N° 1713 tome III - Rapport, établi au nom de cet office, sur les nouvelles mobilités sereines et durables : concevoir et utiliser des véhicules écologiques



N° 1713

 

N° 293

ASSEMBLÉE NATIONALE

 

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

 

SESSION ORDINAIRE 2013 - 2014

Enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale

 

Enregistré à la présidence du Sénat

le 16 janvier 2014

 

le 16 janvier 2014

LES NOUVELLES MOBILITÉS SEREINES ET DURABLES :
CONCEVOIR ET UTILISER DES VÉHICULES ÉCOLOGIQUES

Tome III

Présentation synthétique

par

M. Denis BAUPIN, député, et Mme Fabienne KELLER, sénatrice,


Déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale

par M. Jean-Yves LE DÉAUT,

Premier Vice-président de l'Office

 


Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Bruno SIDO,

Président de l’Office

Composition de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Président

M. Bruno SIDO, sénateur

Premier Vice-président

M. Jean-Yves LE DÉAUT, député

Vice-présidents

M. Christian BATAILLE, député M. Roland COURTEAU, sénateur

Mme Anne-Yvonne LE DAIN, députée M. Marcel DENEUX, sénateur

M. Jean-Sébastien VIALATTE, député Mme Virginie KLÈS, sénatrice

DÉputés

SÉnateurs

M. Gérard BAPT

M. Christian BATAILLE

M. Denis BAUPIN

M. Alain CLAEYS

M. Claude de GANAY

Mme Anne GROMMERCH

Mme Françoise GUEGOT

M. Patrick HETZEL

M. Laurent KALINOWSKI

Mme Anne-Yvonne LE DAIN

M. Jean-Yves LE DÉAUT

M. Alain MARTY

M. Philippe NAUCHE

Mme Maud OLIVIER

Mme Dominique ORLIAC

M. Bertrand PANCHER

M. Jean-Louis TOURAINE

M. Jean-Sébastien VIALATTE

M. Gilbert BARBIER

Mme Delphine BATAILLE

M. Michel BERSON

Mme Corinne BOUCHOUX

M. Marcel-Pierre CLÉACH

M. Roland COURTEAU

Mme Michèle DEMESSINE

M. Marcel DENEUX

Mme Chantal JOUANNO

Mme Fabienne KELLER

Mme Virginie KLÈS

M. Jean-Pierre LELEUX

M. Jean-Claude LENOIR

Mme Marie-Noëlle LIENEMANN

M. Christian NAMY

M. Jean-Marc PASTOR

Mme Catherine PROCACCIA

M. Bruno SIDO

SOMMAIRE

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Pages

PRÉSENTATION DU RAPPORT 7

PRÉAMBULE : UNE VISION POUR L’AVENIR 19

CONCLUSION DU RAPPORT 39

RECOMMANDATIONS 43

PRÉSENTATION DU RAPPORT

PRÉAMBULE :
UNE VISION POUR L’AVENIR

Vers une mobilité sereine et durable :

Une autre automobile est possible

L’automobile, d’abord produit innovant et de luxe au début du XXe siècle s’est rapidement démocratisée sous l’impulsion de l’industrialisation et de la production de masse. Cette filière est aujourd’hui confrontée à des mutations majeures, qui n’ont pas toutes été anticipées. Les conséquences en sont tangibles tant pour ses salariés, qui en font les frais, que pour les clients qui voient leur dépenses d’achat, d’entretien et de carburant amputer leur pouvoir d’achat. Cette crise est également environnementale, car les impacts de cette filière viennent en contradiction avec les impératifs de préservation de l’environnement global et local, et de la santé. Certains constructeurs sont en crise, d’autres ont jusqu’à présent mieux maîtrisé des évolutions techniques mais aussi sociales extrêmement rapides.

Cette situation industrielle, économique et écologique interpelle tous les acteurs de la filière : constructeurs, équipementiers, distributeurs, fournisseurs de carburants, assureurs, banquiers, tandis que de nouveaux services apparaissent et que le numérique et les nouveaux moyens de communication jouent un rôle de plus en plus important tant dans la conception que dans l’usage des véhicules. Elle interpelle également les pouvoirs publics qui doivent simultanément accompagner les entreprises en difficulté, engager la transition écologique, adapter leurs politiques aux enjeux environnementaux, et faciliter dans la mesure du possible l’apparition de nouveaux modèles industriels, d’usage et de consommation plus rationnels.

Cette situation préoccupante nous oblige à adopter une vision de moyen et de long terme pour expliquer l’évolution actuelle. Elle implique l’examen des limites du modèle actuel et des évolutions susceptibles de le remplacer.

Une approche globale de la mobilité

Cette vision, doit prendre en compte l’entièreté de la question en englobant le media et la finalité des déplacements. Les véhicules sont ainsi appréhendés comme un moyen de faciliter cette mobilité, et non comme une fin en soi.

Nous faisons également le choix d’une approche globale, car si le domaine du possible s’est élargi, l’évolution reste incertaine, et la seule technique ne permet pas d’appréhender l’ensemble de l’évolution du paradigme. L’innovation technologique est nécessairement corrélée au modèle social dans lequel elle intervient.

La mobilité est une clef, d’autant plus qu’elle est en train de changer de nature.

Les sociologues, les urbanistes, les architectes, les prospectivistes qui ont participé au comité de pilotage de l’étude le disent clairement : le paradigme évolue rapidement. Avec les nouvelles technologies de communication, l’espace s’est rétréci. On est en lien immédiat et direct avec l’autre bout de la planète ; Par contre, la mobilité réelle non seulement n’a pas suivi mais se trouve le plus souvent entravée, particulièrement dans les grandes agglomérations, où il faut parfois un temps disproportionné pour faire quelques kilomètres, en transport individuel ou en transport collectif. Cette distorsion, la frustration qu’elle engendre, la perte de temps, les mauvaises conditions dans lesquelles est faite cette mobilité, l’incertitude sur la durée de déplacements et sur la capacité à être à l’heure à son rendez-vous, tout cela engendre frustration, inquiétude, souffrance, voire un sentiment d’exclusion pour ceux qui n’ont plus les moyens (financiers et/ou absence de réseau) de se déplacer et donc d’accéder aux services collectifs. Cette impasse implique de repenser la mobilité, d’un point de vue plus écologique mais aussi plus serein.

Jusqu’à une date récente, l’utilité de la possession d’une voiture individuelle ne souffrait d’aucune remise en cause. Son acquisition paraissait naturelle. Elle était porteuse de valeurs, de symboles, de marqueurs sociaux. Elle était parfois considérée – et l’est encore – comme une condition d’obtention d’un emploi. Elle était même un symbole de liberté, voire une condition de la liberté individuelle. Elle était aussi considérée comme un élément de sécurité, notamment pour les femmes.

De même, la mythologie entourant la voiture est liée à la puissance qui y est associée, à sa taille, à sa capacité à rouler vite. Un changement de mentalité s’est amorcé à partir des premières campagnes de sécurité routière. Ainsi, les publicités pour les voitures ne peuvent plus vanter la vitesse maximale d’un modèle pour en faire un argument de vente. Un nouvel imaginaire du véhicule se construit dès lors, qui n’associe plus nécessairement le véhicule à sa puissance, mais au service qu’il rend. On le voit par exemple avec l’essor des monospaces en France depuis la fin des années 1980, qui ne symbolisent ni puissance ni vitesse, mais agrément et capacité de transport. Un mouvement en faveur de véhicules plus sobres pourrait-il succéder à ce nouvel imaginaire du véhicule pratique et ludique ?

La question s’est aujourd’hui partiellement décentrée du media pour se recentrer sur la finalité : quels sont les besoins de mobilité aujourd’hui ? Quelles sont les conditions nécessaires à un transport serein ? Ces besoins sont-ils les mêmes pour tous les citoyens, ou peut-on établir des typologies ? Quelle attitude adopter vis-à-vis des évolutions passées mais aussi des nouvelles opportunités qui restent encore floues ? S’agit-il de tendances lourdes ou de manifestations conjoncturelles ?

La mobilité recouvre certes des situations diverses : elle peut être choisie, mais aussi subie. Les lieux d’habitation ont été repoussés loin des lieux de travail. Aussi faut-il rechercher une mobilité « sereine et durable », selon l’expression de Bernard Darniche. Il faut tout de même éviter la « mobilité de trop », pour Bruno Marzloff.

Une telle approche ouvre des perspectives nouvelles : la voiture n’est plus sacralisée ; elle devient un moyen d’atteindre la mobilité désirée.

La mobilité a alors pour objectif, comme le souligne Georges Amar, de créer du lien, du brassage, des opportunités économiques et professionnelles, ou, pour reprendre l’expression d’Edgar Morin, de la reliance. Il s’agit de passer de l’objet automobile à l’auto-mobilité. Une telle approche permet de s’affranchir des conceptions traditionnelles.

Le concept de mobilité sereine et durable, proposé par Bernard Darniche, ancien coureur automobiliste, journaliste et président de l’association « Les citoyens de la route », permet d’aborder le véhicule non comme objet d’un type particulier qui serait une fin en soi, mais comme un outil permettant d’atteindre un objectif : pouvoir se déplacer de la manière la plus agréable et la plus rationnelle possible.

Bernard Darniche estime que, plutôt que des véhicules, il faut parler de mobilité et tenir compte des aspirations d’une société moderne qui a envie de continuer de se déplacer sans se sentir coupable. « C’est une mobilité pour tous, pour chaque besoin de déplacement. On ne peut pas dissocier la mobilité des moyens de communication qui peuvent s’y substituer. Ne nous déplaçons pas si nous n’en n’avons pas la volonté. C’est un changement de culture. Si on diminue la circulation de 3 à 4 %, le système devient fluide. On est donc à la marge et on peut soulager le système. C’est une mobilité sereine, terme qui intègre tous les paramètres. La solution performante sera la plus douce possible, celle qui permettra de ne pas avoir de perte de temps illégitime. Le véhicule écologique de demain n’est pas un véhicule, mais une offre de mobilité. »

Une approche globale permettra d’intégrer les évolutions technologiques dans un cadre plus large, incluant leurs implications économiques, environnementales, sociales, et sociétales.

Une telle approche permet de déterminer le champ de notre étude : elle conduit à traiter des véhicules et pas seulement des voitures, et de mettre l’accent sur leur caractère écologique plutôt que sur le seul concept de « propreté ».

