N° 4512
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 février 2017.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA MISSION D’INFORMATION COMMUNE
sur l’application de la loi n° 2015–990 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (1)
ET PRÉSENTÉ
PAR M. Richard FERRAND,
Président-Rapporteur
Député
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La mission d’information commune sur l’application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est composée de : M. Richard Ferrand, président-rapporteur ; M. Yves Blein, Mme Colette Capdevielle, M. Christophe Castaner, M. Jean-Yves Caullet, M. Gérard Cherpion, Mme Corinne Erhel, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Bernard Gérard, M. Laurent Grandguillaume, M. Patrick Hetzel, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Bernadette Laclais, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Denys Robiliard, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gilles Savary, M. Alain Tourret, M. Stéphane Travert et Mme Cécile Untermaier.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 9
PREMIÈRE PARTIE : ÉTAT DES LIEUX CHIFFRÉ 15
I. REMARQUES MÉTHODOLOGIQUES RELATIVES À L’ÉVALUATION DE L’APPLICATION DE LA LOI 15
II. L’APPLICATION DE PREMIER NIVEAU : LA LOI EST QUASIMENT ENTIÈREMENT ENTRÉE EN VIGUEUR 16
A. L’APPLICATION RÉGLEMENTAIRE : 97,2 % DES PRÉCISIONS RÉGLEMENTAIRES ONT ÉTÉ PUBLIÉES 16
B. LES ORDONNANCES DE LA LOI : 24 ORDONNANCES COUVRANT 42 HABILITATIONS 20
C. TRÈS PEU DE RAPPORTS PRÉVUS PAR LA LOI ONT ÉTÉ REMIS AU PARLEMENT 21
III. LES TEXTES D’APPLICATION DE NIVEAU 2 ET 3 23
DEUXIÈME PARTIE : DISPOSITIONS RELATIVES À LA MOBILITÉ 25
I. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUVERTURE DU TRANSPORT INTERURBAIN DE VOYAGEURS PAR AUTOCAR 25
A. LES SERVICES DE TRANSPORT RÉGULIER PAR AUTOCAR : VÉHICULES, LIAISONS, RÉGULATION 25
1. L’ouverture des liaisons interurbaines régulières par autocar et la régulation des liaisons inférieures ou égales à 100 kilomètres 25
2. Les caractéristiques techniques et les équipements obligatoires des autocars 29
3. Premiers éléments sur la mise en œuvre de ces dispositions 31
B. L’INDISPENSABLE COROLLAIRE DU DÉVELOPPEMENT DU TRANSPORT PAR AUTOCAR : LES GARES ROUTIÈRES 35
1. Les dispositions de la loi 35
2. Les attentes des opérateurs 36
3. L’ordonnance n° 2016-79 du 29 janvier 2016 37
II. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX AUTOROUTES 38
A. LES DISPOSITIONS DE LA LOI 38
1. Une autorité publique indépendante chargée de la régulation du secteur 39
2. Une régulation des tarifs de péage 40
3. Une régulation des marchés passés par les sociétés concessionnaires 41
B. LES TEXTES RÉGLEMENTAIRES ET LES AUTRES MESURES D’APPLICATION 42
1. Les deux décrets d’application 42
2. Les autres mesures d’application 44
III. LES DISPOSITIONS RELATIVES AU PERMIS DE CONDUIRE 48
A. LES ARTICLES DE LA LOI N’AYANT PAS PRÉVU DE RENVOI À UN TEXTE D’APPLICATION 48
B. LES ARTICLES DE LA LOI AYANT PRÉVU LA PUBLICATION D’UN TEXTE RÉGLEMENTAIRE 49
1. L’article 26 relatif au Conseil supérieur de l’éducation routière 49
2. Les dispositions de l’article 28, I, 3° relatives à l’organisation des épreuves du permis de conduire 50
3. Les dispositions de l’article 28, II relatives à la formation à la conduite et à la sécurité routière 55
4. Les dispositions de l’article 28, IV relatives aux établissements et associations agréés au titre des articles L. 213-1 ou L. 213-7 du code de la route 56
5. L’article 29, II, 1° relatif aux frais d’accompagnement des candidats 56
6. L’article 30 relatif à la méthode d’attribution des places d’examen entre auto-écoles 58
IV. LA RÈGLE PRUDENTIELLE POUR LES INVESTISSEMENTS DE SNCF RÉSEAU 59
A. UNE RÈGLE DE RESPONSABILISATION DES PERSONNES PUBLIQUES EN VUE D’UNE MAÎTRISE PROGRESSIVE DE LA DETTE DE SNCF RÉSEAU 59
B. UNE RÈGLE QUI N’EST PAS ENCORE EFFECTIVE, MAIS DÉJÀ ASSORTIE D’UNE DÉROGATION 60
TROISIÈME PARTIE : LA RÉFORME DES PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES DU DROIT 63
I. LES FORMES D’EXERCICE ET LES RÈGLES DE DÉTENTION DU CAPITAL : VERS UN SERVICE AU PLUS PRÈS DES BESOINS DU CITOYEN 63
A. L’EXERCICE DES PROFESSIONS JURIDIQUES ET JUDICIAIRES EN SOCIÉTÉ 64
B. L’INTERPROFESSIONNALITÉ CAPITALISTIQUE ET LA DIVERSIFICATION DES FORMES SOCIALES POUR L’EXERCICE DES PROFESSIONS JURIDIQUES ET JUDICIAIRES 65
1. Une modification en profondeur du cadre législatif sur la détention du capital et des droits de vote des sociétés d’exercice libéral et des sociétés de participations financières de professions libérales 65
2. La possibilité d’exercer sous une forme sociale ne conférant pas aux professionnels la qualité de commerçant 74
3. Les décrets des 29 juin et 1er juillet 2016 : des initiatives gouvernementales aux conséquences majeures 75
4. Les décrets du 9 novembre 2016 : une conséquence nécessaire des dispositions réglementaires antérieures 84
C. L’INTERPROFESSIONNALITÉ D’EXERCICE ET LA CRÉATION D’UNE PROFESSION DE COMMISSAIRE DE JUSTICE 84
1. Favoriser l’interprofessionnalité d’exercice entre professionnels du droit et du chiffre tout en garantissant le respect des principes déontologiques propres à ces professions 84
2. La création d’une profession de commissaire de justice 89
II. UNE PLUS GRANDE ÉQUITÉ DANS L’ACCÈS AUX PROFESSIONS JURIDIQUES RÉGLEMENTÉES, MAIS DES RISQUES DE DÉVOIEMENT DE LA LOI PAR LE POUVOIR RÉGLEMENTAIRE 94
A. LA MISE EN PLACE D’UNE LIBERTÉ D’INSTALLATION RÉGULÉE POUR LES PROFESSIONS DE COMMISSAIRE-PRISEUR JUDICIAIRE, D’HUISSIER DE JUSTICE ET DE NOTAIRE 95
1. Le besoin d’augmenter le nombre de professionnels libéraux pour chacune des professions 96
2. La procédure de nomination du décret du 20 mai 2016 100
3. Une mise en œuvre de la liberté d’installation des notaires perturbée par les dispositions réglementaires d’application 104
B. LES AVOCATS AU CONSEIL D’ÉTAT ET À LA COUR DE CASSATION 112
1. La loi a facilité l’accès à la profession 112
2. Le décret du 26 février 2016 fixant les critères prévus pour déterminer le nombre d’offices nécessaires 113
III. LE FONDS INTERPROFESSIONNEL D’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE 116
IV. LES TEXTES D’APPLICATION RELATIFS AUX PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES DU DROIT 118
QUATRIÈME PARTIE : LES DISPOSITIONS RELATIVES AU TRAVAIL DU DIMANCHE ET EN SOIRÉE 137
I. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA LOI À CES RÉGIMES D’EXCEPTION AU REPOS DOMINICAL ET EN SOIRÉE 137
II. LES ÉVOLUTIONS APPORTÉES À CES DISPOSITIONS DEPUIS LA PARUTION DU PREMIER RAPPORT D’APPLICATION 138
A. LA CENSURE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DE LA DISPOSITION CONFIANT AU PRÉFET DE POLICE LA COMPÉTENCE POUR FIXER LES « DIMANCHES DU MAIRE » À PARIS 138
B. UN ASSOUPLISSEMENT DU DISPOSITIF DE FIXATION DES « DIMANCHES DU MAIRE » PAR LA LOI N° 2016-1088 DU 8 AOÛT 2016 RELATIVE AU TRAVAIL, À LA MODERNISATION DU DIALOGUE SOCIAL ET À LA SÉCURISATION DES PARCOURS PROFESSIONNELS 139
III. LES MESURES D’APPLICATION DE LA LOI PRISE DEPUIS LE PREMIER RAPPORT D’APPLICATION DE LA LOI 140
A. LA DÉLIMITATION DE TROIS NOUVELLES ZONES TOURISTIQUES INTERNATIONALES 140
B. LA CRÉATION D’UN OBSERVATOIRE DU COMMERCE DANS LES ZONES TOURISTIQUES INTERNATIONALES 142
IV. UN NOUVEAU BILAN DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA LOI 144
A. L’ABOUTISSEMENT DES NÉGOCIATIONS DANS LES GRANDS MAGASINS PARISIENS 144
1. Des négociations qui ont finalement abouti au sein de chaque enseigne 144
2. Un impact encore limité sur le commerce local 146
B. DES NÉGOCIATIONS ABOUTISSANT À DES DISPOSITIFS AVANTAGEUX POUR LES SALARIÉS 147
C. L’ENGAGEMENT DES NÉGOCIATIONS DANS CERTAINES ENSEIGNES D’HYPERMARCHÉS 148
CINQUIÈME PARTIE : LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA LOI AYANT FAIT L’OBJET DE MESURES D’APPLICATION 151
I. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’URBANISME 151
A. LA RUPTURE CONVENTIONNELLE DES DIRECTEURS GÉNÉRAUX D’OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT 151
B. LA DÉLÉGATION DU DROIT DE PRÉEMPTION URBAIN À UNE SOCIÉTÉ D’ÉCONOMIE MIXTE AGRÉÉE 151
C. LA GARANTIE FINANCIÈRE D’ACHÈVEMENT OU DE REMBOURSEMENT DES OPÉRATIONS DE VENTE EN L’ÉTAT FUTUR D’ACHÈVEMENT 152
D. LE BAIL RÉEL SOLIDAIRE 152
E. L’APPLICATION DE LA DÉCOTE SUR LA VENTE DE TERRAINS DE L’ÉTAT EN FAVEUR DE LA CONSTRUCTION D’ÉQUIPEMENTS PUBLICS 154
II. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’INVESTISSEMENT 154
A. FACILITER LES PROJETS 154
1. L’autorisation environnementale 154
2. Les ordonnances relatives au droit de l’environnement 155
3. Les ordonnances relatives aux réseaux de communication électroniques à très haute débit et aux équipements radioélectriques 159
4. Le déploiement du très haut débit 160
5. La couverture de téléphonie mobile dans les zones blanches 161
6. La publicité digitale et les plateformes 162
B. AMÉLIORER LE FINANCEMENT 165
1. Le prêt entre entreprises 165
2. Les bons de caisse 166
3. Les aménagements des dispositifs de suivi du financement des entreprises mis en place par la Banque de France et l’Autorité des marchés financiers 167
4. Les conditions du recours à la publicité et à la sollicitation personnalisée des conseils en propriété industrielle 167
III. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION 168
A. LE DÉLAI DE RÉTRACTATION OU DE RÉFLEXION DONT BÉNÉFICIE L’ACQUÉREUR IMMOBILIER NON PROFESSIONNEL 168
B. LES DISPOSITIFS PUBLICITAIRES DE GRANDE TAILLE IMPLANTÉS DANS L’EMPRISE D’ÉQUIPEMENTS SPORTIFS 168
C. DEUX ORDONNANCES NON PUBLIÉES : LA CARTE D’IDENTITÉ VIRTUELLE DES ENTREPRISES ET LE DÉVELOPPEMENT DE LA FACTURATION ÉLECTRONIQUE 169
IV. LES DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DU TRAVAIL 169
A. LA JUSTICE PRUD’HOMALE 169
1. Le référentiel indicatif aux fins de détermination de l’indemnité fixée par le juge prud’homal 169
2. Les obligations s’imposant aux conseillers prud’hommes 172
3. Les dispositions relatives au défenseur syndical 172
4. Les modalités relatives à la justice prud’homale 174
5. La réforme de l’inspection du travail 176
B. LA LUTTE CONTRE LA PRESTATION DE SERVICES INTERNATIONALE ILLÉGALE 177
1. L’adaptation de dispositions relatives à la lutte contre la concurrence sociale déloyale au secteur des transports 177
2. La généralisation obligatoire de la carte d’identité professionnelle du bâtiment 178
3. La transmission par voie dématérialisée de la déclaration préalable de détachement 178
C. LE CONTRAT ADULTE RELAIS À MAYOTTE 179
TRAVAUX DE LA COMMISSION 181
ANNEXE N° 1 : ÉTAT DES LIEUX DE L’APPLICATION DE LA LOI DU 6 AOÛT 2015 247
ANNEXE N° 2 : ÉTAT DES LIEUX DE L’APPLICATION DES DÉCRETS PRÉVUS PAR LA LOI DU 6 AOÛT 2015 297
ANNEXE N° 3 : ÉTAT DES LIEUX DE L’APPLICATION DES ORDONNANCES PRÉVUES PAR LA LOI DU 6 AOÛT 2015 307
ANNEXE N° 4 : ARRÊTÉS PRÉVUS PAR LES DÉCRETS PRÉCISANT LES ORDONNANCES PRISES SUR HABILITATION DE LA LOI DU 6 AOÛT 2015 327
ANNEXE N° 5 LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 331
Le présent rapport vient clore, dans le cadre de cette législature, les travaux de la mission d’information sur l’application de la loi du 6 août 2015 relative à la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dont la création a été actée par la Conférence des présidents le 6 octobre 2015.
Il vient compléter et actualiser un premier rapport paru il y a près d’un an (2). Ces deux rapports doivent être considérés comme un tout indissociable et ne peuvent être lus indépendamment l’un de l’autre.
Depuis la parution du premier rapport, la mission d’information a continué ses travaux, procédant notamment à trois auditions supplémentaires, toutes consacrées au volet professions réglementées du droit de la loi (3). Parallèlement, notre collègue Gilles Savary, ancien rapporteur thématique du volet mobilité de la loi, a procédé à plusieurs auditions portant sur la réforme du permis de conduire.
Si, comme on le verra, la quasi-totalité de la loi est désormais effectivement applicable, le recul dont disposait la mission d’information était insuffisant pour mesurer ses effets ou apprécier si elle a atteint les objectifs que lui avaient assignés le législateur et le Gouvernement.
À titre d’exemple, le marché du transport de voyageurs par autocar, qui s’est développé très rapidement (4), n’est pas encore consolidé. S’agissant des notaires, alors que la liberté d’installation était au cœur de la réforme des professions réglementées contenue dans la loi, les péripéties de sa mise en œuvre font que les premiers nouveaux notaires ne pourront pas « visser leur plaque » avant plusieurs semaines.
Il appartiendra donc aux députés de la prochaine législature de s’emparer d’une évaluation plus qualitative de l’application de la loi du 6 août 2015.
Pour autant, les travaux de la mission d’information n’ont certes pas été inutiles. Au-delà du suivi de la publication des mesures réglementaires d’application, ils ont mis en évidence l’intérêt qu’il y aurait pour le législateur à s’impliquer davantage dans cette phase de mise en œuvre d’une loi.
Tous les membres de la mission ont, en effet, été convaincus que le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs législatif et réglementaire ne saurait interdire au premier de s’impliquer davantage dans la mise en œuvre d’une loi, qui plus est mise au point au terme de longs débats. Ils sont convaincus également que la méthode de travail adoptée par la mission devra inspirer leurs successeurs. Dans ce cadre, ils ont le sentiment d’avoir été les précurseurs d’un renforcement concret de la place du législateur dans la confection et la mise en œuvre de la loi.
À de nombreuses reprises au cours des travaux et dans le premier rapport, le président-rapporteur a répété qu’il assignait à la mission d’information, dont il a été à l’origine, un double but.
Le premier est devenu classique. Depuis 2009, le Règlement de l’Assemblée nationale invite les commissions permanentes à établir un rapport faisant état de la publication des textes d’application des lois votées, à l’issue d’un délai d’au moins six mois après la promulgation de celles-ci.
Ce travail est devenu essentiel. En effet, le Parlement ne peut se désintéresser du sort du texte qu’il a adopté. Il est donc naturel qu’il suive de près le calendrier de publication des textes d’application, condition indispensable à une entrée en vigueur effective de la loi. Les parlementaires ne sont pas les seuls à se préoccuper du devenir des lois qu’ils votent. De plus en plus, nos concitoyens ne comprennent plus les délais parfois anormalement ou inexplicablement longs dans lesquels sont pris les décrets d’application, laissant ainsi de longs mois une réforme quasi lettre-morte.
La mission d’information a pu constater que la mise en œuvre de la loi du 6 août 2015, d’un strict point de vue temporel, a été très satisfaisante.
Le premier rapport de mars 2016 faisait apparaître que 80 % des articles de la loi étaient entièrement applicables près de huit mois après sa promulgation, si on ajoutait aux articles d’application directe ceux devenus entièrement applicables du fait de la parution de l’intégralité des mesures réglementaires qu’ils nécessitaient ou des ordonnances dont ils contenaient l’habilitation. À cette date, plus de la moitié de ces mesures réglementaires d’application (56 %) avait été publiée.
On trouvera en première partie de ce rapport, une actualisation de ce suivi, environ dix-huit mois après la promulgation de la loi. Avec toutes les réserves méthodologiques d’usage (5), le taux de publication des mesures réglementaires est désormais de plus de 97 %. En effet, la quasi-totalité des textes réglementaires prévus par la loi ont été pris. Seules cinq dispositions de la loi devant être précisées par le pouvoir réglementaire, ne l’ont pas encore été.
On le verra, le rapport s’intéresse également aux textes d’applications de niveau 2, par exemple les décrets mentionnés dans les ordonnances publiées ou les arrêtés prévus par certains décrets. En la matière, le taux de mise en œuvre apparaît moins satisfaisant : d’après les calculs de la mission, seulement 45 % des dispositions des ordonnances nécessitant un décret auraient effectivement fait l’objet d’une mesure d’application. Certes, certaines ordonnances n’ont été publiées qu’au début de l’année, mais la plume étant tenue en la matière par le seul pouvoir exécutif, la préparation conjointe des ordonnances et de leurs décrets d’application, beaucoup plus facile que dans le cas des projets de loi, aurait dû conduire à une publication plus précoce des mesures d’application.
En outre, il est un domaine où la mise en œuvre de la loi n’est absolument pas satisfaisante, c’est celui des rapports demandés au Gouvernement. Lors de la parution du premier rapport, aucun des dix rapports demandés n’avait été transmis au Parlement. Pour le présent rapport, la situation s’est à peine améliorée en moins d’un an, puisque seulement trois rapports ont été remis. Si pour trois des rapports encore attendus, le Gouvernement est encore dans les délais, ce n’est pas le cas des quatre autres.
Mais dans l’esprit du président-rapporteur, le rôle de la mission d’information ne pouvait se borner à ce travail, aussi utile soit-il, de greffier de l’activité réglementaire. Le second objectif de la mission d’information était de fait sans précédent : il s’agissait de s’assurer que le contenu des textes d’application soit bien conforme à l’intention du législateur.
Comme indiqué dans le rapport de mars 2016, le caractère innovant de cette démarche « a d’ailleurs pu semble-t-il, susciter quelques émois au sein de la machinerie gouvernementale ».
Cette démarche s’appuyait pourtant sur le souhait du ministre de l’économie qui a défendu la loi devant le Parlement de travailler avec les parlementaires dans un esprit de « co-construction, dans la longue durée et jusqu’au terme de l’application de la loi. Cette démarche n’a pas d’ailleurs été désapprouvée par les ministres auditionnés par la mission d’information.
Le président-rapporteur avait obtenu du Premier ministre que la mission d’information soit destinatrice des projets de décrets ou d’ordonnances au rythme des arbitrages rendus en réunions interministérielles (les « fameuses » RIM), le cabinet du Premier ministre centralisant ces transmissions.
Cette méthode a incontestablement permis à la mission d’information de travailler efficacement. Elle a donné l’occasion au président-rapporteur de saisir le Premier ministre ou les ministres compétents de points précis sur lesquels il souhaitait des inflexions.
Le rapport de mars 2016 mentionne les cas où ces remarques ont été suivies d’effets, justifiant a posteriori le bien-fondé de la démarche de la mission d’information. Citons la suppression de la formation à la gestion des conditions générales d’aptitude aux fonctions de notaire ou la création d’une somme plancher accompagnant le plafonnement des émoluments des notaires à 10 % de la valeur du bien ou du droit sous-jacent à l’acte.
Postérieurement à la publication du rapport, une autre suggestion de la mission a été partiellement suivie à propos de la sanction de nullité du non-respect des formalités de saisine de la justice prud’homale (cf. partie V du présent rapport).
De même, les travaux de la mission ont été à l’origine de deux amendements adoptés avec l’avis favorable du Gouvernement, lors de la discussion de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi Travail ». C’est ainsi qu’un amendement de notre collègue Stéphane Travert et du président-rapporteur a assoupli le dispositif de fixation des « dimanches du maire » (cf. partie IV). De même, un amendement de notre collègue Denys Robiliard et du président-rapporteur a prévu la possibilité pour le bureau de conciliation et d’orientation du conseil des prud’hommes de prononcer la clôture de l’instruction par ordonnance (cf. partie V).
D’aucuns pourraient juger mineurs les points sur lesquels la mission d’information a pu obtenir des ajustements réglementaires voire législatifs. D’autres constateront que certaines remarques qu’elle a formulées sont restées lettre morte (6).
De tels jugements peuvent peut-être s’entendre mais ils ne peuvent invalider le sens profond du travail d’une mission d’information comme celle-ci.
Dans le premier rapport, le président-rapporteur écrivait en effet : « Permettre aux parlementaires de prendre connaissance en amont des orientations ou des choix retenus dans les projets de décrets pour qu’ils soient en mesure de faire part de leurs observations, ce n’est pas empiéter sur les prérogatives du Gouvernement ni adresser quelque injonction que ce soit à celui-ci. » Il ajoutait que, bien évidemment, « l’ensemble des membres de la mission d’information a parfaitement conscience que, en matière réglementaire, le dernier mot appartient au Gouvernement. »
Sa conviction et celle des membres de la mission n’a, de ce point de vue, pas changé. Elle s’appuie sur une double certitude.
D’une part, le législateur est parfaitement légitime à veiller que son intention soit respectée ou ne soit pas dénaturée par le pouvoir réglementaire. En ce domaine on le sait, « le Diable est dans les détails ».
Lors de ses travaux, la mission a ainsi constaté l’émoi qu’a suscité chez les intéressés la possibilité offerte par deux décrets à une société d’officier public et ministériel d’être titulaire de plusieurs offices (cf. partie III du présent rapport). Cette possibilité n’est certes pas contraire à la loi votée, mais elle n’en est pas non plus une conséquence nécessaire. Il ne s’agit pas de contester la capacité pour le pouvoir réglementaire de prendre une telle initiative. Cependant, il est apparu que cette question a fait l’objet de divergences profondes entre les deux ministères compétents et que l’arbitrage finalement rendu l’a été au nom du respect des travaux parlementaires et de l’intention du législateur. Si le président-rapporteur n’entend faire de procès d’intention à quiconque, il lui semble que si des doutes existaient sur la portée de la lettre ou de l’esprit de la loi, les rapporteurs de la commission spéciale qui a examiné le projet de loi n’étaient pas les plus mal placés pour apporter leur éclairage.
D’autre part, comme il était également écrit dans le premier rapport, « les observations susceptibles d’être formulées par les parlementaires ne sont certes pas moins illégitimes ni plus intrusives que celles que le pouvoir réglementaire recueille, en application de textes ou de sa propre initiative, auprès des professionnels ou des personnes concernés ou des multiples commissions ou comités consultatifs que notre pays multiplie à l’envi. »
À cet égard, la genèse de l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale est éclairante. Le Gouvernement a, en effet, recueilli l’avis de sept conseils ou comités consultatifs (7) d’une mission interministérielle (8) et d’une autorité administrative indépendante (9). Il a, en outre, organisé une consultation du public. Ainsi donc, les dizaines de personnes composant ses instances et les dizaines d’organismes qu’elles y représentent peuvent disposer des textes, à un stade parfois précoce de leur rédaction. Comment dès lors comprendre que la transmission des mêmes documents au Parlement puisse apparaître incongrue ?
Au-delà du seul cas de la loi du 6 août 2015, le président-rapporteur est convaincu que le prochain Parlement devra se saisir, en l’approfondissant, de l’exemple que la mission d’information. À cet égard, il juge indispensable que, désormais, les commissions permanentes soient destinatrices de tous les projets de décrets ou d’ordonnances. Fort de l’expérience, cette transmission ne devrait pas se faire uniquement au rythme des arbitrages interministériels, mais à un stade plus précoce (lors des différentes consultations auxquelles le Gouvernement procède) et au moment de la saisine effective du Conseil d’État.
En ce qui concerne les ordonnances, dans la mesure où celles-ci doivent depuis 2008 faire l’objet d’une ratification expresse, il suggère qu’en outre les commissions permanentes systématisent l’initiative prise par l’ancien président de la commission des affaires économiques, notre ancien collègue François Brottes, d’auditionner le Gouvernement sur les projets d’ordonnances avant leur adoption par le Conseil des ministres.
La réforme constitutionnelle de 2008 a expressément inscrit le « contrôle de l’action du Gouvernement » parmi les missions dévolues au Parlement. La mission d’information est convaincue que ce contrôle de l’action du Gouvernement commence dès l’élaboration des mesures d’application des lois. Or, comme l’a écrit le constitutionnaliste Olivier Duhamel, « pour contrôler, il faut savoir. Pour savoir, il faut être informé. Pour être informé, le député peut interroger. »
Encore une fois, il ne s’agit que d’un devoir d’information du Parlement. Celui-ci en fera l’usage qui lui paraîtra le plus opportun. Répétons-le, il ne s’agit pas de donner au pouvoir législatif quelque droit de véto ou d’injonction que ce soit. Il s’agit plus simplement d’installer un climat de collaboration et de co-construction de la loi, dans le respect des prérogatives de chacun.
Même si l’on n’obtient jamais que les droits que l’on arrache, le président-rapporteur estime que la mise en œuvre de ces préconisations ne nécessite pas la modification de notre cadre constitutionnel tant il est convaincu que les prochains gouvernements comprendront qu’ils n’auront rien à perdre de cette implication nouvelle du Parlement.
PREMIÈRE PARTIE : ÉTAT DES LIEUX CHIFFRÉ
I. REMARQUES MÉTHODOLOGIQUES RELATIVES À L’ÉVALUATION DE L’APPLICATION DE LA LOI
Ainsi que le premier rapport de la mission d’information l’a exposé, l’exercice consistant à élaborer un bilan chiffré de l’application de la loi se heurte à des difficultés méthodologiques et oblige à faire des choix contestables. Aussi quelques remarques préalables, qui font écho à celles présentées dans le rapport de mars 2016, sont-elles souhaitables.
En premier lieu, une approche par article pour évaluer quantitativement l’état d’application de la loi est réductrice, puisqu’un même article peut comprendre plusieurs dispositions qui appellent des mesures d’application.
En deuxième lieu, il convient de distinguer le nombre de dispositions de la loi qui prévoient explicitement des mesures d’application du nombre de dispositions qui en requièrent effectivement pour produire des effets juridiques. Certaines dispositions nécessitent, de fait, une adaptation de la réglementation existante, alors même qu’elles ne prévoient pas expressément l’intervention de décrets ou d’arrêtés.
En troisième lieu, il convient de distinguer le nombre de dispositions de la loi qui prévoient des mesures d’application, du nombre d’ordonnances, de décrets ou d’arrêtés à publier, un même texte pouvant intervenir pour application de plusieurs dispositions, parfois contenues dans des articles distincts.
En quatrième et dernier lieu, des textes réglementaires ou des ordonnances publiés conformément aux dispositions de la loi peuvent eux-mêmes prévoir des mesures d’application. Il est fréquent que des décrets d’application renvoient à des arrêtés pour préciser certaines de leurs dispositions. De la même manière, les ordonnances impliquent elles-mêmes la publication de décrets qui, parfois, renvoient certaines précisions à des arrêtés. Une analyse exhaustive de l’application de la loi doit donc porter sur trois niveaux :
– les ordonnances, décrets et arrêtés prévus par la loi elle-même ;
– les arrêtés prévus par les décrets d’application de la loi d’une part, et les décrets et arrêtés prévus par les ordonnances prises sur habilitation de la loi, d’autre part ;
– les arrêtés prévus par les décrets qui précisent des ordonnances prises sur habilitation de la loi.
Par rapport au premier rapport, certains ajustements dans l’évaluation de l’application de la loi ont été effectués, notamment pour prendre en compte l’intervention de décrets qui n’étaient pas explicitement prévus par la loi, mais dont la publication était requise pour son application. À l’inverse, il est apparu que certaines dispositions étaient suffisamment précises pour ne pas requérir la publication des textes initialement envisagés.
II. L’APPLICATION DE PREMIER NIVEAU : LA LOI EST QUASIMENT ENTIÈREMENT ENTRÉE EN VIGUEUR
La quasi-totalité des dispositions de la loi du 6 août 2015 est aujourd’hui applicable. La loi compte 308 articles, parmi lesquels :
– dix-huit articles ont été frappés d’inconstitutionnalité dans l’intégralité de leurs dispositions ;
– 182 articles sont directement applicables dans l’intégralité de leurs dispositions ;
– six articles ont pour objet exclusif la remise de rapports au Parlement ;
– 83 articles nécessitent des précisions réglementaires pour 176 de leurs dispositions ;
– dix-sept articles comportent des habilitations au Gouvernement à légiférer par ordonnances dans 49 de leurs dispositions, sans nécessiter, par ailleurs, de mesures réglementaires d’application ; en outre, deux des 83 articles précédents habilitent le Gouvernement à légiférer par ordonnances en trois de leurs dispositions ;
– deux articles ont fait l’objet de modifications législatives ultérieures avant la publication des décrets prévus pour leur application.
À la date du 8 février 2017, 277 articles sont appliqués pour la totalité de leurs dispositions. Treize articles ne sont pas entièrement appliqués, soit qu’il manque une mesure réglementaire, soit qu’un rapport aurait dû être remis, soit qu’une habilitation n’a pas été utilisée, soit pour plusieurs de ces raisons à la fois.
A. L’APPLICATION RÉGLEMENTAIRE : 97,2 % DES PRÉCISIONS RÉGLEMENTAIRES ONT ÉTÉ PUBLIÉES
Concernant les mesures réglementaires, 94 décrets ont été publiés pour préciser 155 dispositions de la loi et 36 arrêtés – dont 21 arrêtés délimitant des zones touristiques internationales – ont précisé dix-sept de ses dispositions.
Dix-huit mois après la promulgation de la loi, sur les 176 dispositions qui nécessitaient des mesures réglementaires, 171 (10) sont désormais applicables, soit un taux de 97,2 %.
MESURES RÉGLEMENTAIRES D’APPLICATION DE LA LOI
Titre |
Chapitre |
Nombre de dispositions nécessitant des mesures réglementaires |
Nombre de mesures réglementaires publiées |
Taux de publication |
Titre Ier : Libérer l’activité |
Chapitre Ier : Mobilité |
31 |
30 |
96,77 % |
Chapitre II : Commerce |
4 |
4 |
100,00 % | |
Chapitre III : Conditions d’exercice des professions juridiques réglementées |
41 |
40 |
97,56 % | |
Chapitre IV : Dispositions relatives au capital des sociétés |
13 |
13 |
100,00 % | |
Chapitre V : Urbanisme |
5 |
5 |
100,00 % | |
Sous-total Titre Ier : Libérer l’activité |
94 |
92 |
99,04 % | |
Titre II : Investir |
Chapitre Ier : Investissement |
23 |
23 |
95,65 % |
Chapitre II : Entreprises à participation publique |
10 |
9 |
90,00 % | |
Chapitre IV : Simplifier |
15 |
15 |
100,00 % | |
Chapitre V : Assurer la continuité de la vie des entreprises |
3 |
3 |
100,00 % | |
Sous-total Titre II : Investir |
51 |
50 |
98,04 % | |
Titre III : Travailler |
Chapitre Ier : Exceptions au repos dominical et en soirée |
4 |
4 |
100,00 % |
Chapitre II : Droit du travail |
26 |
24 |
92,31 % | |
Sous-total Titre III : Travailler |
30 |
28 |
93,33 % | |
Titre IV : Dispositions finales |
1 |
1 |
100,00 % | |
Sous-total Titre IV : Dispositions finales |
1 |
1 |
100,00 % | |
Total général |
176 |
171 |
97,16 % |
Source : mission d’information.
La quasi-totalité des textes réglementaires prévus par la loi ont été pris. Seules cinq dispositions de la loi devant être précisées par le pouvoir réglementaire, ne l’ont pas encore été. Au moins quatre décrets doivent encore être publiés (11). Trois de ces décrets auraient déjà dû être publiés, selon l’échéancier prévisionnel du site de Légifrance.
L’article 4 de la loi prévoyait la mise en place d’un système d’ouverture des données des services réguliers de transport public de personnes en vue d’informer les usagers et de fournir le meilleur service. Les exploitants ont l’obligation de diffuser ces données par voie électronique, dans un format ouvert permettant une réutilisation libre, immédiate et gratuite. Cet article prévoit un accompagnement souple du développement de ce système par le droit, par l’intermédiaire de codes de conduite, de protocoles et de lignes directrices. Un décret en Conseil d’État doit définir les conditions d’application du dispositif pour les exploitants qui n’ont pas adhéré aux documents susmentionnés. Lors de son audition par la mission d’information en janvier 2016, M. Alain Vidalies avait précisé que le décret entrerait en vigueur début avril. À ce stade, plus de dix mois après cette date, aucun décret n’a été publié.
L’article 54 de la loi a modifié l’article 3 de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers. Il a en particulier opéré des changements dans les renvois à certaines précisions réglementaires. Il était déjà prévu qu’un décret en Conseil d’État détaille la compétence territoriale des huissiers de justice, leur résidence, les modalités suivant lesquelles ils peuvent être admis à constituer des groupements ou des associations, leurs obligations professionnelles et les conditions d’aptitude à exercer leurs fonctions.
L’article 54 a précisé que le pouvoir réglementaire devait détailler, parmi les conditions d’aptitude à exercer les fonctions d’huissier, les conditions de reconnaissance professionnelle des clercs salariés. S’il existait déjà des dispositions réglementaires – restrictives – concernant la reconnaissance de l’expérience des clercs d’huissier (12), cet ajout incitait le Gouvernement à prendre des dispositions décrétales de nature à faciliter l’intégration des clercs dans la profession. Le président-rapporteur a d’ailleurs écrit un courrier au garde des Sceaux à ce sujet (13) et a posé une question écrite (voir encadré ci-après).
Question N° 99852 de M. Richard Ferrand sur la situation des clercs habilités d’huissiers de justice (11/10/2016)
M. Richard Ferrand attire l’attention de M. le garde des Sceaux, ministre de la justice, sur l’adoption des textes réglementaires relatifs aux modalités du mécanisme de validation des acquis de l’expérience (VAE) pour les clercs d’huissiers de justice prévu par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Alors que le dispositif de VAE pour les clercs de notaires habilités également prévu par cette même loi a été créé par l’article 17 du décret n° 2016-661 du 20 mai 2017, le décret devant définir le dispositif du mécanisme de VAE pour les clercs d’huissiers de justice n’est toujours pas paru. L’article 3 de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 tel que modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (article 54) prévoit pourtant qu’ « un décret en Conseil d’État définit : 1° les conditions d’aptitude à leurs fonctions, parmi lesquelles les conditions de reconnaissance de l’expérience professionnelles des clercs salariés ». Tant que ce texte réglementaire ne sera pas adopté, le régime juridique applicable est celui de l’article 2-10° du décret n° 75-770 du 14 août 1975 relatif aux conditions d’accès à la profession d’huissier de justice. Celui-ci prévoit que « peuvent être dispensés de l’examen professionnel ou de tout ou partie du stage (...) les personnes ayant accompli cinq années au moins d’exercice professionnel dans le service juridique ou fiscal d’une entreprise publique ou privée employant au moins trois juristes ». Selon la jurisprudence relative à cette disposition, les fonctions de juriste doivent donc avoir été effectuées dans un service dont l’activité est distincte de celle résultant du simple exercice professionnel du droit dans une étude d’huissier. Une personne ayant exercé comme clerc d’huissier salarié dans une étude depuis plus de cinq ans ne peut donc pas prétendre à une dispense pour les examens écrits ou les stages, contrairement à ce que prévoit la loi du 6 août 2015. Ainsi il lui demande quel est le calendrier envisagé par le Gouvernement pour la parution de ce décret d’application relatif à la VAE des clercs d’huissiers salariés.
Source : http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-99852QE.htm
D’après les informations que la mission d’information a pu recueillir, le ministère de la justice considère que, pour le moment, le dispositif en vigueur satisfait aux exigences de la loi. Néanmoins, un travail d’analyse complémentaire pourra être accompli dans le cadre de la phase réglementaire d’application de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice.
L’article 193 prévoit l’intervention d’un décret simple pour déterminer le mode de calcul des éléments du ratio défini comme le rapport entre la dette financière nette et la marge opérationnelle de SNCF Réseau. Ce décret, dont la publication était initialement prévue pour novembre 2015, n’a pas été pris (voir infra).
L’article 258 nécessitait l’intervention de six décrets pour entrer en vigueur. Quatre d’entre eux ont été publiés (voir infra). Un décret doit déterminer les modalités d’indemnisation du défenseur syndical exerçant son activité professionnelle en dehors de tout établissement ou dépendant de plusieurs employeurs. Il n’a pas encore été publié. Le dernier décret prévu s’inscrit dans une temporalité différente. Il s’agit de fixer le délai à la suite duquel tout conseiller prud’homme qui n’a pas satisfait à l’obligation de formation initiale est réputé démissionnaire. Cette disposition n’a pas vocation à s’appliquer avant le renouvellement des conseillers prud’homaux qui doit intervenir à une date qui sera fixée par décret et, au plus tard, avant le 31 décembre 2017 (14).
B. LES ORDONNANCES DE LA LOI : 24 ORDONNANCES COUVRANT 42 HABILITATIONS
Vingt-quatre ordonnances ont été publiées, couvrant 42 habilitations de la loi. Il n’est pas toujours aisé de déterminer avec précision les habilitations sur lesquelles le Gouvernement s’est appuyé pour prendre des mesures par ordonnance. La mission s’est néanmoins efforcée à recenser celles des habilitations qui n’ont pas été utilisées par le Gouvernement, étant entendu que le délai d’habilitation a expiré pour l’ensemble des dispositions de la loi autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Elles sont au nombre de onze, récapitulées dans le tableau suivant.
HABILITATIONS À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE DONT LE GOUVERNEMENT N’A PAS FAIT USAGE
Objet | |
Article 65, 1° |
Moderniser les conditions d’exercice de la profession d’expertise comptable en transposant les dispositions de la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013, modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI ») dans l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable |
Article 106, I, 1°, a) |
Accélérer l’instruction et la prise des décisions relatives aux projets de construction et d’aménagement, notamment ceux favorisant la transition écologique, et favoriser leur réalisation : en réduisant les délais de délivrance des décisions prises sur les demandes d’autorisation d’urbanisme, notamment grâce à une diminution des délais d’intervention des autorisations, avis ou accords préalables relevant de législations distinctes du code de l’urbanisme |
Article 106, I, 2°, b, c et d |
Modifier les règles de désignation et les attributions des autorités environnementales en vue de les adapter à l’évolution des règles applicables à l’évaluation environnementale et à leurs exigences |
Article 106, I, 3°, d) |
Tirer, s’il y a lieu, les conséquences sur les procédures existantes de ces nouvelles modalités d’information et de participation du public |
Article 106, I, 3°, e) |
Permettre que les modalités d’information et de participation du public puissent être fixées en fonction des caractéristiques du plan, de l’opération, du programme ou du projet, de l’avancement de son élaboration, des concertations déjà conduites ainsi que des circonstances particulières propres à ce plan, à cette opération, à ce programme ou à ce projet et en promouvant le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication pour garantir la participation du plus grand nombre |
Article 106, I, 3°, f) |
Simplifier, clarifier et adapter les modalités des enquêtes publiques, en étendant la possibilité de recourir à une procédure unique de participation du public pour plusieurs projets, plans ou programmes ou pour plusieurs décisions et en promouvant le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication pour garantir la participation du plus grand nombre |
Article 106, I, 4° |
Accélérer le règlement des litiges relatifs aux projets, notamment ceux favorisant la transition énergétique, susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement et assurer, dans l’intérêt de la préservation de l’environnement et de la sécurité juridique des bénéficiaires des décisions relatives à ces projets, l’efficacité et la proportionnalité de l’intervention du juge, notamment en précisant les conditions dans lesquelles les juridictions administratives peuvent être saisies d’un recours et en aménageant leurs compétences et leurs pouvoirs |
Article 220 |
Habilitation à légiférer par ordonnance en vue de la création d’une carte d’identité virtuelle des entreprises |
Article 222 |
Développement de la facturation électronique dans les relations entre les entreprises, en facilitant l’acceptation des factures transmises par voie électronique, par l’institution d’une obligation, applicable aux contrats en cours, d’acceptation des factures émises sous forme dématérialisée, entrant en vigueur de façon progressive pour tenir compte de la taille des entreprises concernées |
Article 240, 2° |
Modifier le régime applicable au gage de meubles corporels et au gage des stocks dans le cadre du livre VI du code de commerce en vue de favoriser la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif |
Article 261, 2° |
Mesures relevant du domaine de la loi relatives à l’accès au corps de l’inspection du travail par voie d’un concours réservé aux agents relevant du corps des contrôleurs du travail et remplissant des conditions d’ancienneté |
Source : mission d’information.
C. TRÈS PEU DE RAPPORTS PRÉVUS PAR LA LOI ONT ÉTÉ REMIS AU PARLEMENT
Sept rapports auraient dû être remis au Parlement, à la date de publication du présent rapport. Seuls trois lui sont parvenus.
LES RAPPORTS PRÉVUS PAR LA LOI
Les rapports remis sont en italique
Date limite de dépôt |
Article de la loi |
Objet |
Auteur |
Destinataire |
Six mois à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi |
Article 67 de la loi du 9 décembre 2004 |
Application de la loi |
Gouvernement |
Parlement |
Un an à compter de la promulgation de la loi |
Article 9 |
Impact du développement du transport par autocar sur l’environnement, notamment en termes d’émissions de gaz à effet de serre |
Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) |
Parlement et public |
Deux mois à compter de la promulgation de la loi |
Article 26 |
Rapport présentant les modifications apportées à la composition du Conseil supérieur de l’éducation routière |
Gouvernement |
Parlement |
Quatre mois à compter de la promulgation de la loi |
Article 31 |
Rapport dans lequel le Gouvernement présente des mesures concrètes visant à renforcer la concurrence dans le secteur de la grande distribution en facilitant les changements d’enseignes |
Gouvernement |
Parlement |
31 décembre 2015 |
Article 48 |
Rapport portant sur les conséquences du marketing différencié en fonction du sexe, les écarts de prix selon le sexe du consommateur et les inégalités pesant sur le pouvoir d’achat des femmes et des hommes. |
Gouvernement |
Parlement |
Deux ans à compter de la promulgation de la loi |
Article 52 |
Rapport sur l’opportunité d’étendre les conditions relatives à l’implantation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle |
Gouvernement |
Parlement |
Deux ans à compter de la promulgation de la loi |
Article 59 |
Rapport sur l’évolution du nombre de notaires, d’huissiers de justice, de commissaires-priseurs judiciaires et de greffiers de tribunal de commerce salariés depuis la promulgation de la loi et sur l’évolution de la proportion de jeunes et de femmes parmi ces salariés. |
Gouvernement |
Parlement |
Deux ans à compter du début de l’expérimentation (fixé au 1er janvier 2016 au plus tard) |
Article 60 |
Rapport sur les conditions d’exécution de la délégation de la gestion matérielle des registres du commerce des sociétés à la chambre de commerce et d’industrie compétente dans les départements d’outre-mer de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion. |
Gouvernement |
Parlement |
31 décembre 2015 |
Article 110 |
Rapport sur l’évaluation des effets de l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme |
Gouvernement |
Parlement |
Six mois à compter de la publication de la loi |
Article 172 |
Rapport sur la création de plateformes de cotations régionales ou de bourses régionales dans chaque métropole régionale, en Hexagone et dans les outre-mer, afin de fournir un outil de circuits courts de financement régional |
Gouvernement |
Parlement |
Six mois à compter de la promulgation de la loi |
Article 176 |
Rapport sur l’impact de l’innovation ouverte pour le droit et la pertinence d’une adaptation des outils juridiques |
Gouvernement |
Parlement |
Trois ans après la délimitation d’une zone touristique internationale |
Article 242 |
Évaluation économique et sociale des pratiques d’ouverture des commerces qui se sont développées à la suite d’une délimitation d’une zone touristique internationale |
Gouvernement |
Parlement |
Source : mission d’information.
Note de lecture : les rapports remis sont en italique.
III. LES TEXTES D’APPLICATION DE NIVEAU 2 ET 3
85 dispositions des vingt-quatre ordonnances publiées requièrent des précisions réglementaires. À ce stade, trente-huit de ces dispositions ont été précisées par dix décrets et un arrêté. Au total, 45 % des dispositions des ordonnances nécessitant des mesures réglementaires d’application ont été précisées.
Les 94 décrets pris en application de la loi du 6 août 2015 requièrent des précisions par arrêté pour 55 de leurs dispositions. À ce stade, au moins 33 de ces dispositions ont été précisées par 24 arrêtés, ce qui correspond à un taux de 60 %.
Dix arrêtés sont prévus en application de décrets prévus par les ordonnances. Ils concernent exclusivement les décrets pris en application des ordonnances environnementales. Un de ces arrêtés a été publié : l’arrêté du 12 janvier 2017 fixant le modèle du formulaire de la « demande d’examen au cas par cas » en application de l’article R. 122-3 du code de l’environnement.
Au total, vingt-quatre ordonnances, 104 décrets et 60 arrêtés (dont 21 arrêtés sur des zones touristiques internationales) ont été publiés. Un récapitulatif de l’ensemble de ces textes est présenté en annexe.
DEUXIÈME PARTIE : DISPOSITIONS RELATIVES À LA MOBILITÉ
I. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUVERTURE DU TRANSPORT INTERURBAIN DE VOYAGEURS PAR AUTOCAR
A. LES SERVICES DE TRANSPORT RÉGULIER PAR AUTOCAR : VÉHICULES, LIAISONS, RÉGULATION
1. L’ouverture des liaisons interurbaines régulières par autocar et la régulation des liaisons inférieures ou égales à 100 kilomètres
Le principe selon lequel « les entreprises de transport public routier de personnes établies sur le territoire national peuvent assurer des services réguliers interurbains » est affirmé par l’article L. 3111-17 du code des transports, créé par l’article 5 de la loi.
Cette possibilité est également ouverte, par l’article 6 de la loi, à des entreprises non établies en France (nouvel article L. 3421-2 du code des transports), mais uniquement dans le cadre des services réguliers qu’elles assurent pour transporter des voyageurs entre des arrêts situés dans des États différents.
Les services interurbains concernés par cette ouverture à la concurrence sont définis par l’article L. 3111-21. Ils regroupent :
– les services qui ne sont pas intégralement inclus dans le ressort territorial d’une autorité organisatrice de la mobilité (AOM) (15), et
– en Île-de-France, seule région dans laquelle l’ensemble du territoire est « couvert » par la compétence d’une autorité organisatrice de transport unique (le Syndicat des transports d’Île-de-France – STIF), les services exécutés sur une distance supérieure à un seuil fixé par décret (au-delà de 40 kilomètres, cf. décret n° 2015-1266 du 13 octobre 2015).
Ces services sont donc en principe librement organisés. Toutefois, un seuil de 100 kilomètres, fixé par l’article L. 3111-18, amène à les répartir en deux catégories :
– les services assurant une liaison dont deux arrêts sont distants de plus de 100 kilomètres ne font l’objet d’aucune formalité particulière. Ils peuvent être commercialisés ou supprimés librement par les opérateurs ;
– les services assurant une liaison dont deux arrêts sont distants de 100 kilomètres ou moins doivent faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) et peuvent, dans certains cas, être interdits ou faire l’objet de mesures de limitation par décision d’une autorité organisatrice de transport (AOT) (16). Une telle décision ne peut être prise que si, d’une part, l’AOT a saisi l’ARAFER dans le délai prévu, et, d’autre part, l’ARAFER a rendu un avis favorable à l’interdiction ou à la limitation envisagée par l’AOT (avis conforme).
Puisqu’il constitue une exception au principe d’ouverture, le droit pour une AOT d’empêcher l’ouverture d’une liaison ou d’exiger que des modifications soient apportées par l’entreprise sur cette liaison est strictement encadré par l’article L. 3111-18 : une AOT peut, après avis conforme de l’ARAFER, exercer ce droit si deux conditions sont réunies :
1° Les services déclarés sont exécutés « entre des arrêts dont la liaison est assurée sans correspondance par un service régulier de transport qu’elle organise », et
2° Ces services « portent, seuls ou dans leur ensemble, une atteinte substantielle à l’équilibre économique de la ligne ou des lignes de service public de transport susceptibles d’être concurrencées ou à l’équilibre économique du contrat de service public de transport concerné. »
L’ARAFER, autorité de régulation créée en 1997 pour le secteur ferroviaire, est désormais également chargée de missions de régulation dans le secteur routier : l’article L. 3111-22 la charge de concourir, par l’exercice de ses nouvelles compétences, « au bon fonctionnement du marché et, en particulier, du service public, au bénéfice des usagers et des clients des services de transport routier et ferroviaire. » Il convient de rappeler que le nouveau domaine d’intervention de l’ARAFER, qui la transforme en régulateur « bi-modal » ne concerne pas seulement le transport public par autocar mais aussi l’activité des sociétés concessionnaires d’autoroutes.
En ce qui concerne le transport par autocar, la procédure de régulation des liaisons inférieures ou égales à 100 kilomètres est décrite par l’ARAFER grâce au schéma ci-dessous :
L’article 5 de la loi, en ce qui concerne son activité dans le secteur du transport par autocar, permet à l’ARAFER de « recueillir des données, procéder à des expertises et mener des études et toutes actions d’information nécessaires ». Elle peut notamment « imposer la transmission régulière d’informations par les entreprises du secteur (…) ». Celles-ci, tout comme les entreprises ferroviaires et les sociétés concessionnaires d’autoroutes, sont tenues de lui fournir des informations statistiques nombreuses et détaillées, en application de l’article L. 3111-24 du code des transports créé par l’article 5 de la loi.
Ces dispositions permettent à l’ARAFER de disposer d’informations précises non seulement sur les liaisons régulées, mais aussi sur les liaisons qui ne sont pas dans le champ de sa compétence de régulation, c’est-à-dire les liaisons supérieures à 100 kilomètres.
Ont été publiés :
– pour l’application des articles 5 et 6 de la loi, le décret n° 2015-1266 du 13 octobre 2015 relatif aux services réguliers interurbains de transport public routier de personnes librement organisés, entré en vigueur le 15 octobre 2016 ;
– pour l’application de l’article 5 de la loi, la décision de l’ARAFER n° 2015-043 du 2 décembre 2015 relative à la transmission trimestrielle d’informations par les entreprises du secteur des transports publics routiers interurbains de personnes.
Le décret du 13 octobre 2015 introduit une série de définitions dans le dispositif réglementaire existant (notamment les notions de « service routier librement organisé », « assurer une liaison », « distance routière d’une liaison » et « liaison soumise à régulation »), indique quelles catégories de véhicules peuvent être utilisées, fixe à 40 kilomètres le seuil spécifique permettant de définir les « services interurbains » en Île-de-France, définit les modalités précises de la procédure de déclaration de liaisons à l’ARAFER (contenu du dossier de déclaration, contenu du dossier de saisine, conditions de recevabilité de la saisine, précisions que doit comporter la déclaration d’interdiction ou de limitation…) et précise les modalités d’application des dispositions de l’article 6 de la loi relative aux services librement organisés dans le cadre du « cabotage » international.
Des précisions supplémentaires relatives aux modalités des procédures de déclaration et de saisine de l’ARAFER ont été apportées très récemment, par un décret du 30 janvier 2017 (17) ; l’article R. 3111-48 du code des transports, dans sa rédaction issue de ce décret, dresse la liste détaillée des informations et documents qu’une AOT qui saisit l’ARAFER doit fournir à celle-ci, par voie électronique, pour que le dossier de saisine soit considéré comme complet : l’AOT doit communiquer un grand nombre de données relatives à la liaison conventionnée de service public susceptible d’être concurrencée par l’ouverture de la nouvelle ligne d’autocars (convention de service public correspondante, dernier rapport d’exécution de cette convention, données relatives au trafic et aux recettes commerciales, détaillées par groupe tarifaire, données relatives aux contributions publiques versées par l’AOT et aux coûts supportés par l’exploitant, données de comptage détaillées pour chaque horaire de chaque jour de la semaine, évaluation motivée de l’atteinte substantielle portée par la liaison envisagée sur cette liaison existante en termes de trafic et de ressources…).
2. Les caractéristiques techniques et les équipements obligatoires des autocars
L’article 2 introduit dans le code de l’environnement un article L. 224-6 prévoyant que les services réguliers de transport par autocar devront être exécutés avec des véhicules répondant à des normes de pollution atmosphérique définies par arrêté des ministres chargés de l’économie et des transports. Il convient de rappeler que les normes en matière d’émissions polluantes des véhicules, qu’il s’agisse des poids lourds ou des véhicules légers, sont fixées par des textes de l’Union européenne.
L’article 3 introduit dans le code de la route un article L. 317-9 qui prévoit que tout autocar doit être équipé de dispositifs « permettant d’en prévenir la conduite sous l’empire d’un état alcoolique », c’est-à-dire d’éthylotests anti-démarrage. L’article précise que des dérogations peuvent être prévues, et que les modalités d’application seront définies par décret en Conseil d’État.
Enfin, le I de l’article 6 a modifié les dispositions générales du code des transports relatives à l’accès des personnes handicapées ou à mobilité réduite aux services de transport, afin d’exclure les services d’autocars librement organisés du champ couvert par les schémas directeurs d’accessibilité que doivent obligatoirement élaborer les AOT, ainsi que du champ des « agendas d’accessibilité programmée » (dont l’élaboration est facultative pour les AOT).
b. Les textes réglementaires d’application
Pris pour l’application de l’article 2 de la loi, l’arrêté du 22 septembre 2015 fixant les normes d’émission de polluants atmosphériques des véhicules assurant des services réguliers interurbains de transport public routier de personnes librement organisés fixe les niveaux d’émissions polluantes que doivent respecter les autocars assurant des services librement organisés : les véhicules de norme Euro V ou Euro 5 sont autorisés à circuler jusqu’au 31 décembre 2017. À compter du 1er janvier 2018, seuls les véhicules « Euro VI » ou « Euro 6 » seront autorisés.
On peut noter que, dans le décret n° 2015-1266 du 13 octobre 2015 précité, il est prévu que les véhicules affectés à des services routiers librement organisés doivent être munis d’une signalétique distincte, qui sera définie par arrêté, apposée sur le véhicule et permettant son éventuel contrôle par les agents publics (article R. 3411-10 du code des transports). À ce jour, l’arrêté ainsi prévu n’a pas encore été publié.
Le décret en Conseil d’État prévu par l’article 3 (modalités d’application de l’obligation d’équiper tous les autocars d’éthylotests antidémarrage) n’a pas encore été publié ; un projet de décret a été communiqué par le Gouvernement à la mission d’information. Toutefois, dans l’échéancier de mise en œuvre publié par le Gouvernement, il est indiqué que les dispositions réglementaires existantes, édictées en 2009 (18), ne nécessitent pas de modification.
L’un des problèmes majeurs signalés par les opérateurs auditionnés concerne l’accessibilité exigée pour le matériel roulant utilisé, en application de l’article 5 de la loi.
La loi n’a pas prévu d’entrée en vigueur différée pour l’application aux nouvelles liaisons des règles en vigueur relatives à l’accessibilité, mais un décret spécifique a été publié moins de six semaines après la promulgation de la loi. Ce décret n° 2015-1170 du 22 septembre 2015 relatif à l’accessibilité du matériel roulant affecté aux services réguliers interurbains de transport public routier de personnes librement organisés intègre les véhicules routiers acquis pour assurer les services librement organisés à la liste des matériels roulant devant être accessibles aux personnes à mobilité réduite, liste figurant à l’article D. 1112-1 du code des transports.
Par conséquent, depuis la fin du mois de septembre 2015, en vertu de ce décret, les véhicules « acquis à l’occasion de la création ou de l’extension » des liaisons par autocar régies par la loi du 6 août 2015, ou acquis à l’occasion « du renouvellement du parc utilisé pour ces services », doivent obligatoirement être accessibles aux personnes handicapées ou à mobilité réduite (PMR). Or, une grande partie des flottes de véhicules utilisés pour assurer les nouvelles liaisons ne remplit pas les exigences réglementaires d’accessibilité. Par exemple, les liaisons « Isilines » ouvertes par cette entreprise dès le mois d’août 2015 ont « démarré » avec les autocars existants, qui ne sont pas tous accessibles aux PMR; en revanche, tous les véhicules acquis ensuite pour assurer de nouvelles liaisons remplissent les exigences d’accessibilité et respectent donc les dispositions de la loi et du décret. Il est à noter qu’en Allemagne les exigences d’accessibilité n’étaient entrées en vigueur que plusieurs années après l’ouverture à la concurrence.
Les règles en vigueur relatives à l’accessibilité des transports aux PMR sont complexes, mais il convient de rappeler que le principe qui a été posé par l’article L. 1112-1 du code des transports dans sa version résultant d’une ordonnance de 2014 est que « les services de transport collectif sont rendus accessibles aux personnes handicapées ou dont la mobilité est réduite avant le 13 février 2015 ». Indépendamment des dispositions de la loi du 6 août 2015, il est avéré qu’une partie des autocars en circulation ne respecte pas les exigences légales et réglementaires en la matière. La Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) a toutefois indiqué, lors d’une audition, que le rythme de renouvellement du parc est suffisamment rapide pour garantir que d’ici quelques années tous les autocars non accessibles auront été remplacés par des modèles accessibles.
3. Premiers éléments sur la mise en œuvre de ces dispositions
a. Ce nouveau marché a connu un essor immédiat, qui se poursuit
Lors de sa première audition par la mission d’information le 25 novembre 2015, M. Emmanuel Macron a indiqué que, à peine un trimestre après la promulgation de la loi, 80 villes étaient déjà desservies par de nouvelles lignes d’autocars, et que 300 000 passagers avaient été transportés depuis l’ouverture de ces lignes, contre 110 000 sur l’intégralité de l’année 2014. Il a également indiqué que l’ouverture du transport par autocar avait déjà créé à ce stade plus de 1 000 emplois, ce qu’a confirmé M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, lors de son audition du 26 janvier 2016.
Auditionné par la commission de l’aménagement du territoire du Sénat le 26 janvier 2017, le nouveau président de l’ARAFER, M. Bernard Roman, a souligné que « la loi Macron a confié à l’ARAFER une mission essentielle d’observation de ce nouveau marché » – mission qui pourrait, selon lui, être utilement étendue à l’ensemble du marché des transports. L’ARAFER a constitué en son sein l’Observatoire des marchés de transports, qui publie des analyses sectorielles relatives au secteur ferroviaire, au secteur autoroutier et au secteur du transport par autocar ; sur celui-ci, l’Observatoire publie des études trimestrielles du développement de ce marché (19).
L’Autorité a également publié un premier rapport (20) en application des articles L. 3111-23 et L. 3114-9 du code des transports, portant sur la période allant de la promulgation de la « loi Macron » au 30 juin 2016. Dans celui-ci, elle constate que, pour les liaisons de plus de 100 kilomètres, cinq opérateurs d’envergure nationale se sont rapidement positionnés sur le marché nouvellement libéralisé, qui connaît une expansion continue, l’offre rencontrant une demande également croissante. Au 30 septembre 2016, le secteur représentait 2 050 ETP, dont près de 1 400 depuis la libéralisation de cette activité. Le réseau de transport correspondant reliait 208 villes au total, dans 76 départements, et avait transporté 5,3 millions de passagers depuis la promulgation de la loi.
Plus de 80 % de la fréquentation s’effectue sur des distances comprises entre 100 et 500 kilomètres. Au troisième trimestre 2016, les cinq liaisons les plus fréquentées ont été : Paris-Lille, Paris-Lyon, Paris-Rouen, Paris-Rennes et Paris-Toulouse. Toutefois, la très grande majorité (86 %) des liaisons exploitées sont des lignes transversales et non radiales (en provenance ou à destination de Paris).
La saisonnalité représente un facteur important d’évolution : les opérateurs ont, en particulier, ouvert de nouvelles liaisons vers le littoral pour la période estivale, et ont, à l’inverse, réduit la fréquence de liaisons en direction de la Bretagne ou de la Normandie à la fin de cette période.
b. La situation de la concurrence du secteur
M. Gilles Savary a auditionné, le 19 janvier 2016, des représentants de plusieurs entreprises ayant ouvert de nouvelles liaisons dans le cadre de la loi du 6 août 2015 (Ouibus, Transdev, FlixBus et Starshipper) ainsi que de la FNTV. Tous ont salué le dispositif législatif adopté, pour la flexibilité qu’il permet s’agissant de l’ouverture et de la fermeture sans déclaration des liaisons de plus de 100 kilomètres, et le représentant de Starshipper a observé que le phénomène de sous-traitance de lignes par des grands opérateurs comme Transdev et Flixbus à des PME est un facteur positif très important pour celles-ci.
Les opérateurs ont reconnu qu’une véritable « guerre des prix » a été lancée entre eux pour attirer les voyageurs vers ces nouveaux services en affirmant la compétitivité de l’autocar par rapport à d’autres modes de transport (ferroviaire, covoiturage), avec des résultats très conséquents en nombre de passagers transportés – et que les prix très bas pratiqués sur beaucoup de ces liaisons ne sont pas compatibles avec un modèle économique durable, d’autant qu’une augmentation des redevances perçues pour l’usage des gares routières a été constatée par ces opérateurs (il a été signalé que le tarif de certaines redevances a doublé, par exemple à Marseille). Un mouvement de concentration et/ou de hausse des prix était donc prévisible dans le secteur à moyen terme, à l’image de ce qui s’est produit en Allemagne.
Selon les données publiées par l’ARAFER, Flixbus est l’opérateur qui commercialise le plus de liaisons (54 %), suivi par Eurolines/Isilines (37 %) et Ouibus (23 %). Le secteur vient de connaître un mouvement de concentration significatif, puisque le nombre d’opérateurs principaux est passé de cinq à trois au troisième trimestre 2016, suite au rachat par Flixbus des activités « Europe continentale » de Megabus, et du passage de Starshipper sous franchise de l’opérateur Ouibus. D’autre part, l’ajustement des prix des billets commence à se faire à la hausse, car les « prix cassés » pratiqués dans les premiers mois de l’activité ne pouvaient pas assurer un modèle économique rentable. L’attractivité et le succès commercial des « cars Macron » sont considérables, mais aucun opérateur du secteur ne dégage, à ce stade, de bénéfices.
La concurrence demeure très vive dans le secteur, et une plainte a été déposée par Transdev auprès de l’Autorité de la concurrence en décembre 2016 à l’encontre de la SNCF, pour abus de position dominante de sa filiale Ouibus. Transdev, au nom de sa filiale Isilines, reproche à la SNCF d’avoir recapitalisé Ouibus de manière à ce que cette société continue de créer de nouvelles lignes tout en les exploitant à perte.
Les services librement organisés (SLO) de transport par autocar font-ils concurrence aux autres modes de transport ? Bien que le chiffre de 5,3 millions de passagers transportés entre le 8 août 2015 et le 30 septembre 2016 soit considérable, les observations de l’ARAFER, présentées par son président devant les sénateurs, permettent de conclure que, contrairement aux inquiétudes exprimées pendant les débats législatifs, le développement de ces liaisons par autocar ne constitue pas une véritable « menace » pour les transports conventionnés régionaux de voyageurs. Le rapport de l’ARAFER montre que les liaisons par autocar conventionnées de service public et les SLO sont très peu en concurrence : seules quarante liaisons routières sont couvertes simultanément par les deux types d’autocars. Quant à l’offre ferroviaire assurée par les régions (trains express régionaux), sur 45 000 liaisons ferroviaires desservies par TER, seules 160 le sont aussi par des SLO.
Il est, en revanche, intéressant de constater que, selon l’enquête réalisée par l’ARAFER auprès des passagers de ces cars au dernier trimestre 2016, 86 % d’entre eux ont emprunté ce mode de transport sur des liaisons également assurées par TGV : il existe donc bien une clientèle significative pour laquelle le facteur prix pèse infiniment plus que le facteur « temps de trajet ». M. Bernard Roman a également souligné que lorsque l’on demande aux passagers quel mode de transport ils auraient choisi en l’absence de SLO, 44 % répondent qu’ils auraient pris la voiture (soit leur propre voiture, soit en covoiturage), 37 % auraient pris le train, et près de 17 % répondent qu’ils n’auraient pas voyagé.
c. La contestation des liaisons privées par les autorités publiques organisatrices
S’agissant des liaisons inférieures ou égales à 100 kilomètres, qui doivent obligatoirement faire l’objet d’une déclaration auprès de l’ARAFER et qui peuvent donner lieu à une contestation par les autorités organisatrices de transport (AOT), au 8 février 2017, 271 déclarations ont été faites, par quatorze entreprises au total, auprès de l’Autorité.
Les sociétés ayant effectué le plus grand nombre de déclarations sont Flixbus (89 déclarations), Eurolines (43 déclarations) et Migratour (39 déclarations). On peut observer que ces sociétés ont, s’agissant de ces liaisons inférieures ou égales à 100 kilomètres, des « profils » très différents : Migratour, société implantée en Haute-Loire, a ouvert des liaisons de ce type uniquement dans sa région d’implantation – et aucune n’a fait l’objet d’une saisine (21). À l’opposé, Flixbus, entreprise fondée en Allemagne et qui assure essentiellement des lignes longue distance, a déclaré des liaisons situées dans neuf régions différentes, suscitant un grand nombre de saisines (46 au total au 8 février 2017). Eurolines, qui dessert également un grand nombre de destinations en Europe, a déclaré des liaisons dans dix régions, suscitant trente saisines.
RÉPARTITION DES DÉCLARATIONS FAITES AUPRÈS DE L’ARAFER
Compagnies |
Nombre de déclarations |
Délai de saisine expiré |
Délai de saisine non expiré |
Déclarations annulées par leurs auteurs | ||
Saisines de l’ARAFER |
Pas de saisine |
|||||
Avis rendus |
Avis en attente |
|||||
Autocars Faure |
34 |
0 |
0 |
16 |
18 |
0 |
Courriers rhodaniens |
2 |
0 |
0 |
0 |
0 |
2 |
DMA Autocars |
2 |
0 |
0 |
2 |
0 |
0 |
Escapad’Kreol |
2 |
0 |
0 |
2 |
0 |
0 |
Eurolines |
43 |
28 |
2 |
12 |
0 |
1 |
FlixBus |
89 |
44 |
3 |
35 |
4 |
3 |
Frethelle |
14 |
10 |
1 |
3 |
0 |
0 |
Keolis Sud Lorraine |
1 |
0 |
0 |
1 |
0 |
0 |
Les cars Barbe |
3 |
0 |
0 |
3 |
0 |
0 |
Migratour |
39 |
0 |
0 |
39 |
0 |
0 |
Ouibus |
10 |
0 |
0 |
10 |
0 |
0 |
Perpicat (Boularas) |
6 |
0 |
0 |
1 |
5 |
0 |
Starshipper |
22 |
4 |
4 |
11 |
3 |
0 |
Trans-Alpes |
4 |
2 |
0 |
0 |
0 |
2 |
TOTAL |
271 |
88 |
10 |
135 |
30 |
8 |
Source : données issues du site Internet de l’ARAFER (au 20 février 2017).
Parmi les 271 déclarations, huit ont été annulées par leurs auteurs. Moins de la moitié des déclarations restantes ont suscité une contestation par une AOT ; l’ARAFER s’est prononcé sur 88 d’entre elles, et a, dans les deux tiers des cas, rendu un avis défavorable aux AOT qui souhaitaient limiter ou interdire l’ouverture de la liaison déclarée. Le délai de saisine n’est pas encore expiré pour vingt-neuf déclarations. L’ARAFER a été contrainte d’utiliser à 32 reprises la possibilité, que la loi lui donne, de prolonger d’un mois le délai d’instruction d’une saisine.
Les deux premières décisions de l’ARAFER (17 février 2016), défavorables à des projets d’interdiction de la région Limousin au sujet de deux liaisons déclarées par Flixbus, ont donné lieu à un recours contentieux, par la région Nouvelle-Aquitaine, devant le Conseil d’État ; celui-ci a validé les deux avis de l’ARAFER, en estimant, comme l’avait fait l’Autorité, que les liaisons concernées ne portaient pas une atteinte substantielle à l’équilibre économique des lignes TER (décisions du Conseil d’État du 23 décembre 2016).
On peut noter que les AOT qui ont décidé de saisir l’ARAFER pour contester l’ouverture d’une liaison par autocar sont toutes des régions, à l’exception d’un département (mais qui avait saisi l’Autorité conjointement avec une région) et du Syndicat mixte de l’aéroport de Beauvais-Tillé (SMABT) ; l’État n’a pas saisi l’ARAFER au titre de sa compétence d’AOT. Lors de son audition devant la mission d’information, M. Alain Vidalies avait indiqué qu’à la date de celle-ci, dix-sept liaisons déclarées entraient en concurrence avec une desserte des trains d’équilibre du territoire (TET), dont l’État est l’autorité organisatrice, mais que l’État n’a pas saisi l’ARAFER au sujet de ces liaisons, du fait de l’absence d’impact mesurable de ces services sur les dessertes TET concernées (22). Il a souligné que l’État pourra le faire à l’occasion de déclarations ultérieures, si l’impact cumulé des liaisons déclarées sur l’équilibre économique de ces trains conventionnés devenait « substantiel ».
On peut également signaler que 41 liaisons déclarées ont pour point de départ ou de destination un aéroport (aéroport de Beauvais, aéroport de Nantes, aéroport de Lyon, aéroport de Strasbourg, aéroport Roissy-CDG) ; toutefois, ce chiffre important n’inclut pas moins de 16 liaisons dont l’ouverture a été contestée par le SMABT et sur lesquelles l’ARAFER a donné raison à l’AOT, ce qui a entraîné leur interdiction.
B. L’INDISPENSABLE COROLLAIRE DU DÉVELOPPEMENT DU TRANSPORT PAR AUTOCAR : LES GARES ROUTIÈRES
L’article L. 1213-3-1 du code des transports définit le « schéma régional de l’intermodalité ». Cet article du code des transports a été créé par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM), et modifié, quasi-simultanément, par la loi du 6 août 2015, par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, et par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
L’article 10 de la loi du 6 août 2015 a introduit dans l’article L. 1213-3-1 deux alinéas nouveaux, afin que :
– chaque schéma régional de l’intermodalité comprenne un schéma régional des gares routières indiquant leur localisation et définissant les éléments principaux de leurs cahiers des charges ;
– dans le cadre de ce schéma régional, les collectivités locales compétentes en matière d’urbanisme et de voirie (c’est-à-dire, selon les zones, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale, les métropoles, les régions, les départements, et dans certains cas l’État) ou leurs subdélégataires coordonnent les actions d’aménagement des gares routières, dont les maîtres d’ouvrage peuvent être publics ou privés.
L’article 12 de la loi habilite le Gouvernement à créer par ordonnance un régime juridique complet et modernisé pour les gares routières et les autres « points d’arrêt routier ». Le régime juridique en vigueur pour les gares routières datait de 1945 (ordonnance n° 45-2497 du 24 octobre 1945 sur les gares routières de voyageurs, non codifiée). Cette ordonnance donnait une définition des « gares routières de voyageurs », et les répartissait en deux catégories : les « gares publiques » (pouvant être concédées par l’État, le département ou la commune), que toutes les entreprises ont le droit d’utiliser, et les « gares privées » (nécessitant une autorisation de l’État).
Par l’article 12 de la loi, le Gouvernement est chargé de « modifier et codifier » les règles applicables en ce qui concerne la création, l’aménagement et l’exploitation des gares routières et des points d’arrêt. L’ordonnance devait également définir les principes en matière d’accès à ces infrastructures par les entreprises de transport, tout en confiant à l’ARAFER un pouvoir réglementaire supplétif pour préciser ces règles d’accès ainsi qu’une compétence de règlement des différends et un pouvoir de sanction pour assurer le respect des règles sur l’accès et l’utilisation des gares. Enfin, l’ordonnance devait porter sur la police des gares, pour garantir l’accès à celles-ci de tous les usagers (notamment les PMR et les cyclistes). Comme dans l’article 10, les gares routières sont expressément intégrées dans une démarche d’intermodalité.
2. Les attentes des opérateurs
Comme l’a rappelé M. Alain Vidalies lors de son audition, la situation actuelle est très disparate. Certaines communes – y compris de grandes villes – sont dépourvues de gare routière, d’autres disposent d’une gare mais uniquement adaptée au service existant.
Les opérateurs auditionnés par M. Gilles Savary le 19 janvier 2016 ont unanimement dénoncé la situation actuelle, qui n’est satisfaisante ni pour les voyageurs, ni pour les entreprises de transport, et ont exprimé des attentes importantes concernant l’ordonnance sur le régime juridique des gares routières, notamment sur deux points : la définition de ce que doit obligatoirement intégrer une « gare routière » par rapport à un simple « arrêt », et la question des redevances d’accès à ces infrastructures.
Les représentants de la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) ont fait observer que dans les plus grandes villes les infrastructures nécessaires existent, même si elles sont souvent saturées (notamment à Marseille). Les infrastructures existantes sont en nombre insuffisant – ce qui ne signifie pas qu’il faille construire partout des gares de grande capacité, ni qu’il faille en construire systématiquement en centre-ville et près des gares ferroviaires : plusieurs entreprises ont estimé que des « arrêts », de petites infrastructures, comportant tout de même un certain nombre d’équipements (abri pour les voyageurs, équipements sanitaires, distributeurs de boissons…), seraient suffisants dans de nombreux endroits. Des améliorations considérables doivent être apportées aux gares actuelles, y compris aux gares dont le fonctionnement est satisfaisant, pour remédier en particulier à la mauvaise qualité de l’accueil et à l’insuffisante information des voyageurs – notamment s’agissant de la signalétique.
