocation strictement automobile et qui concerne le stockage d’électricité, notamment d’origine solaire.
Deux unités de production ont été spécialisées en Bretagne (Quimper) et au Canada.
La spécificité de la filiale BlueSolutions est d’avoir conçu et dorénavant de promouvoir une batterie française reposant sur la technologie Lithium Métal Polymère (LMP), totalement distincte des batteries au plomb ou au nickel et, des plus récentes assez largement diffusées notamment dans l’automobile, les batteries Lithium-ion. Autolib’ est une « vitrine » pour cette technologie. L’intégration du polymère traduit une diversification de l’activité historique du groupe Bolloré, initialement producteur de papiers spéciaux et de films plastiques ultra fins puis pour des condensateurs. La capacité de production du groupe est de 300MWh soit 10 000 batteries de 30kWh. À l’horizon 2020, cette capacité sera d’1 GWh soit l’équivalent de 32 500 batteries de 30kWh.
Concernant les batteries LMP en service, leur autonomie semble comparable à celles d’autres batteries utilisées par les véhicules électriques légers (jusqu’à 200 km en cycle urbain et à vitesse stabilisée) pour une durée de vie voisine de 3 000 recharges. Leur pleine efficacité reste toutefois subordonnée à un fonctionnement « à chaud » rendu possible, par exemple, dans un système d’auto-partage comme Autolib’ puisque chaque véhicule en attente d’utilisation à une station est en position permanente de branchement.
Par ailleurs, M. Vincent Bolloré a insisté dans sa présentation sur l’aptitude à un recyclage intégral des batteries de type LMP qui sont des batteries « sèches » (électrolyte solide en partie centrale) ce qui leur confère un avantage en la matière. Il a été indiqué que le groupe n’avait pas vocation à devenir un constructeur d’automobiles (les Bluecars sont d’ailleurs assemblées, depuis 2015, dans l’usine Renault de Dieppe) bien qu’il continue de diversifier son offre avec un cabriolet, le Bluesummer, et la nouvelle « e-Méhari » conçue en coopération avec Citroën, deux modèles récemment proposés sur le marché.
Le Smart Center de Vaucresson compte également une entité de recherche et développement notamment spécialisée dans les différents aspects du stockage de l’énergie par batteries.
I. LE NOUVEL HORIZON DU VÉHICULE AUTONOME
Le véhicule connecté et autonome, actuellement testé dans plusieurs régions du monde, devrait permettre, à terme, de se passer de conducteur. Plus qu’une rupture, il annonce une véritable révolution économique et industrielle qui modifiera profondément l’appréhension et les usages sociaux de l’automobile et, au-delà, de la mobilité globale.
Nouvel horizon et réalité en marche, son impact sera sans aucun doute plus considérable encore que les précédentes innovations qu’ont été le véhicule électrique ou le deux litres/cent kilomètres en matière de transport, de commerce, d’aménagement urbain, et d’autonomie des personnes.
Selon Éric Poyeton, directeur général de la Plateforme de la filière automobile et mobilités, « si les changements sont certains, ils porteront principalement […] sur le véhicule autonome qui représente une rupture tant du point de vue de l’architecture, de l’habitacle et de la responsabilité que sur le plan sociétal » (462).
S’il est appelé à devenir un élément parmi d’autres du système de mobilité futur et de la révolution des objets connectés et de l’intelligence artificielle, ce véritable « ordinateur roulant » a pour avantage de permettre une rationalisation optimale des ressources, des déplacements et des dépenses.
Il entraîne, aussi et surtout, un déplacement substantiel de la chaîne de valeurs et l’entrée fracassante dans l’industrie automobile d’acteurs du numérique de taille mondiale, menaçant les acteurs historiques d’une perte de monopole irréversible. Selon le CNPA, « la puissance de cette vague de fond est alimentée par l’entrée en force d’acteurs exogènes à l’automobile, disposant de moyens financiers démultipliés. Google et Apple affichent ouvertement leurs ambitions numériques dans l’automobile, jusqu’à envisager de se lancer dans la fabrication de voitures autonomes ».
Les retombées financières de ce marché en devenir sont considérables : le cabinet de conseil AT Kearney évalue ainsi à 47 milliards d’euros le marché mondial de la conduite autonome dès 2020. Cette valeur pourrait atteindre 260 milliards d’euros en 2030 et 515 milliards d’euros en 2035.
Les constructeurs traditionnels et les pouvoirs publics doivent le prendre en compte et l’intégrer rapidement à leurs stratégies s’ils veulent garder la main dans un secteur industriel où les technologies – en particulier numériques – et les usages – covoiturage, auto-partage, location entre particuliers… – s’influencent réciproquement à un rythme inédit.
Plus encore que par le passé, les gagnants seront les industries capables d’inventer de nouveaux modèles économiques et d’anticiper les applications technologiques combinées aux besoins et attentes à venir.
Dans son approche, votre Rapporteure a jugé pertinent de ne pas opposer « véhicule connecté », c’est-à-dire communiquant avec les autres véhicules et les infrastructures, et « véhicule autonome », appelé à se passer de conducteur (463). Cette distinction est en effet artificielle, dès lors que les enjeux en termes d’adaptation industrielle, de modification de la chaîne de valeur, de protection de la propriété intellectuelle ou des données personnelles sont identiques.
A. UNE COURSE DE VITESSE TECHNOLOGIQUE ET INDUSTRIELLE
1. Comprendre l’accélération en cours
Ce qui n’était qu’une perspective lointaine, une utopie irréaliste il y a peu, commence à devenir une réalité palpable. Les prototypes des constructeurs américains, chinois et allemands se multiplient (464). Certains de ces modèles sont, à ce jour, plus avancés que ceux des constructeurs français.
Depuis plus d’un an, la marque américaine Tesla (465) commercialise des véhicules présentés comme semi-autonomes, dotés de nombreux dispositifs d’assistance à la conduite. La marque propose également à ses conducteurs des améliorations à distance, par simple mise à jour des logiciels, tous les trois mois environ.
Le constructeur automobile General Motors teste actuellement, dans l’Ontario, ses véhicules autonomes et semi-autonomes, et espère voir des Chevrolet, des Cadillac et des Buick rouler sans conducteur d’ici à 2020. Le groupe a embauché plus de 100 ingénieurs en 2015, sur son site canadien, intégralement dédiés à la voiture connectée.
Deux voitures autonomes du constructeur chinois Changan, partenaire de Ford, ont parcouru plus de 2 000 km, en zones de montagne, en ville, sur autoroute ou sous tunnel, pour rallier Chongqing à Pékin, en avril 2016. Ces véhicules ont dépassé le stade du processus industriel : Changan entend commercialiser des véhicules autonomes sur autoroute dès 2018, puis des véhicules autonomes en ville à partir de 2025.
L’industrie automobile allemande est, elle aussi, engagée en matière de véhicule autonome, dont les développements sont tirés par les groupes et les gammes premium. Le déploiement des briques technologiques est en effet concentré sur le haut de gamme, pour lequel les prix déjà élevés permettent de rendre le surcoût associé plus indolore. En juin 2016, le groupe BMW a présenté deux concepts de voitures autonomes et le groupe Volkswagen se fixe pour objectif de lancer des voitures autonomes sur autoroute en 2020 au plus tard, sous réserve que le cadre réglementaire et légal le permette.
Néanmoins, le rattrapage des constructeurs français dans la course au véhicule autonome est amorcé. Ainsi, depuis 2015, le Citroën C4 Picasso autonome de PSA a parcouru 60.000 kilomètres. L’avancée des recherches de PSA permet au groupe français d’annoncer la mise sur le marché en 2018 d’une nouvelle génération de Peugeot 508 disposant de fonctions de conduite automatisées. Renault-Nissan prévoit pour sa part le lancement de dix véhicules dotés de capacités autonomes d’ici 2020.
b. Le véhicule autonome s’inscrit dans le bouleversement du rapport à l’automobile
Le véhicule autonome s’inscrit dans l’évolution d’ensemble du système de mobilité. Il est un élément de la révolution systémique en cours, basée sur l’optimisation des ressources, l’exploitation de toutes les informations disponibles et la réduction des nuisances.
Les atouts du véhicule autonome
– une réduction de l’insécurité routière. Dans la mesure où l’erreur humaine est responsable de 90 % des accidents de la route, limiter le facteur humain dans la conduite permet de réduire les incertitudes et les risques de défaillances dues à l’homme. Google prétend ainsi qu’une réduction de moitié des décès sur la route est possible grâce aux voitures autonomes (466) ;
– des gains de performance environnementale : en homogénéisant la conduite, en fluidifiant le trafic, en évitant les zones embouteillées, les conduites nerveuses et les phases d’accélération brusques, très consommatrices d’énergie, les véhicules autonomes réduisent à la fois la consommation de carburants et l’ensemble des émissions polluantes, dont, notamment, les particules liées au freinage (467). Le déploiement du véhicule autonome peut aussi être l’occasion de développer des véhicules de plus petite taille, adaptés à l’usage urbain à l’autopartage, ou des véhicules de plus grande taille destinés au transport en commun, deux options conduisant l’une comme l’autre à une réduction des émissions polluantes. De plus, comme le montrent de nombreuses expérimentations en cours, la voiture autonome sera sans doute plus vite électrique que la voiture traditionnelle ;
– des gains de pouvoirs d’achat : les véhicules autonomes permettront d’optimiser le temps de parcours, donc la consommation d’énergie, d’orienter vers les stations-service les moins chères, de prévenir l’usure liée à des comportements de conduite inadaptés… ;
– une fluidification du trafic : grâce à l’exploitation des données, les véhicules autonomes peuvent contribuer à limiter les encombrements en ville, en particulier dans les grandes métropoles des pays en développement, en empruntant des itinéraires moins fréquentés ;
– une égalité d’accès à la mobilité : dans leur version la plus aboutie, les véhicules autonomes permettent à des personnes âgées, handicapées, notamment aveugles, ou vulnérables de se déplacer aussi librement que si elles pouvaient elles-mêmes conduire. Le véhicule autonome autorise également une desserte des territoires non couverts par les transports publics (zones rurales ou périurbaines, heures creuses ou dessertes de nuit) (468) ;
– un gain de temps : ces véhicules permettent de redonner du temps utile aux conducteurs, particulièrement dans les situations de circulation qui sont peu susceptibles de procurer du plaisir de conduite (embouteillages). Un conducteur en région parisienne passe en moyenne deux heures par jour dans sa voiture : un véhicule autonome, ne serait-ce qu’à 50 %, lui permettrait de dégager une heure de sa journée, qu’il pourrait employer à travailler, lire, se divertir.
Si des réticences – liées au plaisir de conduire, où aux craintes vis-à-vis de la délégation complète de conduite – s’expriment (469), la demande pour ces véhicules ne doit pas être sous-estimée. Le véhicule autonome sera partie intégrante de la révolution des objets connectés et indissociable d’un nouveau rapport à la mobilité. Il offrira la possibilité de garder la main sur le volant pour les parties du trajet susceptibles de procurer un plaisir de conduire, et de déléguer la conduite pour les portions de route les moins agréables (embouteillages, notamment) (470).
En outre, ses multiples atouts, économiques et écologiques, ainsi qu’en termes de sécurité routière, devraient aisément permettre de convaincre une jeune génération, bien moins attachée à la possession ou à la conduite d’un véhicule que ses aînées. La voiture autonome garantira en effet à la fois un surcroît de sécurité, des économies financières (par la réduction de la consommation, la géolocalisation de garages ou de stations-service bon marché, ou les modules d’éco-conduite), une réduction des temps de trajet et un plus grand confort de « conduite » ou de transport.
Enfin, la révolution des usages peut potentiellement rendre le coût du véhicule autonome accessible. Si le coût d’un véhicule, de plus en plus bardé d’options et de technologies à haute valeur ajoutée, sera probablement prohibitif (471) à l’achat, en revanche, développer le véhicule autonome en premier lieu à des fins de covoiturage ou d’usage partagé, voire de transport en commun, peut le rendre accessible. Selon France Stratégie (472) la banalisation du matériel et la standardisation des flottes permettraient d’optimiser les coûts : une logique d’usage partagé et de mobilité servicielle, ferait du véhicule un objet purement utilitaire, économiquement accessible. Les perspectives à plus long terme devraient permettre des économies d’échelle liées à la standardisation, une généralisation du véhicule autonome entraînant une réduction des coûts de 40 % pour le pilote automatique, et de 30 % pour le véhicule totalement autonome, seulement dix ans après leur première commercialisation.
a. Prendre en compte un scénario de rupture
Si la plupart des analystes envisagent un déploiement progressif du véhicule autonome de 2025 jusque dans les années 2040, il demeure envisageable qu’une innovation de rupture accélère considérablement le calendrier : les scénarios « prudents », actuellement majoritaires, ne doivent pas conduire la France à retarder son engagement (473).
Pour la plupart des interlocuteurs auditionnés par la mission, le déploiement du véhicule sera en effet progressif, tant dans le degré d’autonomie que dans les plages d’utilisation d’une telle voiture (embouteillages, autoroute, puis conduite en ville). Cinq étapes se succèderaient : « foot off » (sans les pieds), « hands off » (sans les mains), « eyes off » (sans les yeux), « mind off » (sans l’attention) et « driverless » (sans conducteur). Une longue période de temps serait nécessaire pour que les véhicules soient en mesure de rouler de façon autonome en centres urbains, mais aussi pour que l’ensemble du parc soit autonome – a minima le temps d’un renouvellement complet du parc roulant. En tout état de cause, un déploiement de grande ampleur du véhicule autonome serait peu probable avant une vingtaine, voire une trentaine d’années.
Pour d’autres, au contraire, une « rupture » rapide est possible. En pratique, dès 2020, et sans réel « préavis », par exemple au travers du déploiement de flottes de robos-taxis. La technologie progresse très rapidement, et un déploiement massif pourrait se produire dès 2025. Le déploiement pourrait être particulièrement soudain pour les véhicules de transports en commun circulant à petite vitesse, notamment des navettes électriques urbaines roulant à 25 km/h, qui pourraient venir concurrencer les bus, les métros… La ville de Lyon expérimente ainsi, depuis le 2 septembre 2016, un système de navettes électriques autonomes, circulant à une vitesse maximale de 20 km/h, sans conducteur à bord.
Votre Rapporteure recommande de ne pas opposer le scénario graduel et le scénario de rupture et souscrit au point de vue de France Stratégie qui évoque la possibilité « d’un scénario de rupture où le véhicule autonome se déploie rapidement grâce à la diffusion d’un logiciel de pilotage (éventuellement dans certaines zones seulement) et un scénario tendanciel où le véhicule autonome se déploie au rythme du renouvellement du parc automobile ». La vitesse de déploiement du véhicule autonome dépendra d’au moins trois facteurs : la date de commercialisation d’un premier véhicule autonome, de la vitesse d’adoption par la population, et de la vitesse de renouvellement du parc. Elle appelle toutefois à prendre en compte la possibilité d’un scénario « de rupture » : l’industrie automobile française doit se tenir prête et être en mesure de réagir rapidement.
2. La valeur ajoutée se déplace dans l’immatériel
a. La place fondamentale des systèmes d’exploitation
La véritable révolution que constitue le véhicule autonome n’est pas seulement dans l’absence de conducteur mais aussi dans le déplacement de la valeur ajoutée vers l’« immatériel » : la technologie clé du véhicule devient l’intelligence artificielle, le « cerveau » du véhicule. L’essentiel de cette valeur, et par conséquent du prix du véhicule autonome, résidera dans les lignes de code, les algorithmes et les logiciels, qui composeront cette intelligence artificielle.
De la même manière que la valeur ajoutée d’un ordinateur n’est pas dans l’objet « physique », contrairement à ce qui était imaginé dans les années 1980, la valeur ajoutée d’un véhicule ne sera plus dans sa carrosserie, ni même dans son moteur, mais bien dans l’ensemble des systèmes d’exploitation et logiciels qui le dirigeront, même si bien entendu, l’importance du design demeurera.
b. L’arrivée des géants du web dans le secteur automobile
Le véhicule autonome aiguise déjà l’appétit des géants du web. Aujourd’hui, l’automobile est une industrie à faible marge. Avec le glissement de la valeur ajoutée vers l’immatériel, les logiciels et l’intelligence artificielle, les constructeurs et équipementiers courent le risque de laisser une part substantielle de la valeur ajoutée aux nouveaux entrants, ceux qui maîtrisent le mieux les technologies du numérique. L’autonomisation des véhicules aura des répercussions bien au-delà du seul domaine des transports, sur l’ensemble de l’écosystème à base d’intelligence artificielle (organisation des villes, du temps, des commerces…). Les grandes entreprises du numérique en font l’un des axes majeurs de leur développement futur et investissent en conséquence.
Ainsi, comme expliqué au cours d’une visioconférence organisée par la mission d’information depuis le siège parisien de Google, avec Madame Sarah Hunter, Head of Public Policy d’X, Google expérimente depuis 2010 sa Google Car, véhicule intégralement autonome, où le passager n’a qu’à indiquer son adresse de destination. La flotte Google se compose aujourd’hui d’une cinquantaine de véhicules, pour moitié équipés de Lexus, pour moitié de prototypes propres. Si Google n’a pas pour ambition de devenir un constructeur automobile, l’entreprise réfléchit néanmoins, en partenariat avec des constructeurs, à ce que pourrait être la commercialisation future d’automobiles complètement autonomes (474).
Apple s’est également, récemment, lancé dans la course au véhicule autonome, au travers de son projet « Titan ». L’entreprise américaine souhaiterait lancer dès 2019 son Apple Car – éventuellement dénommée iCar – électrique, de partiellement à totalement autonome, et recrute des ingénieurs automobiles débauchés chez Mercedes ou Tesla (475). Apple a, par ailleurs, annoncé le 12 mai 2016 un investissement d’un milliard de dollars dans le leader du véhicule avec chauffeur chinois, Didi Chuxing.
Les géants chinois du numérique se lancent également dans la conception de véhicules autonomes. Le groupe Baidu a procédé début 2016 à des essais sur petites distances, à partir d’un modèle BMW modifié. LeEco développe, pour sa part, un véhicule électrique capable de démarrer et de se garer seul, l’ordre lui étant donné à distance par smartphone. Ces véhicules ont dépassé le stade du processus industriel : Baidu envisage de lancer, à partir de 2018, des navettes autonomes sur des trajets prédéterminés, dans un périmètre qui serait étendu au fil des ans, grâce à un système de cartographie de précision.
c. Le risque de l’émergence de monopoles irréversibles ou de partenariats déséquilibrés
La prépondérance des technologies numériques dans l’autonomisation des véhicules fait planer le risque d’une dépendance de l’industrie automobile française vis-à-vis des géants du web.
Une telle situation pourrait aboutir à la constitution de monopoles irréversibles dans le domaine de l’automobile autonome, détenus par les principaux acteurs du secteur du numérique. Ceux-ci maîtrisent déjà l’ensemble des sujets et données du numérique, et pourraient, sans conteste compte tenu de leur force de frappe financière et technologique, devenir des acteurs dominants de la conception, voire de la construction, de véhicules. Leur savoir-faire en matière de logiciels et de traitement des données leur donne un avantage compétitif. Le contrôle des données pourrait par exemple leur permettre de développer des véhicules autonomes « autoapprenants », puisqu’ils disposeront des masses de données nécessaires à l’ajustement du comportement du véhicule. Toutefois, les constructeurs relativisent ce risque. Selon Carlos Tavarès « la dimension de plus grande valeur ajoutée, la partie software, restera maîtrisée par les constructeurs, d’autant plus qu’elle conditionne la sûreté sur laquelle c’est le constructeur qui s’engagera ».
Parallèlement à leurs initiatives unilatérales, certains géants du numérique nouent également des partenariats avec les constructeurs (476). Si ces échanges de compétences peuvent s’avérer bénéfiques à court terme, afin de faire progresser sur la connectivité et l’autonomisation des véhicules, de tels partenariats ne sont pas une solution satisfaisante en soi, dans la mesure où certains sont déséquilibrés et relèguent la filière automobile à un rôle de « sous-traitant » des entreprises du numérique. Ainsi Google a noué, en mai 2016, un partenariat avec Fiat pour développer, au niveau industriel, son projet de véhicule autonome. Le choix fait par Google serait stratégique, Fiat étant, parmi les constructeurs, l’un de ceux ayant la plus faible ambition de développer ses propres technologies. Fiat devrait fournir cent véhicules test, des monospaces Chrysler Pacifica, tandis que Google conserverait la responsabilité de l’intelligence artificielle embarquée et de la gestion des données, soit le volet le plus « stratégique » et le cœur de la valeur ajoutée. Google aurait refusé de nouer des partenariats avec General Motors, qui exigeait le partage des brevets, ou avec Ford, qui demandait le pilotage du projet.
Une action rapide est donc nécessaire pour éviter que les constructeurs ne deviennent de « simple[s] fournisseur[s] de carrosserie pour Google », comme l’évoquait déjà Carlos Ghosn en 2014 (477). C’est pourquoi, votre Rapporteure estime fondamental :
– de concevoir les systèmes d’exploitation à partir de logiciels libres, dont l’utilisation, l’étude, la modification et la duplication en vue de leur diffusion sont permises techniquement et légalement, de manière à permettre aux industriels de l’automobile d’en conserver la maîtrise ;
– de déployer une stratégie offensive permettant de soutenir l’industrie automobile française dans ce contexte hautement concurrentiel (cf. infra).
3. En France, un engagement des pouvoirs publics insuffisant
L’enjeu que représente le véhicule autonome est désormais clairement identifié en France, comme en témoigne la liste des publications relatives à ce sujet (478), et en particulier le Référé de la Cour des comptes de février 2016 sur les transports intelligents, à la portée symbolique forte, qui constitue une alerte.
Tous ces diagnostics établissent que la France accuse « un certain retard sur les démonstrations et les tests à grande échelle », pour reprendre les termes du Référé de la Cour des comptes. L’industrie automobile n’a commencé que récemment à investir dans le véhicule autonome. L’État a cherché à dynamiser la filière au travers des plans de la Nouvelle France industrielle, mais le calendrier suivi est largement décalé par rapport aux dates probables du lancement du véhicule autonome, et aucune dynamique collective n’est apparue. Les fonds sont dispersés, la structure de la recherche publique et des dispositifs de soutien est compliquée.
L’ensemble des parties prenantes et observateurs ont conscience de ce retard et de ses conséquences :
– selon M. Élie Cohen, économiste, « nos deux entreprises, malgré leurs efforts, […] ne sont pas du tout des leaders dans le secteur » ;
– selon les constructeurs français, « nous étions en retard, mais nous sommes en train de le rattraper » ;
– les organisations syndicales ont elles-mêmes fait part de leurs inquiétudes, lors de leur audition par la mission d’information : « comme le véhicule sera demain davantage un moyen de communication qu’un moyen de transport, il faut à tout prix que vous exhortiez la PFA et la filière automobile française à rattraper le retard qu’elle a pris par rapport à ses concurrentes, notamment l’Allemagne, de façon à ce que le lobbying fait au niveau européen puisse s’exercer également au niveau français et que la pépite que constitue encore aujourd’hui la filière automobile française ne soit pas gâchée dans dix ou quinze ans (479) ».
Votre Rapporteure tient toutefois à saluer certaines initiatives françaises qui, dans la période la plus récente, se sont multipliées.
Ainsi, dans le domaine de la voiture communicante, le groupe PSA a été pionnier de l’appel d’urgence (équipement – baptisé eCall – obligatoire en Europe à partir de 2018 (480)), et a été le premier constructeur français autorisé par les ministères concernés, en juillet 2015, à faire circuler un véhicule intégralement autonome sur plus de 10 000 kilomètres de route ouverte. Lors de son audition par la mission d’information, M. Tavarès indiquait « dans tous les cas, sur le véhicule autonome, je vous assure que l’on fera ce qu’il faut pour rester dans le peloton de tête, comme nous le sommes aujourd’hui ».
L’alliance Renault-Nissan a elle aussi commencé à déployer des véhicules semi-autonomes, avec assistance à la conduite afin d’en améliorer la sécurité et le confort. Le groupe a annoncé une dizaine de véhicules autonomes pour 2020, avec un calendrier précis : autonomie sans changement de voie dès 2016, autonomie avec changement de voie en 2018, puis autonomie totale, y compris dans les intersections en ville, en 2020.
Les équipementiers français, eux, sont particulièrement en pointe. Ainsi, Valéo et Safran ont dévoilé, en mars 2015, soit dix-huit mois après la signature de leur partenariat de recherche sur l’assistance au pilotage et le véhicule autonome, leurs dernières avancées technologiques : le véhicule expérimental hautement automatisé Drive4U®. Autre technologie développée par Valeo, Cruise4U® : Au cours de l’été 2016, le démonstrateur de conduite Cruise4U® a parcouru près de 21 000 kilomètres aux États-Unis. Le véhicule a été équipé de quatre radars d’angle, permettant les changements de file en toute sécurité, ainsi que d’un laser scanner qui balaie l’environnement de jour comme de nuit et quelle que soit l’allure afin de permettre la détection de tout obstacle en mouvement ou statique. Cette technologie offre le choix au conducteur entre la conduite manuelle de son véhicule ou un pilotage automatisé qui gère la direction, l’accélération et le freinage.
b. L’absence d’impulsion politique forte
Certains gouvernements affirment des ambitions et une volonté politique significatives. Ainsi en est-il notamment du Royaume-Uni, dont la ministre des transports déclarait, dès février 2015 : « les voitures sans chauffeurs sont l’avenir. Je veux que le Royaume-Uni soit à l’avant-garde de cette évolution enthousiasmante et développe une technologie qui pourrait transformer nos routes et ouvrir de nouvelles perspectives pour des investissements globaux. Les essais présentent une opportunité fantastique pour le pays de devenir un leader international de cette technologie ». Cet enjeu était perçu comme stratégique pour le secteur des transports, mais plus encore pour l’économie tout entière.
M. Vince Cable, alors secrétaire d’État aux affaires économiques, à l’innovation et aux compétences, indiquait ainsi, en février 2015 : « il est important pour l’emploi, pour la croissance et pour la société que le Royaume-Uni se maintienne à l’avant-garde de l’innovation. C’est pourquoi, j’ai lancé un appel d’offres relatif à la R&D en matière de véhicule autonome. Les projets que nous allons financer vont nous permettre d’être des leaders mondiaux dans ce domaine, et de bénéficier de ce que nous estimons être une industrie de 900 milliards de livres en 2025. La stratégie industrielle du gouvernement est de soutenir le secteur automobile, de lui donner la confiance nécessaire pour investir sur le long terme et développer la technologie de pointe qui créera des emplois qualifiés ».
Aux États-Unis, le Président Barack Obama a annoncé, en janvier 2016, au salon automobile de Detroit, la création d’un plan national de soutien de 4 milliards de dollars échelonné sur 10 ans. Le gouvernement américain met en avant le potentiel des véhicules autonomes pour fluidifier la circulation en diminuant les embouteillages et réduire le nombre d’accidents de la route. Le plan envisagera notamment la création de voies dédiées aux véhicules autonomes sur les autoroutes, et autorisera jusqu’à 2 500 d’entre eux à circuler pendant deux ans. Les États-Unis devaient, par ailleurs, publier une feuille de route « véhicule autonome », sous l’égide de la NHTSA (National Highway Traffic Safety Administration) en juillet 2016.
Enfin, le gouvernement allemand a adopté, le 13 avril 2016, un projet de loi adaptant les règles de circulation à la conduite automatisée, sous réserve que le conducteur puisse reprendre le volant à tout moment. Selon le ministre allemand des transports, Alexander Dobrindt, qui souhaite « amener cette technologie sur les routes », la conduite automatisée est « la plus grande révolution de la mobilité depuis l’invention de la voiture ». L’autoroute A9 en Bavière a été désignée pour servir de terrain d’expériences.
La mobilisation du gouvernement britannique en faveur du véhicule autonome
Le Gouvernement britannique a déjà commencé à travailler pour soutenir la recherche, le développement, les tests et le déploiement des véhicules connectés et autonomes, avec :
– la création en juillet 2014 d’un appel d’offres de 20 millions de livres du département des affaires économiques, de l’innovation et des compétences (BIS, departement for Business, Innovation and Skills) pour la recherche collaborative, l’étude de faisabilité et le déploiement de véhicules autonomes, dont les 8 vainqueurs ont été désignés en février 2016 ;
– le lancement, en décembre 2014, de tests routiers sur les 3 sites sélectionnés par l’appel d’offres, Greenwich, Milton Keynes, Coventry ;
– l’attribution d’un montant de 100 millions d’euros du budget 2015 pour le déploiement du véhicule autonome ;
– la publication, en février 2015, par le département des transports, d’une étude détaillée concernant la réglementation relative au véhicule autonome, autorisant expressément l’expérimentation de véhicules autonomes sur les routes britanniques et planifiant les évolutions réglementaires et normatives nécessaires au développement du véhicule autonome ;
– la publication, en juillet 2015, par le département des transports, d’un code de bonnes pratiques pour les tests de véhicules sans chauffeurs ;
– la création d’une unité interministérielle : le centre pour les véhicules autonomes et connectés (CCAV) est chargé de piloter l’innovation dans ce secteur, de mettre en place un programme de recherche et développement, démonstration et déploiement de 200 millions de livres, au travers du fonds « Innovate UK », un point de contact unique, qui doit assurer la coordination entre le département des transports, le département de l’industrie, et le reste du gouvernement. Le CCAV lancera un nouvel appel d’offres pour une compétition en matière de R&D en 2016. Le CCAV est financé à hauteur de 100 millions d’euros par le fonds pour la mobilité intelligente du département des affaires économiques, de l’innovation et des compétences (BIS, departement for Business, Innovation and Skills) ;
– le lancement, en mai et juillet 2016, de deux consultations nationales relatives aux tests de véhicules autonomes et aux perspectives de déploiement du véhicule autonome ;
– l’étude de la modification du régime assurantiel.
Par contraste avec ces initiatives dans des États économiquement, industriellement et technologiquement comparables, la France, pour sa part, n’a pas affiché une impulsion nationale claire. L’implication des pouvoirs publics, et en particulier l’impulsion et l’affichage politiques au plus haut niveau, paraissent faibles, voire inconsistants. Il existe, certes, des groupes de travail, mais ceux-ci demeurent exclusivement administratifs, voire procéduriers pour ce qui touche à l’autorisation des expérimentations. Le véhicule autonome n’est pas un sujet porté politiquement.
Les groupes administratifs de soutien au véhicule autonome
Votre Rapporteure a interrogé le bureau de l’industrie automobile, au sein de la direction générale des entreprises, pour obtenir un panorama des groupes administratifs de soutien ou de suivi du véhicule autonome.
Trois groupes administratifs de suivi des problématiques relatives au véhicule autonome, à différents niveaux et selon différents formats, ont été créés :
– le directeur général de l’énergie et du climat, le directeur général des entreprises, le directeur des infrastructures, des transports et de la mer et le directeur de la sécurité et de la circulation routières se réunissent une à deux fois par an pour coordonner les travaux et fixer les grandes orientations en matière de véhicule autonome. Les quatre sherpas des directeurs généraux – responsables identifiés pour ce sujet dans chaque administration – se réunissent pour préparer ces réunions et s’assurer de la mise en œuvre opérationnelle des décisions qui en découlent ;
– le groupe « inter-administration sur le véhicule autonome » se réunit chaque mois, voire plus en fonction des besoins, pour traiter les demandes d’autorisations d’expérimentation de véhicule autonome et assurer le suivi de l’évolution du cadre réglementaire sur le sujet, notamment de l’Ordonnance n° 2016-1057 du 3 août 2016 relative à l’expérimentation de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques. Les membres de ce groupe sont les représentants des directions concernées (DGITM, DSCR, DGEC, DGE, DGGN, DG Trésor, ANSSI), le plus souvent les experts sectoriels. Une vingtaine d’autorisations ont été traitées ou sont en cours de traitement depuis la création du groupe. Si le groupe a été monté à l’initiative de la DGE, il est désormais piloté par la DGEC ;
– le groupe « Task-Force véhicule autonome » se réunit chaque mois pour partager la veille internationale, notamment réglementaire, sur le sujet, coordonner les positions des administrations dans les différents cadres internationaux auxquels elles participent et préparer les positions françaises par des études techniques, notamment sur les cas d’usages critiques. Les membres de ce groupe sont similaires à ceux du groupe inter-administration, avec une adaptation aux sujets. La Task-force est pilotée par la DGITM.
Cette organisation date du second trimestre 2016 : avant cela, seul le groupe inter-administration existait, sous un format relativement similaire. Le groupe avait été créé suite au lancement du plan véhicule autonome de la Nouvelle France Industrielle, en novembre 2013, devenu depuis solution pour la « mobilité écologique ».
B. L’URGENCE D’UNE FEUILLE DE ROUTE DÉFINIE PAR L’ÉTAT
Il est urgent, pour l’État français, de développer une feuille de route stratégique relative au développement du véhicule autonome. Le véhicule autonome doit être une priorité nationale pour permettre à nos industries d’être leaders sur les technologies d’autonomisation. Ne pas intégrer le véhicule autonome, c’est risquer d’être évincé durablement du marché de la mobilité.
1. Mettre en place une feuille de route stratégique
a. Définir une feuille de route stratégique et un pilote
L’État a un rôle clé à jouer pour encourager le développement du véhicule autonome. Dans le Référé adressé au Premier ministre le 19 février 2016, la Cour des comptes indiquait que « si l’État n’est pas fondé à se substituer aux acteurs privés pour financer le développement d’une filière industrielle spécifique, il doit, en revanche, agir de manière ciblée pour une suppression raisonnée des obstacles aux transports intelligents. Leur développement s’inscrit, en effet, dans une compétition internationale aux enjeux techniques et économiques importants, à laquelle l’État contribue par la définition et la promotion de normes et par l’ouverture la plus complète des données de transport ».
Plus que des aides financières directes, c’est tout un environnement, un écosystème favorable, qu’il faut créer.
C’est pourquoi, il est indispensable que la France définisse une stratégie globale, une feuille de route ambitieuse et précise pour les quinze années à venir.
Cette feuille de route doit comporter :
– les fonds publics alloués au déploiement du véhicule autonome ;
– les investissements anticipés et leurs échéances ;
– le calendrier des expérimentations envisagées ;
– les échéances des modifications législatives et réglementaires nationales et européennes nécessaires au déploiement des véhicules autonomes (cf. infra) ;
– les résultats espérés, année par année, en termes d’autonomisation des véhicules (dispositifs commercialisés, pourcentage du parc partiellement ou totalement automatisé…).
Une telle planification paraît indispensable à la bonne anticipation des particuliers et des constructeurs, afin d’accompagner les acteurs de la filière automobile française dans une stratégie industrielle viable et cohérente.
Proposition n° 68 : Établir un plan « France véhicule autonome », avec une feuille de route à l’horizon 2030 indiquant :
– les fonds publics alloués au déploiement du véhicule autonome ;
– les investissements anticipés et leurs échéances ;
– le calendrier des expérimentations envisagées ;
– les échéances des modifications législatives et réglementaires nationales et européennes nécessaires au déploiement des véhicules autonomes ;
– les résultats espérés, année par année, en termes d’autonomisation des véhicules (dispositifs commercialisés, pourcentage du parc partiellement ou totalement automatisé…).
Concomitamment, votre Rapporteure soutient la recommandation de la Cour des Comptes de désigner un chef de file en matière de transports intelligents pour assurer le suivi de la mise en œuvre de cette stratégie nationale et coordonner l’action des services de l’État.
En effet, la Cour des comptes pointait la trop grande dispersion des moyens et des responsabilités et mentionnait « la nécessité de désigner un chef de file des transports intelligents pour coordonner les actions de l’État ». Elle regrettait que « plusieurs ministères conduisent des politiques sectorisées souvent contradictoires ou mal coordonnées ». Elle en concluait plus loin que « l’organisation actuelle des services de l’État ne permet pas de répondre rapidement aux enjeux ni de mettre en œuvre une politique publique harmonisée ».
Ce chef de file devrait être un Commissaire général, reconnu pour son expérience dans le domaine de l’industrie automobile et du numérique, placé auprès de Bercy, mais dont la vocation serait interministérielle. Il serait en charge de la coordination des actions des différents services de l’État – industrie, numérique, justice, transports, aménagement du territoire… – en matière de véhicule autonome, ainsi que de la supervision de l’allocation des fonds publics dédiés au déploiement du véhicule autonome.
Ce Commissaire général doit être nommé aussi rapidement que possible, au plus tard au 1er janvier 2017.
Proposition n° 69 : Nommer au plus tard au 1er janvier 2017, un Commissaire général au véhicule autonome, placé auprès de Bercy, coordonnant l’action de l’ensemble des services de l’État concernés par le déploiement du véhicule autonome.
b. Mettre fin à la dispersion des moyens
Le retard français s’explique, également, par la dilution et la dispersion des moyens.
En effet, alors que des dispositifs de soutiens sont nombreux, ceux-ci demeurent peu efficaces dans la mesure où aucun n’est intégralement consacré au véhicule autonome : chaque structure traite le sujet partiellement, de façon noyée dans d’autres projets. Deux écueils s’observent :
– les soutiens publics au véhicule autonome sont trop souvent dilués au sein d’un soutien global à toutes les formes de mobilité, ou d’un soutien à tous les transports potentiellement « écologiques » ;
– les fonds sont dispersés entre plusieurs organismes. Il en résulte une grande complexité.
En conséquence, la structure de la recherche publique et des dispositifs de soutien est mal identifiée et les tentatives de dynamisation de la filière, notamment au travers des solutions de la Nouvelle France industrielle, n’ont pas abouti.
Ainsi, le véhicule autonome est traité au sein de l’une des neufs solutions de la Nouvelle France industrielle : « mobilité écologique ». Il se retrouve dilué dans les programmes relatifs au déploiement du véhicule électrique, à l’allègement des véhicules, sujets bien sûr importants mais différents. Sur les quatre réalisations mises en avant par le Gouvernement, une seule concerne le véhicule autonome.
De même, l’Institut pour la Transition Énergétique (ITE) (481) Vedecom, mis en place en 2014 dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, est dédié « à la mobilité individuelle, décarbonée et durable ». La recherche dédiée au véhicule autonome se fait aux côtés des travaux sur l’électrification des véhicules ou sur les nouveaux usages. Seuls quatre des quinze projets de recherche financés dans le cadre du PIA concernent le véhicule autonome. En outre, Vedecom n’est doté que de 300 millions d’euros sur 10 ans, ce qui paraît insuffisant pour mener des projets de recherche significatifs dans les trois axes que l’ITE s’est donné. De la même manière, ses 125 collaborateurs doivent être répartis sur les trois sujets.
Enfin l’Institut de Recherche Technologique (IRT) (482) System X, labellisé le 1er février 2012 dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, et unique IRT dans le domaine de l’ingénierie numérique des systèmes du futur, est en charge de coordonner les travaux liés à la sécurité du véhicule autonome dans le cadre du volet véhicule autonome de la solution industrielle « Mobilité écologique ». Il couvre pourtant, lui aussi, un grand nombre de domaines qui ne permettent pas d’accorder au véhicule autonome la place qu’il mérite. Sept projets sur 20 sont consacrés au véhicule autonome, les autres étant dédiés à l’ « ingénierie système », à l’« Internet de confiance » et aux « territoires intelligents ».
En conséquence, votre Rapporteure propose :
– de consacrer une solution de la Nouvelle France industrielle au véhicule autonome, en tant que tel ;
– de dédier un Institut pour la Transition Énergétique ou un Institut de Recherche Technologique à la recherche sur le véhicule autonome.
Proposition n° 70 : Consacrer une « solution » de la Nouvelle France industrielle au véhicule autonome, en tant que tel.
Proposition n° 71 : Dédier un institut pour la transition énergétique (ITE) ou un institut de recherche technologique (IRT) à la recherche sur le véhicule autonome.
c. Ouvrir davantage les possibilités d’expérimentations en conditions réelles de conduite
Comme l’indique la cour des Comptes dans son référé du 19 février 2016, « les expérimentations françaises restent balbutiantes, que ce soit pour les véhicules autonomes, individuels ou collectifs ». La France n’a, à ce jour, toujours pas de piste d’essai dédiée aux véhicules autonomes, et n’autorise qu’au cas par cas les expérimentations sur route ouverte (483), ce qui freine le développement et l’expérimentation de prototypes.
Pour rattraper ce retard, les essais doivent être multipliés, en premier lieu sur circuit fermé. Une piste d’essai, actuellement inexistante, devrait être créée et mise à disposition des constructeurs – moyennant tarification de la prestation. Elle devrait reproduire les conditions de circulation urbaine (obstacles, feux de signalisation…).
Proposition n° 72 : Mettre à disposition des constructeurs une piste d’essai pour véhicules autonomes.
L’expérimentation sur route ouverte ne doit plus être soumise à autorisation au cas par cas, mais s’inscrire dans un cadre réglementaire précis et stable, tel que le permet la loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015, dont l’article 37.IX dispose que « le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de permettre la circulation sur la voie publique de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite, qu’il s’agisse de voitures particulières, de véhicules de transport de marchandises ou de véhicules de transport de personnes […] ».
L’ordonnance relative à l’expérimentation de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques a été publiée en date du 5 août 2016, après approbation par le Conseil des ministres. Elle autorise la circulation, à titre expérimental, de véhicules disposant de systèmes d’aides à la conduite ou sans chauffeur, sur la voie publique. Le compte rendu du Conseil des ministres précise qu’elle « aboutira à la construction d’un cadre réglementaire solide au travers d’un décret en Conseil d’État ». Selon le texte, elle s’inscrit dans une démarche visant à ce que « la France soit reconnue comme une terre d’expérimentation du véhicule autonome, un centre d’excellence de l’intelligence embarquée et un leader en sécurité des systèmes complexes, afin de préparer les nouvelles mobilités de demain ».
Toutefois, aux termes de l’ordonnance, l’expérimentation reste soumise à une autorisation individuelle, au cas par cas, pouvant entraver sa mise en œuvre. Ainsi, l’article 1er indique que « la circulation à des fins expérimentales d’un véhicule à délégation partielle ou totale de conduite sur une voie ouverte à la circulation publique est subordonnée à la délivrance d’une autorisation destinée à assurer la sécurité du déroulement de l’expérimentation ». Cette autorisation doit être, selon l’article 2 « accordée par le ministre chargé des transports après avis du ministre de l’intérieur, s’il y a lieu après avis du gestionnaire de la voirie, de l’autorité compétente en matière de la police de la circulation et de l’autorité organisatrice des transports concernés ». Comme l’indiquait déjà la réponse du Premier ministre, datée 26 avril 2016, au Référé de la Cour des comptes relatif aux transports intelligents, l’ordonnance institue « un type de dérogation plus spécifique prévoyant une procédure détaillée et un registre permanent. Pour autant, il s’agira toujours d’un régime dérogatoire… ».
La réglementation d’autres États apparaît bien plus favorable aux expérimentations. Aux États-Unis, des réglementations locales autorisent déjà les expérimentations en Californie, en Floride, dans le Michigan et dans le Nevada.
La Californie a adopté dès 2012 un cadre de règles de sécurité et de performance pour autoriser les tests de véhicules autonomes sur les routes nationales et les autoroutes (notamment en imposant la présence d’un conducteur de secours, de pédales et d’un volant). La Google Car a ainsi déjà pu parcourir plusieurs millions de kilomètres en autonomie totale, et en parcourt encore environ 10 000 par semaine. En Allemagne, un texte de loi est en préparation pour permettre de tester les véhicules autonomes sur une portion de l’autoroute Berlin-Munich. Au Royaume-Uni, ces tests devraient être encadrés par une législation spécifique à partir de 2017. Au Japon, où la Leaf autonome de Nissan a reçu l’autorisation d’être testée dès 2013, des tests seront conduits sur route publique, pour que le pays soit en mesure de présenter plusieurs prototypes lors des Jeux Olympiques de Tokyo en 2020.
En France, un décret en Conseil d’État doit encore préciser les modalités de délivrance de l’autorisation prévue par l’ordonnance du 5 août 2016. Un arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité routière et des transports doit fixer la composition du dossier de demande d’autorisation.
Votre Rapporteure demande que les modalités de délivrance de l’autorisation soient suffisamment claires et simples pour ne pas retarder inutilement un constructeur qui souhaiterait expérimenter un véhicule autonome sur route ouverte. En cas contraire, la France risque d’accumuler un retard préjudiciable en matière d’expérimentation, les autorisations au cas par cas ne pouvant constituer un cadre suffisamment efficace ni juridiquement sécurisé pour les constructeurs et les équipementiers.
La mission d’information sera particulièrement attentive à la publication de ces textes et à leur contenu. Elle estime néanmoins nécessaire de modifier l’ordonnance du 5 août 2016 pour simplifier le cadre réglementaire applicable.
Proposition n° 73 : Modifier l’ordonnance du 5 août 2016 pour permettre l’autorisation générale des expérimentations du véhicule autonome, en précisant les règles de sécurité devant être respectées en tout état de cause, sur le modèle de la réglementation mise en place en Californie.
d. Un fonds stratégique de soutien
Afin d’assurer la pleine efficacité du soutien financier au véhicule autonome, votre Rapporteure propose d’y consacrer un fonds dédié qui aurait vocation à soutenir les actions consacrées au déploiement de l’automobile connectée et autonome. Ce fonds pourrait, sur le plan de sa structure, s’inspirer du cadre constitué par le Fonds national de solidarité numérique PME (FSN PME), désormais géré par Bpifrance sous le label « Fonds Ambition Numérique », lui aussi inclus au sein du PIA.
Ce « Fonds Automobile Autonome », à créer, interviendrait au bénéfice de sociétés ayant dépassé le stade de l’amorçage mais éligibles à un investissement de capital développement au regard des projets présentés. Il revient de lever les incertitudes sur les montants disponibles et les segments à choisir pour véritablement franchir un cap dans des technologies de rupture. Un volume de dotations de 500 millions d’euros au titre du PIA III permettrait notamment de favoriser la création de sociétés communes ou des joint-ventures entre les constructeurs ou équipementiers de rang 1 et des PME-PMI innovantes voire des start up. À cet égard, les soutiens financiers devront être de longue durée, en reprenant une des pistes tracée par le Commissaire général à l’investissement. En effet, M. Louis Schweitzer s’est prononcé, à plusieurs reprises et dès les premières années de mise en œuvre du PIA, en faveur de dotations décennales, la poursuite des paiements fractionnés sur le long terme restant conditionnée à des rendez-vous réguliers d’évaluation.
Un tel soutien financier, massif, public et lisible est indispensable pour assurer le déploiement du véhicule autonome et permettre à la France de rattraper son retard.
Proposition n° 74 : Créer un « Fonds Automobile Autonome », structure distincte et dédiée à l’attribution des soutiens du PIA III pour le véhicule autonome. Doté de 500 millions d’euros, sa création peut s’inspirer du cadre déjà constitué par le Fonds national de solidarité numérique PME (FSN PME) désormais géré par Bpifrance sous le label « Fonds Ambition Numérique ».
1. Soutenir l’industrie française face à l’irruption des géants du numérique et accompagner l’adaptation de la filière
a. Lutter contre le risque de monopoles irréversibles
La finalité de la stratégie nationale en matière de véhicule autonome doit être d’accompagner l’industrie automobile française dans sa mutation. Elle doit en particulier permettre aux constructeurs automobiles, notamment français, de faire face à l’irruption dans le secteur de nouveaux acteurs, issus du numérique, disposants à la fois d’une avance technologique et de considérables capacités de R&D.
Cette stratégie et les moyens qui y seront consacrés devront, en particulier, s’attacher à faire en sorte que les industriels français demeurent maîtres de la conception de l’intelligence artificielle.
Les constructeurs français doivent impérativement être au rendez-vous de la voiture connectée – qui est déjà une réalité – et de la voiture autonome. Selon Carlos Ghosn, « il y a toujours une prime pour les premiers arrivants parce que vous associez la marque avec quelque chose qu’à la fin tout le monde finira par avoir ». Les constructeurs ont un rôle d’autant plus important à jouer que les automobilistes leur accordent leur pleine confiance pour développer le véhicule autonome. En effet, selon une étude menée par l’Observatoire Cetelem, 62 % des automobilistes, en moyenne, leur accordent leurs préférences pour construire la voiture connectée, puis la voiture autonome, contre 46 % aux spécialistes de l’information et 36 % aux équipementiers (484). En France, pays où la tradition automobile est forte, les constructeurs automobiles recueillent plus de 70 % des préférences des automobilistes.
Si des partenariats entre le secteur de l’automobile et le secteur du numérique ne sont pas à exclure, les constructeurs doivent en être à l’initiative, et en assurer le pilotage. Ils ne peuvent se contenter d’être de simples « sous-traitants » permettant aux géants du numérique de déployer leurs technologies. Surtout, ils doivent être les seuls à pouvoir exploiter les données qui seront extraites de l’utilisation du véhicule autonome.
La bataille de l’intelligence artificielle se joue également par la coopération au sein de la filière automobile elle-même, notamment entre les constructeurs et les équipementiers. Dans cette course, constructeurs et équipementiers doivent s’allier, sous l’impulsion des pouvoirs publics, afin de créer une véritable force d’innovation pour garantir la compétitivité de l’ensemble de la filière française.
b. Accompagner l’adaptation de l’ensemble de la filière
L’ensemble de la filière automobile, des équipementiers aux services, en passant par les constructeurs, est concernée par la révolution du véhicule autonome et connecté.
Des équipementiers paraissent d’ores et déjà vouloir saisir ces opportunités. Outre l’exemple de Valéo (cf. infra), M. Yann Delabrière, président-directeur général de Faurecia (485), a par exemple indiqué à la mission que « la conception de la voiture connectée qui suppose une transformation du cockpit » fait partie de ses principaux axes de recherche et développement, comme l’ensemble des enjeux se rapportant à l’interface homme-machine.
Les équipementiers ont tout à gagner au déploiement du véhicule autonome et connecté, pour peu qu’ils soient préparés : les pièces produites, nécessaires à l’autonomisation, seront des composants à haute valeur ajoutée : caméras, capteurs, centrales à inertie... Afin d’en tirer profit, les équipementiers doivent dès à présent nouer des partenariats, en particulier avec les constructeurs automobiles français. À cet égard, les pôles de compétitivité ont un rôle stratégique d’interface à jouer, de manière à mettre en relation les équipementiers traditionnels, mais aussi les starts-up innovantes ou entreprises du numérique françaises avec les constructeurs.
Proposition n° 75 : Confier aux pôles de compétitivité la mission particulière de mettre en relation les constructeurs avec les équipementiers ou entreprises du secteur de l’automobile ou du secteur du numérique actives en matière de véhicule autonome.
Valeo en matière de véhicule autonome
La mission s’est rendue sur le site de Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir) de l’entreprise Valeo, l’un des principaux équipementiers français, le 12 mai 2016.
Valéo développe son activité relative au véhicule autonome. Le groupe est ainsi à l’origine du système « Park4U », logiciel installé sur des véhicules Mercedes, grâce auquel les voitures peuvent se garer seules. Valeo a par ailleurs développé un prototype intégral de véhicule autonome, ayant déjà fait le tour de la France, le Drive4U. Son ambition est de ne plus produire uniquement « les yeux et les oreilles » de tels véhicules, mais aussi leur « cerveau », logiciel cœur.
Pour atteindre ses objectifs, le groupe investit fortement dans la recherche et développement, qu’il focalise sur la conduite intuitive et autonome. Cet investissement maintenu constant ou accentué, notamment en 2008-2009, a fait partie de la stratégie de sortie de crise du groupe, à une période où tous ses concurrents réduisaient leurs budgets de R&D. 10 % du chiffre d’affaires sont ainsi investis en R&D chaque année, soit un pourcentage comparable aux entreprises de haute technologie. 50 % de la recherche et développement, et 80 % de la recherche seule, sont réalisés en France. 2 000 ingénieurs sont aujourd’hui spécialisés sur les logiciels pour véhicules autonomes, effectifs en hausse constante.
Ces investissements dans la recherche, que le groupe présente comme la clé de sa croissance, paraissent déjà payants. Actuellement, 37 % des prises de commande du groupe sont liées à l’innovation (c’est-à-dire concernent des produits de moins de trois ans).
De même, le rôle des services de vente et d’après-vente est appelé à évoluer : ces services ne pourront plus se contenter de commercialiser un véhicule sur les seuls « arguments technologiques », celui-ci devenant de plus en plus une « nouvelle pièce à vivre » (486). Les professionnels de la distribution et de l’après-vente devront vendre le véhicule avec l’expérience de vie à bord. Ils devront pouvoir proposer et expliquer l’ensemble des services embarqués, et adapter leurs offres aux exigences individuelles des conducteurs. Ils devront devenir les interlocuteurs naturels auxquels les conducteurs pourront s’adresser pour obtenir des informations ou pour résoudre des difficultés. Selon le CNPA, « il ne s’agira plus seulement pour eux de déployer des systèmes conçus par d’autres (approches communément imposées par les constructeurs dans les concessions de marques). Les professionnels deviendront acteurs-clés dans la co-construction d’offres de services adaptées aux exigences personnalisées des conducteurs […]. C’est donc tout à la fois un élargissement du rôle des professionnels de la filière aval et une mutation de leurs savoir-faire qui se profilent ». Par ailleurs, la notion de « maintenance automobile » connaît actuellement une mutation profonde. La frontière entre l’industriel/équipementier d’une part, et le prestataire aval de l’après-vente d’autre part, se brouille dès lors que des constructeurs comme Tesla par exemple proposent désormais d’effectuer des mises à jour à distance des logiciels de leurs voitures.
C. PRÉVOIR LE CADRE DU DÉPLOIEMENT DU VÉHICULE AUTONOME
M. Carlos Ghosn lors de son audition par la Commission des affaires économiques (487) au sujet du véhicule autonome s’interrogeait : « en 2020, la technologie sera prête. Le régulateur le sera-t-il ? ». La course au véhicule autonome se joue également entre États sur le terrain réglementaire. En ce domaine, la France est en retard.
1. L’homologation des logiciels doit être obligatoire
Les véhicules autonomes ne seront plus conduits par des hommes, mais par des algorithmes, des lignes de code, des équations mathématiques. « Cette gouvernance par les algorithmes, qui va la contrôler ? », comme le formulait la directrice de la conformité de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) dans un entretien avec votre Rapporteure (488) . Le logiciel truqueur de Volkswagen concernant les émissions polluantes ne serait ainsi qu’un avant-goût de l’enjeu considérable que constituent, pour la puissance publique, le contrôle et la réglementation des lignes de code.
Le déploiement des véhicules autonomes impose de prévoir des critères d’homologation, pour garantir leur sécurité et leur conformité à l’ensemble des réglementations, mais aussi la lutte contre le piratage, contre la fraude ou contre des atteintes aux libertés individuelles. En particulier, il est indispensable que les logiciels présents dans les véhicules soient eux aussi homologués.
Une telle homologation des logiciels existe déjà dans les secteurs de l’aviation (contrôle des logiciels de pilote automatique des avions) et de la santé (contrôle des logiciels de gestion des données en matière de santé) : il n’existe donc pas d’obstacle technique à son extension au domaine de l’automobile. L’INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique), interrogé par votre Rapporteure, indique disposer des compétences pour dupliquer les méthodes appliquées à d’autres secteurs pour l’automobile.
Ceci requiert toutefois plusieurs conditions :
– il est absolument nécessaire que les autorités d’homologation puissent accéder aux codes sources et aux algorithmes de l’ensemble des logiciels présents dans le véhicule. La propriété intellectuelle ou industrielle de ces logiciels par les constructeurs ne saurait leur être opposée : il s’agit d’instaurer une transparence des constructeurs vis-à-vis des autorités d’homologation, sans pour autant que les données ne soient rendues publiques par ailleurs. Comme l’indiquait le sénateur Louis Nègre, « ces informations, comme le code source des logiciels, qui relèvent du secret des affaires, devraient être mises à la disposition d’instances habilitées à en juger en toute confidentialité, de façon à rassurer les citoyens et à permettre aux constructeurs de retrouver leur crédibilité ».
Proposition n° 76 : Rendre obligatoire l’homologation des logiciels et algorithmes pilotant tout ou partie du fonctionnement d’un véhicule.
– l’homologation des logiciels implique que les pouvoirs publics se dotent des compétences nécessaires à l’exercice de leur mission de contrôle. Les services de l’État, notamment en France, sont actuellement confrontés à un déficit de compétences en ce domaine. Les autorités nationales d’homologation doivent assurer, dès à présent, leur montée en compétence dans le domaine du logiciel.
Proposition n° 77 : Organiser la montée en compétences des services nationaux d’homologation dans le domaine du numérique, par le recrutement d’ingénieurs et techniciens informatiques.
– des études approfondies doivent être conduites de manière à édicter les protocoles en matière d’homologation des systèmes d’intelligence artificielle. Ceci est notamment le cas en ce qui concerne les risques de piratage de véhicules, mis en lumière par les démonstrations, largement médiatisées en 2015, de la prise de contrôle d’une Jeep autonome par deux « pirates » américains, puis celle d’une Corvette par deux chercheurs californiens. Votre Rapporteure propose, pour cela, de charger l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et l’INRIA de mener les études nécessaires, notamment sur les risques de cyber-malveillance, pour en tirer des conclusions et définir les méthodes et critères d’homologation des systèmes d’intelligence artificielle embarqués.
Proposition n° 78 : Confier à l’ANSSI et à l’INRIA l’évaluation des risques de cyber-malveillances afin d’élaborer les méthodes et critères d’homologation des systèmes d’intelligence artificielle embarqués.
Le cadre de cette homologation doit être défini au niveau européen, et harmonisé, les véhicules ayant la possibilité de circuler dans les différents États de l’Union – de la même manière que l’homologation actuelle, en matière environnementale ou de sécurité, répond, dans chaque État membre, aux normes définies par l’Union européenne.
Le Conseil européen pour la sécurité des transports (ETSC), réuni en 2016, a ainsi indiqué que l’Europe devait se doter au plus vite d’un cadre réglementaire fixant les principes d’homologation des véhicules autonomes, de manière à ce que ces véhicules puissent être autorisés à circuler dans tous les États membres. Ce rapport faisait deux recommandations :
– réviser le système d’homologation des véhicules de manière à garantir que les véhicules autonomes répondent à toutes les obligations spécifiques du code de la route et aux exigences de sécurité des différents États-membres ;
– réviser les normes d’homologation des véhicules pour couvrir l’ensemble des nouveaux dispositifs de sécurité des véhicules autonomes, comme si le véhicule autonome passait son « permis de conduire ». Ceci devrait prendre en compte des scénarios à haut risque pour les passagers ou usagers de la route à l’extérieur du véhicule.
Votre Rapporteure propose que soit élaboré, au plus vite, un cadre d’homologation permettant d’assurer la réception par type des véhicules autonomes, en garantissant la sécurité des usagers. Ceci implique de définir des normes ou valeurs standardisées, et de revoir les processus de test.
Proposition n° 79 : Porter une initiative française pour que soient élaborés au plus vite, au niveau européen, un système et des normes d’homologation des véhicules autonomes propres à garantir la sécurité des usagers de la route.
2. Garantir la protection des données
Le véhicule connecté et autonome a de nombreuses incidences en matière de protection des données et des libertés individuelles. En effet, lors de son utilisation, le véhicule connecté va collecter quantité de données relatives au comportement du véhicule, mais également aux habitudes de l’utilisateur : comportement du conducteur, nature de ses déplacements et trajets parcourus, entre autres. Si certaines de ces données ont un usage uniquement interne au véhicule (in-in), d’autres sont transmises à l’extérieur, notamment aux services après-vente, ou aux services annexes situés le long du trajet effectué (in-out). D’autres enfin sont transmises à l’extérieur du véhicule, interconnectées avec l’ensemble du big data, pour être traitées, avant de revenir vers le véhicule sous la forme de correctif afin d’adapter, au plus près, l’automobile à son utilisateur (in-out-in). Il est indispensable d’assurer à ces données, indéniablement personnelles, la protection qui leur est due.
Le 8 avril 2016, le Conseil européen a voté le projet de nouveau règlement de protection des données, adopté ensuite par le Parlement européen le 14 avril 2016. Ce règlement entrera en vigueur en mai 2018 (489).
Afin de préparer l’entrée en vigueur de ce règlement, et de permettre aux constructeurs et équipementiers des futurs véhicules connectés et autonomes de s’y soumettre, la CNIL élabore depuis mars 2015 un « pack de conformité » auquel Renault et PSA contribuent. Les professionnels de la filière, réunis par la CNIL, sont demandeurs de ce pack, véritable « guide pratique » du respect de la réglementation européenne permettant d’obtenir des éclaircissements sur les responsabilités qui incombent à chacun. Ce pack, actualisé tous les six mois, aboutit à des prescriptions techniques précises : à titre d’illustration, il indiquera aux concepteurs des véhicules ou logiciels qu’ils devront prévoir, pour chaque dispositif collectant des données, un système de désactivation de cette collecte à la demande du conducteur, de façon ponctuelle ou générale (ex : refus de la géolocalisation). Sans avoir de portée normative, il leur donne toutefois l’assurance de respecter la réglementation européenne. Le manquement au pack de conformité ne sera pas susceptible d’entraîner une sanction. En revanche, le manquement au règlement européen relatif à la protection des données pourra, dès son entrée en vigueur, être sanctionné. Tout acteur se conformant au pack de conformité sera réputé conforme au règlement européen ; tout acteur ne se soumettant pas au pack de conformité devra, pour sa part, prouver qu’il respecte le règlement européen par d’autres moyens.
Votre Rapporteure suggère d’aller plus loin et propose que le respect, par les constructeurs et équipementiers, de ce pack de conformité, fasse l’objet d’une certification obligatoire, attestant de la conformité à la réglementation européenne relative à la protection des données. Ce certificat pourrait être délivré par un organisme indépendant, après homologation par la CNIL de l’organisme, et du référentiel retenu pour délivrer le label.
Proposition n° 80 : Délivrer une certification aux entreprises issues de la filière automobile et aux acteurs du numérique qui respectent le pack de conformité de la CNIL, attestant du respect de la réglementation européenne de protection des données.
Par ailleurs, il est indispensable qu’un tel pack de conformité soit élaboré au niveau européen, de manière à ce que les lignes directrices soient identiques dans tous les pays. Certains constructeurs s’inquiètent en effet de spécificités françaises dans les lignes directrices actuellement élaborées, qui pourraient engendrer des difficultés notamment en ce qui concerne les programmes d’assistance à la sécurité routière. À partir des travaux de la CNIL, votre Rapporteure appelle le G29, regroupant les homologues de la CNIL dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, à élaborer un pack commun de conformité.
Proposition n° 81 : Saisir le G29 en vue de l’élaboration, au niveau européen, d’un « pack de conformité véhicule connecté et autonome » attestant du respect des normes européennes en matière de protection des données.
3. La sécurité routière et la réglementation
a. L’impact du véhicule autonome sur la sécurité routière
Pour certains, les véhicules autonomes amélioreront nécessairement la sécurité routière, en ce qu’ils réduiront les risques liés au facteur humain dans la conduite. Dans la mesure où l’erreur humaine est responsable de 90 % des accidents de la route, l’automaticité de la conduite permet de réduire les incertitudes et les risques de défaillances dues à l’homme. Si cette évolution serait bénéfique pour tous, elle concernerait particulièrement pour les flottes d’entreprises, les accidents de voiture constituant la première cause de mortalité au travail (490) : le développement d’un véhicule plus sûr, car éliminant l’erreur humaine et pacifiant les conditions de circulation, peut contribuer à faire disparaître le risque professionnel de l’accident de la route.
Pour d’autres, les véhicules autonomes ne garantissent aucunement la sécurité :
– la coexistence inévitable entre des véhicules autonomes et des véhicules classiques pourrait être source de dangers ;
– la perte d’expérience des conducteurs, moins sollicités, pourrait générer une incapacité à réagir en cas de panne ou de circonstances imprévues : comme l’indiquait Emmanuel Barbe, délégué à la sécurité routière, « la question demeure posée de savoir si l’homme sera toujours capable de répondre à des situations trop complexes pour être gérées par une machine. En conduisant très peu, le risque est de perdre de l’expérience, et la transition risque d’être difficile. Reste l’éventualité de la panne : comment y faire face ? » (491) ;
– la multiplication des écrans, de même que la perte de vigilance du conducteur peuvent aussi provoquer des accidents ;
– les véhicules dits « semi-autonomes », qui comportent en réalité uniquement des dispositifs partiels d’assistance à la conduite, pourraient générer un sentiment de sécurité trompeur, alors même qu’ils ne sont aucunement conçus pour se substituer au conducteur. Le conducteur est abusé par la notion de « pilotage automatique » : il en oublie qu’il doit, à tout instant, conserver ses mains sur le volant et maintenir son attention. Plusieurs accidents survenus sur des véhicules Tesla semi-autonomes, dans lesquels les conducteurs s’estimaient déchargés de leur responsabilité – notamment en raison de l’appellation trompeuse du dispositif, « Auto Pilot » – en sont des illustrations (492) ;
– la technique elle-même n’est pas infaillible. Ainsi, en mai 2016, un accident mortel avait lieu en Floride, le conducteur d’une Tesla model S n’ayant pu éviter à temps la collision avec un poids lourd. Dans un communiqué fin juin 2016, rendant l’accident public, l’entreprise Tesla indiquait que la peinture blanche du camion avait empêché le système de le détecter car il se confondait avec un ciel nuageux. Le conducteur n’a pas réagi à temps et sa voiture est passée sous la remorque. La NHTSA, l’agence américaine chargée de la sécurité routière a annoncé l’ouverture d’une enquête préliminaire.
Le déploiement du véhicule semi-autonome ou autonome devra donc être accompagné par une prise en main adaptée lors de l’achat. Il est particulièrement essentiel que les conducteurs sachent réagir en cas de panne. Ceci implique une présentation complète des normes de sécurité lors de l’achat d’un véhicule semi-autonome en concession automobile. Dans la lettre par laquelle il convoquait ElonMusk, président de Tesla, à une audition devant la commission sénatoriale américaine supervisant la sécurité routière le 29 juillet 2016, le sénateur du Dakota du nord John Thune indiquait ainsi « je souhaite connaître les efforts de Tesla pour former les clients à l’utilisation de cette technologie ».
Proposition n° 82 : Responsabiliser les constructeurs et les concessionnaires en matière de présentation de l’ensemble des règles de sécurité associées aux véhicules autonomes lors de l’achat et de la prise en main d’un véhicule de ce type.
b. La France doit porter un projet de révision de la convention de Vienne
La technologie avance plus vite que la réglementation. Le besoin de normes internationales compatibles avec le déploiement du véhicule autonome est urgent.
Actuellement, la conduite est régie en France par les Conventions de Vienne sur la circulation routière et sur la signalisation routière de 1968, ratifiées par la France en 1971, puis transposées dans le code de la route (493).
La convention de Vienne sur la circulation routière a longtemps rendu impossible la circulation de véhicules autonomes sur les routes. En effet, elle stipule que « tout conducteur doit constamment avoir le contrôle de son véhicule et éviter toute activité autre que la conduite ». Par ailleurs, le règlement n° 79 des Nations-Unies interdit la circulation à plus de 10 km/h des véhicules avec délégation de conduite.
Une avancée significative a été accomplie avec l’entrée en vigueur, le 23 mars 2016, d’un amendement à la convention de Vienne, régularisant les systèmes d’aide à la conduite lorsque ceux-ci sont liés à la sécurité, et non au confort, tels que l’ABS, le limiteur de vitesse ou l’alerte au conducteur en cas de changement de trajectoire. Deux conditions sont posées à cette régularisation : les systèmes de conduite automatisée sont autorisés sur les routes s’ils sont conformes aux règlements des Nations Unies et s’ils peuvent être aisément désactivés par le conducteur. La Commission économique des Nations-Unies pour l’Europe (CEE-ONU) a justifié cette évolution par le fait que « la conduite automatisée va révolutionner la mobilité », et la rendre « plus écologique, efficace et accessible ».
Pour autant, malgré ces évolutions récentes et positives, le véhicule autonome n’est pas encore autorisé à circuler, et de nombreuses barrières demeurent :
– la vitesse des véhicules fonctionnant avec des dispositifs de conduite automatisée est encore limitée à 10 km/h, dans l’attente de la révision du règlement n° 79 des Nations-Unies ;
– les règlements des Nations-Unies n’intègrent pas encore les fonctions de direction à commande automatique (bien qu’un communiqué de presse des Nations-Unies de mars 2016 indique qu’ils le feront « bientôt (494) ») ;
– les experts de la CEE-ONU devaient rendre, en septembre 2016, la conclusion de travaux, entamés en 2014, sur les exigences techniques auxquelles les fonctions de direction à commande automatique devront se conformer pour assurer la sécurité du véhicule, en vue d’une adoption possible par le Forum mondial sur l’harmonisation des Règlements concernant les véhicules en 2017.
Si des modifications ne sont pas apportées rapidement, ce texte risque d’handicaper lourdement les industries européennes de l’automobile et du transport.
Votre Rapporteure estime fondamental que la France joue un rôle proactif au sein des discussions de la CEE-ONU relatives à la nouvelle modification de la Convention de Vienne à venir, de manière à faire valoir ses intérêts et ceux de ses constructeurs. Ces discussions ont lieu, notamment, au sein des groupes de travail de la CEE-ONU dédiés respectivement à la sécurité routière (WP1) et à l’harmonisation des réglementations technique des véhicules (WP29). La France est représentée dans chacun de ces groupes de travail, qui sont les instances stratégiques de préparation des évolutions de la réglementation prise dans le cadre des Nations-Unies (495).
À cet égard, il est nécessaire pour la France de définir une position et une ligne de négociation claire, de manière à faire avancer les discussions qui s’y tiennent trois fois par an, dans un sens favorable au déploiement du véhicule autonome et aux intérêts de l’industrie automobile française.
Proposition n° 83 : Définir un mandat de négociation clair pour la France dans les discussions en cours sur l’évolution de la Convention de Vienne sur la circulation et la signalisation routières, en particulier au sein des groupes de travail WP1 et WP29.
Par ailleurs, si le cadre des Nations-Unies apparaît pertinent, celui de l’Union européenne l’est davantage. Il est impératif d’avancer aussi rapidement que possible vers l’adoption d’une réglementation européenne commune. Ceci implique d’engager des discussions pour coordonner, puis unifier les réglementations nationales au sein de cet espace intégré, de manière à garantir un développement harmonisé du véhicule autonome à cette échelle.
La déclaration d’Amsterdam (496), issue du conseil des ministres des transports du 14 avril, marque une avancée positive en ce sens. Dans ce document, les 28 ministres chargés des transports s’engagent notamment à travailler à un cadre européen cohérent pour le déploiement de véhicules connectés et autonomes cohérents, si possible d’ici 2019, et à soutenir l’innovation à venir dans les véhicules connectés et autonomes pour accroître la part de marché de l’industrie européenne en ce domaine.
Votre Rapporteure propose d’assurer un suivi régulier, tous les six mois, des avancées dans chacun des domaines mentionnés par la déclaration d’Amsterdam, jusqu’à adoption d’un cadre européen harmonisé, que votre Rapporteure souhaite la plus rapide possible.
Proposition n° 84 : Élaborer une réglementation européenne commune en matière de véhicule autonome. Dans cette attente, assurer un suivi régulier, tous les six mois, des avancées dans chacun des domaines mentionnés par la déclaration d’Amsterdam, jusqu’à adoption d’un cadre européen harmonisé.
Deux thèses s’opposent quant à la nécessité d’adapter l’ensemble des infrastructures au déploiement du véhicule autonome :
– pour certains, l’ensemble de l’environnement de conduite doit être adapté au véhicule autonome : au-delà de l’équipement en capteurs et logiciels des véhicules, il serait aussi nécessaire d’équiper les feux et panneaux de signalisation, voire les lignes blanches, passages piétons, et places de stationnement, de manière à ce qu’ils envoient une information perçue par les véhicules. M. Delabrière, directeur général de Faurecia, indiquait ainsi : « l’inconvénient de la voiture autonome est le suivant : quels que soient les progrès réalisés sur la voiture, son fonctionnement nécessite, d’une part, que l’ensemble du parc soit équipé et, d’autre part, de fournir des investissements dans les infrastructures. Or, je ne vois pas par qui ces derniers vont être financés. Qui va payer 500 euros par feu rouge pour y installer une borne électronique ? Regardez également l’état des lignes blanches sur les routes françaises, même nationales : pour guider une voiture autonome sur une route, il faut au minimum que ces lignes blanches soient lisibles. Qui va payer pour qu’on les repeigne tous les deux ans et qu’elles soient détectables par une voiture autonome ? De tels investissements représentent des dizaines, voire des centaines de milliards d’euros. » (497) ;
– pour d’autres en revanche, l’adaptation des infrastructures n’est pas impérative. Ainsi, Mme Sarah Hunter, Head of Public Policies de Google Car, indiquait lors de la visioconférence menée au siège de Google, que les choix technologiques opérés par la marque n’impliquaient pas de travaux particuliers sur les infrastructures existantes ou la création de dispositifs physiques spéciaux. De même, M. Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, indiquait lors de son audition par la mission : « en ce qui concerne le véhicule autonome, il est vrai que les investissements à réaliser seront considérables, mais ils ne porteront pas nécessairement sur la voirie ».
Votre Rapporteure recommande d’engager une étude précise et détaillée sur les éventuels besoins en investissements dans les infrastructures, en évaluant leur coût et leur faisabilité à un horizon de temps proche. Si des investissements étaient perçus comme nécessaires, ils devraient être budgétés et engagés aussi rapidement que possible. Cette étude devrait être confiée conjointement au Conseil général de l’environnement et du développement durable, et au Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, les deux corps d’inspection compétents en matière d’industrie et de transports. Les conclusions de l’étude seraient attendues pour l’automne 2017, un an après l’envoi de la lettre de mission.
Proposition n° 85 : Confier au Conseil général de l’environnement et du développement durable et au Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies la réalisation d’une étude détaillée sur les éventuels besoins en investissements dans les infrastructures, en évaluant leur coût et leur faisabilité à un horizon de temps proche, à mener d’ici l’automne 2017.
Le véhicule autonome bouleverse l’approche des enjeux de responsabilité du conducteur en cas d’accident. Selon la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), que votre Rapporteure a rencontrée, des programmes de recherche européen et français sont en cours, et associent les constructeurs, en ce qui concerne la responsabilité en cas d’accident, dans l’hypothèse où la voiture ne serait pas contrôlée par un être humain mais par une machine. Toutefois, au vu du rythme de déploiement du véhicule autonome, il apparaît que le statut du conducteur, tel qu’il existe aujourd’hui du point de vue assurantiel, devrait persister « pendant au moins cinq à dix ans », selon la Fédération française des sociétés d’assurance, qui précise que « cela ne va pas arriver du jour au lendemain ». (498)
Cette progressivité du déploiement du véhicule autonome doit être mise à profit pour s’interroger sur trois points, et y apporter des réponses suffisantes avant la commercialisation des premiers véhicules :
– l’environnement juridique actuel de l’assurance est-il adapté au véhicule autonome ? L’obligation d’assurance n’est pas en cause, car les textes actuels peuvent être appliqués, sans modification, aux véhicules autonomes. En revanche, la question de l’indemnisation par l’assureur de la victime d’un dommage impliquant l’assuré doit être précisée, car la loi n° 85-677 du
5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation dite « loi Badinter », ne permet pas de traiter la situation dans laquelle un accident surviendrait à un moment de délégation de conduite ;
– comment établir la responsabilité d’un accident ? Pour les véhicules semi-autonomes, le conducteur devrait être responsable dans les phases de conduite, mais non dans les phases de délégation de conduite, où la responsabilité pourrait être imputée aux constructeurs ou équipementiers. Pour les véhicules autonomes, la responsabilité d’un accident serait probablement imputée à chaque instant au constructeur ou à l’équipementier, qui pourraient éventuellement s’assurer auprès de grandes compagnies pour couvrir l’ensemble de leur flotte autopilotée. Lors de la visio-conférence effectuée avec Google, le groupe américain a indiqué n’avoir pas engagé de réflexion commune avec les assureurs, mais qu’il n’éluderait pas sa responsabilité en cas d’accident, le ou les passagers d’une Google Car ne pouvant être considérés comme conducteurs (499). Deux pistes peuvent être étudiées pour faciliter l’identification de la responsabilité : standardiser l’ensemble des technologies, pour faciliter l’écheveau des responsabilités ; ou envisager l’implantation de boîtes noires au sein des véhicules. Au Royaume-Uni, qui prévoit de modifier sa législation en matière d’assurance automobile afin d’autoriser la circulation des véhicules autonomes d’ici à 2020, l’une des pistes suivies consiste à laisser l’indemnisation des victimes d’un accident à la charge de l’assureur, tout en l’autorisant à se retourner contre le constructeur du véhicule autonome si celui-ci était reconnu en tort (500) ;
– quel modèle économique mettre en place pour les assureurs dans ce nouveau contexte ? La réduction des risques d’accidents pourrait conduire à une diminution des primes d’assurance, donc des recettes des assureurs, dont le modèle économique est fondé sur la mutualisation du risque. En réalité, le véhicule autonome entraînera peut-être une diminution de la responsabilité civile du conducteur, mais les assureurs conserveront une activité en matière d’assurance contre le vol ou le bris de glace, et pourront développer des assurances en matière de défaillance des systèmes matériels et logiciels ou encore de piratage. Les accidents individuels diminueront probablement, mais les accidents « volatils et sériels », nés du dysfonctionnement d’un dispositif technique dans une série de véhicules autonomes, augmenteront probablement. En outre, le transfert de responsabilité du conducteur vers le constructeur multipliera la possibilité d’actions de groupe. La MAIF, toutefois, dans un entretien avec votre Rapporteure (501), indiquait que si 60 % du parc était composé de véhicules autonomes, près de 80 % du chiffre d’affaires des assureurs serait impacté.
La Fédération Française des Sociétés d’Assurance regrette la trop faible implication des pouvoirs publics sur ce sujet, alors que « c’est maintenant qu’il faut engager le travail ». Les principes fondamentaux en matière de réglementation et d’assurance doivent être posés, et l’être de façon harmonisée, avant que le processus industriel ne soit trop engagé.
Cette réflexion avance rapidement dans d’autres pays. Ainsi, le 4 février 2016, la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA), l’autorité américaine chargée de la sécurité routière, a indiqué qu’elle pourrait reconnaître au système d’intelligence artificielle de la Google Car la notion juridique de « conducteur ». Pour la première fois, une autorité envisage publiquement l’éventualité de désigner comme conducteur une machine, et non un être humain, et donc la possibilité d’étendre la notion de responsabilité.
En tout état de cause, comme l’indiquaient des responsables du groupe MAIF rencontrés par votre Rapporteure, le cadre assurantiel propre au véhicule autonome doit être élaboré au niveau européen.
L’assurance automobile et ses évolutions récentes
L’assurance automobile représente un montant de 20 milliards d’euros sur un montant total de l’assurance de 150 milliards d’euros, dont 50 milliards d’euros hors assurance-vie. Elle constitue un sujet historique du modèle assurantiel. Parmi ces 20 milliards d’euros, l’assurance obligatoire représente 8 milliards d’euros et les garanties optionnelles représentent 12 milliards d’euros.
Ces dernières années, de nouveaux modèles assurantiels se sont développés, visant à une individualisation croissante des primes d’assurance en fonction du risque réel associé au conducteur. Ainsi, dans le « pay as you drive », la prime est calculée en fonction de l’usage du véhicule. Plus encore, dans le système « pay how you drive », la prime calculée en fonction du comportement du conducteur, les automobilistes les plus vertueux pouvant réduire leur prime d’assurance grâce à la prise en compte du facteur de risque – à la condition toutefois d’accepter de donner à l’assureur un accès aux données personnelles de conduite. Avec le véhicule connecté, la connaissance du risque associé à chaque conducteur augmentera considérablement. De plus en plus de capteurs permettront de connaître des données relatives au kilométrage, à la vitesse, au style de conduite. En raison de la concurrence croissante, les assureurs recherchent de plus en plus cette individualisation, pour attirer à eux les « bons risques ».
Toutefois, ce système présente des dangers. Le principe assurantiel s’oppose, par nature, au fait de faire payer à chacun son risque exact. En effet, une telle individualisation conduirait à exclure du système les conducteurs les plus « à risque »
– qui seraient dans l’impossibilité de trouver un assureur, ou ne le pourraient qu’à des prix exorbitants – alors même que ce sont ceux pour lesquels l’assurance est la plus importante. En Italie et aux États-Unis, des acteurs de l’assurance proposent déjà des produits très individualisés, en fonction du risque. La MAIF, que votre Rapporteure a rencontrée, souhaite aller vers un modèle plus vertueux en exploitant les données à des fins de prévention et de pédagogie. Comme indiqué lors de son entretien par la Rapporteure, la CNIL souhaiterait, elle aussi, mettre des limites à cette logique d’individualisation de l’assurance.
Il convient de se servir de ces outils de connaissance des données pour opérer plutôt :
– un ciblage sur les secteurs les plus accidentogènes (en utilisant les capteurs pour interdire aux jeunes conducteurs de conduire de nuit, les vendredi et samedi soirs, par exemple) ;
– une aide à l’hyper-prévention plutôt qu’à l’hyper-individualisation, en proposant par exemple des diagnostics de conduite ;
Il pourrait être envisagé de faire signer aux assureurs une charte de déontologie précisant jusqu’à quel point, et pour quels usages, les données personnelles peuvent être exploitées.
CINQUIÈME PARTIE : OUI, L’INDUSTRIE AUTOMOBILE A UN AVENIR EN FRANCE
L’industrie automobile représente 541 000 emplois dans la production automobile, auxquels s’ajoutent les 635 000 emplois dans les activités de l’aval. Les emplois indirects sont estimés à 2,8 millions, soit 9 % de la population active, tant le secteur a un effet d’entraînement important sur l’ensemble de l’économie, son coefficient multiplicateur de valeur ajoutée étant estimé par l’INSEE à 4,1 (502).
L’outil industriel français, dont beaucoup de sites de production historiques sont anciens, doit se moderniser en profondeur et monter en compétences pour améliorer ses performances. Pour relever les défis de l’accélération historique en cours, la filière doit augmenter ses efforts de R&D et déployer l’usine du futur.
Le contexte actuel de « sortie de crise » doit aussi être l’occasion, pour la Nation, de promouvoir la fierté de l’industrie automobile française, le « Origine France garantie », l’attractivité de ce secteur industriel et de ses métiers.
I. UN SECTEUR STRATÉGIQUE POUR L’EMPLOI
Les groupes automobiles et, au premier chef, les deux constructeurs français, ont longtemps figuré au rang des principaux pourvoyeurs d’emplois. Cette situation a sensiblement évolué même si la filière automobile pèse encore d’un poids considérable au sein de l’appareil industriel français. Si les usines d’assemblage ont perdu un nombre important d’emplois, notamment sous l’effet des délocalisations, les centres de développement et de R&D comptent un grand nombre de salariés qualifiés. Ce mouvement est d’ailleurs commun aux constructeurs et aux grands équipementiers de rang 1. Pour un secteur dont l’ensemble des acteurs est confronté à une profonde mutation technologique, la question des qualifications et des compétences représente un enjeu quasi existentiel.
A. UNE PERTE IMPORTANTE D’EMPLOIS CHEZ LES DEUX CONSTRUCTEURS FRANÇAIS
Entre 2004 et 2014, les deux constructeurs français ont perdu 70 000 emplois au total.
– En 2008, les effectifs « France » du groupe PSA s’élevaient à 86 000 salariés, contre 54 700 à la fin de l’année 2015 (– 7 200 postes depuis 2013).
– Sur la même période, les effectifs du groupe Renault, en France, sont passés de 60 000 à 46 000 salariés.
Au total, les usines françaises d’assemblage de Renault et PSA comptaient en 2015 près de 44 000 salariés.
● Le niveau des effectifs est directement corrélé à celui de la production en France.
Dans leur présentation devant la mission, les responsables du cabinet d’études et d’analyses INOVEV ont rappelé qu’au cours de la dernière décennie la production totale de véhicules en France était passée de 3,5 millions à moins de 2 millions.
En 2014 puis en 2015, la production en volume des constructeurs français a cependant progressé, après deux années consécutives de baisse. Cette progression est principalement expliquée par la hausse de l’investissement et des exportations, ainsi que par l’arrêt du recul de la consommation des ménages concernant les biens d’équipement.