Le terme de véhicule est en effet plus large que celui de voiture et correspond mieux à la réalité, puisqu’il permet d’englober dans un même continuum non seulement des voitures classiques à 4 roues, mais aussi des deux roues, des véhicules nouveaux à trois roues, ainsi que des quadricycles tels le Twizy. Il y a un continuum de moyens de déplacement, qui peut aller de la marche, ne nécessitant aucun véhicule aux véhicules de transports en commun, en passant par les bicycles, tricycles, quadricycles et voitures particulières.

Le terme de « véhicule écologique » est plus large que celui de « véhicule propre » qui ne fait essentiellement référence qu’aux émissions polluantes. Il prend en compte plus globalement les relations entre la voiture et son environnement, y compris son environnement social.

Le véhicule écologique peut alors être ainsi défini : un véhicule propre, économe, silencieux, sobre, de faible encombrement, sûr pour ses utilisateurs comme pour les autres usagers de la voirie, dont la disponibilité, la puissance, les performances théoriques, la taille, le poids et l’usage sont compatibles avec les contraintes environnementales et sociétales.

Cette approche globale permet aussi de prendre en compte les nouveaux débats qui conduisent déjà à la redéfinition des politiques publiques. Ces nouveaux débats portent sur la nécessité de limiter la pollution et de répondre aux défis du changement climatique ; sur la transition énergétique qui permettra de préciser les évolutions nécessaires vers plus de sobriété et les énergies renouvelables ; sur la place de l’automobile dans la ville ; sur l’impact des nouveaux services ; sur la pérennité du modèle actuel.

Elle permet d’évaluer les évolutions à venir, probables ou plus hypothétiques.

Si historiquement le fordisme a lancé un mouvement permettant à toutes les catégories sociales de posséder une automobile dans les pays développés, il n’est pas forcément évident que l’usage futur d’un véhicule individuel de transport soit lié à sa propriété. Il n’est pas non plus évident que le modèle d’une voiture unique, qui remplisse tous les usages et besoins perdure. Il ne va ainsi pas de soi que le même véhicule soit utilisé aussi bien pour les transports quotidiens que pour le départ d’une famille en vacances. Ce modèle qui s’est imposé n’est en rien une fatalité.

Des véhicules polluants, bruyants, roulant vite et consommant trop, occupant trop de place sur la chaussée ne sont pas une fatalité. L’usage de carburants fossiles n’est pas non plus inéluctable. Un nouveau paradigme est en train de se dessiner, qui considère le véhicule individuel pour ce qu’il est : un moyen de déplacement parmi d’autres. Le nouvel imaginaire qui entoure la voiture n’est plus nécessairement dans la possession d’un véhicule puissant et rapide, mais dans la capacité à atteindre une destination le plus sereinement et respectueusement possible.

Le véhicule écologique n’est plus seulement un projet, un concept. Il commence à exister et certains véhicules innovants dans tel ou tel domaine sont disponibles sur le marché, à un prix qui n’est pas forcément plus onéreux que celui des véhicules thermiques classiques.

La voiture capable de consommer seulement deux litres d’essence aux cent kilomètres n’est plus seulement pour demain. Elle existe déjà à l’état de véhicule de présérie chez PSA.

Les véhicules alternatifs sont déjà une réalité et peuvent très vite percer sur le marché. La Chine prévoit de produire un million de voitures électriques en 2015 et cinq millions en 2020 (contre 5 000 en 2011). L’Allemagne prévoit quant à elle d’en fabriquer un million en 2020. D’ores et déjà, de nombreux pays ont adopté des politiques incitatives en faveur des motorisations au gaz : plus de 800 000 véhicules en Italie utilisent cette technologie.

De même, il existe au Japon depuis plus de 50 ans une catégorie spécifique de véhicules, les Keijidōsha ou K-cars, qui répondent à des normes strictes de gabarit et de puissance, en contrepartie d’incitations financières. À cet égard, l’essor de la Smart en Europe est à noter. De même, les progrès en cours sur l’informatisation et l’électronique embarquée sont importants : Google a produit un véhicule autonome (sans conducteur). Plusieurs constructeurs travaillent sur des projets similaires, et c’est l’un des 34 projets industriels lancés récemment par le ministère du redressement productif en France.

La concurrence va donc s’accentuer, et l’émulation autour des nouvelles technologies également. Il est à noter que les pays émergents ne sont plus seulement un lieu de fabrication à moindre coût ou un marché d’exportation. Plusieurs d’entre eux sont en train de devenir des concurrents potentiels importants, suite à des transferts de technologie et à l’essor de la recherche et développement qu’ils ont promu.

Il en découle que les constructeurs traditionnels français sont confrontés à de nouveaux défis : leur gamme doit être moins polluante, plus sobre, plus économe et répondre à de nouvelles demandes. Elle doit intégrer des véhicules différents, utilisant une quantité moindre d’énergie fossile ou de nouvelles sources d’énergie. Chacun d’entre eux doit donc remettre en cause sa stratégie et faire des choix technologiques – le véhicule électrique pour Renault, le véhicule à air comprimé pour PSA – et proposer des solutions hybrides.

Ces choix sont majeurs et conditionnent l’avenir d’une filière qui se définit de plus en plus au niveau mondial, et où les équipementiers, les prestataires de services, les informaticiens jouent un rôle de plus en plus important.

Cependant, il faut prendre garde aux stratégies misant sur une seule technologie. On voit ainsi les méfaits sur la santé de l’encouragement du diesel pendant trente ans en France. Il faut se garder d’une politique publique qui, en n’encourageant qu’une seule technologie, se priverait de potentiels sauts technologiques dans d’autres domaines.

Le modèle français atteint ses limites

Ces limites sont de trois ordres : elles sont liées aux contraintes écologiques, dont la perception est croissante ; elles sont de nature économique ; mais elles sont aussi liées à la conception même des véhicules.

Des limites liées aux contraintes environnementales et sanitaires

La poursuite des tendances actuelles engendre des problèmes graves en termes de pollution, de santé, d’inégalités sociales et internationales. Notre système a atteint des limites. La dangerosité du diesel, la nécessité absolue de réduire la pollution et le dérèglement climatique rendent nécessaire une évolution profonde.

Depuis de nombreuses années, le diesel a été vivement encouragé en France, notamment grâce à des avantages fiscaux, le gazole étant taxé moins lourdement que l’essence.

Les liens aujourd’hui établis entre diesel et cancer remettent en cause cette politique. Historiquement, l’un des grands constructeurs français – PSA – s’est hautement spécialisé dans ce type de motorisation qui présentait l’avantage de consommer moins de carburant. Cela ne saurait freiner les évolutions rendues nécessaires par les enjeux sanitaires. Parallèlement, l’impact de la mobilité essentiellement fossile pèse de plus en plus lourd dans le bilan carbone de notre pays comme dans la facture énergétique du pays (70 milliards d’importation d’énergie fossile chaque année), entraînant une forte dépendance énergétique et une vulnérabilité aux cours du marché, eux-mêmes indexés sur les réserves existantes de ces combustibles et leur coût d’accès.

Des limites de nature économique

L’évolution du marché est actuellement défavorable aux industriels : la réduction de la demande est marquée en France, ce qui entraîne des répercussions négatives sur l’emploi. Le symbole le plus marquant en a été cette année l’annonce de la fermeture de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois. Plus de 3 000 personnes travaillaient directement sur le site ; mais cette fermeture s’inscrit dans le cadre d’un plan décidé en 2012 qui conduit à plus de 8 000 suppressions de postes chez ce constructeur. Cette fermeture est emblématique, mais elle n’est pas la seule car elle impacte également de nombreux sous-traitants du secteur.

Cette baisse tendancielle de la demande se traduit en quelques chiffres, à replacer dans un contexte mondial de concurrence de plus en plus vive.

Les immatriculations baissent de manière tendancielle en France depuis plus d’un an. Ce phénomène préoccupant pour les constructeurs et l’ensemble de la filière automobile – qui emploie en France deux millions de personnes – est lié en grande partie à la crise économique qui frappe les pays développés. Mais il y a aussi des causes plus profondes, touchant à l’évolution des comportements des consommateurs auquel le modèle automobile tend à s’adapter.

Pour ces mêmes consommateurs, il s’avère que c’est le droit à la mobilité qui se trouve amputé pour des raisons économiques, du fait d’une conception de la mobilité quasi-exclusivement automobile. Les coûts d’achat et d’usage des véhicules ont tendance à augmenter. Ceux qui, pour se déplacer, n’ont d’autre choix qu’un véhicule automobile voient donc leur mobilité réduite. C’est particulièrement frappant dans les zones aux périphériques des grandes agglomérations, moins bien reliés au cœur de ville par les transports en commun, renvoyant leurs habitants à une forme d’exclusion. C’est d’ailleurs dans ces zones que l’on observe une percée des votes protestataires et de repli. Ces habitants des zones reléguées aux marges des villes ont peut-être plus encore que les urbains d’une réponse adaptée à leurs besoins de mobilité automobile.

Cette évolution doit donc être analysée avec soin : cette baisse de la demande est-elle seulement conjoncturelle (liée au pouvoir d’achat) et temporaire ? Est-elle au contraire structurelle (si elle est liée à un changement d’attitudes et de comportements) et de nature permanente : N’assiste-t-on pas à la remise en cause d’un modèle basé sur le tout automobile et – pour la France – la prééminence du diesel, et aux premières conséquences d’une nouvelle spécialisation internationale ?

Les deux grands constructeurs français, Renault et PSA ont eu des stratégies différentes. Renault, dans une optique mondiale favorisée par son alliance avec Nissan et Dacia, mise sur le véhicule électrique. Peugeot, plus isolée après l’échec de ses négociations de rapprochement avec General Motors, s’oriente sur des motorisations hybrides électriques et sur le moteur à air comprimé. Par ailleurs, les groupes étrangers, et notamment ceux de pays émergents, montent en puissance et en qualité.

Ces stratégies seront-elles suffisantes ? Permettront-elles de surmonter la crise actuelle ? Seront-elles de nature à répondre aux mutations économiques mondiales qui affectent le secteur automobile ? On est en droit de s’interroger.

