LES ENJEUX STRATÉGIQUES DES TERRES RARES
ET DES MATIÈRES PREMIÈRES STRATÉGIQUES ET CRITIQUES
TOME I : Rapport
par
M. Patrick HETZEL, député, et Mme Delphine BATAILLE, sénatrice
par M. Jean-Yves LE DÉAUT, Président de l’Office |
par M. Bruno SIDO, Premier vice-président de l’Office |
Composition de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques
et technologiques
Président
M. Jean-Yves LE DÉAUT, député
Premier vice-président
M. Bruno SIDO, sénateur
Vice-présidents
M. Christian BATAILLE, député M. Roland COURTEAU, sénateur
Mme Anne-Yvonne LE DAIN, députée M. Christian NAMY, sénateur
M. Jean-Sébastien VIALATTE, député Mme Catherine PROCACCIA, sénatrice
DÉputés |
SÉnateurs |
M. Bernard ACCOYER M. Gérard BAPT M. Christian BATAILLE M. Alain CLAEYS M. Claude de GANAY Mme Françoise GUÉGOT M. Patrick HETZEL M. Laurent KALINOWSKI Mme Anne-Yvonne LE DAIN M. Jean-Yves LE DÉAUT M. Alain MARTY M. Philippe NAUCHE Mme Maud OLIVIER Mme Dominique ORLIAC M. Bertrand PANCHER M. Jean-Louis TOURAINE M. Jean-Sébastien VIALATTE |
M. Patrick ABATE M. Gilbert BARBIER Mme Delphine BATAILLE M. Michel BERSON M. François COMMEINHES M. Roland COURTEAU Mme Catherine GÉNISSON Mme Dominique GILLOT M. Alain HOUPERT Mme Fabienne KELLER M. Jean-Pierre LELEUX M. Gérard LONGUET M. Pierre MÉDEVIELLE M. Franck MONTAUGÉ M. Christian NAMY M. Hervé POHER Mme Catherine PROCACCIA M. Bruno SIDO |
SOMMAIRE
___
Pages
SAISINE 13
INTRODUCTION 15
PREMIÈRE PARTIE : LA CRISE DES TERRES RARES DE 2010-2011 A RÉVÉLÉ LEUR CRITICITÉ 17
I. LES TERRES RARES RESTENT PEU CONNUES ET LEUR EXPLOITATION NÉCESSITE UN TRAITEMENT PARTICULIER 17
A. LES TERRES RARES SONT MOINS CONNUES QUE LES AUTRES ÉLÉMENTS DU TABLEAU PÉRIODIQUE DE MENDELEIEV 17
1. Ce sont dix-sept éléments découverts tardivement 17
2. Les terres rares légères sont différentes des terres rares lourdes. 17
3. Leurs usages sont spécifiques, leur production faible et très concentrée 19
B. LA PLUPART DU TEMPS, LES TERRES RARES DOIVENT ÊTRE SÉPARÉES ET PURIFIÉES 20
1. Contenues dans des minerais et des alliages, elles doivent être traitées 20
2. Leur séparation repose sur différentes techniques qui peuvent parfois être utilisées conjointement 21
3. L’hydrométallurgie fait l’objet d’une attention particulière en Europe 22
4. En France, l’usine de Solvay, à La Rochelle, conserve un avantage comparatif certain en matière de séparation et de purification des terres rares 23
C. LEUR PRODUCTION ET LEUR EXPLOITATION NÉCESSITE DES PRÉCAUTIONS PARTICULIÈRES EN TERMES DE SANTÉ PUBLIQUE ET D’ENVIRONNEMENT 24
1. La situation dans le Sud de la Chine est révélatrice des erreurs qui doivent être absolument évitées 24
2. Cette situation est révélatrice des problèmes liés à l’extraction et à la séparation des minerais et des précautions qu’il faut prendre 25
a. L’extraction et la séparation ne sont pas des processus faciles 25
b. Quelles précautions peut-on prendre en matière de radioactivité ? 25
c. Comment pourrait-on dépolluer les friches industrielles ? 27
3. Leurs effets sur la santé sont mal connus mais devraient faire l’objet de davantage de recherches 27
II. LES TERRES RARES CORRESPONDENT À DES BESOINS DE PLUS EN PLUS ESSENTIELS DE NOMBREUX SECTEURS INDUSTRIELS 31
A. ELLES AMÉLIORENT DE NOMBREUX PROCESSUS INDUSTRIELS, DU FAIT DE LEURS PROPRIÉTÉS PARTICULIÈRES, SURTOUT SI ELLES SONT LOURDES 31
B. ELLES CORRESPONDENT À DES BESOINS SOUVENT CROISSANTS DE NOMBREUX SECTEURS INDUSTRIELS 32
1. Les aimants permanents 32
2. Les pots catalytiques et les batteries 33
3. Les luminophores 33
4. Les applications médicales 33
III. LEUR DEMANDE FUTURE EST FORTEMENT DÉPENDANTE DES CHOIX DES INDUSTRIELS ET DE L’ÉVOLUTION DES TECHNOLOGIES 35
A. CERTAINS INDUSTRIELS PEUVENT PRÉFÉRER UTILISER UNE TECHNOLOGIE SANS TERRES RARES 35
B. L’ÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE MODIFIE LA DEMANDE DE CERTAINES TERRES RARES 36
1. C’est le cas pour les éoliennes où Siemens vient d’annoncer qu’il peut se passer de dysprosium 36
2. C’est aussi le cas pour les LED, qui remplacent maintenant les luminophores 37
IV. LEUR OFFRE EST FORTEMENT DOMINÉE PAR LA CHINE 39
A. LA CRISE DE 2010-2011 DES TERRES RARES A CRÉÉ UN CHOC PSYCHOLOGIQUE ET RETENTI COMME UN SIGNAL D’ALARME 39
1. La crise a révélé la puissance chinoise 39
a. Les chiffres sont éloquents. 39
b. La Chine a profité de cette crise, tout en la subissant. 40
2. La crise de 2010 a relancé temporairement la production et la séparation hors de Chine 40
3. Le Japon a pris des mesures préventives. 41
B. LA SITUATION ACTUELLE EST BEAUCOUP PLUS COMPLEXE 42
1. La domination chinoise va être de plus en plus difficile à contester 42
a. Depuis 2003, et surtout depuis 2010, la Chine met de l’ordre dans sa production 42
b. La Chine se conforme aux prescriptions de l’OMC 42
c. Enfin, la Chine développe des activités intégrant de plus en plus de valeur ajoutée 43
2. La multitude de projets de production de terres rares va conduire à l’émergence de seulement quelques autres producteurs 43
3. Les projets d’exploitation et de transformation hors de Chine ont du mal à émerger, d’autant que les prix sont aujourd’hui très bas. 44
DEUXIEME PARTIE : L’EVOLUTION DES MARCHES DE TERRES RARES ET DE MATIÈRES PREMIÈRES STRATÉGIQUES ET CRITIQUES EST PREOCCUPANTE 45
I. LES PRÉVISIONS PORTANT SUR LEUR MARCHÉ RÉVÈLENT L’AMPLEUR DES PROBLÈMES À RÉSOUDRE 45
A. LA DEMANDE CROISSANTE DES PAYS ET DES CONTINENTS EN VOIE D’INDUSTRIALISATION EST DIFFICLEMENT CONTRÔLABLE 45
B. LEUR OFFRE VA ÊTRE SOUMISE À DES CONTRAINTES DE PLUS EN PLUS FORTES 46
II. PLUSIEURS MATIERES PREMIERES, DONT LES TERRES RARES, PRESENTENT UN INTERET STRATEGIQUE POUR LES ETATS ET PEUVENT ETRE CRITIQUES POUR L’INDUSTRIE 48
A. RAISONNER EN TERMES DE BESOINS STRATÉGIQUES ET DE CRITICITÉ PERMET DE MIEUX COMPRENDRE LES ENJEUX EN CAUSE 48
1. La notion de besoins stratégiques fait référence à la politique d’un État 48
2. La notion de produits critiques fait référence à l’industrie 49
3. La combinaison des deux caractéristiques complexifie les problèmes à résoudre 50
4. Il faut se préparer à des risques de pénurie pour les matières premières non agricoles et non énergétiques 51
B. CETTE APPROCHE A ENTRAÎNÉ L’ÉLABORATION DE LISTES DE PRODUITS SENSIBLES 52
1. Les États Unis ont établi une liste des matières premières stratégiques 52
2. L’Union européenne préfère utiliser le terme « produits critiques » 52
3. En France, une telle liste n’existe pas, mais les analyses du BRGM complètent utilement les travaux européens 53
C. LE CROISEMENT DE CES DIVERSES APPROCHES PERMET DE PROPOSER UNE TYPOLOGIE DES MATIÈRES PREMIÈRES STRATÉGIQUES ET CRITIQUES 54
1. Les matériaux stratégiques non métalliques 54
a. L’hélium 54
b. Les phosphates 55
c. Le charbon à coke 55
2. Les métaux stratégiques (hors terres rares) 56
TROISIÈME PARTIE : CERTAINES SOLUTIONS SERONT MISES EN œUVRE INDÉPENDAMMENT DE TOUTE INFLEXION POLITIQUE MAJEURE 61
I. LES SOLUTIONS INDUSTRIELLES : RECYCLAGE ET SUBSTITUTION 61
A. LE RECYCLAGE, NÉCESSAIRE ET SOUHAITABLE, N’EST QU’UN ÉLÉMENT DE RÉPONSE 61
1. L’intérêt du recyclage n’est plus contesté, même s’il n’est pas une panacée. 61
a. Le recyclage est une réalité économique. 61
b. Le recyclage peut déjà permettre d’atteindre des objectifs ciblés 62
c. Dans d’autres cas, son intérêt est moins évident 63
d. La combinaison de ces facteurs techniques et économiques pèsera sur la décision de recycler 65
2. Le développement du recyclage peut être facilité par d’autres moyens que le marché 66
a. La réglementation peut parfois être le seul moyen pour promouvoir le recyclage 66
b. La réglementation existe déjà pour les piles et accumulateurs. 67
c. La réglementation n’est pas forcément vécue négativement, comme le montre l’exemple des constructeurs automobiles 67
3. Le recyclage sera d’autant plus efficace qu’il s’inscrira dans une démarche relevant de l’économie circulaire 68
4. L’exemple du Japon est la preuve de l’intérêt d’une démarche pragmatique mais volontariste 69
a. Une approche pragmatique reposant sur un partenariat entre l’industrie et les pouvoirs publics 69
b. L’expérience d’Hitachi 70
c. L’expérience de Mitsubishi 71
B. LA SUBSTITUTION RESTE ENCORE BALBUTIANTE 71
1. Son intérêt n’est pas contesté, mais elle peut se heurter à des obstacles 72
2. La substitution peut reposer sur trois stratégies différentes 73
3. L’expérience japonaise mérite d’être étudiée 74
a. Le NIMS estime que la substitution peut pallier l’insuffisance du recyclage et l’indisponibilité prochaine de certains produits critiques 74
b. Le NEDO et le METI ont développé un programme ambitieux de substitution 75
II. REDYNAMISER LA FORMATION 77
A. UN CONSTAT ALARMANT 77
1. Des formations existent, mais leur avenir n’est pas assuré 77
a. Le potentiel existant repose sur quelques équipes dynamiques 77
b. Il n’est pas certain que ce potentiel de formation puisse être maintenu car les débouchés sont aléatoires. 78
c. Plusieurs formations ont disparu ou sont menacées, ce qui risque d’entraîner une perte de certains savoir-faire 80
2. Certains types de formation pourtant nécessaires n’existent pas 80
a. C’est le cas pour les terres rares. 80
b. Certaines formations, comme l’enseignement de la toxicologie ou du génie minier, sont insuffisamment développées 80
B. UNE NOUVELLE IMPULSION DOIT ETRE DONNEE 82
1. La formation d’opérateurs et de techniciens est une préoccupation qui doit devenir prioritaire, et s’étendre à l’Outre-mer 82
a. La formation des opérateurs et des techniciens est soit inexistante, soit insuffisante. 82
b. Les formations bac+2 ne sont pas totalement adaptées 83
c. L’ouverture en 2020 d’une mine d’or en Guyane confirme l’inadaptation des formations disponibles et l’ampleur des besoins 83
2. Il faut favoriser des partenariats entre les formateurs, les centres de recherches, les industriels 84
3. Il est souhaitable de développer des programmes transdisciplinaires, 85
III. LA RECHERCHE-DÉVELOPPEMENT DOIT ÊTRE SOUTENUE ET ENCOURAGÉE 87
A. UN EFFORT MOINS EFFICACE QUE DANS LE PASSÉ, MEME SI L’INTERET DES STRUCTURES DE RECHERCHE RESTE ELEVE 87