Cette « sortie de crise », ainsi que l’a qualifié le président du CCFA, s’est traduite par une augmentation de la production en France en 2015 de 10,3 % par rapport à 2014, soit 1,65 million de véhicules légers. À l’étranger, la production a augmenté de 4,1 %, soit plus de 4,3 millions de véhicules légers.
Véhicules légers : Monde |
Unités |
2015/2014 |
PSA PEUGEOT CITROEN |
2 981 781 |
+ 2,2 % |
GROUPE RENAULT |
3 024 941 |
+ 9,5 % |
TOTAL |
6 006 722 |
+ 5,8 % |
Véhicules légers : France |
Unités |
2015/2014 |
PSA PEUGEOT CITROEN |
994 890 |
+ 2,6 % |
GROUPE RENAULT |
662 333 |
+ 24,7 % |
TOTAL |
1 654 223 |
+ 10,3 % |
Véhicules légers : hors France |
Unités |
2015/2014 |
PSA PEUGEOT CITROEN |
1 986 891 |
+ 2,0 % |
GROUPE RENAULT |
2 362 608 |
+ 6,0 % |
TOTAL |
4 349 499 |
+ 4,1 % |
Source : Comité français des constructeurs d’automobiles (CCFA), 26 février 2016.
* VP : voitures particulières – VUL : véhicules utilitaires légers
Ces résultats, concernant la production en France, se rapprochent des objectifs inscrits dans les accords de compétitivité que les groupes Renault et PSA avaient respectivement conclu, en mars et octobre 2013, avec les organisations syndicales, en l’occurrence CFE-CGC, CFDT et FO pour Renault et CFE-CGC, CFTC, FO et SIA-GSEA pour PSA.
– Renault se fixait ainsi un objectif de production en France de 710 000 véhicules au terme de l’année 2016 (contre 505 000 en 2013).
– Pour sa part, PSA inscrivait un objectif 2016 de production française d’un million de véhicules (contre 919 000 en 2013), un résultat quasiment atteint par anticipation au terme de l’année 2015.
La filière automobile compte toujours parmi les plus importants employeurs de l’industrie. Au-delà des usines d’assemblage et des différents sites de développement des constructeurs, c’est au niveau de la filière dans son ensemble que les données de l’emploi sont les plus parlantes.
Dans l’édition 2016 des Tableaux de l’économie française (503), l’INSEE précise : « En 2014, l’emploi salarié diminue dans l’industrie automobile comme c’est le cas depuis 2005. Au cours de la première moitié des années 2000, il a légèrement progressé contrairement à l’emploi salarié manufacturier. Cependant sur la période 2000-2014, les effectifs salariés (hors intérim) baissent davantage dans l’industrie automobile (– 32 %) que dans l’industrie manufacturière
(– 26 %) ».
Toutefois, une exacte appréciation de la situation de l’emploi est rendue difficile par l’importance des recrutements d’intérimaires dans les usines d’assemblage et de mécanique, à laquelle s’ajoute l’externalisation de certaines de leurs activités.
● S’agissant du recours croissant aux intérimaires et de la tendance à externaliser des pans entiers d’activité, les conditions d’examen de la loi dite « El Khomri » visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections aux entreprises et aux actifs n’ont pas permis d’ouvrir un débat. Dans le cadre de l’examen en première lecture du projet de loi, interrompu par la mise en œuvre de l’article 49-3 de la Constitution, des amendements de notre collègue Frédéric Barbier, membre de la mission d’information, proposaient des dispositions utiles. Pour limiter le recours à l’intérim, ces amendements visaient notamment à instituer des plafonds selon la taille des sites. Ils soumettaient également les externalisations à un avis conforme des comités d’entreprise et prévoyaient des garanties sociales pour les salariés concernés, ainsi qu’un droit à la réintégration. En aucun cas, un salarié amené à refuser une externalisation de son emploi ne peut être réputé « démissionnaire ».
– Dans les usines d’assemblage et de mécanique des deux constructeurs nationaux, les recrutements d’intérimaires ont effectivement augmenté au cours des deux dernières années. Ce phénomène correspond à une reprise des embauches liées au redressement de la production française, qui reste à confirmer et amplifier. Le recours massif à l’intérim n’est pas une nouveauté dans l’industrie automobile. Il est néanmoins impossible d’en obtenir un état précis pour chaque établissement. En effet, ces données par site de production ne sont plus communiquées par les constructeurs, y compris dans les rapports annuels et les bilans sociaux, alors qu’ils le faisaient dans le passé en mentionnant le nombre des salariés « inscrits » (c’est-à-dire permanents), année après année, au regard du total de l’effectif employé (en équivalent temps plein). Selon des sources syndicales, citées par l’Usine Nouvelle, le recours massif à l’intérim se traduirait par exemple chez Renault à 84 % d’intérimaires au montage à l’usine de Flins, et à 1 400 intérimaires à Sochaux et 1 000 à Mulhouse au début d’année 2015 pour PSA.(504)
La gestion prévisionnelle des effectifs, telle qu’actuellement conçue, aboutit à une opacité des chiffres relatifs aux emplois, d’autant que se sont multipliées au cours des dernières années des formules de mobilité externe ou encore les congés seniors (le salarié quitte l’entreprise deux ans avant son départ en retraite mais reste néanmoins « inscrit » dans les effectifs).
– Les externalisations partielles des effectifs ne concernent pas autant de salariés que l’emploi intérimaire. Mais les constructeurs et les grands équipementiers contribuent à la croissance des transferts de pans entiers d’activités, phénomène perceptible dans l’ensemble de l’industrie, en externalisant des emplois qualifiés, notamment auprès de sociétés de services informatiques (SSII) et, plus récemment encore, auprès de sociétés d’ingénierie s’agissant de compétences relevant de la R&D. Les organisations syndicales craignent une dilution des compétences qui jusqu’alors étaient clairement « affirmées » en interne. Leurs actions ont cependant permis, au cours des derniers mois, de repousser ou de réduire certains projets d’externalisation d’activités liées à la R&D.
Proposition n° 86 : Pour que le redressement significatif de la filière automobile française contribue à la reprise des embauches durables dans les sites de production :
– fixer des plafonds d’emplois intérimaires déterminés en fonction de la dimension des sites ;
– apporter des garanties statutaires aux salariés en cas d’externalisation d’activités, par un avis conforme du comité d’entreprise ainsi qu’un droit à la réintégration.
B. UNE DISTINCTION MAJEURE DE LA PRODUCTION AUTOMOBILE ENTRE LE « NOYAU » ET LA « PÉRIPHÉRIE »
● Les statistiques relatives aux entreprises et à leurs emplois reposent traditionnellement sur les concepts d’activité principale et d’activité secondaire. Elles ne permettent pas d’apprécier les relations « interentreprises » entre clients et fournisseurs et entre donneurs d’ordres et sous-traitants qui caractérisent une filière. Concernant l’industrie automobile, la Direction générale des entreprises (DGE) distingue les établissements relevant du « noyau » de la filière (les constructeurs et équipementiers mais aussi des motoristes, des carrossiers ainsi que des aménageurs qui réalisent des travaux de montage d’équipements particuliers, par exemple sur des véhicules destinés au fret) et ceux relevant de sa « périphérie » productive qui regroupe un grand nombre d’établissements fournissant au « noyau » des produits variés (métaux, caoutchouc et plastiques, produits électriques et électroniques, verre, textiles et cuirs) et de plus en plus de services spécifiques.
LOCALISATION DES EFFECTIFS ET DES ACTIVITÉS DOMINANTES
DE LA FILIÈRE AUTOMOBILE
Source : DGE, Études économiques n° 43, juin 2015
Selon la DGE, la filière industrielle de l’automobile compte près de 4 400 établissements appartenant à plus de 3 500 entreprises pour un total de 441 000 salariés en équivalents temps plein (505).
● À elle seule, la « périphérie » représente plus des deux tiers des entreprises travaillant pour la filière avec 2 549 unités productives et 230 000 salariés. Les sites des constructeurs et motoristes du noyau comptent 700 salariés en moyenne, contre moins de 80 salariés pour ceux de la périphérie (506). Pour leur part, les équipementiers représentent plus de 73 000 emplois directs dans 330 entreprises largement réparties dans le territoire. Ces entreprises sont de tailles très différentes. On relève une présence ancienne et significative de filiales ou de divisions de grands groupes étrangers, principalement allemands, américains et japonais, comme Robert Bosch, Delphi, Johnson Controls, Honeywell Transportation System et encore Jtekt Automotive qui, à partir de leurs sites de production français, fournissent des constructeurs européens et non exclusivement Renault ou PSA.
Le chiffre d’affaires de la branche des équipementiers s’établissait en 2014 à 15,6 milliards d’euros dont 54 % à l’exportation. Sa croissance est également étroitement liée aux volumes de production des constructeurs. Contrairement au secteur de l’automobile dans son ensemble, le solde de la balance commerciale de la branche des équipementiers est excédentaire (+ 1,54 milliards d’euros en 2014).
Ces données globales ne doivent pas masquer les difficultés accumulées par des entreprises au fil du temps, malgré l’intervention des pouvoirs publics. À l’occasion de l’audition des organisations syndicales par la mission, Monsieur Philippe Portier, secrétaire général de la Fédération des mines et de la métallurgie CFDT (507), a pris pour exemple la situation d’échec du groupe Altia créé par regroupements successifs de différents sous-traitants. En dépit du soutien des pouvoirs publics (intervention du Fonds de modernisation des équipementiers automobiles, garanties apportées par PSA et Renault et prise de participation de BpiFrance à hauteur de 18 % du capital), le groupe qui a compté plus de 4 000 salariés n’a pu rétablir sa situation. Certains sites d’Altia ont été lourdement affectés par des pertes d’emplois. Des erreurs d’anticipations stratégiques ont mis en péril l’entreprise d’un point de vue industriel et financier. Il n’a pas été possible, comme cela était initialement envisagé, de voir émerger avec Altia une entreprise de taille intermédiaire, une ETI automobile « à la française », comparable aux nombreuses ETI que compte l’Allemagne.
● S’agissant des grands équipementiers qui sont en position d’affirmer une stratégie de moyen terme, la tendance est de regrouper leur activité sur des familles de produits à forte valeur ajoutée. Ils accèdent ainsi à des positions de leaders, quitte à abandonner, le plus souvent par des cessions, certaines de leurs productions jusqu’alors traditionnelles.
La voie de spécialisation sur des lignes de produits à fort contenu technologique et à marges élevées a été à la clé du succès des plus grands groupes. La tendance, toujours en cours, se traduit dans les chiffres : les équipements pour le groupe motopropulseur représentent désormais plus de 40 % du chiffre d’affaires (un pourcentage qui dépasse dorénavant le total des activités plus traditionnelles qui sont liées à l’habitacle et la carrosserie), parmi lesquels les équipements de contrôle moteur, les lignes d’échappement et les systèmes de dépollution. Cette montée en gamme explique que les effectifs des grands équipementiers comptent, à présent, 29 % d’ingénieurs et cadres auxquels s’ajoutent 24 % d’employés, techniciens et agents de maîtrise.
Un transfert de la valeur ajoutée s’opère des constructeurs vers les équipementiers, phénomène souligné par plusieurs interlocuteurs de la mission. Le président de la FIEV, M. Jacques Mauge, a indiqué au cours de son audition que « les équipementiers occupent une place décisive et croissante dans l’industrie automobile grâce à des investissements massifs en R&D » (508). Il a spécialement souligné que les entreprises de la branche consacrent au moins 6 à 7 % de leurs chiffres d’affaires à la R&D. Ces niveaux peuvent paraître élevés mais cachent des réalités très différentes selon la taille des entreprises et semblent constituer un plancher au regard de lourds défis industriels (509).
Les responsables des organisations syndicales auditionnés par la mission ont d’ailleurs souligné l’importance de l’effort de formation à conduire pour faire face aux évolutions du secteur de l’automobile, chez les constructeurs comme chez les équipementiers. De façon positive, ils ont considéré que le digital est pourvoyeur d’emplois et de compétences dans le secteur automobile, en exprimant toutefois une certaine inquiétude quant aux adaptations nécessaires de la gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC). Par exemple, M. Emmanuel Chamouton, responsable CFTC à la direction de la R&D de PSA, a précisé : « Il faut réfléchir à ce qu’il revient de faire pour gérer correctement le devenir de l’entreprise tout en étant en mesure de faire évoluer les salariés vers les métiers d’avenir. Or, on ne forme pas un électronicien en quinze jours ! ».
Au plan social, la filière automobile largement couverte par des règles et conventions traditionnelles aux branches de la métallurgie comptera de plus en plus d’intervenants (entreprises et salariés) en provenance d’un monde culturellement différent, celui des activités du numérique. Une période de transition est ouverte et elle doit donner lieu à une réflexion approfondie entre partenaires sociaux.
II. LA PRIORITÉ ABSOLUE : AUGMENTER L’EFFORT DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT
A. LA R&D, ENJEU DÉCISIF POUR LA FILIÈRE
1. Un effort indissociable de la compétitivité
La marge opérationnelle et le cash-flow, exercice après exercice, constituent un enjeu vital pour tous les constructeurs. Ils sont essentiels dans un secteur qui doit faire face aux adaptations de son outil industriel et à des investissements croissants de R&D.
De fait, l’effort de R&D est en partie absorbé par l’évolution des normes d’émissions polluantes, dont chaque palier représente pour chacun des deux constructeurs un effort voisin de 1,5 milliard d’euros. M. Le Borgne, directeur de la R&D du groupe PSA, a précisé que ce montant se répartissait à peu près à parts égales entre les frais de développement des moteurs et les déploiements industriels nécessaires à leur production. (510)
Cet impact financier doit être rapporté au profit annuel de chacun des constructeurs. Il représente, à lui seul, près des deux tiers du résultat opérationnel enregistré par chacun des constructeurs français en 2015, un exercice qui s’est d’ailleurs caractérisé par une sensible amélioration de leur situation financière respective.
Chaque constructeur a donc besoin d’un temps d’adaptation prévisible, donc de certitudes, s’agissant des objectifs qui lui sont assignés en termes de développement. C’est le sens de la proposition avancée par votre Rapporteure concernant « la règle des 5 ans » et plus généralement la prévisibilité, la stabilité et la clarté des objectifs assignés par l’État à l’industrie automobile, qui sont des signaux déterminants pour favoriser l’innovation et la recherche.
Le véhicule du futur, à un horizon relativement proche, sera sobre et propre. Mais il doit impérativement intégrer d’autres éléments novateurs dont certains constituent de véritables ruptures technologiques en matière de matériaux, de connectivité et d’automatisation, de sécurité et de design.
2. L’indispensable augmentation des budgets de R&D
Au cours de son audition, M. Gaspar Gascon Abellan, directeur de l’ingénierie du groupe Renault a fait état d’une dépense de R&D de 2,3 milliards d’euros en 2015 de la part de son groupe (511). Il a, en outre, mentionné que l’Alliance Renault-Nissan disposait, selon sa propre expression, d’« une force de frappe significative » avec un budget annuel de plus de 10 milliards d’euros consacrés à la R&D et à l’investissement, un montant certes important mais qui intègre une partie des dépenses de Capex (Capital expenditure), c’est-à-dire des frais de démarrage ou d’adaptation d’une production.
Concernant PSA, M. Gilles Leborgne, directeur de la R&D, a été plus précis encore au cours de son audition : « Dans le cadre de notre feuille de route Back in the Race en 2014, Carlos Tavares avait situé l’effort de recherche à accomplir entre 7 % et 8 % du chiffre d’affaires de la division automobile, ce qui représente 2,9 milliards d’euros – environ 1,8 milliard en R&D et 1,1 milliard en Capex pour l’année 2016. Ces chiffres peuvent paraître faibles par rapport à ceux de certains de nos concurrents. Cela dit nous disposons depuis quelque temps d’un plan de travail visant à optimiser chaque euro investi ».
● L’effort de recherche d’une entreprise est, en général, traduit par un total de dépenses rapportées au chiffre d’affaires. De grands groupes industriels considèrent désormais ce ratio comme un facteur de communication parmi les plus « valorisants ». La R&D reste toutefois un agrégat complexe. Comme tous les industriels, les constructeurs et les grands équipementiers peuvent être tentés d’y intégrer des coûts qui ne relèvent pas directement de la recherche voire de l’innovation. Il est peu probable que la « force de frappe » évoquée au sujet de l’Alliance Renault-Nissan puisse être précisément comparée avec les quelque 8 à 9 milliards investis, année après année, par Toyota dans la seule R&D. Inclure à ce titre certaines dépenses de Capex, même concernant des investissements pour de nouveaux process, ne relève pas véritablement du cadre de la R&D, lorsque, par exemple, il s’agit d’adapter des lignes de production existantes. De même, les quelque 11 milliards d’euros fréquemment évoqués par le groupe Volkswagen concernant sa R&D annuelle ne correspondent sans doute pas exactement aux moyens consacrés à la recherche par ses trois ou quatre concurrents de niveau mondial.
En matière de R&D, chaque constructeur ou chaque équipementier définit ses priorités en fonction de ses axes de spécialisation. La R&D s’inscrit au cœur de leur stratégie. Mais seuls les plus grands groupes ont la capacité de s’engager sur certaines voies dont les débouchés commerciaux sont au départ incertains.
Toyota a pu paraître isolé voire téméraire lorsqu’il était quasiment seul à travailler sur l’hybridation des moteurs. N°1 mondial, Toyota a investi à perte pendant près d’une décennie dans un domaine qui, ultérieurement, lui a conféré une place de leader du marché avec le lancement de modèles intégrant des motorisations de ce type qui ont rencontré des succès croissants.
Acquérir une avance technologique pour aboutir à un produit réellement novateur engendre des marges de progression décisives et durables en termes de parts de marché.
● En fait, la distinction majeure est à établir entre recherche de long terme et recherche d’adaptation industrielle. L’expérience prouve que seuls ou au titre d’un leadership, les groupes les plus « profitables », qui ont les marges opérationnelles les plus élevées, sont en mesure de planifier des programmes de long terme. Les grands constructeurs américains ont ainsi perdu une partie significative de leurs capacités de recherche et d’innovation, dérive en rapport avec l’érosion puis l’effondrement de leurs profits. Le renouveau du marché automobile nord-américain avec une reconstitution spectaculaire des marges pourrait cependant leur permettre de regagner une place importante dans la R&D.
– Concernant les deux constructeurs français, comme pour beaucoup de leurs concurrents parmi les constructeurs généralistes, l’effort de R&D est en grande partie contraint. Le domaine prioritaire de la réduction des émissions polluantes absorbe une partie importante des moyens qu’ils sont en mesure de consacrer à leur R&D. Nos constructeurs ne peuvent explorer que trop peu d’autres domaines en raison de budgets insuffisants qui les obligent non pas à négliger mais à ne s’engager que de façon limitée dans des recherches à dix voire à quinze ans. Plus que le montant du chiffre d’affaires, la marge opérationnelle et le niveau des profits récurrents, exercice après exercice, conditionnent l’implication dans la durée et l’intensité des efforts de R&D d’un groupe automobile. M. Martin Vial, a précisé devant la mission que l’Agence des participations de l’État (APE) qu’il dirige veille au maintien d’un bon niveau de R&D chez Renault comme chez PSA, tout en indiquant que leurs efforts respectifs en ce domaine représentaient 4 à 5 % des chiffres d’affaires.
Dans un contexte où il convient d’investir massivement, le gaspillage du profit par une distribution trop abondante des dividendes n’est pas possible.
L’histoire récente prouve que cette voie peut avoir de lourdes conséquences. En 2012, au plus fort de la crise de PSA, le gouvernement a missionné deux experts pour apprécier l’exacte situation du groupe notamment contraint d’arrêter des activités de production (fermeture du site
d’Aulnay-sous-Bois) car confronté à une baisse des ventes sur ses principaux marchés et à une situation financière extrême. Le rapport remis au ministre du redressement productif faisait notamment état de certains choix favorables aux actionnaires : « … de 1999 à 2011, PSA a distribué des dividendes pour un montant total 2,867 milliards d’euros tout en menant simultanément un programme de rachat d’actions pour 3,082 milliards d’euros qui a permis aux actionnaires historiques de remonter au capital du groupe. Toutefois, à partir de 2006, cette politique de rachat d’actions a été fortement réduite et consacrée pour l’essentiel aux rachats de plans d’options, mais les dividendes sont restés élevés. À la même époque le groupe s’est tourné plus résolument vers l’international. En 2008 et 2009, années de résultats négatifs, il n’a pas distribué de dividendes. Puis, en juin 2011, les bons résultats de l’année 2010 ont permis de reprendre la distribution de 250 millions d’euros de dividendes, mais aussi de racheter à nouveau des actions pour 199 millions d’euros » (512). Dans ce contexte, la R&D de PSA s’était trouvée menacée du fait d’une insuffisance de moyens.
Nos constructeurs restent vulnérables en matière de R&D. Non par le niveau de leurs équipes, mais parce qu’ils ne disposent pas de moyens comparables à leurs concurrents allemands et japonais qui peuvent poursuivre, sur le long terme, une multiplicité de pistes de recherche, par exemple sur l’hydrogène et la pile à combustible, un axe de développement à ce jour inexploré par les constructeurs français contraints à faire des choix en fonction des urgences.
Toyota : une programmation de la R&D à très long terme
Certains traits caractérisent la stratégie du groupe. Le premier est un effort de R&D massif de 8 à 9 milliards d’euros par an qui est demeuré stable au plus fort de la crise. Les pôles de recherche et d’innovation du groupe sont largement répartis dans le monde. Dans l’environnement proche de son site de production français de Valenciennes-Onnaing, Toyota dispose, à Bruxelles, d’un centre de recherche de 600 personnes. En France, Ed2, un des quatre centres de design du groupe, est installé à Sophia Antipolis et conçoit des projets susceptibles d’être retenus pour une entrée en production et une commercialisation pouvant même être extra européenne. Le groupe fait jouer une certaine émulation entre ses pôles de R&D et d’innovation des différents continents.
Mais le plus fort particularisme du groupe Toyota est certainement de fonder sa stratégie sur des perspectives de très long terme.
Il a ainsi adopté un plan à l’horizon 2050 et ne néglige, dans ce cadre, aucune des grandes options technologiques. À titre d’exemple, Toyota qui bénéficie d’une antériorité de plus de vingt années de recherche dans le domaine de l’hydrogène, a lancé, en décembre 2014, la diffusion de la Mirai, une berline dont le prix est encore élevé (prix de vente actuel en Allemagne : 66 000 € + TVA) mais pour laquelle est arrêté un programme de production et de commercialisation précis, d’abord au Japon, puis en Californie et dans trois pays européens (Royaume-Uni, Allemagne et Danemark). Pour 2020, Toyota a programmé une production de 30 000 Mirai, contre 2 000 en 2016. S’agissant de l’émergence possible d’une filière de l’hydrogène, Toyota souligne que depuis 2008, les coûts de production du système de la pile à combustible ont été divisés par 20.
3. Des comparaisons éclairantes
Selon les données obtenues par la mission auprès du secrétariat d’État en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche, (513) le secteur automobile français représentait, en 2013, 10 % de la dépense intérieure de recherche développement (DIRDE), contre 32 % en Allemagne, 24 % au Japon, 7 % en chine et 5 % aux États-Unis (514).
● Les dépenses intérieures de R&D réalisées par l’industrie automobile correspondent ainsi à 0,15 % du PIB, soit moins qu’au Japon (0,62 %), qu’en Allemagne (0,60 %) et en Corée (0,37 %) mais davantage qu’en Chine (0,12 %), qu’au Royaume-Uni (0,10 %) et qu’en Italie (0,09 %).
Corrigée du niveau de prix entre les pays, la France a consacré 3,9 milliards de dollars de dépenses intérieures de R&D pour l’ensemble de son industrie automobile, derrière le Japon (29,2 Md$), l’Allemagne (21,7 Md$), la Chine (19,3 Md$), les États-Unis (16,7 Md$) et la Corée (6,1 Md$). Elle devance le Royaume-Uni (2,5 Md$) et l’Italie (1,9 Md$).
Le soutien de la recherche publique
L’effort de R&D incombe principalement aux acteurs des filières industrielles, cela est particulièrement vrai dans le secteur automobile. Mais l’apport des institutions publiques de recherche et des universités constitue une partie non négligeable d’un agrégat comme la DIRDE. À partir de la recherche fondamentale, la formation des équipes sur des pistes nouvelles crée des opportunités majeures pour l’industrie capable de prendre le relais avec ses propres moyens ou en coopération. C’est pourquoi, la « sanctuarisation » des dotations destinées aux opérateurs de la recherche (CNRS, INRIA, CEA ou encore un établissement public comme l’IFSTTAR, l’Institut français des sciences et technologies des transports et de l’aménagement des réseaux) doit être maintenue, comme l’engagement en avait été initialement pris dès 2012, par le gouvernement.
Les « coupes » budgétaires ou le « siphonage » des trésoreries des opérateurs publics qui interviennent fréquemment et depuis trop d’années, en cours d’exercice, au nom de régulations contestables, fragilisent le tissu économique de la France qui, faut-il le rappeler, est liée par l’objectif de 3 % de son PIB fixé par la Stratégie Europe 2020 pour son effort de recherche. La cible est loin d’être atteinte : l’effort global de recherche de la Nation atteint 2,26 % du PIB (données Eurostat de juin 2015). Les dépenses totales de R&D de toutes les entreprises employant au moins un chercheur représentaient, en 2014, 1,48 % du PIB. Ces chiffres restent effectivement éloignés de l’objectif européen de 2020. La recherche publique française représente 0,78 % du PIB (comparable à la recherche publique allemande de 0,83 % du PIB) et se situe à un niveau supérieur à la moyenne des pays de la zone euro qui est de 0,70 % et à celui de l’Union européenne, dans son ensemble, qui est de 0,62 %.
Le tableau suivant montre la place occupée par la France par rapport aux autres pays présents dans l’industrie automobile. Un point est à retenir concernant la construction automobile française : la forte délocalisation de sa production intervenue notamment dans les pays d’Europe de l’Est, ne s’est pas accompagnée, en valeur, d’un transfert de même ampleur de la R&D vers ces pays.
LES ACTIVITÉS DE R&D DE L’INDUSTRIE AUTOMOBILE EN 2013
Sources : OCDE, Anberd – Eurostat – MENESR, SIES, A2.1 – Recherche. Calculs du Sied.
* Un traitement spécifique a été appliqué à certaines entreprises françaises déclarant comme activité principale « Ingénierie, études techniques », pour amoindrir les différences de pratiques de codage avec les autres pays.
● Concernant les grands équipementiers français qui assument l’essentiel de l’effort de recherche, un certain glissement s’est néanmoins opéré. La croissance de leurs activités à l’international, avec la multiplication de centres de production dans les principaux marchés, qui a été un gage de réussite postérieurement à la crise ouverte en 2008-2009, leur impose de créer des pôles de R&D dans ces pays. À l’horizon 2018, les trois plus importants équipementiers français (Valeo, Faurecia et Plastic Omnium) compteront, au total, 100 unités de production en Chine. Faurecia a ainsi développé avec des industriels locaux un centre de co-développements à Wuhan, le « Detroit chinois », c’est-à-dire au cœur d’un marché où il faut être présent et actif. Les équipementiers de taille mondiale et tous les grands constructeurs font de même, c’est le cas de BMW qui dispose d’un important centre de R&D à Shanghai.
Toutefois, les unités de recherche des équipementiers français à l’étranger se consacrent plutôt à des développements et à des adaptations de produits en fonction de la demande des constructeurs, le « noyau dur » des recherches demeurant en France. Ainsi Plastic Omnium a concentré sa R&D sur un site de la Plaine de l’Ain, à proximité de Lyon, puis a créé, en 2015, dans l’agglomération de Compiègne (Oise) un autre centre de recherche « Alphatech ».
Pour sa part, le président de Valeo, M. Jacques Aschenbroich, a indiqué que 50 % des dépenses de R&D de son groupe étaient toujours réalisées en France au sein des Valeo Labs.
La R&D a représenté pour les équipementiers une véritable « planche de salut » au plus fort de la crise de 2008-2009. En maintenant et même en renforçant l’effort en ce domaine, les principaux groupes français ont pu diversifier leur offre à destination d’un plus grand nombre de constructeurs tout en se spécialisant sur des hautes technologies, quitte à abandonner des activités traditionnelles moins profitables. À présent, les grands équipementiers français sont, par exemple, tous présents dans les systèmes de dépollution, des produits complexes à forte valeur ajoutée, pour lesquels leurs marges sont plus élevées que pour des fournitures traditionnelles. Les grands équipementiers ne sont plus que faiblement dépendants des deux constructeurs français, du fait de l’internationalisation de leurs activités. Pour conquérir de nouvelles parts de marché, ils intensifient encore leur effort de recherche avec succès, notamment dans les domaines de la connectivité et du véhicule autonome. Ce degré d’innovation n’est toutefois atteignable que par les seuls grands équipementiers et quelques ETI de la filière. Valeo, Faurecia, Plastic Omnium avec le manufacturier Michelin et, au plus, une douzaine d’ETI, sont capables de suivre ce rythme de croissance (515). Alors que le nombre des entreprises relevant de la branche des équipementiers est très important (plus de 300), des consolidations par rachats sont à prévoir. Mais cette voie ne peut constituer qu’un élément de la structuration à venir de la branche des équipementiers qui doit trouver des formules collaboratives permettant de mieux associer au cycle de l’innovation les équipementiers de rang 2 et les sous-traitants spécialisés.
● Le secrétariat d’État chargé de la recherche a transmis à la mission une actualisation qui montre que les dépenses intérieures de R&D de l’industrie automobile ont globalement progressé en 2014 (+ 9,8 %) pour atteindre 4,4 milliards d’euros en 2014, soit 13,9 % de la DIRDE totale (516).
Les informations ainsi communiquées font cependant état d’une irrégularité dans l’évolution de l’effort : les dépenses intérieures de R&D de la branche ont diminué (en volume) de 5,5 % en 2012 puis de 12,6 % en 2013. Cette irrégularité est susceptible de ralentir les programmations propres aux entreprises. Elle révèle que l’effort de recherche reste, en grande partie, directement indexé sur les résultats annuels des deux constructeurs et des grands équipementiers.
– Selon les éléments transmis à la mission : « En France, l’automobile est la première branche de recherche devant la construction aéronautique et spatiale et l’industrie pharmaceutique ». Ces trois branches concentrent une part importante des dépenses intérieures de R&D (35 %) comme des effectifs de chercheurs et d’ingénieurs. Le ministère souligne cependant : « Depuis 2007, la contribution de l’industrie automobile à la DIRDE, comme celle de l’industrie pharmaceutique, se contracte, à l’inverse des activités informatiques et des activités spécialisées scientifiques et techniques ».
Première recherche privée de France, le rang de la filière automobile reste d’autant plus remarquable que sa R&D ne bénéficie pas d’un gisement d’aides et d’appels à projet d’origine publique comparable à celui des activités aérospatiales « boostées » par les développements du secteur de la Défense. En outre, les potentiels de marges et de revenus de brevets sont assurément moins favorables dans le secteur automobile qu’ils ne le sont dans l’industrie pharmaceutique. C’est pourquoi les pouvoirs publics doivent s’impliquer plus intensément par un soutien en amont des activités de la filière automobile. Aux États-Unis, les aides de la DARPA (Defense Research Projects Agency), une agence fédérale qui dispose d’un budget considérable, irriguent quasiment tous les domaines de technologie, bien au-delà de la vocation militaire de cet organisme. Dans le cadre d’une visioconférence, la direction de Google a ainsi rappelé à la mission que l’implication de cet acteur de l’économie numérique dans le véhicule autonome avait précisément pour origine un concours lancé par la DARPA.
– Le CCFA indique dans sa publication 2015 « Analyse et statistique », que le secteur automobile a investi plus de 23 milliards d’euros sur la période 2008 à 2014, en soulignant l’effet d’entraînement de cet effort pour ses fournisseurs d’autres branches comme la plasturgie et l’électronique. Le CCFA précisant, en outre, que 25 % de ce total est le fait de filiales de groupes sous contrôle étranger, ce qui démontre que les activités de R&D sont aussi assumées par d’autres intervenants que les deux constructeurs et les grands équipementiers nationaux, c’est-à-dire par des filiales ou des établissements d’équipementiers étrangers présents en France et encore par des constructeurs de poids lourds comme Renault Trucks, contrôlé par Volvo AB, ou IVECO, contrôlé par le groupe italo-américain CNH Industrial.
4. Le crédit d’impôt recherche (CIR) : un dispositif « anti délocalisation » des emplois qualifiés et des centres de recherche
En termes d’emplois qualifiés, les sphères d’activités de la R&D ont un rôle essentiel : la filière automobile française emploie 13 300 chercheurs et ingénieurs (517). La France se classe ainsi devant le Royaume-Uni et l’Italie. Mais ce niveau d’implication reste très inférieur aux effectifs de chercheurs et d’ingénieurs dans la branche automobile au Japon, en l’Allemagne ou encore en Corée (518). La Corée atteint d’ailleurs le plus haut degré de qualification du secteur : les chercheurs et ingénieurs compteraient pour 80 % du total des salariés employés dans la R&D de la branche automobile, contre 53 % en France, 70 % au Japon et 64 % en Allemagne.
● L’effort de R&D reste néanmoins très concentré, tant en termes d’intensité que d’emplois d’ingénieurs et techniciens. À cet égard, les deux constructeurs dominent le « Top 100 » des centres français de R&D, en occupant les quatre premières places de ce classement (519) :
– 1er : le Technocentre Renault de Guyancourt (9 400 salariés) ;
– 2ème : le centre de PSA à Vélizy-Villacoublay (5 800 salariés) ;
– 3ème : le centre de R&D (technologies et innovation) de Michelin à Ladoux (3 300 salariés),
– 4ème : le centre technique de PSA à la Garenne colombes (2 590 salariés).
Deux autres centres de R&D de la filière automobile occupent les 15ème et 16èmes places : il s’agit du centre technique de PSA de Belchamp (1 300 salariés) et du centre de R&D du constructeur de poids lourds Renault Trucks de Saint-Priest (1 200 salariés).
Utiles et éclairantes, des comparaisons portant sur des effectifs globaux ne peuvent cependant traduire, à elles seules, la qualité et le caractère novateur des pistes et travaux de recherche. La France dispose cependant d’atouts essentiels.
● Ainsi, M. Carlos Tavares, président du directoire du groupe PSA, a particulièrement souligné, au cours de son audition, « l’excellence de notre système éducationnel scientifique français ». De tous les interlocuteurs de la mission, M. Tavares est le seul à avoir mis en exergue cet aspect qu’il convient, selon lui, « d’utiliser au mieux ». (520)
M. Carlos Tavares a articulé cette réflexion avec le bilan du crédit impôt recherche (CIR) dont il a évalué les apports annuels pour le groupe PSA entre 80 et 100 millions d’euros. À cet égard, les apports du CIR permettent notamment à PSA de garder, en France, la partie « la plus noble de notre R&D, à savoir l’Advanced Engineering, c’est-à-dire, toute la partie amont de l’ingénierie, où nous concevons les nouvelles technologies, les nouveaux objets, les nouveaux services et les nouveaux équipements » (521)
Le 17 février 2016, au cours d’une audition commune des commissions des finances et des affaires économiques, M Carlos Ghosn, président de Renault-Nissan a également rappelé l’intérêt de ce dispositif : « Le crédit impôt recherche est très important. Tous les ans, je demande, au niveau de l’Alliance, de comparer le coût de la main-d’œuvre – ouvriers et ingénierie – pays par pays […] Le CIR permet de ramener le coût de l’ingénierie française à des niveaux acceptables […] Selon moi, il ne donne pas un avantage mais il réduit un inconvénient »
La question de la formation scientifique est effectivement au cœur de la problématique de la R&D.
– Au cours d’une récente audition devant la commission des affaires économiques (522), M. Thierry Mandon, Secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, a particulièrement insisté sur le dispositif « CIFRE » (Convention industrielle de formation par la recherche) qui permet aux entreprises de recruter un jeune doctorant en bénéficiant d’une aide financière importante. Il s’agit d’une voie d’intégration en alternance sur un projet de recherche en entreprise mené en liaison avec un laboratoire où le doctorant poursuit en parallèle son travail académique. M. Thierry Mandon a toutefois regretté la sous-utilisation du dispositif « CIFRE » pourtant extrêmement avantageux : « L’embauche d’un jeune docteur donne droit à une bonification qui rembourse 100 % de son coût pendant un an. Cela devrait normalement booster l’embauche des docteurs. Or, nous avons constaté récemment, lors d’une réunion avec 300 directeurs des ressources humaines que 54 % d’entre eux ignoraient l’existence de cette bonification. De même, 63 % ignoraient l’existence des conventions « CIFRE » qui sont un très bel outil […]. Il y a donc du travail à faire ! ». En effet, les recrutements de doctorant au moyen de conventions « CIFRE » peuvent être des accélérateurs d’innovation en entreprises, complémentaires aux recrutements de jeunes ingénieurs et techniciens issus d’écoles à vocation plus techniques. Le dispositif « CIFRE » semble d’autant mieux adapté à l’effort de R&D des constructeurs et des équipementiers que les dépenses (déduction faite de la bonification obtenue) sont éligibles au crédit d’impôt recherche (CIR).
Plus généralement, M. Poyeton, directeur général de la PFA, a souligné devant la mission la nécessaire articulation entre R&D et ressources humaines, déplorant notamment : « Hélas, on relève que l’attractivité de l’industrie automobile est en forte baisse comparée à celle, par exemple, du secteur aéronautique ». Cette remarque porte à la fois sur « un manque de compétences » dans des activités traditionnelles (M. Poyeton citant l’emboutissage dans certains bassins d’emplois) et des activités qui permettent de préparer l’avenir comme les domaines du multimédia ou encore des logiciels et de l’électronique embarqués.
– Concernant Renault, M. Gaspar Gascon Abellan a précisé que son groupe comptait cinq centres mondiaux de recherche (en France, au Brésil, en Corée, en Inde et en Roumanie) mais la France demeure « … une base très importante qui concentre plus des trois quarts de nos dépenses de R&D, ainsi l’ensemble des activités de l’ingénierie mécanique, c’est-à-dire les moteurs et boîtes de vitesses, s’y trouve ». M. Abellan a en outre précisé : « le CIR permet de réduire de 11 % le coût de l’ingénierie en France. Ce coût est intégré dans les équations économiques et les arbitrages internes relatifs à la localisation des projets de R&D ».
Pour sa part, M. Yann Delabrière, président directeur général de Faurecia a indiqué à la mission : « Nous bénéficions d’environ 30 millions d’euros de crédit impôt recherche, versés en totalité au titre de la recherche que nous effectuons en France. Nous faisons dans ce pays environ un quart de notre recherche-développement, ce qui représente quelque 250 millions d’euros. Nous bénéficions donc de 12 à 13 % de crédit d’impôt ». (523)
M. Éric Poyeton, directeur général de la Plateforme automobile et mobilités (PFA) dont la vocation est de fédérer le plus grand nombre d’acteurs de l’automobile et du transport (hors opérateurs de transport et activités aval de la filière) a souligné devant la mission : « La PFA représente le premier budget de recherche-développement de France : 6,5 milliards d’euros », ce montant supérieur aux statistiques officielles englobe probablement des développements autres que de pure R&D.
En tout état de cause, l’effort qu’il reste à produire, notamment de la part des constructeurs, est décisif : si l’on en juge par l’observation du professeur Élie Cohen qualifiant « d’ahurissants » certains chiffres : « entre 2002 et 2012, la croissance de l’effort de recherche de Volkswagen a été de 229 %, alors qu’il n’a été que de 8 % pour Renault ! » (524)
– Interrogé par votre Rapporteure sur les montants perçus par la branche automobile au titre du CIR et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget, a apporté les précisions suivantes : « Les données communiquées, ci-dessous, portent uniquement sur les redevables à l’impôt sur les sociétés. Pour les créances millésimées 2014, les résultats sont encore provisoires et susceptibles d’évoluer. Pour les groupes intégrés fiscalement, le bénéficiaire est la société tête de groupe, en tant que redevable de l’impôt sur les sociétés pour l’ensemble des sociétés membres » (525).
Source : Ministère des finances et des comptes publics
Pour la branche automobile, l’impact direct du CIR s’avère plus important que celui du CICE qui concerne cependant un plus grand nombre d’entreprises bénéficiaires.
Le Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA) relativise d’ailleurs l’impact du CICE pour la filière. Dans l’édition 2015 de son document annuel « Analyse et statistique », (526) cette organisation, après avoir mis l’accent sur l’effort global du CICE « d’un montant global de 20 milliards d’euros, basé sur l’assiette de la masse salariale hors salaire supérieure à 2,5 fois le smic », précise néanmoins « Mais le salaire moyen dans l’industrie, secteur exposé à la concurrence internationale, est supérieur au plafond du CICE (encore plus dans l’industrie automobile) ; elle n’en bénéficie donc qu’à hauteur de 20 %. La mise en œuvre à partir de 2015 du Pacte de responsabilité, qui prévoit une baisse des cotisations employeurs et de la fiscalité pesant sur les entreprises, devrait également contribuer à résorber partiellement cette divergence de la France ».
L’enjeu de la R&D et de l’innovation revêt effectivement toute son importance, au regard du caractère très élevé du multiplicateur de valeur ajoutée de la filière automobile, tel que calculé par l’INSEE, par rapport aux autres grands secteurs d’activité, à l’exception des industries aéronautiques et spatiales. (527)
● La filière est active en matière de brevets, mais distancée par ses principaux concurrents au niveau mondial :
– L’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) publie un classement des entreprises : en 2015, comme l’année précédente, le groupe PSA occupe la première place de ce classement (1 186 demandes de brevets publiés), Valeo est au sixième rang national, le groupe Renault est en huitième position suivi par Michelin et Plastic Omnium. Ce type de classement donne une information sur l’effort des grands acteurs de la filière. Mais il n’intègre pas précisément certaines modalités d’enregistrement puis d’exploitation des brevets.
En réponse à une question posée par Mme Sophie Rohfritsch, présidente de la mission, sur les coopérations entre constructeurs et équipementiers : « Les brevets sont-ils déposés par votre entreprise ou en commun ? »,
M. Yann Delabrière, président directeur général de Faurecia a précisé : « Les deux cas existent. Faurecia dépose environ 500 brevets par an. Lorsque nous concevons des équipements en collaboration avec des constructeurs, les contrats prévoient généralement une copropriété du brevet ».
La FIEV (Fédération des industries des équipements pour véhicules) souligne particulièrement la place des activités qu’elle représente en termes de brevets déposés en France : en 2014, 8 équipementiers figuraient parmi les cinquante premières entreprises du classement de l’INPI.
Le secrétariat d’État chargé de la recherche dispose également d’autres classements « par brevets déposés », tant à l’échelon européen que mondial. Ces palmarès, non consolidés, ne reflètent toutefois pas exactement la qualité des efforts respectifs. Ils donnent cependant un aperçu du poids des filières automobiles nationales.
– Au titre de l’Office européen des brevets (OEB), s’agissant des demandes euro-directes et euro-PCT (pour Patent Coopération Treaty), les deux constructeurs français ne figurent pas dans le classement 2015 des cinquante premières entreprises. Seul, le groupe Valeo intègre, au titre de la filière automobile française, ce classement européen à la 41ème place, précédant d’une place l’équipementier allemand Continental (42ème) mais loin derrière le groupe Robert Bosch à la 8ème place.
– L’OMPI, Organisation mondiale des brevets (528) publie un classement récapitulatif des brevets selon le nombre de demandes de dépôts publiés. En 2015, on ne trouve pas de constructeurs ou d’équipementiers français à un rang significatif. En revanche, les cinq constructeurs ou équipementiers automobiles figurant dans les cinquante premières places de ce classement à vocation mondiale sont soit allemands, soit japonais :
Une conclusion s’impose : en dépit de certaines critiques récurrentes à l’égard du CIR considéré comme un dispositif coûteux pour les finances publiques (6 milliards d’euros), il représente pour la filière automobile, notamment pour les deux constructeurs français, un mécanisme déterminant par son caractère « anti-délocalisation ».
Au total, la filière automobile ne perçoit d’ailleurs qu’un peu plus de 6 % du CIR alors qu’elle représente la première branche industrielle impliquée dans la R&D avec près de 13 % de la dépense de recherche intérieure des entreprises (DRIDE).
Interrogé par votre Rapporteure sur la possibilité de renforcer le soutien de l’État à la R&D de ce secteur industriel stratégique, M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget, a rappelé que le CIR ne fait pas l’objet de contentieux européens « dans la mesure où il est universel et s’adresse à toutes les entreprises » : « Si nous souhaitions le limiter à certains secteurs, ou le renforcer pour d’autres secteurs industriels, ce qui pourrait être bien évidemment intellectuellement concevable, nous aurions le risque bien entendu d’avoir un contentieux au titre des aides d’État, et donc je souhaite qu’on aille pas dans cette direction. » (529).
D’autres instruments doivent donc être recherchés par l’État pour inciter puissamment les constructeurs et équipementiers à renforcer leur effort de R&D.
Proposition n° 87 : Inciter les constructeurs et équipementiers à renforcer leurs budgets de R&D en mobilisant tous les soutiens publics compatibles avec le cadre européen, et dans le cadre du protocole de l’alliance française écologie-automobile prévoyant l’écosystème d’un État facilitateur de l’innovation : prévisibilité des normes et clarté des objectifs de long terme.
A. LE BILAN EN DEMI-TEINTE DU PROGRAMME D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR (PIA)
Le Programme d’investissements d’avenir (PIA) créé en 2010, dont le pilotage est assuré par le Commissaire général à l’investissement M. Louis Schweitzer, participe au financement de certains axes de développement et de reconquête de la filière automobile, par exemple, sur l’hybridation des moteurs et l’amélioration des rendements des groupes motopropulseurs, deux thématiques au cœur d’enjeux cruciaux de compétitivité s’agissant des types de véhicules à promouvoir puis à intégrer massivement à l’offre des constructeurs.
– M. Louis Schweitzer a particulièrement insisté, devant la mission (530), sur la nécessité d’une coopération la plus étendue entre la recherche privée et la recherche publique. Il a rappelé la création des Instituts pour la transition énergétique (ITE), en citant VeDeCOM qui lui parait le plus impliqué dans le secteur automobile et dont les travaux sont notamment consacrés au véhicule décarboné et communiquant. Il a, par ailleurs, fait état de 43 projets aidés par le PIA (à hauteur de 8 millions d’euros chacun en moyenne) qui présentent une dimension d’efficacité énergétique. Les crédits du PIA sont principalement mobilisés sous la forme de subventions et d’avances remboursables.
À propos du montant des dotations du PIA I puis II (47 milliards d’euros au total), M. Louis Schweitzer a indiqué : « Je ne suis pas capable de vous préciser quelles sommes sur ces montants sont consacrées à l’automobile, notamment en raison de la première caractéristique que j’ai rappelée, à savoir que cette industrie intégrant de nombreuses technologies d’autres industries, elle bénéficie en aval du fruit de recherches menées dans d’autres domaines ».
Cette observation peut néanmoins être interprétée comme révélatrice d’un double risque : celui d’un « saupoudrage » assez peu efficace des aides ou encore, pour une partie, celui de leur détournement afin de compenser certaines insuffisances des moyens budgétaires de l’État et financer des mesures dont la nature stratégique n’est pas avérée. À cet égard, un récent rapport d’information de la mission d’évaluation et de contrôle/MEC (531) sur le financement de la transition écologique par le PIA soulevait, par exemple, la question du bien-fondé du financement de l’amélioration de la qualité des habitations par ce canal.
Mais l’observation préalable du Commissaire général à l’investissement montre aussi à quel point les activités de la filière automobile demeurent « centrales » pour l’industrie car elles représentent des enjeux majeurs et structurants donc favorables à l’émergence des technologiques d’avenir dans de très nombreux domaines.
Au cours de leur audition du 18 novembre 2015, MM. Christophe Lerouge, chef du service de l’industrie, et Alban Galland, chef du bureau « automobile » à la direction générale de l’industrie (DGE) ont néanmoins précisé le niveaux des principaux engagements concernant la filière automobile au titre du PIA I et II : « … jusqu’à présent, au titre des programmes du véhicule 2L aux cent kilomètres et du véhicule autonome sont de 170 millions d’euros de subventions, de 126 millions d’avances remboursables et de 40 millions de prises de participations dans des projets de véhicules hybrides ».
– Un volet spécifique du PIA « Véhicules et transports du Futur » est géré par l’ADEME. (532)
Selon les réponses apportées par l’ADEME aux questions de votre Rapporteure, 261 millions d’euros avaient été engagés, à la fin du mois d’octobre 2015, au titre de ce volet spécifique mais seulement 109,8 millions d’euros avaient été décaissés à cette date. Plusieurs difficultés paraissent restreindre ou ralentir le déroulement des projets éligibles. À cet égard, la réponse écrite de l’ADEME concernant les principaux enseignements tirés sur la période 2012-2015 est précise :
« – Dispositif PIA nouveau pour le secteur automobile : acceptation des retours financiers en avances remboursables difficile pour les constructeurs au début du PIA.
– Les constructeurs et équipementiers déposaient des projets collaboratifs au début du PIA (2011-2013), en consortium avec des laboratoires et PME, puis déposent, depuis deux ans, principalement des projets seuls (mono partenaire) avec utilisation de la sous-traitance.
– Le secteur automobile a présenté des projets avec une mise sur le marché relativement rapide et donc sans innovation de rupture mais plutôt des innovations incrémentales.
– Le PIA finance environ 30 % à 40 % des dépenses globales et le secteur automobile semble présenter des difficultés à monter des projets ».
Ainsi, l’esprit collaboratif du PIA paraît insuffisamment développé au sein de la filière automobile. Il importe de mieux identifier les freins et surtout, compte tenu du rythme des bouleversements actuels, de réorienter les projets vers des domaines porteurs d’avenir offrant perspectives de moyen ou long terme. La situation décrite par l’ADEME n’est pas satisfaisante. En outre la DGE n’a pas caché que la « prise de risque », inhérente à l’innovation de rupture, n’était pas suffisamment accompagnée par le PIA dont les critères de sélection seraient trop prudents. Les échanges entretenus par l’ADEME et la Plateforme Automobile et Mobilités (PFA) doivent impérativement aboutir à rectifier des inclinaisons contraires à la vocation du PIA, bien qu’ils illustrent les besoins budgétaires de la filière. La mission a pu constater, dans les échanges avec ses différents interlocuteurs, que les diagnostics des différents blocages sont divergents. Un bilan partagé est un préalable pour remédier aux difficultés.
Proposition n° 88 : Établir un bilan partagé du Programme d’investissement d’avenir (PIA) concernant l’automobile entre le CGI, l’ADEME, la PFA et la DGE pour remédier aux difficultés constatées et renforcer les soutiens publics accordés au travers de ce programme à la R&D de l’industrie automobile.
Le lancement d’un PIA III doit représenter un nouveau volet d’efforts. Comme précédemment exposé, votre Rapporteure considère qu’il doit être l’occasion d’intensifier la mobilisation du secteur en faveur de l’automobile connectée puis autonome.
Sur les 10 milliards d’euros annoncés au titre du prochain PIA III, 5,9 milliards doivent être consacrés à l’enseignement, la recherche publique et à la valorisation de celle-ci.
Les 4,1 milliards restant seront plus spécialement mobilisés pour l’innovation des entreprises avec une dominante « numérique », notamment dans la continuité du thème de l’Industrie du futur : « Toutes les actions du PIA III incluront une dimension numérique, et plus de 60 % des crédits seront affectés à des projets qui contribueront à la croissance verte. Il s’agit de construire une économie plus sobre en énergie, plus connectée, et donc plus innovante » (533)
A priori cette ambition peut être traduite en faveur de la filière automobile et pour le véhicule du futur, à la condition d’établir un cadre de programmation cohérent, en rapport des sauts technologiques qu’il reste à franchir jusqu’à une industrialisation. Au total, le montant global de 10 milliards paraît plutôt contraint. C’est sans doute pour ce motif que l’annonce gouvernementale d’un PIA III a été couplée avec une mise en perspective des apports européens du Plan Juncker pour les investissements de croissance. En tout état de cause, la filière automobile française doit plus et mieux se mobiliser pour ne pas perdre ses atouts concurrentiels face à ses homologues allemande, japonaise ou encore américaine, spécialement dans deux domaines essentiels : le développement de nouvelles chaînes de traction et l’émergence du véhicule autonome.
● Les Instituts de recherche technologique mutualisée (IRT), comme l’Institut Jules Verne, ou encore les instituts MP2 en Lorraine et SystemX en
Île-de-France ont aussi un rôle dans l’interface entre la R&D et les applications technologiques industrielles. M. Yann Delabrière, président de Faurecia, a fait part à la mission d’une appréciation positive : « De ce point de vue, nous ne sommes pas loin de rattraper ce que font les Allemands depuis un certain temps par le biais des instituts Fraunhofer ». Pour sa part, M. Éric Poyeton, directeur général de la Plateforme automobile, a émis une réserve : « Mais si les IRT donnent droit au doublement du crédit impôt recherche (CIR), ce n’est pas le cas des ITE. Il est donc possible d’améliorer le financement de projets conduisant à rendre les véhicules plus économes, plus abordables et donc plus facilement exportables ».
– Les industriels (Faurecia, PSA, Renault, Plastic Omnium, Arkema, Chomarat, Kermel, Mersen, Total, Rhovyl) au travers de la Plateforme Automobile et Mobilité et de l’Union des industries chimiques (UIC) ont lancé, à la fin de l’année 2014, le projet FORCE (Fibre optimisé et réaliste de carbone économique) qui vise à produire un nouveau type de fibre de carbone alliant des coûts de production (aux environs de 8 euros le kg) et des performances adaptés à la construction automobile. Le pilotage du projet est confié à l’IRT Jules Verne qui bénéficie du soutien de la plateforme technologique des composites de la région Aquitaine, CANOE. Les dirigeants de Faurecia, à l’initiative du projet, ont expliqué à la mission que les dérivés du carbone représentent une voie d’avenir pour l’allégement des véhicules donc pour la réduction des consommations et des émissions de CO2. Mais, à ce jour, des impératifs de coûts ne permettent pas leur utilisation s’agissant des véhicules « grand public », alors que la question ne se pose pas dans les mêmes termes pour les productions aérospatiales qui utilisent largement le poly-acrylonitrile (ou PAN) dont les dérivés, très performants, ne peuvent cependant satisfaire aux exigences économiques du secteur automobile. FORCE est un projet collaboratif transversal, auquel la recherche académique contribue également, réunissant les principaux producteurs et utilisateurs industriels : il s’articulera en trois phases coordonnées par l’IRT Jules Verne : la Phase I en cours (exploration de l’état de l’art et définition d’une feuille de route), la Phase II (validation de scénarios en laboratoires) puis la Phase III (mise en place de lignes préindustrielles). L’objectif du projet FORCE est de construire une filière française de production de fibres de carbone économiques dont le marché-cible sera, par les volumes, l’automobile mais avec de possibles retombées dans d’autres secteurs (énergie, génie civil et construction, défense etc.).
● Au cours de son audition, M. Éric Poyeton s’est inquiété d’une diminution de l’accès des projets « automobiles » au Fonds unique interministériel (FUI) en précisant : « Nos adhérents nous ont déjà fait savoir que neuf projets collaboratifs avaient été mis de côté au motif qu’il n’était plus possible de les inscrire dans le FUI, complémentaires aux autres dispositifs ». En réponse sur ce point au cours de son audition, M. Christophe Lerouge, chef du service de l’industrie à la direction générale des entreprises (DGE) a quelque peu relativisé le caractère déterminant des financements par le FUI : « Mais le FUI n’est pas le mode de financement le plus important des projets de recherche et développement poursuivi dans le cadre de la Solution de la mobilité écologique ou du comité stratégique de filière », tout en admettant la nécessité de futures rectifications : « Quant au FUI, il est de l’ordre de 100 millions d’euros par an sur le budget de l’État, complétés par les budgets des collectivités territoriales, il y a donc certes un effet de levier mais le système doit être revu ».
A. RÉORGANISER LES PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ
Au cours de son audition, M. Christophe Lerouge, de la DGE, s’est exprimé sur la gouvernance et l’organisation régionale des structures existantes : « L’un des objectifs avancés par le ministre lors de ce CSF (534)est de recentrer les pôles et les Aria, voire de les fusionner ». Cette réforme pourtant annoncée par M. Emmanuel Macron, ministre en charge de l’économie et de l’industrie, n’a pas été menée à bien.
● Au niveau régional, les ARIA (Associations régionales de l’industrie automobile) fédèrent les entreprises de la filière automobile. Il s’agit d’associations loi de 1901 auxquelles adhèrent les entreprises directement voire indirectement (fournisseurs dits « R2 ») liées à la filière automobile. En fait, les ARIA constituent les relais de la PFA dans les régions. Peuvent également s’agréger aux ARIA les établissements d’enseignement qui souhaitent engager localement des coopérations avec la filière automobile. Certaines ARIA se conçoivent en tant que précurseurs de l’animation sectorielle en facilitant l’émergence de clusters réunissant certaines entreprises, comme c’est le cas d’« Automotech » dans l’ex-région Midi-Pyrénées.
Les Pôles de compétitivité ont, quant à eux, pour vocation de regrouper les industriels, notamment les PME-PMI, d’abord pour « chasser en meute » par des réponses groupées à certains appels d’offres, mais aussi pour élargir et intensifier la recherche de nouveaux débouchés, en France et à l’étranger. Au cours d’un déplacement en Normandie, votre Rapporteure a rencontré les dirigeants de Movéo’, un des pôles les plus impliqués dans la filière. Sa proximité géographique avec l’usine de Cléon a permis à Movéo’ de tisser des liens particuliers avec Renault.
Au sujet de l’interface et des partenariats au niveau régional,
M. Yann Delabrière, président de Faurecia, a toutefois insisté sur le fait, qu’à son avis, les pôles de compétitivité souffrent « … d’une ambiguïté fondamentale », en précisant ainsi sa pensée : « La manière dont ils interviennent n’est pas claire. Sont-ils des entités thématiques ou des entités régionales ? Qui décide exactement et comment ? ». (535)
Pour sa part, M. Gilles le Borgne, directeur de la R&D de PSA, a tracé, lors de son audition, une voie d’évolution possible concernant les pôles de compétitivité impliqués dans le secteur de l’automobile : « Leur organisation régionale et qui couvre pratiquement l’ensemble des technologies ne me paraît pas forcément une bonne chose : il serait plus logique qu’ils soient spécialisés par domaine et qu’ils couvrent la totalité du territoire national, voire qu’ils s’étendent au-delà, afin de mieux répondre aux défis européens et mondiaux. On pourrait, par exemple, avoir un pôle « Systèmes » en Île-de-France, un pôle « Matériaux métalliques » dans le Grand Est et un pôle « Matériaux composites » dans le Grand Ouest. Cela permettrait aux pôles de disposer d’une meilleure connaissance du tissu français, et non simplement régional, et de créer un effet de masse dans un domaine donné afin de gagner en efficacité. J’ajoute que certains équipements coûtant extrêmement cher, par exemple, des cabines moteur, sont actuellement dispersés un peu partout alors qu’une meilleure disposition permettrait de créer un effet de synergie ». (536)
Les responsables de Movéo’ ont également exprimé la nécessité de « simplifier l’écosystème » qui comporte « énormément d’acteurs », face à une complexité des outils de financement de l’innovation (PIA, FUI, ANR, H2020) qu’il conviendrait également de clarifier.
● La problématique des pôles de compétitivité dépasse de beaucoup le seul secteur automobile, qui n’est directement concerné que par un petit nombre d’entre eux. M. Christophe Lerouge a indiqué à la mission : « Il existe effectivement soixante-douze pôles. Il est vrai que certains d’entre eux ne sont guère efficaces et que nous voudrions qu’ils soient réorganisés ».
L’activisme de communication de certains pôles n’est pas forcément un gage d’efficacité et la dispersion des moyens peut aboutir à des surcoûts. Les pôles de compétitivité, mise en œuvre depuis 2005, et la Nouvelle France industrielle, redéfinie par le gouvernement en 2015, sont censés constituer les leviers majeurs du renouveau industriel. La mission d’information entend donc que la réforme des pôles, annoncée par le conseil de ministres du 4 janvier 2016, soit effectivement menée dans une optique de clarification de leur gouvernance et de leurs missions. Cette réforme des pôles de compétitivité devait intervenir au cours du premier semestre 2016, notamment pour que les nouvelles compétences économiques des régions soient prises en compte. Or, aucune mesure concrète n’est intervenue en ce sens. De nombreux acteurs, parmi lesquels beaucoup de PME-PMI membres des pôles, dont près de 1 000 jeunes entreprises innovantes ou JEI, pourraient se décourager si aucun effort de cohérence n’était apporté à cet ensemble.
● La troisième phase de la politique des pôles de compétitive (période 2013 à 2018) doit être l’occasion d’un bilan en cours d’exécution afin de réorienter prioritairement leurs activités sur des retombées concrètes. Par exemple, leur degré de mobilisation auprès des PME-PMI pourrait constituer un des critères d’appréciation s’agissant de l’accès aux appels à propositions lancés dans le cadre du programme de l’Union européenne « Horizon 2020 » pour la recherche et l’innovation. Ce programme de sept ans est doté, au total, de 80 milliards d’euros. Il a vocation à soutenir des projets interdisciplinaires avec l’ambition d’une plus forte participation des PME-PMI et une simplification des procédures, y compris pour des partenariats public-privé. Trois axes sont privilégiés : « l’excellence scientifique », « la primauté industrielle » et les « défis sociétaux ». Au titre des « défis sociétaux », les questions relatives à l’utilisation efficace de l’énergie et aux pollutions nuisibles à la santé sont notamment soulignées parmi les objectifs d’« Horizon 2020 ». Certaines de ces thématiques concernent effectivement par de nombreux aspects la filière automobile : 6,33 milliards d’euros sont ainsi dévolus aux recherches concernant le volet « Mobilité verte et intégrée ». En revanche, il n’est pas certain que l’amorçage de l’instruction des dossiers de candidatures au programme « Horizon 2020 » relève d’une compétence décentralisée voire éparse qui semble celle des pôles de compétitivité.
Une des propositions du rapport précité de la mission d’évaluation et de contrôle/MEC (n° 3867) allait dans le sens d’une meilleure évaluation des pôles de compétitivité pour « s’assurer de leur valeur ajoutée en termes de soutien aux PME et ETI dans les appels à projets du PIA ». Votre Rapporteure fait sienne cette proposition.
Proposition n° 89 : Mener à bien la réforme des pôles de compétitivité afin de ne pas afficher un « mille-feuille » de structures assez peu lisibles au niveau territorial. Concernant l’automobile, sous réserve d’une évaluation préalable et d’un échange avec les différents acteurs :
– fusionner les ARIA et les pôles de compétitivité dans un objectif de simplification évident ;
– spécialiser chaque pôle de compétitivité lié à l’automobile sur une compétence technologique nationale, voire européenne.
III. MIEUX STRUCTURER LA FILIÈRE
Pendant des années les gouvernements successifs ont peu à peu abandonné la politique industrielle. La crise des années 2008-2009 les a cependant contraints à « reprendre la main » dans un contexte qui, dans l’industrie automobile, relevait de l’urgence absolue. Ce retour forcé de l’État a résulté d’une situation de véritable péril pour des constructeurs et des équipementiers dont les stratégies se sont révélées inopérantes devant l’ampleur de la crise, avec de très lourdes conséquences sur leurs sous-traitants.
– Aux États-Unis, la restructuration rendue inéluctable des trois groupes automobiles historiques a même abouti à la nationalisation temporaire de deux d’entre eux (General Motors et Chrysler), une opération de sauvetage qui a nécessité un puissant engagement financier du Trésor américain en participations et prêts. Au total, les différentes interventions financières se sont élevées à 80 milliards de dollars. Le programme fédéral de sauvetage s’est accompagné d’une restructuration massive des sites de production. Il n’a été définitivement soldé qu’au terme de l’année 2014, avec la vente par le département du Trésor des dernières actions qu’il détenait dans Ally Financial (ancienne filiale de financement de General Motors GMAC) et a néanmoins laissé un solde négatif de 7,9 milliards de dollars à la charge du Trésor. Les équipementiers américains, lourdement affectés par la crise, n’ont pas fait l’objet d’une même attention car la situation des constructeurs américains a été traitée dans le prolongement du programme massif de soutien au système bancaire et financier, connu sous le nom de TARP, et non en tenant compte de l’ensemble des acteurs de la filière.
– En France, l’intervention des pouvoirs publics s’est caractérisée, dès le début de l’année 2009, par des mesures destinées à l’ensemble de la filière automobile, en prenant en compte chaque grande catégorie d’acteurs. À cet égard, la politique française s’est fortement distinguée de l’action conduite par les pouvoirs publics américains.
Différentes initiatives ciblant chaque grande catégorie d’acteurs ont abouti à instituer des supports spécifiques de soutien et de redynamisation du secteur. Les schémas mis en place à l’époque pour le secteur automobile sont désormais structurants et subsistent toujours en situation « post-crise ».
I. FAIRE DE LA PFA UNE PLATEFORME À HAUTE VALEUR AJOUTÉE
1. La structure de la filière auto
Dès le mois de janvier 2009, un Plan automobile a été mis en place. Initialement doté de 6 milliards d’euros, ce plan a constitué le premier train de soutiens aux constructeurs qui pouvaient ainsi bénéficier de prêts, mais il convenait aussi de soutenir la trésorerie de leurs sous-traitants. Dans ce dispositif, la relance des ventes, plus exactement le moyen immédiat de stopper leur effondrement, reposait sur les systèmes de prime à la casse (2009-2012) puis d’attribution de bonus écologiques. Il s’agissait d’accélérer aussi rapidement que possible le renouvellement du parc roulant pour soutenir la production. Un Pacte automobile a réuni ainsi l’État, d’une part, et les constructeurs et équipementiers, d’autre part. Le Plan automobile a été confirmé en 2012 en conservant toutefois une approche défensive des capacités industrielles soumises à de profondes restructurations.
Une approche offensive de ce Plan aurait été nécessaire, notamment en y affirmant, dès cette époque et de façon plus explicite, des orientations en faveur du climat et de la santé. Leur articulation avec un plan sectoriel à vocation stratégique était tout à fait possible, dès lors que les mesures ainsi dessinées auraient engagé plus délibérément la filière sur les motorisations de nouvelle génération et, plus généralement, sur l’efficacité énergétique, deux axes qui offrent un réel potentiel de retombées économiques. Il s’agissait de gagner quelques années et de donner par des orientations plus marquées un avantage compétitif aux deux constructeurs français. Cette voie n’a pas été privilégiée.
● La Plateforme de la filière automobile couramment dénommée PFA a été mise en place au mois de juin 2009. Cette structure fédérative entre les entreprises de la filière est toujours active. Elle fonctionne sur la base d’un double collège, celui des constructeurs et celui des équipementiers et fournisseurs. La PFA est une structure à vocation stratégique qui vise à promouvoir le développement, mais aussi à accompagner les mutations des différentes activités liées à la filière automobile française.
À présent, la Plateforme dont la mission a auditionné le directeur général, M. Éric Poyeton et a rencontré le président, M. Michel Rollier, se donne principalement pour but de favoriser l’innovation (notamment dans les moteurs), de développer le socle des ETI, d’amplifier la voix de la filière tout en développant son attractivité pour les métiers à pourvoir en son sein.
Dans le même temps, l’État avait mobilisé, dès 2009, des acteurs publics comme Oséo et le FSI, le Fonds stratégique d’investissement. Ces deux structures ont été ultérieurement intégrées à la Banque publique d’investissement, Bpifrance, qui a repris leurs activités en réorientant leurs objectifs.
● Une des actions structurantes a été la création du Fonds de modernisation des équipementiers automobile (FMEA) qui a été initialement doté de 600 millions d’euros apportés par le Fonds stratégique d’investissement (FSI) et par les deux constructeurs français, un montant auquel s’ajoutaient 50 millions d’euros de la part de grands équipementiers (Faurecia, Valeo, Robert Bosch, Hutchinson) et du manufacturier Michelin. Le FMEA a d’abord eu vocation à soutenir les fonds propres d’entreprises parmi les plus lourdement affectées par la crise, mais dont la sauvegarde était économiquement et socialement vitale.
Le FSI, puis Bpifrance qui lui a succédé, ont ainsi temporairement détenu une participation voisine de 10 % au capital de Valeo, revendue depuis lors en prenant acte du remarquable développement « post crise » de ce grand équipementier. En décembre 2014, le FMEA a été transformé en un Fonds Avenir Automobile (FAA), géré par Bpifrance, dont l’objectif est dorénavant de susciter, au moyen de prises de participations ciblées, l’émergence de nouveaux champions français parmi les équipementiers de rang 2. Selon les données communiquées par Bpifrance, 360 millions d’euros auraient été investis, depuis 2009, dans 29 entreprises par le canal des deux structures qui se sont succédé dans le soutien aux équipementiers.
L’intervention en capital du FMEA puis, à présent, du Fonds Avenir Automobile peut cependant être interprétée comme un marqueur négatif, notamment à l’international, par des investisseurs voire d’autres entreprises partenaires qui jugeraient hâtivement qu’un équipementier français ayant bénéficié d’un tel apport se trouverait en situation de fragilité voire de grandes difficultés. Certains clients étrangers pourraient même considérer que la présence du FAA au capital d’un équipementier reviendrait à compter les deux constructeurs français à son capital, du fait de la présence contributive de Renault et PSA aux côtés du FSI, dès la constitution du FMEA ultérieurement devenu le FAA.
● Avec la création de la Conférence nationale national de l’industrie, en 2010, à laquelle succédera, en 2013, le Conseil national de l’industrie (CNI) placé sous la présidence du Premier ministre, et d’un comité stratégique de la filière automobile, lancé dès le mois d’octobre 2012, un contrat de filière a été mis en place sur la base de thématiques transversales. Ce contrat tend à faire émerger une vision commune entre les acteurs de la filière. Il affirme un double objectif d’innovation et d’internationalisation tout en cherchant à conforter la production et l’emploi en France.
Sur les thèmes de l’Industrie du futur, différents plans de la Nouvelle France industrielle, lancés en 2013, concernent la filière automobile. Trois plans ont une vocation spécifiquement ciblée : « Les véhicules à pilotage automatique » (piloté par M. Carlos Ghosn, le président de Renault-Nissan), « La voiture pour tous consommant moins de 2 L aux 100 km » (copiloté par M. Gilles le Borgne, directeur de la R&D de PSA et M. Gaspar Gascon Abellan, directeur de l’ingénierie de Renault) (537) et encore « Autonomie et puissance des batteries » qui intègre l’option de l’hydrogène et de la pile à combustible (piloté par Mme Florence Lambert, directrice du CEA Liten).
Après une réorganisation intervenue en 2015, les plans précités ont été regroupés dans le cadre d’une des 10 grandes solutions de la Nouvelle France industrielle et de l’Usine du futur, sous l’appellation « Solution de la Mobilité écologique ».
M. Éric Poyeton, directeur général de la PFA, a précisé à la mission que le soutien au programme relatif au véhicule 2 L/100 km est « fort » mais « … il manque d’homogénéité ». Il a, par ailleurs, mis l’accent sur « … l’Initiative PME 2015 que nous avons élaborée en commun avec le CGI, l’ADEME et la DGE. L’appel à projets Véhicules et transports du futur est très intéressant. Mais parallèlement, l’accès des projets « automobile » au Fonds unique interministériel (FUI) diminue. Or, c’est un dispositif complémentaire du précédent ». La Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV), organisation professionnelle des équipementiers, indique que 420 millions d’euros ont déjà été alloués au programme « Véhicule 2 L/100 km ».
● La description rapide des soutiens sectoriels ainsi effectuée par votre Rapporteure ne peut avoir valeur de bilan exhaustif. Partager certaines des réserves émises par des interlocuteurs de la mission ne signifie pas que l’architecture mise en place n’ait pas contribué au redressement post crise puis à un soutien actif de la filière automobile. Toutefois, cet ensemble composé d’institutions très différentes s’avère indéniablement complexe et peu lisible.
Une phrase prononcée par M. Éric Poyeton, au cours de son audition, résume assez bien la situation : « Nous devons néanmoins éviter de doublonner les groupes de travail ». Conforter et aussi de parfaire certains des dispositifs de soutien passent nécessairement par une clarification des procédures et une meilleure lisibilité de leurs résultats.
– S’agissant des structures en place, votre rapporteur souhaite donner une représentation au sein de la Plateforme automobile aux activités de l’« aval » de la filière (538). Il convient également de prendre en compte les observations des représentants des organisations syndicales représentatives du secteur qui, au cours de la table ronde réunie à l’initiative de la mission, ont déclaré se sentir exclus des travaux de la Plateforme automobile.
2. Une redondance de structures qui manque de lisibilité et d’efficacité
Une réforme de la gouvernance du secteur automobile s’impose. Une simplification de l’apparent « mille-feuille » des organes professionnels et des structures constituées au moment de la crise doit intervenir.
Une étape « post-crise » est à franchir : l’organisation d’ensemble du secteur doit prioritairement avoir pour but d’aider tous les acteurs à mieux s’adapter aux défis des bouleversements technologiques, d’une montée en gamme, de l’internationalisation de leurs activités. La compétition à laquelle est confrontée l’industrie automobile française concerne à la fois ses produits (véhicules connectés puis autonomes) et ses process (« usines 4.0 » reposant notamment sur la digitalisation).
La PFA a un rôle à jouer pour établir un nouveau contrat de solidarité et de confiance concernant l’ensemble de la filière. Cette structure à vocation participative doit être le garant des engagements des grands donneurs d’ordres en faveur de pratiques rééquilibrées. Les directions « Achats » de ces grands donneurs d’ordres doivent adjoindre à leurs fonctions traditionnelles une culture d’accompagnement de leurs fournisseurs dans une stratégie de long terme. Il revient à la PFA de mieux s’assurer du respect du code de bonnes pratiques signé dès 2009, de la charte de développement des PME-ETI et de la charte de déontologie. Votre Rapporteure regrette que l’application de ces dispositifs existants n’ait, à ce jour, pas fait l’objet d’une évaluation indépendante et rendue publique.
Un objectif de consolidation industrielle doit également être clairement affirmé. Pour autant, il ne s’agit pas d’engager les plus grands acteurs dans une politique délibérée de rachats de leurs plus petits partenaires. C’est de soutiens clairs et de long terme dont ont besoin de nombreux fournisseurs et sous-traitants. Un tissu industriel diversifié doit être conservé afin que le secteur puisse répondre à un nouvel enjeu de croissance et d’expansion qui dorénavant succède à la phase de restructuration « post crise » dont la réalisation aura été plutôt bien conduite.
L’impératif de simplification des structures de représentation et d’expression de la filière et l’objectif de sa consolidation industrielle et financière constituaient deux points majeurs de la feuille de route confiée à une « Task Force Automobile » désignée, à la fin de l’année 2014, par M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique (539). Les conclusions de cette analyse n’ont malheureusement pas été publiées et sont restées sans suite à ce jour.
En ce qui concerne enfin la représentation professionnelle des constructeurs et des équipementiers, il n’appartient pas à votre Rapporteure de se substituer aux organisations professionnelles. Il est possible de s’interroger sur la signification que pourrait avoir, en termes de consolidation de la filière, un rapprochement entre le CCFA et la FIEV. Ce lien organique entre constructeurs et équipementiers spécialisés existe dans le secteur aéronautique avec le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS). De plus, le CORAC (Conseil pour la Recherche Aéronautique Civile), créé en 2008, définit et coordonne les objectifs sectoriels de la R&D pour laquelle les efforts sont sans doute mieux partagés entre les différentes catégories d’acteurs de cette filière que dans l’industrie automobile.
Proposition n° 90 : Engager une réforme de la gouvernance du secteur automobile, qui résulte de la crise de 2009, pour se projeter vers l’avenir et dans une perspective de consolidation industrielle, telle que recommandée par la « Task Force Automobile ».
A. METTRE UN COUP D’ARRÊT À LA DÉGRADATION DES RELATIONS ENTRE CONSTRUCTEURS ET ÉQUIPEMENTIERS
1. Les dispositions prises après la crise de 2008-2009
Dès le début de l’année 2009, alors que la crise s’accentuait de façon inquiétante, les pouvoirs publics français ont décidé de mettre en place un « Plan automobile » rapidement baptisé « Pacte automobile ».
Cette crise a révélé la fragilité du tissu industriel des fournisseurs automobiles de tous rangs, du fait de leur dépendance vis-à-vis d’un trop petit nombre de clients parmi lesquels les deux constructeurs nationaux.
Par rapport à l’Allemagne, la France présente un tissu de PME-PMI automobile plus éclaté avec des entreprises nettement plus petites : 54 millions d’euros de chiffre d’affaires et 108 salariés en moyenne en France, contre 274 millions d’euros et 574 salariés en Allemagne.
L’objectif affiché de ce Plan sectoriel était de faire émerger des « champions de taille internationale » et d’exprimer au sein de la filière des solidarités nouvelles entre le plus grand nombre d’acteurs. Pour les petits acteurs, essentiellement dans la sous-filière des équipementiers de rang 2 et de rang 3, la crise a accentué les conséquences de leur dépendance vis-à-vis des donneurs d’ordre. La dégradation de la situation de trésorerie de ces entreprises, par nature fragile, atteignait alors des niveaux plus que préoccupants voire critiques.
En fait, la crise ouverte en 2008 a mis à jour la situation de surcapacité de l’outil industriel français des deux constructeurs qui a eu un impact direct sur les équipementiers et sous-traitants. La faible internationalisation des PME et PMI françaises a constitué un facteur aggravant.
La création de la Plateforme de la filière automobile (PFA), directement inspirée par les pouvoirs publics, visait à établir un cadre de dialogue entre le plus grand nombre possible d’acteurs de la filière, à un niveau d’échanges qui n’avait jamais existé auparavant. Il revenait à la PFA d’établir un constat partagé de la situation et, à partir de cette première étape, de mettre à jour les voies et moyens appropriés pour soutenir la filière en établissant un cadre financier rénové de son activité conditionnant ses capacités à innover.
2. Des témoignages préoccupants
Le redressement de la filière automobile française est d’abord dû à l’exceptionnel rétablissement des deux constructeurs nationaux qui n’ont pas sacrifié leur R&D et leurs outils industriels en France. Tant pour Renault que pour PSA, on constate même une volonté clairement exprimée, en 2015 et 2016, de « recharger » les programmes de production de leurs usines françaises qui ont connu de lourdes restructurations. S’agissant des grands équipementiers, le rétablissement a été encore plus spectaculaire. L’effort d’investissement en R&D dans une période de crise leur a permis de hisser leur niveau de spécialisation à des standards jusqu’alors jamais atteints et de conquérir de nouveaux marchés à l’international en diversifiant leur portefeuille-clients. Ces deux facteurs essentiels sont évidemment globalement profitables à l’ensemble de la filière automobile française, car les deux constructeurs français et les grands équipementiers irriguent la commande industrielle vers un grand nombre de fournisseurs.
Il reste que le rétablissement des grands acteurs n’a pas encore eu toutes les conséquences favorables vis-à-vis des plus petits.
En premier lieu, les PME-PMI du secteur se plaignent d’un déficit d’informations concernant les options stratégiques de leurs donneurs d’ordre dont ils perçoivent les objectifs comme étant plus « subis » que réellement partagées. Ces entreprises ont notamment le sentiment de se heurter à des difficultés pour accéder à la « feuille de route » des constructeurs. Elles souffrent aussi de l’« ingérence » de la part des constructeurs mais aussi des grands équipementiers prompts à exiger d’elles des délocalisations de certaines activités dans des pays à bas coûts, sans dialogue préalable qui pourrait s’inscrire dans une autre logique, celle de co-localisations planifiées en commun.
En outre, les délais de paiement et les pratiques de référencement demeurent problématiques à bien des égards, même si le secteur automobile n’a pas le monopole de ces situations conflictuelles. En règle générale, la pratique des donneurs d’ordre français est perçue comme moins favorable en termes de développement international et d’innovation que celles des grands groupes automobiles allemands. Ces derniers entretiennent une relation de forte proximité avec leurs fournisseurs qui facilite le partage des innovations.
La PFA, qui a voulu se doter d’une certaine dimension fonctionnelle, a suscité la création d’un dispositif de médiation des relations « clients-fournisseurs », un domaine dans lequel le secteur conserve des pratiques toujours favorables aux gros donneurs d’ordre qui génèrent, en conséquence, la vulnérabilité des « petits » acteurs. Le bilan de ce dispositif reste à faire.
Les témoignages recueillis par votre Rapporteure prouvent que les « petits » équipementiers se sentent largement écartés de la structuration de la filière. Si le rôle de la PFA est jugé utile pour donner de la visibilité à l’industrie française, sa dimension à vocation interne paraît insuffisante. Ainsi, alors que les relations entre les constructeurs et les équipementiers d’une part, et entre les différents équipementiers et fournisseurs d’autre part, s’étaient améliorées à partir des années 2000, elles semblent à nouveau se dégrader. Certes, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a apporté des protections, en matière de respect des obligations contractuelles ou d’absence de pression sur les prix notamment, mais elle est trop souvent contournée. Seuls les plus petits équipementiers auraient réussi à mettre en œuvre une forme d’organisation, de solidarité et de loyauté. La situation est différente dans d’autres pays : les filières y seraient mieux structurées, avec une forme de solidarité nationale plus marquée. En France, les relations se seraient crispées à mesure du déplacement de la valeur ajoutée des constructeurs vers les équipementiers.
En termes de production, le projet stratégique de la PFA est globalement validé par le redressement de la filière au cours des deux dernières années.
L’objectif à atteindre est désormais de mieux intégrer les plus petits acteurs de la filière à ce projet.
Les plus petites entreprises rencontrent d’autant plus de difficultés pour participer pleinement à la définition collective des orientations de la PFA, puis à leur mise en œuvre, qu’elles ne disposent pas des mêmes ressources managériales que les grands groupes. Leurs dirigeants sont le plus souvent absorbés au quotidien par les tâches de direction opérationnelle. Ce déficit de temps et de compétences disponibles pèse également sur la capacité de ces entités à s’engager sur des pistes novatrices de R&D quand bien même certaines d’entre elles disposeraient de marges financières suffisantes.
Plus généralement, le capital-investissement reste peu actif dans le soutien aux entreprises de petites et moyennes tailles de la sous filière des équipementiers qui n’apparaissent pas suffisamment séduisantes en comparaison d’autres activités, alors que des potentiels de développement existent. Sur ce point, la situation de réticence du système bancaire et financier français à l’égard de l’industrie dans son ensemble est malheureusement connue.
La création du Fonds stratégique d’investissement (FSI) puis de la Banque publique d’investissement (Bpifrance) constitue des réponses, à condition que la filière automobile ne soit perçue par les financiers comme relevant à tort d’un secteur peu attractif de la « vieille industrie » alors que d’autres activités, où les start up sont nombreuses, leur paraîtraient offrir de meilleures perspectives.
Ce manque de ressources financières explique que l’accès aux projets d’importance est quasiment réservé aux seuls équipementiers de rang 1 du fait de seuils élevés en matière de capacités d’investissement. Cet élément se conjugue avec les complexités administratives et juridiques liées aux mécanismes des appels d’offres.
Le Commissariat général à l’investissement a ainsi été récemment amené, sur proposition de la PFA, à annoncer le lancement d’appels à projets plus spécialement réservés aux PME-PMI. Il est trop tôt pour se prononcer sur l’exacte portée d’une telle formule dont un bilan devra néanmoins être réalisé.
Certains interlocuteurs de la mission d’information ont exprimé un sentiment réservé sur la PFA. Dans son fonctionnement et ses approches, la PFA leur paraît constituer un « club », selon leur expression. Il s’agit d’une appréciation, certes subjective, qui émane cependant d’acteurs de terrain. Elle mérite d’être rapportée.
Proposition n° 91 : Confier à la PFA l’élaboration d’un nouveau pacte de solidarité associant les plus petits acteurs de la filière aux options stratégiques des constructeurs et des grands équipementiers et permettant le respect du code des bonnes pratiques dans les relations de donneurs d’ordre à fournisseurs.
A. DOTER L’ÉTAT ACTIONNAIRE D’UNE STRATÉGIE INDUSTRIELLE
Les participations de l’État au capital de Renault et de PSA ont des origines et des modalités fondamentalement différentes.