Certaines évolutions techniques peuvent permettre de répondre à une part des enjeux de réduction de la pollution, et d’amélioration de la santé et la sécurité. Mais cette diversification est insuffisante en elle-même pour résoudre les difficultés des constructeurs. Les évolutions techniques prévisibles ne sont qu’un des éléments : réduire les coûts et les consommations, par exemple, nécessite non seulement une évolution technique mais aussi des changements de comportements, déjà entamés et qui peuvent imposer une réévaluation du business model lui-même.

Des limites liées à la conception même des véhicules

Le véhicule actuel, dans sa forme classique, est de plus en plus vu comme source de nuisances : il est de moins en moins compatible avec les grandes villes, où le stationnement est de plus en plus difficile à organiser. Il consomme trop d’énergie, a un coût d’achat et d’usage trop important et reste inutilisé la plupart du temps. Les voitures sont en effet stationnées 95 % du temps.

Le « tout-automobile » des dernières décennies a conduit à « l’auto-immobilité », du fait de la congestion croissante des grandes villes. Le modèle de l’automobile « à tout faire », possédée et utilisable en toutes circonstances, est en train d’être dépassé.

Dans le même temps, la technologie est devenue mature : l’équipement des ménages s’est généralisé, l’appropriation a été massive, comme le souligne Bruno Marzloff.

Le contexte est également en train de changer, sous l’influence de la circulation d’informations : la donnée publique est ouverte et partagée (open data) ; les machines dialoguent de façon traçable et facilitent l’accès à une masse très importante d’informations.

Un nouveau modèle est en train d’apparaître.

De nouveaux besoins, de nouveaux comportements conduisent à l’apparition d’un nouveau modèle et probablement à une mutation profonde qui a et aura un impact certain sur la filière automobile.

L’évolution du contexte

La conception de la liberté associée au déplacement évolue : elle est désormais vue comme la possibilité de se déplacer selon son désir, et moins liée à la possession d’un véhicule. La maîtrise du temps est un besoin de plus en plus manifesté comme étant un facteur d’optimisation du déplacement : la variable temporelle remplace petit à petit les considérations de distance. La recherche d’une mobilité choisie plus que subie devient de plus en plus importante. Elle est facilitée largement par le développement de nouveaux services de communication.

L’image du véhicule évolue : son partage est désormais non seulement du domaine du possible mais devient la norme pour une part croissante de la population, notamment chez les moins de trente ans ; l’usage se substitue à la propriété. Le développement de l’auto-partage et du covoiturage traduit cette nouvelle forme d’utilisation du véhicule.

Les jeunes achètent aujourd’hui moins de voitures. Ils passent aussi moins le permis de conduire. L’âge moyen de l’acheteur d’une voiture neuve augmente de manière régulière et atteint maintenant 54 ans et demi, ce qui traduit un resserrement du marché et d’un coût d’achat de plus en plus déconnecté du grand public. Le Velib’, l’auto-partage connaissent le succès, sous des noms certes différents selon les lieux. Mais le concept reste le même : le véhicule n’est plus forcément possédé ; il peut être partagé. Et le succès phénoménal du site BlablaCar vient confirmer qu’il ne s’agit pas seulement de partager un véhicule « anonyme » mais aussi son propre véhicule Le véhicule devient serviciel, et est de plus en plus perçu sous l’angle du service qu’il peut rendre.

Le domaine du possible s’élargit.

L’accélération des découvertes technologiques à laquelle on assiste actuellement, conduit à une multiplication des options techniques.

Les technologies évoluent rapidement. Les options techniques ne sont pas closes. Les choix technologiques ne sont pas figés. De nombreux produits sont soit à l’étape de prototypes, soit proches du passage de l’innovation à la production.

Les constructeurs diversifient leur offre de motorisation, les équipementiers diversifient aussi leurs produits. Tous les constructeurs diversifient leur gamme, les uns en proposant des véhicules électriques, d’autres des voitures à air comprimé, au gaz ou à hydrogène, d’autres enfin des modèles hybrides. Certains sont néanmoins en avance, d’autres en retard.

Tous ces moteurs n’ont pas les mêmes performances. Les moteurs thermiques sont actuellement les plus utilisés, mais leurs inconvénients conduisent à une accélération de la recherche sur les autres solutions possibles, tandis que les hybrides se développent progressivement sur le marché.

Les équipementiers participent à ces évolutions, de même que les fournisseurs de services techniques. Néanmoins, les nouveaux véhicules restent peu nombreux. Les technologies ne sont pas encore fixées.

Les nouveaux véhicules, qu’ils soient à deux, trois ou quatre roues, commencent à changer de forme. Un continuum de véhicules est en train de s’élaborer, en fonction des besoins propres à chaque déplacement. Certains sont plus petits. D’autres sont plus légers. La roue motorisée permet de penser le véhicule différemment. L’expérience acquise par les tenants de la voiture sans conducteur laisse entrevoir de nouvelles possibilités. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication changent la donne, permettant par exemple une information en temps réel qui impactera le choix de l’usager. Les nouvelles motorisations, les nouveaux carburants contribuent eux aussi à cette diversité croissante.

Les nouveaux types de véhicules qui apparaissent sont souvent mieux adaptés aux contraintes environnementales et sanitaires. Ils consomment moins d’énergie fossile et permettent d’utiliser différents types de carburants, souvent en combinant deux types de motorisation.

Un nouvel écosystème

Ce nouvel écosystème qui est en train de naître est basé sur une utilisation nouvelle des moyens d’information. C’était déjà le cas pour la recherche du trajet optimal, grâce au GPS. Ce sera de plus en plus le cas pour connaître les lieux d’approvisionnement en carburants de toute sorte, les lieux de recharge des batteries, mais aussi les possibilités d’auto-partage et de covoiturage. Ce sera demain le cas pour faire venir un véhicule devant sa porte si la voiture sans conducteur est autorisée et se généralise.

L’utilisation des Smartphones, associée au développement de ces nouveaux services, facilitera demain le partage d’une même voiture ou l’utilisation successive de modes de transports différents, grâce à la sécurisation des paiements et à l’apparition de cartes de paiement utilisables dans des lieux divers (ce qui n’est pas toujours le cas actuellement).

Ce nouvel écosystème est aussi basé sur la place grandissante des équipements embarqués à l’intérieur des véhicules. Les possibilités de calcul qui peuvent être embarquées sont impressionnantes : le nombre de lignes de leurs logiciels peut être supérieur à celles d’un Boeing ou d’un Airbus.

L’importance croissance de la communication se traduira de plus en plus par le développement de nouveaux services et de nouvelles applications informatiques.

La pile à combustible pourrait par exemple permettre la création de liens nouveaux entre transport, habitat et stockage de l’énergie.

Ce nouvel écosystème conduit à la multiplication de nouveaux services.

De nouveaux services

Les nouveaux services rendent aujourd’hui possible une mobilité choisie plus que subie. Au-delà du déplacement évité par le recours au télétravail, ou du déplacement de loisir, qui est véritablement choisi, il s’agit surtout de permettre à la personne ayant besoin de se déplacer d’avoir le choix du mode le plus pratique, le plus pertinent, le plus rapide, le plus serein. Le développement de l’auto-partage et du covoiturage traduit cette nouvelle forme d’utilisation du véhicule : son partage devient possible ; l’usage peut se substituer à la propriété ; l’image du véhicule et de la mobilité est en train d’évoluer. En témoigne le succès de BlaBlaCar, qui en faisant l’intermédiaire entre offreurs de covoiturage et demandeurs permet l’émergence plus massive du covoiturage. Il revendique actuellement 5 millions de membres en Europe.

L’inter-modalité joue un rôle de plus en plus important. L’usage de plusieurs moyens de transport dans une journée se généralise. Mais il reste encore beaucoup à faire pour organiser cette inter-modalité.

Les nouveaux services de communication ont une influence de plus en plus grande, car ils permettent de savoir si un véhicule sera disponible, où on peut le trouver, où on peut éventuellement le recharger s’il est électrique. L’application Aldo de la société ALD Automotive permet par exemple de disposer d’informations en temps réel sur les disponibilités des divers moyens de transport afin de permettre à son utilisateur d’optimiser son temps de déplacement.

D’autres savoir-faire apparaissent et peuvent être transmis. Il en est ainsi de l’analyse des flottes d’entreprises (30 % du parc automobile) pour aboutir à une utilisation sinon optimale, du moins plus rationnelle. Il en est de même pour les techniques de sécurisation des usagers du covoiturage qui pourraient s’appliquer entre individus ou entre entreprises, et non plus avec l’intervention d’un facilitateur organisant toute la chaîne des opérations.

D’autres services restent à inventer. Il en est largement ainsi pour des formules de location de courte durée, ou de partage de véhicules entre individus.

De nouvelles politiques

Ces politiques reposent sur une réflexion sur les infrastructures (qu’il s’agisse de la localisation des points de distribution des carburants, de recharge des batteries, des parkings pour le covoiturage), sur l’organisation différente du transport urbain et plus globalement sur la conception d’une nouvelle politique urbaine.

Il s’agit de déterminer de manière plus précise quels choix collectifs sont indispensables, et de quelle manière et à quel rythme ils devraient se traduire soit en mesures concrètes d’incitation ou de restrictions, soit par la mise à disposition de nouveaux services.

Quel peut être le rôle des collectivités territoriales ?

Quelles conséquences l’État, les collectivités territoriales, les constructeurs, les autres acteurs traditionnels de la filière, les nouveaux fournisseurs de services doivent-il en tirer ? Quels choix l’État a-t-il, dans un environnement marqué par les normes européennes et les règles de l’OMC ? Quelle stratégie doit-il, peut-il définir ? A quelle vitesse peut-il faire évoluer la fiscalité, les réglementations, les normes, les aides publiques, les mesures de soutien à l’industrie ou aux particuliers ? Comment concevoir des politiques optimales de régulation du stationnement, d’utilisation de la voirie, de promotion de l’auto-partage ou du Velib ?

De nouvelles controverses, de nouveaux débats

Des controverses et des débats se développent, car plusieurs évolutions sont et restent possibles :

N’est-on pas à la veille de changements aussi importants que la découverte du moteur à explosion, de l’exploitation des champs d’hydrocarbures, de l’apparition et la généralisation en quelques années d’Internet ? Réfléchir à la manière dont le moteur à explosion, puis le fordisme ont entraîné une modification profonde du transport, puis sa démocratisation, montre à quel point la mobilité peut modifier en profondeur l’organisation de nos sociétés.