3. L’ordonnance n° 2016-79 du 29 janvier 2016
On se reportera au premier rapport de la mission d’information (23) pour une analyse du contenu de cette ordonnance.
L’ordonnance n° 2016-79 du 29 janvier 2016 ne porte pas uniquement sur le régime juridique des gares routières. Elle correspond à la mise en œuvre de l’habilitation prévue par l’article 12 de la loi mais également à celle de l’habilitation prévue par l’article 1er de la loi, qui prévoit qu’une ordonnance mettra en cohérence « la structure et le contenu du code des transports et du code de la voirie routière avec les missions confiées à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières » par ladite loi.
S’agissant des gares routières, l’ordonnance avait déjà modifié l’article L. 1213-3-1 du code des transports en réécrivant complètement les deux alinéas qui avaient été intégrés dans cet article par l’article 10 de la loi du 6 août 2015, notamment pour préciser le contenu des futurs schémas régionaux des gares routières, que devaient comporter à l’avenir les schémas régionaux de l’intermodalité.
Or, l’article L. 1213-3-1 a ensuite été une nouvelle fois modifié, par l’ordonnance n° 2016-1028 du 27 juillet 2016 relative aux mesures de coordination rendues nécessaires par l’intégration dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, des schémas régionaux sectoriels, et a donc connu cinq séries de modifications depuis sa création par la « loi MAPTAM » du 27 janvier 2014 précitée. Cette ordonnance du 27 juillet 2016 supprime la notion de « schéma régional de l’intermodalité », ainsi que d’autres catégories de schémas sectoriels, en application de la « loi NOTRe » qui prévoit que l’ensemble de ces schémas seront « fondus » dans le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire (SRADT). L’article L. 1213-3-1 ne mentionne désormais plus de schéma régional des gares routières. Ce schéma spécifique, dont la création était prévue par la loi du 6 août 2015, a donc été supprimé avant d’avoir été effectivement utilisé.
Les dispositions de l’ordonnance relatives aux gares routières prévoient que leur mise en œuvre nécessite l’élaboration de plusieurs textes réglementaires, qu’il s’agisse de textes adoptés par le Gouvernement (décrets en Conseil d’État prévus par les articles L. 3114-2 et L. 3114-5, notamment s’agissant des éléments que doivent comporter les gares routières et les services qui doivent y être assurés) ou de textes adoptés par l’ARAFER (notamment pour définir des exceptions à l’exigence de comptabilité séparée, pour créer le registre public des déclarations d’exploitants, pour préciser les modalités de ces déclarations, et pour imposer des obligations aux exploitants qui exercent « une influence significative sur un marché du secteur des transports de personnes »).
Le décret n° 2017-107 du 30 janvier 2017 (24) a opéré, dans la partie réglementaire du code, le même travail de refonte que l’ordonnance pour la partie législative, et a apporté des précisions importantes sur les définitions et procédures applicables, ainsi que sur les équipements que doivent obligatoirement comporter une gare routière, notamment un dispositif permettant d’informer les voyageurs sur les services qui desservent cette gare (horaires, plans de ligne…).
Ce décret a également, comme prévu par l’ordonnance, édicté les règles de police applicables dans les gares routières, en particulier en conférant au préfet de département la compétence pour arrêter les mesures de police destinées à assurer le bon ordre et la sécurité publique dans l’emprise, à l’entrée et à la sortie de ces gares.
Depuis le 1er mai 2016, l’ARAFER publie un registre et une carte des gares routières, mis à jour au fil des déclarations des exploitants. À ce jour, 190 gares et aménagements sont ainsi recensés. Ce registre permet aux exploitants d’autocars de connaître l’identité de l’exploitant de chaque gare, le nombre d’emplacements d’arrêt, etc.
Un premier différend portant sur le contenu des règles d’accès à une gare routière (la gare de l’aéroport de Beauvais-Tillé) est en cours d’instruction.
II. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX AUTOROUTES
Le réseau autoroutier français est très largement fondé sur le dispositif de la concession pour la construction et l’exploitation des autoroutes : il se compose en effet d’environ 2 600 kilomètres d’autoroutes non concédées (gérées directement par l’État) et de plus de 9 000 kilomètres d’autoroutes concédées.
Les autoroutes concédées appartiennent à l’État qui en confie, pour une durée déterminée, le financement, la construction, l’entretien et l’exploitation à des sociétés concessionnaires d’autoroutes. Actuellement, dix-huit sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) (25) sont chargées de construire, entretenir et exploiter environ 8 798 km d’autoroutes en France.
Les dispositions des articles 13 et 15 de la loi du 6 août 2015 ont pour objectif d’instaurer une véritable transparence et un contrôle du respect des règles de concurrence et des règles de fixation des tarifs dans le secteur des concessions d’autoroutes. Ces règles ne sont donc désormais plus fixées par voie contractuelle, c’est-à-dire négociée, mais par le pouvoir législatif et réglementaire. Ces dispositions sont entrées en vigueur au 1er février 2016.
Les services du ministère chargé des transports demeurent chargés de la passation et de la gestion des contrats de concession. Ils contrôlent le respect par les sociétés concessionnaires de leurs obligations. Ils ont désormais l’obligation, en application de l’article L. 122-4-1 créé par l’article 15 de la loi du 6 août 2015, de mettre « à la disposition du public, par voie électronique » tous les contrats de délégation des missions du service public autoroutier, ainsi que les cahiers des charges annexés et les avenants ; l’administration peut toutefois organiser des modalités de consultation différentes pour ceux de ces documents dont le volume ou les caractéristiques ne permettent pas la publication en ligne.
1. Une autorité publique indépendante chargée de la régulation du secteur
La loi du 6 août 2015 a étendu le champ d’intervention de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) au secteur autoroutier concédé à compter du 1er février 2016. En particulier, l’ARAFER doit émettre un avis sur les avenants aux contrats de concession, ainsi que sur tout nouveau contrat, lorsque ces accords ont un impact sur la durée de la concession ou sur les tarifs des péages. Pour autant, l’Autorité ne se substitue pas à l’État pour contrôler la bonne exécution des contrats de concession. L’action du régulateur s’articule autour de trois domaines d’intervention : la régulation des tarifs de péage ; le contrôle des procédures de passation et d’exécution des marchés de travaux, fournitures et services des concessionnaires ; le contrôle des procédures de passation des contrats d’exploitation des installations annexes (restauration, distribution de carburant…).
Pour exercer pleinement ses compétences, l’ARAFER dispose de pouvoirs étendus afin d’accéder aux informations détenues par les SCA, leurs actionnaires et leurs filiales, ainsi que leurs cocontractants et leurs financeurs. Elle dispose également de pouvoirs d’enquête et de sanction en cas de manquements de ces acteurs à leurs obligations de communication d’informations.
2. Une régulation des tarifs de péage
a. Les dispositions législatives
Dans sa rédaction telle que modifiée par, d’une part, la loi du 6 août 2015, et d’autre part la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (26), l’article L. 122-4 du code de la voirie routière rappelle que l’usage des autoroutes est en principe gratuit, mais que la perception d’un péage peut être autorisée par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’ARAFER. Le péage doit permettre « d’assurer la couverture totale ou partielle des dépenses de toute nature liées à la construction, à l’exploitation, à l’entretien, à l’aménagement ou à l’extension de l’infrastructure » ; et dans les cas où une autoroute est exploitée par un délégataire, celui-ci a le droit d’ajuster le montant du péage de telle sorte qu’il « couvre également la rémunération et l’amortissement des capitaux investis par le délégataire ».
Depuis la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et jusqu’au 1er février 2016, l’article L. 122-4 permettait au concessionnaire, lorsque des ouvrages ou aménagements non prévus initialement viennent s’intégrer à l’assiette de la délégation, d’obtenir un allongement de la durée de celle-ci lorsque le financement de ces ouvrages ne peut pas être assuré par une augmentation « raisonnable » des péages. Depuis l’entrée en vigueur de l’article 15 de la loi du 6 août 2015, un allongement de la durée des concessions pour cette raison n’est plus possible (à moins que le législateur ne vienne modifier la portée de cette interdiction). La réalisation de travaux de construction ou d’aménagement supplémentaires par un concessionnaire « ne peut être couvert[e] que par une augmentation des tarifs de péages, raisonnable et strictement limitée à ce qui est nécessaire ».
La loi du 6 août 2015 a rendu obligatoire l’introduction, dans les contrats de concession et leurs cahiers des charges, d’un mécanisme de modération des tarifs de péages, de réduction de la durée de la concession ou d’une combinaison des deux, applicable lorsque les revenus des péages ou les résultats financiers d’une SCA excèdent les prévisions.
Lorsqu’un avenant à une convention de délégation a un impact sur les tarifs de péage ou sur la durée de la convention, l’article L. 122-10 précise que « les revenus additionnels des tarifs de péages résultant des modifications [introduites par l’avenant] couvrent, outre les dépenses de toute nature mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 122-4, l’amortissement des capitaux investis par le délégataire ainsi qu’une rémunération raisonnable et conforme aux conditions du marché, tels qu’ils peuvent être évalués avant la conclusion de l’avenant. »
L’ARAFER « veille au bon fonctionnement du régime des tarifs de péage autoroutier » (article L. 122-7 du code de la voirie routière, créé par l’article 13 de la loi). Elle doit notamment vérifier le respect de l’article L. 122-4. Elle doit exercer cette mission en émettant des avis et en publiant périodiquement des informations :
Lorsque l’État décide d’octroyer une nouvelle concession autoroutière, il doit consulter l’ARAFER sur le nouveau projet de délégation (article L. 122-8). L’Autorité est également consultée sur tout projet de modification d’un contrat de concession existant ou de ses annexes, lorsque cette modification a « une incidence sur les tarifs de péage ou sur la durée » du contrat initial. Dans les deux cas, l’Autorité a trois mois pour se prononcer, et il s’agit d’un avis simple.
D’autre part, l’article L. 122-9 dispose que, pour assurer une certaine transparence des activités du secteur, l’ARAFER a l’obligation d’établir et de publier :
– au moins une fois tous les cinq ans, un rapport portant sur l’économie générale des conventions,
– annuellement, une synthèse des comptes des concessionnaires ;
En outre, l’ARAFER doit assurer « un suivi annuel des taux de rentabilité interne de chaque concession ».
3. Une régulation des marchés passés par les sociétés concessionnaires
a. Les dispositions législatives
L’article L. 122-17 du code de la voirie routière impose à chaque concessionnaire d’instituer une commission des marchés composée en majorité de personnalités indépendantes et d’au moins un représentant de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Chaque commission est chargée de définir les règles internes pour la passation et l’exécution des marchés de travaux, de fournitures et de services passés par le concessionnaire pour les besoins de la concession, et de veiller au respect des procédures. Pour ce faire, la commission est consultée sur les projets de marché et les projets d’avenants. Le concessionnaire ne peut refuser de suivre l’avis de la commission que par une décision de son conseil d’administration ou de son conseil de surveillance.
L’ensemble du dispositif de régulation est également applicable, en vertu de l’article L. 122-23, aux contrats passés par les concessionnaires d’autoroute en vue de faire assurer par un tiers la construction, l’exploitation et l’entretien des installations annexes à caractère commercial situées sur le réseau autoroutier concédé. Les attributaires de ces contrats doivent être agréés par l’autorité administrative (article L. 122-27). Par ailleurs, l’autorité administrative définit les conditions d’organisation des services publics sur ces installations annexes (article L. 122-29).
L’ARAFER s’est vue confier des pouvoirs de contrôle étendus, bien supérieurs à ceux de la Commission nationale des marchés qui avait été créée en 2004 et que la loi du 6 août 2015 a conduit à supprimer. L’Autorité exerce, notamment, un contrôle contraignant (avis conforme) sur la composition des commissions de marché des concessionnaires, avant toute nomination ou reconduction d’un de leurs membres, et sur les règles internes des commissions, avant leur application. L’ARAFER est ainsi amenée à apprécier l’indépendance des personnalités pressenties pour siéger dans chacune de ces commissions. De plus, chaque commission des marchés doit informer l’ARAFER de tout manquement qu’elle constate aux obligations de publicité et de mise en concurrence, l’ARAFER ayant alors habilitation à engager des recours (article L. 122-20).
B. LES TEXTES RÉGLEMENTAIRES ET LES AUTRES MESURES D’APPLICATION
1. Les deux décrets d’application
Deux décrets d’application ont été publiés pour permettre la mise en œuvre des articles L. 122-11, L. 122-16, L. 122-18 à L. 122-20, L. 122-22 et L. 122-28 du code de la voirie routière :
– le décret n° 2016-234 du 1er mars 2016 relatif à la régulation des contrats dans le secteur des autoroutes, entré en vigueur le 1er avril 2016 (27) ;
– le décret n° 2016-552 du 3 mai 2016 relatif à la passation des marchés par les concessionnaires d’autoroutes (28).
En matière de péages, le décret du 1er mars 2016 précise les modalités de la consultation de l’ARAFER sur les modifications envisagées des contrats de concession ou des cahiers des charges, ainsi que sur les projets de nouvelles concessions. Il est précisé notamment que l’ARAFER a trois mois pour se prononcer, et qu’en l’absence de décision dans ce délai, son avis est réputé favorable.
En matière de marchés, le décret du 1er mars 2016 a posé le cadre général, en prévoyant l’intervention d’une commission des marchés au-delà d’une certaine longueur d’ouvrage, les modalités d’intervention de l’ARAFER dans la passation des marchés par les SCA, l’obligation pour chaque commission des marchés d’établir un rapport annuel d’activité et de le transmettre à l’ARAFER…
Le décret du 3 mai 2016 impose aux SCA le respect de règles tirées du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, y compris quand la SCA passe des marchés avec des entreprises avec lesquelles elle s’est groupée pour obtenir le contrat de concession ou avec des entreprises qui leur sont liées (filiales) (article R. 122-28 du code de la voirie routière).
Le décret du 3 mai 2016 impose des obligations de publicité et de mise en concurrence pour les marchés de fournitures et de services d’un montant égal ou supérieur à 240 000 euros hors taxes. L’article R. 122-30 exonère de ces obligations, sans condition de montant, certains marchés de fournitures et de services visés par l’article 30 du décret du 25 mars 2016 (urgence impérieuse, besoin nécessitant une solution innovante, marché comportant des prestations de conception…). Pour les marchés de travaux, le seuil est fixé à 500 000 euros hors taxes.
Au-dessus des seuils, les règles suivantes s’appliquent :
1° Les mesures de publicité doivent permettre la présentation de plusieurs offres concurrentes (article R. 122-31) ; aux règles applicables du décret du 25 mars 2016 s’ajoutent deux exigences spécifiques :
– la programmation de l’ensemble des investissements prévus par le contrat de concession pour les cinq années à venir doit être publiée sur le profil d’acheteur (cette obligation est entrée en vigueur au 1er juillet 2016) ;
– la publication d’un avis de pré-information, au moins trois mois avant l’avis d’appel à la concurrence, est obligatoire pour les marchés de travaux d’un montant égal ou supérieur à 2 millions d’euros hors taxes (cette obligation est entrée en vigueur au 1er août 2016).
2° Pour la mise en concurrence, les concessionnaires doivent recourir aux procédures de l’article 25 du décret du 25 mars 2016 : appel d’offres, procédure concurrentielle avec négociation (PCN) ou dialogue compétitif. La procédure de principe est l’appel d’offres, mais les hypothèses dans lesquelles les deux autres procédures peuvent être utilisées sont assez nombreuses (par exemple pour les marchés de travaux d’un montant inférieur à 2 millions d’euros hors taxes). En revanche, le recours à l’appel d’offres restreint est très limité.
Le décret du 3 mai 2016 établit enfin une liste des projets de marchés devant être transmis à l’ARAFER avant signature, un délai de dix-huit jours devant en principe être respecté entre la réception du dossier par l’ARAFER et la signature du contrat, afin que l’ARAFER puisse, le cas échéant, engager un recours. Les dispositions du décret ont été complétées par un arrêté du 4 août 2016 fixant le contenu du dossier de présentation des projets de marchés et d’avenants à l’ARAFER. Un autre arrêté du 4 août 2016 a précisé ce que doit contenir le dossier de demande d’agrément pour les installations annexes, et un arrêté du 8 août 2016 a fixé les conditions d’organisation du service public que les SCA doivent respecter dans le cadre de l’exploitation d’activités commerciales sur ces installations annexes (aires de repos, aires de service, aires de stationnement).
Avant même la parution des deux décrets d’application, l’Association des sociétés françaises d’autoroutes (ASFA) a fortement critiqué, par un communiqué de presse du 11 février 2016, les dispositions de la loi, considérant que « le passage en commission des marchés entraînera un retard moyen de trois mois sur chacun de ces marchés » (29).
2. Les autres mesures d’application
Depuis le 1er février 2016, les contrats de concession consolidés sont publiés sur le site Internet du ministère (versions consolidées intégrant les différents avenants signés par l’État depuis la passation du contrat initial), certaines annexes techniques n’étant, toutefois, pas publiées mais consultables sur rendez-vous.
Au printemps 2016, l’ARAFER a adopté ses premières décisions relatives au secteur autoroutier, portant sur la composition des commissions des marchés de trois SCA. Elle a également rendu plusieurs avis sur des projets de textes réglementaires (décrets et arrêtés), édicté en juin 2016 les règles que les SCA doivent respecter concernant la transmission périodique d’informations à l’Autorité, et a eu à connaître pour la première fois en octobre 2016 d’un projet de contrat de concession (30), sur lequel elle a émis un avis favorable. Elle a également exercé à deux reprises sa compétence de contrôle sur les contrats d’exploitation des installations annexes, et a émis un avis défavorable sur la procédure d’attribution d’un de ces contrats (31), en raison du non-respect des règles de publicité.
L’Autorité a publié en juillet 2016 son premier rapport annuel sur l’activité des commissions des marchés des SCA et, le 6 décembre 2016 son premier rapport sur les comptes des SCA (synthèse des comptes 2015 de ces sociétés).
Ces deux rapports portent sur l’exercice 2015 et donc sur des faits et activités auxquels les nouvelles règles issues de la loi du 6 août 2015 n’étaient pas encore applicables. Les rapports ont, cependant, suscité de nombreuses réactions, et ont contribué à justifier le bien-fondé des nouvelles exigences, notamment en ce qui concerne la passation des marchés. L’ARAFER a, par exemple, remis en cause la qualité de membres indépendants pour des personnes qui siégeaient en 2015 dans des commissions des marchés et qui ont été proposées par des concessionnaires pour siéger dans les nouvelles commissions constituées après l’adoption de la loi du 6 août 2015. Elle a noté qu’en 2015 certaines SCA n’ont pas fourni la liste de la totalité des marchés signés durant l’année, et qu’elle « attend une transparence accrue de la part des concessionnaires ». Elle a relevé que « pour certains concessionnaires appartenant à un groupe possédant des entreprises susceptibles de répondre à leurs marchés, la proportion, en nombre et en valeur, des marchés attribués à ces sociétés filiales se situe à un niveau élevé. »
Les prochains rapports annuels, qui seront publiés en 2017 pour rendre compte des activités de l’exercice 2016, devraient permettre de constater les différences de pratiques dues à l’entrée en vigueur des nouvelles règles.
S’agissant de l’examen, par l’ARAFER, des projets d’avenants aux contrats de concession, les avenants issus du « Plan de relance autoroutier » négocié entre l’État et sept SCA au printemps 2015, et qui ont été publiés le 21 août 2015, n’ont pas été soumis à l’ARAFER, puisque les compétences de celle-ci en matière d’autoroutes ne sont entrées en vigueur qu’en 2016. En revanche, le nouvel accord conclu par le Gouvernement avec les trois principales SCA en janvier 2017, qui constitue le deuxième « plan de relance » et qui prévoit une augmentation des péages, va faire l’objet d’un contrôle par l’Autorité, qui sera saisie des projets d’avenants correspondants.
Audition de M. Bernard Roman, président de l’ARAFER, lors de son audition par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat (26 janvier 2017)
« J’en viens aux autoroutes, domaine dans lequel la mission de l’ARAFER est triple : contrôle des marchés, suivi économique des sociétés d’autoroute, avis sur les nouveaux contrats ou leurs avenants, dès lors qu’ils ont une conséquence sur la durée des contrats ou le tarif des péages.
« En ce qui concerne le contrôle des marchés autoroutiers, nous avons, dans un aller-retour constructif avec les sociétés d’autoroutes - sachant qu’un rapport publié en juillet livrait un certain nombre de chiffres qui ont pu les troubler - mis en place les commissions des marchés, dans des conditions conformes à la loi : nous vérifions, sur le fondement des déclarations d’intérêt des membres des commissions, qu’ils sont bien, en majorité, indépendants. De la même manière, nous avons, dans un dialogue constructif, après prise en compte de nos observations par les commissions des marchés, validé les règles de fonctionnement des sociétés d’autoroutes. C’est un gage de transparence et une avancée importante, que nous devons au législateur. L’ASFA, l’Association française des sociétés d’autoroute, se trouve désormais placée sous le contrôle de l’ARAFER, et c’est une bonne chose.
« S’agissant des contrats de concession, nous n’avons eu à nous prononcer que sur celui de l’A45 entre Lyon et Saint-Étienne. Nous avons estimé qu’il était conforme aux exigences, avec un taux de rentabilité interne raisonnable et justifié. Je précise, à l’intention des associations ou des élus qui nous ont saisis, qu’il n’appartient pas à l’ARAFER de se prononcer sur le bien-fondé d’une concession ou d’un tracé, mais que notre mission est de vérifier, dans le cadre de l’équilibre économique d’une opération, que les dépenses sont conformes à ce qui est prévu, et que le taux de rentabilité des péages reste normal. Nous ne nous prononçons en aucun cas en opportunité.
« En revanche, nous avons mené, en 2015, dans le cadre de notre mission de suivi économique des sociétés d’autoroutes, une étude approfondie qui nous a conduit, comme vous l’avez rappelé, monsieur le président, à mesurer les conséquences de la décision de gel des péages prise, en février 2015, par le gouvernement. Un contrat est un contrat : ce gel devait naturellement se répercuter par la suite pour respecter les termes des contrats de concession signés, notamment, avec sept des sociétés concessionnaires les plus importantes. Nous avons ainsi souligné que les péages augmenteraient, entre 2019 et 2023, d’un montant supplémentaire de 0,23 % à 0,82 %, selon les concessionnaires, par rapport à ce qui était initialement prévu, et mesuré qu’à la fin des concessions, les usagers auront payé 500 millions de plus que si le gel n’avait pas eu lieu. C’est le travail de l’ARAFER, dans cette mission de suivi, que de porter ses analyses à la connaissance du public, et au premier chef, de la représentation nationale. (…)
« Quatrième dossier, enfin, le contrôle de la rentabilité interne des sociétés d’autoroutes, sur lequel je m’étendrai un peu plus. Cette mission nous est confiée par la loi. Un rapport publié par l’Autorité de la concurrence en 2014, qui a fait grand bruit, évaluait le taux de rentabilité interne (TRI) des sociétés concessionnaires à 24 %, laissant penser que 24 % du chiffre d’affaires global des autoroutes, soit 9 milliards, allaient directement dans les caisses de ces sociétés. Ce n’est qu’en partie vrai : les contrats courent sur des durées de trente ans et plus, et il faut prendre en compte la charge des investissements, qui n’est pas la même pour les jeunes sociétés que pour les sociétés historiques. Le travail de l’ARAFER a consisté, avec l’aide d’un cabinet d’expertise, à fixer une première définition du TRI, acceptable par tous. Nous sommes en phase d’échange avec les sociétés d’autoroutes. Nous lancerons ensuite une consultation publique sur la définition retenue afin de faire émerger un indicateur incontestable.
« Rappelons que si les objectifs de rentabilité sont atteints ou dépassés avant l’échéance du contrat, le Gouvernement a la possibilité de neutraliser les augmentations prévues dans le cadre de la prolongation des contrats. Il est appréciable, dans cette éventualité, qu’un régulateur contrôle objectivement, sans contestation possible, l’économie des sociétés d’autoroutes. (…)
« Sans vouloir incriminer quiconque, je relève qu’en 2015, une part importante des marchés attribués aux sociétés concessionnaires sont échus à leurs filiales. Le fait que les données soient désormais publiques changera la donne. L’étude des marchés pour 2016 sera par conséquent particulièrement intéressante. De plus, à partir de 2017, les commissions des marchés seront composées à au moins 50 % de personnes indépendantes, sans liens d’intérêts avec les sociétés concessionnaires. Vous serez régulièrement informés des études que nous publions. (…) »
Extraits du compte-rendu
La loi du 6 août 2015 a, en ses articles 21 à 30 (32), réformé le régime juridique du permis de conduire. Si la plupart de ces articles n’opéraient pas de renvoi à un texte réglementaire (A), il en allait différemment toutefois pour un nombre restreint d’entre eux (B).
A. LES ARTICLES DE LA LOI N’AYANT PAS PRÉVU DE RENVOI À UN TEXTE D’APPLICATION
Les six articles suivants n’opéraient pas de renvoi à un texte d’application :
– l’article 21 qui renforce les obligations du bureau central de tarification prévu à l’article L. 212-1 du code des assurances ;
– l’article 22 qui étend le champ d’application des sanctions pénales réprimant l’enseignement de la conduite et de la sécurité routière sans autorisation ou agrément administratif pour y inclure l’animation non autorisée d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;
– l’article 23 qui supprime l’obligation de recueillir l’avis de la commission départementale de la sécurité routière (CDSR) préalablement à la délivrance de l’agrément d’exploitation d’un établissement d’enseignement de la conduite des véhicules à moteur (33) ;
– l’article 24 qui dispose que le contrat entre le candidat et l’établissement peut être conclu à distance (article L. 213-2 du code de la route) ;
– l’article 25 qui supprime, parmi les conditions requises pour exploiter un établissement d’enseignement de la conduite, celle tenant à l’ancienneté du permis de conduire (article L. 213-3 du même code) ;
– l’article 27 qui autorise les titulaires du permis B à conduire tous les véhicules et appareils agricoles ou forestiers dont la vitesse n’excède pas 40 kilomètres par heure ainsi que les véhicules qui peuvent y être assimilés (article L. 221-2 du même code).
B. LES ARTICLES DE LA LOI AYANT PRÉVU LA PUBLICATION D’UN TEXTE RÉGLEMENTAIRE
Trois articles de la loi (articles 28, 29 et 30) prévoyaient l’intervention d’un ou de plusieurs textes d’application. Il convient d’y ajouter l’article 26 qui, bien que n’ayant pas renvoyé à un texte réglementaire, a néanmoins donné lieu à la publication d’un décret ayant pour objet la prise en compte des modifications apportées par lui. En dehors du futur arrêté fixant les modalités d’application de l’article L. 213-9 du code de la route (34), l’ensemble des textes d’application de la loi en matière de permis de conduire ont désormais été publiés, comme l’a indiqué la délégation à la sécurité et à la circulation routières (DSCR).
1. L’article 26 relatif au Conseil supérieur de l’éducation routière
L’article 26 fait obligation au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport présentant les modifications apportées :
– à la composition du Conseil supérieur de l’éducation routière (CSER), en prévoyant notamment la participation à cette instance de parlementaires, de représentants de l’apprentissage de la route en ligne et d’organisations syndicales ;
– aux missions du CSER, auquel devaient également être confiés le suivi, l’observation et l’évaluation statistique des conditions d’accès au permis de conduire sur l’ensemble du territoire national.
L’article 26 ne renvoyait pas à un texte réglementaire. Il a néanmoins donné lieu à la publication du décret n° 2016-815 du 17 juin 2016 relatif au Conseil supérieur de l’éducation routière.
Ce dernier texte rappelle les missions du CSER et précise qu’il élabore un rapport public annuel.
Il détaille également les membres de cette instance, composée de :
– un sénateur et un député désignés par leurs assemblées respectives (35) ;
– cinq représentants de l’État : le délégué à la sécurité et à la circulation routières ou son représentant (qui préside le CSER), le vice-président du Conseil général de l’environnement et du développement durable ou son représentant, le directeur général de l’enseignement scolaire ou son représentant, le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou son représentant et le directeur général du travail ou son représentant ;
– un représentant de chacune des organisations syndicales d’employeurs et de salariés du secteur de l’enseignement de la conduite et de la sécurité routière, représentatives au niveau de la branche professionnelle ;
– un représentant de chacune des organisations syndicales représentatives des inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière et des délégués au permis de conduire et à la sécurité routière ;
– deux représentants des consommateurs désignés sur proposition des organisations de consommateurs et après avis du ministre chargé de la consommation ;
– un représentant des jeunes désigné sur proposition du ministre chargé de la jeunesse ;
– un représentant des associations œuvrant pour la sécurité routière désigné par le ministre chargé de la sécurité routière ;
– un représentant des assureurs désigné sur proposition du ministre chargé de l’économie ;
– un représentant des éditeurs pédagogiques spécialisés dans l’éducation routière désigné par le ministre chargé de la sécurité routière ;
– un représentant des concepteurs de simulateurs de conduite désigné par le ministre chargé de la sécurité routière ;
– quatre personnalités qualifiées choisies en raison de leurs activités professionnelles ou de leurs travaux en matière d’éducation routière désignées par le ministre chargé de la sécurité routière.
Le CSER a été installé dans sa nouvelle composition le 25 novembre 2016.
2. Les dispositions de l’article 28, I, 3° relatives à l’organisation des épreuves du permis de conduire
Le 3° du I de l’article 28 de la loi insère dans le code de la route des articles L. 221-4 à L. 221-10 relatifs à l’organisation des épreuves du permis de conduire.
a. L’externalisation de l’organisation de l’épreuve théorique
Aux termes du nouvel article L. 221-4 du même code, toute épreuve « théorique » du permis de conduire (ainsi que toute épreuve pratique concernant le permis de conduire un véhicule du groupe lourd) est organisée « par l’autorité administrative ou par des personnes agréées par elle à cette fin ». Les frais pouvant être perçus « par les organisateurs agréés » auprès des candidats sont « réglementés par décret, pris après avis de l’Autorité de la concurrence ». Tel a été l’un des objets du décret n° 2016-516 du 26 avril 2016 relatif à l’organisation de l’épreuve théorique générale du permis de conduire (36).
Ce décret insère, en effet, dans le code de la route un article D. 221-3-6 aux termes duquel « l’organisateur agréé organise le passage de l’examen à un prix identique toutes taxes comprises pour tous les candidats, quel que soit le site, sans imposer d’autres conditions que celles requises pour l’inscription ». Ce prix couvre toutes les prestations nécessaires à un unique passage de l’épreuve théorique générale, y compris l’inscription et la remise de l’attestation de résultat, à l’exclusion de tout autre produit ou service. L’achat de ces prestations ne peut être conditionné à celui d’autres produits ou services, ni être la condition de l’octroi d’un avantage commercial pour d’autres produits ou services.
Ce prix « est arrêté conjointement par le ministre chargé de l’économie et par le ministre chargé de la sécurité routière en fonction des coûts supportés par les organisateurs, du nombre total de candidats et des obligations d’accès prévues à l’article R. 221-3-8 » (37).
L’arrêté du 28 avril 2016 relatif aux obligations des organisateurs agréés de l’épreuve théorique générale du permis de conduire en matière de tarif et de couverture territoriale précise ainsi que le prix du passage de l’épreuve théorique générale – prix prévu à l’article D. 221-3-6 du même code - est fixé à 30 euros, toutes taxes comprises.
L’agrément de La Poste et des autres opérateurs privés
La Poste a annoncé le 23 mai 2016 avoir obtenu l’agrément pour organiser l’épreuve théorique du permis de conduire (38). Treize sites d’accueil des candidats ont été ouverts dès le 13 juin 2016 (39). La Poste propose des sessions collectives, dans des locaux pouvant accueillir jusqu’à dix-huit candidats, ou individuelles dans des espaces réservés pour la durée de l’épreuve. L’inscription s’effectue en ligne sur le site laposte.fr. Les candidats peuvent y choisir le lieu, la date et l’heure d’examen selon les sessions proposées.
L’agrément a également été donné à SGS Automotive Services (40), Pearson Vue (41) et Bureau Veritas (42).
b. Le recours à des agents publics ou contractuels comme examinateurs pour l’épreuve pratique aux fins de limiter le délai entre deux présentations d’un même candidat
Aux termes du nouvel article L. 221-5 du même code, dans les départements où le délai moyen entre deux présentations d’un même candidat à l’épreuve pratique du permis de conduire des véhicules du groupe léger est supérieur à quarante-cinq jours, il appartient à l’autorité administrative de recourir à des agents publics ou contractuels comme examinateurs autorisés à faire passer des épreuves de conduite en nombre suffisant pour garantir que le délai n’excède pas cette durée. Les conditions de formation, d’impartialité et d’incompatibilité de fonctions que remplissent ces agents, ainsi que la durée pour laquelle cette habilitation leur est délivrée, « sont définies par décret ».
Tel a été l’objet du décret n° 2015-1379 du 29 octobre 2015 fixant les conditions permettant à des agents publics ou contractuels de faire passer les épreuves pratiques du permis de conduire. Ces agents sont habilités par le ministre chargé de la sécurité routière. L’habilitation est délivrée, après obtention d’une qualification (43), pour une durée de deux ans renouvelable. Les agents doivent être âgés de vingt-trois ans au moins à la date de leur habilitation et être titulaires d’un permis de conduire de la catégorie B en cours de validité, délivré depuis au moins trois ans. Ils ne doivent pas être inscrits sur le fichier national des permis de conduire au titre des décisions de restriction de validité, de suspension, d’annulation, d’invalidation, d’interdiction de délivrance de permis de conduire ou de changement de catégorie du permis de conduire. L’exercice de leurs missions est incompatible avec l’activité d’enseignant de la conduite, d’exploitant d’un établissement d’enseignement de la conduite ou de formateur d’enseignants.
Le recours aux agents de La Poste comme examinateurs pour l’épreuve pratique
Lors de leur audition le 24 mars 2016 par M. Gilles Savary, les représentants de La Poste ont indiqué que, dès l’adoption de la loi, le ministère de l’intérieur avait fait part à La Poste de son intérêt pour que cinquante postiers viennent renforcer les inspecteurs du permis de conduire en qualité d’examinateurs pour l’épreuve pratique du permis B (véhicule léger).
Environ 200 agents de La Poste (fonctionnaires ou salariés de droit privé) ont posé leur candidature. 50 ont été sélectionnés et ont suivi, à partir du mois de novembre 2015, à l’Institut national de sécurité routière et de recherches (INSERR), une formation de trois mois, comportant des enseignements théoriques et pratiques, avant de passer l’épreuve de l’accréditation. À la date du 24 mars 2016, 36 agents avaient été accrédités et avaient été envoyés dans les préfectures, auprès des préfets ayant réclamé des renforts. Leur transfert s’est effectué sous la forme d’une mise à disposition, et non d’un détachement. La convention de mise à disposition est prévue pour une durée de deux ans, renouvelable pour un an.
c. Le cahier des charges applicable à l’organisation des épreuves du permis de conduire
Aux termes du nouvel article L. 221-7 du même code, l’organisation des épreuves du permis de conduire répond à un cahier des charges « défini par l’autorité administrative », qui en contrôle l’application. Non expressément prévu par la loi, un arrêté du 27 avril 2016 fixant le cahier des charges prévu à l’article L. 221-7 du code de la route a été publié. Le cahier des charges en cause est annexé à l’arrêté. Il est subdivisé en cinq grandes parties : contexte et objet de l’agrément, références, dossier de demande d’agrément, caractéristiques des mesures de sécurisation du Système d’information de l’organisme agréé (SI OA) en support du service de gestion de l’épreuve théorique générale du permis de conduire, exigences relatives aux organismes agréés pour l’organisation de l’épreuve théorique générale du permis de conduire.
d. Le décret du 26 avril 2016 relatif à l’organisation de l’épreuve théorique générale du permis de conduire
Le nouvel article L. 221-10 du même code prévoit que les modalités d’application des L. 221-4 à L. 221-9 sont « fixées par décret en Conseil d’État ». C’est ainsi qu’est intervenu le décret précité n° 2016-516 du 26 avril 2016 relatif à l’organisation de l’épreuve théorique générale du permis de conduire (44). Ce décret a été précédé d’un avis de l’Autorité de la concurrence du 3 février 2016 (45). Il insère un certain nombre d’articles nouveaux dans la partie réglementaire du code de la route.
Ces nouvelles dispositions prévoient que le passage de l’épreuve « théorique » générale organisée par l’autorité administrative, « en cas de carence de l’offre proposée (…) par les organismes agréés », donne lieu à la perception d’une redevance « dont le montant est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés des finances, de l’économie et de la sécurité routière ». Cette redevance couvre, au plus, toutes les prestations nécessaires à un unique passage de cette épreuve, y compris l’inscription et la remise de l’attestation de résultat. Elle est acquittée préalablement à l’inscription à l’examen, par paiement dématérialisé, selon des modalités fixées par l’arrêté précité.
Le décret définit ensuite les conditions d’agrément des organismes pour l’organisation de l’épreuve théorique générale du permis de conduire. Il précise les éléments que doivent comprendre les demandes d’agrément ou les déclarations (46). Il décrit les modalités selon lesquelles les organismes ou les sites d’examen peuvent, le cas échéant, modifier les conditions de leur exploitation ou arrêter celle-ci.
Le décret fait obligation aux organisateurs agréés d’assurer « l’égal accès des candidats aux épreuves qu’il organise, indépendamment des conditions dans lesquelles ceux-ci ont été formés et des établissements qui leur ont délivré cette formation » (nouvel article R. 211-3-7). Il détaille aussi les obligations de couverture géographique qui leur incombent. Il crée à cet effet un nouvel article R. 221-3-8 qui dispose : « L’organisateur agréé assure (…) l’accès des candidats à des sites d’examen sur le territoire de chaque département métropolitain et de chacune des collectivités suivantes : Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon (…) L’arrêté prévu à l’article D. 221-3-6 peut, pour chacun des territoires mentionnés au premier alinéa et en fonction du nombre d’examens qui y sont passés, de sa population et de sa superficie, préciser le nombre minimal de places à proposer et imposer la présence de sites dans certaines zones qui, sans cela, risqueraient de ne pas être desservies. Pour les territoires où la demande est faible, cet arrêté peut prévoir que les obligations de couverture peuvent être remplies conjointement par plusieurs des organisateurs agréés. »
Par ailleurs, le texte pose, s’agissant des dirigeants des organismes agréés et des examinateurs, des exigences en termes d’absence de condamnation pénale. Il prévoit des garanties d’indépendance et d’impartialité s’appliquant aux organisateurs agréés, aux sites d’examen et aux examinateurs.
Enfin, le décret précise les modalités du contrôle administratif de l’activité des organisateurs agréés et des sites d’examen et fixe les modalités de suspension ou de retrait de l’agrément ou de l’autorisation ainsi que les sanctions pénales qui s’attachent à la méconnaissance des règles qu’il édicte.
Le décret du 26 avril 2016 a lui-même prévu la publication de trois arrêtés.
L’arrêté du 28 avril 2016 relatif aux obligations des organisateurs agréés de l’épreuve théorique générale du permis de conduire en matière de tarif et de couverture territoriale précise que chaque organisateur agréé est tenu d’assurer l’accès aux candidats à l’épreuve théorique générale dans les conditions minimales prévues par une annexe. Cette dernière indique, par département, le nombre minimal de places à proposer pour chaque période de deux semaines.
L’arrêté du 1er juin 2016 relatif à la redevance acquittée pour le passage de l’épreuve théorique générale du permis de conduire et modifiant l’arrêté du 20 avril 2012 fixant les conditions d’établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire précise que la redevance prévue à l’article R. 221-3-3 du même code est de 30 euros, toutes taxes comprises. Tout candidat se présentant à l’épreuve théorique générale organisée par l’autorité administrative s’acquitte préalablement au passage de l’épreuve et par paiement dématérialisé du montant de cette redevance. Toutefois, les candidats atteints d’un handicap présentant un avis médical sur leur aptitude à la conduite et devant, en cas d’obtention du permis de conduire, effectuer des visites médicales périodiques sont dispensés du paiement de cette redevance.
L’arrêté du 11 juillet 2016 modifiant l’arrêté du 20 avril 2012 fixant les conditions d’établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire modifie en particulier le délai minimum pour une nouvelle présentation en cas d’échec à l’épreuve théorique générale organisée par l’autorité administrative. Ce délai passe de sept à deux jours afin de se rapprocher des conditions de passage chez un opérateur agréé (pour lesquelles aucun délai n’est prévu). L’arrêté définit aussi les personnes autorisées à assister aux épreuves organisées par l’autorité administrative.
3. Les dispositions de l’article 28, II relatives à la formation à la conduite et à la sécurité routière
Le II de l’article 28 insère dans le même code les articles L. 211-2 à L. 211-7 qui régissent les modalités d’apprentissage de la conduite des véhicules à moteur en vue de l’obtention du permis de conduire, y compris dans le cadre de la conduite accompagnée, encadrée ou supervisée ou de la conduite sur un véhicule répondant à des prescriptions particulières. S’agissant de la conduite accompagnée, les conditions de distance et de durée minimales que doit remplir l’élève « sont précisées par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière (47) ». Quant à l’apprentissage en conduite supervisée, il n’est, aux termes du nouvel article L. 211-4, soumis à aucune condition de distance ou de durée minimales.
Le dernier alinéa du II de l’article 28 prévoit qu’ « un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application » des articles L. 211-1 à L. 211-6. Tel a été l’objet (48) du décret n° 2015-1537 du 25 novembre 2015 portant diverses dispositions relatives à la formation à la conduite et à la sécurité routière (49).
Le décret supprime la condition de formation de l’accompagnateur à titre non onéreux (50). Il simplifie les conditions applicables à la conduite supervisée (51) et modifie la liste des délits incompatibles avec l’exercice des professions réglementées de l’éducation routière. Modifiant l’article R. 213-2 du même code, il reconnaît (52), parmi les titres justifiant de la capacité à gérer un établissement d’enseignement de la conduite, le « certificat de qualification professionnelle de la branche professionnelle des services de l’automobile reconnu par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière ». Il modifie également l’article R. 211-5-1 afin de supprimer les conditions de durée et de distance minimales applicables à l’apprentissage en conduite supervisée.
L’arrêté du 13 avril 2016 relatif au certificat de qualification professionnelle « responsable d’unité(s) d’enseignement de la sécurité routière et de la conduite » a apporté des précisions quant à la durée maximale de la formation en vue de l’obtention du certificat, au programme de cette formation, à l’organisme certificateur et aux éléments du bilan statistique annuel transmis au ministre chargé de la sécurité routière par l’Association nationale pour la formation automobile.
4. Les dispositions de l’article 28, IV relatives aux établissements et associations agréés au titre des articles L. 213-1 ou L. 213-7 du code de la route
Le IV de l’article 28 insère dans le code de la route un article L. 213-9. Aux termes de celui-ci, les établissements et associations agréés au titre des articles L. 213-1 (53) ou L. 213-7 (54) doivent s’engager dans des démarches d’amélioration de la qualité des prestations de formation qu’ils délivrent. La labellisation ou la certification par un organisme accrédité peuvent faire accéder ces établissements à des droits ou des dispositifs particuliers. Ils sont tenus de transmettre chaque année à l’autorité administrative les informations et statistiques relatives à leur activité de formation aux examens théoriques et pratiques du permis de conduire et aux résultats de leurs élèves, à charge pour l’autorité administrative de les analyser « selon un cahier des charges fixé par arrêté » pour permettre au Conseil supérieur de l’éducation routière d’établir un rapport public annuel sur la base de ces informations. Plus généralement, les modalités d’application de l’article L. 213-9 « sont fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière ». Cet arrêté n’avait pas encore été publié à la fin du mois de janvier 2017.
5. L’article 29, II, 1° relatif aux frais d’accompagnement des candidats
Le 1° du II de l’article 29 insère un nouvel alinéa au sein de l’article L. 213-2 du même code. Aux termes de cet alinéa, la « présentation » du candidat aux épreuves du permis de conduire ne peut donner lieu à l’application d’aucuns frais. Par ailleurs, les frais facturés au titre de l’ « accompagnement » du candidat à l’épreuve « sont réglementés dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce ». Celui-ci dispose qu’ « un décret en Conseil d’État peut réglementer les prix après consultation de l’Autorité de la concurrence ».
C’est dans ce cadre qu’est intervenu le décret n° 2015-1571 du 1er décembre 2015 relatif aux conditions d’application de l’article L. 213-2 du code de la route. Ce texte avait été précédé d’un avis de l’Autorité de la concurrence du 21 octobre 2015 (55).
Le décret définit d’abord les frais de présentation interdits par la loi. Constituent de tels frais « tous frais, quelles que soient leurs dénominations, ou toutes majorations de prix, appliqués spécifiquement par un établissement d’enseignement de la conduite et de la sécurité routière à un candidat au titre de sa présentation à l’une des épreuves du permis de conduire ou dont le paiement est une condition à cette présentation ». Ne constituent en revanche des frais de présentation ni les montants exigés pour la conclusion du contrat prévu à l’article L. 213-2 (56), ni le coût de la formation initiale prévue aux articles L. 211-3 (57) et L. 211-4 (58).
De leur côté, les frais d’accompagnement sont « tous frais, quelles que soient leurs dénominations, ou toute majoration de prix, appliqués spécifiquement par un établissement d’enseignement de la conduite et de la sécurité routière aux candidats au titre de la présence d’un membre de son personnel lors de l’épreuve ou du transport du candidat sur le site de celle-ci ».
Le texte fixe la méthode permettant de déterminer le montant que les frais d’accompagnement ne peuvent excéder. Ces frais doivent être déterminés préalablement à l’accompagnement effectif. Pour la partie pratique, ils couvrent forfaitairement l’ensemble de la charge de l’accompagnement, tant à l’épreuve en circulation que, le cas échéant, à celle hors circulation. Ils ne peuvent excéder les prix appliqués par l’établissement pour les durées de formation suivantes :
– pour le permis des catégories A1, A2, A et BE : une heure et demie ;
– pour le permis des catégories B1 et B : une heure ;
– pour les permis des catégories C1, C, D1 et D : deux heures ;
– pour les permis des catégories C1E, CE, D1E et DE : deux heures et demie.
Ces prix sont calculés en référence au tarif horaire de la formation pratique correspondante.
Le décret supprime par ailleurs les sanctions pénales introduites par le décret n° 2015-578 du 27 mai 2015 relatif aux conditions d’application de l’article L. 213-2 du code de la route (59), la loi du 6 août 2015 ayant prévu un dispositif de sanctions administratives.
6. L’article 30 relatif à la méthode d’attribution des places d’examen entre auto-écoles
L’article 30 de la loi modifie la méthode de répartition des places d’examen attribuées aux établissements d’enseignement. Il insère au sein du code de la route un article L. 213-4-1 aux termes duquel cette répartition « est assurée dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, ne portant pas atteinte à la concurrence entre ces établissements. Ces places sont attribuées aux établissements d’enseignement de la conduite et de la sécurité routière en fonction notamment du nombre d’enseignants à la conduite dont ils disposent, et de manière à garantir l’accès des candidats libres à une place d’examen ».
La méthode nationale de répartition ainsi que les pièces nécessaires à l’inscription à une session d’examen du permis de conduire « sont définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière ».
C’est dans ces conditions qu’est intervenu l’arrêté du 21 juillet 2016 modifiant l’arrêté du 22 octobre 2014 fixant la méthode nationale d’attribution des places d’examen du permis de conduire. Cet arrêté (60) a été précédé d’un avis de l’Autorité de la concurrence du 26 février 2016 (61).
L’arrêté précise que la méthode nationale d’attribution des places d’examen du permis de conduire « prend en compte l’activité » de l’établissement ou de l’association agréés. Cette activité dépend, pour l’épreuve théorique générale, lorsqu’elle est encore organisée par l’autorité administrative, du nombre total d’examens réussis à cette épreuve. Elle dépend, pour les épreuves pratiques des catégories B et B1, du nombre total d’examens en première et deuxième présentation et du nombre d’enseignants de la conduite et de la sécurité routière. Le nombre de places d’examen restituées est également pris en compte.
L’établissement a l’obligation de déclarer par voie électronique chaque mois le nombre d’enseignants calculé en équivalents temps plein sur la base d’une durée mensuelle de travail forfaitaire de 151,666 heures. Le nombre de places d’examens disponibles pour chaque groupe de catégories du permis de conduire est établi mensuellement pour le deuxième mois qui suit le mois d’exercice. Toute place d’examen obtenue à la suite d’une déclaration inexacte est soustraite des droits à places d’examen de l’établissement dès la constatation de la déclaration erronée.
L’arrêté fixe également la compétence du comité de pilotage du service public de l’éducation routière et du permis de conduire, instance départementale compétente pour définir les critères d’attribution des places d’examen restées disponibles après répartition ou restitution par les établissements.
Le texte détermine enfin les conditions d’attribution des places d’examen dans le cadre de la création d’un nouvel établissement ou d’une présentation en candidat libre.
IV. LA RÈGLE PRUDENTIELLE POUR LES INVESTISSEMENTS DE SNCF RÉSEAU
Faute de décret d’application, un élément crucial de la réforme ferroviaire de 2014, précisé par la loi du 6 août 2015, demeure lettre morte : le décret prévu par l’article 193 de la loi du 6 août 2015 n’est, à ce jour, toujours pas publié.
A. UNE RÈGLE DE RESPONSABILISATION DES PERSONNES PUBLIQUES EN VUE D’UNE MAÎTRISE PROGRESSIVE DE LA DETTE DE SNCF RÉSEAU
L’article L. 2111-10-1 du code des transports, créé par la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire et complété par la loi du 6 août 2015, a défini un ratio prudentiel constituant une « règle d’or ». Son objet est de n’autoriser, désormais, la contribution de SNCF Réseau au financement d’investissements de développement du réseau ferroviaire national (hors investissements de maintenance, d’entretien ou de renouvellement) que dans la mesure où le ratio d’endettement de SNCF Réseau, défini comme le rapport « dette financière nette / marge opérationnelle », n’excède pas un plafond fixé à 18.
Initialement, la loi du 4 août 2014 prévoyait une évaluation des investissements au regard de plusieurs ratios ; la loi du 6 août 2015 a modifié cette disposition pour que la règle d’or se base sur un ratio unique.
Le contrat pluriannuel que SNCF Réseau et l’État doivent conclure tous les dix ans et actualiser tous les trois ans doit fixer la trajectoire à respecter pour ce ratio (article L. 2111-10 du code des transports).
Article L. 2111-10-1 du code des transports « Les règles de financement des investissements de SNCF Réseau sont établies en vue de maîtriser sa dette, selon les principes suivants : « 1° Les investissements de maintenance du réseau ferré national sont financés selon des modalités prévues par le contrat mentionné au premier alinéa de l’article L. 2111-10 ; « 2° Les investissements de développement du réseau ferré national sont évalués au regard du ratio défini comme le rapport entre la dette financière nette et la marge opérationnelle de SNCF Réseau. « En cas de dépassement du niveau plafond de ce ratio, les projets d’investissements de développement sont financés par l’État, les collectivités territoriales ou tout autre demandeur. « En l’absence de dépassement du niveau plafond de ce ratio, les projets d’investissements de développement font l’objet, de la part de l’État, des collectivités territoriales ou de tout autre demandeur, de concours financiers propres à éviter toute conséquence négative sur les comptes de SNCF Réseau au terme de la période d’amortissement des investissements projetés. (…) « Les modalités d’application du présent article, notamment le mode de calcul des éléments du ratio mentionné au 2° et son niveau plafond, qui ne peut excéder 18, sont définies par décret. » |
La règle d’or vise à contraindre les pouvoirs publics (l’État comme les régions) à faire financer par les contribuables celles de leurs décisions concernant le réseau ferré qui amèneraient la situation financière de SNCF Réseau à dépasser le plafond. Pour une analyse complète des enjeux de cet encadrement des décisions publiques compte tenu du niveau d’endettement du système ferroviaire français, on se reportera au rapport d’information de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale sur l’application de la loi du 4 août 2014 (62), qui explique notamment que la règle d’or, d’initiative parlementaire, vise à dissuader les pouvoirs publics de charger toujours plus SNCF Réseau de dettes nouvelles liées à des projets d’investissements déraisonnables en termes économiques.
B. UNE RÈGLE QUI N’EST PAS ENCORE EFFECTIVE, MAIS DÉJÀ ASSORTIE D’UNE DÉROGATION
À ce jour, près de deux ans et demi après la promulgation de la loi du 4 août 2014, le premier contrat pluriannuel entre l’État et SNCF Réseau n’est toujours pas signé. Un projet de contrat a été approuvé le 20 décembre 2016 par le conseil d’administration de SNCF Réseau, et est actuellement examiné par l’ARAFER ; il sera ensuite transmis, accompagné de l’avis de l’ARAFER, au Parlement pour information, avant d’être signé.
Quant au décret permettant à la règle d’or prudentielle de devenir effective, deux ans et demi après la réforme ferroviaire et près de vingt mois après la promulgation de la loi du 6 août 2015, il n’a toujours pas été publié. Un projet de décret a été soumis à l’ARAFER, qui a rendu son avis le 30 novembre 2016. Il est à noter que l’ARAFER a émis, dans cet avis, de nombreuses remarques critiques sur le projet de décret. Elle a notamment estimé que la définition prévue de la notion d’« investissements de développement » était trop restrictive et que, pour atteindre l’objectif de maîtrise de l’endettement de SNCF Réseau, le périmètre d’application du dispositif devrait être étendu aux investissements sur le réseau existant s’ils sont liés directement aux nouvelles lignes.
Les principales recommandations de l’ARAFER pour modifier le projet de décret L’Autorité recommande : 1. d’élargir la définition des « investissements de développement » pour y intégrer les investissements réalisés sur le réseau existant directement liés à la création d’une ligne nouvelle (raccordement au réseau existant, aménagement de capacité en amont ou en aval d’une ligne nouvelle…), c’est-à-dire aux investissements inséparables du projet de ligne nouvelle ; 2. d’inclure dans le décret des critères permettant de rattacher à l’une ou l’autre des deux catégories d’investissements (investissements de développement / investissements de maintenance) les projets de modernisation de grande ampleur ; 3. de préciser expressément que la règle d’or s’applique au financement des investissements de développement quelle que soit la forme de la participation de SNCF Réseau ou le montage retenu pour réaliser le projet (maîtrise d’ouvrage directe, filiale, société de projet…) 4. de prévoir que, dans l’hypothèse où des projets validés avant l’entrée en vigueur du futur décret feraient ensuite l’objet de modifications du montant de la contribution de SNCF Réseau, l’augmentation de cette contribution soit soumise à un nouvel examen au regard de la règle d’or. |
Selon les informations transmises à la mission d’information par le Gouvernement, le projet de décret est en cours d’instruction au Conseil d’État, dont l’avis est attendu pour la fin du mois de février 2017.
Il convient de noter que la troisième recommandation de l’ARAFER exprime une inquiétude quant à la tentation de « contourner » le dispositif, qui a été également exposée par les parlementaires lors du débat sur le projet de loi relatif à la liaison ferroviaire « CDG Express », qui a permis de ratifier l’une des ordonnances prises par le Gouvernement en vertu d’une habilitation prévue par la loi du 6 août 2015 : la loi n° 2016-1887 du 28 décembre 2016 relative à une liaison ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle a validé le montage juridique de la « société de projet » dédiée à la construction de l’infrastructure tout en excluant celle-ci, à la demande du Gouvernement, du périmètre d’application de la « règle d’or ».
TROISIÈME PARTIE : LA RÉFORME DES PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES DU DROIT
La réforme, par la loi du 6 août 2015, des professions réglementées du droit, a tiré les conséquences des constats dressés par de nombreux travaux (63). Sans remettre en cause les aspects fondamentaux du modèle des professions juridiques et judiciaires réglementées, le législateur a modifié le cadre juridique qui leur est applicable, afin de répondre à trois défis.
Premièrement, les règles d’exercice et de détention du capital des sociétés du droit, excessivement contraignantes, pouvaient être améliorées, afin de répondre au mieux aux attentes des usagers du droit et de créer des synergies entre certaines professions du droit et du chiffre. Deuxièmement, il n’existait aucune méthode rationnelle de révision des tarifs réglementés. Par un effet de structure des tarifs de certaines professions, une divergence importante entre les coûts supportés par les professionnels et leurs revenus s’est dessinée, sans qu’il soit prévu de réviser périodiquement les tarifs selon des critères objectifs. Troisièmement, le système d’accès à certaines de ces professions se caractérisait par un malthusianisme manifeste, qui empêchait de nombreux diplômés d’exercer leur profession sous forme libérale.
À ces trois défauts, le législateur a répondu par une réforme articulée autour de trois axes, le tout formant un ensemble cohérent. La question des nouvelles règles tarifaires, analysée dans le rapport d’étape de mars 2016 de la mission d’information, ne sera pas abordée dans le présent rapport (64).
I. LES FORMES D’EXERCICE ET LES RÈGLES DE DÉTENTION DU CAPITAL : VERS UN SERVICE AU PLUS PRÈS DES BESOINS DU CITOYEN
L’exercice des professions réglementées du droit sous forme sociale était soumis à des contraintes strictes en termes de détention du capital social, de droits de vote et d’incompatibilités d’activités. Plusieurs inconvénients étaient attachés à ce cadre normatif. Il constituait un frein à l’investissement et à l’innovation au sein de ces professions. Il empêchait également la création de synergies entre elles et avec les professions du chiffre. Enfin, il n’était pas optimal pour affronter la concurrence internationale dans ces secteurs.
A. L’EXERCICE DES PROFESSIONS JURIDIQUES ET JUDICIAIRES EN SOCIÉTÉ
Les officiers publics et ministériels, les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires peuvent exercer leur profession à titre individuel ou en société. Seul un nombre très limité de formes sociales leur étaient ouvertes. Ces professionnels pouvaient en effet s’associer au sein
– de sociétés civiles professionnelles (SCP), soumises aux dispositions de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles ;
– de sociétés d’exercice libéral (SEL) ou de sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL), soumises aux dispositions de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.
Les SCP se distinguent principalement des SEL en ce qu’elles sont des sociétés de personnes et non de capitaux. Par conséquent, le capital et les droits de vote ne peuvent être détenus que par des professionnels en exercice au sein de la société, en vertu de l’article 10 de la loi du 29 novembre 1966 précitée.
L’exercice des professions d’huissier de justice, de notaire et de greffier de tribunal de commerce s’effectue majoritairement sous forme collective.
STRUCTURES D’EXERCICES EN 2014
Office | ||||
Individuels |
SCP |
SEL |
Nombre total d’offices | |
Huissiers de justice |
582 |
938 |
188 |
1 708 |
Notaires |
1 614 |
2 577 |
332 |
4 523 |
Greffiers de tribunal de commerce |
28 |
75 |
31 |
134 |
Commissaires-priseurs judiciaires |
175 |
113 |
17 |
313 |
Administrateurs judiciaires |
52 |
10 |
21 |
83 |
Mandataires judiciaires |
156 |
38 |
60 |
244 |
Source : Autorité de la concurrence, avis n° 15-A-02 du 9 janvier 2015 relatif aux questions de concurrence concernant certaines professions juridiques réglementées.
Progressivement, le législateur a permis la construction de structures d’exercice propres à favoriser une interprofessionnalité capitalistique. Tel a été l’objet de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant diverses mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier dite « MURCEF », de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques, et de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées. Ces dernières ont permis la constitution de structures dédiées à la participation dans des SEL ayant pour objet l’exercice de professions libérales : les sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL).
Deux catégories de SPFPL sont à distinguer. Les SPFPL dites « monoprofessionnelle », régies par l’article 31-1 de la loi du 31 décembre 1990 précitée, sont autorisées à détenir des parts ou actions de SEL ayant pour objet l’exercice d’une même profession libérale. Depuis 2011, en application de l’article 31-2 de la loi du 31 décembre 1990, les SPFPL peuvent également avoir pour objet la détention de parts ou d’actions de SEL ayant pour objet l’exercice de plusieurs des professions d’avocat, de notaire, d’huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire, d’expert-comptable, de commissaire aux comptes ou de conseil en propriété industrielle. On les appelle « SPFPL pluriprofessionnelles ».
Les SPFPL monoprofessionnelles ont connu un certain succès, puisqu’on en dénombrait 358 au 1er janvier 2014. En revanche, faute de publication des mesures réglementaires nécessaires, les SPFPL pluriprofessionnelles étaient, jusqu’à présent, peu nombreuses.
La loi a modifié les règles applicables aux conditions de détention du capital et aux conditions d’exercice de ces professions, en diversifiant les formes sociales ouvertes à ces professionnels et en développant à la fois l’interprofessionnalité capitalistique et l’interprofessionnalité d’exercice.
B. L’INTERPROFESSIONNALITÉ CAPITALISTIQUE ET LA DIVERSIFICATION DES FORMES SOCIALES POUR L’EXERCICE DES PROFESSIONS JURIDIQUES ET JUDICIAIRES
1. Une modification en profondeur du cadre législatif sur la détention du capital et des droits de vote des sociétés d’exercice libéral et des sociétés de participations financières de professions libérales
a. L’assouplissement des règles concernant les SEL
En principe, d’après l’article 5 de la loi du 31 décembre 1990 précitée, plus de la moitié du capital social et des droits de vote d’une SEL – quel que soit son domaine d’activité – doit être détenue directement ou indirectement par des professionnels exerçant au sein de celle-ci. Ce principe, qui fait l’objet de dérogations importantes, n’a pas été modifié par la loi du 6 août 2015.
Ce même article dresse la liste des personnes pouvant détenir le complément du capital et des droits de vote. Avant l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015, il s’agissait :
– des personnes physiques ou morales exerçant la ou les professions constituant l’objet social de la société, autrement dit, les professionnels en exercice ;
– des personnes physiques, qui ont exercé cette ou ces professions avant de cesser toute activité professionnelle, sous réserve que la période de détention n’excède pas dix ans ;
– des ayants-droits des associés décédés, pendant un délai de cinq ans suivant le décès ;
– d’une société créée pour le rachat d’une entreprise (65), si ses membres exercent leur profession au sein de la SEL, ou d’une SPFPL ;
– des autres professionnels du même secteur.
L’article 5 de la loi du 31 décembre 1990 disposait, en outre, que le nombre de SEL constituées pour l’exercice d’une même profession dans lesquelles une même personne physique ou morale appartenant à la première ou à la cinquième des catégories susmentionnées était autorisée à détenir des participations, pouvait être limité, pour chaque profession, par décret en Conseil d’État.
Sans modifier le principe de détention majoritaire du capital et des droits de vote d’une SEL par des professionnels exerçant en son sein, la loi du 6 août 2015 a significativement modifié le droit existant pour développer l’interprofessionnalité capitalistique :
– en élargissant aux professionnels européens le champ des personnes autorisées à détenir le complément du capital ;
– en élargissant le champ des dérogations au principe de détention majoritaire par des professionnels en exercice au sein de la société ;
– en supprimant le plafonnement du nombre de participations dans des SEL détenues par un professionnel du même secteur ;
– en étendant le droit de vote double à certaines catégories de personnes ;
– en modifiant les conditions d’agrément de cessions dans certains cas.
i. L’ouverture aux professionnels européens
Aux cinq catégories de personnes autorisées à détenir le complément du capital social et des droits de vote d’une SEL, l’article 67 de la loi du 6 août 2015 en ajoute une sixième : les professionnels européens exerçant la profession constituant l’objet social de la SEL. Par professionnel européen, il faut entendre « toute personne physique ou morale légalement établie dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exerce, dans l’un de ces États, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue et dont l’exercice constitue l’objet social de la société et, s’il s’agit d’une personne morale, qui répond, directement ou indirectement par l’intermédiaire d’une autre personne morale, aux exigences de détention du capital et des droits de vote prévues par la présente loi », selon le 6° du B de l’article 5 de la loi du 31 décembre 1990.
Ces professionnels bénéficient également des dérogations au principe de détention majoritaire par des professionnels en exercice au sein de la société (voir ci-dessous).
ii. L’assouplissement des règles de détention majoritaire du capital et des droits de vote pour les SEL
Avant l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 67 de la loi du 6 août 2015, le principe de détention majoritaire par des professionnels exerçant au sein des SEL faisait déjà l’objet de dérogations, différenciées selon qu’il s’agissait de la détention du capital social ou de la détention des droits de vote.
L’ancien article 5-1 de la loi du 31 décembre 1990 prévoyait en effet que, par dérogation au principe de détention majoritaire par des professionnels en exercice au sein de la société, plus de la moitié du capital social d’une SEL pouvait être détenue par des professionnels exerçant la même profession que celle constituant l’objet social de la SEL, sans qu’ils exercent nécessairement au sein de celle-ci, ou par des SPFPL dont la majorité du capital et des droits de vote étaient détenues par des personnes exerçant ladite profession. Il n’en allait pas de même s’agissant des droits de vote : plus de la moitié de ceux-ci devait être détenue par des professionnels exerçant au sein de la SEL.
La loi du 6 août 2015 a assoupli ces conditions pour les SEL en général (à l’exception de celles du secteur de la santé) et pour les SEL dont l’objet est l’exercice de professions juridiques et judiciaires en particulier.
Dorénavant, pour les SEL – sauf celles du secteur de la santé –, c’est non seulement la majorité du capital, mais aussi la majorité des droits de vote qui peuvent être détenues par des professionnels exerçant en dehors de la société la profession constituant son objet ou par des SPFPL dont la majorité du capital et des droits de vote est détenue par des professionnels exerçant cette même profession (66). Comme évoqué supra, cette possibilité est également ouverte aux professionnels européens au sens du 6° du B du I de l’article 5 de la loi de 1990.
La loi du 6 août 2015 prévoit une souplesse encore plus grande pour les règles de composition du capital et des droits de vote des SEL ayant pour objet l’exercice des professions juridiques et judiciaires. En effet, pour ces professions, est autorisée la détention de plus de la moitié du capital et des droits de vote par des professionnels exerçant une autre profession que celle constituant l’objet de la SEL (article 6, I, 3°), que ces professionnels soient établis en France ou qu’ils soient européens, selon la définition présentée supra. Une exigence s’impose toutefois à ces sociétés : l’un au moins de ses associés doit exercer la profession constituant son objet social.
Lorsqu’il est fait application de ces dérogations à la règle de détention majoritaire du capital par des professionnels exerçant au sein de la SEL, la disposition du premier alinéa de l’article 12 de la loi de 1990 selon laquelle « les gérants, le président et les dirigeants de la société par actions simplifiée, le président du conseil d’administration, les membres du directoire, le président du conseil de surveillance et les directeurs généraux ainsi que les deux tiers au moins des membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance doivent être des associés exerçant leur profession au sein de la société », est écartée. Cependant, la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 12 précise que le conseil d’administration ou le conseil de surveillance de la société doit comprendre au moins un membre, en exercice au sein de la société, de la profession constituant son objet social.
Si ces dérogations – à la fois générales et propres au secteur juridique et judiciaire – témoignent de la souplesse que le législateur a entendu instaurer, la loi réserve au pouvoir réglementaire la possibilité de les interdire, par décret en Conseil d’État, « compte tenu des nécessités propres à chaque profession et dans la mesure nécessaire au bon exercice de la profession concernée, au respect de l’indépendance de ses membres ou de ses règles déontologiques propres » (article 6, IV).
iii. La suppression du plafonnement des participations dans des SEL par des professionnels du même secteur
Outre les règles décrites ci-avant concernant la détention majoritaire en capital et en droits de vote, la loi du 6 août 2015 a supprimé la possibilité laissée au pouvoir réglementaire de limiter, par décret en Conseil d’État, le nombre de sociétés constituées pour l’exercice d’une même profession, dans lesquelles une même personne physique ou morale exerçant cette profession, mais en-dehors de la société ou exerçant une autre profession libérale appartenant au même secteur (67), est autorisée à détenir des parts au titre du complément du capital. Désormais, elle est restreinte aux professions de la santé (article 5, I, C).
Ce plafonnement est à distinguer du plafonnement prévu par l’ancien article 5-1 qui concernait toutes les SEL, à l’exception des professions juridiques et judiciaires. Un décret en Conseil d’État pouvait limiter le nombre de SEL constituées pour l’exercice d’une même profession dans lesquelles un même professionnel exerçant cette profession ou une même SPFPL pouvait détenir des participations directes ou indirectes. Dans ce dernier cas et à l’inverse du précédent plafonnement, toutes les participations étaient prises en compte, y compris celles de la SEL où l’intéressé exerçait sa profession, alors que le premier ne concerne que les participations détenues au titre du complément (68). L’article 67 de la loi du 6 août 2015 a modifié ce dispositif en le réservant au secteur de la santé.
iv. L’extension des droits de vote double à certains professionnels n’exerçant pas au sein de la SEL
L’article 8 de la loi du 31 décembre 1990 réserve aux professionnels exerçant au sein des SEL à forme anonyme, par actions simplifiées ou en commandite par actions, la possibilité de détenir des actions à droit de vote double. La loi du 6 août 2015 a inséré un nouvel alinéa à l’article 8 de la loi du 31 décembre 1990 qui a pour effet d’étendre le droit de vote double à deux catégories de personnes :
– les professionnels n’exerçant pas leur profession au sein de la SEL ou les SPFPL dont la majorité du capital et des droits de vote sont détenus par des professionnels n’exerçant pas au sein de la SEL ;
– les professionnels exerçant une profession juridique ou judiciaire autre que celle constituant l’objet social de la SEL.
v. Des conditions d’agréments de cessions renforcées dans certains cas
L’agrément des cessions d’actions ou de parts sociales fait l’objet de dispositions particulières pour les SEL. L’article 10 de la loi du 31 décembre 1990 dispose en effet que, nonobstant toute disposition statutaire ou législative contraire :
– les cessions d’actions de SEL à forme anonyme sont soumises à un agrément préalable donné, soit par les deux tiers des actionnaires exerçant leur profession au sein de la société, soit par les deux tiers des membres du conseil de surveillance ou du conseil d’administration exerçant leur profession au sein de la société ;
– l’agrément de nouveaux actionnaires dans les SEL en commandite par actions est donné par les associés commandités à la majorité des deux tiers ;
– l’agrément de nouveaux actionnaires dans les SEL par actions simplifiées est donné par les associés exerçant leur activité au sein de la société à la majorité des deux tiers.
Le 7° de l’article 67 de la loi du 6 août 2015 a inséré un dernier alinéa à l’article 10 de la loi de 1990, disposant que ces conditions de majorité dérogatoires au droit commun ne sont pas applicables à deux types de cessions :
– les cessions de la majorité du capital et des droits de vote des SEL n’appartenant pas au secteur de la santé à des personnes exerçant la profession constituant l’objet social de la société ou à des SPFPL dont la majorité du capital et des droits de cote sont détenues par des professionnels n’exerçant pas au sein de la SEL ;
– les cessions de la majorité du capital et des droits de vote des SEL ayant pour objet l’exercice d’une profession juridique et judiciaire à des personnes exerçant l’une quelconque des professions juridiques ou judiciaires.
Autrement dit, pour ces types de cession, les dispositions spéciales de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1990 ne s’appliquent pas ; l’agrément est donné dans les conditions de majorité légales ou statutaires.
b. Les SPFPL monoprofessionnelles
S’agissant des SPFPL monoprofessionnelles, le principe de l’article 31-1 de la loi du 31 décembre 1990, selon lequel « plus de la moitié du capital et des droits de vote doit être détenue par des personnes exerçant la même profession que celle exercée par les sociétés faisant l’objet de détention des parts ou actions » n’a pas été modifié par la loi du 6 août 2015. Le complément peut être détenu par d’anciens professionnels ayant cessé leur activité, par des ayants-droits des associés décédés ou par d’autres professionnels du même secteur d’activité.
Cependant, la loi du 6 août 2015 a modifié le régime des SPFPL monoprofessionnelles sous plusieurs aspects.
En premier lieu, elle a ouvert la possibilité aux professionnels européens, tels que définis au 6° du B du 1° de l’article 5, de devenir associés en leur sein.
En deuxième lieu, elle a étendu l’objet social autorisé des SPFPL monoprofessionnelles. Selon le droit antérieurement en vigueur, elles étaient autorisées à exercer, à titre accessoire, des activités en lien direct avec leur objet social. Désormais, elles peuvent exercer toute autre activité, sous réserve que celle-ci soit destinée exclusivement aux sociétés ou groupements dont elles détiennent des participations (69). Cette disposition permet, par exemple, aux SPFPL, de mettre à disposition des SEL des biens mobiliers et immobiliers.
En troisième lieu, pour les SPFPL monoprofessionnelles du secteur juridique ou judiciaire, en cohérence avec les dispositions de l’article 63 de la loi du 6 août 2015, qui permettent aux professionnels du droit dont l’activité est réglementée de recourir, pour l’exercice de leur profession en société, à certaines formes sociales telles que les sociétés anonymes, les sociétés à responsabilité limitée ou les sociétés par actions simplifiées (voir infra), la loi a modifié l’objet des SPFPL afin de les autoriser à détenir des parts ou actions de ces sociétés lorsqu’elles ont pour objet l’exercice d’une même profession juridique ou judiciaire.
En quatrième lieu, la loi dispose que « le capital social et les droits de vote d’une société de participations financières peuvent être détenus par toute personne exerçant une profession juridique ou judiciaire ou par toute personne mentionnée au 6° du B du I de l’article 5 exerçant l’une quelconque desdites professions ». Les professionnels européens peuvent donc désormais être majoritaires dans les SPFPL monoprofessionnelles du secteur juridique ou judiciaire. Cette possibilité est tout à fait nouvelle pour les SPFPL monoprofessionnelles dont le capital ne pouvait pas être détenu, même à titre minoritaire, par des professionnels européens, à la différence du capital des SPFPL pluriprofessionnelles.