1. L’évolution du nombre de brevets et de publications est révélatrice de l’évolution des rapports de force 87
2. Une recherche très sélective, menée par plusieurs équipes 88
3. Ces diverses structures mènent souvent des recherches communes. 89
4. Cette recherche, qui a permis des avancées significatives, est indispensable vu l’importance des évolutions technologiques. 89
B. DANS QUELS DOMAINES FAUDRAIT-IL DÉVELOPPER LA RECHERCHE ? 89
1. Quels sont les besoins en recherche fondamentale sur les terres rares ? 89
2. Plusieurs thèmes de recherche sont prometteurs 90
3. Il faudrait susciter des recherches en toxicologie. 90
a. La recherche en toxicologie n’a pas le niveau qui conviendrait 90
b. La relance de la recherche en toxicologie reste possible en France 91
C. LES MOYENS CONSACRÉS À LA RECHERCHE SONT-ILS SUFFISANTS ? 93
1. Les financements au niveau national n’utilisent pas l’ensemble des outils disponibles 93
a. L’ANR n’a pas le rôle dynamisant qu’elle a dans d’autres domaines 93
b. En revanche, l’apport de l’ADEME est réel 94
2. Les financements de l’Union européenne sont davantage identifiés, mais ne permettent pas de financer des projets trop orientés sur la recherche 95
D. LES RESEAUX ET LES PARTENARIATS SONT DE PLUS EN PLUS ESSENTIELS 97
1. Plusieurs structures se sont constituées à cette fin au niveau européen. 97
2. Ce travail de réseau devrait se développer au niveau national 98
a. L’exemple de la RohstoffAllianz 98
b. Mais il faudrait aller plus loin. 98
QUATRIÈME PARTIE : LA MISE EN PLACE D’UNE VÉRITABLE STRATÉGIE APPELLE UNE VOLONTÉ POLITIQUE FORTE 101
I. LA MISE EN PLACE D’UNE STRATÉGIE MINIERE ET METALLURGIQUE VOLONTARISTE 101
A. LES CONDITIONS TECHNIQUES DU SUCCÈS DES INVESTIS-SEMENTS POTENTIELS OU ENVISAGÉS SONT CLAIREMENT IDENTIFIÉES 102
1. Une prise en compte réaliste des étapes et des délais que doit respecter tout projet minier 102
2. Une connaissance actualisée et suffisante du sous-sol, qui dépend de l’état de la prospection et de la fiabilité de l’inventaire minier 104
a. Une relance ciblée de la prospection est souhaitable en France 104
b. Un nouvel inventaire minier permettrait d’avoir des résultats différents de ceux obtenus il y a vingt-cinq ans 106
3. Faut-il aller plus loin et organiser une analyse prospective des besoins et du contexte réglementaire, voire des media ? 107
a. La veille économique 107
b. La veille réglementaire et médiatique 109
4. Des conditions de marché favorables 109
a. Les perspectives de marché sont peu favorables à court terme 109
b. Le marché devrait évoluer différemment à long terme 110
c. Le marché devrait être plus transparent 111
5. Des capacités suffisantes de financement 111
a. La disparition du Comptoir Lyon Alemand Louyot a marqué la fin d’une époque et d’un modèle économique 111
b. Un renouveau du négoce et la constitution de places de marché permettraient de rendre le financement des entreprises « juniors » plus faciles 111
c. Certaines techniques de financement ont fait leurs preuves 112
6. La recherche d’une compétitivité globale 112
a. Que peuvent faire les industriels ? 112
b. Qu’attendent les industriels des pouvoirs publics ? 113
B. UN PROJET MINIER CRÉDIBLE REPOSERA AVANT TOUT SUR SON ACCEPTABILITÉ 114
1. Une acceptabilité parfois difficile 114
a. L’exemple de la réouverture d’une mine à Salau en est une illustration et montre l’importance des réunions publiques 114
b. Cet exemple souligne une nouvelle fois la mise en cause de la parole et du rôle des experts 115
c. Quelles sont donc les conditions d’un dialogue serein ? 116
2. L’acceptabilité est essentielle à condition de ne pas se limiter à la réglementation 116
a. Le cadre réglementaire lié à l’activité minière est déjà fort développé 116
b. La connaissance et la mise en œuvre des bonnes pratiques doivent être banalisées 118
3. L’acceptabilité dépend aussi d’un dialogue rénové avec les populations concernées 119
a. Ce dialogue doit découler d’une véritable stratégie, susceptible de concerner toutes les générations 119
b. Ce dialogue doit s'appuyer sur des expériences intéressantes déjà engagées tant dans le secteur public que privé 121
C. L’ÉLABORATION D’UNE STRATÉGIE MINIÈRE OFFICIELLE SERAIT UTILE, COMME LE MONTRENT LES EXPÉRIENCES JAPONAISE, SUÉDOISE ET FINLANDAISE 123
1. L’approche du Japon est particulièrement volontariste et pourrait être une source d'inspiration pour la France 123
a. Une véritable stratégie 123
b. Une stratégie mise en œuvre grâce à la coordination de plusieurs structures publiques 125
c. Le rôle particulier de JOGMEC, une structure dont la France pourrait s’inspirer 126
2. Les exemples suédois et finlandais confirment l’intérêt d’une telle approche 127
a. En Suède, une stratégie nationale pour les matières premières a été mise en place en 2013. 127
b. En Finlande, la stratégie minière est d’inspiration semblable. 127
D. UN PROJET MINIER AMBITIEUX NE POURRA SE DÉVELOPPER EN FRANCE QU’A PARTIR DU CONCEPT DE MINE RESPONSABLE 128
1. Cette approche nouvelle permet de répondre à de véritables préoccupations 128
a. Comment prévenir et maîtriser les risques ? 128
b. Comment gérer l’après-mine ? 129
c. Comment assurer la traçabilité de tous les éléments constitutifs du projet ? 131
d. Quel équilibre trouver entre réglementation et mise en œuvre volontaire de bonnes pratiques ? 132
e. Quel équilibre trouver entre réglementation et marché ? 133
2. Les exemples de la Suède et de la Finlande montrent que le concept de mine responsable est source de création de richesses 134
a. En Suède, la mine responsable repose largement sur l’action de l’inspection des mines et du Tribunal de l’environnement. 134
b. En Finlande, ce concept mis en œuvre dans de nouvelles mines, a évolué vers celui de mine verte. 135
3. La modernisation du code minier doit être l’occasion de faire progresser le concept de mine responsable et de commencer à le mettre en œuvre 139
a. Le code minier est l’un des outils permettant la mise en œuvre du concept de mine responsable 139
b. Le code minier doit être modernisé sans trop attendre 140
II. EST-IL SOUHAITABLE DE CONSTITUER DES STOCKS STRATÉGIQUES ? 143
A. FAUT-IL METTRE EN PLACE DES STOCKS STRATÉGIQUES ? 143
B. QUELLE DOIT ÊTRE LA FINALITÉ D’UN STOCKAGE PRÉVENTIF ? DE QUELS MODÈLES PEUT-ON S’INSPIRER ? 144
1. Des préoccupations économiques ciblées et limitées comme au Japon 144
2. Des préoccupations stratégiques ou financières 145
C. LES INTERROGATIONS FRANÇAISES DES REPRÉSENTANTS DE L’ÉTAT ET DE L’INDUSTRIE 145
D. LES SOLUTIONS ALTERNATIVES 147
III. QUEL POURRAIT ÊTRE LE RÔLE DE LA DIPLOMATIE ÉCONOMIQUE FRANCAISE ? 149
A. PLUSIEURS OUTILS PEUVENT ÊTRE MOBILISÉS 149
1. Le ministère des affaires étrangères a mis en place une stratégie spécifique 149
2. L’appui de Business France aux entreprises conforte cette stratégie et les atouts des entreprises françaises 150
a. Ce rôle de facilitateur est important 150
b. Les atouts des entreprises françaises se concrétisent plus facilement 151
3. La direction générale du Trésor du ministère des finances traite de la politique commerciale extérieure avec la Commission européenne 152
B. TROIS EXEMPLES DE COOPÉRATION BILATÉRALE MONTRENT L’INTERET DE LA DIPLOMATIE ECONOMIQUE 153
1. La coopération avec l’Allemagne 153
2. La coopération avec le Vietnam 154
3. La coopération avec le Japon 155
a. Des préoccupations semblables 155
b. L’exploitation potentielle des fonds marins pourrait être un domaine d’application d’une coopération franco-japonaise renforcée 155
C. L’ALLEMAGNE DEVRAIT INSPIRER NOTRE PAYS 156
D. LA POLITIQUE DES MATIÈRES PREMIÈRES DE L’UNION EUROPÉENNE POURRAIT ÊTRE PLUS DYNAMIQUE MAIS SE HEURTE À L’ABSENCE DE COMPÉTENCE DE L’UNION EUROPÉENNE DANS CE DOMAINE 157
1. Un contexte qui incite à la réflexion 157
a. Les mines de minerais non énergétiques ont globalement disparu, sauf dans les pays scandinaves 157
b. Des entreprises minières européennes ont nanmoins une vocation mondiale 159
2. La stratégie européenne 161
a. L’accès aux matières premières à l’extérieur de l’Union européenne. 161
b. L’accès aux matières premières à l’intérieur de l’Union européenne 163
c. L’utilisation efficace des ressources et le recyclage 163
3. Une politique dynamique de soutien de la recherche 164
CONCLUSION 167
PROPOSITIONS 171
EXAMEN DU RAPPORT PAR L’OFFICE 173
COMPOSITION DU COMITÉ DE PILOTAGE 183
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 185
L’OPECST a été saisi le 24 février 2014 par M. Daniel Raoul, président de la Commission des affaires économiques du Sénat, d’une demande d’étude sur les enjeux stratégiques des terres rares, afin de «contribuer à conforter la compétitivité de l’économie française».
Le 16 avril 2014, l’Office a désigné deux parlementaires pour procéder à cette étude : M. Patrick Hetzel, député, et Mme Delphine Bataille, sénatrice.
Dans le cadre de leur étude de faisabilité, les deux rapporteurs ont entendu des virologues, des géologues, des universitaires, des spécialistes des matériaux stratégiques, des représentants du CEA, des industriels, des chimistes, le secrétaire général du COMES, mais aussi des journalistes et des auteurs de livres sur les métaux et terres rares, ce qui leur a permis de constituer le comité de pilotage de leur étude.
Ces auditions ont permis d’actualiser les conclusions de l’audition publique de l’OPECST organisée par MM. Claude Birraux et Christian Kert, députés, le 8 mars 2011. Elles ont aussi contribué à éclairer les travaux menés depuis 2010 sur les terres rares et les matériaux stratégiques par le Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (2010), par le General Accounting Office des États-Unis (2010) et par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (2013). Les rapporteurs ont également pris connaissance de la lettre d’information de l’intelligence économique des ministères économiques et financiers, du bulletin scientifique de l’ambassade de France à Berlin, de nombreux articles de M. Didier Julienne, d’une conférence au Collège de France de Mme Anne de Guibert (2014) et d’études de M. Christian Hocquart (2014).