Ces nouveaux comportements sont-ils pérennes ? Ne correspondent-ils pas à la situation particulière des grandes villes où la voiture est plus subie que choisie ? Le moindre attachement à la possession de voiture est-il un élément conjoncturel lié à la crise ? La croissance envisagée de la mobilité dans les pays émergents ne va-t-elle pas se heurter à des limites ? Le modèle de la voiture de demain doit-il toujours remplir l’ensemble des usages, du trajet quotidien au départ en vacances ?

Quels équilibres faut-il maintenir ? Peut-on, doit-on accompagner les évolutions actuelles ? Quels choix l’État a-t-il, dans un environnement marqué par les normes européennes et les règles de l’OMC ? Quelle stratégie doit-il, peut-il définir ? À quelle vitesse peut-il faire évoluer la fiscalité, les réglementations, les normes, les aides publiques, les mesures de soutien à l’industrie ou aux particuliers ? Quel peut être le rôle des collectivités territoriales ?

Comment peut-on créer une dynamique, une synergie entre l’action des pouvoirs publics et celle des industriels et des fournisseurs de services ? Comment peut-on aboutir à une cohérence satisfaisante entre les diverses décisions, entre les diverses réponses à des contraintes parfois opposées (environnementales, industrielles, économiques) ?

Qui sera le développeur et le vendeur de l’offre de mobilité de demain : le constructeur automobile ? Le réseau de transport en commun ? Un opérateur des nouvelles technologies ? Quelle typologie des besoins peut-on établir, en fonction de critères de localisation, d’âges, de pouvoir d’achat ?

Quel modèle l’emportera ? Faut-il privilégier la puissance ou la qualité de vie ? Quels choix de carburants : épuisables ou renouvelables ? Peut-on le prévoir, le définir ? Comment évaluer cette situation ?

Les grandes évolutions technologiques se sont historiquement faites à la conjonction de révolutions en matière de communication, à l’œuvre actuellement, de révolutions en matière d’énergie, qui se met en place, et d’innovation dans la mobilité. Le terrain paraît donc des plus propices à une évolution à la fois technologique mais aussi qualitative du véhicule.

Il est nécessaire de faire une analyse suffisamment fine pour vérifier si les évolutions ressenties à Paris ou dans d’autres grandes villes sont valables pour l’ensemble de la France ; si les solutions proposées et adaptées à Paris ou dans les grandes métropoles le sont pour les zones périurbaines et rurales.

Une comparaison s’impose entre les diverses techniques, leurs performances, leur coût, leur niveau de développement, leur impact sur la pollution et la santé humaine, leur durée de vie envisagée et réelle, leur fiabilité.

Dans ce contexte, quel est l’avenir du véhicule individuel motorisé ? Comment concevoir la voiture de demain ?

Concevoir la voiture de demain exige d’accepter de faire preuve d’imagination. Il faut ne pas avoir peur de remettre en cause notre manière traditionnelle de penser.

Un effort d’imagination est nécessaire

Le véhicule d’aujourd’hui est toujours le prolongement de la voiture d’hier. Il a du reste la même forme que la voiture à cheval, même si les chevaux ont été remplacés par un moteur. Son évolution résulte essentiellement de la prise en compte de facteurs techniques. Mais il restait dominé par l’idéologie de la vitesse et de la puissance, dont le corollaire est des voitures plus rapides, plus puissantes, ce qui les rend de plus en plus lourdes.

Son design découle non d’une réflexion novatrice, mais d’une focalisation sur le moteur, la roue, la direction, c'est-à-dire sur des éléments techniques, en oubliant que le véhicule est un lieu de vie, et pas seulement un moyen de se déplacer d’un lieu à un autre, comme le remarque Jean-Marie Duthilleul pour qui la vitesse ne doit plus être le seul élément de réflexion.

Quels sont les concepts, les outils qui vont permettre de concevoir le véhicule de demain ?

Pour Georges Amar, il y a quatre stades dans la manière de considérer la voiture : « Le premier considère l’automobile comme un outil de transport ; le second l’automobile comme un outil de mobilité intelligente ; le troisième stade vise à replacer l’automobile dans le monde de la vie mobile ; le quatrième est très prospectif, la mobilité étant considérée comme une sorte d’art ».

Plusieurs pistes apparaissent : considérer le véhicule non comme une fin en soi mais comme un outil au service de la mobilité, s’affranchir des contraintes traditionnelles en tirant parti des nouvelles technologies et en concevant autrement le véhicule, réfléchir à la manière de réguler l’offre et la demande de mobilité, sortir de l’européocentrisme et s’interroger sur les besoins à satisfaire au niveau mondial, favoriser la recherche de la diversité.

Il faut avoir une approche différente : Se libérer des formes habituelles, des données techniques trop contraignantes alors qu’elles peuvent évoluer, permet de concevoir des véhicules différents, qu’ils soient à 2, 3 ou 4 roues. Ils peuvent être des tricycles, les voitures des quadricycles, termes repris de la réglementation actuelle.

Ces nouveaux véhicules qui arrivent déjà sur le marché sont pensés différemment. Les contraintes techniques ne sont plus les mêmes : le moteur peut dans certains cas être intégré dans la roue. Le véhicule peut se garer seul. Son pilotage devient de plus en plus assisté au point de ne plus nécessiter de conducteur, comme dans le cas du Googlecar qui peut se passer de conducteur.

Le véhicule peut alors être pensé comme une plateforme aménageable, adaptable, qui sera un lieu de vie, de travail et de loisirs. Le véhicule individuel de demain sera, selon Jean Marie Duthilleul « un plateau, un loft mobile ».

Pour François Bellanger, le Renault Twizy est même le seul produit prospectif car sa motorisation est moins puissante. Ce modèle a certes beaucoup de défauts mais il possède le mérite de changer les codes. C’est la preuve que le changement de motorisation permet de repenser l’objet automobile.

L’enjeu n’est pas d’avoir des véhicules électriques qui ressemblent aux véhicules thermiques mais de repenser le véhicule à cette occasion. Le véhicule électrique a un sens s’il est économe et petit, ce qui accroît son autonomie. Le passage à l’électrique devrait du reste être l’occasion de repenser le véhicule, de changer sa forme, et ses usages mais aussi l’insertion de la mobilité dans un mix énergétique responsable. La motorisation électrique devrait a priori complètement changer l’automobile, mais ce n’est pas encore le cas.

Pour François Bellanger, La mobilité urbaine s’inventera entre les 2, 3 et 4 roues en partie électriques. On aurait dû profiter de l’appel d’offre sur Autolib’ pour remettre en cause le format voiture. Il est dommage d’avoir manqué cette occasion. L’enjeu du futur est d’inventer toute une gamme de produits entre le Vélib et l’Autolib’. Mais ce discours est décalé par rapport à celui des constructeurs qui n’ont pas de vraies stratégies à long terme.

Bernard Darniche cite quant à lui le Japon, où s’inventent des 3 ou 4 roues motorisées, très informatisées, très automatisées pour pouvoir être parquées ou stockées (un système permet de les empiler et de les serrer). Ce sont des engins de 200 kilos, et leur batterie n’est pas trop lourde. La recharge est faite lors du stockage dans des lieux dédiés, qui s’apparentent à des silos (faits notamment par Toyota). Ces machines sont à géométrie variable. Leurs roues peuvent s’écarter. Il s’agit d’engins attirants qui s’auto-disciplinent et dont la vitesse varie selon la situation. On n’est plus dans la contrainte administrative, mais dans une contrainte de logique de situation.

Les nouveaux véhicules sont aussi étroitement liés au développement des nouveaux moyens de communication et d’information. Embarqués ou non, ils permettent en effet d’obtenir des informations en temps réel, et d’organiser autrement la mobilité. Ils vont façonner le monde de demain grâce à leurs nouveaux potentiels. Ils changent le paradigme de la mobilité. La voiture peut devenir servicielle.

Pour Bruno Marzloff, le téléphone mobile permet des agilités spatiales, temporelles, sociales, pour coordonner l’ensemble des activités. Il en découle des stratégies d’autonomie qui sont des leviers très puissants. Et pourtant, la demande n’est pas venue des travailleurs nomades, mais des mères qui souhaitaient rester en contact avec leurs enfants.

La régulation de l’offre et de la demande mêlant véhicule individuel et services de mobilité devient plus facile.

Plusieurs solutions peuvent être mises en œuvre, comme le remarque Bruno Marzloff : L’automobiliste peut être encouragé à utiliser d’autres modes de transport. Le covoiturage va permettre une optimisation par une intensification des usages de la voiture. Le taxi collectif, à l’image des Collectivos, peut aussi contribuer à la régulation de l’offre. L’auto-partage va lui aussi se développer, éventuellement selon d’autres formes que celle mise en place par la puissance publique (il pourrait s’organiser de pair à pair). Des convois automatisés pourraient être organisés autrement que sur une base expérimentale. La voiture sans conducteur pourrait façonner l’avenir.

L’e-commerce, qui connaît actuellement un rythme de croissance de 25 %, peut par ailleurs entraîner une réduction de la demande de transport. Il permet la substitution d’une mobilité numérique à une mobilité physique. L’e-santé,
l’e-formation, le télétravail permettent d’atteindre le même objectif.

Pour Bruno Marzloff, une organisation différente du travail pourrait changer la donne de 25 % des modes de déplacement, de 45 % des kilomètres parcourus et de l’essentiel de la mobilité subie, surtout dans des systèmes en tension maximale. Le scénario de transition énergétique élaboré par l’ADEME repose sur une baisse du nombre de véhicules individuels, le parc total passant de 31 millions à 22 millions de véhicules particuliers en 2050, dont 45 % seront des véhicules hybrides bio GNV.

Pour François Bellanger, l’innovation se fera dans les pays pauvres par le low-tech pour répondre aux besoins d’une grande part de leurs populations, alors que les ressources naturelles seront de plus en plus limitées. Les véhicules devront être particulièrement innovants car ils seront dans le contexte inédit : celui d’un développement urbain avec beaucoup d’hommes et peu de ressources naturelles.

Pour Georges Amar, la voiture de demain sera un hybride de l’individuel et du collectif. Il faut mélanger du « soft » et du « hard », du virtuel et du physique. Apparaît alors la notion de « transmodal » qui signifie que l’on ne peut plus distinguer le physique du virtuel.