En cinquième et dernier lieu, la loi du 6 août 2015 autorise, pendant un délai de dix ans, les personnes physiques qui ont cessé d’exercer cette ou ces professions au sein de la société ou les ayants-droits d’associés décédés, pendant un délai de cinq ans suivant le décès, à détenir une part du capital et des droits de vote, à condition que cette part n’excède pas 50 %. Dans ces cas, les organes de contrôle doivent comprendre au moins une personne exerçant la même profession que celle exercée par les sociétés faisant l’objet de la détention des parts ou actions (70).
c. Les SPFPL pluriprofessionnelles
S’agissant des SPFPL pluriprofessionnelles, l’article 31-2 de la loi du 31 décembre 1990, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 67 de la loi du 6 août 2015, disposait que « plus de la moitié du capital et des droits de vote doit être détenue par des personnes exerçant leur profession au sein des sociétés faisant l’objet d’une prise de participation. » Le complément pouvait être détenu par :
– des personnes exerçant la même profession, sous réserve, pour les personnes morales, du caractère civil de leur objet social et de la détention exclusive du capital et des droits de vote par des professionnels libéraux ou anciens professionnels libéraux, ainsi que leurs ayants-droits ;
– pendant un délai de dix ans, des anciens professionnels ayant exercé la ou les professions en question au sein de l’une des sociétés ;
– des ayants-droits des personnes physiques mentionnées ci-dessus, pendant un délai de cinq ans suivant leur décès ;
– des avocats, des notaires, des huissiers de justice, des commissaires-priseurs judiciaires, des experts-comptables, des commissaires aux comptes ou des conseils en propriété industrielle ;
– des professionnels européens, pourvu que l’exercice de leur profession constitue l’objet social de l’une des sociétés faisant l’objet d’une prise de participation.
De manière symétrique à l’évolution des règles s’appliquant aux SEL, la loi du 6 août 2015 a assoupli les conditions de détention majoritaire du capital et des droits de vote des SPFPL pluriprofessionnelles en général, et des SPFPL dont l’une au moins des SEL a pour objet l’exercice d’une profession juridique ou judiciaire en particulier.
Pour toutes les SPFPL pluriprofessionnelles, la loi du 6 août 2015 a ouvert la détention majoritaire du capital social et des droits de vote aux professionnels n’exerçant pas au sein des sociétés détenues par la SPFPL. Selon le droit anciennement en vigueur, la majorité du capital ainsi que la majorité des droits de vote devaient être détenues par des professionnels exerçant leur activité au sein des SEL faisant l’objet d’une participation. Le cas échéant, le complément pouvait être détenu par des personnes appartenant à l’une des cinq catégories de l’article 5, c’est-à-dire par des personnes étant autorisées à détenir le complément du capital des SEL (voir supra).
Désormais, des personnes exerçant la ou les mêmes professions que celles exercées par les sociétés faisant l’objet d’une prise de participation peuvent détenir plus de la moitié du capital et des droits de vote, sans qu’il soit nécessaire que les associés majoritaires de la SPFPL exercent leur profession au sein des sociétés détenues par la SPFPL (71). Il est précisé que les professionnels européens détenteurs de qualifications équivalentes à celles nécessaires pour exercer ces professions en France, sont considérés comme des professionnels français pour l’application des règles de détention du capital social et de droits de vote.
Comme pour les SEL, la loi du 6 août 2015 va encore plus loin dans l’assouplissement des règles d’encadrement de la détention majoritaire du capital et des droits de vote pour les professions juridiques et judiciaires. Ainsi, dans le cas d’une SPFPL dont l’une au moins des filiales a pour objet l’exercice d’une profession juridique ou judiciaire, les personnes exerçant une autre profession juridique ou judiciaire que celle exercée par cette filiale sont prises en compte pour satisfaire la condition de détention de la majorité du capital et des droits de vote.
Enfin, il résulte du III de l’article 31-2, créé par l’article 67 de la loi du 6 août 2015, que plus de la moitié du capital social et des droits de vote d’une SPFPL dont les SEL exercent exclusivement plusieurs des professions juridiques et judiciaires, peut être détenue par toute personne exerçant une ou plusieurs des professions juridiques ou judiciaires, qu’elle soit française ou européenne.
Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application de cet article.
d. L’amélioration de l’information des ordres
L’article 67 de la loi du 6 août 2015 modifie les articles 3 et 31-1 de la loi du 31 décembre 1990 afin d’améliorer l’information dont disposent les ordres professionnels sur la composition du capital, respectivement, des SEL et des SPFPL. Ces sociétés doivent adresser annuellement à l’ordre professionnel dont elles relèvent un état de la composition de leur capital social. Cette disposition permettra aux ordres professionnels d’exercer un contrôle efficace s’agissant des règles de détention du capital précédemment décrites.
e. Un délai de mise en conformité
La loi prévoit un délai de mise en conformité des sociétés avec plusieurs des décrets en Conseil d’État précités. Il s’agit, d’une part, des décrets prévus à l’article 5-1 dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015, c’est-à-dire les décrets pouvant interdire la dérogation à la détention majoritaire du capital des SEL au profit des professionnels n’exerçant pas leur profession au sein de la SEL et ceux pouvant plafonner le nombre de SEL exerçant une profession dans lesquelles une même personne exerçant cette profession ou une même SPFPL peut détenir des participations.
Il s’agit, d’autre part, des décrets prévus au III et IV de l’article 6, c’est-à-dire :
– des décrets pouvant autoriser, compte tenu des spécificités propres à chaque profession, à ce qu’une part minoritaire du capital et des droits de vote des sociétés à responsabilité limitée (SARL), des sociétés d’exercice libéral à forme anonyme (SELA), ou des sociétés d’exercice libéral par actions simplifiées (SELAS), soit librement détenue par d’autres personnes que des professionnels ou anciens professionnels du secteur en question, tels que définis par l’article 5 ;
– des décrets qui prévoient d’écarter la dérogation à la détention majoritaire du capital par des professionnels en exercice au sein de la SEL, prévue aux 1° et 2° du I de l’article 5 ;
– des décrets pouvant, pour les professions de santé, limiter le nombre de SEL ayant pour objet l’exercice d’une de ces professions dans lesquelles une même personne exerçant cette profession ou une même SPFPL peut détenir des participations directes ou indirectes ;
– des décrets pouvant limiter le nombre de SEL détenues par des personnes au titre de la détention libre ;
– des décrets pouvant interdire la participation de certains autres professionnels du secteur ou de certaines catégories de personnes déterminées.
Les sociétés disposent d’un délai de deux ans pour se conformer à ces règles.
2. La possibilité d’exercer sous une forme sociale ne conférant pas aux professionnels la qualité de commerçant
L’article 63 de la loi du 6 août 2015 a ouvert la possibilité aux professionnels du droit de constituer des sociétés sous toute forme sociale, à l’exception de celles leur conférant la qualité de commerçant, c’est-à-dire la société en nom collectif et la société en commandite. À cet effet, il a modifié les textes relatifs à chacune des professions concernées :
– l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice ;
– l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat ;
– l’ordonnance n° 45-2593 relative au statut des commissaires-priseurs ;
– la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, pour les avocats ;
– l’ordonnance du 10 septembre 1817 qui réunit, sous la dénomination d’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, l’Ordre des avocats aux conseils et le collège des avocats à la Cour de cassation, fixe irrévocablement, le nombre des titulaires, et contient des dispositions pour la discipline intérieure de l’Ordre ;
– les articles L. 811-7 et L. 812-5 du code de commerce pour les professions d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire.
Sont désormais ouvertes à tous ces professionnels du droit la faculté de s’associer au sein d’une société anonyme (SA), d’une société par actions simplifiées (SAS) et d’une société à responsabilité limitée (SARL). Ces trois formes sociales étaient auparavant interdites aux professions juridiques et judiciaires, pour des raisons tenant notamment au régime de transmission des droits sociaux. On considérait en effet que l’exercice de ces professions sous ces formes sociales aurait pu conduire à ce que les professionnels soient sous la dépendance d’actionnaires non professionnels.
Tenant compte des caractéristiques particulières de ces professions, l’article 63 de la loi a encadré les règles de détention du capital social et des droits de vote, d’une part, et de gouvernance, d’autre part, de façon à les rapprocher de celles applicables aux sociétés d’exercice libéral.
Ainsi, comme pour les SEL, plus de la moitié du capital et des droits de vote peut être détenue par des professionnels extérieurs à la société. À la différence des SEL, toutefois, il ne ressort pas des dispositions de la loi qu’au moins un professionnel exerçant au sein de la société doit avoir la qualité d’associé ou d’actionnaire, au moins minoritaire. Est en revanche requise la présence d’un associé remplissant les conditions pour exercer la profession.
Concernant les règles de gouvernance, la loi dispose que le conseil d’administration ou le conseil de surveillance de la société comprend au moins un membre de la profession qui exerce au sein de la société.
En outre, à la condition d’être légalement établi dans un État membre de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse, tout professionnel européen disposant des qualifications requises pourra détenir le capital social et les droits de vote de la société.
Le VIII de l’article 63 renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les conditions d’application de l’article et, notamment, les conditions d’inscription et d’omission des sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente, dans le respect des règles déontologiques applicables à chaque profession.
3. Les décrets des 29 juin et 1er juillet 2016 : des initiatives gouvernementales aux conséquences majeures
Sept décrets ont été pris en application de l’article 67. Cinq d’entre eux tirent les conséquences réglementaires des dispositions de cet article pour les professions de géomètre-expert (72), de conseils en propriété industrielle (73), d’architectes (74), d’experts-comptables (75) et d’avocats (76), en adaptant les règles de constitution et de discipline de ces sociétés propres à chacune des professions. En particulier et conformément au C du I de l’article 5 de la loi du 31 décembre 1990 tel qu’il résulte de l’article 67 de la loi du 6 août 2015, les dispositions réglementaires limitant, pour chaque profession, le nombre de SEL dans lesquelles un professionnel peut détenir des participations, ont été abrogées.
Un décret est consacré aux SPFPL pluriprofessionnelles (77). Il modifie la procédure d’inscription et de contrôle des SPFPL et supprime certaines dispositions qui pouvaient être interprétées comme conditionnant l’immatriculation de la société à son inscription au tableau de chacune des professions réglementées du droit ou du chiffre concernée.
Enfin, le décret du 29 juin 2016 relatif aux sociétés d’exercice libéral constituées pour l’exercice des professions d’huissier de justice, de notaire ou de commissaire-priseur judiciaire et aux sociétés de participations financières constituées en vue de la détention de parts sociales ou d’actions dans ces sociétés (78) traite spécifiquement des SEL et des SPFPL d’officiers publics et ministériels.
Quatre décrets ont été pris en application de l’article 63. Ils concernent donc spécifiquement les sociétés autres que les SCP et que les SEL pour les officiers publics et ministériels (79), pour les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation (80), pour les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires (81), ainsi que pour les avocats (82).
a. Les officiers publics et ministériels
i. La possibilité pour une société d’officier public et ministériel d’être titulaire de plusieurs offices : une disposition réglementaire d’initiative gouvernementale
Dès le 30 juin 2016, deux décrets autorisant certaines sociétés à être titulaires de plusieurs offices ont été publiés, laissant déjà présager les dispositions des décrets du 9 novembre 2016 selon lesquelles la même possibilité serait ouverte pour les sociétés civiles professionnelles (SCP).
Le décret n° 2016-880 du 29 juin 2016 autorise en effet toute SEL constituée pour l’exercice de l’une de ces professions à être titulaire de plusieurs offices (83). Une limite dans le nombre d’offices dont une société peut être titulaire résulte toutefois du droit tel que modifié par le décret, puisqu’un professionnel associé au sein de la SEL ne peut être nommé et ne peut exercer que dans un seul de ces offices (84).
Par conséquent, une société ne peut pas être titulaire d’un nombre d’offices supérieur au nombre d’associés qui la composent.
Par parallélisme, l’article 2 du décret n° 2016-883 du 29 juin 2016 ouvre cette même possibilité aux sociétés commerciales, dont la constitution par des officiers publics et ministériels a été rendue possible par l’article 63 de la loi. De la même manière, dans le cas où une société régie par le décret serait titulaire de plusieurs offices, chaque associé exerçant au sein de cette société est nommé et exerce au sein d’un seul de ces offices (article 24 du décret).
Le président-rapporteur et Mme Cécile Untermaier insistent sur le fait que ces dispositions de nature réglementaire ne sont nullement une conséquence nécessaire des dispositions de la loi. Elles ressortissent de la compétence réglementaire autonome du Premier ministre. Leurs conséquences sur le déroulement de la procédure de nomination aux offices créés, conformément au nouveau principe de liberté d’installation régulée, sont considérables. Des développements leur sont consacrés au II de la présente partie (voir infra).
ii. La modification des règles relatives à la nomination
La procédure de nomination des sociétés (SEL ou société commerciale) ayant pour objet l’exercice d’une profession d’officier public et ministériel est adaptée par les décrets n° 2016-880 et n° 2016-883 précités aux dispositions du décret du 20 mai 2016 (85) relatif aux officiers publics et ministériels, qui a rénové les modalités d’installation de ces professionnels, conformément à l’article 52 de la loi du 6 août 2015. Ils tirent également les conséquences de la faculté nouvelle pour les sociétés d’être titulaires de plusieurs offices, qu’ils ont eux-mêmes ouverte.
Ainsi, la demande de nomination des sociétés est adressée au garde des Sceaux par téléprocédure et le bureau de l’instance ordinale concernée communique à ce dernier, dans les vingt jours, toute information dont il dispose pour apprécier les capacités professionnelles et l’honorabilité de chacun des associés relevant de ses attributions, que ces derniers entendent exercer la profession au sein de la société ou non (86). Le rôle du parquet dans la procédure est allégé.
De plus, les associés n’exerçant pas la profession au sein de la société, les représentants légaux de la société qui ne sont pas associés et les membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de la société sont tenus de présenter des garanties concernant leur honorabilité.
Une différence est instituée entre les SEL et les sociétés autres que les SEL et les SCP s’agissant de leur constitution. En effet, contrairement aux SEL qui sont constituées sous condition suspensive de leur nomination dans un office par le ministère de la justice, les sociétés relevant du décret n° 2016-883 sont constituées indépendamment de l’acte de nomination.
Ces dispositions ayant trait à la procédure de nomination ne sont pas applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, ces territoires n’entrant pas dans le champ de la loi du 6 août 2015 pour ses dispositions concernant la réforme des modalités d’installation des officiers publics et ministériels.
iii. L’assouplissement des règles relatives aux incompatibilités d’activités des associés
Les décrets du 29 juin 2016 ouvrent la possibilité aux officiers publics et ministériels associés d’une société autre qu’une SCP à exercer une autre activité professionnelle en son sein, si aucune disposition de nature législative ou réglementaire ni aucune stipulation des statuts n’y fait obstacle. Cette activité doit être exercée à titre accessoire et doit être compatible avec le service public dont le professionnel a la charge (87).
Il faut noter que le régime des incompatibilités d’activités applicables aux SCP, n’a pas été modifié, si bien que les décrets du 29 juin 2016 instaurent une différence entre les SEL et les SCP à cet égard. Pour les SCP, en effet, « les associés doivent consacrer à la société toute leur activité professionnelle et s’informer mutuellement de cette activité (88). »
iv. L’assouplissement des règles relatives aux modifications touchant le capital social
Les règles relatives aux modifications dans la structure du capital social des sociétés sont assouplies. Tout d’abord, la procédure de notification des opérations est dématérialisée, sur le modèle de la procédure de nomination : les demandes sont directement adressées au garde des Sceaux et non plus au procureur général.
Pour les SEL, toute convention portant cession, par un associé, de tout ou partie de ses parts ou actions, reste conditionnée à l’agrément du cessionnaire et, s’il y a lieu, à l’approbation du retrait du cédant, prononcée par arrêté du garde des Sceaux. Le décret n° 2016-880 supprime toutefois l’avis motivé que le procureur devait solliciter auprès des instances ordinales.
Pour les projets de cession de parts ou actions à des personnes autorisées à détenir le complément du capital de la société, en vertu du B du I de l’article 5 de la loi du 31 décembre 1990 (voir supra) et pour les projets de cession à des professionnels du secteur juridique ou judiciaire, autorisés à détenir la majorité des SEL ayant pour objet l’exercice de l’une des professions juridiques et judiciaires, le décret assouplit la procédure. Un régime de déclaration assortie d’un pouvoir d’opposition du garde des Sceaux succède au régime d’autorisation qui s’appliquait auparavant (89).
De même, si le décret n° 2016-880 maintient le principe d’un agrément pour les augmentations de capital conduisant à la nomination de nouveaux associés, il allège la procédure lorsque ces associés n’entendent pas exercer au sein de la société. Dans ce cas, le régime de déclaration assortie d’un pouvoir d’opposition du garde des Sceaux s’applique également (90).
S’agissant des sociétés autres que les SCP et que les SEL, les procédures concernant les opérations en capital ou en droits de vote sont fixées par le décret n° 2016-883. Elles se rapprochent des procédures applicables pour les SEL.
Deux types d’opérations doivent être déclarées au garde des Sceaux, sans que celui-ci puisse s’y opposer (91). Il s’agit, d’une part, des modifications de la répartition ou du nombre d’actions, de parts sociales ou de droits de vote détenus par les associés exerçant la profession dont l’exercice constitue l’objet social de la société. Il s’agit, d’autre part, des cessions d’actions ou de parts sociales entre des associés qui n’exercent pas la profession en question, ainsi que des modifications dans la répartition du capital ou des droits de vote entre ces associés. Il est précisé que tout projet de cession d’actions ou de parts sociales qui ne relève pas de ces deux situations est soumis à un régime de déclaration préalable assortie d’un pouvoir d’opposition du garde des Sceaux.
Des régimes plus contraignants s’appliquent lorsque ces opérations permettent l’entrée d’un nouvel associé au capital ou, à l’inverse, le retrait d’un associé. Un régime d’autorisation est ainsi prévu en cas de projet d’entrée d’un nouvel associé envisageant d’exercer la profession, par cession d’actions ou de parts sociales ou par augmentation de capital (92). Lorsque ce type d’opérations a pour effet de faire entrer au capital un associé n’entendant pas exercer la profession, un régime de déclaration préalable assortie d’un pouvoir d’opposition du garde des Sceaux est prévu (93). La même procédure s’applique pour tout projet d’augmentation de capital ou de cessions d’actions ou de parts sociales conduisant à l’entrée dans la société d’un nouvel associé qui apporte à la société le droit de présentation sur l’office dont il est titulaire. Sont également soumis à ce régime, d’une part, les projets de fusion de sociétés existantes nommées dans un office résultant dans la constitution d’une société autre qu’une SCP ou une SEL et, d’autre part, les projets de scission conduisant à la nomination d’une ou plusieurs sociétés nouvelles, autres qu’une SCP ou une SEL, dans un ou plusieurs offices dont la société scindée est titulaire.
Sont également précisées les conditions de retrait d’un ou de plusieurs associés. L’article 13 du décret autorise les statuts à prévoir qu’un associé cessant d’exercer est contraint de se retirer de la société par une décision des autres associés prise à une majorité qui ne peut être inférieure aux deux tiers des actions ou des parts sociales des autres associés. Le cas échéant, l’associé dispose d’un délai de six mois pour céder ses actions ou parts à la société, à ses coassociés ou à un tiers. Faute d’accord, un expert est désigné dans les conditions prévues à l’article 1843-3 du code civil.
b. Les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires
Le décret n° 2016-902 du 1er juillet 2016 relatif à l’exercice sous forme de société ou d’autre entité dotée de la personnalité morale de la profession d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire modifie la partie réglementaire du code de commerce commune aux sociétés d’administrateurs et de mandataires judiciaires, pour l’adapter à l’exercice de ces professions sous les nouvelles formes de sociétés ouvertes par l’article 63 de la loi du 6 août 2015 et aux règles de détention du capital et des droits de vote résultant de l’article 67 de celle-ci. Il est en particulier précisé que, dans le cas où une SEL dont une partie du capital est détenue par des professionnels européens (94) sollicite son inscription sur la liste nationale des administrateurs judiciaires ou des mandataires judiciaires, respectivement prévues aux articles L. 811-2 et L. 812-2 du code de commerce, le dossier de demande doit comprendre la liste de ces associés précisant, pour chacun d’eux, la part de capital qu’ils détient.
Le décret pose également le principe d’une inscription de droit sur la liste par la commission nationale d’inscription et de discipline de toute société qui satisfait aux conditions d’exercice et de détention du capital social et des droits de vote, ainsi que de composition des organes dirigeants (article R. 814-62 du code de commerce).
Le décret instaure aussi un régime déclaratif s’agissant des modifications du capital détenu par les associés et des modifications des statuts (article R. 814-64).
Le décret précise enfin, par son article 2, que l’absence de réponse des demandes d’inscription des sociétés sur la liste des sociétés d’administrateurs judiciaires ou sur la liste des sociétés de mandataires judiciaires vaut acceptation à l’expiration d’un délai de quatre mois.
c. Les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation
Le décret n° 2016-881 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation sous forme de société autre qu’une société civile professionnelle définit, en conformité avec les dispositions de l’article 63 de la loi du 6 août 2015, les modalités de titularisation dans un office d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation dans ces sociétés, les modalités de radiation et les modalités d’exercice de la profession par la société et les associés ou membres.
Les modalités de nomination pour ces professionnels, bien que proches de celles applicables aux officiers publics et ministériels, s’en distinguent en ce que le décret n’autorise pas la nomination d’une société dans plusieurs offices.
Concernant les modifications du capital social et des droits de vote des associés, le décret comporte des dispositions similaires à celles désormais en vigueur pour les nouvelles formes de sociétés ouvertes aux huissiers de justice, aux notaires et aux commissaires-priseurs judiciaires, les procédures étant toutefois adaptées pour tenir compte du fait qu’une personne ne peut pas être titulaire de plusieurs offices.
Ainsi, une fusion ne peut avoir pour effet la constitution d’une société titulaire de plusieurs offices : la société issue de la fusion ne peut être nommée que dans un seul office, les autres offices devant être supprimés ou pourvus par un nouveau titulaire (article 14).
En ce qui concerne les modalités d’exercice de la profession, le principe est le même que celui qui s’applique pour les officiers publics et ministériels : sous réserve des dispositions du décret, toutes les dispositions législatives ou réglementaires relatives aux avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation sont applicables aux sociétés titulaires d’un office d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation et aux avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation exerçant en leur sein (article 18).
Comme pour les officiers publics et ministériels, le régime des incompatibilités d’activités des avocats aux conseils associés dans ces nouvelles formes de société est assoupli par rapport au régime des incompatibilités applicable aux associés de SCP. En effet, les associés sont autorisés par l’article 22 du décret à exercer une autre activité professionnelle, au sein de la société ou en dehors de celle-ci, dès lors qu’aucune disposition législative ou réglementaire et qu’aucune stipulation des statuts de la société ne l’interdit. Cette activité doit toutefois être exercée à titre accessoire et doit être compatible avec l’accomplissement du service public dont ce professionnel a la charge, sans que cela porte atteinte aux règles de déontologie. S’il fait usage de cette possibilité, l’avocat aux conseils doit en informer l’ordre.
d. Les avocats
Concernant la profession d’avocat, le décret n° 2016-882 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession d’avocat sous forme d’entité dotée de la personnalité morale autre qu’une société civile professionnelle ou qu’une société d’exercice libérale ou de groupement d’exercice régi par le droit d’un autre État membre de l’Union européenne détermine les conditions d’inscription au barreau de ces sociétés ou groupements. Le décret rend applicables les dispositions du décret n° 93-492 du 25 mars 1993 pris pour l’application à la profession d’avocat de la loi du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé s’agissant :
– de la présentation de la demande d’inscription au barreau des sociétés ;
– des associés relevant de barreaux différents ;
– de la décision d’inscription prise par l’ordre ;
– de la modification des statuts de la société ;
– des recours.
Le décret adapte également à ces sociétés les dispositions réglementaires applicables aux SEL pour ce qui est des cessions et transmissions de parts sociales, de l’entrée de nouveaux associés et de l’exercice de la profession.
Il assouplit enfin certaines règles d’incompatibilités avec l’exercice de la profession d’avocat et lève certaines interdictions en modifiant le décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat (95). Tout d’abord, l’exercice de la profession d’avocat reste en principe incompatible avec les fonctions d’associé dans une société en nom collectif (SNC), d’associé commandité dans une société en commandite simple (SCS) ou dans une société en commandite par actions (SCA), de gérant dans une SARL, de président du conseil d’administration, de membre du directoire ou de directeur général d’une société anonyme ou de gérant d’une société civile, sauf si ces sociétés ont pour objet la gestion d’intérêts familiaux. Sans renverser ce principe, le décret ajoute un autre cas dérogatoire à l’importance majeure : celui où ces sociétés auraient pour objet l’exercice de la profession d’avocat elle-même. L’usage de ces dérogations par un professionnel est conditionné à une information du conseil de l’ordre du barreau, qui peut demander tous renseignements et documents utiles pour apprécier la compatibilité de l’activité avec les règles de déontologie de la profession (article 111 du décret du 27 novembre 1991 dans sa version issue du décret du 29 juin 2016 précité).
Ces incompatibilités n’interdisent pas la commercialisation, à titre accessoire, de biens ou de services connexes à l’exercice de la profession, s’ils sont destinés à des clients ou à d’autres avocats. De plus, il n’est plus requis pour l’avocat ayant exercé moins de sept années une profession juridique réglementée de solliciter une dispense auprès du conseil de l’ordre de son barreau, dans l’hypothèse où il souhaite être élu aux fonctions de membre du conseil de surveillance d’une société commerciale ou d’administrateur de société, dès lors que cette société relève de la catégorie des sociétés dans lesquelles il peut exercer sa profession (article 112 du décret du 27 novembre 1991). À supposer qu’il soit élu, il n’est plus nécessaire qu’il en informe le conseil de l’ordre dont il relève.
e. Les sociétés de participations financières de professions libérales
Les procédures de nomination dans les SPFPL pluriprofessionnelles (96) et monoprofessionnelles (97) sont simplifiées et certaines dispositions pouvant être regardées comme conditionnant l’immatriculation des SPFPL au registre du commerce à leur inscription sur la liste des sociétés tenue par le garde des Sceaux sont supprimées.
4. Les décrets du 9 novembre 2016 : une conséquence nécessaire des dispositions réglementaires antérieures
Trois décrets du 9 novembre 2016 ont été pris en application de l’ensemble des dispositions de la loi touchant aux conditions de nomination, de constitution et de fonctionnement des sociétés d’huissiers de justice (98), de notaires (99) et de commissaires-priseurs judiciaires (100).
Ils tirent certaines conséquences nécessaires des articles 52 à 55, 63 et 67 de la loi du 6 août 2015, concernant les modalités d’installation des officiers publics et ministériels, la limite d’âge pour l’exercice de ces professions, l’ouverture des nouvelles formes sociales d’exercice et l’élargissement des modalités de détention de capital des SEL. Il s’agit en fait de précisions de cohérence avec celles des décrets du 29 juin 2016 sur les autres formes de société.
En particulier, dans la suite logique des précisions réglementaires concernant les SEL et les nouvelles formes sociales d’exercice, les décrets du 9 novembre 2016 ouvrent la possibilité aux SCP d’huissiers de justice, de notaires et de commissaires-priseurs judiciaires d’être titulaires de plusieurs offices (101), sachant que si la société est titulaire de plusieurs offices, chacun de ses associés n’est nommé et n’exerce que dans un seul office.
C. L’INTERPROFESSIONNALITÉ D’EXERCICE ET LA CRÉATION D’UNE PROFESSION DE COMMISSAIRE DE JUSTICE
1. Favoriser l’interprofessionnalité d’exercice entre professionnels du droit et du chiffre tout en garantissant le respect des principes déontologiques propres à ces professions
a. Une habilitation encadrée
Si l’interprofessionnalité capitalistique s’est progressivement développée, en particulier depuis la « loi MURCEF » (102), l’interprofessionnalité d’exercice entre professions du droit et du chiffre, c’est-à-dire l’exercice en commun de plusieurs professions au sein d’une même structure juridique, était impossible. Certes, nombre de professionnels du droit et du chiffre échangeaient et travaillaient ensemble, mais seulement de manière informelle. Le développement de l’interprofessionnalité d’exercice a pour but, d’une part, de favoriser le regroupement de moyens entre professionnels, ce qui permet un gain d’efficience et, d’autre part, de proposer aux clients une gamme de services adaptée à leurs besoins.
Fort de ce constat, le législateur a habilité le Gouvernement, par l’article 65 de la loi du 6 août 2015, à prendre par ordonnance, les mesures relevant du domaine de la loi pour faciliter la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions d’avocat, d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d’expert-comptable. Il a toutefois encadré cette habilitation par plusieurs limites.
Tout d’abord, la totalité du capital et des droits de vote doit être détenue, directement ou indirectement, par des personnes physiques ou morales européennes, exerçant l’une des professions exercées au sein de la société. Cette disposition, issue d’un amendement des rapporteurs du projet de loi à l’Assemblée nationale, constitue une garantie tendant à préserver le modèle français du droit. Il s’agit en effet de ne pas autoriser la constitution d’entités appelées alternative business structures qui associeraient, sur le modèle anglo-saxon, des banques, des compagnies d’assurance et d’importantes sociétés d’expertise-comptable, au sein de sociétés dont le capital ne serait pas nécessairement détenu par des professionnels du droit.
Ensuite, l’article 65 dispose que ces sociétés ne peuvent exercer l’une des professions en question que si l’un de leurs associés remplit, à titre personnel, les conditions requises.
La loi renvoie également à l’ordonnance le soin de garantir :
– que la création de ces structures interprofessionnelles ne peut altérer les principes déontologiques applicables à chacune des professions visées,
– que les incompatibilités et les conflits d’intérêts propres à chaque profession doivent être pris en compte
– et que l’intégrité des missions des officiers publics ou ministériels doit être préservée.
Le législateur a enfin veillé à ce que l’ordonnance dispose que la représentation au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance d’au moins un professionnel exerçant au sein de la société doit être assurée.
b. L’ordonnance du 31 mars 2016 : un principe de souplesse, des garanties nécessaires à la préservation de l’indépendance des professions
Prise en vertu de l’article 65 de la loi du 6 août 2015, l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé modifie la loi du 31 décembre 1990 précitée en y introduisant un titre IV bis comportant les articles 31-3 à 31-12 consacrés aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de certaines professions libérales dénommées « sociétés pluriprofessionnelles d’exercice » (SPE).
Le principe de souplesse sous-tend les dispositions de l’ordonnance. Ainsi, la SPE peut revêtir toute forme sociale, dès lors qu’elle ne confère pas aux associés la qualité de commerçant, selon l’article 31-4 de la loi du 31 décembre 1990 tel que modifié par l’article 3 de l’ordonnance. En outre, elle peut, à titre accessoire, exercer toute activité commerciale dont la loi ou le décret n’interdit pas l’exercice à l’une au moins des professions qui constituent son objet social, en vertu de l’article 31-5 de la loi de 1990.
Pour l’essentiel, la SPE sera régie par les règles propres à la forme sociale choisie par les associés. L’ordonnance a cependant étendu aux SPE certaines règles qui étaient réservées aux SEL.
En premier lieu, la SPE ne peut accomplir les actes d’une profession déterminée que par l’intermédiaire d’un de ses membres ayant qualité pour exercer cette profession (article 31-4).
En deuxième lieu, elle ne peut exercer la ou les professions constituant son objet social qu’après son agrément par l’autorité ou les autorités compétentes ou son inscription sur la liste ou les listes ou au tableau de l’ordre ou des ordres professionnels. Il y a lieu de distinguer les cas : si chaque associé est déjà inscrit sur l’une des listes ou dans un ordre, l’inscription de la société répondra à un régime déclaratif, les ordres ayant toutefois la possibilité de s’opposer à sa constitution. Dans le cas contraire, le ministère de la justice autorise la constitution de la société. S’agissant des offices publics ou ministériels, la société doit être agréée ou titularisée dans l’office selon des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
En troisième lieu, aucun droit de vote double ne peut être attribué aux actions détenues par des actionnaires autres que des professionnels en exercice au sein de la société. Lorsque les statuts de la société prévoient la possibilité d’actions à droit de vote double, celles-ci doivent être attribuées à tous les professionnels actionnaires exerçant au sein de la société.
En quatrième et dernier lieu, l’article 16 de la loi du 31 décembre 1990 aux termes duquel « chaque associé répond sur l’ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit » et « la société est solidaire avec lui » s’applique aux SPE.
L’ordonnance fixe également les règles de détention du capital de ces sociétés. Conformément à l’habilitation donnée par le a) du 2° de l’article 65, la totalité du capital et des droits de vote est détenue directement ou indirectement par des personnes exerçant l’une des professions exercées en commun au sein de la société ou par des professionnels européens, selon la définition mentionnée supra. Il y a là une différence notable avec la SEL. Une SEL d’avocat peut en effet être détenue à 99 % par un notaire luxembourgeois, par exemple, tandis qu’une SPE exerçant la profession d’avocat et d’expert-comptable ne pourra être détenue que par des avocats et des experts-comptables.
De façon générale, la société doit comprendre, parmi ses associés, au moins un membre de chaque profession exercée en son sein (article 31-6 de la loi du 31 décembre 1990), conformément au b) du 2° de l’article 65 de la loi du 6 août 2015.
S’ajoutent à ces règles encadrant la détention du capital et le pouvoir décisionnel, des dispositions destinées à encadrer son fonctionnement. L’habilitation de l’article 65 impose trois exigences à cet égard. D’une part, la pluriprofessionnalité d’exercice doit préserver les principes déontologiques applicables à chaque profession (article 65, 2°c). D’autre part, les incompatibilités d’exercice et les risques de conflit d’intérêts doivent être pris en considération (article 65, 2°, d). Enfin, l’intégrité des missions des professionnels liées au statut d’officier public et ministériel dans l’accomplissement de leurs fonctions doit être préservée (article 65, 2° e).
Pour se conformer à ces directives, le nouvel article 31-8 de la loi du 31 décembre 1990, introduit par l’ordonnance, confère aux statuts des sociétés pluriprofessionnelles d’exercice un rôle majeur. Ils doivent, en effet, « comporter des stipulations propres à garantir, d’une part, l’indépendance de l’exercice professionnel des associés et des salariés et, d’autre part, le respect des dispositions réglementaires encadrant l’exercice de chacune des professions qui constituent son objet social, notamment celles relatives à la déontologie ». Par conséquent, chacune des professions exercées au sein d’une SPE sera soumise à sa propre déontologie, sous le contrôle de leur ordre respectif.
Pour ce qui est, de manière plus spécifique, de la prévention du risque de conflits d’intérêts, le second alinéa de l’article 31-8 dispose que chaque professionnel exerçant au sein de la société a l’obligation d’avertir la société elle-même ainsi que les autres professionnels, de l’existence d’un conflit d’intérêts qui serait susceptible de survenir. Cet impératif s’impose à la fois aux potentiels conflits entre les intérêts d’un professionnel en sa qualité de professionnel et tout autre intérêt qu’il détient hors de la société ou toute autre activité professionnelle qu’il exerce et aux conflits d’intérêts entre l’exercice de l’activité d’un professionnel et l’exercice par les autres professionnels de leur activité. Un décret en Conseil d’État devra déterminer les cas où une personne physique ou morale associée peut être exclue de la société, en précisant les garanties morales, procédurales et patrimoniales qui lui sont accordées, dans ces cas. Les effets de l’interdiction ou de l’incapacité d’exercer la profession dont la société ou une personne physique ou morale associée serait frappée devront aussi être précisés.
S’agissant du secret professionnel, les personnes exerçant au sein de la société sont tenues aux dispositions encadrant l’exercice de leur profession (article 31-10 de la loi du 31 décembre 1990). Néanmoins, ces obligations ne font pas obstacle à ce qu’un professionnel communique à d’autres professionnels toute information nécessaire à l’accomplissement des actes et à l’organisation du travail au sein de la société dans l’intérêt du client et à condition que ce dernier ait donné son accord.
Les administrateurs et mandataires judiciaires peuvent communiquer à d’autres professionnels toute information nécessaire à l’accomplissement des actes professionnels et à l’organisation du travail au sein de la société, dans les limites de ce que leur permet le mandat de justice pour lequel ils ont été désigné.
L’ordonnance organise également les relations entre la société et le client, en disposant que la SPE informe le client qui envisage de contracter avec elle de la nature de l’ensemble des prestations qui peuvent lui être fournies par les différentes professions qu’elle exerce et de la possibilité dont il dispose de s’adresser à l’une ou plusieurs de ces professions pour les prestations qu’elle offre. Il est précisé que le client désigne les professionnels auxquels il entend confier ses intérêts. Pour le cas particulier des administrateurs et mandataires judiciaires, la juridiction désigne en son sein le professionnel auquel est confié le mandat (article 31-10 de la loi du 31 décembre 1990).
Le décret en Conseil d’État précité fixera les règles de fonctionnement spécifiques à la SPE. Il précisera les modalités selon lesquelles les personnes physiques associées et les salariés exercent leur profession au sein de la SPE. Il déterminera l’autorité administrative ou l’autorité professionnelle compétente pour exercer le contrôle sur la société, les modalités de ce contrôle et les conditions dans lesquelles le secret professionnel est opposable.
L’ordonnance prévoit que la société souscrive à une assurance au titre de sa responsabilité civile professionnelle (article 31-11 de la loi).
Dans le but de faciliter l’intégration des SCP dans des SPE, l’article 4 de l’ordonnance modifie la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles. Elle rétablit l’article 27, qui dispose désormais qu’un décret en Conseil d’État peut, pour chaque profession, fixer la majorité qui, à défaut de clause contraire dans les statuts de la SCP, sera requise pour transformer une société civile professionnelle en une SPE ou pour participer à sa constitution par fusion. En cas de refus d’un associé d’une de ces opérations, la société se trouve dans l’obligation d’acquérir ses parts ou de les faire acquérir par d’autres associés ou des tiers.
L’ordonnance tire les conséquences de ces dispositions en modifiant les dispositions particulières applicables à chacune des professions concernées :
– en autorisant expressément l’exercice de la profession sous la forme de SPE ;
– en exigeant, conformément au b du 2° de l’article 65, que la société comprenne parmi ses associés une personne physique qui remplit les conditions pour exercer la profession ;
– en levant, le cas échéant, les incompatibilités d’exercice entre l’exercice de la profession et la qualité d’associé ou de dirigeant d’une SPE ;
– en renvoyant au décret en Conseil d’État le soin de prévoir le régime d’autorisation d’exercice de chaque profession.
Les dispositions de l’ordonnance sont entrées en vigueur le 2 avril 2016, soit le lendemain de sa publication, à l’exception des dispositions modifiant les dispositions particulières à chaque profession, qui entreront en vigueur une fois seulement que les décrets propres à ces professions seront publiés et, au plus tard, le 1er juillet 2017.
2. La création d’une profession de commissaire de justice
En application du III de l’article 61 de la loi du 6 août 2015, le Gouvernement a pris, par l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut du commissaire de justice (103), les mesures relevant du domaine de la loi pour créer la profession de commissaire de justice, regroupant les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire.
Le législateur avait aussi confié au Gouvernement le soin de prendre en considération les règles de déontologie, les incompatibilités et les risques de conflits d’intérêts propres à chacune des deux professions, ainsi que les exigences de qualifications particulières.
Il faut rappeler que les huissiers de justice sont au nombre de 3 276 et exercent dans 1 742 offices (104) ; les commissaires-priseurs judiciaires sont au nombre de 413 et exercent dans 315 offices (105).
L’habilitation du législateur précisait que la création d’une profession unique pour remplacer ces deux professions devait se faire « de façon progressive ». C’est la raison pour laquelle les dispositions de l’ordonnance n’entreront en vigueur qu’au 1er juillet 2022 (106).
a. Les compétences du commissaire de justice
L’article 1er de l’ordonnance définit les compétences matérielles des commissaires de justice. Il dispose que ces professionnels sont des officiers publics et ministériels. Il distingue les activités exclusives des activités partagées et introduit les activités des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires qui n’avaient jamais été portées dans leur statut. Tel est le cas de la délivrance de titre exécutoire pour non-paiement de chèque ou l’assistance au greffier en chef dans sa mission de vérification des comptes de tutelle de l’huissier de justice. Certaines activités des commissaires de justice que liste l’ordonnance sont réservées à la profession ; d’autres sont réalisées en concurrence avec d’autres professionnels.
LES COMPÉTENCES DU COMMISSAIRE DE JUSTICE
Huissiers de justice (ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers) |
Commissaires-priseurs judiciaires (Ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 relative au statut des commissaires-priseurs judiciaires) |
Commissaires de justice (Ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice) | |
Compétences exclusives |
– signifier les actes et des exploits et faire les notifications prescrites par la loi ou le règlement ; – ramener à exécution les décisions de justice, ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire ; – délivrer les titres exécutoires pour non-paiement de chèque (compétence non-inscrite dans l’ordonnance) ; – assister le greffier en chef dans sa mission de vérification des comptes de tutelle de l’huissier de justice (compétence non-inscrite dans l’ordonnance) ; – établir des constats d’état des lieux locatifs dans les situations conflictuelles (compétence non-inscrite dans l’ordonnance). |
– signifier les actes et des exploits et faire les notifications prescrites par la loi ou le règlement ; – ramener à exécution les décisions de justice, ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire ; – délivrer les titres exécutoires pour non-paiement de chèque (compétence non-inscrite dans l’ordonnance) ; – assister le greffier en chef dans sa mission de vérification des comptes de tutelle de l’huissier de justice (compétence non-inscrite dans l’ordonnance) ; – établir des constats d’état des lieux locatifs dans les situations conflictuelles (compétence non-inscrite dans l’ordonnance) ; – réaliser les inventaires, prisées et ventes aux enchères publiques de meubles corporels ou incorporels prescrits par la loi ou par décision de justice ; – accomplir les mesures conservatoires après l’ouverture d’une succession, dans les conditions prévues par le code de procédure civile ; – assurer le service des audiences près les cours et tribunaux ; – mettre en œuvre la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances. | |
Compétences partagées |
– mettre en œuvre la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances ; – procéder aux prisées et ventes publiques judiciaires ou volontaires de meubles et effets mobiliers corporels (dans les lieux où il n’est pas établi de commissaire-priseur judiciaire) ; – effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter ; – accomplir les mesures conservatoires après l’ouverture d’une succession, dans les conditions prévues par le code de procédure civile ; – être désignés à titre habituel en qualité de liquidateur dans certaines procédures de liquidation judiciaire ou d’assistant du juge commis dans le cadre des procédures de rétablissement professionnel, dans les conditions prévues par le titre IV du livre VI et le livre VIII du code de commerce ; – assurer le service des audiences près les cours et tribunaux. |
– procéder, dans les conditions fixées par les lois et règlements en vigueur, à l’estimation et à la vente publique aux enchères des meubles et effets mobiliers corporels ; – être désignés à titre habituel en qualité de liquidateur dans certaines procédures de liquidation judiciaire ou d’assistant du juge commis dans le cadre des procédures de rétablissement professionnel, dans les conditions prévues par le titre IV du livre VI et le livre VIII du code de commerce. |
– faire les constatations purement matérielles, lorsque les professionnels sont commis par justice ou à la requête des particuliers, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter ; – être désigné à titre habituel en qualité de liquidateur dans certaines procédures de liquidation judiciaire ou d’assistant du juge commis dans le cadre des procédures de rétablissement professionnel ; – être désigné en qualité de séquestre conventionnel et en remplir les missions ; – être commis en qualité de technicien pour éclairer le juge sur une question de fait ; – exercer à titre accessoire certaines activités ou fonctions dont la liste est dressée par décret en Conseil d’État. |
Source : mission d’information.
Géographiquement, l’article 2 de l’ordonnance dispose que le commissaire de justice exercera ses compétences dans le ressort de la cour d’appel du siège de l’office et des bureaux annexes éventuellement attachés à l’office. Sa compétence sera toutefois nationale pour les activités qu’il exercera en concurrence avec d’autres professionnels et pour l’accomplissement des mesures conservatoires après l’ouverture d’une succession dans les conditions prévues par le code de procédure civile.
b. L’accès à la profession
En cohérence avec les dispositions de la loi du 6 août 2015 instaurant une liberté d’installation régulée pour les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires, l’ordonnance du 2 juin 2016 dispose, en son article 3, que « les commissaires de justice peuvent librement s’installer dans les zones où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services. (107) » L’analyse du nombre cible de professionnels par zone se fera dans les mêmes conditions que celles prévues par l’article 52 de la loi du 6 août 2015 pour chacune des professions de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice et de notaire.
De même, la limite d’âge de soixante-dix ans, instaurée par la loi du 6 août 2015 pour ces trois professions, s’appliquera pour les commissaires de justice.
c. Les conditions d’exercice
Les dispositions de l’ordonnance relatives aux conditions d’exercice de la profession de commissaire de justice reprennent les règles issues de la loi du 6 août 2015 pour chacune des deux professions. Il en va ainsi des règles de détention de capital et des règles d’exercice de la profession en tant que salarié.
S’agissant des règles de déontologie, l’ordonnance reprend celles des statuts des deux professions. Son article 8 édicte des règles de nature à éviter tout conflit d’intérêts avec les proches du professionnel ou le protégeant de lui-même. D’une part, il lui interdit d’instrumenter à l’égard de ses parents et alliés, en ligne directe à tous degrés et en ligne collatérale jusqu’au quatrième degré, de son conjoint et de son partenaire de pacte civil de solidarité. D’autre part, les commissaires de justice qui organisent ou réalisent des ventes de meubles aux enchères publiques ne peuvent, directement ou indirectement, acheter pour leur propre compte les biens proposés lors de ces ventes. Cette disposition, posée à l’article L. 321-5 du code de commerce pour les ventes publiques aux enchères volontaires, est étendue aux ventes aux enchères publiques judiciaires.
L’article 11 de l’ordonnance prévoit la possibilité d’établir des constats par des clercs habilités à procéder, nommés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
d. L’organisation de la profession
Des chambres régionales sont instituées au niveau de chaque cour d’appel et une chambre nationale est instituée auprès du garde des Sceaux. L’attribution de cette chambre reprend en grande partie les attributions des chambres chargées de représenter les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire.
Une caisse de prêt à destination des professionnels qui souhaitent acquérir un office est installée. Inspirée du mécanisme en place pour les huissiers de justice, elle est financée par une cotisation spéciale acquittée par chaque commissaire de justice. Cette caisse, attachée à la chambre nationale, pourra en outre octroyer des subventions et des avances, dans certaines conditions.
e. Les règles de discipline
Comme il est de tradition pour les officiers publics et ministériels, les commissaires de justice sont placés sous la surveillance du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils sont installés. Dans le cadre de leur activité de mandataire de justice désigné à titre habituel, ils sont également soumis à l’autorité du procureur général et à celle du garde des Sceaux.
Une chambre de discipline est attachée à chaque chambre régionale. Elle prononce ou provoque les mesures disciplinaires.
f. L’application et l’entrée en vigueur
L’article 22 de l’ordonnance renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les modalités d’application de l’ordonnance. Il est fait mention de ce décret vingt-deux fois dans l’ordonnance.
Au 1er juillet 2022, date de l’entrée en vigueur des dispositions de l’ordonnance, les textes particuliers à chaque profession seront abrogés (108). À cette date, les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice seront donc réunis au sein d’une même profession. Les offices existants deviennent des offices de commissaires de justice et les professionnels en exercice prennent le titre de commissaire de justice, sous réserve d’avoir rempli les conditions de formation exigées. Au 1er janvier 2026, les professionnels qui ne seraient pas formés cessent d’exercer. Dès le 1er janvier 2019, la chambre nationale des commissaires de justice, prévue à l’article 16 de l’ordonnance, exercera les compétences actuellement dévolues aux chambres des deux professions.
II. UNE PLUS GRANDE ÉQUITÉ DANS L’ACCÈS AUX PROFESSIONS JURIDIQUES RÉGLEMENTÉES, MAIS DES RISQUES DE DÉVOIEMENT DE LA LOI PAR LE POUVOIR RÉGLEMENTAIRE
Le constat était clair : l’accès à certaines professions réglementées du droit était excessivement restreint, ce qui empêchait de nombreuses personnes satisfaisant aux conditions d’exercice des professions d’exercer sous forme libérale le métier pour lequel elles avaient été formées. Pour cette raison, le législateur a décidé de réformer les systèmes d’accès à ces professions dans le sens d’une plus grande ouverture.
Il n’est pas ici question de détailler les règles d’installation en vigueur avant la loi du 6 août 2015 (109). Rappelons toutefois certaines de leurs caractéristiques. Tout d’abord, il n’existait pas de méthode impartiale et objective pour déterminer les besoins en nombre de professionnels libéraux pour chaque profession. Les professions elles-mêmes étaient fortement impliquées dans l’évaluation des besoins en termes de créations d’offices et de leur localisation. De plus, le mode d’accès le plus fréquent à l’exercice libéral de ces professions (voire le mode d’accès exclusif pour certaines professions) n’était pas la nomination dans des offices nouvellement créés, mais la présentation d’un successeur par un professionnel interrompant son activité. Pour la profession de notaire, profession concernée par la loi la plus importante en termes d’effectif, on comptait une création d’office pour quinze successions sur la période 2005-2013 (110). Enfin, les instances représentatives des professions intervenaient aux différents stades de sélection des candidats à l’installation, qu’ils soient candidats à une succession ou à la création d’un office.
On ne peut que constater que la logique d’autorégulation a été inefficace et source de tensions. Comme l’a souligné M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, lors de son audition par la mission d’information, « cette autorégulation cherche à protéger l’existant plutôt que de donner leur chance à de nouveaux entrants » (111).
Le développement du salariat n’a pas été suffisant pour intégrer les diplômés dans les professions, en particulier chez les notaires. Plus de 12 000 personnes ont été diplômées entre 2005 et 2015, alors que le nombre de notaires libéraux était de 8 625 au 29 février 2016 (112). La profession s’était pourtant engagée en 2008 à ce que ce nombre atteigne 12 000 à l’horizon 2015 (113). Cette situation a pu créer un certain nombre de frustrations et d’incompréhensions chez des professionnels qui, en dépit de leur formation, ne sont pas parvenus à exercer leur profession à titre libéral, du fait d’un système que l’on peut légitimement qualifier de verrouillé. Il était urgent que le législateur fixât de nouvelles règles favorisant un accès équitable aux offices publics et ministériels, sans pour autant remettre en cause la spécificité des missions qui incombent à ces professionnels.
A. LA MISE EN PLACE D’UNE LIBERTÉ D’INSTALLATION RÉGULÉE POUR LES PROFESSIONS DE COMMISSAIRE-PRISEUR JUDICIAIRE, D’HUISSIER DE JUSTICE ET DE NOTAIRE
Pour rappel (114), le système d’installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires, tel qu’il résulte de l’article 52 de la loi du 6 août 2015, repose sur le principe selon lequel, tout professionnel satisfaisant aux conditions pour être nommé, peut librement s’installer « dans les zones où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services ». Dans les autres zones, si l’ouverture de nouveaux offices ne doit pas être systématiquement écartée, le garde des Sceaux peut s’opposer à une demande de nomination dans un office à créer (voir infra).
Le nouveau système d’installation repose donc sur une carte. Elle est arrêtée conjointement par le garde des Sceaux et par le ministre de l’économie, sur proposition de l’Autorité de la concurrence, autorité administrative indépendante. Cette dernière est toutefois guidée dans sa proposition, puisque la loi dispose que les zones sont délimitées à partir de critères précisés par décret. Tel a été l’objet du décret n° 2016-216 du 26 février 2016 relatif à l’établissement de la carte instituée au I de l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
La carte, rendue publique et révisée à une fréquence biennale, doit être assortie, pour chaque zone de libre installation – ou « zone verte » – de « recommandations sur le rythme d’installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels dans la zone concernée. » Il s’agit donc d’une liberté d’installation régulée, dès lors qu’est fixée une limite au nombre de nominations dans les zones vertes. Dans chaque zone verte, une fois que les recommandations sont atteintes, il serait logique, à la lecture de la loi, que le régime applicable soit celui des zones autres que les zones de libre installation
– les « zones orange ».
1. Le besoin d’augmenter le nombre de professionnels libéraux pour chacune des professions
a. L’objectif d’augmenter de 1 650 le nombre de notaires libéraux d’ici 2018
i. La proposition et les recommandations de l’Autorité de la concurrence
L’Autorité de la concurrence s’est d’abord attachée à établir une proposition de carte pour les notaires, d’une part parce qu’il s’agit de la profession la plus importante en termes d’effectifs et, d’autre part, parce que les modalités du regroupement progressif des professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire n’étaient pas encore fixées (115).
Après un travail d’instruction minutieux de plusieurs mois (116), l’Autorité de la concurrence a publié une proposition de carte des zones d’installation des notaires et des recommandations pour chaque zone dans son avis du 9 juin 2016 (117). Par un choix motivé, elle a décidé que l’échelle d’analyse des besoins devait être celle des zones d’emploi de l’INSEE. Le territoire a donc été divisé en 307 zones. Le critère pris en compte par l’Autorité de la concurrence pour, d’une part, déterminer si une zone donnée doit être une zone verte ou une zone orange et, d’autre part, fixer les recommandations d’augmentation du nombre de professionnels dans les zones vertes, est celui du chiffre d’affaires moyen par notaire libéral, corrigé de ses évolutions (voir encadré ci-après). Comme le souligne l’Autorité dans son avis sur la liberté d’installation des notaires (118), ce critère permet une prise en compte synthétique des critères prévus par le décret n° 2016-216 précité. Il mesure le « potentiel de déconcentration de l’offre ».
Sur les 307 zones, 247 ont été identifiés comme des zones de libre installation et 60 comme des zones orange.
Les recommandations de l’Autorité de la concurrence
L’Autorité a identifié 247 zones (sur un total de 307 zones) où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services.
Au total, dans ces zones, l’Autorité recommande que 1 650 notaires libéraux puissent s’installer d’ici 2018, soit une augmentation de 20 % du nombre de notaires libéraux. Ce nombre serait porté à 10 250 contre 8 600 actuellement. Quand bien même le nombre de 1 650 ne concernerait que des nouveaux notaires, le nombre total de notaires libéraux resterait donc inférieur à celui de 10 500 notaires que le Conseil supérieur du notariat s’était publiquement engagé à atteindre pour 2012.
L’Autorité a considéré que, les zones où le chiffre d’affaires prévisionnel par notaire libéral est supérieur à 450 000 euros, appartiennent à la catégorie des « zones vertes » : de nouvelles installations peuvent être envisagées pour renforcer l’offre notariale et améliorer la qualité de l’offre, sans risquer de compromettre, ni la pérennité des offices existants, ni la viabilité des nouvelles installations. Ce seuil est relativement protecteur, mais l’Autorité souligne qu’il ne doit pas être interprété comme une contre-indication à toute installation dans les autres zones (« zones orange »), mais comme un indicateur justifiant un examen approfondi en cas de demande d’installation.
Selon le même critère de chiffre d’affaires par notaire installé, l’Autorité a déterminé, pour chaque zone verte, un nombre cible d’installation de nouveaux notaires. Elle a prévu que le nombre de notaires libéraux supplémentaire recommandé n’ait pas pour effet de diminuer de plus de 35 % le chiffre d’affaires prévisionnel par notaire libéral de la zone.
Au regard de ce même critère de chiffre d’affaires par notaire libéral, l’Autorité de la concurrence a déterminé, pour chaque zone verte, un nombre cible de notaires libéraux. Il est intéressant de noter qu’elle n’a pas exprimé ses recommandations en nombre d’offices supplémentaires. Cette distinction entre recommandations en nombre d’offices et recommandations en nombre de notaires libéraux est importante. Après la publication de l’avis de l’Autorité, certains ont pu estimer que cette dernière s’était écartée des textes dans sa formulation des recommandations.
Si elle n’a pas fixé le nombre d’offices à créer, elle a fixé le nombre de notaires libéraux supplémentaires permis par la création de ces nouveaux offices. Il existe donc indirectement une limite au nombre d’offices à créer, laquelle dépend du nombre d’installations libérales que les créations d’offices permettront. Cette interprétation est conforme à la loi.
D’une part, la loi ne contraint pas l’Autorité de la concurrence à définir des recommandations par nombre d’offices. Les « recommandations » prévues par l’article 52 doivent porter « sur le rythme d’installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels ».
D’autre part, parmi les critères permettant de déterminer les zones de libre installation doit figurer, selon l’alinéa 2 de l’article 52 « une analyse démographique de l’évolution prévisible du nombre de professionnels ». À partir du moment où l’Autorité doit prendre en compte le critère du nombre de professionnels (seul critère expressément cité par la loi) pour évaluer le niveau et les perspectives de l’offre des zones, il est cohérent que les recommandations d’installation portent également sur le nombre de professionnels. Le III de l’article 52 confirme cette interprétation, puisqu’il impose au ministre de la justice de motiver un éventuel refus d’installation dans les zones orange au regard, notamment, « des caractéristiques de la zone et du niveau d’activité économique des professionnels concernés ».
Enfin, il convient de souligner que l’appréciation de l’offre de service, fondée sur le nombre de professionnels, ne prend pas en compte les professionnels salariés, comme l’Autorité de la concurrence l’a justifié dans son avis. L’article 52 de la loi vise en effet explicitement la libre installation des notaires titulaires d’offices. L’offre de services actuelle et les éventuelles carences doivent donc être appréciées à la lumière du nombre de titulaires ou d’associés et il est logique que les recommandations portent sur le nombre de titulaires ou d’associés.
En définitive, l’Autorité a recommandé que, dans les zones vertes, les créations d’office permettent une augmentation totale du nombre de notaires libéraux de 1 650. Elle a d’ailleurs explicité son raisonnement dans une communication postérieure à la publication de son avis (119) et lors de l’audition de son président par la mission d’information le 5 juillet 2016.
Le Gouvernement a retenu une approche hybride, avec une cible en nombre d’offices à l’horizon d’une année et une cible en nombre de professionnels libéraux à horizon de deux années.
Il est important d’ajouter que la qualification de zone orange n’emporte pas le refus systématique de toute demande de nomination dans un office à créer dans ces zones, point sur lequel insiste l’Autorité dans son avis (120). En effet, la loi dispose seulement que le ministre de la justice « peut refuser une demande de création d’office » (121). Ce refus doit, de plus, être motivé « au regard, notamment, des caractéristiques de la zone et du niveau d’activité économique des professionnels concernés ». De surcroît, le garde des Sceaux doit préalablement recueillir l’avis de l’Autorité de la concurrence, lequel est rendu public. Dans les zones orange, une analyse approfondie des demandes est donc requise : une approche au cas par cas a été retenue.
Les premiers avis de l’Autorité de la concurrence sur les demandes d’installation en zone orange
L’Autorité a examiné, entre le 16 et le 25 janvier 2017, 166 demandes d’installation dans des zones orange, émanant de 84 demandeurs. Elle a remis un avis, pour chacune des demandes.
Pour se prononcer, l’Autorité a mené une vaste consultation auprès des acteurs impliqués. Elle a maintenu sa méthode d’analyse fondée sur le chiffre d’affaires par notaire libéral dans chaque zone. Compte tenu des nouvelles informations qu’elle a pu recueillir (grâce au concours du CSN), en particulier concernant l’augmentation du chiffre d’affaires de la profession, l’Autorité a rendu, pour 20 % des demandes, des avis favorables pour 17 zones d’installation contrôlée. Dans chacune de ces zones, l’Autorité recommande la nomination d’un seul notaire libéral supplémentaire.
Comme le note l’Autorité, il appartiendra au garde des Sceaux de départager les candidats, pour n’en retenir qu’un par zone.
Source : Autorité de la concurrence, communiqué de presse du 25 janvier 2017 (http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?lang=fr&id_rub=662&id_article=2931).
ii. L’arrêté conjoint des ministres
Sur proposition de l’Autorité, le ministre de l’économie et des finances et le garde des Sceaux ont arrêté la carte établissant les zones de libre installation. L’arrêté du 16 septembre 2016 pris en application de l’article 52 de la loi du 6 août 2015 reprend, pour l’essentiel, les recommandations de l’Autorité et précise son interprétation de la loi. Le délai de trois mois entre l’avis de l’Autorité et la publication de l’arrêté en paraît d’autant injustifié.
Il reprend les mêmes zones que celles proposées par l’Autorité, mais diffère quelque peu de son avis en ce qui concerne les recommandations. En effet, comme évoqué supra, de manière à garantir une progressivité dans les nominations de professionnels dans les offices créés, l’arrêté prévoit à la fois des recommandations en nombre d’offices et des recommandations en nombre de notaires libéraux.
Tout en conservant l’objectif de nomination de 1 650 notaires libéraux dans les deux ans suivant l’ouverture des candidatures, l’arrêté fixe un objectif de création de 1 002 offices dans l’année suivant l’ouverture des candidatures. Pour chaque zone, si à l’issue de ce délai d’un an, malgré la création d’un nombre d’offices conforme à la recommandation, le nombre de professionnels nommés est inférieur à la cible du nombre de notaires libéraux, l’instruction des demandes qui n’avaient pu être satisfaites reprend.
b. Les propositions de l’Autorité de la concurrence pour les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires
Sur le modèle de sa proposition de carte et de recommandations pour la profession de notaire, l’Autorité de la concurrence a publié deux propositions de carte et des recommandations concernant la liberté d’installation des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires.
À la différence de la carte proposée et arrêtée pour la profession de notaires, l’Autorité de la concurrence n’a pas retenu les zones d’emploi de l’INSEE comme échelon pertinent, mais le département. Elle justifie ce choix par la fusion programmée des deux professions (122), par la localisation effective des principaux donneurs d’ordre de ces professionnels et par leurs compétences territoriales.
Comme pour les notaires, l’Autorité a retenu le critère du chiffre d’affaires par professionnel libéral pour identifier les départements devant être caractérisés comme zones de libre installation et pour fixer le nombre cible de professionnels libéraux par zone à atteindre dans les deux ans.
Ainsi, elle a identifié 35 zones d’installation pour les huissiers de justice et 37 pour les commissaires-priseurs judiciaires. Elle recommande, dans ces zones, une augmentation de 202 huissiers et de 42 commissaires-priseurs judiciaires.
Il revient désormais au ministre en charge de l’économie et au ministre de la justice d’arrêter cette carte et les recommandations dont chaque zone verte est assortie. Devront ensuite être publiés, pour chacune des deux professions, l’arrêté fixant les pièces à fournir par les candidats dans les dix jours suivant l’ouverture de la procédure, l’arrêté fixant la date d’ouverture du dépôt des demandes et enfin l’arrêté fixant les modalités de tirage au sort si celui s’avérait nécessaire. À l’occasion de son audition par la mission d’information (123), M. Pierre Berlioz, conseiller au cabinet du garde des Sceaux, a indiqué que les arrêtés contenant la carte et les recommandations sont au stade de la finalisation et qu’ils devraient être publiés « très prochainement ». La date d’ouverture des candidatures devrait être antérieure au 31 mars 2017.
2. La procédure de nomination du décret du 20 mai 2016
Conformément au projet de décret que la mission avait reçu (124), le décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels a modifié le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d’accès aux fonctions de notaire, le décret n° 75-770 du 14 août 1975 relatif aux conditions d’accès à la profession d’huissier de justice ainsi qu’aux modalités des créations, transferts et suppressions d’offices d’huissier de justice et concernant certains officiers ministériels et auxiliaires de justice et le décret n° 73-541 du 19 juin 1973 relatif à la formation professionnelle des commissaires-priseurs judiciaires et aux conditions d’accès à cette profession s’agissant des commissaires-priseurs judiciaires, afin de les adapter aux dispositions de la loi relatives au système de liberté d’installation régulée et aux autres dispositions visant à favoriser l’ouverture de ces professions.
De manière générale, le décret du 20 mai 2016 réduit le rôle des instances professionnelles dans la gestion prévisionnelle du nombre de professionnels et du nombre d’offices, ainsi que dans les procédures de nomination.
Il tire, en effet, les conséquences des nouvelles compétences attribuées à l’Autorité de la concurrence en supprimant la commission de localisation des offices d’huissier de justice (CLHUJ), par la modification de l’article 37 du décret du 14 août 1975 et la commission de localisation des offices de notaire (CLON), par l’abrogation de l’article 2 du décret du 26 novembre 1971, qui tenaient, l’une et l’autre, un rôle majeur dans la gestion prévisionnelle de l’implantation des offices. Par ailleurs, le rôle des représentants des professionnels dans l’examen des demandes de nomination elles-mêmes est réduit, même si les bureaux des instances ordinales communiquent au garde des Sceaux toute information lui permettant d’apprécier les capacités professionnelles et l’honorabilité des candidats avant leurs nominations.
Le décret simplifie en effet les procédures de nomination en allégeant le rôle des instances professionnelles. Le garde des Sceaux devient le destinataire direct des demandes de nomination qui sont transmises par voie électronique.
S’agissant plus spécifiquement des nominations aux offices à créer ou vacants, deux systèmes de classement des candidatures coexistaient pour les officiers publics et ministériels : le concours, pour les notaires et la commission de classement pour les huissiers et les commissaires-priseurs judiciaires. Le décret du 20 mai 2016 leur substitue un système unique qui repose sur le principe de l’horodatage et, en cas d’afflux important des demandes, sur un tirage au sort (125).
Concrètement, une fois la carte d’installation publiée, les candidats déposent par voie électronique leurs demandes de nomination sur le site du ministère de la justice. Celles-ci sont horodatées. À ce stade de la procédure, le dépôt d’un dossier complet n’est pas requis et les pièces à fournir (précisées par arrêté) doivent être produites dans un délai d’une dizaine de jours après l’enregistrement de la demande. Ces demandes mentionnent la zone et la commune choisies par le candidat. Pour chaque zone, le garde des Sceaux instruit les demandes d’installation dans leur ordre d’enregistrement.
Néanmoins, pour toute zone, si le nombre de demandes enregistrées dans les vingt-quatre heures excède le nombre de recommandations, il est procédé à un tirage au sort pour ordonner les demandes. Pour les notaires, compte tenu de l’afflux des demandes dès l’ouverture de la procédure, la procédure du tirage au sort s’applique pour chacune des zones de libre installation (voir infra).
Les associés exerçant dans une société titulaire d’un office au jour de leur demande ne peuvent être nommés dans un office créé qu’après leur retrait de cette société. Par ailleurs, si une personne peut former des demandes pour plusieurs zones, l’une quelconque de ses demandes est susceptible de donner lieu à sa nomination, sans possibilité d’exprimer un ordre de préférence. Une nomination en qualité de titulaire d’un office ou en qualité d’associé titulaire d’un office, à tout moment de la procédure, entraîne la caducité de toutes les autres demandes de la personne nommée, que le candidat soit une personne physique ou une personne morale.
Le garde des Sceaux nomme les candidats dans l’ordre ainsi déterminé, dès lors que ceux-ci remplissent, d’une part, « les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises » selon les termes de l’alinéa 1er du II de l’article 52, et, d’autre part, « les conditions d’aptitude » à l’exercice de chacune de ces professions, telles qu’elles sont définies par le décret du 5 juillet 1973 précité pour les notaires, par le décret du 14 août 1975 pour les huissiers et par le décret du 19 juin 1973 pour les commissaires-priseurs judiciaires. Bien que ces conditions d’aptitude, définies par voie réglementaire, puissent légèrement différer d’une profession à l’autre, elles contiennent toutes des exigences relatives à la nationalité, à l’honorabilité et aux diplômes. La nomination est, de plus, conditionnée à la réception, dans les délais mentionnés, des pièces justificatives. Autrement dit, suivant les mots de M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la justice, en réponse à une question de M. Michel Piron, député, lors de la séance de questions au Gouvernement du mercredi 11 janvier 2017, « le tirage au sort n’attribue pas un office : il établit l’ordre suivant lequel les candidatures seront examinées (126). »
Ces autorisations d’installation sont délivrées « au regard des recommandations dont est assortie la carte » aux termes du décret du 20 mai 2016. À la lumière des précisions de l’arrêté du 16 septembre 2016, cette disposition implique que le garde des Sceaux nomme, pour chaque zone verte, autant de candidats à la nomination dans un office créé que le permettent les recommandations. Dès lors que le nombre d’offices créés dans une zone est conforme aux recommandations pour cette zone, il cesse de donner droit aux demandes. Pour le président-rapporteur et pour Mme Cécile Untermaier, cette précision réglementaire ne saurait être interprétée comme plafonnant le nombre de nominations pour les zones vertes aux recommandations. En effet, il serait logique que les zones vertes devenues saturées après la nomination d’un nombre de notaires conforme aux recommandations, suivent ensuite le principe des nominations dans les zones orange (voir infra).
Pour chaque profession concernée par le décret, trois arrêtés sont nécessaires à la mise en œuvre de la procédure. Ces derniers ont été publiés pour la seule profession de notaire. L’arrêté du 16 septembre 2016 (127) fixe la liste des pièces à produire pour une demande de nomination, dans un délai de dix jours à compter de l’enregistrement de la demande. L’arrêté du 4 novembre 2016 (128) a fixé au mercredi 16 novembre à 14 heures la date d’ouverture du dépôt des demandes. Enfin, l’arrêté du 14 novembre 2016 avait fixé les modalités des opérations de tirages au sort (129). Compte tenu de sa suspension par le juge des référés du Conseil d’État (voir infra), le garde des Sceaux a fixé les nouvelles modalités des tirages au sort par un arrêté du 24 janvier 2017 (130).
Le décret du 20 mai 2016 tire également les conséquences de la substitution, par la loi :
– de la règle du « un pour deux » régissant le nombre de notaires salariés, par la règle du « un pour quatre » ;
– de la règle du « un pour un » par une règle du « un pour deux » pour l’exercice, en qualité de salarié, des professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire (131).
Le décret comporte, enfin, deux motifs de satisfaction pour la mission d’information.
D’une part, conformément à une demande du président-rapporteur et de Mme Cécile Untermaier, l’obligation de suivre une formation complémentaire en gestion en office de notaire pour accéder à la profession, qui aurait constitué une barrière de plus à l’accès à la profession, a été remplacée par un module au sein de la formation initiale des notaires (132).
D’autre part, l’article 17 du décret du 20 mai 2016 crée des passerelles pour les clercs de notaires habilités, vers la profession de notaires. L’article 53 de la loi du 6 août 2015 a supprimé la possibilité pour les notaires d’habiliter des clercs à donner lecture des actes et des lois et à recueillir les signatures des parties (abrogation de l’article 10 de la loi du 25 ventôse an XI). Le principe de l’habilitation constituait, en effet, un frein au recrutement de notaires par une forme de transfert de compétences aux clercs, qui ne disposent pas du titre de notaires. La suppression de l’habilitation visait donc à lever ce frein.
La loi prévoyait toutefois que les clercs habilités avant le 1er janvier 2015 conserveraient leurs habilitations jusqu’au 1er août 2016, le temps de permettre au Gouvernement de proposer des dispositifs de passerelle vers la profession de notaire. En effet, les passerelles existant alors ne couvraient pas l’ensemble des clercs habilités, puisqu’elles étaient conditionnées, d’une part, par l’obtention de certains diplômes (diplôme de premier clerc ou diplôme de l’Institut des métiers du notariat) depuis plusieurs années et, d’autre part, par plusieurs années d’expérience professionnelle auprès d’un notaire.
Pour permettre aux passerelles du décret du 20 mai 2016 d’être pleinement efficaces, il convenait de prolonger l’habilitation des clercs jusqu’en décembre 2020, ce que le législateur a fait en modifiant l’article 53 de la loi du 6 août 2015 par la loi n° 2016-1000 du 22 juillet 2016 tendant à prolonger le délai de validité des habilitations des clercs de notaire.
3. Une mise en œuvre de la liberté d’installation des notaires perturbée par les dispositions réglementaires d’application
La réforme de l’accès à l’exercice libéral de la profession de notaire a suscité l’espoir de nombreux diplômés notaires, notaires assistants, notaires salariés ou clercs habilités expérimentés. Or, plusieurs dispositions d’ordre réglementaire suscitent aujourd’hui l’inquiétude, voire l’incompréhension de certains impétrants. Elles concernent la procédure de tirage au sort et la possibilité pour une société d’être titulaire de plusieurs offices et de solliciter une nomination dans un office à créer.
a. Les tirages au sort
Conformément à la date prévue par l’arrêté du 4 novembre 2016, le dépôt des demandes a été ouvert le mercredi 16 novembre 2016 à 14 heures. Compte tenu de l’afflux des demandes, preuve de l’intérêt qu’a suscité la réforme chez les candidats à la nomination dans un office à créer, des dysfonctionnements du portail « OPM » ont été signalés. Selon un communiqué de presse du garde des Sceaux, ministre de la justice, près de 30 000 demandes avaient été enregistrées, vingt-quatre heures après l’ouverture de la procédure (133).
La zone de Paris est la plus attractive, si l’on s’en tient au critère du nombre de demandes reçues dans les vingt-quatre premières heures, puisqu’elle a concentré 8,1 % des demandes de nomination, avec 2 358 demandes dans les premières vingt-quatre heures. Les vingt-quatre premières zones, soit environ 10 % du nombre total de zones de libre installation, regroupent la moitié (50,4 %) des demandes.
LES ZONES AYANT REÇU LE PLUS DE DEMANDES DE NOMINATION DANS LES VINGT-QUATRE PREMIÈRES HEURES
Libellé géographique de la zone d’installation |
Recommandations de créations d’offices 2016-2018 |
Nombre de demandes reçues dans les 24 premières heures |
En % cumulé du total |
Écart brut (demandes reçues – recommandations) |
Paris |
96 |
2 358 |
8,1 % |
2 262 |
Bordeaux |
25 |
954 |
11,4 % |
929 |
Marseille-Aubagne |
21 |
840 |
14,2 % |
819 |
Nice |
18 |
840 |
17,1 % |
822 |
Aix-en-Provence |
10 |
792 |
19,8 % |
782 |
Cannes-Antibes |
11 |
769 |
22,5 % |
758 |
Toulouse |
32 |
759 |
25,1 % |
727 |
Lyon |
37 |
694 |
27,5 % |
657 |
Montpellier |
14 |
675 |
29,8 % |
661 |
Toulon |
13 |
606 |
31,9 % |
593 |
Fréjus-Saint-Raphaël |
7 |
594 |
33,9 % |
587 |
Saclay |
16 |
513 |
35,7 % |
497 |
Menton-Vallée de la Roya |
2 |
488 |
37,3 % |
486 |
Bayonne |
8 |
464 |
38,9 % |
456 |
Nantes |
24 |
463 |
40,5 % |
439 |
La Teste-de-Buch |
4 |
420 |
42,0 % |
416 |
Avignon |
8 |
371 |
43,2 % |
363 |
Lille |
13 |
355 |
44,4 % |
342 |
Annecy |
7 |
326 |
45,6 % |
319 |
Nîmes |
4 |
304 |
46,6 % |
300 |
Perpignan |
8 |
283 |
47,6 % |
275 |
La Rochelle |
7 |
283 |
48,6 % |
276 |
Rennes |
21 |
278 |
49,5 % |
257 |
Roissy-Sud Picardie |
18 |
267 |
50,4 % |
249 |
Source : mission d’information, d’après les données du portail « OPM ».