L’étude de faisabilité, présentée à l’OPECST le 8 juillet 2014, définit un certain nombre d’axes de recherche sur la nature des terres rares, l’évolution de leur marché, les risques éventuels de pénurie, ainsi que sur les risques associés à leur extraction et à leur transformation. Elle a mis en évidence que la thématique des terres rares et les solutions qui pouvaient être trouvées pour éviter des situations de pénurie, étaient très proches de celles susceptibles de s’appliquer aux matières premières stratégiques et critiques.
C’est pourquoi l’Office parlementaire a approuvé le souhait de ses deux rapporteurs d’étendre leur étude aux matières premières stratégiques et critiques.
M. Patrick Hetzel, député, et Mme Delphine Bataille, sénatrice, ont alors organisé deux auditions publiques.
La première, le 6 juillet 2015, avait pour objectif d’analyser la demande et l’offre des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques, de déterminer l’intérêt d’une politique basée sur le cycle de vie des produits les utilisant, et de réfléchir aux rôles respectifs de la puissance publique et des industriels.
La seconde, le 29 février 2016, a complété cette approche, en s’interrogeant sur l’avenir de l’industrie minière et métallurgique en France et en Europe ; en se demandant comment on pourrait évaluer la gravité des risques liés à l’industrie minière afin d’y faire face de manière optimale ; en analysant les perspectives de la recherche et de la formation ; en prenant en compte les enjeux internationaux et la coopération internationale.
Parallèlement, les rapporteurs se sont rendus en juin 2015 en Suède et en Finlande pour y étudier la stratégie minière de ces deux pays scandinaves, et en février 2016 au Japon, pays qui a particulièrement développé toutes les solutions permettant de sécuriser ses approvisionnements. Ils ont également rencontré les responsables de l’usine de séparation et de purification des terres rares de Solvay à La Rochelle en février 2016.
De nombreuses références seront faites à ces deux auditions publiques et à ces missions.
Quatre thèmes majeurs apparaissent à l’issue de ces travaux :
- la crise des terres rares de 2010-2011 a révélé l’existence de matières premières très spécifiques ;
- l’évolution des marchés des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques est préoccupante ;
- les solutions habituellement envisagées par les industriels, les chercheurs et le monde académique peuvent être mises en œuvre, même si aucune inflexion politique majeure n’est décidée ;
- la mise en place d’une véritable stratégie à moyen et long terme implique par contre de prendre des décisions politiques fortes.
Les propositions découlant de cette réflexion, reprises à la fin de ce rapport, ont été présentées à l’OPECST le 18 mai 2016.
PREMIÈRE PARTIE :
LA CRISE DES TERRES RARES DE 2010-2011 A RÉVÉLÉ LEUR CRITICITÉ
I. LES TERRES RARES RESTENT PEU CONNUES ET LEUR EXPLOITATION NÉCESSITE UN TRAITEMENT PARTICULIER
A. LES TERRES RARES SONT MOINS CONNUES QUE LES AUTRES ÉLÉMENTS DU TABLEAU PÉRIODIQUE DE MENDELEIEV
1. Ce sont dix-sept éléments découverts tardivement
Les terres rares ont d’abord été découvertes au XVIIIe siècle, en Suède, en terrain granitique. En France, Louis-Nicolas Vauquelin s’y était intéressé dans le Limousin. Il a fallu les identifier, les chimistes ne sachant pas combien il y en avait. La théorie quantique a permis de répondre à cette question.
Il en résulte qu’il y a dans la classification périodique dix-sept éléments qui sont appelés terres rares. Il s’agit du scandium, de l’yttrium, du lanthane, du cérium, du praséodyme, du néodyme, du prométhium, du samarium, de l’europium, du gadolinium, du terbium, du dysprosium, de l’holmium, de l’erbium, du thulium, de l’ytterbium, du lutétium.
Leurs noms sont parfois liés à l’île suédoise d’Ytterby, qui a permis de nommer l’yttrium, le terbium, l’erbium et l’ytterbium.
Parmi les dix-sept éléments de la table périodique, deux sont particuliers : le scandium et l’yttrium qui ne sont pas des lanthanides, contrairement aux quinze autres (lanthane, cérium, praséodyme, néodyme, prométhium, samarium, europium, gadolinium, terbium, dysprosium, holmium, erbium, thulium, ytterbium, lutécium). Scandium et yttrium ne sont pas trouvés dans les mêmes gisements et les lanthanides ont quelques propriétés distinctes. L’yttrium est néanmoins classé par l’USGS (United States Geological Survey) avec les terres rares légères.
Le prométhium n’est pas présent naturellement sur terre à des concentrations significatives ; c’est un élément instable car radioactif, obtenu par la fission de l’uranium.
2. Les terres rares légères sont différentes des terres rares lourdes.
Les terres rares légères sont le lanthane, le cérium, le praséodyme, le néodyme et le samarium ; les terres rares lourdes, l’europium, le gadolinium, le terbium, le dysprosium, l’erbium, l’yttrium, l’holmium, le thulium, l’ytterbium et le lutécium. Les terres rares légères sont moins critiques que les terres rares lourdes car ces dernières sont produites quasi-exclusivement en Chine.
Dans la classification périodique de Mendeleïev, les terres rares légères sont les lanthanides avant l’europium.
Dans la mine, ces éléments sont trouvés à faible concentration sous forme d’oxydes. On trouve toujours des terres rares lourdes dans les gisements de terres rares légères et réciproquement.
Le néodyme, parfois considéré comme une terre rare intermédiaire, doit être considéré de manière spécifique en raison de la demande croissante d’aimants permanents de type néodyme-bore-fer.
La terre rare la plus abondante est le cérium (il y en a presque autant que du cuivre). Les terres rares lourdes sont les moins abondantes ; leurs gisements sont plus petits et plus rares. Leur prix est donc plus élevé.
M. Christian Hocquard, BRGM, considère indispensable cette distinction entre terres rares légères et lourdes, et souligne l’importance pour les terres rares légères du cérium et du lanthane, et pour les terres rares lourdes, du terbium, de l’europium et du dysprosium).
M. Roland Masse, toxicologue, membre de l’Académie des technologies et de l’Académie de médecine, illustre ainsi leurs différences du point de vue d’un toxicologue : « Les terres rares lourdes se fixent plus dans l’os, alors que les terres rares légères se fixent dans le foie, cette particularité étant associée quantitativement au diamètre ionique ».
Les gisements de terres légères sont très nombreux, parfois très importants (comme ceux associés à des massifs de carbonatites). Ils sont répartis dans un grand nombre de pays. À l’opposé, les gisements de terres lourdes sont rares et de petite taille. Il en découle que les terres lourdes représentent un enjeu très important.
Les applications des terres légères et des terres lourdes sont parfois différentes. À titre d’exemple, les terres rares légères ont été très utilisées dans la première génération d’accumulateurs alcalins. Les terres lourdes sont, elles, utilisées comme piège à neutron au sein des réacteurs de fission. M. Gilles Bordier, directeur-adjoint du centre de Marcoule du CEA, chargé des activités scientifiques, remarque ainsi que les terres rares lourdes sont des poisons neutroniques, c’est-à-dire d’excellents absorbants de neutrons. Dans les réacteurs de fissions elles peuvent être utilisées pour réguler dans le temps la réactivité du cœur.
Il est fréquent de retrouver ces deux familles de terres rares au sein d’une même technologie, car leurs propriétés physico-chimiques sont parfois complémentaires. C’est notamment le cas pour les aimants permanents qu’utilise Siemens et qui sont constitués de fer, de bore, de deux terres rares légères et d’une terre rare lourde, le dysprosium.
Les terres rares lourdes permettent notamment de garantir les propriétés magnétiques à température élevée.
Contrairement à ce que leur nom laisse supposer, les terres rares sont relativement abondantes dans l’écorce terrestre ; cependant, les gisements sont généralement très peu concentrés et leur exploitation n’est pas possible. Aussi faut-il mettre au point des procédés métallurgiques spécifiques à chaque mine pour transformer sur place le minerai brut en un concentré utilisable par l’industrie aval. Cette mise en exploitation d’une mine requiert des investissements importants (de l’ordre du milliard d’euros) qui ne peuvent être rentabilisés que sur de longues périodes (au moins dix ans).
3. Leurs usages sont spécifiques, leur production faible et très concentrée
Le tableau ci-dessous récapitule les principaux usages des terres rares, et montre combien leur production est faible et relève d’un très petit nombre de pays.
Tableau récapitulatif des terres rares | ||||
Élément |
Principaux usages (monde) |
Consommation mondiale |
Principaux producteurs (monde) |
Commentaires |
Scandium |
Piles à combustible, alliages d’aluminium |
10 à 15 t/an (USGS) |
Chine, Kazakhstan, Russie, Ukraine Pas de données fiables sur la production, car c’est un sous-produit de nombreuses autres exploitations minières (uranium, titane, etc.). |
Risque de pénurie quasiment inexistant du fait de l’abondance des ressources (il n’est pas présent dans la liste européenne). |
Yttrium |
Phosphores (79%) Céramiques (21 %) |
7 500 t/an |
Chine (99.9 %) |
La quasi-totalité de la production est en Chine, mais les réserves non exploitées sont estimées à plus de 500 000 tonnes. |
Lanthane |
Craquage catalytique (26 %) Batteries NiMH (nickel métal hydrure) (26 %) |
31 500 t/an |
Chine (87 %) États-Unis (8 %) |
|
Cérium |
Polissage (36 %) Métallurgie (19 %) |
45 500 t/an |
Chine (84 %) États-Unis (8 %) |
|
Praséodyme |
Aimants (73 %) |
4 900 t/an |
Chine (90 %) États-Unis (6 %) |
|
Néodyme |
Aimants (89 %) |
20 000 t/an |
Chine (91 %) États-Unis (4 %) |
|
Samarium |
Aimants (97 %) |
500 t/an |
Chine (93 %) |
La production est très supérieure à la demande, donc aucune tension n’est prévisible malgré une utilisation en forte hausse. |
Europium |
Phosphores (96 %) |
425 t/an |
Chine (93 %) Australie (4 %) |
|
Gadolinium |
Aimants (35 %) Métallurgie (28 %) Phosphores (23 %) |
1 000 t/an |
Chine (97 %) |
La demande pourrait exploser selon les progrès de la réfrigération magnétique. |
Terbium |
Phosphores (71 %) Aimants (24 %) |
290 t/an |
Chine (98 %) |
|
Dysprosium |
Aimants (98 %) |
845 t/an |
Chine (99 %) |
Très cher, c’est le facteur principal du coût de fabrication des aimants permanents qui l’utilisent. La recherche a permis de diminuer son utilisation mais pas de le substituer à performances équivalentes. |
Erbium |
Verres (72 %) Phosphores (25 %) |
540 t/an |
Chine (99 %) |
|
Holmium + Thulium + Ytterbium + lutécium |
Trop petit marché, pas de données précises |
75 t/an |
Chine (98 %) |
La production est très supérieure à la demande et la plupart des usages permettent la substitution. |
B. LA PLUPART DU TEMPS, LES TERRES RARES DOIVENT ÊTRE SÉPARÉES ET PURIFIÉES
1. Contenues dans des minerais et des alliages, elles doivent être traitées
Les terres rares sont souvent contenues dans des minerais et plus particulièrement, comme le souligne M. Christian Hocquard, dans la monazite, le thorium, les carbonatites, les minerais ioniques et les monazites hydrothermales.
● La monazite, qui a été exploitée à La Rochelle par Rhodia, est un minéral de phosphate de terres rares ayant une forte radioactivité. Elle est associée aux minéraux de titane et le zircon dans les gisements de sables de plage exploités dans de nombreux pays. Seuls deux pays extraient actuellement des terres rares à partir de la monazite : l’Inde et le Brésil. Mais il s’agit, dans les deux cas, de petites quantités.