● La présence de l’État au capital de Renault est inscrite dans l’histoire de notre pays. Elle résultait d’une « nationalisation-sanction » immédiate au lendemain de la Libération. Cette participation initialement intégrale au capital de l’entreprise qui était alors une Régie nationale, s’est depuis considérablement réduite. Avec la privatisation de 1996 puis, à partir de 1999, avec une prise de participation au capital de Nissan qui a représenté une opportunité de croissance exceptionnelle, le groupe Renault s’est progressivement transformé en une entreprise multinationale, dont les actions sont cotées en bourse avec une part « flottante » de son capital supérieure à 50 %.
● S’agissant de PSA, la prise de participation étatique est la conséquence de la crise des années 2008-2009 à laquelle ce groupe privé aux origines familiales, également coté en bourse, n’était pas en capacité de faire face. À l’été 2012, sa survie n’était plus assurée. L’entreprise « brûlait du cash » au quotidien (près de 3 milliards d’euros au cours des douze mois antérieurs à juillet 2012) et la situation de la banque interne au groupe (PSA Finance) a nécessité un apport en garantie de l’État à concurrence de 7 milliards d’euros pour éviter une crise systémique. L’État a eu un rôle décisif en obtenant de la part des banques créancières de PSA Finance des reports d’échéances au titre d’un accord de place et l’octroi de crédits supplémentaires (entre 1 et 1,5 milliards d’euros).
1. Un État plus spectateur qu’acteur au capital de Renault
a. De la Régie Renault à l’Alliance Renault-Nissan
Au 31 décembre 2015, l’État détenait 15,01 % du capital de Renault, quasiment à parité avec Nissan (15 %), les autres actionnaires identifiés étant la Deutsche Bank (4,1 %), Daimler (3,6 %) et les salariés (2,5 %).
Cette architecture a été bâtie dans le prolongement de la prise de participation importante au capital du groupe japonais Nissan, en 1999. Elle a souvent été présentée comme étant constitutive d’un « équilibre historique » de l’Alliance Renault-Nissan. Renault contrôle directement le capital de Nissan avec 43,4 % des actions, l’État ne détient aucune participation directe au sein du constructeur japonais.
Au titre de l’accord fondateur de l’Alliance, la prise de participation de Renault au capital de Nissan Motor était, au départ, de 36,8 %, à laquelle s’ajoutait 15 % du capital de Nissan Diesel et l’acquisition des cinq filiales financières du constructeur japonais en Europe, alors plongé dans de graves difficultés.
● Depuis 2002, Renault SA et Nissan Motor Co. Ltd sont coactionnaires à parité (50/50 %) de la société de droit néerlandais « Renault-Nissan BV » en charge du management stratégique de l’Alliance. Votre Rapporteure déplore que la « solution » consistant à créer une structure de droit néerlandais ait pu être acceptée par les pouvoirs publics s’agissant d’une entreprise dans laquelle l’État détient une participation « historique » et significative. Elle n’ignore pas l’attrait de ce pays pour des entreprises à la recherche de facilités pour créer des holdings de consolidation (540). Les Pays-Bas ne sont pas inscrits sur les différentes listes de paradis fiscaux, mais leur administration fiscale a la réputation de se montrer « coopérative » ou « partenariale », une situation encourageant un dumping fiscal néfaste au sein de l’Union européenne. Bien que « Renault-Nissan NV » ne détienne pas directement d’actions de l’un ou l’autre des entités constituant l’Alliance et ne constitue pas une véritable holding de tête, son activité dépasse celle d’un simple bureau situé « en terrain neutre » où se réunissent les hauts cadres de l’Alliance, comme cela est généralement expliqué. Potentiellement, cette structure pourrait, à tout moment, servir de réceptacle à un certain nombre d’actifs, notamment dans le cas d’un conflit entre le management et les pouvoirs publics français qui perdraient ainsi une partie de leur droit de regard.
La structuration actuelle du capital, fondée sur des actionnariats croisés est censée représenter, depuis l’origine, l’intérêt commun des deux constructeurs, sans altérer l’identité de leurs marques. L’Alliance Renault-Nissan représente, à ce jour, le partenariat transnational entre deux constructeurs le plus durablement installé de l’industrie automobile, hissant le groupe ainsi constitué au quatrième rang mondial de la construction automobile. Par sa dimension, l’Alliance protège Renault comme Nissan des retournements de conjoncture à l’échelle régionale et soutient leur développement respectif sur les grandes zones du marché. Des synergies d’investissement se sont peu à peu établies et, selon les orientations stratégiques récemment annoncées, elles devraient gagner en intensité dans les prochaines années. On rappellera qu’au cours des derniers exercices, Nissan a contribué au moins aux deux tiers des résultats de Renault.
b. L’État actionnaire de Renault : pour quoi faire et à quel prix ?
● L’année 2015 a été marquée par la volonté du gouvernement français d’être plus directement associé aux décisions conditionnant le devenir de l’Alliance et dans la définition de sa stratégie. Sans que cela ait été formellement exprimé, il s’agissait bien de réagir face à une influence jugée grandissante de Nissan au sein de l’Alliance. Dans cet objectif, l’État a utilisé la faculté d’obtenir des droits de vote double au titre de l’article 7 de la loi n° 2014-384 dite « loi Florange » du 29 mars 2014.
– Ce texte a une portée générale. La disposition en question concerne toutes les entreprises françaises cotées, en conférant des droits de vote doubles aux actions détenues sans discontinuité depuis au moins deux ans, sauf disposition statutaire expressément votée en assemblée générale à la majorité des deux tiers. En elle-même, cette disposition ne présente pas le caractère d’une exception française. Des règles d’inspiration voisine existent dans d’autres législations nationales, aux États-Unis, en Suède ou encore en Italie. Son apport est d’ériger en principe l’attribution du double vote en contrepartie d’une durée de détention nominative des actions d’au moins deux ans. Précédemment, les statuts de 22 sociétés appartenant au CAC 40 et de près de la moitié des sociétés du SBF 120 prévoyaient déjà des facultés de votes multiples, sous des conditions diverses mais pour une durée de détention plus longue, couramment de quatre ans et, dans certains cas, portée à dix ans. Dans le cas de Renault, la direction du groupe a exprimé une hostilité à ce relèvement des droits de l’État qu’il suspectait, par ce moyen, de vouloir rompre l’équilibre de l’Alliance en se dotant de pouvoirs susceptibles de contrer l’influence de Nissan.
L’opération adressait en tout état de cause un message susceptible d’être jugé indélicat, voire potentiellement agressif, par le partenaire japonais. Le président de Renault et de Nissan, M. Carlos Ghosn, a clairement manifesté une opposition à ce qui pouvait être considéré comme un acte de souveraineté visant à donner à l’État des droits de vote équivalent à une minorité de blocage.
– Le gouvernement a souhaité faire usage des possibilités ouvertes par ce nouveau système de droits de vote double, dès le 3 avril 2016, c’est-à-dire à la date fixée par la loi pour l’entrée en vigueur du dispositif. L’État a acquis sur le marché des actions supplémentaires pour porter sa participation au capital de Renault à 19,74 %. Cette acquisition au prix du marché a néanmoins coûté près d’1,2 milliards d’euros à l’État sur la base d’un cours de bourse plutôt élevé. Postérieurement à l’opération, le cours de l’action Renault a sensiblement fléchi, se redressant lentement puis subissant de nouveau des corrections à la baisse après le « Brexit ». Le cours de l’action Renault reste très en deçà du prix acquitté par l’État pour satisfaire son objectif du printemps dernier (541). Il n’est pas envisageable que l’État puisse enregistrer une perte, en cédant tout ou partie de ce qu’il vient d’acquérir, dans le cadre d’un « aller-retour » boursier incompréhensible.
Ce point n’a malheureusement pas été éclairci à l’occasion de l’audition de M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, en dépit des questions précises et répétées de notre collègue Charles de Courson sur le cours de l’action acquitté par l’État pour relever sa participation au capital de Renault. Un prix voisin de 85 € par action a été évoqué mais non confirmé. M. Martin Vial a précisé qu’il ne pouvait révéler une information de marché s’agissant d’une société cotée, en précisant que l’on se rapprochait toutefois, selon son expression, du « point mort » de l’opération en considérant que le cours atteint, à la date de l’audition (542) , se rapprochait du prix d’acquisition. Force est de constater qu’à la date de publication du présent rapport, l’État demeure « perdant » du point de vue financier, les titres supplémentaires en sa possession ayant une valeur toujours nettement inférieure à celle de leur acquisition, mais aussi d’un point de vue industriel, car l’opération n’a pas atteint le but initial de renforcement de sa position d’actionnaire afin de peser sur la définition des orientations stratégiques de l’Alliance.
Au cours de la table ronde avec les organisations syndicales, M. Franck Daout, représentant la Fédération mines et métallurgie CFDT, a qualifié de « chahut » la situation ainsi créée. (543)
● Cet épisode n’est pas une péripétie de la vie des affaires. Certes, Renault n’est plus depuis longtemps un groupe public contrôlé à plus 50 %. L’État peut néanmoins faire preuve de volontarisme en employant des moyens que lui confère la loi. Mais, en l’espèce, une double interrogation s’impose : Pour quoi faire et à quel prix ?
Ce que certains appellent l’« épisode Macron » est-il convaincant en termes de politique industrielle ? Ses conséquences sur la filière automobile française paraissent, à ce jour, imperceptibles. En dehors d’un acte d’autorité, au demeurant coûteux, aucune orientation d’ordre stratégique n’a véritablement résulté de cette montée au capital. Car il a fallu négocier un compromis avec la présidence de Renault, selon une ligne de partage des pouvoirs et des responsabilités demeurée largement confidentielle.
Ce compromis entend donc renforcer le rôle de l’État sur des décisions d’ordre stratégique et les équilibres internes de l’Alliance, sans qu’il soit possible d’en connaître exactement la portée. Les conséquences de cette situation nouvelle sur l’attitude à venir du partenaire japonais constituent une source d’interrogations. À cet égard, il est révélateur de constater que la récente prise de contrôle de Mitsubishi, au mois de mai dernier, s’est réalisée en dehors de l’Alliance : Nissan a directement pris une participation de 34 % du capital de ce constructeur et désignera le président et une grande partie des membres du conseil d’administration du constructeur. L’information du gouvernement français n’est d’ailleurs intervenue que tardivement dans la chronologie de cette opération.
Les pouvoirs publics français peuvent, eux-mêmes, créer d’autres situations particulièrement confuses.
Il en a été ainsi, le jeudi 14 janvier 2016, à la suite de la révélation de perquisitions de la DGCCRF à Renault Lardy, dans le cadre d’une enquête concernant les dispositifs de traitement des émissions polluantes. Le même jour, la ministre de l’écologie a annoncé qu’un « dépassement des normes » concernant les émissions de CO2 et d’oxyde d’azote était constaté sur certains modèles Renault, dans le cadre des premiers tests mis en place par la commission technique de son ministère, ajoutant néanmoins « il n’y a pas de logiciel de fraude » chez Renault. Les dirigeants de l’Agence des participations de l’État n’ont pas été préalablement avisés de ces informations qui ont eu une lourde conséquence boursière : l’action Renault a perdu jusqu’à 20 % de sa valeur au cours de cette journée pour enregistrer une chute de 10,28 % en fin de séance.
2. L’État « sauveur » et rempart ultime du groupe PSA
a. Une réponse à une situation de péril
La participation de l’État au capital de PSA résulte de la crise ouverte à partir de 2008.
– Parmi tous les constructeurs généralistes européens, PSA a été plus fortement affecté que ses principaux concurrents par la dégradation du marché. Le groupe est principalement présent sur des segments de moyenne gamme (B et C) soumis, dans ce contexte, à une concurrence exacerbée. PSA a également souffert d’un effondrement de la demande sur les marchés de l’Europe du sud. Après une brève reprise en 2010, PSA a subi une grave rechute de ses ventes et s’est trouvé dans une situation de surcapacité de son outil industriel, demeuré plus centré sur la France que celui de Renault. Cette situation a notamment abouti à la fermeture de l’usine d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), qui employait 3 300 salariés, et à une annonce de réductions d’effectifs au sein d’autres entités qui portait, au total, sur près de 8 000 postes, dans la continuité d’un plan global d’économies établi en 2011 à hauteur de 800 millions d’euros, puis porté l’année suivante à 1 milliard d’euros.
Un rapport demandé, à l’été 2012, par le ministre du redressement productif, établissait un diagnostic plus que préoccupant de la situation du groupe (544). Le rapport Sartorius-Serris faisait état « d’un rythme de consommation de cash-flow opérationnel intenable (– 954 millions d’euros de cash-flow opérationnel au premier semestre 2012). Le groupe a annoncé, le 25 juillet 2012, une perte opérationnelle de 819 millions d’euros au premier semestre 2012 ». Il pointait aussi certaines défaillances stratégiques en regrettant que « PSA n’ait pas mené sur l’avenir de ses sites industriels une réflexion d’ensemble qui laisserait aujourd’hui davantage d’options pour faire face à la situation actuelle de surcapacité et à un marché automobile très inférieur aux prévisions ».
– Un potentiel de rebond de PSA existait cependant. Le groupe avait besoin de passer le cap d’une restructuration profonde que le plan d’économies, alors simplement amorcé, ne pouvait garantir à lui seul. Les actionnaires ne disposaient pas des capacités pour atteindre de nouveaux objectifs et préparer l’avenir industriel et commercial du groupe, sans sacrifier la R&D à l’époque menacée. Le rapport Sartorius-Serris relevait que la politique de distribution des dividendes et des rachats d’actions avait été privilégiée au cours des dernières années, en dépit de perspectives de marché aléatoires. Devant une situation de péril, annonciatrice d’une possible faillite, l’État a, à juste titre, décidé de procéder à une modification de l’actionnariat du groupe et de mener à bien des augmentations de capital.
a. Une restructuration judicieuse
Au terme de plusieurs opérations, conclues à partir du printemps 2014, l’État est entré au capital de PSA Peugeot Citroën à hauteur de 14,1 % et noué un partenariat avec l’entreprise chinoise Dongfeng Motor Group, qui accédait au capital pour une participation identique de 14,1 % : les apports respectifs des deux nouveaux « entrants » étant de 800 millions d’euros.
– Cette restructuration a été conduite dans le cadre de deux augmentations de capital réservées et d’une attribution de bons de souscription. Elle s’articulait, en outre, avec une ligne de crédits bancaires pour un montant de 3 milliards d’euros. Une augmentation de capital, ouverte au public, d’un montant de 1,9 milliard d’euros a également été lancée avec succès puisque sursouscrite à hauteur de 2,8 milliards. La participation de la famille fondatrice, jusqu’alors prééminente, a été ramenée de 25 % (38,1 % en termes de droits de vote) à un même niveau de 14,1 %. Cette participation est principalement logée au sein de deux entités sous contrôle familial : les Établissements Peugeot Frères et la société Foncière Financière et de Participation (FFP).
L’État a garanti un avenir à PSA au moment où le groupe était plongé dans la plus grave crise de son histoire. Le redressement en cours de sa situation industrielle et financière confirme l’opportunité des décisions prises par le gouvernement. Le retour à un exercice bénéficiaire, dès 2015, a été anticipé par la bourse puisque la valorisation de l’action PSA a considérablement progressé à partir de la fin de l’année de 2014. L’apport initial de l’État de 800 millions d’euros (une partie de son apport ayant été financé par la cession de titres Airbus), d’un montant identique à celui de Dongfeng, « valait » près de 1,5 milliard d’euros à la fin du mois de mai 2016, enregistrant un quasi-doublement en deux ans.
– Face à l’urgence, l’État ne pouvait abandonner à son sort un groupe de la dimension de PSA et méconnaître les conséquences sociales d’une situation plus que critique. Le rachat par un constructeur étranger restait concevable mais, dans une telle hypothèse, les restructurations consécutives auraient pu aboutir à un démantèlement sur lequel l’État n’aurait pas eu prise. Dans la situation qui était celle de PSA, à l’été 2012, l’intervention des pouvoirs publics a été déterminante.
La décision d’entrer au capital de PSA ne relevait évidemment pas pour l’État d’un objectif financier de court terme. M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État l’a rappelé : « … le retour sur investissement est très positif […] Le bon rendement ne constituait toutefois pas la seule motivation de notre intervention ». Le commissaire a précisé : « … jusqu’à présent nous n’avons pas réclamé de dividendes », sans toutefois exclure que l’État pourrait, à l’avenir, demander un dividende à PSA, si le rétablissement de sa situation financière venait à se confirmer.
Le redressement du groupe restant toutefois inachevé, une participation publique à son capital constitue un facteur de stabilité. Elle a également une dimension sociale qui ne peut être méconnue. Les différents représentants des organisations syndicales auditionnés par la mission ont insisté sur ces points.
1. Maintenir les positions d’actionnaire de l’État dans l’automobile
Alors que l’avenir des participations de l’État dans le secteur automobile est très régulièrement évoqué, prêtant à l’État actionnaire l’intention de se défaire de tout ou partie de ses participations, a fortiori dans un contexte où il cherche des financements pour d’autres opérations de recapitalisation dans le secteur de l’énergie, votre Rapporteure estime que les positions de l’État dans ce secteur industriel doivent être maintenues.
– Dans le cas de Renault, certes, on peut comme Élie Cohen demander « à quoi sert l’État actionnaire dans l’automobile depuis quinze ans ? L’État était très présent chez Renault et il n’est intervenu dans à peu près aucune des grandes décisions du groupe », mais un désengagement de l’État est strictement inenvisageable. Celui-ci aurait des conséquences industrielles lourdes, s’agissant d’une participation stratégique au sein d’un groupe devenu un acteur de premier plan sur un marché automobile globalisé. Des leçons doivent néanmoins être tirées des épisodes récents, dont l’objectif déclaré était précisément de mieux participer à la définition de la stratégie de l’Alliance Renault Nissan. Il revient à l’État de trouver sa véritable place d’actionnaire au sein d’une structuration capitalistique qu’il a laissé s’établir sans véritablement intervenir.
– Dans le cas de PSA, un retrait, même partiel, ne peut être à l’ordre du jour. Le groupe, dont le redressement est récent, a besoin d’une stabilité durable. Une décision aussi lourde de conséquence industrielle ne saurait être fondée sur des considérations strictement budgétaires liées à la valeur des participations de l’État. En outre, d’éventuelles évolutions futures des partenariats de PSA, dans le contexte mondial du secteur automobile, nécessitent cette stabilité. Telle est d’ailleurs l’orientation de M. Carlos Tavares, président du directoire de PSA, lorsqu’il déclare à la mission que la priorité est de « rendre l’entreprise plus robuste », en n’excluant pas, une fois cet objectif atteint, que le groupe PSA soit « … en bonne situation, en bonne forme pour pouvoir négocier une éventuelle alliance stratégique, que nous n’écartons évidemment pas. Nous restons les yeux grands ouverts pour saisir toute opportunité. Mais nous voulons placer l’entreprise dans une position où une alliance stratégique ne fera que rajouter de la valeur à un plan stratégique déjà ambitieux et robuste, et pas dans une situation où une alliance stratégique serait une condition nécessaire pour sauver l’entreprise » (545). L’évolution éventuelle des positions de l’État actionnaire n’est pas à l’ordre du jour. D’ailleurs, toute modification substantielle de l’alliance conclue entre les trois partenaires reste préalablement soumise à une clause soumettant toute montée au capital d’un des partenaires à l’acceptation préalable des deux autres.
Ainsi, si votre Rapporteure n’entend pas interdire toute réflexion sur l’avenir à lointaine échéance des participations de l’État dans le secteur automobile et dans ces entreprises, elle tient à souligner que leur évocation régulière dans le débat public peut être déstabilisante, pour les entreprises comme pour leurs salariés, dans un contexte où un actionnariat public de référence est un gage de solidité dans un marché hyper concurrentiel.
1. Pour un État actionnaire avisé et de long terme
L’État n’est évidemment plus en capacité d’exercer une tutelle intégrale sur des entreprises soumises à la concurrence internationale et dont il ne détient d’ailleurs qu’une part minoritaire du capital. Pour autant, l’État est-il devenu un actionnaire « comme les autres » ou dispose-t-il toujours de certains moyens d’intervention pour faire valoir des orientations industrielles et sociales ?
Cette seconde dimension, sociale, a bien entendu été soulignée par les organisations syndicales auditionnées par la mission (546). Ainsi, M. Jacques Mazzolini, représentant la CFE-CGC a indiqué : « Il ne s’agit pas d’avoir un État stratège qui donne le cap industriel à l’entreprise. Par contre, cela rassure les salariés de savoir qu’un actionnaire de référence s’attache à maintenir des activités sur le territoire national et qu’il veille au respect des clauses réciproques dans les accords, et c’est un gage de stabilité pour l’entreprise ». Au nom de la CFTC, son collègue M. Franck Don ajoutait : « À titre personnel, je ne suis pas persuadé qu’un État actionnaire puisse avoir une impulsion industrielle. Par contre, il doit avoir une impulsion sociale et agir pour modifier et embellir le dialogue social, ce qui permettra un bon climat social. Ce serait une erreur que de faire intervenir l’État actionnaire dans des décisions industrielles. D’ailleurs, on a vu que des usines où l’État était actionnaire étaient les premières à s’« externationaliser » et à s’implanter ailleurs – on l’a appris bien plus tard ! ».
En ce qui concerne la dimension industrielle et stratégique pour la compétitivité de la Nation, il est nécessaire d’affirmer une doctrine claire des participations de l’État dans le secteur automobile, en tenant compte des spécificités de chacune des entreprises.
a. L’État : un actionnaire de référence ?
M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État qui, à ce titre, dirige l’Agence des participations de l’État (APE), a indiqué devant la mission avoir trois convictions : « La première est que la présence de l’État au sein des groupes Renault et PSA s’inscrit dans la doctrine générale de l’État actionnaire. La deuxième est que nous agissons en tant qu’actionnaire de long terme. La troisième est que nous entendons, en tant qu’actionnaire de Renault et PSA – mais aussi à travers la BPI – aider le secteur à relever plusieurs grands défis ».
– S’agissant de Renault il a précisé : « Malgré la privatisation, nous avons accompagné les décisions historiques structurelles, en particulier la prise de contrôle de DACIA ainsi que la première étape de l’alliance avec Nissan en 1999, puis, en 2002, le renforcement des accords avec cette marque, ce qui a permis de faire de cette alliance l’un des premiers groupes industriels au monde ».
– Concernant le groupe PSA, M. Martin Vial a rappelé que « la présence de l’État en tant qu’investisseur avisé » était intervenue « à un moment où le groupe traversait une grave crise existentielle », en ajoutant : « il s’agissait aussi d’accompagner le développement du groupe avec un nouveau plan stratégique, dans le cadre d’une alliance tripartite incluant Dongfeng et la famille Peugeot. Ce plan baptisé Back in the Race, a favorisé le redressement de PSA, et les résultats publiés montrent que les objectifs ont été atteints en 2015, avec deux ans d’avance sur ce qui était prévu au moment où l’État est entré dans le capital du groupe ».
Plus généralement, M. Martin Vial a insisté sur l’existence fréquente dans les entreprises du secteur de l’automobile « d’un actionnaire de référence fort au sein des grands groupes », en citant notamment les exemples de Volkswagen avec le Land de Basse-Saxe en tant qu’« actionnaire public très important », mais aussi la famille Agnelli, toujours détentrice de 29 % du capital de ce qui est aujourd’hui le groupe Fiat Chrysler Automobiles (FCA), au titre d’un actionnariat privé. Pour PSA, la famille Peugeot a longtemps été plus qu’un actionnaire de référence mais, comme la famille Agnelli, un actionnaire de contrôle.
Le propos de M. Vial peut être complété en rappelant que l’actionnariat familial est également puissant au sein du capital de Volkswagen avec les familles Piëch et Porsche qui, au travers de Porsche Automobil Holding SE (premier actionnaire du groupe), exercent un contrôle déterminant sur le constructeur (547). En outre, au titre de la loi dite Volkswagen de 1960, le Land de Basse Saxe dispose, avec 20 % du capital de Volkswagen, d’une minorité de blocage qui protège le constructeur allemand de toute OPA (548).
La crise de 2008-2009 a démontré qu’une détention importante du capital par des actionnaires privés ne suffisait pas à surmonter toutes les situations, surtout lorsqu’il convient de reconstituer ou de renforcer massivement les fonds propres d’un groupe de dimension internationale.
Dans l’esprit de M. Martin Vial, il est clair que l’État est devenu l’actionnaire de référence de PSA : l’État a substitué à un actionnariat dont la stratégie et les moyens se sont révélés pris en défaut, une alliance tripartite à laquelle participe toujours la famille fondatrice, mais avec une participation réduite.
– La situation de Renault est totalement différente. L’État est dorénavant plus souvent spectateur qu’acteur, en tout cas depuis 2002, lorsqu’il s’agit de définir la stratégie d’un groupe mondial comme l’Alliance Renault-Nissan. Il peine manifestement à reconquérir des pouvoirs d’influence.
– Au sein du groupe PSA, qui conserve un caractère national plus marqué que Renault, même avec une internationalisation croissante de ses marchés, l’État a fait preuve d’une capacité d’intervention dont la pertinence s’est confirmée au-delà d’une situation de crise. M. Martin Vial a insisté sur la vocation d’actionnaire de long terme de l’État : « Le rôle de l’APE consiste à agir au sein de ces groupes en tant qu’actionnaire avisé de long terme, notre préoccupation est la stratégie, pas la gestion quotidienne, car si elle est un actionnaire important, l’Agence n’est pas majoritaire dans leur capital ».
a. Une gouvernance de l’APE toujours imparfaite
L’APE ne parait pas en mesure d’exercer tous les pouvoirs d’un actionnaire de référence. La réalité est effectivement assez éloignée de l’ambition qui présidait, en 2004, à la création de l’Agence des participations de l’État en séparant cette nouvelle entité de la direction du Trésor qui exerçait alors directement la plénitude des droits d’actionnaire de l’État. Il s’agissait, à l’époque, de restituer une cohérence aux interventions de l’État actionnaire dans un paysage profondément modifié du fait des cessions de capital conduites au titre des privatisations successives. Il s’agissait aussi de conférer à l’État une vision stratégique de ses intérêts patrimoniaux, sans qu’il ne s’immisce dans la gestion quotidienne des entreprises. Parfaitement louable, cet objectif n’a pas été atteint.
● L’affaiblissement de l’expression d’une politique industrielle publique, de moins en moins lisible tant au niveau national qu’européen, n’a pas été sans conséquences. En France, les grandes administrations techniques, autrefois très influentes, ont constamment perdu en moyens. Le soutien qu’elles devraient apporter à l’APE semble, à présent, secondaire. Au point que l’APE dialoguerait plus souvent avec des sociétés externes d’audit, tout en recourant aux conseils de banquiers d’affaires, qu’avec les administrations concernées des ministères.
La participation des représentants de l’État aux conseils d’administration afin d’exprimer les vues de l’État actionnaire est fréquemment marginalisée du fait du nombre des administrateurs désignés en rapport avec une détention au capital minoritaire, mais aussi des modalités souvent opaques de leur désignation. À cet égard, on peut légitimement s’interroger sur la réelle influence des administrateurs désignés par l’État lorsqu’ils participent aux séances des comités d’éthique et des comités des rémunérations, comme M. Martin Vial a tenu à le souligner au cours de son audition au nom de l’APE.
De fait le management de ces groupes industriels s’arroge une place prééminente au sein des conseils. Le rapport de force n’est assurément plus en faveur de la « puissance publique ». Ce point a toute son importance si l’on considère les conséquences sociales de certaines décisions « managériales » susceptibles d’engager, par exemple, les entreprises sur la voie de restructurations qui comporteraient des risques de délocalisations d’actifs ou d’externalisations de grandes fonctions dont la portée stratégique est évidente.
● Le secteur automobile illustre une situation dans laquelle l’État n’est plus un actionnaire de référence mais, en fait, un actionnaire d’ultime recours lorsque tout va mal et que les actionnaires privés n’ont plus de solution, comme cela a été le cas pour PSA.
Les dirigeants successifs de l’APE ne sont pas directement responsables de cette évolution. L’APE serait un bouc émissaire trop commode, s’il s’agissait d’éluder les conséquences de politiques conduites au long de trois décennies.
L’État n’a pas systématiquement su ou voulu faire prévaloir son rôle d’actionnaire « avisé de long terme », une orientation de principe qui est pourtant encore aujourd’hui officiellement revendiquée. En outre, l’État n’a pas utilisé son statut d’actionnaire de grandes entreprises opérant dans la sphère de la mobilité, comme Renault ou PSA, afin de promouvoir la transition énergétique.
À titre d’illustration de ce recul de la puissance publique, on rappellera le désengagement de Renault du secteur des poids lourds définitivement réalisé, à la fin de l’année 2012, avec la cession de la dernière participation qu’il détenait au sein de Volvo AB (6,7 % du capital et 17,2 % des droits de vote) qui est ainsi devenu propriétaire à 100 % de Renault Truks, une entreprise issue de la fusion, en 1978, entre deux marques françaises historiques (Saviem et Berliet). À l’origine, l’alliance entre Renault et Volvo, conclue en 2001, avait de grandes ambitions. Renault était le premier actionnaire du groupe Volvo (21,7 % du capital au périmètre de 2010) ce qui lui permettait notamment de conserver un droit de regard sur la gestion par Volvo de ses actifs localisés en France. Cette alliance, initialement conçue comme « globale » entre les deux constructeurs, n’a pas abouti aux résultats escomptés. Le groupe Volvo s’est d’ailleurs séparé de son activité de constructeur d’automobiles particulières qui poursuit cependant son développement sous l’égide de son nouveau propriétaire, le groupe chinois Geely.
Fallait-il, pour autant, que l’État accepte de perdre tout contrôle sur le secteur du poids lourd qui est l’enjeu d’avancées technologiques majeures et qui compte, en France, des sites de production importants avec des milliers d’emplois qualifiés, désormais placés en totalité sous le contrôle de groupes étrangers ?
a. Pour un État actionnaire actif et cohérent dans ses objectifs
La problématique de l’actionnariat public au sein des groupes industriels a été bien résumée devant la mission par le professeur Élie Cohen qui a regretté l’absence de doctrine dans la conception qui est aujourd’hui celle de l’État dans sa position d’actionnaire de groupes confrontés à la concurrence internationale. Il a insisté sur ce qui relève d’une absence de vision de politique industrielle alors qu’« à l’inverse, il intervient beaucoup dès qu’il est question d’emplois de délocalisations… c’est-à-dire qu’il est dans un rôle tout à fait classique d’État, rôle qui rend nullement nécessaire sa présence comme actionnaire de l’entreprise ». Le professeur Cohen ajoutant : « Si l’État français, comme il l’exprime de plus en plus, est essentiellement préoccupé par l’emploi et la localisation de l’activité il n’a nul besoin d’être actionnaire – surtout d’une entreprise comme Renault. Observez comment General Electric a négocié avec l’État dans le cas d’Alstom. Quand vous êtes General Electric, vous ne pouvez vouloir prendre le contrôle d’Alstom sans qu’au moins l’État n’y acquiesce – et en l’occurrence l’État a plus qu’acquiescé… ».
Élie Cohen a également souligné le lien qui doit exister entre la légitimité de l’actionnariat public et la clarté des objectifs industriels poursuivis : « Si l’État veut avoir une stratégie industrielle, ce qui n’a pas été son cas au cours des quinze dernières années, on peut envisager une participation au capital et imaginer les formes de cette participation dans le temps. En tout cas, la pire des solutions est celle que l’on voit à l’œuvre dans le contexte de l’Alliance Renault-Nissan avec un État intrusif qui a voulu subrepticement doubler ses droits de vote en créant un conflit avec les autres actionnaires et la totalité des administrateurs indépendants sans prévoir de plan B en cas d’échec de cette initiative ».
Proposition n° 92 : Maintenir les participations de l’État au capital de Renault et de PSA, actionnaire de référence de long terme pour :
– accompagner les efforts de développement de groupes fortement exposés à la concurrence internationale, tant dans la modernisation de leur outil industriel que dans le renouvellement de leur gamme ;
– soutenir leurs stratégies à long terme liées à la transition énergétique et à la révolution numérique.
Dans cette perspective, renforcer les échanges entre l’APE et les administrations techniques des ministères pour que l’État actionnaire dispose d’une vision industrielle et pas seulement patrimoniale.
I. ASSUMER L’AMBITION INTERNATIONALE
Le marché automobile est globalisé. Nous ne reviendrons pas au cadre hexagonal, et l’industrie automobile française, pour rester dans la course, doit impérativement se situer à l’échelle du marché mondial. Cette « industrie hyper compétitive » (549) doit développer les exportations, identifier les marchés les plus porteurs, tout en valorisant, dans la compétition internationale, le savoir-faire national.
A. ACCOMPAGNER LA RÉPONSE DES ENTREPRISES DE LA FILIÈRE AUTOMOBILE À LA NOUVELLE GÉOGRAPHIE DES VENTES
1. Un bouleversement profond et durable de la géographie des ventes
Les ventes mondiales sont dans une phase de croissance rapide. Alors que 62 millions de véhicules s’étaient vendus en 2009, près de 88 millions de véhicules neufs ont été vendus en 2015, soit une augmentation de 40 % en six ans. Depuis 2000, le rythme de croissance annuelle des ventes s’élève à 3 % en moyenne (550) et le cap des 100 millions de véhicules pourrait être franchi en 2020. Selon l’observatoire Cetelem de l’automobile, si cette croissance est durable, elle ne doit toutefois pas masquer une forte hétérogénéité des situations, faisant coexister des pôles extrêmement dynamiques et d’autres en déclin.
L’augmentation des ventes repose essentiellement sur le dynamisme des pays émergents, où le taux d’équipement est encore relativement faible (551), et le pouvoir d’achat de la classe moyenne en hausse. Depuis 2009, le marché chinois est ainsi devenu le premier marché mondial, avec 13,5 millions de voitures neuves vendues. En 2015, 24 millions de voitures particulières neuves ont été vendues en Chine, soit près de 30 % des immatriculations mondiales.
Au contraire, le poids de l’Europe occidentale (552) dans les ventes de véhicules neufs diminue. Il est passé de près de 25 % des ventes mondiales en 2005 à environ 20 % aujourd’hui. Il avait diminué de 18,5 % lors des seules années 2008 et 2009. Entre 2007 et 2013, les débouchés en Europe occidentale ont baissé de plus d’un million de véhicules (pour s’établir à 12 millions d’unités), notamment suite à la chute des marchés en Europe du Sud et en France. Affectés par la crise, et déjà largement équipés, les pays européens peinent à maintenir une demande dynamique pour les véhicules, en particulier pour les véhicules neufs. Toutefois, ils ont amorcé une légère reprise ces deux dernières années : en 2014, les immatriculations en Europe de l’Ouest ont rebondi à 13,9 millions d’unités et se sont établies à 15,2 millions d’unités en 2015 (soit le niveau de 2009) (553).
Poids des marchés régionaux dans les ventes totales en 2015 (CCFA (554)) | ||
Véhicules particuliers |
Véhicules utilitaires légers | |
Europe dont : |
24,9 % |
11,0 % |
– Europe occidentale |
– 20,1 % |
– 8,2 % |
– Europe centrale et orientale |
– 4,8 % |
– 2,8 % |
Amérique dont : – ALENA – États-Unis – Amérique du Sud |
19,2 % – 13,9 % – 11,4 % – 5,3 % |
54,7 % – 50,5 % – 43,3 % – 4,1 % |
Asie dont : |
54,1 % |
32,5 % |
– Chine |
– 32,1 % |
– 14,5 % |
– Corée du Sud |
– 2,3 % |
– 1,3 % |
– Japon |
– 6,4 % |
– 3,5 % |
– ASEAN |
– 3,0 % |
– 4,8 % |
– Autres – Océanie |
– 10,2 % |
– 8,5 % |
Afrique |
1,8 % |
1,8 % |
2. Un retard français dans l’adaptation à cette nouvelle donne
a. La dégradation continue de la balance commerciale française
La production française peine à s’adapter à cette nouvelle géographie des ventes, comme en témoigne la dégradation continue de sa balance commerciale depuis près de 10 ans.
La balance commerciale française pour les produits automobiles affiche, en effet, un solde négatif depuis 2007. Ce solde était de – 6,7 milliards d’euros en 2015, avec des importations (48,9 milliards d’euros en 2015) supérieures aux exportations (42,5 milliards d’euros en 2015) (555).
Ce solde négatif résulte surtout de la hausse des importations, due au rebond de la consommation en Union européenne, laquelle ne s’est pas portée uniquement sur les produits nationaux. Le déficit aurait été plus accentué si les exportations n’avaient pas, elles aussi, légèrement rebondi, quoi que de façon moins marquée. L’industrie automobile, qui représente plus de 9 % de l’ensemble des exportations françaises, demeure l’un des premiers secteurs exportateurs aux côtés de l’aéronautique et de l’agroalimentaire. De plus, en Europe, seule l’Allemagne et l’Espagne ont une balance commerciale des produits de l’automobile positive.
La tendance observée depuis plusieurs années est inquiétante : le solde se creuse car les exportations diminuent, ou augmentent plus faiblement que le marché mondial, d’où le creusement de la balance commerciale automobile depuis 2008.
Ces données ne rendent pas compte des distinctions à opérer selon les produits de l’automobile : s’il est largement négatif pour les véhicules particuliers neufs, le solde est positif pour les pièces d’équipements et moteurs, à hauteur de 4,4 milliards d’euros en 2014 (quoiqu’en baisse par rapport à 2013, où il s’élevait à 5,2 milliards d’euros). Cet excédent s’explique notamment par la production hors de France de constructeurs français, qui s’appuient sur des approvisionnements français de pièces d’équipements, ainsi que sur l’export des équipementiers français à des constructeurs étrangers.
2014 (en milliards d’euros) |
Exportations |
Importations |
Solde |
Voitures neuves |
13.7 |
22.3 |
– 8.6 |
VUL neufs |
3.0 |
3.0 |
– 0.0 |
VI neufs |
2.6 |
3.0 |
– 0.4 |
Pièces et moteurs |
20.3 |
15.8 |
+ 4.4 |
Branche automobile industrielle |
39.5 |
44.0 |
– 4.6 |
Véhicules d’occasion |
1.2 |
1.1 |
+ 0.1 |
Branche automobile |
40.7 |
45.2 |
– 4.5 |
Ensemble des biens |
428.9 |
500.4 |
– 71.5 |
Part de l’automobile |
9.5 % |
9.0 % |
Toutefois, la filière française ne représente encore que 4 % des échanges mondiaux des produits de l’industrie automobile (556).
b. Parmi les explications : les difficultés des PME à l’export et à l’internationalisation
Les caractéristiques du tissu industriel de la filière automobile française, composé de nombreuses TPE et PME, atténue l’internationalisation de la filière. Ces entreprises, qui constituent la majorité de la filière, n’ont souvent pas atteint la « taille critique » leur permettant d’exporter ou de s’implanter partiellement à l’étranger. Dans une enquête menée en 2009 auprès de ces PME, la banque de financement Oséo concluait que « l’effet taille a une influence importante sur le niveau d’exportation ». L’étude mettait en évidence « le cercle vicieux dont souffrent nombre de nos PME automobiles. Plus leur taille est modeste, moins elles innovent, moins elles exportent, plus elles se trouvent exposées aux ralentissements d’activité conjoncturels et plus leurs relations avec les donneurs d’ordres apparaissent déséquilibrées » :
– alors que les taux d’exportation sont élevés pour les ETI (autour de 46 % du chiffre d’affaires en moyenne), ils sont beaucoup plus faibles et inégaux pour les TPE et PME. Les moyennes entreprises réalisent 29,6 % de leur chiffre d’affaires à l’export et les petites entreprises 12,8 % ;
– les TPE et PME dépendent souvent de la présence d’un client majeur à proximité immédiate : 45,6 % des TPE déclarent qu’au moins un de leurs clients majeurs est implanté à une échelle locale, contre seulement 17 % des ETI. 68,7 % des moyennes entreprises possèdent un client majeur dans une autre région française, contre seulement 47,5 % des ETI. Ainsi, seules les ETI possèdent une réelle capacité à se projeter en dehors de leur implantation géographique ;
– 47 % des ETI possèdent une filiale ou un atelier de production implanté à l’étranger, contre moins de 27 % des moyennes entreprises et 13 % des petites entreprises ;
– 56,9 % des TPE et PME s’étant implantées à l’étranger déclarent l’avoir fait à la suite de la demande de leurs clients, soit le troisième motif d’implantation internationale, derrière la réduction des coûts de production (65 %) et l’accès aux marchés étrangers (58 %). Les donneurs d’ordres de la filière automobile exercent une pression significative sur les PME et ETI pour qu’elles s’internationalisent, sans nécessairement mettre en œuvre les moyens d’accompagnement nécessaires au succès de cette internationalisation.
Les PME ont conscience des difficultés liées à leur taille. En 2009, 46 % d’entre elles indiquaient que leurs besoins prioritaires, en termes de soutien public, concernaient les aides à l’exportation (soit leur 2ème priorité, derrière l’amélioration organisationnelle).
c. La « success story » des ETI
Au contraire d’un grand nombre de PME, les ETI françaises présentent, pour certains, de véritables success stories.
M. Michel Rollier, président de la plateforme de la filière automobile et mobilités (PFA), a souligné devant la mission (557) que dix à douze équipementiers français sont ainsi de véritables exemples de réussite : alors qu’ils sont encore considérés comme des entreprises de taille intermédiaire (ETI), le chiffre d’affaires de certains d’entre eux dépasse un milliard d’euros par an et leur croissance mondiale est forte. Michel Rollier citait, en particulier, MGI Coutier, un des leaders dans le secteur du plastique aux États-Unis ; SNOP, dans le secteur de l’emboutissage ; Plastivaloire ; ARaymond ; Delfingen ; Le Bélier.
Toutes ces entreprises ont une base de clients français mais ont su acquérir une stature internationale, même si, particulièrement les plus petites d’entre elles, maintiennent sur le territoire national une recherche de proximité.
Il ne s’agit pas, pour autant, que ces équipementiers deviennent les plus grands, mais plutôt qu’ils se spécialisent dans leurs champs d’activité pour s’y imposer parmi les trois premiers, et prendre des parts de marché significatives à l’international.
ARaymond, une entreprise familiale devenue mondiale
Votre Rapporteure s’est rendue sur l’un des sites de production de l’entreprise ARaymond, à Saint-Égrève, ainsi qu’à son siège, à Grenoble, le jeudi 11 février 2016.
ARaymond est une entreprise familiale, fondée en 1865, et transmise de père en fils depuis cinq générations. L’entreprise, à l’origine du « bouton-pression » puis de la fermeture éclair à glissière détachable, a par la suite pénétré le secteur automobile par l’adaptation des boutons pressions au textile des véhicules, avant d’élaborer d’autres pièces d’assemblage. Le secteur automobile représente aujourd’hui 95 % de l’activité et du chiffre d’affaires d’ARaymond, qui se situe autour de 1,1 milliard d’euros. ARaymond emploie près de 6 000 salariés, dont 1 000 en France, et l’entreprise est présente dans vingt-cinq pays, afin de produire au plus près de ses clients. Les différents sites constituent un « réseau collaboratif », sans hiérarchie ni siège unique, chaque site étant responsable de sa production et bénéficiant ainsi de davantage d’agilité.
ARaymond est désormais devenue pour l’essentiel une entreprise de fabrication de pièces d’assemblage pour automobiles, qu’elle vend pour près de deux tiers aux équipementiers de rang 1, et pour 20 % seulement aux constructeurs, sous différentes formes :
– des clips (58 % des pièces produites) : chaque voiture dans le monde contient 3 000 fixations dont 1 000 clips parmi lesquels, en moyenne, 500 clips ARaymond ;
– des connecteurs pour fluides ou raccords pour carburants (22 % des pièces produites, 30 % du chiffre d’affaires de l’entreprise) : ARaymond est leader mondial sur ce type de produit, avec 45 % des parts de marché ;
– des colles.
L’entreprise connaît une croissance importante, et a bien résisté à la crise. Elle a, à cette époque, entamé une stratégie de diversification de ses activités, en développant notamment des pièces d’assemblage pour les secteurs de la santé et de l’agriculture (fermetures hermétiques pour vaccins sans métal, clips biodégradables pour plants de tomates…). Ces activités sont encore marginales mais l’actionnariat familial continue de les soutenir – sans profit – pour élargir les perspectives en cas de difficultés, et dans l’espoir d’une rentabilité à venir. Par ailleurs, l’entreprise avait fait face aux baisses de commandes sans recourir aux licenciements, par la non-reconduction des salariés intérimaires et des départs volontaires. Conserver les compétences internes lui a permis d’être plus réactive que d’autres lorsque le marché a repris, et même d’acquérir le n° 3 américain du secteur en 2009, seule opération de croissance externe de l’entreprise à ce jour. En définitive, la crise est perçue comme ayant créé des opportunités que l’entreprise a su saisir.
ARaymond est une entreprise de taille mondiale. Sa production se répartit comme suit : 15 % en France, 33 % en Allemagne, 24 % aux États-Unis, 9 % en Chine, 1 % en Inde, 2 % au Brésil et 5 % dans le Pacifique. Il existe, pour l’entreprise, une grande homogénéité entre les chiffres des productions et ceux des ventes : il ne s’agit pas de délocalisation mais de « localisation » des activités au plus près des marchés (à titre d’illustration, les pièces achetées uniquement par des constructeurs chinois, comme des LED à fixer aux plafonds des voitures, sont produites directement et uniquement en Chine). Son principal concurrent est l’américain ITW, qui réalise 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires.
ARaymond attache une attention particulière à l’innovation, pour laquelle l’entreprise investit 6 % de son chiffre d’affaires chaque année, et emploie 350 salariés à temps plein. En 150 ans, l’entreprise a créé près de 28 000 produits, pour apporter des solutions aux problèmes d’assemblages exposés par les constructeurs.
Le site de Saint-Égrève, que la mission a visité, assure la production de pièces en plastique et en métal. Les bâtiments consacrés aux pièces en métal ont été construits en 2014, et l’activité, initialement localisée à Grenoble, y a été déplacée. Le déménagement, qui a duré six semaines, a rendu obligatoire de faire une nouvelle demande d’homologation de chaque pièce produite – même sans que celle-ci ait été modifiée – auprès des constructeurs clients, en raison du simple déplacement des machines de production. Ce « poids réglementaire d’une bureaucratie tatillonne » est jugé excessif. L’usine offre cependant une grande flexibilité car toutes les machines sont conçues pour pouvoir produire plusieurs modèles de pièces, selon la programmation appliquée. En moyenne, 30 % des machines changent de pièces chaque jour, et une heure suffit à faire la modification. L’automatisation croissante a permis de transformer des postes peu qualifiés de manutentionnaires en postes plus qualifiés d’opérateurs, d’outilleurs ou de régleurs. Toutefois, pour ces postes, le recrutement s’avère plus difficile en raison d’un faible nombre de candidats et d’une extinction progressive des filières de formation.
3. Un impératif : aider les entreprises à l’export
a. L’importance stratégique de l’export
L’exportation constitue un enjeu essentiel pour les constructeurs et équipementiers de la filière automobile, et un gisement de valeur considérable :
– l’export représente une part de plus en plus importante de la production européenne (30 %, contre 14 % en 1990, et 22 % en 2010) (558) ;
– 80 % de la production mondiale des constructeurs français est vendue hors de France (en 2015) ;
– en 2014, les équipementiers ont dégagé un chiffre d’affaires de 15,6 milliards d’euros, dont 54 % à l’export (contre 33 % en 2010), avec un solde commercial excédentaire (559).
Dans un contexte de faible dynamisme du marché européen, l’export est un relais de croissance, que les industries – équipementiers comme fournisseurs – doivent impérativement exploiter. La pénétration des nouveaux marchés doit être au cœur de la stratégie de développement des entreprises.
Une diversification des débouchés de l’industrie française
Si les principaux clients de l’industrie française demeurent européens, leur place dans le total des exportations diminue, en raison de la diversification des débouchés.
En effet, les autres zones représentent des débouchés croissants par rapport au début des années 2000, en particulier l’Asie.
Source : PFA : http://www.planeteautomobile.com/filiere-automobile/chiffres/
b. L’encouragement des fusions ou des mutualisations nécessaires à l’internationalisation
Pour les entreprises de la filière automobile, il est incontournable d’acquérir une dimension internationale, d’élargir leur portefeuille de clients français et étrangers pour compléter les débouchés naturels offerts par les bassins historiques de sous-traitance et de se placer dans les trois premiers de leur champ d’activité.
Pour garantir leur succès à l’international, les PME doivent acquérir la taille critique. Selon Michel Rollier, président de la PFA, il reste « encore 100 à 200 équipementiers de taille plus modeste, qui occupent 120 000 salariés, mais devront consentir à procéder à des opérations de consolidation. De fait, il est impossible à une entreprise de vivre avec seulement 2 % du marché mondial ». M. Christophe Lerouge, directeur général des entreprises, estimait lui aussi qu’« il y a toute une gamme de sous-traitants dans le secteur automobile dont la masse critique est insuffisante ». Il indiquait plus loin que « se posent des questions de développement économique liées à la taille critique, à la montée en gamme et à la possibilité pour les entreprises d’aller sur les marchés internationaux ».
Un accompagnement est indispensable. Selon Éric Poyeton, directeur général de la plateforme de la filière « Automobile et mobilités » (PFA), il faut « accompagner les plus petites entreprises aussi bien en amont – tant qu’elles n’ont pas pris la décision de se lancer – qu’en aval ».
Le contrat de filière du comité stratégique de filière (CSF) pour la période 2015-2017 comporte une action « se développer », qui vise l’organisation et la consolidation de la filière « afin d’essayer de restructurer la filière et ainsi de faire monter en gamme les petites et moyennes entreprises (PME), de constituer des entreprises de taille intermédiaire (ETI), de les rendre plus fortes et de leur permettre d’aller à l’international », selon M. Lerouge. La sous-action numérotée 3.4, « supporter le nécessaire besoin de développement du business des acteurs de la filière », comporte une mesure titrée intitulée « mettre en place des actions sur mesure pour le développement international », confiée au groupe de travail n° 4 du CSF portant sur « l’international et la diversification grâce à la R&D collaborative ». Il importe que ce groupe de travail établisse un bilan de son action et des résultats obtenus.
Proposition n° 93 : Amplifier les actions du groupe du comité stratégique de filière (CSF) relatives au soutien à l’internationalisation et suivre la mise en œuvre des actions sur mesure pour le développement international.
Par ailleurs, les constructeurs et les plus gros équipementiers ont aussi un rôle à jouer pour aider leurs partenaires à s’internationaliser. Comme l’indiquait la FIEV lors de son audition, des équipementiers de rang 1 comme Faurecia, Valeo, Bosch ou Continental Automotive ont mis en place des programmes – des « grappes » – pour aider au développement de leurs fournisseurs – aide à l’innovation, développement à l’international – et à l’amélioration de leur performance industrielle. En abondant le Fonds d’avenir de l’automobile (FAA), doté d’une capacité d’investissement de 230 millions d’euros à utiliser notamment pour le développement à l’international, ils contribuent à amplifier ce mouvement. Le FAA vise en particulier à faire émerger des équipementiers plus grands, plus rentables et capables de nouer des partenariats durables avec les constructeurs en renforçant leurs fonds propres et en les accompagnant dans leur développement à l’international. À cet égard, il doit être soutenu et orienté plus explicitement vers l’aide au développement international des équipementiers de la filière automobile.
Proposition n° 94 : Accentuer la part du Fonds Avenir Automobile (FAA) consacrée au soutien à l’internationalisation des équipementiers, en particulier de rangs 2 et 3.
Du fonds de modernisation des équipementiers automobiles
au fonds d’avenir de l’automobile
Le Fonds d’avenir automobile a été créé pour remplacer le fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA), dans le cadre du contrat de filière du CSF automobile pour la période 2015-2017.
Le FMEA, créé en 2009 pour aider l’industrie automobile à faire face à la crise, était géré par Bpifrance (direction ETI/grandes entreprises), au travers de deux fonds :
– FMEA rang 1, doté de 600 millions d’euros apportés à parts égales par les trois souscripteurs (Bpifrance, Renault, PSA) pour accompagner les projets de fournisseurs de rang 1 des constructeurs, pour des investissements jusqu’à 60 millions d’euros par opération ;
– FMEA rang 2, doté de 50 millions d’euros réunis par 5 équipementiers automobiles de référence (Valeo, Bosch, Plastic Omnium, Faurecia, Hutchinson) et les acteurs du FMEA rang 1, spécifiquement dédiés aux fournisseurs automobiles de plus petite taille (rang 2 et plus), pour des investissements jusqu’à 5 M€ par opération.
Trois ans après son lancement, le FMEA était intervenu auprès d’une trentaine d’équipementiers automobiles français, renforçant leurs fonds propres à hauteur de 300 M€. Parmi les sociétés concernées figuraient notamment Trèves (acoustique et textile), Maike Automotive (décolletage) ou Delfingen Industry (électronique et câblage).
Depuis 2012, le FMEA faisait l’objet de plusieurs critiques : le rythme des investissements avait ralenti et aucun investissement nouveau n’avait été réalisé à partir de 2012, même si le FMEA continuait d’accompagner les entreprises dans le capital desquelles il était présent. La mise de départ – 650 millions d’euros – n’avait pas été entièrement consommée, en raison notamment du peu d’empressement de certaines entreprises à ouvrir leur capital, en particulier à un actionnaire public ou à l’un de leurs clients (Renault et PSA, qui abondent le fonds, étant les clients des équipementiers).
Le FAA a succédé au FMEA dans le cadre du contrat de filière 2015-2017. Il adopte une stratégie nouvelle, qui répond particulièrement aux enjeux de l’internationalisation :
– il prend en compte le nouveau contexte, différent de celui de crise dans lequel le FMEA avait été conçu : les enjeux sont désormais ceux de l’internationalisation et de l’innovation ;
– il vise à favoriser les consolidations d’entreprises, pour faire émerger des champions d’envergure européenne voire mondiale, dans un secteur de la sous-traitance automobile encore très atomisé ;
– il permet d’accompagner l’internationalisation des entreprises de l’automobile, en renforçant leurs fonds propres et en les accompagnant dans leur développement à l’international ;
– il comporte aussi un objectif de développement de la stratégie d’innovation.
Le FAA poursuit désormais son action au sein de la Direction « Mid and Large Cap » de Bpifrance. Il est doté d’une capacité d’investissement de 230 millions d’euros, correspondant à la somme non consommée par le FMEA, sur les 600 millions d’euros de départ. Il intervient par apport en fonds propres ou quasi-fonds propres dans les entreprises équipementiers automobiles, ainsi qu’en capital-développement. Le FAA intervient sur le moyen et long terme, généralement pour une durée de 5 ou 8 ans, pour un montant d’intervention compris entre 5 et 60 millions d’euros pour les fournisseurs automobiles de rang 1 ; 1 et 5 millions € pour les fournisseurs automobiles de rang 2.
À titre d’illustration, le FAA est entré, en octobre 2015, au capital de la société Coriolis, société de 100 salariés, localisée à Lorient, initialement spécialisée dans les matériaux composites pour l’aéronautique, mais ayant l’ambition d’adapter son savoir-faire à l’industrie automobile. Selon le FAA, « l’entrée du FAA au capital de Coriolis Composites vise à accompagner le développement de cette société dans son développement commercial dans l’automobile, en mettant notamment à sa disposition ses contacts et sa connaissance du marché et des donneurs d’ordres. Le FAA considère que Coriolis Composites dispose de la solution la plus aboutie techniquement pour pénétrer le marché automobile et répondre aux contraintes en termes de productivité et de compétitivité ».
4. L’Europe ne doit plus faire obstacle à la constitution de champions mondiaux
Votre Rapporteure est consternée par la décision de la Commission européenne qui a amputé d’un tiers le périmètre de l’acquisition d’une partie des activités de Faurecia par Plastic Omnium. La Commission, agissant dans le cadre de ses pouvoirs propres sans que les États ou le Parlement européen ne puissent intervenir, oblige à céder à un tiers non encore identifié sept installations industrielles sur les 22 sites concernés, employant 7 700 personnes et générant un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros en 2014.
La Commission européenne, qui prétend ainsi préserver une « pression concurrentielle suffisante » entre équipementiers automobiles va à l’encontre des objectifs annoncés par son Président Jean-Claude Juncker (560) : « Je suis fermement convaincu que nous devons maintenir et consolider une base industrielle à la fois forte et hautement performante pour notre marché intérieur, car il serait naïf de penser que la croissance en Europe pourrait dépendre des seuls services. Nous devons ramener le poids de l’industrie dans le PIB de l’UE de moins de 16 % aujourd’hui à 20 % d’ici 2020. Cela permettra à l’Europe de maintenir sa position dominante dans des secteurs stratégiques offrant des emplois de qualité, comme l’industrie automobile… ».
La décision de la Commission européenne concerne quatre sites en France : Audincourt (Doubs), Marles-les-Mines (Pas-de-Calais), Marines (Val-d’Oise) et Burnhaupt-le-Haut (Haut-Rhin). S’y ajoutent deux sites en Allemagne (Ingolstadt (Bavière) et Offenau (Bade-Wurtemberg)) et un en Espagne (Valladolid (Castille-et-León)). Elle pourrait permettre à des concurrents de Plastic omnium de s’implanter à bon compte en Europe !
Une approche doctrinaire de la concurrence, ne prenant en considération que le périmètre intra-européen, entrave la constitution de champions européens à l’échelle de la concurrence mondiale, comme l’a démontré le rapport de notre collègue Isabelle Bruneau en 2014 (561). En effet, la Commission européenne craignait que « l’entité issue de la concentration ne soit pas soumise à une pression concurrentielle suffisante de la part des autres acteurs du marché de la production et de la fourniture de pare-chocs en plastique dans le nord, l’est et l’ouest de la France, en Belgique et en Espagne… sur le marché de la production et de la fourniture des modules de face avant (le composant structurel se trouvant derrière le pare-chocs), des hayons (arrières) en plastique. […] Le choix de fournisseurs laissé aux constructeurs d’automobiles aurait été très limité, voire nul ».
Plastic Omnium (562) a estimé à 1,2 milliard d’euros le montant du chiffre d’affaires qui subsisterait dans son périmètre une fois les cessions demandées effectuées. Il a précisé que les 15 sites dans ce périmètre employaient 5 500 personnes.
L’incapacité de la Commission européenne à abandonner un juridisme étroit au profit d’une véritable stratégie industrielle, pourtant annoncée par le Président de la Commission européenne le 15 juillet 2014, est parfaitement regrettable. Au demeurant, à notre connaissance, cette affaire n’a pas entraîné de réactions particulièrement vives des pouvoirs publics, alors même qu’elle pourrait constituer un précédent dangereux.
Proposition n° 95 : Exiger que la Commission européenne révise son périmètre d’appréciation de la concurrence dans le secteur automobile, en prenant en considération la nécessité de constituer de champions européens à l’échelle mondiale, afin que les obstacles mis au rachat par Plastic Omnium d’activités de Faurecia ne constituent pas un précédent. La France doit recueillir le soutien d’autres États membres pour peser en ce sens.
A. AFFIRMER LE RÔLE DU TERRITOIRE DANS LA PRODUCTION
1. Le bouleversement de la géographie de la production
a. La nouvelle hiérarchie des zones de production
L’augmentation des ventes au niveau mondial se double, logiquement, d’une augmentation de la production. Celle-ci est ainsi passée de 50 millions de véhicules produits en 1990 à 60 millions en 2000, puis 70 millions à la veille de la crise économique de 2007. En 2015, la production mondiale de véhicules a progressé de 1,1 % pour s’établir à 90,7 millions de véhicules, soit le cinquième niveau record après la chute de 2009 (563). Cette hausse a représenté un volume de 2,3 millions de véhicules.
Elle n’est pas répartie de façon uniforme. La production s’est déplacée dans les mêmes régions émergentes que celles qui connaissent une augmentation des ventes.
En Asie, la hausse de la production est spectaculaire, en particulier en Chine. Le pays, qui produisait à peine 500 000 véhicules il y a dix ans, en produit désormais 25 millions, essentiellement pour son marché intérieur (ses importations et ses exportations ne représentent que 5 % de sa production environ). La production chinoise a ainsi crû de 167 % entre 2007 et 2014, et de 5 % sur la seule année 2015. L’Asie-Océanie dans son ensemble représente désormais plus de la moitié de la production mondiale (+ 53 % entre 2007 et 2014, pour s’établir à 53 %, dont 26 % pour la Chine). Sur la seule année 2014, la production indienne a crû de 7 %, et celle des Philippines de 5 % (564). Elle progresse moins rapidement en Corée du Sud (+ 1 %), pays déjà plus mature.
En Europe centrale et orientale, à laquelle peut être associée la Turquie, la production a crû continuellement depuis les années 1990, pour passer de 13 % de la production européenne en 1996 à 15,6 % en 2000, 20,9 % en 2005 puis 28 % en 2009. Au total, la production augmentait en Europe de l’Est de 20 % entre 2007 et 2014, quand, dans le même temps, elle diminuait d’autant en Europe de l’Ouest : en raison de la faible croissance de la production européenne dans son ensemble, le dynamisme de l’Est s’est traduit par une plus grande décélération à l’Ouest. Ce sursaut de la part de l’Europe de l’Est dans la production a été favorisé par deux éléments :
– le soutien public marqué à l’implantation d’industries. Ainsi, en Hongrie, Mercedes a bénéficié de plus de 80 millions d’euros, avec l’accord de la Commission européenne, dans le cadre de la procédure de notification des aides d’État.
– le taux de change favorable des monnaies locales, non intégrées à la zone euro. Les cours du zloty polonais ou du florin hongrois, sont en effet faibles par rapport à l’euro, et ce particulièrement depuis 2007. Cette compétitivité monétaire des pays d’Europe centrale, qui s’accentue continuellement alors que l’euro se renforce, accroît la compétitivité à l’export des produits automobiles fabriqués sur place et a incité aux implantations locales de sites industriels par les constructeurs d’Europe occidentale ;
Source : INSEE Source : INSEE
Lecture : 1 euro = 310 florins hongrois Lecture : 1 euro = 4 à 4,5 zloty polonais
contre 230 florins en 2007 contre 3,2 zlotys en 2007
Au contraire, la production en Europe de l’Ouest connait un fort déclin. Alors que l’Europe a longtemps été le centre de gravité – avec l’Amérique du Nord – de la production automobile, elle n’est plus, depuis 2010, que la seconde zone productrice au monde, derrière l’Asie. La production en Europe occidentale a ainsi baissé de 19 % entre 2007 et 2014 pour ne représenter plus que 18 % de la production totale. Cette production a toutefois augmenté de 3 % en 2014 et de 6 % en 2015.
a. L’« effondrement » de la production des constructeurs français en France
Les volumes produits en France diminuent constamment depuis 2004. Ils sont ainsi passés de 3,3 millions de véhicules légers et utilitaires produits sur le sol français en 2004 à moins d’1,5 million aujourd’hui. Cette réduction de moitié s’est accentuée à la suite de la crise économique, malgré une reprise en 2014 (+ 4 %) et en 2015 (+ 6 % sur les neufs premiers mois de l’année).
Dans le même temps, les volumes produits par les constructeurs français à l’étranger augmentent, ceux-ci ayant construit de nouvelles capacités de production sur des marchés porteurs, ou ayant choisi d’implanter des sites de production dans des pays à bas coûts d’Europe de l’Est (rachat de Dacia, en Roumanie, par Renault en 2009 ; rôle accru de l’usine Renault de Bursa en Turquie, et de l’usine Renault de Novo Mesto en Slovénie ; ouverture d’un site PSA à Trnava en Slovaquie en 2006…). Le déplacement du marché vers les véhicules d’entrée de gamme (565) a favorisé les sites localisés en Europe de l’Est, spécialisés sur les petits véhicules.
Depuis 2006, les volumes produits par les constructeurs français à l’étranger sont supérieurs aux volumes produits par les constructeurs français en France. Au total, la production en France des constructeurs français a diminué de 45 % entre 2004 et 2014, quand, dans le même temps, leur production hors de France augmentait de 42 % (566).
Cette décroissance de la production automobile, que l’on observe en France, mais aussi en Italie et en Espagne, n’est pas constatée en Allemagne ni au Royaume-Uni où elle augmente depuis 2008.
1. « Localisation » versus « délocalisation »
L’implantation à l’international est nécessaire aux entreprises de la filière automobile, en particulier dans un contexte de concurrence de plus en plus rude. Toutefois, deux stratégies des équipementiers et les constructeurs se distinguent :
– des stratégies de « localisation » de la production au plus proche des sites de vente, de manière à éviter les coûts de transports, à rémunérer les salariés dans la devise d’achat des produits pour atténuer le risque de change et à limiter les délais de livraison ;
– des stratégies de « délocalisation », permettant de réduire les coûts en tirant avantage d’une main-d’œuvre moins chère, fabriquant des produits rapatriés ensuite vers la France ou d’autres zones d’exportation.
Plusieurs entreprises rencontrées ou visitées nous ont fait part de la mise en œuvre d’une stratégie de localisation, c’est-à-dire de rapprochement des marchés porteurs. Par exemple ARaymond localise ses activités de production au plus près de ses marchés de vente. Le groupe est présent sur chaque continent dans des proportions homogènes aux ventes qu’il y réalise. Il peut ainsi adapter sa production en fonction des besoins locaux.
De même, M. Yann Delabrière, président-directeur général de Faurecia, indiquait « il est […] important que Faurecia ne soit pas seulement en France, mais partout où sont nos clients, et que ces derniers nous perçoivent ainsi : nous sommes un fournisseur allemand en Allemagne, américain en Amérique du Nord, coréen en Corée, et ce sont effectivement des équipes de chacune de ces nationalités que nos clients ont face à eux ». Le groupe réalise 50 % de son chiffre d’affaires en Europe, 30 % en Amérique du Nord et 20 % en Asie, la Chine étant récemment devenue son premier pays d’implantation (avec 15 000 salariés produisant essentiellement pour le marché chinois : « nous n’exportons aucun produit de Chine vers l’Europe ni inversement »).
Enfin, Renault produit désormais son véhicule destiné aux pays émergents directement dans ces pays. Ainsi, la Kwid, conçue pour le marché indien, est produite en Inde uniquement, mais pourrait l’être prochainement en Amérique du Sud, en Afrique et au Moyen-Orient lorsqu’elle y sera commercialisée. Pourtant, lors de son audition par les commissions des finances et des affaires économiques de l’Assemblée nationale (567), Carlos Ghosn regrettait que cette implantation locale soit incomprise : « Notre stratégie internationale est parfois difficile à comprendre, à faire admettre. L’idée dominante, en effet, est que le gâteau est de taille fixe, et que si on met davantage l’accent sur l’international, ce sera au détriment de la France ou de l’Europe. C’est complètement faux, mais, quand nous le disons, nous ne sommes pas crus : il faut donc le prouver. Ce qui s’est passé en 2015 et ce qui va se passer en 2016 et 2017 l’illustrera : plus le groupe est fort à l’international, plus il renforce ses positions en France, et plus il embauche en France ».
Cette stratégie doit être développée par les acteurs industriels français car elle est payante à long terme. En effet, la contrepartie à cette localisation des activités françaises à l’étranger est l’implantation en France de constructeurs ou d’équipementiers étrangers produisant pour le marché français ou européen. Le mouvement est déjà largement entamé, avec les implantations, entre autres, de Toyota (4700 emplois à Valenciennes) ou Daimler (700 dans la Meuse, 2 300 en Alsace) pour les constructeurs, Honeywell (700 emplois), Umicore (130 emplois) ou Ibiden (400 emplois), Bosch (5 500 emplois dans la branche automobile), pour les équipementiers et fournisseurs.
Selon M. Jamel Taganza, du cabinet d’études de données Inovev, « dans une vision à court terme, la stratégie allemande (568) peut sembler gagnante puisque l’industrie automobile allemande produit beaucoup plus que l’industrie française, mais à terme la stratégie de localisation des constructeurs français pourrait se révéler plus pertinente ».
La production de l’usine Toyota de Valenciennes-Onnaing (Nord)
Votre Rapporteure s’est rendue sur le site Toyota de Valenciennes-Onnaing le 10 mars 2016. Faisant suite à la création, en 1978, de la société « Toyota Motor Manufacturing France » (TMMF), l’usine de Valenciennes-Onnaing est entrée en production en début d’année 2001 pour la fabrication d’un nouveau modèle du segment B, la Yaris, dont la production globale avec la version Yaris III atteindra, au cours de l’année 2016, trois millions d’unités produites sur ce site, depuis l’origine.
Au total, ces activités rassemblent aujourd’hui près de 4 700 personnes dont 3 769 (parmi lesquels environ 700 intérimaires) pour le centre de fabrication de la Yaris.
Selon les informations et documents recueillis au cours de la visite, la capacité de production totale du site est de 270 000 Yaris/an (la capacité initiale était, en 2001, de 150 000 véhicules/an), 2007 ayant été l’année d’un record de production avec 262 200 véhicules.
La production totale sur l’année 2015 a été de 228 288 véhicules, à nouveau en croissance depuis la sortie de la crise de 2009-2010. Depuis le lancement de la Yaris hybride (avril 2012), l’usine produit près de 60 variantes pour le marché européen et 12 variantes spécifiquement destinées à l’Amérique du Nord (qui représente un douzième de la production).
En revanche, la délocalisation dans le seul but de réduire les coûts de production apparaît vouée à l’échec. Elle fait peser une menace importante sur l’emploi sans servir une stratégie industrielle viable. Elle fait aussi courir le risque d’une moindre qualité, d’une évolution défavorable des devises ou d’une modification de la structure des coûts salariaux. À cet égard, il est déplorable que, comme nous l’ont signalé plusieurs équipementiers et fournisseurs, certains clients constructeurs exercent une pression à la délocalisation de manière à réduire les coûts des produits achetés, voire y conditionnent la poursuite de leurs relations commerciales. L’un des équipementiers, rencontrés par votre Rapporteure, nous a ainsi fait parvenir la copie d’un courrier adressé par la direction des achats de l’un de ses clients constructeurs qui s’assimile à une pression à la délocalisation.
Cette pression, qui se serait accentuée ces dernières années, était déjà signalée par l’étude menée en 2009 par Oséo, de laquelle il ressortait que :
– 56,9 % des PME de l’automobile déclaraient s’implanter à l’étranger à la suite de la demande de leurs clients ;
– 36 % des PME déclaraient recourir à la sous-traitance internationale pour satisfaire une demande d’un client (voire 45 % des entreprises de rang 2).
Ces pratiques doivent être sanctionnées au titre de l’article L442-6 du code de commerce modifié par la loi de modernisation de l’économie, qui engage la responsabilité de l’auteur de telles pressions, et l’oblige à réparer le préjudice causé, notamment, pour le fait :
– « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
– d’obtenir ou de tenter d’obtenir un avantage, condition préalable à la passation de commandes, sans l’assortir d’un engagement écrit sur un volume d’achat proportionné ;
– d’obtenir ou de tenter d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d’achat et de vente ; […] ».
Proposition n° 96 : Sanctionner effectivement la pression exercée à la délocalisation ou à la sous-traitance internationale des fournisseurs, au titre de l’article L442-6 du code de commerce.
1. Promouvoir le « Origine France Garantie »
Lors de la visite de la mission sur le site de Toyota, à Valenciennes, les responsables de l’entreprise ont mentionné avec fierté l’obtention par leurs produits du label « Origine France Garantie ».
Ce label, créé en juin 2010 à la suite de la publication du rapport du député Yves Jégo consacré à la Marque France, vise à valoriser le « produire en France » et les savoir-faire présents sur le territoire. Contrairement aux autres mentions, de type « Made in France » ou « Fabriqué en France », le label « Origine France Garantie » n’est pas auto-déclaratif. Il est attribué par un organisme de certification indépendant agréé (Afnor, Bureau Veritas), sur la base de critères précis et cumulatifs permettant de certifier l’origine française du produit :
– entre 50 % et 100 % du prix de revient du produit doivent être français (569) ;
– le produit doit prendre ses caractéristiques essentielles en France.
Les composants sont définis comme suit :
– composant d’origine étrangère : si la dernière transformation substantielle, c’est-à-dire qui donne au produit ses caractéristiques essentielles, est réalisée à l’étranger ;
– composant d’origine française : si un composant acheté par le demandeur est assemblé en France, il est considéré comme d’origine française à 100 %.
Selon le référentiel « Origine France garantie », les composants fabriqués par le demandeur sont considérés comme d’origine française dans leur ensemble (y compris les sous-composants, quelle que soit leur origine), dès lors que la transformation substantielle du composant est réalisée en France. Les composants d’origine indéterminée (information non renseignée par le demandeur ou inconnue) sont assimilés à des composants d’origine étrangère, car leur origine française ne peut être établie.
Un audit de vérification est réalisé dans les six mois suivant l’attribution du label pour garantir la conformité des informations communiquées puis un audit annuel est organisé pour s’assurer du maintien en conformité.
Ce label valorise les entreprises qui ont maintenu ou relocalisé leur production en France. Il est différenciant car il est le seul à reposer sur une méthodologie de contrôle rigoureuse. L’outil est performant, les critères solides, et la démarche simple pour les entreprises candidates : il leur suffit de formuler une demande auprès de ProFrance (570), l’association gérant le label, de contacter l’un des organismes certificateurs (AFNOR certification, bureau Veritas certification, CERIB, FCBA, SGS ICS) pour examen du dossier, et de répondre aux exigences des audits réalisés sur site.
Toyota a été, en juillet 2012, le premier constructeur automobile à recevoir le label « Origine France Garantie » pour la production française de l’ensemble de sa gamme Yaris (essence, diesel et hybride). L’entreprise s’est emparée de cette certification pour lutter contre l’idée reçue selon laquelle ses véhicules seraient tous produits en Asie. En novembre 2014, le bureau Veritas renouvelait ce label pour la 3ème année consécutive.
Aujourd’hui, ce label est également décerné à 16 véhicules Peugeot (notamment la 508, fabriquée à l’usine de Rennes avec une part de valeur fabriquée en France de 68 % ou la 3008, fabriqué à l’usine de Sochaux avec une part de valeur fabriquée en France de 68 %...) (571). Le groupe PSA a, en effet, choisi de jouer le jeu de la certification, estimant qu’elle pouvait avoir un effet sur les ventes. Comme l’indiquait le député Yves Jégo, président fondateur de Pro France : « entre deux produits identiques, l’acheteur choisira celui qui est produit en France ». Dans le cadre du contrat social signé par Peugeot en 2013, le groupe s’était d’ailleurs engagé à produire un million de véhicules en France en 2016. En mai 2016, M. Tavarès indiquait être « déjà tout prêt du million ». Le groupe a par ailleurs tenu ses autres objectifs : investir 1,5 milliard d’euros en France entre 2014 et 2016 et maintenir 75 % du volume de l’activité recherche et développement en France.
En revanche aucun véhicule Renault ne dispose de ce label, sans doute parce qu’aucune voiture Renault ne passe le critère de 50 % du prix de revient acquis sur le territoire. Seuls certains véhicules industriels ont reçu le label (notamment les véhicules longue distance de type T ou les véhicules de construction lourde de type K (572)). Interrogé par notre collègue M. Yves Jégo au cours de son audition par la Commission des affaires économiques et la Commission des finances de l’Assemblée nationale le 17 février, pour savoir si Renault envisageait de souscrire au label Origine France garantie, M. Carlos Ghosn n’avait pas répondu à la question, affirmant que « la marque [Renault], aux racines françaises, est reconnue mondialement comme une marque française, et c’est la première marque française », alors même qu’aucun label n’en atteste.
Auprès de votre Rapporteure, l’entreprise Renault indique n’être pas convaincue que la mention « Origine France garantie » corresponde à une attente réelle du consommateur. D’autre part, l’entreprise n’a pas caché que les critères de ce label nécessitent une traçabilité des pièces délicate et exigeante. Enfin, Renault souligne l’importance de ses efforts pour « ramener des volumes en France », comme cela a été le cas dans le cadre des accords de compétitivité, pour le moteur électrique qui était précédemment assemblé à l’étranger et l’est désormais en France, ou encore avec la fabrication de la Micra de Nissan à Flins à partir de cette fin d’année 2016.
Votre Rapporteure propose que les pouvoirs publics soutiennent la communication autour du label « Origine France garantie ». Sa portée insuffisante sur les ventes résulte en effet d’une méconnaissance du public et d’un affichage insuffisant. Il pourrait pourtant avoir un impact conséquent sur les décisions d’achat en France s’il était mieux connu : 88 % des Français estiment que le label est un gage de qualité supplémentaire, selon un sondage TNS Sofres. Ceci nécessite d’apporter un soutien financier à l’organisme responsable du label, « Pro France », pour lui permettre de financer des campagnes de communication, cet organisme ne bénéficiant actuellement d’aucun soutien de l’État. De plus, une exemplarité de l’État et de toutes les institutions, entreprises et collectivités publiques, pour leurs propres achats automobiles, est aussi indispensable.
Proposition n° 97 : Apporter un soutien public à l’association Pro France, pour renforcer la communication et la sensibilisation autour du label Origine France Garantie, en particulier pour le secteur automobile.
Votre Rapporteure propose, par ailleurs, de rendre obligatoire, pour les entreprises n’ayant pas fait la démarche du label « Origine France garantie » ou n’ayant pas satisfait aux critères, d’apposer sur le véhicule mis à la vente la mention suivante : « ce véhicule ne satisfait pas aux critères Origine France garantie ». Il est en effet regrettable que la mention actuelle, peu visible, soit uniquement l’objet d’une démarche volontaire, ou qu’un échec à l’obtention du label soit invisible, l’absence de mention explicite pouvant laisser croire « par défaut » au futur acheteur d’un véhicule que celui-ci est produit majoritairement en France. Il est nécessaire de donner au consommateur une information précise et fiable sur le lieu de production du véhicule.
Proposition n° 98 : Instaurer, par décret, l’obligation de mentionner, pour tout véhicule, s’il satisfait aux critères du label « Origine France Garantie » ou s’il n’y satisfait pas – soit parce qu’aucune démarche n’a été engagée par le constructeur, soit parce que la certification lui a été refusée :
« Dans chaque point de vente, une étiquette indiquant si le véhicule répond ou non aux critères du label « Origine France Garantie » est apposée sur chaque voiture particulière neuve ou affichée près de celle-ci, d’une manière visible. »
« Une liste des données relatives au label « Origine France Garantie » des voitures particulières neuves proposées à la vente ou en crédit-bail dans un point de vente, en précisant les critères, est affichée de manière visible dans le point de vente. »
A. ANTICIPER LES NOUVELLES MUTATIONS
1. Tirer les leçons de « l’échec de l’internationalisation » par une offensive à l’international
Les constructeurs doivent engager une grande « offensive à l’international » (573), tant dans leurs implantations que dans leurs ventes. Ils ne peuvent pas se tenir à l’écart de certains marchés devenus incontournables, comme le marché chinois, qui représente une voiture sur cinq vendue dans le monde.
« L’échec de l’internationalisation » selon Élie Cohen
Alors que les constructeurs français ont tenu compte de l’évolution des marchés mondiaux et ont investi dans des zones apparemment prometteuses pour y construire des capacités de production ou y orienter leurs ventes, cette tentative d’internationalisation a été, selon Élie Cohen, « un échec (574) ».
Ainsi, les « paris » géographiques effectués par les constructeurs français se sont révélés infructueux. Selon Élie Cohen, les « deux groupes ont beaucoup misé sur l’Europe et notamment l’Europe du Sud. Or, à la faveur de la crise, cette région est celle qui a connu les ajustements les plus brutaux avec, pour vous donner un exemple spectaculaire, le véritable effondrement de l’Espagne qui a alors coûté très cher à nos deux producteurs ». Selon le CCFA, « les principaux débouchés hors d’Europe des groupes français se situent dans les pays émergents qui, à l’exception de la Chine, connaissent depuis la fin 2013 une nette dégradation ». Le marché sud-américain et le marché russe, qui paraissaient extrêmement prometteurs il y a quelques années, se sont en effet effondrés de près de 25 % en 2015, alors même que les constructeurs, notamment Renault, y avaient beaucoup investi. De même, M. Carlos Tavarès indiquait, lors de son audition par la mission : « il y a deux ans, dans une salle semblable à celle-ci, on se disait que ça n’allait pas très bien en Europe, mais qu’heureusement, il y avait la Chine. Maintenant, c’est exactement l’inverse ».
Au-delà de ces choix géographiques discutables, les investissements n’ont pas toujours été à la hauteur des ambitions : à titre d’illustration, selon Élie Cohen, le « groupe Peugeot Citroën, qui s’était montré très précurseur en s’implantant en Chine – et cela bien avant de nombreux producteurs qui ont réalisé, depuis, des performances éblouissantes –, […] s’est révélé incapable, par faiblesse de moyens et à cause d’erreurs stratégiques, de financer sa croissance et son développement sur place. Aussi l’Asie n’a-t-elle pas constitué le relais de croissance qu’on pouvait espérer pour les industriels de l’automobile basés en France ».
Pour autant, les zones où les taux de motorisations sont plus faibles qu’en Europe représentent des marchés potentiels importants au sein desquels, au-delà des fluctuations cycliques, les investissements doivent être poursuivis et amplifiés.
Deux conditions sont toutefois nécessaires pour prévenir un nouvel « l’échec de l’internationalisation » :
– le déploiement doit être multilatéral pour réduire la vulnérabilité des entreprises aux crises régionales ; comme l’indiquait M. Carlos Tavarès (575), « annuler la vulnérabilité […] suppose d’avoir un volant d’affaires suffisamment copieux sur un nombre suffisant de marchés ». De même, M. Carlos Ghosn indiquait lors de son audition par les Commissions des affaires économiques et des finances du 17 février 2016 : « il est fondamental de ne dépendre ni d’un produit, ni d’un marché » ;
– les constructeurs doivent déployer des moyens suffisamment importants pour financer leur implantation, leur croissance et leur développement sur place : le seul apport initial ne peut être considéré comme suffisant.
Ainsi, le nouveau plan stratégique de PSA, baptisé « Push to pass », prévoit d’introduire les marques et les services du groupe dans les territoires sur lesquels il n’est pas présent aujourd’hui. Cette ambition passe en premier lieu par un développement en Afrique et au Moyen-Orient, où le groupe a un potentiel de progrès important, mais aussi par une arrivée plus massive sur le marché de l’Asie du Sud-Est – notamment en Malaisie – où sa présence n’est encore que marginale. Le groupe entend par ailleurs arriver sur le marché indien, d’où il est absent, et retourner sur le marché de l’Amérique du Nord. Il a, par ailleurs, récemment choisi de tirer profit de l’ouverture du marché iranien : le groupe a signé un accord-cadre de joint-venture pour produire et commercialiser des véhicules Citroën pour le marché iranien. Ces véhicules seront produits sur le site de Kashan, dont le groupe PSA deviendra propriétaire à hauteur de 50 %. Le groupe a, ainsi, identifié des « fenêtres régionales », et s’est doté « d’une stratégie de planification des produits qui, à partir de 2018, procurera à chaque région la possibilité de voir arriver, tous les ans, une nouvelle Peugeot, une nouvelle Citroën et une nouvelle DS ».
De la même manière, Renault « se projette dans une économie mondialisée aux enjeux de plus en plus évidents […].
En revanche, le critère de la taille de l’entreprise n’apparaît pas pertinent. Si les objectifs de Renault, présentés par M. Ghosn (576), sont exprimés de manière essentiellement quantitative – « il s’agit de conforter Renault comme première marque automobile française dans le monde, de positionner Renault de manière durable comme deuxième marque automobile en Europe, et d’installer l’alliance Renault-Nissan dans le « Top 3 » des constructeurs automobiles mondiaux » – pour le groupe PSA au contraire, être présent au niveau mondial n’implique pas nécessairement d’être « le plus gros ». Comme l’indiquait Carlos Tavarès lors de son audition par la mission d’information, « pour une entreprise comme la nôtre, la performance compte plus que la taille ». Il précisait : « nous voulons devenir un constructeur automobile de référence dans l’industrie automobile mondiale, pour son efficience […]. Notre gamme deviendra de plus en plus mondiale, ce qui permettra d’améliorer significativement l’efficience de tout l’amont créatif de l’entreprise ».
1. Construire des groupes globaux
La perspective de l’alliance des deux constructeurs français au sein de groupes mondiaux ne doit pas être écartée.