En moyenne, la recommandation exprimée en nombre de créations d’offices pour une zone d’installation est de 4,1 et le nombre de demandes est de 118,0. Il y a donc, en moyenne, 29,1 demandes de création d’office pour une création d’office recommandée, étant entendu que de nombreux demandeurs ont déposé plusieurs dossiers d’installation, la nomination dans une zone rendant caduques les autres candidatures. À l’issue des tirages au sort des 6 et 9 février 2017, seules 84,6 % des demandes avaient été classées. 8,0 % des demandes étaient en surnuméraire (demandes doubles), 6,8 % des demandes étaient caduques (parce que les dossiers étaient incomplets ou parce que le candidat avait déjà été nommé dans une autre zone) et 3,0 % des demandes ont fait l’objet de renonciations (134).
En moyenne, l’écart entre le nombre de demandes et les recommandations, rapporté aux recommandations est de 3 116,9 %.
ZONES DONT L’ÉCART ENTRE LE NOMBRE DE DEMANDES ET LES RECOMMANDATIONS RAPPORTÉ AU NOMBRE DE RECOMMANDATIONS EST LE PLUS IMPORTANT
Libellé géographique |
Recommandations de créations |
Nombre de |
Écart brut |
Écart en % |
Menton-Vallée de la Roya |
2 |
488 |
486 |
24 300,00 |
La Réunion-Ouest |
1 |
144 |
143 |
14 300,00 |
Porto-Vecchio |
1 |
136 |
135 |
13 500,00 |
Cavaillon-Apt |
1 |
134 |
133 |
13 300,00 |
Salon-de-Provence |
2 |
263 |
261 |
13 050,00 |
Sète |
2 |
259 |
257 |
12 850,00 |
Arles |
2 |
212 |
210 |
10 500,00 |
La Teste-de-Buch |
4 |
420 |
416 |
10 400,00 |
Albi |
1 |
100 |
99 |
9 900,00 |
Istres-Martigues |
2 |
185 |
183 |
9 150,00 |
Dinan |
1 |
90 |
89 |
8 900,00 |
Orange |
1 |
90 |
89 |
8 900,00 |
Calvi-L’Île Rousse |
1 |
87 |
86 |
8 600,00 |
Prades |
1 |
85 |
84 |
8 400,00 |
Fréjus-Saint-Raphaël |
7 |
594 |
587 |
8 385,71 |
Aix-en-Provence |
10 |
792 |
782 |
7 820,00 |
Plaisir |
1 |
78 |
77 |
7 700,00 |
Nîmes |
4 |
304 |
300 |
7 500,00 |
Céret |
2 |
152 |
150 |
7 500,00 |
Ajaccio |
2 |
147 |
145 |
7 250,00 |
Source : mission d’information, d’après les données du portail « OPM ».
La zone de Menton-Vallée de la Roya est celle dont les demandes seront le moins satisfaites au regard des recommandations, puisque l’on comptait 488 demandes de créations d’office pour une recommandation de seulement deux offices à créer.
Dans toutes les zones vertes, un nombre de demandes d’installation supérieur aux recommandations figurant en annexe de l’arrêté du 16 septembre 2016 a été enregistré. Par conséquent, il est nécessaire de procéder à un tirage au sort dans chacune des zones. Les opérations de tirage au sort avaient commencé une première fois le 7 décembre 2016. Toutefois, le juge des référés du Conseil d’État, par une ordonnance du 14 décembre 2016 (135), les a suspendues sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative. Il a, en effet, considéré qu’il existait un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté du 14 novembre 2016 précité, dès lors que la régularité de la procédure n’était pas assurée. Le Conseil d’État note qu’il ne ressort ni de l’arrêté en question, ni des fiches explicatives de la procédure, que le ministre aurait prévu des règles permettant de s’assurer de la régularité de la procédure tout au long de son déroulement, depuis l’enregistrement des candidatures jusqu’à la publication des noms des personnes devenues titulaires d’un office.
Réagissant à l’ordonnance du juge des référés, l’Autorité de la concurrence avait formulé plusieurs recommandations visant à offrir les garanties nécessaires à la régularité des opérations (136). Elle avait suggéré au Gouvernement :
– de définir des règles déterminant l’ordre dans lequel sont effectuées les opérations de tirage au sort ;
– d’annoncer l’ordre et la date des tirages au sort des différentes zones sur le portail « OPM » ;
– de prévoir la présence, durant les opérations, d’assesseurs représentant les candidats à l’installation, de représentants de l’Autorité de la concurrence et de représentants de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) aux côtés des représentants du Conseil supérieur du notariat (CSN) ;
– de mettre en place un portail vidéo pour permettre aux candidats de suivre en temps réel les opérations.
Par un arrêté du 24 janvier 2017 (137), le garde des Sceaux a renforcé les garanties entourant les opérations. Conformément aux recommandations de l’Autorité, il a d’abord fixé l’ordre des opérations de tirage au sort. Les zones sont classées selon l’écart, exprimé en pourcentage, entre les recommandations quant au nombre de créations d’offices et le nombre total de demandes de création. Les tirages au sort ont lieu dans cet ordre. Un tableau publié sur le portail « OPM » et mis à jour par le ministère de la justice présente les dates prévisionnelles des tirages au sort pour les zones de libre installation, le nombre de demandes reçues pour chaque zone, dans les premières vingt-quatre heures suivant l’ouverture de la procédure et l’écart entre les demandes reçues et les recommandations.
Il prévoit ensuite qu’un rapporteur de l’Autorité de la concurrence assiste aux opérations de vérification et de recomptage, aux côtés du représentant du CSN.
L’arrêté détermine avec précision les formalités s’agissant de la préparation des opérations, du déroulement des opérations elles-mêmes et des procès-verbaux des tirages au sort.
Concernant la préparation, l’arrêté reprend le principe selon lequel, en cas de pluralité des demandes d’un même demandeur pour une même zone, seule la première demande donne lieu à la constitution d’un bulletin, tout en précisant que sont également considérées comme émanant d’un même demandeur, les demandes présentées par une personne physique et celles présentées pour une ou plusieurs personnes morales ayant cette même personne physique pour associé unique ou pour seul associé demandant sa nomination en tant qu’associé exerçant au sein de l’office à créer. Il en va de même des demandes présentées pour des personnes morales différentes comprenant strictement les mêmes associés exerçants demandant leur nomination dans l’office à créer. On peut donc en déduire que ne sont pas considérées comme émanant d’un même demandeur, une demande de nomination en tant que personne physique exerçant à titre individuel et une demande de nomination au sein d’une société comprenant strictement plus d’un associé.
L’arrêté précise que les demandes surnuméraires sont exclues avant le tirage au sort. Il ouvre par ailleurs la possibilité aux candidats de renoncer à ce qu’un bulletin soit constitué pour leur demande, au plus tard la veille du jour de l’opération. Rappelons que si un bulletin est tiré au sort, le professionnel dont émane la demande est nommé dans cette zone et doit renoncer à d’éventuelles demandes de nomination dans d’autres zones.
Concernant les opérations elles-mêmes, l’arrêté décrit précisément leur déroulement. Notons qu’il reviendra au rapporteur de l’Autorité de la concurrence de tirer au sort, manuellement, les bulletins.
Les tirages réalisés avant l’ordonnance du juge des référés sont annulés. Les opérations devront recommencer selon l’ordre fixé par l’arrêté. En effet, comme l’a souligné M. Pierre Berlioz, à partir du moment où il appartenait à la Chancellerie de préciser le déroulement d’une nouvelle procédure, il aurait été difficilement concevable de conserver les résultats des tirages au sort effectués avant l’ordonnance du juge des référés.
Le garde des Sceaux a annoncé que les premiers offices créés devraient être pourvus au mois de mars 2017.
b. La possibilité pour une société d’être titulaire de plusieurs offices ne doit pas dévoyer le principe de libre installation
Le décret du 9 novembre 2016 ouvrant la possibilité aux SCP de notaires d’être titulaires de plusieurs offices a été publié deux jours après l’arrêté du 4 novembre 2016 fixant au 16 novembre 2016 la date d’ouverture du dépôt des candidatures. Il faut bien dire que ce décret a suscité une certaine incompréhension de la part de nombreux candidats à une première installation. Pourtant, il avait été prévu que cette même possibilité soit ouverte aux SEL et aux autres types de société, quelques mois plus tôt, par les décrets du 29 juin 2016. La SCP est la forme de société très majoritairement choisie par les notaires associés, puisqu’en 2014, 89 % des sociétés de notaires sont des SCP, contre 11 % de SEL (138).
Le calendrier de publication des différentes dispositions était sûrement perfectible et, même si le décret du 9 novembre 2016 est une mise en cohérence avec ceux du 29 juin 2016, il est intervenu très tardivement – seulement une semaine avant l’ouverture du dépôt des candidatures – laissant les professionnels dans une grande incertitude. Le président-rapporteur et Mme Cécile Untermaier, ont exprimé, par une lettre en date du 24 novembre 2016, leur étonnement concernant la parution d’un tel décret contrevenant à l’idée même d’office et signé par le garde des Sceaux. Ils ont tout autant regretté que la mission de suivi n’ait pas été consultée au préalable sur une telle mesure réglementaire, dont ils auraient dénoncé les effets.
Le 17 janvier 2017, le juge des référés du Conseil d’État a rejeté deux requêtes tendant à la suspension du décret du 9 novembre 2016, remarquant « qu’aucune des dispositions législatives invoquées ne consacre le principe selon lequel une personne morale ne pourrait être titulaire que d’un seul office » (139) et qu’il « ne résulte pas des dispositions de la loi, qui ont pour objet principal de permettre une meilleure adaptation de l’offre de services notariaux aux besoins, que les offices nouvellement créés ne pourraient être pourvus que par des professionnels non encore installés. » (140)
Désormais, il est donc acté que les sociétés peuvent être titulaires de plusieurs offices. Il résulte de la combinaison du décret du 20 mai 2016, du décret du 29 juin 2016 et du décret du 9 novembre 2016 que toute société pourra se porter candidate à la titularisation dans des offices à créer, dans une zone de libre installation. Selon les données communiquées par M. Berlioz lors de son audition par la mission d’information, à la date du 1er février 2017, sur l’ensemble des soixante-quatorze zones pré-instruites pour les tirages au sort, 398 demandes de nomination concernaient des professionnels souhaitant s’installer à titre individuel, 29 demandes visaient à la nomination de nouvelles sociétés et 40 demandes émanaient de sociétés existantes (soit 8,6 % du total des demandes).
Toutefois, une seule des demandes d’une société candidate, au maximum, pourra être satisfaite, selon l’article 52 du décret du 20 mai 2016. Par ailleurs, comme indiqué supra, une société nommée dans un office à créer doit obligatoirement « détacher » au moins un de ses associés afin qu’il exerce dans cet office.
À ce stade, compte tenu de ces restrictions et des règles de forme de la procédure de nomination, il est impossible d’évaluer l’impact réel de la possibilité nouvelle pour une société de candidater à la nomination dans un office sur le nombre de primo-installants.
On peut toutefois être inquiet à l’idée que ces dispositions entraînent une diminution de ce nombre. Le président-rapporteur et Mme Cécile Untermaier souhaitent que cela ne soit pas le cas. Pour eux, en toute logique, dans deux ans, il devrait y avoir environ 1 650 nouveaux notaires libéraux supplémentaires sur le territoire français. Il serait surprenant que cela ne soit pas le cas, si l’on se réfère à la méthodologie qui a conduit l’Autorité de la concurrence d’une part, à délimiter les zones de libre installation et, d’autre part, à déterminer pour chacune d’entre elles des recommandations sur un nombre de notaires libéraux supplémentaires à installer.
Rappelons que l’Autorité de la concurrence s’est appuyée sur le critère du chiffre d’affaires par notaire libéral pour déterminer les zones vertes et pour chiffrer, pour chacune de ces zones, le nombre cible de notaires libéraux. Dans une zone donnée, une ouverture d’un office supplémentaire sans création d’un notaire libéral supplémentaire, n’a pas d’impact sur le chiffre d’affaires par notaire libéral de la zone. Une telle nomination ne devrait donc pas empêcher la nomination d’un primo-installant, qui, lui, serait un nouveau notaire libéral.
Deux solutions existent pour parvenir à un nombre d’environ 1 650 primo-installants supplémentaires, sous la contrainte de la possibilité pour les sociétés existantes de candidater à la titularisation dans un office supplémentaire.
En vertu des dispositions réglementaires décrites ci-avant, à l’issue d’un délai de douze mois suivant l’ouverture des candidatures, si, en dépit d’un nombre d’offices créés conforme à la recommandation, le nombre cible de notaires libéraux nommés n’a pas été atteint, le garde des Sceaux reprend, dans chaque zone, l’instruction des demandes de création d’offices, en vue d’atteindre ce nombre cible. Le président-rapporteur et Mme Cécile Untermaier suggèrent de ne prendre en compte, pour l’atteinte de ce nombre cible de nominations de notaires titulaires ou associés, que les nouveaux notaires libéraux ou associés nommés dans chaque zone. Il s’agirait d’interpréter le troisième alinéa de l’article 4 de l’arrêté du 16 septembre 2016 (141), aux termes duquel « la création d’offices selon cette recommandation devrait conduire à la nomination d’un nombre de professionnels titulaires ou associés correspondant, pour chaque zone, au chiffre indiqué dans la troisième colonne du tableau figurant au III de l’annexe au présent arrêté », comme disposant que seuls les nominations de nouveaux notaires libéraux sont prises en compte. Cela n’empêcherait en rien des notaires déjà installés de présenter leur candidature et d’être nommés. Leur nomination ne viendrait toutefois pas réduire le nombre de nominations « disponibles » pour les primo-installants. De cette manière, le nombre de primo-installants devrait être proche de 1 650 en 2018, malgré la possibilité pour les sociétés d’être titulaire de plusieurs offices.
En tout état de cause et quelle que soit la manière dont sont prises en compte les nominations dans un office créé des notaires déjà installés au regard des recommandations, une zone verte dans laquelle le nombre de nominations atteint les recommandations répond ensuite au régime de nomination d’une zone orange. C’est-à-dire que toute demande supplémentaire ne peut faire l’objet d’un refus que s’il est motivé et après avis rendu public de l’Autorité de la concurrence. Une zone qui deviendrait saturée artificiellement par des créations d’offices sans nouvelles associations de la part de sociétés déjà installées dans la même zone, ne permettrait pas de rapprocher le chiffre d’affaires par notaire libéral de la zone de sa cible.
Par conséquent, en pareils cas, il est probable que l’Autorité de la concurrence, sollicitée par le garde des Sceaux, considère avec bienveillance les demandes d’offices à créer venant de primo-installants, bien que son avis ne lie pas le ministre de la justice.
Quoiqu’il en soit, il est loisible au ministre de la justice de nommer des notaires primo-installants supplémentaires dans une zone verte qui serait artificiellement saturée. Cela ne serait pas faire œuvre de compensation, mais reviendrait plutôt à rester fidèle à la loi et à l’avis de l’Autorité de la concurrence.
Recommandations pour parvenir à 1 650 notaires primo-installants
• À l’issue du délai de douze mois au terme duquel le garde des Sceaux poursuit l’instruction des demandes de créations d’offices dans les zones où l’ouverture d’un nombre d’offices conforme à la recommandation n’a pas conduit à la nomination du nombre cible de notaires libéraux de la zone, ne prendre en compte que les nominations de nouveaux notaires libéraux pour décider de la reprise des nominations, par une interprétation de l’article 4 de l’arrêté du 16 septembre 2016 au regard de l’avis de l’Autorité de la concurrence.
• À défaut, dans les zones vertes artificiellement saturées, le garde des Sceaux pourra toujours faire usage de son pouvoir de nomination, selon les modalités prévues pour les zones orange. Dans ces zones, la loi prévoit que son refus doit être motivé, après un avis public de l’Autorité de la concurrence.
B. LES AVOCATS AU CONSEIL D’ÉTAT ET À LA COUR DE CASSATION
1. La loi a facilité l’accès à la profession
Le législateur a mis en place un système de « libre installation » (142) pour régir l’accès à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Il diffère cependant du système conçu pour les professions de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice et de notaire, eu égard aux spécificités de la profession. En particulier, les offices d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation sont logiquement domiciliés en région parisienne.
Comme la mission d’information l’a rappelé dans son rapport d’étape de mars 2016 (143), en dépit de la suppression du « numerus clausus » par le décret du 23 avril 2009 relatif à l’évolution des professions juridiques et judicaires (144), le nombre d’offices d’avocats aux Conseils a été de 60 entre 1817 et 2017. L’article 15 de ce décret a, en effet, modifié l’article 3 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 pour permettre au garde des Sceaux de créer, par arrêté, « de nouveaux offices d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour des motifs tenant à la bonne administration de la justice, au vu notamment de l’évolution du contentieux devant ces deux juridictions, après avis du vice-président du Conseil d’État, du premier président de la Cour de cassation, du procureur général près la Cour de cassation et du conseil de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation ». Or cette faculté n’avait jamais été utilisée par le ministre de la justice.
L’Autorité de la concurrence n’est pas chargée de proposer une carte au Gouvernement, mais elle rend au ministre de la justice un avis sur la liberté d’installation de la profession. Elle doit y faire « toutes recommandations en vue d’améliorer l’accès aux offices d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation dans la perspective d’augmenter de façon progressive le nombre de ces offices. Elle établit en outre un bilan en matière d’accès des femmes et des hommes à ces offices. » Il revient à l’Autorité d’ « identifier le nombre de créations d’offices d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation qui apparaissent nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante au regard de critères définis par décret et prenant en compte les exigences de bonne administration de la justice ainsi que l’évolution du contentieux devant ces juridictions », aux termes de l’article 57.
2. Le décret du 26 février 2016 fixant les critères prévus pour déterminer le nombre d’offices nécessaires
Le décret du 26 février 2016 portant définition des critères prévus pour l’application de l’article L. 462-4-2 du code de commerce (145) a listé lesdits critères.
CRITÈRES PRÉVUS POUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE L. 462-4-2 DU CODE DE COMMERCE PAR LE DÉCRET N° 2016-215 DU 26 FÉVRIER 2016
Critères permettant d’évaluer le niveau et les perspectives d’évolution de l’offre |
Critères permettant d’évaluer le niveau et les perspectives de la demande |
– Tendance de l’activité économique ; – Évolution du nombre d’offices et du nombre d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation exerçant soit à titre individuel, soit dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale, soit en qualité de salarié, au cours des cinq dernières années ; – Nombre d’offices vacants ; – Nombre de personnes titulaires du certificat d’aptitude à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation ; – Chiffre d’affaires et résultat net des offices d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation au cours des cinq dernières années correspondant à leur activité devant la Cour de cassation et le Conseil d’État. |
– Évolution de l’activité de la Cour de cassation et de la section du contentieux du Conseil d’État au cours des cinq dernières années ; – Évolution du nombre de décisions prononcées par les juridictions du fond susceptibles de pourvoi en cassation au cours des cinq dernières années. |
Source : mission d’information, d’après le décret n° 2016-215 du 26 février 2016.
c. Le décret du 20 mai 2016 relatif aux conditions d’accès à la profession
En application de l’article 57 de la loi, le décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 modifiant les conditions d’accès à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation modifie le décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 modifié relatif aux conditions d’accès à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation.
Il précise que les membres ou anciens membres du Conseil d’État, les magistrats ou anciens magistrats de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes, les professeurs d’université chargés d’un enseignement juridique ne sont pas dispensés des épreuves de l’examen d’aptitude à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation portant sur la réglementation professionnelle et la gestion d’un office. Ils ne sont pas non plus dispensés de l’épreuve portant sur les règles de procédure applicables devant les cours suprêmes. Ils demeurent néanmoins dispensés des autres épreuves de l’examen.
La compétence du parquet a été allégée s’agissant de la procédure de nomination dans un office, de création d’offices ou de cession de parts d’un office, au profit de celle du garde des Sceaux.
Le président-rapporteur et Mme Cécile Untermaier constatent avec regret que, malgré les réticences qu’ils ont exprimées à plusieurs reprises, la commission de sélection des candidats (146) chargée de classer les candidats aux offices vacants et créés et de donner un avis au garde des Sceaux avant qu’il nomme un ou plusieurs titulaires à ces offices, n’a pas été supprimée. Or, ils avaient eu l’occasion de contester son existence dans plusieurs courriers adressés au Premier ministre (147) et, de vive voix, au ministre de la justice, lors de son audition du 31 mai 2016.
Le décret a simplement modifié la composition de cette commission qui existait déjà dans le droit, mais n’a jamais eu à officier dans les faits. Originellement composée d’un conseiller d’État, d’un conseiller à la Cour de cassation et de deux avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, le décret a prévu, en plus, la participation de la directrice des affaires civiles et du sceau et d’un avocat général à la Cour de cassation. Ne demeurerait par ailleurs qu’un seul avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation dans la commission. Cette commission sera successivement présidée par le conseiller d’État, le conseiller à la Cour de cassation et l’avocat général à la même cour.
Le président-rapporteur et Mme Cécile Untermaier se réjouissent que l’Autorité de la concurrence ait rejoint leur analyse concernant le caractère difficilement justifiable de ce mode de sélection, compte tenu, notamment, des dispenses dont les conseillers d’État et les conseillers à la Cour de cassation bénéficient lorsqu’ils sollicitent une nomination en tant qu’avocat au Conseil (148). Sans craindre de se répéter, ils souhaitent rappeler que c’est la même volonté d’ouverture qui a fondé l’adoption des dispositions de la loi visant à faciliter l’accès aux professions d’officiers publics et/ou ministériels. Il est donc étonnant
– pour ne pas dire choquant – que les commissions de classement semblables qui existaient pour les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice soient supprimées et que la commission de classement des avocats aux Conseils demeure. Visiblement, la logique de « l’entre soi » perdure dans cette profession.
Ajoutons que, pour toute nomination, le décret du 28 octobre 1991, tel qu’il résulte du décret du 20 mai 2016, prévoit que le garde des Sceaux recueille l’avis motivé du vice-président du Conseil d’État, du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette Cour (149). Il peut également recueillir l’avis du président de l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation (150). Pour le président-rapporteur et Mme Cécile Untermaier, ces avis n’ont pas lieu d’être, pour les mêmes raisons.
d. L’avis de l’Autorité de la concurrence et l’ouverture de quatre offices
Après une analyse de chacun des critères présentés supra, l’Autorité de la concurrence a conclu à la possibilité d’accroître l’offre par une augmentation du nombre d’offices. Elle met en exergue que, compte tenu du faible nombre d’offices existants, d’une situation de monopole et d’une grande liberté en matière de tarification, comme de gestion, les professionnels bénéficient d’un taux de marge et d’une rémunération extrêmement favorables, supérieurs à ceux des trente-sept professions réglementées étudiées par l’Inspection générale des finances (IGF) dans ses rapports de mars 2013.
L’Autorité note toutefois que ses recommandations portent sur un marché de taille très restreinte et que les perspectives d’évolution de la demande sont incertaines, le nombre des pourvois en cassation étant resté stable au cours des cinq dernières années. En outre, les recommandations de l’Autorité n’ont pu être quantifiées, en l’absence de lien statistique avéré entre le développement du contentieux, l’activité économique et le chiffre d’affaires des offices. Surtout, le vivier identifié des candidats potentiels est très limité (une dizaine de professionnels seulement).
C’est la raison pour laquelle l’Autorité de la concurrence a proposé la création de quatre offices. Elle est appelée à émettre un nouvel avis dans deux ans, selon l’article 57 de la loi du 6 août 2015.
Conformément à ces recommandations, le garde des Sceaux a créé, par un arrêté du 5 décembre 2016, quatre offices d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation (151).
Outre cette proposition, l’Autorité a formulé quatorze recommandations, pour favoriser l’ouverture de la profession. Elle suggère notamment des améliorations de la procédure de nomination des candidats (allongement du délai de dépôt des candidatures, suppression de la commission de classement) ; de réduire les barrières à l’entrée en matière de formation et de publicité ; de mieux faire connaître cette profession auprès des étudiants ; d’améliorer l’accès des femmes aux offices.
III. LE FONDS INTERPROFESSIONNEL D’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE
L’article L. 444-2 du code de commerce, créé par l’article 50 de la loi du 6 août 2015, unifie les règles relatives aux tarifs réglementés des commissaires-priseurs judiciaires, des greffiers de tribunal de commerce, des huissiers de justice, des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires et des notaires. Ces tarifs « prennent en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs ».
Ce principe fait néanmoins l’objet de deux types de dérogations. D’une part, certains tarifs peuvent être fixés de manière à permettre une péréquation applicable à l’ensemble des prestations servies. Ainsi, des tarifs proportionnels à la valeur d’un bien ou d’un droit peuvent être prévus. D’autre part, la loi prévoit une redistribution entre professionnels par l’intermédiaire d’un « fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice », dont les modalités d’organisation ont été fixées par le décret n° 2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice. Ce décret prévoit que, sous certaines conditions (152), des professionnels peuvent percevoir des aides au maintien ou des aides à l’installation en provenance du fonds.
Initialement, le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques avait assuré le financement de ce fonds par une contribution dont étaient redevables les titulaires d’offices de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce, d’huissier de justice ou de notaire, ou les personnes exerçant l’activité de mandataire ou d’administrateur judiciaire. Le Conseil constitutionnel a censuré ce dispositif (153), au motif que le législateur n’avait pas épuisé sa compétence, n’ayant pas fixé l’assiette de la contribution avec suffisamment de précision. Elle était assise sur la valeur de tout bien ou sur le montant de tout droit supérieur à un seuil de 300 000 euros, pour lequel un tarif était fixé proportionnellement à la valeur de ce bien ou de ce droit. Ce seuil pouvait encore être modifié par arrêté.
Il revenait donc au législateur de créer une nouvelle contribution pour assurer le financement du fonds. Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2017, le Gouvernement a donc proposé la création d’une contribution pour l’accès au droit et à la justice. Due par les titulaires d’un office ministériel de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce, d’huissier de justice et de notaire et par les administrateurs et mandataires judiciaires, son taux était de 1,09 % et elle était assise
– sur la fraction du chiffre d’affaires qui excède 300 000 euros du chiffre d’affaires pour les personnes physiques ;
– sur la fraction du chiffre d’affaires qui excède le produit de 300 000 euros et du nombre d’associés, pour les personnes morales.
Afin de conférer à cette contribution un caractère progressif et alors que les besoins du fonds pour la première année de versement n’étaient pas clairement identifiés, Mme Cécile Untermaier et le président-rapporteur ont déposé un amendement, adopté par l’Assemblée nationale. Il proposait que cette taxe, assise sur le chiffre d’affaires, ait un taux de 0,5 % sur la fraction de l’assiette comprise entre 300 000 et 800 000 euros et de 1 % sur la fraction de l’assiette excédant 800 000 euros, ces seuils étant multipliés, pour les personnes morales, par le nombre d’associés.
Le Conseil constitutionnel a cependant estimé que le législateur avait instauré une différence de traitement entre les personnes morales et les personnes physiques, dès lors que, pour les personnes morales, l’assiette dépendait du nombre d’associés. Il a remarqué que le niveau de l’activité ne dépend pas du nombre d’associés ni du choix de la structure d’exercice. L’objet de cette disposition étant, selon le Conseil, d’assujettir les professionnels en cause à une contribution correspondant à leur niveau d’activité. La différence de traitement instaurée était donc sans rapport avec l’objet de la disposition. Dès lors, cette dernière contrevenait au principe d’égalité.
Ajoutons que Mme Cécile Untermaier et le président-rapporteur ont été cosignataires de deux amendements rejetés par l’Assemblée nationale. Le premier visait à assujettir également les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation à cette contribution, eu égard à leur qualité de membres d’une profession réglementée du droit bénéficiant d’un monopole d’activité. Le second visait à ce que le fonds interprofessionnel finance également une partie de l’aide juridictionnelle, comme la loi du 6 août 2015 le prévoyait, au regard des débats parlementaires.
Enfin, Mme Cécile Untermaier et le président-rapporteur soulignent que les tarifs proportionnels avaient été maintenus en tenant compte de la création de ce fonds et du prélèvement financier prévu. À ce stade d’application de la loi, en l’absence de mise en place du fonds de péréquation, les opérations supérieures à 300 000 euros relatives aux droits et biens, donnant droit à des tarifs proportionnels, qui devaient initialement être soumises à la taxe, génèrent une sur-rémunération, favorisant les offices urbains à forte implication dans les ventes immobilières très rentables.
IV. LES TEXTES D’APPLICATION RELATIFS AUX PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES DU DROIT
La loi du 6 août 2015 habilite le Gouvernement à prendre des mesures relevant du domaine de la loi en onze de ses dispositions, dans la partie concernant les professions réglementées. À ce jour, quatre ordonnances ont été publiées, regroupant dix habilitations de la loi.
Une seule habilitation semble ne pas avoir été utilisée. Il s’agit de l’habilitation conférée au Gouvernement par l’article 65 1° de la loi du 6 août 2015, afin de moderniser les conditions d’exercice de la profession d’expertise comptable en transposant les dispositions de la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013, en modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI ») dans l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable. L’habilitation a expiré le 7 avril 2016.
LISTE DES HABILITATIONS À PRENDRE DES MESURES PAR ORDONNANCE
Article de la loi |
Objet |
Référence du texte |
Article 61, III |
Mesures relevant du domaine de la loi pour créer une profession de commissaire de justice regroupant les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire, de façon progressive, en prenant en considération les règles de déontologie, les incompatibilités et les risques de conflits d’intérêts propres à l’exercice des missions de chaque profession concernée, ainsi que les exigences de qualification particulières à chacune de ces professions. |
Ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice |
Article 61, IV |
Toute mesure relevant du domaine de la loi pour améliorer, par la voie du concours, en fixant les conditions financières de cette mesure, le recrutement des greffiers de tribunaux de commerce. |
Ordonnance n° 2016-57 du 29 janvier 2016 modifiant l’article L. 742-1 du code de commerce relatif aux conditions d’accès à la profession de greffier de tribunal de commerce |
Article 64, 1° et 2° |
- Permettre la désignation en justice, à titre habituel, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires en qualité de liquidateur dans le cadre des procédures de liquidation judiciaire prévues au titre IV du livre VI du code de commerce, ou d’assistant du juge commis dans le cadre des procédures de rétablissement professionnel prévues au même titre IV, lorsque ces procédures sont ouvertes à l’encontre de débiteurs n’employant aucun salarié et réalisant un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur ou égal à 100 000 euros ; - Déterminer les modalités de rémunération des fonctions mentionnées au 1° et d’application aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires les exerçant des dispositions du livre VIII du code de commerce relatives à la discipline, au contrôle et à la comptabilité des mandataires judiciaires, ainsi que de celles relatives à la représentation des fonds. |
Ordonnance n° 2016-727 du 2 juin 2016 relative à la désignation en justice, à titre habituel, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires en qualité de liquidateur ou d’assistant du juge commis dans certaines procédures prévues au titre IV du livre VI du code de commerce |
Article 65, 1° |
Moderniser les conditions d’exercice de la profession d’expertise comptable en transposant les dispositions de la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013, modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI ») dans l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable. |
Habilitation non utilisée |
Article 65, 2°, a), b), c), d), e), f) |
- Faciliter la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions d’avocat, d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d’expert-comptable dans lesquelles la totalité du capital et des droits de vote est détenue, directement ou indirectement, par des personnes exerçant l’une des professions exercées en commun au sein de ladite société ou par des personnes légalement établies dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exercent en qualité de professionnel libéral, dans l’un de ces États, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue et exerçant une ou plusieurs des professions constituant l’objet social de la société ; - Faciliter la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions d’avocat, d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d’expert-comptable qui ne peuvent exercer une profession que si l’un de leurs associés remplit les conditions requises pour exercer ladite profession ; - Faciliter la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions d’avocat, d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d’expert-comptable en préservant les principes déontologiques applicables à chaque profession ; - En prenant en considération les incompatibilités et les risques de conflits d’intérêts propres à chaque profession ; - En préservant l’intégrité des missions des professionnels liées au statut d’officier public et ministériel dans l’accomplissement de leurs fonctions ; - En assurant la représentation d’au moins un membre, en exercice au sein de la société, de chaque profession exercée par la société au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance de la société. |
Ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé |
Source : mission d’information.
S’agissant des textes réglementaires, 56 dispositions de la loi de la partie sur les professions réglementées du droit nécessitaient des précisions réglementaires. À ce stade, 25 décrets ont été publiés pour préciser 47 dispositions de la loi et cinq arrêtés ont été publiés pour préciser six dispositions de la loi.
D’après l’article 3 de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice, tel que modifié par l’article 54 de la loi du 6 août 2015, un décret en Conseil d’État définit
– les conditions d’aptitude à leurs fonctions, parmi lesquelles les conditions de reconnaissance de l’expérience professionnelle des clercs salariés ;
– le ressort territorial au sein duquel ils sont tenus de prêter leur ministère ou leur concours ;
– les règles applicables à leur résidence professionnelle ;
– les modalités suivant lesquelles ils peuvent être admis à constituer des groupements ou des associations ;
– leurs obligations professionnelles.
Si le décret du 26 décembre 2016 relatif à la compétence territoriale des huissiers de justice (154) a précisé le ressort territorial de l’obligation d’instrumenter et les règles applicables à leur résidence professionnelle, aucun décret n’a été publié pour les autres dispositions de la loi qui appelaient des précisions réglementaires.
Il est vrai que les conditions d’aptitude à la profession, que les modalités suivant lesquelles les professionnels peuvent être admis à constituer des groupements ou des associations et que leurs obligations professionnelles font déjà l’objet de précisions réglementaires par le décret n° 56-222 du 29 février 1956 pris pour l’application de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice et par le décret n° 75-770 du 14 août 1975 relatif aux conditions d’accès à la profession d’huissier de justice ainsi qu’aux modalités des créations, transferts et suppressions d’offices d’huissier de justice et concernant certains officiers ministériels et auxiliaires de justice. On aurait toutefois pu imaginer que les conditions d’accès à la profession d’huissier de justice auraient été facilitées pour les clercs, par rapport aux dispositifs de dispenses existants, ce que la rédaction de l’article 54 de la loi incite à penser (voir la partie État des lieux à jour).
LISTE DES MESURES RÉGLEMENTAIRES PRÉVUES POUR L’APPLICATION DES DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES
Article de la loi |
Base légale |
Texte d’application |
Objet |
Référence du texte |
Article 50 et article 51, I, 6° |
Article L. 444-2 du code de commerce |
DCE |
- Tarifs réglementés des professions du droit ; - Date d’abrogation de l’article 1er de la loi du 29 mars 1944 relative aux tarifs des émoluments alloués aux officiers publics ou ministériels ; - Informations statistiques pouvant être recueillies auprès des instances représentatives des professions réglementées ; - Règles encadrant l’activité de la SGAADJ, notamment pour la gestion des demandes et de l’octroi des aides ; - Nomination administrateurs de la SGAADJ et membres du comité consultatif. |
Décret n° 2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice |
Article 50, I, 1° et article 51, I, 6° |
Article L. 444-2 du code de commerce |
A |
Tarifs commissaires-priseurs |
Arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des commissaires-priseurs judiciaires |
Article 50, I, 1° et article 51, I, 6° |
Article L. 444-2 du code de commerce |
A |
Tarifs huissiers de justice |
Arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice |
Article 50, I, 1° et article 51, I, 6° |
Article L. 444-2 du code de commerce |
A |
Tarifs notaires |
Arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des notaires |
Article 50, I, 1° et article 51, I, 6° |
Article L. 444-2 du code de commerce |
A |
Tarifs greffiers des tribunaux de commerce |
Arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des greffiers des tribunaux de commerce |
Article 50, I, 1° et article 51, I, 6° |
Article L. 444-2 du code de commerce |
A |
- Tarifs administrateurs judiciaires ; - Tarifs mandataires judiciaires. |
Arrêté du 28 mai 2016 fixant les tarifs réglementés applicables aux administrateurs judiciaires, commissaires à l’exécution du plan, mandataires judiciaires et aux liquidateurs |
Article 52, I |
DCE |
Critères déterminant les zones d’installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs |
Décret n° 2016-216 du 26 février 2016 relatif à l’établissement de la carte instituée au I de l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques | |
Article 52, II, article 53, I, 2°, article 54 I, 1°, article 54, I, 2° et article 55, I, 2° |
Article 4 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, articles 3 et 4 de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, article 1er-1-1 ordonnance du 26 juin 1816 en application de la loi du 28 avril 1816 |
DCE |
- Conditions de nomination par le ministre de la justice de notaires, d’huissiers de justice ou de commissaires-priseurs judiciaires dans les zones où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services ; - Appel à manifestation d’intérêt en vue d’une nomination dans un office ou de la création d’un bureau annexe par un officier titulaire, en cas de nombre insuffisant de demandes de créations d’office au regard des besoins identifiés ; - Nomination de notaire dans les zones où l’implantation d’offices de notaire apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services ; - Huissiers de justice : conditions d’aptitude, fonctions, compétence territoriale et obligations professionnelles ; - Conditions de nomination d’huissier de justice dans les zones où l’implantation d’offices d’huissier de justice apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services ; - Modalités relatives à l’implantation d’offices de commissaire-priseur judiciaire quand il apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services. |
Décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels |
Article 54, I, 1° |
Article 3 de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers |
DCE |
S’agissant des huissiers de justice, définition : - du ressort territorial au sein duquel ils sont tenus de prêter leur ministère ou leur concours ; - des règles applicables à leur résidence professionnelle. |
Décret n° 2016-1875 du 26 décembre 2016 relatif à la compétence territoriale des huissiers de justice |
Articles 52, 54, 63 et 67 |
DCE |
Modification des règles de constitution, de nomination dans les offices et de fonctionnement des sociétés civiles constituées pour l’exercice de la profession d’huissier de justice, « pour les mettre en conformité avec les dispositions de la loi Croissance », selon la notice du décret |
Décret n° 2016-1508 du 9 novembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l’exercice de la profession d’huissier de justice | |
Articles 52, 53, 63 et 67 |
DCE |
Modification des règles de constitution, de nomination dans les offices et de fonctionnement des sociétés civiles constituées pour l’exercice de la profession de notaire, « pour les mettre en conformité avec les dispositions de la loi Croissance », selon la notice du décret |
Décret n° 2016-1509 du 9 novembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l’exercice de la profession de notaire | |
Articles 52, 55, 63 et 67 |
DCE |
Modification des règles de constitution, de nomination dans les offices et de fonctionnement des sociétés civiles constituées pour l’exercice de la profession de commissaire-priseur judiciaire, « pour les mettre en conformité avec les dispositions de la loi Croissance », selon la notice du décret |
Décret n° 2016-1508 du 9 novembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l’exercice de la profession de commissaire-priseur judiciaire | |
Article 54, I, 1° |
Article 3 de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers |
DCE |
S’agissant des huissiers de justice, définition : |
Non publié |
Article 57, I |
Article L. 462-4- 2 du code de commerce |
DS |
Installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation : critères d’évaluation de l’offre de service |
Décret n° 2016-215 du 26 février 2016 portant définition des critères prévus pour l’application de l’article L. 462-4-2 du code de commerce |
Article 57, II |
Article 3 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 |
DCE |
Installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation : conditions d’accès à la profession et conditions de nomination dans un office |
Décret n° 2016-652 du 20 mai 2016 modifiant les conditions d’accès à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation |
Article 59, VI |
Article L. 642-4-1 du code de la sécurité sociale |
DS |
Fixation de la répartition des cotisations entre la personne physique ou morale employeur et le professionnel lorsque celui-ci est affilié au régime général de sécurité sociale |
Décret n° 2015-1875 du 30 décembre 2015 relatif aux cotisations applicables aux régimes d’assurance vieillesse complémentaire et invalidité décès des officiers ministériels, officiers publics et des compagnies judiciaires |
Article 60, I, 1° |
Article L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle |
DS |
- Délai et modalités de transmission par voie électronique du greffier à l’INPI d’un document valant original des inscriptions effectuées au greffe et des actes et pièces qui y sont déposés ; - Modalités selon lesquelles l’INPI assure la diffusion et la mise à disposition gratuite du public, à des fins de réutilisation, des informations techniques, commerciales et financières qui sont contenues dans le registre national du commerce et des sociétés et dans les instruments centralisés de publicité légale. |
Décret n° 2015-1905 du 30 décembre 2015 relatif aux modalités de transmission et de mise à disposition des informations constitutives du registre national du commerce et des sociétés |
Article 60 |
Article L. 123-6 du code de commerce |
DCE |
Adaptation du code de commerce à la facilitation de l’accès du public au registre national du commerce et des sociétés |
Décret n° 2016-296 du 11 mars 2016 relatif à la simplification de formalités en matière de droit commercial |
Article 61, I, 1°; a |
Articles L. 811-5 et L. 812-3 du code de commerce |
DCE |
- Conditions d’expérience ou de stage pour accéder à la profession d’administrateur judiciaire ; - Conditions de compétence et d’expérience professionnelle donnant droit à une dispense de l’examen d’accès au stage professionnel, de tout ou partie du stage professionnel et de tout ou partie de l’examen d’aptitude aux fonctions d’administrateur judiciaire ; - Conditions de compétence et d’expérience professionnelle donnant droit à une dispense de l’examen d’accès au stage professionnel, de tout ou partie du stage professionnel et de tout ou partie de l’examen d’aptitude aux fonctions de mandataire judiciaire. |
Décret n° 2016-400 du 1er avril 2016 relatif aux administrateurs judiciaires et aux mandataires judiciaires |
Article 63, I |
Article 1erbis AA de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers |
DCE |
- Exercice de la profession d’huissier dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente ; - Exercice de la profession de notaire dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente ; - Exercice de la profession de commissaire-priseur judiciaire dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente. |
Décret n° 2016-883 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice des professions d’huissier de justice, de notaire et de commissaire-priseur judiciaire sous forme de société autre qu’une société civile professionnelle ou qu’une société d’exercice libéral |
Article 63, V |
Article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques |
DCE |
Exercice de la profession d’avocat dans le cadre d’une association ou d’une société |
Décret n° 2016-882 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession d’avocat sous forme d’entité dotée de la personnalité morale autre qu’une société civile professionnelle ou qu’une société d’exercice libéral ou de groupement d’exercice régi par le droit d’un autre État membre de l’Union européenne |
Article 63, VI |
Article 3-2 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 |
DCE |
Exercice de la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente |
Décret n° 2016-881 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation sous forme de société autre qu’une société civile professionnelle |
Article 63, VII, 1° et 2° |
Article L. 811-7 du code de commerce |
DCE |
- Exercice de la profession d’administrateur judiciaire dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente ; - Exercice de la profession de mandataire judiciaire dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente. |
Décret n° 2016-902 du 1er juillet 2016 relatif à l’exercice sous forme de société ou d’autre entité dotée de la personnalité morale de la profession d’administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire |
Article 67 |
Articles 5, 6 et 7 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : huissiers de justice, notaires, commissaires-priseurs judiciaires |
Décret n° 2016-880 du 29 juin 2016 relatif aux sociétés d’exercice libéral constituées pour l’exercice des professions d’huissier de justice, de notaire ou de commissaire-priseur judiciaire et aux sociétés de participations financières constituées en vue de la détention de parts sociales ou d’actions dans ces sociétés |
Article 67 |
Articles 5, 6 et 7 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 |
DCE |
Sociétés de participations financières pluriprofessionnelles |
Décret n° 2016-879 du 29 juin 2016 modifiant le décret n° 2014-354 du 19 mars 2014 pris pour l’application de l’article 31-2 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé |
Article 67 |
Articles 5, 6 et 7 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 |
DCE |
- Ouverture du capital des administrateurs judiciaires ; - Ouverture du capital des mandataires judiciaires ; - Ouverture du capital des commissaires aux comptes ; - Ouverture du capital des greffiers des tribunaux de commerce. |
Décret n° 2016-1218 du 13 septembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l’exercice de certaines professions réglementées du droit ou du chiffre relevant du code de commerce et aux sociétés de participations financières dans ces sociétés |
Article 67 |
Articles 5, 6 et 7 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : experts-comptables |
Décret n° 2016-877 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession d’expert-comptable sous forme de société d’exercice libéral et aux sociétés de participations financières de sociétés de profession libérale d’experts-comptables |
Article 67 |
Articles 5, 6 et 7 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : conseillers en propriété industrielle |
Décret n° 2016-875 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession de conseil en propriété industrielle sous forme de société d’exercice libéral et aux sociétés de participations financières de profession libérale de conseils en propriété industrielle |
Article 67 |
Articles 5, 6 et 7 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : avocats |
Décret n° 2016-878 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession d’avocat sous forme de société d’exercice libéral et aux sociétés de participations financières de profession libérale d’avocats |
Article 67 |
Articles 5, 6 et 7 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : architectes |
Décret n° 2016-876 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession d’architecte sous forme de société d’exercice libéral et aux sociétés de participations financières de profession libérale d’architectes |
Article 67 |
Articles 5, 6 et 7 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : géomètres experts |
Décret n° 2016-874 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession de géomètre expert sous forme de société d’exercice libéral et aux sociétés de participations financières de profession libérale de géomètres experts |
Note de lecture : DCE : décret en Conseil d’État ; DS : décret simple ; A : arrêté
Source : mission d’information.
QUATRIÈME PARTIE : LES DISPOSITIONS RELATIVES AU TRAVAIL DU DIMANCHE ET EN SOIRÉE
Le chapitre Ier du titre III de la loi du 6 août 2015 a modifié les exceptions au principe fixé par l’article L. 3132-3 du code du travail déterminant que « dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ».
I. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA LOI À CES RÉGIMES D’EXCEPTION AU REPOS DOMINICAL ET EN SOIRÉE
Les articles 241 à 257 de la loi ont apporté de nombreuses modifications à ces dispositions, en harmonisant les régimes existants afin que les conditions d’ouverture et les nécessaires compensations pour les salariés concernés fassent l’objet d’un accord collectif, ou dans les établissements de moins de onze salariés, d’une décision de l’employeur approuvée par la majorité des salariés. Comme l’a détaillé le premier rapport d’application de la loi, ce texte a procédé aux modifications suivantes :
– une refonte des catégories de zones où les commerces de détail peuvent mettre en œuvre une ouverture dominicale en étant autorisé à donner à leurs salariés un repos hebdomadaire par roulement : les zones touristiques (article L. 3132-25 du code du travail) et les zones commerciales (article L. 3132-25-1 du même code) ;
– l’institution de « zones touristiques internationales » (ZTI), délimitées par arrêté des ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire et du président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et des syndicats d’employeurs et de salariés, « compte tenu du rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l’importance de leurs achats » (article L. 3232-24) ;
– l’ouverture de la possibilité d’ouvrir le dimanche pour les commerces situés dans l’emprise d’une gare non située dans une des zones dérogatoires mais caractérisée par « l’affluence exceptionnelle de passagers » (article L. 3132-25-6) ;
– l’extension de l’obligation de conclure un accord collectif prévoyant les compensations au travail dominical pour les salariés des commerces situés dans ces zones (article L. 3132-25-3) ;
– l’adaptation des dispositions organisant l’ouverture des commerces alimentaires de détail le dimanche matin et la compensation salariale minimale pour les salariés (articles L. 3132-25-5 et L. 3132-13 du code du travail) ;
– la modification du régime et l’extension possible du nombre de « dimanches du maire » de cinq à douze par an (article L. 3132-26) ;
– la limitation de la durée et de la validité des dérogations accordées par le préfet (articles L. 3132-21 et L. 3132-29) ;
– la garantie du droit de vote des salariés travaillant le dimanche (articles L. 3231-25-4 et L. 3231-26) ;
– l’extension des possibilités de dérogations au travail en soirée dans les zones touristiques internationales (article L. 3122-29-1 du code du travail).
II. LES ÉVOLUTIONS APPORTÉES À CES DISPOSITIONS DEPUIS LA PARUTION DU PREMIER RAPPORT D’APPLICATION
Une annulation d’un régime dérogatoire par le Conseil constitutionnel et un assouplissement par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels sont venus modifier le régime d’autorisation d’ouverture exceptionnelle dit des « dimanches du maire ».
L’article 250 de la loi a en effet modifié l’article L. 3132-26 du code du travail en apportant plusieurs modifications au dispositif permettant au maire d’accorder, par arrêté, l’autorisation d’ouvrir certains dimanches aux commerces. Le nombre de dimanches pouvant ainsi faire l’objet, pour chaque commerce, d’une ouverture dominicale passe de cinq à douze par année civile, leur liste étant arrêtée avant le 31 décembre de l’année précédente. Cependant, l’arrêté du maire doit désormais être pris après l’avis simple du conseil municipal, et lorsque le nombre de dimanche excède cinq, l’avis conforme (ou l’absence d’opposition dans un délai de deux mois) de l’organe délibérant de l’EPCI à fiscalité propre.
A. LA CENSURE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DE LA DISPOSITION CONFIANT AU PRÉFET DE POLICE LA COMPÉTENCE POUR FIXER LES « DIMANCHES DU MAIRE » À PARIS
Ce même article 250 de la loi n’a pas modifié les dispositions prévues par le dernier alinéa de l’article L. 3132-26 du code du travail qui confiait déjà, par voie d’exception pour la seule ville de Paris, le choix des dimanches concernés au préfet de police.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité à ce sujet, à l’initiative de la maire de Paris, le Conseil constitutionnel a jugé le 24 juin 2016 qu’« aucun motif d’intérêt général ne justifie que, s’agissant du pouvoir de déterminer les dimanches durant desquels les établissements de commerce de détail sont autorisés à supprimer le repos hebdomadaire dominical, la ville de Paris soit traitée différemment de toutes les autres communes » (155) et déclaré contraire à la Constitution ces dispositions dérogatoires.
En conséquence, la maire de Paris a pu exercer cette compétence et a proposé au Conseil de Paris du 9 novembre 2016 d’autoriser les commerces parisiens à ouvrir douze dimanches en 2017, soit le maximum possible, pour « soutenir les commerces de proximité, qui sont confrontés à la concurrence des grandes enseignes situées dans les zones touristiques internationales » (156).
B. UN ASSOUPLISSEMENT DU DISPOSITIF DE FIXATION DES « DIMANCHES DU MAIRE » PAR LA LOI N° 2016-1088 DU 8 AOÛT 2016 RELATIVE AU TRAVAIL, À LA MODERNISATION DU DIALOGUE SOCIAL ET À LA SÉCURISATION DES PARCOURS PROFESSIONNELS
Dans le premier rapport d’application, M. Richard Ferrand, président-rapporteur et M. Stéphane Travert, ancien rapporteur thématique, avaient constaté que le dispositif de fixation des « dimanches du maire » retenu par le législateur était excessivement rigide.
Comme on l’a vu, l’arrêté du maire doit désormais être pris avant le début de l’année civile, après avis simple du conseil municipal, ainsi qu’avis conforme (ou l’absence d’opposition dans un délai de deux mois) de l’organe délibérant de l’EPCI à fiscalité propre, lorsque le nombre de dimanche excède cinq.
L’application de ces dispositions, permettant l’ouverture dominicale des commerces jusqu’à douze dimanches par an, semble avoir posé des difficultés, du fait de l’absence d’informations précises des maires sur le régime et les délais applicables.
En ce qui concerne les procédures et calendriers de mise en œuvre, alors que la décision du maire n’était précédemment enserrée dans aucun délai ni obligation de consultation, il est désormais nécessaire de consulter les représentants locaux des employeurs et des salariés, de recueillir l’avis du conseil municipal et, si le nombre de dimanche excède cinq, l’avis conforme ou implicite de l’organe délibérant de l’EPCI, en temps utile pour que l’arrêté municipal puisse être pris avant le 31 décembre de l’année précédente. Selon les informations recueillies, il apparaît que certains maires n’ont pas été en mesure d’effectuer ces consultations et de prendre l’arrêté correspondant avant le 31 décembre 2015, interdisant de facto aux commerces d’ouvrir exceptionnellement tout dimanche de 2016.
Ainsi, cette date butoir du 31 décembre de l’année précédente apparaissait en pratique à la fois trop rapprochée pour que les commerces organisent en concertation avec leurs salariés une ouverture pour les soldes de janvier, et trop éloignée quand il s’agit de fixer plus d’un an à l’avance les ouvertures dominicales de décembre.
Aussi un amendement présenté par MM. Stéphane Travert et Richard Ferrand et intégré au projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a-t-il complété l’article L. 3132-26 du code du travail, afin d’introduire plus de souplesse dans la détermination par les maires des dimanches ouvrables, en ouvrant la possibilité de modifier en cours d’année la liste des dimanches concernés, tout en respectant les mêmes formes (consultation des organisations syndicales et patronales, du conseil municipal et, lorsque le nombre de dimanche excède cinq, de l’organe délibérant de l’EPCI) et en imposant un délai minimal de deux mois avant le premier dimanche concerné par cette modification.
III. LES MESURES D’APPLICATION DE LA LOI PRISE DEPUIS LE PREMIER RAPPORT D’APPLICATION DE LA LOI
Les mesures devant être prises par le Gouvernement pour l’application du chapitre Ier du titre III, relatif aux exceptions au travail dominical et de soirée, comportent des décrets en Conseil d’État, des arrêtés ministériels conjoints et un rapport, relatifs à la mise en œuvre des nouvelles zones disposant d’une dérogation permettant l’ouverture dominicale le dimanche.
M. Stéphane Travert avait constaté que tous les textes réglementaires d’application nécessaires avaient été pris entre le 23 septembre 2015 et le 10 février 2016, après achèvement des procédures de consultation prévues par le législateur ou le pouvoir réglementaire, même s’ils pourront être complétés à l’avenir – notamment en délimitant de nouvelles zones pouvant bénéficier de dérogations.
Cependant, deux mesures complémentaires ont été prises depuis cette date : la création de trois zones touristiques internationales supplémentaires et la mise en place d’un Observatoire du commerce dans les zones touristiques internationales.
A. LA DÉLIMITATION DE TROIS NOUVELLES ZONES TOURISTIQUES INTERNATIONALES
Pour l’application du chapitre Ier, doivent être pris des arrêtés conjoints des ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce délimitant les zones touristiques internationales (ZTI), pris après avis du maire, du président de l’EPCI à fiscalité propre et des représentants des syndicats et des organisations d’employeurs intéressés (article 242 de la loi).
En conséquence, ont été publiés au Journal officiel du 26 septembre 2015 des arrêtés du 25 septembre 2015, délimitant douze zones touristiques internationales (ZTI) situées sur le territoire de la ville de Paris et intitulées : « Champs-Elysées Montaigne », « Haussmann », « Le Marais », « Les Halles », « Maillot-Ternes », « Montmartre », « Olympiades », « Rennes – Saint-Sulpice », « Saint-Emilion Bibliothèque », « Saint-Honoré – Vendôme », « Saint-Germain » et « Beaugrenelle ».
Six autres ZTI ont été définies par arrêtés pris le 5 février 2016 et publiés au Journal officiel du 7 février 2016 à Cannes (centre-ville et La Bocca), à Nice (centre-ville et littoral), à Saint-Laurent-du-Var (littoral et centre commercial « Cap 3000 ») à Cagnes-sur-Mer (centre-ville, littoral et centre commercial « Polygone Riviera »), à Deauville (centre-ville et littoral) et à Serris en Seine-et-Marne (centres commerciaux « Val-d’Europe » et « La Vallée Village »).
Le 25 juillet 2016, cette liste a été complétée par trois nouveaux arrêtés publiés au Journal officiel du 30 juillet 2016 créant des ZTI :
– à Antibes (centre-ville, vieil-Antibes et Juan-les-Pins) ;
– à Dijon (centre-ville et cité de la gastronomie) ;
– à La Baule (centre-ville, La Baule-les-Pins, quartier du casino et le quartier du marché).
B. LA CRÉATION D’UN OBSERVATOIRE DU COMMERCE DANS LES ZONES TOURISTIQUES INTERNATIONALES
Le 1er mars 2016, M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique a annoncé la création d’un Observatoire du commerce du dimanche chargé d’évaluer la réforme de l’ouverture des commerces le dimanche.
Créé par arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères, de la ministre du travail et du ministre de l’économie du 20 juin 2016, publié au Bulletin officiel du ministère des finances n° 2016/8 du 5 août 2016, « l’Observatoire du commerce dans les zones touristiques internationales », a pour objet « d’évaluer la réforme de l’ouverture dominicale des commerces, d’en suivre la promotion internationale, d’en mesurer les effets sur le commerce, l’activité économique, l’emploi et le dialogue social ».
Sous la coprésidence des ministres chargés de l’économie et du travail, il réunit neuf représentants des organisations professionnelles, cinq représentants des organisations syndicales de salariés, quatre représentants de l’État, deux représentants des organismes consulaires, onze personnalités qualifiées et les maires des communes concernées par l’implantation d’une zone touristique internationale.
M. Jean Gaeremynck, conseiller d’État, ancien délégué général à l’emploi et la formation professionnelle, président adjoint de la section des finances du Conseil d’État, a été désigné vice-président de l’Observatoire, en charge de l’animation ; le sous-directeur de la prospective, des études et de l’évaluation économiques de la direction générale des entreprises en est chargé du secrétariat général.
L’arrêté prévoit que « l’Observatoire du commerce dans les zones touristiques internationales dispose d’un site internet », afin de diffuser des informations d’ordre documentaire sur les différents dispositifs relatifs à l’ouverture dominicale et en soirée des commerces, à destination des commerces et des consommateurs. Dans le précédent rapport d’étape, M. Stéphane Travert avait souhaité un tel renforcement des moyens d’information ; s’il applaudit ce choix, il regrette que ce site ne soit pas en ligne à ce jour.
L’Observatoire doit se réunir au moins une fois par an : il a tenu sa première réunion le 21 juin 2016. Trois commissions thématiques ont été mises en place, afin de suivre les sujets suivants :
– promotion internationale et accueil ;
– évolution de l’activité et de l’emploi ;
– animation commerciale et aménagement urbain.
Enfin, il devra publier un rapport annuel présentant un bilan de la réforme de l’ouverture des commerces dans les zones touristiques internationales.
IV. UN NOUVEAU BILAN DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA LOI
La mise en œuvre des dispositions relatives à l’assouplissement de l’ouverture dominicale repose, dans les commerces comportant au moins onze salariés, sur la négociation d’un accord collectif de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement ou conclu à un niveau territorial.
Si de nombreuses branches ou entreprises avaient abouti à un tel accord avant la parution du premier rapport d’étape le 22 mars 2016, l’année écoulée a été mise à profit pour permettre l’engagement ou l’aboutissement de négociations dans de nombreux commerces.
Le présent rapport d’étape présentera trois situations emblématiques : l’issue des négociations dans les grands magasins parisiens, la conclusion d’un accord particulièrement avantageux à la Fnac et l’engagement de négociations dans les hypermarchés.
A. L’ABOUTISSEMENT DES NÉGOCIATIONS DANS LES GRANDS MAGASINS PARISIENS
1. Des négociations qui ont finalement abouti au sein de chaque enseigne
Dès juin 2015, avant même la promulgation de la loi, des négociations d’ensemble ont été engagées au niveau de la branche du commerce entre patronat et syndicats, afin de négocier les conditions et les compensations liées à l’ouverture dominicale des grands magasins – que ce soit ceux situés en ZTI ou les ouvertures exceptionnelles dans le cadre des « dimanches du maire ». Un accord de branche aurait eu l’avantage d’harmoniser les compensations salariales dans l’ensemble des enseignes.
Au début de l’année 2016, les partenaires sociaux ont pris acte de l’échec de cette négociation et les directions de chaque enseigne ont entrepris des négociations au niveau de chaque entreprise.
Le BHV Marais a été le premier grand magasin parisien à signer un accord de compensation salariale avec les syndicats le 6 mai 2016, L’accord conclu pour trois ans prévoit pour les salariés travaillant habituellement la semaine un plafond de quinze dimanches travaillés par an, assortis d’une majoration de salaire de 100 % et d’une récupération. Pour les 150 salariés appelés à être embauchés pour les fins de semaine, les quinze premiers dimanches feront l’objet d’une majoration de salaire de 100 % et les suivants de 50 %, sans récupération (157). Le BHV Marais est ainsi ouvert tous les dimanches depuis le mois de juillet 2016 (158).
Les Galeries Lafayette ont mis en application depuis le 1er janvier 2017 un accord signé en mai 2016. Il prévoit trois formes de compensations au choix du salarié : se faire payer double la journée et prendre un jour de repos en plus, être payé normalement et prendre deux jours de récupération, soit ne pas être payé et récupérer trois jours (dont un à poser dans le mois qui précède ou qui suit). Ce dispositif ne concerne pas les démonstrateurs employés par les marques dotées de leur espace de vente dans le grand magasin, et qui relèvent de leur propre accord sur le travail du dimanche. Malgré les critiques des syndicats, qui mettent en garde contre la pression exercée sur les salariés et s’inquiètent d’une plus grande précarité et d’une possible stagnation des salaires, 92 % des salariés des Galeries Lafayette du boulevard Haussmann se sont inscrits pour travailler le dimanche. Et 62 % se sont portés volontaires pour huit dimanches en 2017, le maximum autorisé dans l’accord signé entre les syndicats et la direction, qui concerne uniquement le magasin du boulevard Haussmann. 500 nouvelles embauches ont été prévues afin de pourvoir des « contrats de fin de semaine » en CDI, appelés à travailler uniquement trois jours en fin de semaine (samedi-dimanche-lundi ou vendredi-samedi-dimanche), soit 25 heures payées 32 heures (159).
En novembre 2016, un accord sur le travail dominical a été signé au Bon Marché (groupe LVMH). Le texte garantit le volontariat et prévoit des week-ends complets travaillés (samedi et dimanche), avec des contreparties croissantes pour le samedi en fonction du nombre de week-ends effectués dans l’année. Le dimanche est majoré dans tous les cas de 100 %. En revanche, l’accord ne prévoit pas de repos compensateur. Pour « reconnaître l’investissement professionnel » des salariés qui travailleront les fins de semaine, stipule le texte, il est prévu, pour les douze premiers week-ends complets travaillés, une majoration de 25 % des heures effectuées le samedi. Du troisième jusqu’au vingt-quatrième, les heures du samedi sont majorées de 50 %, puis de 75 % au-delà.
À la faveur d’un accord syndical signé en décembre 2016, les magasins Monoprix (groupe Casino) pourront ouvrir jusqu’à 22 h dans les grandes villes à compter de janvier 2017, sur la base du volontariat avec possibilité de réversibilité. L’accord prévoit la mise en place d’une majoration du taux horaire de base qui était en place uniquement pour la tranche de 21 h à 22 h et s’élevait à 25 %. Cette majoration continuera de s’élever à 25 % entre 21 h et 21h15, passera à 50 % de 21h15 à 22h30 et à 70 % entre 22h30 et 5 h. Une prime de 500 euros par an sera par ailleurs accordée aux salariés volontaires pour la garde de leurs enfants de moins de dix ans, et une prime de fermeture de 20 euros pour les cadres et de 15 euros pour les agents de maîtrise sera également attribuée (160).
Enfin, en janvier 2017, un accord sur le travail dominical a été conclu entre la direction des magasins Printemps et les syndicats. Celui-ci concerne principalement le « magasin amiral » du boulevard Haussmann à Paris, ainsi que ceux de Deauville, Marseille Terrasses du Port et Cagnes-sur-Mer situés dans les zones touristiques internationales (ZTI). Le projet distingue travailleurs « habituels » du dimanche (à partir de douze dimanches annuels travaillés) et « occasionnels », avec pour tous une majoration de salaire de 100 % ainsi qu’une aide à la garde d’enfant (60 euros jusqu’à quinze ans). Seuls les travailleurs « occasionnels » sont éligibles à un repos compensateur (161).
Ainsi, toutes les enseignes de grands magasins vont pouvoir dorénavant ouvrir leurs établissements situés dans les ZTI parisiennes.
2. Un impact encore limité sur le commerce local
Les premières données disponibles, communiquées le 4 novembre 2016 par l’Observatoire du commerce dans les zones touristiques internationales montrent que 15 % des magasins situés dans les ZTI sont déjà ouverts le dimanche et 2,5 % le soir.
Cela concerne près de 1 500 magasins, essentiellement des petits commerces de moins de onze salariés.
Six mois après le début de l’ouverture dominicale du BHV Marais, « le bilan est extrêmement positif, avec un chiffre d’affaires additionnel de 10 % depuis la mise en place des ouvertures dominicales » : le dimanche est devenu le deuxième meilleur jour de ventes, derrière le samedi. Selon la direction, les ouvertures dominicales ont attiré une nouvelle clientèle, mais essentiellement locale et francilienne (162).
En termes d’emplois, le BHV Marais fait valoir la création de 150 postes en contrats à durée indéterminée (CDI) de fin de semaine grâce aux ouvertures dominicales. Les Galeries Lafayette ont recruté 330 personnes en vue des prochaines ouvertures du dimanche ; ce dernier magasin prévoit de créer 500 postes nouveaux grâce à ces dimanches désormais travaillés, sans compter les emplois indirects (démonstrateurs des marques).
En termes de fréquentation touristique, le centre commercial Beaugrenelle, situé non loin de la Tour Eiffel, a indiqué qu’un an après avoir obtenu le droit d’ouvrir le dimanche, il a vu sa fréquentation touristique bondir de 28 % (163).
B. DES NÉGOCIATIONS ABOUTISSANT À DES DISPOSITIFS AVANTAGEUX POUR LES SALARIÉS
Dans certaines enseignes, les négociations ont pris un certain temps mais ont abouti à des dispositifs de compensation du travail dominical avantageux pour les salariés concernés.
Le précédent rapport d’étape avait indiqué que dans les magasins Fnac, un accord a été signé le 19 janvier 2016, prévoyant des dispositions particulièrement avantageuses. Cependant, en application de l’article L. 2232-2 du code du travail (164), les syndicats CGT, SUD et FO, représentant la majorité des salariés, s’étaient opposés au projet conclu. Mais les élections professionnelles organisées entre-temps ont changé le paysage syndical, FO n’étant plus représentatif. En conséquence, les syndicats signataires du précédent accord sont devenus majoritaires, non pas en nombre de voix, mais en représentativité recalculée (165).
Ainsi la direction de la Fnac a signé, le 26 janvier 2017, avec les syndicats CFDT, CFE-CGC et CFTC un accord relatif au travail dominical et au travail de soirée. Les signataires, tout en réitérant leur « opposition à la généralisation et à la banalisation du travail du dimanche et du travail en soirée » estiment, néanmoins, que ces ouvertures le dimanche et en soirée « constituent une opportunité de préserver sa compétitivité et ses parts de marché dans un secteur ultraconcurrentiel et de développer son chiffre d’affaires dans un contexte économique dégradé » (166).
Le principe du volontariat des salariés concernés comprend également un « droit à l’indisponibilité ponctuelle » dans les établissements ayant recours au travail dominical régulier (ouverts plus de douze dimanches par an). Il appartiendra au responsable de département ou de service de veiller à répartir équitablement et par roulement le nombre de dimanches travaillés entre les salariés ayant exprimé la même option de travail. Un jour de repos hebdomadaire de remplacement sera attribué sur un autre jour de la semaine.
S’agissant du travail en soirée, le repos quotidien est fixé à onze heures. Il est porté à douze heures lors de toute journée de travail finissant à minuit. Les cadres bénéficiant d’un forfait-jours ne pourront en aucun cas reprendre leur activité professionnelle avant midi, dès lors qu’ils auront terminé leur précédente journée de travail à minuit.
Pour les établissements ayant recours au travail dominical régulier, les majorations de salaire seront distinctes selon que le travail dominical génère ou non une très forte activité. Ainsi, les employés et agents de maîtrise percevront une majoration de salaire à hauteur de 200 % par dimanche pour les douze dimanches déclarés par l’employeur comme générant l’activité la plus importante sur l’année et de 100 % par dimanche pour les autres dimanches de l’année civile. Concernant les douze dimanches majorés à 200 %, le salarié pourra choisir entre la totalité de la majoration ou le paiement à hauteur de 100 % et un repos équivalent au nombre d’heures travaillées et crédité dans le compteur des heures à compenser.
Dans les établissements ayant au recours au travail dominical occasionnel (ouverts au plus douze dimanches par an), la majoration pour les employés et agents de maîtrise est fixée à 100 % des heures travaillées le dimanche, assortie d’un repos compensateur équivalent au nombre d’heures travaillées le dimanche, à prendre dans les quinze jours qui précèdent ou suivent le dimanche travaillé. La majoration des heures travaillées le dimanche pourra être remplacée, au choix du salarié, par un repos équivalent.
S’agissant du travail en soirée, chacune des heures travaillées entre 21h00 et minuit est rémunérée le double de la rémunération normalement due pour les employés, agents de maîtrise et cadres autonomes. Elle donne aussi lieu à un repos compensateur équivalent en temps
La Fnac s’engage à prendre en charge les frais de garde d’un enfant de moins de 12 ans, d’un enfant handicapé ou ayant un ascendant à charge sous la forme de chèques emploi service universel d’une valeur de 100 euros par dimanche travaillé. Concernant le travail en soirée, la Fnac s’engage à prendre en charge, dans les magasins ouverts tous les soirs de la semaine, 100 % du titre de transport en commun.
C. L’ENGAGEMENT DES NÉGOCIATIONS DANS CERTAINES ENSEIGNES D’HYPERMARCHÉS
En application de l’article L. 3132-13 du code du travail, les commerces de détail alimentaire bénéficient d’une dérogation permanente de droit au principe du repos dominical puisqu’ils peuvent ouvrir le dimanche matin jusqu’à 13h00 ; la loi a prévu que dans les commerces alimentaires dont la surface de vente est supérieure à 400 mètres carrés, les salariés devront bénéficier pour cette période d’une majoration de 30 % de leur rémunération.
Lors des auditions menées par M. Stéphane Travert début 2016, l’ouverture dominicale n’apparaissait pas comme une priorité des chaînes d’hypermarchés ; cependant, les réflexions semblent avoir évolué en la matière.
La direction du groupe Carrefour a convoqué en décembre 2016 les syndicats pour négocier l’ouverture dominicale. Elle souhaite ainsi remettre en cause un accord d’entreprise de 1999 qui, contrairement à ses concurrents comme Auchan ou Casino, prévoyant explicitement que le repos hebdomadaire était donné le dimanche et bloquait ainsi les ouvertures dominicales, exception faite des « dimanches du maire ».
Si la négociation semble difficile, un accord permettrait aux 191 hypermarchés Carrefour SAS, représentant quelque 60 000 salariés, d’ouvrir le dimanche matin, même si l’enseigne n’entend pas forcément ouvrir tous ses hypermarchés tous les dimanches matin. Selon les syndicats, parmi ces magasins de plus petite taille – supérettes et supermarchés – Carrefour détiendrait déjà 5 000 points de vente ouverts le dimanche (167).
La dernière proposition de Carrefour porterait sur une majoration de salaire de 70 %, avec l’obligation de s’engager pour un certain nombre de dimanches, selon les syndicats (168), qui n’ont pas souhaité s’engager dans cette démarche.
Dans le même temps, M. Michel-Édouard Leclerc, dirigeant du groupement de distributeurs indépendants E. Leclerc, a indiqué en janvier 2017 qu’il ne souhaitait pas une généralisation du travail dominical dans les hypermarchés – seuls 15-20 % de centres Leclerc étant actuellement ouverts le dimanche matin.
Chez Auchan, un tiers des hypermarchés s’apprêterait à ouvrir le dimanche matin, en prenant en compte l’évolution des modes de vie, en offrant une compensation salariale de 50 % à leurs salariés (169).
CINQUIÈME PARTIE : LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA LOI AYANT FAIT L’OBJET DE MESURES D’APPLICATION
Seules sont décrites les mesures d’application prises après la publication du premier rapport de la mission d’information. Les décrets publiés postérieurement à ce rapport, dès lors qu’ils sont conformes aux projets de décret que la mission avait reçu, ne font pas l’objet de développements détaillés.
I. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’URBANISME
A. LA RUPTURE CONVENTIONNELLE DES DIRECTEURS GÉNÉRAUX D’OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT
Afin de mettre fin à une situation source de nombreux contentieux, l’article 78 de la loi du 6 août 2015 a étendu la procédure de rupture conventionnelle aux directeurs généraux d’offices publics de l’habitat (OPH). Il a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de déterminer ses conditions d’application, notamment les modalités de calcul de l’indemnité de rupture.
Pris en application de cet article, le décret n° 2016-442 du 11 avril 2016 relatif aux conventions de rupture des contrats des directeurs généraux des offices publics de l’habitat et modifiant le code de la construction et de l’habitation précise que l’indemnité de rupture du directeur général ne peut être inférieure à l’indemnité de licenciement qui est prévue à l’article R. 421-20-4 du code de la construction et de l’urbanisme, c’est-à-dire deux mois de rémunération par année entière d’ancienneté dans la limite de vingt-quatre mois de rémunération. Elle ne peut excéder ce montant majoré de deux fois la rémunération brute de base du mois précédant la date de l’entretien préalable à la rupture.
B. LA DÉLÉGATION DU DROIT DE PRÉEMPTION URBAIN À UNE SOCIÉTÉ D’ÉCONOMIE MIXTE AGRÉÉE
L’article 87 de la loi du 6 août 2015 a permis aux sociétés d’économie mixte agréées mentionnées à l’article L. 481-1 du code de la construction et de l’habitation, aux organismes d’habitations à loyer modéré prévus à l’article L. 411-2 et aux organismes agréés mentionnés à l’article L. 365-2, d’être délégataires du droit de préemption urbain, sous réserve que l’aliénation porte sur des biens ou droits affectés au logement et que les biens ainsi acquis soient utilisés en vue de la réalisation d’opérations d’aménagement ou de construction permettant la réalisation des objectifs fixés dans le programme local de l’habitat ou déterminés en application du premier alinéa de l’article L. 302-8 du code de la construction et de l’habitation.
Il dispose que l’organe délibérant de ces organismes peut déléguer l’exercice de ce droit à leur organe exécutif, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. Tel est l’objet du décret n° 2016-384 du 30 mars 2016 fixant les conditions de délégation de l’exercice du droit de préemption urbain par les organes délibérants des organismes mentionnés à l’article L. 211-2 du code de l’urbanisme. Il rétablit l’article R. 211-5 du code de l’urbanisme, qui, désormais, impose que la délégation fasse l’objet d’une publication de nature à la rendre opposable aux tiers. Selon ce même article, lorsqu’il exerce cette délégation, le président-directeur général, le président du directoire, le directeur général ou le directeur rend compte, au moins une fois par an, de son action au conseil d’administration, au directoire ou au conseil de surveillance.
C. LA GARANTIE FINANCIÈRE D’ACHÈVEMENT OU DE REMBOURSEMENT DES OPÉRATIONS DE VENTE EN L’ÉTAT FUTUR D’ACHÈVEMENT
Introduit dans le code de l’urbanisme par l’ordonnance n° 2013-890 du 3 octobre 2013 relative à la garantie financière en cas de vente en l’état futur d’achèvement, l’article L. 261-10-1 rend obligatoire la souscription d’une garantie financière d’achèvement lorsque le vendeur d’un immeuble d’habitation ou mixte en état futur d’achèvement n’opte pas pour une garantie de remboursement. L’intervention du pouvoir réglementaire était nécessaire pour déterminer les conditions d’application de cet article.