● Le thorium qui, pour le moment, n’a pas d’utilisation. Des projets de centrales au thorium existent mais restent en l’état. L’Inde suit particulièrement ce type de projet.
● Les carbonatites, massifs rocheux de gros tonnages mais à terres rares légères et à teneur faible.
● Les minerais ioniques, qui sont des minerais de terres rares lourdes du sud de la Chine. Il s’agit de granites décomposés en argiles latéritiques enrichies en terres rares résiduelles qui peuvent être libérées par une simple attaque acide.
● Les monazites hydrothermales, qui ont la particularité de ne pas être radioactives, ce qui rend les gisements intéressants. On connaît un tel gisement en Afrique du Sud dont la production pourrait démarrer à court terme.
Dans certains cas, leur séparation n’est toutefois pas toujours nécessaire. Pour certaines applications, on peut utiliser un mischmetal (terme allemand signifiant un métal mélangé), composé de diverses terres rares, leurs proportions exactes important peu.
Mais pour des applications plus sophistiquées, il importe d’utiliser des terres rares bien identifiées, et dont la qualité est garantie, ce qui tient en grande partie à leur purification.
2. Leur séparation repose sur différentes techniques qui peuvent parfois être utilisées conjointement
L’hydrométallurgie est l’une des techniques les plus intéressantes. La pyrométallurgie en est une autre, tandis que des procédés de chimie fine, extractive, séparative, peuvent être utilisés.
L’hydrométallurgie consiste à dissoudre les matériaux à traiter dans un milieu aqueux acide, puis à en extraire les éléments recherchés en utilisant des solvants. Il faut trouver un élément peu présent parmi beaucoup d’autres très largement majoritaires. La métallurgie classique à haute température le fait, mais pas très sélectivement. L’hydrométallurgie est donc intéressante, sous réserve de faire attention, car l’extraction, comme le recyclage, peut être très polluante. Il faut donc des procédés dès le début responsables et permettant de minimiser l’impact sur l’environnement.
De manière plus précise, on utilise de l’eau chargée. Le minerai ou le broyat de matériaux à recycler est dissous dans l’acide ; on fait alors des opérations de chimie séparative. On utilise des solvants organiques chargés d’extraire ce que l’on cherche ou d’autres opérations de séparation, comme la précipitation ou l’extraction par les résines échangeuses d’ions. Ces techniques sont très sélectives.
On pourrait ainsi broyer un million de téléphones portables, puis faire de la chimie séparative. Ces opérations peuvent être faites en laboratoire, mais aussi en usine. La Chine dispose ainsi d’unités hydro-métallurgiques. Les volumes d’eau nécessaires peuvent être très importants et atteindre des millions de litres par heure dans le domaine minier (contre seulement des milliers de litres par heure pour le recyclage).
L’approche purement hydro-métallurgique est utilisée dans l’aval du cycle nucléaire pour les produits de fission, où l’on trouve des terres rares.
La pyrométallurgie constitue souvent une approche concurrente ou complémentaire : On peut ainsi d’abord faire fondre en conditions réductrices des téléphones portables et récupérer les métaux les plus intéressants dans une phase de cuivre en fusion.
Cependant, selon M. Christian Thomas, Terra Nova : « Les meilleures technologies sont des combinaisons de technologie. Vous devez donc passer par des phases ‘hydro’, des phases ‘pyro’ et des phases de séparation physique. Il s’agit d’une succession d’étapes ».
Un savoir-faire dans ces deux technologies de séparation est donc important. Nous avons la chance qu’un laboratoire d’hydrométallurgie de très haut niveau soit en cours de développement en France. Cependant, on relève un manque de laboratoires de pyrométallurgie car les pilotes utilisés pour cette technologie sont extrêmement coûteux. Face à cette problématique, M. Christian Thomas soulève que « rien n’interdit d’aller louer un four à plasma en Suède ou de faire des essais dans différents pays ».
Enfin, il est aussi possible d’utiliser la chimie fine, extractive, séparative, ce qui est le cas pour la monazite, qui contient des terres rares.
M. Gilles Bordier souligne que ces technologies « sont largement disponibles pour recycler certains éléments. C’est le cas de l’hydrométallurgie que le CEA maîtrise grâce à ses recherches sur le cycle du combustible et ses extraits les lanthanides (qui ne sont rien d’autre que des terres rares des produits de fission) ».
3. L’hydrométallurgie fait l’objet d’une attention particulière en Europe
L’Institut européen d’hydrométallurgie (IEH), lancé en 2013 à Marcoule, est un exemple frappant de la dynamique européenne qui va permettre de promouvoir cette technique. Labellisé par le Partenariat européen pour l’innovation sur la matière première, il est très fortement soutenu par la région Languedoc-Roussillon.
Il repose sur la mise en place d’un réseau de recherche européen et de plateformes technologiques.
Le réseau de recherche comprend actuellement vingt-neuf membres, venant de l’industrie et de la recherche académique spécialistes de l’extraction et du recyclage des métaux. Une association – PROMETIA – les réunit depuis 2014.
Les plateformes technologiques ont pour objectif de permettre la maturation de procédés d’extraction en vue de leur industrialisation. Une start-up, Extracthive, va les exploiter en proposant des services de développement de procédés d’extraction de métaux.
Pour M. Philippe Guiberteau, CEA, « la création d’un Institut européen d’hydrométallurgie permettra de valoriser, en dehors du nucléaire notamment, le domaine de la séparation des métaux stratégiques et les compétences en chimie séparative acquises dans le domaine nucléaire à Marcoule. Il contribuera à la naissance d’une véritable filière industrielle aujourd’hui vitale pour le développement de l’industrie française et européenne ».
Ce soutien à l’échelle européenne est important en vue de rester compétitif face aux nouvelles économies émergentes comme la Chine.
4. En France, l’usine de Solvay, à La Rochelle, conserve un avantage comparatif certain en matière de séparation et de purification des terres rares
Pour M. Alain Liger, ingénieur général des mines, ancien secrétaire général du Comité pour les métaux stratégiques (COMES), « l’usine de La Rochelle représente une partie de filière. C’est une usine très high tech et très capitalistique. Solvay est l’un des très rares métallurgistes capables de produire des terres rares séparées en dehors de Chine ».
Comme le souligne Solvay, la séparation des terres rares reste un processus difficile à maîtriser. Elle débute par des phases aqueuses. Les terres rares sont mises en contact avec un solvant organique qui va en séparer une par rapport aux autres. On répète cette opération plusieurs fois. Les exigences de pureté peuvent être différentes selon les utilisations. Ce peut être un problème en termes de coût de production. Même quand on a une unité avec le personnel formé, il n’est pas simple de la faire fonctionner au niveau souhaité.
Pour M. Christian Hocquard, BRGM, comme il n’existe pas, en France, de gisement identifié de terres rares, l’intérêt français pour les terres rares tient donc à l’expérience de Rhône-Poulenc à La Rochelle, qui n’a pas été linéaire.
À La Rochelle, Rhône-Poulenc traitait du phosphate de monazite – l’un des principaux minerais de terres rares – qui comprenait une quantité importante de thorium qui est radioactif. Puis cette usine fut fermée à la suite de l’interdiction de traiter la monazite. Rhône-Poulenc est devenu Rhodia, puis Solvay.
Solvay est maintenant en Chine pour y produire et séparer les terres rares sur place. Ces terres rares sont ensuite purifiées pour élaborer les luminophores à La Rochelle.
Solvay est actuellement présent dans essentiellement trois marchés des terres rares : la catalyse de dépollution automobile, les poudres de polissage et, notamment, le polissage des écrans plats et, enfin, les luminophores, qui sont essentiellement utilisés dans le domaine des lampes basse consommation.
Son usine de La Rochelle est centrée principalement sur la dépollution. Elle est spécialisée dans la production de produits à base de terres rares dont les applications sont essentiellement les catalyseurs pour l’automobile (cérium et zirconium); le polissage du verre et des semi-conducteurs.
Elle est ainsi spécialiste du traitement de terres rares légères (La, Ce, Nd, Pr) et de terres rares lourdes (Dy, Tb, Eu). Les concentrés de terres rares sont reçus à La Rochelle. On les sépare grâce à des solvants et on obtient des sels ou des oxydes.
Le site de La Rochelle est la seule usine hors de Chine capable de faire toutes les opérations de séparation. Elle fabrique des supports de catalyseurs, des luminophores – avec toutes leurs difficultés –, des poudres de polissage et quelques niches, notamment pour application médicale. Il y plusieurs usines faisant toutes ces opérations en Chine.
À La Rochelle, on produit des concentrés de lanthane cérium à partir de minerais qui proviennent exclusivement de Malaisie, de Lynas et des propres déchets de Solvay. Les lignes de séparation permettent de séparer les terres rares. Sur les dix-huit batteries historiques de séparation, quatre n’ont jamais été arrêtées pour obtenir des puretés particulières et sept autres ont été redémarrées en 2012 pour le recyclage des terres provenant des lampes phosphorescentes.
C. LEUR PRODUCTION ET LEUR EXPLOITATION NÉCESSITE DES PRÉCAUTIONS PARTICULIÈRES EN TERMES DE SANTÉ PUBLIQUE ET D’ENVIRONNEMENT
1. La situation dans le Sud de la Chine est révélatrice des erreurs qui doivent être absolument évitées
Certains entrepreneurs chinois arrosent les champs d’acide avant de les traiter. C’est notamment le cas en Mongolie intérieure à Baotou. Les rejets qui en résultent sont particulièrement polluants. Ils concassent par ailleurs des minerais, ce qui a entraîné des problèmes avec les produits libérés dans ce processus. La Chine en prend conscience, mais ses petites sociétés ne sont pas toujours suffisamment contrôlées.
Les pollutions associées aux terres rares sont tout particulièrement liées à la radioactivité des minerais – thorium surtout – et au fait que leur traitement nécessite de grandes quantités d’eau.
Dans le Nord de la Chine, cette pollution s’accumule dans de nombreux bassins de décantation tandis que des effluents contaminés sont rejetés sans traitement dans le Fleuve Jaune, une situation critique en période d’étiage.
2. Cette situation est révélatrice des problèmes liés à l’extraction et à la séparation des minerais et des précautions qu’il faut prendre
a. L’extraction et la séparation ne sont pas des processus faciles
Cela explique, du reste, pourquoi les sociétés occidentales préfèrent laisser cette tâche aux Chinois.
En France même, le thorium crée des problèmes d’environnement en liaison avec la santé publique, sans pour autant que ses effets sur la santé soient démontrés de manière certaine. Pour M. Roland Masse, « le thorium sous-produit de l’industrie des terres rares pose également des problèmes de type environnemental. Un problème de ce type est arrivé dans la région de Chalons-sur-Marne, où l’on utilisait à Pargny-sur-Saulx des terres rares pour la fabrication de pierres à briquet. Il est resté sur place une digue présentant une exposition radioactive non négligeable. On a noté des cancers du poumon et de la vessie plus élevés que d’habitude, mais on s’est aperçu qu’ils étaient liés principalement au tabac. On a trouvé un problème comparable à La Rochelle quand on a utilisé du stérile minier pour faire des remblais ».
b. Quelles précautions peut-on prendre en matière de radioactivité ?
Pour le CEA, il y a des précautions à prendre en matière de radioactivité.
D’une part, il y a une la radioactivité naturelle qui accompagne les minerais, le thorium par exemple. D’autre part, si le procédé utilisé concentre les métaux lourds, il va peut-être concentrer le thorium.
L’usine de La Rochelle fonctionnait avec de la monazite, contenant beaucoup de thorium. Elle utilise maintenant du concentrât chinois comprenant moins de thorium.