En effet, selon Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, « comparés aux grands leaders mondiaux, qui fabriquent et immatriculent plus de dix millions de véhicules par an, les groupes Renault et PSA, avec deux à trois millions de véhicules, demeurent modestes. C’est pourquoi, nous avons le souci que ces deux entreprises trouvent les partenaires susceptibles de les accompagner dans une stratégie de rang mondial : Renault y est parvenu avec le groupe Nissan ; quant à PSA, nous accueillerons positivement tout projet d’alliance crédible et de nature à conduire l’industriel de façon durable vers les marchés européens. »
Allant encore plus loin, Élie Cohen (577) indiquait : « Renault et PSA comme entreprises françaises n’existeront plus dans les dix années qui viennent. Au mieux seront-elles des éléments de nouveaux groupes à vocation mondiale. Dans le cas de Renault, le nouveau groupe s’organisera autour de l’alliance actuelle qui forme déjà le troisième ou quatrième producteur mondial et qui se consolidera […]. Naîtra donc, éventuellement, un acteur global qui aura probablement son siège social hors de France et qui poursuivra une stratégie globale dont l’axe essentiel sera bien entendu Nissan. Il en ira de même pour PSA qui deviendra, si tout va bien, dans les dix années qui viennent, le fondement d’un groupe sino-européen dont la base productive sera essentiellement en Asie. Dès cette année, d’ailleurs, l’apport chinois sera supérieur à l’apport français en matière de production et de consommation ». Aux membres de la mission qui s’inquiétaient de cette disparition annoncée des deux principaux constructeurs français dans les dix prochaines années, M. Cohen répondait, de façon plus optimiste : « je n’ai pas dit cela : ils sont appelés à constituer la base de deux grands groupes globaux ».
À ce sujet, M. Tavarès (578) indiquait ne pas écarter cette éventualité d’alliance, et souhaiter, au contraire, s’y préparer : « rendre l’entreprise plus robuste passe par deux dimensions : la première est l’excellence opérationnelle et la préparation aux enjeux de la mobilité de demain ; la seconde est d’être en bonne situation, en bonne forme, pour pouvoir négocier une éventuelle alliance stratégique, que nous n’écartons évidemment pas ». Il précisait : « nous restons les yeux grands ouverts pour saisir toute opportunité ».
Cette évolution potentielle ne doit pas être crainte et repoussée, mais anticipée. Elle est positive dès lors qu’elle n’est pas « une condition nécessaire pour sauver l’entreprise » mais permet de « rajouter de la valeur à un plan stratégique déjà ambitieux et robuste » (579). Elle ne peut, toutefois, se faire qu’à la condition que les entreprises françaises soient suffisamment solides pour négocier des alliances équilibrées et bénéfiques à l’industrie automobile nationale.
La modernisation du parc industriel français, actuellement surcapacitaire et vieillissant est indispensable, pour maintenir les sites industriels de façon pérenne sur le sol national. Il faut, en priorité, mettre l’accent sur l’automatisation des chaînes de production et la flexibilisation des lignes, afin d’accroître la résistance des constructeurs, équipementiers et sous-traitants français à la concurrence internationale comme à l’irruption des géants du numérique dans la filière automobile. Selon M. Antoine Raymond, PDG de l’équipementier ARaymond, « les usines traditionnelles ont du souci à se faire ».
Sans action rapide sur l’outil de production, les sites français risquent de devenir rapidement trop obsolètes pour prendre part à la compétition internationale.
A. L’INDISPENSABLE MODERNISATION DES USINES AUTOMOBILES
1. Un outil de production surcapacitaire et vieillissant
Les usines françaises sont souvent surcapacitaires et vieillissantes.
Vieillissantes, parce que les plus importantes d’entre elles ont été construites il y a plusieurs dizaines d’années. Ainsi, l’usine de Renault Cléon, première usine mécanique – en volume de production – de la marque en France, a été construite en 1957. De même, le site de Trémery, de PSA, a débuté sa production en 1979, il y a plus de 35 ans et celui de Metz-Borny, placé sous la même direction, en 1969. Malgré les investissements réalisés pour moderniser l’appareil de production, les outils demeurent anciens. Des investissements conséquents sont engagés et encore nécessaires pour éviter leur obsolescence.
Surcapacitaires car, selon les propos tenus par M. Élie Cohen lors de son audition par la mission, « plus de la moitié des usines françaises fonctionnent très en deçà de leurs capacités nominales. Il y a même de plus en plus d’usines Potemkine en France, qui ont l’apparence extérieure d’usines qui fonctionnent mais dont une chaîne sur deux est à l’arrêt. ». L’économiste précisait, plus loin, que cette surcapacité n’était pas propre à la France, mais s’observait à l’échelle européenne : « différentes études montrent que nous sommes globalement en surcapacité de production à l’échelle européenne – surcapacité évaluée à l’équivalent de dix usines de type « Sochaux » ! Sur 100 sites de production automobile, 58 perdent de l’argent ».
Ainsi, l’usine Renault de Cléon ne produit plus désormais qu’un million d’organes (moteurs et boîtes de vitesse), alors même qu’elle est en capacité de produire 2,3 millions d’organes par an (pic atteint en 2003), grâce à 137 lignes de production et 461 robots. De plus, l’aile de l’usine de Renault Cléon consacrée à la production de véhicules électriques fonctionne pour l’instant à 30 % de ses capacités.
De même, le site PSA de Trémery produit encore en-deçà de ses capacités : l’objectif affiché par l’usine est de retrouver une production de 1,8 million de moteurs par an, un volume proche des records enregistrés au cours de la période 2003-2007 avec près de 2 millions d’unités produites. Au printemps 2016, deux annonces du président de PSA, M. Carlos Tavarès, sont intervenues afin de conforter la vocation de Trémery en tant que première usine de moteurs du groupe.
En premier lieu, il a été décidé de produire dans ce site 200 000 (en rythme annuel) moteurs essence 3 cylindres EB Turbo, à partir de 2018. Cette production supplémentaire nécessite un investissement conséquent. La décision est intervenue après mise en concurrence avec deux sites étrangers du groupe (Vigo en Espagne et Trnava en Slovaquie), ce qui prouve la valeur de l’outil industriel français.
En second lieu, un choix d’investissement de portée stratégique concernera également Trémery, avec la décision de doter l’usine des capacités nécessaires à la production de nouvelles chaînes de traction électriques et hybrides (la production des réducteurs étant attribuée à l’usine de Valenciennes, autre site français de PSA). Au total, le potentiel de production supplémentaire de Trémery s’élève ainsi à 670 000 moteurs de nouvelle génération « hors diesel ».
Le caractère surcapacitaire des usines, qui peut s’assimiler à des performances sous-optimales des différents sites, entraîne des pertes d’argent significatives qui se répercutent sur l’ensemble de la stratégie d’entreprise.
L’usine de moteurs de Renault à Cléon (Seine-Maritime)
La mission s’est rendue sur le site de production de moteurs Renault, à Cléon, le 11 avril 2016.
L’usine de moteurs de Renault Cléon est ainsi le premier employeur privé de Seine-Maritime. Elle emploie aujourd’hui 3 348 personnes, auxquelles s’ajoutent environ 900 intérimaires, pour faire face aux hausses temporaires d’activité. Parmi ces salariés, seuls 7 % sont des femmes, alors même que tous les postes leur sont désormais accessibles. L’entreprise se donne pour objectif l’emploi de 12 % de femmes à la fin de l’année 2016, puis de 20 %.
L’usine a été construite en 1957 sur un site stratégique du bassin de la Seine, à la fois proche du port du Havre pour exporter par bateau, et le long de la Seine pour acheminer en France par voie fluviale.
L’usine de Cléon est la première usine mécanique de Renault. Elle a fabriqué depuis sa création plus de 90 millions de moteurs. Sa production annuelle est de l’ordre d’un million d’organes (moteurs et boîtes de vitesse). En 2015, 660 000 moteurs et 475 000 boîtes de vitesse y ont été produits, grâce à 137 lignes de production et 461 robots, soit une production de 3 800 moteurs par jour, et 20 % de la production totale de la marque Renault. Les moteurs produits à Cléon sont utilisés dans les véhicules Renault et Nissan, mais aussi achetés par les marques Dacia, Fiat, Opel ou encore Mercedes. 45 % de la production de l’entreprise est exportée. Parmi les 660 000 moteurs produits en 2015, 3 % étaient électriques, 13 % étaient des pièces de moteurs à essence, et 84 % étaient des moteurs diesel.
La mission a visité l’aile dédiée à la fabrication des moteurs électriques. Renault s’est lancé dans la fabrication de moteurs électriques par étapes, en développant d’abord un électrolyte de puissance, le chargeur caméléon, en 2013, avant de produire un moteur complet, qu’il décrit comme moins cher, moins lourd, plus petit, et avec une charge plus rapide que ceux de ses concurrents. 130 moteurs électriques sont produits chaque jour, qui équipent la Renault Zoé et seront bientôt achetés par d’autres constructeurs.
Le choix d’implanter la production à Cléon résultait de différents facteurs : l’usine était habituée à de gros projets ; toute la force de frappe ingénierie y était déjà présente ; les technologies de fonderie, d’usinage et d’assemblage y étaient déjà présentes.
Dès lors, la production sur ce site était plus rentable que sur un autre. 51 millions d’euros ont été investis et 120 machines neuves installées. 6 000 heures de formations ont été nécessaires, étalées sur deux ans, pour les salariés de l’usine – l’ensemble des postes ayant été pourvus en interne – soit 200 à 400 heures de formation par personne pour passer d’une compétence thermique à une compétence électrique.
La capacité de production, de 100 000 moteurs par an, est actuellement sous utilisée : seuls 30 000 moteurs sont produits chaque année, en raison de la faiblesse de la demande. Toutefois, l’usine est prête à faire face à un décollage du marché de l’électrique. Ce décollage pourrait être notamment stimulé par la nouvelle batterie électrique, deux fois plus autonome, que Renault indique commercialiser à la fin de l’année 2016.
Outre ces usines anciennes, existent des usines modernes et performantes. Votre Rapporteure a ainsi été frappée par la modernité des installations du groupe Toyota à Valenciennes-Onnaing. La visite du site a mis en lumière ses atouts : de construction récente, l’usine se caractérise par une disposition « hyper compacte » conçue pour la mise en œuvre de process performants en termes industriels comme environnementaux.
Le parc industriel français, composé majoritairement d’usines historiques vieillissantes et surcapacitaires, compte aussi des usines récentes et efficientes, appartenant soit à quelques équipementiers français, soit à des groupes étrangers implantés depuis peu dans l’hexagone.
1. Une modernisation indispensable
Les usines doivent impérativement s’adapter. Au-delà de la seule incorporation de services, elles doivent désormais combiner technologies et manufacturier d’une part, et monter en compétences et en qualifications d’autre part. Cette modernisation du parc industriel français est indispensable à deux égards :
– pour permettre aux constructeurs français d’affronter la concurrence des constructeurs internationaux, notamment sur leur propre sol. La grande disparité dans l’âge et l’état du parc industriel en France explique en partie les performances différenciées des constructeurs présents dans l’hexagone. En réponse à une question relative au caractère paradoxal des bonnes performances des constructeurs étrangers et France et des mauvaises performances des constructeurs français en France, M. Élie Cohen affirmait : « La réponse à la question […] de savoir s’il n’y a pas contradiction entre l’effondrement de PSA et Renault d’un côté, et la performance de Toyota et Smart de l’autre, est élémentaire. Dans le cas de ces deux dernières, il s’agit d’usines nouvelles, greenfield, d’emblée pensées avec les meilleures technologies, avec la meilleure connaissance des progrès réalisés en matière de gestion de production, d’où un niveau de productivité infiniment supérieur à celui des vieilles usines non optimisées, sous-utilisées… Si bien que même avec des niveaux de salaires et des niveaux de prélèvements sociaux identiques, les coûts unitaires ne sont pas les mêmes et si les usines nouvelles peuvent être très compétitives, ce n’est pas le cas des autres ».
– pour permettre aux constructeurs – français ou étrangers – de conserver leur positionnement de leader de la production automobile, notamment face à l’irruption des géants du numérique dans la filière. Les constructeurs ne pourront se prévaloir de leur capacité à produire une intelligence artificielle pour les véhicules autonomes, ou des voitures extrêmement légères et performantes, si leur outil de production devient obsolète.
Les industriels de l’automobile se doivent donc de relever le défi s’ils veulent assurer leur pérennité. Leur position de leader est extrêmement fragile s’ils n’investissent pas, ne modernisent pas leurs installations ou sous-estiment les capacités d’autres opérateurs. Au-delà de la seule flexibilisation des chaînes de production, qui joue un rôle majeur, c’est toute « l’usine du futur » qui doit être repensée : une usine plus compacte, où les flux sont bien maîtrisés avec des fournisseurs à proximité, et faisant la part belle à l’automatisation.
2. Un enjeu identifié par les pouvoirs publics, mais doté de moyens faibles et dispersés
L’enjeu que constitue la modernisation du parc industriel français est identifié par les pouvoirs publics.
Comme l’indiquait M. Lerouge, directeur général des entreprises, lors de son audition par la mission, la DGE « réfléchit beaucoup aux enjeux de la modularisation des chaînes de production » ainsi qu’à la transformation numérique de l’industrie pour aller vers une « industrie du futur », propre, efficace et innovante. L’une des solutions de la nouvelle France industrielle, intitulée « industrie du futur », traite précisément de l’évolution des méthodes de production vers des séries plus petites et plus adaptées, avec des temps de réactivité plus courts de la part des entreprises.
Il s’agit également de l’un des enjeux traités par le comité stratégique de filière automobile, au travers de l’axe « innovation », et de sa sous-action « l’usine et l’atelier du futur dans l’automobile ». Un point d’étape des travaux engagés doit être fait fin 2016.
La PFA pilote enfin, elle aussi un programme « usine du futur », lancé en novembre 2015, avec le soutien de FIM Auto et de GALIA. Ce programme prévoit l’accompagnement de plus de 1 000 sites sur la période 2016-2020, identifiés comme prioritaires en raison de leur retard, pour opérer un rattrapage compétitif. Les fédérations métiers, les grands acteurs de la filière et les pôles de compétitivité y participent. Huit thèmes y sont abordés, dont « l’usine innovante » ou « l’usine automatisée » (580).
S’il semble avoir identifié les principaux enjeux, et garantir un suivi et un accompagnement régulier, ce programme souffre toutefois de moyens trop faibles et bien trop dispersés. En effet, financé à 100 % par les entreprises de la filière et les fédérations métiers, il n’est doté que de 32 millions d’euros d’accompagnement, partagés en 1 000 sites, soit une moyenne de 32 000 euros par site, versés en 3 échéances (après 12 mois, 24 mois et 36 mois).
Ce montant de 32 000 euros par site paraît dérisoire au regard des besoins d’investissement des entreprises pour moderniser leurs sites de production. Les ordres de grandeur des sommes à engager sont sans commune mesure. Le groupe Renault a ainsi investi 1,4 milliard d’euros depuis 2004 en vue de flexibiliser l’usine de Cléon sans pour autant avoir, à ce jour, atteint les performances recherchées. 300 millions d’euros supplémentaires ont été investis depuis 2011, et 300 millions d’euros seront investis entre 2016 et 2018, pour faire de Cléon « l’usine pour l’automobile de demain ».
Votre Rapporteure propose :
– de réduire le nombre de sites concernés, pour prioriser les sites qui emploient le plus de salariés et dont la modernisation est la plus urgente. Ne retenir, en première approche, qu’une trentaine de sites permettrait d’allouer à chacun un million d’euros. La dispersion est, ici, particulièrement préjudiciable à l’atteinte des résultats escomptés ;
– d’augmenter les moyens consacrés au programme, en créant une part de financement public étatique. Actuellement, les régions financent le programme au cas par cas, mais l’État contribue à hauteur de 0 %. La modernisation du parc industriel français constitue pourtant un enjeu national et stratégique duquel l’État ne saurait se désengager.
Proposition n° 99 : Revoir le programme « usine du futur » pour concentrer les efforts sur une trentaine de sites industriels prioritaires, au regard du nombre de salariés employés et de l’urgence de leur modernisation.
Proposition n° 100 : Augmenter les moyens consacrés au programme « usine du futur », en créant une part de financement public.
La France est en retard en matière d’automatisation des chaînes de production. M. Michel Rollier, président de la plateforme de la filière automobile et mobilités indiquait lors de son audition qu’« en matière d’automatisation, […] la France est en retard, avec un taux n’atteignant que la moitié de celui de l’Italie et le quart de celui de l’Allemagne ». Selon l’International Forum on Robotics, la France compte actuellement 32 000 robots industriels – c’est-à-dire machines commandées automatiquement, reprogrammables, avec un degré d’autonomie, et destinées à être utilisées dans des applications d’automatisation industrielle comme la fabrication, le contrôle, le conditionnement ou l’assemblage (581) – lorsque l’Allemagne en dispose de quatre à cinq fois plus. Même en corrigeant ce chiffre de la part que représente l’industrie dans l’activité des différents États, la France apparaît moins robotisée que l’Allemagne ou le Royaume-Uni.
Pourtant, cette automatisation est indispensable :
– pour accroître la compétitivité de l’industrie automobile : dès lors que le coût de la main-d’œuvre représente plus de 8 ou 10 % du coût du produit, il devient impossible aux industries françaises de concurrencer les pays à faibles coûts salariaux, sauf à ne produire que des pièces volumineuses, que les coûts de transport rendent plus compétitives face aux produits importés ;
– pour améliorer les conditions de travail des salariés de la filière : l’automatisation permet de prendre en charge les tâches les plus répétitives, les plus physiques, ou peut apporter une simple aide ergonomique, destinée à faciliter la réalisation des opérations ;
– pour réduire le nombre d’erreurs : l’automatisation de la production, et la réalisation d’opérations complexes par des robots, permet de réduire considérablement le taux de non-conformité ou le pourcentage de défauts. L’amélioration de la qualité est un facteur de compétitivité supplémentaire ;
– pour augmenter la productivité et la flexibilité ;
M. Michel Rollier précisait – au sujet des sous-traitants, mais le constat peut être élargi à l’ensemble de la filière – que « la sous-traitance a un avenir en France, mais celui-ci passera par l’indispensable renouvellement du parc industriel, singulièrement en matière d’automatisation ».
Ainsi, l’entreprise Thyssenkrupp, qui réalise des colonnes de direction et des crémaillères à Florange où elle emploi emploie 1 250 salariés, a investi dans des robots collaboratifs, d’une valeur de 100 000 euros chacun, avec le soutien de la région Lorraine pour développer et introduire les démonstrateurs. Cette automatisation a été jugée indispensable pour réduire la pénibilité et augmenter la productivité. Comme indiqué par les responsables de l’entreprise, « l’automatisme, c’est notre force ».
Cette automatisation ne se fait pas au détriment des emplois, pour trois raisons :
– elle nécessite toujours la présence de salariés pour la mise en route, la surveillance et la maintenance des machines, postes à plus haute valeur ajoutée. Ainsi, dans les entreprises Valeo et Thyssenkrupp, visitées par la mission d’information, des robots collaboratifs de haute technologie étaient en cours de déploiement et d’installation sur des lignes de production de plus en plus modernes : des techniciens et opérateurs étaient présents, pour des postes plus qualifiés que ceux de manutentionnaires ;
– l’automatisation est susceptible de créer des emplois dans la recherche et développement, dans la conception, la production, la commercialisation ou encore la maintenance des machines.
– comme indiqué par les responsables de l’entreprise Thyssenkrupp, « l’automatisation est une chance de gagner en compétitivité, donc de relocaliser. Ce n’est pas un risque pour l’emploi ». Elle peut en effet se traduire par des gains de productivité, une réduction des coûts de production, une réduction des prix de ventes ou une augmentation des marges, donc de l’investissement.
Ainsi, alors qu’elle est l’une des plus robotisée au monde, l’industrie automobile allemande emploie encore plus de 800 000 salariés en 2015, soit autant qu’il y a dix ans et 100 000 de plus qu’il y a vingt ans (582).
Deux précautions doivent toutefois entourer cette automatisation :
– comme toutes les autres composantes de la chaîne de production, les postes automatisés doivent être conçus de manière à être, eux aussi, flexibles, et en mesure de produire des pièces différentes selon la programmation appliquée ;
– cette automatisation est, pour l’instant, rentable essentiellement sur de grandes séries de production.
La reconversion de l’usine de Valeo de Nogent-le-Rotrou
Le groupe Valeo, l’un des principaux équipementiers automobile, a investi 1 milliard d’euros entre 2008 et 2015 sur ses sites de production français, dont 37 millions sur le site de Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), qui lui appartient depuis 1954.
Le site de Nogent était initialement spécialisé dans la production de systèmes thermiques, pour le désembuage, la climatisation et le chauffage. Les pièces produites, volumineuses, étaient essentiellement livrées sur le site de Renault de Sandouville, afin d’en limiter les coûts de transport.
Depuis plusieurs années, le site connaissait de graves difficultés. Entre 2005 et 2015, il perdait de l’argent. La reconversion était devenue indispensable pour en assurer la pérennité. Cette reconversion a concerné à la fois les produits et les modes de production : dans un cas comme dans l’autre, « on est passé de la mécanique à l’électronique », selon les termes de l’un des responsables de l’usine.
– En ce qui concerne les produits, le site produit désormais essentiellement des capteurs à ultrasons, destinés à guider le conducteur, notamment en marche arrière. Valéo est devenu le leader mondial de ces produits de haute technologie, devant Bosch. L’avenir de cette production est prometteur, en raison des perspectives du véhicule connecté et autonome.
– En ce qui concerne les modes de production, de nombreux postes ont été automatisés. Les « opérateurs » sont devenus « conducteurs de moyens » et doivent désormais être capables de gérer des pannes. Il a fallu former les 380 salariés du site pour assurer leur reconversion, de l’injection plastique vers les ultrasons.
La reconversion du site de Nogent a nécessité de lourds investissements en équipements neufs, qu’il a fallu faire tourner six jours par semaine pour les rentabiliser. Des difficultés sociales sont nées de cette évolution des temps de travail.
Après quatre années, cette reconversion apparaît comme un succès :
– la production augmente : 3 millions de capteurs ont été produits en 2013, 6 millions en 2014, 26 millions en 2015 et une production de 30 millions est attendue en 2016. Le quarante-millionième capteur est sorti début 2016. 95 000 pièces sont produites chaque jour ;
– depuis 2015, l’usine ne perd plus d’argent ;
– plusieurs projets industriels sont programmés en 2016 pour améliorer les performances : l’internalisation de la peinture des capteurs (aujourd’hui réalisée en Allemagne), l’augmentation de 30 % de la capacité de production des lignes, l’amélioration de l’ergonomie des postes, et la combinaison des lignes ultrasons avec les lignes d’injection plastique. Quatre nouvelles lignes seront installées en 2016.
A. LE NOUVEAU MODÈLE DE FLEXIBILISATION : LA POLITIQUE DE PLATEFORME
1. Une capacité d’adaptation de plus en plus stratégique
L’outil de production ancien a pour caractéristique un grand manque de flexibilité, certains sites ne fabriquant qu’un seul produit, ou un seul type de produits. Il en résulte :
– une sensibilité à la conjoncture importante : tout fléchissement de la demande pour le produit considéré peut avoir de lourdes conséquences ;
– une complexité et un renchérissement de l’adaptation d’un produit consécutive, par exemple, à la modification d’une norme européenne. À titre d’illustration, le passage de la norme Euro 6b à la norme Euro 6d pour les moteurs diesel conduit à modifier plus de 90 % des pièces dudit moteur, seule une dizaine de pièces étant conservées sur environ 160. Alors que le remplacement d’une chaîne de production de moteurs nécessite un investissement d’environ 30 millions d’euros et un délai de 18 mois, l’adaptation de cette même chaîne de production, si elle était plus flexible, serait beaucoup moins coûteuse, plus rapide, et ne nécessiterait pas toujours l’arrêt total de la chaîne.
Les chaînes de production et outils doivent donc être impérativement être conçues de manière à pouvoir produire différentes pièces, ou, a minima, différents modèles d’une même pièce, pour pouvoir satisfaire rapidement une demande changeante et une réglementation évolutive.
Comme l’indiquaient les responsables de l’entreprise Thyssenkrupp « il faut que les machines soient flexibles : c’est l’avenir. On ne peut plus envisager des machines capables de faire des produits uniques ».
Ceci justifie une attention particulière à la qualité de l’investissement. En effet, comme l’indiquait M. Carlos Tavarès (583), « il y a le bon investissement et le mauvais investissement ». Il précisait : « Je pourrais vous faire une longue liste de ce que je considère comme étant des excès d’investissement commis dans le passé par mon entreprise. Je ne le ferai pas, mais je tiens à dire que c’est le juste investissement, dans la bonne capacité et la bonne technologie, qui est utile pour concilier à la fois la compétitivité des coûts de cette usine et sa capacité à mettre en œuvre les process de l’avenir. Cela suppose une appréciation pointue des process. En d’autres termes, il faut faire attention à ne pas raisonner uniquement sur le montant de l’investissement, mais sur le montant juste et nécessaire pour être compétitif lorsqu’il faudra à la fois fabriquer une voiture avec une nouvelle technologie, et être compétitif par rapport aux autres sites industriels ».
2. Développer la politique de plateformes
L’industrie automobile connaît actuellement une évolution importante avec l’arrivée des « plateformes », qui, selon la définition du CCFA, « permettent d’assembler sur une même base un nombre croissant de modèles différents et qui vont générer d’importantes économies ». Depuis plusieurs années, les constructeurs savent déjà fabriquer, sur une même chaîne de production, des véhicules de mêmes dimensions, partageant le même châssis ou le même système de transmission ou de suspension, mais dont les silhouettes varient. Aujourd’hui, les plateformes multiplient les possibilités de produire, au même endroit, des éléments adaptés à des véhicules distincts, parfois très éloignés.
Le déploiement de cette politique de plateformes et de mutualisation des moyens est nécessaire à l’efficacité et à la compétitivité des sites industriels français, donc à leur pérennité, comme en témoigne la réussite des premiers constructeurs à l’avoir développée.
Ainsi, le groupe Volkswagen a été l’un des pionniers de la politique de plateforme, ce qui expliquerait son succès et sa croissance. Comme l’indiquait l’économiste M. Élie Cohen, entendu par la mission d’information, « le groupe Volkswagen a d’abord fait un effort considérable pour optimiser ses chaînes de production ; il a été le premier à concevoir la modularisation de l’outil de production et l’optimisation de chaque maillon de la chaîne de valeur ; c’est lui qui a inventé la politique de plateforme, qui a optimisé les gammes sur quelques plateformes ; c’est lui qui a été le grand innovateur en matière de technologie de production – si bien qu’il a été imité par la suite ». Sur la plateforme de Volkswagen, dénommée MQB, un grand nombre d’éléments – longueur, largeur, hauteur, taille des roues – peuvent être modulés, et celle-ci peut s’adapter à des motorisations classiques, hybrides et électriques. Dès le salon automobile de Francfort de 2013, le groupe présentait une Audi A3 Cabriolet, un break Seat León ST et une voiture électrique l’e-Golf, construites sur la même plateforme modulaire. Le groupe allemand compte désormais y fabriquer plus de 40 véhicules différents d’ici à 2018. Il précise que ce système ne permet pas uniquement de réduire les coûts, mais aussi « d’introduire dans les gammes moins chères des systèmes de sécurité et d’assistance normalement réservés au premium (584) ».
Depuis, cette organisation de la production est devenue structurante.
PSA et Renault se sont, ainsi, dotés de plateformes de même type. La plateforme modulaire mondiale EMP2 de PSA permet déjà depuis 2013 de fabriquer la Citroën C4 Picasso et la Peugeot 308, et assurera à terme 50 % de sa production. Selon M. Gilles le Borgne (585), directeur de la recherche et du développement, membre du comité exécutif de PSA Peugeot Citroën, cette plateforme permettra de réaliser 15 à 20 % d’économies et offrira plus de flexibilité dans l’affectation des véhicules aux usines. Elle a donné lieu au dépôt de 116 brevets.
L’alliance Renault-Nissan a opté pour un système de modules, correspondant aux grands blocs composant une voiture et pouvant être réutilisés d’un modèle à l’autre et combinés entre eux, dénommé CMF (Common Module Family). Une CMF est une famille de véhicules de l’Alliance Renault Nissan, appartenant à un ou plusieurs segments de gamme, fondée sur l’assemblage de « Big Modules » compatibles entre eux : compartiment moteur, cockpit, sous-caisse avant, sous-caisse arrière, architecture électrique/électronique. Une CMF n’est donc pas une plateforme, mais peut couvrir plusieurs plateformes. Cette démarche permet, selon le groupe, de générer des économies d’échelle et une réduction des coûts au sein de l’Alliance, en créant une « banque de pièces Alliance » dimensionnée au plus juste. Selon le groupe (586), « le partage, l’échange de pièces entre modèles et entités est une source d’économies d’échelle. L’application de cette démarche tout au long de la vie série des véhicules est garante d’une performance sur la durée. L’approche CMF s’attaque à tous les postes de coûts : synergies, partage des volumes, économies d’échelle et partage des risques au sein de l’Alliance au niveau :
– des achats de composants : réduction des coûts pour l’Alliance de l’ordre de 20 à 30 %.
– de l’investissement (ingénierie produit / process) : réduction des coûts de 30 à 40 % avec des variations selon Nissan ou Renault ».
Les premiers véhicules Nissan concernés sont sortis fin 2013, les premiers véhicules Renault fin 2014. L’approche CMF sera déployée d’ici 2020 dans plus d’une dizaine de pays, répartis sur les cinq continents et appliquée dans un premier temps aux voitures compactes et familiales, soit 1 600 000 véhicules par an et 14 modèles. Cette démarche apparaît fructueuse pour le groupe Renault. Selon M. Élie Cohen, « le pire qui puisse arriver pour Renault serait l’éclatement de son alliance avec Nissan. L’établissement de plateformes communes, la réutilisation sur plusieurs modèles des moteurs et des composants de haute qualité à faible coût et qui permettent d’accroître la fiabilité des véhicules resteront vraiment une donnée fondamentale du secteur ».
En outre, ces plateformes peuvent être communes à plusieurs groupes ou, possédées par l’un mais utilisées par d’autres : ainsi, à partir de 2016, deux véhicules Opel – pouvant représenter jusqu’à 20 % des ventes de la marque – seront produits dans des usines PSA. Le premier véhicule, un minispace SUV remplaçant l’actuelle Opel Meriva, sera fabriqué dans l’usine General Motors de Saragosse (Espagne) mais sur des plateformes PSA EMP2. Le deuxième véhicule allemand, qui sera commercialisé à la rentrée 2017, sera un monospace compact, clone de la Peugeot 3008 lancée en octobre 2016, et construit sur cette même plateforme dans l’usine PSA de Sochaux (Doubs).
De même, M. Carlos Ghosn, président directeur général de Renault, indiquait lors de son audition par la Commission des affaires économiques et la Commission des finances le 17 février 2016 : « nous n’avons pas hésité, non plus, à signer des contrats avec de nombreux partenaires qui voient en Renault un constructeur capable, fort d’une technologie mais aussi d’une production de très haut niveau. Non seulement les productions confiées par Nissan à l’usine de Flins représenteront plus de la moitié de son activité, mais nous produisons aussi, pour Daimler, le Citan, qui est en fait un produit dérivé du Kangoo, un petit véhicule utilitaire (VU), et nous produisons aussi du VU pour General Motors. Nous avons annoncé ce matin que, à la suite d’un contrat, l’usine de Sandouville produirait aussi du VU pour Nissan, mais il n’y a pas que cela. Certes, cela a beaucoup renforcé notre production en France, mais n’oublions pas la croissance de la marque Renault en Europe, qui est essentiellement alimentée par les usines françaises. »
Cette politique de plateforme permet de répondre à l’ensemble des enjeux auxquels l’industrie automobile fait face : minimiser les coûts, produire des modèles toujours plus diversifiés et personnalisés, multiplier les nouveautés dans des délais réduits… Elle garantit la nécessaire conciliation entre standardisation et pluralité des produits.
Elle est, par ailleurs, un atout pour la localisation des sites industriels en France, où les investissements ont déjà été entamés et doit être encouragée.
Elle permet, enfin, de lutter contre le caractère sur-capacitaire des usines actuelles, notamment en rendant possible la production de véhicules d’autres marques dans les mêmes sites.
Votre Rapporteure propose que le programme « usine du futur » de la PFA soit organisé autour de deux axes prioritaires : l’automatisation des chaînes de production et le développement d’une politique de plateforme, les deux dimensions devant être conciliées pour assurer la modernisation de l’industrie automobile française et la pérennité de son implantation sur le sol national.
Proposition n° 101 : Faire de l’automatisation et du développement d’une politique de plateforme les deux axes prioritaires du programme « usine du futur » de la PFA.
I. ADAPTER LES COMPÉTENCES ET LES EMPLOIS
Le manque de compétences et les difficultés à recruter sont désormais un constat récurrent des acteurs de la filière automobile. Selon M. Éric Poyeton, directeur général de la PFA, « ce manque de compétences affecte des secteurs traditionnels mais également ceux qui nous permettent de préparer l’avenir : les domaines des multimédias, des logiciels embarqués, de l’électronique embarqué ». L’offre de compétences est par ailleurs inégalement répartie : certains secteurs sont surcapacitaires dans certains bassins d’emplois, et peinent à employer dans d’autres, si bien que des entreprises qui souhaitent se développer rencontrent des difficultés.
Ce manque de compétences est d’autant plus problématique que l’industrie automobile doit monter en qualifications. Les évolutions des produits et des services proposés par les équipementiers et les constructeurs exigent un élargissement des savoir-faire et une adaptation de l’offre de formation, indispensable pour faire face à la place croissante du numérique, mais aussi à un nombre croissant de technologies – hydrogène, électrique, biocarburants – ainsi qu’aux questions relatives à l’économie circulaire et à la prestation de services de mobilité.
En ces domaines, l’anticipation est indispensable, tant pour la formation des salariés déjà en poste que pour celle de ceux qui s’apprêtent à entrer sur le marché du travail. Le livre blanc « Pacte de mobilité » du CNPA, publié en 2016, identifie trois axes prioritaires de formation :
– le numérique : l’apparition du véhicule connecté implique des mutations chez les constructeurs, mais aussi dans les garages et les services ;
– les nouvelles énergies : en particulier le véhicule électrique et le véhicule à hydrogène, qui requièrent des compétences particulières, notamment en raison de la sécurité qu’ils exigent ;
– l’économie circulaire, l’entretien et la gestion du parc roulant, pour prolonger la vie des véhicules et organiser leur sortie d’usage.
Comme l’indiquait M. Carlos Ghosn lors de son audition par les Commissions des affaires économiques et des finances de l’Assemblée nationale, le 17 février 2016, « nous avons besoin d’ingénieurs versés dans l’électronique, dans le software, dans tout ce qui ressort de la computer science : la voiture sera de plus en plus bardée d’équipements basés sur des software – cela vaut pour la voiture autonome, pour la voiture connectée, et en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants ». Il précisait « malgré les résultats, il existe une très grande préoccupation relative aux métiers : compte-tenu des nouvelles technologies, de la digitalisation de l’entreprise, nos ingénieurs et techniciens se demandent ce que sera leur métier dans cinq ans », avant de conclure « l’enjeu de la formation est colossal. C’est pour moi une angoisse, car je vois l’évolution des technologies, et nous avons des dizaines de milliers d’ingénieurs et de techniciens dans le groupe, qui craignent des difficultés à s’adapter aux nouvelles technologies. Nous allons devoir déployer un effort de formation continue de façon à adapter notre force de travail et répondre à l’anxiété de nos personnels ».
A. RESTAURER L’ATTRACTIVITÉ : PROMOUVOIR LA FIERTÉ DE L’INDUSTRIE AUTOMOBILE
La mission d’information a rencontré des ouvriers, techniciens et ingénieurs qui partagent et revendiquent la fierté de leur métier et la passion de l’automobile. Néanmoins, de nombreux interlocuteurs ont mentionné un désintérêt des jeunes et, plus généralement, un manque d’attractivité de la filière, qui expliqueraient en partie le manque de compétences et les difficultés à recruter. Ce problème n’est pas propre à l’industrie automobile mais rencontré par de nombreuses filières industrielles. L’industrie automobile présente toutefois, à cet égard, une certaine spécificité, pour deux raisons principales :
– la crainte de la précarité, véhiculée par la crise économique, la diminution de la production et les délocalisations médiatisées de certains sites ;
– l’absence de mise en valeur des challenges numériques et écologiques à relever par la filière.
Selon M. Poyeton, directeur général de la Plateforme de la filière automobile (PFA), « on relève que l’attractivité de l’industrie automobile est en forte baisse comparée à celle, par exemple, du secteur de l’aéronautique. Du coup, nous avons effectivement du mal à attirer les compétences et à les faire monter en puissance ». Les responsables de l’équipementier ARaymond, que la mission a rencontrés sur leur site de Saint-Égrève, faisaient le même constat. L’entreprise est confrontée à un manque de candidats pour les postes les plus qualifiés (outilleurs, régleurs…), car les filières se sont progressivement éteintes, en raison d’un « dégoût de l’usine, perçue comme la sanction d’un échec scolaire ». Pourtant, ces métiers sont de plus en plus qualifiés et exigeants : alors qu’auparavant, un CAP suffisait, il faut désormais un niveau de BTS ou de bac professionnel pour obtenir certains postes.
Cette situation n’est pas propre à la France, mais se rencontre aussi aux États-Unis, où il n’y a parfois qu’un ingénieur pour trois postes vacants.
C’est pourquoi, la revalorisation des métiers de la filière automobile est indispensable. Elle devra passer par le déploiement de messages restaurant l’image de marque de l’industrie automobile, de la part des acteurs privés, mais surtout des pouvoirs publics. Ces messages peuvent être de deux natures :
– les métiers de la filière sont des métiers à haute valeur ajoutée, de plus en plus stratégiques et valorisants, autour des services, de la haute technologie, du numérique ou encore du développement durable ;
– la filière elle-même est un atout pour la France. Les progrès accomplis ces dernières années et à venir sont importants. Comme l’indiquait M. Éric Poyeton, directeur général de la Plateforme de la filière automobile « l’ensemble des employés de l’industrie automobile sont fiers de leur industrie même si certains ont traversé des périodes difficiles. Nos salariés sont donc porteurs de cette attractivité. Encore faut-il qu’ils ne soient pas perturbés par des messages négatifs véhiculant l’idée que l’automobile serait sale et polluante, que les constructeurs et équipementiers seraient des lobbyistes indifférents à la cause environnementale et qu’ils refuseraient d’évoluer ».
Une campagne de communication autour de l’importance de l’industrie automobile, des progrès réalisés, et du caractère stratégique et valorisant des métiers de la filière peut être envisagée. Seul un message clair en direction des jeunes, véhiculé par la PFA, pourra mettre fin à cette désaffection préjudiciable à la compétitivité de l’industrie automobile française.
Proposition n° 102 : Faire organiser par la PFA une campagne de communication valorisant les atouts de l’industrie automobile et le caractère stratégique et hautement qualifié de ses métiers.
En ce qui concerne plus spécifiquement la filière aval des services de l’automobile, le Conseil national des professions de l’automobile (CNPA) suggère, à juste titre, d’accélérer la mise en œuvre du « campus des services de l’automobile et de la mobilité », qui doit rassembler sur un site unique, proche de Paris, l’ensemble de l’offre de formation initiale et continue de la branche. Ce campus devrait constituer une « véritable vitrine pour attirer les jeunes vers les métiers de la mobilité ». Son inauguration pourrait être pour l’État « l’occasion de soutenir une importante campagne de communication visant à valoriser la filière aval et ses formations ». Le budget du projet s’élève à 26 millions d’euros, dont 18 millions d’euros financés par la branche. Un campus similaire pourrait être envisagé pour les métiers de l’amont, de la construction et de l’équipement automobiles.
2. Adapter les formations initiales
Par ailleurs, l’apprentissage, qui connaît traditionnellement des débouchés importants dans la filière automobile, où il est apprécié tant par les apprentis que par leurs tuteurs, peut encore monter en puissance.
Ainsi, le secteur automobile compte 5.3 % d’apprentis parmi ses salariés, soit plus du double de la moyenne nationale et environ 21 200 apprentis (sur un total, en France, de 400 000 (587)).
L’apprentissage permet aux jeunes de 15 à 26 ans de bénéficier :
– d’une formation en alternance, associant une formation pratique et concrète chez un employeur et des enseignements plus théoriques dispensés dans un centre de formation d’apprentis ;
– d’un statut de salarié (avec les mêmes droits et la même couverture sociale) et d’une rémunération ;
– d’un même diplôme professionnel que celui préparé sous le statut d’élèves, y compris des diplômes de l’enseignement supérieur ;
– des chances de se voir offrir un emploi une fois son diplôme obtenu. Au total, en février 2015, sept mois après leur sortie du cursus, 62 % des jeunes ayant suivi des études du niveau de CAP à BTS en apprentissage ont un emploi soit 22 points de plus que les jeunes issus de la voie scolaire (43 %). Par ailleurs, lorsqu’ils travaillent, une grande majorité des jeunes formés par la voie de l’apprentissage ont un emploi à durée indéterminée (EDI, 59 %). La moitié des jeunes en emploi travaillent dans l’entreprise où ils étaient en apprentissage ou en stage (588).
Pour l’entreprise, c’est l’opportunité de recruter, en bénéficiant des aides publiques, un jeune qu’il sera possible de former sur place, avec les outils de l’entreprise, de manière à répondre aux besoins en compétences et en qualification avec un salarié opérationnel au moment de son embauche.
Renault a ainsi embauché 1 000 apprentis en 2015, et prévoit d’en embaucher 1 000 supplémentaires en 2016. Les équipementiers ont aussi recours aux apprentis. Ainsi, l’entreprise Thyssenkrupp, qui fabrique des crémaillères et colonnes de direction et emploie 1 250 salariés à Florange accueille une cinquantaine d’apprentis par an.
L’Éducation nationale est engagée dans le plan de développement de l’apprentissage mis en place à la rentrée 2014 avec un objectif de 500 000 apprentis à l’horizon 2017.
Votre Rapporteure propose de poursuivre ces démarches en donnant à la filière automobile un objectif chiffré d’apprentis à recruter, de 25 000 en 2017, puis 30 000 en 2018. Des mesures d’accompagnement et d’incitation doivent être prévues, telles que la valorisation de la fonction de maître d’apprentissage, la réorganisation de l’offre de formation dans les académies autour des lycées des métiers et des campus des métiers et des qualifications, et le renforcement de la mixité des parcours et les changements de statut tout au long de la formation, de l’enseignement secondaire à l’enseignement supérieur.
Proposition n° 103 : Donner à la filière automobile un objectif chiffré d’apprentis à recruter, de 25 000 en 2017, puis 30 000 en 2018.
A. ORGANISER LA MONTÉE EN COMPÉTENCES
La formation continue représente un enjeu essentiel, pour accompagner les salariés en poste dans leur montée en compétences.
1. Les entreprises, acteurs centraux de l’élévation des compétences
Les entreprises sont les acteurs centraux de l’élévation des compétences de leurs salariés. Beaucoup ont déjà commencé à accentuer leur offre de formation continue, et à anticiper sur leurs besoins à venir.
a. Renforcer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, en lien avec les organisations syndicales
Votre Rapporteure suggère de renforcer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, en lien avec les organisations syndicales.
Comme en a témoigné la table ronde organisée par la mission le 5 avril 2016, les organisations syndicales sont particulièrement au faîte des enjeux que doit affronter la filière, et disposées à accompagner celle-ci dans sa mutation. Aujourd’hui, l’industrie automobile française se relance, notamment grâce à la signature d’accords de compétitivité.
Ainsi, M. Éric Vidal, responsable du dossier filière automobile, Fédération de la métallurgie-CGC, indiquait : « les métiers de l’industrie automobile bougent énormément. Si les gens sont de moins en moins mécaniciens, ils sont compétents en matière de numérique et de contrôle d’objets connectés, ce qui veut dire qu’il y a là un vivier d’emplois et de compétences phénoménal. Les enjeux en termes de formation initiale, et surtout de formation continue, sont importants. Il faut permettre aux gens de se former à de nouvelles technologies, et ainsi de monter en compétences ».
De même, M. Jacques Mazzolini, délégué syndical central PSA Peugeot Citroën, Fédération de la métallurgie-CGC, précisait : « cette filière va considérablement évoluer dans un futur proche pour intégrer d’autres compétences que mécaniques, notamment toute la technologie embarquée. Partout, en Europe ou ailleurs, le virage du véhicule électrique, de l’hybridation, de la connectivité et du numérique, sera pris. Nous avons intérêt à ce qu’il soit plutôt pris chez nous pour que les premiers emplois soient générés sur notre territoire et que les technologies irradient depuis l’Europe, et non que l’Europe devienne un réceptacle de technologies qui seront développées ou construites en Chine, par exemple ».
M. Franck Don, délégué syndical central CFTC PSA, indiquait par ailleurs : « au-delà de nos points de vente, il faudra aussi adapter nos usines – on parle beaucoup de l’usine 4.0 – en les équipant de nouveaux robots intelligents et d’une communication entre les différents outils de production et les chaînes d’approvisionnement. Tout cela nécessite d’anticiper la formation des salariés, de ceux qui sont en place aujourd’hui et, dans un deuxième temps, des futurs salariés. (…) La CFTC, qui a compris cet aspect, est prête à l’accompagner parce qu’elle pense que c’est le seul moyen moderne aujourd’hui de préserver les emplois et les sites industriels sur le territoire français […]. Les sites industriels doivent anticiper plutôt que subir, être en action plutôt qu’en réaction, faire les investissements nécessaires pour intégrer les nouvelles technologies. Bien évidemment, des aides pourraient leur être attribuées dans ce cadre-là ».
L’expérience de terrain des organisations syndicales, leur grande maturité et leur parfaite perception des défis de l’industrie automobile doivent être mises à profit pour préparer au mieux la transition de la filière.
C’est pourquoi, il est indispensable que les organisations syndicales soient associées aux décisions stratégiques en la matière, alors qu’elles le sont trop peu. Ainsi, M. Franck Don, délégué syndical central CFTC PSA, indiquait : « nous regrettons que les organisations syndicales de manière générale ne soient pas associées aux décisions de l’entreprise ». Les comités paritaires stratégiques qui commencent à voir le jour ne sont qu’un premier pas. Une politique de ressources humaines axée sur la gestion prévisionnelle est indispensable pour identifier les métiers d’avenir, rechercher des compétences en interne ou des formations à dispenser pour les acquérir et, si nécessaire, anticipation des recrutements extérieurs.
Plus l’anticipation sera grande, et plus la gestion sera prévisionnelle, plus les recrutements et reconversions pourront se faire en interne, sans perte d’emploi, mais avec montée en compétence et qualifications.
Proposition n° 104 : Renforcer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, en y associant étroitement les organisations syndicales.
Les dix métiers d’avenir identifiés par General Motors
Dans une publication sur le réseau social Linkedin, la présidente directrice générale de General Motors, Mary Barra, listait les dix métiers identifiés par l’entreprise comme étant des métiers d’avenir de l’industrie automobile :
« – des ingénieurs électriciens/électroniciens, qui devront développer et améliorer les véhicules électriques, notamment leur autonomie ;
– des experts analystes pour créer des algorithmes exploitant intelligemment les données pour faciliter la conduite ;
– des designers, qui devront s’assurer que l’information et la technologie soient présentées de manière intuitive et sûre ;
– des développeurs, pour que les logiciels embarqués dans les voitures puissent coller à l’évolution du secteur ;
– des ingénieurs spécialisés dans la voiture autonome, pour travailler spécifiquement sur les radars et détecteurs de présence ;
– des experts du service-client, pour échanger directement avec l’utilisateur en difficulté, voire se déplacer très vite auprès de lui ;
– des experts environnementaux, pour que la production de voitures soit plus économe en matières premières ;
– des ingénieurs, afin que les voitures du futur soient efficaces et durables en dépit de leur complexité ;
– des spécialistes de l’impression 3D, pour innover et produire plus vite mais aussi pour rendre les tests moins coûteux ;
– des spécialistes des moteurs alternatifs : pour améliorer l’existant (hybride, électrique etc) et pour innover en termes de technologie. »
a. Développer les formations qualifiantes en interne
Votre Rapporteure salue les efforts engagés par de nombreuses entreprises et recommande de continuer à développer des formations qualifiantes au sein des entreprises.
Comme l’indique M. Éric Poyeton, directeur de la Plateforme de la filière automobile, « de plus en plus d’industriels ont développé leurs propres universités et écoles des métiers ». Cette affirmation a été confirmée par les visites de la mission, sur les sites notamment de Thyssenkrupp, d’ARaymond et de Valeo. Honeywell, fabricant de turbocompresseurs, a aussi indiqué former lui-même ses salariés, pour lesquels des compétences spécifiques sont requises, qui ne peuvent être acquises dans le seul cursus scolaire.
La formation interne est un moyen de pallier le manque de candidats externes pour certains postes, de requalifier des salariés, mais aussi de diffuser des compétences plus spécifiquement adaptées aux besoins de l’entreprise qu’en ayant recours à un prestataire externe.
Ces formations peuvent, par ailleurs, être réalisées en interne, avant d’être officiellement certifiées par un organisme externe.
La Valeo Académie
Le groupe Valeo a constaté des difficultés à trouver des salariés qualifiés, à tous les niveaux, en raison du manque d’attractivité de la filière, mais aussi du manque de formation et d’adéquation aux compétences recherchées. Le groupe a décidé de rechercher ou de développer les compétences en interne, grâce à la création d’un organisme de formation ad hoc, la Valeo Académie.
La Valeo Académie a d’abord accompagné le changement d’affectation par des formations qualifiantes, dispensées auprès de 80 personnes. Elle a aussi assuré des formations internes sur les règles de sécurité et la qualité, appuyées sur des mises en situation. Elle dispense enfin des formations de perfectionnement.
Une salle dédiée à la Valeo Académie a été installée sur le site de
Nogent-le-Rotrou. L’ambition du groupe est de développer une salle similaire dans chacun des 23 sites de production du groupe en France.
Ces formations sont appelées à monter en puissance : en 2016, 780 jours de formation seront dispensés dans la Valeo Académie, en lien avec le transfert d’activité de l’unité de climatisation vers l’unité de capteurs ultrasons. Au-delà de cette seule reconversion, de nouveaux modules seront développés, centrés notamment sur la détection des défauts.
Le groupe est convaincu de la valeur ajoutée des formations réalisées en interne, certifiées par un organisme externe. Les formations dispensées par des organismes tiers proposent le plus souvent des modules trop « standards » et non adaptés aux particularités d’une entreprise ou d’un site. Ces formations internes permettent de rassurer les salariés, souvent inquiets face à des propositions de changements de postes ou de montée en qualification.
1. Le rôle des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) et des organismes de formation
Les organismes de formation continue, essentiellement l’agence nationale pour la formation automobile (ANFA) et le groupement national de la formation automobile (GNFA), véritables piliers de la filière et de sa formation, ont un rôle majeur à jouer dans l’adaptation de l’offre de formation aux nouveaux enjeux identifiés par le CNPA : le numérique, l’économie circulaire, les nouvelles motorisations.
L’ANFA et le GNFA
L’ANFA, l’agence nationale pour la formation automobile, est l’organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) pour les entreprises des services de l’automobile : structure à gestion paritaire, elle finance la formation professionnelle continue de la branche via les contributions financières des entreprises qui relèvent de son champ d’application. Elle est par ailleurs l’organisme collecteur de la taxe d’apprentissage (OCTA) de la filière. Elle est chargée par les partenaires sociaux de la mise en œuvre de la politique de formation de la branche des services à l’automobile, dans le cadre de sa convention collective (589).
L’ANFA développe l’ensemble des dispositifs de formation professionnelle, initiale et continue, au niveau national comme régional. À cet égard, elle a un rôle considérable à jouer, pour proposer une offre de formation continue adaptée aux nouveaux besoins des entreprises. Les partenaires sociaux de la branche ont ainsi mandaté l’ANFA pour mettre en œuvre et décliner une politique de formation centrée sur le renouvellement de la population active et l’adaptation permanente des compétences des salariés.
En 2014, à travers ses 10 délégations régionales l’ANFA a contribué à accompagner l’offre de formation initiale, en informant plus de 500 000 jeunes sur les différents métiers du secteur, et en formant plus de 54 000 jeunes, dont 30 900 sous statut scolaire, 470 apprentis et 2 100 sous contrat de professionnalisation. L’ANFA a aussi contribué à développer et adapter les compétences de la population active de la branche en accompagnant plus de 500 entreprises dans leur démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et en faisant bénéficier 10 700 salariés de périodes de professionnalisation et 94 000 salariés d’action de formation continue. L’ANFA consacre également d’importants budgets à l’accompagnement des opérateurs de formation : en 2014, plus de 2 000 formateurs et enseignants ont bénéficié d’action organisées et financées par l’ANFA pour l’actualisation et le perfectionnement des compétences.
Le GNFA, Groupement national de la formation automobile, est le principal prestataire de formations dans le secteur automobile, qui propose une offre complète à l’ensemble des entreprises et des métiers et est ainsi en première ligne en matière de formation aux nouveaux usages et aux services de mobilité. 350 formateurs travaillent dans des centres où sont reproduites les conditions d’exercice du métier (40 centres en métropole et 10 hors de métropole). Ces formations peuvent aussi s’effectuer à distance, sous forme de modules d’e-learning. Le GNFA forme près de 40 000 stagiaires, pendant 900 000 heures chaque année, depuis plus de 40 ans, pour un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros par an.
À cet égard, la mission salue le plan « compétences-emplois III » élaboré par l’ANFA, qui doit couvrir les années 2016 à 2018. Ce nouveau plan, intitulé « préparer l’avenir du secteur », fait suite au plan « former plutôt que licencier » s’achevant fin 2015. Le CNPA finance ce plan à hauteur de 32,8 millions d’euros (participation en hausse de 50 % par rapport au plan précédent), le concours demandé à l’État étant de 8 millions d’euros (soit l’équivalent de son concours dans le plan précédent). Le budget total du plan est de 40,7 millions d’euros et couvrira deux axes :
– l’anticipation pour la sécurisation de l’emploi et les parcours grâce à des actions de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences élargies (axe 1 ; 16.7 millions d’euros) ;
– la formation plutôt que les licenciements, mais en élargissant les tailles d’entreprises couvertes et en ouvrant à de nouvelles thématiques de formation, prenant en compte les enjeux du numérique, de la mobilité durable et de la sécurité routière (axe 2 ; 24 millions d’euros).
La mission souhaite que le plan de formation « numérique » préparé par l’ANFA et actuellement soumis pour instruction au PIA soit soutenu. Ce projet est structuré autour de l’impact du numérique sur les métiers de la branche – véhicules connectés, E-Call, B-Call, diagnostic à distance, apparition progressive de véhicules autonomes – qui nécessitent des dispositifs de formations initiales et continues adaptés. Le budget de ce plan de formation au numérique s’élèverait à 6 millions d’euros pour les cinq ans, dont 50 % financés par le PIA, 20 % par la branche et 30 % par les entreprises du consortium.
La mission recommande enfin que les OPCA et prestataires de formations ciblent en particulier leurs actions sur les PME et leurs besoins spécifiques. Celles-ci sont en effet très présentes dans la filière automobile mais ont plus difficilement accès aux offres de formation. Ainsi, pour les 50 000 très petites entreprises (autoentrepreneurs ou entreprises à zéro salarié) de la filière, les exigences en termes de d’évolution de l’emploi et des compétences peuvent être particulièrement lourdes. Ces entreprises et leurs salariés doivent faire l’objet d’une attention particulière.
Proposition n° 105 : Accélérer la mise en œuvre du plan de formation « numérique » de l’ANFA, actuellement instruit par le PIA.
Proposition n° 106 : Inciter les OPCA à cibler leurs actions sur les besoins spécifiques des PME de la filière automobile.
1. Simplifier les soutiens publics à la formation continue, nombreux et trop complexes
Les soutiens publics à la promotion des compétences sont nombreux, mais trop peu lisibles, ce qui nuit à leur efficacité. Les professionnels représentés par le CNPA, notamment, sont préoccupés par la lenteur et la faible lisibilité du système, déconnecté des réalités économiques, à l’heure où une grande réactivité de l’administration est indispensable pour soutenir efficacement les efforts de formation.
Ainsi, au moins trois organismes impliquant les pouvoirs publics interviennent en matière de formation :
– la Plateforme de la filière automobile consacre l’un des cinq axes de son plan d’action à la formation, au travers du programme « compétences et emploi 2015-2019 ». Ce programme vise à apporter une réponse adaptée aux besoins en compétences spécifiques de la filière, grâce à la participation de nombreux partenaires. La PFA cherche par ailleurs à mettre en place un processus et une organisation permettant de faire évoluer les programmes pédagogiques locaux en fonction des priorités nationales futures et des priorités locales des industriels. Elle veut instituer une animation nationale et une animation régionale. En région Bretagne, notamment, elle soutient la création d’un centre de formation et d’acculturation des entreprises, en particulier des PME, au numérique.
– le Conseil National de l’Industrie, au travers du comité stratégique de la filière automobile, est aussi investi dans le sujet. Le contrat stratégique 2015-2017 comporte, dans son premier axe, « se projeter », une sous-action dédiée à la formation devant « permettre à la filière d’anticiper les besoins de compétences et mieux accompagner l’employabilité de ses salariés », elle-même composée de six mesures dont les suivantes : « développer les synergies et passerelles en raisonnant sur l’ensemble amont + aval » ; « prendre en compte les mutations de l’outil industriel dans l’évolution des compétences » ; « mettre en avant les défis de la filière et l’innovation pour attirer les meilleurs profils à tous les niveaux ». Ces actions seront pilotées conjointement par le groupe de travail « compétences en emploi » du CSF et par la PFA, avec le CNPA, l’UIMM et les régions.
– le PIA a lancé un appel à projet « partenariats pour la formation professionnelle et l’emploi » (PFPE), mis en place début 2015, doté de 126 millions d’euros, et piloté par le Commissariat Général à l’Investissement (CGI). Votre Rapporteure considère que la formation professionnelle n’est pas du ressort des programmes d’investissements d’avenir, et que l’intervention du CGI en ce domaine ne fait qu’apporter davantage de confusion. En outre, sur les 126 millions d’euros dont est doté le programme, aucun n’a, pour l’instant, bénéficié à l’industrie automobile.
Votre Rapporteure recommande de poursuivre les actions de la PFA et du CNI, tout en veillant à la bonne information de ceux qui peuvent en bénéficier, à la lisibilité des dispositifs, à l’harmonisation et à la coordination des mesures. La carte définitive des régions – compétentes en matière de formation professionnelle – étant désormais fixée, il n’existe plus aucun obstacle à la définition de politiques publiques, nationales et locales, précises et ambitieuses, coordonnées pour éviter les redondances et les inefficacités. À cet égard, il apparaît nécessaire de simplifier le soutien public à la formation continue pour en améliorer l’efficacité, en désignant un unique organisme pilote ou, a minima, un guichet unique de renseignement et d’orientation auquel les potentiels bénéficiaires pourraient s’adresser pour obtenir informations et conseils.
Proposition n° 107 : Simplifier le soutien public à la formation continue pour en améliorer l’efficacité, en désignant un unique organisme responsable ou, a minima, un guichet unique de renseignement et d’orientation.
I. CONSTRUIRE UNE INDUSTRIE DU CYCLE DE VIE
Depuis des décennies, l’automobile de masse a été un des symboles du déploiement d’une société de consommation fondée sur le modèle linéaire « extraire – fabriquer – consommer – jeter ». L’objet automobile, et l’industrie qui le fabrique, peuvent devenir demain un des pionniers de l’économie circulaire (590) et d’un nouveau modèle industriel, dont l’Union Européenne estime qu’il pourrait, à lui seul, augmenter le PIB européen de 1 %, tout en créant deux millions d’emplois et 600 milliards d’euros d’économies à l’horizon 2030.
L’industrie automobile ne doit plus seulement concevoir et produire des voitures, s’adapter pour développer les services associés aux nouveaux usages, mais aussi déconstruire, éco-concevoir, pour devenir une industrie du cycle de vie du véhicule. Elle dispose dans cette perspective d’atouts importants, avec des filières de recyclage organisées depuis des années, actuellement mises à mal.
Les opportunités de nouveaux développements industriels sont pourtant prometteuses. Ici, il ne s’agit pas seulement de considérations écologiques, mais bien économiques et stratégiques. Au travers de l’économie circulaire, l’enjeu est celui des coûts de production et de la sécurité d’approvisionnement en matières premières d’une industrie qui est dépendante des importations.
A. L’ENJEU DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE POUR L’INDUSTRIE AUTOMOBILE EN FRANCE
L’industrie automobile est dépendante de l’importation de matières premières. La raréfaction des ressources avant la fin du siècle et la volatilité des cours exposent l’industrie française à une vulnérabilité.
« En France, il faut créer un élan pour inciter à la création d’une industrie de la valorisation », comme le souligne le CNPA (591) au travers d’une gestion globale du cycle de vie des véhicules, vertueuse au plan économique comme écologique.
1. Une industrie dépendante de l’importation des matières premières
Une voiture est composée à 92 % de métaux et de polymères. Aux flux apparents de matière, s’ajoutent des flux cachés associés : une voiture de 1,3 tonne représente en fait une consommation d’équivalent matières premières de 7 à 10 tonnes (592).
Source : PFA : http://www.planeteautomobile.com/filiere-automobile/eco-conception-recyclage/materiaux-automobile/
Ces matières premières sont, soit des produits industriels négociés de gré à gré, tels que l’acier ou les matières plastiques, soit des produits cotés directement sur des marchés organisés, tels que l’aluminium, le cuivre, le plomb ou les métaux précieux.
Les matières premières dont l’impact sur les coûts de production est le plus important sont, par ordre décroissant :
– pour les matières premières négociées : l’acier (38 % du coût total des achats de matières premières), les matières thermoplastiques et l’élastomère (24 %) ;
– pour les matières premières cotées : l’aluminium (8 % du coût total des achats de matières premières), les métaux précieux (3 %) et les métaux non ferreux (cuivre, zinc, plomb) (3 %).
Selon l’étude d’un universitaire (593), les coûts des matières premières et des composants représenteraient 74 % des coûts de production de Renault qui dépenserait autour de 5 milliards d’euros par an en matières (594). En ce qui concerne Peugeot, les achats de matières premières représentent 30 % du budget achat série (595).
La France métropolitaine importe la large majorité des métaux, comme des produits dérivés du pétrole consommés par son industrie. Le commerce extérieur français des seuls produits métalliques et métallurgiques présente un déficit récurrent, passé de 5,2 milliards d’euros en 2012 à 6,1 milliards d’euros en 2013.
Les industries automobiles sont ainsi exposées à deux « risques matières premières », via leurs achats directs ou au travers des composants achetés à leurs fournisseurs :
– un risque d’approvisionnement associé à la disponibilité des matières premières ; des distorsions de concurrence – par exemple les droits de douane chinois à l’export et les quotas frappant les terres rares – peuvent contrarier le libre accès aux matières premières ;
– un risque économique associé aux variations de prix des matières premières.
a. L’impact de la hausse des matières premières sur la crise de 2008-2009
Les prix des matières premières métalliques et métallurgiques se sont envolés entre 2006 et 2008. Après 2009, les cours sont restés, jusqu’en 2011, à des niveaux hauts quasi historiques, proches des sommets de l’année 2008. Ils ont diminué depuis, tout en restant à des niveaux élevés. Début 2015, si le pétrole était en baisse de 28 % et le caoutchouc chutait de 51 %, l’acier diminuait seulement de 8 %.
Le cours de l’acier, matière première non cotée mais négociée, et principale matière première des véhicules automobiles, a augmenté de près de 40 % entre 2000 et 2008.
De façon plus générale, comme en témoigne l’indice Moody’s des prix internationaux de l’ensemble des matières premières importées, les prix des matières premières ont crû de façon exponentielle entre 2000 et 2008. Ils se maintiennent depuis à des niveaux supérieurs à ceux des années 2000.
Source : Insee
Ces hausses du prix des matières premières ont eu des conséquences pour l’industrie automobile.
La crise du secteur à partir de 2008, associée à la crise financière mondiale, doit aussi être mise en relation avec la hausse des prix des matières premières qui s’est traduite par :
– une hausse des coûts de production : les coûts de production ont ainsi crû, continuellement, en Europe, en France et en zone euro, depuis les années 2000 ;
Évolution des coûts de production automobile
Source :CCFA
– une baisse du résultat opérationnel : l’impact annuel de la variation du cours des matières sur le résultat opérationnel de Renault a été négatif de 357 millions d’euros en 2005, de 430 millions d’euros en 2006, de 236 millions d’euros en 2007, de 359 millions d’euros en 2008 (596). En ce qui concerne le groupe PSA Peugeot-Citroën, les matières premières ont eu un impact négatif de 300 millions d’euros en 2007 et de 285 millions d’euros en 2008 (597) ;
– une baisse des marges : la répercussion des hausses des coûts de production dans les prix de vente est difficile dans un contexte international concurrentiel et de baisse du pouvoir d’achat des ménages, les constructeurs sont donc contraints de faire porter l’effort sur leurs marges ;
– une baisse de l’investissement, conséquence de la baisse des marges, ne permettant pas à l’industrie automobile d’engager la modernisation nécessaire ;
– un impact encore plus négatif pour les sous-traitants et équipementiers dont les contrats ne prévoyaient aucune indexation du prix de vente sur les cours des matières premières.
Des pratiques frauduleuses et anti-concurrentielles sont parfois mises en œuvre, pour permettre aux industries de se prémunir contre le risque « matières premières ». Ainsi, en juin 2016, l’autorité allemande de la concurrence a mené des perquisitions chez plusieurs grands constructeurs de l’industrie automobile allemande dont Volkswagen, BMW, Daimler et Bosch, qu’elle soupçonne d’entente sur les prix d’achat de l’acier. Ces perquisitions reposent sur un « soupçon initial d’infraction au droit de la concurrence » par la mise en œuvre – non encore avérée – d’un cartel. Les constructeurs Volkswagen, BMW et Daimler ainsi que Bosch, plus grand équipementier automobile mondial, ont confirmé ces perquisitions, assurant collaborer avec les autorités. Les investigations pourraient durer plusieurs mois.
La mise en œuvre d’une véritable industrie du cycle de vie, et sa traduction en termes législatifs, est aujourd’hui indispensable.
Renault et l’économie circulaire
Pour l’entreprise Renault, l’économie circulaire répond à des impératifs tout autant économiques qu’écologiques. Comme l’indique le groupe dans une note transmise à votre Rapporteure, « à l’échelle du Groupe, les projets d’économie circulaire constituent une réponse aux enjeux de compétitivité : à court terme le prix de revient des produits, le développement de nouveaux services et la réduction de l’exposition à la volatilité des cours, puis à moyen long terme, la raréfaction de la ressource, en plus des bénéfices environnementaux comme la réduction des potentiels d’impacts liés aux phases allant de l’extraction des matières premières à leurs usages ».
Ainsi, « Renault (598) a intégré dans ses activités propres celles d’écoconception, de remanufacturing, de commercialisation innovante des pièces de réemploi, et a pris le contrôle du premier réseau de déconstruction de Véhicules Hors d’Usage en France. Renault a ainsi étendu le périmètre de ses systèmes industriels et commerciaux pour capter des pièces et des matières lors de la fin de vie des produits, et pour pouvoir les réinjecter dans ses processus, de sorte à boucler complétement la boucle du cycle de vie du produit ».
a. Une vision stratégique et industrielle de l’économie circulaire : l’exemple de l’Allemagne
Depuis plusieurs années, l’Allemagne fait de l’optimisation des ressources un axe de sa stratégie industrielle. Aux côtés des objectifs environnementaux, s’affirment des objectifs de souveraineté économique : moindre dépendance extérieure alors que le pays importe 100 % de ses matières premières métalliques, réduction des coûts d’approvisionnement en matières premières et en énergie et donc gains de compétitivité, maintien de l’emploi local et création de valeur ajoutée au niveau régional. L’économie circulaire s’inscrit dans une perspective de sécurisation de l’approvisionnement de l’industrie et de compétitivité économique (599). Le pays s’est ainsi doté d’un arsenal juridique complet, qui en définit le cadre politique, juridique et institutionnel.
• 2002 : l’économie circulaire dans la stratégie de développement durable
Dès 2002, l’Allemagne a inscrit un objectif de découplage entre la croissance économique et la consommation de matières, dans sa stratégie nationale de développement durable. Un objectif quantitatif a été fixé : la multiplication par deux de la productivité des matières (combustibles fossiles, matériaux de construction, minéraux industriels, minerais métalliques, biomasse) entre 1994 et 2020. Un programme de recherche totalement dédié à l’utilisation efficace et à la préservation des ressources a été lancé dès 2007. Il a constitué un appui technique pour le gouvernement allemand et ses résultats ont alimenté l’élaboration du programme allemand sur l’utilisation efficace des ressources, Progress (cf. infra).
• La stratégie fédérale des matières premières : une initiative de l’industrie
L’Allemagne a adopté, le 20 octobre 2010, la stratégie fédérale sur les matières premières qui résulte de discussions approfondies entre le gouvernement allemand et l’Association des industries allemandes (Bundesverband der Deutschen Industrie, BDI), l’industrie de transformation des matières premières, l’économie du recyclage et les syndicats. L’engagement des industriels a joué un rôle moteur, comme en témoignait le 3e Congrès sur la sécurité des matières premières en Allemagne et en Europe, tenu par la BDI à Berlin en octobre 2010, dont le thème était : « un accès sécurisé aux matières premières non énergétiques est aussi d’une importance fondamentale pour la compétitivité et la durabilité de l’industrie allemande. »
Cette stratégie a débouché sur la création de l’Agence allemande des matières premières, au sein de l’Institut fédéral des Géosciences et des Matières Premières, qui doit devenir un centre de compétences et une plateforme centrale pour l’information, l’expertise et le conseil. L’agence épaule l’industrie allemande sur toutes les questions techniques concernant les métaux, les minéraux industriels, les roches et la terre ainsi que les agents énergétiques primaires. Elle consacre l’essentiel de ses efforts à l’évaluation des ressources mondiales et à la sécurité des approvisionnements allemands. Ses autres sujets d’intérêt sont les nouveaux potentiels des matières premières ainsi que leur exploitation efficace et durable (600).
• La loi de 2012 sur l’économie circulaire
La loi pour la promotion de l’économie circulaire et pour une gestion écologiquement rationnelle des déchets du 24 février 2012 définit l’économie circulaire comme « la prévention et le recyclage des déchets ». Elle comprend des règles de suivi du devenir des exportations de déchets valorisables.
Cette loi a été complétée par la mise en œuvre d’un programme national sur l’utilisation efficace des ressources, baptisé Progress, qui intègre un volet « économie circulaire » et un axe stratégique portant sur le recyclage des déchets (« closed life cycle management »). Le programme s’articule autour de cinq objectifs stratégiques, dont les deux suivants :
– sécuriser l’offre de matières premières durables ;
– augmenter l’utilisation efficace des ressources dans la production, notamment par l’innovation, le développement de méthodes de production efficaces dans l’utilisation des ressources, la promotion des systèmes de management environnemental, l’intégration du critère d’utilisation efficace des ressources dans la conception des produits, l’intégration de la préservation des ressources dans la standardisation.
Au-delà des enjeux propres à la seule filière automobile, la France aurait tout à gagner à l’élaboration d’une telle « stratégie matières premières » pour son industrie.
Proposition n° 108 : Élaborer une « stratégie matière première » de la filière automobile, avec le concours du Conseil national de l’industrie et de la PFA.
1. Une antériorité de la filière automobile dans la mise en place de filières de recyclage
L’industrie automobile française est engagée depuis de nombreuses années dans la mise en place de filières de recyclage.
a. La filière véhicule hors d’usage (VHU)
La collecte et la valorisation des véhicules en fin de vie sont, depuis longtemps, au centre des préoccupations des professionnels de l’automobile. Les centres agréés VHU – véhicules hors d’usage – jouent un rôle central dans la récupération de matériaux depuis plus de cinquante ans, au cours desquels les activités de traitement se sont considérablement professionnalisées. Ils constituent une filière à responsabilité élargie des producteurs (REP (601)).
Les centres VHU doivent recevoir un agrément préfectoral (602) et être en conformité avec les dispositions relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Ils sont chargés d’assurer la prise en charge, le stockage, la dépollution et le démontage des véhicules hors d’usage, la dépollution devant impérativement précéder le démontage.
Aux termes de la circulaire du 27 août 2012 (603), les pièces issues de véhicules hors d’usage et destinées à la réutilisation ne peuvent parvenir que d’un centre VHU agréé, seule installation de traitement de déchet habilitée. Le code de l’environnement (604) sanctionne de 75 000 euros d’amende et de deux ans d’emprisonnement le fait de « gérer des déchets […] sans être titulaire de l’agrément ».
En 2016, la filière de traitement des véhicules hors d’usage comptait 1 700 centres VHU, 50 broyeurs agréés et près de 12 000 salariés. Elle est liée aux obligations qui s’imposent aux constructeurs et importateurs de l’automobile. En effet, aux termes de l’article R 543-157 du code de l’environnement, « chaque producteur est tenu de mettre en place, directement ou au travers d’une ou plusieurs entités mandatées par ses soins, un réseau de centres VHU agréés, répartis de manière appropriée sur le territoire national, ayant l’obligation d’accepter (…) tout véhicule hors d’usage remis par un détenteur », les producteurs étant définis comme « les personnes qui construisent des véhicules en France et celles qui, titulaires d’un contrat avec un constructeur étranger, importent ou introduisent en France à titre professionnel des véhicules neufs ».
Le groupe Renault indiquait ainsi que « depuis 2009, Renault est le seul constructeur à avoir investi dans une entreprise spécialiste de la déconstruction de Véhicules Hors Usage (VHU) : Indra anime un réseau français de 350 entreprises qui traitent plus de 300 000 VHU chaque année. Avec Indra, la filière du recyclage automobile se professionnalise : mise en œuvre de l’ingénierie de déconstruction, développement de boucles courtes de matières (platinoïdes, cuivre, polypropylène, textile,…) et d’offres commerciales de pièces de réemploi). Chaque boucle courte est un véritable projet collaboratif visant un plan de développement rentable sur la base de gisements en volume et en qualité, et de débouchés industriels. Il réunit des PME comme Synova ou Duesmann, des start-up comme Innortex, des universités et, aussi des grands groupes comme SNCF ou Federal Mogul ».
Toutefois, comme l’indique une note de l’ADEME de juin 2016, transmise à votre Rapporteure, « cette performance globale masque de vraies disparités chez les acteurs notamment dans la recherche de complémentarité entre les centres VHU et les broyeurs agréés qui finissent le traitement entamé par les centres VHU. Ainsi, 240 couples centre VHU – broyeur ont atteint les deux objectifs (85 % et 95 %) mais environ 2 000 autres couples d’acteurs doivent encore progresser ».
Des filières de recyclage, en particulier des huiles usagées et des pneus, se sont constituées et organisées ces quinze dernières années, grâce à la généralisation du tri dans les ateliers. Ces filières ont prouvé leur efficacité et leur intérêt social et écologique.
La filière du traitement des pneus usagés (605) collecte plus de 85 % des pneus usagés (l’Union européenne fixe un objectif de 97 %) qui sont valorisés, sans subvention des pouvoirs publics, grâce à une éco-contribution prélevée sur les pneus neufs vendus.
La collecte des pneus s’appuie sur un circuit de valorisation et constitue, également, une filière REP. Ainsi, depuis la publication du décret relatif à l’élimination des pneus usagés daté du 24 décembre 2002, deux organismes se sont constitués : ALIAPUR (qui regroupe l’ensemble des manufacturiers du pneumatique présents en France) et France Recyclage Pneumatiques (FRP, groupement d’intérêt économique regroupant des sociétés opératrices de la collecte et du traitement de ces déchets), dont le fonctionnement opérationnel a débuté en 2004. Ces organismes à but non lucratif gèrent de manière mutualisée la collecte et le traitement des déchets de pneumatiques pour le compte de leurs adhérents metteurs sur le marché national. Ces adhérents s’acquittent de leurs obligations par le versement aux deux organismes d’une éco-contribution qui, à ce jour, ne fait pas l’objet d’un affichage ni d’une information pour le consommateur. ALIAPUR et FRP traitent aujourd’hui respectivement 315 000 et 50 000 tonnes de pneus collectés. Ceux-ci font l’objet d’un réemploi (pour 10 à 20 %) et d’une « valorisation matière » (pour 30 %, sous la forme d’une transformation en sols pour aires de jeux ou en poudre destinée à être réutilisée). Ils font, de façon regrettable, encore l’objet d’une « valorisation énergétique » pour environ 50 %.
Au-delà de leurs obligations légales, les acteurs de la filière ont engagé, en 2008, des efforts conjoints pour résorber progressivement les dépôts orphelins et historiques, sous l’égide du Ministère de l’Environnement, de l’énergie et de la mer. Ce premier accord a permis la création et le financement de l’association Recyvalor (606), association à but non lucratif pour la résorption des stocks historiques de pneumatiques usagés. Elle a pour objectif d’organiser l’enlèvement des stocks historiques et la valorisation des pneumatiques qui y sont entreposés. Concrètement, Recyvalor s’engage, sur une période comprise entre 6 et 8 ans, à évacuer et à valoriser les 61 stocks historiques recensés, représentant environ 80.000 tonnes de pneumatiques usagés. Cet engagement représente une implication financière totale de près de 7 millions € de la part des membres de l’association, mais également de l’État qui versera, chaque année, une subvention de 170 000 €.
Les mêmes acteurs ont mis en place, en 2014, une plateforme collaborative d’échange et de concertation, le CORP (comité opérationnel pour le recyclage des pneus), qui associe quinze organismes, des manufacturiers à la valorisation, et vise à contribuer à l’optimisation économique et écologique de la filière.
La filière des huiles usagées en France (607) rassemble 49 entreprises, disposant chacune d’un agrément préfectoral de collecte des huiles dans un ou plusieurs départements. Cet agrément ne peut être attribué qu’aux entreprises respectant des règles strictes, notamment en termes de traçabilité et d’échantillonnage, mais aussi de capacité de collecte sous 15 jours de tout volume d’huiles usagées supérieur à 600 litres. Il existe en moyenne 3,6 agréments par département, ce qui assure à la fois une concurrence vertueuse et une certaine proximité. 300 emplois sont directement issus de l’activité de collecte des huiles usagées. 213 446 tonnes d’huiles usagées ont été collectées en 2014, auprès de 120 000 détenteurs, en 200 000 enlèvements réalisés par 200 véhicules de collecte (608).
La filière est performante : 99 % des huiles collectables le sont. Ces huiles proviennent à 49 % des professionnels de l’automobile, ce gisement étant toutefois en décroissance, en raison de l’espacement des vidanges lié à l’amélioration de la performance des huiles et des moteurs.
63 % des volumes collectés font l’objet d’une valorisation de matière dans les deux usines de régénération existant en France. 37 % font l’objet d’une valorisation énergétique.
A. RÉAGIR VITE FACE À LA SITUATION ALARMANTE DES FILIÈRES DE RECYCLAGE
Les filières du recyclage les plus matures sont aujourd’hui en difficulté, en raison du développement de filières parallèles illégales, mais aussi d’une moindre rentabilité économique liée à l’importation de matériaux à bas coût. Leur modèle économique est en danger.
1. Restaurer la compétitivité de la filière VHU
a. Enrayer la perte de rentabilité économique
La filière VHU est confrontée à des difficultés économiques qui menacent sa pérennité : le cours des métaux industriels a chuté ces dernières années, mettant en péril la rentabilité économique de la filière de déconstruction. Le démantèlement d’un véhicule coûte plus cher que le prix de revient des matériaux revendus. Or, entre juillet et novembre 2015, le prix des carcasses s’est effondré de 160 euros à 20 euros par tonne. La filière VHU se trouve ainsi actuellement déficitaire en moyenne de 25 euros par véhicule, en tenant compte d’un prix d’achat de 190 euros et d’un coût de transport de 90 euros.
Source : CNPA et Banque de France – février 2016
Troisième année de baisse de valeur ajoutée entraînant, pour la première fois en 2014, un ajustement des effectifs totaux employés dans le secteur
C’est pourquoi, votre Rapporteure propose de restaurer la viabilité économique de la filière en instaurant une éco-contribution des propriétaires lors de l’achat de véhicules neufs, destinée à subventionner la filière du traitement des véhicules hors d’usage. Comme une consigne, cette éco-contribution pourrait être récupérée par les propriétaires de véhicules sur présentation du certificat de destruction.
Proposition n° 109 : Pour restaurer la viabilité économique de la filière, instaurer une éco-contribution des propriétaires lors de l’achat de véhicules neufs, récupérable sur présentation du certificat de destruction de leur véhicule.
a. Lutter contre la concurrence des décharges illégales
Une filière de destruction parallèle à la filière légale se développe, organisée essentiellement autour de ferrailleurs illégaux déployant des casses sauvages pour racheter, pour quelques centaines d’euros, des carcasses de véhicules, qu’ils démontent et revendent ensuite « pour pièces » sur Internet ou par petites annonces.
Ces décharges illégales captent une part croissante des véhicules hors d’usage. En 2012, 57 % du gisement de VHU a été traité par la filière légale, contre 77 % en 2009 (609) : un véhicule sur deux emprunte un circuit non professionnel. En 2013, 1,1 million de véhicules ont été pris en charge par les centres VHU, soit une baisse de 26 % par rapport aux années 2009 à 2011.
Les casses sauvages constituent une concurrence déloyale qui menace la pérennité de la filière. En 2012, les ministères de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, de l’Intérieur et du Redressement productif avaient lancé une campagne d’inspection, considérant que « certains centres VHU exercent encore une activité sans agrément. Ces filières illégales de prise en charge des déchets et les trafics associés sont dommageables, tant en termes environnementaux qu’économiques. Elles ne réalisent pas la dépollution dans les règles de l’art, et constituent un frein économique pour le développement de la filière régulière et des emplois correspondants » (610). Au total, le nombre de contrôle a augmenté de 80 %. 572 situations irrégulières ont été constatées débouchant sur 434 mises en demeure, l’évacuation des VHU dans 170 centres et la fermeture de 55 sites illégaux. Les services de l’État ne relâchent pas leurs efforts et des instructions ont été renouvelées pour s’assurer de l’effectivité des inspections, ainsi que des procédures administratives et pénales qui en résultent (611).
En complément, votre Rapporteure propose que le nombre de contrôle soit porté 600 (contre 461 en 2014) et que soient appliquées les sanctions prévues à l’article L.541-46 du code de l’environnement, à l’encontre des centres VHU illégaux, comme des particuliers mettant délibérément leur véhicule à la casse dans un centre illégal (612).
Proposition n° 110 : Maintenir les efforts des services de l’État pour lutter contre les casses illégales :
– porter à 600 par an le nombre de contrôles sur les centres VHU et assurer un suivi des suites administratives et pénales données aux irrégularités constatées ;
– appliquer les sanctions prévues à l’article L. 541 46 du code de l’environnement.
Afin de dissuader les automobilistes de se tourner vers la filière illégale, votre Rapporteure propose également de simplifier les démarches en permettant aux centres VHU de prendre en charge les véhicules dont les papiers ne seraient pas à jour, la régularisation en préfecture intervenant par la suite. En effet, selon le CNPA, les filières illégales profitent de certaines situations administratives, alors que les centres VHU ne peuvent prendre en charge que les véhicules au nom du titulaire de la carte grise. Il est nécessaire d’accepter la destruction de ces véhicules, quitte à corriger ultérieurement, en préfecture, les certificats d’immatriculation et de destruction.
Proposition n° 111 : Permettre aux centres VHU de prendre en charge la destruction de tous les véhicules en prévoyant une procédure de régularisation en préfecture par la suite.
Enfin, une sensibilisation des automobilistes aux enjeux de la fin de vie des véhicules est nécessaire. De nombreux automobilistes ne remettent pas leurs véhicules, devenus hors d’usage, aux centres VHU, ou les confient à une décharge sauvage, par manque d’information quant aux obligations de recyclage et aux procédures administratives à respecter. Les particuliers représentent 60 % du gisement des véhicules hors d’usage, contre 10 % pour les concessionnaires, 18 % pour les assurances et 13 % pour les garages indépendants (613). Une information sur ces obligations de recyclage dans l’examen théorique du permis de conduire, et surtout à l’occasion du contrôle technique, serait pertinente. La notoriété du portail internet : http://www.recyclermavoiture.fr/, qui comporte toutes les informations nécessaires, devrait aussi être améliorée.