Pour Jean-Marie Duthilleul, c’est la multi-modalité qui permettra de concevoir le véhicule du futur, car il remplit des fonctions différentes et doit donc être adapté à des besoins très divers. Il faut des véhicules multi-maniables, qui n’altèrent pas la qualité de l’air, et qui peuvent être partagés. L’auto-partage y joue un rôle essentiel.

Ces réflexions rejoignent celle de Bernard Darniche, pour qui il faut une multitude d’offres pour avoir une réponse acceptable au besoin. L’outil de mobilité est actuellement l’automobile, mais il va y avoir des moyens de substitution à l’automobile qui doivent encore être complémentaires. « Nous ne serons sauvés ni par l’auto, ni par les seuls transports en commun ».

Il s’agit de penser le véhicule adapté aux contraintes d’un monde où l’on sait la finitude des ressources, la pollution engendrée par la circulation automobile. Il s’agit également d’envisager les continuités entre modes de transports, qui n’impliquent pas qu’un véhicule unique puisse remplir l’ensemble des besoins en déplacements. Il s’agit enfin d’un véhicule qui bénéficie de l’ensemble des innovations technologiques, pas uniquement celles liées à l’automobile en particulier, mais également celles que nous connaissons depuis plusieurs années avec les technologies de l’information et de la communication.

Comment assurer la transition ?

Il y a des solutions techniques. Mais il faut faire des choix politiques. Les deux démarches sont-elles inconciliables ? Comment peut-on les concilier, afin de mettre la mobilité au centre des préoccupations, afin de rendre le souhaitable possible voire même attractif ?

Se préparer à des évolutions qui peuvent être très différentes

Par définition, l’avenir est incertain. Mais il peut être imaginé, même si les prévisions seront sans doute différentes de la réalité.

C’est l’intérêt des scenarii et des feuilles de route. Les scenarii permettent d’imaginer les évolutions, voire les ruptures possibles. Les feuilles de route permettent de définir le chemin à parcourir pour atteindre l’objectif souhaité.

Or il existe peu de scenarii, ce qui révèle la difficulté à se projeter dans l’avenir incertain. Il y a par contre des feuilles de route, comme celles élaborées par l’ADEME. Il y a également des ambitions de développement industriel, comme en témoignent les 34 plans de relance industrielle proposés par le ministère du redressement productif, qui font la part belle aux évolutions industrielles des véhicules : batteries, hydrogène, véhicule à 2 litres aux 100…

Il serait pourtant utile de réfléchir à l’évolution du marché. Les marchés chinois et indiens des véhicules ne sont sans doute pas aussi prometteurs que certains le pensent. Leur croissance, actuellement forte, risque d’être freinée par l’insuffisance des infrastructures. La mutation nécessaire ne peut être remplacée par une fuite en avant dans l’export.

Réconcilier les choix collectifs et les choix individuels pour assurer une mobilité sereine et durable

Il faut tout d’abord réconcilier les analyses des prévisionnistes et les projets des constructeurs. Le fossé entre les réflexions des sociologues, des urbanistes, des observateurs et celles des constructeurs est trop grand. Certes, les constructeurs financent des centres d’études et s’entourent de conseils extérieurs. Mais on voit encore peu le lien entre ces réflexions qu’ils soutiennent et leurs décisions. Le MIT de Boston travaille sur ces complémentarités entre vision prospective et application technique. Les 34 plans industriels semblent offrir ce lieu de rencontre entre industriels et prospectivistes, mais il semble nécessaire de soutenir plus avant la recherche et le développement grand public de solutions de mobilités intelligentes, sobres et accessibles.

Il faut ensuite définir des priorités, à partir d’une identification des obstacles à surmonter. Quelles sont les contraintes économiques, sociales, écologiques incontournables ? Lesquelles pourront être levées, et à quelles conditions ?

La première contrainte a trait au maintien de l’emploi et de capacités industrielles. L’outil industriel est aujourd’hui fragilisé. Son évolution reste incertaine. Il faut donc le soutenir, mais il faut définir la meilleure manière de le faire. Les nouvelles activités qui lui permettraient de se diversifier n’ont pas encore complètement trouvé leur modèle économique.

Il faut réfléchir à la manière de raccourcir le délai entre une nouvelle idée et sa réalisation industrielle : un prototype apparaîtra au bout de plusieurs années ; sa transformation en véhicule commercialisable prendra encore quelques années. Au total, entre l’idée et sa traduction industrielle il se passe d’une dizaine à une vingtaine d’années. Il faut aider à raccourcir ces temps longs.

Les nouveaux comportements frappent l’imagination. Ils participent d’une nouvelle approche de la voiture individuelle et du déplacement, qui rend possible un nouvel imaginaire de la mobilité. Mais ils ne concernent pour le moment qu’une petite partie de la population. Leur diffusion est plus lente qu’il ne paraît, même si la période actuelle est caractérisée par une accélération des changements. Or c’est bien une diffusion massive des nouveaux véhicules et des nouvelles pratiques qui est nécessaire. Ce sont ceux qui sont contraints d’utiliser un véhicule individuel, du fait de leur localisation géographique, de l’absence d’alternative, qui ont besoin de véhicules sobres et économes.

C’est là qu’intervient la politique, en rendant attractif (aides, certificats d’économie d’énergie, incitations fiscales, priorités de circulation, de stationnement…) ce qui est souhaitable pour la collectivité. C’est aussi la condition pour que ce qui était jusques là une niche trouve son équilibre économique par une distribution plus massive.

Quelles priorités pourrait-on définir ?

- Assurer la cohérence des projets des constructeurs avec les évolutions envisageables. Il faut en effet définir une nouvelle approche permettant de concilier la réflexion des prévisionnistes, des sociologues, des urbanistes et celle des constructeurs.

- Assurer la cohérence des choix collectifs avec les ressources disponibles, des enjeux environnementaux bien sûr, et des enjeux sociétaux, pas seulement en termes d’acceptabilité, mais également en réfléchissant à la manière d’associer les citoyens au débat public et aux décisions qui sont prises.

- Définir un programme de nouvelles infrastructures et de nouveaux modes de transport collectif, en fixant des échéances et en prévoyant les financements nécessaires. Soutenir les démarches visant à un meilleur usage des véhicules à la fois en termes d’éco-conduite mais plus encore de partage des véhicules : en se donnant pour mot d’ordre « 2 personnes par voiture, au même niveau que 2 litres aux 100 km. »

- Penser globalement le véhicule dans une analyse complète de son cycle de vie afin de l’inscrire dans une économie circulaire. Penser globalement les motorisations, en pensant « énergies » plutôt que « carburants » et en allant vers des énergies de plus en plus souvent renouvelables. Penser globalement la filière industrielle en intégrant tous les acteurs et en pensant « équipementiers » plutôt que « sous-traitants ».

Renforcer l’efficacité de l’intervention publique

Cette efficacité n’est pas aujourd’hui suffisante.

Les aides publiques n’ont pas assez d’effets sur la réalité. Les mesures fiscales sont insuffisamment imaginatives. Les infrastructures nécessaires au développement des nouvelles énergies et donc des nouvelles motorisations ne sont pas à la hauteur des besoins. Les normes sont encore trop limitées dans le temps.

Les aides publiques sont l’un des leviers. Le système de bonus - malus mis en place pour faciliter le développement des voitures électriques et sobres en est un exemple. Il faut qu’elles aient un impact réel sur la situation, notamment lorsqu’elles tendent à endiguer les plans sociaux des entreprises qui ferment des sites industriels.

La fiscalité est un outil difficile à manier, mais dont l’impact est important. Elle peut avoir des effets non désirés. C’est le cas pour les avantages fiscaux accordés au diesel qui ont conduit à une surdieselisation du parc automobile français, nocive et contre-productive. Elle évolue lentement, comme le montrent les difficultés rencontrées pour rapprocher la fiscalité sur l’essence et sur le diesel. L’innovation fiscale requière une volonté politique forte qui s’inscrira dans la durée : la définition d’une fiscalité écologique en est l’un des exemples. Mais il n’y aura pas d’évolution réelle de la filière automobile sans des mesures fiscales nouvelles ciblées, facilitant certains choix, en rendant d’autres plus difficiles.

L’élaboration et l’application d’un plan de diffusion des nouvelles énergies paraissent plus aisées. Or l’expérience montre que ce n’est pas forcément le cas : les véhicules électriques apparaissent sur le marché sans qu’il y ait suffisamment de bornes de recharge. Les points de distribution du GPL ou du GNV restent insuffisamment nombreux. Il en est de même pour la distribution de l’hydrogène. Or les nouvelles motorisations ne pourront pas se généraliser tant que la distribution des nouveaux carburants ne sera pas plus généralisée. Un conducteur doit pouvoir bénéficier d’une continuité territoriale de son approvisionnement en carburants non seulement sur le territoire français, mais sur celui de l’Union européenne.

Le travail direct avec les acteurs de la filière, initié au travers des Appels à Manifestation d’Intérêt dans le cadre des investissements d’avenir ou des 34 plans de relance industrielle sont des outils adaptés. Ils permettent aux acteurs du territoire de se tourner vers un objectif, par exemple le véhicule à 2 litres aux 100 km, et de collaborer à son développement.

Les moyens mis en œuvre par l’État sont insuffisants, quelle que soit la qualité des hommes et des femmes chargés de faciliter la création de nouveaux réseaux de distribution ou de recharge. La mission dirigée par Philippe Hirtzmann pour développer un réseau de recharges de batteries utilisées par les véhicules électriques n’a pas assez de personnel face à la tâche à accomplir, du fait de la multiplicité des acteurs à convaincre, qu’ils soient publics ou privés.

Les normes sont un outil utile, mais dont l’effet n’apparaît qu’avec le temps. Leur clarté, leur stabilité sont essentielles pour les constructeurs qui ont besoin de savoir quelles sont les priorités des pouvoirs publics. Or les normes actuelles ne portent que sur l’actuelle décennie. Il importe qu’elles soient plus ambitieuses et définissent les objectifs à atteindre à plus long terme : 2030, 2050. Il faudrait aussi que les échéanciers soient plus précis et définissent des objectifs intermédiaires, par exemple tous les cinq ans. Il faut aussi qu’elles soient contraignantes et que des moyens soient définis pour vérifier leur application.

Assurer l’efficacité de la recherche

Cela suppose de lui accorder des financements suffisants et de veiller à la transition entre recherche, innovation et diffusion des nouveaux produits.