On ne peut pas faire disparaître le thorium, peu valorisable par ailleurs, ni sa radioactivité. Mais on peut faire de la bonne radioprotection. On peut conditionner, entourer les déchets de verre ou de ciment, ce qui permet de les stabiliser. Mais tout dépend de la quantité totale et du prix que l’on est prêt à payer pour ces opérations. Il faut que les éléments radioactifs soient confinés de manière stable et durable.
Des seuils réglementaires doivent par ailleurs être respectés. Au départ, on trouve les ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement), qui peuvent éventuellement être des ICPE nucléaires comme il y a des ICPE chimiques. L’ICPE peut être simplement déclarée jusqu’à un certain niveau d’activité, mais elle doit être autorisée pour des quantités plus importantes.
À partir d’un autre seuil, on passe dans le domaine radioactif à l’INB (installation nucléaire de base). On change de monde et toute la logique de la sûreté nucléaire s’applique, avec intervention de l’ASN.
L’usine Solvay de La Rochelle est ainsi suivie par l’ASN en raison de la présence de matières radioactives liée à son activité historique. Elle est, par ailleurs, classée Seveso.
La mission que nous avons effectuée à La Rochelle a permis de nous rendre compte de la problématique de l’entreposage et de l’utilisation future du thorium.
Les 32 000 tonnes de matières à base de thorium qui y sont entreposées proviennent de la séparation de la monazite, un phosphate de terres rares contenant 7 % de thorium pour 70 % de terres rares.
Cette séparation a résulté de deux procédés qui reposent sur une attaque sodique suivie d’une dissolution par l’acide chlorhydrique ou l’acide nitrique.
Un premier procédé, utilisé de 1970 à 1987, était basé sur la voie chlorure et générait un stock contenant du thorium sous forme impure (thorium plus terres rares plus uranium). Ce stock de 21 700 tonnes, appelé HBTh (hydroxydes bruts de thorium), qui contient 2 000 tonnes de thorium, a toujours été entreposé sur le site.
À partir du milieu des années 1980, un nouveau procédé, en voie nitrique, a été utilisé pour produire des terres rares. Il en résulte de l’uranium et du thorium purs. Ont ainsi été produits 10 000 tonnes de nitrate de thorium pur, qui correspondent à 5 000 tonnes de thorium. Ce thorium est également entreposé sur le site de La Rochelle.
Par contre, les déchets radioactifs dits radifères découlant de l’exploitation de la monazite sont stockés essentiellement au centre de stockage de la Manche. Une faible quantité en est entreposée à Cadarache. Ces déchets sont constitués de radium, dont la durée de vie est de cinq à six ans, durée après laquelle son activité est divisée par deux et est quasi-nulle après trente-six ans.
Que peut-on faire du thorium dans les conditions actuelles ?
Le stock d’HBTh doit être retraité pour en récupérer l’uranium, les terres rares et en transformer le thorium impur en un nitrate de thorium de la même qualité que le stock existant. Il existe un procédé permettant de retraiter les 21 750 tonnes d’HBTh. Solvay a élaboré un projet, dit Valor, basé sur ce procédé. Un contrat a été signé avec Areva pour valider le procédé. Le projet a été présenté à la DREAL et à l’ASN. Solvay essaie ainsi de montrer qu’il est possible de traiter l’HBTh.
Le thorium pur pourrait être utilisé dans une filière nucléaire appropriée. Le stock de nitrate de thorium peut être considéré comme une matière première des futurs réacteurs nucléaires à base de thorium. Deux types de réacteurs au thorium sont actuellement envisagés : le premier, qui pourrait être utilisé en Inde à partir de 2025, permettrait d’utiliser les mêmes centrales qu’actuellement mais avec un combustible constitué soit d’un mélange de thorium et de plutonium, soit d’un mélange de thorium et d’uranium. Le deuxième, étudié en France et en Allemagne, reposerait sur une centrale de quatrième génération entièrement au thorium, le fuel n’étant plus un MOX mais entièrement du thorium liquide.
L’entreposage de 7 000 tonnes de thorium à La Rochelle est donc conçu comme temporaire. Sa valorisation fait l’objet de scénarios qui présentent de grandes différences, les besoins en thorium pour les centrales pouvant l’utiliser étaient évalués entre 600 tonnes et 9 000 tonnes par an. Or le stock de thorium de la rochelle est de 7 000 tonnes.
Pour l’instant, seuls l’Inde et le Canada ont des projets d’utilisation du thorium en énergie nucléaire. Au Canada, la technologie Candu à l’eau lourde se prête particulièrement au thorium. L’Inde a déjà mis en exploitation une unité de traitement de la monazite afin de récupérer le thorium pour ses besoins futurs, tandis que les terres rares font l’objet d’une joint-venture avec Toyota Tsusho.
c. Comment pourrait-on dépolluer les friches industrielles ?
Il y a, en France, des friches industrielles ou des friches minières qui peuvent être très polluantes. Elles sont souvent en déshérence. Peut-être du fait des difficultés de la collecte, il faudrait en retirer les matières valorisables, ce que commence à faire le CEA avec la région Languedoc-Roussillon. La dépollution peut, en effet, s’opérer tout en valorisant les métaux présents.
On peut, notamment, faire précipiter des matières gênantes dans un effluent. Les précipités, une fois conditionnés, peuvent partir sur des sites d’entreposage existants si la filière de déchets est ouverte.
3. Leurs effets sur la santé sont mal connus mais devraient faire l’objet de davantage de recherches
Ces effets sont encore mal connus.
Plusieurs témoignages concordants nous en ont été fournis lors de notre étude de faisabilité, tant par M. Roland Masse que par MM. Paul Caro et Guillaume Pitron.
M. Roland Masse, toxicologue, membre de l’Académie des technologies et de l’Académie de médecine, président de sa commission des maladies professionnelles, estime que « l’impact sanitaire connu des terres rares est nul. Il n’y a pas de maladies professionnelles en France connues qui sont dues aux terres rares, à part des pneumoconioses, dues aux poussières. Mais on a peut-être tort d’être rassuré. L’inventaire toxicologique des effets à long terme de l’exposition aux terres rares n’a pas été fait ».
« Les terres rares stables ne sont pas des toxiques préoccupants par leurs effets aigus. Mais très peu d’études portent sur l’imprégnation chronique aux terres rares. Des études ont néanmoins été faites sur les rongeurs, chez qui l’on a remarqué une augmentation des tumeurs avec l’yttrium administré dans l’eau de boisson, ou après implantation de pellets métalliques de gadolinium et d’ytterbium. L’europium a été associé avec un effet tératogène. Les données acquises sont insuffisantes pour classer ces éléments parmi les toxiques cancérogènes et tératogènes mais elles constituent des alertes qui n’ont pas été prises en compte ».
« On ne connaît rien des mécanismes mis en jeu mais il a été observé que les terres rares légères ont la propriété d’augmenter des cancers provoqués par des rayonnements ionisants. Scandium, lanthane et cérium augmentent également la sensibilité aux effets létaux de ces rayonnements ».
Il apparaît que le bilan toxicologique est insuffisant : les études de toxicologie sont insuffisantes, voire absentes.
L’utilisation en médecine de l’yttrium du gadolinium, de l’ytterbium, du lanthane n’ont pas donné lieu, selon M. Roland Masse à « des conséquences sanitaires décelées. Il n’en est pas de même du thorium, lié à l’industrie des terres rares et utilisé anciennement pour l’imagerie médicale. Sous forme de thorotrast, le thorium injecté à plus d’un million de patients a été à l’origine d’un nombre très important de cancers des os, du foie et de leucémies ».
« Dans la littérature, on trouve des alertes sur la reprotoxicité, liées notamment à l’europium, utilisé beaucoup en télévision ».
« En milieu professionnel les risques paraissent évidents surtout lors du broyage du minerai, du fait de l’exposition aux poussières qui est alors très forte, comme elle peut être forte avec l’utilisation des terres rares dans le polissage. Cette exposition est par contre absente dans les salles blanches, où sont fabriqués les produits high tech ».
En matière médicale on n’a pas fait d’investigation sur les conséquences tardives des alliages comprenant des terres rares. « Or on a vu chez l’animal des cancers liés à l’introduction de ces particules. Il faudrait donc faire faire des études de toxicité à long terme, sur les implants et sur les microparticules ».
Pour M. Paul Caro, l’impact des terres rares sur la santé est une question assez ouverte. Leurs propriétés biologiques font l’objet de discussions dans des congrès, mais n’ont pas encore été trouvées.
Pour M. Guillaume Pitron, journaliste, membre de Global Links, « on n’est pas absolument certain du lien entre le taux de cancer et l’exploitation des terres rares ; mais on peut se poser des questions. C’est le cas à Dalahai, dans l’un des quatre cents villages du cancer. C’est aussi le cas en Malaisie, où sont amoncelés des copeaux de minerais autour de l’ancienne mine de Bukit Merah et où il y a plus de leucémies qu’ailleurs. Les corrélations ne sont pas totalement établies. Mais elles sont probables, même s’il est difficile de les évaluer ».
« Il est, par contre, certain que le thorium est un produit radioactif ».
II. LES TERRES RARES CORRESPONDENT À DES BESOINS DE PLUS EN PLUS ESSENTIELS DE NOMBREUX SECTEURS INDUSTRIELS
A. ELLES AMÉLIORENT DE NOMBREUX PROCESSUS INDUSTRIELS, DU FAIT DE LEURS PROPRIÉTÉS PARTICULIÈRES, SURTOUT SI ELLES SONT LOURDES
Cette spécificité provient des électrons f qui leur confèrent des propriétés optiques et magnétiques particulières. Mais toutes les terres rares n’en ont pas. Leurs propriétés chimiques sont plus importantes quand elles en ont.
En matière optique, les électrons 4f, que seules les terres rares possèdent, sont les seuls qui permettent d’ajuster finement les longueurs d’onde d’émission, et donc la couleur souhaitée, notamment pour les lasers et les télévisions. L’europium donne le rouge de la télévision couleur. Le néodyme, l’infrarouge pour les lasers de puissance. L’erbium donne le vert utilisé dans les télécommunications. L’yttrium dopé à l’europium sert pour les écrans de télévision. Les luminophores posent toutefois le problème de fabriquer les matériaux nécessaires à leur production.
Leurs propriétés magnétiques, qui dépendent de caractéristiques quantiques, sont exceptionnelles : les électrons f, n’étant pas engagés dans des liaisons chimiques, sont libres pour participer au magnétisme.
On trouve autant de terres rares ayant des propriétés optiques que de terres rares ayant des propriétés magnétiques. L’une d’entre elles, le néodyme, a les deux propriétés. Les propriétés du néodyme bore sont très intéressantes.
Les terres rares permettent de fabriquer des alliages magnétiques qui sont ferromagnétiques. C’est notamment le cas du gadolinium. Pour M. Paul Caro, ce fut une révélation, car on pensait que le ferromagnétique dépendait uniquement du fer. Cela a permis d’arriver à des alliages très efficaces qui jouent un rôle très important dans les technologies avancées, utilisées notamment pour les éoliennes, où l’on retrouve les alliages faits au néodyme dopés au dysprosium (qui a une grande valeur). Le Japon est très fort pour faire ces alliages et les mettre en œuvre.
Les quatorze terres rares ayant ces électrons f sont difficiles à séparer, car leur nombre d’électrons f a également un impact sur leurs propriétés physiques et leur intérêt industriel.
B. ELLES CORRESPONDENT À DES BESOINS SOUVENT CROISSANTS DE NOMBREUX SECTEURS INDUSTRIELS
De manière générale, les terres rares sont utilisées dans la fabrication des aimants, dans les télévisions en couleur, les pots catalytiques, les batteries des téléphones portables, les alliages magnétiques, les ampoules basse consommation. Elles ont aussi de nombreuses applications dans le domaine de la santé.