Proposition n° 112 : Sensibiliser les automobilistes aux enjeux de la fin de vie des véhicules :
– inclure des questions relatives aux obligations de recyclage et de destruction des véhicules en fin de vie dans l’examen théorique du permis de conduire ;
– diffuser une information à ce sujet lors du contrôle technique ;
– promouvoir le site Internet http://www.recyclermavoiture.fr/
a. Formaliser la fin de vie d’un véhicule
La fin de vie d’un véhicule n’est pas réellement formalisée. Certes, l’article R322-9 du code de la route prévoit la remise d’un certificat de destruction au propriétaire d’un véhicule le remettant à un centre VHU. (614) Ce certificat n’a qu’une valeur informative, et n’est pas exigé dans le cadre de démarches administratives, par exemple auprès des assurances.
Pour inciter les particuliers à confier leur véhicule hors d’usage au circuit légal de revalorisation, votre Rapporteur propose de conditionner l’arrêt du paiement de la police d’assurance à la remise du certificat de destruction.
Proposition n° 113 : Conditionner l’arrêt du paiement de la police d’assurance pour un véhicule hors d’usage à la remise du certificat de destruction.
1. Sauver la filière du rechapage pour les poids lourds
Le recreusage et le rechapage sont deux procédés fondamentaux dans l’optimisation de l’utilisation des ressources par la filière des pneumatiques, en particulier pour les poids lourds. Le recreusage consiste à recreuser des sculptures dans le pneumatique lorsque celles-ci sont usées. Le rechapage repose sur le remplacement de la bande de roulement, selon deux techniques :
– le rechapage à chaud, qui nécessite de reconduire le pneumatique en usine, puis de poser une bande de roulement « crue » et de remettre le pneu dans un moule qui imprime les sculptures. Cette technique est utilisée dans les ateliers Michelin, notamment dans celui de La Combaude ;
– le rechapage à froid, qui conduit à remettre des bandes de roulement préformées sur des carcasses, lesquelles ont préalablement fait l’objet d’une vérification en termes de qualité et de sécurité. Les pneumatiques sont ensuite installés dans des étuves pour obtenir l’adhésion entre la gomme et la carcasse.
Ces procédés sont vertueux :
– socialement, parce que ce secteur emploie 18 000 personnes en Europe ;
– économiquement, parce que les pneus rechapés figurent parmi les solutions les moins onéreuses du marché du remplacement : l’équipement complet d’une flotte poids lourds en pneus rechapés plutôt qu’en pneus mono-vie permettrait d’économiser 10 % du coût total d’usage. De plus, selon Éric Le Corre directeur des affaires publiques du groupe Michelin, « en rechapant un pneu une fois et en le recreusant deux fois, c’est-à-dire en faisant un premier recreusage, puis en rechapant pour remplacer la bande de roulement et en recreusant ensuite cette bande de roulement, un pneu Michelin peut parcourir à peu près un million de kilomètres, contre environ 250 000 kilomètres pour un pneu mono-vie classique » ;
– sur le plan environnemental, car ils permettent de limiter la quantité de matière première nécessaire et le nombre de pneus en fin de vie à traiter : « Dans le cas d’un transporteur qui achète deux pneus mono-vie, vous aurez, en termes d’usage de matière première, deux fois soixante-huit kilos, ce qui représente 136 kg de matière première, contre quatre-vingt-six kilos pour un pneu rechapé (…), soit une économie de matière première de 35 %. En termes de déchets, s’agissant de la première solution, une fois que la bande de roulement est usée, le poids de la carcasse et du reste de gomme représente à peu près cinquante-cinq kilos. L’économie est de 50 % par rapport au poids de deux pneus pesant chacun cinquante-cinq kilos », ainsi, selon Éric Le Corre directeur des affaires publiques du groupe Michelin, « le rechapage est la pierre angulaire de l’approche « économie circulaire » du groupe Michelin ».
Pourtant, la filière du recreusage et du rechapage est aujourd’hui menacée en France et en Europe. En effet, un pneu rechappé coûte désormais plus cher que les pneus « mono-vie » à bas coût, importés massivement des pays d’Asie. Entre 2007 et 2015, « le marché du rechapage a reculé de 25 % en Europe. (…) Dans le même temps, les importations de pneumatiques poids lourds neufs à bas coût en provenance du Sud-Est asiatique ont augmenté de près de 100 % : 4,4 millions de pneus contre 2,2 millions en 2011 » selon le Groupe Michelin qui a précisé devant la mission que « les transporteurs préfèrent, aujourd’hui, acheter des pneus neufs d’entrée de gamme à bas coût plutôt que de faire rechaper leurs pneus poids lourds. Plus de 50 % des flottes de transporteurs européens ont moins de vingt camions et sont confrontées à des difficultés de trésorerie (…). Le pneu rechapé présente un coût de revient kilométrique largement inférieur à celui d’un pneu neuf ; encore faut-il, au départ, sortir la trésorerie nécessaire. »
De ce fait, les ateliers de rechapage sont sous-utilisés en Europe, et fonctionnent en moyenne à 62 % de leurs capacités. Le groupe Michelin a annoncé, le 1er mars 2016, la fermeture de l’atelier de La Combaude, à Clermont-Ferrand, spécialisé dans le rechapage. Cette fermeture faisait suite à celles, en novembre 2015, d’une activité de rechapage à Oranienburg, en Allemagne, et d’un atelier de rechapage à Alessandria, en Italie. Cette situation n’affecte pas seulement le groupe Michelin : son principal concurrent Goodyear a annoncé la fermeture de son site de rechapage de Wolverhampton, au Royaume-Uni, qui représente une centaine d’emplois ; son concurrent italien Marangoni a également annoncé un plan social de 150 personnes pour son usine de Rovereto. De nombreux équivalents allemands sont en train de déposer leur bilan, comme Respa ou Haemmerlin. Il y aurait également de nombreuses fermetures d’ateliers de rechapage en Europe centrale.
Au total, d’après l’estimation de Michelin, à peu près 1 800 emplois dans ce secteur auraient été supprimés en Europe depuis 2011 et 18 000 emplois seraient menacés. En ce qui concerne Michelin cependant, les emplois supprimés ne correspondront pas à des licenciements, mais à des reclassements dans d’autres fonctions, facilités par une pyramide des âges entraînant de nombreux départs à la retraite dans les années à venir.
Agir pour sauver cette filière est indispensable. Les pouvoirs publics ont jusqu’ici, hélas, fait preuve d’une grande inertie.
Votre Rapporteure propose de soutenir la filière du rechapage en :
– créant des facilités de trésorerie dédiées à l’achat, par les flottes de transporteurs, de pneus rechapés, plus chers à l’achat mais plus rentables à moyen terme ;
Proposition n° 114 : Créer des facilités de trésorerie dédiées pour permettre aux transporteurs d’acquérir des pneus rechapés, plus chers à l’achat, mais plus rentables à moyen terme.
– modulant à la baisse de l’éco-contribution sur les pneus rechapés. Les pneus à bas coûts n’étant pas rechapables, cette modulation permettrait d’équilibrer l’écart de prix entre les produits importés – qui seraient soumis à une éco-contribution plus élevée – et les pneus premium rechapés. La mise en œuvre de cette proposition requiert de faire apparaître l’éco-contribution au bas des factures des pneumatiques achetés. Ce dernier point est encore, à la date de publication du rapport, discuté dans le cadre du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (615) transmis pour nouvelle lecture à l’Assemblée nationale après échec de la commission mixte paritaire le 14 septembre 2016.
Proposition n° 115 : Instaurer la visibilité de l’éco-contribution sur les factures des pneumatiques de manière à pouvoir, dans un second temps, envisager sa modulation à la baisse sur les pneus rechapés.
Les pratiques relevant de la concurrence déloyale imposent par ailleurs une réelle surveillance du marché des pneumatiques grâce à :
– des contrôles de la DGCCRF sur le marché des pneumatiques : Il s’agit de contrôler, en particulier, la performance des pneus et leur bon étiquetage. Selon le groupe Michelin, « la France est le dernier pays à avoir désigné une autorité de surveillance des marchés en ce qui concerne la réglementation sur les seuils de performance et l’étiquetage des pneumatiques, à savoir la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). D’autres pays européens sont, sur ces sujets, largement en avance par rapport à nous, notamment l’Allemagne ». Il est indispensable, pour assurer une surveillance des marchés effective, de multiplier les contrôles effectués par la DGCCRF ;
Proposition n° 116 : Développer les contrôles de la DGCCRF sur le marché des pneumatiques pour contrôler leur bon étiquetage et leurs performances.
– l’instauration, au niveau européen, d’un tarif douanier pour les pneus mono-vie importés en Europe. Les traités européens autorisent en effet, dans le commerce avec des pays tiers, à prévoir un « ajustement carbone » aux frontières, afin que le coût des produits importés reflète leur coût en termes de pollution. De telles mesures – envisagées plus largement que pour les seuls pneus mono-vie – ont été évoquées par le Président de la République lors de la conférence environnementale de 2013. Un tel « ajustement carbone », qui conduirait à renchérir les prix des pneus mono-vie de manière à rendre les pneus européens rechappés compétitifs, devrait être conçu de manière à respecter les règles de l’organisation mondiale du commerce. Une jurisprudence de l’organe de règlement des différends de l’OMC montre qu’elle pourrait être admise.
Proposition n° 117 : Faire usage, à l’échelle européenne, de l’« ajustement carbone » aux frontières, pour que les tarifs douaniers reflètent le coût environnemental des pneus mono-vie importés, en comparaison des pneus rechapés, et lutter ainsi contre cette concurrence déloyale.
A. ORGANISER LA RÉSILIENCE DE LA FILIÈRE AUTOMOBILE FACE AUX ÉVOLUTIONS PRÉVISIBLES DU PRIX DES MATIÈRES PREMIÈRES
1. L’éco-conception des véhicules : faire de l’automobile la première industrie à empreinte écologique positive
L’avenir est à l’éco-conception des véhicules, c’est-à-dire à la prise en compte, dès la conception du produit, de ses effets sur l’environnement et la santé, tout au long de son cycle de vie, depuis sa fabrication jusqu’à son élimination, tout en préservant ses qualités et ses performances, et en particulier :
– les substances, pour limiter l’emploi de substances dangereuses et les remplacer chaque fois qu’une solution alternative existe ;
– les matériaux, pour limiter leur diversité ou employer des matériaux verts ou des matériaux facilement valorisables ;
– la facilité de mise en sécurité du véhicule lors de son recyclage ;
– la facilité de démontage des pièces destinées à la valorisation matière, en optimisant les fixations ;
– l’utilisation de technologies éco-efficaces en termes de consommation d’énergie et de matière première.
Un devoir d’éco-conception prévu par le code de la route
En vertu de l’article R318-10 (616) du code de la route, les constructeurs sont soumis à des obligations de recyclage, qu’ils doivent prendre en compte dès conception de leur véhicule :
« I.-Les voitures particulières et les camionnettes doivent être construites de façon à limiter l’utilisation de substances dangereuses afin de prévenir le rejet de ces substances dans l’environnement, de faciliter le recyclage des composants et matériaux des véhicules et d’éviter d’avoir à éliminer des déchets dangereux au sens des articles R. 541-7 à R. 541-11 du code de l’environnement […].
II.-Les voitures particulières et les camionnettes doivent être construites de façon à faciliter leur démontage et leur dépollution lors de leur destruction ultérieure ainsi que le réemploi ou la valorisation, en particulier le recyclage, de leurs composants et matériaux. Les composants et matériaux de ces véhicules font l’objet d’une codification afin de faciliter l’identification de ceux qui peuvent être réemployés et valorisés. Un arrêté conjoint des ministres chargés des transports, de l’environnement et de l’industrie fixe les modalités d’application du présent II.
III.-Le respect des dispositions des I et II ci-dessus est vérifié lors de la réception communautaire prévue par les articles R. 321-6 à R. 321-14 du présent code. »
L’éco-conception implique de reconsidérer l’usage de tous les matériaux intervenant dans la fabrication d’une voiture. Certaines pièces des véhicules sont déjà concernées, dans proportions encore limitées. Les recherches en cours visent à développer l’utilisation de matériaux éco-conçus, en particulier comme matériaux de substitution aux plastiques d’origine fossile ainsi qu’à certains métaux.
Ces matériaux peuvent être :
– des matériaux recyclés, provenant des filières de recyclage des produits de consommation (plastiques usagés, résidus de broyage de voitures, bouteilles en plastique...). Ainsi, chez Renault, « l’usage de matières recyclées s’est développé pour atteindre, en 2013, 29 % de la masse des véhicules, et [le] plan 2016 fixe un nouveau progrès de 10 %. L’incorporation de matières permet de fermer les boucles de manière rentable, et génère des économies sur les coûts matières. Les 17 % de plastiques recyclés du Captur représentent une économie de 14 € sur chaque véhicule produit. Et l’Espace 5, avec un taux de 20 %, intègre près de 55 kg de plastiques recyclés » ;
– des matériaux naturels, dont les fibres peuvent être utilisées directement dans les procédés de fabrication. C’est le cas du bois, du lin, du chanvre, du sisal... ;
–des matériaux biosourcés, fabriqués à partir de matières premières renouvelables d’origine végétale et de culture non alimentaire ;
– des matériaux issus d’associations entre matériaux bio-sourcés et matériaux naturels par exemple. Ils peuvent également « renforcer » des thermoplastiques pour créer des matériaux composites.
Pour supplanter l’usage des matières premières habituelles, les matériaux s’inscrivant dans l’éco-conception doivent satisfaire trois critères : être économiquement compétitifs ; être fonctionnels (les éléments doivent être aussi efficaces et résistants) ; et enfin être esthétiques.
La voiture éco-conçue
Source : PFA – http://www.planeteautomobile.com/filiere-automobile/eco-conception-recyclage/vehicules-valorisables/
Les constructeurs sont conscients des enjeux. Pour Renault « dès les premières études de recyclage, des règles de conception facilitant le captage (démontage des pièces, séparation des matières), et les débouchés (incorporation de matières recyclées dans les pièces neuves, développement des offres de remanufacturing) ont été mises en place ». Il en va ainsi des batteries des véhicules électriques : « la batterie est considérée sur l’ensemble de son cycle de vie, intégrant un usage de seconde vie, puis une fin de vie où les matières contribueront aux futures batteries. C’est aussi repenser la durabilité des véhicules sous l’angle multi-usagers, au-delà de l’approche traditionnelle qui ne considère que les années d’usage et les kilomètres parcourus ».
L’éco-conception suppose d’élargir les partenariats de l’industrie automobile, au-delà de la filière traditionnelle. S’agissant par exemple de Renault « des « start-up » innovantes ont permis de « fermer la boucle » par leurs savoir-faire en compounds plastiques et en fibre textile recyclée pour produire des pièces automobiles. Elles deviendront des entreprises pérennes, via la sécurisation de leur plan de développement par des débouchés industriels ».
Les consommateurs ne sont pas informés des efforts accomplis par les constructeurs en matière d’éco-conception. Votre Rapporteure propose d’y remédier par la création d’un label attestant de l’utilisation d’un pourcentage – à déterminer avec les acteurs de la filière de manière à être à la fois réaliste et ambitieux – de matières premières éco-conçues.
Proposition n° 118 : Créer un label éco-conception, attestant de l’utilisation dans la fabrication du véhicule d’un pourcentage – à déterminer avec les acteurs de la filière de manière à être à la fois réaliste et ambitieux – de matériaux naturels, recyclés ou biosourcés.
1. Développer l’usage des pièces de réemploi
L’utilisation de pièces de réemploi, pour la réparation des véhicules, doit être encouragée :
– l’usage de pièces de réemploi, moins chères que les pièces neuves, permet aux ménages d’obtenir des gains de pouvoir d’achat et de bénéficier de pièces de qualité à moindre coût ;
– elle permet à la France d’atteindre les taux de valorisation et de recyclage/réutilisation des véhicules hors d’usage définis par l’Union européenne (respectivement 95 % et 85 % depuis le 1er janvier 2015) ; ces taux de valorisation et de recyclage/réutilisation des VHU en France ont respectivement atteint 89.3 % et 85.2 % en 2013 ;
– elle crée des débouchés pour la filière des véhicules hors d’usage, dont les pièces démontées sont, hélas, de plus en plus exportées, vers l’Inde ou la Chine, faute d’être utilisées en France (en 10 ans, les exportations de produits issus du recyclage ont ainsi augmenté de 70 %). Comme l’indique l’ADEME, « dans un contexte de baisse des recettes liées à la vente des matières sur le marché du recyclage, le développement du marché des pièces issues de l’économie circulaire devrait aussi contribuer à atténuer chez les centres VHU les effets de la crise économique à laquelle ils sont confrontés comme de nombreux autres secteurs d’activité et maintenir la rentabilité globale de la filière ».
– elle s’inscrit dans une perspective d’économie de la fonctionnalité, en fidélisant les clients d’une marque sur une durée plus longue de la vie du produit.
L’ONG International Resource Panel estime que la remise à neuf d’une pièce usagée permettrait de réduire de 50 % les émissions de gaz à effet de serre, de 90 % la consommation d’eau, de 80 % la consommation d’énergie et de 99 % la consommation de matériaux, par rapport à la fabrication d’une pièce neuve.
Le secteur automobile utilise déjà les pièces de réemploi, source d’économies significatives pour une fiabilité équivalente et un moindre coût environnemental, comme le rappelle le CNPA dans son « Pacte de mobilité » (617). En moyenne environ 94 kg de pièces de réutilisation sont démontés d’un VHU aujourd’hui pour être revendues directement aux clients utilisateurs ou à des entreprises spécialisées dans la rénovation (618). Au niveau national, environ 8,5 millions de pièces de réutilisation sont extraites des VHU chaque année. Pourtant, le marché de la pièce de réemploi ne représente qu’environ 2 % du marché de la pièce de rechange, soit 300 millions d’euros par an. Les marges de progrès sont importantes, d’autant que près de 69 % des Français sont prêts à réparer leur voiture avec une pièce recyclée (85 % pour les jeunes de 18 à 25 ans) (619).
Chez Renault « l’offre de pièce de réemploi a été testée dans une région dès 2010, puis s’est généralisée en France sur les trois dernières années. C’est dorénavant une offre rendue mature par le développement, pour le réseau commercial, d’une plateforme de mutualisation des pièces disponibles chez les démolisseurs. Cela a permis de généraliser l’offre auprès de 10 000 réparateurs […]. La couverture des offres de pièces de rechange, issues des activités circulaires, pèse plus de 200 M€ chaque année dans le chiffre d’affaires de l’après-vente, auquel s’ajoutent les activités organisées autour des déchets et de la fin de vie pour un chiffre d’affaires de 370 M€ ». Le Groupe est désormais en mesure de proposer de permettre « aux réparateurs de proposer, pour 92 % du parc roulant, une offre commerciale à des prix cohérents avec la valeur résiduelle du véhicule, tout en préservant les ressources ».
Deux initiatives prometteuses du CNPA
– le CNPA a créé en 2002, avec l’ADEME, l’Observatoire national des déchets de l’automobile (ONDA), qui vise à promouvoir les bonnes pratiques environnementales auprès des professionnels ;
– le CNPA a encouragé la création, en 2011, de la société Global PRE. Cette société, organisée par les recycleurs de l’automobile, propose une référence universelle de la pièce de réemploi. L’outil permet aux professionnels de la réparation automobile de chiffrer une réparation, de consulter l’état du stock national mutualisé – alimenté et renseigné par les centres agréés VHU qui l’utilisent – et de commander la pièce dont ils ont besoin. Le réparateur peut ainsi obtenir, à partir de la référence du constructeur ou de l’équipementier, une équivalence en pièce de réemploi. Aujourd’hui, un million de pièces de réemploi sont en stock disponibles en ligne sur www.globalpre.fr. Ces pièces sont globalement moins chères, et bénéficient d’une logistique courte, sans intermédiation inutile.
L’article 77 de la loi de transition énergétique, relatif aux pièces de réemploi, est une avancée. Il vise à permettre au consommateur d’opter systématiquement pour l’utilisation de pièces de rechange issues de l’économie circulaire.
Les avancées de la loi de transition énergétique en matière de pièces de réemploi :
Le décret d’application de l’article 77, paru le 30 mai 2016, et entrant en vigueur au 1er janvier 2017 :
– rend obligatoire pour le professionnel qui commercialise des prestations d’entretien ou de réparation de voitures particulières et de camionnettes de permettre au consommateur d’opter pour l’utilisation de pièces de rechange issues de l’économie circulaire à la place de pièces neuves ;
– prévoit des dérogations à cette obligation, lorsque le délai d’obtention de la pièce de réemploi est incompatible avec le délai d’immobilisation du véhicule mentionné sur le document contractuel, ou lorsque le réparateur estime que cette utilisation présenterait des risques pour la sécurité ou l’environnement ;
– définit comme « pièces issues de l’économie circulaire » les composants et éléments qui sont commercialisés par les centres de traitement de véhicules hors d’usage (VHU) agréés et les composants et éléments remis en état conformément aux spécifications du fabricant commercialisés sous la mention « échange standard » ;
– précise les catégories de pièces issues de l’économie circulaire concernées par ces dispositions : les pièces de carrosserie amovibles ; les pièces de garnissage intérieur et de la sellerie ; les vitrages non collés ; les pièces optiques ; les pièces mécaniques ou électroniques, sous certaines réserves.
Ces dispositions doivent contribuer à créer des débouchés significatifs pour les centres VHU. Néanmoins trois difficultés doivent encore être levées :
– un marché parallèle des pièces de réemploi se développe sur internet : la vente de pièces automobiles d’occasion est une activité très présente sur les plateformes, alors même que sa légalité est contestable. Cette pratique a des effets négatifs sur l’ensemble de la filière, car elle entretient la vente de pièces non tracées et peut avoir des conséquences en termes de sécurité ;
– une incohérence persiste : alors que la pièce détachée traitée et valorisée dans une installation ICPE peut être utilisée comme pièce de rechange, la réglementation nationale la considère toujours comme un « déchet », au titre des circulaires du 24 décembre 2010 et du 27 juillet 2012, faisant référence à la directive cadre déchets 2008/98/CE. L’État n’a pas saisi la possibilité ouverte par l’article 2 de cette directive européenne, pour sortir de la catégorie de « déchets » certaines pièces par des actes dérogatoires. Cette réglementation entre par ailleurs en contradiction avec les cahiers des charges imposés par les assureurs aux réparateurs automobiles. Enfin, elle bloque toute exportation de la pièce de réemploi, du fait du règlement du 14 juin 2006 sur le transfert des déchets. Le traitement spécifique opéré par les centres VHU agréés répond pourtant à l’ensemble des critères énumérés à l’article L.541-4-3 du code de l’environnement, qui définit la procédure de sortie du statut de déchet, et devrait pouvoir s’appliquer en l’espèce ;
– le nouvel article R121-29 du code de la consommation, qui liste les pièces de l’économie circulaire concernées par les dispositions relatives à la pièce de réemploi est restrictif : il n’apparaît pas judicieux de lister, de façon exhaustive, les pièces concernées, eu égard à la rapidité de l’évolution de la technologie ou des matériaux. Ceci est d’autant plus préjudiciable que les pièces mentionnées ne conviennent pas aux professionnels, représentés par le CNPA, qui estiment qu’elles ne sont représentatives ni des pièces vendues actuellement par les centres VHU aux réparateurs, ni des pièces posées par un réparateur...
C’est pourquoi, l’utilisation des pièces de réemploi doit être à la fois mieux valorisée et mieux encadrée. À cet égard, votre Rapporteure invite à considérer les propositions formulées par le CNPA, dans son pacte de mobilité paru en 2016, afin que :
– toute vente de pièces de réemploi soit accompagnée d’une facture indiquant le numéro d’agrément du centre VHU qui a dépollué, démonté et contrôlé la pièce, pour lutter contre les filières illégales ;
– la pièce de réemploi soit exclue du statut de « déchet » pour lui conférer le statut de « produit ». Le cadre européen est en cours de révision et plusieurs produits peuvent désormais sortir du statut de déchets, notamment les pneus. Les pièces démontées dans les centres VHU agréés pourraient en bénéficier de même en vertu des directives 2008/98 relative aux déchets, et 2005/53/CE (620), avec un cadre juridique clair, garantissant à l’acheteur toute la sécurité nécessaire. En pratique, il s’agirait, par exemple, de spécifier dans le cahier des charges de l’agrément de centre VHU que toute pièce issue d’un centre VHU agréé retrouve son statut de « produit » dès lors qu’elle a effectué tous les stades de valorisation, de contrôle et de traçabilité ;
– la rédaction de l’article R121-29 soit modifiée pour en supprimer la liste des pièces concernées, et surtout son caractère exhaustif ;
– une modulation de TVA incitative soit appliquée pour l’usage de pièces de réemploi (actuellement, le taux maximum s’applique).
Proposition n° 119 : Soutenir l’usage des pièces de réemploi :
– obliger toute vente de pièces de réemploi à être accompagné d’une facture indiquant le numéro d’agrément du centre VHU qui a dépollué, démonté et contrôlé la pièce ;
– exclure la pièce de réemploi du statut de déchet pour lui conférer celui de produit ;
– modifier la rédaction de l’article R121-29 pour en supprimer la liste des pièces concernées, et surtout son caractère exhaustif ;
– proposer une modulation de TVA pour l’usage de pièces de réemploi.
1. La nécessité d’une planification et d’une participation des territoires
Le déploiement de l’économie circulaire nécessite une planification et une participation des territoires, en raison, notamment, de l’importance du maillage territorial des centres de traitement des VHU.
RÉPARTITION DES ACTIVITÉS DE COLLECTE ET DE RECYCLAGE :
UNE RÉPARTITION TERRITORIALE HARMONIEUSE
Source : CNPA et Banque de France – février 2016
Mais au-delà des réseaux et des circuits de collectes de pièces des véhicules usagés, tous les sites industriels de l’automobile, dont la présence irrigue les territoires, sont concernés par le développement de l’écologie industrielle et territoriale, au sujet de laquelle le ministère de l’Environnement, de l’énergie et de la mer a développé un méthodologique (621). Destiné aux collectivités et aux entreprises, il vise à donner des informations et des conseils concrets pour initier, mettre en place, développer et pérenniser l’économie circulaire dans les territoires.
Votre Rapporteure suggère de prolonger cette démarche par une étude spécifique aux caractéristiques des flux de matière propres à l’industrie automobile, qui pourrait donner lieu à un travail conjoint de l’ADEME et de la PFA débouchant sur un plan d’action.
Proposition n° 120 : Missionner l’ADEME et la PFA pour établir un plan d’action relatif au développement de l’économie circulaire et de l’écologie industrielle liée à l’automobile dans les territoires.
Ceci constitue un préalable nécessaire à la mise en place, dans les années à venir, d’une véritable planification territoriale de l’économie circulaire, exploitant les synergies propres à chaque région, et assurant le caractère « durable » des industries liées à l’automobile dans les territoires.
Proposition n° 1 : Formaliser, avant fin 2016, l’acte fondateur de l’alliance française écologie-automobile, sous la forme d’engagements réciproques et volontaires, donnant lieu à un protocole signé par l’État et la filière automobile :
Les engagements de l’État |
Les engagements de la filière automobile |
- Un engagement résolu de la France pour obtenir la refondation complète du cadre réglementaire européen, avec l’élaboration d’une norme Euro 7 unique, intégrant tous les paramètres de pollution. |
- Un rôle moteur au sein de l’industrie automobile européenne en faveur d’un cadre réglementaire exigeant sur le plan environnemental. |
- La « règle des 5 ans » : un délai de cinq ans minimum avant l’entrée en vigueur d’une nouvelle norme, et l’annonce dix ans à l’avance d’un objectif cible pour les nouveaux progrès à accomplir. |
- L’augmentation des budgets de R&D et des investissements pour faire partie des pionniers du véhicule du XXIème siècle : véhicule zéro émission, révolution des usages et véhicule autonome, éco-conception. |
- Des contrôles drastiques, avec notamment la création d’un organisme d’enquête indépendant réalisant des tests aléatoires sur les véhicules en circulation en France, sans attendre la nécessaire création d’une agence européenne. |
- L’exemplarité des marques françaises par la transparence, l’accélération des programmes de mise en conformité, le choix de l’optimum technologique en matière de traitement des émissions polluantes et l’anticipation de la mise en place du RDE. |
- La neutralité technologique et fiscale, avec la suppression progressive de tous les avantages fiscaux au diesel en cinq ans, y compris pour les véhicules d’entreprise, et la montée en puissance de la taxe carbone pour soutenir le déploiement du véhicule zéro émission. |
- L’accélération de la modernisation des usines et de la diversification des productions pour permettre le maintien des bases industrielles malgré la réduction de la part du diesel dans les ventes de véhicules neufs. |
- Le soutien au renouvellement du parc, par le contrôle écologique des véhicules en circulation et le doublement de la prime à la conversion destinée aux ménages modestes. |
- Le développement du « Origine France Garantie » et l’apport de nouveaux volumes de production en France. |
- Le plan « France véhicule autonome » doté de 500 millions d’euros et une feuille de route pour faciliter les expérimentations, lever les blocages réglementaires et favoriser l’innovation. |
- La refonte et la simplification des instances stratégiques de la filière automobile pour intégrer le développement des services et la révolution des usages. |
- L’accélération du déploiement des infrastructures électriques et du bioGNV pour les transports lourds. |
- La recherche de partenariats pour les développement d’une industrie européenne des batteries. |
- La stabilité durable des participations de l’État au capital de PSA et de Renault, comme actionnaire de référence et de long terme guidé par une stratégie industrielle plus que par la recherche de dividendes. |
- Un pacte de solidarité pour mettre un coup d’arrêt à la dégradation des relations avec les équipementiers et soutenir les acteurs de la filière à l’international (aider les PME à devenir des ETI). |
PREMIÈRE PARTIE : POUR UNE RÉFORME RADICALE
Proposition n° 2 : Exiger de l’Union européenne d’accorder ses valeurs limites d’exposition aux polluants avec les seuils définis par l’OMS. Il est anormal que certaines des valeurs limites applicables dans les États membres de l’Union européenne demeurent plus élevées que celles à vocation universelle de l’OMS.
Proposition n° 3 : Renforcer les moyens dévolus aux études et expérimentations sur l’impact des plus petites particules (de tailles inférieures aux PM2,5) et des nanoparticules. Des études de quantification doivent être conduites pour mettre à jour la complexité des réactions et interactions générant des composés volatils issus de mélanges, notamment avec des oxydes d’azote, mais aussi avec d’autres éléments polluants non réglementés.
Proposition n° 4 : Afin de mieux distinguer les particules et résidus issus de l’usure des pneumatiques et des dispositifs de freinage en fonction des caractéristiques des chaussées, confier des études à des organismes publics et indépendants sur les moyens de mesurer plus précisément leurs émissions, d’améliorer les connaissances sur leur consistance ainsi que sur le degré de toxicité des résidus de faibles dimensions (PM1 et nanoparticules). À ce jour, les expertises relèvent trop exclusivement des industriels impliqués dans ces activités, il en résulte des fortes divergences dans les constatations d’émissions et pour l’appréciation de leurs impacts sanitaires éventuels : une connaissance objective de ces facteurs doit être mise à jour.
Proposition n° 5 : Interdire expressément les techniques dites d’« optimisation » des protocoles d’homologation dans la nouvelle législation européenne, en établissant une liste formelle et complète des pratiques proscrites.
Proposition n° 6 : Interdire strictement tout dispositif d’invalidation et supprimer, en conséquence, dans la réglementation européenne, toute dérogation à cette interdiction. La France doit proposer une modification de l’article 5.2 en supprimant les dispositions a) b) c) de cet article.
Proposition n° 7 : Pour une norme unique : ouvrir le chantier de l’élaboration d’une nouvelle norme Euro 7, sur une base refondée.
La France doit exiger l’ouverture rapide d’une négociation européenne en vue de l’élaboration d’une norme Euro 7 :
– identique pour tous les véhicules à énergie fossile, diesel comme essence ;
– intégrant tous les paramètres de pollution et remettant en cohérence toutes les directives relatives au climat et à la qualité de l’air qui s’appliquent à l’automobile ;
– fixant le nouvel horizon des progrès à accomplir en matière de NOx, de particules fines et de CO2.
Proposition n° 8 : La « règle des 5 ans » : respecter un délai de 5 ans entre l’adoption par les pouvoirs publics d’une nouvelle norme environnementale applicable à l’automobile et son entrée en vigueur effective.
Parallèlement, affirmer, dix ans à l’avance, le nouvel objectif cible en matière de protection du climat et de l’environnement, afin de favoriser la R&D et l’innovation.
Proposition n° 9 : Créer une Agence européenne indépendante en charge :
– de la surveillance de marché et du contrôle de conformité des véhicules en circulation ;
– des procédures de sanctions en cas de non-conformité ;
– de l’agrément des services techniques désignés par les autorités nationales d’homologation pour garantir le respect de standards de qualité et de déontologie.
Un mémorandum de la France, adressé à ses partenaires européens, doit ouvrir le débat sur cette proposition dans le cadre de l’examen de la proposition de règlement relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules.
Proposition n° 10 : Achever la réforme du statut de l’UTAC dans les meilleurs délais, pour assurer l’indépendance de cette structure privée, la préserver de tout soupçon de conflit d’intérêt.
Proscrire la pratique des « homologations à domicile » en renforçant les moyens techniques de l’UTAC au travers d’un plan d’investissement concomitant à l’évolution de son statut juridique.
Proposition n° 11 : Projet de loi relatif à la création d’un service à compétence nationale chargé du contrôle a posteriori des émissions polluantes des véhicules en circulation, dénommé Bureau d’enquête et d’analyse sur la pollution des véhicules (dit BEA-PV).
Après le chapitre IX du titre II du livre II du code de l’environnement, insérer les dispositions suivantes :
Article 1er : « Au sens du présent titre, le transport routier comprend le transport par deux-roues motorisées, par véhicules particuliers légers, par véhicules utilitaires légers et par poids lourds ; au sens du présent titre, les émissions polluantes désignent l’ensemble des émissions de gaz polluants et de particules mesurées au stade de l’homologation des véhicules. »
Article 2 : « Il est instauré une procédure de mesure des émissions polluantes des véhicules de transport routier en circulation visant à contrôler leur conformité aux mesures d’homologation du véhicule. Le constat de mesures anormalement élevées au regard des valeurs présentées lors de l’homologation du véhicule peut donner lieu à la conduite d’une enquête technique. »
Article 3 : « L’enquête technique prévue à l’article 2 a pour objet de prévenir de futurs dépassements d’émissions polluantes par les véhicules en circulation. Sans préjudice, le cas échéant, de l’enquête judiciaire qui peut être ouverte, elle consiste à collecter et analyser les informations utiles, à déterminer les circonstances et les causes certaines ou possibles des dépassements et, s’il y a lieu, à établir des recommandations. »
Article 4 : « Un rapport de mesure, puis, le cas échéant, un rapport d’enquête technique sont établis par l’organisme permanent responsable des mesures des émissions polluantes et éventuelles enquêtes mentionnées à l’article 6. Ces rapports sont rendus publics, au terme de la mesure ou de l’enquête. Ils n’indiquent pas les noms des personnes. Ils ne font état que des informations résultant de la mesure et de l’enquête nécessaires à la détermination des circonstances et des causes des mesures et à la compréhension des recommandations. Avant que les rapports ne soient rendus publics, les techniciens de mesure et les enquêteurs peuvent recueillir les observations des autorités, entreprises et personnels intéressés qui sont tenus au secret professionnel concernant les éléments de cette consultation. »
Article 5 : « Le procureur de la République reçoit copie du rapport d’enquête technique en cas d’ouverture d’une procédure judiciaire. »
Article 6 : « La mesure des émissions polluantes des véhicules de transport routier en circulation et la conduite éventuelle d’une enquête technique résultant du constat d’émissions anormalement élevées mentionnées à l’article 2 sont effectuées par un organisme permanent spécialisé. »
Article 7 : « Dans le cadre de la mesure des émissions polluantes et de l’enquête technique, l’organisme et les personnes chargées de la mesure et de l’enquête agissent en toute indépendance et ne reçoivent ni ne sollicitent d’instructions d’aucune autorité ni d’aucun organisme dont les intérêts pourraient entrer en conflit avec la mission qui leur est confiée. »
Article 8 : « Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de commissionnement des techniciens de mesure et des enquêteurs techniques et personnes chargées des enquêtes, les conditions d’agrément des enquêteurs de première information et les conditions de nomination des membres des commissions d’enquête. Il définit également dans quels cas et selon quelles procédures les techniciens de mesure et enquêteurs techniques de nationalité étrangère peuvent être autorisés à participer à des investigations sur le territoire national, lorsque leur participation est nécessaire au bon déroulement de l’enquête. Ils sont soumis aux dispositions de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires et en particulier aux dispositions des articles 1 à 6 relatifs à la prévention des conflits d’intérêts. »
Article 9 : « Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de prélèvement et d’immobilisation des véhicules qui doivent faire l’objet de mesures des émissions polluantes, ainsi que les modalités de mesures des émissions. »
Article 10 : « Les techniciens de mesure et les enquêteurs techniques peuvent rencontrer toute personne concernée et obtiennent, sans que puisse leur être opposé le secret professionnel, communication de toute information ou de tout document concernant les circonstances, entreprises, organismes et matériels en relation avec la mesure des émissions polluantes, et concernant notamment la construction, la certification, l’entretien, l’exploitation des véhicules. Les enquêteurs peuvent organiser ces rencontres en l’absence de toute personne qui pourrait avoir intérêt à entraver l’enquête. Les témoignages, informations et documents recueillis ne peuvent être utilisés par les enquêteurs techniques à d’autres fins que l’enquête technique elle-même, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie leur divulgation. Il est établi une copie des documents placés sous scellés par l’autorité judiciaire à l’intention de ces enquêteurs. Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Article 11 : « Les personnels de l’organisme permanent de mesure et les personnes chargées de l’enquête, y compris les enquêteurs de première information et les membres des commissions d’enquête ainsi que les experts auxquels il est éventuellement fait appel sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues par l’article 226-13 du code pénal. »
Article 12 :
« I. - Par dérogation aux dispositions de l’article L11, le responsable de l’organisme permanent de mesure et d’enquête est habilité à transmettre des informations résultant de l’enquête technique, s’il estime qu’elles sont de nature à prévenir un risque d’atteinte grave à l’environnement ou à la santé publique :
1° A l’autorité judiciaire. En cas de décision d’ouverture d’une procédure judiciaire, le procureur de la République reçoit alors copie du rapport d’enquête technique ;
2° Aux autorités administratives chargées de l’environnement et de la santé publique ;
2° Aux dirigeants des entreprises de construction ou d’entretien des véhicules, des matériels de transport ou de leurs équipements ;
3° Aux personnes physiques et morales chargées de l’exploitation des véhicules ou des matériels de transport ;
II. ― Le responsable de l’organisme permanent responsable des enquêtes et, le cas échéant, les présidents des commissions d’enquête sont habilités, dans le cadre de leur mission, à rendre publiques des informations à caractère technique sur les constatations faites par les enquêteurs, le déroulement de l’enquête technique et, éventuellement, ses conclusions provisoires. »
Article 13 : « Sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, des éléments des procédures judiciaires en cours permettant de réaliser des recherches ou enquêtes scientifiques ou techniques, destinées notamment à prévenir la réitération des dépassements, ou à faciliter l’indemnisation des victimes, peuvent être communiqués à des autorités ou organismes habilités à cette fin, par arrêté du ministre de la justice, pris, le cas échéant, après avis du ou des ministres intéressés. Les agents relevant de ces autorités ou organismes qui reçoivent ces informations sont tenus au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal. »
Article 14 : « Les informations ou documents relevant du secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaires peuvent être communiqués aux enquêteurs techniques avec l’accord du procureur de la République. »
Article 15 : « Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait d’entraver l’action des enquêteurs techniques :
1° Soit en s’opposant à l’exercice des fonctions dont ils sont chargés ;
2° Soit en refusant de leur communiquer les enregistrements, les matériels, les informations et les documents utiles, en les dissimulant, en les altérant ou en les faisant disparaître. »
Proposition n° 12 : Projet de décret relatif à la création d’un service à compétence nationale chargé du contrôle a posteriori des émissions polluantes des véhicules en circulation, dénommé Bureau d’enquête et d’analyse sur la pollution des véhicules (dit BEA-PV).
Insérer à la partie réglementaire du chapitre IX du titre II du livre II du code de l’environnement, les dispositions suivantes :
Article 1er : « L’organisme permanent spécialisé chargé, en application des dispositions de la loi relative à la création d’un service à compétence nationale chargé du contrôle a posteriori des émissions polluantes des véhicules en circulation, de procéder aux mesures des émissions polluantes des véhicules en circulation et, en cas de constatation de valeurs anormalement élevées, des enquêtes destinées à en établir les causes et les responsabilités est un service à compétence nationale dénommé « Bureau d’enquête et d’analyse sur la pollution des véhicules », ci-après dénommé « BEA-PV »
Article 2 : « Le directeur du BEA-PV dirige l’action de celui-ci. Il a autorité sur les personnels. Il est l’ordonnateur secondaire des recettes et des dépenses du service. Il peut déléguer sa signature aux fonctionnaires et agents relevant de son autorité. »
Article 3 : « Le directeur du BEA-PV fixe les méthodes des mesures des émissions polluantes des véhicules en circulation et le champ d’investigation des enquêtes techniques diligentées en cas de constatation de valeurs anormales, au regard des objectifs fixés par la loi. Il désigne les techniciens de mesure et enquêteurs techniques chargés d’en assurer l’organisation, la conduite et le contrôle. »
Article 4 : « Le directeur du BEA-PV organise la participation française aux mesures des émissions polluantes des véhicules en circulation et aux enquêtes en cas de valeurs anormales menées par un autre État membre de l’Union européenne ou tout autre État, lorsque cela est pertinent, et fixe les règles relatives à cette participation dans les conditions prévues par le règlement relatif à la réception et à la surveillance de marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules. Dans les mêmes conditions, les représentants des États concernés peuvent participer aux mesures des émissions polluantes des véhicules en circulation et aux enquêtes en cas de valeurs anormales sous le contrôle du BEA-PV. »
Article 5 : « Le BEA-PV est placé auprès de la Direction générale de l’énergie et du climat. »
Article 6 :
« 1° Le directeur du BEA-PV est nommé par arrêté du ministre chargé des transports.
2° Le directeur est choisi parmi les agents de l’État de catégorie A pour ses compétences et son expertise en matière d’émissions polluantes.
3° Le directeur du BEA-PV est nommé pour une durée de sept ans.
La nomination du directeur du BEA-PV vaut commissionnement de ce dernier en qualité d’enquêteur technique.
Article 7 : « Outre le directeur, le BEA-PV comprend un secrétaire général, des techniciens de mesure et des enquêteurs techniques, désignés parmi les agents de l’État de catégorie A ou de niveau équivalent. La désignation des enquêteurs vaut commissionnement de ces derniers. Le directeur du BEA-PV agrée les enquêteurs parmi les agents de l’État en fonction à la Direction générale de l’énergie et du climat, ou parmi les personnes attestant d’une expérience professionnelle d’au moins dix ans dans le domaine des transports ou de l’environnement. Ces agents et ces personnes suivent un stage de formation organisé par le BEA-PV préalablement à leur agrément. Ce dernier peut leur être retiré par le directeur, après qu’ils ont été en mesure de présenter leurs observations, en cas de manquement à leurs obligations déontologiques ou de faute dans l’exercice de leur fonction. »
Article 8 : « Le BEA-PV peut faire appel à des experts, éventuellement étrangers, qui sont soumis au secret professionnel dans les mêmes conditions que ses agents. »
Article 9 : « Les destinataires de recommandations émises à l’occasion des mesures des émissions polluantes des véhicules en circulation et des enquêtes menées font connaître au directeur du BEA-PV, dans un délai de deux mois après leur réception, sauf autre délai expressément fixé dans les recommandations, les suites qu’ils entendent leur donner et, le cas échéant, le délai nécessaire à leur mise en œuvre. »
Article 10 : « Les rapports d’enquête établis dans les conditions prévues par la loi BEA-PV, ainsi que les études et les statistiques, sont publics. Ils sont mis à la disposition du public par tout moyen. Leur publication respecte le principe du contradictoire et peut faire l’objet d’un droit de réponse. »
Article 11 : « L’organisation du BEA-PV est fixée par arrêté du ministre chargé de l’environnement. »
Article 12 : « La nomination du secrétaire général du BEA-PV vaut commissionnement en qualité d’enquêteur technique. »
Article 13 : « Outre les techniciens de mesure et enquêteurs techniques mentionnés, le BEA-PV comprend des agents techniques ou administratifs. Les enquêteurs et agents sont, selon qu’ils sont titulaires ou contractuels, affectés ou recrutés sur proposition du directeur du BEA-PV. »
Article 14 : « Les enquêteurs techniques, autres que ceux mentionnés à l’article 7, sont commissionnés par le directeur du BEA-PV. Le commissionnement ne peut intervenir si la personne concernée a fait l’objet d’une condamnation ou d’une décision mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire national. Le commissionnement peut leur être retiré dans l’intérêt du service selon la même procédure. »
Article 15 : « La rémunération des enquêteurs techniques et des experts qui ne sont pas affectés au BEA-PV ou qui ne sont pas mis à la disposition de l’un de ces bureaux d’enquêtes, est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé des transports. »
Article 16 : « Le directeur peut rendre publiques les recommandations mentionnées à l’article 9, accompagnées, le cas échéant, des réponses reçues des destinataires. »
Article 17 : « Le directeur du BEA-PV établit un rapport annuel sur ses activités qui est rendu public. »
Article 18 : « L’ouverture d’une enquête est décidée par le directeur du BEA-PV, à son initiative ou sur demande du ministre chargé des transports. »
Article 19 : « Le directeur du BEA-PV peut proposer au ministre chargé des transports la réglementation relative aux émissions polluantes des véhicules. »
Proposition n° 13 : Projet de décret relatif à l’effectivité des mesures de rappel des véhicules en cas d’atteinte à la sécurité routière, à la santé publique ou à la protection de l’environnement.
À la fin de l’article R321-14-1 du code de la route, insérer les deux alinéas suivants :
« Le ministre chargé des transports peut ordonner à un constructeur auquel a été octroyée une réception CE par type de véhicule de catégorie M, N, O, L, T, C, R ou S de rappeler les véhicules déjà vendus, immatriculés ou mis en service lorsqu’un ou plusieurs systèmes, composants ou entités techniques installés sur ces véhicules, qu’ils aient ou non été dûment réceptionnés, risquent de compromettre gravement la sécurité routière, la santé publique ou la protection de l’environnement. Le ministre chargé des transports peut retirer à tout constructeur qui refuserait de se soumettre à l’obligation de rappel l’homologation du véhicule concerné.
Le ministre chargé des transports peut rendre le rappel obligatoire pour les propriétaires de véhicules déjà vendus, immatriculés ou mis en service, lorsqu’un ou plusieurs systèmes, composants ou entités techniques installés sur ces véhicules, qu’ils aient ou non été dûment réceptionnés, risquent de compromettre gravement la sécurité routière, la santé publique ou la protection de l’environnement. Ce rappel est gratuit. À l’issue du délai déterminé par le ministre chargé des transports en fonction des circonstances, les conducteurs refusant de procéder à la modification se voient retirer leur autorisation de circuler ».
Proposition n° 14 : Projet de décret relatif à l’extension des données contractuelles à l’ensemble des informations relatives aux émissions polluantes des véhicules.
Modifier les articles 2 et 3 du décret du 23 décembre 2002 relatif à l’information sur la consommation de carburant et les émissions de dioxyde de carbone des voitures particulières neuves pour les remplacer par les dispositions suivantes :
– remplacer l’article 2 du décret du 23 décembre 2002 par : « Dans chaque point de vente, une étiquette indiquant la consommation de carburant, les émissions de dioxyde de carbone, les émissions de dioxydes d’azote et les émissions de particules fines est apposée sur chaque voiture particulière neuve ou affichée près de celle-ci, d’une manière visible. »
– remplacer l’article 3 du décret du 23 décembre 2002 par : « Une liste des données relatives à la consommation de carburant, aux émissions de dioxyde de carbone, aux émissions de dioxydes d’azote et aux émissions de particules fines des voitures particulières neuves proposées à la vente ou en crédit-bail dans un point de vente, dressée par marque et par type de véhicule, est affichée de manière visible dans le point de vente. »
Proposition n° 15 : Étendre l’action de groupe aux préjudices moraux et environnementaux :
À l’article 45 ter du projet de loi relatif à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire, remplacer le II. par : « II. – lorsqu’un dommage à l’environnement résulte d’un même manquement, par une personne à ses obligations légales ou contractuelles vis-à-vis de plusieurs personnes placées dans une situation similaire, une action de groupe peut être exercée devant une juridiction civile ou administrative. »
Proposition n° 16 : Confier à la DGCCRF la mission d’établir un suivi régulier des répercussions de l’affaire Volkswagen sur les prix des véhicules du groupe à la revente d’occasion et sur la consommation de carburants post-rappels pour caractériser – ou infirmer – l’existence d’un préjudice économique de nature à ouvrir de nouveaux recours en justice.
Proposition n° 17 : Compléter le code de la consommation et le code pénal pour renforcer les sanctions en matière de tromperie et de fraude à l’homologation :
– à l’article L213-1 du code de la consommation, sanctionner la tromperie sur les risques inhérents au produit d’une sanction pécuniaire d’un montant maximal de 5 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 10 % en cas de nouvelle violation de la même obligation, et pouvant être augmenté de façon proportionnée à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés.
– à l’article 441-6 alinéa 1 du code pénal, sanctionner le fait, pour une personne morale, de se faire délivrer indûment par une administration publique ou par un organisme chargé d’une mission de service public, par quelque moyen frauduleux que ce soit, un document destiné à constater un droit, une identité ou une qualité ou à accorder une autorisation d’une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, d’un montant maximal de 5 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux minimum porté à 10 % en cas de nouvelle violation de la même obligation.
DEUXIÈME PARTIE :
POUR LA NEUTRALITÉ FISCALE ET TECHNOLOGIQUE
Proposition n° 18 : Faire de la neutralité technologique le principe constant des décisions de l’État, applicable aussi bien à la définition des normes d’émissions polluantes des motorisations thermiques qu’à la fiscalité des carburants fossiles.
Proposition n° 19 : Délivrer aux consommateurs une information sur le coût d’usage kilométrique lors de l’achat d’un véhicule.
Confier à la DGCCR l’élaboration d’une base de calcul harmonisée, en lien avec les constructeurs et les associations de consommateurs, pour établir un indicateur fiable.
Proposition n° 20 : Appliquer à partir de 2017 « la règle des 5 ans » au rythme de convergence progressive des fiscalités sur le diesel et l’essence, pour que l’écart de TICPE soit supprimé au 1er janvier 2021.
Proposition n° 21 : Supprimer progressivement l’écart de TICPE sur le gazole et l’essence, par un mouvement de + 1 centime / – 1 centime chaque année pendant cinq ans, aboutissant à la neutralité fiscale sur les carburants fossiles au 1er janvier 2021.
Inscrire dans la loi, dès l’examen du projet de loi de finances pour 2017, les dispositions correspondantes au tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes.
Proposition n° 22 : Après la COP21 et l’Accord de Paris, examiner la possibilité d’avancer d’un an la trajectoire prévue pour la montée en puissance de la taxe carbone, en portant la tonne de CO2 à 39 € dès 2017 sans impact sur le pouvoir d’achat des ménages, compte tenu du prix des produits pétroliers.
Proposition n° 23 : Appliquer la neutralité fiscale aux véhicules d’entreprise, en étendant progressivement, sur cinq ans, la déductibilité de TVA, actuellement possible pour le seul diesel, à l’essence, conformément à la proposition conjointe de l’OVE et du CCFA. En conséquence, adopter l’amendement suivant dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2017 :
Amendement au projet de loi de finances pour 2017
Article additionnel après l’article 12
I. – Le a du 1° du 4 de l’article 298 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Dans la limite de 90 % de son montant à partir du 1er janvier 2017, de 80 % de son montant à partir du 1er janvier 2018, de 60 % à partir du 1er janvier 2019, de 40 % à partir du 1er janvier 2020 et de 20 % à partir du 1er janvier 2021, les essences mentionnées aux indices 11, 11 bis et 11 ter du tableau B de l’article 265 du code des douanes utilisées pour des voitures particulières exclues du droit à déduction ainsi que pour des voitures particulières prises en location quand le preneur ne peut pas déduire la taxe relative à cette location, à l’exception de celles utilisés pour les essais effectués pour les besoins de la fabrication de moteurs ou d’engins à moteur ;
Dans la limite de 80 % de son montant à partir du 1er janvier 2018, de 60 % à partir du 1er janvier 2019, de 40 % à partir du 1er janvier 2020, de 20 % à partir du 1er janvier 2021 et sans limite à partir du 1er janvier 2022, les essences mentionnées aux indices 11, 11 bis et 11 ter du tableau B de l’article 265 du code des douanes utilisées pour des véhicules utilitaires légers et engins exclus du droit à déduction ainsi que pour des véhicules utilitaires légers et engins pris en location quand le preneur ne peut pas déduire la taxe relative à cette location ; ».
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Proposition n° 24 : Étendre la récupération de TVA sur les achats de véhicules de société selon la même progressivité en cinq ans.
Proposition n° 25 : Réformer le barème de la « composante air » de la taxe sur les véhicules de société pour l’établir selon la norme Euro des véhicules.
Proposition n° 26 : Réformer les bases du bonus-malus pour ajouter au critère basé sur les émissions de CO2, un critère relatif à la qualité de l’air en adéquation avec la norme Euro.
Proposition n° 27 : Restituer aux Français l’intégralité des recettes fiscales supplémentaires liées à la convergence fiscale entre l’essence et le diesel (environ 250 millions d’euros en 2017, plus de 1 milliard en 2021) en l’affectant :
. pour 150 millions d’euros, à la prime à la conversion permettant aux ménages non imposables de se défaire d’un vieux diesel au profit d’un véhicule vertueux, par abondement du compte d’affectation spécial « aides à l’acquisition de véhicules propres » (cf. infra proposition n° 32) ;
. pour 70 millions à l’aide aux entreprises de la filière automobile en situation de fragilité à se redéployer vers les nouveaux marchés porteurs ;
. pour 30 millions en 2017, puis 4 millions les années suivantes, à la création et au fonctionnement du Bureau d’enquête et d’analyse sur la pollution des véhicules.
Au-delà des 250 à 300 millions d’euros nécessaires chaque année au financement de ces trois priorités, les recettes fiscales complémentaires pourront être affectées à partir de 2019 aux programmes d’investissement dans les infrastructures de mobilité durable par le biais d’un abondement au budget de l’AFIT.
Proposition n° 28 : Ouvrir la perspective d’une « couverture énergie universelle », après un point d’étape, prévu au 1er octobre 2017, sur la mise en place du chèque-énergie afin que la précarité énergétique liée à la mobilité soit prise en compte.
Proposition n° 29 : Le gazole redevenant un carburant adapté aux usages professionnels et utilitaires, adapter les mesures fiscales de compensations existantes à chaque secteur professionnel (agriculture, transport de marchandises, taxis, travaux publics) pour les protéger les secteurs en difficulté de la répercussion de la hausse de la TICPE sur le diesel.
Concernant le transport routier de marchandises, ouvrir une discussion avec la profession pour que l’augmentation soit intégralement restituée sous forme d’une aide à la conversion adaptée pour les poids lourds, afin de prendre en charge le surcoût du GNV lors du renouvellement des flottes (actuellement de 30 %).
Proposition n° 30 : Confier à France Stratégie la réalisation urgente d’un audit externe sur « l’écosystème français du diesel » afin de quantifier les emplois et d’établir les caractéristiques de la sous-filière industrielle du diesel, ainsi que l’impact du rééquilibrage du marché du véhicule neuf.
Proposition n° 31 : Sur la base du diagnostic de France Stratégie, mettre en place un plan d’accompagnement des sites de production de la filière diesel, avec un appel à projets lancé par l’État en faveur des mesures d’adaptation industrielles des sites les plus fragiles, financé par un abondement du programme « usine du futur ».
TROISIÈME PARTIE :
ACCÉLÉRER VRAIMENT LE RENOUVELLEMENT DU PARC
Proposition n° 32 : Pour les ménages non imposables, doubler la « prime à la conversion » en faveur de l’achat d’un véhicule d’occasion récent performant au plan environnemental, en la portant à 2000 euros.
Réviser les critères afin d’appliquer la neutralité technologique au choix des motorisations des véhicules d’occasion éligibles à cette aide, en se basant sur les émissions de CO2, de NOx, de particules en masse et en nombre.
Établir un guide pratique destiné au grand public afin de faire connaître cette aide ainsi que les démarches concrètes à accomplir, et comportant des informations objectives sur les coûts d’usages et le bilan environnemental des différentes motorisations selon leur utilisation.
Proposition n° 33 : Instaurer le contrôle obligatoire de la présence d’un filtre à particules dans le cadre du contrôle technique, pour déceler et sanctionner les délits de défapage (article L. 318-3 du code de la route).
Proposition n° 34 : Avancer l’entrée en vigueur du volet « pollution » du contrôle technique au 1er janvier 2018, par l’analyse « cinq gaz » à l’échappement. Dans un premier temps des contrôles « à blanc », sans contre-visite, seront réalisés pour sensibiliser les automobilistes. Modifier en ce sens le décret du 17 juin 2016.
Proposition n° 35 : Rendre obligatoire la contre-visite en cas de défauts substantiels constatés lors du volet « pollution » du contrôle technique, à partir du 1er janvier 2019.
Proposition n° 36 : Instaurer un dispositif de suivi de la mise en œuvre du volet pollution du contrôle technique, avant d’évaluer la possibilité et la pertinence éventuelle de son annualisation ultérieure.
Proposition n° 37 : Instaurer un contrôle du compteur kilométrique en transposant la directive 2014/45/CE pour assurer la fiabilité des transactions sur le marché de l’occasion et contribuer, indirectement, au renouvellement du parc roulant.
Proposition n° 38 : Rendre facilement accessible l’historique électronique des contrôles techniques d’un véhicule en :
– portant à 15 ans la durée minimale d’archivage des documents du contrôle technique ;
– organisant la transmission par l’OTC, sur demande du propriétaire d’un véhicule, de l’intégralité des résultats de chacun des contrôles techniques opérés sur ce véhicule et mettant en place d’un outil informatique d’interrogation automatisé et sécurisé dédié à l’usager.
Proposition n° 39 : Requalifier les données collectées à l’occasion du contrôle technique par l’OTC en données d’intérêt général, librement accessibles et exploitables.
Proposition n° 40 : Veiller à l’effectivité des contrôles exercés par les DREAL sur les centres de contrôle technique pour garantir la qualité des prestations.
Proposition n° 41 : Définir un plancher et un plafond pour le tarif du contrôle technique, fixés au niveau national, modulables uniquement selon la localisation géographique.
Proposition n° 42 : Modifier le dispositif des certificats qualité de l’air :
– rendre le certificat qualité de l’air obligatoire à partir du 1er janvier 2018 ;
– rendre les certificats qualité de l’air gratuits ;
– après une première attribution sur déclaration ou à l’immatriculation du véhicule, renouveler le certificat qualité de l’air à chaque contrôle technique, conformément à l’article 37 de la loi de transition énergétique ;
– modifier les critères de classification afin qu’ils respectent la neutralité technologique, et soient fondés sur le seul niveau des émissions polluantes.
Proposition n° 43 : Enclencher immédiatement une saisine de la DGCCRF à l’encontre du « AdBlue Emulator Box » et de tout dispositif comparable permettant de désactiver le système de traitement des NOx sur les véhicules lourds. Interdire et sanctionner la vente en ligne de ces logiciels de fraude. Saisir la DGFIP des implications de cette tricherie en matière fiscale.
Proposition n° 44 : Pour déployer le rétrofit des poids lourds :
– dans le cadre des plans de protection de l’atmosphère, accorder aux propriétaires de véhicules lourds souhaitant s’équiper d’un dispositif de post-traitement des émissions de seconde monte une aide de l’ADEME – et éventuellement par les collectivités territorialement concernées ;
– développer un accompagnement technique et administratif des équipementiers du rétrofit pour l’homologation des systèmes de post traitement de seconde monte pour les poids lourds.
Proposition n° 45 : Instaurer une prise en charge à 100 % des formations à l’éco-conduite par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA).
Proposition n 46 : Encourager le développement de l’éco-conduite pour les usages automobiles professionnels :
– diffuser une campagne de communication nationale incitant les employeurs à faire participer leurs salariés utilisant des voitures de fonction à des formations à l’éco-conduite ;
– étudier la pertinence de rendre obligatoire pour les employeurs disposant d’une flotte de véhicules professionnels dépassant un certain seuil – à déterminer – de faire suivre à leurs salariés une formation à l’éco-conduite.
Proposition n° 47 : Inciter les assureurs automobiles à généraliser les modulations de primes d’assurance automobile pour les conducteurs acceptant de suivre une formation à l’éco-conduite.
Proposition n° 48 : Encourager les concessionnaires à dispenser une formation à l’éco-conduite, lors de la prise en main du véhicule.
QUATRIÈME PARTIE :
POUR UNE OFFRE AUTOMOBILE DU XXIE SIÈCLE
Proposition n° 49 : Intégrer les services de mobilité au sein du comité stratégique de filière (CSF), en particulier la filière aval et les parties prenantes extérieures au secteur automobile.
Proposition n° 50 : Créer, au sein de la Plateforme de la filière automobile et mobilités (PFA), un programme dédié aux services de mobilité.
Proposition n° 51 : Intégrer le Conseil National des Professions de l’Automobile (CNPA) à la Plateforme de la filière automobile et mobilités (PFA).
Proposition n° 52 : Valoriser l’utilisation rationnelle des véhicules, en garantissant des avantages, ou des facilités, à leurs conducteurs : places de stationnement réservées aux covoitureurs ; tarifs préférentiels de péage…
Proposition n° 53 : Multiplier les systèmes d’autopartage, en centres urbains et en zones périurbaines peu desservies par les transports en commun.
Proposition n° 54 : Généraliser et simplifier l’accès aux données publiques telles que les places de stationnement disponibles dans les emplacements municipaux, les tarifs des stations-service les plus proches, l’état du trafic routier, en associant les collectivités territoriales, pour favoriser l’utilisation optimale des ressources.
Proposition n° 55 : Rendre la location de véhicule entre particuliers imposable seulement au-delà de 2 500 euros de revenus annuels.
Proposition n° 56 : Limiter à deux le nombre de véhicules pouvant être proposés simultanément à la location par un même particulier.
Proposition n° 57 : Pour la logistique du dernier kilomètre, poursuivre la coordination des réglementations municipales relatives au transport de marchandises, en particulier en matière d’horaires et de stationnement, de manière à optimiser les tournées de livraisons des entreprises de transport au sein d’une même agglomération.
Proposition n° 58 : Avant le 1er janvier 2018, renforcer auprès des entreprises la communication au sujet des plans de déplacements entreprise et accroître le soutien public ou para-public, financier comme organisationnel, dont ils font l’objet.
Proposition n° 59 : À compter du 1er janvier 2018, veiller à la bonne application de l’article 51 de la loi de transition énergétique qui généralise l’obligation d’un « plan de mobilité d’entreprise » pour certaines entreprises.
Proposition n° 60 : Établir, dans le cadre de l’alliance écologie-automobile, un scenario de référence, partagé par l’État et la filière, traduisant l’application de l’Accord de Paris de la COP21 à l’industrie automobile française et comportant une vision de long terme (2050), et des étapes intermédiaires (2025-2030).
Proposition n° 61 : Pour soutenir le déploiement de l’automobile électrique :
- Assurer dans les plus brefs délais l’interopérabilité pour l’usager de toutes les infrastructures de recharge installées sur le territoire, en publiant le décret IRVE.
- Établir un schéma directeur national des infrastructures de recharge pour assurer la cohérence géographique de l’implantation des bornes et la pertinence des technologies choisies (lente, standard, accélérée, rapide ou ultrarapide).
- Inciter les collectivités à mettre en place des avantages à l’usage pour le véhicule électrique (voies de circulation réservées).
Proposition n° 62 : Anticiper l’impact du déploiement du véhicule électrique sur les réseaux et les effets de pointe par la mise en place d’un signal tarifaire incitatif et le recours aux technologies communicantes et intelligentes (smart grids).
Proposition n° 63 : Établir une feuille de route pour le véhicule à hydrogène décarbonée :
– dans l’immédiat, soutenir le déploiement de flottes captives, qui n’engendrent pas des coûts d’infrastructure trop lourds ;
– apporter un fort soutien à la R&D au travers du PIA III pour inciter les constructeurs à concevoir une offre française du véhicule hydrogène à horizon de 5 ans au plus tôt, de 2025 au plus tard ;
– organiser une task force entre la filière automobile française et les entreprises leader de la technologie ou engagées sur le stockage de l’énergie (Air Liquide, Total, Engie, Saft…).
Proposition n° 64 : Développer résolument le GNV et le bioGNV pour le transport routier de marchandises par poids lourds :
- la législation française doit reconnaître le biométhane comme un biocarburant avancé pris en compte dans les objectifs de 10 % de carburants renouvelables à l’horizon 2020 et de 15 % à l’horizon 2030, que fixe la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ;
- mettre en place une aide de l’ADEME aux PME pour l’achat de poids lourds GNV pour la conversion progressive des flottes des PME ;
- préparer un second appel à projet de l’ADEME pour soutenir la création de stations bioGNV de proximité dans les territoires ;
- pour le GNL, accélérer la présentation du programme national de déploiement de ce carburant prévu par la législation européenne.
Proposition n° 65 : Fixer les critères du bonus-malus dans un cadre pluriannuel d’au moins trois ans, pour mettre fin au changement perpétuel de ses règles. Dès à présent, dans le projet de loi de finances pour 2017, rétablir le bonus pour les hybrides.
Proposition n° 66 : Appliquer « la règle des 5 ans » au cadre fiscal des énergies de la mobilité propre et renouvelable. Dans ce cadre, créer un taux spécifique de TICPE pour le bioGNV.
Proposition n° 67 : Construire une ambition française pour l’industrie des batteries électriques. Constituer un groupe de haut niveau entre les grandes entreprises françaises de dimension internationale concernées et les laboratoires de recherche de premier plan pour établir une feuille de route stratégique dans la perspective de projets industriels solides.
Proposition n° 68 : Établir un plan « France véhicule autonome », avec une feuille de route à l’horizon 2030 indiquant :
– les fonds publics alloués au déploiement du véhicule autonome ;
– les investissements anticipés et leurs échéances ;
– le calendrier des expérimentations envisagées ;
– les échéances des modifications législatives et réglementaires nationales et européennes nécessaires au déploiement des véhicules autonomes (cf. infra) ;
– les résultats espérés, année par année, en termes d’autonomisation des véhicules (dispositifs commercialisés, pourcentage du parc partiellement ou totalement automatisé…).
Proposition n° 69 : Nommer au plus tard au 1er janvier 2017, un Commissaire général au véhicule autonome, placé auprès de Bercy, coordonnant l’action de l’ensemble des services de l’État concernés par le déploiement du véhicule autonome.
Proposition n° 70 : Consacrer une « solution » de la Nouvelle France industrielle au véhicule autonome, en tant que tel.
Proposition n° 71 : Dédier un institut pour la transition énergétique (ITE) ou un institut de recherche technologique (IRT) à la recherche sur le véhicule autonome.
Proposition n° 72 : Mettre à disposition des constructeurs une piste d’essai pour véhicules autonomes.
Proposition n° 73 : Modifier l’ordonnance du 5 août 2016 pour permettre l’autorisation générale des expérimentations du véhicule autonome, en précisant les règles de sécurité devant être respectées en tout état de cause, sur le modèle de la réglementation mise en place en Californie.
Proposition n° 74 : Créer un « Fonds Automobile Autonome », structure distincte et dédiée à l’attribution des soutiens du PIA III pour le véhicule autonome. Doté de 500 millions d’euros, sa création peut s’inspirer du cadre déjà constitué par le Fonds national de solidarité numérique PME (FSN PME) désormais géré par Bpifrance sous le label « Fonds Ambition Numérique ».
Proposition n° 75 : Confier aux pôles de compétitivité la mission particulière de mettre en relation les constructeurs avec les équipementiers ou entreprises du secteur de l’automobile ou du secteur du numérique actives en matière de véhicule autonome.
Proposition n 76 : Rendre obligatoire l’homologation des logiciels et algorithmes pilotant tout ou partie du fonctionnement d’un véhicule.
Proposition n° 77 : Organiser la montée en compétences des services nationaux d’homologation dans le domaine du numérique, par le recrutement d’ingénieurs et techniciens informatiques.
Proposition n° 78 : Confier à l’ANSSI et à l’INRIA l’évaluation des risques de cyber-malveillances afin d’élaborer les méthodes et critères d’homologation des systèmes d’intelligence artificielle embarqués.
Proposition n° 79 : Porter une initiative française pour que soient élaborés au plus vite, au niveau européen, un système et des normes d’homologation des véhicules autonomes propres à garantir la sécurité des usagers de la route.
Proposition n° 80 : Délivrer une certification aux entreprises issues de la filière automobile et aux acteurs du numérique qui respectent le pack de conformité de la CNIL, attestant du respect de la réglementation européenne de protection des données.
Proposition n° 81 : Saisir le G29 en vue de l’élaboration, au niveau européen, d’un « pack de conformité véhicule connecté et autonome » attestant du respect des normes européennes en matière de protection des données.
Proposition 82 : Responsabiliser les constructeurs et les concessionnaires en matière de présentation de l’ensemble des règles de sécurité associées aux véhicules autonomes lors de l’achat et de la prise en main d’un véhicule de ce type.
Proposition n° 83 : Définir un mandat de négociation clair pour la France dans les discussions en cours sur l’évolution de la Convention de Vienne sur la circulation et la signalisation routières, en particulier au sein des groupes de travail WP1 et WP29.
Proposition n° 84 : Élaborer une réglementation européenne commune en matière de véhicule autonome. Dans cette attente, assurer un suivi régulier, tous les six mois, des avancées dans chacun des domaines mentionnés par la déclaration d’Amsterdam, jusqu’à adoption d’un cadre européen harmonisé.
Proposition n° 85 : Confier au Conseil général de l’environnement et du développement durable et au Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies la réalisation d’une étude détaillée sur les éventuels besoins en investissements dans les infrastructures, en évaluant leur coût et leur faisabilité à un horizon de temps proche, à mener d’ici l’automne 2017.
CINQUIÈME PARTIE :
OUI, L’INDUSTRIE AUTOMOBILE A UN AVENIR EN FRANCE
Proposition n° 86 : Pour que le redressement significatif de la filière automobile française contribue à la reprise des embauches durables dans les sites de production :
- fixer des plafonds d’emplois intérimaires déterminés en fonction de la dimension des sites ;
- apporter des garanties statutaires aux salariés en cas d’externalisation d’activités, par un avis conforme du comité d’entreprise ainsi qu’un droit à la réintégration.
Proposition n° 87 : Inciter les constructeurs et équipementiers à renforcer leurs budgets de R&D en mobilisant tous les soutiens publics compatibles avec le cadre européen, et dans le cadre du protocole de l’alliance française écologie-automobile prévoyant l’écosystème d’un État facilitateur de l’innovation : prévisibilité des normes et clarté des objectifs de long terme.
Proposition n° 88 : Établir un bilan partagé du Programme d’investissement d’avenir (PIA) concernant l’automobile entre le CGI, l’ADEME, la PFA et la DGE pour remédier aux difficultés constatées et renforcer les soutiens publics accordés au travers de ce programme à la R&D de l’industrie automobile.
Proposition 89 : Mener à bien la réforme des pôles de compétitivité afin de ne pas afficher un « mille-feuille » de structures assez peu lisibles au niveau territorial. Concernant l’automobile, sous réserve d’une évaluation préalable et d’un échange avec les différents acteurs :
- fusionner les ARIA et les pôles de compétitivité dans un objectif de simplification évident ;
- spécialiser chaque pôle de compétitivité lié à l’automobile sur une compétence technologique nationale, voire européenne.
Proposition n° 90 : Engager une réforme de la gouvernance du secteur automobile, qui résulte de la crise de 2009, pour se projeter vers l’avenir et dans une perspective de consolidation industrielle, telle que recommandée par la « Task Force Automobile ».
Proposition n° 91 : Confier à la PFA l’élaboration d’un nouveau pacte de solidarité associant les plus petits acteurs de la filière aux options stratégiques des constructeurs et des grands équipementiers et permettant le respect du code des bonnes pratiques dans les relations de donneurs d’ordre à fournisseurs.
Proposition n° 92 : Maintenir les participations de l’État au capital de Renault et de PSA, actionnaire de référence de long terme pour :
– accompagner les efforts de développement de groupes fortement exposés à la concurrence internationale, tant dans la modernisation de leur outil industriel que dans le renouvellement de leur gamme ;
– soutenir leurs stratégies à long terme liées à la transition énergétique et à la révolution numérique.
Dans cette perspective, renforcer les échanges entre l’Agence des participations de l’État (APE) et les administrations techniques des ministères pour que l’État actionnaire dispose d’une vision industrielle et pas seulement patrimoniale.
Proposition n° 93 : Amplifier les actions du groupe du comité stratégique de filière (CSF) relatives au soutien à l’internationalisation et suivre la mise en œuvre des actions sur mesure pour le développement international.
Proposition n° 94 : Accentuer la part du Fonds Avenir Automobile (FAA) consacrée au soutien à l’internationalisation des équipementiers, en particulier de rangs 2 et 3.
Proposition n° 95 : Exiger que la Commission européenne révise son périmètre d’appréciation de la concurrence dans le secteur automobile, en prenant en considération la nécessité de constituer de champions européens à l’échelle mondiale, afin que les obstacles mis au rachat par Plastic Omnium d’activités de Faurecia ne constituent pas un précédent. La France doit recueillir le soutien d’autres États membres pour peser en ce sens.
Proposition n° 96 : Sanctionner effectivement la pression exercée à la délocalisation ou à la sous-traitance internationale des fournisseurs, au titre de l’article L442-6 du code de commerce.
Proposition n° 97 : Apporter un soutien public à l’association Pro France, pour renforcer la communication et la sensibilisation autour du label Origine France Garantie, en particulier pour le secteur automobile.
Proposition n° 98 : Instaurer, par décret, l’obligation de mentionner, pour tout véhicule, s’il satisfait aux critères du label « Origine France Garantie » ou s’il n’y satisfait pas – soit parce qu’aucune démarche n’a été engagée par le constructeur, soit parce que la certification lui a été refusée :
« Dans chaque point de vente, une étiquette indiquant si le véhicule répond ou non aux critères du label « Origine France Garantie » est apposée sur chaque voiture particulière neuve ou affichée près de celle-ci, d’une manière visible. »
« Une liste des données relatives au label « Origine France Garantie » des voitures particulières neuves proposées à la vente ou en crédit-bail dans un point de vente, en précisant les critères, est affichée de manière visible dans le point de vente. »
Proposition n° 99 : Revoir le programme « usine du futur » pour concentrer les efforts sur une trentaine de sites industriels prioritaires, au regard du nombre de salariés employés et de l’urgence de leur modernisation.
Proposition n° 100 : Augmenter les moyens consacrés au programme « usine du futur », en créant une part de financement public.
Proposition n° 101 : Faire de l’automatisation et du développement d’une politique de plateforme les deux axes prioritaires du programme « usine du futur » de la PFA.
Proposition n° 102 : Faire organiser par la PFA une campagne de communication valorisant les atouts de l’industrie automobile et le caractère stratégique et hautement qualifié de ses métiers.
Proposition n° 103 : Donner à la filière automobile un objectif chiffré d’apprentis à recruter, de 25 000 en 2017, puis 30 000 en 2018.
Proposition n° 104 : Renforcer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, en y associant étroitement les organisations syndicales.
Proposition n° 105 : Accélérer la mise en œuvre du plan de formation « numérique » de l’ANFA, actuellement instruit par le PIA.
Proposition n° 106 : Inciter les OPCA à cibler leurs actions sur les besoins spécifiques des PME de la filière automobile.
Proposition n° 107 : Simplifier le soutien public à la formation continue pour en améliorer l’efficacité, en désignant un unique organisme responsable ou, a minima, un guichet unique de renseignement et d’orientation.
Proposition n° 108 : Élaborer une « stratégie matière première » de la filière automobile, avec le concours du Conseil national de l’industrie et de la PFA.
Proposition n° 109 : Pour restaurer la viabilité économique de la filière, instaurer une éco-contribution des propriétaires lors de l’achat de véhicules neufs, récupérable sur présentation du certificat de destruction de leur véhicule.
Proposition n° 110 : Maintenir les efforts des services de l’État pour lutter contre les casses illégales :
– porter à 600 par an le nombre de contrôles sur les centres VHU et assurer un suivi des suites administratives et pénales données aux irrégularités constatées ;
– appliquer les sanctions prévues à l’article L. 541 46 du code de l’environnement.
Proposition n° 111 : Permettre aux centres VHU de prendre en charge la destruction de tous les véhicules en prévoyant une procédure de régularisation en préfecture par la suite.
Proposition n° 112 : Sensibiliser les automobilistes aux enjeux de la fin de vie des véhicules :
– inclure des questions relatives aux obligations de recyclage et de destruction des véhicules en fin de vie dans l’examen théorique du permis de conduire ;
– diffuser une information à ce sujet lors du contrôle technique ;
– promouvoir le site Internet http://www.recyclermavoiture.fr/
Proposition n° 113 : Conditionner l’arrêt du paiement de la police d’assurance pour un véhicule hors d’usage à la remise du certificat de destruction.
Proposition n° 114 : Créer des facilités de trésorerie dédiées pour permettre aux transporteurs d’acquérir des pneus rechapés, plus chers à l’achat, mais plus rentables à moyen terme.
Proposition n° 115 : Instaurer la visibilité de l’éco-contribution sur les factures des pneumatiques de manière à pouvoir, dans un second temps, envisager sa modulation à la baisse sur les pneus rechapés.
Proposition n° 116 : Développer les contrôles de la DGCCRF sur le marché des pneumatiques pour contrôler leur bon étiquetage et leurs performances.
Proposition n° 117 : Faire usage, à l’échelle européenne, de l’« ajustement carbone » aux frontières, pour que les tarifs douaniers reflètent le coût environnemental des pneus mono-vie importés, en comparaison des pneus rechapés, et lutter ainsi contre cette concurrence déloyale.
Proposition n° 118 : Créer un label éco-conception, attestant de l’utilisation dans la fabrication du véhicule d’un pourcentage – à déterminer avec les acteurs de la filière de manière à être à la fois réaliste et ambitieux – de matériaux naturels, recyclés ou biosourcés.
Proposition n° 119 : Soutenir l’usage des pièces de réemploi :
– obliger toute vente de pièces de réemploi à être accompagné d’une facture indiquant le numéro d’agrément du centre VHU qui a dépollué, démonté et contrôlé la pièce ;
– exclure la pièce de réemploi du statut de déchet pour lui conférer celui de produit ;
– modifier la rédaction de l’article R121-29 pour en supprimer la liste des pièces concernées, et surtout son caractère exhaustif ;
– proposer une modulation de TVA pour l’usage de pièces de réemploi.
Proposition n° 120 : Missionner l’ADEME et la PFA pour établir un plan d’action relatif au développement de l’économie circulaire et de l’écologie industrielle liée à l’automobile dans les territoires.
Au cours de sa réunion du mercredi 12 octobre 2016, la mission d’information, sous la présidence de Mme Sophie Rohfritsch, a procédé à l’examen du rapport présenté par Mme Delphine Batho.
La séance est ouverte à dix heures trente.
Mme la présidente Sophie Rohfritsch. À la mi-septembre 2015, le scandale Volkswagen éclatait aux États-Unis. La révélation de l’installation dans les véhicules diesel commercialisés par différentes marques du groupe d’un logiciel de reconnaissance des situations de tests sur banc d’essai a constitué un véritable séisme. Il s’agit d’une fraude sans équivalent par son ampleur et sa dimension internationale de la part d’un groupe qui a atteint le premier rang mondial des constructeurs. Ce qu’il est communément admis d’appeler l’« affaire Volkswagen » ébranle l’industrie automobile mondiale, même s’il n’est pas question de suspecter a priori tous les constructeurs d’une même fraude.
Cette révélation venue d’outre-Atlantique affecte néanmoins la confiance des consommateurs envers l’industrie automobile dans son ensemble. Devant l’ampleur des conséquences de l’affaire Volkswagen, la Conférence des présidents a décidé de créer une mission d’information sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale. Son cadre de réflexion dépasse le seul objet de la diésélisation du parc automobile français. La mission a donc orienté ses travaux dans une optique plus générale et prospective.
Sans prétendre à l’exhaustivité, un grand nombre d’acteurs de la filière, mais aussi des organisations non gouvernementales (ONG) et les organisations syndicales ont été entendus au long de quarante-deux auditions et de déplacements, notamment sur des sites industriels ou de recherche et développement (R&D). La Rapporteure, Mme Delphine Batho, a également multiplié les rencontres avec les représentants des constructeurs, équipementiers, promoteurs des nouvelles filières de motorisation, qu’elle soit électrique, au gaz naturel pour véhicules (GNV), au GPL, au biométhane ou autres biocarburants. Elle a également rencontré des représentants des activités de l’aval : entretien-réparation, financement de l’acquisition de véhicules utilitaires ou de sociétés, pièces détachées pour poids lourds et beaucoup d’autres professionnels.
En France, le secteur automobile emploie près de 540 000 salariés pour la construction et ses achats. Mais, au total, l’ensemble des activités directement ou indirectement liées à l’automobile et aux transports routiers représente près de 9 % de la population active avec 2,8 millions d’emplois. Le secteur constitue le premier pôle français de recherche et développement, des activités dont la mission d’information a tenu à souligner l’importance économique.
Il convient de souligner l’état d’esprit qui a présidé aux travaux de la mission d’information, permettant à ses interlocuteurs de s’exprimer très librement sur les sujets les plus sensibles.
Il apparaît qu’aucun expert, aucun dirigeant d’un groupe automobile ne peut aujourd’hui prédire quels seront les caractéristiques et le rythme d’évolution du parc automobile du futur. L’irruption du digital dans le monde automobile a ouvert une ère nouvelle : avec des véhicules d’ores et déjà massivement connectés, puis l’esquisse de ce qui demeure un saut dans l’inconnu avec l’émergence du véhicule autonome.
S’il donc n’est pas prouvé que d’autres constructeurs ont, comme Volkswagen, organisé un système érigeant la tricherie en principe d’action. Un doute s’est néanmoins installé. En témoignent les conclusions rendues le 29 juillet 2016, dans la discrétion de l’été, par la commission technique indépendante mise en place par Mme Ségolène Royal et chargée de tester quatre-vingt-six véhicules de vingt-quatre marques différentes. De façon inquiétante, cette commission « technique » officielle n’a pas été en mesure d’accéder aux logiciels de contrôle moteur désormais installés sur les véhicules, car il lui a été impossible d’accéder aux codes source ainsi qu’aux algorithmes mis en œuvre. L’incapacité de la commission à déchiffrer le fonctionnement de véritables « boîtes noires » l’a amenée à conclure qu’elle « ne peut donc se prononcer définitivement sur la présence ou absence de logiciels “tricheurs” dans les véhicules testés » ! Au regard de cette conclusion plutôt floue faisant suite à des investigations dont on pouvait attendre plus, on s’interroge sur l’opportunité de la création de cette commission comme sur sa méthode de travail.
Aucun type de motorisation « propre » ou « zéro émission » n’est à même d’être généralisé à court ou moyen terme. Les moteurs essence ou diesel de nouvelle génération qui répondent à la norme Euro 6, la plus récente, émettent jusqu’à dix fois moins de polluants nocifs et de microparticules dangereuses pour la santé que les véhicules mis sur le marché il y a quinze ou vingt ans. En termes d’émissions, des progrès plus que significatifs ont déjà été réalisés. Certes, le transport routier demeure un des facteurs principaux de la pollution atmosphérique, notamment en ville, mais il ne peut être considéré comme son fait générateur exclusif ou même dominant.