L’article 92 de la loi du 6 août 2015 renvoie expressément au pouvoir réglementaire le soin de préciser ces dispositions, par la voie du décret en Conseil d’État.
Sur ce fondement, le décret n° 2016-359 du 25 mars 2016 relatif à la garantie financière en cas de vente en l’état futur d’achèvement a tiré les conséquences de cette obligation en modifiant la section 4 du chapitre Ier du titre VI du livre II du code de la construction et de l’habitation. L’article R.* 261-24 prévoit désormais que la personne qui constate l’achèvement remet au vendeur une attestation d’achèvement, en trois exemplaires originaux, établie conformément à un modèle défini par arrêté du ministre chargé du logement. Cet arrêté a été publié le 27 mai 2016 (170). Selon ce même article, le vendeur doit remettre l’un des trois exemplaires de cette attestation à l’organisme garant et un autre au notaire chargé de la vente.
L’article 164 de la loi n° 2016-895 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », codifié à l’article L. 329-1 du code de l’urbanisme, a créé les organismes de foncier solidaires (OFS). Sans but lucratif, ils ont pour objet d’acquérir et de gérer des terrains, bâtis ou non, en vue de réaliser des logements et des équipements collectifs, destinés à la location ou à l’accession à la propriété, à usage d’habitation principale ou à usage mixte professionnel et d’habitation principale. L’objectif des OFS est la constitution d’un parc pérenne d’accession à la propriété ou à la location de ménages modestes, sous plafond de ressources et de loyers ou de prix. Il ne peut être réalisé que dans le cadre d’une dissociation des propriétés du sol et du bâti. Il était donc nécessaire de créer un nouveau type de contrat de bail de longue durée.
L’article 94 de la loi du 6 août 2015 a donc habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure de nature législative propre à créer le bail réel solidaire. Il s’agit d’un contrat de bail par lequel un OFS consent à un preneur des droits réels en vue de la location ou de l’accession à la propriété des logements, sous des conditions de ressources, de loyers et de prix. Selon cette habilitation, le Gouvernement devait également :
– définir, par la même ordonnance, les modalités d’évolution du bail ainsi que de la valeur des droits réels en cas de mutations successives ;
– prévoir les règles applicables en cas de résiliation ou de méconnaissance des obligations propres au contrat.
En vertu de l’habilitation reçue du législateur, le Gouvernement a publié l’ordonnance n° 2016-985 du 20 juillet 2016 relative au bail réel solidaire. Elle introduit un chapitre V intitulé « Bail réel solidaire » dans le titre II du code de la construction et de l’habitation. Ce nouveau chapitre comprend cinq sections.
La première section définit le bail réel solidaire. Elle dispose notamment que ce bail est réservé aux OFS (article L. 255-1). Elle renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les plafonds de prix de cession des droits réels et de ressources du preneur. L’OFS a toujours la possibilité, en fonction de ses objectifs, d’appliquer des seuils inférieurs (article L. 255-2). À ce jour, ce décret n’a pas été publié.
La section 2 traite des droits et obligations des parties au contrat de bail. Elle énonce des obligations classiques du régime des autres baux réels existants, rappelle l’obligation de paiement d’une redevance à l’OFS par le preneur de droits réels immobiliers et rappelle la possibilité de saisir les droits réels issus du bail réel solidaire.
La section 3 précise les conditions de mutation des droits réels immobiliers issus du bail réel solidaire.
La section 4 prévoit le cas de nullité du bail en cas de non-respect des conditions de plafonds établies dans la première section.
La section 5 est relative à des dispositions générales. Elle fixe notamment le régime de protection de l’acquéreur des droits réels et renvoie à un décret en Conseil d’État les modalités d’application de l’ordonnance.
E. L’APPLICATION DE LA DÉCOTE SUR LA VENTE DE TERRAINS DE L’ÉTAT EN FAVEUR DE LA CONSTRUCTION D’ÉQUIPEMENTS PUBLICS
L’article 97 de la loi du 6 août 2015 a modifié l’article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques, afin d’élargir le champ d’application de la décote sur les biens appartenant à l’État en faveur de la construction d’équipements publics. Le bénéfice de cette décote était réservé aux seuls terrains inscrits sur la liste régionale des terrains cessibles, définie par arrêté préfectoral pour lesquels la décote est de droit. Désormais, cette décote peut s’appliquer, sur décision du préfet, à tous les terrains de l’État, même s’ils ne sont pas inscrits sur la liste régionale. Un décret en Conseil d’État devait préciser les modalités d’application de cette disposition et la liste des équipements publics concernés.
Le décret n° 2016-1160 du 25 août 2016 modifiant les dispositions réglementaires du code général de la propriété des personnes publiques relatives aux conditions d’aliénation des terrains du domaine privé de l’État et de ses établissements publics en vue de la réalisation de programmes de logements sociaux en a tiré les conséquences au niveau réglementaire.
II. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’INVESTISSEMENT
1. L’autorisation environnementale
En vertu de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, des expérimentations de procédures uniques intégrant plusieurs autorisations ont été menées dans certaines régions concernant les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à la législation sur l’eau. Ces expérimentations ont été étendues à la France entière pour les ICPE relatives aux énergies renouvelables et pour les IOTA par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique.
Au vu des premiers résultats, le législateur a décidé de généraliser le dispositif. L’article 103 de la loi du 6 août 2015 habilite ainsi le Gouvernement à inscrire définitivement dans le code de l’environnement un dispositif d’autorisation environnementale unique, en améliorant et en pérennisant les expérimentations.
Prise en vertu de cette habilitation, l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale crée, au sein du livre Ier du code de l’environnement, un nouveau titre VIII intitulé « Procédures administratives », comportant un chapitre unique « Autorisation environnementale ».
Ces nouvelles dispositions fixent notamment le champ d’application de l’autorisation environnementale unique. Elles précisent les autorisations et déclarations que l’autorisation unique regroupe. Il faut noter que l’autorisation environnementale ne vaut pas autorisation d’urbanisme, « celle-ci relevant d’une approche très différente dans ses objectifs, dans son contenu, ses délais et l’autorité administrative compétente » (171). L’articulation entre l’autorisation environnementale et l’autorisation d’urbanisme est toutefois prévue.
L’ordonnance fixe également les règles concernant l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, qui se compose d’une phase d’examen, d’une phase d’enquête publique et d’une phase de décision. Sont également précisées les procédures applicables en cas de modification du projet.
L’ordonnance entre en vigueur le 1er mars 2017. Un dispositif transitoire est prévu jusqu’au 30 juin 2017. Jusqu’à cette date, les porteurs de projet pourront choisir s’ils souhaitent bénéficier des nouvelles dispositions de la loi ou s’ils souhaitent déposer des demandes conformément aux anciennes dispositions.
Deux décrets ont été publiés en application de cette ordonnance. Le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale précise les modalités d’application du chapitre « Autorisation environnementale » en complétant la partie réglementaire du code de l’environnement. Il définit notamment les règles relatives aux différentes phases de la procédure.
Le décret n° 2017-82 du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale fixe la liste des pièces, documents et informations devant composer le dossier de demande d’autorisation environnementale. Sont également fixées les modalités d’instruction par les services de l’État.
2. Les ordonnances relatives au droit de l’environnement
S’inscrivant dans la logique de la modernisation et de la simplification du droit de l’environnement, l’article 106 de la loi du 6 août 2015 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance un certain nombre de dispositions législatives, propres, notamment, à favoriser l’accélération des projets publics et privés en matière de logement, d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Quatre objectifs étaient visés.
● Premier objectif : accélérer l’instruction et la prise des décisions relatives aux projets de construction et d’aménagement, notamment ceux favorisant la transition écologique, et favoriser leur réalisation.
L’habilitation est précise, puisqu’elle indique trois voies pour parvenir à cet objectif. La première est celle de la réduction des délais de délivrance des décisions prises sur les demandes d’autorisation d’urbanisme, notamment grâce à une diminution des délais d’intervention des autorisations, avis ou accords préalables relevant de législations distinctes du code de l’urbanisme (article 106, 1° a). À la connaissance de la mission d’information, aucune ordonnance n’a été prise sur le fondement de cette habilitation précise. Le délai d’habilitation a expiré le 7 août 2016.
La deuxième voie était la création ou la modification des conditions d’articulation des autorisations d’urbanisme avec les autorisations, avis, accords ou formalités relevant de législations distinctes du code de l’urbanisme (article 106, 1°, b)). Sur cette habilitation, le Gouvernement a publié l’ordonnance n° 2016-354 du 25 mars 2016 relative à l’articulation des procédures d’autorisation d’urbanisme avec diverses procédures relevant du code de l’environnement. Elle coordonne les procédures de délivrance des permis de construire, des permis de démolir, des permis d’aménager et des décisions prises sur les déclarations préalables, avec, d’une part, les procédures de déclaration et d’autorisation attachées à la police de l’eau et, d’autre part, les dérogations à l’interdiction d’atteintes aux espèces protégées.
La troisième voie était la suppression de la procédure des unités touristiques nouvelles. Cette habilitation était inutile, la procédure en question ayant été abrogée par une ordonnance prise sur le fondement de la « loi ALUR » (172).
● Deuxième objectif : modifier les règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programme.
L’habilitation précise que cet objectif pourrait être atteint :
– en simplifiant et en clarifiant les règles environnementales ;
– en améliorant l’articulation entre les évaluations environnementales de projets différents, d’une part, et entre l’évaluation environnementale des projets et celle des plans et programmes, d’autre part ;
– en transposant la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, dans sa rédaction résultant de la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014.
Se conformant à cette habilitation et aux orientations qui y sont attachées, le Gouvernement a pris l’ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes, laquelle modifie le code de l’environnement.
Sur le fondement de l’habilitation du d) du 2° du I de l’article 106, le Gouvernement, par l’intermédiaire de l’ordonnance du 2 février 2017 modifiant les articles L. 171-7 et L. 171-8 du code de l’environnement (173), a mis en conformité avec les dispositions de la directive 2011/92/UE, les dispositions de ce même code autorisant l’autorité administrative à édicter des mesures conservatoires encadrant la poursuite d’activité dans le cas où une installation est exploitée sans l’autorisation requise. La Commission européenne avait en effet considéré que ce dispositif contrevenait aux règles qu’elle édicte.
En revanche, à la connaissance de la mission d’information, aucune ordonnance n’a été publiée pour modifier les règles de désignation et les attributions des autorités environnementales en vue de les adapter à l’évolution des règles applicables à l’évaluation environnementale.
● Troisième objectif : réformer les procédures destinées à assurer l’information et la participation du public
L’habilitation est particulièrement précise, puisqu’elle se décompose en six sous-objectifs :
– simplifier et harmoniser les dispositions des articles L. 120-1 à L. 120-3 du code de l’environnement ;
– préciser les principes de mise en œuvre de l’information et de la participation du public ;
– prévoir de nouvelles modalités d’information et de participation du public ;
– tirer, s’il y a lieu, les conséquences sur les procédures existantes de ces nouvelles modalités d’information et de participation du public ;
– permettre que les modalités d’information et de participation du public puissent être fixées en fonction des caractéristiques du plan, de l’opération, du programme ou du projet, de l’avancement de son élaboration, des concertations déjà conduites ainsi que des circonstances particulières propres à ce plan, à cette opération, à ce programme ou à ce projet ;
– simplifier les modalités des enquêtes publiques, étendre la possibilité de recourir à une procédure unique de participation du public pour plusieurs projets, plans ou programmes ou pour plusieurs décisions et promouvoir le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication pour garantir la participation du plus grand nombre.
Deux ordonnances ont été publiées sur habilitation du 3° de l’article 106.
Alors que l’habilitation courait jusqu’au 7 août 2016, le Gouvernement a publié une première ordonnance, dès le 22 avril 2016. L’ordonnance n° 2016-488 du 21 avril 2016 relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement a modifié le code de l’environnement, pour prévoir la possibilité pour l’État de consulter les électeurs d’une aire territoriale déterminée sur tout projet d’infrastructure ou d’équipement susceptible d’avoir une incidence sur l’environnement qu’il envisage d’autoriser ou de réaliser. La décision de consultation est prise par un décret qui en détermine la date, l’objet et le périmètre. Il définit également la question posée aux électeurs. L’ordonnance dispose que l’aire de la consultation correspond à celle de l’ensemble du territoire couvert par les enquêtes publiques dont le projet a fait l’objet. Le décret n° 2016-491 du 21 avril 20106 sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement a précisé les modalités de l’organisation de la consultation et du déroulement du scrutin.
C’est sur le fondement de cette ordonnance qu’a été pris le décret n° 2016-503 du 23 avril 2016 relatif à la consultation des électeurs des communes de la Loire-Atlantique sur le projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes.
L’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement a également été publiée sur habilitation du 3° de l’article 106 de la loi du 6 août 2015. Elle apporte des modifications au livre Ier du code de l’environnement en vue de réformer les procédures destinées à assurer l’information et la participation du public. L’ordonnance a modifié trois principaux champs du droit antérieurement en vigueur.
Elle a d’abord introduit un chapitre préalable définissant les objectifs de la participation du public aux décisions ayant un impact sur l’environnement et les droits que cette participation confère au public. Le contenu des droits octroyés par l’article 7 de la Charte de l’environnement et le principe de participation défini à l’article L. 110 du code de l’environnement ont été précisés.
Elle a ensuite renforcé la concertation en amont du processus décisionnel, notamment en élargissant le champ du débat public aux plans et programmes, en créant un droit d’initiative citoyenne, en attribuant de nouvelles compétences à la Commission nationale du débat public et en renforçant la procédure facultative de concertation préalable pour les projets, plans et programmes hors du champ du débat public.
Elle a enfin modernisé les procédures de concertation en aval, en généralisant la dématérialisation de l’enquête publique tout en tenant compte de la fracture numérique et en réaffirmant l’importance de la présence du commissaire-enquêteur.
3. Les ordonnances relatives aux réseaux de communication électroniques à très haute débit et aux équipements radioélectriques
L’article 115 de la loi du 6 août 2015 a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance, trois types de mesures législatives.
Il s’agissait d’abord de transposer la directive 2014/53/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché d’équipements radioélectriques et abrogeant la directive 1999/5/CE.
La directive 2014/53/UE a harmonisé les conditions de mise sur le marché européen des équipements terminaux et des équipements radioélectriques. Elle a défini à cette fin les exigences essentielles applicables à ces équipements et les modalités d’évaluation de leur conformité par le fabricant ou l’importateur de l’équipement sur le marché européen, ainsi que les obligations de marquage et d’information à fournir aux utilisateurs dans la notice conformément aux principes de la « Nouvelle approche ». L’ordonnance n° 2016-493 du 21 avril 2016 relative à la mise sur le marché d’équipements radioélectriques a donc modifié les dispositions législatives du code des postes et des communications électroniques en conséquence. Elle a :
– restreint le champ des équipements concernés ;
– clarifié le régime d’évaluation de la conformité des équipements ;
– réorganisé la procédure de désignation des organismes notifiés ;
– renforcé les compétences de l’Agence nationale des fréquences.
Il s’agissait ensuite de transposer la directive 2014/61/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, relative à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit.
À cet effet et conformément à l’habilitation législative, le Gouvernement a pris l’ordonnance n° 2016-526 du 28 avril 2016 portant transposition de la directive 2014/61/UE. Elle impose une utilisation plus efficace des infrastructures existantes pour réduire les coûts et les obstacles liés à l’exécution de nouveaux travaux de génie civil. Elle complète le cadre déjà défini par l’Autorité de régulation des postes et communications électroniques (ARCEP) relativement aux modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique.
Il s’agissait enfin de simplifier les dispositions du code des postes et des communications électroniques relatives à l’institution des servitudes de protection des centres radioélectriques. Ce code prévoyait deux types de servitude au bénéfice des départements ministériels pour protéger leurs centres radioélectriques : les servitudes contre les obstacles et les servitudes contre les perturbations électromagnétiques. Il prévoyait également l’instauration de servitudes au bénéfice des opérateurs de communications électroniques, mais ces dispositions n’ont jamais été mises en œuvre, faute de textes réglementaires d’application.
Il était nécessaire de simplifier et d’harmoniser un dispositif alourdi par des obligations de consultations préalables inutiles et différant des dispositions similaires du code de l’urbanisme, du code de l’environnement et du code de l’expropriation publique. L’ordonnance n° 2016-492 du 21 avril 2016 portant simplification des dispositions du code des postes et des communications électroniques relatives à l’institution des servitudes radioélectriques a donc modifié les sections 2 à 4 du chapitre III du livre II du code des postes et des communications électroniques.
4. Le déploiement du très haut débit
● Le statut de zone fibrée
Afin d’accélérer le déploiement du très haut débit sur le territoire, l’article 117 de la loi du 6 août 2015 a introduit un article L. 33-11 dans le code des postes et des communications électroniques, lequel institue un statut de « zone fibrée ». Il peut être obtenu dès lors que l’établissement et l’exploitation d’un réseau en fibre optique ouverte à la mutualisation sont suffisamment avancés pour déclencher des mesures facilitant la transition vers le très haut débit. L’article L. 33-11 devait être précisé par un décret simple.
L’article 71 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a modifié cet article, en précisant que ses modalités d’application devaient être déterminées par un décret en Conseil d’État, pris dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, c’est-à-dire le 7 avril 2017 au plus tard. Il devra définir les obligations réglementaires pouvant être adaptées en raison de l’attribution de ce statut, ainsi que les dispositions facilitant la transition vers le très haut débit. Par ailleurs, la loi du 7 octobre 2016 ajoute que le ministre chargé des télécommunications devra fixer, sur proposition de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), les modalités et les conditions d’attribution du statut. Ces précisions devront intervenir au plus tard trois mois après la publication du décret susmentionné.
Le décret est aujourd’hui en attente de publication.
● L’équipement en fibre optique des maisons individuelles et des lotissements neufs
L’article 118 de la loi du 6 août 2015 a inséré les articles L. 111-5-1 et L. 111-5-2 dans le code de la construction et de l’habitation.
L’article L. 111-5-1 impose que tous les immeubles neufs et les maisons individuelles neuves ne comprenant qu’un seul logement ou qu’un seul local à usage professionnel soient pourvus des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique nécessaires à la desserte du logement ou du local à usage professionnel par un réseau de communications électroniques très haut débit en fibre optique ouvert au public. Le décret n° 2016-1182 du 30 août 2016 modifiant les articles R. 111-1 et R. 111-14 du code de la construction et de l’habitation a adapté la partie réglementaire de ce code pour tirer les conséquences de ces nouvelles dispositions. Il a notamment supprimé l’obligation d’installation du cuivre dans le bâtiment lorsqu’il n’est pas présent dans la rue.
L’article L. 111-5-2 dispose, d’une part, que les immeubles groupant plusieurs logements à usage professionnel faisant l’objet de travaux soumis à permis de construire sont pourvus, aux frais du propriétaire, de ces mêmes lignes, de communications électroniques à très haut débit, dès lors que le coût des travaux d’équipement ne paraît pas disproportionné au regard du coût des travaux couverts par le permis de construire. Les modalités de ces dispositions doivent encore être précisées par décret en Conseil d’État.
Il dispose, d’autre part, que les lotissements neufs sont pourvus des lignes très haut débit en fibre optique nécessaires à la desserte de chacun des lots par un réseau à très haut débit en fibre optique ouvert au public. Bien que la loi ait prévu l’intervention d’un décret en Conseil d’État pour préciser ces dispositions, le Gouvernement considère que ces dispositions sont suffisamment précises.
5. La couverture de téléphonie mobile dans les zones blanches
Le 3° de l’article 129 de la loi du 6 août 2015 a modifié l’article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques, afin de réformer le service universel. En particulier, l’annuaire téléphonique papier est désormais facultatif dès lors qu’il est disponible par voie électronique.
Cette simplification devait entraîner des modifications réglementaires. Elles sont intervenues par la publication du décret n° 2016-1870 du 26 décembre 2016 relatif au service universel des communications électroniques.
6. La publicité digitale et les plateformes
● Les obligations de compte rendu des vendeurs d’espace publicitaire et des mandataires à l’égard des annonceurs : un décret en attente de publication
L’article 131 de la loi du 6 août 2015 modifie l’article 23 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques dite « loi Sapin », pour étendre au secteur de la publicité digitale :
– l’obligation pour le vendeur d’espace publicitaire de rendre compte directement à l’annonceur, dans le mois qui suit la diffusion du message publicitaire, des conditions dans lesquelles les prestations ont été effectuées ;
– l’obligation pour le vendeur d’espace publicitaire d’avertir l’annonceur et de recueillir son accord sur les changements prévus en cas de modification devant intervenir dans les conditions de diffusion du message publicitaire. Il doit également lui rendre compte des modifications intervenues ;
– les obligations du vendeur à l’égard du mandataire et du mandataire à l’égard de l’annonceur, lorsque l’achat d’espace publicitaire est effectué par l’intermédiaire d’un mandataire.
On pouvait considérer que les dispositions de l’article 23 de la « loi Sapin » étaient déjà applicables au secteur de la publicité digitale, avant la promulgation de la loi du 6 août 2015. Le doute existait toutefois, compte tenu des spécificités du secteur, en particulier pour les méthodes d’achat de prestations en temps réel par enchères. Pour mettre fin à toute ambiguïté sur cette question, le législateur a complété l’article 23 de la « loi Sapin » en disposant qu’un décret en Conseil d’État devait préciser les modalités d’application des obligations de compte rendu qui incombent au vendeur d’espace publicitaire et, le cas échéant au mandataire.
Ce décret n’a été publié que dix-huit mois après la promulgation de la loi. Il s’agit du décret n° 2017-159 du 9 février 2017 relatif aux prestations de publicité digitale. Précisant les modalités d’application de l’article 23 de la « loi Sapin » pour le secteur de la publicité digitale, il instaure un régime spécifique pour les campagnes de publicité digitale s’appuyant sur des méthodes de prestations en temps réel sur des espaces non garantis, par des mécanismes d’enchères. Le tableau ci-après récapitule les informations que le vendeur d’espace publicitaire doit communiquer à l’annonceur pour ce type spécifique de prestations.
INFORMATIONS QUE LE VENDEUR D’ESPACE PUBLICITAIRE DOIT COMMUNIQUER À L’ANNONCEUR POUR LES PRESTATIONS EN TEMPS RÉEL SUR DES ESPACES NON GARANTIS
Type d’informations |
Informations que doit comprendre le compte-rendu |
Sur l’exécution effective des prestations et de leurs caractéristiques |
L’univers de diffusion publicitaire, entendu comme les sites ou l’ensemble de sites internet qui peuvent être regroupés en fonction de leur nature ou de leurs contenus éditoriaux |
Le contenu des messages publicitaires diffusés | |
Le résultat des prestations au regard du ou des indicateurs de performance convenus lors de l’achat des prestations, tels que le nombre d’affichages publicitaires réalisés (par exemple « impressions », « pages vues »), le nombre d’interactions intervenues entre l’internaute et les affichages publicitaires (par exemple « clics », « actions ») ou toute autre unité de mesure justifiant l’exécution des prestations | |
Le montant global facturé pour une même campagne publicitaire et le cas échéant tout autre élément, convenu avec l’annonceur, relatif au prix des espaces | |
Sur la qualité technique des prestations |
Les outils technologiques, les compétences techniques ainsi que les prestataires techniques engagés dans la réalisation des prestations |
L’identification des acteurs de conseil, distincts des prestataires de technologie numérique, impliqués dans la réalisation des prestations | |
Les résultats obtenus par rapport aux objectifs qualitatifs définis par l’annonceur ou son mandataire avant le lancement de la campagne tels que le ciblage, l’optimisation, ou l’efficacité | |
Sur les moyens mis en œuvre pour protéger l’image de la marque de l’annonceur |
Toutes les mesures mises en œuvre, y compris les outils technologiques, pour éviter la diffusion de messages publicitaires sur des supports illicites ou dans des univers de diffusion signalés par l’annonceur comme étant préjudiciables à l’image de sa marque et à sa réputation |
Source : décret n° 2017-159 du 9 février 2017 relatif aux prestations de publicité digitale.
Pour les autres prestations de publicité digitale, le décret impose au vendeur qu’il communique à l’annonceur
– la date et les emplacements de diffusion des annonces ;
– le prix global de la campagne ainsi que le prix unitaire des espaces publicitaires facturés.
Les dispositions du décret entreront en vigueur le 1er janvier 2018.
● L’encadrement et la régulation de l’activité des opérateurs de plateforme
L’article 134 de la loi du 6 août 2015 a introduit un article L. 111-5-1 dans le code de la consommation, afin de soumettre les exploitants de moteurs de recherche, définis comme « toute personne dont l’activité consiste à mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service », à l’obligation de délivrer une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales du service d’intermédiation et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des offres mises en ligne.
Il était prévu, selon ce même article, que lorsque la plateforme met en relation des non-professionnels, elle doit également délivrer une information loyale, claire et transparente sur « la qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale ».
Le contenu de ces obligations était renvoyé à un décret.
Avant que ce décret intervienne, l’article 49 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique a opéré une refonte de l’article L. 111-5-1, devenu L. 111-7. Il consacre l’expression d’ « opérateur de plateforme », applicable, d’une part, aux moteurs de recherche et aux comparateurs et, d’autre part, aux places de marché et aux sites de l’économie collaborative.
Tout opérateur de plateforme est tenu de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur :
– les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation qu’il propose et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, des biens ou des services auxquels ce service permet d’accéder ;
– l’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération à son profit, dès lors qu’ils influencent le classement ou le référencement des contenus, des biens ou des services proposés ou mis en ligne ;
– la qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale, lorsque des consommateurs sont mis en relation avec des professionnels ou des non-professionnels.
Le pouvoir réglementaire devra préciser, par décret :
– les conditions d’application de l’article L. 111-7 en tenant compte de la nature de l’activité des opérateurs de plateforme en ligne ;
– pour les comparateurs, les informations communiquées aux consommateurs portant sur les éléments de la comparaison et ce qui relève de la publicité ;
– les modalités selon lesquelles, lorsque des professionnels, vendeurs ou prestataires de services sont mis en relation avec des consommateurs, l’opérateur de plateforme en ligne met à leur disposition un espace leur permettant de communiquer aux consommateurs les informations prévues aux articles L. 221-5 et L. 221-6 du code de la consommation.
Selon l’échéancier prévisionnel du site Légifrance, ce décret devrait être publié en février 2017.
Instaurant une dérogation au monopole bancaire, l’article 167 de la loi du 6 août 2015 modifie l’article L. 511-6 du code monétaire et financier, afin d’ouvrir la possibilité aux sociétés par actions et aux sociétés à responsabilité limitée dont les comptes font l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes de consentir, pour une durée de moins de deux ans, des prêts à des microentreprises, des petites et moyennes entreprises ou à des entreprises de taille intermédiaire avec lesquelles elles entretiennent des liens économiques le justifiant.
Le décret n° 2016-501 du 22 avril 2016 relatif aux prêts entre entreprises précise les critères non cumulatifs emportant la qualification de « liens économiques le justifiant » :
– les deux entreprises sont membres d’un même groupement d’intérêt économique ou d’un même groupement attributaire d’un marché public ;
– l’une des deux entreprises a bénéficié au cours des deux derniers exercices ou bénéficie d’une subvention publique dans le cadre d’un même projet associant les deux entreprises et, le cas échéant, d’autres entités. Ce projet doit avoir été labellisé par un pôle de compétitivité ou doit avoir reçu une subvention de la Commission européenne, d’une région, de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ou de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ;
– l’entreprise emprunteuse ou un membre de son groupe est un sous-traitant direct ou indirect de l’entreprise prêteuse ou d’un membre de son groupe agissant en qualité d’entrepreneur principal ou de sous-traitant ou de maître de l’ouvrage ;
– l’entreprise prêteuse a consenti à l’entreprise emprunteuse ou à un membre de son groupe une concession de licence d’exploitation de brevet, une concession de licence d’exploitation de marque, une franchise ou un contrat de location-gérance ;
– l’entreprise prêteuse est cliente de l’entreprise emprunteuse ou d’un membre de son groupe. Dans ce cas, le montant total des biens et services acquis au cours du dernier exercice clos précédant la date du prêt ou au cours de l’exercice courant dans le cadre d’une relation contractuelle établie à la date du prêt est d’au moins 500 000 euros ou représente au minimum 5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise emprunteuse ou du membre de son groupe concerné au cours du même exercice ;
– l’entreprise prêteuse est liée indirectement à l’entreprise emprunteuse ou un membre de son groupe par l’intermédiaire d’une entreprise tierce, avec laquelle l’entreprise prêteuse ou un membre de son groupe et l’entreprise emprunteuse ou un membre de son groupe, chacun pour ce qui le concerne, ont eu une relation commerciale au cours du dernier exercice clos précédant la date du prêt ou ont une relation commerciale établie à la date du prêt. Dans le cadre de cette relation commerciale, les biens et services acquis par le client auprès du fournisseur au cours du dernier exercice clos précédant la date du prêt ou au cours de l’exercice courant dans le cadre d’une relation établie à la date du prêt est d’au moins 500 000 euros ou représente au minimum 5 % du chiffre d’affaires du fournisseur.
L’article 168 de la loi du 6 août 2015 a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure législative pour
– modifier le chapitre III du titre II du livre II du code monétaire et financier, afin notamment de renforcer la protection des souscripteurs et de préciser les obligations des émetteurs de bons de caisse, et à prendre toute mesure de coordination rendue nécessaire ;
– adapter les dispositions relatives au financement participatif et celles des chapitres Ier et III du titre Ier du livre II, de l’article L. 312-2 et de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code monétaire et financier, notamment pour permettre l’intermédiation des bons de caisse définis au chapitre III du titre II du livre II du même code ou faciliter l’intermédiation des titres de créances dans le cadre du financement participatif.
Sur ce fondement, l’ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse a apporté les modifications nécessaires pour moderniser le régime juridique des bons de caisse.
Comme le prévoit l’ordonnance, le décret n° 2016-1453 du 28 octobre 2016 relatif aux titres et aux prêts proposés dans le cadre du financement participatif a défini :
– les mentions figurant sur le certificat d’inscription pour chaque catégorie d’émetteurs de bons de caisse ;
– le plafond d’offre de minibons par émetteur ;
– les mentions relatives au prestataire de services d’investissement ou au conseiller en investissements participatifs qui figurent sur le certificat d’inscription.
3. Les aménagements des dispositifs de suivi du financement des entreprises mis en place par la Banque de France et l’Autorité des marchés financiers
L’article 169 de la loi du 6 août 2015 prévoyait la possibilité pour le Gouvernement d’aménager, par ordonnance, les dispositifs de suivi du financement des entreprises mis en place par la Banque de France et l’Autorité des marchés financiers (AMF).
Il est apparu que l’Autorité des marchés financiers disposait des moyens légaux suffisants pour suivre les instruments de financement et opérations qui la concernent et que le cadre permettant la coordination et les échanges d’informations entre la Banque de France et l’Autorité des marchés financiers était satisfaisant.
Pour ce qui est de la Banque de France, il convenait
– de renforcer la base légale des collectes de données qu’elle mène, en lien avec le financement des entreprises ;
– de permettre un suivi renforcé des nouveaux modes de financement des entreprises.
À cette fin, l’ordonnance n° 2016-1022 du 27 juillet 2016 relative à l’aménagement des dispositifs de suivi du financement des entreprises mis en place par la Banque de France explicite la pratique actuelle et étend le champ des missions de la Banque de France au suivi du financement des entreprises, par une modification de l’article L. 141-6 du code monétaire et financier.
4. Les conditions du recours à la publicité et à la sollicitation personnalisée des conseils en propriété industrielle
L’article 173 de la loi du 6 août 2015 a accru les possibilités offertes aux conseils en propriété industrielle de faire connaître leurs activités, en leur permettant de recourir de façon plus large à la publicité et à la sollicitation personnalisée.
À cet effet, il a modifié l’article L. 423-1 du code de la propriété intellectuelle, prévoyant que des décrets en Conseil d’État doivent fixer les conditions dans lesquelles les conseils en propriété industrielle sont autorisées à recourir à la publicité ainsi qu’à la sollicitation personnalisée.
Le décret n° 2016-504 du 22 avril 2016 relatif à la profession de conseil en propriété industrielle précise que tant la publicité que la sollicitation personnalisée sont permises à ces professionnels, dès lors qu’elles procurent une information sincère sur la nature des prestations de service proposées et si leur mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession. Elles doivent exclure tout élément comparatif ou dénigrant, ainsi que toute mention susceptible de porter atteinte au secret professionnel.
III. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION
A. LE DÉLAI DE RÉTRACTATION OU DE RÉFLEXION DONT BÉNÉFICIE L’ACQUÉREUR IMMOBILIER NON PROFESSIONNEL
L’article 210 de la loi du 6 août 2015 a modifié l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation pour porter de sept à dix jours la durée du délai de rétractation ou de réflexion dont bénéficie l’acquéreur immobilier non professionnel.
Le décret n° 2016-579 du 11 mai 2016 modifiant les articles D. 271-6 et D. 271-7 du code de la construction et de l’habitation a modifié les articles D. 271-6 et D. 271-7 du même code, relatifs aux mentions obligatoires inscrites de la main du bénéficiaire du droit de rétractation ou de réflexion en cas de remise directe de l’acte ou du projet d’acte, afin d’y inscrire la nouvelle durée du délai de rétractation ou de réflexion.
B. LES DISPOSITIFS PUBLICITAIRES DE GRANDE TAILLE IMPLANTÉS DANS L’EMPRISE D’ÉQUIPEMENTS SPORTIFS
L’article 223 de la loi du 6 août 2015 a assoupli les conditions de publicité dans les grands stades, afin d’accompagner l’effort financier attendu des collectivités territoriales pour satisfaire, notamment, aux exigences des cahiers des charges de l’euro 2016.
Il a introduit à cet effet un article L. 581-10 dans le code de l’environnement, selon lequel les dispositifs publicitaires, lumineux ou non, implantés sur l’emprise des équipements sportifs ayant une capacité d’accueil d’au moins quinze mille places assises peuvent déroger aux dispositions prévues par le premier alinéa de l’article L. 581-9 en matière d’emplacement, de surface et de hauteur, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
L’article L. 581-9 pose un principe général d’autorisation de la publicité dans les agglomérations, mais les installations publicitaires doivent satisfaire à un ensemble de prescriptions, en matière d’emplacements, de densité, de surface, de hauteur, d’entretien et, pour la publicité lumineuse, d’économies d’énergie et de prévention des nuisances lumineuses, fixées par décret en Conseil d’État.
Le décret n° 2016-688 du 27 mai 2016 relatif à la publicité sur l’emprise des équipements sportifs a donc fixé le régime applicable aux publicités dans l’emprise des équipements sportifs d’une capacité d’au moins 15 000 places assises. Il décrit la procédure de déclaration ou d’autorisation applicable à ces publicités, la nature des dispositifs qui peuvent être utilisés et les conditions dans lesquelles il peut être dérogé aux règles maximales de hauteur que les publicités doivent respecter.
C. DEUX ORDONNANCES NON PUBLIÉES : LA CARTE D’IDENTITÉ VIRTUELLE DES ENTREPRISES ET LE DÉVELOPPEMENT DE LA FACTURATION ÉLECTRONIQUE
● La carte d’identité virtuelle des entreprises
L’article 220 de la loi du 6 août 2015 a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour permettre la mise à disposition des entreprises d’un dispositif permettant, dans leurs relations dématérialisées avec l’administration et les tiers, de justifier de leur identité et de l’intégrité des documents transmis.
Bien que l’habilitation ait expiré le 7 mai 2016, aucune ordonnance visant à la mise en place d’une carte d’identité virtuelle des entreprises n’a été publiée.
● Le développement de la facturation électronique
L’article 222 de la loi du 6 août 2015 a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure législative afin de permettre le développement de la facturation électronique dans les relations entre les entreprises, par l’institution d’une obligation, applicable aux contrats en cours, d’acceptation des factures émises sous forme dématérialisée, entrant en vigueur de façon progressive pour tenir compte de la taille des entreprises concernées.
L’habilitation a également expiré le 7 mai 2016 et aucune ordonnance n’a été publiée.
IV. LES DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DU TRAVAIL
1. Le référentiel indicatif aux fins de détermination de l’indemnité fixée par le juge prud’homal
L’article 258 de la loi du 6 août 2015 opère plusieurs modifications importantes dans le fonctionnement de la justice prud’homale et, en particulier, dans l’office du juge (174). Entre autres innovations, l’article L. 1235-1 du code du travail, tel que modifié par l’article 258 de la loi, dispose que « le juge peut prendre en compte un référentiel indicatif établi, après avis du Conseil supérieur de la prud’homie, selon les modalités prévues par décret en Conseil d’État. Ce référentiel fixe le montant de l’indemnité susceptible d’être allouée, en fonction notamment de l’ancienneté, de l’âge et de la situation du demandeur par rapport à l’emploi, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles. » Il ajoute que « si les parties en font conjointement la demande, l’indemnité est fixée par la seule application de ce référentiel. »
Ainsi, le décret n° 2016-1581 du 23 novembre 2016 portant fixation du référentiel indicatif d’indemnisation prévu à l’article L. 1235-1 du code du travail a-t-il ajouté une section 4 au chapitre V du titre III du livre II de la partie réglementaire du code du travail. Son article R. 1235-22 fixe ce référentiel, qui détermine, à titre indicatif, l’indemnité, en fonction de l’ancienneté, exprimée en années complètes. Il est précisé que ce référentiel indicatif est défini sous réserve des dispositions du code du travail fixant un montant forfaitaire minimal d’indemnisation.
Les montants indiqués sont majorés d’un mois si le demandeur était âgé d’au moins cinquante ans à la date de la rupture ou en cas de difficultés particulières de retour à l’emploi du demandeur, tenant à sa situation personnelle, à son niveau de qualification au regard de la situation du marché du travail au niveau local ou dans le secteur d’activité considéré.
RÉFÉRENTIEL INDICATIF D’INDEMNISATION PRÉVU
À L’ARTICLE L. 1235-1 DU CODE DU TRAVAIL
ANCIENNETÉ (en années complètes) |
INDEMNITÉ (en mois de salaire) |
ANCIENNETÉ (en années complètes) |
INDEMNITÉ (en mois de salaire) |
0 |
1 |
22 |
14,5 |
1 |
2 |
23 |
15 |
2 |
3 |
24 |
15,5 |
3 |
4 |
25 |
16 |
4 |
5 |
26 |
16,5 |
5 |
6 |
27 |
17 |
6 |
6,5 |
28 |
17,5 |
7 |
7 |
29 |
18 |
8 |
7,5 |
30 |
18,25 |
9 |
8 |
31 |
18,5 |
10 |
8,5 |
32 |
18,75 |
11 |
9 |
33 |
19 |
12 |
9,5 |
34 |
19,25 |
13 |
10 |
35 |
19,5 |
14 |
10,5 |
36 |
19,75 |
15 |
11 |
37 |
20 |
16 |
11,5 |
38 |
20,25 |
17 |
12 |
39 |
20,5 |
18 |
12,5 |
40 |
20,75 |
19 |
13 |
41 |
21 |
20 |
13,5 |
42 |
21,25 |
21 |
14 |
43 et au-delà |
21,5 |
Source : décret n° 2016-1581 du 23 novembre 2016 portant fixation du référentiel indicatif d’indemnisation prévu à l’article L. 1235-1 du code du travail.
Devant la mission d’information, M. Denys Robiliard a fait deux remarques sur ce référentiel.
En premier lieu, sur la construction elle-même de ce référentiel, il a noté qu’il tient compte exclusivement de l’ancienneté. Si l’indemnité indicative est bien une fonction croissante de cette dernière, l’augmentation de l’indemnité n’est pas une fonction linéaire de l’ancienneté, ce qui est tout à fait surprenant. Par exemple, selon le barème indicatif, trois ans d’anciennetés pourraient conduire le juge à accorder quatre mois de salaire d’indemnités. Cinq ans d’anciennetés l’inciteraient à accorder six mois de salaire. Mais quinze années d’ancienneté ne correspondent qu’à onze mois de salaire. Le montant indicatif maximal est de 21,5 mois de salaire, ce qui est inférieur à ce qui est accordé, dans certains cas, à un salarié licencié qui a une ancienneté importante.
INDEMNITÉS INDICATIVES EXPRIMÉES EN MOIS DE SALAIRE EN FONCTION DES ANNÉES D’ANCIENNETÉ
Source : mission d’information.
En second lieu, il faut noter que le barème est identique selon qu’on est en conciliation ou en jugement. Or, en conciliation, l’employeur ne prend pas le risque d’être condamné à des indemnités plus importantes que le montant résultant de la conciliation. Le salarié ne prend pas le risque d’être débouté. En conciliation, il y a donc un échange de risques. Devant le bureau de jugement, la situation est différente, puisque se jouent à la fois la condamnation (absence de cause réelle et sérieuse) et, le cas échéant, l’indemnité. Les barèmes auraient donc dû être distincts. S’il fallait rehausser le barème devant le bureau de conciliation, le précédent étant trop faible, celui-ci ne pouvait pas être le même que celui devant le bureau de jugement.
2. Les obligations s’imposant aux conseillers prud’hommes
L’article 258 de la loi du 6 août 2015 impose aux conseillers prud’hommes des obligations de formation initiale. Il rénove également les dispositions relatives à la discipline et à la déontologie des conseillers prud’hommes.
S’agissant de la formation initiale, l’article L. 1442-1 du code du travail, dans sa version issue de l’article 258, instaure une formation initiale à l’exercice des fonctions juridictionnelles des conseillers prud’hommes. Il ajoute que tout conseiller prud’homme qui n’a pas satisfait à cette obligation, dans un délai fixé par décret, est réputé démissionnaire. La publication de ce décret est envisagée en 2018, en lien avec le premier renouvellement des conseillers prud’hommes qui suit la promulgation de la loi.
L’article 258 modifie les dispositions du code du travail relatives à la déontologie et à la discipline des conseillers prud’hommes :
– en disposant que tout manquement, par le conseiller prud’homme, dans l’exercice de ses fonctions, constitue une faute disciplinaire (article 258, I, 14°) ;
– en fixant les règles concernant l’exercice du pouvoir disciplinaire par la Commission nationale de discipline (article 258, I, 15° à 18°).
Sans que la loi ait expressément prévu l’intervention du pouvoir réglementaire, le décret du 28 décembre 2016 relatif à la déontologie et à la discipline des conseillers prud’hommes (175) définit la nouvelle procédure disciplinaire applicable aux conseillers prud’hommes et, notamment, les règles de constitution et de fonctionnement de la Commission nationale de discipline des conseillers prud’hommes.
3. Les dispositions relatives au défenseur syndical
● Les modalités d’établissement des listes des défenseurs syndicaux
L’article 258 de la loi du 6 août 2015 crée le statut de défenseur syndical, qui « exerce des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale. / Il est inscrit sur une liste arrêtée par l’autorité administrative, sur proposition des organisations d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, national et multiprofessionnel ou dans au moins une branche, dans des conditions définies par décret (176) ».
Ces conditions ont été définies par le décret n° 2016-975 du 18 juillet 2016 relatif aux modalités d’établissement de listes, à l’exercice et à la formation des défenseurs syndicaux intervenant en matière prud’homale.
Il y a lieu de noter que le décret du 20 mai 2016 relatif à la procédure prud’homale (voir ci-après) a fait l’objet d’un recours introduit par l’Union syndicale Solidaires, le syndicat des salariés des Hôtels de Prestige et Économiques CGT, l’Union des syndicats anti-précarité de la Confédération nationale des Travailleurs. Ces derniers estiment que son article 10, modifiant l’article R. 1453-2 du code du travail, porte atteinte à la liberté syndicale, en tant qu’il réserve le statut de défenseur syndical aux seules personnes désignées par l’autorité administrative sur proposition des organisations d’employeurs et de salariés, représentatives au niveau national et interprofessionnel, national et multiprofessionnel ou dans au moins une branche (177).
● Les modalités d’indemnisation du défenseur syndical
L’article L. 1453-6 du code du travail assimile le temps passé par le défenseur syndical hors de l’entreprise pendant les heures de travail pour l’exercice de sa mission, à une durée de travail effectif, pour la détermination de la durée des congés payés et du droit aux prestations sociales, ainsi qu’au regard de tous les droits que le salarié tient du fait de son ancienneté dans l’entreprise.
La loi dispose que ces absences du défenseur syndical sont rémunérées par l’employeur et n’entraînent pas de diminution des rémunérations et avantages correspondants. L’État rembourse à l’employeur les salaires maintenus pendant celles-ci, ainsi que les avantages et charges sociales correspondant.
Les modalités d’indemnisation du défenseur syndical qui exerce son activité professionnelle en dehors de tout établissement ou qui dépend de plusieurs employeurs doivent être définies par décret.
À ce jour, ce décret n’est toujours pas paru, alors que l’échéancier indicatif publié sur le site de Légifrance avait prévu une publication au mois de mars 2016.
● L’obligation de discrétion du défenseur syndical
Le Conseil constitutionnel va être amené à juger la conformité à la Constitution des dispositions de la loi du 6 août 2015 concernant l’obligation de discrétion du défenseur syndical.
L’article L. 1453-8 du code du travail, tel que modifié par l’article 258 de la loi du 6 août 2015 (178), impose, en effet, au défenseur syndical le secret professionnel « pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication ». Il la distingue de l’« obligation de discrétion » à laquelle il est soumis s’agissant « des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par la personne qu’il assiste ou représente ou par la partie adverse dans le cadre d’une négociation ».
À l’occasion d’un recours formé par le Conseil national des barreaux (CNB) contre le décret du 20 mai 2016 relatif à la procédure prud’homale et au traitement du contentieux du travail (179), le Conseil d’État a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité concernant la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de ces dispositions (180). Le juge administratif a, en effet, considéré que le moyen de ce que le législateur aurait méconnu le principe d’égalité des justiciables devant la loi, dès lors qu’il s’est borné à prévoir une obligation de discrétion du défenseur syndical s’agissant des informations ayant un caractère confidentiel et données comme telles par la personne qu’il assiste, alors que les avocats sont tenus au secret professionnel pour l’ensemble des échanges et correspondances avec leurs clients, en vertu de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (181), soulève une question présentant un caractère sérieux.
Cette situation est pour le moins paradoxale puisque l’intégration dans la loi de la notion d’obligation de discrétion provenait justement de ce que les représentants des avocats contestaient à l’époque que le défenseur syndical puisse être tenu au secret professionnel.
4. Les modalités relatives à la justice prud’homale
L’article 258 de la loi du 6 août 2015 réforme en profondeur la procédure prud’homale, comme l’a mis en exergue M. Denys Robiliard, dans le premier rapport de la mission d’information (182). M. Denys Robiliard et le président-rapporteur se sont particulièrement intéressés à l’application de la réforme de la procédure prud’homale, eu égard à son caractère largement réglementaire. Les dispositions relatives à la procédure prud’homale ont été précisées par le décret du 20 mai 2016 relatif à la procédure prud’homale et au traitement du contentieux du travail (183).
Au vu des différentes versions des projets de décret de la réforme prud’homale que le Gouvernement a transmis à la mission, M. Denys Robiliard avait émis deux recommandations propres à favoriser une procédure prud’homale efficace et à réduire les délais de jugement.
En premier lieu, il lui semblait essentiel de sanctionner de nullité toute saisine du conseil des prud’hommes ne respectant pas les exigences formelles. Le respect de la forme est en effet primordial car, d’une part, il permet aux conseillers prud’hommes et aux parties de mieux se préparer et, d’autre part, il permet au bureau de conciliation et d’orientation de déterminer plus facilement s’il faut saisir le bureau de jugement en formation restreinte sous présidence initiale du juge départiteur.
Le président-rapporteur a écrit à plusieurs reprises à Mme Christiane Taubira, alors garde des Sceaux, à ce sujet. En définitive, le décret du 20 mai 2016 relatif à la procédure prud’homale et au traitement du contentieux du travail, en son article 8, retient la sanction de la nullité, mais en l’appliquant au non-respect des formes prescrites à l’article 58 du code de procédure civile. Aux termes de cet article : « sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. »
Or, comme l’a expliqué M. Denys Robiliard lors de l’audition de M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, le 31 mai 2016 (184), « la question est de savoir, cette fois-ci, sur l’application combinée du nouveau texte réglementaire en matière prud’homale et de l’article 58 du code de procédure civile, s’il faudra, dans la saisine du conseil des prud’hommes, justifier des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. Cela risquerait de poser un problème puisqu’on saisit précisément le conseil des prud’hommes en sachant que l’on va devant le bureau de conciliation et qu’il y aura donc un formulaire préalable pour tenter de résoudre le litige à l’amiable. Peut-on donc considérer qu’on échappe à cette obligation dès lors que l’on est dans une matière qui l’exclut, ce que permet l’article 58 du code de procédure civile puisqu’il exclut, sans les définir, certaines matières, de l’obligation de justifier des diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable ? »
M. Denys Robiliard a posé une question écrite au ministre de la justice sur ce même sujet, afin de clarifier la position du Gouvernement (185). Aucune réponse ne lui est parvenue, à ce stade. Cette situation est très surprenante. Il ne devrait pas, en effet, être difficile pour l’auteur du décret de répondre à une question portant justement sur l’interprétation de celui-ci.
En second lieu, M. Denys Robiliard avait insisté sur la nécessité de prévoir une clôture de l’instruction des dossiers, pour la mise en état, c’est-à-dire, une date, antérieure à la date de l’audience ou – dans de rares cas – coïncidant avec celle-ci, après laquelle il n’est plus possible d’adresser de nouvelles pièces ou de nouvelles conclusions ou écritures. Il est apparu qu’une modification législative était nécessaire pour ouvrir une telle possibilité.
Introduit par un amendement de M. Denys Robiliard et du président-rapporteur au projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, le dernier alinéa de l’article L. 1454-1-2 dispose désormais que « le bureau de conciliation et d’orientation, les conseillers rapporteurs désignés par le bureau de conciliation et d’orientation ou le bureau de jugement peuvent fixer la clôture de l’instruction par ordonnance, dont copie est remise aux parties ou à leur conseil. Cette ordonnance constitue une mesure d’administration judiciaire. »
Pour que cette disposition puisse produire des effets, des précisions réglementaires sont requises. Le pouvoir réglementaire doit définir les modalités d’un rabat de clôture pour cause grave (un événement postérieur à la clôture tel qu’un licenciement, par exemple).
Le décret du 20 mai 2016 a également instauré une représentation obligatoire devant la chambre sociale de la Cour d’appel. Il convient de souligner l’effort de pédagogie du Conseil national des barreaux (CNB), qui a publié une fiche d’information technique, en vue de l’entrée en vigueur de cette disposition. Le ministère de la justice a également précisé certaines implications de la réforme prud’homale par des circulaires. En particulier, la circulaire du garde des Sceaux du 5 juillet 2016 confirme que les appels interjetés en matière prud’homale sont exclus du champ du droit de timbre de 225 euros de l’article 1635 bis P du code général des impôts (CGI), que l’une ou l’ensemble des parties soient représentées par un avocat ou par un défenseur syndical.
L’article 259 de la loi du 6 août 2015 a précisé les modalités d’entrée en vigueur de la réforme à Mayotte, en disposant que la date d’installation effective du conseil des prud’hommes à Mayotte sera fixée par décret, sans pouvoir être postérieure au 31 décembre 2017. Le décret n° 2016-1398 du 18 octobre 2016 modifiant le décret n° 2011-338 du 29 mars 2011 portant modification de l’organisation judiciaire dans le Département de Mayotte a tiré les conséquences réglementaires de cette nouvelle disposition.
5. La réforme de l’inspection du travail
L’article 261 de la loi du 6 août 2015 a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance, les mesures législatives modifiant le code de la procédure pénale, le code rural et de la pêche maritime, le code des transports et le code du travail, afin de :
– renforcer le rôle de surveillance et les prérogatives du système d’inspection du travail, étendre et coordonner les différents modes de sanction et, en matière de santé et de sécurité au travail, réviser l’échelle des peines ;
– abroger les dispositions devenues sans objet et assurer la cohérence rédactionnelle dans le code du travail, entre le code du travail et les autres codes.
En vertu de ces habilitations, l’ordonnance n° 2016-413 du 7 avril 2016 relative au contrôle de l’application du droit du travail (186) a été publiée. Elle reprend une partie des dispositions de la proposition de loi relative aux pouvoirs de l’inspection du travail déposée le 27 mars 2014 par MM. Bruno Le Roux et Denys Robiliard (proposition n° 1848, déposée le 27 mars 2014).
Dans les mêmes conditions, le Gouvernement a été habilité à prendre par ordonnance les mesures législatives relatives à l’accès au corps de l’inspection du travail par voie d’un concours réservé aux agents relevant du corps des contrôleurs du travail et remplissant des conditions d’ancienneté.
À la connaissance de la mission d’information, aucune ordonnance n’a été publiée en vertu de cette dernière habilitation.
B. LA LUTTE CONTRE LA PRESTATION DE SERVICES INTERNATIONALE ILLÉGALE
1. L’adaptation de dispositions relatives à la lutte contre la concurrence sociale déloyale au secteur des transports
L’article 281 de la loi du 6 août 2015 a adapté les dispositions du code des transports à la lutte contre la concurrence sociale déloyale en opérant une refonte du titre III du livre III de sa première partie. Pour l’application de cet article, un décret en Conseil d’État doit :
– fixer les conditions dans lesquelles une attestation établie par les entreprises de transport routier et fluvial mentionnées à l’article L. 1321-1 qui détachent des salariés roulants ou navigants se substitue à la déclaration de détachement de travailleurs de droit commun ;
– fixer la période pendant laquelle est assurée la liaison entre les agents en charge de la lutte contre le travail illégal et le référent en France des entreprises de transport routier et fluvial qui détachent des salariés sur le territoire national ;
– définir les modalités particulières d’application aux entreprises de transport routier et fluvial des dispositions du titre VI, relatif aux salariés détachés temporairement par une entreprise non établie en France, du livre II de la première partie du code du travail.
Le décret n° 2016-418 du 7 avril 2016 adaptant le titre VI du livre II de la première partie du code du travail aux entreprises de transport détachant des salariés roulants ou navigants sur le territoire national et modifiant le code des transports a donc apporté les précisions nécessaires.
2. La généralisation obligatoire de la carte d’identité professionnelle du bâtiment
L’article 282 de la loi du 6 août 2015 modifie le code du travail, afin de rendre obligatoire la carte professionnelle du bâtiment et de l’étendre aux salariés détachés.
L’application de ces dispositions nécessitait plusieurs précisions réglementaires. Le décret n° 2016-175 du 22 février 2016 relatif à la carte d’identification professionnelle des salariés du bâtiment et des travaux publics (BTP) a donc déterminé les modalités d’application du dispositif de la carte d’identification professionnelle des salariés des entreprises établies en France ou à l’étranger à partir d’une déclaration effectuée auprès de l’Union des caisses de France – congés intempéries BTP. Il a précisé les conditions de délivrance de la carte, les caractéristiques et les mentions apposées sur ce document ainsi que les modalités de sanction en cas de non-respect des obligations de déclaration.
Un arrêté pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) précisera les modalités de fonctionnement de la base centrale des informations recueillies en vue de leur traitement informatisé par l’Union des caisses de France - congés intempéries BTP.
3. La transmission par voie dématérialisée de la déclaration préalable de détachement
L’article 283 de la loi du 6 août 2015 insère un article L. 1262-2-1 au code de travail, lequel renvoie à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL, le soin de déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur établi à l’étranger transmet, par voie dématérialisée, la déclaration préalable de détachement ou l’attestation de détachement.
Le décret n° 2016-1044 du 29 juillet 2016 relatif à la transmission dématérialisée des déclarations et attestations de détachement de salariés et autorisant un traitement des données à caractère personnel qui y figurent précise ces modalités de transmission. Il autorise à cette fin la création d’un traitement des données à caractère personnel destiné à permettre l’accomplissement par les employeurs de leurs formalités déclaratives, à faciliter le contrôle du respect par les employeurs des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles qui leur sont applicables, ainsi qu’à assurer un suivi statistique de la situation du travail salarié détaché en France.
C. LE CONTRAT ADULTE RELAIS À MAYOTTE
L’article 298 de la loi du 6 août 2015 insère dans le code du travail applicable à Mayotte, les dispositions du code de travail concernant les contrats relatifs aux activités d’adultes-relais, en les adaptant aux nécessités locales, afin d’autoriser la signature des conventions de recrutement et d’assurer leur financement.
Le décret n° 2016-591 du 11 mai 2016 relatif au contrat d’adulte-relais applicable à Mayotte définit les conditions d’application de ce contrat, en précisant les missions concernées, les modalités de conventionnement et les conditions de versement de l’aide financière de l’État.
Les auditions sont présentées dans l’ordre chronologique des séances tenues par la mission d’information commune
– M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la justice |
|
– M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence |
|
– MM. Pierre Berlioz, conseiller au cabinet du garde des Sceaux, et François Connault, sous-directeur des professions judiciaires et juridiques au ministère de la justice |
Audition de M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la justice
M. Richard Ferrand, président-rapporteur. Monsieur le ministre, mes chers collègues, la publication le 22 mars dernier du rapport d’étape n’a pas mis fin aux travaux de notre mission d’information, bien au contraire.
Je note que, en un peu plus de deux mois, la mise en œuvre de la « loi Croissance » a continué à progresser de manière satisfaisante. À la date de publication de notre rapport d’étape, je rappelle que 56 % des dispositions nécessitant des mesures d’application étaient applicables. Aujourd’hui, ce taux d’application est passé à 76 %. Désormais plus de 87 % des articles de la loi sont applicables.
Le travail gouvernemental n’est donc pas terminé et c’est pourquoi nous sommes heureux d’accueillir ce soir M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux et ministre de la justice. Pour être totalement transparent, nous aurions souhaité que cette audition ait lieu plus tôt mais l’examen en première lecture à l’Assemblée du projet de loi sur la « Justice du XXIème siècle », tant en commission qu’en séance publique, ne l’a pas permis.
Dès lors, cette audition intervient alors que trois décrets importants et attendus ont été publiés la semaine dernière. Ces trois décrets appellent de notre part un certain nombre de remarques.
D’abord, une grande satisfaction. C’est suffisamment rare pour que l’on puisse le souligner. Le décret du 20 mai 2016 relatif à la réforme de la procédure prud’homale a apporté une réponse positive à une remarque que nous avions eu l’occasion de faire auprès du Premier ministre, de votre prédécesseure et de vous-même, dans un courrier que je vous avais spécifiquement adressé le 8 mars dernier. Je veux parler de la nullité qui pourra désormais être prononcé pour les saisines qui ne satisferaient pas aux nouvelles exigences de formalisation de celles-ci.
Si l’on ajoute le fait que le Gouvernement a accepté, dans le cadre de la « loi Travail », un amendement prévoyant la possibilité pour le juge de décider la clôture de l’instruction, ce sont les deux suggestions fortes formulées par notre collègue Denys Robiliard qui ont été retenues. Tous ceux qui sont attachés à la réussite de la réforme prud’homale peuvent s’en féliciter.
Est paru également le 25 mai le décret sur l’installation des officiers publics ministériels. Ce décret n’offre pas de grandes surprises par rapport au projet qui nous avait été transmis. Je note avec satisfaction que l’exigence pour les nouveaux notaires de suivre un stage de formation à la gestion d’un office a été supprimée comme nous l’avions suggéré.
Le mécanisme de l’horodatage, que l’on peut résumer trivialement comme le principe du « premier arrivé – premier servi », est confirmé. Cependant, a été introduit une hypothèse de tirage au sort dont nous n’avons pas tout à fait mesuré les conditions d’application. En effet, ce tirage au sort est mis en œuvre quand le nombre de candidatures dépasse celui des créations proposées au bout de seulement 24 heures, alors que le portail où les candidatures doivent être déposées est ouvert pendant dix-huit mois.
Je note également avec satisfaction que ce décret évoque la nécessité de mettre en place un mécanisme de validation des acquis de l’expérience (VAE) pour les clercs de notaire habilités, mise en place que nous avions demandé car elle nous semble indispensable pour traiter le cas des 1 300 clercs habilités qui ne remplissent ni les conditions pour être nommés notaire ni ne sont titulaires du diplôme de premier clerc ou du diplôme de l’Institut des métiers du notariat.
Cependant, s’agissant des clercs habilités, c’est peu dire que l’amendement, que le Gouvernement a fait adopter dans le cadre du projet de loi « Justice du XXIème siècle », reportant au 31 décembre 2020, au lieu du 1er août 2016, la date de fin de validité de l’habilitation des clercs habilités avant le 1er janvier 2015, suscite de notre part surprise et, pour tout dire, un certain nombre de réticences.
Enfin, a également été publié le 25 mai dernier le décret sur les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, disposition de la loi à laquelle notre collègue Cécile Untermaier est fortement attachée.
Ici, force est de reconnaître qu’aucune de nos remarques n’a été retenue par le Gouvernement. Les candidatures resteront soumises, d’abord, à l’avis motivé du vice-président du Conseil d’État, du premier président de la Cour de Cassation et du procureur général auprès de celle-ci, puis au classement opéré par une commission présidée successivement par un membre du Conseil d’État, de la Cour de cassation ou du Parquet général de celle-ci. Manifestement, notre sentiment est que l’entre-soi qui prévaut au sein de cette profession risque de survivre à la réforme. Le dispositif retenu nous paraît assez éloigné de l’esprit de la loi et de l’intention que nous avions de réformer aussi cette profession ou, à tout le moins, l’accès à celle-ci.
Voici monsieur le ministre, les points que je souhaitais aborder en préambule. Mais avant de vous céder la parole et ensuite à mes collègues, je souhaiterai vous poser quelques questions plus précises.
S’agissant du calendrier de l’entrée en vigueur du dispositif relatif aux professions réglementées, lors de son audition par la mission d’information, le 10 février 2016, le président de l’Autorité de la concurrence et la rapporteure générale ont indiqué avoir pour objectif de proposer la carte définissant les zones dites de « libre installation » au mois de mai. Pourriez-vous nous donner des précisions quant à la date de la proposition de carte de l’Autorité de la concurrence ? Il restera alors au Gouvernement à prendre un arrêté sur le fondement de cette proposition. Combien de temps cela prendra-t-il pour arrêter cette carte une fois qu’elle vous sera proposée ? Dès lors, pourriez-vous nous dire à quelle date il sera possible pour les candidats à l’installation de s’installer effectivement ? Autrement dit, quand pourront-ils « poser leur plaque » ?
Le décret fixant les conditions d’installation des officiers publics et ministériels a été publié le 25 mai. À sa lecture, on comprend que les recommandations dont la carte est assortie fixent des limites du nombre d’offices à créer par zone. Pourriez-vous confirmer cette interprétation ?
Concernant les clercs habilités, le législateur a supprimé la possibilité d’habiliter des clercs pour faciliter l’accès au notariat. Il a toutefois prévu que les clercs habilités avant la promulgation de la loi conservent leur habilitation jusqu’au 1er août 2016, de manière à les intégrer progressivement dans la profession de notaire grâce à des dispositifs de validation des acquis de l’expérience. En cohérence avec cette disposition, le législateur a décidé de remplacer provisoirement la règle du « un notaire associé ou titulaire pour au plus deux notaires salariés » une règle du « un pour quatre », dont les effets expirent au 1er janvier 2020 selon l’article 59 de la loi.
Le Gouvernement a en effet créé des dispositifs de validation des acquis de l’expérience par le décret du 20 mai 2016. Toutefois, parallèlement, le Gouvernement, a déposé un amendement au projet de loi sur la « Justice du XXIème siècle », pour repousser au 31 décembre 2020 la date de fin de fin des effets de l’habilitation des clercs qui avaient été habilités avant le 1er janvier 2015, soit plus de quatre ans après la date prévue par la « loi Croissance » et une année après l’extinction de la règle du « un pour quatre ».
Pourquoi vouloir repousser la date de fin d’habilitation des clercs habilités ? S’agit-il d’une volonté de la part du Gouvernement de tenir compte de la pyramide des âges des clercs habilités ou y a-t-il d’autres explications ? Cette disposition ne risque-t-elle pas d’avoir l’effet pervers de retarder la nomination de clercs habilités répondant déjà aux conditions pour être nommés notaires ? Comment le prévenir ? Au cas où il serait nécessaire de prolonger les effets de l’habilitation des clercs habilités, ne conviendrait-il pas d’aligner la date de la fin des effets de l’habilitation des clercs sur la date de la fin de la règle du « un pour quatre », c’est-à-dire au 1er janvier 2020 et non pas au 31 décembre ?
La question de la gestion du Registre national du commerce et des sociétés (RNCS) par les greffiers des tribunaux de commerce semble susciter quelques difficultés. L’article 60 de la « loi Croissance » a prévu la transmission par les greffiers des tribunaux de commerce des données du RNCS à l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) par voie dématérialisée. Il s’agit, par cette disposition, de faciliter l’accès du public à ces données. Le décret d’application a été publié. La plateforme dématérialisée de redistribution gratuite des données est prête. La loi est applicable, mais, d’après certaines informations qui nous sont parvenues, certains greffiers auraient arrêté de transmettre les archives électroniques du RNCS depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté tarifaire les concernant. Voilà une grève dont on parle moins que les autres ! Cet arrêt posera très rapidement problème pour les entreprises, puisque l’archivage centralisé de l’INPI est désormais incomplet. Disposez-vous, monsieur le ministre, d’informations précises à ce sujet ? Comment envisagez-vous remédier à cette situation, le cas échéant des injonctions, voire des sanctions pourraient-elles être prises ?
Enfin, du fait de dysfonctionnements majeurs dans la gestion du registre du commerce et des sociétés (RCS) par les tribunaux de commerce dans les départements d’outre-mer, l’article 60 de la loi prévoyait que, à titre expérimental, le RCS soit géré par les chambres de commerce et d’industrie dans les départements de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion, à partir du 1er janvier 2016 au plus tard. Or, la mise en place de cette expérimentation nécessite l’intervention d’une convention entre le ministère de la justice et les chambres de commerce et d’industrie compétentes. Cette convention est-elle signée ? Si elle ne l’est pas, quand le sera-t-elle afin que la loi soit appliquée dans les meilleurs délais ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, merci de votre invitation et aussi merci de votre compréhension. Je sais, et vous l’avez rappelé, que vous auriez souhaité que je puisse venir devant vous plus tôt. De fait, à la fois pour me permettre de m’approprier ce dossier de l’application de la « loi Croissance » – je n’étais pas membre de la commission spéciale qui l’a examinée – et parce que j’avais un calendrier parlementaire très soutenu avec la discussion à l’Assemblée du projet de loi sur la « Justice du XXIème siècle ». Je vous sais donc gré d’avoir retardé cette audition.
Avant de répondre à vos questions, je voudrais faire un premier propos introductif, pour établir un état des lieux du ministère de la justice au regard de la diversité des sujets à traiter et des modifications que la loi emporte. Je rappellerai d’abord les objectifs attendus par la loi, concernant le ministère de la justice. Puis je vous préciserai où nous en sommes, depuis que nous avons franchi la ligne de départ, le 6 août 2015. Cela me permettra d’expliquer la manière dont nous avons cheminé pour parcourir tous ces points d’étape. D’une certaine façon, ce sera un peu le « Discours de la méthode » du ministère de la justice !
Je vous donnerais quelques exemples pour vous dire ce que mon équipe a trouvé à son arrivée, la manière dont nous avons été parfois contraints à agir et ce que nous avons essayé de faire pour aboutir aux résultat que vous avez aimablement rappelés, c’est-à-dire le fait que l’application de la loi progresse de manière satisfaisante.
Que s’est-il passé depuis le 6 août 2015 ?
Il y a eu un travail considérable, dans des délais brefs. Pour le ministère, la mise en œuvre de cette loi représente cinq ordonnances, qui ont été publiées ou deux seront soumises demain au Conseil des ministres (celle sur le commissaire de justice et celle sur les petites liquidations), sept décrets qui ont déjà été publiés et douze qui le seront d’ici une quinzaine de jours. Enfin, six arrêtés ont été publiés.
Un texte supplémentaire s’est par ailleurs ajouté à la liste, puisque nous avons introduit dans le projet de loi sur la « Justice du XXIème siècle » un amendement concernant la situation des clercs habilités. Cependant, compte-tenu de la date d’adoption de ce texte, il sera peut-être nécessaire de passer par une proposition de loi spécifique sur laquelle nous avons commencé à travailler.
Vous le devinez, cela a représenté et représente encore une charge de travail considérable pour la direction des affaires civiles et du sceau (DACS), et vous comprendrez que je puisse, devant vous, les saluer. En effet, près d’une dizaine de personnes a travaillé à temps plein depuis la promulgation de la loi. C’est un engagement sans précédent en termes d’intensité. Mais cet engagement n’est pas propre au ministère de la justice.
C’est un travail interministériel soutenu et conduit parallèlement. Depuis le 1er février, ce ne sont donc pas moins de quinze réunions interministérielles qui se sont tenues, sans compter, bien sûr, les réunions quotidiennes et les échanges entre services, qui sont difficilement dénombrables ! Enfin il y a eu près de vingt-cinq réunions avec les professions concernées, au seul niveau du cabinet. Là encore, je ne compte pas les réunions des services avec ces professions.
Vous l’aurez constaté : les échanges avec les professions ont été nombreux. Cela révèle un problème, dont il me semble légitime de vous entretenir. En arrivant au ministère, j’ai constaté la fracture générée par cette loi au sein des professions du droit. Ces professions, presque sans exception, ont vécu cette loi comme une hostilité à leur égard. Et toutes ces professions, que j’ai reçues, en ont conçu une forme de défiance à l’égard du Gouvernement et de l’autorité publique en général.
Je sais que ce n’était ni l’intention du Gouvernement, ni celle du législateur. Mais cette loi a créé un débat au sein même de ces professions et un contexte qui pouvait inquiéter sur la manière dont nous allions réussir ou pas à travailler ensemble. Heureusement, le temps passant, les contacts n’ont pas faibli ; ce qui a permis de développer une méthode. Descartes, un spécialiste, le disait lui-même : « on ne peut se passer d’une méthode » !
Notre méthode, assez simple au demeurant, a été la disponibilité absolue de mon cabinet et des services de la Chancellerie qui a permis la concertation la plus féconde. Cette détermination était essentielle pour entendre les doléances – considérables et souvent entendables –, pour chercher à apaiser les tensions – elles étaient palpables –, en bâtissant des propositions utiles et pour, enfin, reconstruire la confiance entre le ministère, qui est leur maison, et ces professions avec lesquelles il est indispensable de travailler. Il a fallu restaurer, – et j’insiste sur ce mot –, les échanges avec les professionnels. En effet, l’un des paradoxes de cette loi est que, alors qu’elle entendait rapprocher les professions, elle a été perçue comme une tentative de les monter les unes contre les autres.
Un exemple pour illustrer cela : les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires. La loi, qui rapproche leurs professions, les avait pourtant écartées. Mais heureusement, grâce à la bonne volonté des acteurs, un dialogue s’est instauré et une dynamique commune s’est créée. Je veux ici en remercier les présidents Nicolas Moretton, pour la Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires, et Patrick Sannino, pour la Chambre nationale des huissiers de justice. Et je veux dissiper une inquiétude que vous pourriez nourrir à ce stade. Vous pourriez craindre que ce dialogue ait eu lieu dans le dos du législateur. Ce n’était évidemment pas la volonté du Gouvernement. Personne, parmi nos interlocuteurs, n’a remis en cause la légitimité de la loi, ce qui est naturel pour des professionnels du droit. Cette loi a été votée, il ne s’agit pas de revenir dessus, mais d’en faire émerger toutes les opportunités.
L’inquiétude que j’évoque ne s’accompagnait donc pas d’une résistance à cette loi, mais il y avait quelques tentatives de mener des combats pour retarder sa mise en œuvre. Vous le savez comme moi, il y a encore un certain nombre de chantiers à aplanir, comme en témoignent les recours qui ont été formés contre certains décrets et arrêtés. Il y a un recours concernant la transmission des données des RCS et cinq recours concernant les tarifs. Ces recours sont portés par des professionnels mais également par le Conseil supérieur du notariat (CSN) et le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce.
Il y a donc encore aujourd’hui besoin de trouver des chemins de compromis. Je crois que l’on peut y parvenir, car je n’ai pas le sentiment d’être confronté à un mur de la part de nos interlocuteurs. Prenons acte que chacune de ces professions a eu le sentiment de voir son modèle bouleversé, ses fondements remis en cause et la spécificité du monde du droit leur a paru niée.
Il m’a donc semblé que la première chose à faire était de remettre les dispositions de la loi en perspective et de les intégrer dans une vision du droit, admettant la réalité économique, sans en nier la spécificité. Toutes les professions sont conscientes que le droit est une activité économique de services. Mais il ne s’agit pas de services comme les autres. Je sais qu’à l’Assemblée Nationale, vous avez constamment partagé cette conviction.
Dès lors, la mise en œuvre de la loi ne pouvait se concevoir sans intégrer ces spécificités, sans préserver ce qui constitue les garanties, non pas de monopoles ou de rentes, mais les garanties de protection du destinataire des services juridiques.
Tel était, et tel est encore, le défi de la rédaction des textes d’application. Un défi qui consiste à la fois à ouvrir le marché du droit – c’est l’intention claire du législateur –, en le débarrassant des barrières inutiles, sans en altérer les principes et les garanties, qui sont nécessaires à la prestation de services juridiques de qualité.
Pour ne pas demeurer abstrait, je souhaite illustrer ce défi par quelques exemples.
L’ordonnance du 31 mars 2016 a mis en place un nouveau cadre pour la société pluri-professionnelle d’exercice. Il offre la plus grande souplesse possible aux professionnels libéraux du droit et de l’expertise comptable, qui veulent – j’insiste sur ce verbe – créer une entreprise pour y exercer en commun leurs professions. L’entreprise pourra être constituée sous la forme juridique de leur choix, à l’exception de celles qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant. Elle pourra donc notamment prendre la forme d’une société à responsabilité limitée ou d’une société anonyme. Aucune exigence supplémentaire par rapport au droit commun des sociétés n’est imposée, autre que l’octroi de l’autorisation requise pour exercer chaque profession. La société sera libre d’exercer d’autres activités, à titre accessoire dans la limite des lois et règlements en vigueur.