Les aimants permanents, qui contiennent généralement 30 % de terres rares – notamment du néodyme et du samarium – sont utilisées de plus en plus : il y en a soixante-dix dans une voiture, et 600 kg dans une éolienne. Ils sont d’autant plus efficaces que les terres rares sont alliées avec des métaux de transition. Ils servent à fabriquer les générateurs des grosses éoliennes offshore et les moteurs électriques utilisés dans les véhicules électriques et hybrides. Ils sont utilisés pour l’enregistrement magnétique haute densité et pour les disques durs, les téléphones portables et les haut-parleurs.
Les aimants permanents au néodyme permettent de réduire la masse des moteurs et des générateurs d’environ 40 %, ce qui permet de construire des éoliennes atteignant 6 MW à 8 MW, comme celles de Vestas, Alstom, GE ou Siemens. L’un de leurs avantages est de supprimer la boîte de vitesse, et donc d’éviter l’usure de ses engrenages et de diminuer les difficultés de maintenance en mer agitée.
Les aimants à néodyme fer-bore ont permis l’arrivée d’une nouvelle génération de moteurs et de générateurs électriques à rendement très élevé et pouvant être miniaturisés.
Les terres rares incluses dans les aimants permanents vont jouer un rôle important dans la mise en place de la transition énergétique. Dans le domaine de l’éolien, ils vont permettre d’optimiser la production d’énergie lorsque les vents ont une vitesse peu importante, mais aussi de limiter le poids de la nacelle et de réduire le nombre de pièces en mouvement.
Plusieurs applications des aimants permanents en sont encore au stade de la recherche. C’est notamment le cas pour la réfrigération magnétique, les piles à combustible de types SOFC, ou les smart grids à base d’aimants supraconducteurs contenant des cuprates.
Les propriétés de ces aimants peuvent encore être améliorées en intégrant des éléments légers comme l’hydrogène, le carbone ou l’azote dans les alliages, et en travaillant sur la nano-structuration.
La recherche porte donc sur le développement d’aimants encore plus performants. Mais il n’est pas actuellement possible pour les aimants les plus performants de s’affranchir des terres rares.
2. Les pots catalytiques et les batteries
Le cérium est utilisé dans les pots catalytiques, où il permet d’adapter la pression partielle de l’oxygène. Pour M. Michel Latroche, directeur de recherche au CNRS (Institut de chimie et des matériaux de Paris-Est), « il est très difficile de trouver un remplaçant de ce type de composés ».
Le lanthane, le praséodyme, le néodyme, le cérium et l’yttrium servent à faire des batteries nickel-métal hydrure, des batteries alcalines très utilisées dans les véhicules hybrides HEV (Toyota Prius).
D’autres terres rares pourraient être utilisées à cette fin : le praséodyme ou le néodyme, mais ils sont très demandés ; l’yttrium ou du gadolinium, produites à partir du mischmetal – alliage de terres rares –, qui sont généralement moins valorisées mais aussi moins chères.
Le cobalt, qui n’est pas une terre rare, est utilisé dans ces batteries alcalines et dans les batteries lithium-ion.
Comme le remarque Mme Anne de Guibert, directeur de la recherche de SAFT, qui n’a pas besoin de dysprosium, essaye, dans le cadre d’une stratégie d’évitement, de remplacer le praséodyme ou le néodyme par du samarium dans ses alliages. Ce type d’approche est de plus en plus fréquent.
Les terres rares lourdes sont utilisées tout particulièrement comme luminophores dans les ampoules de basse consommation et les LED. Ces luminophores sont des alliages complexes de terres rares préalablement très purifiées qui permettent d’obtenir une lumière blanche proche de la lumière naturelle.
La pureté des terres rares utilisées est un élément essentiel. Elle est particulièrement recherchée pour le terbium, le dysprosium, l’europium et le gadolinium, qui doivent permettre d’obtenir des éclairages proches de la lumière blanche.
Le marché des LED pour l’éclairage va se développer de manière importante. Selon M. Rollat, Solvay, les luminophores représentaient, en 2013, environ 20 % de la valeur totale du marché des terres rares, soit environ 600 millions de dollars. « C’est donc un marché qui n’est pas énorme mais qui est significatif ».
Certains médicaments peuvent contenir des terres rares. On peut aussi les utiliser comme marqueurs. Le signal de la résonnance magnétique nucléaire (RMN) peut être amélioré par les terres rares.
Plusieurs terres rares sont ou ont été utilisées en médecine : l’yttrium en médecine nucléaire, le gadolinium comme produit de contraste, l’ytterbium, le lanthane.
Les applications médicales des terres rares portent sur les agents de contraste en imagerie par résonance magnétique (IRM), le relargage contrôlé de substances associées aux particules magnétiques, et le catabolisme de tumeurs par hypertrophie.
Elles permettent de doper des cristaux utilisés en ophtalmologie et en chirurgie esthétique.
Une petite quantité d’une terre rare rajoutée dans un alliage donne de nouvelles propriétés très intéressantes. Des alliages comprenant des terres rares sont ainsi utilisés pour la chirurgie osseuse et la dentisterie car ils donnent des propriétés mécaniques permettant des résistances plus élevées à la température. Cela permet de répondre à la résistance mécanique du magnésium, et d’utiliser des biomatériaux résorbables.
III. LEUR DEMANDE FUTURE EST FORTEMENT DÉPENDANTE DES CHOIX DES INDUSTRIELS ET DE L’ÉVOLUTION DES TECHNOLOGIES
Les décisions des industriels ont d’autant plus de poids que le marché des terres rares est petit : le marché mondial approche 4 milliards de dollars et l’Union européenne n’en représente qu’une toute petite part (environ 4 % pour les aimants permanents). La demande de dysprosium, qui semblait très forte pour les aimants permanents, n’est que de 1 500 tonnes par an.
Certaines décisions peuvent être de nature stratégique et liées à l’évolution du contexte sociétal ou économique. C’est le cas de Rhône-Poulenc, qui décide, à la fin des années 1990, de ne plus exploiter la monazite à La Rochelle pour des raisons de type environnemental, puis de Solvay en 2015 de ne plus y faire de recyclage pour des raisons de coût.
D’autres peuvent être liées à des choix de nature technique, en présence de solutions alternatives ou de nouvelles méthodes.
Il résulte de ces évolutions que le marché du dysprosium et de l’europium sera beaucoup moins tendu que prévu. Seuls le terbium, l’yttrium et le néodyme auront une demande nettement supérieure à l’offre dans les années à venir.
A. CERTAINS INDUSTRIELS PEUVENT PRÉFÉRER UTILISER UNE TECHNOLOGIE SANS TERRES RARES
Les industriels peuvent faire le choix de telle ou telle technologie qui va avoir un impact sur l’utilisation des terres rares. C’est notamment ce qui différencie, au sein d’une même industrie et au sein d’un même groupe, Renault et Nissan, même si l’Alliance Renault-Nissan a pour objectif de réduire de 65 % sa demande de terres rares en 2016 par rapport à 2011.
Renault a ainsi opté, dès 2008, pour un moteur électrique sans terres rares. Cette technologie de moteur à rotor bobiné permet de se prémunir contre les risques de pénurie de terres rares. Nissan n’a pas, pour l’instant, fait ce choix.
Nissan continue d’utiliser des terres rares pour ses voitures électriques mais a déjà réussi à diminuer de 40 % la quantité de dysprosium dans le moteur de la Nissan Leaf, sans pour autant modifier la quantité de néodyme qu’il contient.
D’autres industriels travaillent sur des pistes de même nature. Tesla propose aussi un moteur électrique sans aimants. Au Japon, la société Yaskawa a développé un moteur électrique sans terre rare en remplaçant les aimants permanents à base de néodyme par des aimants en ferrite, qui sont moins chers, même si la quantité de ferrite utilisée est beaucoup plus importante.
Ces choix ont des conséquences très importantes sur l’évolution des marchés.
B. L’ÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE MODIFIE LA DEMANDE DE CERTAINES TERRES RARES
1. C’est le cas pour les éoliennes où Siemens vient d’annoncer qu’il peut se passer de dysprosium
Les éoliennes fonctionnent de manière d’autant plus efficace que leur poids est faible et que le nombre de pièces en mouvement est limité. Leur utilisation est plus intéressante si elles sont capables de fonctionner avec des vents de faible vitesse.
Les aimants permanents permettent d’améliorer ces caractéristiques. Ceux utilisés par Siemens sont constitués de fer, de bore, de deux terres rares légères et d’une terre rare lourde, le dysprosium.
Siemens, qui s’est fixé pour objectif d’éliminer ses besoins en terres rares lourdes pour renforcer l’acceptabilité économique, sociétale et environnementale de ses produits, vient de découvrir la manière de refroidir les gros aimants, ce qui permet de se passer de dysprosium, qui était nécessaire pour travailler à des températures importantes (plus on travaille à haute température, plus il faut ajouter de dysprosium ou de terbium). Cette technique est actuellement en voie de développement.
Siemens s’est en outre aperçu, comme d’autres industriels, qu’il était possible de réduire la quantité de dysprosium nécessaire dans les petits aimants, en le plaçant à des endroits particuliers, appelés joints de grain, car son efficacité diffère selon son emplacement.
Ce changement de paradigme devrait entraîner une diminution très importante des besoins mondiaux en dysprosium. Or l’évolution de ces besoins était une source de préoccupation importante, car il y avait concurrence entre les téléphones portables et les éoliennes pour cette terre rare dont la demande était jusqu’à présent explosive.
Il est toutefois intéressant de constater, comme M. Alain Rollat, Rare Earth upstream projects Manager, Solvay, que la plupart des analystes ne prennent pas en compte cette évolution technologique dans leurs projections de consommation.
2. C’est aussi le cas pour les LED, qui remplacent maintenant les luminophores
Le remplacement des lampes basse consommation à base de luminophores par les LED a des conséquences très importantes sur la criticité des terres rares.
Les diodes électroluminescentes (LED) se présentent généralement sous deux formes : les diodes à l’arséniure de gallium, plus économiques et les plus utilisées ; les diodes à l’arséniure de gallium-aluminium. Dans les deux cas, elles ne contiennent pas de terre rare.
Par contre, les luminophores représentaient 20 % de la valeur totale du marché des terres rares, soit 600 millions de dollars.
Trois terres rares étaient concernées : l’europium, l’yttrium et le terbium. L’europium, contrairement à l’yttrium, n’a pas d’autre marché que la luminescence. Le terbium peut être un substitut du dysprosium dans les aimants.
La substitution prévue des lampes à luminophores par les LED devrait être rapide et entraîner une chute du marché des terres rares nécessaires aux luminophores de 8 % à 15 % par an, selon M. Alain Rollat.
Il en résulte que le marché de l’europium va pratiquement disparaître et celui de l’yttrium être beaucoup moins tendu. Or il y a trois ans, l’europium était encore considéré comme une terre rare critique.
Une évolution semblable a concerné, en dehors des terres rares, les besoins en germanium pour l’optique militaire, lorsque furent inventés des capteurs capables de voir de façon beaucoup plus efficace l’infrarouge.
IV. LEUR OFFRE EST FORTEMENT DOMINÉE PAR LA CHINE
A. LA CRISE DE 2010-2011 DES TERRES RARES A CRÉÉ UN CHOC PSYCHOLOGIQUE ET RETENTI COMME UN SIGNAL D’ALARME
Cette crise, de nature géopolitique a créé un choc psychologique dû à la crainte d’une pénurie persistante.
En 2009 et 2010, la Chine instaure des quotas d’exportation, dans le cadre du conflit franco-japonais sur les frontières des deux pays. Il s’agit donc d’une crise de nature politique ayant entraîné une forte augmentation des prix.