Une meilleure connaissance de la diffusion puis de la dispersion des polluants résulte de l’implantation sur la majeure partie du territoire d’un réseau de surveillance de la qualité de l’air. Sur la base de relevés effectués sur de longues périodes, des travaux scientifiques ont pu quantifier les impacts épidémiologiques des principaux polluants. Les travaux les plus récents distinguent notamment les conséquences sanitaires de l’exposition chronique des populations à la pollution de fond, c’est-à-dire dans la durée, de celles résultant des pics de pollution, des épisodes journaliers souvent surmédiatisés mais dont les effets sanitaires sont moins probants. Il n’est cependant plus possible d’ignorer les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou d’autres institutions à vocation scientifique, qui montrent la croissance des maladies chroniques et la surmortalité dues à la pollution atmosphérique. La mission d’information a constaté que les constructeurs ont, à présent, pleinement conscience d’un tel défi.
Dans ce contexte, on rappellera qu’un grand nombre de Français n’ont pas la possibilité de choisir leurs modes de mobilité. Toutes les études révèlent que, pour leurs trajets quotidiens, notamment « domicile-travail », une majorité d’habitants des zones suburbaines ou rurales est dans l’obligation d’utiliser un véhicule particulier. Prétendre « éradiquer » la circulation des véhicules considérés comme les plus polluants au travers d’une surtaxation ou, pire encore, d’une forme de pénalisation de leur usage, méconnaît la dimension sociale qui caractérise les impératifs de la mobilité.
Le renouvellement complet du parc circulant ne se réalisera d’ailleurs que de façon très progressive si on retient l’âge moyen d’un acheteur de véhicule neuf, qui ne cesse d’augmenter et dépasse aujourd’hui cinquante-trois ans, et la vitalité du marché de l’occasion, trois fois supérieur au marché du neuf en termes de transactions annuelles.
Par ses propositions, la mission d’information entend soutenir des pistes prenant en compte l’évolution des modèles d’usage de l’automobile. Cette évolution est déjà perceptible d’un point de vue sociétal avec l’adoption, notamment par les plus jeunes, de pratiques nouvelles – covoiturage, autopartage, location ponctuelle – qui les détournent de la possession individuelle d’un véhicule. Sans oublier que des raisons économiques, comme les coûts d’acquisition et d’entretien, pèsent de tout leur poids sur ce phénomène.
En tout état de cause, une refondation de la réglementation sur les tests d’homologation et les normes d’émissions des véhicules doit impérativement intervenir. Ce travail est engagé au sein de l’Union européenne. Il importe de rompre avec une certaine opacité et de définir des normes plus réalistes dont le respect s’accordera avec les différentes étapes d’une programmation industrielle. Chaque franchissement d’étape exigera des constructeurs des efforts considérables d’adaptation de leur outil de production. Cette réorientation industrielle est inéluctable. Pour le grand public, les normes d’émission et les tests d’homologation actuels ne sont absolument plus crédibles, non plus, et depuis longtemps, que les « données constructeurs » relatives à la consommation de chaque modèle mis sur le marché.
La filière automobile se trouve confrontée à des défis majeurs d’évolution technologique ainsi qu’à l’obligation de concevoir des véhicules en accord avec les évolutions d’usage désormais perceptibles et bien enclenchées, mais à des échéances et sur la base de modèles économiques qui restent incertains. Il lui revient de dépasser un cap dont l’ampleur est sans doute sans équivalent dans l’histoire de cette industrie. Les propositions de la mission visent ainsi à soutenir, dans le cadre d’une telle transition, tous ceux qui concourent à cette activité.
Mme Delphine Batho, rapporteure. En bientôt dix ans, bien peu de rapports parlementaires ont été consacrés à l’industrie automobile ; le dernier en date fut celui du Sénat, en 2007.
Notre mission d’information a travaillé pendant un an, et je souhaite remercier la présidente, pour sa convivialité, car l’importance du sujet méritait qu’un consensus national soit recherché. Je veux aussi remercier l’ensemble des collègues ayant participé à nos travaux, chacun ayant su apporter ses interrogations ainsi que ses propositions ; je me suis attachée à les prendre en compte afin que tous se retrouvent dans les propositions formulées dans le rapport. Je n’oublie pas tous ceux qui nous ont apporté leur concours, au travers des auditions, des déplacements, de leur accueil dans leurs usines et leurs centres de recherche et développement ; leur contribution a été décisive.
L’axe central de notre rapport est de proposer l’écriture d’une nouvelle page dans la longue épopée de l’industrie automobile française. Sophie Rohfritsch a rappelé l’importance de ce secteur, qui avait perdu 42 % de sa production industrielle en douze ans, et l’économiste Élie Cohen a parlé devant nous d’un véritable effondrement !
Ce secteur demeure en tête de la recherche et développement en France ; il irrigue tous les territoires, draine tous les autres secteurs industriels – chimie, plasturgie, et autres, et maintenant le numérique. Il détient un coefficient multiplicateur important, car un point de valeur ajoutée dans l’industrie automobile se voit multiplié par 4,1 dans l’économie française. La reconstruction industrielle de la France passe donc par l’automobile.
L’État est souvent intervenu lorsque tout allait mal, et qu’il fallait déployer des stratégies défensives, ce qui a été fait avec succès dans le sauvetage de PSA. La proposition centrale du rapport est de refonder cette relation entre l’État et le secteur automobile, avec comme acte fondateur un protocole d’alliance entre l’écologie et l’automobile, qui apporterait à l’industrie automobile française le cadre clair qu’elle attend, la vision à long terme qui fait défaut aujourd’hui.
Le rapport commence par aller au bout de l’analyse de l’affaire Volkswagen. Bien évidemment, la responsabilité première du tricheur est établie ; il n’y a pas de doute sur le fait que ce groupe est dans l’illégalité au regard des normes, non seulement américaines, mais aussi européennes puisqu’il a contrevenu à la norme Euro 5. C’est l’illustration de la faillite du système européen de normes appliqué à l’automobile, qui stagne depuis les normes Euro 4 et Euro 5, ce qui se voit clairement à travers les écarts constatés entre les mesures provenant des constructeurs et la réalité, par exemple.
Ce système doit être refondé sur trois piliers.
Le premier doit être l’institution d’une norme unique. L’existence de normes différentes pour le diesel et l’essence constitue une anomalie, de même que l’établissement de calendriers distincts pour le CO2 et les NOx. On en est arrivé à des normes totalement incohérentes, telles Euro 6a, b, c ou d, auxquelles plus personne ne comprend rien. Pourtant l’industrie automobile doit appliquer dans l’année qui suit les décisions les concernant. Bien sûr, cela a des conséquences négatives en termes environnementaux et industriels. Ce n’est plus possible !
Alors qu’il y a, sur la route, une voiture et un moteur, sur le plan des directives, il y a, d’un côté, celles qui portent sur le climat, de l’autre côté, celles qui traitent de la qualité de l’air. Aujourd’hui, le régulateur européen renvoie la balle à l’industrie automobile, qui doit se débrouiller avec toutes les contradictions entre les priorités et objectifs de la réglementation pour régler ses moteurs. Je considère que c’est au régulateur, analysant l’ensemble des paramètres de pollution, d’indiquer de façon systémique et globale ce que doit être la norme applicable à l’industrie automobile. C’est pourquoi le rapport plaide pour l’adoption d’une norme Euro 7 qui serait refondée sur la base de ces principes.
Le deuxième pilier est ce que j’appelle « la règle des cinq ans ». Nous avons pris conscience de ce qu’implique un changement de norme pour l’industrie automobile : un coût de développement de 1,5 milliard, des changements de chaînes de production et sur 80 % à 90 % des pièces d’un moteur. Les industriels nous ont fait passer le message qu’il est possible d’avoir beaucoup plus d’exigences qu’aujourd’hui, à condition de leur laisser du temps et de les mettre en compétition. Ils demandent à être prévenus cinq ans à l’avance de l’entrée en vigueur d’une nouvelle norme, et de laisser jouer la compétition à qui développera les meilleures technologies aux meilleurs coûts.
Le troisième pilier est le système de contrôle, qui est parfaitement défaillant : il n’existe aucune surveillance de marché. En dernière analyse, je considère que la réforme centrale doit prendre la forme d’une épée de Damoclès à travers une vraie surveillance de marché comportant des tests aléatoires pratiqués sur les véhicules en circulation. Ce système nécessitera moins de moyens pour un résultat bien plus efficace et vertueux.
La neutralité technologique et fiscale appliquée aux motorisations à carburants fossiles constitue un autre axe important du rapport. Nos travaux ont fait apparaître un fait nouveau : l’existence d’un consensus rassemblant tous ceux que nous avons entendus
– constructeurs, équipementiers, ONG, syndicalistes – autour de cette conception.
Le rapport en tire les conclusions dans le domaine de la fiscalité en proposant de poursuivre la convergence engagée, plus 1 centime pour le diesel, moins 1 centime pour l’essence, pendant cinq ans. Ainsi, « la règle des cinq ans » serait-elle aussi appliquée à la fiscalité afin d’éviter les mouvements chaotiques. D’ores et déjà, une forte baisse des ventes de véhicules diesel a été constatée, or il faut éviter les phénomènes d’emballement. La France a contracté un retard certain dans la sortie de la diésélisation massive. On ne peut pas aujourd’hui faire payer brutalement cette inertie passée aux usagers qui ont été puissamment incités à choisir le diesel, ni à l’industrie automobile dont les choix ont été biaisés par l’avantage fiscal accordé au diesel. Je souhaiterais que ce rythme quinquennal soit inscrit dès à présent dans la loi de finances, au lieu de connaître chaque année un feuilleton pour savoir ce qui a été décidé et ce qui va se passer.
S’agissant de la récupération de la TVA par les entreprises, nos travaux ont, là aussi, été source de progrès. Chacun se souvient que, l’année dernière le Parlement avait adopté une mesure qui fut annulée en deuxième lecture ; ce qui d’ailleurs explique l’absence, ce matin, de notre collègue, Charles de Courson, car il est à la commission des finances pour défendre l’amendement préparé par la mission d’information. Nos travaux ont permis de décrisper cette question, à travers un dispositif progressif sur cinq ans.
Le rapport a ébauché l’analyse de ce qu’est la filière diesel en France, en rencontrant cependant de sérieuses difficultés pour obtenir les chiffres relatifs à ce que représente, dans l’industrie automobile, la production directement liée au diesel. Nous avons néanmoins constaté que les constructeurs se sont engagés dans des stratégies de diversification – Mme Zimmerman pourra prendre connaissance de ce que nous avons écrit dans le rapport au sujet de l’usine de Trémery –, et là ne réside pas la plus grande source d’inquiétude. La plus forte inquiétude porte sur des sites de production d’équipementiers de rang 2 ou de rang 3, les plus susceptibles d’être impactés. C’est pourquoi le rapport plaide pour que les 250 millions d’euros de recettes fiscales retirés de la convergence diesel-essence en début de période soient intégralement affectés, d’une part, à aider les ménages non imposables à acquérir des véhicules plus vertueux, sachant qu’aujourd’hui 61 % des véhicules diesel ne sont pas équipés de filtre à particules, d’autre part, à accompagner la filière industrielle en concentrant l’effort sur les sites les plus fragiles, identifiés par un audit qu’il reste à faire.
S’agissant de l’écotaxe et de la contribution climat-énergie, dans un contexte de baisse des prix des produits pétroliers, et après la Conférence de Paris sur le climat, je propose d’accélérer le mouvement. Car la vraie question posée à la filière industrielle n’est pas tant celle du passage du diesel à l’essence que celle du passage des énergies fossiles aux énergies propres.
Le rapport se penche aussi sur la thématique du renouvellement du parc. À cet égard, AirParif a indiqué que moins 2 % du parc roulant de véhicules très polluants anciens et dépourvus de filtres à particules représentaient moins 5 % de NOx, moins 4 % de particules les plus fines et moins 3 % des particules les plus grosses. Le bénéfice écologique attendu du renouvellement du parc est donc indiscutable. Il constitue un des leviers les plus efficients. Ainsi, le rapport propose-t-il le doublement de la prime à la conversion en faveur des véhicules d’occasion moins polluants. Une telle prime existe pour les véhicules électriques, dont le montant maximum est de 10 000 euros, et qui commence à donner de bons résultats – Renault a constaté un impact sur les ventes de voitures Zoé. Une autre prime est plus méconnue, dont le montant initial de 500 euros a été porté à 1 000 euros, qui vise l’achat de véhicules d’occasion répondant à la norme Euro 6 ou Euro 5.
Qu’il s’agisse de bonus ou de prime, le rapport demande que la neutralité technologique soit appliquée, car cette prime, par exemple, ne bénéficie qu’aux véhicules essence. La logique de la neutralité technologique est celle de la différenciation selon les usages, car, dans certains cas, le diesel n’est pas adapté, alors qu’il le demeurera pour d’autres. Limiter l’attribution de la prime aux seuls véhicules essence peut conduire à ce qu’un résident de zone rurale soit incité à choisir un véhicule essence qui s’avérera économiquement inadapté à l’usage qu’il en fera.
Le même type de mécanisme se rencontre pour les certificats de qualité de l’air. Par principe, la France a considéré que ces certificats excluaient de la première catégorie les véhicules diesel les plus récents. Or le rapport fournit une donnée objective d’importance en constatant que les véhicules diesel les plus récents sont certes plus polluants que les véhicules à essence du point de vue des NOx, mais pas des particules. Quant aux véhicules essence à injection directe, ils sont plus polluants que les véhicules diesel s’agissant des particules ! À ce jour, ils ont obtenu une dérogation pour ne pas être astreints à l’équipement d’un filtre à particules, mais celle-ci devrait s’éteindre en 2017.
Concernant l’accélération du renouvellement du parc, le rendez-vous important est celui du contrôle technique, dans son volet pollution, sur lequel des propositions sont avancées. D’autres encore concernent l’éco-conduite.
L’offre automobile française du XXIe siècle constitue un autre axe fondamental du rapport, puisqu’il s’agit de concevoir un véhicule cumulant trois révolutions. La première est la révolution des usages, c’est-à-dire un changement radical de la relation à la possession d’une automobile allant dans le sens de la différenciation des usages. Le rapport plaide ainsi pour l’établissement d’un coût kilométrique de l’usage du véhicule permettant à chacun de faire le bon choix de motorisation. La deuxième révolution, c’est le véhicule propre à zéro émission. De ce point de vue, l’horizon de la France ne saurait se borner au véhicule du futur présenté comme la voiture ne consommant que deux litres aux cent kilomètres. Il faut regarder au-delà. La troisième révolution est celle du véhicule autonome.
S’agissant du véhicule zéro émission, le rapport plaide pour que la France fasse le choix de devenir la patrie du véhicule électrique, ce que notre mix énergétique doit nous permettre de faire dans des conditions vertueuses sur le plan environnemental. Le mouvement est lancé mais des faiblesses demeurent toutefois, dans le domaine de l’interopérabilité des réseaux d’alimentation ainsi que dans celui des infrastructures et précisément de leur impact sur les réseaux électriques. Ces questions ne portent pas sur la consommation d’électricité de la France, mais sur une vision stratégique des infrastructures qui fait aujourd’hui défaut.
Le rapport plaide résolument en faveur de ce choix, sans pour autant fermer la porte à l’hydrogène, carburant sur lequel il serait hasardeux de faire l’impasse. Une stratégie est ainsi proposée, qui prépare le coup d’après. Les problèmes d’infrastructure sont certes nombreux, mais une méthode est proposée, qui repose d’abord sur des flottes captives. Sachant, de surcroît, que les entreprises leaders mondiales dans ce domaine sont toutes françaises, il y aurait quelque paradoxe à ce qu’elles s’occupent des infrastructures d’hydrogène dans tous les pays, sauf en France.
Le gaz naturel pour véhicules (GNV) constitue la solution d’ores et déjà écologiquement vertueuse et économiquement compétitive pour le transport de marchandises. Cette filière est dans l’attente de soutiens publics pour être accompagnée dans la conversion des poids lourds.
À cet instant de ma présentation, j’apporte une précision afin de couper court aux faux débats qui n’ont pas lieu d’être. Le diesel redevenant un carburant professionnel comme à l’origine, le rapport propose de protéger les secteurs professionnels les plus fragiles, tels l’agriculture et le transport routier de marchandises, des conséquences du mouvement de convergence fiscale « + 1, - 1 ».
La valeur du véhicule zéro émission réside à 50 % dans la batterie. Or, si, à l’horizon 2025 voire 2030, des millions de voitures électriques doivent circuler en France, elles seront puissamment soutenues par des fonds publics dont la moitié partiront hors de notre pays. Dans le domaine de la motorisation diesel et des énergies fossiles, nous disposons d’une base industrielle, mais nous devons nous assurer que les véhicules de demain pourront être entièrement construits en Europe et en France. Le rapport formule donc des propositions au sujet des batteries. Cette industrie est certes surcapacitaire dans le monde aujourd’hui, ce qui explique le peu d’intérêt qu’elle suscite chez nous, mais cela ne sera plus vrai dans cinq ans. C’est maintenant que notre industrie doit préparer son coup.
Le rapport appelle à un électrochoc dans le domaine du véhicule autonome et connecté. Nos constructeurs ont commencé à rattraper le retard. Pour leur part, nos équipementiers sont des leaders mondiaux dans le domaine des capteurs, de l’adaptation de l’habitacle, mais il n’existe pas, en France, un soutien politique au déploiement du véhicule autonome. L’ironie, c’est que les groupes de travail et institutions réputés suivre ce dossier sont légions. Le plan de la Nouvelle France industrielle (NFI) consacré au véhicule autonome a été supprimé pour être intégré à la mobilité écologique. Or je considère que le véhicule autonome ne constitue pas un sous-sujet de la mobilité écologique ; c’est un sujet à part entière, et il représente le nouvel horizon stratégique. L’arrivée des géants d’internet ne doit pas être prise à la légère. La valeur ajoutée va se déplacer vers l’immatériel, ce qui pose la question de la maîtrise des systèmes d’exploitation, extrêmement lourde en termes de réglementation.
La question de l’homologation des logiciels ne manquera d’ailleurs pas de se poser, car l’automobile est le seul secteur, contrairement à l’aéronautique ou la santé, dans lequel, jusqu’à l’affaire Volkswagen, cette homologation n’existait pas. Si demain tous les véhicules sont équipés de logiciels, il n’est pas concevable que la puissance publique n’ait pas le droit de regard dessus – un problème de sécurité routière, avec des procédures interminables, ne manquera pas de se poser à cause de l’absence de contrôle des codes.
Le rapport propose donc un plan « France véhicule autonome », un fond doté de 500 millions d’euros pour soutenir ces déploiements, les expérimentations ainsi que la R&D. Par ailleurs, une adaptation réglementaire très précise est présentée. D’autres pays, comme le Royaume-Uni ou les États-Unis ont mis en place des plans stratégiques décidés au plus haut niveau politique, dont tous nos interlocuteurs nous ont dit être dans l’attente de l’équivalent en France.
L’organisation de la filière industrielle fait l’objet de la cinquième partie du rapport. Elle préconise une augmentation des budgets de R&D sans précédent au regard des défis à relever. La réussite et la croissance très rapide des grands équipementiers français est liée à des choix lourds dans ce domaine ; or PSA comme Renault ont indiqué avoir des budgets de recherche et développement assez contraints, notamment du fait des normes. C’est là que réside la priorité absolue, avec tout ce que cela implique sur le domaine des programmes d’investissement d’avenir et de la réforme des pôles de compétitivité.
Par ailleurs, la structuration de la filière connaît des schémas d’organisation comportant beaucoup de redondances de structures, et où tout résulte de ce qui a été fait – et bien fait – par les États généraux de l’automobile en 2008 et 2009. Les structures de la filière sont organisées en fonction de la crise de cette époque ; elles ne se sont pas adaptées à la nouvelle phase de redémarrage, qui appelle une organisation post crise.
Le rapport évoque encore la dégradation des relations entre les constructeurs, les grands équipementiers et les sous-traitants, ainsi que la situation des salariés, en reprenant les propositions de Frédéric Barbier relatives à l’intérim et aux externalisations d’activités.
Des propositions sont aussi formulées au sujet du label « Origine France Garantie », aujourd’hui encore trop peu connu, et qui doit être largement promu. Un de nos constructeurs et un constructeur étranger implanté en France font l’effort de s’inscrire dans cette démarche ; il faut les soutenir.
D’autres propositions portent sur l’accélération de la modernisation industrielle, notamment des usines demeurant en surcapacité et, pour certaines d’entre elles, vieillissantes. Il s’agit du programme « Usine du futur » qui emporte la robotisation, la numérisation, et autres. La robotisation n’est d’ailleurs pas l’ennemi de l’emploi, mais elle nécessite la progression dans la compétence au sein des filières concernées. Dans nombre de sites industriels que nous avons visités, nous avons constaté la présence d’un centre de formation ; il semble donc que la filière ait pris cette question à bras-le-corps. En revanche, elle a besoin que le pays renoue avec la fierté de son industrie automobile, que ses métiers retrouvent de l’attractivité et de la valorisation. À cet égard, il ne me paraît pas normal que Volkswagen soit le partenaire officiel de l’Équipe France de football. L’enjeu, c’est la relation entre la Nation et son industrie automobile.
Le rapport se clôt sur les perspectives de construction d’une industrie du cycle de vie. Depuis très longtemps, la filière automobile est engagée dans une démarche d’économie circulaire, Renault étant d’ailleurs exemplaire dans ce domaine.
Je souhaite, par ailleurs, insister sur l’élévation du niveau d’exigence en ce qui concerne les émissions polluantes, qui se traduit par un nombre de créations d’emplois assez substantiel, singulièrement chez les équipementiers. À cet égard, PSA a effectué les bons choix technologiques, avec un temps d’avance dans le domaine du filtre à particules et de la réduction catalytique sélective (RCS) qui est désormais la technologie de référence en voie d’être adoptée par tous les constructeurs. Le rapport montre de façon concrète comment ces progrès se traduisent par une augmentation des capacités de production, comme dans le domaine de la RCS. Cela démontre qu’une conception du développement économique associant industrie et écologie est créatrice d’emplois.
M. Philippe Duron. Je veux dire combien cette mission d’information fut passionnante. Je tiens à remercier la présidente et la Rapporteure pour la conduite très efficace de ce travail. Un rapport rédigé par une ancienne ministre de l’environnement au service de l’industrie française, cela mérite d’être souligné comme un symbole très fort, car les deux n’ont pas toujours été facilement conciliés. Je me félicite également de l’orientation de cette mission d’information : née du scandale Volkswagen, elle s’est orientée de façon très intelligente et n’a pas débouché sur un rapport de dénonciation ou de suspicion, mais sur un rapport de diagnostic et d’analyse, et aussi de propositions. En ce sens, il fera date et sera utile.
Ce document, qui aurait pu constituer un handicap pour notre industrie qui a largement construit son succès sur le diesel, doit, au contraire, lui permettre d’accélérer sa mutation pour relever les défis auxquels elle est confrontée : le défi énergétique avec la sortie du carbone, la voiture autonome, le défi des usages ...
Une autre chose remarquable est la qualité des propositions accompagnant ce rapport. Elles sont nombreuses, précises et d’autant plus pertinentes qu’elles laissent ouvertes les options technologiques de l’avenir. Ainsi, la neutralité technologique et fiscale est une notion tout à fait intelligente et novatrice dans un pays où l’on a une grande propension à édicter des normes et à cadrer les options scientifiques et technologiques. D’autres mesures proposées sont propres à reconquérir la confiance des usagers et des consommateurs dans le contrôle des véhicules, notamment par l’institution de normes uniques assortie d’un calendrier. Il y a encore des propositions tendant à donner une visibilité plus longue à l’industrie automobile, de manière à faire en sorte que sa conversion, sa réorientation puisse s’opérer de façon visible et stable.
Enfin, la mission d’information propose d’accompagner la mutation du parc neuf ainsi que de celui de l’occasion, ce qui est très pertinent. Je suis très favorable à cela. Je n’émettrai qu’une réserve : vous suggérez d’augmenter la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ; il est vrai que la période est favorable. Vous proposez l’affectation de la totalité du produit de cette augmentation à l’accompagnement de la filière. Je le comprends du point de vue qui a été celui de cette mission, mais il me semble que les augmentations de TICPE sont aussi nécessaires à l’accompagnement du transfert modal – et je m’adresse là à l’ancienne ministre de l’environnement. Il faut aussi permettre à la France d’effectuer sa mutation vers les modes de transport de voyageurs et du fret que sont le rail et les voies d’eau.
En tout état de cause, je soutiens la publication de cet excellent rapport.
M. Jean Grellier. Je m’associe à ce que vient de dire mon collègue quant à la qualité de ce rapport. Lorsque nous avons débuté cette mission, il nous était difficile d’imaginer l’importance des travaux auxquels elle allait conduire et la perspective positive qui pouvait s’ouvrir au secteur automobile, compte tenu des problèmes qu’il rencontrait il y a encore un an ou deux.
Je relève l’importance de la proposition n°1 et le parallèle qui est fait, dans le document de synthèse qui nous a été remis, entre les engagements de l’État et ceux de la filière. Cette méthode me paraît tout à fait intéressante, dans la période que nous vivons, pour redonner à l’industrie automobile la place qu’elle mérite au sein de notre pays.
Je suis également curieux des suites qu’aura ce rapport, sachant combien il est difficile de faire appliquer les recommandations des nombreux rapports d’information publiés dans cette maison. La période me semble propice à un rapprochement entre notre mission d’information et le comité stratégique de filière du Conseil national de l’industrie, dans une relation de complémentarité.
Enfin, je partage votre point de vue quant à l’importance du plan de la Nouvelle France industrielle dont la restructuration a abouti à l’intégration du « véhicule autonome » dans la solution industrielle « Mobilité écologique ». Il convient, là aussi sans doute, que nous nous rapprochions du ministère de l’économie pour savoir comment cet enjeu important peut être pris en compte très rapidement, car la concurrence mondiale est au rendez-vous en ce domaine. Il importe que les propositions de ce rapport très dense puissent être reprises à un moment où la filière est confrontée à des défis certes majeurs, mais offrant des perspectives optimistes pour son avenir dans notre pays.
M. Éric Straumann. Bravo pour ce remarquable travail ! Le véhicule autonome est effectivement un enjeu stratégique pour notre pays. PSA, que nous avons visité récemment avec plusieurs collègues, travaille sur le sujet mais il faudrait également impliquer davantage les collectivités locales en la matière. Je suis l’élu d’un département dont les zones rurales sont couvertes par un réseau de bus qui n’est guère efficient, avec beaucoup de bus qui circulent à vide. Le véhicule autonome pourrait constituer une réponse à ces problèmes de transport en milieu rural. Aussi conviendrait-il d’associer les autorités de transport à notre réflexion et de faire participer financièrement ces collectivités au développement de ces véhicules – elles qui mettent beaucoup d’argent dans le transport.
Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce rapport fera date parmi les multiples publications de notre assemblée. Vous l’avez indiqué à juste titre, madame la Rapporteure, depuis dix ans, jamais personne ne s’était intéressé à l’industrie automobile alors que c’était une nécessité. Malheureusement, nous avons été obligés de le faire après l’affaire Volkswagen, et les industriels français ont été inquiétés alors que certaines d’entre eux avaient fait d’énormes efforts pour améliorer la propreté des moteurs diesel.
Je retiens deux propositions allant dans le bon sens.
La première est « la règle des cinq ans », proposition raisonnable qui permet à la fois aux constructeurs et aux usagers de s’adapter. Ayant une usine de moteurs diesel dans ma circonscription, je ne vous cache pas que j’ai, pendant toute la mission, tendu le dos. Certes, la diversification privilégiée par la mission nous a permis aujourd’hui de récupérer le moteur électrique – et je vous remercie d’avoir souligné que PSA mène un travail de recherche extraordinaire sur le moteur diesel –, mais j’étais malgré tout très inquiète.
Vous avez souhaité que cette recommandation puisse être adoptée dans le projet de loi de finances. Aussi, je souhaiterais vivement ne pas voir survenir, ni en séance publique ni ailleurs, un amendement comme celui déposé subitement hier en commission du développement durable par un collègue ayant de fortes envies d’écologie mais qui ne réfléchit absolument pas aux conséquences de sa proposition tendant à ramener cette période à deux ans. Certes, cette commission n’est saisie que pour avis mais j’aimerais que nos collègues aient votre capacité de réflexion et comprennent la nécessité de permettre aux entreprises de s’adapter aux évolutions législatives et réglementaires.
La deuxième proposition que j’apprécie concerne la remise en perspective de l’écotaxe. Ce n’est pas Mme la Présidente qui me contredira, puisque c’est son prédécesseur, Yves Bur, qui était à l’origine de l’amendement prévoyant l’expérimentation du dispositif. Cette taxe était nécessaire, même si son mode de prélèvement pouvait peut être paraitre complexe. Par ailleurs, il est sympathique de mettre en avant et d’encourager le véhicule autonome, mais cela doit s’accompagner d’une meilleure attention aux infrastructures qu’il nécessite, ce à quoi l’écotaxe était aussi destinée.
Notre groupe apportera une contribution à ce rapport pour préciser des points sur lesquels nous sommes en mesure d’être absolument d’accord. En tout cas, je suis très impressionnée par la richesse du travail que vous avez effectué, l’une et l’autre. Je n’ai pas eu la curiosité d’aller consulter le rapport qui avait été rédigé lors de la décennie précédente mais le vôtre me semble une base extraordinairement importante pour les dix années qui viennent
– car je ne pense pas qu’un autre rapport sera publié d’ici là. Avec les contributions que nous pourrons apporter, nous aurons accompli un travail sérieux de coordination avec les acteurs de la filière. C’était tout aussi nécessaire pour nos concitoyens que pour l’industrie automobile française, l’un des fleurons de notre économie.
M. Frédéric Barbier. Tout comme mes collègues, je suis impressionné par le travail effectué. C’est presque trop rapidement que Mme la Rapporteure a dû nous présenter ce rapport, tant il est dense et complet, traitant aussi bien de l’amont que de l’aval.
Marie-Jo Zimmermann disait à l’instant que nous n’aurions pas de nouveau rapport avant dix ans. Mais à voir la vitesse à laquelle l’industrie automobile évolue, la magnifique feuille de route que vous avez établie nécessitera des adaptations juridiques.
Quel chemin parcouru depuis 2012 ! Je le dis pour être député d’un territoire sur lequel se trouve le site historique de Peugeot : on nous avait annoncé cette année-là la quasi-faillite de l’entreprise qui était au bord du gouffre. On a vu là, comme pour Alstom, tout l’intérêt d’un l’État stratège qui doit pouvoir intervenir pour protéger son tissu industriel. En quatre ans, les ventes sont reparties, la gamme des véhicules a été complétée et même relevée vers le haut de gamme, et l’on passe maintenant la vitesse supérieure pour se raccrocher au peloton de tête des industries au niveau mondial. Je suis très attaché à ce secteur qui représente 545 000 emplois directs, 2,8 millions de salariés et 9 à 10 % de la population française active. Je suis attaché aussi à ce que, quand une industrie fonctionne bien, quand les salariés ont participé à son redressement, on veille à résorber la précarité et à améliorer les salaires.
Je constate dans ce rapport que, pour une fois, on prend en compte la nécessité pour le législateur de ne pas déstabiliser une industrie en modifiant trop rapidement les normes ou la fiscalité. Notre industrie a lourdement investi dans le diesel ces dernières années alors que l’on doit plutôt aller aujourd’hui vers l’électrique, l’hybride, l’hybride rechargeable et d’autres solutions encore. Les industriels l’ont maintenant compris, et il faut les y aider mais en prenant le temps nécessaire. À cet égard, je déplore, moi aussi, cet amendement présenté devant la commission du développement durable tendant à résorber en deux ans les différences entre l’essence et le diesel concernant la TVA. Il ne faut pas déstabiliser une industrie automobile qui va mieux aujourd’hui en France ; au contraire, il faut l’accompagner dans son retour dans la course.
Enfin, le recyclage des véhicules en fin de vie mérite également que l’on s’y intéresse. Nos constructeurs sont en train de travailler sur de nouveaux matériaux composites et les moyens de les traiter et, demain, de les recycler. C’est un sujet que vous traitez dans le rapport, en allant d’ailleurs très loin dans la feuille de route que vous avez définie pour les prochaines années. Ce rapport est, à cet égard aussi, très intéressant.
En tant que député d’un territoire automobile, je vous adresse à toutes deux mes plus sincères félicitations pour ce document qui ne traite pas uniquement de l’avenir de l’industrie automobile, mais aussi de la place des salariés dans les entreprises de la filière.
M. Xavier Breton. Je vous remercie, madame la Présidente et madame la Rapporteure pour le travail effectué. Parmi les 120 propositions d’importance inégale, j’en retiens deux que Mme la Rapporteure a qualifiées de marquantes : la norme Euro 7, qui permettrait d’intégrer tous les paramètres de pollution, et « la règle des cinq ans », synonyme de visibilité et de stabilité.
Je ferai un zoom sur la filière des véhicules industriels – sujet qui a motivé ma participation à cette mission d’information. En matière de réduction de la pollution, le rapport ne met pas encore assez en avant les efforts qui ont été réalisés par les constructeurs de poids lourds pour se conformer à la norme Euro VI. Il ne fait pas non plus de propositions proprement ciblées sur les véhicules industriels dans sa partie intitulée « Accélérer vraiment le renouvellement du parc ».
En revanche, je salue les propositions visant à sauver la filière du rechapage, qui fait l’objet d’un groupe d’études que je préside. Cette filière méconnue a pourtant toute sa place dans l’économie circulaire. Elle fonctionne vraiment bien, même si elle rencontre aujourd’hui quelques points de blocage. Les propositions formulées dans le rapport pour les lever vont dans le bon sens.
M. Rémi Pauvros. Je me joins aux félicitations et aux remerciements de mes collègues.
Je suis, avec Philippe Kemel que j’associe à mes propos, élu de la première région industrielle automobile de France en nombre de salariés. À ce titre, nous sommes particulièrement sensibles au caractère offensif de ce rapport. Il envoie un message très positif aux nombreux salariés de ce secteur d’activité et leur présente une perspective d’avenir. Même si l’automobile va mieux aujourd’hui en France, il s’agit de conforter le choix fait il y a quelques années d’investir fortement dans le développement de l’électrique – tant chez Renault que chez Peugeot. Ce développement a été accompagné très fortement par les collectivités territoriales, alors qu’il ne s’agissait là que d’une première approche. Vous avez raison de dire qu’il faut mettre un peu d’ordre sur le sujet, notamment s’agissant des lieux d’implantation des bornes de recharge et des technologies à utiliser.
La proposition n° 29 me paraît également très importante en ce qu’elle envoie un message extrêmement positif aux utilisateurs professionnels de véhicules diesel : au lieu de les condamner, elle reconnaît qu’ils n’ont pas d’autre choix que d’utiliser ces véhicules. Les propositions d’évolution et de recherche en la matière me paraissent fort satisfaisantes. L’écologie punitive était extrêmement dangereuse. Elle posait de véritables problèmes à plusieurs professions, notamment parmi les artisans, nombreux, qui ont besoin d’adapter leur mode de transport à cette évolution. Représentant la commission du développement durable au sein de cette mission d’information, j’en profite pour vous indiquer que l’amendement condamné par nos collègues n’a, me semble-t-il, pas été retenu.
En tout cas, je vous remercie d’avoir adopté cette démarche globale et envoyé ce message. La concrétisation de ces propositions extrêmement importantes pour l’avenir de l’automobile dans notre région doit être assurée grâce à un soutien politique fort, notamment de l’exécutif.
M. Yves Albarello. Madame la Rapporteure, je m’associe pleinement à votre remarque sur le sponsoring de notre équipe nationale de football par la société Volkswagen. C’est l’un des plus grands scandales de ces derniers temps. Voir le sigle du constructeur à côté du coq français me dérange énormément.
Fan d’automobile, j’ai pris beaucoup de plaisir à être présent lors d’auditions de la mission – pas à toutes – et à contribuer à l’élaboration du rapport. Même s’il ne s’agit pas d’une aussi grosse unité automobile que celle qui se trouve dans la circonscription de Rémi Pauvros, j’ai dans ma ville un équipementier qui est en train de disparaître : l’usine de Wabco Westinghouse, qui fait des freins pour la filière poids lourds, a compté jusqu’à 850 salariés mais n’en emploie plus aujourd’hui qu’une cinquantaine. Votre rapport arrive donc à point nommé, au moment où l’industrie automobile française est en train de relever la tête.
Enfin, je suis d’accord avec Philippe Duron concernant l’affectation de la TICPE : elle ne peut être exclusivement réservée au secteur automobile.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je vous félicite toutes deux pour votre excellent rapport.
L’usine automobile qui se trouve dans ma circonscription est de taille plus modeste que celle évoquée par M. Barbier mais je puis vous dire que je craignais, moi aussi, de la part de cette mission d’information, une charge contre le véhicule diesel. Or vous avez, du début à la fin de ce rapport, fait preuve d’intelligence et d’ouverture d’esprit, en vous attachant à promouvoir un accompagnement de notre industrie qui ne soit pas synonyme d’abandon des plus précaires. Le diesel polluant est souvent utilisé dans des voitures très anciennes que les propriétaires ne peuvent changer. Je voudrais donc mettre en exergue les propositions n° 15, 27 et 32. C’est un rapport riche pour l’industrie automobile, illustrant les défis auxquels elle aura à faire face et comment l’accompagner. Mais j’insiste sur l’idée, défendue par la Rapporteure, que notre société peut tout à fait se doter d’une industrie de pointe engrangeant des bénéfices et n’oublier personne.
Enfin, je souligne l’importance d’un État stratège pour sauver des emplois. J’ai été élue en 2012 : alors qu’il n’y avait aucun problème chez PSA en mars, cette année-là, nous avons appris, en juin, qu’il allait y avoir dans ce groupe des milliers de licenciements. Sans l’investissement de l’État, bien des hommes et des femmes se seraient retrouvés au chômage.
Je vous remercie et vous félicite donc pour ce rapport. Sans attendre dix ans pour y revenir, il conviendrait d’assurer un suivi de ses propositions.
Mme la présidente Sophie Rohfritsch. À mon tour, je souligne la qualité de nos relations durant cette année de travail qui a donné lieu à des échanges très fructueux, ainsi que la compétence des services de l’Assemblée nationale qui ont planché quasiment jour et nuit sur l’élaboration de ces propositions pour qu’elles soient aussi complètes que possible.
Mme la rapporteure. Que dire après tant d’éloges ?
Je fais d’abord observer qu’il y a tout de même, dans le rapport, une charge contre les régulateurs européen et français – tous gouvernements confondus – qui ont laissé s’installer une situation de diésélisation massive sans anticiper le mouvement actuel, irréversible, de diminution du gazole. Il faut reconnaître que le Gouvernement a engagé ce mouvement depuis deux ou trois ans : c’est un vrai tournant dans l’histoire si l’on remonte aux années 1970. Les pouvoirs publics sont les premiers responsables vis-à-vis des automobilistes et des citoyens. Le rapport plaide pour une progressivité de la diminution du diesel parce qu’on ne peut pas, du jour au lendemain, faire un tel tête-à-queue après des années d’immobilisme.
Je veux aussi convaincre qu’une vision qui ne serait pas engagée, ambitieuse, conquérante face aux défis du XXIème siècle que sont le véhicule zéro émission, la révolution des usages et le numérique, risquerait de nous plomber tant s’exerce aujourd’hui, dans le domaine des technologies du futur, une compétition mondiale extrêmement féroce.
Puisque nous pouvons encore ajouter quelques lignes à ce rapport avant qu’il ne parte à l’impression, j’ai une proposition à faire à Philippe Duron. La recette supplémentaire liée à la convergence fiscale est de 250 millions en 2016 ; elle sera légèrement supérieure en 2017 et ira croissant d’année en année pour atteindre, en fin de période, plus de 1 milliard d’euros. Nous avons besoin, pour doubler la prime à la conversion des ménages modestes, accompagner les sites industriels en difficulté et financer l’organisme de contrôle qui réalisera des tests aléatoires sur les véhicules en circulation, d’environ 250 millions d’euros par an, 300 millions au maximum. Je ne suis donc absolument pas opposée à dire qu’au-delà de la manne nécessaire pour assurer la transition automobile, le reste soit affecté au transfert modal et à l’AFITF. Si nous sommes tous d’accord sur ce point.
Je rappelle que le véhicule autonome ne fait l’objet d’aucune feuille de route et qu’il n’y a pas de « Monsieur » ou de « Madame véhicule autonome » en France. Cette ambition manque donc surtout de soutien politique.
En réponse à Mme Zimmermann, je dirai que plus les conclusions du rapport feront consensus entre nous, plus elles auront de poids, surtout à l’approche d’échéances politiques.
Monsieur Barbier, je plaide dans ce rapport en faveur de ce que j’ai appelé la « planification agile » : nous avons besoin d’une vision de long terme qui n’existe pas aujourd’hui ainsi que d’une certaine capacité d’adaptation. Les technologies évoluent à une vitesse telle qu’il ne faut pas que nos choix soient figés. Mais en même temps, nous n’avons, ni en France ni en Europe, ne serait-ce qu’une vision de ce que sera l’industrie automobile à l’horizon 2030 – c’est-à-dire demain matin, en termes de choix de R&D –, alors que certains pays ont une feuille de route à l’horizon 2050, prévoyant des étapes graduées. Il ne s’agit pas de coller strictement à une feuille de route mais de donner à l’industrie le cadre de long terme dont elle a besoin pour savoir où aller.
Monsieur Breton, le rapport comprend des propositions concernant le renouvellement des poids lourds, compte tenu du surcoût à l’achat des poids lourds au GNV aujourd’hui. Je rappelle d’ailleurs qu’une partie de ces véhicules GNV sont fabriqués en Ardèche : certes, le constructeur n’est pas français mais des milliers d’emplois sont liés à ce développement technologique. Notre objectif est donc de favoriser la conversion des flottes au GNV, au gaz naturel liquéfié (GNL) ou, encore mieux, au bio-GNV au profit duquel des mesures sont proposées.
Quelles suites connaîtra ce rapport ? Il y en aura, selon moi, à trois niveaux.
Le premier est l’Europe. Nous avons fait dans le rapport un développement sur la perte d’influence française à Bruxelles, en particulier en matière de normes automobiles. Le poids de l’industrie allemande sur la norme européenne est tel que la réglementation représente parfois un désavantage compétitif pour l’industrie française. Il n’est pas acceptable que la France ne soit représentée à certaines réunions que par une seule personne quand l’Allemagne en fait venir trois ! Il importe donc que notre pays se réengage dans l’élaboration des normes automobiles. Vous savez que l’Europe n’avait pas prévu de ratifier l’accord de Paris consécutif à la COP21 dans le délai imparti. Or la France a accompli un travail remarquable de mobilisation des instances européennes. Après l’affaire Volkswagen, il faut qu’elle en fasse autant s’agissant de l’automobile, sans quoi la montagne accouchera d’une souris et tout continuera comme avant. Les normes resteront dans le même désordre. Le nouveau règlement européen ne clarifiera toujours pas la répartition des compétences entre la Commission européenne et les États membres, alors que la question est centrale : la proposition qui est faite, c’est que tout le monde sera responsable de tout. Cela veut dire que si l’on a demain une nouvelle affaire Volkswagen ou encore une affaire Mercedes-Daimler
– face à laquelle il m’avait fallu prendre des décisions à l’époque –, on n’aura pas le droit d’interdire en France la circulation de véhicules polluants car homologués dans un autre pays.
Le deuxième niveau est la France. Comme l’a dit Jean Grellier, nous proposons dans le rapport un protocole clés en main : j’espère qu’il retiendra l’attention. Certaines décisions peuvent être votées tout de suite en loi de finances. Le rapport propose aussi cinq décrets clés en main et un projet de loi, et d’autres éléments d’importance que l’on peut aussi transformer en proposition de loi.
Enfin, j’attends aussi des industriels qu’ils se mobilisent pour aller dire au plus haut niveau ce qu’ils nous ont dit à nous, s’agissant notamment de la prévisibilité, de la nécessité de disposer d’un cadre de long terme et de « la règle des cinq ans ». C’est aussi à eux d’accueillir ces propositions et d’affirmer qu’elles sont ce dont l’industrie française a besoin aujourd’hui.
M. Xavier Breton. Nous voterons non pas en faveur de l’ensemble des 120 propositions, qu’il faut regarder une par une, car elles sont d’importance inégale, mais en faveur de la publication du rapport. Le groupe Les Républicains transmettra une contribution à ce travail.
M. Frédéric Barbier. Vous avez fait un travail considéré comme exceptionnel par l’unanimité des personnes présentes ce matin. Le groupe que je représente votera, bien sûr, en faveur de la publication de ce rapport.
La mission autorise la publication du rapport d’information à l’unanimité.
La séance est levée à onze heures cinquante.
CONTRIBUTION DES DÉPUTÉS DU GROUPE
« LES RÉPUBLICAINS »
La présente contribution ne vise pas à valider ou critiquer, de manière exhaustive, chacune des propositions de la Rapporteure. Il s’agit pour les députés « les Républicains » membres de la mission d’information de livrer leur analyse, en réaction à certaines propositions, après plusieurs mois d’auditions et de déplacements.
* * *
Notre mission portait sur une filière qui représente une part significative de l’économie française. La filière automobile réalise en effet 16 % du chiffre d’affaires de l’industrie manufacturière. Répartis sur 4 400 sites de production appartenant à plus de 3 500 entreprises, 540 000 salariés travaillent dans la production automobile, principalement chez les constructeurs (126 000) et équipementiers (66 000), mais également chez de nombreux fournisseurs. Au-delà des deux grands constructeurs français que sont PSA et Renault, 55 % des entreprises de la filière automobile appartiennent à des PME. Avec les emplois indirects, la filière automobile concerne 2,3 millions de personnes.
En 2014, les constructeurs français ont produit 1,8 million de véhicules légers, soit 6,7 % de la production mondiale, ce qui place la France au 12ème rang mondial. Derrière l’allemand Volkswagen (25,4 % des parts de marché), PSA occupe la deuxième place du marché européen des constructeurs (10,8 %) et Renault la troisième place (9,7 %).
Ce fleuron de notre économie a pourtant connu de sérieux revers, touché par la crise financière et économique de 2008 (-20 % de la production entre 2008 et 2009). Les derniers chiffres publiés montrent fort heureusement une augmentation des immatriculations sur les neufs derniers mois. En effet, les immatriculations de voitures particulières ont augmenté de 5,7 %. Ces chiffres sont encourageants mais ils ne doivent pas occulter la situation de la filière automobile française, souvent à la peine face à ses voisins européens.
Les députés « les Républicains » pensent que la première entrave à la stabilité et au développement de notre industrie automobile réside dans un manque de compétitivité, notamment face à nos voisins européens qui sont nos principaux concurrents. Nous ne cessons de le dire, le coût du travail, le poids des normes, la fiscalité sur les entreprises alourdissent considérablement le coût de production des véhicules, et notre industrie automobile est en perte de vitesse. Il sera donc essentiel d’améliorer la compétitivité de notre industrie automobile (et plus généralement celle de toutes nos entreprises) afin de rapprocher la fiscalité et la réglementation de celles de nos voisins européens.
Les députés « les Républicains » souhaitent, en outre, profiter de cette contribution pour mettre en garde contre une tendance apparue ces dernières années, celle de diaboliser la voiture. Oui, les véhicules ont des conséquences sur notre environnement et notre santé : il est par conséquent indispensable d’améliorer la qualité des moteurs afin de les rendre « propres ».
En revanche, si les opérations du type « journée sans voiture » peuvent être intéressantes dans des grandes villes qui disposent de moyens de transports publics développés, l’utilisation d’une voiture demeure indispensable dans nos territoires, dans nos campagnes. Sans voitures, nos concitoyens en milieu rural ne pourraient pas aller travailler, faire leurs courses, se faire soigner, emmener leurs enfants à leurs activités hebdomadaires, etc. Les députés « les Républicains » resteront donc vigilants à ce que l’utilisation d’une voiture ne devienne pas pénalisante, en particulier d’un point de vue fiscal.
* * *
Avec cette contribution, les députés « les Républicains » souhaitent aussi rappeler l’importance de la recherche et de l’innovation dans la filière automobile.
L’innovation englobe ces dernières années de nouveaux enjeux, liés notamment au développement galopant du numérique dans notre quotidien, au renforcement de la sécurité, à l’anticipation que l’ère du « tout-pétrole » aura une fin, au besoin de compatibilité des véhicules avec l’environnement. Notons d’ailleurs que le Grenelle de l’environnement, sous la précédente législature, a permis une prise de conscience sans précédent tant des consommateurs que des professionnels.
Il est indispensable que l’État accompagne les entreprises dans leur démarche d’innovation. Les auditions ont révélé que le service public de l’innovation possède tous les outils (notamment PIA, pôles de compétitivité) mais, force est de constater, que l’objectif ne parvient pas à être atteint notamment auprès des TPE. Au-delà des plans et stratégies, il faut se donner les moyens de rendre nos outils lisibles, simples et efficaces pour toutes les entreprises du secteur. En outre, il n’est pas utile de mobiliser toujours plus d’argent : il faut en revanche rationaliser l’organisation du service public de l’innovation pour le rendre plus efficient.
Précisons utilement que les constructeurs automobiles ne sont pas restés figés dans un ancien monde. Il suffit tout simplement de comparer les voitures mises en circulation il y a 15 ans et celles d’aujourd’hui ! Les constructeurs automobiles n’ont eu de cesse de rechercher à améliorer leurs produits, à répondre à la demande des utilisateurs, à élargir la gamme de leurs véhicules en diversifiant les types de moteurs (essence, diesel, hybrides, GPL, électrique). Les moteurs diesel, si souvent, décriés, ont ainsi connu d’importantes évolutions.
À cet égard, la visite du centre de R&D de PSA à Carrières-sous-Poissy fut riche d’enseignements. Sur place, nous avons pu observer que les constructeurs sont prêts à relever les nouveaux défis de leur secteur d’activité. En interne, ils font de la recherche et du développement un objectif majeur.
S’il en était besoin, cette visite a pu renforcer notre conviction : faisons confiance aux entreprises ! Bien sûr, l’État doit être le garant de l’application des règles, notamment environnementales et sanitaires, mais les entreprises n’ont pas besoin de l’omniprésence de l’État. Celui-ci doit être là pour permettre qu’elles se développent, pour les accompagner mais non pour entraver leur activité ou pour leur dire ce qu’elles doivent privilégier en termes industriels. L’État doit être un partenaire, dans un climat de confiance. Il doit chercher à créer des synergies entre les acteurs.
* * *
Notre investissement dans la mission avait pour objectif de pointer les failles et les lacunes de l’offre automobile, certes à la lumière du « scandale Volkswagen », mais avant tout pour renforcer notre industrie automobile dans un climat de confiance. Le rapport présenté le 12 octobre 2016 ne doit pas être un réquisitoire contre l’industrie automobile.
De manière générale, notre première réaction à la lecture du rapport est la suivante : 120 propositions qui ressemblent à un catalogue à la Prévert.
ü Il y a évidemment des propositions avec lesquelles nous sommes d’accord.
Ainsi, tout ce qui concerne l’amélioration, la modernisation et l’homogénéisation des procédures d’homologation, visant à utiliser la norme Euro 7, va dans le bon sens (proposition n° 7). Dès lors, il est naturel de s’assurer de l’effectivité des sanctions envers ceux qui trichent ou trafiquent les véhicules (proposition n° 17). Mais il faut rester vigilant à ne pas jeter le discrédit sur tous les acteurs d’une filière lorsque quelques-uns abusent de leurs prérogatives.
En outre, nous sommes favorables au respect d’un délai de 5 ans pour la mise en application de nouvelles normes (proposition n° 8). L’intégration de toute nouvelle norme entraîne des coûts de mise en œuvre pour les entreprises et peut bouleverser leur quotidien. Or, les entreprises ont besoin de stabilité et de visibilité. Les règles du jeu ne peuvent pas changer tous les ans : c’est là une question de confiance entre les entrepreneurs et les politiques.
La Rapporteure propose de faire de la neutralité technologique le principe constant des décisions de l’État (proposition n° 18). À ce titre, il proposé de faire converger les fiscalités sur le diesel et l’essence d’ici 5 ans (propositions n° 20, 21, 23). Nous soutenons ces propositions. Cette convergence doit cependant véritablement être lissée sur 5 ans afin de permettre aux entreprises de s’adapter. En effet, les investissements dans l’industrie automobile sont très importants et ne s’amortissent que sur une période assez longue. Nous devons en particulier être attentifs à la filière du diesel, qui est l’un des points forts de l’industrie automobile française. C’est d’ailleurs en France que se trouve la plus grande usine du monde. Il serait dangereux de déstabiliser une filière aussi performante.
ü Nous sommes en revanche réservés sur certaines propositions.
Certaines propositions n’ont, à nos yeux, pas lieu de figurer dans un rapport parlementaire. Tel est le cas, par exemple, des propositions n° 12, 13 et 14 qui proposent la rédaction de décrets.
Certaines propositions demeurent dans la réflexion, dans l’établissement de stratégies, de plans, alors que désormais le temps est aux mesures concrètes (propositions n° 68, 69, 70).
Certaines propositions tendent au dirigisme, à l’ingérence dans la liberté d’entreprendre, alors que nous soutenons la liberté donnée aux entreprises de s’organiser comme elles en ont besoin. Il s’agit notamment des propositions qui visent à fixer des plafonds d’emplois intérimaires (proposition n° 86) ou des objectifs chiffrés d’apprentis (proposition n° 103), à sanctionner la délocalisation ou la sous-traitance internationale des fournisseurs (proposition n° 96), ou encore à associer les organisations syndicales dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (proposition n°104).
Les propositions visant à encourager le déploiement de la voiture électrique (propositions n° 61, 62) doivent faire l’objet d’études précises et ne doivent pas ouvrir une brèche dans le principe de neutralité technologique que nous avons soutenu.
Nous souhaitons également mettre en garde contre les « fausses bonnes idées » qui entraineraient des contraintes supplémentaires pour les professionnels et les utilisateurs. Nul besoin d’un « choc de complexification » !
Ainsi, l’objectif de moderniser le contrôle technique est légitime (propositions n° 33 à 41). Mais nous nous interrogeons sur les nouvelles modalités, et notamment sur l’impact financier pour le propriétaire du véhicule. De même, la proposition qui vise à instaurer une un contrôle indépendant, a posteriori, est intéressant mais faisons attention à ne pas créer de nouvelles « usines à gaz » (proposition n° 11).
Enfin, de nombreuses propositions visent à agir au niveau européen. La mise en œuvre de ces propositions ne pourra se faire que lorsque la France aura retrouvé une voix forte en Europe. Nous ne pouvons qu’encourager le Gouvernement actuel, mais surtout, le prochain, à restaurer la place de la France en Europe.
ü Il nous semble que certains sujets font défaut alors qu’ils s’inscriraient parfaitement dans le périmètre de notre mission.
Il en va ainsi, comme évoqué précédemment, de l’innovation. La cinquième partie du rapport évoque certes la R&D et les pôles de compétitivité, mais nous pensons que ce volet est insuffisamment traité. Nous nous devons de rappeler qu’il est essentiel de pérenniser les dispositifs soutenant la R&D – au premier rang desquels, le CIR - pour accompagner les entreprises dans leur démarche d’innovation.
Il est un sujet, qui aurait sans doute été passionnel mais qui, nous le croyons, devrait faire l’objet de débats de manière apaisée et constructive. Il s’agit de l’écotaxe. Une écotaxe généralisée sur l’ensemble du territoire a été abandonnée tant les modalités et le contexte fiscal n’étaient pas tenables. Ceci étant, il pourrait être opportun que des régions, des territoires – notamment dans le Grand Est - s’emparent de cette question et puissent lancer des expérimentations en concertation avec la population locale, sans pour autant imposer un tel mécanisme à des territoires qui ne le souhaitent pas.
Enfin, bien que la troisième partie vise à « accélérer vraiment le renouvellement du parc » nous regrettons l’absence de propositions ambitieuses et concrètes sur le parc ancien. Pourtant, lors des auditions, nous avons compris que des solutions existent pour rendre « propres » les véhicules les plus vieux. Par exemple, la mise en place d’un filtre sur les moteurs pourrait être une solution efficace et à moindre coût. De même, le rapport ne met pas suffisamment en évidence la différence entre les voitures diesel de la nouvelle génération, et le parc ancien tous moteurs confondus. Malgré les révélations du « scandale Volkswagen », des résultats très importants ont été obtenus par les constructeurs français en matière de pollution par le diesel. En particulier, les moteurs diesel rejettent moins de gaz à effet de serre que les moteurs essence.
* * *
Dans la présente contribution, nous nous sommes arrêtés sur quelques propositions afin d’étayer les grandes lignes de notre vision de l’industrie automobile à l’issue des travaux de la mission d’information sur « l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale ».
Les députés « les Républicains » membres de la mission pensent que l’approche industrielle nécessite d’accompagner les constructeurs sur du long terme, avec de la visibilité, et de leur donner les moyens d’être compétitifs face à nos voisins européens.
L’approche énergétique nécessite d’innover - sans cesse – afin de répondre aux nouveaux enjeux environnementaux et sanitaires.
Quant à la fiscalité, celle-ci doit, à la fois, ne pas être punitive dès lors que les utilisateurs n’ont pas d’alternative, et doit tendre à la neutralité technologique. Il faut, en tout état de cause, mesurer, à l’avance, avec précision, les impacts qu’aurait un changement de fiscalité. En conséquence, toute nouvelle mesure ne devrait intervenir qu’après concertation avec les professionnels et les utilisateurs.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION
Mercredi 28 octobre 2015
Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)
M. Bruno Léchevin, président
M. José Caire, directeur « Villes et territoires durables »
M. Laurent Gagnepain, ingénieur expert au service transports et mobilité
UFC-Que choisir
M. Cédric Musso, directeur de l’action politique
M. Nicolas Mouchnino, chargé de mission énergie et environnement
Mardi 3 novembre 2015
Plateforme automobile et mobilités (PFA)
M. Éric Poyeton, directeur général
Mercredi 4 novembre 2015
Cabinet Inovev, cabinet d’analyse de données économiques
M. Michel Costes, président
M. Jamel Taganza, vice-président
Mardi 10 novembre 2015
Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
M. Élie Cohen, économiste
Mercredi 18 novembre 2015
Direction générale des entreprises (DGE)
M. Christophe Lerouge, chef du service de l’industrie
M. Alban Galland, chef du bureau de l’industrie automobile,
Mardi 24 novembre 2015
Commissariat général à l’investissement
M. Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement
Mercredi 25 novembre 2015
Centre d’études et de recherche en aérothermique et moteurs (CERTAM)
M. David Preterre toxicologue et chef de département qualité de l’air
M. Frantz Gouriou, physicien spécialiste de la métrologie des particules fines
M. Frédéric Dionnet, directeur général
Utac-Ceram
M. Laurent Benoit, président-directeur général
Mme Béatrice Lopez de Rodas, directrice de la marque « UTAC »
Mardi 1er décembre 2015
Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (AFHYPAC)
Mme Aliette Quint, d’Air Liquide, secrétaire générale de l’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (AFHYPAC)
M. Fabio Ferrari, de Symbio Fcell
M. Bastien Bodard, consultant, Arcturus-group
Mercredi 2 décembre 2015
Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD)
M. Philippe Maler, inspecteur général de l’administration du développement durable
M. Jean-Bernard Erhardt, administrateur en chef de première classe des affaires maritimes
Mardi 8 décembre 2015
Union française des industries pétrolières (UFIP)*
M. Francis Duseux, président
Mme Isabelle Muller, déléguée générale
M. Bruno Ageorges, directeur des relations institutionnelles et des affaires juridiques
Mercredi 9 décembre 2015
Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV)
M. Jacques Mauge, président de la FIEV et conseiller du président de Faurecia
M. Guy Maugis, président de Bosch France
M. Antonio Balboa, vice-président ventes et applications diésel
M. Olivier Rabiller, vice-président, directeur général, en charge de l’innovation, des fusions–acquisitions, de l’après-vente et des régions en forte croissance de Honeywell Transportation System
Mardi 15 décembre 2015
Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)
M. Xavier Timbeau, économiste, directeur principal de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), centre de recherche en économie de Sciences-Po
Mercredi 16 décembre 2015
Conseil national des professions de l’automobile (CNPA)
M. Ariel Cabanes, directeur de la prospective
Mme Clémence Artur, chargée des affaires publiques
Plateforme de la filière automobile et mobilités (PFA)
M. Michel Rollier, président de la plateforme de la filière automobile et mobilités
Mardi 12 janvier 2016
Observatoire du véhicule d’entreprise (OVE)
M. Bernard Fourniou, président
M. Philippe Noubel, directeur général délégué d’Arval Corporate
Mardi 19 janvier 2016
Table ronde avec les représentants de GRDF-GRTgaz-AFGNV :
GRDF
Mme Catherine Foulonneau, directeur stratégie et territoires
Mme Véronique Bel, chef de projet mobilité
GRTgaz
Mme Catherine Brun, directrice commerciale
Mme Agnès Boulard, responsable des relations institutionnelles
M. Vincent Rousseau, directeur de projet mobilité
Association française du gaz naturel pour véhicules (AFGNV)
M. Jean-Claude Girot, président
M. Gilles Durand, secrétaire général
Chaire de l’économie du climat à Dauphine
M. Christian de Perthuis, économiste et professeur à l’Université Paris-Dauphine, fondateur de la Chaire Économie du Climat, président du comité pour la fiscalité écologique de 2012 à 2014.
Mercredi 20 janvier 2016
Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (AVERE France)
M. Joseph Beretta, président du conseil d’administration
Mme Marie Castelli, secrétaire générale
Mardi 26 janvier 2016
Carbone 4, cabinet de conseil spécialisé dans la stratégie carbone
M. Jean-Marc Jancovici, associé fondateur
M. Alain Grandjean, associé fondateur
Mercredi 27 janvier 2016
Ministère du développement durable – Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)
M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat, accompagné de :
M. Pascal Dupuis, chef du service du climat et de l’efficacité énergétique
M. Cédric Messier, chef du bureau des voitures particulières
Mardi 2 février 2016
Table ronde réunissant la presse automobile et des associations d’automobilistes :
Mme Alexandrine Breton des Loÿs, présidente du groupe Argus
M. Grégory Pelletier, chef du service rédactionnel de l’édition grand public de L’Argus
M. Arnaud Murati, chef de rubrique à L’Argus
M. Laurent Chiapello, directeur des rédactions d’Auto Plus, de L’Auto Journal et de Sport Auto
M. Daniel Quéro, président de l’association 40 millions d’automobilistes
M. Didier Bollecker, président de l’Automobile Club Association
M. Stéphane Meunier, rédacteur en chef d’Automobile Magazine
M. Brice Perrin, chef de rubrique à L’Auto Journal
M. Alexandre Guillet, rédacteur en chef du Journal de l’automobile
M. Lionel Robert, directeur de la rédaction d’Auto-Moto.
Mercredi 3 février 2016
Association Diéselistes de France
M. Fabrice Godefroy, président de l’association Diésélistes de France et directeur général du groupe IDLP
M. Yann Le Moal, porte-parole de l’association Diésélistes de France et directeur de la société NED
Mardi 9 février 2016
Volkswagen France
M. Jacques Rivoal, président du directoire
Mercredi 10 février 2016
Observatoire Cetelem de l’Automobile
M. Flavien Neuvy, directeur
Mardi 1er mars 2016
Groupe Michelin*
M. Éric Le Corre, directeur des affaires publiques
M. Éric Vinesse, directeur pré-développement
Mme Corinne Meutey, responsable relations presse
M. Emmanuel Puvis de Chavannes, responsable affaires publiques France
Agence des participations de l’État (APE)
M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État
M. Aymeric Ducrocq, directeur de participations industrie
M. Jérôme Baron, secrétaire général
Mme Charlotte Neuvy, responsable de la communication
Mardi 8 mars 2016
Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA)
M. Christian Peugeot, président
M. Nicolas Le Bigot, directeur des affaires environnementales et techniques
M. François Roudier, directeur de la communication
Mardi 15 mars 2016
Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR)
M. Nicolas Paulissen, délégué général
Mme Elisabeth Charrier, déléguée régionale
M. Benoit Daly, secrétaire général
Mercredi 16 mars 2016
Faurecia
M. Yann Delabrière, président-directeur général, CEO
M. Hervé Guyot, vice-président de la stratégie
Mardi 22 mars 2016
Délégation interministérielle à la sécurité routière
M. Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière
M. Alexandre Rochatte, délégué adjoint à la sécurité et à la circulation routières
Mme Marie Boursier, chargée d’études au bureau de la signalisation et de la circulation de la sous-direction de l’action interministérielle à la délégation à la sécurité et à la circulation routières
M. Rodolphe Chassande-Mottin, chef du bureau de la signalisation et de la circulation de la sous-direction de l’action interministérielle à la délégation à la sécurité et à la circulation routières
M. Joël Valmain, conseiller technique « Europe-International » auprès du délégué interministériel à la sécurité routière
Mardi 29 mars 2016
PSA Peugeot Citroën*
M. Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et du développement, membre du comité exécutif, accompagné de :
Mme Valérie Lachouque, directrice des affaires publiques au sein de la direction générale secrétariat général,
Mme Virginie de Chassey, responsable fiscalité et politique des transports au sein de la direction des affaires publiques
Mercredi 30 mars 2016
Audition conjointe des associations de protection de l’environnement :
France nature environnement (FNE)*
M. Raymond Lang, membre du directoire TMD « Transports et mobilités durables »
M. Jean Thévenon, pilote du réseau « Transports et mobilités durables »
Réseau action climat France – RAC France
Mme Lorelei Limousin, responsable des politiques climat – transports
ONG Transport & Environnement
M. François Cuenot, responsable
Groupe Total*
M. Thierry Pflimlin, secrétaire général de la branche marketing et services
M. Philippe Montantème, directeur stratégie de la branche marketing et services
Mardi 5 avril 2016
Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF)
Mme Nathalie Homobono, directrice générale
M. Vincent Designolle, directeur de cabinet de la directrice générale
Table ronde avec les représentants du secteur de l’automobile au sein des grandes centrales syndicales :
Force ouvrière Métaux (FO Métaux)
M. Christian Lafaye, délégué syndical central FO PSA
M. Laurent Smolnik, délégué syndical central FO Renault
M. Jean-Yves Sabot, secrétaire fédéral en charge de l’industrie automobile à la Fédération FO Métaux
M. Jean-Philippe Nivon, ingénieur qualité Valéo
Fédération générale des mines et de la métallurgie-CFDT* (FGMM-CFDT)
M Philippe Portier, secrétaire général
M. Franck Daout, délégué syndical central Renault
M. Jean-François Nanda, délégué syndical central adjoint Renault
M. Sébastien Sidoli, du comité stratégique PSA
Fédération des travailleurs de la métallurgie – FTM CGT
M. Richard Gentil, administrateur Renault
M. Denis Bréant, animateur du collectif fédéral automobile
M. Vincent Labrousse, animateur du collectif fédéral emboutissage
M. Fabien Gache, délégué syndical central de Renault
CFTC
M. Albert Fiyoh Ngnato, responsable des services de l’automobile
M. Eric Heitz, membre du bureau fédéral de la CFTC Métallurgie et responsable CFTC équipementier automobile
M. Emmanuel Chamouton, responsable CFTC au sein de la direction de la recherche et du développement PSA Peugeot Citroën
M. Franck Don, délégué syndical central CFTC PSA
Fédération de la Métallurgie–CGC (CFE-CGC)
M. Éric Vidal, responsable du dossier filière automobile
M. Bruno Azière, délégué syndical central Renault
M. Jacques Mazzolini délégué syndical central PSA Peugeot Citroën
M. Frédéric Vion, représentant syndical CFE-CGC au comité de groupe JTEKT
Mercredi 6 avril 2016
Groupe Renault
M. Gaspar Gascon Abellan, membre du comité exécutif et directeur de l’ingénierie, accompagné de :
Mme Véronique Dosdat, directrice des affaires publiques
M. Jean-Christophe Beziat, directeur des relations institutionnelles environnement et innovation
Mme Louise d’Harcourt, directrice des affaires parlementaires et politiques
Mardi 26 avril 2016
Groupe Mobivia
Mme Bénédicte Barbry, directrice des relations extérieures et affaires publiques
M. Christophe Delannoy, responsable services ateliers chez Norauto
Mme Morgane Martin, conseil d’Arcturus Group
Mercredi 4 mai 2016
M. Carlos Tavarès, président du directoire du Groupe PSA
Mercredi 21 septembre 2016
M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche, et de M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
Jeudi 5 novembre 2015
Visite de l’usine PSA* de Trémery (Moselle)
M. Olivier Bourges, secrétaire général du groupe PSA
M. Yann Vincent, directeur industriel du groupe PSA
M. Laurent Vergely, directeur du pôle industriel Trémery-Metz
Jeudi 12 novembre 2015
Déplacement au siège de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) à Paris :
Entretien avec M. Bruno Lèchevin et ses équipes
Jeudi 26 novembre 2015
Visite au Centre Technique Renault de Lardy
M. Fabrice Jouanny, directeur du site
M. Frédéric Martin, directeur délégué aux relations techniques
M. Philippe Anrigo, expert leader des essais mécaniques
M. Jean-Christophe Beziat, directeur des relations institutionnelles innovation/invironnement/mobilité
Mme Louise d’Harcourt, directeur des affaires politiques et parlementaires
M. Pierre Gremont, directeur de la communication du site
Jeudi 3 décembre 2015
Visite de Airparif
M. Jean-Félix Bernard, président
M. Frédéric Bouvier, directeur
Jeudi 10 décembre 2015
Déplacement à Bruxelles
Bureau européen de l’union des consommateurs (BEUC)
Mme Monique Goyens, directrice générale
ONG Transport & Environment
M. François Cuenot, policy officer
Association for emissions control by catalyst (AECC)
M. Dirk Bosteels, directeur général
Mme Cécile Favre, manager en technologie et communication
Représentation permanente de la France auprès de l’Union Européenne
M. Alexis Dutertre, représentant permanent adjoint de la France auprès de
l’Union européenne
M. Emmanuel Mounier, conseiller (compétitivité industrielle, PME, industrie, innovation, tourisme)
M. Aude Charrier, conseillère (automobile, carburants, substances chimiques, économie verte)
Jeudi 17 décembre 2016
Déplacement sur le site de l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IPFEN)
M. Didier Houssin, président
M. Pascal Barthélemy, directeur general adjoint
Mme Armelle Saniere, responsable des relations institutionnelles
M. Gaëtan Monnier, directeur du centre de résultats Transports
Mme Véronique Ruffier-Meray, directeur de la direction chimie et physico-chimie appliquées
Mme Nathalie Alazard-Toux, directeur économie et veille
Lundi 25 janvier 2016
Déplacement sur le site de l’entreprise Solvay*, Aubervilliers
(Seine-Saint-Denis)
M. Thierry Séguelong, Fuel Additives and Systems
M. Xavier du Colombier, directeur des affaires publiques
M. Barry Southward, responsable monde recherche et innovation catalyse
Jeudi 28 janvier 2016
Visite du Centre Technique PSA-Peugeot Citroën* à Carrières-sous-Poissy (Yvelines)
M. Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et du développement
M. Christian Chapelle
Lundi 1er février 2016
Visite du Centre national de réception des véhicules (CNRV) à Linas-Monthléry (Essonne)
Mme Aurélie Vieillefosse, directrice adjointe de la Direction régionale et Interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIEE) – Île-de-France
Mme Clara Merrer, chef de service « énergie, climat, véhicules » à la
DRIEE – Île-de-France
M. Jean-Christophe Chassard, responsable du CNRV
Jeudi 11 février
Visite de l’entreprise ARaymond, Grenoble et Saint-Égrève
M. Antoine Raymond, président directeur général
Mme Florence Lamy, directrice des affaires publiques
M. Frédéric Perrot, directeur général ARaymond France
M. Patrice Bellier, directeur opérations Clips ARaymond France
M. Boris Jacquet, responsable fabrication Plastique
M. Nicolas Plaisance, coordinateur système de production
Lundi 29 février 2016
Visite du Smart Center (groupe Bolloré) à Vaucresson (Yvelines)
M. Vincent Bolloré, président du conseil d’administration de BlueSolutions
Lundi 7 mars 2016
Visite du centre d’essais de l’Utac-Ceram, Montlhéry
M. Laurent Benoit, président-directeur général de l’Utac-Ceram
Mme Béatrice Lopez de Rodas, directrice de la marque « UTAC »
Jeudi 10 mars 2016
Déplacement à l’usine Toyota à Valenciennes-Onnaing
M. Koreatsu Aoki, président de Toyota Motor Manufacturing France
M. Luciano Biondo, vice-president senior “manufacturing”
M. Éric Moyère, directeur administratif & financier
M. Éric Meunier, directeur de la qualité
Mme Pascale Duverne, responsable communication du site
M. Arnaud Tison, assistant manager en charge de l’environnement
M. Sébastien Grellier, directeur communication et relations extérieures de Toyota France
Mme Sophie Glémet, responsable communication et relations institutionnelles de Toyota France
Mme Magalie Delforterie, chargée de communication externe
Mardi 22 mars 2016
Visioconférence depuis Mountain View (Californie), organisée dans les locaux de Google à Paris, sur la Google Car
Mme Sarah Hunter, Head of Public Policy, d’X (anciennement « Google X », le laboratoire d’expérimentation et d’innovation de l’entreprise)
Lundi 11 avril 2016
Visite de l’usine Renault de Cléon
M. Paul Carvahlo, directeur de l’usine de Cleon,
M. Philippe Martin, chef du département ingénierie de production (usine de Cleon),
M. FrédéricMartin, directeur délégué aux relations techniques (direction de l’ingénierie de Renault)
M. Jean-Christophe Beziat, directeur des relations institutionnelles environnement et innovation (direction des affaires publiques de Renault)
Mme Louise d’Harcourt, directeur des affaires politiques et parlementaires (direction des affaires publiques de Renault)
Rencontre des responsables du pôle de compétitivité Movéo
M. Jean-Pierre Vallaude, président
M. Marc Charlet, directeur général
Jeudi 28 avril 2016
Déplacement à Bruxelles
Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA)
M. Erik Jonnaert, secrétaire général
Mme Céline Domecq, directrice « affaires parlementaires »
M. Paul Greening, directeur « Emissions & Fuels »
Commission européenne, direction générale chargée du marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des PME
M. Antti Ilmari Peltomäki, directeur général adjoint
Parlement européen, commission d’enquête sur la mesure des émissions dans le secteur automobile
Mme Kathleen Van Brempt, présidente
Groupe PSA*
M. Jean-Claude Fontaine, directeur de la délégation auprès de l’Union européenne
Mme Valérie Lachouque, direction des affaires publiques
Groupe RENAULT
Mme Marie-France Van der Valk, directeur, département des affaires européennes
M. Jean-Christophe Beziat, directeur des relations institutionnelles innovation, environnement, mobilité, direction des affaires publiques
M. Janez Potočnik, ancien commissaire européen à l’environnement, président de l’organisation non gouvenementale Rise Foundation
Jeudi 12 mai 2016
Visite de l’entreprise Valéo, Nogent-le-Rotrou
M. Christophe Périllat, directeur général, directeur des opérations
M. Geoffrey Bouquot, directeur de la stratégie
M. Jean-Luc Di Paola-Galloni, directeur du développement durable et des relations extérieures
M. Brice Beuraert, responsable du site de Nogent-le-Rotrou
M. Sébastien Jagou, directeur des ressources humaines du site de
Nogent-le-Rotrou
Jeudi 19 mai 2016
Déplacement Iveco – à Annonay
M. Rachid El Malki, directeur de l’usine Iveco Bus d’Annonay
M. Philippe Grand, responsable des relations institutionnelles Iveco Bus
M. Thierry Kilidjean, directeur général délégué Iveco France
M. Steve Giguet, chargé du développement commercial gamme GNV Iveco France
Renault Trucks à Vénissieux
M. Bruno Blin, président de Renault Trucks
M. Jean-Marc Lange, directeur des affaires publiques
Mercredi 25 mai 2016
Visite de la station hydrogène de l’Alma à Paris et entretien au siège de Air Liquide*
M. Pierre-Étienne Franc, vice-président chargé des marchés et des technologies avancés
M. Thierry Sueur, vice-président chargé des affaires européennes et internationales et de la stratégie en matière de propriété industrielle
M. Erwin Penfornis, directeur du marché mondial « hydrogène »
Mme Aliette Quint, directrice de la réglementation et des affaires publiques
Jeudi 26 mai 2016
Déplacement à Florange :
Visite de l’entreprise Umicore Autocat France
M. Pascal Reymondet, executive vice-président automotive catalysts
M. Egbert Lox, senior vice-president government affairs
M. Nicolas Clerc, managing director automotive catalysts
M. Philippe Van der Donckt, senior manager government affairs
Visite de l’entreprise Thyssenkrupp
M. Jean-Luc Hemmert, directeur général
M. Sébastien Kuhn, responsable des départements production, qualité et logistique pour l’activité crémaillère de direction
M. Emmanuel Nerkowski, directeur de l’ingénierie
M. Fernand Kiren, directeur des ressources humaines
M. Henri Schoumacher
Mardi 4 octobre 2016
Déplacement au Mondial de l’Automobile, Paris, Porte de Versailles
ENTRETIENS MENÉS PAR LA RAPPORTEURE
Mardi 12 janvier 2016
Groupe PSA*
M. Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et du développement, membre du comité exécutif de Psa Peugeot Citroën
Mardi 26 janvier 2016
Groupe Renault
M.Thierry Bolloré, directeur délégué à la compétitivité
Mme Véronique Dosdat, directeur des affaires publiques
Jeudi 4 février 2016
MAZDA France
M. Philippe Geffroy, président directeur général
Think Tank automobilités et avenir
M. Laurent Hecquet, fondateur, accompagné de :
M. David Deregnaucourt, président de Sphère Tech
M. Matthieu Lesage, avocat
M. Bertrand Rakotto, consultant automobile chez D3 Intelligence
Syndicat national des producteurs d’alcool agricole (SNPAA)
M. Sylvain Demoures, secrétaire général
M. Nicolas Kurtsoglou, responsable carburant
Comité français du butane et du propane (GFBP) (filière GPL)
M. Joël Pédessac, directeur général
Mme Émilie Coquin, chargée des affaires publiques
M. Simon Lalanne, consultant Boury Tallon & Associés
Fédération des Syndicats de la distribution automobile (FEDA)
M. Yves Riou, délégué général
M. David Deregnaucourt, président de Sphère Tech
Vendredi 12 février 2016
Automobile Club des Deux-Sèvres
M. Philippe Berneux, directeur
Lundi 15 février 2016
Groupe Argus
Mme Alexandrine Breton des Loÿs, présidente
Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA)*
M. Stéphane Pénet, directeur des assurances de biens et de responsabilités
M. Jean-Paul Laborde, directeur des affaires parlementaires
Mercredi 17 février 2016
Compte Épargne Co2
M. Olivier Messager, cofondateur et directeur du développement
M. Jean-Luc Baradat, cofondateur et président
INERIS
M. Philippe Hirtzman, président
M. Philippe Hubert, directeur des risques chroniques
Mardi 1er mars 2016
Association nationale pour le développement de la mobilité électrique – AVERE France
M. Joseph Beretta, président du conseil d’administration
Mme Marie Castelli, secrétaire générale
Vendredi 4 mars 2016
Maif
M. Dominique Mahé, président
Mme Nelly Brossard, directrice Marketing et Internet
M. Franck Carnero, directeur Pilotage Tarification et Décisionnel
M. Thomas Cordeau, directeur Associatins et Collectivités
Lundi 14 mars 2016
Auto-Moto
Mme Katia Lefebvre, journaliste
Groupement de la plasturgie automobile
Mme Armelle Dumont, déléguée générale
Mardi 15 mars 2016
Sénat
Mme Leïla Aïchi, Rapporteure de la commission d’enquête du Sénat sur le coût économique et financier de la pollution de l’air
Mardi 12 avril 2016
FORD France
M. Fabrice Devanley, directeur de la communication et des relations extérieures
Mme Isabelle Brouillet, directrice des affaires juridiques
M. Roland Especel, chargé de mission relations institutionnelles
ROBERT BOSCH France SAS
M. Guy Maugis, conseiller du directoire
M. Harald Franck-Lerendu, directeur de la communication et des affaires publiques
IBIDEN
M. Thierry Lesage, manager technique d’Ibiden Europe
M. Thierry Ozoux, sous-directeur d’Ibiden France
Mardi 26 avril 2016
Syndicat des énergies renouvelables
M. Jean-Louis Bal, président
Mme Sabrina Fuseliez, responsable du département bioénergie
Médiateur national de l’énergie
M. Jean Gaubert, médiateur national de l’énergie
Mme Aurore Gillmann, conseillère aux affaires publiques
Mardi 3 mai 2016
Fiat Chrysler Automobiles (FCA France)
M. Maurizio Zuares, directeur général
Mme Armelle de Clermont-Tonnerre, directrice de la communication
M. Pierre-Martin Bos, directeur de la marque Fiat Professional
Mardi 10 mai 2016
Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA)
M. Jean-Marc André, responsable de l’unité transports
Mercredi 18 mai 2016
Caisse des Dépôts et Consignations
M. Pierre Aubouin, directeur infrastructures et transport
M. Laurent Monnin-Mira, directeur investissement mobilité durable
Mme Brigitte Laurent, directrice des relations institutionnelles
Mardi 24 mai 2016
Honeywell
M. Olivier Rabiller, vice-président et directeur général en charge de l’innovation, des fusions–acquisitions, de l’après-vente et des régions en forte croissance
M. Christophe Mathy, directeur de la communication
M. Paul de Montfalcon, directeur des applications d’engeneering
Conseil national des professionnels de l’Automobile (CNPA)
M. Xavier Horent, délégué général
M. Ariel Cabanes, directeur de la prospective
Mme Clémence Artur, chargée des affaires publiques
BMW France
M. Serge Naudin, président directeur général
M. Jean-Michel Juche, directeur de la communication et des affaires publiques
Lundi 20 juin 2016
Mercedes Benz France
M. Marc Langenbrinck, président de Mercedes-Benz France et directeur général de Mercedes-Benz Cars
Mme Séverine Bertoux, responsable communication Mercedes-Benz Cars
Mercredi 6 juillet 2016
General Motors Opel France
M. Éric Wepierre, président de General Motors France
M. Jean Wibaut directeur des affaires européennes, politiques publiques et relations institutionnelles de General Motors Opel Group
Origine France Garantie
M. Yves Jégo, député de Seine-et-Marne, président fondateur de Pro France
(entretien téléphonique)
Mercredi 13 juillet 2016
Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL)*
Mme Sophie Nerbonne, directrice de la conformité
Mme Tiphaine Inglebert, conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires
Mardi 19 juillet 2016
M. Bertrand Duflos, expert véhicule autonome
Jeudi 1er septembre 2016
Plateforme de la filière automobile et mobilités
M. Michel Rollier, président
(entretien téléphonique)
Lundi 5 septembre 2016
ENEDIS (ex-ERDF)
M. Pierre Guelman, directeur des affaires publiques
M. Jean-Christophe Bonnard, directeur du projet Très haut débit et mobilité électrique
Mercredi 7 septembre 2016
PSA*
M. Olivier Bourges, secrétaire général
Mme Virginie de Chassey, directrice des affaires publiques
Mme Valérie Lachouque, directrice des affaires publiques au sein de la direction générale secrétariat général
INRIA
M. Éric Horlait, directeur général délégué au transfert et aux partenariats industriels
(entretien téléphonique)
Lundi 12 septembre 2016
France Nature Environnement*
Mme Charlotte Lepitre, coordinatrice du réseau santé environnement
M. Demba Dedhiou, coordinateur du réseau transports et mobilités durables
PSA*
M. Louis Gallois, président du conseil de surveillance
Mardi 13 septembre 2016
CCFA
M. Christian Peugeot, président
M. Nicolas Le Bigot, directeur des affaires environnementales et techniques
Jeudi 15 septembre 2016
FNTR
Florence Berthelot, Déléguée générale
(entretien téléphonique)
Lundi 19 septembre 2016
RENAULT
Mme Véronique Dosdat, directrice des affaires publiques
M. Frédéric Martin, directeur délégué aux relations techniques
M. Jean-Christophe Béziat, directeur des relations institutionnelles – Innovation, Environnement & Mobilité
Lundi 19 septembre 2016
Observatoire du Véhicule d’Entreprise
M. Bernard Fourniou, président
(entretien téléphonique)
Mardi 20 septembre 2016
EDF*
M. Bernard Salha, directeur de la R&D
Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques
Jeudi 22 septembre 2016
Airparif
M. Jean-Félix Bernard, président
(entretien téléphonique)
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
ANNEXE N° 1 :
LES COMMISSIONS AD HOC DE CONTRÔLE CRÉÉES PAR LES AUTRES ÉTATS EUROPÉENS À LA SUITE DE L’AFFAIRE VOLKSWAGEN
Le ministère des transports allemand (622) a mis en place une commission d’enquête au lendemain de la révélation de l’affaire Volkswagen. Cette commission a testé la conformité de 53 modèles diesel de marques allemandes et étrangères homologués Euro 5 et Euro 6. Les tests ont eu lieu à la fois sur banc d’essai et sur route. Pour chaque véhicule, six à huit protocoles de tests ont été réalisés (test d’homologation avec préconditionnement, test d’homologation sans préconditionnement, test sur route à température aléatoire, test sur route avec vitesse augmentée de 10 %...). Selon les conclusions du rapport, rendu en avril 2016, les tests ont révélé des écarts importants en ce qui concerne les émissions d’oxyde d’azote. À l’exception de Volkswagen, toutefois, aucun constructeur n’a utilisé de logiciel pour modifier le comportement des véhicules en phase de test. En revanche, de nombreux constructeurs brident l’efficacité de leurs dispositifs de dépollution pour certaines « fenêtres thermiques », et exploitent les faiblesses de la réglementation européenne, qui le permet lorsqu’il s’agit de protéger le moteur contre des risques de casse. Les auteurs du rapport d’enquête soulignent toutefois leurs doutes quant à la justification des fenêtres thermiques retenues pour certains des véhicules testés. En conséquence, alors que les rappels sont obligatoires pour les véhicules Volkswagen, ils sont seulement fortement recommandés pour les véhicules des autres marques pour lesquels des dépassements d’émissions polluantes ont été constatés. Ces autres marques sont incitées à prendre les mesures nécessaires pour restreindre l’ampleur de ces fenêtres thermiques au strict minimum.