Les financements ont jusqu’à présent été satisfaisants, qu’ils proviennent d’OSEO ou du programme des investissements d’avenir. Il faudra demain poursuivre cette politique et s’assurer que la Banque publique d’investissements leur accorde une attention suffisante, notamment pour assurer la diffusion de l’innovation dans les PME.

La création de l’institut des énergies décarbonées – le VeDeCom – doit être accélérée.

Les priorités sont claires : pour les sciences sociales, l’analyse des modifications des comportements et des besoins, la définition de typologies plus précises, une réflexion sur l’acceptabilité des nouveaux véhicules et sur la diffusion des nouvelles mobilités ; pour les sciences techniques, l’automatisation, le développement des équipements numériques embarqués, la motorisation de la roue, la recherche des économies d’énergie, le développement des carburants alternatifs.

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C’est donc un champ d’exploration gigantesque qui est ouvert par ce questionnement sur le véhicule écologique du futur, après des années de conformisme et de perpétuation d’un modèle générique de véhicule. Il s’agit d’une nécessité écologique, économique, de sérénité du transport, mais aussi d’une chance à saisir pour les acteurs de la filière et les usagers. Le véhicule va changer, mais il n’est que le symptôme d’un changement plus profond et plus durable de la mobilité, et de l’imaginaire qui l’entoure.

Comme toute mutation, elle peut paraître anxiogène. Un nouveau discours, une nouvelle narration doivent donc accompagner cette évolution pour en rendre perceptible tous les atouts : écologiques, évidemment, mais aussi pour le bien-vivre ensemble. Cette mutation est à portée de mains, elle est même entamée. Ne ratons pas le train.

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Le présent rapport développera ces différents thèmes, afin de les préciser à partir des multiples témoignages présentés lors de plusieurs auditions publiques et des débats auxquels ils ont donné lieu.

CONCLUSION DU RAPPORT

Ce rapport avait pour ambition d’interroger un champ vaste et complexe : Comment s’adapter à la raréfaction des ressources ? Comment rompre avec les politiques d’adaptation de la ville à la voiture ? Comment changer le modèle automobile ? Ces questions ne sont pas nouvelles, mais sont de plus en plus prégnantes. Elles ont déjà conduit à la mise en place de nouvelles politiques.

La situation actuelle ne peut pas perdurer : les émissions de CO2 contribuent à l’effet de serre et doivent être réduites ; les émissions de particules fines et de NOx par les moteurs diesel ont un impact sanitaire avéré. En parallèle, la crise de la filière a des conséquences tangibles pour les salariés, qui en font les frais. Les clients voient leurs dépenses d’achat, d’entretien et de carburant amputer leur pouvoir d’achat. Les usagers des véhicules connaissent une souffrance grandissante dans la mobilité, qui est entravée par les encombrements, les difficultés de stationnement, l’absence de sérénité dans le transport.

Il faut donc faire des choix plus marqués. Cette approche est souhaitable d’un point de vue collectif. Mais il faut en convaincre les individus, car le succès d’une politique dépend de leur adhésion.

Nous avons adopté une approche globale qui nous a permis de réfléchir aux conditions nécessaires à l’avènement de véhicules écologiques permettant d’organiser de nouvelles mobilités sereines et durables.

Les véhicules doivent être pensés différemment. Il faut partir des besoins et des évolutions de comportements plutôt que des seules projections techniques de l’existant. Il faut prendre en compte la complexité des solutions possibles, les contraintes qui ne pourront pas être levées à court terme, mais qui pourraient évoluer à moyen et long terme. Il faut tenir compte de la pérennité des évolutions actuelles et de l’acceptabilité des propositions qui peuvent être faites.

L’analyse des besoins de mobilité, à partir de typologies, montre la diversité des situations et conduit à la conclusion que l’offre de véhicules, de moteurs et de carburants devra être à la fois différente et diversifiée. Elle montre aussi qu’un nouveau modèle est en train d’apparaître, qui conduit inéluctablement à une mutation profonde de la filière automobile.

L’offre se diversifie, et traduit l’évolution du champ des possibles. Mais elle reste encore très classique. Des véhicules différents apparaissent peu à peu, mais leur modèle économique n’est pas encore stabilisé.

Les possibilités techniques sont de plus en plus nombreuses. Elles peuvent permettre de répondre à cette évolution et de répondre à des contraintes croissantes en termes de pollution et de nouvelles exigences en termes de santé et de sécurité. Mais elles sont insuffisantes en elles-mêmes pour résoudre les difficultés des constructeurs.

Les évolutions techniques prévisibles ne sont qu’un des éléments de notre analyse qui est beaucoup plus ambitieuse : les choix sont plus nombreux, mais l’évolution reste incertaine, et la technique ne permet pas à elle seule de faire face à l’évolution du paradigme. Réduire la consommation, par exemple, nécessite une évolution technique et une évolution culturelle et sociale. Les nouvelles possibilités doivent être intégrées. Les nouveaux choix doivent être compris.

De nouvelles infrastructures sont nécessaires, qu’il s’agisse de la localisation des points de distribution des carburants alternatifs, de la recharge des batteries, des parkings pour le covoiturage, de l’aménagement de voies réservées aux véhicules sobres ou à haut taux d’occupation...

Mais il faut aussi organiser différemment le transport urbain, trouver des solutions innovantes pour les zones périphériques et les zones rurales, l’objectif étant de concevoir une nouvelle politique urbaine et un aménagement du territoire intégrant les nouvelles mobilités.

Une approche dynamique est nécessaire, car l’inaction aurait des conséquences dramatiques en termes d’emplois et de commerce extérieur. Or la voiture écologique n’est plus seulement un projet, un concept. Elle commence à exister sous diverses formes, et est maintenant disponible pour le grand public, à un prix de plus en plus abordable.

Mais les décisions, les stratégies des constructeurs et des fournisseurs de service ne sont pas toujours adaptées à ce nouvel environnement, à cette nouvelle problématique. L’action des pouvoirs publics n’est pas suffisante. Les incitations financières ou fiscales ne permettent pas d’influencer suffisamment la situation. Le cadre qu’ils fixent par des normes se doit de devenir plus efficace. La pérennité de l’effort de recherche doit être affirmée.

L’action publique doit donc être pensée différemment. Il faut répondre aux contraintes nouvelles, de nature économique, financière et sociale, en s’appuyant sur les atouts de la filière. Il faut tirer les conséquences des nouvelles possibilités techniques, qu’elles concernent les motorisations, les carburants ou les nouveaux véhicules, à 2, 3 ou 4 roues ou la mise en place de services innovants.

La réponse à des besoins multiples doit être diversifiée : Plusieurs choix sont encore possibles, tant pour les moteurs que pour les carburants. Les nouveaux services doivent encore trouver leur modèle économique. La recherche montre que des évolutions sont possibles. Les comparaisons internationales montrent que la palette des choix réalisables est très large.

Il est possible de faire évoluer les comportements. Il est possible de convaincre l’usager de penser à une utilisation moins individuelle de sa voiture et d’aller vers les « deux personnes par voiture ». Mais encore faut-il concevoir et organiser une inter-modalité efficace, développer l’auto-partage et le covoiturage, prévoir de nouvelles aires de stationnement combinées aux nouveaux services, offrir une offre plus diversifiée de transports publics, et plus globalement repenser la ville.

Tel est l’objectif des recommandations des rapporteurs.

RECOMMANDATIONS

I. Organiser la mobilité du 21ème siècle : sobre, interactive, intermodale, sereine

Constat :

Le véhicule individuel motorisé est l’une des composantes de la mobilité. Sa place et son évolution doivent intégrer les nouvelles contraintes (écologiques, sociales, économiques, urbaines), les nouveaux usages et les nouvelles opportunités de la mobilité. Celle-ci doit être organisée afin de permettre une multiplicité de choix, pour un usage performant de chacune des solutions et adapté aux différents besoins.

Recommandations :

• Faire de la mobilité énergétiquement sobre un enjeu prioritaire de la transition énergétique

• Faire de la mobilité sobre, sereine et sûre (sécurité routière) la grande cause nationale de l’année 2016

• Privilégier l’utilisation optimale des infrastructures existantes (ferroviaires, routières, etc.) à la construction d’infrastructures nouvelles.

• Intégrer la complémentarité des modes de déplacement – et non leur concurrence – dans les plans de déplacement à toutes échelles territoriales (nationale, régionale, locale)

• Mettre en place un observatoire national des mobilités, analysant les évolutions des besoins et des pratiques, catégorisant les publics (en fonction de leurs espaces territoriaux, usages de la mobilité, etc.), organisant le benchmarking des meilleures réponses en France et à l’étranger, garantissant le maintien des données dans le domaine public…

• Systématiser l’intégration de l’approche mobilité dans les politiques d’aménagement des territoires

• Dans les espaces urbains, organiser l’espace public, notamment la voirie, pour favoriser et diversifier l’offre de transports collectifs, favoriser les déplacements actifs notamment à vélo

• Veiller particulièrement dans les zones périurbaines et rurales, à assurer le droit à la mobilité en organisant des offres diversifiées et économes de mobilité (transports collectifs, services à la demande, véhicules partagés, véhicules sobres…)

• Organiser l’information multimodale au niveau local, régional et national, en s’appuyant sur les nouvelles technologies de communication embarquées, en apportant à l’usager une information en temps réel, ainsi que l’impact écologique, économique et en sécurisation des temps de parcours des différentes options

• Offrir des dispositifs de tarification et de paiement multimodaux (pass mobilité, etc.) intégrant dans un même titre de transport une complémentarité des modes (transports collectifs, vélos en libre-service, auto-partage, taxis, location véhicule, stationnement, etc.)

• Expérimenter et organiser des « hubs intermodaux », espaces publics où sont organisées correspondances et inter-modalité entre modes et services. Les gares en sont notamment un lieu privilégié

• Développer les plateformes d’éco-mobilité et de promotion de l’inter-modalité

• Favoriser l’évolution des modes d’organisation du travail réduisant la mobilité contrainte et la congestion des heures de pointes : centres de télétravail à distance partagés, travail mobile, travail en temps décalé…

• Organiser les espaces de circulation pour favoriser la sécurité (code de la rue, vitesses réduites…), la réduction des nuisances sonores et des consommations énergétiques (revêtements de chaussée innovants…)

• Organiser la mobilité en zone urbanisée afin de réduire la pollution atmosphérique (notamment régulation de la circulation lors des pics de pollution…)

II. Faire évoluer le modèle automobile : sobriété, plaisir, modernité, convivialité, modularité ; un nouvel imaginaire

Constat :

L’imaginaire positif associé de longue date à l’automobile s’érode avec la montée des contraintes qui lui sont associées (coût, pollution, encombrement). Le véhicule motorisé individuel restant indispensable pour nombre d’usages et de parts du territoire, un nouvel imaginaire correspondant aux attentes nouvelles doit émerger. La notion de « plaisir » a été évoquée par de nombreuses personnes auditionnées. Cette notion s’est doublée de l’enjeu de sérénité de la mobilité. Pour permettre la transition vers des mobilités plus sobres, il convient de ne pas le faire dans une optique d’austérité, mais de promouvoir les nouveaux véhicules et comportements en les rendant attractifs.