Une telle crise n’a rien d’aberrant si l’on adopte un point de vue historique. Elle est semblable à celles qui émaillent l’histoire des métaux rares, comme le souligne M. Christian Hocquard : « Les métaux rares (environ quarante-cinq dont dix-sept terres rares) connaissent des crises récurrentes qui sont le plus souvent de nature conjoncturelle (problèmes climatiques sur une mine importante, techniques sur une usine métallurgique), mais qui peuvent aussi être provoquées (intentionnelles) comme celles liées à des rétentions de vente, comme celles qui avaient concerné l’argent, l’étain ou le palladium. Dans le cas des terres rares, les industriels consommateurs, inquiets que les quotas chinois ne provoquent une pénurie, se sont mis à les stocker par des achats de précaution bien au-delà de leurs besoins à court terme. Ce sur-stockage a raréfié l’offre et accéléré la hausse des prix jusqu’à des plus hauts historiques ».
Puis les prix se sont effondrés, entraînant la disparition de nombreuses activités hors de Chine. Les effets de cette crise ont été temporaires en termes de diversification des sources d’approvisionnement. Ils sont néanmoins très importants en termes de prise de conscience de l’évolution des rapports de force.
1. La crise a révélé la puissance chinoise
a. Les chiffres sont éloquents.
La Chine produit actuellement 90 % des terres rares, alors qu’elle ne possède que 50 % des réserves mondiales
En 2010, la Chine a fixé ses quotas à l’exportation à 30 000 tonnes par an, soit un quart de sa production annuelle. Depuis 2015 et la suppression des quotas du fait des règles de l’OMC, la Chine exporte davantage.
L’offre non chinoise ne provient que de quelques pays, tels que les États-Unis, l’Union européenne, l’Australie et la Malaisie. Au plan industriel, Solvay est la seule entreprise européenne dans le domaine de la séparation et du recyclage.
La Chine, qui considère que les terres rares sont la voie de l’avenir, en produit au Nord et au Sud. Cette exploitation se fait encore maintenant dans des conditions sanitaires et environnementales discutables, mais la Chine a une volonté de changement.
Elle dispose de ressources naturelles exceptionnelles, car les terres rares lourdes se trouvent principalement dans son territoire. Hors de Chine, il y a très peu de gisements de terres rares lourdes seules. Ils sont petits et souvent mal situés géographiquement comme au Kirghizistan ou en Afrique du Sud. Il y a aussi un gisement de terres rares lourdes au Vietnam.
Les terres rares légères sont extraites au Nord, à Baotou, autour d’un gisement très important de minerai de fer où les terres rares sont extraites en sous-produits.
Les terres rares lourdes sont essentiellement produites au Sud, dans une myriade de petits gisements exploités par plus de 1 500 petits mineurs artisanaux, le plus souvent illégalement. Ces minerais du Sud sont moins radioactifs, mais entraînent des désordres inhérents à la mine artisanale.
b. La Chine a profité de cette crise, tout en la subissant.
La hausse des prix a conduit, en Chine, à une surproduction mais aussi à la constitution de réserves financières importantes pour les entreprises chinoises. Elle a incité les Chinois à produire davantage de terres rares et à les exporter illégalement en grande quantité.
Comme le souligne M. Christian Hocquard, « ces prix élevés ont permis aux producteurs chinois de terres rares d’engranger de copieux bénéfices, mais aussi de lancer une vague de sociétés minières juniors dans l’exploration et l’évaluation de plus de cent soixante-dix gisements de terres rares hors de Chine ».
L’augmentation de la production due à la hausse des prix a conduit par la suite à une baisse des prix, qui a entraîné la disparition de certaines formes de production des terres rares, majoritairement illégales et fondées sur des conditions sanitaires et environnementales inacceptables.
2. La crise de 2010 a relancé temporairement la production et la séparation hors de Chine
Suite à l’augmentation des prix, les États-Unis – qui représentent 6,5 % de la production mondiale – ont repris des activités qu’ils avaient abandonnées dans les années 1980 car ils les jugeaient trop polluantes. L’Australie – 4 % de la production mondiale – a fait de même. Il y a maintenant une volonté, dans ces deux pays, de développer leur production. Il y a des centaines de projets en prospection mais seuls quelques-uns se réaliseront.
Les États-Unis et l’Australie ont relancé leur production grâce à deux sociétés : Molycorp et Lynas
Lynas exploite, en Australie, une mine et traite les concentrés afin de les séparer et de les purifier. Elle a fait construire une usine de séparation et de purification en Malaisie, par un conglomérat australo-français.
Molycorp dispose alors d’un gisement et d’une usine aux États-Unis, la mine de Mountain Pass ayant été remise en activité. Elle contrôle aussi, par des acquisitions, l’ensemble de la chaîne « mine to magnet ». Elle dispose notamment d’une usine en Estonie pour la séparation des terres rares et d’une autre en Chine pour l’élaboration des aimants permanents.
Toutefois, Lynas et Molycorp – avec des capacités de production annoncées d’environ 30 000 tonnes par an – produisent principalement des terres rares légères, les plus impactées par la baisse des cours. Leur survie dépend donc de la qualité de leurs contrats « off-take ».
3. Le Japon a pris des mesures préventives.
Le Japon est le pays qui a le plus déterminé une politique de réponse à une pénurie éventuelle. Ce pays, qui n’a pas de matières premières, les achète à l’étranger et choisit de les transformer également à l’étranger. Le plus touché par l’embargo de 2010-2011, il s’intéresse particulièrement à la réutilisation des terres rares.
Sa situation est très proche de celle de l’Europe mais ses réactions sont beaucoup plus volontaristes que les mesures adoptées dans l’Union européenne. Particulièrement préoccupé par les risques de rupture d’approvisionnement en matières premières stratégiques ou critiques, il a défini une stratégie de sécurisation de ces produits, qui sera analysée. Ses shôshas – des maisons de trading – ont un rôle fort actif.
Le Japon a, en outre, développé des recherches très dynamiques sur les possibilités de recyclage et de substitution à partir d’une analyse fondée sur l’économie circulaire.
Contrairement à l’Europe, mais de manière semblable à la Chine ou à la Corée, il investit dans des mines étrangères, en y prenant des participations ou en les achetant.
Cette politique, de nature globale, sera analysée dans la quatrième partie de ce rapport.
B. LA SITUATION ACTUELLE EST BEAUCOUP PLUS COMPLEXE
Les prix sont retombés, ce qui a entraîné de nouveaux déséquilibres : la rentabilité des projets envisagés hors de Chine est trop faible pour leur permettre de se concrétiser ou de durer. Il en résulte une domination du marché par la Chine. Cette situation risque d’être durable, car le modèle chinois d’extraction et de transformation des terres rares évolue rapidement pour s’approcher des normes occidentales.
1. La domination chinoise va être de plus en plus difficile à contester
a. Depuis 2003, et surtout depuis 2010, la Chine met de l’ordre dans sa production
Dès 2003, la Chine a envisagé de restructurer son industrie de terres rares autour de deux grands pôles, au Sud et au Nord, afin notamment de mieux contrôler ses exportations mais aussi d’améliorer les conditions de production des terres rares en général.
Quelques chiffres, relevés par M. Christian Hocquard, montrent l’importance des exportations non contrôlées : « Les pays de l’OCDE importent et consomment environ 50 000 tonnes de terres rares par an, alors que la Chine n’en exporte officiellement que 15 000 tonnes (soit 50 % seulement des quotas d’exportation fixés à 30 000 tonnes par an !) ».
b. La Chine se conforme aux prescriptions de l’OMC
La Chine avait, en effet, en 2010, établi une taxe sur les exportations de terres rares, ce qui a entraîné une réaction forte de l’Union européenne et du Japon auprès de l’OMC.
Le 26 mars 2014, un panel de l’OMC a rendu ses premières conclusions à la suite de cette plainte de l’Union européenne et du Japon sur les quotas et les taxes à l’exportation. Ces conclusions sont favorables aux plaignants car, selon les règles de l’OMC, un pays peut décider de réduire sa production mais pas ses échanges internationaux de produits existants. La production des matières premières peut être contrôlée, mais pas leur commerce. En outre, la Chine a accepté que les dérogations habituellement consentis aux pays en développement ne la concernent pas dans ce domaine (un PVD peut appliquer des taxes à l’exportation mais ne peut pas faire de restrictions quantitatives).
La Chine a répondu à l’OMC qu’elle avait un problème environnemental, dû principalement aux mines illégales qui coexistaient avec des mines légales. Les Chinois ont montré des photos de montagnes qui s’écroulaient du fait des solvants. Ils ont parlé de la pollution des eaux et déclaré qu’ils allaient pourchasser les mines illégales.
Puis, dans un deuxième temps, la Chine a accepté de modifier les mesures qu’elle avait prises, en décidant de supprimer ses quotas d’exportation, et de mettre en place un système compatible avec les règles de l’OMC, qui régissent non la production mais le commerce international.
c. Enfin, la Chine développe des activités intégrant de plus en plus de valeur ajoutée
La Chine ne se limite plus à la production et à l’exportation mais met en place, de manière assez systématique, une véritable filière.
Certes, elle extrait des terres rares mais ne se limite plus à cette activité à faible valeur ajoutée. Ses foires aux terres rares sont connues. Plusieurs de ses instituts s’y intéressent. Son laboratoire d’optique en Mandchourie est très efficace.
Elle essaie d’attirer les investissements dans des usines de séparation. Solvay a ainsi des usines métallurgiques en Chine et des contrats d’approvisionnement avec des producteurs chinois.
La Chine vend à ceux qui payent le plus ou qui l’aident à utiliser chez elle ce qu’ils produisent. Elle achète des mines et des terres.
Elle investit aussi à l’étranger. À Kvanefjeld, au Groenland, ses investissements pourraient atteindre 1,5 milliard de dollars, mais l’objectif premier est la production d’uranium, avec une production de terres rares en sous-produits, qui seront envoyés en Chine pour être séparés et purifiés.
2. La multitude de projets de production de terres rares va conduire à l’émergence de seulement quelques autres producteurs
Les chiffres peuvent varier, selon que l’on parle de projets miniers ou de projets d’exploration, selon qu’on considère la situation en Chine, hors de Chine ou au niveau mondial, mais la tendance est la même : seuls quelques projets se réaliseront car la rentabilité est incertaine ; seules quelques sociétés juniors survivront ; la dépendance continue, même si elle s’est allégée.
Selon M. Christian Hocquard, « les prix très bas actuellement des terres rares légères ont porté un coup fatal à nombre de projets miniers situés hors de Chine. Sur les cent soixante-dix projets identifiés, seuls cinq paraissent susceptibles d’émerger à moyen terme, dont trois très gros gisements potentiels ».
Selon M. Alain Liger, COMES, « il existe, dans le monde, quelques centaines – entre trois et quatre cents – projets d’exploration de terres rares, dont une trentaine annoncent avoir défini des réserves ou des ressources dans le cadre de programmes de forages systématiques. Certains gisements ont annoncé avoir terminé des études de faisabilité positives (par exemple en Australie, au Canada et en Afrique du Sud), voire ont indiqué des dates de démarrage de production aujourd’hui dépassées ; de fait leur démarrage tarde ».
« Les données disponibles sur ces projets d’exploration ou de faisabilité éclairent dans une certaine mesure sur les raisons de ces difficultés : alors que les deux gisements de Mountain Pass et de Mount Weld ont une teneur d’environ 8 % en oxydes de terres rares combinées, les gisements les plus importants ont une teneur combinée entre 1 % et 4 %, ce qui peut être une raison de la difficulté de leur financement. L’économie des gisements dépend en outre du contenu des différentes terres rares, dont les prix et les usages sont très différents les uns des autres ».
Au Gabon, la situation est complexe du fait des difficultés rencontrées pour séparer les terres rares. À Madagascar, un gisement susceptible de contenir des terres rares lourdes a été identifié et intéresse Solvay. On trouve également des gisements de terres rares au Brésil, en Mongolie et en Polynésie.
3. Les projets d’exploitation et de transformation hors de Chine ont du mal à émerger, d’autant que les prix sont aujourd’hui très bas.