Le Royaume-Uni (623) a également mis en place une procédure de tests de véhicules à la suite du scandale Volkswagen (1,2 million d’automobilistes britanniques concernés), sous l’égide du département des transports, avec le conseil d’un universitaire spécialiste, le professeur Ricardo Martinez-Botas. Ce programme visait à évaluer les véhicules particuliers diesel les plus vendus dans le pays (38 véhicules testés, représentant 75 % des modèles diesel les plus vendus et 50 % des modèles possédés par les automobilistes roulant au diesel). Un échantillon de véhicules de location ayant roulé plus de 30 000 km a été testé dans différentes conditions (test NEDC, test NEDC sans préconditionnement, test NEDC avec une vitesse augmentée de 10 %, test NECD avec inversion de l’ordre des passages urbains et autoroutiers, deux tests NECD consécutifs sans pause, tests sur piste, tests sur route). Les tests n’ont pas mis en évidence une « manipulation du cycle » comparable à celle effectuée par Volkswagen, pour les véhicules des autres constructeurs. Pour autant, ils ont confirmé un niveau d’émission de NOx sur banc et en conditions réelles supérieur aux valeurs d’homologation, pour tous les constructeurs (avec des écarts variables selon la marque et le modèle).
ANNEXE N° 2 :
LETTRE ENVOYÉE PAR LES AVOCATS DU GROUPE VOLKSWAGEN À LA COMMISSION TECHNIQUE CHARGÉE D’UNE ENQUÊTE APPROFONDIE SUR LES ÉMISSIONS DE POLLUANTS DES VÉHICULES LÉGERS
ANNEXE N° 3 :
LES TROIS PHASES DU CYCLE ARTÉMIS DE L’ADEME
Cycle urbain
ARTEMIS CYCLE RURAL
ARTEMIS CYCLE SUR AUTOROUTE
CARACTÉRIQUES |
EN VILLE |
ZONE RURALE |
AUTOROUTE 130 |
Temps, s |
920 |
1 081 |
1 067 |
Distance, km |
4.47 |
17.27 |
28.74 |
Vitesse moyenne, km/h |
17.5 |
57.5 |
97.0 |
Vitesse maximum, km/h |
58 |
112 |
132 |
Speed distribution, % |
|||
– arrêt (S = 0 km/h) |
29 |
3 |
2 |
– basse vitesse (0 < S ≤ 50) |
69 |
31 |
15 |
– vitesse moyenne (50 < S ≤ 90) |
2 |
59 |
13 |
– vitesse élevée (S > 90) |
0 |
7 |
70 |
ANNEXE N° 4 :
PROTOCOLES UTILISÉS PAR L’ASSOCIATION UFC- QUE CHOISIR
POUR MESURER LES EMISSIONS POLLUANTES
1. Consommations mesurées
L’émission de CO2 et la consommation de carburant sont mesurées sur banc d’essai au cours de trois cycles :
– NEDC (cycle normalisé New European Driving Cycle, directive 98/69/EC)
– WLTP (Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedure, futur remplaçant du NEDC),
– un cycle de type « autoroute » effectué à 130 km/h avec des phases de freinage et d’accélération.
Le NEDC est effectué avec départ moteur froid, à 22°C de température ambiante, sans utilisation d’équipements spéciaux à part les feux diurnes ou de croisement allumés.
Le cycle autoroute et le WLTP sont effectués moteur chaud, avec la climatisation en route et les feux diurnes ou de croisement allumés. Au cours des cycles NEDC et autoroute, nous mesurons les émissions de rejets polluants et le CO2. Le WLTP sert uniquement à mesurer le taux de CO2.
Nous en déduisons la consommation de carburant pour 3 types de parcours :
– urbain ;
– route ;
– autoroute ;
et calculons une moyenne à laquelle correspond le taux d’émission de CO2 indiqué.
La consommation des véhicules à essence, diesel, hybrides classiques et au gaz est exprimée en litres aux 100 kilomètres (l/100 km). Celles des véhicules électriques et des hybrides avec prise de branchement est exprimée en kilowatts-heure aux 100 kilomètres (kWh/100 km).
Remarques :
– les véhicules utilisant du gaz sont testés uniquement avec cette énergie ;
– pour les véhicules hybrides, la charge indiquée en début de test doit être comprise entre 60 et 70 % ;
– pour les véhicules hybrides rechargeables, les mesures sont faites avec la batterie chargée, puis avec la batterie complètement déchargée ;
– les véhicules électriques subissent dans l’ordre le NEDC, le WLTP puis le cycle autoroute et les essais sont interrompus une fois que la charge de la batterie devient inférieure à 50 %.
2. Émissions de rejets polluants
Nous mesurons, lors des essais sur banc (NEDC et autoroute), les émissions de gaz et de particules :
– CO (monoxyde de carbone) ;
– HC (hydrocarbures imbrûlés) ;
– NOx (oxydes d’azote) ;
– PM (particules).
Source : Site d’UFC-Que Choisir
ANNEXE N° 5 :
LETTRE DE MME LA RAPPORTEURE AU PREMIER MINISTRE
ANNEXE N° 6 :
LETTRE DE MME LA RAPPORTEURE À M. JEAN-CLAUDE JUNCKER, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
ANNEXE N° 7 :
RÉPONSE DE M. JEAN-CLAUDE JUNCKER,
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
ANNEXE N° 8 :
RÉPONSE DE MME ELZBIETA BIENKOWSKA,
COMMISSAIRE EUROPÉENNE EN CHARGE DE L’INDUSTRIE
ANNEXE N° 9 :
NOTE DES AUTORITÉS FRANÇAISES SUR LE RDE DU 16 OCTOBRE 2016
ANNEXE N° 10 :
NOTE TRANSMISE PAR LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL
DES AFFAIRES EUROPÉENNES LE 27 AVRIL 2016
Note pour la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’offre automobile française
II. Contexte : le dispositif législatif européen de contrôle des émissions des véhicules
Le règlement (CE) n°715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules, fixe notamment des limites réglementaires d’émission pour ces véhicules et prévoit des dispositifs de contrôle des émissions sur bancs à rouleaux lors de l’homologation.
La Commission européenne a proposé en 2007, dès l’adoption de ce règlement, l’établissement de procédures de contrôle des émissions polluantes et de CO2 plus représentatives des conditions réelles de conduite au travers :
III. d’une part, de la création d’un test de contrôle des émissions polluantes en conditions réelles de conduite sur la voie publique (RDE – Real Driving Emissions). C’est l’instauration de ce test qui a fait l’objet d’un avis du comité technique pour les véhicules à moteur le 28 octobre 2015 ;
IV. d’autre part, du remplacement du cycle actuel d’homologation utilisé depuis plus de 30 ans624, par le cycle d’homologation international WLTP (World harmonized Light vehicles Test Procedures) pour mesurer en laboratoire la consommation de carburant, ainsi que les émissions de CO2 et de polluants des véhicules. Une proposition de la Commission est attendue d’ici fin 2015 dans le cadre du comité technique pour les véhicules à moteur.
Les autorités françaises ont régulièrement demandé que les tests de contrôle des émissions polluantes en conditions réelles de conduite sur la voie publique (RDE–Real Driving Emissions) soient adoptées le plus rapidement possible, l’objectif souhaité étant un vote par le comité avant fin 2015.
V. Les règles de fonctionnement du comité technique pour les véhicules à moteur et sa composition
Le comité technique pour les véhicules à moteur (« TCMV » pour « Technical Committee Motor Vehicles ») a été institué par la Directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (cf article 40, paragraphe 1 : « la Commission est assistée par un comité dénommé « comité technique pour les véhicules à moteur - CTVM »).
Ce comité relève de la procédure de comitologie de réglementation avec contrôle (PRAC) prévue à l’article 5 bis la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999 fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission et modifiée par la décision 2006/512/CE du Conseil du 17 juillet 2006 (procédure de comitologie avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne).
Les réunions de ce comité n’ont pas de fréquence déterminée, même si on constate une moyenne de 6 à 8 réunions par an ces dernières années.
Le comité technique pour les véhicules à moteur est composé des représentants des États membres et est présidé par le représentant de la Commission (DG GROW). Par ailleurs, les délégués de la République d’Islande, de la Principauté de Liechtenstein et du Royaume de Norvège sont invités à assister aux réunions mais n’assistent et ne participent pas aux votes. Les professionnels du secteur automobile ne siègent pas au comité.
Chaque État membre décide librement de la composition de sa délégation en fonction de son organisation institutionnelle. C’est le Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer (MEEM) qui représente la France au sein de ce comité.
L’avis du comité est émis à la majorité prévue à l’article 205, paragraphe 2, du traité et ses délibérations revêtent un caractère confidentiel.
Après recueil de l’avis du comité, la Commission doit transmettre le texte au Parlement européen et au Conseil pour contrôle (avec traduction du texte dans l’ensemble des langues de l’Union). Le Parlement européen, statuant à la majorité des membres qui le composent, ou le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, pourront le cas échéant s’opposer à l’adoption du projet, mais ce uniquement pour les raisons suivantes : le projet excède les compétences d’exécution prévues dans le règlement de base ; il n’est pas compatible avec le but ou le contenu du règlement de base, il ne respecte pas les principes de subsidiarité ou de proportionnalité.
L’examen par le Conseil et par le Parlement européen se fait parallèlement dans le délai de 3 mois à compter de la saisine par la Commission.
Sur le site Internet de la Commission européenne, dans le registre des comités, les informations sur les activités du comité technique pour les véhicules à moteur peuvent être téléchargées à l’adresse suivante : http://ec.europa.eu/transparency/regcomitology/index.cfm?do=List.list.
VI. Le test RDE et la proposition présentée par la Commission début octobre 2015
Le contrôle des émissions polluantes en conditions réelles de conduite sur la voie publique (RDE – Real Driving Emissions) a pour objectif de mettre en place des normes d’émissions de polluants en situation réelle de conduite, afin de rapprocher le plus possible les émissions constatées sur route des résultats obtenus sur bancs à rouleaux lors de l’homologation.
Un premier paquet comprenant une procédure technique de test a fait l’objet d’un avis favorable en comité le 19 mai 2015. Cette procédure n’établit pas de valeurs limites ni un calendrier d’application et ne permet pas, pour l’instant, d’avoir une application contraignante pour les constructeurs automobiles. Elle a été transmise aux colégislateurs le 23 septembre 2015 qui devront se prononcer au plus tard le 23 décembre 2015. Le Conseil a exprimé son absence d’objection en point A du Conseil Ecofin du 10 novembre 2015.
Le deuxième paquet de mesures qui concerne les essais futurs en condition réelle de conduite porte, entre autres, sur la définition des facteurs de conformité (FC625) et sur les délais de mise en œuvre.
La Commission a présenté au comité technique pour les véhicules à moteur du 6 octobre 2015 une première proposition relative à l’essai RDE (pour les gaz NOx) comportant une mise en œuvre en deux étapes :
VII. pour la première étape, la Commission a proposé un coefficient de conformité de 1.6 en conditions modérées, avec une mise en œuvre pour les nouvelles homologations de véhicules le 1er septembre 2017 et pour tous les véhicules neufs le 1er septembre 2018 ;
VIII. pour la seconde étape, la Commission a proposé un coefficient de conformité de 1.2 en conditions modérées, avec une mise en œuvre pour les nouvelles homologations de véhicules le 1er septembre 2019 et pour tous les véhicules neufs le 1er septembre 2020 ;
Cette proposition de la Commission a été discutée au fond lors du comité technique pour les véhicules à moteur le 28 octobre dernier.
IX. L’avis rendu par le comité technique pour les véhicules à moteur du 28 octobre 2015
Les autorités françaises ont visé l’atteinte de trois objectifs principaux :
X. aboutir à un accord sur les nouveaux tests dès le comité du 28 octobre face à la demande de plusieurs délégations de reporter le vote à une date ultérieure (Espagne, Hongrie, Italie, République tchèque, Roumanie, Suède et Royaume-Uni) ;
XI. obtenir un compromis à la fois ambitieux, réaliste et incitatif permettant le plus rapidement possible l’émergence de véhicules plus vertueux ;
XII. inciter la Commission à finaliser rapidement les travaux sur les émissions de gaz à effet de serre en capitalisant sur l’adoption des nouvelles règles RDE.
Parmi les États membres, seule une petite minorité s’est dite prête à soutenir la proposition de la Commission (Belgique, Chypre, Croatie, Estonie, Finlande, Irlande, Malte, Portugal, Slovénie). Pour la plupart, les délégations ont fait état de grosses difficultés, en particulier à l’égard de :
XIII. la date d’entrée en vigueur des tests pour les nouveaux véhicules, considérée trop rapprochée (Bulgarie, Espagne, Hongrie, Italie, Pologne, République tchèque, Slovaquie et Suède, souhaitaient le report d’au moins un an dans les deux phases) ;
XIV. les niveaux du facteur de conformité, considérés trop stricts (outre l’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, l’Espagne, la Hongrie, l’Italie, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Suède ont demandé un rehaussement sensible du FC aussi bien en première phase entre 2.5 et 3.0 qu’en deuxième phase entre 1.4 et 1.8).
Dans ce contexte, la délégation française a cherché à favoriser un accord à partir des positions suivantes (cf. note des autorités françaises du 16 octobre ci-jointe adressée à la Commission en vue du comité du 28 octobre) :
XV. pour la première étape, mise en œuvre du test RDE pour les nouvelles homologations de véhicules au plus tard le 1er septembre 2017 et pour tous les nouveaux véhicules en 2019 ; valeur inférieure à 2 pour le coefficient de conformité en conditions modérées ;
XVI. pour la seconde étape, mise en œuvre pour les nouvelles homologations de véhicules au plus tard le 1er septembre 2019 et pour tous les nouveaux véhicules en 2020 ; facteur de conformité entre 1,4 et 1,6 au plus ;
I. introduction d’une clause de révision permettant, sur la base d’un premier retour d’expérience au plus tard le 31 décembre 2019, de réduire la valeur du facteur de conformité.
À l’aune des positions exprimées par les États membres, la Commission a proposé le compromis suivant :
II. un facteur de conformité de 2,1 pour la première étape avec une date de mise en œuvre au 1er septembre 2017 pour les nouvelles homologations et au 1er septembre 2019 pour les nouveaux véhicules ;
III. un facteur de conformité de 1,5 pour la seconde étape avec une date de mise en œuvre au 1er septembre 2019 pour les nouvelles homologations et au 1er septembre 2020 pour les nouveaux véhicules.
Cette proposition a rencontré dans un premier temps l’hostilité d’un grand nombre d’États membres au sein du comité en raison de son caractère jugé très contraignant.
L’accord de la quasi-totalité des délégations n’a finalement pu être obtenu que par le soutien de la France et de l’Allemagne pour ne pas remettre en question l’équilibre de la proposition à un moment où l’Europe doit montrer sa capacité à mettre en place des tests ambitieux. En s’appuyant sur ce soutien, la Commission a donc confirmé sa proposition tout en offrant, à titre de compromis, un report de quatre mois de l’entrée en vigueur de la deuxième phase. Par ailleurs, le texte final prend bien en compte la demande française, une clause de révision étant prévue afin de modifier annuellement le coefficient de conformité en tenant compte du retour d’expérience.
IV. Pièces complémentaires :
Les documents associés au comité technique pour les véhicules à moteur du 28 octobre 2015 sont disponibles à l’adresse suivante :
ANNEXE N° 11 :
BILAN DES DISPOSITIFS DE PRIME À LA CONVERSION
Source : Lettre de réponse de Mme la ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie à la Rapporteure, en date du 11 décembre 2015
Source : Lettre de réponse de Mme la ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie à la Rapporteure, en date du 11 décembre 2015
Source : Lettre de réponse de Mme la ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie à la Rapporteure, en date du 11 décembre 2015
ANNEXE N° 12 :
LES RÉSULTATS DE L’ÉTUDE DU SURCOÛT DU CONTRÔLE TECHNIQUE MENÉE PAR LE GERPISA
Les coûts de remise en l’état d’un véhicule à la suite de la réalisation du volet « pollution » du contrôle technique dans sa forme actuelle.
– pour les véhicules gazole, une estimation des coûts de remise en état, basée sur le scénario le plus probable selon l’UTAC (avec changement du filtre à air et des produits nettoyants injecteurs), reste relativement faible, de l’ordre de 17 millions d’euros, soit une facture moyenne de 80 euros par ménage environ. L’effort demandé aux ménages croît avec le niveau de revenus – hormis pour le dernier quintile (les 20 % de ménages les plus aisés), à la tête d’un parc relativement récent et peu susceptible de connaître une altération.
– pour les véhicules essence, l’estimation des coûts est plus complexe et varie grandement selon les quatre scénarii envisagés par l’UTAC : changement du filtre à air (scénario 1) ; changement du catalyseur (scénario 2) ; changement de la sonde lambda (scénario 3) ; changement du catalyseur et de la sonde lambda (scénario 4). Sauf pour le 1er scénario, les coûts de remise en état sont plus élevés que ceux engendrés par l’altération correspondante pour les véhicules gazole. Selon les scénarii, les coûts par ménage concerné sont très variables ; si le scénario 1 implique des coûts relativement supportables, avec facture moyenne d’une cinquantaine d’euros, les autres scénarii sont particulièrement lourds : la facture moyenne s’établit à 382 euros pour le changement du catalyseur, à 747 euros pour le changement de la sonde lambda tandis que le troisième scénario implique une dépense pour les ménages concernés s’élevant à 1 129 euros. Le 1er quintile (les 20 % de ménages les moins aisés) acquitte des frais particulièrement élevés, notamment au regard du parc automobile détenu et du poids budgétaire correspondant.
Les coûts de remise en l’état d’un véhicule à la suite de critères sévérisés du volet pollution du contrôle technique.
Pour estimer les coûts d’une sévérisation du contrôle des émissions polluantes, le GERPISA s’est appuyé sur les scénarii adoptés par l’UTAC-OTC des différentes options de sévérisation, en particulier sur ceux consistant en une réduction des valeurs limites de CO et lambda tolérées pour les véhicules essence, et de l’opacité des fumées tolérée pour les véhicules diesel. Ces scénario ont conduit l’OTC à établir des taux de non-conformité théoriques. Ces taux ont été traités par le GERPISA en fonction de l’analyse du parc, de sa composition et de sa détention, de manière à établir les coûts qui résulteraient d’une remise en conformité pour les propriétaires des véhicules.
– pour les véhicules à moteur diesel, selon les résultats fournis par l’OTC, le taux de non-conformité passerait de 1,12 à 2,72 %. Le surcoût supporté par les différentes catégories de ménages est estimé en faisant l’hypothèse que la sévérisation impacte le parc automobile des ménages selon l’ancienneté des véhicules. Si les coûts supportés par les différents types de ménages sont assez hétérogènes, les ménages les moins aisés restent relativement peu concernés par une telle sévérisation. Par ailleurs, lorsqu’ils le sont, la facture à acquitter est relativement supportable, de l’ordre de 80 euros.
– pour les véhicules essence dépollués dont la date de première mise en circulation est antérieure au 01/07/2002, le taux de non-conformité devient 14.06 % avec le nouveau critère au lieu de 2.79 % avec le critère actuel. Pour ceux dont la date de première mise en circulation est postérieure au 01/07/2002, le taux de non-conformité devient 4.46 % avec le nouveau critère au lieu de 0.43 % avec le critère actuel. Les taux de non-conformité sont ainsi multipliés par un facteur de 7 à 10. La sévérisation de ce critère engendre des coûts de remise en état particulièrement élevés, et en particulier pour l’ensemble des ménages du 1er quintile, ayant plus souvent des voitures anciennes à motorisation essence.
TAUX DE NON-CONFORMITÉ APRÈS SÉVÉRISATION
ANNEXE N° 13 :
CERTIFICATS QUALITÉ DE L’AIR :
CLASSIFICATION DES VÉHICULES ISSUE DE L’ARRÊTÉ DU 21 JUIN 2016 ÉTABLISSANT LA NOMENCLATURE DES VÉHICULES CLASSÉS EN FONCTION DE LEUR NIVEAU D’ÉMISSION DE POLLUANTS ATMOSPHÉRIQUES EN APPLICATION DE L’ARTICLE R. 318-2 DU CODE DE LA ROUTE
ANNEXE N° 14 :
LA POLITIQUE DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS EN CALIFORNIE
Le programme « Véhicule zéro émission » (ZEV program)
Afin de réduire la pollution de l’air liéé à l’émission de polluants par les véhicules légers, l’État de Californie a défini une politique ambitieuse et innovatrice à bien des égards. Cette politique publique vise à réduire drastiquement les émissions produites, dans le cadre du programme « Véhicule à zéro émission » (ZEV program). Deux réglementations de l’Agence de protection de l’environnement de Californie (CARB) fixent les obligations auxquelles sont soumis les constructeurs d’automobiles dans cet État : une réglementation s’appliquant aux nouveaux véhicules mis en vente entre 2009 et 2017 « “ZEV Emission Standard” regulation », et une réglementation pour les nouveaux véhicules qui seront mis en vente à partir de 2018 jusqu’en 2025 « The Advanced Clean Cars Program ». L’hydrogène est expressément considéré comme un carburant « zéro émission » dans le cadre des deux réglementations.
Par ce programme, la Californie poursuit un double objectif environnemental et économique : améliorer la qualité de l’air mais aussi implanter l’intégralité de la chaîne de production de véhicules « propres » sur son territoire.
La Réglementation pour les véhicules mis en vente entre 2009 et 2017
La réglementation « ZEV Emission Standard » oblige les constructeurs automobile souhaitant mettre en vente des véhicules sur le territoire californien à ce qu’une partie de ces véhicules soit des véhicules « zéro emission », qu’ils s’agissent de voitures particulières, de véhicules utilitaires ou de camionnettes et fourgons.
Les véhicules sont divisés en quatre grandes catégories énumérées dans ce cadre réglementaire : (cf Annexe 1) :
– ZEV Zero Emission Vehicle : Véhicule à batterie électrique comme la Nissan Leaf et véhicule électrique à hydrogène (pile à combustible) ;
– TZEV Transitional Zero Emission Vehicle : Véhicule hybride avec rechargement direct de batterie (plug-in), véhicule avec moteur à combustion d’hydrogène ;
– PZEV Partial Zero Emission Vehicle : Véhicules à moteur conventionnels sans émission par évaporation, et à émissions ultra réduites ;
– AT-PZEV Advanced Technology Partial Zero Emission Vehicle : Véhicules présentant le même niveau d’émission que les PZEV ou avec technologies avancées : au gaz naturel, véhicule hybride.
Chaque catégorie de ces véhicules permet d’obtenir un certain nombre de crédits : plus le véhicule est vertueux plus il donne droit à des crédits avec un effet multiplicateur pour les véhicules « zéro émission » extrêmement important.
Les ZEV font en outre, l’objet de subdivisions en différentes catégories, principalement en fonction de la distance qu’ils permettent de parcourir (autonomie) et du temps nécessaire à leur rechargement (la catégorie de type V d’une autonomie de 300 miles et plus et justifiant d’un rechargement rapide bénéficie du plus fort multiplicateur). Les véhicules électriques à hydrogène sont classés dans la catégorie recevant le plus de crédits.
Les constructeurs soumis à la réglementation doivent donc atteindre un certain nombre de « ZEV credits », en proportion de leurs ventes en Californie. Ces crédits sont générés par la vente de véhicules zéro émission ou des autres types de véhicules à émissions réduites. Un constructeur qui ne parvient pas à atteindre son quota de crédits ZEV peut en acheter auprès d’un autre constructeur qui en disposerait en surplus ou encore directement auprès de la CARB.
En parallèle, a donc été mis en place un marché de crédits, crédits permettant aux constructeurs d’atteindre les objectifs de véhicules propres dans leur volume de vente.
Les constructeurs automobiles soumis à cette réglementation sont :
– Les constructeurs vendant plus de 60 000 véhicules / an pleinement assujettis aux obligations de production de « véhicules zéro émission » ;
– Les constructeurs vendant entre 4501 et 60 000 véhicules / an, qui peuvent remplir leurs obligations entièrement par le biais des véhicules « à émissions réduites » ;
Les constructeurs vendant moins de 4500 véhicules / an, ne sont pas soumis à ces obligations mais peuvent participer au marché des crédits à l’exemple de Tesla, au cours des premières années de son développement.
À partir de 2012, les constructeurs les plus importants doivent remplir leur obligation de pourcentage de production de véhicules « propres » avec un seuil minimum de ZEVs et un seuil maximum pour chaque autre catégorie de véhicules propres :
Chaque constructeur soumis à cette réglementation est tenu de fournir, le 1er mai de chaque année, un rapport de conformité à la CARB. Ces informations sont mises à la disposition du public :
http://www.arb.ca.gov/msprog/zevprog/zevcredits/2012zevcredits.htm
Un système de pénalités est prévu si les constructeurs ne remplissent pas les objectifs qui leur ont été assignés :
– Dans un premier temps, le constructeur dispose de deux années supplémentaires pour remplir ses objectifs ;
– Si à cette échéannce, le constructeur ne remplit toujours pas ses objectifs, les pénalités financières s’élèvent à 5000 dollars / véhicule non produit.
Réglementation pour les véhicules mis en vente entre 2018 et 2025
La nouvelle réglementation « Advanced Clean Cars » prolonge donc les objectifs quant à la réduction des émissions de polluants émis par les véhicules vendus en Californie pour la période 2018-2025.
Il n’existera plus que deux sortes de véhicules dépollués : les ZEVs et les TZEVs (qui devront démontrer qu’ils émettent 90 % d’émission en moins qu’un véhicule à moteur classique et qu’ils respectent les normes d’émission par évaporation).
SEUILS DE VÉHICULES « PROPRES » À ATTEINDRE, À PARTIR DE 2018 :
Conclusion :
Le parc automobile californien comprenait, dès 2012, près de 3 millions de véhicules à faibles ou très faibles émissions, majoritairement des véhicules aux moteurs parmi les moins polluants (PZEV) au nombre de 2,7 millions mais également des véhicules à hydrogène avec pile à combustible (500) et des voitures électriques (17 000).
Aujourd’hui, dix autres États disposent de réglementations identiques ou comparables et d’un marché de crédits ZEV: le Connecticut, le Maine, le Maryland, le Massachusetts, le New Jersey, le Nouveau Mexique, New York, l’Oregon, le Rhode Island et le Vermont. Le marché des crédits ZEV a été étendu à ces autres États au sein de deux marchés régionaux : l’un à l’Est et l’autre à l’Ouest. Les constructeurs sont donc autorisés à régionaliser leurs crédits.
Sur le long terme, la Californie prévoit 1,5 million de ZEV sur son territoire d’ici 2025 pour que les émissions de gaz à effet de serre produites par les véhicules soient, en 2050, inférieures de 80 % par rapport au niveau d’émission de 1990.
En février 2013, le « ZEV Action Plan » a été publié détaillant les actions à prendre pour atteindre ce but. Il a pour objectifs :
– la construction d’une infrastructure routière adaptée avec un réseau de stations de rechargement pour véhicules électriques et hydrogènes (dont 68 stations de distribution d’H2 au minimum pour le lancement des véhicules électriques à hydrogène entre 2015 et 2017) ;
– une transformation progressive de la flotte de véhicules en Californie (objectif : 25 % de véhicules « propres » d’ici 2020) ;
– une augmentation des investissements et du nombre des emplois dans le secteur privé, permettant d’implanter toute la chaîne de production des véhicules de nouvelle génération en Californie.
ANNEXE N° 15 :
TABLEAU RÉCAPITULATIF DE L’ÉVOLUTION DU BONUS-MALUS (2008-2016)
Source : Document annexé à la lettre de Mme la ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie à la Rapporteure, en date du 11 décembre 2015
ANNEXE N° 16 :
VÉHICULE CONNECTÉ ET VÉHICULE AUTONOME
La voiture connectée et la voiture autonome constituent, pour certains, deux modèles distincts de véhicule du futur.
La voiture connectée est une voiture « communicante », avec son conducteur, avec les installations routières, et avec les autres véhicules. Au cours des dernières décennies, les véhicules ont ainsi intégré de plus en plus de technologies de communication embarquée, pour améliorer certaines composantes de la conduite, mais aussi pour optimiser la maintenance des systèmes internes (626). À titre d’illustration, de premières réalisations ont permis de développer des systèmes d’appel d’urgence en cas d’accident ou de panne, qui se déclenchent automatiquement et permettent au conducteur d’être pris en charge par un opérateur qui les identifie, les localise et leur envoie une assistance technique ou des secours (627). À partir d’avril 2018, cette aide d’urgence géolocalisée, dénommée ecall, sera rendue obligatoire pour toutes les voitures neuves commercialisées en Union européenne, comme l’exige le règlement européen du Parlement et du Conseil du 29 avril 2015 concernant les exigences en matière de réception par type pour le déploiement du système eCall embarqué fondé sur le service 112 et modifiant la directive 2007/46/CE. La voiture connectée peut par ailleurs permettre d’instaurer un monitoring des émissions en temps réel, pour aider le conducteur à les réduire, ou un système de « maintenance prédictive », permettant au conducteur d’anticiper les réparations ou opérations d’entretien à effectuer. Des pistes sont à l’étude pour développer davantage la communication entre les voitures et avec l’infrastructure. Pourtant, selon le CNPA (628), le taux de pénétration des services connectés pour la voiture particulière est encore faible en Europe (de 11 % en première monte, contre près de 35 % aux États-Unis). En France, le nombre d’abonnés aux services télématiques est estimé entre 2 et 3 millions, pour des voitures équipées d’un système de gestion de flottes, d’appel d’urgence, d’antivol ou d’assurance à la carte.
La voiture autonome est un véhicule ayant vocation, à terme, à se substituer au conducteur, lequel deviendra un « passager comme les autres ». Elle peut être présentée comme un « robot doté de capacités d’analyse et de pilotage sans intervention humaine » (629), devant remplir trois fonctions habituellement accomplies par le conducteur : « recueillir des informations sur l’environnement, décider de la manœuvre appropriée et exécuter cette manœuvre » (630). Le recueil d’informations requiert des capteurs – caméras, radars – et des technologies de géolocalisation. La prise de décision suppose des logiciels et des lignes de calculs capables de déduire la réponse à apporter aux situations perçues, grâce à des calculateurs embarqués, et ce dans un temps acceptable. La réalisation de la décision prise nécessite des « actionneurs », capable de modifier la direction ou d’enclencher le freinage du véhicule. une course de vitesse technologique et industrielle.
ANNEXE N° 17 :
PANORAMA DU DÉVELOPPEMENT DU VÉHICULE AUTONOME
– Depuis plus d’un an, la marque américaine Tesla commercialise des véhicules semi-autonomes, dotés de nombreux dispositifs d’assistance à la conduite. La Tesla Model S, lancée en juin 2012, est équipée d’un GPS, de capteurs à ultrasons, de caméras et de radars, permettant de connaître l’environnement du véhicule. Ces systèmes permettent, en certaines circonstances, de prendre le relai du conducteur. Il est ainsi possible de changer de voie en actionnant simplement le clignotant, mais aussi de tenir sa voie sur l’autoroute sans action du conducteur : le volant corrige seul la trajectoire, à condition que les mains du conducteur soient dessus. Un système électrique d’aide au freinage y est installé, de même qu’un régulateur de vitesse capable d’adapter la vitesse en fonction du trafic, pour maintenir les distances de sécurité avec les véhicules environnants. Les collisions frontales et latérales, ainsi que les sorties de routes sont évitées ou limitées grâce au contrôle numérique du moteur, des freins et du volant (631). La Model S peut enfin se garer toute seule. De plus, la marque propose à ses conducteurs des améliorations à distance, par simple mise à jour des logiciels, sans déplacement du propriétaire du véhicule, tous les trois mois environ. L’ensemble des équipements installés sur les véhicules de la marque permettent aussi de faire remonter des informations et de produire des données en temps réel, grâce auxquelles Tesla améliore son modèle en permanence. Ce véhicule est commercialisé à partir de 71 000 euros hors bonus. Un premier accident mortel s’est produit en mai 2016 (cf. infra, partie relative à la sécurité routière).
– Le constructeur automobile General Motors teste actuellement, dans l’Ontario, ses véhicules autonomes et semi autonomes, et espère voir des Chevrolet, des Cadillac et des Buick rouler sans conducteur d’ici à 2020. Ces véhicules sont équipés de capteurs et de caméras. Le groupe a embauché plus de 100 ingénieurs en 2015, sur son site canadien, intégralement dédiés à la voiture connectée. General Motors espère commercialiser dès 2017 le système Super Cruise, qui permettra à la voiture de rouler en mode autonome sur plusieurs kilomètres d’autoroute.
– Deux voitures autonomes du constructeur chinois Changan, partenaire de Ford, ont parcouru plus de 2 000 km, en zones de montagne, en ville, sur autoroute ou sous tunnel, pour rallier Chongqing à Pékin, en avril 2016. Il s’agissait du premier test chinois de véhicule autonome sur longue distance. Ces véhicules ont dépassé le stade du processus industriel : Changan entend commercialiser des véhicules autonomes sur autoroute dès 2018, puis des véhicules autonomes en ville à partir de 2025. La Chine représente à la fois un vivier de producteurs potentiels, et un immense marché de débouchés. Selon le cabinet Boston Consulting Group (BCG), 12 millions de véhicules autonomes pourraient être vendus dans le monde chaque année à partir de 2035, dont près d’un quart en Chine. Un sondage du cabinet Roland Berger indiquait en 2015 que 96 % des Chinois étaient intéressés par un véhicule autonome capable de gérer seul les situations de conduite quotidienne. Les autorités chinoises, convaincues des atouts du véhicule autonome pour la fluidification de la circulation et la réduction de la pollution, pourraient favoriser le développement de cette technologie par des modifications réglementaires rapides (632).
– l’industrie automobile allemande est, elle aussi, en avance en matière de véhicule autonome, tirée en particulier par les groupes et gammes premium. Le déploiement des briques technologiques, notamment en ce domaine, est concentré sur le haut de gamme, pour lequel les prix déjà élevés permettent de rendre le surcoût occasionné plus supportable. Ainsi, en juin 2016, le groupe BMW a présenté deux concepts de voitures autonomes : une Mini Vision Next 100 et une Rolls-Royce Vision Next 100. La Mini Vision Next 100 peut récupérer les passagers de manière autonome, se garer ou recharger ses batteries sans intervention humaine. La Rolls-Royce Vision Next 100 est dotée d’un assistant électronique baptisé Eleanor (pendant automobile du système Siri d’Apple). Le président de BMW a, par ailleurs, indiqué que le groupe allait lancer son premier modèle électrique avec des fonctionnalités de conduite autonome en 2021. De même, le groupe Volkswagen se fixe pour objectif de lancer des voitures autonomes sur autoroute en 2020 au plus tard, sous réserve que le cadre réglementaire et légal permette leur circulation. Comme annoncé par le groupe, cette technologie sera, en premier lieu, développée sur les modèles haut-de-gamme. Enfin, Audi lancera également, dès 2017, une A8 partiellement automatisée, pouvant se conduire elle-même jusqu’à une vitesse de 60 à 65 kilomètres par heure.
– Dans le domaine de la voiture communicante, le groupe PSA a été pionnier de l’appel d’urgence, qui permet aux clients, en cas de panne ou d’accident, d’être pris en charge par un opérateur qui les identifie, les localise et leur envoie une assistance technique ou les secours. Ces services équipent déjà plus de 1,8 million de véhicules PSA en circulation et la réglementation rendra cet équipement – baptisé eCall – obligatoire en Europe à partir de 2018 (633). De même, en matière de véhicule autonome, PSA a été le premier constructeur français autorisé par les ministères concernés, en juillet 2015, à faire circuler un véhicule intégralement autonome – avec toutefois des commandes d’urgence – sur plus de 10 000 kilomètres de route ouverte. En octobre 2015, la marque Citroën lançait son propre prototype totalement autonome, un C4 équipé de dispositifs qui lui permettent de s’insérer dans une file, d’accélérer ou d’adapter sa trajectoire en fonction du trafic routier. Ce véhicule a déjà effectué des trajets de plusieurs centaines de kilomètres, un conducteur étant toutefois toujours prêt à reprendre le contrôle du véhicule. Des expériences sur des véhicules de niveau 2 (hands off) et 3 (eyes off) sont en cours. Le constructeur a par ailleurs un plan de charge relatif au déploiement et à la commercialisation de son véhicule autonome : les premières fonctions d’automatisation devraient apparaître dès 2018 sur les voies rapides et les parkings : des véhicules seront équipés de fonction de conduite semi-autonome, sous surveillance du conducteur, qui devra conserver la maîtrise de la conduite de manière permanente afin de pouvoir reprendre la main à tout instant. Les fonctions de conduite autonome se mettront en place à partir de 2020, en commençant par la circulation sur voie rapide, où seront introduits les niveaux 2 et 3 d’automatisation au travers du système traffic jam chauffeur, qui permettra à l’utilisateur de laisser la voiture se conduire toute seule sur le périphérique. Lors de son audition par la mission d’information, M. Tavarès indiquait « dans tous les cas, sur le véhicule autonome, je vous assure que l’on fera ce qu’il faut pour rester dans le peloton de tête, comme nous le sommes aujourd’hui ».
– L’alliance Renault-Nissan a commencé à déployer des véhicules semi-autonomes, avec assistance à la conduite afin d’en améliorer la sécurité et le confort. Des démonstrations ont été faites au dernier salon de Genève sur plusieurs modèles : la Talisman, la Mégane, le dernier Espace et le nouveau Scénic, comportant une alerte de franchissement de ligne blanche ou encore un freinage actif d’urgence avec détection de piéton (AEBS pour Active Emergency Braking System). L’aide à la conduite fonctionne sur une plage de 7 à 60 km/h, et le système peut freiner automatiquement en cas de non réaction du conducteur, jusqu’à l’arrêt complet du véhicule, grâce à l’implantation d’une caméra et d’un radar. Le Scénic dispose d’une action de correction permettant de rester dans la bonne file (Lane Keeping Assist) et propose en option un détecteur de fatigue. Nissan introduira en 2017 sa première voiture semi-autonome, un Quashquai équipé d’un système de maintien du véhicule dans sa file, permettant de rouler de façon autonome sur autoroute (Piloted Drive 1.0), et le groupe a annoncé une dizaine de véhicules autonomes pour 2020, avec un calendrier précis : autonomie sans changement de voie dès 2016, autonomie avec changement de voie en 2018, puis autonomie totale, y compris dans les intersections en ville, en 2020.
– Valéo et Safran ont dévoilé, en mars 2015, soit dix-huit mois après la signature de leur partenariat de recherche sur l’assistance au pilotage et le véhicule autonome, leurs dernières avancées technologiques. Les deux groupes ont décidé, avec succès, de mettre en commun leurs forces et leurs atouts pour porter l’industrie française à la pointe de la technologie dans les domaines de l’assistance au pilotage et de la délégation de conduite. Quatre thématiques ont été approfondies :
– l’homme au cœur des préoccupations, qui met en avant les technologies de reconnaissance faciale de Safran destinées aux applications automobiles de Valéo ;
– la connectivité, qui conduit à la sécurisation des systèmes de connexion de Valeo grâce au savoir-faire de Safran ;
– voir et naviguer, qui permet le développement d’un capteur de vision dans des conditions difficile, de caméras 360° ou de navigation inertielle ;
– la robotisation, qui présente les fonctions automatiques de dernière génération pour les équipements des véhicules.
Les deux groupes ont ainsi présenté le fruit de leur coopération, leurs véhicule expérimental hautement automatisé Drive4U®. Ce véhicule Volkswagen Passat est doté d’un système de reconnaissance faciale développé par Morpho (Safran), d’une centrale inertielle et d’une caméra 360° qui lui permettent de se guider, d’éviter les obstacles et de respecter la signalisation, au sein d’un environnement urbain (feux rouges, véhicules à l’arrêt et en mouvement, tunnel).
ANNEXE N° 18 :
LES DIFFÉRENTS SCÉNARIOS DE DÉPLOIEMENT DU VÉHICULE AUTONOME
1. Le scénario progressif
Pour la plupart des interlocuteurs auditionnés par la mission, le déploiement du véhicule sera progressif, tant dans le degré d’autonomie que dans les plages d’utilisation d’une telle voiture (embouteillages, autoroute, puis conduite en ville). Ces avancées par strates sont prônées par certains constructeurs, comme le groupe PSA, dont le président Carlos Tavarès indiquait, lors de son audition par la mission : « nous ne partagons pas le point de vue de Google selon lequel il faudrait passer « one shot », directement au véhicule totalement autonome. C’est une question de sécurité. La technologie est extrêmement complexe et pointue, et l’on ne peut pas passer de zéro à 100 % d’autonomie sans avoir consolidé les étapes intermédiaires de l’assistance à la conduite, qui permettent de garantir à tout instant au consommateur une sécurité absolue dans l’usage du véhicule ». Il indiquait plus loin « l’éventuelle généralisation du véhicule autonome se fera à horizon de 25 ans, pas avant ».
Cinq étapes d’autonomisation ont été identifiées :
– « foot off » (« sans les pieds ») : cette étape correspond à la possibilité pour le conducteur de ne plus actionner le système de pédale de freinage et d’accélération en certaines circonstances. Elle est déjà partiellement atteinte, grâce aux radars de régulation de distance (adaptive cruise control) présents sur certains véhicules : combinés au régulateur automatique de vitesse, ces radars permettent de mesurer la distance et le mouvement du véhicule précédent le véhicule conduit, pour ajuster automatiquement la vitesse et éviter tout risque de collision. Le véhicule reprend sa vitesse initiale lorsque l’obstacle a disparu ;
– « hands off » (« sans les mains ») : cette étape correspond à la possibilité pour le conducteur de ne plus tenir le volant en permanence. La voiture conduit elle-même, mais sous le contrôle du conducteur ;
– « eyes off » (« sans les yeux ») : cette étape correspond à la possibilité pour le conducteur de ne plus regarder la route en permanence, ce qui lui permet d’envoyer des SMS ou de lire le journal, mais avec des temps de réquisition de l’ordre d’une dizaine de secondes ;
– « minds off » (« sans l’attention ») : cette étape correspond à la possibilité pour le conducteur de détourner son attention pendant de plus longues périodes ;
– « driverless » (« sans conducteur ») : cette étape correspond à la possibilité pour le conducteur de n’être plus qu’un passager, tournant éventuellement le dos à la route, pouvant lire ou dormir.
Votre rapporteure estime, en revanche, que ce scénario « pas à pas » ne se produira pas, et appelle à prendre en compte un scénario « de rupture » : l’industrie automobile française doit se tenir prête et être en mesure de réagir rapidement.
Ce scénario de rupture est, notamment, envisagé par France Stratégie. En pratique, dès 2020, et sans réel « préavis », des véhicules non encore autonomes pourraient le devenir par la mise à jour de logiciels, ce qui entraînerait un déploiement rapide à partir de 2025. De même, selon M. Bertrand Duflos, consultant en propriété industrielle et expert en véhicule autonome, le véhicule autonome est « très proche ». La technologie est déjà presque prête et progresse très rapidement, et un déploiement massif pourrait être envisagé dès 2020. Le déploiement pourrait être particulièrement rapide pour les véhicules de transports en commun circulant à petite vitesse, notamment des navettes urbaines roulant à 25 km/h, qui pourraient venir concurrencer les bus, les métros… La ville de Lyon expérimente ainsi, depuis le 2 septembre 2016, un système de bus autonomes, circulant à une vitesse maximale de 20 km/h, sans conducteur à bord.
Une attitude attentiste est alors contre-productive et dangereuse. En effet, face aux risques sociaux de suppressions d’emplois – un « robotaxi » pouvant remplacer environ 10 véhicules –, aux risques de relégation de la filière automobile française et aux difficultés à prévoir pour le secteur transport, il faut, paradoxalement, adopter d’urgence le véhicule autonome, pour que nos industries automobile et de transport se l’approprient et prennent des parts significatives du marché de la mobilité, en proposant de nouveaux services de transport porte à porte, par véhicule autonome, etc.
C’est pourquoi, il est indispensable de s’appuyer sur les scénarios les plus ambitieux, de manière à ne pas accentuer le retard déjà pris par la France. Ne pas intégrer le véhicule autonome, c’est risquer d’être évincé du marché de la mobilité.
2. L’analyse de France Stratégie : deux scénarios de déploiement
La vitesse de déploiement du véhicule autonome demeure incertaine. En avril 2016, France Stratégie élaborait plusieurs scénarios : un scénario tendanciel, dans lequel le déploiement du véhicule autonome serait très progressif à partir de 2040, et un scénario de rupture dans lequel, dès 2020, des véhicules non encore autonomes pourraient le devenir par la mise à jour de logiciels, ce qui entraînerait un déploiement rapide à partir de 2025.
Selon France stratégie, trois facteurs détermineront la rapidité du déploiement du véhicule autonome :
– la date de la commercialisation d’un premier véhicule intégralement autonome ;
– la vitesse d’adoption par la population, qui dépend de l’évolution de la réglementation, mais aussi de la réticence à faire évoluer les comportements de conduite. Cette vitesse pourrait être de 10 ans (dans un scénario de rupture) à 20 ans (dans un scénario tendanciel), valeurs correspondant aux temps de diffusion observés pour des innovations préalables (ceinture de sécurité, ABS…) ;
– la vitesse de renouvellement du parc. Pour une durée de vie des véhicules de 18 ans et un âge moyen du parc de 9 ans, un déploiement généralisé n’interviendrait pas avant 2050 et s’étendrait jusqu’en 2070 dans le cas du scénario tendanciel.
ANNEXE N° 19 :
LES ACTEURS DU NUMÉRIQUE DANS LE VÉHICULE AUTONOME
Google expérimente depuis 2010 sa Google Car, véhicule intégralement autonome, y compris sur portions urbaines – le passager n’ayant qu’à indiquer son adresse de destination – sur son campus de Mountain View. En 2014, le prototype à deux places, sans volant ni pédales, était révélé au public. Depuis 2015, il est testé sur route publique (avec cependant un ajout de commandes de secours – volant et pédales – et un conducteur capable en permanence de reprendre le contrôle du véhicule). Actuellement, la flotte Google se compose d’une cinquantaine de véhicules, moitié de Lexus équipés, moitié de prototypes propres. Ces véhicules ont parcourus trois millions de kilomètres, dont plus d’un million en autonomie totale. En février 2016, un premier accident était imputé à la Google Car (les 14 accidents préalables, dans le cours des essais, n’ayant jamais été causés par la voiture autonome). À court terme, il est prévu de faire une expérimentation encore plus approfondie en partenariat avec une ou plusieurs villes, qui seront appelées à faire le design des opérations, étant « mieux équipées que Google pour définir ce que doit être la ville du futur » (634). Si Google n’a pas pour ambition de devenir un constructeur automobile, l’entreprise réfléchit néanmoins, en partenariat avec des constructeurs, à ce que pourrait être la commercialisation future d’automobiles complétement autonomes (sur ce point Google « parle avec tout le monde », apparemment sans priorité ni exclusive) (635).
Apple s’est également, récemment, lancé dans la course au véhicule autonome. Le projet secret « Titan » – dénommé ainsi, dès février 2015, par le Wall Street Journal, et regroupant l’ensemble de la stratégie de la marque dans le domaine automobile – indiquait déjà, depuis plusieurs mois, l’intention du concurrent de Google de se lancer sur le marché du transport. Un grand secret entoure ce projet, mais plusieurs informations ont fuité successivement dans la presse : ainsi, dès février 2015, 600 à 1 000 salariés travaillaient sur le projet. À cette période, le Financial Times révélait aussi qu’Apple cherchait à recruter parmi les constructeurs automobiles traditionnels, notamment Mercedes. Le département californien des transports, en charge des permis et autorisations de circuler, aurait rencontré des représentants de la marque dès septembre 2015, selon le Guardian (636). En avril 2016, Apple aurait embauché l’ancien vice-président de l’ingénierie automobile de Tesla. Enfin, l’entreprise souhaiterait lancer son Apple Car – éventuellement dénommée iCar – électrique, partiellement à totalement autonome, dès 2019 (637). Apple a, par ailleurs, annoncé le 12 mai 2016 un investissement d’un milliard de dollars dans le leader du véhicule avec chauffeur chinois, Didi Chuxing, valorisé à 25 milliards de dollars et qui effectue 11 millions de courses par jour dans 400 villes. Didi Chuxing pourrait constituer un débouché important pour ses futurs véhicules. Apple prévoirait, en outre, l’ouverture d’un « car lab » à Berlin, qui serait composé de 15 à 20 chercheurs spécialisés dans l’innovation automobile, et permettrait d’attirer les talents de l’industrie automobile allemande, selon les affirmations de la presse allemande en avril 2016 (638).
Über travaille désormais, lui aussi, à la conception de véhicules autonomes. L’entreprise de véhicules de tourisme avec chauffeurs a recruté plusieurs dizaines de chercheurs spécialisés en robotique en 2015 et 2016, ainsi que, en juin 2016, l’ancien vice-président de l’ingénierie de Google, Brian McClendon. L’entreprise a dévoilé, en mai 2016, son prototype de véhicule sans chauffeur. Elle expérimente actuellement la mise en circulation d’une Ford Fusion autonome à Pittsburgh, chargée de récolter des données cartographiques à l’aide de radars, scanners lasers et caméra haute résolution, et de valider ce mode de conduite. Über s’est associé à Volvo en août 2016. Comme l’indiquait le constructeur lors de l’annonce de ce partenariat, « Über et Volvo utiliseront le même véhicule de base pour la prochaine de leurs stratégies respectives de voitures autonomes ». Si Über indique être motivé essentiellement par la recherche d’une diminution des accidents et d’une amélioration de la sécurité routière, il apparaît que la possibilité pour l’entreprise de se passer de chauffeurs pourrait être financièrement extrêmement intéressante.
De même, les géants chinois du numérique se lancent aussi, désormais, dans la conception de véhicules autonomes. Le groupe Baidu, entreprise chinois de l’Internet, a procédé début 2016 à des essais sur petites distances, à partir d’un modèle BMW modifié. D’autres tests seront réalisés dans les prochains mois, notamment sur les routes de Californie, selon Andrew Ng, le directeur scientifique de Baidu et spécialiste de l’intelligence artificielle. LeEco, autre entreprise chinoise de l’Internet, développe pour sa part un véhicule électrique capable de démarrer et de se garer seul, l’ordre lui étant donné à distance par smartphone. Ces véhicules ont dépassé le stade du processus industriel : Baidu envisage de lancer, à partir de 2018, des navettes autonomes sur des trajets prédéterminés, dans un périmètre qui serait étendu au fil des ans, grâce à un système de cartographie de précision.
Google a noué, en mai 2016, un partenariat avec Fiat pour développer, au niveau industriel, son projet de véhicule autonome. Google souhaite, en effet, se concentrer sur l’intelligence artificielle embarquée et la gestion des données – où se situe la plus grande part de la valeur ajoutée – et déléguer la construction du véhicule. Fiat doit fournir 100 véhicules de test, des monospaces Chrysler Pacifica, permettant ainsi à Google de doubler sa flotte de véhicules autonomes. Fiat Chrysler devrait adapter ses véhicules pour que Google puisse y installer facilement les dispositifs de conduite autonome, notamment un système embarqué comprenant des ordinateurs et différents capteurs. Il s’agira aussi de tester la conduite autonome sur un plus gros modèle que le prototype propre à Google. Des ingénieurs des deux groupes travailleront sur l’adaptation de ce modèle dans un centre de Fiat situé dans le Michigan. Google indique, dans son communiqué de presse, espérer que les premiers véhicules ainsi conçus conjointement soient en circulation avant la fin de l’année 2016. Il n’est toutefois pas évoqué de partage de technologies : on ne doit donc pas s’attendre à la sortie d’une version autonome du Chrysler Pacifica, les modèles adaptés restant à l’état de prototypes. Le choix fait par Google serait stratégique, Fiat étant, parmi les constructeurs, l’un de ceux ayant la plus faible ambition de développer ses technologies personnelles. Au contraire, selon l’analyse de Forbes David Kiley, General Motors et Toyota, un temps pressentis pour le partenariat, auraient développé leurs propres modèles de véhicules autonomes, possèderaient déjà leur propre culture et leurs équipes d’ingénieurs, et seraient moins enclins à se plier aux demandes de Google.
Toyota collabore désormais avec Microsoft dans le domaine du « big data ». Les deux entreprises ont créé, en avril 2016, une société conjointe, Toyota Connected, pour améliorer l’analyse des données massives (big data) relatives aux véhicules et proposer davantage de services assis sur ces données avec l’aide du système Azure (informatique mutualisée en réseau) de Microsoft. Le constructeur automobile a indiqué que « cette société servira de plaque tournante de gestion de données pour les opérations mondiales de Toyota, et soutiendra un large éventail d’initiatives envers les consommateurs et les institutions gouvernementales » ;
Les constructeurs automobiles allemands ont racheté l’activité de cartographie de Nokia, pour ne pas avoir recours à Google Maps, et ce dès août 2015. Nokia a ainsi vendu sa filiale de cartographie Here à un consortium de constructeurs automobiles allemands réunissant Daimler, BMW et Audi. La transaction, finalisée en 2016, valorise cette activité à hauteur de 2,8 milliards d’euros. Il s’agit, pour les trois spécialistes allemands des automobiles premiums, de saisir l’opportunité de racheter un acteur de taille mondiale dans le domaine de la cartographie et de la géolocalisation, et de s’assurer de ne pas être dépendant de Google. Ils indiquent, dans un communiqué de presse commun, que « pour l’industrie automobile, c’est la base de nouveaux systèmes d’assistance et, à terme, de la conduite pleinement autonome ». Ce rachat s’inscrit dans le cadre d’une compétition, plus large, pour la maîtrise des outils du tableau de bord des véhicules autonomes.
Le constructeur automobile allemand BMW s’est adjoint le renfort du fabricant américain de semiconducteurs Intel – qui apporte son expertise et ses technologies dans le domaine du cloud computing, de la sécurité, et des puces de traitement – et du spécialiste israélien de la vision Mobileye – qui apporte son savoir-faire dans la vision de l’environnement du véhicule – pour développer la voiture autonome et en lancer la production de série en 2021. Des prototypes seront mis en test d’ici 2017. Le lancement de la production de série est prévu pour 2021.
ANNEXE N° 20 :
LES GROUPES DE TRAVAIL WP1 ET WP 29 DE LA CEE-ONU
2. Le WP1
Le WP1 est le groupe de travail de la CEE-ONU sur la sécurité et la circulation routière, créé en 1988, pour prendre la suite du groupe de travail sur la prévention des accidents de la route, créé en 1950. Le WP1 est le seul organe permanent des Nations-Unies dédié à l’amélioration de la sécurité routière. Il est le forum où les États membres échangent leurs points de vues et partagent leurs expériences sur la sécurité routière, et débattent des amendements à apporter aux instruments juridiques des Nations Unies, tels que les Conventions de Vienne sur la circulation routière et sur la signalisation routière de 1968. En 2010, le WP1 a célébré 60 ans d’initiatives en matière de sécurité routière au sein du système des NU. Cela a coïncidé avec la proclamation par la résolution 64/255 de l’AGNU de la « décennie de l’action pour la sécurité routière ».
Sa mission principale est de garantir la bonne application des instruments légaux des nations-unies créés pour harmoniser les codes de la route (les conventions sur la sécurité routière et la signalisation routière de 1968). Il doit prendre et mettre en œuvre des mesures visant à renforcer et améliorer la sécurité routière, à développer et harmoniser les règles de circulation et de signalisation en prenant également en compte notamment l’environnement, et à renforcer les relations entre les pays.
À cette fin, il doit :
– développer et mettre à jour et les Conventions sur la Circulation routière et sur la Signalisation routière, faites à Vienne en 1968, et les Accords européens de 1971 les complétant, ainsi que les autres instruments juridiques pertinents.
– favoriser l’adhésion de nouveaux pays aux Conventions et accords mentionnés ci-dessus.
– développer, mettre à jour et diffuser les Résolutions d’ensemble sur la circulation routière (R.E.1) et sur la signalisation routière (R.E.2) en en faisant des documents recommandant les meilleures pratiques dans le domaine de la sécurité routière ; élaborer également des recommandations sur des sujets précis.
– organiser et préparer à intervalle régulier (au moins tous les quatre ans) des campagnes de sécurité routière, appelées « Semaines de la sécurité routière », dans la région de la CEE et les promouvoir à l’extérieur de la CEE en liaison avec les autres Commissions régionales des Nations Unies.
– favoriser une participation à ses activités en encourageant la coopération et la collaboration avec les pays, la Commission européenne, les organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales concernées par la sécurité routière ainsi qu’avec les autres Commissions régionales des Nations Unies et d’autres organisations du système des Nations Unies, notamment l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Organiser dans ce cadre, en tant que de besoin, des séminaires sur des sujets appropriés.
– favoriser les échanges de données entre les pays par le biais de la collecte et la dissémination d’informations sur les accidents de la route et ses causes ainsi que sur les dispositions juridiques en vigueur dans les pays et sur les meilleures pratiques nationales et internationales concernant la sécurité routière.
– collaborer étroitement avec les autres organes subsidiaires du CTI, notamment le Forum mondial sur l’harmonisation des Règlements concernant les véhicules (WP.29), le groupe de travail sur les transports routiers (SC.1), le Groupe de travail des transports de marchandises dangereuses (WP.15), le Groupe de travail des statistiques des transports (WP.6), sur les questions d’intérêt commun touchant la sécurité routière.
– définir et mettre en œuvre un programme de travail ayant trait aux instruments juridiques correspondants et aux Résolutions d’ensemble de manière coordonnée et logique.
– veiller à la régularité et à la transparence des séances.
La participation au WP1 est ouverte à tous les États du monde. Le WP1 se réunit deux fois par an à Genève. Le secrétariat du groupe est assuré par la division « transports durables » de l’UNECE.
À titre d’illustration, ont participé à la réunion du 5 au 7 octobre 2015 :
– des représentants des États membres suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, États-Unis d’Amérique, Fédération de Russie, Finlande, France, Italie, Lettonie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Suède et Suisse.
– le Japon, et la République de Zambie étaient également représentés en tant qu’États non-membres de la CEE.
– l’Union européenne (UE) et les organisations non gouvernementales ci-après étaient également représentées : Fédération internationale de motocyclisme (FIM), Association internationale des constructeurs de motocycles (IMMA), Organisation internationale des constructeurs d’automobiles (OICA), Union internationale des transports routiers (IRU), Organisation internationale de normalisation (ISO), Alliance internationale de
En règle générale, le WP.1 se réunit en séance privée. À la fin de chaque session, le WP.1 adopte un relevé des décisions prises au cours de la session et adopte, au début de sa session suivante, le rapport élaboré par le secrétariat, en consultation avec le Président, sur la base du relevé de décisions. Chaque représentant a le droit de déclarer sa position et peut demander qu’elle soit reflétée, sous une forme résumée, dans le rapport de la session.
3. Le WP 29
Le WP 29 est le groupe de travail, dénommé désormais « forum mondial » pour l’harmonisation des réglementations sur les véhicules. Il est, au sein de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (UNECE), chargé de créer un ensemble uniforme de réglementations pour la conception des véhicules. Le forum travaille sur les réglementations qui couvrent la sécurité des véhicules, la protection de l’environnement, l’efficacité énergétique et la performance anti-vol, afin de rendre possible l’introduction de technologies innovantes sur le marché tout en continuant à garantir la sécurité du véhicule, de minimiser la pollution environnementale et la consommation énergétique,d’améliorer les dispositifs anti-vol, et d’accroître et de faciliter le commerce transfrontalier de véhicules. Le WP29 se réunit 3 fois par an.
Le WP29 est lui-même composé de 6 groupes de travail : bruit ; signalisations lumineuses ; pollution et énergie ; systèmes de freinage ; sécurité active (prévision des collisions) ; sécurité passive (résistance au choc). Des groupes de travail informels sont aussi constitués pour des durées limitées, pour aborder certains sujets.
Sa fonction la plus importante est d’administrer les trois accords internationaux conclus sous les auspices de l’ONU dans le domaine des véhicules à moteur et d’assurer la cohérence des règlements et des règles élaborés dans le cadre juridique de ces trois accords :
– l’accord de 1958, qui définit le cadre juridique et administratif dans lequel s’inscrit l’élaboration de règlements internationaux de l’ONU prévoyant des prescriptions d’essai uniformes axées sur les performances et des procédures administratives permettant l’octroi d’homologations de type. Cet accord de 1958 compte actuellement 50 parties contractantes et 127 règlements y sont annexés ;
– l’accord de 1998, qui dispose que les parties contractantes ont la possibilité d’établir, à l’issue d’un vote par consensus, des règlements techniques mondiaux (RTM) de l’ONU qu’elles inscrivent dans un registre mondial. Ces RTM incluent des critères d’efficacité et des procédures d’essai harmonisés au niveau mondial. Les Parties contractantes utilisent leur système décisionnel national pour transposer les RTM de l’ONU dans leur législation interne. L’accord de 1998 compte actuellement 33 Parties contractantes et 11 RTM de l’ONU ont été inscrits dans le Registre mondial de l’ONU ;
– l’accord de 1997, qui permet aux parties contractantes de fixer des Règles de l’ONU aux fins du contrôle technique périodique des véhicules en circulation. Les parties contractantes reconnaissent, selon le principe de réciprocité, les certificats de contrôle technique internationaux qui ont été délivrés conformément à ces règles, qui sont jointes en annexe à l’accord. L’accord de 1997 compte 12 parties contractantes et deux règles de l’ONU y sont annexées.
Le WP29 travaille depuis plusieurs années sur la conduite automatisée (systèmes avancés d’assistance au conducteur). En novembre 2012, le Forum a adopté le règlement No. 131, établissant les exigences techniques pour l’adoption de systèmes avancés de freinage d’urgence (AEBS en anglais) installés sur les autocars et les camions.
Tout État membre de l’Organisation des Nations Unies peut participer aux activités du WP29 et est invité à adhérer à un ou plusieurs de ces accords concernant les véhicules. Les organisations régionales d’intégration économique mises en place par les pays peuvent également participer et devenir partie contractante aux accords, si leurs arrangements subsidiaires le permettent. Les organisations gouvernementales et non gouvernementales (ONG) sont également invitées à participer aux travaux du Forum mondial, mais dans leur cas, à titre consultatif.
Les travaux du WP29 sont transparents: les ordres du jour, les documents de travail, les rapports et les documents informels sont librement accessibles sur le site Web du WP.29, à l’adresse suivante: http://www.unece.org/trans/main/welcwp29.html. Ses séances sont publiques. Tout gouvernement et toute autre partie intéressée peuvent observer le déroulement de ses travaux.
En pratique, les règlements techniques sont élaborés par l’un des six groupes de travail du WP29, qui se penche sur l’élaboration, l’harmonisation ou la modification des prescriptions techniques des Règlements, des RTM ou Règles de l’ONU applicables aux véhicules à roues, aux équipements et aux pièces susceptibles d’être montés ou utilisés sur un véhicule à roues. Les travaux portent généralement mais non exclusivement sur les domaines suivants: méthodes d’essai, valeurs limites, normes de conception et/ou de performance des véhicules, marques d’homologation ou de certification, etc. Tout au long du processus d’élaboration ou de modification de Règlements de l’ONU, le groupe de travail présente au WP29 des rapports d’activité et, lorsque ce dernier lui en donne l’instruction, il effectue des révisions et des compléments d’enquête pour résoudre les problèmes nouveaux liés à la tâche qui lui a été confiée. À l’achèvement de ses travaux, le groupe de travail présente au WP29 une recommandation finale concernant le Règlement, le RTM, la Règle de l’ONU ou l’amendement concerné. Le WP29 organise alors l’examen de cette recommandation par tous les participants. Sauf objection de fond ou demande visant à ce que le groupe de travail entreprenne des activités complémentaires, le WP29 communique officiellement la recommandation au Comité de gestion de l’accord correspondant afin que le texte soit établi ou adopté en tant que Règlement, Règlement technique mondial, Règle de l’ONU ou amendement à un instrument existant. Le Comité exécutif de l’Accord concerné (639) (AC.1 pour l’Accord de 1958, AC.3 pour l’Accord mondial de 1998 et AC.4 pour l’Accord de 1997 concernant le contrôle technique périodique) étudie la recommandation en vue de déterminer si elle est conforme aux dispositions et aux prescriptions énoncées dans ledit accord. Dans l’affirmative, ce comité exécutif la met aux voix conformément aux dispositions dudit accord en vue d’établir ou d’adopter le Règlement, la Règle de l’ONU ou l’amendement recommandé.
Une fois établi ou adopté, le Règlement de l’ONU, la Règle de l’ONU ou l’amendement est transmis par le Comité exécutif au secrétariat de la CEE à qui il est demandé de le communiquer au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies en lui demandant de l’établir officiellement sous les auspices de la CEE.
Les Règlements, RTM et Règles de l’ONU élaborés dans le cadre du WP29 étant « optionnels », ils n’ont pas force de loi tant qu’ils ne sont pas adoptés et incorporés par les Parties contractantes à un accord dans leur législation nationale. Toutefois, la portée de ces recommandations est en générale importante. Certaines Parties contractantes, en particulier l’Union européenne, ont décidé d’organiser leur législation interne en faisant directement référence aux Règlements de l’ONU annexés à l’Accord de 1958. D’autres pays, qui ne sont pas Parties contractantes, appliquent les Règlements de l’ONU sur leur territoire à titre volontaire.
ANNEXE N° 21 :
LA DÉCLARATION D’AMSTERDAM DU CONSEIL DES MINISTRES
DES TRANSPORTS DE L’UNION EUROPÉENNE DU 14 AVRIL 2016
La déclaration d’Amsterdam, issue du conseil des ministres des transports du 14 avril 2016, marque une avancée positive dans le sens de l’harmonisation de la réglementation européenne. Dans ce document, les 28 ministres chargés des transports annoncent soutenir les objectifs suivants :
– travailler à un cadre européen cohérent pour le déploiement de véhicules connectés et autonomes cohérents, si possible d’ici 2019 ;
– rassembler les développements en matière de conduite connectée et autonome, pour leur permettre d’atteindre leur plein potentiel pour améliorer la sécurité routière, la santé humaine, la fluidité du trafic et réduire leur impact sur l’environnement ;
– adopter une approche d’ « apprentissage par l’expérience », incluant, si possible, une coopération transfrontalière et élaborer des lignes directrices garantissant l’interopérabilité des systèmes et des services ;
– soutenir l’innovation à venir dans les véhicules connectés et autonomes pour accroître la part de marché de l’industrie européenne en ce domaine ;
– garantir la protection des données personnelles et de la vie privée.
Les 28 ministres se sont par ailleurs engagés à élaborer un agenda commun avec l’ensemble des parties prenantes au niveau européen pour promouvoir des objectifs communs. Cet agenda doit identifier des voies de déploiement pour la conduite automatisée et connectée dans le domaine du transport individuel comme du fret, et inclure les points suivants :
a) règles nationales, européennes et internationales harmonisées : l’objectif est de promouvoir la suppression des barrières et l’élaboration d’une législation cohérente. Le cadre législatif devrait pouvoir offrir suffisamment de flexibilité pour permettre de prendre en compte les innovations à venir, faciliter la mise sur le marché des véhicules autonomes et connectés et garantir une possible utilisation transfrontalière.
b) utilisation des données : les données générées par les véhicules autonomes et connectés doivent pouvoir être utilisés par les services publics et les services privés à haute valeur ajoutée. Une clarification est nécessaire sur la disponibilité pour une utilisation publique et privée et sur la responsabilité des parties impliquées
c) protection de la vie privée et des données : une clarification est nécessaire quant à l’application de la réglementation existante et les conditions d’utilisation ou de réutilisation des données
d) communication de véhicule à véhicule (V2V) et de véhicule à infrastructure (V2I) : afin de maximiser les bénéfices en matière de sécurité routière et de performance environnementale, il est indispensable que les nouveaux services et systèmes soient compatibles et interopérables au niveau européen.
e) sécurité : au regard de la multiplication des cyber-menaces, et des vulnérabilités constatées, il est essentiel de garantir la sécurité et la fiabilité des véhicules connectés et autonomes. Des systèmes communs de certifications et des politiques communes en ce domaine devraient être développés pour prévenir les risques et soutenir la cyber-sécurité, tout en permettant un déploiement sûr et interopérable.
f) acceptation publique : il est important de répondre aux attentes sociales, de sensibiliser et d’augmenter l’acceptation publique des technologies des véhicules autonomes et connectés.
g) définition commune de la conduite connectée et autonome : des définitions communes doivent être élaborées et mises à jour
h) coopération internationale : il est important de développer et de maintenir une étroite coopération avec les autres régions, en particulier les États-Unis et le Japon, pour avancer vers un cadre commun international.
Votre rapporteure propose d’assurer un suivi régulier, tous les six mois, des avancées dans chacun des domaines mentionnés par la déclaration d’Amsterdam, jusqu’à adoption d’un cadre européen harmonisé.
ANNEXE N° 22 :
LES HUIT AXES DU PROGRAMME « USINE DU FUTUR » DE LA PLATEFORME DE LA FILIÈRE « AUTOMOBILE ET MOBILITÉ ».
Huit thèmes sont abordés par le programme (640) :
– la place de l’homme : une usine où les salariés sont participatifs et impliqués, préservés, polyvalents et polycompétents, talentueux ;
– l’usine innovante : une usine innovante pour ses clients et pour elle-même, dans ses produits et services, ses procédés de fabrication, ses partenaires, ses relations sociales ;
– l’usine automatisée : une usine assistée pour ses opérations, ses contrôles, ses hommes, sa logistique ;
– l’usine étendue : une usine étendue hors de ses murs avec ses clients et fournisseurs, avec des transports mutualisés, avec des fonctions et compétences mutualisées, en économie circulaire avec d’autres entreprises ;
– l’usine agile : une usine qui se reconfigure rapidement, flexible, organisée pour réduire ses délais, personnalisée, conçue pour bien produire ;
– l’usine frugale : une usine économe en énergies, qui recycle ses matières, qui gère le cycle de vie de ses produits, qui recycle ses installations ;
– l’usine connectée : une usine où les interconnexions se font pour le pilotage des machines, entre capteurs, avec les big-data, cloud, avec les objets ;
– l’usine intégrée dans la société : une usine proche des employés et intégrée dans son environnement grâce à son architecture, aux flux de personnel, de pièves et de produits finis, aux circuits courts.
Les groupes de travail identifiés pour chaque thème s’engagent à se réunir une fois par semaine, pour une durée minimale de 3 heures, et un programme de travail a été défini selon le calendrier suivant :
ANNEXE N° 23 :
MULTIPLICATEURS DE VALEUR AJOUTÉE PAR SECTEUR
(Hors cokéfaction-raffinage)
Secteurs |
Agriculture |
Produits |
Biens d’équipement |
Automobile |
Construction aéronautique et spatiale |
Autre matériel |
Autres produits industriels |
Énergie, eau, déchets |
Construction |
Commerce, services |
Multiplicateurs |
2,3 |
2,8 |
2,3 |
4,1 |
4,8 |
3,0 |
2,3 |
2,1 |
2,0 |
1,5 |
Source : DGE, enquête en 2012 auprès des entreprises de la filière automobile – Insee Clap 2011 – Calculs DGE
ANNEXE N° 24 :
LES COMPÉTENCES DE L’AGENCE ALLEMANDE DES MATIÈRES PREMIÈRES
Les compétences de l’agence des matières premières sont réparties en cinq modules :
– système d’information sur les matières premières : ce système d’information doit offrir un riche éventail de renseignements scientifiques actualisés. On y trouve des évaluations sur la situation actuelle et future des marchés et groupes de matières premières ainsi que des projections sur l’évolution des marchés reposant sur des indicateurs avancés. Des informations sur les matières premières pays par pays sont également prévues. Pour les produits présentés sous forme numérique, un portail Internet est en préparation, qui assurera un accès sans restriction à toutes les offres d’informations actualisées de l’agence ;
– au service de l’économie allemande : les évaluations personnalisées de la situation du marché des matières premières, l’analyse des risques d’acquisition en fonction des produits et l’accompagnement des mesures visant la sécurité et la diversification des matières premières offrent aux entreprises « clientes » la chance de se positionner individuellement face au marché et de s’engager de façon ciblée dans des projets liés aux matières premières. L’agence a particulièrement pour ambition d’aider les petites et moyennes entreprises (PME) ;
– un appui technique aux programmes du gouvernement : le gouvernement fédéral soutient à l’étranger certains projets concernant les matières premières à l’aide de garanties d’investissement, destinées en particulier à des crédits non affectés. L’agence veut offrir un accompagnement d’expertise aux instruments de promotion actuels et futurs du gouvernement visant la prospection et l’extraction, l’utilisation rationnelle des matières premières et du matériel, etc ;
– travaux exploratoires et projets impliquant l’industrie : davantage d’efforts seront consacrés aux travaux de recherche et de développement (R&D) portant sur la prospection de gisements, l’exploration marine et l’industrie minière et des matières premières. Les sujets d’intérêt prioritaires sont les ressources océaniques en matières premières, les concepts innovants portant sur l’exploitation de gisements et les sources d’énergie non conventionnelles. Ces travaux exploratoires peuvent déboucher sur des activités industrielles ;
– coopération avec les pays producteurs : il s’agit principalement de créer des partenariats en matières premières avec un certain nombre de pays. L’organisation commune de projets phare en lien étroit avec la coopération au développement ouvrira des perspectives intéressantes à la fois pour l’intégration des pays concernés aux marchés internationaux des matières premières et pour la durabilité des activités minières. La rédaction de manuels destinés aux investisseurs et la mise en valeur de potentiels nouveaux doivent aider les entreprises allemandes qui décident de s’engager dans ces pays à prendre des décisions optimales. Ces coopérations intenses et de longue durée facilitent aussi l’accès de l’économie allemande aux matières premières dans les pays qui en sont abondamment pourvus.
1 () La composition de cette mission figure au verso de la présente page.
2 () Le programme de travail de cette commission, initialement annoncé par la ministre, devait concerner 100 véhicules prélevés dans le parc en circulation pour subir des tests d’émissions
3 () Panhard, Delage, Delahaye, Hotchkiss, Bugatti
4 () Sénat, Commission des affaires économiques, Rapport d’information n° 254 de M. Gérard CORNU « Les défis du secteur automobile »
5 () Titre du Monde 19 septembre 2016
6 () INSEE (2012), voir annexe n° 23
7 () Source : Note statistique du CGDD du 25 août 2016
8 () résultant principalement d’activités résidentielles et industrielles avec néanmoins une contribution d’environ 10 % des transports du fait de certaines émissions à l’échappement et évaporations de réservoirs.
9 () Ces lignes directrices ont été énoncées à compter de 1987, révisées en 1997, puis mises à jour en 2005. Elles expriment des valeurs limites destinées à servir de base aux réglementations nationales ou à vocation transnationale dans un but de large harmonisation.
Les lignes directrices de l’OMS concernent :
– les matières particulaires (PM),
– l’ozone (O3),
– le dioxyde d’azote (NO2),
– le dioxyde de soufre (SO2)
10 () For a healthier environment through the abatement of vehicle emissions and noises
11 () AirParif Actualité n° 39 ; décembre 2012
12 () Communiqué de presse d’AirParif du 3 juillet 2013
13 () http://www.qualitaircorse.org/admin/files/162/plaquette_aphekom.pdf
14 () créée par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé
15 () Programme CAFE ou « Clean Air for Europe »
16 () notamment celle du professeur Clive Arden Pope publiée dans le « Journal of the American Medical Association » (2002)
17 () Aide-mémoire N° 103 publié sur son site internet http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs313/fr/
18 () Bulletin épidémiologique hebdomadaire (6 septembre 2016)
19 () Travail collectif mentionné par le Journal de l’Environnement du 28 juillet 2016 : Pascale Chavatte-Palmer (unité mixte de recherche BDR « Biologie du développement et reproduction » Inra-Enva), Rémy Slama (Unité Inserm U823 Inserm/ Université de Grenoble) et Flemming Cassee (Center of Sustainability, Environment and Health, National institute for public health, Utrecht University).
20 () Audition du 1er mars 2016
21 () Pour le niveau d’information ce seuil de concentration des PM10 (en moyenne calculé sur la période entre 0 et 24 heures) est de 50 µg/m3. Il est de 80 µg/m3 s’agissant du niveau d’alerte et de recommandation.
22 () Projet PM-DRIVE sur les émissions particulières directes et indirectes du trafic routier 2011-2015
23 () Recommandation du Comité de la prévention et de la précaution du 1er juin 1997
24 () « Comment un rapport du CNRS sur l’impact du diesel sur la santé a été enterré », Stéphane Foucart, Le Monde 30 mars 2016
25 () http://www.developpement-durable.gouv.fr/Publication-du-bilan-2014-de-la.html
26 () http://www.invs.sante.fr/beh/2015/1-2/2015_1-2_3.html
27 () Ces zones et agglomérations sont les suivantes : Paris ; Lyon ; Grenoble ; Marseille ; Martinique ;Vallée de l’Arve ZUR Rhône-Alpes ; Salon-de-Provence ZUR PACA ; Nice ; Toulon ; Douai ; Béthune ; Valenciennes
28 () L’OCDE a utilisé ses propres outils de modélisation économique et environnementale, en recourant aux bases de donnée de l’Institut international de recherche environnementale (IASA) sur les niveaux d’émissions. Elle a également utilisé le modèle du Centre commun de recherche de la Commission européenne pour les concentrations attendues de particules et d’ozone ainsi que les projections démographiques et de mortalité de l’Institut de métrologie sanitaire et d’évaluation de l’Université de Washington.
29 () Publication du 8 septembre 2016 de l’étude intitulée « The cost of air pollution : Strengthening the economic case for action » conduite en collaboration avec l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME)
30 () « Examen environnemental de la France » 2016
31 () Audition du 9 février 2016
32 () Étude « Damages and expected deaths due to excess emissions from 2009 to 2015 Volkswagen diesel vehicles » publiée dans la revue scientifique Environnemental Science and Technology
33 () Bundesanstalt für Finandienstleitungaufschist
34 () Audition du 27 janvier 2016
35 () Voir pages 166 et suivantes
36 () Audition du 18 novembre 2015
37 () Pour l’Europe à 17 pays : « Après avoir progressé de 1997 à 2007, la part des voitures équipées d’un moteur diesel dans les immatriculations totales oscille autour de 50 %. En 2014, elle est quasi stable à 53 %, en recul de 3 points par rapport au record de 2011 ». Sources : Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA) dans Analyse et statistiques 2015 (page 18) et cabinet d’analyses statistiques INOVEV sur les marchés et parcs diesel.
38 () En France le total des véhicules « affectés » se décompose comme suit : 574 259 véhicules légers sous la marque Volkswagen, 189 322 Audi, 93 388 SEAT, 66 572 Skoda et 24 523 utilitaires VW. Au Royaume-Uni, 1,2 million de véhicules sont concernés (dont environ 400 000 Audi) et en Espagne, Volkswagen a vendu 684 000 véhicules « affectés » (SEAT, filiale espagnole de Volkswagen, ayant produit environ 700 000 véhicules équipés du logiciel truqueur).
39 () Aux États-Unis, le diesel fait l’objet d’une taxation plus élevée que l’essence, ce qui relativise son attrait en termes de rendement énergétique et de gains de consommation, même pour de « gros rouleurs ». Une surtaxation au niveau fédéral par rapport à l’essence, mise en place par l’administration Reagan mais toujours appliquée, voit une partie de son produit affectée à l’entretien des infrastructures autoroutières. En janvier 2014, le prix moyen d’un gallon (3,785 litres) de diesel était de 4,20 dollars contre 3,80 dollars pour un gallon d’essence. En outre, ce carburant n’est disponible à la vente que dans la moitié seulement des stations-service du pays, il est vrai très nombreuses. Il convient cependant de resituer l’« effet-prix » dans le contexte américain de bas coût des carburants : selon le site GlobalPetrolPrices.com, le prix moyen, au 9 mai 2016, d’un litre de diesel était de 0,59 dollar américain au regard d’un prix moyen « mondial » de ce carburant de 0,89 dollar (à la même date, ce prix moyen s’élevait à 1,57 dollar le litre de diesel au Royaume-Uni et à 1,25 dollar en France comme en Allemagne).
En dépit de ce bilan contrasté, une relance du diesel était en cours, depuis le milieu des années 2000, sous l’effet d’une offensive concertée entre les grands constructeurs allemands déjà très présents sur le marché nord-américain. Avec une offre de véhicules diesel de la génération Euro 5, largement promue dans les médias, Volkswagen mais aussi Mercedes et BMW ont mis en valeur la souplesse et le rendement des moteurs, et, plus généralement, l’agrément de conduite. Au point que les constructeurs américains projetaient de proposer de nouvelles versions diesel, notamment pour des pick up et 4x4, suivant en cela certains constructeurs japonais implantés aux États-Unis, plus particulièrement Mazda, à l’exception notable de Nissan qui n’a pas cherché à prendre position sur le marché américain du diesel.
Bien que partant d’un niveau très bas, le marché américain du diesel des véhicules particuliers avait connu une augmentation « record » de 33 % entre 2012 et 2013. Les constructeurs allemands, principaux bénéficiaires de cette augmentation, projetaient pour le diesel « grand public » un objectif de 8 à 10 % de parts de marché, à l’horizon 2020. Les ventes de Volkswagen aux États-Unis avaient toutefois baissé de 10 % en 2014, avant les révélations sur le logiciel truqueur. Sur ce marché très concurrentiel, le groupe n’était pas en passe d’atteindre l’objectif qu’il s’était fixé dès 2011 : 1 million de ventes sous sa marque et celle d’Audi en 2018, à comparer aux quelque 3,55 millions de véhicules qu’il a vendus sur le seul marché chinois en 2015.
40 () Audition du 24 novembre 2015
41 () Le groupe Bosch est également un acteur important de l’électroménager et des machines-outils. Il a réalisé, en 2015, un chiffre d’affaires mondial de 70,6 milliards d’euros. Son résultat d’exploitation s’est établi à 4,6 milliards (+ 24 %) avec une marge opérationnelle de 6,5 %. Bosch a passé une provision de 650 millions d’euros dans ses comptes 2015 dont une partie au titre de risques juridiques potentiellement liés à l’« Affaire Volkswagen ».
42 () Audition du 9 décembre 2015
43 () En ce qui concerne la qualification juridique de l’usage récurrent de « dispositifs d’invalidation », se reporter à la partie « Une tricherie légale ? » page 105
44 () Voir page 147
45 () Données globales incluant également les marques Porsche, Bentley, Lamborghini et Bugatti
46 () “Some cars may be “tweaked” to fulfil the required test cycle in laboratory conditions”
47 () Towards making 2013 a « Year of Air », Colloque au Parlement européen, « Air quality in European Cities », (organised by EEB and German member BUND), Bruxelles, 22 mars 2011. http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-11-203_en.htm
48 () Extrait du magazine Auto Moto de septembre 2005, p. 26-27.