Recommandations :

• Faire de l’évolution du modèle automobile vers le véhicule écologique une priorité de la politique industrielle nationale et européenne, en coordination avec les constructeurs

• Contribuer à un nouvel imaginaire du véhicule en favorisant dans la communication publique (narration, concepts, images…) les critères de sobriété énergétiques (2l maximum aux 100 km), de moindre encombrement, de moindre pollution, les concepts de sérénité des déplacements et d‘agrément, aux dépens des critères de puissance et de vitesse ; mettre en évidence les surcoûts et surpollutions induits par la puissance inutile des véhicules

• Soutenir les innovations en matière :

- de véhicules de très petite taille (une place, deux places) faisant le lien entre 2-roues, 3-roues, 4-roues ;

- de « briques technologiques » permettant la réduction des consommations au niveau des moteurs, du poids, du roulement, des matériaux… ;

- de réduction du bruit ;

- de véhicule modulaire ;

- de services de mobilité (locations, véhicules partagés, etc.).

• Favoriser le développement des nouvelles technologies de communication permettant un usage plus performant, plus écologique, plus serein et plus sécurisé des véhicules, notamment dans l’assistance à la conduite ; y compris les perspectives de « véhicule sans chauffeur »

• Faire évoluer les contraintes réglementaires pesant sur les petits véhicules, notamment les quadricycles, afin qu’ils puissent être utilisés partout et afin d’améliorer leur insertion dans le paysage des déplacements

• Étudier les diverses manières de diminuer le coût du permis de conduire

• Former les conducteurs à léco-conduite, notamment dans le cadre de leur activité professionnelle

• Favoriser le « retrofit » (mise à niveau en matière de pollution et de sobriété) par solutions innovantes pour les véhicules existants, notamment les diesels les plus polluants

• Favoriser l’adaptation des véhicules à essence pour qu’ils puissent utiliser du GPL ou du GNV

• Approfondir les études sanitaires sur les impacts de la pollution, et étudier de manière approfondie les impacts des polluants combinés, particules fines, polluants secondaires liés à l’essence…

III. Contractualiser avec les constructeurs dans une optique de renouvellement du modèle automobile et de pérennisation des emplois

Constat :

L’industrie automobile est un des piliers de l’économie française. L’évolution des véhicules doit se faire en synergie avec les industriels. Le rôle de l’État est d’orienter et d’accompagner les évolutions les plus favorables à l’émergence des véhicules les plus adaptés aux besoins d’aujourd’hui. Et cela dans un contexte particulièrement fragile pour l’emploi dans la filière pour ce qui est du territoire national. L’aide publique doit être doublement conditionnée à l’évolution du modèle actuel vers une mobilité soutenable et au maintien de l’emploi.

Recommandations :

• Développer et pérenniser les outils de coordination de la filière industrielle (plateforme automobile) en veillant à l’intégration des différents acteurs, y compris PME, équipementiers et sous-traitants

• Coordonner la recherche sur le véhicule du futur (cf. l’exemple du MIT aux États-Unis) par la mise en réseau des pôles de compétitivité, centres de recherche, etc. par le développement des appels à manifestation d’intérêt favorisant les innovations en matière de véhicules et d’usages. Soutenir VeDeCom et Mov’eo, et veiller à ce qu'ils soient dotés de moyens financiers suffisants

• Conditionner les aides publiques qui soutiennent la filière au développement et à la commercialisation de véhicules plus sobres

• Mobiliser le grand emprunt et les investissements d’avenir en ce sens

• Assurer une continuité et une visibilité des aides publiques à la recherche et au développement en matière de technologies innovantes pour permettre une anticipation des stratégies des industriels et des consommateurs

• Organiser avec la filière la durabilité des véhicules (réduction de l’obsolescence), leur réparabilité, anticiper les normes de recyclabilité des pièces et matériaux, organiser la déconstruction, dans un esprit d’économie circulaire

• Systématiser l’analyse du cycle de vie (ACV) afin de promouvoir les véhicules ayant la plus faible empreinte écologique sur l’ensemble de leur cycle de vie. Faire un bilan carbone de tous les véhicules, et une évaluation TCO (Total Cost Analysis) du coût du véhicule en coût global (investissement + usage) sur sa durée de vie. Publier un classement annuel des véhicules les moins polluants basé non seulement sur les émissions de CO2 mais aussi sur les émissions de particules fines et de dioxyde d’azote

• Accompagner la profession dans la mise au point d’un business model de plus en plus tourné vers le service de mobilité (location, voiture partagée…)

• Aider les recherches sur la réduction de la consommation énergétique des véhicules et de leurs émissions polluantes, mais aussi sur la réduction de leur taille et l’allègement de leur poids

• Accélérer la mise en place des normes les plus ambitieuses de réduction de l’ensemble des émissions polluantes (CO2, NOx, particules fines, émissions secondaires) et fiabiliser au plus vite les procédures européennes d’homologation des émissions des véhicules

• Développer la formation des professionnels de l’automobile sur les nouvelles technologies de motorisation et le changement de source d’énergie d’un véhicule en circulation

• Encourager les systèmes de gestion économe d’énergie à bord des véhicules.

IV. Donner dès maintenant des avantages aux pionniers (stationnement, circulation, fiscalité, bonus) et orienter les utilisateurs vers les véhicules sobres, peu polluants, de petite taille

Constat :

Pour amorcer le changement, il convient d’avoir un rôle proactif. Et cela d’autant plus que les constructeurs eux-mêmes estiment que ces signaux sont indispensables pour rendre le business model des véhicules écologiques plus performant que le statu quo. Cela passe par des avantages donnés aux pionniers : favoriser les véhicules sobres, de petite taille, utilisés en commun en facilitant la vie de leurs usagers et possesseurs.

Recommandations :

• Promouvoir une communication institutionnelle au plus haut niveau en faveur des énergies alternatives

• Préserver et améliorer le bonus-malus pour favoriser le développement des véhicules écologiques. Le rendre plus efficace et global afin qu’il ne repose pas seulement sur les émissions de CO2, mais tienne compte également des émissions de NOx, de particules fines et de particules secondaires

• Moduler la fiscalité des véhicules en fonction de leur gabarit et de leur puissance, selon le modèle des K-cars japonais

• Mettre en place une étiquette énergie des véhicules à la vente, qui prenne en compte la consommation, les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques « du puits à la roue »

• Accentuer la prise en compte, notamment par la fiscalité, des externalités négatives liées à chaque type de carburant. Mettre fin aux exonérations fiscales à destination d’un seul carburant. Mettre en place une fiscalité incitative à l’usage de carburants alternatifs. Établir un mécanisme progressif et prévisible de rapprochement de la fiscalité sur le gazole et l’essence, comme préconisé par la Cour des Comptes, en affectant une partie des recettes fiscales à la compensation des impacts sociaux et économiques

• Donner des priorités de circulation aux véhicules écologiques, par exemple par des voies de circulation (réservées aux transports collectifs, aux véhicules d’urgence, aux taxis, aux véhicules sobres, et au co-voiturage) dans les zones congestionnées, notamment sur les voies autoroutières

• Mettre en place un système de tarification préférentielle sur les voies à péage pour les véhicules écologiques, sur la base de leur mode de propulsion (électrique, gaz,…), de leur sobriété, de leur taille et de leur taux d’occupation

• Faciliter le stationnement des véhicules écologiques (en fonction de leur motorisation, de leur taille et de leur puissance) sur la voirie et dans les parcs souterrains, en leur réservant des places dédiées et / ou en réduisant leur coût de stationnement. Soutenir les solutions innovantes telles que le disque vert, permettant d’offrir 1 h 30 de stationnement gratuit pour ces véhicules

• Faire évoluer le dispositif des Certificats d’économie d’énergie, afin qu’il puisse bénéficier à l’achat de véhicules écologiques et/ou au remplacement d’un véhicule polluant par un véhicule écologique

• Mettre en place des prêts à taux zéro destinés aux foyers modestes, afin de leur permettre d’acquérir un véhicule écologique.

• Utiliser l’effet levier de la commande publique pour soutenir le développement de véhicules sobres

• Favoriser, notamment par des mesures fiscales, l’utilisation de véhicules écologiques dans les flottes professionnelles (administrations et entreprises) et dans les flottes de taxi

• Renforcer le contrôle des véhicules usagés. En particulier, le contrôle technique sur l’éco-diagnostic et l’éco-entretien

• Mettre en œuvre les mesures annoncées récemment de réduction de la vitesse des véhicules sur les autoroutes, les périphériques, les routes et les villes, qui permettent simultanément de réduire l’accidentologie, la consommation énergétique, la pollution et le bruit… tout en réduisant le coût pour les conducteurs

• Simplifier les démarches de changement d’énergie pour les véhicules existants (électrification, transformation pour permettre un usage de gaz, d’éthanol…)

• Accompagner le renouvellement et l’adaptation aux nouvelles normes des véhicules diesel en circulation.

V. Privilégier les évolutions vers des carburants renouvelables, en poursuivant des objectifs plus ciblés et en gardant ouvertes les différentes options techniques

Constat :

Dans le cadre de la transition énergétique, il faut accélérer le développement de carburants alternatifs et renouvelables. Ce développement ne doit pas injurier l’avenir en conduisant à une monoculture technologique, mais au contraire développer l’ensemble de la palette d’alternatives.