Tout en ménageant une grande souplesse dans la constitution de la société, l’ordonnance encadre néanmoins la participation à son capital et son fonctionnement au quotidien. Elle formule des exigences strictes en matière de composition du capital de la société : aucune personne étrangère aux professions exercées ne pourra y détenir, même indirectement, une participation financière. Elle prévoit en outre l’association et la participation aux instances dirigeantes, d’au moins un membre de chaque profession exercée en commun. Un ensemble de règles assurera en toute circonstance l’intégrité des missions des professionnels. L’ordonnance garantit l’indépendance de l’exercice professionnel des associés, des collaborateurs et des salariés.
Elle garantit le respect des dispositions, encadrant l’exercice de chaque profession, notamment de leurs règles déontologiques particulières et du secret professionnel, auquel elles sont attachées et qui constitue une spécificité qu’il fallait sanctuariser. L’ordonnance est ainsi particulièrement protectrice de l’intérêt du client de la société. Ce dernier déterminera par avance à quels professionnels exerçant au sein de la société, il entend confier ses intérêts. De surcroît, une règle nouvelle dans le champ des professions du droit et de l’expertise comptable imposera à tous les professionnels, qui exercent au sein de la société, de s’informer mutuellement des liens d’intérêts susceptibles d’affecter leur exercice.
S’agissant de la création d’une profession de commissaire de justice, la tâche assignée par le législateur était presque une gageure : rapprocher deux professions au sein d’un cadre unique. Or, il existe une différence de taille entre ces deux professions, entre d’un côté 300 commissaires-priseurs et de l’autre 3 200 huissiers ! Les premiers avaient donc peur d’une OPA hostile des seconds. À l’inverse, les seconds pouvaient craindre une sur-représentation des intérêts des premiers. Mais c’est surtout la crainte d’une perte d’identité de la profession qui était redoutée. Allait-on gommer la spécificité qui faisait pour chacun l’attrait de sa profession ?
La volonté de maintenir le statu quo, ou d’imposer son modèle, pouvait dès lors facilement l’emporter. Mais, cela était inacceptable pour le Gouvernement car contraire à l’intention du législateur. Dans ces conditions, il était nécessaire non de faire table rase de chacune des professions, mais de concevoir l’avenir et donc d’organiser non pas l’arrimage de deux vaisseaux, mais d’imaginer une profession nouvelle, rassemblant le meilleur des deux anciennes.
C’est ainsi que va naître une profession dotée de différentes missions. Par exemple : ramener à exécution les décisions de justice, ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire ; procéder à l’inventaire, à la prisée, aux ventes aux enchères publiques de meubles corporels ou incorporels, prescrites par la loi ou par décision de justice, ainsi que celles autorisées par décision de justice.
Mais parce que l’avenir ne s’envisage pas en négligeant le passé, d’importantes dispositions transitoires doivent permettre d’assurer la formation des futurs commissaires de justice. De la même manière, les actuels huissiers de justice ou commissaires-priseurs judiciaires pourront compléter leur formation. Et ceux qui souhaiteraient terminer une carrière déjà avancée demeurent libres de le faire, ces dispositions ne bouleversant pas les modes d’exercice.
Ces dispositions transitoires créent – je le crois – les conditions d’un dialogue fructueux, qui se construit avec cette nouvelle profession. En effet, des institutions rassemblant les deux professions actuelles, seront créées pour favoriser leur rapprochement et à terme l’unité de la profession de commissaire de justice.
Enfin, il est nécessaire de dire un mot de la réforme de la procédure prud’homale. Là encore, cette réforme cherche à concilier un objectif d’efficacité avec les particularités de cette procédure. En la matière, les évolutions portent aussi bien sur la première instance, que sur l’appel.
En première instance, la recherche d’efficacité se traduit tout d’abord par le renforcement du rôle du bureau de conciliation et d’orientation. En cas d’échec de la conciliation, il devra mettre en état le dossier en sanctionnant les défauts de diligence des parties. L’affaire ne sera donc appelée devant le bureau de jugement qu’une fois prête à être plaidée. La procédure est rationalisée à chaque étape : la requête doit être formalisée, les parties doivent échanger leurs pièces avant leur première comparution devant le conseil de prud’hommes, les écritures d’avocat doivent être structurées, les règles pouvant allonger la durée des procédures, telles que l’unicité de l’instance ou la recevabilité des demandes nouvelles en tout état de cause, même en appel, sont supprimées.
Afin de préserver l’accessibilité de la juridiction, la souplesse de la procédure prud’homale est néanmoins maintenue. Tout d’abord, l’oralité de la procédure demeure en première instance : les parties peuvent continuer à se défendre en personne et elles conservent la faculté, comme aujourd’hui, d’être assistées ou représentées par des salariés ou employeurs appartenant à la même branche d’activité, par leur conjoint, partenaire ou concubin ou encore par un membre de l’entreprise pour l’employeur. À compter du 1er août 2016, les parties pourront également, que ce soit en première instance ou en appel, être défendues par un défenseur syndical qui devra désormais être désigné par une organisation syndicale représentative.
En appel, afin de donner aux cours les moyens de traiter efficacement le contentieux prud’homal, le décret rend la procédure écrite applicable pour les appels interjetés à compter du 1er août 2016. L’objectif est ici d’améliorer les délais de traitement par une mise en état dynamique et systématisée. La représentation est rendue obligatoire, mais la spécificité prud’homale, consacrée par le législateur, permet aux parties d’être représentées par un avocat ou un défenseur syndical. La communication s’effectuera par voie électronique uniquement entre parties représentées par un avocat.
Mesdames et messieurs les députés, voilà la méthode avec laquelle le ministère de la justice a travaillé, en remerciant tous ceux qui nous y ont aidé pour permettre cette écoute, cette concertation et cette conciliation pour aboutir, au final, à un travail je le crois de qualité, une efficacité qui se verra dans l’application et une réactivité par rapport à l’intention du législateur que nous sommes convaincus avoir exaucer.
M. Patrick Hetzel. Monsieur le ministre, je voudrais d’abord revenir sur un point qui a été abordé par le Conseil national du droit. Au sein de cette instance, dont vous partagez la tutelle avec le ministre de l’enseignement supérieur, un groupe de travail s’est interrogé sur la question de la déontologie et de l’interprofessionnalité. Leur rapport préconise que le ministère de la justice, prenne une part déterminante dans l’élaboration des textes d’application. C’est l’évidence et on ne peut que s’en réjouir ! Ce groupe de travail a souligné que la question de la déontologie, dans le contexte du développement de l’interprofessionnalité, devait être traitée en trois temps.
D’abord, il faut approfondir la question de la déontologie pour chacune des professions concernées.
Ensuite, ce groupe de travail a pointé la nécessité de sensibiliser davantage chaque profession concernée par l’interprofessionnalité sur les règles de déontologie susceptibles d’être appliquées par les autres professions concernées.
Enfin, les membres de ce groupe de travail ont souligné qu’il était évidemment nécessaire d’établir un certain nombre de règles déontologiques propres à l’exercice des professions au sein des structures interprofessionnelles elles-mêmes, comme les sociétés pluriprofessionnelles d’exercice que vous avez évoquées.
J’aimerais avoir des précisions sur la manière dont la Chancellerie souhaite procéder pour que ces nouveaux enjeux soient pleinement pris en compte.
Ma seconde question porte sur un sujet qui intéresse plus particulièrement ma circonscription. Comme vous le savez, un droit local s’applique aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Pourriez-vous nous rassurer quant à la poursuite de l’application du droit local concernant la postulation ?
M. Philippe Houillon : Monsieur le garde des Sceaux, je me réjouis que vous veniez devant cette mission d’information, une fois la loi votée. Nous avions déploré de ne pas voir du tout le garde des Sceaux au moment de sa discussion. Nous le criions tous les jours et, en vous entendant, je me dis aujourd’hui que nous avions eu raison de le faire, même si nos vœux n’ont pas été exaucés. En effet, nous disions à peu près ce que vous venez de déclarer. Vous avez raison de dire que toutes ces professions sont extrêmement perturbées et qu’un grand déficit de confiance persiste, même si vous tentez de renouer petit à petit le dialogue. Le président-rapporteur de cette mission, auparavant rapporteur général du projet de loi, peut en être témoin : nous avions signalé ces problèmes. Si nous avions reçu le garde des Sceaux au moment de l’examen du texte, il nous aurait confortés dans ces propos. La gymnastique actuelle, si je lis entre les lignes, qui consiste à tenter d’atténuer les effets de certaines dispositions de la loi au moyen des textes réglementaires, n’aurait peut-être pas été utile et nous aurions trouvé un meilleur équilibre.
J’ai deux questions, monsieur le garde des Sceaux. Vous avez dit que le ministère de la justice était la maison de ces professions. Je partage cet avis. Une des causes du déficit – le mot est faible – de confiance à l’égard du Gouvernement de la part de ces professions est leur rattachement conjoint, sur beaucoup de sujets, au ministère de la justice et au ministère de l’économie. C’est d’ailleurs le ministre de l’économie qui est intervenu, pour le Gouvernement, lors des débats. Le garde des Sceaux n’est jamais venu à aucune réunion, si ce n’est peut-être une fois au début de l’examen du projet de loi, si mes souvenirs sont exacts. Je partage donc votre avis, monsieur le ministre. Allez-vous en tirer toutes les conséquences, c’est-à-dire proposer une modification du texte pour que ces professions soient clairement rattachées au ministère de la justice, afin qu’elles ne dépendent plus, conjointement, du ministère de la justice et du ministère de l’économie. C’est une question de principe à laquelle ces professions sont très attachées. Allez-vous prendre une initiative en ce sens, même si je sais bien que le temps vous est compté d’ici à 2017 ?
Ma seconde question porte sur l’interprofessionnalité. Au-delà des craintes que vous avez déjà citées et qui perdurent, des craintes sur le secret professionnel ont émergé. Actuellement, le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique est en discussion à l’Assemblée. Ce projet traite notamment de la question des lanceurs d’alerte. Dans le texte voté par la commission des Lois et, je crois, en séance, il y a une sacralisation du secret professionnel des avocats, des médecins et des journalistes, sauf erreur de ma part. En revanche, dans l’hypothèse d’une interprofessionnalité qui concernerait, par exemple, un expert-comptable, un avocat, un notaire et un commissaire judiciaire, quid de la protection globale du secret professionnel ? Le secret professionnel constitue le cœur de ces métiers. Comment le protège-t-on dans le cadre de l’interprofessionnalité , alors que le projet de loi précité semble, en l’état, sacraliser le secret professionnel pour certaines professions, mais pas pour d’autres ?
M. le président-rapporteur. Monsieur Houillon, ce n’est pas à un juriste aussi éminent que vous que je rappellerais que le règlement n’a pas pour objet d’atténuer la loi. Au contraire, nous avons précisé dès le début de nos travaux que cette mission d’information avait pour but de s’assurer de la célérité de la mise en œuvre de la loi et du respect de sa lettre et de son esprit. Je n’imagine donc pas un seul instant, que le garde de sceaux, qui a fait un diagnostic sans doute juste concernant, non pas les bouleversements, mais les interrogations que la loi a soulevées au sein de certaines professions qui n’avaient pas été réformées sur certains points depuis le 19ème siècle, ait l’intention de ne pas convenablement appliquer la loi. Je ne prête pas au garde des Sceaux une intention cachée de ce type.
M. Philippe Houillon. À deux reprises, le garde des Sceaux a rappelé que bien entendu la loi serait appliquée et on sait sa connaissance de la procédure parlementaire. Il a pris cette précaution parce qu’on sait bien qu’il y a des difficultés et il souhaite faire en sorte que nous ne poussions pas ces difficultés à l’extrême. Je ne peux que lui en être reconnaissant pour ces professions. Je sais bien que le règlement ne va pas changer la loi et c’est bien dommage !
M. le président-rapporteur. C’est exact. Après l’adoption d’une loi, le temps du Gouvernement est de l’appliquer convenablement.
M. Philippe Houillon. On pourrait toutefois débattre pour savoir si les dispositions transitoires, qui permettent ad eternam de rester dans la même situation, n’ont pas pour effet, dans une certaine mesure, de changer la loi.
Mme Cécile Untermaier. Monsieur le garde des Sceaux, nous avons conscience que vous avez une charge de travail importante pour rattraper ce qui n’a pas été fait auparavant. Nous avons eu beaucoup de difficultés au sein de la commission spéciale.
M. Philippe Houillon : Mais vous disiez le contraire !
Mme Cécile Untermaier. Non, je n’ai jamais dit le contraire. Je pense qu’effectivement, le temps de travail dont vous parlez, monsieur le ministre, est une nécessité au vu de l’importance du texte voté, qui a retenu l’attention de la commission spéciale pendant des heures. Je tiens également à dire que celle-ci n’a eu de cesse que de calmer le jeu. Elle n’a jamais voulu monter les professions les unes contre les autres. Cela n’a jamais été son état d’esprit. La mission d’information que nous avons menée auparavant, en préparation de cette commission spéciale avec Philippe Houillon…
M. Philippe Houillon. Vous avez fait le contraire après !
Mme Cécile Untermaier. Non, pas du tout. Elle s’est faite en des termes tout à fait convenables, avec l’idée d’adaptation de ces professions au XXIème siècle. Ces professions étaient, en effet, régies par des dispositions qui datent, pour certaines d’entre elles, du début du XIXème siècle. Le rapport de l’Inspection générale des finances nous obligeait également à nous poser des questions sur le fonctionnement de ces professions juridiques réglementées. Notre esprit a été constructif et non pas hostile à ces professions. Nous les souhaitons vivantes, avec de la jeunesse, sur tout le territoire national. Je profite de cette audition pour dire combien nous sommes attachés à ce que ces professions juridiques soient présentes sur l’ensemble du territoire national. Ma préoccupation actuelle est que leur maillage territorial soit préservé et que le modèle des officiers publics et ministériels soit préservé sur l’ensemble du territoire. La population doit avoir accès aux services de ces professionnels, non pas au travers de puissants réseaux, mais au travers d’officiers publics et ministériels à disposition des citoyens.
J’insiste donc sur cette question du maillage territorial et sur notre esprit d’ouverture, loin de l’esprit que l’on pourrait imaginer avoir été le nôtre au regard des propos que vous avez tenus.
M. le président-rapporteur. Les débats sont de toute façon clos et passés. La loi est adoptée. Monsieur le ministre, parlez-nous d’avenir, c’est-à-dire de son application.
M. le ministre. Le décret relatif aux conditions d’installation des officiers publics et ministériels a été publié le 25 mai 2016. S’agissant de la carte qui définira les zones de libre installation, l’Autorité de la concurrence a seule la maîtrise de ce processus. Elle a pris un certain retard par rapport au calendrier initialement fixé. L’examen des recommandations de l’Autorité de la concurrence concernant les notaires aura lieu le 7 juin. La proposition de carte accompagnée des recommandations devrait être communiquée dans les jours qui suivront. Concernant les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires, les propositions de carte ne seront communiquées que plus tard. Je ne peux pas en dire plus à ce stade. Le Gouvernement a prévu, dans le décret du 20 mai 2016, que l’ensemble des cartes devra être publié avant le 31 décembre 2016.
S’agissant de l’arrêté que le Gouvernement devra prendre une fois la carte proposée, il va évidemment falloir qu’il puisse l’analyser. Nous le ferons dans le meilleur délai possible, en tenant compte de la volonté de concertation – même si celle-ci devra être rapide – et surtout des enjeux que la loi porte.
Est-ce que je peux vous dire à quel moment on pourra « visser sa plaque » comme vous me l’avez demandé ? Malheureusement, je ne peux pas vous donner une réponse certaine. Il faut en effet noter que plusieurs inconnues – que je ne maîtrise pas – demeurent à ce jour et nous empêchent de bâtir le calendrier précis : je ne peux pas vous dire combien il y aura de zones ; je ne connais pas les recommandations ; je ne connais pas le nombre de candidats à la création d’offices. Au regard de nos estimations, les premiers arrêtés de nomination des notaires pourraient être signées environ un mois après l’ouverture des candidatures à la création d’office.
La date d’ouverture de ces candidatures dépend non seulement de la publication de la carte, mais également de la livraison finale de l’outil de gestion informatique du ministère de la justice. Les travaux de conception de cet outil ont été grandement anticipés – dès le dernier trimestre 2015 – mais ils ont dû être adaptés à la suite des arbitrages rendus et, dernièrement, de l’avis du Conseil d’État. Resteront alors les délais incompressibles de publication des arrêtés de nomination et de prestation de serment.
Les nominations de notaires sur des offices créés en application des nouvelles règles d’installation s’échelonneront ainsi jusqu’à la fin de l’année 2016, compte tenu notamment de la nécessité de procéder aux tirages au sort mis en place par le décret du 20 mai 2016.
Vous m’avez ensuite posé une question sur le nombre de nominations par zone de libre installation, en indiquant qu’à la lecture du décret, vous compreniez que les recommandations dont la carte est assortie fixent des limites du nombre d’offices à créer par zone. Vous m’avez demandé s’il était possible de confirmer cette interprétation. Je vous la confirme. Elle correspond exactement au sens de la loi. Le décret du 20 mai 2016 dispose, concernant les notaires : « Dans les zones mentionnées au I de l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 susmentionnée, le garde des Sceaux, ministre de la justice, nomme les demandeurs au regard des recommandations dont est assortie la carte et suivant l’ordre d’enregistrement de leur demande. »
Ces dispositions font application de l’article 52 de la loi du 6 août 2015 qui prévoit notamment : « Afin de garantir une augmentation progressive du nombre d’offices à créer, de manière à ne pas bouleverser les conditions d’activité des offices existants, cette carte est assortie de recommandations sur le rythme d’installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels dans la zone concernée. »
Il n’est évidemment pas question que le Gouvernement atténue, de quelque manière que ce soit, la volonté du législateur.
S’agissant des clercs habilités, vous m’avez demandé pourquoi repousser la date de fin d’habilitation de ceux-ci. Vous m’avez demandé s’il s’agissait de tenir compte de la pyramide des âges. Le maintien des clercs habilités dans leurs fonctions au-delà du 1er août 2016 et jusqu’au 31 décembre 2020 s’adresse à ceux des clercs habilités qui ne peuvent pas, dès à présent, prétendre à être nommés notaire, parce qu’ils ne sont pas détenteurs des diplômes requis : master en droit ou diplôme reconnu équivalent et diplôme supérieur du notariat, voie universitaire ou diplôme de notaire, voie professionnelle.
Ce maintien a pour objet d’assurer une continuité entre la période d’habilitation et l’entrée dans le notariat permise par les passerelles prévues par le décret du 20 mai 2016. Dans un objectif d’ouverture d’accès à la profession et d’alternative sociale, un système de passerelles a été inséré dans le décret du 25 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels. Ce dispositif permet aux clercs habilités de devenir notaires sans remplir les exigences de diplômes, sous certaines conditions.
Le texte prévoit la mise en place d’un système de passerelles vers le notariat applicables automatiquement aux clercs habilités justifiant avoir exercé cette fonction pendant quinze ans au moins entre le 1er janvier 1996 et le 1er août 2016. Ce dispositif est applicable, sous réserve de réussir un examen des connaissances techniques, aux clercs habilités justifiant avoir exercé cette fonction pendant cinq ans au moins entre le 1er janvier 2006 et le 1er août 2016, durée réduite à quatre ans au moins entre le 1er janvier 2009 et le 1er août 2016 pour ceux justifiant du diplôme de premier clerc ou du diplôme de l’Institut des métiers du notariat, durée encore réduite à trois ans pour ceux qui sont, en outre, titulaires d’un master ou d’un diplôme reconnu équivalent.
L’existence de cette passerelle est limitée au 31 décembre 2020. Un premier projet d’article avait été soumis pour avis au Conseil supérieur du notariat. Il prévoyait des durées d’expérience plus élevées – dix, six et quatre ans – et soumettait à examen des connaissances l’ensemble des candidats. Selon le Conseil supérieur du notariat ce projet devait permettre à 60 % des clercs habilités non-diplômés notaires d’accéder au notariat, soit environ 2 400 sur les près de 4 000 clercs concernés.
Si l’on ajoute les 5 566 clercs habilités remplissant d’ores et déjà les conditions pour être nommés notaires, ce sont environ 83 % des anciens clercs habilités qui pourraient prétendre à l’entrée dans la profession. L’assouplissement des conditions permettant de bénéficier de la passerelle dans le dispositif permettra d’élargir encore son bénéfice, dans un objectif d’ouverture de l’accès à la profession et d’alternative sociale.
C’est pour assurer une continuité entre la période d’habilitation et l’entrée dans le notariat permise par ces passerelles nouvelles, et ainsi permettre une pleine efficacité du dispositif, que le Gouvernement entend maintenir les clercs habilités dans leurs fonctions au-delà du 1er août 2016, jusqu’au 31 décembre 2020. Un amendement gouvernemental a été adopté en ce sens, vous l’avez rappelé monsieur le président, dans le projet de loi sur la « Justice du XXIème siècle ». Comme je l’ai dit, un autre véhicule permettra peut-être l’adoption de cette proposition de disposition législative avant le 31 juillet prochain si le projet de loi n’aboutissait pas à temps.
Vous m’avez ensuite demandé, monsieur le président, si cette disposition ne risque pas d’avoir l’effet pervers de retarder la nomination des clercs habilités répondant déjà aux conditions pour être notaires. Évidemment, je ne peux pas dire qu’il n’y a pas de risque. Toute mesure comporte par essence un risque. Cependant, la volonté de prendre en considération la situation des clercs habilités non diplômés demande que nous prenions ce risque. Au demeurant, je n’ai pas le sentiment que l’effet pervers dont vous parlez se concrétisera. En effet, le nombre de nominations en qualité de notaire salarié a fortement augmenté depuis le début de l’année (plus de 200 professionnels ont été nommés). Tous ceux qui ont la volonté de devenir notaire candidateront dès lors qu’ils peuvent y prétendre, j’en suis convaincu.
Sur le même sujet, vous m’avez demandé s’il n’était pas possible d’avancer la date du 31 décembre 2020 au 1er janvier 2020. La prolongation des effets de l’habilitation est liée à l’existence de la passerelle, pour lui permettre de produire pleinement ses effets. La prolongation permet notamment de passer les examens que j’évoquais tout à l’heure. Si l’on avançait la date, nous pensons que cela pourrait nuire aux candidats. Nous avons pensé que le 31 décembre était la date la plus adaptée.
S’agissant des greffiers des tribunaux de commerce, un recours a été formé contre les mesures d’application de la loi prévoyant la transmission sans frais des données du registre du commerce et des sociétés (RCS). Depuis le 1er mai, je constate que les données ne sont plus envoyées par les greffiers des tribunaux de commerce. Je pense qu’il y a là un effet de suspension qui ne s’explique que par la volonté des greffiers d’attendre le résultat de leur recours. Il va de soi qu’il ne peut s’agir que d’une situation momentanée. Personne ne se satisferait qu’elle reste en l’état.
Sur la gestion des RCS en outre-mer, la situation est compliquée. J’avais été interrogé aux questions d’actualité sur ce sujet. Est-ce que la convention est signée ? La réponse est non. Elle n’est pas encore signée. Elle est en discussion. Elle rencontre des difficultés à la fois juridiques et techniques qui, à ce stade, ne sont pas totalement résolues. Quelles sont ces difficultés ?
Il y a d’abord le rôle du greffier. Aux termes de la loi, il est seul compétent pour s’assurer du contrôle et de la régularité des actes et pour délivrer des copies et extraits. Ce constat soulève la question du positionnement du greffier, dès lors que les agents des chambres de commerce et d’industrie (CCI) ne peuvent, à eux seuls, délivrer des actes authentiques. Il est, en outre, impossible, pour le greffe, de déléguer ses pouvoirs propres de contrôle et d’authentification aux agents de la CCI qui ne sont ni des agents publics, ni des officiers publics.
Le greffier ne peut, en outre, se déporter au sein de la CCI, ce qui serait en contradiction avec l’article 5 du décret du 13 octobre 2015 qui porte statut particulier des greffiers des services judiciaires.
Deuxièmement, le logiciel de traitement des affaires ALINEA utilisé par les tribunaux de commerce outre-mer est propriété d’un groupement d’intérêt économique (GIE) dénommé AGORA. Il a été consulté par le ministère de la justice qui ne dispose que d’un droit d’usage sur ce logiciel. Le GIE a fait part de son opposition à une utilisation de son logiciel par les CCI sous quelque forme que ce soit, y compris dans l’hypothèse d’un transfert du greffier dans la CCI, ce pour des raisons de sécurité des données et de garantie des accès à la base. Par ailleurs, l’application ALINEA est une base locale qui ne permet pas un accès à distance depuis un autre site.
La troisième difficulté a trait au versement à la CCI d’une partie des émoluments perçus à l’occasion de la gestion du RCS. Les chambres ne sont pas des opérateurs de l’État et ne peuvent donc pas percevoir pour son compte de l’argent public. L’Association des chambres de commerce et d’industrie outre-mer (ACCIOM) ne souhaite pas la mise en place d’un système de rétribution par l’État, qui pourrait être envisagé dans le cadre de la convention de délégation, mais un partage des émoluments dès réception par le RCS. Le respect de la règle de non-contraction des recettes et des dépenses de l’Etat est incompatible avec un dispositif de prélèvement par les CCI de leur rémunération, selon l’analyse produite par la direction générale des finances publiques (DGFiP).
Maintenant que le diagnostic est établi, quels sont les remèdes envisagés ?
Il faut contourner ces difficultés. À cette fin, le ministère de la justice a proposé de déléguer aux CCI la compétence de réception unique de l’ensemble des demandes pour un prétraitement des dossiers avant envoi au RCS : pré-enregistrement, envoi des données sous format EDI et numérisation de l’ensemble des pièces à destination des RCS.
Le ministère de la justice a entamé des négociations avec le GIE AGORA et un autre GIE que vous connaissez, INFOGREFFE, afin d’obtenir l’activation des fonctionnalités de dématérialisation dont bénéficient les greffes privés membres du GIE. L’objectif est de bénéficier pour les RCS ultra-marins, à l’instar des greffes privés, de l’ensemble des services électroniques d’accès à l’information légale et de dématérialisation des formalités et des procédures développés par le GIE INFOGREFFE existant aujourd’hui sur tout le reste du territoire national.
Cela permettrait d’articuler le fonctionnement du Centre de formalité des entreprises (CFE) au sein de la CCI avec le RCS ultra-marin dans les mêmes conditions qu’en métropole entre les CFE et les greffes privés. Le CFE est alors un point d’entrée pour l’entrepreneur pour immatriculer son entreprise.
Le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et INFOGREFFE n’ont pas montré d’hostilité à la mise en œuvre de ces fonctionnalités lors des échanges que nous avons eus avec eux. Des travaux ont ainsi été engagés entre le secrétariat général du ministère de la justice et la direction des services judiciaires avec l’appui de la DGFiP, afin de déterminer dans quelles conditions cette réforme peut être mise en œuvre au regard notamment des règles comptables, puisqu’INFOGREFFE ne peut percevoir les sommes versées par les entreprises au greffe public, pour le compte de l’État.
Une expertise est en cours afin de déterminer les conditions dans lesquels un agent habilité à encaisser des recettes de l’État pourrait être désigné dans ce cadre. Il y aura là deux hypothèses. Soit on crée une régie particulière, ce qui suppose que le système d’information de facturation et de paiement en ligne d’INFOGREFFE doit permettre d’identifier les factures afférentes à des prestations de l’État et de renvoyer la recette afférente sur le compte du régisseur. Soit on habilite une personne privée à détenir et à manipuler des fonds de l’État, solution dérogatoire au droit commun et qui supposerait donc de revenir devant le Parlement pour que soit adoptée une disposition législative spécifique.
Bref, la mise en œuvre de cette disposition est en voie d’achèvement, même si, vous l’avez compris, nous n’y sommes pas encore tout à fait.
Pour être complet, je veux maintenant aborder la question de la reprise des stocks. Les dossiers restant en attente de traitement au moment du transfert doivent entrer dans le périmètre de la délégation aux CCI. Cette reprise est par ailleurs imposée en ce que le logiciel ALINEA ne comporte qu’une base unique par RCS qui ne peut être scindée pour des raisons de sécurité des données enregistrées. Le ministère, et notamment la direction des services judiciaires, a mis en place un plan d’action, qui a produit de bons résultats puisque l’évolution des stocks est très positive pour l’ensemble des RCS à l’exception de Cayenne.
Ainsi, la situation très dégradée des RCS outre-mer qui avait en partie justifiée la disposition de l’article 60 visant à déléguer leur gestion aux chambres de commerce et d’industrie, est aujourd’hui bien plus satisfaisante qu’à l’époque, en particulier pour les délivrances de Kbis mais aussi pour les délais d’immatriculation, dont les moins favorables n’excèdent pas deux mois et sont souvent réduits à quelques jours.
Dès lors, le temps nécessaire à la résolution des difficultés rencontrées pour mettre en œuvre la loi n’a pas d’effet négatif sur l’économie locale et sur la vie des entreprises.
Enfin, une action spécifique a été mise en place pour la Guyane compte tenu des difficultés rencontrées par ce RCS. Une convention signée avec le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce a institué une mission de soutien et de formation par deux greffiers privés. Cette mission doit se dérouler sur site à compter du 20 juin prochain.
Pour répondre à la question de M. Patrick Hetzel sur le droit local et sur la postulation, le sénateur Bigot et mon cabinet rencontrent le 8 juin prochain le bâtonnier de Strasbourg pour discuter de cette question. De mon point de vue, il n’y a aucune raison pour que la situation actuelle évolue.
M. Patrick Hetzel. Sur la postulation, je suppose que la situation devrait être stabilisée et me réjouis de vos échanges avec le sénateur Bigot et le bâtonnier de Strasbourg.
Je souhaiterais soumettre à votre sagacité un autre point : le décret du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail suscite des interrogations concernant son articulation avec le droit local. Jusqu’à présent, les avocats des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, devant les tribunaux de grande instance, avaient évidemment accès, en cas d’appel, aux cours d’appel de Metz et de Colmar. Or, la rédaction de l’article 29 du décret fait référence à une représentation obligatoire en appel, sur le modèle des articles 899 et suivants du code de procédure civile et, en droit local, ces situations sont régies par une loi de 1922 qui réserve cette procédure aux avocats devant la cour d’appel. En l’état, il semblerait que la rédaction du décret prive d’accès aux cours d’appel les avocats devant les tribunaux de grande instance. Ce point mériterait peut être un contrôle par vos services.
M. le ministre. Je vous remercie pour cette alerte. Nous allons regarder ce sujet pour veiller à ce qu’il n’y ait pas de risques de mauvaise interprétation de ces dispositions.
Je vais maintenant répondre aux questions de M. Philippe Houillon. Sur le sujet de la déontologie dans le cadre de l’exercice en commun de plusieurs professions, nous avons veillé à ce que l’ordonnance règle les questions de conflits d’intérêt. Les décrets apporteront de plus amples précisions.
Pour ce qui est du secret professionnel, chaque profession reste naturellement soumise à ses règles de déontologie. Il n’y a pas d’ambigüité sur la question et des mécanismes sont prévus pour garantir ce principe. En réalité, vous manifestez une crainte au regard de ce qui pourrait advenir dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. J’ai effectivement entendu des interrogations sur le sujet. Le principe de secret partagé va pouvoir s’appliquer dans le cadre de la pluriprofessionnalité. Son application nécessitera toutefois l’accord du client, qui sera, bien entendu, associé à cet échange.
M. Philippe Houillon. Et sur les lanceurs d’alerte ?
M. le ministre. Concernant les lanceurs d’alerte, j’attends de voir ce que l’Assemblée nationale va voter avant de me prononcer. Chacun d’entre nous sait que les débats peuvent amener le texte à évoluer. C’est un texte porté à titre principal par le ministre des finances. Je n’interviens que sur les propositions de disposition relatives à la corruption et à la transaction pénale. Cette dernière suscite d’ailleurs mon hostilité la plus totale et j’aurai l’occasion de le dire en séance publique.
M. le président-rapporteur. J’ai bien noté que s’agissant de l’installation des notaires, on peut imaginer que les candidats à l’installation pourront « visser leur plaque » d’ici la fin de l’année. Pour les autres professions, cela serait un peu plus tardif, puisque les cartes vont être proposées après celle concernant les notaires. J’ai bien retenu que le sujet de la gestion du RCS en outre-mer est complexe, mais que vous êtes à pied d’œuvre sur ce sujet et que vous travaillez, par ailleurs, à limiter les risques pour les entreprises liés à l’opposition – pour l’instant en tout cas – des greffiers des tribunaux de commerce à certaines mesures d’application de la loi.
Mme Bernadette Laclais : Monsieur le ministre, j’ai deux questions. Je souhaite vous remercier des précisions que vous avez apportées au sujet des clercs de notaire. C’est une question sur laquelle nous sommes très souvent saisis. Au fond, si l’on se réfère au calendrier que vous nous avez présenté, tout clerc de notaire pourra devenir notaire.
M. le ministre : S’il en a envie et s’il fait les efforts nécessaires !
Mme Bernadette Laclais : Bien sûr ! C’est en tout cas une bonne nouvelle et je vous remercie de la discussion qui s’est ouverte sur ce point, parce qu’elle est importante pour les personnes concernées.
Je ne suis pas issue d’une profession du droit ; je suis présente à cette audition parce que je suis particulièrement inquiète – et je ne suis pas la seule – sur la question du maintien des offices notariaux dans un certain nombre de territoires. Dans certaines zones – y compris des zones montagneuses – il suffit pour les notaires de vendre quelques belles propriétés pour assurer le maintien de leur activité. Mais dans d’autres zones de montagne ou de moyenne montagne, il y a des inquiétudes concernant le maintien de l’activité des notaires, compte tenu notamment de la révision des tarifs de certains actes qui sont importants pour ces offices notariaux. Ma collègue Cécile Untermaier a relayé ces inquiétudes. Pour ma part, j’ai fait faire une étude concernant l’activité des offices dans deux départements qui me sont chers. J’en tiens les résultats à votre disposition. Ils ont été rendus anonymes, bien entendu. Il en ressort qu’il y a des risques de pertes sur nos territoires de ces services qui sont très importants pour nos concitoyens. Le législateur avait souhaité qu’un fonds de péréquation puisse venir soutenir de certains offices. Qu’en est-il ?
Vous avez ouvert de nouveau un certain nombre de points de discussion avec les professions du droit, ce dont je me réjouis. Bien sûr, ces discussions n’ont pas pour objet de revenir sur la loi, mais le travail que vous faites me semble particulièrement utile. Dans cette même logique, ne pourrait-on pas s’interroger sur la nouvelle tarification de certains actes qui sont souvent demandés par les collectivités ? Ces dernières ont intérêt à ce que ces actes soient bien faits. S’ils sont trop peu rémunérés, ils ne seront plus réalisés de manière aussi consciencieuse qu’auparavant.
Mme Cécile Untermaier. Je souscris complètement au propos de ma collègue Bernadette Laclais avec qui j’ai beaucoup échangé sur cette question. J’ai été reçu à la fois par le cabinet du ministre de l’économie et par le cabinet du ministre de la justice sur la question de la tarification et, en particulier, sur le sujet du plafonnement du tarif des actes relatifs à des biens ou à des droits immobiliers à 10 % de la valeur du bien ou du droit, avec un émolument minimum de 90 €. Ce dernier point pose vraiment problème aux notaires de nos territoires. Ils ne cessent de me le dire. Ce dispositif n’était pas voulu par la loi et nous n’avions jamais imaginé une telle disposition. Nous avions simplement mis le doigt sur le problème du tarif de certains actes notariés, parfois hors de proportion avec la valeur du bien à acquérir, ce qui posait en effet la question de l’adéquation du tarif à la valeur du bien auquel la prestation se rapporte. Je ne suis pas certaine que ce plafonnement réponde à ce problème, qui n’est toujours pas réglé. Ce plafonnement inquiète beaucoup la profession. J’aurais voulu savoir s’il était possible d’avancer sur cette question. C’était mon premier point.
Le second point que je souhaite aborder, et que ma collègue Bernadette Laclais a évoqué, a trait au fonds de péréquation prévu par la loi. Celui-ci traduit le souci que nous avions d’instituer un dispositif de solidarité. La question est complexe et je vous propose de mettre en place un groupe de travail. Il s’agit de mettre les professions autour de la table et de travailler ensemble sur le sujet. En tout état de cause, le principe de ce fonds est inscrit dans la loi et il va bien falloir lui donner vie. Là encore, nous avons des inquiétudes. Nous avions en effet envisagé que les avocats participent au dispositif, mais leur intégration ne semble pas prévue. Nous souhaitions que ce fonds soit alimenté par une contribution qui aurait porté sur les émoluments des notaires portant sur les actes donnant lieu à des tarifs proportionnels, mais le Gouvernement a évoqué un financement via une taxe sur le chiffre d’affaires. Nous avons donc des points à éclairer ensemble. Il ne faut d’ailleurs pas oublier la question du financement de l’aide juridictionnelle.
Certes, le Conseil constitutionnel a censuré le dispositif de financement du fonds, toujours est-il que son existence reste prévue par la loi. Je vous suggère, monsieur le garde des Sceaux, de mettre en place un groupe de travail.
Enfin, les notaires – notamment les jeunes notaires – nous interrogent constamment sur la date de publication de la carte et sur la date potentielle des installations elles-mêmes.
M. le président-rapporteur. Le garde des Sceaux nous a dit que la carte serait publiée au mois de juin. Un délai sera ensuite nécessaire avant qu’interviennent les premières nominations, qui devraient être effectives d’ici la fin de l’année.
Mme Cécile Untermaier. Les premières installations effectives auront donc lieu à la fin de l’année, avec une possibilité de candidature en septembre ?
M. le ministre. Je ne peux pas être plus précis que je l’ai été. La seule date certaine concerne les recommandations de l’Autorité de la concurrence et c’est le mardi 7 juin. Ensuite, je devrais examiner la carte, conjointement avec le ministre de l’économie. Nous devrons discuter de cela. Je vous ai donc indiqué deux dates : le 7 juin pour l’examen des recommandations de l’Autorité et le 31 décembre 2016 qui est une estimation de la date avant laquelle interviendront les premières nominations.
Mme Cécile Untermaier. Toujours concernant les notaires, j’imagine que la procédure de nomination dans les offices créés pour des demandeurs qui souhaitent s’associer a bien été prise en compte. Quel est le dispositif imaginé ? C’est une question récurrente de la part des futurs candidats à l’installation.
La solution du tirage au sort que vous avez proposée lorsque le nombre d’inscrits dépasse le nombre de places disponibles me paraît une solution tout à fait rationnelle et convenable.
M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre, je veux commencer par vous dire que je partage l’observation faite par Bernadette Laclais et par Cécile Untermaier sur la rémunération des « petits actes », que font les notaires des zones rurales sur des biens ou des droits qui, parfois, n’ont pas une grande valeur. Un acte se rapportant à un bien d’une valeur de 1 000 euros, par exemple, engendre pour le notaire une rémunération plafonnée à 10 % selon le nouveau système, c’est-à-dire à 100 euros. Mais il faut noter que le travail à réaliser sur cet acte pris en exemple est quasiment le même que pour la vente d’un bien de 250 000 à 300 000 euros.
Je vous remercie par ailleurs pour votre propos introductif. J’ai participé à l’ensemble des réunions de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi, à l’ensemble des auditions des représentants des professions juridiques organisées par Cécile Untermaier dans le cadre de cette mission d’information et à l’ensemble des auditions de celle-ci et j’y ai posé beaucoup de questions. Je n’ai pas inventé ces questions ! Ce sont les professionnels et notamment les professionnels de ma circonscription et les professionnels parisiens que j’ai rencontrés qui m’ont fait comprendre le fonctionnement des professions et les enjeux de la réforme. Nous avons signalé à plusieurs reprises la fracture avec les professionnels que vous avez rencontrée en arrivant place Vendôme. Si vous avez essayé d’apaiser les choses, nous ne pouvons que vous en être reconnaissants. Il faudrait continuer à avancer dans ce sens. Il me paraîtrait intéressant de vous auditionner en présence de M. Macron pour pouvoir poser toutes les questions que nous nous posons actuellement en sa présence.
J’ai une question qui complète celles posées par mon collègue Patrick Hetzel sur la postulation. Auparavant, un avocat au tribunal de grande instance de Saint-Malo transmettait ses conclusions au tribunal de grande instance de Rennes par voie d’huissier à son postulant. Désormais, le postulant n’existe plus, donc il le fait par ce qu’on appelle le réseau privé virtuel des avocats. Je voudrais savoir si cette possibilité est donnée aujourd’hui à tous les tribunaux de grande instance et à tous les avocats qui ont à transmettre leurs conclusions aux tribunaux de grande instance.
Vous avez en partie répondu à ma dernière question qui concerne les créations d’emplois dans les études notariales et chez les avocats. Je voudrais savoir s’il est prévu de mener une étude d’impact pour savoir combien d’emplois la loi sur la croissance et l’activité a permis de créer.
M. Denys Robiliard. Je veux commencer par une remarque incidente sur cette loi. Elle porte des réformes importantes. Je le vis moi-même de l’intérieur, dans ma profession. Elle rénove en profondeur des professions qui avaient un exercice extrêmement balisé. Je comprends l’inquiétude que ces réformes peuvent susciter. Mais on ne peut pas lire ces réformes à la lumière du passé. Le législateur a souhaité une véritable ouverture de ces professions. Je le dis avec d’autant plus de tranquillité que je ne suis pratiquement pas intervenu sur la question des professions réglementées. Les rapporteurs thématiques s’étaient en effet concertés pour ne pas se gêner les uns les autres.
Je reviens sur le sujet que j’ai rapporté dans le cadre de la discussion de la loi, qui est celui de la réforme prud’homale, d’abord pour faire part d’un satisfecit, ensuite pour émettre une petite alerte et enfin pour poser une question d’interprétation.
Pour ce qui est du satisfecit, je suis heureux que le décret du 20 mai portant réforme de la procédure prud’homale, publié au Journal officiel du 25 mai, soit sorti. La réforme des prud’hommes supposait, en effet, que ce décret advienne, tant les questions procédurales sont majeures pour accélérer les choses. Comme l’un des principaux objectifs de la réforme était d’accélérer le cours des procédures, il était essentiel que ce décret sorte pour que les deux pans de la réforme – son pan législatif et son pan réglementaire – puissent entrer en vigueur. De ce point de vue, je suis satisfait.
En outre, je trouve que le dispositif d’accompagnement est important. Cette réforme ne se résume pas à des textes. Si l’on ne sait pas présenter une réforme, si l’on ne sait pas la mettre en œuvre et si l’on ne lui donne pas des moyens également matériels – et pas simplement juridiques –, nous n’y arriverons pas. De ce point de vue, je me réjouis que Mme Rostand se soit vue confier une mission de promotion, d’explication, d’accompagnement de cette réforme et qu’un observatoire soit institué à partir de la situation de quatre juridictions différentes par leur taille.
Je me félicite également qu’un plan de soutien ait été élaboré pour les juridictions dans lesquelles les stocks sont les plus importants. Si je n’aime pas ce terme, il est convenu de l’utiliser en matière judiciaire. Quand il y a plus d’un an de stock, je trouve particulièrement opportun que l’on renforce les juridictions et qu’on leur donne les moyens de le résorber à brefs délais. Cela me paraît très important. Derrière les raisonnements en moyenne nationale se cachent des situations qui peuvent être très différentes. Certains conseils des prud’hommes fonctionnent dans des délais très satisfaisants, c’est-à-dire moins de huit mois, tandis que d’autres fonctionnent dans des délais très insatisfaisants, c’est-à-dire plusieurs années. Cela peut être trois ou quatre ans, sans parler des délais en appel. De ce point de vue, je me réjouis que la communication institutionnelle du Gouvernement, à la suite de la publication du décret, ait évoqué la situation des cours d’appel. Indépendamment du contenu du décret, le dispositif d’accompagnement et la préoccupation de la mise en œuvre de la réforme me paraissent importantes.
Je ne reviendrai pas sur les questions que j’avais posées à votre prédécesseure, monsieur le ministre. J’étais notamment revenu sur la question de l’indemnisation des conseillers prud’hommes dans le bureau de conciliation, lorsqu’il ne le préside pas. Actuellement, il n’y a pas d’indemnisation du conseiller salarié pour la prise de connaissance du dossier avant la conciliation, lorsqu’il ne préside pas. Il me paraît important que ce soit prévu. Je sais bien que cela relève du domaine réglementaire. Je sais également que cela a un coût, mais je crois que c’est une dépense utile pour favoriser la conciliation. C’est congruent avec la réforme de la saisine, dont s’est félicité à juste titre – mais peut-être un peu rapidement – le président-rapporteur. Je vais y revenir.
L’alerte que je souhaite faire porte sur les défenseurs syndicaux. Le décret, dans sa partie relative aux cours d’appel, entrent en vigueur le 1er août. Or, sauf erreur de ma part, les textes relatifs aux défenseurs syndicaux n’ont pas été publiés. Ils ne dépendent pas de votre ministère, mais de la rue de Grenelle, si ma mémoire est bonne. Il y a urgence, car il s’agit d’une réforme très importante pour les futurs défenseurs syndicaux, qui seront, sans doute, pour bon nombre d’entre eux, les actuels délégués syndicaux. Elle n’est d’ailleurs pas importante seulement pour les défenseurs syndicaux, puisque la représentation devient maintenant obligatoire, alors qu’actuellement elle ne l’est pas. Il y a des délais impératifs qui ont des conséquences lourdes, puisque les conclusions qui n’ont pas été déposées dans les délais sont irrecevables. Cela pose la question de la formation des défenseurs syndicaux, mais également des avocats, qui peuvent être très spécialisés en droit du travail sans avoir pour autant une très bonne connaissance de la procédure d’appel avec représentation obligatoire. Nous sommes quasiment le 1er juin et la réforme entre en vigueur le 1er août. Ces délais sont extrêmement brefs, particulièrement pour les défenseurs syndicaux, mais pas seulement pour eux.
Ma troisième question porte sur l’article 8 du décret. J’ai entendu le président-rapporteur s’en féliciter, puisqu’effectivement, les conditions de la saisine sont assorties d’une nullité. Sans vouloir remonter à Hans Kelsen, il me semble que lorsqu’il n’y a pas de sanction à une règle, cette règle devient fragile. Toutefois, les termes dans lesquels cette nullité est instaurée sont ambigus. Mon interrogation porte donc sur la portée de la nullité.
Selon l’article R. 1452-2, « À peine de nullité, la requête comporte les mentions prescrites à l’article 58 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. » Ma question est la suivante : la nullité porte-t-elle sur les seules mentions prescrites à l’article 58 – dans ce cas, si l’article 58 du code de procédure civile n’est pas respecté, la nullité peut être demandée – ou porte-t-elle également sur ce qu’il est requis « en outre » ? Dans le premier cas, il s’agirait d’une victoire à la Pyrrhus dans l’objectif que nous poursuivions qu’il y ait davantage de formalisation de la saisine.
Pourquoi cette formalisation de la saisine est-elle importante ? Parce que c’est la condition pour améliorer les chances de la conciliation. C’est également la condition pour que le bureau de conciliation et d’orientation, dans le cas où le défendeur ne se présente pas, puisse, sur la base d’une demande dont l’objet a été suffisamment développé, statuer en l’absence du défendeur, dans le respect du contradictoire. Les textes réglementaires et les textes législatifs doivent répondre à la même logique.
Puisque j’ai l’occasion de vous interroger sur l’interprétation de l’article 58, une de ses dispositions pose des questions particulières en matière prud’homale. Je le cite : « Sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. » La question est de savoir, cette fois-ci, sur l’application combinée du nouveau texte réglementaire en matière prud’homale et de l’article 58 du code de procédure civile, s’il faudra, dans la saisine du conseil des prud’hommes, justifier des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. Cela risquerait de poser un problème puisqu’on saisit précisément le conseil des prud’hommes en sachant que l’on va devant le bureau de conciliation et qu’il y aura donc un formulaire préalable pour tenter de résoudre le litige à l’amiable. Peut-on donc considérer qu’on échappe à cette obligation dès lors que l’on est dans une matière qui l’exclut, ce que permet l’article 58 du code de procédure civile puisqu’il exclut, sans les définir, certaines matières, de l’obligation de justifier des diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable ?
Je suis désolé pour le caractère très technique de ces questions, mais je sens qu’elles vont immédiatement se poser dans les saisines. Je serais très satisfait qu’il puisse y avoir une interprétation assez rapide du texte, puisque le décideur, en la matière, c’est vous.
M. le président-rapporteur. Monsieur le garde des Sceaux, je vous propose de conclure cette audition en répondant à l’ensemble des questions posées, sans omettre l’une d’entre elles que je vous ai glissée au sujet des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation.
M. le ministre. Sur la postulation, pour répondre à M. Gilles Lurton, la situation n’est pas idéale sur tout le territoire. Elle dépend largement des capacités dont sont déjà dotées les structures existantes. Nous travaillons à la dématérialisation totale des transmissions en espérant l’atteindre vers 2018, afin que la pratique vertueuse que vous évoquez puisse trouver une déclinaison dans d’autres lieux. Ce n’est malheureusement pas le cas pour le moment.
Sur le plafonnement de la somme des émoluments des notaires pour certains actes, sujet évoqué à la fois par Mme Bernadette Laclais et par Mme Cécile Untermaier, j’ai entendu, comme vous, certaines craintes concernant la viabilité des offices ruraux. C’est une question qui est beaucoup évoqué, dans la mesure où certains de ces professionnels sont susceptibles de réaliser un certain nombre de ces transactions sans pouvoir les compenser par des actes portant sur des biens de plus grande valeur. Il va de soi que je n’ai pour le moment aucun recul sur les effets de cette disposition pour pouvoir étayer une analyse. L’objectif est d’établir un équilibre entre des préoccupations contradictoires et nous sommes dans un dispositif qui n’est pas encore totalement stabilisé, d’autant que les notaires sont très critiques, et c’est d’ailleurs une des raisons du recours qu’ils ont formé contre le décret tarifaire.
La question du fonds de péréquation est complexe. Ce fonds était une idée tout à fait intéressante, mais elle souffre aujourd’hui d’une vraie carence qui tient à la censure de son mode de financement par le Conseil constitutionnel. Comme celui-ci a censuré la disposition en question pour incompétence négative, nous sommes sans base législative pour organiser son financement. Il faut donc travailler sur la question. Le support que nous pourrions – que nous devrions – utiliser ne peut être que le projet de loi de finances pour 2017. Donc toutes les suggestions sont les bienvenues dans ce domaine, puisque personne ne remet en cause la pertinence du principe de ce fonds.
Vous m’avez demandé très précisément si les avocats participent au dispositif. Il est vrai que dans la mesure où le décret du 26 février porte sur les aides à l’installation et au maintien, il n’est pas prévu que les avocats puissent en bénéficier. Il n’est par conséquent pas prévu que les avocats participent au fonds.
La question de l’aide juridictionnelle est pour le moment en discussion avec la Conférence des bâtonniers, le Conseil national des barreaux, et le barreau de Paris. Nous avons des difficultés pour accorder nos agendas. Nous expliquons à nos interlocuteurs que si chacun n’y met pas du sien, nous finirons par n’avancer qu’avec ceux qui veulent avancer. Le climat est bon : nos interlocuteurs sont venus plusieurs fois à la Chancellerie et une nouvelle réunion se tiendra jeudi. Je n’aimerais pas que le nombre d’interlocuteurs à consulter devienne une source de ralentissement dans les discussions que nous avons avec eux.
S’agissant des avocats au Conseil d’État et à la Cour de Cassation, je vais être très précis. Vous m’avez demandé pourquoi ne pas adopter, pour eux, la même procédure de nomination que celle qui aura cours pour les autres professions. Plusieurs solutions ont été envisagées pour opérer un choix entre les différents demandeurs à une nomination dans un office d’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation créé ou vacant. Compte tenu du nombre limité de personnes remplissant toutes les conditions générales d’aptitude pour être nommées, la solution d’une commission a été privilégiée. Il faut, en effet, rappeler que cette commission n’a vocation qu’à opérer un classement entre des candidats qui répondent tous aux exigences requises pour obtenir leur nomination. En outre, afin de remédier aux éventuelles critiques ou suspicions « d’entre soi », la composition de la commission a été revue afin qu’il n’y ait plus désormais qu’un seul membre de la profession en son sein, accompagné d’un membre du Conseil d’État, d’un conseiller à la Cour de cassation, d’un avocat général à la Cour de cassation et du directeur des affaires civiles et du sceau ou de son représentant.
Autrement dit, font partie de cette commission des professionnels ayant la meilleure connaissance effective de la profession et de ses conditions d’activité. L’intervention d’une telle commission, apparue pertinente dès l’intervention du décret de 1991 et dont l’utilité a justifié son renouvellement encore très récemment – par le décret du 4 juin 2015 – même si elle n’a en pratique jamais officié, permet d’assurer un choix fin et rationnel entre les différentes demandes.
Enfin, il convient de souligner que cette commission n’aura aucunement à intervenir dans le processus décisionnel menant à la création de nouveaux offices, mais sera uniquement conduite à formuler un avis sur des candidatures, ce qui ne me liera en aucune façon dans le choix que j’aurai à faire en tant que ministre de la justice.
Je n’ai pas encore répondu à M. Denys Robiliard. Je vous remercie pour vos compliments sur l’accompagnement de la réforme prud’homale. C’est vrai que nous allons appuyer les neuf juridictions qui ont de vraies difficultés de stock, à cause de problèmes, non pas de juges, mais de greffes ou de salles. Nous allons dépenser 2 millions d’euros pour mobiliser davantage de personnels. La mission confiée à Mme Rostand a aussi été pensée pour que les mesures mises en œuvre soient connues et pleinement utilisées. Nous ne souhaitons pas créer d’outil pour ensuite les laisser sur l’établi, sinon nous risquerions de rencontrer les désagréments que nous connaissons dans d’autres domaines.
Vos autres questions sont très précises et j’ai bien peur de ne pouvoir vous répondre ici avec autant de précision. Si vous l’acceptez, je vous ferai parvenir un document écrit qui y répondra précisément. Je sais qu’il y a une forte attente et que nous sommes regardés. Je ne voudrais pas créer des incompréhensions liées à des approximations de ma part.
Sur la suggestion de Mme Cécile Untermaier de constituer un groupe de travail sur la question du fonds de péréquation, nous sommes évidemment disponibles pour entamer ce travail. Rien ne serait pire que de laisser ce fonds sans financement. Il faut l’alimenter. Nous avons quelques mois pour travailler sur cette question. Faisons-le vite.
M. le président-rapporteur. Je vous remercie monsieur le ministre. C’est avec plaisir que nous vous avons écouté répondre précisément à nos questions. Nous allons maintenant suivre avec attention l’évolution des travaux dont vous nous avez donné un échéancier prévisionnel. Nous nous permettrons de vous saisir à nouveau si nous le jugeons utile pour accompagner jusqu’à sa bonne fin l’application de la loi du 6 août 2015.
M. le ministre. Le Gouvernement est à la disposition du Parlement monsieur le président.
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Audition de M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, sur l’avis n° 16-A-13 du 9 juin 2016 relatif à la liberté d’installation des notaires et à une proposition de carte des zones d’implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices notariaux
M. Richard Ferrand, président-rapporteur. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui Monsieur Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence. Il est accompagné de Madame Virginie Beaumeunier, rapporteure générale, et de Monsieur Thomas Piquereau, rapporteur général adjoint en charge de l’unité « Professions réglementées ».
Monsieur le président, vous êtes déjà venu devant nous le 10 février dernier. Je vous remercie d’avoir accepté de revenir pour répondre à nos interrogations suite à la publication de l’avis de l’Autorité de la concurrence relatif à la liberté d’installation des notaires et à une proposition de carte des zones d’implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices.
Cet avis a été rendu le 9 juin, et j’observe que vous avez presque respecté la prévision que vous aviez faite devant nous en février, puisque vous nous indiquiez que votre objectif était de proposer une carte au cours ou à la fin du mois de mai – à peu de jours près, l’engagement a donc été tenu. L’Autorité a remis, dans un délai très court, un travail d’une très grande qualité : je tiens sincèrement à vous en remercier ainsi que vos équipes. Cet avis est solidement argumenté, et vous justifiez pas à pas les étapes de votre raisonnement : le choix des zones d’emploi de l’INSEE comme découpage de la carte, le choix du chiffre d’affaires par notaire comme indicateur pertinent du potentiel d’installation de nouveaux offices, etc.
La presse s’est fait l’écho d’une divergence d’interprétation de la loi entre l’Autorité et la Chancellerie. Cette dernière estime que la loi impose à vos recommandations de porter sur le nombre d’offices à créer, alors que vos recommandations portent sur le nombre de nouveaux notaires libéraux. Cette divergence pourrait conduire le Gouvernement à vous saisir à nouveau. Êtes-vous en discussion avec celui-ci sur cette question et quelle est votre analyse ? Comment pourriez-vous modifier vos recommandations si vous étiez saisi à nouveau ? Nous souhaitons que le Gouvernement approuve l’intégralité de votre avis, à la fois la carte et vos propositions, car une nouvelle saisine reviendrait à retarder encore la mise en œuvre de la loi – écueil bien français – alors que les jeunes professionnels sont légitimement impatients de pouvoir s’installer et d’exercer leur métier à un moment où l’immobilier – qui représente une part non négligeable de l’activité notariale – connaît une embellie tant en volume qu’en prix.
Dans l’avis, vous abordez également des questions pour lesquelles la loi et le décret n’apportent pas de réponses évidentes.
Que se passera-t-il dans les « zones vertes » une fois que vos recommandations auront été satisfaites ?
Comment traiter les candidatures multiples dans plusieurs zones ? Pensez-vous que le Gouvernement soit prêt à suivre votre suggestion de traiter les zones dans l’ordre d’examen que vous proposez, c’est-à-dire dans l’ordre décroissant du nombre de nouveaux notaires recommandés ?
Pensez-vous que, tel qu’il est rédigé, le décret soit vraiment adapté à des candidatures de notaires souhaitant s’associer dès le stade de la candidature ?
Que pensez-vous du tirage au sort prévu par le décret, alors qu’il ne figurait pas dans les avant-projets que nous avions reçus ? Pensez-vous notamment que le délai de 24 heures après l’ouverture de l’appel à candidatures prévu pour recourir à ce tirage au sort soit suffisant ?
Dans votre avis, vous insistez sur le fait que les « zones orange » sont des zones à installation contrôlée et non à installation interdite. La loi prévoit que, dans ces zones, le ministre doit recueillir votre avis avant de refuser une demande de création d’un nouvel office. Dans la mesure où la méthodologie que vous avez retenue dans l’avis ne vous a pas conduit à classer « vertes » ces zones, comment pourrez-vous procéder pour, le cas échéant, rendre néanmoins un avis favorable à une création ?
Lors de votre audition du 10 février, le décret tarifaire n’était pas encore sorti. Comme vous le savez, la solution finalement retenue par le Gouvernement est très différente de celle initialement choisie d’un raisonnement par profession et non acte par acte. L’Autorité a d’ailleurs émis un second avis en la matière ? Pouvez-vous nous rappeler l’analyse que fait l’Autorité sur le décret tarifaire tel qu’il a été publié, notamment sur la notion de « professionnel diligent » auquel le décret fait référence pour déterminer les coûts pertinents et la rémunération raisonnable de chaque acte ?
La procédure de l’article 52 de la loi ne concerne pas que les notaires. Travaillez-vous en ce moment à des propositions de cartes pour les huissiers et les commissaires-priseurs judiciaires ? Quand pensez-vous aboutir ?
Lors de votre audition de février, à une question portant sur les modalités de choix entre les candidats notaires à l’installation, vous estimiez que « plus les critères seront objectifs et impartiaux, plus la décision prise sera elle-même objective et à l’abri des pressions qui pourraient être exercées pour retarder ou influencer le choix du ministre de la justice. »
Je partage pleinement ce point de vue, et les dispositions du décret « installation » semblent correspondre à ces exigences.
Néanmoins, il est un domaine où ces exigences nous semblent totalement perdues de vue, c’est celui des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. En effet, le décret du 20 mai 2016 comporte deux dispositions qui nous semblent problématiques. D’abord, pour chaque demande de nomination, le garde des Sceaux recueille l’avis motivé du vice-président du Conseil d’État, du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette cour ; il peut également recueillir l’avis de l’Ordre. Ensuite, la nomination se fait après avis d’une commission présidée successivement par un conseiller d’État, un conseiller à la Cour de cassation et un avocat général à cette même cour qui classe les candidats par ordre de préférence.
Cette question me préoccupe beaucoup, ainsi que ma collègue Cécile Untermaier, et nous avons saisi sur ce point le ministre de l’économie et les deux ministres de la justice successifs. Nous ne comprenons pas pourquoi la solution de l’horodatage retenu pour les notaires ne l’a pas été concernant les avocats aux conseils. La Chancellerie nous objecte que c’est parce qu’il s’agira de petits nombres que cette solution d’une commission spécialisée peut être retenue sans dommage. Nous restons persuadés que c’est justement parce qu’il s’agit de petits nombres que la solution de l’horodatage – qui reste somme toute assez fruste – aurait pu être retenue sans inconvénient. Il nous semble donc que 1’ « entre-soi », que vous avez parfois relevé dans le notariat, est au moins aussi fort dans le monde des avocats aux conseils. Quelle est l’analyse de l’Autorité en la matière. Quand pensez-vous être en mesure de remettre les recommandations prévues par l’article 57 de la loi en matière de liberté d’installation des avocats aux conseils ?
Monsieur le président, vous avez la parole.
M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence. Je vous remercie des mots que vous avez utilisés pour saluer le travail de l’Autorité de la concurrence. Ils contrastent avec les critiques de ceux qui nous reprochent d’avoir confondu un office notarial avec un supermarché et qui, en réalité, n’ont pas vraiment lu notre avis : nous savons faire la différence entre un office notarial est un supermarché, qui n’obéissent pas au même mode de fonctionnement.
Je répondrai d’abord à vos questions sur l’ensemble des professions réglementées du droit et sur la réforme tarifaire, avant d’aborder la présentation plus technique de l’avis de l’Autorité daté du 9 juin et de notre complément du 1er juillet visant à résoudre la difficulté juridique soulevée par le garde des Sceaux et qui retardait la publication de l’arrêté qui va définir la carte d’installation des notaires, conformément à notre proposition.
En ce qui concerne les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice, nous allons publier la carte a priori en octobre. Mais dans la mesure où une ordonnance prévoit la fusion de ces deux professions, nous allons publier une carte spécifique pour chacune de ces professions, puis nous ferons des propositions concernant la nouvelle profession de commissaire de justice qui résulte de cette fusion.
En ce qui concerne les avocats au Conseil d’État et à la cour de cassation, nous n’avons pas de carte : nous devons proposer une évolution du nombre d’offices qui nous paraît souhaitable. Nous sommes en cours d’instruction : nous avons demandé toute une série de données comptables et financières à la présidente de l’Ordre. Nous consultons actuellement les deux cours suprêmes, le Conseil d’État et la Cour de cassation, pour voir comment le contentieux va évoluer. Le Conseil d’État juge environ 10 000 affaires par an et la Cour de cassation 40 000, ce qui est beaucoup par rapport à la moyenne des cours suprêmes en Europe qui s’orientent toutes vers une sélection plus nette des contentieux. À la différence de l’activité notariale, qui ne va pas faiblir, l’activité des avocats aux conseils va dépendre des décisions prises par les cours suprêmes qui risquent d’imposer un filtrage plus sévère des affaires. L’idée est de rendre un avis courant septembre.
En ce qui concerne les notaires, je suis désolé de ne pas avoir tenu ma promesse – j’avais dit au plus tard fin mai –, mais la raison est très simple : le collège de l’Autorité de la concurrence doit s’adjoindre deux personnalités supplémentaires lorsque nous examinons les projets relatifs à l’installation des professionnels du droit ; or le décret n’a été publié que le 1er juin 2016, nous devions l’attendre pour réunir les membres du collège. L’Autorité s’est donc réunie le 7 juin en présence de ces deux personnalités, Monsieur Jean-François Bohnert, Procureur général près la Cour d’appel de Reims, et Mme Patricia Phené, haute fonctionnaire en charge de l’égalité entre les hommes et les femmes, l’un des objectifs de la loi étant de promouvoir l’égalité hommes-femmes.
Je reviens sur la réforme tarifaire. Pour moderniser une profession réglementée, il y a trois variables possibles.
La première est le périmètre. Le choix du Gouvernement et du Parlement a été de ne pas toucher au périmètre de la profession : le monopole dont dispose les notaires n’a donc pas été modifié.
La deuxième variable est la modernisation des tarifs pour les rapprocher de la réalité des coûts. La réforme tarifaire a épargné les notaires : il leur est demandé un effort général de baisse des prix de 2,5 %. Vous avez évoqué, Monsieur le président, l’explosion des prix de l’immobilier, notamment dans les centres urbains. Ces 2,5 % se partagent entre, d’une part, une baisse en moyenne de 1 à 1,40 % des émoluments perçus lors des transactions immobilières, ce qui est plus que supportable par la profession, et, d’autre part, l’écrêtement à 10 % des émoluments notariaux pour des petites transactions, mesure qui avait été évoquée lors des débats parlementaires.
Aujourd’hui, des parcelles rurales ou forestières ne sont pas regroupées ou échangées parce que le coût de réalisation de l’acte excède la valeur de marché du bien. Pour encourager la mobilité du foncier, cet écrêtement à 10 % des émoluments perçu par les notaires va permettre la rémunération fixe de 90 euros pour la rédaction de l’acte et va impacter la rémunération des notaires pour les actes inférieurs à 11 400 euros. Les notaires ont introduit un recours devant le Conseil d’État pour contester la légalité de cette disposition. Personnellement, je défends cette mesure : elle est équitable, elle est la contrepartie d’une concession très forte faite par le Parlement en imposant la proportionnalité des tarifs au-dessus d’un certain seuil de transaction. Et c’est là, soyons honnêtes, qu’est la rente : c’est pour les transactions les plus élevées que le coût de réalisation de l’acte ne correspond pas à la valeur de la transaction.
Ainsi, le dispositif de péréquation que vous avez mis en place permettra de prélever auprès des offices urbains les plus rentables une part de la rémunération qui viendra compenser la part des transactions moins rentables qui sont souvent le lot d’une partie des offices ruraux. S’agissant des actes inférieurs à 11 400 euros, je doute qu’ils représentent l’essentiel des transactions faites par un office où que ce soit en France. Si certains offices sont exposés plus que d’autres, la loi permet une indemnisation en cas de préjudice anormal invoqué par le professionnel, du fait de la part représentée par ces petites transactions dans l’ensemble des activités économiques de son office.
Le Conseil d’État, en examinant le projet de décret, a exigé que le tarif reflète la réalité des coûts acte par acte et permette de dégager acte par acte une rentabilité minimale compte tenu de l’investissement à la fois humain et en capital réalisé par le notaire. Ce n’était pas notre proposition : nous nous sommes inclinés devant cette exigence juridique qui imposera au notariat un énorme effort pour réaliser une comptabilité analytique et transmettre des données microéconomiques dont nous allons avoir besoin pour vérifier le coût réel de chaque acte, ce qui ne sera pas un travail facile. En effet, pour une transaction immobilière, par exemple, le coût acte par acte peut varier, non pas tant en fonction de l’importance financière de la transaction, mais parce que des difficultés pourront surgir au cas par cas dans tel ou tel dossier : existence d’un mineur sous tutelle, indivision, etc. Ainsi, la balle est dans le camp des études notariales : nous ne pourrons faire ce travail que si nous avons des données claires et fiables.
Je reviens à la carte, qui me paraît être le vrai départ de la dynamique attendue. Quels sont les enjeux de l’installation dans le secteur du notariat ?
Aujourd’hui, la capacité d’accueil de la profession ne permet pas un renouvellement dynamique susceptible de permettre à la fois le renouvellement démographique et la modernisation des modalités de l’exercice de la profession.
De 2005 à 2014, la profession a connu une remarquable stabilité, avec une croissance en moyenne de 1,4 % sur dix ans et un rapport de un à cinq entre sortants et entrants. Le problème est que l’essentiel des notaires diplômés se voit intégré comme notaires salariés, leur nombre ayant quadruplé sur la même période. Ils sont donc notaires assistants, non assermentés, il leur faut parfois dix ans avant de prêter serment, ils sont souvent mal payés, sans perspectives, alors que leur souhait est d’exercer leur métier en toute indépendance, de créer un office et de s’installer. En outre, la constitution d’offices se fait le plus souvent par cession et présentation d’un successeur à titre onéreux. Toujours sur la même période, nous avons observé en moyenne une création pour quinze cessions. La méthode d’accès au notariat consiste donc à être présenté par un notaire comme successeur et de payer ce droit de présentation pour pouvoir lui succéder.
Ainsi, à côté d’un problème récurrent de capacité d’absorption des diplômés notaires, s’ajoutent des perspectives restreintes pour les notaires salariés qui ne peuvent pas accéder à l’exercice libéral. Soyons clairs : cette immobilité a été un peu souhaitée par la profession qui n’a pas tenu sa promesse faite en 2008 de porter le nombre de notaires libéraux à 12 000 en 2015. La profession est actuellement fortement impliquée dans le processus de nomination dans des offices à créer ou vacants : cette autorégulation cherche à protéger l’existant plutôt que de donner leur chance à de nouveaux entrants.
Nous avions mis en exergue ces limites. Dans votre rapport d’octobre 2014 Professions réglementées : pour une nouvelle jeunesse, Monsieur le président, vous aviez dressé le même constat. J’espère que notre avis du 9 juin marquera le départ d’une vraie dynamique de changement.
La loi du 6 août 2015 distingue deux types de zones. Les zones à installation libre, où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services et dans lesquelles les candidats pourront demander au garde des Sceaux de créer une étude dans la limite d’un nombre proposé par l’Autorité de la concurrence et arrêté par les ministres de la justice et de l’économie. Ce sont les fameuses « zones vertes » de notre carte. Dans les autres, les « zones orange », la création d’un office sera possible, sauf refus motivé opposé par le garde des Sceaux après avis de l’Autorité de la concurrence. Le motif qui pourra être invoqué est le fait que la création porterait atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants et pourrait compromettre la qualité du service rendu.
Un décret publié le 26 février a fixé les critères qui doivent présider à l’élaboration de la carte. Ces critères concernent à la fois l’offre de prestations salariales – nombre d’offices existants, chiffre d’affaires, âge des professionnels en exercice – et la demande de prestations notariales : population, localisation des usagers, évolution des marchés immobiliers, nombre de mariages et de décès.
Aussi bien le Conseil constitutionnel que vos propres travaux parlementaires ont insisté sur le pragmatisme et la progressivité qui doivent présider à nos travaux. Par conséquent, nous n’avons pas « décrété » les besoins de la profession pour dix ans : nous allons revoir tous les deux ans nos propositions pour les ajuster à la réalité, en particulier en fonction des candidatures que suscitera cette ouverture. Pour autant, il ne faut pas mettre en péril les offices existants, notamment dans les zones rurales, ce qui nécessite du doigté, du pragmatisme donc, ce que nous efforçons de faire.
Pour constituer la carte, nous avons été guidés par trois objectifs.
Le premier est de renforcer le maillage territorial, autrement dit, de corriger les déséquilibres nés d’un certain immobilisme de la profession. Malgré une densité de notaires a priori satisfaisante dans notre pays, l’offre notariale est insuffisante dans certains endroits parce que les populations se sont déplacées et les activités économiques ont évolué. L’implantation des notaires est assez forte dans le Sud-Ouest, en Normandie ou dans les Alpes, alors qu’elle est assez faible en Ile-de-France, notamment à la périphérie de l’agglomération parisienne, ainsi que dans l’Est et dans le Nord. À titre d’exemple, pour 100 000 habitants, il y a 21 notaires dans l’Aveyron, contre 5 en Seine-Saint-Denis, département dynamique où le besoin de prestations notariales est aussi important que dans les autres départements.
Le deuxième objectif est d’offrir des perspectives aux jeunes diplômés salariés qui n’attendent qu’une chose : s’installer à leur compte et créer un office. Au surplus, l’installation de jeunes professionnels renvoie à un enjeu de modernisation de la profession. Nous avons reçu quantité de mails, de lettres, d’appels téléphoniques de jeunes notaires salariés nous expliquant qu’ils sont prêts à s’installer dans une zone difficile où la rentabilité ne sera pas garantie dès la première année, mais qu’ils vont mutualiser leurs coûts fixes, mettre en place des outils numériques, faire des remises tarifaires jusqu’à 10 % comme le permet la loi. En termes de qualité, d’innovation et de prix, les Français auront tout à gagner à ces créations d’offices différentes de celles des « anciens » notaires.
Le troisième objectif est d’ouvrir la profession sans pour autant menacer la viabilité des offices existants, notamment dans les régions rurales. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes fondés, pour déterminer le potentiel d’activité notariale, sur les estimations du notariat lui-même selon lesquelles un office est difficilement rentable en dessous de 300 000 euros de chiffre d’affaires, mais doit supposer l’association au-dessus de 600 000 euros. Nous avons donc retenu une valeur moyenne de 450 000 euros.
Nous n’avons pas voulu créer notre propre carte : nous avons voulu retenir une granularité qui s’inspire de l’atlas des zones d’emploi de l’INSEE qui photographie les déplacements professionnels des Français. Les Français vont voir leur notaire, non pas toutes les semaines ou tous les mois, mais cinq à dix fois dans leur vie : ils sont prêts à faire 20, 50 voire 100 kilomètres pour le rencontrer. Sur la base de ces zones d’emploi, nous avons défini 307 zones, en tenant compte à la fois du fait que la « loi Macron » n’est pas applicable en Alsace-Moselle et en regroupant certaines circonscriptions dans les départements d’outre-mer pour assurer une présence notariale dans certaines zones. Sur ces 307 zones, nous en avons identifié 247 qui peuvent être classées dans les zones d’installation libre, où nous avons défini un besoin de création de 1 650 professionnels libéraux à un horizon de deux ans, soit une augmentation en moyenne de 20 % – augmentation répartie zone par zone comme le prévoit la loi. Ainsi, notre avis comporte autant d’annexes que de zones envisagées puisque nous avons réuni pour chacunes d’elles toutes une série de données pertinentes pour mesurer l’offre et la demande : la population et son évolution, l’activité économique, le nombre de décès, le nombre de mariages, l’importance moyenne du patrimoine, le nombre de transactions immobilières, l’âge des professionnels, le nombre d’offices, etc. Cette vision très fine de la démographie notariale et des besoins pour les deux ans à venir est très proche de l’ensemble des critères que nous avons combinés. Et nous nous sommes aperçus que ces critères sont fortement corrélés à l’évolution de la population : il existe en général un lien entre population, activité économique et besoin de prestations notariales.