49 () À l’exception notable de M. Jacques Rivoal, président du directoire de Volkswagen France, audition du 9 février 2016 : « Point important : le groupe Volkswagen ne considère pas que le logiciel concerné constitue un dispositif d’invalidation interdit par la règlementation européenne. Nous estimons que cette question devra être examinée par les experts et l’autorité judiciaire, laquelle sera amenée, le moment venu, à dire le droit. »
50 () Audition du 2 février 2016
51 () La Directive 70/220/CEE Directive 70/220/CEE du Conseil, du 20 mars 1970, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux mesures à prendre contre la pollution de l'air par les gaz provenant des moteurs à allumage commandé équipant les véhicules à moteur, définit les modalités pour la mise en œuvre du cycle européen de conduite, le New European Driving Cycle (NEDC) en vigueur depuis 1973. http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:31970L0220
52 () Audition du 28 octobre 2015
53 () Audition du 8 mars 2016
54 () Audition du 6 avril 2016
55 () M. Gregory Pelletier, chef du service rédactionnel de l’édition grand public de l’Argus, audition du 2 février 2016
56 () http://www.transportenvironment.org/publications/dont-breathe-here-tackling-air-pollution-vehicles
57 () Entretien avec M. François Cuenot, membre de l’organisation non gouvernementale Transport & Environment, à Bruxelles, le 10 décembre 2015
58 () Étude de Transport & Environment parue le 14 septembre 2015, « Retenez votre souffle : attention au tueur invisible. Réduire la pollution atmosphérique due aux véhicules »
59 () Audition du 25 novembre 2015
60 () Voir description à l’annexe n° 3
61 () Audition du 28 octobre 2015
62 () Voir description à l’annexe n° 4
63 () Entretien avec Mme Monique Goyens, directrice générale du Bureau européen des associations de consommateurs (BEUC) à Bruxelles le 10 décembre 2015
64 () http://www.international-testing.org
65 () Audition du 2 février 2016
66 () Audition de M. Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et du développement, membre du comité exécutif de PSA-Citroën, le 29 mars 2016
67 () « Analyse sur route à l’aide des PEMS des émissions des véhicules légers » http://ec.europa.eu/clima/policies/transport/vehicles/docs/2011_pems_jrc_62639_en.pdf
68 () M. Janez Potočnik a été Commissaire européen chargé de la science et de la recherche du 23 novembre 2004 au 31 octobre 2009, puis Commissaire européen à l’environnement du 27 novembre 2009 au 1er novembre 2014
69 () Towards making 2013 a « Year of Air », Colloque au Parlement européen, « Air quality in European Cities », (organised by EEB and German member BUND), Bruxelles 22 mars 2011.
70 ()Règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers Euro 5 et Euro 6 et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules
71 () “ Some cars may be “tweaked” to fulfil the required test cycle in laboratory conditions”
72 () Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions. Une stratégie européenne pour des véhicules propres et économes en énergie.COM(2010) 186 final. Bruxelles le 8.04.2010
73 () « anti-tampering provisions ». Towards making 2013 a « Year of Air », Colloque du Parlement européen, « Air quality in European Cities »
74 () « Cars 2020 : plan d’action pour une industrie automobile compétitive et durable en Europe », Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions. COM(2012) 636 final. Bruxelles le 8.11.2012 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52012DC0636
75 () Règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers Euro 5 et Euro 6 et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules.
76 () « La Commission devrait se pencher sur la nécessité de réviser le nouveau cycle de conduite européen, procédure d’essai qui constitue la base des règlements sur la réception au regard des émissions. Une mise à jour ou un remplacement des cycles d’essai seront peut-être nécessaires pour refléter les changements dans la spécification des véhicules et le comportement des conducteurs. Des révisions peuvent être nécessaires pour garantir que les émissions mondiales effectives correspondent à celles qui sont mesurées lors de la réception. L’utilisation de systèmes de mesures portables des émissions et l’introduction du concept réglementaire de « non-dépassement» devraient aussi être envisagées ». Considérant 15 du Règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers Euro 5 et Euro 6 et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules.
77 () Audition du 27 janvier 2016
78 () Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions. Une stratégie européenne pour des véhicules propres et économes en énergie.COM(2010) 186 final. Bruxelles le 8.04.2010
79 () Il s’agit du protocole WLTP.
80 () Il s’agit du protocole RDE.
81 () Source : CEE-ONU
82 () Audition du 28 octobre 2015
83 () Audition du 29 mars 2016
84 () Audition du 3 novembre 2015
85 () Règlement (UE) 2016/427 de la Commission du 10 mars 2016 portant modification du règlement (CE) n° 692/2008 en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 6)
86 () Règlement (UE) 2016/646 de la Commission du 20 avril 2016 portant modification du règlement (CE) n° 692/2008 en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 6)
87 () PEMS en français : système portable de mesure des émissions
88 () Sur ce point voir « l’essence injection directe essence plus polluante que le diesel», page 189
89 () Audition du 28 octobre 2015
90 () http://theicct.org/sites/default/files/ICCT_PEMS-study_diesel-cars_2014_factsheet_EN.pdf
91 () Étude « Réalité de la consommation et des émissions de CO2 des voitures neuves en Europe » réalisée par l’organisation non gouvernementale Conseil international pour des transports propres (ICCT) http://theicct.org/sites/default/files/Fact%20sheet_FromLabToRoad_2015.pdf
92 () Audition du 10 novembre 2015
93 () Audition du 15 décembre 2015.
94 () Audition du 2 février 2016
95 () Étude de transport & Environment, « Retenez votre souffle : attention au tueur invisible. Réduire la pollution atmosphérique due aux véhicules », septembre 2015, page 25
96 () Entretien avec M. François Cuenot, membre de l’organisation non gouvernementale
Transport & Environment, à Bruxelles, le 10 décembre 2015
97 () Audition du 25 novembre 2015
98 () Audition du 27 janvier 2016
99 () Audition du 25 novembre 2015
100 () Article 4.4 de la Directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules
101 () Article 47-2 de la Constitution française
102 () Article 13.2. « Les types d'infractions qui donnent lieu à des sanctions sont notamment: d) l’utilisation de dispositifs d’invalidation »
103 () Audition du 5 avril 2016
104 () Règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers Euro 5 et Euro 6 et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules
105 () « Cette interdiction ne s’applique pas lorsque :
a) le besoin du dispositif se justifie en termes de protection du moteur contre des dégâts ou un accident et pour le fonctionnement en toute sécurité du véhicule;
b) le dispositif ne fonctionne pas au-delà des exigences du démarrage du moteur ou
c) les conditions sont substantiellement incluses dans les procédures d’essai pour vérifier les émissions par évaporation et les émissions moyennes au tuyau arrière d’échappement. »
106 () Article 3(10) du Règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers Euro 5 et Euro 6 et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules
107 () Rapport de la commission d’enquête « Volkswagen », ministère fédéral du transport et de l’infrastructure numérique, p. 124
108 () Entretien à Bruxelles, le 10 décembre 2015
109 () Audition du 30 mars 2016
110 () Directive 98/69/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 relative aux mesures à prendre contre la pollution de l’air par les émissions des véhicules à moteur. Cette directive modifiait la directive 70/220/CEE du Conseil, du 20 mars 1970, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux mesures à prendre contre la pollution de l’air par les gaz provenant des moteurs à allumage commandé équipant les véhicules à moteur. http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:31970L0220
111 () Le point 2.16 de l’annexe I de la directive précise que « les dispositifs de manipulation (defeat device) sont les éléments de construction qui mesurent la température, la vitesse du véhicule, le régime moteur (tours par minute), le rapport de transmission, la dépression à l’admission ou d’autres paramètres en vue d’activer, de moduler, de ralentir ou de désactiver le fonctionnement d’un composant du système de contrôle des émissions qui réduit l’efficacité du système de contrôle des émissions dans des conditions que l’on peut raisonnablement s’attendre à rencontrer dans des circonstances normales de fonctionnement et d’utilisation du véhicule. Un de ces éléments de construction peut ne pas être considéré comme un dispositif de manipulation : I.si la nécessité de ce dispositif est justifiée pour protéger le moteur contre des dommages ou accidents et pour assurer la sécurité du fonctionnement du véhicule ou II. si ce dispositif ne fonctionne pas au-delà des exigences liées au démarrage du moteur ou III. si les conditions sont fondamentalement incluses dans les procédures d’essai du type I ou du type IV. », page 11 de la directive 98/69/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 relative aux mesures à prendre contre la pollution de l’air par les émissions des véhicules à moteur.
112 () Règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers Euro 5 et Euro 6 et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules
113 () Lors du Conseil Environnement de l’Union européenne du 20 juin 2016 l’Allemagne a proposé une réécriture des dispositions de l’article 5.2 en imposant l’usage des meilleures techniques disponibles et en encadrant précisément les conditions de recours à un dispositif d’invalidation
114 () Voir compte rendu de l’audition de M. Alain Vidalies, Secrétaire d’État aux transports, tome II de ce rapport
115 () Directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules
116 () Audition du 27 janvier 2016
117 () Entretien avec Mme Monique Goyens, directrice générale du Bureau européen des associations de consommateurs (BEUC) à Bruxelles le 10 décembre 2015
118 () Entretien à Bruxelles le 28 avril 2016
119 () L’article 29 de la Directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules dispose qu’un État membre peut pendant six mois maximum refuser l’immatriculation d’un véhicule si celui-ci lui paraît « compromettre gravement la sécurité routière » ou « nuire fortement à l’environnement ou à la santé publique »
120 () Règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers Euro 5 et Euro 6 et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules
121 () Par « nouveaux modèles » on entend un modèle qui n’est pas actuellement sur le marché des véhicules, par « nouveaux véhicules », on entend qu’à partir de 2019 tous les véhicules seront concernés par la nouvelle règle
122 () Communiqué de presse de la Commission européenne du 28 octobre 2015. IP/15/5945 http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-5945_fr.htm
123 () Communiqué de presse de la Commission européenne du 28 octobre 2015. IP/15/5945 http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-5945_fr.htm
124 () « Selon les données de la Commission, les véhicules diesel Euro 6 produits actuellement se situent en moyenne 4 à 5 fois au-dessus de la limite d’émissions des NOx (400 %) lorsqu’on effectue les mesures dans des conditions de conduite réelles plutôt qu’en laboratoire » ibidem
125 () Audition du 29 mars 2016
126 () Audition du 6 avril 2016
127 () Audition du 27 janvier 2016
128 () Entretien avec M. Dirk Bosteels, directeur général de l’AECC, à Bruxelles, le 10 décembre 2015
129 () Règlement (UE) n ° 333/2014 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2014 modifiant le règlement (CE) n ° 443/2009 en vue de définir les modalités permettant d’atteindre l’objectif de 2020 en matière de réduction des émissions de CO2 des voitures particulières neuves
130 () Considérant 11 du Règlement (UE) n° 333/2014 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2014 modifiant le règlement (CE) n° 443/2009 en vue de définir les modalités permettant d’atteindre l’objectif de 2020 en matière de réduction des émissions de CO2 des voitures particulières neuves
131 () Article 40, paragraphe 1 : « la Commission est assistée par un comité dénommé « comité technique pour les véhicules à moteur »
132 () ur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX : 32007L0046&from=FR
133 () Voir lettre de réponse du 7 janvier 2016 de Mme Bienkowska, commissaire européenne en charge du marché intérieur et de l’industrie – Annexe n° 8
134 () Audition de Mme Beatrice Lopez de Rodas, directrice de la marque UTAC, le 25 novembre 2015
135 () Décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission et modifiée par la décision 2006/512/CE du Conseil du
17 juillet 2006
136 () Les deux co-législateurs ont trois mois pour statuer dès saisine par la Commission européenne. Le Parlement européen doit statuer à la majorité absolue, le Conseil de l’Union européen à la majorité qualifié en cas de refus d’adoption de l’acte
137 () Considérants 5 et 6 de la Décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission et modifiée par la décision 2006/512/CE du Conseil du 17 juillet 2006
138 () Considérant 5 du règlement
139 () Considérant 6 du règlement
140 () http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+MOTION+B8-2016-0040+0+DOC+XML+V0//FR
141 () Lettre du 7 janvier 2016, annexe n° 8
142 ()http://ec.europa.eu/transparency/regcomitology/index.cfm?do=search.documentdetail&vWF0PD7HBsGwMbCr4x4BAC+KIpTNsjiMmQ8getl8ecIXV3U4/r7rgJvJWdYwELHg
143 () Le résultat des votes – qui n’est pas nominal et ne permet pas d’identifier quels sont les États membres qui ont voté en faveur ou non de la proposition de la Commission - est disponible sur le site de la Commission européenne à l’adresse ci-dessous. Y figurent également l’ordre du jour de la réunion, un compte rendu sommaire de la réunion ainsi que le projet de règlement soumis au vote. http://ec.europa.eu/transparency/regcomitology/index.cfm?do=search.dossierdetail&hdi47H/nymYsbNlXdPttFYryIrLuSpzaqj27FLvPJFM3bRM1Lk0tVAXicXaBOyw5
144 () « Tout citoyen ou toute citoyenne de l’Union ou toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a un droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil ou de la Commission »
145 () « Les institutions entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile »
146 () « Afin de promouvoir une bonne gouvernance, et d'assurer la participation de la société civile, les institutions, organes et organismes de l'Union œuvrent dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture. »
147 () Règlement 182/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission.
148 () Article 10 c) du règlement (UE) n° 182/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l'exercice des compétences d'exécution par la Commission.
149 () Voir Annexe n° 8
150 () CJUE, 29 juin 2010, Commission c. The Bavarian Lager Co. Ltd, Aff.28/08 P, Rec. 2010 1-06055. Interprétation de l’art. 4, par. 1, lettre b, du règlement (CE) no. 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43)
151 () CJUE, 1er juillet 2008, Royaume de Suède et Turco c. Conseil, C-39/05 P et 52/05 P, point 59
152 () Note du SGAE transmise le 27 avril 2016 à la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’offre automobile française. Annexe n° 10
153 () Note des autorités françaises du 16 octobre 2015. Annexe n° 9
154 () Le SGAE précise dans sa note que la délégation française défendait, pour la seconde étape, un facteur de conformité « entre 1.4 et 1.6 au plus »
155 () Note du SGAE transmise à mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’offre automobile française. Annexe n° 10
156 () Communiqué de Madame Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, 29 octobre 2015
157 () Audition du 27 janvier 2016
158 () Ibidem
159 () Rapport d’information de l’Assemblée nationale n° 3408 déposé par la Commission des affaires européennes sur l’influence française au sein de l’Union européenne, présenté MM. Christophe Caresche et Pierre Lequiller, 2 février 2016
160 () Règlement (UE) 2016/427 de la Commission du 10 mars 2016 portant modification du règlement (CE) n° 692/2008 en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 6). Il s’agit du premier paquet RDE (Real Driving emissions)
161 () Il a été adopté le 28 mars 2015 et a été publié au JOUE le 10 mars 2016
162 () Audition du 22 mars 2016
163 () Audition du 8 mars 2016
164 () Règlement (CE) n ° 443/2009 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 établissant des normes de performance en matière d’émissions pour les voitures particulières neuves dans le cadre de l’approche intégrée de la Communauté visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules légers
165 () Règlement (UE) n ° 333/2014 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2014 modifiant le règlement (CE) n° 443/2009 en vue de définir les modalités permettant d’atteindre l’objectif de 2020 en matière de réduction des émissions de CO2 des voitures particulières neuves
166 () Audition de M. Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et du développement, membre du comité exécutif de PSA-Citroën, le 29 mars 2016
167 () Propos tenus devant votre Rapporteure par un représentant d’intérêts à Bruxelles
168 () Entretien à Bruxelles le 28 avril 2016
169 () Audition du 8 mars 2015
170 () Idem.
171 () Règlement 443/2009
172 () Règlement (CE) n° 692/2008 de la Commission du 18 juillet 2008 portant application et modification du règlement (CE) no 715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules
173 () Règlement (UE) n° 459/2012 de la Commission du 29 mai 2012 modifiant le règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil ainsi que le règlement (CE) n ° 692/2008 de la Commission en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 6) Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE
174 () Seuil d’émissions de polluant à partir duquel le voyant d'alerte est allumé au tableau de bord
175 () Règlement (UE) 2016/646 de la Commission du 20 avril 2016 portant modification du règlement (CE) n° 692/2008 en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 6) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE
176 () Entretien à Bruxelles, le 28 avril 2016
177 () Audition du 6 avril 2016
178 () Audition du 29 mars 2016
179 () Audition du 3 novembre 2015
180 () Audition du 29 mars 2016
181 () Audition du 18 novembre 2015
182 () Audition du 29 mars 2016
183 () Audition du comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), le 8 mars 2015
184 () Audition de M. Carlos Tavarès, président du directoire du groupe PSA, le 4 mai 2016.
185 () Audition de M. Gaspar Gascon Abellan, membre du comité exécutif et directeur de l’ingénierie du groupe Renault, le 6 avril 2016.
186 () Déplacement au Centre Technique de Renault à Lardy le 26 novembre 2015.
187 () Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules. COM (2016) 31 final.
https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2016/FR/1-2016-31-FR-F1-1.PDF
188 () Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules. COM (2016) 31 final.
189 () Audition du 25 novembre 2015
190 () L’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA, en anglais EASA) créée par le Règlement (CE) n° 1592/2002 du Parlement européen et du Conseil, dispose notamment des compétences suivantes : mise en œuvre et contrôle de l’application des règles de sécurité, y compris en effectuant des inspections dans les États membres ; certification des aéronefs et équipements ; délivrance des agréments aux organisations assurant la conception, la fabrication et l’entretien de produits aéronautiques ; analyses et recherches en matière de sécurité.
191 () Rapport de la commission d’enquête « Volkswagen », ministère fédéral du transport et de l’infrastructure numérique, p. 124
192 () Lettres des 8 et 23 février 2016 de M. Laurent Benoit, président directeur général d’UTAC UdS en réponse aux courriers adressés par la Rapporteure.
193 () Compte rendu de l’audition annexée au rapport du directeur général du CERTAM, M. Frédéric Dionnet
194 () Paragraphe 1 : « L’État membre qui accorde une réception CE par type prend les mesures nécessaires conformément à l’annexe X en vue de vérifier, le cas échéant en coopération avec les autorités compétentes en matière de réception des autres États membres, si les mesures adéquates ont été prises pour garantir que les véhicules, systèmes, composants ou, selon le cas, entités techniques produits sont conformes au type réceptionné. »
195 () « Le constructeur délivre, en sa qualité de détenteur d’une réception CE par type d’un véhicule, un certificat de conformité pour accompagner chaque véhicule complet, incomplet ou complété qui est fabriqué conformément au type de véhicule réceptionné. Dans le cas d’un véhicule incomplet ou complété, le constructeur indique, à la page 2 du certificat de conformité, uniquement les éléments qui ont été ajoutés ou modifiés au stade considéré de la réception, et, le cas échéant, annexe au certificat tous les certificats de conformité qui ont été délivrés au stade antérieur. »
196 () Audition du 28 octobre 2015
197 () Phénomène par lequel le NOx Trap est, régulièrement, porté à haute température pour brûler les suies et éviter l’accumulation de soufre dans le dispositif de dépollution
198 () Émissions de NOx de plus de 200mg/km avec le protocole D1 (test sur banc) ; émissions de NOx de plus de 600 mg/km avec le protocole D3 (test sur piste). Pour mémoire, la limite d’émissions de NOx pour les véhicules homologués Euro6 est fixée à 80mg/km.
199 () Audition du 6 avril 2016
200 () Associations de consommateurs et de préservation de l’environnement : le président de l’UFC Que Choisir ou son représentant ; le président de « 40 millions d’automobilistes » ou son représentant ; le président de France Nature Environnement ou son représentant ; le Réseau action climat ;
Parlementaires : M. Christophe Bouillon, député ; M. Denis Baupin, député ; M. Louis Nègre, sénateur ; Mme Fabienne Keller, sénatrice ;
Experts : le président de l’ADEME ou son représentant ; la directrice générale de l’Institut français des sciences et techniques de transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR) ou son représentant ; le président directeur général de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) ou son représentant ; le directeur général de l’institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) ou son représentant ; le président d’IFP Énergies nouvelles ou son représentant ;
Les représentants des services du ministère de l’écologie et de l’économie et l’agence nationale de sécurité des systèmes d’informations (ANSSI).
201 () Dossier de presse présentant la composition, l’action et les résultats de la commission chargée du contrôle a posteriori :http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/DP_Resultats_Commission_UTAC_le_27-04-2016_2_.pdf
202 () Page 9 du rapport final
203 () Les protocoles d’essais dits D1 et D2 adoptés par la commission correspondent à des essais sur banc en laboratoire.
204 () Communiqué de presse du ministère de l’Energie, de l’environnement et de la Mer du 14 janvier 2016 (http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2016-01-14_Controles_vehicules_polluants.pdf) : « les tests confirment l’existence de logiciels de fraude sur les deux véhicules Volkswagen testés »
205 () Dossier de presse présentant les résultats des contrôles des émissions de polluants atmosphériques et de CO2 menés sur les 52 premiers véhicules (http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/DP_Resultats_Commission_UTAC_le_27-04-2016_2_.pdf), page 9 : « deux modèles du groupe Volkswagen dépassent largement l’écart jugé acceptable. Ces véhicules ont détecté la modification du cycle et déconnecté leur système de dépollution sur le second essai ».
206 () Communiqué du 28 avril 2016
207 () Page 33
208 () Communiqué du ministère de l’environnement du 29 juillet 2016
209 () Rapport du KBA p. 119 : « Les essais ont pu mettre en évidence l’effet du dispositif d’invalidation interdit sur les véhicules correspondant à la norme Euro 5 (avec des moteurs EA 189) du groupe Volkswagen. Le dispositif d’invalidation interdit reconnaît l’essai sur banc d‘essai prévu par la loi et déclenche un mode de réduction des émissions qui diminue fortement les émissions de NOx. Sur la route dans des conditions comparables, il y a basculement dans un autre mode et les émissions de NOx augmentent. »
210 () Copie de la lettre envoyée à la commission par les avocats de Volkswagen, annexe n° 2
211 () Entretien du 12 septembre 2016
212 () Annexe n° 2
213 () Cette question est traitée de façon plus approfondie infra, dans la partie relative à l’homologation des véhicules autonomes, et notamment des logiciels.
214 () Page 25
215 () Audition du 2 février 2016
216 () Entretien du 12 septembre 2016
217 () Pour plus de précisions sur les résultats des commissions allemandes et britannique, se référer à l’annexe n° 1
218 () Auditionné par votre Rapporteure à Bruxelles, le 28 avril 2016
219 () https://www.transportenvironment.org/publications/dieselgate-who-what-how
220 () La Californie a la particularité d’avoir une agence propre, autorisée à définir ses propres règlementations concernant les émissions, le California Air Resource Board (CARB). Ceci tient au fait que le CARB est antérieur à l’EPA (1967 contre 1970) et généralement plus contraignante
221 () Audition du 5 avril 2016
222 () Une catégorie d’établissements publics regroupe tous les établissements publics exerçant la même spécialité, sous une même tutelle. Aucun établissement public n’exerce, à l’heure actuelle, la spécialité du contrôle a posteriori des émissions polluantes des véhicules : une catégorie dédiée, éventuellement ne comprenant qu’un seul établissement public, devrait donc être créée
223 () Rapport fait au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile, n° 951 du 3 juin 1998
224 () Le ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, en charge des transports, est l'autorité désignée par la France en ce qui concerne l'application de la directive 2007/46
225 () Page 33
226 () Page 124
227 () La Commission d'Orientation de la Recherche et de l'Expertise (CORE) de l’INERIS, créée en 2011, est composée de personnalités qualifiées de l’enseignement supérieur ou de la recherche, d’industriels, d’associations, de syndicats et d’élus. Elle a pour mission d’identifier et de proposer des questions à traiter en priorité dans les différents domaines de la recherche et de l’appui technique ; elle peut donner un avis sur les finalités des programmes de recherche et d’appui envisagés par l’Institut, notamment lors de l’élaboration de son contrat d’objectifs avec l’État ; elle est consultée sur les modalités de diffusion des travaux scientifiques permettant de rendre ceux-ci accessibles au public et peut être consultée sur le contenu de certains rapports d’étude.
228 () Donnée UTAC
229 () Donnée UTAC
230 () Article R321-14-1
231 () Un formulaire standard est fourni en annexe de l’arrêté du 4 mai 2009 relatif à la réception des véhicules par type
232 () Aux termes du rapport du KBA d’avril 2016, les autres constructeurs, pour lesquels l’utilisation d’un logiciel de fraude n’a pas été prouvée, mais qui ne laissent leur dispositif de dépollution fonctionner que sur des fenêtres réduites, ne sont invités qu’à des rappels volontaires, destinés à améliorer le fonctionnement de leurs systèmes de dépollution en élargissant les plages d’utilisation. Cela concerne, à l’échelle européenne, près de 630 000 véhicules des marques Audi, Mercedes, Opel, Porsche et Volkswagen. Les constructeurs allemands concernés, ainsi que Renault, ont déjà annoncé, à la suite de cette incitation, qu’ils procèderaient aux rappels suggérés
233 () De façon générale, toutes les mesures de rappel exigées par la KBA sur les véhicules qu’elle a homologués ont un caractère obligatoire pour les propriétaires de véhicules concernés en application du règlement fédéral sur l'immatriculation des véhicules pour la circulation routière (Fahrzeugszulassungsverordnung). Les autorités des Länder ont ensuite le pouvoir d’interdire la circulation des véhicules ayant refusé de se soumettre aux rappels. Cette interdiction de circuler n’est pas d’application immédiate et devrait intervenir dans un délai d’environ un an après le lancement de chaque procédure de rappel. En attendant la mise à jour technique, les véhicules Volkswagen concernés ne présentent pas de risque de sécurité et sont en droit de continuer à circuler. À l’expiration du délai fixé par les autorités nationales, les autorités locales compétentes exerceront leur pouvoir en enlevant la plaquette (spécifique à chaque Land) de la plaque d’immatriculation, ôtant ainsi au véhicule le droit à circuler sur les routes. Pour autant, le propriétaire sera libre de conserver son véhicule (droit de propriété)
234 () M. Rivoal, président du directoire de Volkswagen Group France, indiquait lors de son audition par la mission d’information le 9 février 2016 que le groupe « considér[ait] qu’il n’y a[vait] pas de préjudice pour [leurs] clients en Europe, qui vont faire l’objet de rappel »
235 () Comme l’indiquait l’UFC Que Choisir lors de son audition par la mission le 28 octobre 2015, « le consommateur européen n’a pas été exposé à la même information que le consommateur américain, puisque la norme NOx ne figure pas sur les fiches techniques des véhicules commercialisés en Europe »
236 () Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation
237 () Audition du 28 octobre 2015
238 () Réponse à une question de votre Rapporteure
239 () La directive n° 2007/46/CE et certains de ses règlements d’application rendent les États membres responsables de la définition des sanctions à appliquer aux entreprises contrevenant à ses dispositions. L’article 46 de la directive n° 2007/46/CE indique ainsi, sous le titre « sanctions », que « les États membres déterminent les sanctions applicables en cas de non-respect des dispositions de la présente directive, en particulier des interdictions figurant à l’article 31 ou résultant de cet article, et des actes réglementaires énumérés à l’annexe IV, partie I, et prennent toutes les mesures nécessaires à leur mise en œuvre. Les sanctions fixées doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Les États membres notifient ces dispositions à la Commission, au plus tard le 29 avril 2009, et ils notifient dans les meilleurs délais toute modification ultérieure de ces dispositions ».
240 () Règlements 661/2009 ; 595/2009 ; 79/2009 ; 78/2009 ; 715/2007
241 () Par courrier du 12 février 2013, le chef d’unité de l’industrie automobile, au sein de la Direction générale marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME (DG-GROW), à Bruxelles, demandait à la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) de transmettre à la Commission européenne les mesures nationales prises pour l’application des sanctions prévues par la directive cadre 2007/46/CE et certains de ses règlements d’application (661/2009 ; 595/2009 ; 79/2009 ; 78/2009 ; 715/2007)
242 () Le fait de dissimuler des éléments qui, s’ils étaient connus, devraient conduire à un rappel de sécurité, ou de de falsifier des documents, notamment des résultats d’essais, pouvaient, et peuvent toujours, être qualifiés de tromperie sur les risques inhérents à l’utilisation du produit, en vertu de cet article
243 () Audition du 21 septembre 2016
244 () Le diesel représente 62,2 % du parc de voitures particulières au 1er janvier 2016, contre en moyenne 41,2 % en Europe (17 pays, 2015) (données CCFA). Selon le rapport de la Cour des Comptes « les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air » de décembre 2015 « La France fait toutefois partie des quatre pays présentant le plus fort taux de diésélisation de leur parc : 63 %, contre 61 % en Italie, 55 % aux Pays-Bas, 49 % en Allemagne, 28 % au Japon et 20 % environ aux États-Unis. » (source : OCDE, données 2014)
245 () Référé n° 65241 de la Cour des comptes sur « les dépenses fiscales rattachées à la mission écologie, aménagement et développement durables et relatives à l’énergie », 17 décembre 2012
246 () Discours du Premier ministre en conclusion de la Conférence environnementale, 28 novembre 2014
247 () TIP (Taxe Intérieure Pétrolière) puis TIPP (Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers) remplacée en 2011 par la TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques)
248 () La gabelle a été supprimée définitivement par la loi de finances de 1945
249 () Audition, de M. Christian de Perthuis, professeur à l’Université de Paris Dauphine, titulaire de la Chaire d’économie du climat, 16 janvier 2016
250 () Audition du 4 novembre 2015
251 () Ou « common rail » dont la généralisation débute en avril 1988, au salon de Turin, avec la première voiture équipée d'un moteur diesel à injection directe, la Fiat Croma TDi
252 () Audition du 4 novembre 2015
253 () « Comment un rapport du CNRS sur l’impact du diesel sur la santé a été enterré », Stéphane Foucart, Le Monde 30 mars 2016
254 () Référé n°65241 de la Cour des comptes sur « les dépenses fiscales rattachées à la mission écologie, aménagement et développement durables et relatives à l’énergie », 17 décembre 2012
255 () Avis n° 3 du Comité pour la fiscalité écologique « L’écart de taxation entre le gazole et l’essence », 18 avril 2013.
256 () « Les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air », Cour des comptes, décembre 2015
257 () Cette affirmation est inexacte en ce qui concerne les moteurs essence à injection directe, voir l’encadré page 193
258 () Avis n° 3 du Comité pour la fiscalité écologique « L’écart de taxation entre le gazole et l’essence », 18 avril 2013
259 () Données de la Commission européenne, Emission inventory guibook, mai 2012
260 () Les filtres à particules « fermés » sont eux-mêmes de deux sortes. Réduisant les émissions de particules, ils sont les plus performants et équipent désormais tous les véhicules diesel particuliers neufs. Ces filtres à particules peuvent être « additivés » ou « catalysés ».
– Les filtres à particules « catalysés » visent à piéger les particules. Leurs parois sont recouvertes d’une couche active contenant des métaux précieux, pour favoriser la combustion et l’oxydation des suies. Cette technologie conduit à des émissions de NO2, que la mise en place de systèmes de DeNox, depuis l’entrée en vigueur de la norme Euro 6 en 2015, permet d’atténuer.
– Les filtres à particules additivés ont été mis au point par PSA et sont désormais utilisés par un certain nombre de constructeurs. Un additif est ajouté au carburant gazole, qui permet d’abaisser la température de combustion des suies et de maitriser la régénération. Ces filtres à particules n’entrainent pas de sur-émission de NO2.
261 () Définition issue du rapport de l’ADEME : « Point sur les émissions polluantes des véhicules diesel et les filtres à particules » - septembre 2012
262 () Audition du 28 octobre 2015
263 () Sous l’appellation AdBlue® chez Total par exemple
264 () Réponse de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics et M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget, 23 décembre 2015
265 () 6,9 milliards en 2011 selon le Référé de la Cour des Comptes de décembre 2012, se basant sur les estimations de la direction générale des douanes et des droits directs
266 () « La perte de recettes en TICPE induit par le tarif avantageux du gazole a été estimée par année de consommation en appliquant au gazole le tarif de TICPE de l’essence. Cette perte de recettes prend également en compte le coût supplémentaire qui serait observé pour l’État au titre des remboursements partiels de TICPE dont bénéficient les chauffeurs de taxi, les transporteurs de marchandises et les exploitants de transport public routier en commun de voyageurs en vertu des dispositions prévues respectivement aux articles 265 sexies, 265 septies et 265 octies du code des douanes. » Réponse des ministres Ibidem
267 () Cour des comptes, décembre 2015, les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air
268 () Projet de loi de finances pour 2017
269 ( Réponse du secrétaire d’État chargé du budget
270 () M. Bruno Lechevin, Président de l’ADEME, audition du 28 octobre 2015
271 () M. Cédric Musso, directeur de l’action politique de l’UFC-Que Choisir, audition du 28 octobre 2015
272 () Audition du 8 mars 2016
273 () M. Olivier Rabiller, vice-président, directeur général, en charge de l’innovation, des fusions-acquisitions, de l’après-vente et des régions en forte croissance de la société Honeywell Transportation System, audition du 9 décembre 2015
274 () M. Guy Maugis, président de Bosch France, audition du 9 décembre 2015
275 () M. Raymond Lang, membre du directoire « transports et mobilités durables » de France Nature Environnement, audition du 30 mars 2016
276 () Audition du 30 mars 2016
277 () Proposition n° 7
278 () Audition du 4 novembre 2015
279 () Audition du 9 décembre 2015
280 () Audition du 28 octobre 2015
281 () Entretien à Bruxelles du 10 décembre 2015
282 () Audition du 3 février 2016
283 () « Voitures diesel, un achat souvent injustifié », Que Choisir, 20 septembre 2012
284 () Audition du 28 octobre 2015
285 () Avis n°3 du Comité pour la fiscalité écologique, ibidem
286 () Total cost of ownership : coût total de possession
287 () Assemblée nationale, Rapport n°3110 sur le projet de loi de finances pour 2016 par Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale
288 () Amendement I-818 du Gouvernement au projet de loi de finances pour 2016
289 () Article11 du projet de loi de finances rectificative pour 2015
290 () Audition du 10 février 2016
291 () Audition du 31 mars 2016
292 () « Les prix de l’essence et du diesel sont construits à partir des cotations internationales en tonnes, beaucoup plus voisines entre elles que le prix au litre en raison d’un effet de densité. (…) Il y a aujourd’hui au niveau mondial une tension sur le marché des essences en raison du regain de croissance de la demande des ménages américains et européens consécutif à la baisse des prix. Parallèlement, la demande de diesel a baissé en Chine en 2015 tandis que les ventes d’essence y ont flambé de 5 à 10 %. Il y a un tel excès de diesel sur le marché que les cotations de diesel sont plus basses aujourd’hui et celles de l’essence, plus tendues. La demande d’essence est plus élastique que celle du diesel qui, permettant le transport de marchandises, est très lié à la croissance économique et donc peu sensible au prix. Le ralentissement de la croissance chinoise et l’accroissement de la demande américaine ont fait baisser le coût du diesel et tendu le marché des essences. (…) Ces deux marchés évoluent donc différemment : la Chine s’apprêtant à devenir un gros exportateur de diesel, le marché du diesel reste assez déprimé. »
293 () Prix relevés début octobre 2016
294 () Les petits véhicules diesel type C1 Citroën (depuis 2012) ou Renault Twingo (depuis 2014) ne sont plus aujourd’hui au catalogue des constructeurs
295 () Données du CCFA
296 () En 2020 le différentiel de TICPE 1,81 centimes serait inférieur à l’augmentation de la TVA induite par l’augmentation de la TICPE de 2,8 centimes, en effet la TICPE est assujettie à la TVA.
297 () Voir Deuxième partie, II « Objectif véhicule zéro émission »
298 () Audition du 26 janvier 2016
299 () Données de l’Observatoire du Véhicule d’Entreprise
300 () Séance du 15 décembre 2015
301 () Entretien du 19 septembre 2016
302 () Observatoire du véhicule d’entreprise, TCO scope 2016, mai 2016, page 13
303 () Observatoire du véhicule d’entreprise, avril 2016, page 40
304 () Rapport de la Cour des comptes « les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air »
305 () En 2014, une fraction du produit de la TVS a toutefois été affectée au budget de l’État à hauteur de 150 M€, conformément au IV de l’article 30 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014
306 () Votre Rapporteure développe cet aspect dans le II de la troisième partie consacrée au renouvellement du parc
307 ()Le malus est basé sur :
– le nombre de grammes de dioxyde de carbone (CO2) émis par kilomètre, pour les voitures particulières qui ont fait l'objet d'une réception communautaire ;
– la puissance administrative pour les autres voitures particulières.
En complément du malus écologique de 2 600 euros à l'achat, les propriétaires de voitures doivent désormais payer annuellement un malus pour un véhicule :
– dont le taux d'émission de CO2 est supérieur à 250 g/km en 2009, 245 g/km en 2010, 191 g/km à partir de 2012 (ou dont la puissance administrative excède 16 chevaux fiscaux pour les véhicules n'ayant pas fait l'objet d'une réception communautaire) ;
– immatriculés pour la première fois en France à partir du 1er janvier 2009 ;
– à partir de l'année qui suit la délivrance du certificat d'immatriculation du véhicule ;
– par toutes les personnes propriétaires ou locataires (LOA ou contrat souscrit d'au moins deux ans) d'un véhicule concerné au 1er janvier de l'année d'imposition.
308 () Votre Rapporteure traite de cette instabilité chronique en lien avec les objectifs de déploiement du véhicule zéro émission dans le II de la quatrième partie de ce rapport
309 () Selon un document de travail de septembre 2011 de la direction des études et synthèses économiques de l’INSEE « The Environmental Effect of Green Taxation : the Case of the French “Bonus/Malus” », de Xavier D'Haultfœuille, Pauline Givord et Xavier Boutin « si le report vers les véhicules bénéficiant d'un bonus a été spectaculaire, l'impact environnemental de la politique a été négatif. Cette réforme a nettement augmenté les ventes, se traduisant par une augmentation importante des émissions liées à la production et à la circulation de ces nouvelles voitures. Nous soulignons ainsi qu'un tel dispositif peut être efficace puisque les consommateurs réagissent fortement aux incitations financières correspondantes, mais qu'il est nécessaire de les calibrer avec attention. » Le bonus/malus aurait ainsi augmenté les émissions totales de CO2 de près de 170 kilotonnes par trimestre, soit une hausse de 1,2 %
310 () Commissariat général du développement durable, « Le point sur » n°53, mai 2010
311 () Cour des comptes : décembre 2015, les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air
312 () CGDD, Évaluation économique du dispositif d’écopastille sur la période 2008-2012, Études et documents n° 84, avril 2013
313 () Publiée dans INSEE Première n° 1530 et « Le point sur » n° 197 du CGDD, janvier 2015
314 () Service de l’observation et des statistiques rattaché au Commissariat général du développement durable
315 () « L’impact pour les ménages d’une composante carbone dans les prix des énergies fossiles », « Le point sur » n° 225 – Commissariat général au développement durable, mars 2016
316 () Audition du 21 septembre 2016
317 () Publié le 15 février 2016 au Bulletin officiel des Finances publiques – Impôts
318 () Article L.124-1 du code de l’énergie : « Le chèque énergie est un titre spécial de paiement permettant aux ménages dont le revenu fiscal de référence est, compte tenu de la composition du ménage, inférieur à un plafond d'acquitter tout ou partie du montant des dépenses d'énergie relatives à leur logement ou des dépenses qu'ils assument pour l'amélioration de la qualité environnementale ou la capacité de maîtrise de la consommation d'énergie de ce logement comprises parmi celles mentionnées à l'article 200 quater du code général des impôts »
319 () Europe 1, 3 mars 2013
320 () Audition du 4 mai 2016
321 () Source : Avis n° 3 du comité pour la fiscalité écologique - 18 avril 2013 - l’écart de taxation entre le gazole et l’essence
322 () Audition du 18 novembre 2015
323 () ibidem
324 () Volkswagen a inauguré en 2015 sa première usine de moteurs diesel en Inde, à Chakan, pour une capacité de 98.000 blocs par an.
325 () 637 millions d’euros.
326 () Direction général du Trésor, juillet 2016
327 () Audition du 8 décembre 2015
328 () Audition du 30 mars 2016
329 () Un premier plan de sauvegarde de l'emploi prévoit une centaine de départs dès la fin 2015. Les autres suppressions de postes interviendront au fil de l'année 2016
330 () Le groupe allemand a réalisé l’an dernier 2,21 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France, où il emploie globalement, depuis ses dernières acquisitions, quelque 7 700 salariés (contre 6 000 en 2014) répartis sur 24 sites
331 () Audition du 10 février 2016
332 () Source INSEE : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF05160
333 () Observatoire Cetelem de l’automobile : observatoirecetelem.com/lobservatoire-cetelem-de-lautomobile/marche-automobile-mondial-de-belles-perspectives-de-croissance/le-profil-des-acheteurs-automobiles/
334 () Observatoire du véhicule d’entreprise (audition de M. Fourniou, président, le 16 janvier 2016)
335 () Source Argus
336 () Communiqué de presse du CCFA : http://www.ccfa.fr/IMG/pdf/cpparcfrance_2016ok.pdf
337 () Source INSEE : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF05160
338 () Source CCFA : http://www.ccfa.fr/IMG/pdf/dossier_de_presse___8_mois_2016-avec_carte_eu_co2_.pdf
339 () ADEME
340 () Entretien du 22 septembre 2016
341 () Audition du 8 mars 2016
342 () Audition du 4 novembre 2015
343 () Audition du 16 février 2016
344 () Audition du 4 mai 2016
345 () Décret n° 2015-1928 du 31 décembre 2015 portant modification de diverses dispositions relatives aux aides à l'achat ou à la location de véhicules automobiles peu polluants de la partie réglementaire du code de l'énergie
346 () Audition du 27 janvier 2016
347 () Le contrôle technique est obligatoire depuis 1992 en France, et régi par l’arrêté du 18 juin 1991 relatif au contrôle technique des véhicules dont le poids n’excède pas 3,5 tonnes, modifié par l’arrêté du 15 janvier 2013. Il doit être effectué, pour l’ensemble des véhicules de moins de 3,5 tonnes, avant la quatrième année du véhicule, puis tous les deux ans, dans un centre de contrôle technique agréé par l’État. 124 points y sont contrôlés, dont 72 donnant lieu à contre-visite. En cas de défaut de contrôle technique, l’automobiliste s’expose à une amende de quatrième classe, à la confiscation de sa carte grise et à l’immobilisation de son véhicule
348 () CNPA
349 () Directive 2014/45/CE, non encore transposée, qui abroge et remplace la directive 2009/40/CE
350 () OBD, On board diagnostics, dispositif de diagnostic embarqué permettant de vérifier que le véhicule détecte bien des défauts du dispositif antipollution
351 () De façon plus précise, quatre gaz sont mesurés en ce qui concerne les moteurs à essence, mais seules deux valeurs sont indiquées sur le certificat du contrôle technique : la valeur CO, qui mesure la richesse du mélange, et la valeur λ (lambda), qui résulte d’un calcul fait sur la somme des autres polluants
352 () Audition du 25 novembre 2016
353 () Diffusé le 25 septembre 2013
354 () Audition de Yann le Moal, porte-parole de l’association des Diésélistes de France, du 3 février 2016
355 () Le décret prévoit une première phase de test, entre le 1er septembre 2016 et le 1er mars 2017 : les mesures des cinq gaz sont ainsi réalisées, depuis le 1er septembre 2016, par une vingtaine de centres techniques volontaires, dans le cadre du contrôle technique périodique obligatoire. Durant cette période, la mesure n’a pas d’effet contraignant pour les propriétaires des véhicules. Les résultats de cette première série de mesures seront transmis à l’organisme technique central (OTC). Sur la base des résultats obtenus, l’OTC devra proposer des méthodes de contrôle adaptées et des valeurs de référence acceptables en conditions réelles de circulation, qui seront fixées par arrêté du ministre chargé des transports au plus tard le
1er juillet 2017
356 () Eco-entretien est, par ailleurs, une marque déposée de façon collective, par la Fédération des syndicats de la distribution automobile (FEDA)
357 () « Projet Eco-Entretien, Évaluation sur véhicules diesel de plus de quatre ans », avril 2013, ADEME, IFSTTAR, FEDA, AirBE et Spheretech
358 () Pour davantage de précisions sur l’étude du Gerpisa, se référer à l’annexe n° 12
359 () Le contrôle technique n’est actuellement obligatoire en France que tous les deux ans, à partir de la quatrième année
360 () L’amendement, du sénateur Louis Nègre, adopté par la commission du développement durable du Sénat, n’avait pas été adopté par l’Assemblée nationale au motif qu’un tel contrôle serait trop coûteux pour les automobilistes. L’amendement disposait : « le contrôle des émissions de polluants atmosphériques, en particulier des particules fines, des véhicules particuliers ou utilitaires légers diesel est renforcé lors du contrôle technique de façon à vérifier que les véhicules respectent bien le niveau d’émissions exigible à leur mise en circulation. En outre, un contrôle technique pollution est réalisé chaque année pour les véhicules particuliers ou utilitaires légers, à compter de la septième année de leur mise en circulation. Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret avant le 1er janvier 2017 »
361 () Le Parisien, 9 décembre 2014
362 () Ce texte fait, par ailleurs, obligation aux États-membres de constituer d’ici 2018 une base de données nationale centralisant les kilométrages relevés au moment du contrôle technique
363 () L’OTC peut aussi être sollicitée sur réquisitions judiciaires et droits de communication émis par les forces de l'ordre, les experts judicaires mandatés par un tribunal, les douanes, les inspections des finances, CPAM, DDPP dans le cadre d'une recherche de fraude au kilométrage notamment, voire (pour les forces de l'ordre) d'un "maquillage" de véhicule ou de défauts non signalés pouvant potentiellement avoir entraîné un accident
364 () Modifié par les arrêtés du 23 février 2010 et du 15 janvier 2013
365 () Article R323-14 du code de la route
366 () article L. 318-1
367 () Article R. 318-2 complétant l’article L. 318-1 issu du décret n° 2012-237 du 20 février 2012 relatif à la classification des véhicules et aux sanctions applicables en cas d'infraction à une mesure d'interdiction ou de restriction de la circulation dans les zones d'actions prioritaires pour l'air
368 () Tableau en annexe n° 13
369 () Arrêté du 29 juin 2016 fixant le tarif de la redevance pour la délivrance du certificat qualité de l’air
370 () Arrêté du 29 juin 2016 relatif aux modalités de délivrance et d'apposition des certificats qualité de l’air
371 () Décret n° 2016-847 du 28 juin 2016 relatif aux zones à circulation restreinte
372 () http://www.auto-moto.com/actualite/environnement/la-future-vignette-est-elle-bidon-la-question-qui-fache-42896.html
373 () En Allemagne, la pastille verte obligatoire depuis 2010 intègre les diesel Euro 6 ; à Londres, l’ultra-low zone est accessibles aux véhicules à faibles émissions, dont les véhicules Euro 6, essence comme diesel
374 () Fédération nationale des transports routiers, « Le livre vert du transport routier de marchandises ».
375 () Fédération nationale des transports routiers
376 () « Dieselgate : les camions aussi ! », Auto Moto n°247, août 2016
377 () Données issues de l’audition de Yann le Moal, association des Diésélistes de France
378 () Modifié par l’arrêté du 22 août 2014
379 () Entré en vigueur le 17 juin 2014
380 () Commission économique des Nations-Unies pour l’Europe
381 () ADEME, point sur les émissions polluantes des véhicules diesel et les filtres à particules, septembre 2012
382 () Idem
383 () Les filtres à particules additivés, développés par PSA, sont désormais utilisés par un certain nombre de constructeurs. Un additif est ajouté au carburant gazole, qui permet d’abaisser la température de combustion des suies et de maitriser la régénération. Ces filtres à particules n’entrainent pas de surémission de NO2, à la différence des filtres à particules « catalysés »
384 () Avant cette date, il existait une subvention de 1 300 €, accordée pour le rétrofit de filtres à particules sur les bus. Cette subvention s’appliquait à tous les bus mis en circulation entre le 1er janvier 1991 et le 31 décembre 2000 et concernerait les systèmes de filtres approuvés par l’ADEME. La dernière grosse opération aidée par l'ADEME consistait en l'équipement de 232 bus de la RTM (Régie de Transports de Marseille) en 2009/2010. En 2014, environ 400 bus de la RATP ont été également été rétrofittés, mais sans financement de l’ADEME
385 () Les plans de protection de l’atmosphère (PPA) sont régis par le code de l’environnement (articles L222-4 à L222-7 et R222-13 à R222-36). Ils ont pour but de définir les objectifs et les mesures, réglementaires ou portées par les acteurs locaux, permettant de ramener, à l’intérieur des agglomérations de plus de 250 000 habitants et des zones où les valeurs limites réglementaires sont dépassées ou risquent de l’être, les concentrations en polluants atmosphériques à un niveau inférieur aux valeurs limites réglementaires. Les plans font l’objet d’une évaluation au terme d’une période de cinq ans et, le cas échéant, sont révisés
386 () Dans d’autres domaines que l’automobile, des subventions sont déjà accordées par l’ADEME dans le cadre des PPA : ainsi, dans la vallée de l’Arve, l’ADEME finance 50 % d’une subvention pouvant aller jusqu’à 1 000 euros pour le renouvellement des équipements de chauffage des particuliers (« flammes vertes »).
387 () Association des Diésélistes de France, auditionnée par la mission le 3 février 2016
388 () Audition du 3 novembre 2015
389 () Courrier adressé à votre Rapporteure par M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat, le 10 mars 2016
390 () Actua Formation ; CNFCE ; Acti Route ; Nouvelle Route ; Mobigreen…
391 () Audition du 5 avril 2016
392 () Forum de scientifiques et d’experts qui travaillent sur la gestion des ressources naturelles
393 () Commissaire chargé de la science et de la recherche de 2004 à 2009, puis commissaire à l’environnement de 2009 à 2014
394 () Rapport du Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques (Pipame), « usages novateurs de la voiture et nouvelles mobilités », janvier 2016
395 () Source
396 () Schéma départemental des aires de covoiturage, Conseil départemental des Deux-Sèvres, novembre 2013
397 () Étude publiée par 60 millions de consommateurs et Mediaprism - octobre 2014
398 () C’est-à-dire des trajets de plus de 80 kilomètres à vol d’oiseau.
399 () http://www.asf-france.com/statistiques/Activiteadherents/201605-Credit-a-la-consommation-enquete-mensuelle-express.pdf
400 () France Nature Environnement, Fondation Keolis, Groupe PSA, Groupe Mobivia, « La juste place de la voiture dans la mobilité de demain », septembre 2014
401 () Automobile Club association, « Le budget de l’automobiliste de l’ACA », mai 2016
402 () France stratégie, « la voiture sans chauffeur, bientôt une réalité », avril 2016, n° 47
403 () Quelle automobile pour la génération Y ? - © 2014 Deloitte SA 18
404 () Audition devant la mission le 28 octobre 2015
405 () Audition du 4 mai 2016
406 () France Stratégie, La voiture sans chauffeur, bientôt une réalité, avril 2016
407 () Table ronde organisée par la mission le 5 avril 2016
408 () M. Franck Don, délégué syndical central CFTC PSA
409 () Vers des véhicules plus légers : le poids de l’innovation, ADEME, mars 2013
410 () Le covoiturage pour les trajets domicile-travail : quel potentiel ?, CGDD, juin 2014
411 () Conseil National des Professions de l’Automobile
412 () Au Japon, les normes environnementales en vigueur en matière de CO2, aussi drastiques que les normes européennes, sont respectées malgré une très faible pénétration du diesel (de l’ordre de 1 à 2 % du parc roulant), grâce à la conception de véhicules plus petits (avec des moteurs de 800 cm3), plus légers, donc moins consommateurs de carburants, et par conséquent moins émetteurs de CO2 mais aussi de particules et de NOx
413 () Terme employé par M. Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et du développement, membre du comité exécutif de PSA Peugeot Citroën – Audition du 29 mars 2016
414 () M. Philippe Noubel, directeur général délégué d’Arval, entreprise de location de longue durée de véhicules de société – Audition du 12 janvier 2016
415 () Audition du 4 mai 2016
416 () Auditionné du 4 mai 2016
417 () Audition du 26 avril 2016
418 () Le comité en comporte six : « prospective » ; « compétitivité » ; « métiers et compétences » ; « développement international et diversification des PME et ETI » ; « aval » ; « comité d’orientation filière industrielle du transport routier ».
419 () Ou, selon les cas, le plan de déplacements inter-entreprises (PDIE) ou le plan de déplacements administration (PDA)
420 () Chèque-taxi, utilisation de voitures de service mutualisées (c’est ce que fait le groupe PSA avec le système « shareyourfleet », en vigueur depuis 2013)
421 () Cette priorité majeure pour la filière automobile française est traitée en détail dans la cinquième partie
422 () Tribune dans Les Échos, 19 janvier 2016
423 () Audition du 26 janvier 2016
424 () Selon Alain Grandjean, cinq variables déterminent la consommation d’énergie pour la mobilité : le nombre de voyageur-kilomètre ; la répartition modale entre les véhicules particuliers, les bus, les trains et les avions ; le type de motorisation, éventuellement hybride ou électrique ; le taux de remplissage des véhicules de transports ; l’efficacité énergétique des moteurs employés, exprimée en kilowatts-heure
425 () Audition du 26 janvier 2016
426 () Déplacement du 17 décembre 2015
427 () Déplacement à l’usine Toyota de Valenciennes-Onnaing 10 mars 2016
428 () Audition du 4 mai 2016
429 () Avis délibéré n° 2016-57 de l’Autorité environnementale sur la programmation pluriannuelle de l’énergie pour la France métropolitaine, 24 août 2016
430 () Mme Aliette Quint, du groupe Air Liquide, secrétaire générale de l’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (AFHYPAC) – Audition du 1er décembre 2015
431 () Audition du 30 mars 2016
432 () Audition du 16 mars 2016
433 () Le groupe vise un objectif de 60 % des ventes en hybride en France en 2016
434 () Déplacement à l’usine Toyota de Valenciennes-Onnaing 10 mars 2016
435 () Audition du 29 mars 2016
436 () Audition du 12 janvier 2016
437 () ADEME, Rapport « les potentiels du véhicule électrique », avril 2016
438 () Association nationale pour le développement de la mobilité électrique, audition du 16 janvier 2016
439 () Stéphane Lhomme, Directeur de l’Observatoire du nucléaire, Le Monde 23 octobre 2015
440 () Audition du 26 janvier 2016
441 () Audition du 3 novembre 2015
442 () Entretien du 12 avril 2016
443 () Audition du 10 novembre 2015
444 () 500 Miraï circulent actuellement au Japon
445 () Gaz de pétrole liquéfié
446 () En Italie, le GPL représente 30% des ventes. Le marché européen des véhicules GPL représente 14 millions de véhicules en circulation. En France, 262 000 voitures circulent au GPL et 1 750 stations d’approvisionnement sont ouvertes au public
447 () Audition du 24 novembre 2015
448 () Audition du 19 janvier 2016
449 () Audition AVERE 16 janvier 2016
450 () Audition du 16 janvier 2016
451 () Entretien du 20 septembre 2016
452 () Nouvelle dénomination de ERDF – Entretien du 5 septembre 2016
453 () – Profil « charge naturelle » : les véhicules sont rechargés en fonction du besoin, sans contrainte réglementaire ni incitation tarifaire pour décaler les heures de recharge ; dans ce cas, l’impact sur la pointe journalière est particulièrement marqué ;
– Profil « signal tarifaire » : les véhicules sont rechargés pendant les heures creuses à la réception d’un signal tarifaire par simple incitation tarifaire ;
– Profil « Battery Madagement System » : par rapport au profil « signal tarifaire », une partie des recharges est effectuée en mode BMS, avec un report encore plus marqué sur les heures nocturnes.
454 () Audition du 1er décembre 2015 de Mme Aliette Quint, Secrétaire générale de l’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustibles (AFHYPAC)
455 () Rapport de Jean-Louis Durville, Jean-Claude Gazeau, Jean-Michel Nataf, CGEDD, Jean Cueugniet, Benoît Legait, CGEIET, septembre 2015
456 () Clean Energy Partnership
457 () Gaz naturel liquéfié
458 () Proposition n° 26
459 () Source : « Réunir la Nouvelle France industrielle » ; dossier de presse du 18 mai 2015
460 () Rapport de Serge Catoire et Denis Vignolles au ministre de l’économie, de l’industrie, et du numérique, juillet 2016
461 () Ibidem
462 () Audition du 3 novembre 2015
463 () Pour plus de précisions sur la distinction théorique entre véhicule connecté et véhicule autonome, se référer à l’annexe n° 16
464 () Pour davantage d’exemples d’initiatives en cours en matière de véhicule autonome et connecté, se référer aux annexes n° 16 à 19
465 () La société Tesla a été sollicitée pour répondre aux questions des membres de la mission d’information mais n’a pas souhaité donner suite
466 () Observatoire Cetelem, rapport 2016 : « Voiture autonome : les automobilistes prêts à lâcher le volant pour la Silicon Valley »
467 () Selon le laboratoire national d’énergie renouvelable de l’Université du Maryland (NREL), cité par l’observatoire Cetelem de l’automobile, une conduite optimisée peut permettre d’économiser 15 % de carburant
468 () France Stratégie, « la voiture sans chauffeur, bientôt une réalité », avril 2016, n° 47
469 () 77 % des personnes interrogées par l’Observatoire Cetelem en 2013 indiquaient « adorer conduire ». Selon un autre sondage réalisé sur des automobilistes à l’été 2015 par l’observatoire Cetelem, 67 % des Français estiment que la voiture autonome sera « tout à fait » ou « plutôt » une réalité, mais seulement 41 % se disent « intéressés » ou « très intéressés » par l’utilisation d’une telle voiture. 46 % des personnes interrogées en France, et 54 % des personnes interrogées aux États-Unis estiment que la voiture connectée, et de surcroît la voiture autonome, suscite des craintes en matière de contrôle du véhicule. 35 % des Français et des Américains se disent « très réservés » quant à la géolocalisation et aux offres commerciales personnalisées (). 28 % des personnes interrogées déclarent souhaiter garder en permanence un œil sur la route, « au cas où »
470 () Ainsi, BMW, marque associée par la plupart de ses clients au « plaisir de conduire » envisage la conception de véhicules « hybrides », autonomes en mode « Ease » et sous le contrôle du conducteur en mode « Boost »
471 () Ainsi, actuellement, le coût de la Google Car est estimé à 150 000 à 200 000 dollars en équipements, auxquels s’ajoute le coût de la voiture. Le coût de la Tesla S est lui de plus de 70 000 euros. Le Boston Consulting Group estime enfin à 3 800 dollars le surcoût par véhicule d’un pilotage automatique sans changement de voie ?, et à près de 10 000 dollars le surcoût d’un véhicule totalement autonome
472 () France stratégie, « La voiture sans chauffeur, bientôt une réalité », avril 2016, n° 47
473 () Pour plus de précisions relatives aux différents scénarios, se référer à l’annexe n° 18
474 () La visioconférence avec Google s’est tenue avant l’annonce, au début du mois de mai 2016, d’un accord entre le groupe Fiat-Chrysler (FCA) et Alphabet, maison-mère de Google, selon lequel le constructeur italo-américain va fournir une centaine de véhicules intégrant ordinateurs et capteurs pour poursuivre les essais sur le véhicule autonome
475 () http://www.wsj.com/articles/apple-speeds-up-electric-car-work-1442857105
476 () Pour des exemples de partenariat entre le secteur de l’automobile et le secteur du numérique, se référer à l’annexe n° 19
477 () « Je pense qu'en fin de compte tous les constructeurs sont extrêmement prudents afin de garder la maîtrise de leurs propres voitures […].Il est évident que nous ne voulons pas juste devenir des fournisseurs de carrosserie. Nous voulons garder l'attractivité et la maîtrise du produit. » http://www.usine-digitale.fr/article/nous-ne-voulons-pas-devenir-de-simples-fournisseurs-de-carrosserie-pour-google-previent-carlos-ghosn.N275069
478 () Référé de la Cour des comptes au Premier ministre, du 19 février 2016, relatif aux transports intelligents ; note d’analyse de France Stratégie d’avril 2016, intitulée « la voiture sans chauffeur, bientôt une réalité » ; rapport 2015 de l’observatoire Cetelem de l’automobile, portant sur « la voiture autonome : les automobilistes prêts à lâcher le volant pour la Silicon Valley » ; rapport du Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques (Pipame) de janvier 2016 : « usages novateurs de la voiture et nouvelles mobilités »
479 () M. Frédéric Vion, représentant syndical CFE-CGC au comité de groupe JTEKT, audition du 5 avril 2016
480 () Règlement européen du Parlement et du Conseil du 29 avril 2015 concernant les exigences en matière de réception par type pour le déploiement du système eCall embarqué fondé sur le service 112 et modifiant la directive 2007/46/CE
481 () Plates-formes interdisciplinaires dans le domaine des énergies décarbonées, rassemblant les compétences de l’industrie et de la recherche publique dans une logique de co-investissement public-privé et de collaboration étroite entre tous les acteurs », qui doivent permettre de « renforcer les écosystèmes constitués par les pôles de compétitivité. Ils couvrent l’ensemble du processus d’innovation, jusqu’à la démonstration et le prototypage industriel. L’ITE doit permettre d’assurer la visibilité internationale de thématique d’excellence et se positionner sur de nouveaux marchés. Ils concernent les filières énergétiques porteuses d’avenir ayant un impact positif sur le climat
482 () Instituts thématiques interdisciplinaires rassemblant les compétences de l’industrie et de la recherche publique dans une logique de co-investissement public-privé et de collaboration étroite entre tous les acteurs, qui doivent permettre de renforcer les écosystèmes constitués par les pôles de compétitivité. Ils se détachent de ces derniers en travaillant sur des projets plus pointus et plus prospectifs
483 () Ainsi, le groupe PSA a obtenu l’autorisation des ministères concernés, en juillet 2015, de faire circuler quatre prototypes de véhicules, avec des degrés d’automatisation divers, sur des routes ouvertes de France et d’Espagne
484 () Observatoire Cetelem, rapport 2016 : « Voiture autonome : les automobilistes prêts à lâcher le volant pour la Silicon Valley »
485 () Audition du 16 mars 2016
486 () CNPA – Pacte de mobilité, 2016
487 () Audition du 17 février 2016
488 () Entretien du 13 juillet 2016
489 () http://www.consilium.europa.eu/fr/policies/data-protection-reform/data-protection-regulation/
490 () Observatoire du véhicule d’entreprise
491 () Audition du 22 mars 2016
492 () Wall Street Journal, 12 juillet 2016 ; Le Monde, 11 juillet 2016, « les limites et les dangers de la voiture autonome », Jean-Michel Normand
493 () 72 États en sont signataires – et en transcrivent les obligations dans leurs codes de la route nationaux – mais dont ne font pas partie les États-Unis, le Japon ni la Chine. Ces conventions sont placées sous l’égide de la Commission Économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU), mise en place en 1947 par le Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC), à qui il revient d’en surveiller l’application et d’en proposer des modifications liées aux évolutions techniques, juridiques ou sociétales
494 () « Les règlements des Nations-Unies intègreront bientôt les fonctions de direction à commande automatique. Ceci comprend notamment les systèmes qui, dans certaines circonstances, pourront pendront le contrôle du véhicule, sous le contrôle permanent du conducteur, comme les systèmes veillant au maintien de la trajectoire (pour empêcher un changement de voie accidentel), les fonctions d’assistance au stationnement ainsi que la fonction autopilote sur autoroute (le véhicule se déplaçant de manière automatisée à haute vitesse sur autoroute) »
495 () Pour plus de précisions, se référer à l’annexe n° 20
496 () Pour plus de précisions, se référer à l’annexe n° 20
497 () Audition du 16 mars 2016
498 () Entretien du 15 février 2016
499 () Un premier accident imputable à la Google Car, et non aux autres véhicules en circulation auprès d’elle, s’est ainsi produit en février 2016
500 () http://automobile.challenges.fr/actu-auto/20160715.LQA8345/pilote-automatique-tesla-somme-de-s-expliquer-apres-l-accident-mortel.html
501 () Entretien du 4 mars 2016
502 () « Quel avenir pour l'industrie automobile française ? », Trésor-Eco n° 138, octobre 2014.
503 () INSEE – Tableaux de l’économie française, édition 2016, page 166.
504 () « Renault, PSA... l'automobile carbure à l'intérim » – L’Usine Nouvelle n° 3465 du 21 avril 2016.
505 () La mission a pu constater, tout au long de ses auditions, que les modes de calculs relatifs aux emplois directs de l’industrie automobile divergent selon les sources. 500 000 emplois reste quoi qu’il en soit un ordre de grandeur communément admis
506 () Source : DGE « Études économiques » n° 43 – juin 2015
507 () Audition du 5 avril 2016
508 () Audition du 9 décembre 2015
509 () Principaux éléments statistiques dans « Chiffres Clés » (« Facts & Figures ») document publié par la FIEV – édition 2015.
510 () Audition du 29 mars 2016
511 () Audition du 6 avril 2016
512 () Rapport sur la situation de PSA Peugeot Citroën, remis au ministre le 11 septembre 2012, par les ingénieurs généraux Emmanuel Sartorius et Jacques Serris ; page 22
513 () Réponse de M. Thierry Mandon, secrétaire d’État, du 11 mai 2016
514 () Définition de l’INSEE dans l’édition 2016 des Tableaux de l’économie française/TEF ; page 208 : La DIRD correspond « aux travaux exécutés sur le territoire national quelle que soit l’origine des fonds. Une partie est exécutée par les administrations (DIRDA), l’autre par les entreprises (DIRDE). Elle comprend les dépenses courantes (masse salariale des personnels de R&D et dépenses de fonctionnement) et les dépenses en capital (achats d’équipements nécessaires à la réalisation des travaux internes de R&D et opérations immobilières réalisées dans l’année) »
515 () En pourcentage de leur chiffre d’affaires, le budget de R&D des grands équipementiers est en général supérieur de 1 à 2 points à l’effort consacré à la R&D par les deux constructeurs français.
516 () Données provisoires
517 () Données 2013 en équivalent temps plein
518 () Japon : 77 800 ; Allemagne : 59 000 ; Corée : 22 000 en 2011, dernière année connue pour ce pays
519 () Classement des 100 centres de R&D en France, au 31 décembre 2014, publié par « Industrie et Technologies », un organisme de veille technologique
520 () Audition du 4 mai 2016
521 () Au cours de son audition, le 29 mars 2016, M. Gilles Le Borgne, directeur de la R&D du groupe PSA a fait état d’un montant de CIR qualifié par lui de « très significatif » de 113 millions €
522 () Audition du mardi 28 juin 2016
523 () Audition du 16 mars 2016
524 () Audition du 10 novembre 2015
525 () Lettre du 26 avril 2016 à la Rapporteure
526 () Partie consacrée aux facteurs de compétitivité de l’industrie automobile, pages 28/29
527 () Annexe n° 23
528 () WIPO en anglais
529 () Audition du 21 septembre 2016
530 () Audition du 21 septembre 2016
531 () Rapport d’information de la MEC N° 3867, Mmes Eva Sas et Sophie Rohfritsch, co-Rapporteures
532 () Ce volet porte sur trois axes de recherche : la motorisation hybride et thermique (moteurs diesel ou essence ou hybridation électrique) ; l’allégement des véhicules ; le véhicule électrique
533 () Compte rendu du Conseil des ministres du 22 juin 2016
534 () Comité stratégique de la filière automobile du 30 septembre 2015
535 () Audition du 16 mars 2016
536 () Audition du 29 mars 2016
537 () Au cours de son audition par la mission, M. Gilles Le Borgne a précisé « Le véhicule 2 litres/100 km n’est pas vraiment un véhicule, mais plutôt un cadre général […] ayant pour objectif de constituer des briques technologiques. Même si Renault et PSA sont très actifs sur ce projet, ils restent concurrents, comme le sont entre eux Michelin, Valeo et Plastic Omnium ». Il a ajouté que le véhicule 2 L/100 km comporte quatre axes : l’hybridation, le rendement, la consommation et la connexion
538 () Proposition n° 51
539 () La Task Force Automobile était composée de deux cadres dirigeants du secteur, MM. Gérard Leclercq et Didier Sépulchre et de deux hauts fonctionnaires, MM. Didier Banquy et Serge Catoire.
540 () En août 2014, Fiat Chrysler Automobile (FCA) a localisé son siège aux Pays-Bas et son action est cotée à New York, une situation qui a suscité l’émoi d’une partie de l’opinion en Italie
541 () Le cours de bourse de Renault s’établissait un peu plus de 71 €, le 19 septembre 2016
542 () Audition du 1er mars 2016
543 () Audition du 5 avril 2016
544 () Rapport au ministre remis, le 11 septembre 2012, par MM. Emmanuel Sartorius et Jacques Serris, ingénieurs généraux des Mines, sur la situation de PSA Peugeot Citroën
545 () Audition du 4 mai 2016
546 () Audition du 5 avril 2016
547 () 17 % du capital de Volkswagen est également détenu par Qatar Investment Authority qui, en 2013, a cependant revendu à la holding des familles Piëch et Porsche, la participation de 10 % qu’il détenait directement, depuis 2009, dans l’entreprise Porsche. Cette opération a eu l’effet de conforter leur position d’actionnaire au sein de Volkswagen dont Porsche Automobil Holding SE contrôle plus de 50 % des droits de vote
548 () Cette disposition qui parut mise en cause, en 2007, au motif qu’elle était susceptible d’entraver la liberté de circulation des capitaux, a été ultérieurement validée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en 2013, après des amendements apportés à une loi de 1960 sur certaines dispositions statutaires relatives à la gouvernance de Volkswagen, sans toutefois que ces modifications annihilent la minorité de blocage dévolue au Land de Basse Saxe en tant qu’actionnaire public
549 () Carlos Tavarès, audition du 4 mai 2016
550 () CCFA, l’industrie automobile française, analyse et statistiques 2016
551 () Il y a environ 100 voitures pour 1 000 habitants en Chine, contre 600 en Europe et 800 aux États-Unis
552 () Europe à 17 pays
553 () CCFA, l’industrie automobile française, analyse et statistiques 2016
554 () Idem
555 () Douanes – INSEE
556 () CCFA, l’industrie automobile française, analyse et statistiques 2016
557 () Audition du 16 décembre 2016
558 () Ce mouvement n’est pas propre à l’Europe, mais partagé par l’ensemble des pays, en particulier par les autres zones traditionnelles de production. Ainsi, au sein de l’ALENA (États-Unis, Canada et Mexique), les exportations, qui représentaient 1 % de la production en 1980, sont passées à 4 % en 1990, 16 % en 2000, 17 % en 2010 et 19 % de la production totale en 2014
559 () FIEV
560 () Discours d’investiture du 15 juillet 2014
561 () Rapport d’information n° 2105 déposé par la commission des affaires européennes sur la politique européenne de concurrence et présenté par Mme Isabelle Bruneau, députée, le 8 juillet 2014
562 () Communiqué de presse du 11 juillet 2015
563 () Ibidem
564 () CCFA l’industrie automobile française, analyse et statistiques 2016
565 () Les Français achètent davantage de véhicule d’entrée de gamme que de véhicules haut de gamme. En 2014, les véhicules de gamme inférieure ont représenté 54 % des immatriculations, les véhicules de gamme « moyenne inférieure » 30 %, les véhicules de gamme « moyenne supérieure » 11 % et les véhicules de gamme « supérieure » 5 %. En 1990, les véhicules de gamme « inférieure » ne représentaient que 41 % des immatriculations et les véhicules de gammes « moyenne supérieure » et « supérieure » 35 %
566 () CCFA
567 () Audition du 17 février 2016
568 () Selon M. Jamel Taganza, « les constructeurs allemands exportent des véhicules vers des marchés divers alors que les constructeurs français ont plutôt choisi de localiser leur production et de se rapprocher des marchés. Ces deux politiques différentes expliquent que les Allemands exportent davantage que les Français, et qu’ils produisent davantage en Allemagne. Les constructeurs français produisent davantage de véhicules sur leurs marchés cibles comme la Chine ou l’Amérique du sud, et moins en Europe »
569 () Dans un souci de simplification, seules les pièces suivantes sont obligatoirement prises en compte dans le calcul du prix de revient unitaire : moteur, transmission, carrosserie, châssis, pièces plastiques extérieures, boîte de vitesse, sellerie, tableau de bord, freins, système de direction, suspensions, batterie. Sont exclus les coûts commerciaux (publicité, marketing), les impôts et taxes sur le chiffre d’affaires, les coûts divers non liés au process de fabrication.
570 () L’association Pro France a été créée en 2010 par MM. Jégo et Veil. Elle réunit les entreprises et tous les acteurs qui souhaitent participer à une labellisation volontaire, innovante et transparente de l’origine française des produits/ Elle a pour mission de défendre et valoriser les produits de fabrication française et les entreprises qui les produisent ainsi que la promotion de la Marque France dans tous les secteurs d'activité.
571 () L’ensemble des véhicules Peugeot labellisés Origine France Garantie sont les suivants : Citroën DS3 ; Citroën DS4 ; Citroën DS5 ; Citroën C3 ; Citroën C4 ; Citroën C5; Nouveau Space Tourer ; Nouveau Jumpy ; Peugeot 308 ; Peugeot 508 ; Peugeot 2008 ; Peugeot 3008 ; Peugeot 5008 ; Peugeot 208 GTI ; Nouveau Traveller ; Nouveau Expert.
572 () http://www.originefrancegarantie.fr/annuaire/annuaire-marques/?marque=renault-trucks
573 () Carlos Tavarès, auditionné par la mission le 4 mai 2016
574 () Audition du 10 novembre 2015
575 () Audition du 4 mai 2016
576 () Audition par les Commissions des affaires économiques et des finances du 17 février 2016
577 () Audition du 10 novembre 2015
578 () Audition du 4 mai 2016
579 () Idem
580 () Pour plus de précisions sur les thèmes traités par le programme « Usine du futur » de la PFA, se référer à l’annexe n° 22.
581 () France Stratégie : « l’effet de l’automatisation sur l’emploi, ce qu’on sait et ce qu’on ignore », Nicolas le Ru, juillet 2016
582 () Source : France stratégie, données Destatis
583 () Audition du 4 mai 2016
584 () Volkswagen, cité par le CCFA http://www.ccfa.fr/L-industrie-auto-vit-une
585 () Audition du 29 mars 2016
586 ()Renault, communiqué du 19 juin 2013, http://media.renault.com/global/fr-fr/alliance/media/pressrelease.aspx?mediaid=49441
587 () L’Allemagne compte, pour sa part, 1,6 millions d’apprentis
588 () Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, mai 2016
589 () NB : statutairement, le CNPA assume la présidence ou la vice-présidence du Conseil de gestion chargé d’administrer l’ANFA
590 () « L’économie circulaire peut être définie comme un système de production et d’échange prenant en compte dès leur conception la durabilité et le recyclage des produits ou de leurs composants de sorte qu’ils puissent redevenir soit des objets réutilisables soit des matières premières nouvelles, dans un objectif d’améliorer l’efficacité de l’utilisation des ressources. » ; Conseil national des déchets
591 () Audition du 16 décembre 2015
592 () Données Eurostat, Bio intelligence service, traitées par le SOeS, 2013
593 () Étude : l’Industrie automobile et les défis des matières premières, Philippe Schulz, juin 2014
594 () https://www.univ-orleans.fr/sites/default/files/OSUC/documents/schulz_industrie_automobile_defis_matieres_premieres.pdf
595 () Rapport financier annuel 2014
596 () Puis négatif de 148 millions d’euros en 2010, de 509 millions d’euros en 2011 et de 55 millions d’euros en 2012. Il n’a été positif qu’en 2009 et 2013, respectivement de 148 et 86 millions d’euros https://www.univ-orleans.fr/sites/default/files/OSUC/documents/schulz_industrie_automobile_defis_matieres_premieres.pdf
Pour Peugeot, 2014 : L’évolution des coûts matières et autres coûts externes a eu un impact négatif de 52 millions d’euros ; avec pour principale cause la hausse de l’acier
597 () Rapports annuels 2008 et 2009
598 () Note adressée à votre Rapporteure
599 () CGEDD, études et documents « comparaison internationale des politiques publiques en matière d’économie circulaire », janvier 2014
600 () Pour plus de précisions sur les compétences de l’agence allemande des matières premières, se référer à l’annexe n° 24
601 () Les filières REP relèvent du principe pollueur-payeur : les fabricants nationaux, les importateurs de produits et les distributeurs doivent prendre en charge, notamment financièrement, la collecte sélective puis le recyclage ou le traitement des déchets issus de ces produits. Ils peuvent assumer leur responsabilité de manière individuelle, ou collective dans le cadre d’un éco-organisme. Dans ce dernier cas, ils adhérent à une société souvent agréée par les pouvoirs publics, à laquelle ils versent une contribution financière. Pour le suivi de l’ensemble des filières REP, une instance de gouvernance est créée par le décret n° 2015-1826 du 30 décembre 2015 relatif à la commission des filières à responsabilité élargie des producteurs
602 () Arrêté du 2 mai 2012
603 () Circulaire du 27 août 2012 de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, relative aux modalités d’application de l'arrêté du 2 mai 2012 relatif aux agréments des exploitants des centres VHU et aux agréments des exploitants des installations de broyage de véhicules hors d'usage
604 () Article L.541-46
605 () Données CNPA
606 () Un accord interprofessionnel a ainsi été signé le 20 février 2008 sous l’égide du Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire. Cet accord a donné naissance à Recyvalor
607 () Données CNPA
608 () Adème GHU
609 () ADEME
610 () Communiqué de presse du 27 novembre 2012
611 () Une note du 9 avril 2015 des directeurs généraux de la police nationale, de la gendarmerie nationale, des Outre-mer et de la directrice générale de la prévention des risques programme de nouvelles inspections et engage au suivi des procédures déjà initiées pour aboutir à la suppression des activités illégales. Elle prévoit l’intégration des contrôles des centres VHU dans les comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF) pour traiter toutes les irrégularités (au titre des installations classées pour la protection de l’environnement, de la réglementation des déchets, des législations sociales et fiscales). Annexe de l’instruction du Gouvernement du 28 avril 2016 définissant les axes d’action pour l’année 2016 de l’inspection des installations classées, http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2016/04/cir_40853.pdf
612 () Au terme de cet article, la même peine de 2 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, s’applique à la fois au fait de « gérer des déchets au sens de l’article L. 541-1-1 sans être titulaire de l’agrément prévu à l’article L. 541-22 » et au fait de « remettre ou faire remettre des déchets à tout autre que l’exploitant d’une installation agréée, en méconnaissance de l’article L. 541-22 »
613 () CNPA
614 () « Au moment de l’achat pour destruction du véhicule hors d’usage, le centre VHU agréé délivre un certificat de destruction au propriétaire du véhicule. Concomitamment, le centre VHU agréé adresse au préfet du département de son choix le double du certificat de destruction et une déclaration l’informant de l’achat pour destruction du véhicule »
615 () par l’adoption d’un amendement au projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique présenté par M. Pancher, M. Maurice Leroy, M. Favennec, M. Reynier, M. Tahuaitu, M. Richard, M. Folliot et M. de Courson en séance publique, en vertu duquel, à compter du 1er janvier 2018 : « les metteurs sur le marché mentionnés au 1° de l’article R. 543-138 du code de l’environnement ainsi que leurs acheteurs successifs font apparaître, jusqu’au consommateur final, sur les factures de vente de tout nouvel équipement de pneumatiques, en sus du prix unitaire du produit, le coût unitaire supporté pour la gestion des déchets collectés sélectivement issus des pneumatiques mis sur le marché »
616 () Créé par décret du 1er août 2003 et modifié par décret du 7 février 2011
617 () Document remis au ministre Emmanuel Macron le 31 mars 2015
618 () ADEME
619 () Sondage réalisé par BVA pour Caréco – cf. auto-infos.fr, supplément environnement, n° 1344, juillet 2015
620 () Directive 2005/53/CE modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil en vue d’y inscrire les substances actives chlorothalonil, chlorotoluron, cyperméthrine, daminozide et thiophanate-méthyl
621 () Selon la définition donnée par le ministère de l’Environnement, de l’énergie et de la mer, l’écologie industrielle et territoriale vise à « Comprendre comment circulent les flux de matière, d’eau et d’énergie au sein d’un territoire ; Construire des stratégies de développement durable innovantes basées sur l’optimisation des flux de ressources sur un même territoire, afin de renforcer la compétitivité des entreprises engagées, de maintenir les emplois locaux tout en limitant les impacts environnementaux ; Mettre en œuvre des partenariats locaux performants pour réaliser ces synergies. L’EIT se concrétise par la mise en commun volontaire de ressources par des acteurs économiques d’un territoire, en vue de les économiser ou d’en améliorer la productivité (…) »
622 () http://www.bmvi.de/SharedDocs/EN/Anlagen/VerkehrUndMobilitaet/Strasse/report-by-the-volkswagen-commission-of-inquiry.html?linkToOverview=js
623 () https://www.gov.uk/government/publications/vehicle-emissions-testing-programme-conclusions
624 Il s’agit du cycle NEDC (New European Driving Cycle)
625 La norme d’émission pour les essais en conditions réelles est obtenue en multipliant le taux d’émission fixé à l’annexe 1 du règlement (CE) n°715/2007 précité pour les essais sur banc par un facteur de conformité. Par exemple, un coefficient de 1.5 signifie que dans les essais en conditions réelles, le taux d’émissions de NOx ne doit pas dépasser 1.5*80 = 120mgNOx/km). La mise en place d’un tel facteur vise à prendre en compte les écarts par rapport à la norme dus aux différentes conditions de conduite.
626 () France Stratégie, « La voiture sans chauffeur, bientôt une réalité », avril 2016, n° 47
627 () Ce système d’appel d’urgence, ecall, a été mis en place en premier lieu par PSA dès 2003, puis généralisé par la marque à partir de 2010, et équipe 1,8 million de véhicules de la marque. En 2012, près de 5 500 personnes en difficulté avaient déjà été secourues par les services d’urgence dans les 10 pays d’Europe où le service était ouvert.
628 () citant une étude du cabinet d’études Berg Insight de 2014
629 () France Stratégie, « la voiture sans chauffeur, bientôt une réalité », avril 2016, n° 47
630 () idem
631 () France Stratégie, « la voiture sans chauffeur, bientôt une réalité », avril 2016, n° 47.
632 () Ouest France, 23 avril 2016, « La Chine et ses villes encombrées, possible eldorado de la voiture autonome ». http://www.ouest-france.fr/economie/la-chine-et-ses-villes-encombrees-possible-eldorado-de-la-voiture-autonome-4181796
633 () Règlement européen du Parlement et du Conseil du 29 avril 2015 concernant les exigences en matière de réception par type pour le déploiement du système eCall embarqué fondé sur le service 112 et modifiant la directive 2007/46/CE.
634 () Sarah Hunter.
635 () La visioconférence avec Google s’est tenue avant l’annonce, au début du mois de mai 2016, d’un accord entre le groupe Fiat-Chrysler (FCA) et Alphabet, maison-mère de Google, selon lequel le constructeur italo-américain va fournir une centaine de véhicules intégrant ordinateurs et capteurs pour poursuivre les essais sur le véhicule autonome.
636 () https://www.theguardian.com/technology/2015/sep/18/apple-meets-california-officials-self-driving-car
637 () http://www.wsj.com/articles/apple-speeds-up-electric-car-work-1442857105
638 () http://www.faz.net/aktuell/wirtschaft/netzwirtschaft/apple-steve-jobs/apple-icar-entwicklung-in-geheimem-autolabor-in-berlin-14183854.html
639 () Ces comités sont composés exclusivement des représentants des gouvernements des Parties contractantes à l’Accord.
640 () http://www.pfa-auto.fr/wp-content/uploads/2016/03/Programme-PFA-Usines-Automobile-du-Futur130416.pdf -
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