Recommandations :

• Ne fermer aucune option technique de motorisation pour promouvoir la mixité énergétique : des sauts technologiques peuvent avoir lieu aussi bien dans les moteurs thermiques (gaz, agro-carburants issus d’énergies renouvelables) qu’électriques, à l’hydrogène ou à l’air comprimé

• De manière générale, afin de promouvoir la mixité énergétique dans les transports, accorder les avantages consentis aux voitures électriques aux autres types de voitures écologiques, et notamment les hybrides, celles fonctionnant au GPL, au GNV, à l’hydrogène ou à l’air comprimé

• Assurer un soutien constant à la recherche sur les motorisations alternatives et les carburants alternatifs, en particulier le biogaz, l’hydrogène et les agro-carburants de troisième génération

• Mobiliser le grand emprunt et les investissements d’avenir en faveur de l’utilisation des énergies alternatives dans la mobilité

• Anticiper avec les acteurs industriels et les acteurs publics les besoins de distribution de chacun des carburants alternatifs, permettant aux véhicules qui les utilisent de s’approvisionner de manière satisfaisante sur l’ensemble du territoire. Étudier les hypothèses impliquant des plans d’infrastructures (et leur coût), celles passant par l’achat de recharges (piles, bouteilles de gaz…) et celles passant par l’autoproduction/autoconsommation

• Intégrer en conséquence le développement de l’utilisation des énergies renouvelables dans les schémas énergétiques régionaux et territoriaux, en privilégiant les opportunités liées aux énergies produites localement

• Intégrer au système des Certificats d’économie d’énergie des dispositifs permettant le développement de l’usage des énergies alternatives dans la mobilité

• Encourager les initiatives issues des 34 plans industriels pour structurer une filière française et européenne des énergies alternatives pour véhicules et de véhicules sobres

• Utiliser l’effet levier de la commande publique pour soutenir le développement de l’utilisation des énergies renouvelables dans la mobilité

• Faire un bilan de l’intensité carbone et des implications environnementales du développement des agro-carburants de première et de deuxième génération, et de leur utilisation. Développer les agro-carburants de troisième génération

• Organiser dès maintenant un plan de recyclage des batteries et la mise en place des outils industriels correspondants

• Veiller à la formation des réparateurs, notamment en matière de réparation des moteurs fonctionnant aux énergies alternatives

• Favoriser l’utilisation d’énergies renouvelables pour charger les batteries. Renforcer le réseau français R&D dédié aux batteries. Accélérer la mise en place du réseau de recharge de batteries. Réviser les conditions d’autorisation d’installation de prise de recharge de batteries dans les immeubles collectifs

• Retirer les panneaux « interdit au GPL » à l’entrée des parcs de stationnement

• Ces réformes faites, assurer la stabilité des incitations publiques et des réglementations sur les carburants alternatifs

• Pour favoriser le développement des véhicules au gaz, favoriser leur utilisation dans les flottes captives, en particulier les petits véhicules et les véhicules utilitaires à usage professionnel

VI. Favoriser l’usage partagé des véhicules

Constat :

L’un des enjeux majeurs, quelle que soit l’évolution des véhicules au plan technique, est leur meilleure occupation. C’est un gage d’efficacité énergétique, mais aussi de moindre encombrement des voiries et des stationnements.

Recommandations :

• Fixer nationalement l’objectif « 2 personnes par voiture » au même niveau d’ambition, de visibilité et de moyens que celui des « 2 litres aux 100 km », en mettant en valeur dans la communication l’intérêt en terme de pouvoir d’achat, de consommation énergétique, de pollution et de réduction des émissions de gaz à effet de serre

• Favoriser le développement des services d’auto-partage, notamment en facilitant la complémentarité entre usages individuels et professionnels, en utilisant les Certificats d’économie d’énergie (CEE) pour soutenir leur développement, etc.

• Favoriser le partage des véhicules individuels en soutenant la mise en place des réseaux d’organisation du co-voiturage entre particuliers, notamment via les CEE, l’intégration dans les Plans de Déplacement d’Entreprises (et de pôles d’entreprises) et d’Administration…

• Faire évoluer le code des assurances pour favoriser le partage des véhicules

• Faciliter la mise en place de lieux de rencontre (notamment de stationnement) sur l’espace public à usage du co-voiturage, avec signalétique homogénéisée

• Donner un statut juridique au co-voiturage afin de sécuriser son usage

• Donner des priorités de circulation aux véhicules à haut taux d’occupation (au moins 3 personnes) par exemple par des voies de circulation réservées aux transports collectifs, aux véhicules d’urgence, aux taxis, aux véhicules sobres, et au co-voiturage dans les zones congestionnées, notamment sur les voies autoroutières

• Mettre en place des systèmes de tarification préférentielle sur les voies à péage pour les véhicules à haut taux d’occupation (au moins 3 personnes)

• Favoriser l’usage des véhicules partagés dans les flottes professionnelles et de l’administration (PDE, PDA, mutualisation de véhicules, abonnement à services d’auto-partage...)

• Inciter les collectivités à intégrer dans leur PLU des dispositifs incitatifs / obligatoires pour la mise en place de systèmes d’auto-partage (par exemple de véhicules électriques) au sein des nouvelles copropriétés d'au moins 20 logements

VII. Une gouvernance partenariale, un État stratège

Constat :

Les acteurs publics, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités territoriales ou de l’Union Européenne, ont un rôle majeur à jouer dans l’organisation de la mobilité et l’impulsion des orientations de la filière, en coordination avec les professionnels.

Recommandations :

• Afin de donner une coordination et une visibilité à une politique en faveur des véhicules écologiques et de mettre fin à l’éparpillement, créer une instance publique de pilotage des acteurs concernés par leur développement (l’Union européenne, l’État, les régions, les départements, les communes et les communautés d’agglomération, les centres de recherche universitaires ou relevant du CNRS, les constructeurs, les équipementiers, les banquiers, les assureurs, les gestionnaires de parkings, les syndics d’immeubles, les hypermarchés, les stations-service, les représentants d’usagers, les centres de recherche privés…) sous coordination des ministères de l’écologie et de l’industrie, chargée de l’élaboration de préconisations, du suivi de la mise en œuvre et de l’évaluation

• Mettre en place un lieu de coordination de tous les acteurs du transport, notamment les AOT et les transporteurs publics, à l’échelle régionale et à celle des agglomérations et des intercommunalités pour faciliter le développement des systèmes d’information, la mise à disposition d’informations multimodales fiables et accessibles à tous, la mise en place d’une tarification multimodale, la mise en place de dispositifs locaux favorisant la circulation et le stationnement des véhicules écologiques, ainsi que l’organisation de l’usage partagé des véhicules.

• Renforcer le droit à l’expérimentation des collectivités pour favoriser la mobilité sobre et partagée

• Inscrire dans les PDU, PDE et PDA des objectifs de développement de l’utilisation des véhicules écologiques et de l’usage partagé des véhicules

• Renforcer le système de gouvernance, aux niveaux local et national, de surveillance des émissions polluantes, de lutte contre la pollution de l’air, de l’amélioration de la qualité de l’air, en ce qui concerne à la fois la pollution de fond et les pics

• Développer et pérenniser les outils de coordination de la filière industrielle (plateforme automobile) en veillant à l’intégration des différents acteurs, y compris PME, équipementiers et sous-traitants.

• Mettre en réseau les pôles de compétitivité, centres de recherche, etc. travaillant sur le véhicule écologique

• Créer une instance nationale fédérant les acteurs du transport

VIII. Organiser la veille sur les innovations technologiques et sociales de la mobilité

Constat :

Les mutations sont amorcées. Cela transparaît de l’ensemble du rapport et des auditions. Il convient donc d’organiser une veille active nationale et internationale des innovations, et d’accompagner la Recherche et Développement sur ces nouveaux enjeux.

Recommandations :

• Mettre en place un observatoire national des mobilités, analysant les évolutions des besoins et des pratiques, catégorisant les publics (en fonction de leurs espaces territoriaux, usages de la mobilité, etc.), organisant le benchmarking des meilleures réponses en France et à l’étranger…

• Organiser la coordination de la prospective énergétique et de la prospective de la mobilité au sein de la transition énergétique

• Accompagner le développement de services locaux innovants de mobilité

• Favoriser les expérimentations et les innovations pour le développement de véhicules sans conducteur

• Veiller au niveau de sécurité des systèmes production-distribution-transport de carburants

• Étudier les implications en termes de sécurité informatique du développement des systèmes d’électronique embarquée dans les véhicules, et leur vulnérabilité au risque de piratage.

• Faire évoluer la Convention de Vienne pour revoir les contraintes réglementaires au stationnement d’un véhicule sans qu’un conducteur soit derrière le volant

• En parallèle du développement des véhicules écologiques et partagés, soutenir les initiatives d’organisation du dernier kilomètre de livraison.

IX. Promouvoir une politique européenne en faveur de la mobilité sobre

Constat :

Une partie des normes qui régissent le secteur automobile, en particulier celles relatives à la pollution atmosphérique et aux émissions de gaz à effet de serre, ressort de l’Union européenne. En parallèle, les enjeux des constructeurs automobiles se sont mondialisés ; il convient donc que la France ait à la fois un rôle proactif dans le débat européen, mais aussi que cet échelon territorial permette une meilleure coordination des efforts des acteurs de la filière.

Recommandations :

• Établir un calendrier des mesures à prendre en matière de mobilité, pour atteindre le facteur 4 de réduction des gaz à effet de serre en 2050, et les objectifs intermédiaires déjà fixés pour 2020 en matière d’efficacité énergétique

• Faire du véhicule sobre et de l’utilisation des énergies renouvelables dans la mobilité des axes de la politique industrielle européenne

• Se donner les moyens de faire respecter la future norme européenne prévoyant que, d’ici 2015, 95 % de l’ensemble du véhicule soit valorisable ou réutilisable

• Renforcer les normes de réduction des polluants (CO2, NOx, particules) au niveau européen

• Construire une filière française et européenne sur les technologies des batteries et de stockage d’électricité, pour les besoins énergétiques et de mobilité

• Inclure la mobilité sobre et renouvelable dans les objectifs poursuivis par la politique régionale, pour pouvoir bénéficier davantage des aides européennes

• Adapter la réglementation européenne pour utiliser l’effet levier de la commande publique pour soutenir le développement de véhicules sobres et l’utilisation des énergies renouvelables dans la mobilité

• Élaborer au niveau européen une stratégie concernant le développement d’une « route plus intelligente », les concepts de « convois automatisés de véhicules », et comportant des objectifs, un calendrier, des financements

• Favoriser les échanges de bonnes pratiques et d’expériences en Europe


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