Notre proposition n’est pas un pari fou sur l’avenir, mais une estimation raisonnable qui est même en deçà des promesses faites par la profession elle-même en 2008. Nous sommes prêts à revoir la situation zone par zone dans deux ans et s’il, le faut, nous raffinerons notre analyse en fonction des éléments que nous aurons pu collecter. Ce faisant, nous pourrons guider progressivement une ouverture maîtrisée de la profession qui colle aux besoins des Français et donne enfin des perspectives aux jeunes diplômés.
Au-delà de la carte, nous avons formulé des recommandations pour accompagner cette ouverture, comme l’a prévu le législateur. Ces recommandations portent sur l’impartialité et l’objectivité du processus, la nécessité d’éviter la création par la profession de nouvelles barrières à l’entrée et, à cet égard, nous serons sensibles à l’accès des jeunes diplômés aux mécanismes de financement et de caution qui sont souvent dans les mains des professions. L’Autorité est prête à utiliser ses moyens d’enquête pour disséquer toute entrave artificielle qui serait mise à la liberté d’installation voulue par le législateur.
Nous avons aussi fait des recommandations visant à assurer l’égalité hommes-femmes et à donner toutes leurs chances aux jeunes.
Nous avons également recommandé de traiter l’exception de l’Alsace-Moselle, où paradoxalement l’offre notariale est la plus concentrée et les revenus par tête sont les plus importants. Ne faut-il pas traiter cette région qui a échappé à la régulation mise en place par la loi ?
Je reviens sur un point que vous avez abordé, Monsieur le président : le hiatus qui pourrait exister entre le nombre de professionnels libéraux et le nombre d’offices qui fait l’objet de la régulation administrative mise en place par le garde des Sceaux. De notre point de vue, il n’y a pas de difficulté juridique, et la loi que vous avez adoptée est claire en distinguant deux exercices successifs.
D’abord, il existe une régulation quantitative qui fait l’objet d’un arrêté interministériel pris sur la base de la proposition de l’Autorité de la concurrence et qui va orienter l’offre de prestations notariales. Or cette régulation quantitative ne peut être exprimée qu’en nombre de professionnels libéraux, car nous ne pouvons pas préjuger le choix individuel des candidats : dans certaines zones, ils choisiront d’exploiter un office à titre individuel et, dans d’autres, de s’associer avec d’autres candidats notaires pour gérer l’office qu’ils veulent créer. D’autre part, quand nous parlons de garantir un chiffre d’affaires minimal par tête, c’est bien encore une fois avec à l’esprit le nombre de professionnels libéraux ; le chiffre d’affaires par office ne veut rien dire. D’ailleurs, que ce soit pour les notaires ou les avocats aux conseils, l’intention du législateur a été de mettre en place une régulation quantitative exprimée en nombre de professionnels, et le terme est même employé dans la loi : nous devons faire des recommandations qui assurent une augmentation progressive du « nombre de professionnels ».
Ensuite, il existe une régulation administrative dans les mains du garde des Sceaux qui va titulariser ces professionnels dans des offices. Il va titulariser soit des professionnels exerçant à titre individuel, soit des sociétés résultant de l’association de notaires. Je prends l’exemple d’une zone où le besoin est de sept professionnels libéraux supplémentaires : s’il existe sept candidatures individuelles, le quota sera épuisé lorsque sept créations d’office seront autorisées ; si deux notaires souhaitent créer un office à titre individuel et cinq notaires s’associer pour créer un office, là encore le quota sera épuisé lorsque ces sept professionnels libéraux supplémentaires auront créé un office, soit seuls, soit en commun.
Nous avons expliqué la combinaison de ces deux exercices successifs dans une notice explicative que nous avons adoptée dans la même formation collégiale du 1er juillet. Cette délibération, que je vous remets, Monsieur le président, a été adressée au ministre de l’économie, au garde des Sceaux et au Premier ministre pour démentir l’existence d’une difficulté juridique, ou d’un hiatus. Il nous semble que la loi est claire à ce sujet. Ainsi, tous les éléments sont réunis pour permettre au garde des Sceaux et au ministre de l’économie de publier rapidement l’arrêté sur la base de notre proposition.
M. le président-rapporteur. Est-il raisonnable d’espérer que les arrêtés soient pris d’ici au 14 juillet ?
M. Bruno Lasserre. C’est l’assurance que m’ont donnée les deux ministres. Aucune demande de délibération nouvelle n’a été formulée auprès de l’Autorité à ce jour.
M. Patrick Hetzel. Page 106 de votre avis, vous écrivez que « les évolutions législatives récentes n’ont pas modifié les règles de nomination des notaires des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle » ; ce faisant, vous reconnaissez la volonté du législateur. Par contre, vous ajoutez au paragraphe 447 que « l’Autorité s’étonne du maintien d’un tel dispositif » ; or là, permettez-moi de dire que vous outrepassez votre rôle : vous n’êtes pas législateur.
Au paragraphe 443, vous évoquez « un entre-soi susceptible de verrouiller l’accès à la profession. » Je trouve inquiétant que vous vous contentiez de formuler une telle hypothèse : cette profession est bien plus ouverte que vous ne l’écrivez.
Enfin, au paragraphe 442, vous écrivez que « l’absence de droit de présentation apparaît plus méritocratique ». C’est méconnaître la spécificité de ces trois départements. Vouloir isoler cette question de celle du droit local relève d’une erreur d’appréciation.
M. Gilles Lurton. L’écrêtement des émoluments à 10 % vise à augmenter le nombre des petites ventes face au frein de frais de notaires trop élevés. À mon avis, une étude très précise devrait être menée sur l’évolution en volume de ces petits actes et sur l’évolution du chiffre d’affaires des études notariales ; Monsieur Macron est lui-même demandeur d’une telle étude. Je n’ose penser que cette mesure n’entraîne un regroupement des petits actes dans des études rurales et que les plus grosses se consacrent aux affaires plus importantes puisqu’il y a une obligation d’instrumenter pour tous les notaires. Comme me l’ont dit des notaires d’études rurales de ma circonscription, les petits actes n’ont pas tellement augmenté et en la matière le travail est aussi fastidieux que pour un acte important et le paiement très peu rémunérateur.
M. Jean-Yves Caullet. Merci, Monsieur Lasserre, pour ce travail très important.
Vous évoquez l’effet de la baisse de la rémunération sur le volume des petits actes. Il est vrai que ces transactions ne se font pas. Si le frein du montant de la rémunération du notaire est levé, celui des droits de préférence sur la moindre parcelle forestière ne l’est pas. Faute de lever ce deuxième frein, il y aura des contournements – via des donations, etc. –, voire la tentation pour les opérateurs fonciers comme les collectivités locales de proposer au notaire un marché consistant à faire une seule transaction ou des transactions au prix tarifé, mais d’être rémunéré autrement pour la prestation intellectuelle relative à la purge du droit de préférence.
Certes, le maillage INSEE est globalement rationnel, mais il correspond par endroits à des nécessités d’organisation qui ne sont pas forcément d’une grande rigueur. Sur votre carte des zones d’installation, je vois sur mon territoire une « zone orange » autour d’Avallon, parfaitement justifiée, et une « zone verte » sur tout l’Auxerrois, mais qui inclut la région de Tonnerre où il n’y a qu’un seul notaire et qui était dans la même zone INSEE qu’Avallon il y a quelques années. Ce maillage ne risque-t-il pas d’induire une disparité entre la ville d’Auxerre dont le potentiel est ainsi diffusé sur une zone très vaste ? Autrement dit, la zone rurale ne risque-t-elle pas d’être fondue dans quelque chose qui ne la concerne pas vraiment ?
Mme Cécile Untermaier. Monsieur Lasserre, je vous remercie de ce travail remarquable : vous avez su donner la mesure de ce qu’on est capable de faire dans la haute administration.
Vous l’avez dit, le dispositif sera adapté tous les deux ans grâce à des rectifications. Cette démarche pragmatique et intelligente doit nous rassurer au regard des objectifs de la loi, en particulier vis-à-vis des jeunes qui souhaitent s’installer. Cela est très important.
Les petits actes doivent pouvoir être réalisés à un coût qui permet aux transactions de se faire. Je ne suis pas sûre que l’écrêtement suffise, dans la mesure où les émoluments du notaire ne sont qu’une partie du prix : il faudrait travailler sur le coût total de la transaction.
Beaucoup de notaires ruraux m’ont dit que les tarifs tels qu’ils ont été adoptés favorisent les grosses études et pénalisent les petites, ces dernières réalisant davantage de petits actes. Avez-vous des indications à nous apporter en la matière ?
Vous avez évoqué les émoluments proportionnels qui, à partir d’un certain niveau, devraient venir alimenter le fonds de péréquation. D’après les informations que j’ai obtenues du garde des Sceaux et d’Emmanuel Macron, on s’orienterait plutôt vers une taxe assise sur le chiffre d’affaires, et non plus vers des émoluments proportionnels à partir d’un certain niveau de transaction, comme l’a voulu le législateur. Que pensez-vous d’une taxe assortie de taux de taxation appliqués à une liste d’actes à émoluments proportionnels pour alimenter le fonds de péréquation ?
Certaines études ne font jamais les actes qu’elles jugent non rentables. Comment vérifier que l’obligation d’instrumenter est bien respectée ?
La loi a mis fin à l’habilitation de nouveaux clercs dès sa promulgation, considérant ce dispositif non viable et a prévu que les habilitations existantes à cette date continueraient à s’appliquer jusqu’au 1er août 2016. En revanche, le Gouvernement a proposé que les clercs habilités puissent continuer à exister jusqu’au 31 décembre 2020. Quels effets pensez-vous qu’une telle mesure puisse avoir sur l’installation des jeunes notaires ?
Mme Véronique Louwagie. Selon votre carte, 80 % des zones d’installation sont libres et les 20 % restants sont des zones pourvues. Je trouve cette carte étonnante, en tout cas pour ce qui est de mon département de l’Orne.
Vous indiquez, à juste titre, que le choix du mode d’exercice appartient au professionnel. Il faut savoir que ces professionnels, qui gèrent des fonds pour autrui, exercent de plus en plus sous un mode sociétal car cela permet un autocontrôle au niveau de la profession qui promeut ainsi fortement ce mode d’exercice. Je m’étonne que votre avis n’aborde pas ce point, car l’exercice individuel d’une profession qui continue à évoluer ne me semble pas être la logique à suivre pour l’avenir. Qu’en pensez-vous ?
M. le président de l’Autorité de la concurrence. Monsieur Hetzel, nous n’avons pas outrepassé notre rôle en nous substituant au législateur. La loi du 6 août 2015 exclut les départements d’Alsace-Moselle : notre carte exclut ces trois départements et nous n’avons fait aucune proposition chiffrée les concernant. En revanche, l’article 52 invite l’Autorité à faire des recommandations pour accompagner la proposition de carte : c’est au titre de ces recommandations, qui ne lient ni le législateur ni le Gouvernement, que nous avons proposé de ne pas oublier les départements d’Alsace-Moselle. En effet, entre 2010 et 2014, le chiffre d’affaires moyen par notaire libéral est de 901 112 euros dans les départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, contre une moyenne nationale de 760 844 euros, alors que la moyenne du chiffre d’affaires par office est plus faible dans ces départements que la moyenne nationale. Le résultat par notaire libéral est également plus élevé dans ces départements que dans le reste de la France. La densité notariale est de 9 seulement dans ces départements, contre 15 sur le reste du territoire. Voilà pourquoi nous invitons le législateur à tirer les conséquences de cette situation ; en aucune manière nous n’entendons traiter cette question.
D’autre part, le système applicable, vous avez raison, est plus méritocratique qu’ailleurs ; ce n’est pas une apparence, mais une réalité. Le problème est que nous avons constaté qu’il avait conduit à un certain malthusianisme, comme le montrent les chiffres que je viens de vous citer. Sans doute n’a-t-on pas créé assez d’offices dans ces départements par rapport aux besoins, sachant que la demande de prestations notariales y est en moyenne équivalente à celle des autres départements français. C’est simplement cela que nous avons voulu dire : peut-être faut-il se pencher plus spécifiquement sur ces départements, où nous attendons la même dynamique que dans les autres territoires couverts par notre carte.
Monsieur Lurton, je suis mille fois d’accord avec vous : il faudrait mesurer l’impact étude par étude de l’écrêtement à 10 % des émoluments notariaux pour les petits actes. Dans notre évaluation du nombre de notaires supplémentaires zone par zone, nous avons tenu compte de l’impact de cette réforme tarifaire au regard du chiffre d’affaires garanti à chaque professionnel. En revanche, nous n’avons pas pu intégrer ces chiffres étude par étude, chiffres que le Conseil supérieur du notariat (CSN) a refusé de nous communiquer, en arguant qu’il les produira dans le cadre du recours contentieux devant le Conseil d’État. Nous ne pourrons donc faire cette évaluation ex post qu’avec la pleine collaboration des instances professionnelles.
Monsieur Caullet, vous avez complètement raison : le plafonnement des émoluments ne suffira pas à lever les obstacles à la mobilité du foncier, qu’il s’agisse de parcelles rurales ou de parcelles forestières. Vous avez évoqué les droits de préférence à purger, qui ont un coût. Je citerai aussi les droits d’enregistrement : si les petites transactions doivent être encouragées pour regrouper et gérer plus efficacement des parcelles rurales ou forestières, pourquoi le législateur n’adapterait-il pas le montant de ces droits d’enregistrement pour lever le frein à la mobilité du foncier ?
Madame Louwagie, Monsieur Caullet, vous trouvez que notre carte ne reflète pas ce que vous vivez dans votre circonscription, ce que je comprends parfaitement. Je connais bien l’Yonne, mais moins bien l’Orne (Sourires). Nous avons voulu nous raccrocher à une cartographie existante, car il aurait été impossible de construire une cartographie spécifique pour l’offre et la demande de prestations notariales. Les notaires eux-mêmes ignorent parfois l’origine géographique de leur clientèle : un office notarial n’a pas de compétence géographique, il peut traiter des actes venant de toutes les régions, et le vendeur est souvent une famille dont les membres sont éparpillés sur tout le territoire.
Madame Untermaier, vous l’avez redit : notre exercice est un point de départ, nous n’entendons pas avoir atteint la perfection aujourd’hui. Nous allons voir si les candidatures sont au rendez-vous, si des jeunes diplômés s’installent, s’ils réussissent leur projet – nous ne forçons personne à aller dans les zones où les besoins ne sont pas satisfaits. Sur la base de ce formidable retour d’expérience, nous nous pencherons tous les deux ans sur cette carte pour l’adapter à la hausse ou à la baisse. Faites-nous confiance : loin de faire une cartographie à la soviétique, nous allons continuer à nous inscrire dans une approche pragmatique et progressive, comme vous l’avez souhaitée.
Madame Louwagie, vous avez raison d’évoquer l’exercice en commun. Certains notaires spécialisés dans les baux ruraux et d’autres sur tel ou tel aspect ont intérêt à mettre en commun leur savoir-faire. Sur le plan économique, il peut aussi être intéressant de mutualiser les coûts fixes relatifs aux locaux, au personnel, aux outils informatiques. En revanche, dans certaines zones, nous ne recommandons que la création d’un ou deux professionnels supplémentaires, et il est difficile de préjuger que l’installation se fera sous la forme d’une société : ce sont plutôt des candidats individuels qui vont créer une étude dans ces zones.
Nous avons entendu le Conseil supérieur du notariat, la Chambre des notaires de Paris, la Chambre des notaires de Champagne-Ardenne, mais nous avons aussi entendu des jeunes notaires diplômés salariés qui souhaitent s’installer. Ces jeunes ont une vision nouvelle de leur métier : ils veulent innover, mettre en commun les outils numériques, partager un secrétariat à distance. Autre exemple : un notaire qui proposerait un outil de suivi en temps réel de la progression d’un dossier de vente apporterait un plus à ses clients : les gens qui doivent vendre un bien avant d’en acheter un autre ressentent un stress car ils ont besoin de savoir où en est la vente de leur bien avant d’acheter un appartement ou une maison. Ainsi, les manières d’innover, de se différencier, permettront de renouveler l’offre notariale, sans forcément créer une société.
Madame Untermaier, l’obligation d’instrumenter renvoie à un problème de discipline. Au travers de nos recommandations, nous disons clairement que cette discipline ne pouvait en 2016 passer seulement par l’autorégulation. Beaucoup de professionnels comme les médecins ont un mécanisme de commission de discipline qui repose en grande partie sur le jugement par les pairs, mais la présidence des commissions est assurée par des magistrats, ce qui n’est pas le cas pour les notaires. Nous nous sommes demandé si une régulation plus distante de la profession ne serait pas plus efficace : l’expertise des professionnels est nécessaire pour juger le comportement de ses pairs, mais une certaine objectivité n’est pas de trop pour exercer cette surveillance.
Sur la péréquation, je vous suis dans votre raisonnement. La loi a fait une concession majeure, contre-intuitive sur le plan économique, qui consiste à imposer la proportionnalité pour les transactions les plus importantes au-dessus d’un seuil quantitatif. Personnellement, cela me paraît être le bon moyen d’alimenter la péréquation entre offices, du fait de la moindre rentabilité dégagée par les offices ruraux qui, eux, ne bénéficient pas à plein de la proportionnalité parce que les transactions moyennes y sont plus faibles que dans les centres urbains.
Sur les clercs habilités et sur la situation de l’Yonne et de l’Orne, je laisse M. Piquereau répondre.
M. Thomas Piquereau, rapporteur général adjoint en charge de l’unité « Professions réglementées ». Sur les clercs habilités, un amendement est en débat pour repousser la limite de la fin de l’habilitation de plusieurs années. Nous avons constaté un certain nombre de nominations de notaires salariés résultant de la première cible fixée par le législateur qui incitait les notaires en place à demander la titularisation en tant qu’associés de leurs clercs habilités. La représentation nationale semble vouloir modifier cette date, ce qui permettra une transition plus souple pour ces professionnels qui n’ont pas eu le temps au cours de l’année écoulée d’acquérir les qualifications pour pouvoir être nommés notaires salariés.
En ce qui concerne la situation de chacune des zones dans l’Yonne ou dans l’Orne, il faut s’en remettre à l’annexe 4 de l’avis de l’Autorité de la concurrence qui comporte 307 examens des zones d’installation. Je dois avouer que je ne connais pas par cœur la situation de chacune des 307 zones, mais nous pourrons vous transmettre individuellement cette information sur les zones situées dans vos circonscriptions respectives : vous verrez que les nombreux critères prévus par le décret ont été repris dans cette annexe en présentant à la fois le chiffre brut et le classement par rapport aux 306 autres zones du territoire.
Mme Virginie Beaumeunier, rapporteure générale. L’INSEE revoit régulièrement les zones d’emploi de son atlas, en cas de changements dans les trajets travail-domicile. Nous les prendrons naturellement en compte à chaque révision ultérieure de la carte.
M. le président de l’Autorité de la concurrence. D’où l’avantage de notre cartographie qui évoluera tous les deux ans en photographiant une réalité que l’INSEE est elle-même chargée d’ajuster année après année.
M. le président-rapporteur. Je reviens sur les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. J’aimerais connaître votre sentiment sur la différence entre l’approche du décret et celle du législateur qui avait retenu la même que pour les notaires.
M. le président de l’Autorité de la concurrence. Nous n’avons pas été consultés sur le décret que vous avez cité ; nous n’avons donc pu émettre un avis.
L’augmentation régulière du nombre des avocats aux conseils en petit nombre, et non pas en bataillon, doit-elle amener à changer les critères ? Soyons clairs : l’installation de nouveaux professionnels se fait plus par l’association à des offices existants que par la création ex nihilo d’offices nouveaux. Pour s’associer à de nouveaux professionnels, il faut une rencontre avec ceux qui sont en place : il faut une adhésion à un projet, à une culture.
Quant à la commission prévue dans le décret, je suis d’autant plus gêné pour répondre que j’ai présidé pendant un an la commission chargée d’examiner les candidatures. À l’époque, j’étais au Conseil d’État : je peux vous dire en toute connaissance de cause qu’elle est présidée par un magistrat alternativement du Conseil d’État et de la Cour de cassation, et je n’ai pas le sentiment qu’elle fasse reposer ses choix sur des critères subjectifs.
Nous allons publier, et je vous l’enverrai dès que notre avis sera rendu, un diagnostic le plus précis possible sur l’évolution du nombre des avocats aux conseils. Pour ce faire, nous allons regarder si, comme pour les notaires, nous constatons un immobilisme ou au contraire une évolution. Faites-nous confiance : nous remplirons avec le même soin la mission que vous nous avez confiée. Et je suis prêt à revenir devant vous en octobre ou novembre pour vous rendre compte de ces nouvelles étapes pour les avocats aux conseils, pour les huissiers de justice et pour les commissaires-priseurs judiciaires.
M. le président-rapporteur. Notre confiance vous est acquise. C’est avec plaisir que nous vous inviterons à nouveau en fin d’année.
Merci à vous et à votre équipe pour ce travail.
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Audition de MM. Pierre Berlioz, conseiller au cabinet du garde des Sceaux, et François Connault, sous-directeur des professions judiciaires et juridiques au ministère de la justice
M. le président Richard Ferrand, rapporteur. Depuis la parution du premier rapport d’étape de notre mission en mars 2016, nous avons continué nos travaux, notamment en auditionnant le garde des Sceaux en mai dernier, et le président de l’Autorité de la concurrence en juillet.
Depuis, l’actualité est restée riche s’agissant de l’application de la « loi Croissance », en particulier de son volet concernant les professions réglementées du droit. Je pense notamment au dossier de la création de nouveaux offices de notaires. La presse a même cruellement évoqué « l’autopsie d’une réforme avortée ».
Pour quitter le champ de la médecine légale et donner corps à la réforme que nous avons votée, j’ai souhaité faire un dernier point sur ce dossier.
Pour des raisons d’agenda, le garde des Sceaux n’était pas disponible, et je me félicite qu’il nous ait autorisés à entendre son conseiller en charge de ce dossier, et les services compétents de la Chancellerie. Je suis donc heureux d’accueillir M. Pierre Berlioz, conseiller au cabinet du garde des Sceaux, en charge du droit des obligations, du droit économique et des professions. Il est accompagné de M. François Connault, sous-directeur des professions judiciaires et juridiques, qui supplée Mme Carole Champalaune, directrice des affaires civiles et du sceau, empêchée.
Avec ma collègue Mme Cécile Untermaier, nous avions écrit au ministre à la fin du mois de novembre pour faire part de notre surprise, et de l’émotion suscitée chez les jeunes diplômés, suite à la parution de deux décrets – l’un en juin, l’autre en novembre – autorisant les sociétés associant des notaires à être titulaires de plusieurs offices. Cette possibilité nous semble résulter de la seule initiative du pouvoir réglementaire : si la loi ne l’interdisait pas, elle n’en est pas une conséquence directe et nous semble contraire, sinon à sa lettre, du moins à son esprit. J’ai un souvenir précis des débats parlementaires ; nous avions souhaité que les jeunes qui s’installent puissent s’associer à d’autres déjà installés, mais nous ne souhaitions pas que cela aboutisse à une forme d’embolie du système. Vous nous direz ce qu’il en est à cet égard.
Dans ce même courrier, nous demandions à disposer de données précises quant au nombre de dossiers déposés dans chaque zone d’installation. Je présume que vous pouvez maintenant nous les transmettre.
M. Pierre Berlioz, conseiller au cabinet du garde des Sceaux. Je vous remercie de nous recevoir, nous pourrons ainsi clarifier la mise en œuvre de cette réforme et mettre un terme à l’incompréhension et aux rumeurs qui circulent aujourd’hui. Ces rumeurs, véhiculées par la presse, ont heurté ceux qui sont impliqués dans la gestion de ce dossier. Il est faux d’écrire que le ministère de la justice aurait enterré ce dossier ou encore qu’il fait tout pour empêcher cette réforme de prospérer. Les services du ministère de la justice sont extrêmement mobilisés et font le maximum pour que les choses avancent. Un certain nombre de dossiers sont en cours de traitement : 1 500 décisions de nomination ont été rendues l’an dernier. Un important travail a donc déjà été fait pour ouvrir la profession, et la mobilisation est constante pour faire fonctionner les choses au mieux de nos possibilités.
Nous faisons tout pour mettre en œuvre cette réforme loyalement, malgré certains arbitrages en notre défaveur, et contraires à l’esprit de la loi. Notre retard est aussi dû à certains contentieux engagés par les diplômés notaires, contre leur propre intérêt. Plus ils bloquent la réforme, moins elle a de chance de prospérer.
En notre qualité d’autorité de tutelle des notaires, nous faisons en sorte que la réforme soit appliquée.
M. le président-rapporteur. Nous ne faisons aucun procès d’intention au ministère de la justice. Cette mission a pour rôle d’évaluer la mise en œuvre de la loi. Nous voyons dans quels domaines cette mise en œuvre avance, et ceux dans lesquels elle paraît bloquée.
Le législateur est en droit de savoir ce que produisent les dispositions qu’il a votées. Nous sentons la nécessité de dénouer les fils, d’expliquer les causes de grippage, et de chercher les moyens d’y remédier, afin de donner à ces professions un échéancier d’entrée en vigueur de cette réforme.
Mme Cécile Untermaier. Je sais que le travail qui est demandé à la Chancellerie est considérable et inédit, et nous comprenons les difficultés que vous rencontrez pour mettre en œuvre cette loi. Elle sert la croissance, l’activité, mais aussi l’égalité des chances économiques, et son objet est d’offrir à chacun la possibilité d’aller vers la profession qu’il souhaite, dès lors qu’il a les diplômes nécessaires, dans les conditions de régulation que nous avons mises en place. En cela, c’est une vraie loi de gauche, et cette partie du texte rassemblait une large majorité de députés. Je ne souhaite pas qu’elle soit dénaturée par les règlements d’application. Vous nous rassurez quant à votre volonté de respecter l’esprit du législateur, j’y suis sensible.
Il est prévu que soient créés 1 002 offices dans lesquels seraient nommés 1 650 notaires. La volonté du législateur est de voir 1 650 nouveaux notaires installés sur le territoire dans deux ans. Ces chiffres sont ceux que vous avez élaborés avec la profession.
Vous dites que les recours contre le tirage au sort ont été inutiles, mais le Conseil d’État en a jugé autrement puisqu’il a décidé qu’il fallait revoir la manière dont il a été effectué. Vous avez tout de suite appliqué cette décision, mais nous nous inquiétons du retard pris et du rythme auquel ce tirage au sort sera effectué.
Pouvez-vous communiquer la date de reprise des tirages au sort, et un calendrier ? Le rythme annoncé d’un tirage au sort par semaine effraie beaucoup de diplômés en attente d’installation. Pourrait-il être accéléré ?
M. le conseiller. Le Conseil d’État n’a pas critiqué les modalités du tirage au sort ; il a suspendu l’arrêté parce qu’il considérait que la façon dont le tirage au sort était organisé n’était pas suffisamment explicite. La critique ne portait pas sur le fond, mais sur la manière dont les choses étaient présentées. C’est pour cela que nous avons renforcé la description du processus.
Nous prévoyons de reprendre les tirages au sort vendredi, à condition que toutes les personnes dont la participation est requise soient effectivement présentes. Désormais, cinq personnes doivent assister aux tirages au sort, dont un rapporteur de l’Autorité de la concurrence et un membre du Conseil supérieur du notariat (CSN). Les problèmes d’agenda devraient être réglés, et nous reprendrons donc les tirages au sort vendredi, à moins d’une annulation de dernière minute.
L’ordre du tirage au sort est indiqué sur le site internet du ministère, et les dates de chaque tirage seront fournies au fur et à mesure, en fonction des possibilités. Nous devons faire face à des impératifs contradictoires : il faut aller au plus vite, afin de réaliser tous les tirages au sort d’ici le mois de septembre ; mais nous devons effectuer un travail préparatoire avant chaque tirage au sort afin d’écarter les demandes surnuméraires, car une seule demande est autorisée par zone. Cette instruction préalable demande du temps : pour l’heure, soixante-quatorze zones ont été instruites. Il faut ensuite faire les nominations car le tirage au sort n’attribue pas un office, il faut que le candidat remplisse les conditions posées par la loi. Or certains n’ont pas produit toutes les pièces. Nous devons les leur demander, et si elles ne sont pas fournies, ces dossiers doivent être écartés au bénéfice des suivants. La nomination intervient donc au terme de ce processus. Nous devons mener parallèlement tirages au sort et nominations de façon à ce que le mouvement soit aussi rapide et fluide que possible.
Une dernière contrainte tient à l’organisation du tirage au sort : rapporteurs de l’Autorité de la concurrence, membres du CSN et personnel de la direction des affaires civiles et du sceau ont tous un certain nombre de contraintes, et il n’est pas possible de les mobiliser pendant des semaines entières sur cette seule activité. Le rythme prévu d’une séance de tirages au sort chaque mercredi est un minimum, nous allons essayer de l’accélérer, compte tenu des contraintes de pré-instruction et de nomination que je vous ai exposées. Nos effectifs ont été renforcés, mais ce travail exige de la rigueur et nous ne pouvons y affecter n’importe qui. Un certain nombre de personnes ont été formées, nous devons maintenant tenir le rythme le plus élevé possible compte tenu de ces ressources humaines.
M. le président-rapporteur. Si cinq personnes doivent assister aux tirages au sort, il suffit qu’une des autorités participantes décide de ne plus prendre part au processus pour que les tirages au sort n’aient plus lieu. Demain ou après-demain, la Chancellerie, l’Autorité de la concurrence ou le CSN peuvent décider de tout bloquer.
M. le conseiller. En effet. Suite au battage médiatique autour de cette réforme, des exigences nouvelles ont été ajoutées à la procédure de tirage au sort, et certains ont suggéré de les filmer, de les ouvrir au public, etc. Mais nous avons deux cent quarante-sept tirages au sort à faire, et tous doivent être faits de la même manière, pour que tout soit parfaitement régulier.
En ajoutant des contraintes sous l’effet de la pression médiatique, nous multiplions les sources de blocages. C’est pour cela que nous tenions à notre procédure, qui nous semblait correcte. Le Conseil d’État a décidé que nous devions développer davantage l’explication du processus, mais notre objectif reste d’avoir une procédure relativement simple, ce qui n’est pas le cas pour le moment. Nous devons procéder, pour chaque tirage, de manière strictement identique afin que tout soit régulier.
M. le président-rapporteur. Sera-t-il nécessaire de refaire les tirages au sort déjà effectués ?
Le garde des Sceaux a indiqué dans l’hémicycle que les tirages au sort se faisaient au rythme d’un par semaine. S’il faut en faire deux cent quarante-sept, je suis inquiet.
M. le conseiller. Il y a une session de tirage au sort par semaine, pas un seul tirage au sort.
Mme Cécile Untermaier. Combien de zones sont tirées au sort lors d’une session ?
M. le conseiller. Tout dépend du nombre de demandes. Pour vous donner un ordre d’idées, lors des deux premières séances de tirage au sort, quinze zones avaient été concernées.
Les tirages au sort effectués selon l’ancienne procédure seront refaits. Il faut, en effet, que ces tirages soient effectués de la même manière, afin d’assurer une stricte égalité entre tous les participants.
M. le président-rapporteur. Ceux qui ont été désignés précédemment perdent le bénéfice de ces tirages au sort ?
M. le conseiller. Oui, les tirages au sort seront refaits. L’arrêté que nous avons publié le précise expressément.
Mme Cécile Untermaier. Donc, à ce jour, aucune nomination n’a eu lieu suite aux tirages au sort ? Le premier tirage au sort effectif aura lieu ce vendredi ?
M. le conseiller. Tout à fait.
M. Christophe Castaner. Vous ne pensez pas que ceux qui ont été désignés par les premiers tirages au sort et qui voient cette procédure annulée disposent d’une voie de recours contre l’État pour perte de chance du fait d’une erreur de l’État ?
M. le conseiller. Le recours est par définition ouvert, mais nous pensons que nous ne pouvions pas faire autrement que de refaire les tirages au sort.
Mme Cécile Untermaier. Parmi les candidats actuels, vous n’avez pas d’éléments sur la proportion de personnes physiques et de sociétés ?
M. le conseiller. Pour avoir ces informations, il faut ouvrir les dossiers, ce que nous ne faisons qu’après le tirage au sort. Nous classons les demandes dans l’ordre établi par le tirage au sort, et nous vérifions que les dossiers sont complets. Si nécessaire, nous demandons aux candidats de les compléter, puis nous procédons aux nominations. Nous n’avons donc pas d’informations sur tous les candidats.
Mais je peux vous indiquer les données des zones pour lesquelles le tirage au sort avait été réalisé, et de celles que nous avons pré-instruites pour les prochains tirages au sort : sur 467 demandes reçues, il y avait 398 demandes individuelles, 40 de sociétés existantes et 29 de nouvelles sociétés.
Mme Cécile Untermaier. Est-il possible qu’une société soit candidate et que des notaires membres de cette société se portent aussi candidats à titre individuel ?
M. le conseiller. C’est en effet possible, mais l’associé d’une société qui se porte candidat à titre individuel, s’il est nommé, devra démissionner de l’office auquel il appartenait.
Mme Cécile Untermaier. Avez-vous constaté dans les faits de telles pratiques ?
M. François Connault, sous-directeur des professions judiciaires et juridiques au ministère de la justice. Très ponctuellement, dans les premières zones qui ont été préparées pour les tirages au sort, nous avons vu un nombre limité de personnes candidates à titre individuel et dans le cadre d’une société.
Mme Cécile Untermaier. Il n’est pas possible de prévenir cela en amont du tirage au sort ?
M. le conseiller. Non, la liberté d’entreprendre permet à chacun de s’organiser comme il le souhaite. Les demandes d’une personne morale et d’une personne physique sont deux demandes différentes, à moins qu’il ne s’agisse d’un associé unique, auquel cas la demande sera écartée. Mais la personne morale a une personnalité juridique distincte de celle des personnes physiques qui la composent, ce sont donc deux demandes différentes.
Mme Cécile Untermaier. Mais un associé, désigné à titre individuel, peut ensuite se rapprocher de la société civile professionnelle dans laquelle il exerçait. On peut donc imaginer des manœuvres.
Si une société se porte candidate, elle devrait, à mon sens, s’engager à créer un poste de notaire supplémentaire car tout l’intérêt de la procédure est d’augmenter le nombre de notaires pour répondre à une carence. L’objectif du travail énorme que vous réalisez est bien de répartir 1 650 nouveaux notaires sur le territoire. Les tirages au sort ne doivent pas avoir pour effet simplement de déplacer les notaires existants.
M. le conseiller. L’objectif est de renforcer l’offre de services par zone. Il faut ajouter de l’offre de service notarial dans chaque zone. C’est pourquoi la création d’offices est prévue par la loi.
Mme Cécile Untermaier. Il faudrait donc pouvoir faire évoluer la carte en temps réel. Lorsqu’un notaire rejoint une zone carencée, il libère un poste d’officier public ministériel dans une zone, ce qui va peut-être fragiliser l’offre de services dans cette zone. Je pense que le système actuellement prévu pose une difficulté de mise en œuvre : on ne peut pas remplir les zones carencées avec des notaires installés ailleurs, sachant que leur présence a été prise en considération par l’Autorité de la concurrence lors de l’élaboration de la carte.
M. le président-rapporteur. Si une société devient titulaire d’un second office dans la même zone que le premier, sans qu’un nouvel associé soit intégré, nous risquons de tarir les possibilités pour ceux qui cherchent une première installation. Paradoxalement, nous ferions grossir ceux qui sont déjà en place.
M. le conseiller. Mettre la carte à jour en temps réel serait excessivement compliqué, mais nous avons un objectif fixé à deux ans. L’arrêté du 20 septembre prévoit un réexamen au bout d’un an, afin de juger si la création de 1 002 offices permettra l’installation de 1 650 notaires. Cela permettra d’évaluer dans quelle mesure l’objectif d’installation est atteint.
Mais nous expérimentons des procédures que nous n’avons jamais appliquées, nous pouvons avoir des craintes et des doutes, nous verrons s’ils sont fondés. Tout dépendra des résultats des tirages au sort et de la manière dont les installations seront faites. C’est pourquoi nous avons prévu un point d’étape dans un an.
M. le président-rapporteur. Vous convenez que le risque existe de voir se produire ce que nous avons décrit. Qu’aurions-nous dû faire, dans la loi ou le règlement, pour éviter ce risque ?
M. le conseiller. Il est difficile de permettre à de nouveaux entrants de s’installer sans pratiquer de discrimination entre les anciens et les nouveaux. Certains se sont associés faute de mieux, mais ce n’est pas la situation qu’ils souhaitent, et ils aimeraient développer leur propre activité. La loi leur permet de le faire, c’est une bonne chose. Distinguer entre nouveaux notaires et ceux qui sont déjà en poste n’est donc pas possible, le principe d’égalité ne le permet pas, et cela ne répond pas à la volonté du législateur.
Les notaires au sein d’une société peuvent souhaiter s’installer en individuel, ou bien en s’associant, avec un nouveau, ou un ancien qui vient d’un autre office. Des aspirants-notaires nous ont demandé qu’il soit possible de candidater en société, car cette option est nécessaire pour que certains puissent s’installer sans trop souffrir de la concurrence.
Certains candidats n’ont ni expérience de l’activité entrepreneuriale, ni clientèle, ils se lancent à partir de rien. Or il ne s’agit pas de postes administratifs. En s’installant, ils ne trouveront pas une pile de dossiers sur leur bureau, ils devront constituer leur clientèle.
Certains ont un projet professionnel, j’ai reçu les appels d’anciens avocats. D’autres n’en ont pas, et nous ne pouvons faire aucune discrimination en l’état. L’objectif est donc de permettre la liberté d’installation en se fondant uniquement sur les diplômes.
Tout dispositif permet des détournements mais l’égalité est une exigence fondamentale. C’est pourquoi je pense qu’il n’était pas possible de prévoir un filtre.
À titre personnel, j’estime qu’il faudrait interroger les demandeurs sur la consistance de leur projet. L’Autorité de la concurrence l’a souligné : certains se lancent sans être assez préparés. Les risques de casse existent bien, mais ils sont inhérents à ce type de démarche.
M. le président-rapporteur. L’échec est éventuel parce que la tentative est possible. Nous ne voulions précisément plus d’un système totalement verrouillé dans lequel personne ne pouvait tenter sa chance.
Les jeunes avocats ne font pas le même métier, mais ils sont nombreux à s’installer après leur diplôme, sans expérience et sans clientèle. Beaucoup de leurs cabinets survivent…
M. le conseiller. Heureusement ! La question de savoir si la profession d’avocat n’est pas un peu trop ouverte se pose cependant parfois. L’avocat n’ayant pas le statut d’officier public et ministériel, cette profession juridique est l’une des seules à être totalement ouverte, ce qui provoque un afflux massif. Résultat : le barreau de Nantes a expliqué au garde des Sceaux, lors de son déplacement dans cette ville, qu’un cinquième de ses membres gagnait moins que le SMIC, et je ne vous parle pas de la situation au barreau de Paris.
La liberté d’entreprendre ne s’entend pas sans une prise de risque qui mène soit à la réussite, soit à l’échec. Pour les notaires, des problèmes spécifiques se posent cependant en termes de statut ou de conservation des actes.
Mme Cécile Untermaier. Nous avons fait une loi de gauche, une loi pour l’égalité des chances économiques. J’ai confiance dans notre jeunesse. J’ai vu les jeunes notaires, les clercs habilités expérimentés… Ne soyons pas inquiets ! La loi propose une ouverture et permet de faire évoluer le métier de notaire. Elle permet qu’une offre de services un peu différente de celle qui existe aujourd’hui émerge. Il y aura peut-être de la casse, mais il y aura aussi beaucoup d’expériences et d’aventures positives. C’est l’espérance que porte ce dispositif !
Une autre question : l’Autorité de la concurrence a examiné, entre le 16 et le 25 janvier 2017, 166 demandes d’installation dans des zones orange, émanant de 84 demandeurs différents. Pour 17 zones sur 60, elle recommande la nomination d’un notaire supplémentaire. Le Gouvernement a-t-il l’intention de suivre ces recommandations ? Comment les candidats à l’installation dans ces zones seront-ils départagés ?
M. le conseiller. En effet, l’Autorité de la concurrence a estimé que dans dix-sept zones orange, il était possible de répondre positivement à une demande de création d’office. J’insiste sur le fait qu’elle ne « recommande » pas ces créations : elle considère qu’il est possible de répondre positivement à des demandes.
La procédure prévoit, en effet, de demander l’avis de l’Autorité sur la possibilité de créer un office dans ces zones sans porter atteinte à ceux qui y sont déjà installés. Il nous appartient ensuite d’instruire les demandes dont nous sommes saisis et d’y répondre. Nous les examinerons pour voir quels sont leurs atouts, puis, selon les résultats de cette phase d’instruction, nous répondrons éventuellement positivement à l’une d’entre elles pour chacune des zones orange concernées, puisque l’Autorité estime qu’il est possible de le faire.
Je rappelle que dans les zones orange, identifiées par l’Autorité de la concurrence et l’arrêté, l’installation n’est pas libre mais contrôlée. Cela signifie qu’il ne s’agit pas des territoires où le besoin de service notarial est le plus fort. C’est pourquoi, nous considérons que la priorité doit revenir aux zones vertes. Nous estimons que cette priorité est telle que nous ne donnons pas satisfaction aux demandes de création de bureau annexe dans ces zones, car il nous semble essentiel d’y favoriser avant tout celles d’offices et l’installation de nouveaux notaires.
Mme Cécile Untermaier. C’est l’objectif fixé par la loi !
M. le conseiller. Certes, mais les textes permettraient aussi la création de bureaux annexes. Notre choix de privilégier les créations d’offices montre que nous sommes attachés à ce que la réforme avance.
Si le traitement des zones vertes est, pour nous, prioritaire, cela ne nous empêchera pas d’instruire les dossiers relatifs aux zones orange, dont nous sommes saisis.
Mme Cécile Untermaier. Réglons déjà le problème des zones vertes, mais tirons aussi les conséquences du fait que, dans ces zones, des sociétés pourraient profiter de la réforme pour chercher à mettre la main sur tout un secteur professionnel ! Il faudra que vous preniez la mesure de ce phénomène et, le cas échéant, que vous édictiez des règles plus strictes. Nous n’avons pas voté un texte pour permettre à un notaire présent dans une première zone de s’installer aussi dans une seconde !
Comme notre président, j’estime que le décret n’est pas conforme à l’objectif de la loi, et qu’il empêche de l’atteindre. Il aurait été préférable de commencer par demander aux notaires déjà installés s’ils voulaient travailler dans un autre secteur, avant de s’adresser aux diplômés non installés. Le problème, c’est que l’on a voulu faire les deux choses à la fois.
M. le conseiller. Surtout, dans la situation antérieure, le garde des Sceaux avait la possibilité de trier les demandes, alors que nous appliquons aujourd’hui un principe d’automaticité pour les satisfaire. Comme vous le disiez : le diplôme vaut nomination.
Mme Cécile Untermaier. Il est prévu de créer 1 002 offices et 1 650 postes de notaire. Lorsque l’on fera le bilan de la réforme, le nombre de nouveaux notaires devra être plus élevé que celui des nouveaux offices. Il me semble que le dispositif introduit par le décret permettra d’atteindre l’objectif en termes d’offices, mais certainement pas en nombre de notaires puisque certains nouveaux offices se créeront à partir de structures déjà existantes.
M. le conseiller. Aujourd’hui, l’exercice en société se développe, et l’on compte environ 1,9 notaire par office, ce qui explique que le nombre de nouveaux notaires soit supérieur à celui des nouveaux offices. Ce développement se fait principalement sous forme de sociétés d’exercice libéral (SEL) et non plus de sociétés civiles professionnelles (SCP). Il fallait en conséquence que les sociétés puissent être candidates. De plus, comme je vous l’ai indiqué, les nouveaux entrants le demandaient explicitement. L’installation en société leur permet en effet de faire des économies de moyens, particulièrement utiles pour affronter la concurrence. Nous ne pouvions pas interdire la candidature des sociétés.
La véritable difficulté que nous rencontrons, nous n’en avons pas parlé, c’est la multititularité, c’est-à-dire la possibilité pour une société de détenir plusieurs offices. Le ministre de la justice et le ministère n’en voulaient pas – je suis bien placé pour le savoir. Lorsque nous avions pris cette position, il m’avait été rétorqué que la demande de la Chancellerie de ne pas permettre la multititularité allait contre tous les travaux parlementaires et la lettre de la loi. Selon ces arguments, le fait qu’une personne morale possède plusieurs offices constituait l’un des points saillants de la réforme repris dans les ordonnances.
M. le président-rapporteur. J’ai bien conscience que les articles 34 et 37 de la Constitution cantonnent les parlementaires à la rédaction de la loi ; ils ne sont pas chargés de sa mise en œuvre. Je me souviens parfaitement des propos qui m’ont été tenus au secrétariat général du Gouvernement lorsque nous avons pris l’initiative de créer notre mission d’information. Ils revenaient à nous expliquer que les parlementaires seraient bien gentils de s’occuper de la loi et d’en rester là : le règlement était pour des gens plus sérieux.
Le travail sur les décrets s’effectue dans les fameuses réunions interministérielles (RIM) présidées par un membre du cabinet du Premier ministre, qui rend des arbitrages. Elles donnent lieu à des jeux d’influences qui ne sont pas publics : tout se fait sans micros et sans caméras. Pourtant, il revient ensuite aux élus de répondre devant le peuple de l’efficacité de la loi, et de défendre sa mise en œuvre, alors qu’elle se fait parfois dans des conditions qui ne sont pas celles qu’ils auraient souhaitées.
Il faudra qu’à l’avenir nous puissions être consultés en amont, de façon transparente, sur l’application des lois. On n’obtient jamais que les droits que l’on arrache ! Évidemment, Matignon arbitrera – nous n’entendons pas faire fi des règles constitutionnelles –, mais cela ne devra pas nous empêcher de discuter de la mise en œuvre des lois que nous votons. Aujourd’hui, après l’adoption de la loi, nous avons affaire à une boîte noire. J’ai déjà vu les comptes rendus des réunions interministérielles, les « bleus » : ce sont des documents relativement succincts et jamais très précis.
Concernant les dossiers sensibles, il faudra que le législateur s’intéresse à la mise en œuvre des mesures qu’il adopte. Sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui, je suis persuadé que les polémiques et les critiques de la presse sont dues au fait que nous n’avons pas été assez associés au travail effectué pour appliquer la loi. Une fois votée, des débats sur sa portée ont sans doute eu lieu au sein de l’exécutif, mais nous n’avons pu à aucun moment apporter notre contribution s’agissant de la meilleure manière de respecter ses objectifs parfois contradictoires.
À l’étape suivante, le législateur et le pouvoir exécutif se trouvent systématiquement en position de défense. C’est précisément, à mon sens, parce qu’il n’y a pas eu co-construction. Il faudra changer notre façon de faire, quitte à prendre un peu plus de temps en amont.
M. le conseiller. Je ne peux que souscrire à vos propos, Monsieur le président. Nous avons effectivement eu ces débats sur la lettre et l’esprit de la loi. Nous nous sommes aussi attachés à ce que les textes que nous produisions soient juridiquement bien écrits pour les mettre à l’abri des contentieux. Une série de recours sont toujours pendants…
M. le président-rapporteur. Dont ceux du CSN !
M. le conseiller. Nous travaillons utilement ensemble pour élaborer la loi ; il serait effectivement pertinent que nous poursuivions sur cette lancée pour la mettre en œuvre. Il est vrai que, sur certains points, nous avons rencontré des difficultés pour déterminer la portée du texte et que des interprétations différentes en ont été faites.
Quelles qu’elles aient été, ces interprétations relevaient de la volonté de mettre la loi en œuvre. Même si des conceptions différentes du texte se sont affrontées, même si nous nous sommes opposés, parfois vivement, au cours des réunions interministérielles, chacun a toujours voulu faire en sorte que la loi s’applique.
M. le président-rapporteur. J’en viens aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires.
Selon la méthodologie appliquée aux notaires, l’Autorité de la concurrence a établi une carte des zones de libre installation, et a émis des recommandations quant au nombre de professionnels libéraux supplémentaires à nommer. Sur un total de cent zones, elle a identifié 35 zones de libre installation pour les huissiers de justice, et 37 zones pour les commissaires-priseurs judiciaires. Pour ces territoires, elle recommande de créer 202 huissiers et 42 commissaires-priseurs judiciaires supplémentaires. Au premier abord, ces chiffres nous ont paru peu élevés, mais nous faisons évidemment confiance à l’Autorité de la concurrence.
Pourriez-vous nous présenter un calendrier prévisionnel relatif à l’installation des huissiers de justice et des commissaires-priseurs ? Nous voudrions connaître la date de publication de la carte, celle des arrêtés déterminant les pièces à fournir et les modalités de tirage au sort, celle de l’ouverture du dépôt des candidatures…
M. le conseiller. Comme pour les notaires, la première étape consiste à publier les deux arrêtés contenant les cartes et les recommandations relatives aux créations d’offices et à l’installation d’huissiers ou de commissaires-priseurs judiciaires. Nous mettons la dernière main à ces textes sur lesquels quelques discussions restent en cours, y compris avec l’Autorité de la concurrence. Nous comptons nous mettre parfaitement d’accord sur les questions ponctuelles qui se posent encore. Aujourd’hui, le dialogue entre les différentes parties est plus nourri, et les oppositions sont moindres. Nous finalisons ces dispositifs afin de pouvoir sortir ces arrêtés très prochainement.
Nous fixerons ensuite la date de l’ouverture des candidatures. Ce sera au plus tard le 31 mars, mais sans doute avant. Nous devrons laisser le temps aux candidats de présenter leur dossier sur la base des textes qui sortiront – il ne faut pas que ceux qui ont les moyens de se préparer très rapidement soient avantagés. La grande inconnue concerne le nombre de candidatures au regard du nombre de créations prévues. En cas d’afflux massif, le traitement ne sera pas le même que si nous recevons un nombre raisonnable de dossier.
Il nous semble aujourd’hui, compte tenu des courriers que nous recevons, que la situation de ces professions n’est pas identique à celle des notaires. Contrairement à ce qui s’est passé pour ces derniers, l’Autorité de la concurrence n’a reçu que très peu de contributions de candidats potentiels – la plupart émanaient d’ailleurs de professionnels. Nous pensons que le nombre de demandes sera moindre, et que nous pourrons traiter les dossiers dans un délai plus raisonnable.
M. le président-rapporteur. Pour ce qui concerne l’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, nous nous sommes très tôt montrés critiques sur la composition et le rôle de la commission chargée d’établir un ordre de préférence entre les candidats. Les membres de cette commission sont à la fois juges et parties. Des règles ont été établies pour tous, mais le petit club très fermé des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation a fait en sorte de bénéficier d’un traitement particulier qui écarte le droit commun. Lorsque nous avons fait part de notre mécontentement sur cette question, la réponse de Matignon a consisté à nous expliquer qu’elle concernait tellement peu de monde qu’il était inutile de s’énerver. L’argument nous a paru quelque peu léger.
Des avocats au Conseil seront-ils nommés prochainement dans les quatre offices nouvellement créés ?
Quelles suites avez-vous données aux quatorze recommandations de l’Autorité de la concurrence pour améliorer l’accès à la profession ? L’une de ces recommandations était relative à la suppression de la commission. Envisagez-vous cette solution s’agissant d’un organe dont rien ne justifie l’existence – en tout cas, pas la loi ?
M. le conseiller. Des avocats au Conseil seront nommés pour les quatre offices créés ; il n’y a aucun doute à avoir à ce sujet. Nous avons reçu neuf candidatures. La commission se réunira prochainement après qu’elle aura été constituée. Nous recevons actuellement les propositions pour la désignation de ses membres.
M. le président-rapporteur. Donc, si je comprends bien, la commission survit !
M. le conseiller. Elle survit, et elle fera son travail qui sera apprécié, et éventuellement critiqué…
M. le président-rapporteur. Je vous garantis que je m’y intéresserai de très près !
Autant je n’ai douté de la bonne foi de personne jusqu’à ce moment de nos échanges, autant je ne m’explique toujours pas la nécessité d’un filtrage par une commission créée ex nihilo dont les membres sont incontestablement juges et parties. La procédure de droit commun permet d’apporter tout le soin nécessaire à la nomination des éminents professionnels aux responsabilités immenses que sont les notaires, les huissiers de justice ou les commissaires-priseurs judiciaires. Pourquoi faudrait-il une étape supplémentaire spécifique, impliquant une commission spécialement composée, pour nommer des avocats au Conseil et à la Cour ? C’est ainsi, mais nous apprécierons le travail que cette commission effectuera !
M. le conseiller. Je ne peux guère contester qu’il aurait été plus simple et rapide de procéder par tirage au sort !
M. le président-rapporteur. Cela aurait réglé le problème sans que personne ne s’interroge sur cette commission dont l’existence même crée une sorte de « présomption de mauvaise foi », ce qui est regrettable !
M. le conseiller. La question aurait alors été de déterminer qui effectue le tirage au sort. Un magistrat du Tribunal des conflits peut-être !
M. le président-rapporteur. L’ordonnance concernant l’interprofessionnalité d’exercice a été publiée le 1er avril 2016. Pourriez-vous nous donner des indications sur le calendrier de publication des décrets relatifs aux dispositions propres à chaque profession ? Est-il également envisagé de permettre aux futures sociétés pluriprofessionnelles d’exercice (SPE) d’être titulaires de plusieurs offices pour une même profession ?
M. le conseiller. Nous avons pour objectif de publier les décrets à la fin du mois de mars ou au début du mois d’avril. Quelques détails doivent encore être réglés avant que nous ne saisissions le Conseil d’État.
Les professions concernées ont été consultées. Confrontées à un outil nouveau, elles expriment un certain nombre de réticences relatives, par exemple, au secret professionnel, ou au problème des conflits d’intérêts. Du fait de ses spécificités, chaque profession regarde l’autre en s’interrogeant sur son futur fonctionnement. Un travail de pédagogie reste à faire. Il faut fournir un cadre précis qui permette cependant l’appropriation de la nouveauté. L’équilibre délicat qu’il faut respecter justifie que nous ayons pris un certain temps pour rédiger les textes. Les retours de la consultation des professions sur les projets de décrets ont été analysés de façon très approfondie par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la direction des affaires civiles et du sceau (DACS), qui ont travaillé en bonne intelligence.
Le dispositif devrait être prêt au début du mois d’avril afin que les professionnels puissent s’en saisir et créer des SPE.
La plurititularité sera possible. Elle a été prévue aussi bien pour les sociétés monoprofessionnelles que pour les sociétés pluriprofessionnelles.
M. le président-rapporteur. Si l’on considère que l’on a fait une erreur en donnant cette possibilité aux premières, nous ne sommes peut-être pas obligés de la répéter s’agissant des secondes ?
M. le conseiller. Cela poserait un problème en termes d’égalité. De plus, la multititularité est dans l’ordonnance.
M. le président-rapporteur. Décidément, les choses se passent mieux si on laisse le législateur faire son travail !
Mme Cécile Untermaier. Un certain nombre de notaires attendent aujourd’hui que la situation se débloque, certains sont par exemple au chômage : plus l’attente sera brève, mieux ce sera pour eux !
J’imagine, qu’à l’avenir, les sociétés interprofessionnelles qui comptaient déjà un avocat, un huissier, un commissaire-priseur judiciaire, pourront s’adjoindre un notaire et candidater à un office créé.
M. le conseiller. De la même façon, des regroupements se feront aussi ultérieurement. Les sociétés existantes pourront se transformer en SPE. Un temps de maturation doit permettre aux professionnels de travailler ensemble. Vous avez par exemple constaté que l’évolution du droit du divorce avait provoqué des querelles de clocher. Pour ce qui concerne la consultation et la rédaction d’actes, les professions du droit sont en concurrence, mais, avec le temps, les choses bougent.
Certains ont déjà utilisé les sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL) pour créer des sociétés pluriprofessionnelles en participation - pas des SPE évidemment. Le mouvement est lancé. Il fallait que nous prenions le temps de préciser la situation, et l’idée doit pénétrer les professions. Dans un premier temps, je pense que les sociétés pluriprofessionnelles d’exercice seront constituées de la réunion de deux professions – il n’y en aura pas quatre ou cinq. Dans un second temps, sur le plus long terme, cela évoluera. À mon sens, on assistera d’abord à des transformations et à des rapprochements à partir de l’existant. Ensuite, les sociétés déjà installées seront progressivement candidates. Nous ne pouvions de toute façon pas imaginer une SPE ad hoc pour ce dispositif.
M. le président-rapporteur. Notre objectif était précisément d’élargir le champ des possibles pour les différents professionnels concernés.
Messieurs, je vous remercie. J’espère que ceux qui suivent nos travaux auront bien compris que tout le monde est très déterminé à appliquer la loi dans les meilleurs délais possible.
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* *
La mission d’information examine le rapport élaboré par le président-rapporteur et les anciens rapporteurs thématiques de la loi, lors de sa réunion du 15 février 2017.
M. le président Richard Ferrand, rapporteur. Nous arrivons à la conclusion de nos travaux, au moins dans le cadre de cette législature. Le rapport que je vous présente aujourd’hui vient compléter et actualiser un premier rapport paru il y a près d’un an, en mars dernier. Ces deux rapports doivent être considérés comme un tout indissociable et ne peuvent être lus indépendamment l’un de l’autre.
Depuis la parution du premier rapport, la mission d’information a continué ses travaux, procédant notamment à trois auditions supplémentaires, toutes consacrées au volet professions réglementées du droit. Parallèlement, notre collègue Gilles Savary, ancien rapporteur thématique du volet mobilité de la loi, a procédé à plusieurs auditions portant sur la réforme du permis de conduire.
Comme le premier rapport, le rapport d’aujourd’hui comporte plusieurs parties. La première partie se veut un état des lieux chiffré de la mise en œuvre de la loi.
Je rappelle que le premier rapport de mars 2016 faisait apparaître que 80 % des articles de la loi étaient entièrement applicables près de huit mois après sa promulgation, si on ajoutait aux articles d’application directe ceux devenus entièrement applicables du fait de la parution de l’intégralité des mesures réglementaires qu’ils nécessitaient ou des ordonnances dont ils contenaient l’habilitation. À cette date, plus de la moitié des mesures réglementaires d’application nécessaires, soit 56 %, avait été publiée.
Un an plus tard, soit environ dix-huit mois après la promulgation de la loi, ce taux de mise en œuvre est désormais de plus de 97 %. En effet, la quasi-totalité des textes réglementaires prévus par la loi ont été pris. Seules cinq dispositions de la loi doivent encore être précisées par le pouvoir réglementaire. Vous en trouverez la liste dans le rapport.
Le rapport s’intéresse également aux textes d’application de niveau 2, par exemple les décrets mentionnés dans les ordonnances publiées ou les arrêtés prévus par certains décrets. En la matière, le taux de mise en œuvre apparait moins satisfaisant : d’après nos calculs, seulement 45 % des dispositions des ordonnances nécessitant un décret auraient effectivement fait l’objet d’une mesure d’application. Certes, certaines ordonnances n’ont été publiées qu’au début de l’année, mais la plume étant tenue en la matière par le seul pouvoir exécutif, la préparation conjointe des ordonnances et de leurs décrets d’application, beaucoup plus facile que dans le cas des projets de loi, aurait dû conduire, me semble-t-il, à une publication plus précoce des mesures d’application.
En outre, il est un domaine où la mise en œuvre de la loi n’est absolument pas satisfaisante, c’est celui des rapports demandés au Gouvernement. Lors de la parution du premier rapport, aucun des dix rapports demandés n’avait été transmis au Parlement. La situation s’est à peine améliorée en moins d’un an, puisque seulement trois rapports ont été remis. Si, pour trois des rapports encore attendus, le Gouvernement est encore dans les délais, ce n’est pas le cas des quatre autres.
La deuxième partie, établie sous la responsabilité de notre collègue Gilles Savary qui ne peut être des nôtres aujourd’hui, traite des dispositions relatives à la mobilité. Elle met à jour les données du premier rapport concernant le transport de voyageurs par autocar et comporte des développements nouveaux sur les dispositions relatives aux autoroutes et à la réforme du permis de conduire. Je vous y renvoie.
La troisième partie, la plus fournie comme la fois précédente, traite des professions réglementées. Depuis un an, l’actualité en la matière a été riche. Je laisserai notre collègue Cécile Untermaier présenter cette partie du rapport.
La quatrième partie, établie sous la responsabilité de notre collègue Stéphane Travert, traite du travail dominical. Elle fait état notamment de l’aboutissement des négociations sociales dans les grands magasins qui ont permis leur ouverture le dimanche. Je rappelle que le principe de la réforme était « pas d’accord, pas d’ouverture ». Celui-ci a été respecté et il convient de s’en féliciter.
Enfin, la cinquième et dernière partie fait le point sur la mise en œuvre des nombreuses autres dispositions de la loi du 6 août 2015.
Après cette présentation très rapide du rapport, je souhaite terminer mon intervention liminaire en tirant les leçons de nos travaux.
En premier lieu, si la quasi-totalité de la loi est désormais effectivement applicable, le recul dont nous disposions était insuffisant pour mesurer ses effets ou apprécier si elle a atteint les objectifs que lui avaient assignés le législateur et le Gouvernement.
À titre d’exemple, le marché du transport de voyageurs par autocar, qui s’est développé très rapidement, n’est pas encore consolidé. S’agissant des notaires, alors que la liberté d’installation était au cœur de la réforme des professions réglementées contenue dans la loi, les péripéties de sa mise en œuvre font que les premiers nouveaux notaires ne pourront pas « visser leur plaque » avant la fin de la législature.
Il appartiendra donc aux députés de la prochaine législature de s’emparer d’une évaluation plus qualitative de l’application de la loi du 6 août 2015.
En second lieu, j’ai toujours répété que notre mission d’information poursuivait un double but.
Le premier est devenu classique : il s’agissait de suivre de près le calendrier de publication des textes d’application, condition indispensable à une entrée en vigueur effective de la loi. Je crois que nous pouvons conclure que, d’un strict point de vue temporel, la mise en œuvre de la loi du 6 août 2015 a été très satisfaisante. Permettez-moi de penser, en toute immodestie, que notre mission n’y est pas pour rien.
Mais, nous ne pouvions nous contenter de ce travail de greffier de l’activité réglementaire. Notre second objectif était, lui, sans précédent : il s’agissait de s’assurer que le contenu des textes d’application était bien conforme à l’intention du législateur.
Je rappelle que j’ai obtenu du Premier ministre que la mission d’information soit destinatrice des projets de décrets ou d’ordonnances, au rythme des arbitrages rendus en réunions interministérielles – les « fameuses » RIM –, le cabinet du Premier ministre centralisant ces transmissions.
Cette méthode nous a incontestablement permis de travailler efficacement. Elle m’a donné l’occasion de saisir le Premier ministre ou les ministres compétents de points précis sur lesquels nous souhaitions des inflexions.
Le rapport de mars 2016 mentionne les cas où ces remarques ont été suivies d’effets. Postérieurement à la publication du rapport, une autre suggestion de la mission a été partiellement suivie à propos de la sanction de nullité du non-respect des formalités de saisine de la justice prud’homale.
De même, nos travaux ont été à l’origine de deux amendements adoptés avec l’avis favorable du Gouvernement, lors de la discussion de la « loi Travail ». C’est ainsi qu’un amendement de notre collègue Stéphane Travert et de moi-même a assoupli le dispositif de fixation des « dimanches du maire ». De même, un amendement de notre collègue Denys Robiliard et cosigné également par moi a prévu la possibilité pour le bureau de conciliation et d’orientation du conseil des prud’hommes de prononcer la clôture de l’instruction par ordonnance.
Ces suites données à nos travaux suffisent à justifier a posteriori le bien-fondé de notre démarche. Elles confirment ainsi la double conviction qui était la nôtre.
D’une part, le législateur est parfaitement légitime à veiller que son intention est respectée ou n’est pas dénaturée par le pouvoir réglementaire.
Je ne prendrais qu’un exemple. Nous avons pu constater l’émoi qu’a suscité chez les intéressés la possibilité offerte par deux décrets à une société d’officier public et ministériel d’être titulaire de plusieurs offices. Cette possibilité n’est certes pas contraire à la loi votée, mais elle n’en est pas non plus une conséquence nécessaire. Il ne s’agit pas de contester la capacité pour le pouvoir réglementaire de prendre une telle initiative. Cependant, il est apparu que cette question a fait l’objet de divergences profondes entre les deux ministères compétents et que l’arbitrage finalement rendu l’a été au nom du respect des travaux parlementaires et de l’intention du législateur. S’il ne faut faire de procès d’intention à quiconque, il me semble que si des doutes existaient sur la portée de la lettre ou de l’esprit de la loi, les rapporteurs de la commission spéciale qui a examiné le projet de loi n’étaient pas les plus mal placés pour apporter leur éclairage.
Quand on veut connaître l’intention du législateur, autant la lui demander. Cela évite les exégèses fallacieuses.
D’autre part, les observations susceptibles d’être formulées par les parlementaires ne sont pas moins illégitimes ni plus intrusives que celles que le pouvoir réglementaire recueille, en application de textes ou de sa propre initiative, auprès des professionnels ou des personnes concernés ou des multiples commissions ou comités consultatifs que notre pays multiplie à l’envi.
À cet égard, la genèse de l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale est éclairante. Le Gouvernement a, en effet, recueilli l’avis de sept conseils ou comités consultatifs, d’une mission interministérielle et d’une autorité administrative indépendante. Il a, en outre, organisé une consultation du public. Ainsi donc, les dizaines de personnes composant ses instances et les dizaines d’organismes qu’elles y représentent peuvent disposer des textes, à un stade parfois précoce de leur rédaction.
Comment dès lors comprendre que la transmission des mêmes documents au Parlement puisse apparaître incongrue ?
Au-delà du seul cas de la loi du 6 août 2015, je suis convaincu que le prochain Parlement devra se saisir, en l’approfondissant, de l’exemple de notre mission d’information. À cet égard, il est indispensable que, désormais, les commissions permanentes soient destinatrices de tous les projets de décrets ou d’ordonnances. Grâce à l’acquis de l’expérience, cette transmission ne devrait pas se faire uniquement au rythme des arbitrages interministériels, mais à un stade plus précoce, lors des différentes consultations auxquelles le Gouvernement procède, et au moment de la saisine effective du Conseil d’État.
En ce qui concerne les ordonnances, dans la mesure où celles-ci doivent depuis 2008 faire l’objet d’une ratification expresse, les commissions permanentes devraient également systématiser l’initiative prise par l’ancien président de la commission des affaires économiques, notre ancien collègue François Brottes, d’auditionner le Gouvernement sur les projets d’ordonnances avant leur adoption par le Conseil des ministres.
La réforme constitutionnelle de 2008 a expressément inscrit le « contrôle de l’action du Gouvernement » parmi les missions dévolues au Parlement. Je pense que nous sommes tous convaincus que ce contrôle de l’action du Gouvernement commence dès l’élaboration des mesures d’application des lois.
Encore une fois, il ne s’agit que d’un devoir d’information du Parlement. Celui-ci en fera l’usage qui lui paraîtra le plus opportun. Répétons-le, il ne s’agit pas de donner au pouvoir législatif quelque droit de veto ou d’injonction que ce soit. Il s’agit plus simplement d’organiser un espace de collaboration et de co-construction de la loi, dans le respect des prérogatives de chacun.
J’espère donc vivement que nous avons été les précurseurs d’un renforcement concret de la place du législateur dans la confection et la mise en œuvre de la loi.
M. Denys Robiliard. À l’instar de notre collègue Gilles Savary, j’assisterai aussi tout à l’heure à l’audition, par la commission des affaires sociales, de Mme Marianne Thyssen, commissaire européenne en charge de la directive relative au détachement international. Vous voudrez bien, je l’espère, excuser mon départ anticipé de notre réunion, car je veux l’entendre et, le cas échéant, l’interroger sur les questions soulevées.
J’en viens à l’application de la loi du 6 août 2015, dite « loi Macron ». Je vous dirai quelques mots sur les derniers développements depuis notre premier rapport d’application, notamment en ce qui concerne les aspects de droit du travail et, plus précisément, la justice prud’homale.
Le décret du 23 novembre 2016 a réformé cette dernière. Il fixe le référentiel commun en matière d’indemnisation du préjudice, quand il y a licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Je m’attarderai sur deux points, relativement à ce décret.
Premièrement, quant à sa construction, il tient compte presque exclusivement de l’ancienneté, puisqu’il ajoute un mois au total des mois d’indemnisation déterminé par rapport à l’ancienneté, quand le salarié a plus de cinquante ans ou qu’il a une situation personnelle qui le handicape au regard de la situation sur le marché du travail. Ce référentiel fait croître l’indemnisation de 0,5 mois par année d’ancienneté supplémentaire, jusqu’à 18 mois cumulés ; au-delà, l’indemnité ne croît plus que de 0,25 mois par année d’ancienneté supplémentaire. Il ne sera pas très facile d’expliquer pourquoi l’augmentation annuelle de l’indemnité diminue au fur et à mesure que l’ancienneté du salarié s’accroît.
En outre, on arrive ainsi à une indemnité maximale de 21,5 mois, ce qui me paraît être en deçà de ce que reçoit un salarié licencié qui a une forte ancienneté. Même si ce n’est pas fréquent, on voit des situations où les salariés reçoivent des indemnités équivalant à deux ans de salaire lorsqu’ils sont licenciés après vingt ou vingt-cinq ans de métier. Je crois d’ailleurs qu’il est important que les préjudices soient effectivement réparés.
Deuxièmement, ce barème de dédommagement en matière de licenciement pour cause réelle et sérieuse est identique, que l’on passe en bureau de conciliation ou en bureau de jugement. L’outil fourni aux prud’hommes est le même dans les deux cas. Naturellement, c’est voulu. Il est vrai, d’ailleurs, que le barème initial prévu pour la conciliation était trop faible, de sorte qu’il était très peu employé.
Pourtant, à mon sens, ce me semble être une erreur que d’avoir un barème identique dans les deux cas. Au stade de la conciliation, en effet, la situation n’est pas la même que devant le bureau de jugement. Au stade de la conciliation, l’employeur ne prend pas le risque d’être condamné à tout ce que demande le salarié ; le salarié ne prend pas non plus le risque d’être débouté de toutes ses demandes. Dans cette situation de conciliation, comme en matière de transaction, il y a donc un échange de risques. Le salarié n’est en effet jamais sûr d’obtenir satisfaction, sauf lorsque la lettre de licenciement n’est pas motivée. À l’inverse, l’employeur n’est jamais complètement sûr que son salarié sera débouté.
Il en va différemment dans une situation de bureau de jugement. Faute de conciliation, l’enjeu porte à la fois sur la condamnation pour cause réelle et sérieuse, d’une part, et sur l’indemnité qui sera fixée, d’autre part. Mais il n’y a pas d’abattement à prévoir sur la condamnation relative à la cause réelle et sérieuse, puisque l’indemnité n’est précisément envisagée qu’une fois établie l’absence de cette cause.
Bien que les situations soient différentes, l’outil donné est le même. Je regrette donc cette sorte de fragilité du décret, qui ne correspond pas en tous points à ce qui était souhaité, du moins par moi. Il fallait rehausser le barème devant le bureau de conciliation, mais celui-ci ne pouvait pas être le même que celui devant le bureau de jugement.
Mais le règlement a précisément pour avantage de pouvoir être modifié beaucoup plus facilement que la loi. Il sera donc toujours temps d’y revenir.
Cela étant, la réforme des prud’hommes est pratiquement achevée, puisque le décret sur la déontologie et la procédure disciplinaire applicables aux conseillers prud’hommes est paru le 28 décembre 2016, et que le décret sur la constitution des listes des défenseurs syndicaux a été publié le 18 juillet 2016. Nous attendons néanmoins encore le décret concernant les modalités d’indemnisation de ces derniers. Annoncé pour mars 2016, il n’est toujours pas paru un an plus tard ; il serait souhaitable que ce soit chose faite avant la fin du quinquennat.
Pour ce qui concerne la discrétion à laquelle est soumise le défenseur syndical à propos des éléments ayant servi à la négociation ou lui ayant été communiqués pour les besoins de la défense d’un salarié ou d’un employeur, la loi a retenu le terme d’« obligation de discrétion » de préférence à celui de « secret professionnel », qui heurtait les avocats.
Le caractère piquant de la situation est que le Conseil national des barreaux, qui était hostile à ce que le défenseur syndical soit soumis au secret professionnel, a tiré argument, pour attaquer le statut des défenseurs syndicaux, du fait que l’avocat est soumis au secret professionnel alors que le défenseur syndical n’a qu’une obligation de discrétion, ce qui introduit une inégalité entre la personne défendue par un avocat et celle qui a confié ses intérêts à un défenseur syndical. C’est ce qu’on appelle l’arroseur arrosé, car si le Conseil constitutionnel censure cette obligation de discrétion, nous ne pourrons faire autrement que de soumettre le défenseur syndical au secret professionnel, ce que voulaient à tout prix éviter les avocats.
En ce qui concerne la procédure prud’homale, j’ai posé au Gouvernement, le 2 août 2016, une question écrite sur le régime des nullités. Je m’étonne de ne toujours pas avoir obtenu de réponse, alors que le délai légal de réponse est de deux mois. Cette situation est très surprenante : ce n’est, en effet, pas difficile pour l’auteur d’un décret de répondre à une question portant justement sur son interprétation.
Même si je n’étais pas convaincu de la nécessité d’une disposition législative, nous avons par ailleurs inscrit dans la loi, à l’article L. 1454-1-2 du code du travail, une disposition concernant la clôture de l’instruction. Reste la question du rabat de clôture – dans le cas où survient un événement après la clôture –, qu’un texte réglementaire devrait pouvoir régler assez rapidement.
Enfin, il faut signaler que le décret du 20 mai 2016 précise la nouvelle procédure écrite devant la cour d’appel et instaure une représentation obligatoire, sachant que cette représentation a ceci de particulier qu’elle peut être assurée par un défenseur syndical, qui n’a, en l’état, accès ni au réseau privé virtuel des avocats ni à celui du ministère de la justice.
Il n’y a rien à dire sur l’inspection du travail, puisque l’ordonnance a été publiée le 7 avril 2016. Comme le président-rapporteur, je fais valoir qu’il serait souhaitable que les commissions parlementaires soient saisies des projets d’ordonnance en temps utile, c’est-à-dire dès le départ, afin que nous puissions les enrichir. En l’occurrence, j’ai été, à titre personnel, saisi de ce dernier projet, et il a été tenu compte d’une partie de mes remarques. Le Gouvernement est donc sur la bonne voie.
Un mot pour conclure sur les prestations de service internationales et les cas de concurrence déloyale, rappelant que, ce qui est en cause, ce n’est pas leur principe mais leurs modalités. Tous les textes nécessaires à l’application des dispositions contenues dans la loi ont été rapidement pris. Je pense notamment au décret du 7 avril 2016, qui concerne les entreprises de transport, ou au décret du 22 février 2016, qui fixe pour le secteur du bâtiment les modalités de mise en œuvre de la carte d’identification professionnelle, que chaque travailleur sur un chantier doit pouvoir présenter à l’inspection du travail. Si j’insiste sur cette dernière réforme, c’est que ce sont les organismes professionnels qui en sont à l’origine et qui l’ont pensée dans la perspective de lutter contre la concurrence déloyale. Cette collaboration entre une profession et le législateur me paraît assez exemplaire.
J’ajoute enfin que la transmission dématérialisée des déclarations ou attestations de détachement a été prévu par un décret du 29 juillet 2016.
Mme Cécile Untermaier. Je voudrais en premier lieu vous remercier, monsieur le président, pour le travail que vous avez mené, tant au sein de la commission spéciale comme rapporteur général de la loi que dans le cadre de cette mission de suivi. J’ai été impressionné par la constance et l’humour dont vous avez su faire preuve, dans des conditions parfois compliquées. Je remercie également les administrateurs qui nous ont accompagnés tout au long de ce travail.
Je souhaite également souligner le caractère inédit de notre démarche et son utilité. Il est de bonne pratique d’associer étroitement les parlementaires à la mise en œuvre d’une loi qu’ils ont eux-mêmes votée, surtout lorsque son élaboration a été guidée par un souci permanent de co-construction.
Avant d’analyser en détail l’application de la loi, il n’est pas inutile de rappeler le travail colossal que son application a requis. Pour les dispositions regardant les professions réglementées, sur les quarante et une dispositions de la loi qui nécessitaient des mesures réglementaires d’application, quarante ont été précisées par vingt-cinq décrets et cinq arrêtés. La quarante-et-unième disposition concerne les clercs d’huissier, mais le Gouvernement considère qu’un décret n’est pas nécessaire pour appliquer la loi. Dont acte. Le Gouvernement a également pris quatre ordonnances sur habilitation concernant des dispositions incluses dans la partie que j’ai rapportée.
Je rappelle que la réforme des professions réglementées du droit comporte trois volets : un premier volet relatif aux tarifs, qui a fait l’objet de développements dans le premier rapport de la mission d’information ; un deuxième volet relatif au système d’accès à l’exercice libéral de ces professions, sur lequel je vais revenir en détail ; un troisième volet enfin, relatif à l’interprofessionnalité.
La loi du 6 août 2015 n’a pas remis en cause les principes fondamentaux sous-jacents à l’exercice de ces professions. Ainsi le droit de présentation existe-t-il toujours, tout comme le principe de tarifs réglementés. Les tarifs proportionnels applicables à certaines professions et à certains actes n’ont pas été supprimés.
Nous avons toutefois rénové en profondeur des règles désormais fondées sur des critères objectifs et rationnels. Elles ont été rendues adaptables en fonction de l’évolution de ces critères, par des obligations de révisions périodiques. Nous avons également fourni les outils juridiques nécessaires à l’évolution des formes d’exercice des professions, en assouplissant les conditions de détention de capital et en permettant l’exercice en commun de plusieurs des professions du chiffre et du droit.
Rappelons que l’ensemble de ces dispositions a été inspiré par plusieurs travaux préparatoires, émanant tout à la fois de représentants de l’administration, de parlementaires et de membres de l’Autorité de la concurrence. Ils ont conclu à la nécessité d’une modernisation de certaines des professions réglementées du droit.
Pour en revenir au premier des trois volets de la réforme, l’ancien système tarifaire était marqué par plusieurs insuffisances – je ne détaillerai pas ses défauts bien connus. Désormais, les tarifs sont fixés selon le principe de la rémunération raisonnable et des coûts pertinents. Les arrêtés fixant les tarifs, pour chaque profession, ont été publiés aux mois de février et de mai 2016. La nouvelle architecture normative concernant les tarifs a été décrite dans le premier rapport de la mission d’information.
En ce qui concerne à présent le sujet connexe du Fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice (FIADJ) créé par la loi, il n’était pas financé, le Conseil constitutionnel ayant censuré la première contribution envisagée par le Gouvernement. Le législateur n’avait pas épuisé sa compétence, n’ayant pas fixé l’assiette de la contribution avec suffisamment de précision. La contribution était assise sur la valeur de tout bien ou sur le montant de tout droit supérieur à un seuil de 300 000 euros, pour lequel un tarif était fixé proportionnellement à la valeur de ce bien ou de ce droit. Ce seuil pouvait encore être modifié par arrêté.
Dans le projet de loi de finances rectificative pour 2016, le Gouvernement avait donc proposé la création d’une nouvelle contribution. Due par les titulaires d’un office ministériel de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce, d’huissier de justice et de notaire et par les administrateurs et mandataires judiciaires, son taux était unique et fixé à 1,09 % ; elle était assise sur le chiffre d’affaires par associé, à partir d’un certain seuil.
Afin de conférer un caractère plus progressif à la contribution, le président-rapporteur et moi-même avons introduit un amendement instaurant un barème proportionnel, adopté par le Parlement. Néanmoins, le Conseil constitutionnel a également censuré cette contribution. Il a estimé que le législateur avait instauré une différence de traitement entre les personnes morales et les personnes physiques, dès lors que, pour les personnes morales, l’assiette dépendait du nombre d’associés. Selon lui, la différence de traitement était sans rapport avec l’objet de la disposition. Par conséquent, la disposition contrevenait au principe d’égalité.
Ce fonds de solidarité doit distribuer des aides à l’installation et au maintien, dans le contexte de la réforme du système d’installation. Son objectif est la garantie d’un maillage territorial satisfaisant. J’y suis personnellement très attachée. Il s’agira de lui trouver une nouvelle source de financement.
Rappelons que les tarifs proportionnels pour les transactions importantes génèrent des rémunérations justifiant le prélèvement au profit d’un fonds de solidarité. Ces tarifs ont été maintenus, mais le fonds n’a pas été mis en place. Il y a donc nécessité soit de revoir les tarifs – à la baisse –, soit de repenser la constitution de ce fonds, sur une base que l’exécutif devra nous proposer.
S’agissant justement, en deuxième lieu, des règles relatives à l’installation des professionnels, la phase d’application de la loi a suscité des incompréhensions. Rappelons que la loi apporte une réponse à une situation marquée par l’excessive restriction de l’accès aux professions.
Les professionnels installés étaient impliqués à la fois dans l’évaluation des besoins en nombre de professionnels et dans les procédures de nomination, sans qu’ils aient intérêt à l’ouverture de leur profession. Cette logique d’autorégulation a été inefficace et source de tensions. Voilà pourquoi la loi a instauré, pour les officiers publics et ministériels, un système de liberté d’installation régulée. Il repose sur une distinction entre deux types de zones géographiques, déterminées par une carte que le Gouvernement arrête sur proposition de l’Autorité de la concurrence : les zones de libre installation, dites « zones vertes », et les autres zones, dites « zones orange ». Les zones vertes sont celles où l’implantation d’offices supplémentaires est utile pour renforcer l’offre de services ; les zones orange sont celles où les besoins sont a priori satisfaits.
Pour comprendre les difficultés qui sont apparues dans l’application de la loi, il est nécessaire de se pencher sur les critères qui ont conduit à la construction de la carte pour les notaires. L’Autorité de la concurrence a considéré que l’échelle pertinente était celle des zones d’emploi de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Pour déterminer si une zone devait être classée en zone verte ou en zone orange, elle a utilisé le critère du chiffre d’affaires par notaire installé dans la zone. Au-delà d’un certain seuil, l’Autorité de la concurrence considère que l’offre peut être renforcée par la création d’offices, menant à la nomination d’un certain nombre de notaires libéraux supplémentaires. Elle a identifié 247 zones vertes, pour chacune desquelles un objectif exprimé en nombre de notaires libéraux supplémentaires est fixé. J’insiste sur le mot « supplémentaires » car, selon le raisonnement de l’Autorité de la concurrence, la nomination dans une zone donnée d’un notaire déjà installé à un office créé dans la même zone ne renforce pas l’offre de services.
Pour les notaires, l’Autorité a recommandé que 1 650 notaires libéraux supplémentaires soient nommés. Par l’arrêté du 16 septembre 2016, le Gouvernement a confirmé la carte proposée par l’Autorité, en précisant qu’il y avait lieu de raisonner en nombre d’offices. Au total, il prévoit la création de 1 002 offices supplémentaires devant mener à la nomination de 1 650 notaires libéraux. Si, à l’issue d’un délai d’un an, dans les zones dont le nombre d’offices créés est conforme à la recommandation, l’objectif en termes de nombres de notaires libéraux n’est pas atteint, le garde des Sceaux reprend l’instruction des dossiers et les nominations pour atteindre ce nombre.
Par ailleurs, dans les zones qui ne sont pas classées « zones vertes », en vertu de l’article 52 de la loi, rien n’interdit au garde des Sceaux de nommer des candidats à l’installation.
Ces éléments rappelés, revenons sur la procédure de nomination qui a cours, en ce moment, pour les notaires. Il s’agit d’être précis sur ce sujet complexe. Des décrets, en date du 29 juin et du 9 novembre 2016, ont permis aux sociétés civiles professionnelles (SCP) et aux sociétés d’exercice libéral (SEL) d’officiers publics et ministériels d’être titulaires de plusieurs offices : c’est ce qu’on appelle la multi-titularité. Cette disposition est le résultat d’un arbitrage dont la mission d’information n’a absolument pas eu connaissance. La loi ne la rend pas nécessaire et elle a été introduite à la seule initiative du Gouvernement. Elle pose de nombreux problèmes et peut aller jusqu’à remettre en question à terme la notion même d’office.
Les décrets du 9 novembre 2016 sont intervenus une semaine seulement avant l’ouverture du dépôt des candidatures pour les notaires. Dans toutes les zones vertes, le nombre de demandes enregistrées dans les premières vingt-quatre heures a été supérieur au nombre de recommandations pour la zone. Il y avait donc lieu de procéder à des tirages au sort dans chacune des 247 zones vertes, conformément aux dispositions du décret du 20 mai 2016.
Or, la faculté pour les sociétés de détenir plusieurs offices a perturbé le déroulement de la procédure et a suscité l’incompréhension. En effet, à partir du moment où cette possibilité a été ouverte par les décrets mentionnés, il devenait impossible de refuser aux sociétés existantes de participer au tirage au sort. Au total, le ministère de la justice a ainsi enregistré près de 30 000 demandes de nomination, de nombreux demandeurs ayant effectué plusieurs demandes dans des zones différentes, comme le décret du 20 mai 2016 le permet. À ce stade, il n’est pas possible de connaître le nombre total de sociétés existantes parmi les demandeurs mais, fort heureusement, il semble qu’au 1er février 2017, sur les 74 zones pré-instruites, seules 9 % des demandes émanaient de sociétés existantes. Nous espérons donc que l’objectif recherché, c’est-à-dire l’installation de nouveaux officiers publics et ministériels puisse être atteint.
Je suggère dans le rapport deux pistes pour que, in fine, 1 650 nouveaux notaires soient nommés, sans fermer aux sociétés existantes la possibilité d’être nommées dans des offices créés. Toutes deux se fondent sur la méthode de l’Autorité de la concurrence pour évaluer les besoins en offre de service.
L’urgence est désormais de nommer ces professionnels et donc de procéder aux tirages au sort. Après la suspension par le juge des référés du Conseil d’État du premier arrêté fixant les modalités pour les tirages au sort, les garanties de régularité de la procédure ont été renforcées par un nouvel arrêté. Les tirages au sort ont repris, sans qu’il ait été possible de conserver les résultats obtenus antérieurement à la suspension par le Conseil d’État. Ils ont désormais lieu tous les mercredis à la Chancellerie. À ce jour, 29 zones ont été tirées au sort. Le retard pris justifie, s’agissant des notaires, que ces tirages au sort s’effectuent dans un délai très rapproché, les postulants aux charges d’officiers publics et ministériels attendant souvent dans des conditions difficiles.
Concernant la réforme de l’accès à la profession d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, je regrette que nos remarques sur la procédure de nomination n’aient pas été entendues. Malgré les réticences que le président-rapporteur et moi-même avons exprimées, nous constatons avec regret que la commission chargée de classer les candidats aux offices créés n’a pas été supprimée. La logique de l’entre-soi perdure donc au sein de cette profession, qui fait prévaloir tantôt la logique libérale tantôt la logique du service public, c’est selon.
S’agissant en troisième lieu de l’interprofessionnalité, nous n’avons pas à ce stade rencontré de difficultés particulières.
Un mot enfin sur la création de la profession de commissaire de justice. L’ordonnance du 2 juin 2016 fixe les règles relatives au statut de cette nouvelle profession, issue du rapprochement entre les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice. Ses dispositions entreront en vigueur au 1er juillet 2022.
Mes chers collègues, la loi pour la croissance et l’activité est également la loi pour l’égalité des chances économiques. Les dispositions sur les professions du droit s’inscrivent pleinement dans cet esprit. Cette mission d’information s’est attachée, depuis sa constitution, à ce que le pouvoir réglementaire retranscrive au mieux l’intention de la loi. La démarche est novatrice. Elle s’est révélée d’autant plus essentielle que la phase d’application de la loi n’a pas été un long fleuve tranquille. On peut simplement regretter que la mission n’ait pas été sollicitée lorsque des arbitrages importants devaient être rendus, en particulier s’agissant du volet relatif à la libre installation des professions.
Le système doit maintenant trouver son rythme de croisière, sachant qu’il répond désormais pour partie au principe de révisions périodiques propres à adapter le cadre juridique aux situations nouvelles.
Cette mission est inédite, comme l’était la commission spéciale mise en place pour travailler sur cette loi. Je pense qu’elle est résolument moderne. Elle s’inscrit dans ce travail de qualité et de transparence qu’attendent de nous les citoyens, et dans le travail de contrôle que le Parlement doit effectuer depuis la révision constitutionnelle de 2008 et qui impose l’usage de nouveaux outils, dont cette commission de suivi est un exemple dont devra s’inspirer la prochaine législature.
M. le président-rapporteur. Merci, chère collègue, de votre engagement dans cette mission. Vous montrez bien que, pour les décrets relatifs à la multi-titularité, la terre entière, si je puis dire, a été « concertée » sauf nous, et qu’il est ressorti des réunions interministérielles l’idée que cette trouvaille était conforme à l’intention du législateur alors que ce n’est absolument pas le cas. Il faudra à l’avenir faire en sorte que cette concertation en amont ait lieu, faute de quoi notre intention peut être dénaturée par les décrets. L’absence de concertation nous contraindrait à écrire des lois beaucoup trop bavardes – alors que l’on dit qu’elles le sont déjà – pour prévenir de telles bifurcations réglementaires.
M. Stéphane Travert. Les articles 241 à 257 de la loi du 6 août 2015 ont apporté de nombreuses modifications aux dispositions organisant le travail des salariés le dimanche et en soirée. Les principales innovations ont permis d’ajouter aux zones touristiques et aux zones commerciales les zones touristiques internationales (ZTI), de modifier le régime et d’étendre potentiellement le nombre de « dimanches du maire » de cinq à douze par an, de refondre et d’harmoniser les régimes existants afin que les conditions d’ouverture et les nécessaires compensations pour les salariés concernés fassent l’objet d’un accord collectif ou, dans les établissements de moins de onze salariés, d’une décision de l’employeur approuvée par la majorité des salariés.
Depuis le premier rapport d’étape du 22 mars 2016, trois types d’évolution peuvent être constatées : tout d’abord, le régime d’ouverture local a été modifié de façon marginale, ensuite, deux mesures d’application complémentaires ont été prises, à savoir la création de trois zones touristiques internationales supplémentaires et la mise en place d’un Observatoire du commerce, enfin les négociations collectives ont pu se poursuivre et aboutir dans plusieurs secteurs emblématiques comme celui des grands magasins.
En ce qui concerne les dimanches du maire, deux évolutions ont eu lieu. L’article 250 de la loi a apporté plusieurs modifications au dispositif permettant au maire d’accorder, par arrêté, l’autorisation d’ouvrir certains dimanches aux commerces. Le nombre de dimanches pouvant ainsi faire l’objet d’une ouverture dominicale est passé de cinq à douze par an. Ce même article 250 n’a pas modifié les dispositions préexistantes qui confiaient, par voie d’exception pour la seule ville de Paris, le choix des dimanches concernés au préfet de police.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité à ce sujet, à l’initiative de la maire de Paris, le Conseil constitutionnel a jugé le 24 juin 2016 qu’« aucun motif d’intérêt général ne justifie que, s’agissant du pouvoir de déterminer les dimanches durant desquels les établissements de commerce de détail sont autorisés à supprimer le repos hebdomadaire dominical, la ville de Paris soit traitée différemment de toutes les autres communes », et déclaré contraire à la Constitution ces dispositions dérogatoires.
En conséquence, la maire de Paris a pu exercer cette compétence et a proposé au Conseil de Paris du 9 novembre 2016 d’autoriser les commerces parisiens à ouvrir douze dimanches en 2017, soit le maximum possible, pour « soutenir les commerces de proximité, qui sont confrontés à la concurrence des grandes enseignes situées dans les zones touristiques internationales ».
Par ailleurs, dans le premier rapport d’application, nous avions constaté, Richard Ferrand et moi-même, que le dispositif de fixation des dimanches du maire retenu par le législateur était excessivement rigide.
Alors que la décision du maire n’était précédemment enserrée dans aucun délai ni obligation de consultation, il est désormais nécessaire de consulter les représentants locaux des employeurs et des salariés, de recueillir l’avis du conseil municipal et, si le nombre de dimanches excède cinq, l’avis conforme ou implicite de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), en temps utile pour que l’arrêté municipal puisse être pris avant le 31 décembre de l’année précédente. Cette date butoir apparaissait en pratique à la fois trop rapprochée pour que les commerces organisent en concertation avec leurs salariés une ouverture pour les soldes de janvier, et trop éloignée quand il s’agit de fixer plus d’un an à l’avance les ouvertures dominicales de décembre.
Aussi, nous avons déposé un amendement qui a été intégré au projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, afin d’introduire plus de souplesse dans la détermination par les maires des dimanches ouvrables, en ouvrant la possibilité de modifier en cours d’année la liste des dimanches concernés, tout en respectant les mêmes formes – consultation des organisations syndicales et patronales, du conseil municipal et, lorsque le nombre de dimanches excède cinq, de l’organe délibérant de l’EPCI – et en imposant un délai minimal de deux mois avant le premier dimanche concerné par cette modification.
En ce qui concerne les mesures d’application de la loi, tous les textes réglementaires d’application nécessaires avaient été pris entre le 23 septembre 2015 et le 10 février 2016, après achèvement des procédures de consultation prévues par le législateur ou le pouvoir réglementaire.
Cependant, deux mesures complémentaires ont été prises depuis cette date : d’une part, la création de trois zones touristiques internationales supplémentaires, à Antibes, Dijon et La Baule le 25 juillet 2016, qui sont venues rejoindre les douze ZTI parisiennes et les six ZTI de province, et, d’autre part, la mise en place d’un Observatoire du commerce dans les ZTI, créé par arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères, de la ministre du travail et du ministre de l’économie du 20 juin 2016, afin d’« évaluer la réforme de l’ouverture dominicale des commerces, d’en suivre la promotion internationale, d’en mesurer les effets sur le commerce, l’activité économique, l’emploi et le dialogue social »
Sous la coprésidence des ministres chargés de l’économie et du travail, il réunit neuf représentants des organisations professionnelles, cinq représentants des organisations syndicales de salariés, quatre représentants de l’État, deux représentants des organismes consulaires, onze personnalités qualifiées et les maires des communes concernées par l’implantation d’une zone touristique internationale.
L’arrêté prévoit que « l’Observatoire du commerce dans les zones touristiques internationales dispose d’un site internet », afin de diffuser des informations d’ordre documentaire sur les différents dispositifs relatifs à l’ouverture dominicale et en soirée des commerces, à destination des commerces et des consommateurs. Dans le précédent rapport d’étape, j’avais souhaité un tel renforcement des moyens d’information ; aussi regretté-je particulièrement que ce site ne soit pas en ligne à ce jour.
Enfin, il est possible de faire un nouveau bilan de la mise en œuvre de la loi, qui repose sur la négociation collective. Si de nombreuses branches ou entreprises avaient abouti à un tel accord avant la parution du premier rapport d’étape le 22 mars 2016, l’année écoulée a été mise à profit pour permettre l’engagement ou l’aboutissement de négociations dans de nombreux commerces. Le rapport d’étape permettra de détailler trois exemples emblématiques : les grands magasins parisiens, la FNAC et les hypermarchés.
Après l’échec des négociations au niveau de la branche en 2015, des négociations ont eu lieu dans chaque enseigne de grands magasins parisiens. Un accord de branche aurait eu l’avantage d’harmoniser les compensations salariales dans l’ensemble des enseignes ; dans les faits, chaque magasin a négocié son propre régime de compensation.
Le BHV Marais a été le premier grand magasin parisien à signer un accord de compensation salariale avec les syndicats, le 6 mai 2016. L’accord conclu pour trois ans prévoit pour les salariés travaillant habituellement la semaine un plafond de quinze dimanches travaillés par an, assortis d’une majoration de salaire de 100 % et d’une récupération. Le BHV Marais est ainsi ouvert tous les dimanches depuis le mois de juillet 2016. Ont suivi les Galeries Lafayette, où 92 % des salariés se sont inscrits pour travailler le dimanche, le Bon Marché, Monoprix et finalement, en janvier 2017, le Printemps. Ainsi, toutes les enseignes de grands magasins vont pouvoir dorénavant ouvrir leurs établissements situés dans les ZTI.
Les premières données disponibles, communiquées le 4 novembre 2016 par l’Observatoire du commerce dans les zones touristiques internationales, montrent que 15 % des magasins situés dans les ZTI sont déjà ouverts le dimanche et 2,5 % le soir. Cela concerne près de 1 500 magasins, essentiellement des petits commerces de moins de onze salariés.
Six mois après le début de l’ouverture dominicale du BHV Marais, « le bilan est extrêmement positif, avec un chiffre d’affaires additionnel de 10 % depuis la mise en place des ouvertures dominicales », selon la direction : le dimanche est devenu le deuxième meilleur jour de ventes, derrière le samedi. Les ouvertures dominicales ont attiré une nouvelle clientèle, mais essentiellement locale et francilienne. En termes d’emplois, le BHV Marais fait valoir la création de 150 postes en contrat à durée indéterminée (CDI) de fin de semaine grâce aux ouvertures dominicales. Les Galeries Lafayette ont recruté 330 personnes en vue des prochaines ouvertures du dimanche, et prévoient de créer 500 postes nouveaux grâce à ces dimanches désormais travaillés, sans compter les emplois indirects, comme ceux de démonstrateurs de marques.
En termes de fréquentation touristique, le centre commercial Beaugrenelle, situé non loin de la Tour Eiffel, a indiqué qu’un an après avoir obtenu le droit d’ouvrir le dimanche, il a vu sa fréquentation touristique bondir de 28 %.
Dans certaines enseignes, les négociations ont pris un certain temps mais ont abouti à des dispositifs de compensation du travail dominical avantageux pour les salariés concernés. Ainsi, la direction de la FNAC a conclu, le 26 janvier 2017, un accord relatif au travail dominical et au travail de soirée qui prévoit une majoration de salaire à hauteur de 200 % par dimanche pour les douze dimanches générant l’activité la plus importante sur l’année, et de 100 % pour les autres dimanches. Concernant les douze dimanches majorés à 200 %, le salarié pourra choisir entre la totalité de la majoration ou le paiement à hauteur de 100 % et un repos équivalent au nombre d’heures travaillées et crédité dans le compteur des heures à compenser.
Enfin, les enseignes d’hypermarchés ont entrepris des négociations. En application de l’article L. 3132-13 du code du travail, les commerces de détail alimentaire bénéficient d’une dérogation permanente de droit au principe du repos dominical puisqu’ils peuvent ouvrir le dimanche matin jusqu’à treize heures ; la loi a prévu que, dans les commerces alimentaires dont la surface de vente est supérieure à 400 mètres carrés, les salariés devront bénéficier pour cette période d’une majoration de 30 % de leur rémunération.
Lors des auditions menées début 2016, l’ouverture dominicale n’apparaissait pas comme une priorité des chaînes d’hypermarché ; cependant, les réflexions semblent avoir évolué en la matière. La direction du groupe Carrefour a convoqué en décembre 2016 les syndicats pour négocier l’ouverture dominicale. Elle souhaite ainsi remettre en cause un accord d’entreprise de 1999 qui, contrairement à ses concurrents comme Auchan ou Casino, prévoyait explicitement que le repos hebdomadaire était donné le dimanche et bloquait ainsi les ouvertures dominicales, exception faite des dimanches du maire.
Si la négociation semble difficile, un accord permettrait aux 191 hypermarchés Carrefour SAS, représentant quelque 60 000 salariés, d’ouvrir le dimanche matin, même si l’enseigne n’entend pas forcément ouvrir tous ses hypermarchés tous les dimanches matin. Selon les syndicats, parmi ces magasins de plus petite taille, supérettes et supermarchés, Carrefour détiendrait déjà 5 000 points de vente ouverts le dimanche.
Dans le même temps, M. Michel-Édouard Leclerc, dirigeant du groupement de distributeurs indépendants Leclerc, a indiqué en janvier 2017 qu’il ne souhaitait pas une généralisation du travail dominical dans les hypermarchés – seuls 15 % à 20 % de centres Leclerc étant actuellement ouverts le dimanche matin.
Chez Auchan, un tiers des hypermarchés s’apprêterait à ouvrir le dimanche matin, en prenant en compte l’évolution des modes de vie, en offrant une compensation salariale de 50 % à leurs salariés.
On constate donc que, malgré des débuts difficiles, le pari du législateur, qui a fait confiance à la négociation collective, a été concluant : les négociations ont abouti à des régimes de compensation substantiels pour les salariés concernés. Nous avons apporté de la régulation là où il n’y en avait pas ; c’était l’enjeu des accords gagnant-gagnant que nous avons souhaités.
M. le président-rapporteur. Puisque nous sommes au moment de tirer quelques leçons, je rappelle que certains n’avaient pas souhaité voter la loi au motif qu’elle n’imposait pas de plancher pour le surcroît de rémunération offert aux salariés travaillant le dimanche. Ayant un peu d’expérience du monde du travail, contrairement à l’auteur de certains de ces amendements, nous avions fait valoir que ce qui est fixé comme étant un plancher devient rapidement un plafond. De surcroît, une telle proposition déniait aux partenaires sociaux leur capacité à négocier et à trouver les bonnes solutions. Ce que vient d’indiquer Stéphane Travert l’illustre parfaitement. Les négociations entre direction et représentants du personnel ont permis d’aboutir à des compensations largement supérieures à tout plancher qui avait été le prétexte à des querelles fort longues. Faire confiance aux partenaires sociaux a été plus pertinent que de légiférer pour une cote mal taillée qui aurait privés d’initiative lesdits partenaires sociaux, de chiffre d’affaires les entreprises et de revenus supplémentaires les salariés – sans compter les créations d’emplois.
M. Gilles Lurton. Je m’associe à vos propos, monsieur le président, quand vous indiquez que cette mission pourrait servir d’exemple pour le contrôle du Parlement sur l’application de la loi par le Gouvernement. L’action de la mission, les auditions que nous avons conduites et auxquelles j’ai participé assidument, ont certainement orienté le point de vue réglementaire. Je m’associe aux remerciements qui vous ont été adressés sur la façon dont vous avez mené cette mission.
Je ne partageais pas tous les objectifs de la loi, notamment en ce qui concerne les professions réglementées, et je pourrais me réjouir du fait que certaines dispositions, présentées comme très urgentes au cours des débats, ne sont pas encore appliquées. Ce n’est pas mon état d’esprit. Je remarque simplement que la dernière audition, avec le conseiller du garde des Sceaux, M. Berlioz, a été révélatrice de la tendance du pouvoir réglementaire à ne pas appliquer aussi rapidement que nous le souhaiterions ce qui a été voté et, au contraire, à retarder cette application par tous les artifices réglementaires à sa disposition.
L’objectif, considéré comme essentiel et urgent au moment du vote de la loi, de permettre à un plus grand nombre de professionnels réglementés, notamment les notaires, de poser une plaque n’est toujours pas appliqué, ce qui montre la distance pouvant exister entre la volonté du législateur et sa réalisation. Les propos de Cécile Untermaier sont tout à fait révélateurs.
Vous avez indiqué qu’il fallait attendre la prochaine législature pour tirer le bilan définitif de l’application de cette loi. Je souhaite moi aussi que ce travail se poursuive, quelle que soit la majorité qui aura en charge les destinées de notre pays, et qu’il serve d’exemple. À titre d’illustration, nous avons voté une loi de modification de notre système de santé sur laquelle nous sommes totalement incapables aujourd’hui de dire où en sont l’application et les décrets.
Le travail parlementaire serait renforcé. Selon moi, il n’y a pas de loi de droite ou de gauche ; il y a une loi au service de l’intérêt général, votée par le Parlement au service des Françaises et des Français, et notre rôle de législateur est aussi de vérifier son application.
Enfin, lors de nos auditions j’ai posé une même question à de nombreuses reprises, à l’Autorité de la concurrence, à Mme Taubira, à M. Urvoas, ainsi qu’au ministre à Bercy, concernant la rémunération des petits actes. Bernadettte Laclais est également beaucoup intervenue sur le sujet. Le ministre nous a laissé entendre qu’il n’était pas insensible à notre argumentation, mais qu’il attendait la démonstration du Conseil supérieur du notariat. La mesure n’a vraisemblablement pas porté les fruits qu’il espérait, à savoir une augmentation du nombre de transactions sur les petits actes. Je ne sais pas si le Gouvernement a décidé de revenir sur cette décision ou si elle est toujours appliquée telle quelle. En tout cas, je trouve dommage que nous n’ayons pu évoluer sur ce point.
M. le président-rapporteur. Je pense qu’il n’y a pas eu d’évolution enregistrée depuis.
M. Jean-Frédéric Poisson. En vous écoutant, monsieur le président, je me disais que les motifs pour lesquels j’étais opposé au projet de loi demeuraient. C’est bien la preuve que le Gouvernement a respecté la volonté du législateur, au moins dans ses grandes lignes. Sous cet aspect, vous pouvez donc être satisfait. Il ne s’agit pas, ici, de dresser un bilan politique de la loi, mais je ne peux m’empêcher de préciser qu’elle a eu des effets politiques sur la majorité, et si ceux-ci ont dépassé l’intention des députés, ses effets économiques, en revanche, sont restés en deçà de la volonté du Gouvernement comme de sa majorité.
Je souhaiterais évoquer le mécanisme du contrôle parlementaire, d’abord pour vous adresser à mon tour mes remerciements et mes félicitations pour la création et les travaux de cette mission d’information, ensuite pour partager avec vous quelques réflexions sur le sujet.
Premièrement, quoi que l’on pense de ce que l’on entend dans les médias ou les couloirs de cette maison, il est clair que nous assistons actuellement à un terrible affaiblissement de l’autorité du Parlement, dont les moyens de fonctionnement, voire, probablement, un certain nombre de libertés sont remis en cause. Nous devons y être attentifs, et je regrette, du reste, que l’expression collective des parlementaires ne soit pas plus énergique et plus unanime car, outre que nous en pâtissons à titre personnel – mais ce n’est pas si important –, la liberté des citoyens s’affaiblit à chaque fois que celle du Parlement s’amoindrit.
Deuxièmement, la mission de contrôle du Parlement est encore assez mal maîtrisée par notre assemblée et peu connue de nos collègues eux-mêmes. Je sais, pour avoir eu l’honneur de rédiger avec Régis Juanico un rapport du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC), que les travaux réalisés dans ce cadre se déroulent pour ainsi dire dans une indifférence quasi générale. Cependant, j’ose espérer que ceux qui nous succéderont peut-être dans quelques semaines s’approprieront davantage cette mission, car s’assurer que la loi est conforme à la volonté du législateur est indissociable de l’acte de la voter. Nous disposons pour ce faire des moyens nécessaires – et je veux ici remercier les services de notre assemblée pour le travail qu’ils ont accompli à vos côtés.
Troisièmement, je me souviens que, lors de la réforme constitutionnelle de 2008, je m’étais efforcé de convaincre mes collègues que, si le législateur est parfois conduit, je dirai presque « réduit », à voter des lois qui vont très loin dans le détail – je ne parle pas ici de celles qui ne veulent rien dire ou des déclarations d’intention, qui devraient être bannies de tout code –, c’est sans doute parce qu’un climat de défiance terrible s’est installé entre les différents pouvoirs. De fait, si le législateur avait pleinement confiance dans l’interprétation que le juge fait de ses textes – je pense, en l’espèce, à la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation – et dans le pouvoir exécutif chargé de rédiger les décrets d’application, peut-être consacrerait-il moins d’énergie à entrer à ce point dans le détail. Il s’agit donc de rétablir la confiance entre les institutions, et l’un des moyens d’y parvenir réside, me semble-t-il, dans la manière dont nous écrivons la loi. Nous avons en effet perdu de vue – mais c’est un problème de notre temps – qu’une formulation universelle est en réalité bien plus forte qu’une formulation détaillée.
Toujours est-il que j’avais, à l’époque, proposé une solution pratique, qui n’a, hélas ! pas été retenue. Elle consistait à prévoir que, durant la semaine que notre ordre du jour réserve au contrôle, le Gouvernement vienne présenter, en séance publique, les textes d’application des lois votées par le Parlement. Cette solution, parfaitement conforme à l’esprit même de cette semaine de contrôle, éviterait que la restitution de ces travaux essentiels ne se limite au cercle réduit des commissions.
Si j’étais chafouin, je dirais, à ce propos, que la question de la multi-titularité est la plus belle objection de principe jamais faite à cette loi puisque, d’une certaine manière, elle fournit au ministère de la justice l’occasion de se rappeler au bon souvenir de celui de l’économie… Toujours est-il que l’on est en droit de se demander jusqu’à quel point il est tolérable que le pouvoir exécutif aille à l’encontre de la volonté du législateur. Existe-il, dans un tel cas, une instance de recours devant laquelle celui-ci puisse contester cette interprétation ? Par ailleurs, je constate, avec la même satisfaction que vous, qu’une énergie considérable a été consacrée à faire en sorte que la loi votée il y a deux ans soit traduite dans les faits aussi vite que possible. Mais le problème est toujours le même : on considère telle disposition comme urgente, mais on finit par patienter un temps interminable avant que soit mis en œuvre ce qui était réputé imminent.
Un mot sur les ordonnances. J’ai indiqué à plusieurs reprises qu’elles n’étaient pas ma tasse de thé, même si elles sont constitutionnelles. Quoi qu’il en soit, elles mériteraient une approche ou un traitement un peu différent. À cet égard, si nos successeurs devaient envisager autrement les relations entre les différents pouvoirs, il faudrait tout d’abord qu’ils généralisent ce type de missions d’information – et je vous remercie d’avoir essuyé les plâtres, monsieur le président. La difficulté soulevée par les ordonnances réside dans le fait qu’il faut laisser sa liberté au pouvoir exécutif tout en s’assurant que les textes sont bien conformes à ce qu’ils sont censés être. Je me méfie d’autant plus de cette procédure que je connais la tentation que certains ont d’en user massivement pour gouverner de manière énergique. Cela n’a jamais été ma position : il me semble que, particulièrement en temps de crise, il revient au Parlement de débattre, dans des délais raisonnables, certes, mais il existe de nombreux moyens de mettre fin à la discussion en séance publique si le Gouvernement l’estime nécessaire.
M. le président-rapporteur. Nous partageons l’idée selon laquelle la mission de contrôle du Parlement doit être renforcée et davantage connue de nos concitoyens, qui doivent savoir que ce dernier a également pour rôle de contrôler le pouvoir exécutif, notamment la mise en œuvre des lois, l’un comme l’autre devant jouir de sa totale liberté.
Mme Bernadette Laclais. Monsieur le président, je m’associe aux remerciements qui vous ont été adressés, ainsi qu’aux anciens rapporteurs thématiques. Nous sommes tous bien conscients du travail considérable que vous avez fourni, que ce soit lors de l’examen de ce projet de loi important par sa densité et la diversité des thèmes abordés ou dans le cadre de cette mission d’information, dont je salue l’existence. Cette manière nouvelle de travailler doit être utilisée avec détermination.
Comme toute réforme, cette loi comporte des dispositions dont la mise en œuvre n’a pas soulevé de problèmes et d’autres dont l’application est plus complexe. Je ne sous-estime pas la difficulté de trouver des solutions dans certains cas mais, puisqu’il s’agit de notre dernière réunion avant la fin de la législature, je souhaite évoquer les sujets qui me tiennent à cœur et pour lesquels nous n’avons toujours pas trouvé de solution satisfaisante. Cécile Untermaier a ainsi évoqué la question du tirage au sort. La loi a maintenant été votée il y a deux ans. Or, de nombreux jeunes avaient différé leur installation ou le dépôt de leur dossier dans l’attente de ses dispositions. Il est donc urgent de procéder à ce tirage au sort, qui est très attendu dans les territoires.
Le deuxième sujet sur lequel je veux insister est celui du fonds interprofessionnel qui, selon l’intention du législateur, devait non seulement fournir une aide à l’installation mais aussi faciliter l’accès au droit. Lors de l’examen des projets de loi de finances, j’ai déposé, avec Cécile Untermaier, des amendements en ce sens, mais ils ont été rejetés à la fois par le Gouvernement et par nos collègues de la commission des finances. Je ne leur en veux pas, mais ses rapporteurs n’ont pas forcément suivi nos débats. Toujours est-il que le dispositif n’a pas, aujourd’hui, l’amplitude que nous souhaitions lui donner. C’est un regret que je souhaitais exprimer ici, en espérant que d’autres poursuivront ce travail.
Il me semble indispensable que nous observions très attentivement, car cela a été notre souci constant, ce qui se passera après le tirage au sort, notamment dans les zones les moins denses. Les petits actes, qui représentaient souvent une partie importante de l’activité des petits offices notariaux, ne sont plus très rémunérateurs. Qui les accomplira, à l’avenir ? Nombre de ces petits offices sont prêts à nous transmettre leur chiffre d’affaires de façon anonyme en en détaillant la composition, afin que nous puissions mesurer les effets de la réforme sur leur activité. Je souhaiterais que cette étude soit menée.
Enfin, notre collègue Stéphane Travert sait l’intérêt que je porte au commerce de centre-ville, en tant que députée et en tant que présidente de l’association Centre-ville en mouvement. J’étais favorable aux dispositions relatives à l’ouverture dominicale dont j’estime qu’elles sont très bonnes, et le rapport en atteste. En effet, monsieur le président, nous avons fait confiance au dialogue social, mais nous avons également fait confiance au dialogue entre l’intercommunalité et les communes. Or, je suis obligée de constater que, dans un certain nombre d’agglomérations, le nombre des dimanches ouverts dans les villes-centres est inférieur à celui des dimanches ouverts dans leur périphérie, et ce pour des raisons politiques. De fait, la ville-centre ne peut pas toujours, en raison des forces en présence, faire valoir son point de vue. J’ignore quelle mesure il faudrait proposer. En tout état de cause, il est anormal que, dans la période précédant les fêtes, certains commerces situés dans des centres commerciaux puissent ouvrir le dimanche alors que ceux du centre-ville ne le peuvent pas. Une harmonisation me semble nécessaire dans ce domaine, et je suggère que nous y réfléchissions. Les commerces de centre-ville ont besoin du soutien des élus pour continuer à renforcer l’attractivité de nos cœurs de ville, et je ne manquerai pas de le rappeler lors des assises du commerce de centre-ville qui doivent se tenir la semaine prochaine. C’est notre responsabilité de législateur d’offrir à ces commerçants la possibilité de travailler sur un pied d’égalité avec les commerces situés à la périphérie car, aujourd’hui, hélas ! cette possibilité dépend des intercommunalités dans lesquelles ils se situent.
Mme Véronique Louwagie. Comme la mission d’information commune elle-même, je souhaite que la méthode de travail que cette dernière a adoptée perdure lors des prochaines législatures. Il faut que le Parlement remplisse mieux sa mission de contrôle et d’évaluation. Le contrôle passe aujourd’hui par des séances publiques de questions orales et par des questions écrites transmises au Gouvernement, mais le rapport d’information que nous examinons aujourd’hui illustre parfaitement notre capacité à veiller à la mise en œuvre des lois que nous avons votées. Il ne s’agit pas de mettre les administrations sous pression, même si cela peut constituer un mode d’action, mais plutôt d’augmenter nos moyens d’expertise pour mieux évaluer et contrôler les politiques publiques.
Le tirage au sort pour l’ouverture de nouvelles études de notaire a donné lieu à des problèmes, que ce soit en termes d’agenda ou de procédure. Des tirages au sort ont même été annulés, ce que nous regrettons tous. Cette situation, qui a créé des déceptions et des tensions, n’a pas contribué à crédibiliser le travail du Parlement. Il nous appartient d’exiger que des études d’impact précises et complètes nous soient transmises sur l’ensemble des conséquences prévisibles des dispositions qui nous sont proposées par le Gouvernement.
M. le président-rapporteur. Chers collègues, je remercie l’ensemble des membres de notre mission d’information pour leur travail. Je remercie également les services de l’Assemblée nationale pour l’aide précieuse qu’ils nous apportent. Je nous souhaite de nous retrouver bientôt pour poursuivre ce travail afin que nous puissions nous assurer que l’application de la loi donne satisfaction à nos concitoyens, et que nous soyons en mesure de corriger ce qui mérite de l’être.
La mission d’information commune adopte le rapport d’information à l’unanimité.
*
* *
ANNEXE N° 1 :
ÉTAT DES LIEUX DE L’APPLICATION DE LA LOI DU 6 AOÛT 2015
TABLEAU RÉCAPITULATIF DE L’ÉTAT D’APPLICATION DES DISPOSITIONS DE LA LOI
Texte d’application |
Objet |
Référence du texte | |
Article 1er, II |
Ordonnance |
Mesure relevant du domaine de la loi afin de mettre en cohérence la structure et le contenu du code des transports et du code de la voirie routière avec les missions confiées à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières au présent chapitre (mobilité) |
Ordonnance n° 2016-79 du 29 janvier 2016 relative aux gares routières et à la recodification des dispositions du code des transports relatives à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières |
Article 1er, II |
A |
Taux de la contribution pour frais de contrôle |
Arrêté du 24 juin 2016 fixant le taux des taxes pour frais de contrôle perçues au profit de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières et modifiant l’arrêté du 7 octobre 2010 fixant le taux du droit fixe perçu par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires |
Article 2 |
Application directe |
Normes environnementales applicables aux services réguliers de transport public routier |
– |
Article 3 |
Application directe |
- Installation dans les autocars de dispositifs permettant de prévenir la conduite sous l’empire d’un état alcoolique ; - Dérogations à l’installation de dispositifs permettant de prévenir la conduite sous l’empire d’un état alcoolique dans les autocars. |
– |
Article 4, I |
DCE |
Accès aux données nécessaires à l’information du voyageur mises à la disposition du public relatives aux services réguliers de transport public (arrêts, horaires, accessibilité aux personnes handicapées) |
Non publié |
Article 5, I et 6, I, 6° |
DCE |
- Modalités d’application de la section du code des transports relative aux services librement organisés ; - Modalités d’application à l’Ile-de-France ; - Critères d’appréciation du caractère principal du service international et les conditions de sa vérification. |
Décret n° 2015-1266 du 13 octobre 2015 relatif aux services réguliers interurbains de transport public routier de personnes librement organisés |
Article 6 , I, 1° et 2° |
DS |
Accessibilité des autocars aux personnes à mobilité réduite (PMR) |
Décret n° 2015-1170 du 22 septembre 2015 relatif à l’accessibilité du matériel roulant affecté aux services réguliers interurbains de transport public routier de personnes librement organisés |
Article 7 |
Ordonnance |
Mesure relevant du domaine de la loi ayant pour objet la création d’un établissement public, associant notamment des représentants de l’État, d’établissements publics de l’État et de collectivités territoriales participant au financement du projet, aux fins de réalisation d’une infrastructure fluviale reliant les bassins de la Seine et de l’Oise au réseau européen à grand gabarit et de développement économique en lien avec cette infrastructure |
Ordonnance n° 2016-489 du 21 avril 2016 relative à la Société du Canal Seine-Nord Europe |
Article 8 |
Ordonnance |
Toute mesure relevant du domaine de la loi permettant la réalisation d’une infrastructure ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, notamment en modifiant l’article L. 2111-3 du code des transports |
Ordonnance n° 2016-157 du 18 février 2016 relative à la réalisation d’une infrastructure ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle |
Article 9 |
Rapport au Parlement |
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie établit un rapport sur l’impact du développement du transport par autocar sur l’environnement |
Non remis |
Article 10 |
Application directe |
Création du schéma régional des gares routières |
– |
Article 11 |
Application directe |
L’établissement public “Société du Grand Paris” peut, dans les infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris ou dans les infrastructures de transport public réalisées sous sa maîtrise d’ouvrage, établir, gérer, exploiter ou faire exploiter des réseaux de communications électroniques à très haut débit |
– |
Article 12, 1°, 2° et 3° |
Ordonnance |
– Modifier et codifier les règles applicables en matière de création, d’aménagement et d’exploitation des gares routières de voyageurs, ainsi que des autres points d’arrêt routier, par les personnes publiques et privées, définir les principes applicables en matière d’accès à ces gares par les entreprises de transport public routier de personnes, modifier les règles applicables en matière de police dans ces gares pour garantir l’accès à celles-ci de l’ensemble des usagers, notamment les personnes handicapées et à mobilité réduite ainsi que les cyclistes, et des opérateurs, de façon à assurer leur participation effective au développement et au bon fonctionnement du transport routier de personnes et à favoriser l’intermodalité, notamment avec les modes de déplacement non polluants ; – Confier à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières la compétence de préciser les règles d’accès, d’en contrôler le respect et de prononcer des sanctions ; – Définir les conditions dans lesquelles cette même autorité peut être saisie en cas de différend portant sur l’accès à ces gares ou sur leur utilisation. |
Ordonnance n° 2016-79 du 29 janvier 2016 relative aux gares routières et à la recodification des dispositions du code des transports relatives à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières |
Article 13 |
DCE |
– Modalités d’application de la section relative à la régulation des tarifs de péages ; – Seuil de longueur de réseau d’autoroute concédé à partir duquel le concessionnaire institue une commission des marchés, composée en majorité de personnalités indépendantes et n’ayant aucun lien direct ou indirect avec les soumissionnaires ; – Conditions dans lesquelles tout projet d’avenant à un marché de travaux, fournitures ou services est soumis pour avis à la commission des marchés ; – Modalités d’application de la section relative à la régulation des marchés de travaux, fournitures et services du réseau autoroutier concédé ; – Installations annexes sur les autoroutes concédées : exception à l’obligation de publicité par le concessionnaire d’autoroute pour la passation de contrats ; – Procédures de passation des contrats de construction, d’exploitation et d’entretien des installations annexes à caractère commercial situées sur le réseau autoroutier concédé ; – Conditions dans lesquelles le concessionnaire d’autoroute, à l’issue de la procédure de passation, rend public son choix et le fait connaître aux candidats dont l’offre n’a pas été retenue – conditions dans lesquelles l’exécution du marché peut commencer ; – Installations annexes sur les autoroutes non annexées. |
Décret n° 2016-234 du 1er mars 2016 relatif à la régulation des contrats dans le secteur des autoroutes |
Article 13 |
DCE |
– Exception au principe selon lequel pour les marchés de travaux, fournitures ou services, le concessionnaire d’autoroute procède à une publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes ; – Conditions dans lesquelles le concessionnaire d’autoroute, à l’issue de la procédure de passation, rend public son choix et le fait connaître aux candidats dont l’offre n’a pas été retenue - conditions dans lesquelles l’exécution du marché peut commencer. |
Décret n° 2016-552 du 3 mai 2016 relatif à la passation des marchés par les concessionnaires d’autoroutes |
Article 13 |
A |
Conditions d’organisation du service public sur les installations annexes situées sur le réseau autoroutier concédé |
Arrêté du 8 août 2016 fixant les conditions d’organisation du service public sur les installations annexes situées sur le réseau autoroutier concédé |
Article 14 |
Application directe |
Gestion d’informations par l’ARAFER |
– |
Article 15 |
Application directe |
Mécanisme correcteur en cas de bénéfices supérieurs aux estimations. Mise en ligne des contrats entre l’État et les sociétés d’autoroutes |
– |
Article 16 |
Application directe |
Ratification de l’ordonnance n°2014-690 du 26 juin 2014 relative à la participation de la Société du Grand Paris à certains projets du réseau des transports en Ile-de-France |
– |
Article 17 |
Application directe |
Prise en charge, par les concessionnaires, des interventions des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) sur les parties annexes du réseau autoroutier |
– |
Article 18, I |
DCE |
Dates d’entrée en vigueur : – des I et III de l’article 1er de la loi ; – de l’article L. 3111-17 du code des transports, dans sa rédaction résultant de l’article 5 de la présente loi, pour ce qui concerne les services assurant une liaison dont deux arrêts sont distants de 100 kilomètres ou moins ; – des articles L. 3111-18 à L. 3111-20 et L. 3111-22 à L. 3111-24 du même code, dans leur rédaction résultant de l’article 5 de la présente loi ; – des 9° et 11° du I de l’article 6. Entrée en vigueur au plus tard le premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la présente loi. |
Décret n° 2015-1266 du 13 octobre 2015 relatif aux services réguliers interurbains de transport public routier de personnes librement organisés |
Article 19, I, 2° |
DCE |
Constatation de l’inaptitude définitive entraînant l’annulation du permis de conduire les véhicules de toutes les catégories pour les titulaires d’autorisations de stationnement acquises à titre onéreux |
– |
Article 20 |
Application directe |
Constatation des infractions au code de la route sur les parcs de stationnement situés dans l’enceinte des gares par des agents des parcs publics de stationnement |
– |
Article 21 |
Application directe |
Renforcement des obligations du bureau central de tarification |
– |
Article 22 |
Application directe |
Extension des sanctions pénales réprimant l’enseignement de la conduite ou la formation des examinateurs sans autorisation administrative |
– |
Article 23 |
A |
Suppression de l’avis de la commission départementale de la sécurité routière |
Arrêté du 12 avril 2016 relatif à l’exploitation des établissements assurant à titre onéreux la formation des candidats aux titres ou diplômes exigés pour l’exercice de la profession d’enseignant de la conduite et de la sécurité routière |
Article 24 |
Application directe |
Possibilité de conclure un contrat à distance avec une auto-école |
– |
Article 25 |
Application directe |
Suppression de la condition d’ancienneté du permis de conduire des exploitants d’un établissement de conduite |
– |
Article 26 |
DS |
Modification de la composition du Conseil supérieur de l’éducation routière suivant les modifications présentées dans un rapport qui doit être remis au Parlement dans les deux mois suivant la promulgation de la loi. |
Décret n° 2016-815 du 17 juin 2016 relatif au Conseil supérieur de l’éducation routière |
Article 27 |
Application directe |
Possibilité pour les titulaires du permis B de conduire un véhicule agricole dont la vitesse n’excède pas 40 km/h |
– |
Article 28, I, 3° |
DCE |
– Modalités relatives à l’organisation des épreuves du permis de conduire ; – Réglementation des frais pouvant être perçus auprès des candidats par les organisateurs des épreuves du permis de conduire agréés. |
Décret n° 2016-516 du 26 avril 2016 relatif à l’organisation de l’épreuve théorique générale du permis de conduire |
Article 28, I, 3° |
DS |
Détermination des conditions de formation, d’impartialité et d’incompatibilité de fonctions auxquelles répondent les agents publics ou contractuels examinateurs et durée pour laquelle l’habilitation leur est délivrée |
Décret n° 2015-1379 du 29 octobre 2015 fixant les conditions permettant à des agents publics ou contractuels de faire passer les épreuves pratiques du permis de conduire |
Article 28, II |
DCE |
– Modalités d’apprentissage de la conduite des véhicules à moteur ; – Conditions à remplir par l’accompagnateur pour la conduite accompagnée et pour la conduite encadrée ; – Condition d’ancienneté du permis de conduire des accompagnateurs lors de l’apprentissage de la conduite sur des véhicules légers répondant à des prescriptions particulières. |
Décret n° 2015-1537 du 25 novembre 2015 portant diverses dispositions relatives à la formation à la conduite et à la sécurité routière |
Article 28, IV |
A |
Cahier des charges servant à l’analyse des informations et statistiques des établissements et associations agréés au titre des articles L. 213-1 ou L. 213-7 du code de la route, relatives à l’activité de formation aux examens théoriques et pratiques du permis de conduire et aux résultats de leurs élèves |
Arrêté du 27 avril 2016 fixant le cahier des charges prévu à l’article L. 221-7 du code de la route |
Article 28, IV |
A |
Modalités d’application de l’article L. 213-9 du code de la route (démarches d’amélioration de la qualité des prestations de formation délivrées par les établissements et associations agréés au titre des articles L. 213-1 ou L. 213-7 du code de la route) |
Arrêté du 13 avril 2016 relatif au certificat de qualification professionnelle « responsable d’unité(s) d’enseignement de la sécurité routière et de la conduite » |
Article 29 |
DCE |
Encadrement des frais d’accompagnement des candidats aux épreuves du permis de conduire |
Décret n° 2015-1571 du 1er décembre 2015 relatif aux conditions d’application de l’article L. 213-2 du code de la route |
Article 30 |
A |
Modifier la méthode d’attribution des places d’examen entre auto-écoles |
Arrêté du 21 juillet 2016 modifiant l’arrêté du 22 octobre 2014 fixant la méthode nationale d’attribution des places d’examen du permis de conduire |
Article 31 |
Application directe |
Encadrement des réseaux de distribution commerciale |
– |
Article 32 |
Application directe |
Exclusion de la distribution professionnelle du champ de la convention unique |
– |
Article 33 |
Application directe |
Clause de renégociation du prix des contrats dont la durée d’exécution dépasse trois mois |
– |
Article 34 |
Application directe |
Sanction contre certaines pratiques commerciales abusives |
– |
Article 35 |
Application directe |
Restriction du champ d’application des critères relatifs au développement durable lors de la décision de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC). |
– |
Article 36 |
Application directe |
Simplification des procédures administratives en matière d’urbanisme commercial |
– |
Article 37 |
DCE |
Seuils de chiffres d’affaires total mondial de l’ensemble des entreprises parties à l’accord, au-delà desquels doit être communiqué à l’ADLC tout accord entre des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales (...) exploitant des magasins de commerce de détail de produits de grande consommation ou intervenant comme centrale d’achats |
Décret n° 2015-1671 du 14 décembre 2015 relatif aux seuils de chiffres d’affaires fixés pour l’information préalable de l’Autorité de la concurrence en matière d’accords d’achats groupés |
Article 38 |
Application directe |
Coordination de références |
– |
Article 39 |
Application directe |
Pouvoirs de l’Autorité de la concurrence dans certaines collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Wallis-et-Futuna et de Saint-Pierre-et-Miquelon, en cas de position dominante |
– |
Article 40 |
Application directe |
Suppression d’une clause illicite dans un contrat en cours |
– |
Article 41 |
Application directe |
Assignation conjointe du professionnel fautif par le consommateur lésé et les associations de défense des consommateurs, dans le cadre d’une action en réparation |
– |
Article 42 |
Application directe |
Modalités de versement des sommes reçues à la suite d’une action de groupe |
– |
Article 43, I, 3° |
DCE |
Mobilité bancaire - délai dont disposent les émetteurs de prélèvements et de virements pour prendre en compte les modifications et en informer le client |
Décret n° 2016-73 du 29 janvier 2016 relatif au service d’aide à la mobilité bancaire mentionné à l’article L. 312-1-7 du code monétaire et financier et aux plans d’épargne-logement inactifs mentionnés à l’article L. 312-20 du même code |
Article 44 |
Application directe |
Obligations de devis pour les professionnels de l’optique-lunetterie |
– |
Article 45 |
A |
Reconnaissance de la qualité d’artisan aux cuisiniers |
Arrêté du 4 décembre 2015 relatif à la nomenclature d’activités française du secteur des métiers et de l’artisanat |
Article 46, I, 1°, b |
DS |
Liste des secteurs pouvant déroger au délai maximal de paiement |
Décret n° 2015-1484 du 16 novembre 2015 fixant la liste des secteurs mentionnés à l’article L. 441-6 du code de commerce |
Article 47 |
Application directe |
Possibilité de double affichage du prix sans limitation dans le temps |
– |
Article 48 |
Rapport au Parlement |
Remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2015, sur les conséquences du marketing différencié en fonction du sexe, les écarts de prix selon le sexe du consommateur et les inégalités pesant sur le pouvoir d’achat des femmes et des hommes |
Non remis |
Article 49 |
Application directe |
Transfert de débit de boisson de 4ème catégorie |
– |
Article 50 et article 51, I, 6° |
DCE |
– Tarifs réglementés des professions du droit ; – Date d’abrogation de l’article 1er de la loi du 29 mars 1944 relative aux tarifs des émoluments alloués aux officiers publics ou ministériels ; – Informations statistiques pouvant être recueillies auprès des instances représentatives des professions réglementées ; – Règles encadrant l’activité de la société de gestion des aides à l’accès au droit et à la justice (SGAADJ), notamment pour la gestion des demandes et de l’octroi des aides ; – Nomination administrateurs de la SGAADJ et membres du comité consultatif. |
Décret n° 2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice |
Article 50, I, 1° et article 51, I, 6° |
A |
Tarifs commissaires-priseurs |
Arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des commissaires-priseurs judiciaires |
Article 50, I, 1° et article 51, I, 6° |
A |
Tarifs huissiers de justice |
Arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice |
Article 50, I, 1° et article 51, I, 6° |
A |
Tarifs notaires |
Arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des notaires |
Article 50, I, 1° et article 51, I, 6° |
A |
Tarifs greffiers des tribunaux de commerce |
Arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des greffiers des tribunaux de commerce |
Article 50, I, 1° et article 51, I, 6° |
A |
– Tarifs administrateurs judiciaires ; – Tarifs mandataires judiciaires. |
Arrêté du 28 mai 2016 fixant les tarifs réglementés applicables aux administrateurs judiciaires, commissaires à l’exécution du plan, mandataires judiciaires et aux liquidateurs |
Article 52, I |
DCE |
Critères déterminant les zones d’installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs |
Décret n° 2016-216 du 26 février 2016 relatif à l’établissement de la carte instituée au I de l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 |
Article 52, II, article 53, I, 2°, article 54 I, 1°, article 54, I, 2° et article 55, I, 2° |
DCE |
– Conditions de nomination par le ministre de la justice de notaires, d’huissiers de justice ou de commissaires-priseurs judiciaires dans les zones où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services ; – Appel à manifestation d’intérêt en vue d’une nomination dans un office ou de la création d’un bureau annexe par un officier titulaire, en cas de nombre insuffisant de demandes de créations d’office au regard des besoins identifiés ; – Nomination de notaire dans les zones où l’implantation d’offices de notaire apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services ; – Huissiers de justice : conditions d’aptitude, fonctions, compétence territoriale et obligations professionnelles ; – Conditions de nomination d’huissier de justice dans les zones où l’implantation d’offices d’huissier de justice apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services ; – Modalités relatives à l’implantation d’offices de commissaire-priseur judiciaire quand il apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services. |
Décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels |
Article 54, I, 1° |
DCE |
S’agissant des huissiers de justice, définition : – du ressort territorial au sein duquel ils sont tenus de prêter leur ministère ou leur concours ; – des règles applicables à leur résidence professionnelle. |
Décret n° 2016-1875 du 26 décembre 2016 relatif à la compétence territoriale des huissiers de justice |
Articles 52, 54, 63 et 67 |
DCE |
Modification des règles de constitution, de nomination dans les offices et de fonctionnement des sociétés civiles constituées pour l’exercice de la profession d’huissier de justice, « pour les mettre en conformité avec les dispositions de la loi Croissance », selon la notice du décret |
Décret n° 2016-1508 du 9 novembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l’exercice de la profession d’huissier de justice |
Articles 52, 53, 63 et 67 |
DCE |
Modification des règles de constitution, de nomination dans les offices et de fonctionnement des sociétés civiles constituées pour l’exercice de la profession de notaire, « pour les mettre en conformité avec les dispositions de la loi Croissance », selon la notice du décret |
Décret n° 2016-1509 du 9 novembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l’exercice de la profession de notaire |
Articles 52, 55, 63 et 67 |
DCE |
Modification des règles de constitution, de nomination dans les offices et de fonctionnement des sociétés civiles constituées pour l’exercice de la profession de commissaire-priseur judiciaire, « pour les mettre en conformité avec les dispositions de la loi Croissance », selon la notice du décret |
Décret n° 2016-1508 du 9 novembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l’exercice de la profession de commissaire-priseur judiciaire |
Article 54, I, 1° |
DCE |
S’agissant des huissiers de justice, définition des conditions d’aptitude à leurs fonctions, parmi lesquelles les conditions de reconnaissance de l’expérience professionnelle des clercs salariés |
Non publié |
Article 56 |
Application directe |
Instauration d’une limite d’âge pour l’exercice de la profession de greffier des tribunaux de commerce |
– |
Article 57, I |
DS |
Installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation : critères d’évaluation de l’offre de service |
Décret n° 2016-215 du 26 février 2016 portant définition des critères prévus pour l’application de l’article L. 462-4-2 du code de commerce |
Article 57, II |
DCE |
Installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation : conditions d’accès à la profession et conditions de nomination dans un office |
Décret n° 2016-652 du 20 mai 2016 modifiant les conditions d’accès à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation |
Article 58 |
Application directe |
Transparence des honoraires des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation |
– |
Article 59, VI |
DS |
Fixation de la répartition des cotisations entre la personne physique ou morale employeur et le professionnel lorsque celui-ci est affilié au régime général de sécurité sociale |
Décret n° 2015-1875 du 30 décembre 2015 relatif aux cotisations applicables aux régimes d’assurance vieillesse complémentaire et invalidité décès des officiers ministériels, officiers publics et des compagnies judiciaires |
Article 60, I, 1° |
DS |
– Délai et modalités de transmission par voie électronique du greffier à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) d’un document valant original des inscriptions effectuées au greffe et des actes et pièces qui y sont déposés ; – Modalités selon lesquelles l’INPI assure la diffusion et la mise à disposition gratuite du public, à des fins de réutilisation, des informations techniques, commerciales et financières qui sont contenues dans le registre national du commerce et des sociétés et dans les instruments centralisés de publicité légale. |
Décret n° 2015-1905 du 30 décembre 2015 relatif aux modalités de transmission et de mise à disposition des informations constitutives du registre national du commerce et des sociétés |
Article 60 |
DCE |
Adaptation du code de commerce à la facilitation de l’accès du public au registre national du commerce et des sociétés |
Décret n° 2016-296 du 11 mars 2016 relatif à la simplification de formalités en matière de droit commercial |
Article 61, I, 1°; a |
DCE |
– Conditions d’expérience ou de stage pour accéder à la profession d’administrateur judiciaire ; – Conditions de compétence et d’expérience professionnelle donnant droit à une dispense de l’examen d’accès au stage professionnel, de tout ou partie du stage professionnel et de tout ou partie de l’examen d’aptitude aux fonctions d’administrateur judiciaire ; – Conditions d’expérience ou de stage pour accéder à la profession de mandataire judiciaire ; – Conditions de compétence et d’expérience professionnelle donnant droit à une dispense de l’examen d’accès au stage professionnel, de tout ou partie du stage professionnel et de tout ou partie de l’examen d’aptitude aux fonctions de mandataire judiciaire. |
Décret n° 2016-400 du 1er avril 2016 relatif aux administrateurs judiciaires et aux mandataires judiciaires |
Article 61, III |
Ordonnance |
Mesures relevant du domaine de la loi pour créer une profession de commissaire de justice regroupant les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire, de façon progressive, en prenant en considération les règles de déontologie, les incompatibilités et les risques de conflits d’intérêts propres à l’exercice des missions de chaque profession concernée, ainsi que les exigences de qualification particulières à chacune de ces professions. |
Ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice |
Article 61, IV |
Ordonnance |
Toute mesure relevant du domaine de la loi pour améliorer, par la voie du concours, en fixant les conditions financières de cette mesure, le recrutement des greffiers de tribunaux de commerce. |
Ordonnance n°2016-57 du 29 janvier 2016 modifiant l’article L. 742-1 du code de commerce relatif aux conditions d’accès à la profession de greffier de tribunal de commerce |
Article 62 |
Application directe |
Clarification du domaine des activités pouvant être réalisées à titre accessoire par les experts-comptables |
– |
Article 63, I |
DCE |
– Exercice de la profession d’huissier dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente ; – Exercice de la profession de notaire dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente ; – Exercice de la profession de commissaire-priseur judiciaire dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente. |
Décret n° 2016-883 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice des professions d’huissier de justice, de notaire et de commissaire-priseur judiciaire sous forme de société autre qu’une société civile professionnelle ou qu’une société d’exercice libéral |
Article 63, V |
DCE |
Exercice de la profession d’avocat dans le cadre d’une association ou d’une société |
Décret n° 2016-882 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession d’avocat sous forme d’entité dotée de la personnalité morale autre qu’une société civile professionnelle ou qu’une société d’exercice libéral ou de groupement d’exercice régi par le droit d’un autre État membre de l’Union européenne |
Article 63, VI |
DCE |
Exercice de la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente |
Décret n° 2016-881 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation sous forme de société autre qu’une société civile professionnelle |
Article 63, VII, 1° et 2° |
DCE |
– Exercice de la profession d’administrateur judiciaire dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente ; – Exercice de la profession de mandataire judiciaire dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente. |
Décret n° 2016-902 du 1er juillet 2016 relatif à l’exercice sous forme de société ou d’autre entité dotée de la personnalité morale de la profession d’administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire |
Article 64, 1° et 2° |
Ordonnance |
– Permettre la désignation en justice, à titre habituel, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires en qualité de liquidateur dans le cadre des procédures de liquidation judiciaire prévues au titre IV du livre VI du code de commerce, ou d’assistant du juge commis dans le cadre des procédures de rétablissement professionnel prévues au même titre IV, lorsque ces procédures sont ouvertes à l’encontre de débiteurs n’employant aucun salarié et réalisant un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur ou égal à 100 000 euros ; – Déterminer les modalités de rémunération des fonctions mentionnées au 1° et d’application aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires les exerçant des dispositions du livre VIII du code de commerce relatives à la discipline, au contrôle et à la comptabilité des mandataires judiciaires, ainsi que de celles relatives à la représentation des fonds. |
Ordonnance n° 2016-727 du 2 juin 2016 relative à la désignation en justice, à titre habituel, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires en qualité de liquidateur ou d’assistant du juge commis dans certaines procédures prévues au titre IV du livre VI du code de commerce |
Article 65, 1° |
Ordonnance |
Moderniser les conditions d’exercice de la profession d’expertise comptable en transposant les dispositions de la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013, modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI ») dans l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable |
Habilitation non utilisée |
Article 65, 2°, a), b), c), d), e), f) |
Ordonnance |
– Faciliter la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions d’avocat, d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d’expert-comptable dans lesquelles la totalité du capital et des droits de vote est détenue, directement ou indirectement, par des personnes exerçant l’une des professions exercées en commun au sein de ladite société ou par des personnes légalement établies dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exercent en qualité de professionnel libéral, dans l’un de ces États, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue et exerçant une ou plusieurs des professions constituant l’objet social de la société ; – Faciliter la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions d’avocat, d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d’expert-comptable qui ne peuvent exercer une profession que si l’un de leurs associés remplit les conditions requises pour exercer ladite profession ; – Faciliter la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions d’avocat, d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d’expert-comptable en préservant les principes déontologiques applicables à chaque profession ; – En prenant en considération les incompatibilités et les risques de conflits d’intérêts propres à chaque profession ; – En préservant l’intégrité des missions des professionnels liées au statut d’officier public et ministériel dans l’accomplissement de leurs fonctions ; – En assurant la représentation d’au moins un membre, en exercice au sein de la société, de chaque profession exercée par la société au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance de la société. |
Ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé |
Article 66 |
Application directe |
Sécurisation du transport des scellés judiciaires |
– |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : huissiers de justice, notaires, commissaires-priseurs judiciaires |
Décret n° 2016-880 du 29 juin 2016 relatif aux sociétés d’exercice libéral constituées pour l’exercice des professions d’huissier de justice, de notaire ou de commissaire-priseur judiciaire et aux sociétés de participations financières constituées en vue de la détention de parts sociales ou d’actions dans ces sociétés |
Article 67 |
DCE |
Sociétés de participations financières pluri-professionnelles |
Décret n° 2016-879 du 29 juin 2016 modifiant le décret n° 2014-354 du 19 mars 2014 pris pour l’application de l’article 31-2 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé |
Article 67 |
DCE |
– Ouverture du capital des administrateurs judiciaires ; – Ouverture du capital des mandataires judiciaires ; – Ouverture du capital des commissaires aux comptes ; – Ouverture du capital des greffiers des tribunaux de commerce. |
Décret n° 2016-1218 du 13 septembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l’exercice de certaines professions réglementées du droit ou du chiffre relevant du code de commerce et aux sociétés de participations financières dans ces sociétés |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : experts-comptables |
Décret n° 2016-877 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession d’expert-comptable sous forme de société d’exercice libéral et aux sociétés de participations financières de sociétés de profession libérale d’experts-comptables |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : conseillers en propriété industrielle |
Décret n° 2016-875 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession de conseil en propriété industrielle sous forme de société d’exercice libéral et aux sociétés de participations financières de profession libérale de conseils en propriété industrielle |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : avocats |
Décret n° 2016-878 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession d’avocat sous forme de société d’exercice libéral et aux sociétés de participations financières de profession libérale d’avocats |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : architectes |
Décret n° 2016-876 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession d’architecte sous forme de société d’exercice libéral et aux sociétés de participations financières de profession libérale d’architectes |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : géomètres experts |
Décret n° 2016-874 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice de la profession de géomètre expert sous forme de société d’exercice libéral et aux sociétés de participations financières de profession libérale de géomètres experts |
Article 68 |
Application directe |
Assouplissement des contraintes de détention du capital dans les sociétés d’architecture |
– |
Article 70 |
Rapport au Parlement |
Cet article complète le rapport sur le logement prévu à l’article L. 101-1 du code de la construction et de l’habitation par un volet sur la mobilité dans le parc social |
Non remis |
Article 71 |
Application directe |
Délai pour l’installation d’un détecteur de fumée |
– |
Article 72 |
Application directe |
Délégation des aides en faveur du logement intermédiaire |
– |
Article 73 |
Application directe |
Suppression de la condition de zonage dans la définition du logement intermédiaire |
– |
Article 74 |
Application directe |
Exclusion des logements intermédiaires du service d’intérêt économique général (SIEG) au 1er janvier 2020 |
– |
Article 75 |
Application directe |
Définition de l’objet social des filiales des organismes HLM dédiées au logement intermédiaire |
– |
Article 76 |
Application directe |
Autorisation du cumul des fonctions d’administrateur, de membre du directoire ou de membre du conseil de surveillance pour les organismes d’HLM et leurs filiales dédiées au logement intermédiaire |
– |
Article 77 |
Application directe |
Ratification de l’ordonnance n° 2014-159 du 20 février 2014 relative au logement intermédiaire |
– |
Article 78, I |
DCE |
Administration des offices publics de l’habitat : définition des modalités de calcul de l’indemnité de rupture de contrat du directeur général |
Décret n° 2016-442 du 11 avril 2016 relatif aux conventions de rupture des contrats des directeurs généraux des offices publics de l’habitat et modifiant le code de la construction et de l’habitation |
Article 79 |
Application directe |
Majoration des droits à construire pour le logement intermédiaire |
– |
Article 80 |
Application directe |
Construction d’annexes aux bâtiments dans les zones agricoles ou naturelle |
– |
Article 81 |
Application directe |
Changement d’usage temporaire de bureaux en logements |
– |
Article 82 |
Application directe |
Clarification des règles relatives aux rapports entre bailleurs et locataires |
– |
Article 84 |
Application directe |
Encadrement de l’organisme collecteur rattaché à la SNCF |
– |
Article 85 |
Application directe |
Report de l’entrée en vigueur du regroupement comptable des collecteurs de la participation des employeurs à l’effort de construction |
– |
Article 86 |
Application directe |
Réduction à un mois du délai de présentation par le réservataire d’un candidat à l’occupation d’un logement social |
– |
Article 87 |
DCE |
Délégation du droit de préemption urbain à une société d’économie mixte agréée |
Décret n° 2016-384 du 30 mars 2016 fixant les conditions de délégation de l’exercice du droit de préemption urbain par les organes délibérants des organismes mentionnés à l’article L. 211-2 du code de l’urbanisme |
Article 88 |
Application directe |
Assouplissement de l’obligation de mise en concurrence des syndics de copropriété |
– |
Article 89 |
Application directe |
Exclusion des logements sociaux conventionnés du régime des locations meublées |
– |
Article 90 |
Application directe |
Suppression de l’obligation d’incinération sur place des déchets infestés par la mérule |
– |
Article 91 |
Application directe |
Règles de remboursement de parts sociales d’une société coopérative d’habitants |
– |
Article 92 |
DCE |
Nature de la garantie financière d’achèvement ou de remboursement des opérations de vente en l’état futur d’achèvement |
Décret n° 2016-359 du 25 mars 2016 relatif à la garantie financière en cas de vente en l’état futur d’achèvement |
Article 93 |
Application directe |
Suppression de l’assermentation des agents établissant le constat de logement indigne |
– |
Article 94 |
Ordonnance |
Toute mesure de nature législative propre à créer un contrat de bail de longue durée, dénommé : « bail réel solidaire », par lequel un organisme de foncier solidaire mentionné à l’article L. 329 1 du code de l’urbanisme consent à un preneur, s’il y a lieu avec obligation de construire ou de réhabiliter des constructions existantes, des droits réels en vue de la location ou de l’accession à la propriété des logements, sous des conditions de plafonds de ressources, de loyers et, le cas échéant, de prix de cession. Cette ordonnance définit également les modalités d’évolution de ce bail ainsi que de la valeur des droits réels en cas de mutations successives. Elle prévoit les règles applicables en cas de résiliation ou de méconnaissance des obligations propres à ce contrat. |
Ordonnance n° 2016-985 du 20 juillet 2016 relative au bail réel solidaire |
Article 95 |
Application directe |
Amélioration de l’information relative à la garantie décennale |
– |
Article 96 |
Application directe |
Exclusion du champ des droits de préemption des biens acquis par le preneur d’un bail emphytéotique ou d’un bail à construction conclu lors d’une opération d’accession |