Les start-up potentielles, appelées aussi junior entreprises, peinent à trouver leur équilibre économique, tandis que des entreprises plus installées disparaissent – cas de Molycorp aux États-Unis – ou sont sous perfusion, tel Lynas en Australie.
Au niveau mondial, l’offre, très concentrée dans le domaine de la production, dépend dans la transformation de l’évolution des savoir-faire.
Solvay est ainsi la seule entreprise non chinoise capable de séparer et de purifier les terres rares. Les données techniques d’exploitation, de séparation et de purification lui permettront de conserver un avantage comparatif pendant quelques années. Qu’en sera-t-il dans dix ou quinze ans ?
DEUXIEME PARTIE :
L’EVOLUTION DES MARCHES DE TERRES RARES ET DE MATIÈRES PREMIÈRES STRATÉGIQUES ET CRITIQUES EST PREOCCUPANTE
I. LES PRÉVISIONS PORTANT SUR LEUR MARCHÉ RÉVÈLENT L’AMPLEUR DES PROBLÈMES À RÉSOUDRE
A. LA DEMANDE CROISSANTE DES PAYS ET DES CONTINENTS EN VOIE D’INDUSTRIALISATION EST DIFFICLEMENT CONTRÔLABLE
La croissance de la démographie et de l’économie sur des continents autrefois peu développés entraîne des besoins nouveaux qui risquent de créer de nouveaux déséquilibres d’ici 2050.
Cette augmentation de la demande est liée au développement des technologies utilisatrices, mais aussi à la montée en puissance des pays émergents.
Pour M. Didier Julienne, stratège industriel et éditorialiste en ressources naturelles, président de Néométal, « c’est dans cet environnement de grande dépendance que l’industrie minière fait face au défi de nouveaux consommateurs équivalent à plusieurs fois la Chine, à l’horizon 2050. En effet, la Chine n’a fait que la moitié du chemin, l’Inde qui arrive est une autre Chine, puis arrive également toute l’Asie du Sud-Est et, enfin, l’Afrique. Sans compter qu’il existe au moins une autre Chine cachée, voire deux, avec la transition énergétique mondiale décarbonée, basée notamment sur l’éolien et le solaire. Dans ces pays, la principale ressource électrique de transformation est le charbon. C’est aussi la première ressource énergétique dans le monde. En moyenne, 40 % de l’électricité mondiale est fabriquée avec du charbon. Ainsi, remplacer le charbon par des énergies dites climatiques, dans le cadre de la transition énergétique mondialisée, est préoccupant. D’ici 2050, cette transition cumulera la demande des ressources classiques et stratégiques, c’est-à-dire qu’il faudra utiliser beaucoup plus de béton, fois 10, de l’acier, fois 100 à 600, de l’aluminium, fois 100, autant de cuivre que depuis l’an 2000, du verre et d’autres métaux de base ou matières. En ce qui concerne les métaux stratégiques et les terres rares, l’effet multiplicateur de la consommation est aujourd’hui impossible tant la courbe est asymptotique ».
Les applications sont multiples, qu’elles concernent les aimants, la métallurgie, les batteries, les catalyses, les poudres abrasives, ou la filière nucléaire.
Si l’on raisonne à l’échéance de 2025, 2035, voire 2050, soit l’espace d’une génération, le risque qui s’était matérialisé en 2011, réapparaît et nous avons besoin de terres rares, comme nous avons besoin de plusieurs matières premières stratégiques et critiques, dont la demande pourrait très bien, dans les prochaines années, dépasser l’offre. Certes, rien n’est mécanique, et de nouvelles ressources apparaîtront avec l’augmentation des prix.
Des innovations sont en cours, notamment pour les éoliennes et les aimants permanents, afin de limiter le recours aux terres rares. Mais globalement, le risque de pénurie doit être pris au sérieux, même si dans la plupart des cas, d’autres solutions techniques pourront être envisagées.
La demande va être particulièrement forte pour le néodyme, une terre rare intermédiaire, liée à la fabrication des aimants permanents à néodyme-fer-bore (avec du dysprosium pour des utilisations dans des zones chaudes au-delà de 150°C).
Les utilisations sont telles qu’il va falloir de grandes quantités de terres rares pour les aimants permanents, de l’ordre d’une tonne de néodyme pour une seule éolienne.
Face au constat d’une demande mondiale pour les matières premières qui ne fait qu’augmenter d’année en année, M. Patrice Christmann, du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), nous invite à remettre en cause notre paradigme.
Selon lui, « il va falloir trouver plus de matières premières entre maintenant et 2050 que depuis l’origine de l’humanité. Selon les projections de Rio Tinto, cela veut dire, par exemple, qu’il va falloir trouver l’équivalent du plus gros gisement mondial de cuivre, qui est l’Escondida au Chili, chaque année et le mettre en production, ou bien trouver tous les cinq ans l’équivalent du Pilbara, c’est-à-dire la région productrice de fer de l’Ouest de l’Australie et la mettre en production. Un Pilbara, c’est plusieurs dizaines de milliards de dollars d’investissement ».
Ces déséquilibres risquent d’être amplifiés, d’ici 2050, pour plusieurs matières premières qui créeront des difficultés si elles sont stratégiques ou critiques, voire les deux. Il est toutefois difficile de les prévoir avec précision. Ils peuvent en effet résulter de l’existence de cycles de production et de prix finalement assez classiques. Ils peuvent aussi être dus aux évolutions technologiques, source d’incertitude, et à l’évolution de la croissance des besoins dans les pays en voie d’industrialisation.
B. LEUR OFFRE VA ÊTRE SOUMISE À DES CONTRAINTES DE PLUS EN PLUS FORTES
L’évolution de l’offre, limitée géographiquement, dépend fortement de celle des prix, eux-mêmes liés à des pratiques éventuelles de dumping ou à des comportements monopolistiques.
Le recyclage en fournit une illustration. Solvay vient de décider d’arrêter ce type d’activités dans son usine de La Rochelle car sa rentabilité n’est plus acquise.
L’offre risque de se concentrer encore davantage en Chine, où les industriels qui utilisent les terres rares sont pratiquement tous implantés, à l’image de Solvay. Cette attitude n’est pas fortuite, mais correspond à une vision stratégique, liée aux perspectives de développement du marché interne chinois, à la nécessité d’y être présent et de ne pas subir des mesures de restriction commerciales qui pourraient frapper les sociétés étrangères qui n’y seraient pas implantées.
L’offre de produits faits en Chine sera en outre de plus en plus sophistiquée du fait des transferts de technologie que font les sociétés étrangères à la suite de pressions très insistantes du gouvernement chinois.
Dans ce contexte, il n’est pas impossible que les pratiques de dumping qui ont caractérisé la Chine se réduisent considérablement, au fur et à mesure que ce pays aura lui aussi intérêt à ne pas en subir de la part de pays où la main d’œuvre sera moins chère.
Il n’est toutefois pas possible d’être très optimiste sur la modification du marché mondial de plusieurs minerais, qui risque de plus en plus d’être de nature oligopolistique, voire monopolistique
Pour la France, l’offre viendra quasi exclusivement de l’étranger, car les projets miniers sont à la fois de plus en plus rares et de plus en plus contestés, pour des raisons liés à la santé publique, au respect de l’environnement, et aux difficultés d’acceptabilité de nouveaux projets par la population.
Il risque d’en résulter de nouveaux réflexes, liés au « mythe du cargo », pour reprendre l’expression de M. Alain Liger. Selon ce mythe, le salut vient de l’extérieur.
II. PLUSIEURS MATIERES PREMIERES, DONT LES TERRES RARES, PRESENTENT UN INTERET STRATEGIQUE POUR LES ETATS ET PEUVENT ETRE CRITIQUES POUR L’INDUSTRIE
A. RAISONNER EN TERMES DE BESOINS STRATÉGIQUES ET DE CRITICITÉ PERMET DE MIEUX COMPRENDRE LES ENJEUX EN CAUSE
1. La notion de besoins stratégiques fait référence à la politique d’un État
Le terme stratégique fait référence à la défense nationale, un élément très pertinent pour les applications militaires mais qui n’est pas essentiel dans les secteurs civils. Le CEA, par exemple, n’utilise pas le mot stratégique.
Le caractère stratégique d’une matière première n’est pas forcément lié à la disponibilité ou à l’approvisionnement de la ressource elle-même, surtout si elle n’est pas rare (ce qui est le cas pour la plupart des terres rares). Il peut par contre dépendre de la fourniture d’alliages, de la maîtrise des procédés, ou des fonctionnalités qu’elle permet.
Dans le cas des terres rares, il peut être lié à l’absence de métallurgistes capables de produire les aimants nécessaires aux téléphones portables ou aux éoliennes de grande puissance. Les terres rares sont stratégiques du fait de la fonctionnalité irremplaçable qu’elles apportent.
Pour M. Alain Liger, « le risque stratégique est que le tissu industriel se retrouve en situation de rupture d’approvisionnement et soit dans l’obligation de cesser sa production ; on peut ajouter le risque que, dans cette situation, des concurrents (autres fabricants de biens) qui seraient, eux, toujours alimentés, prennent les parts de marché correspondantes de manière pérenne ».
« L’industrie ‘aval’ est dépendante certes du risque de contrôle des gisements miniers, mais aussi du degré de contrôle de la technologie de fabrication des alliages à haute conductivité, puis des aimants eux-mêmes. La dépendance ne concerne pas seulement les minerais, mais toute la chaine des technologies dans un écosystème complexe ».
« Par exemple, Solvay sait séparer les différentes terres rares les unes des autres, mais ne fabrique ni les alliages ni les aimants. Le nombre de métallurgistes disposant de la capacité de fabriquer des alliages à haute conductivité est très limité (Japon, Chine) ».
Pour M. Didier Julienne, stratège industriel et éditorialiste en ressources naturelles, « un métal stratégique s’éloigne de critères géologiques ou de marché et répond à des ambitions politiques essentielles de l’État ».
Les métaux dits stratégiques n’ont ainsi plus rien à voir avec la géologie, mais avec la politique de l’État : en Chine, l’acier est stratégique du fait des besoins liés à l’urbanisation, et le cuivre à cause de l’impérieux développement des infrastructures électriques. Ce n’est plus le cas en France où seul l’uranium est considéré comme matière stratégique.
2. La notion de produits critiques fait référence à l’industrie
Le terme critique, bien distinct du terme stratégique, est utilisé par la Commission européenne pour désigner des produits nécessaires à l’approvisionnement des industries high tech, et qui font au moins l’objet d’un oligopole caractérisé par la présence de deux ou trois producteurs qui représentent ensemble 80 % de la production mondiale.
La Chine fait partie de ces producteurs. Elle est déjà le premier producteur mondial de vingt-huit matières premières minérales, souvent à plus de 50 % de la production mondiale.
Pour M. Alain Liger, « les métaux et les matériaux critiques sont tous différents et chacun répond à une problématique minière, métallurgique et industrielle différente, et à des usages différents ».
« La notion de criticité est un paramètre ambigu et sujet à appréciation, en particulier en termes temporels. Certains métaux/substances sont critiques dans la situation actuelle de leurs usages et de leur marché, mais, si l’on regarde à trente ans ou cinquante ans, d’autres peuvent le devenir ; en effet, le développement des pays émergents, l’électrification de leurs campagnes, la croissance des besoins en logement dans leurs villes et l’élévation du confort de leurs habitants impliquent des besoins en métaux croissants ».
Pour M. Didier Julienne, un métal critique est un métal qui « connaît des risques élevés de déficit, sans percées scientifiques permettant une substitution. Un métal sera critique dans une industrie mais pas dans une autre et cette classification est hautement évolutive avec le temps ».
Un métal critique est un métal pour lequel il y a pénurie, soit organisée pour des raisons politiques, soit naturelle, pour des causes géologiques. Il y a alors un emballement de la demande à laquelle l’offre ne peut pas répondre. C’est le cas du néodyme, du dysprosium, du praséodyme utilisés dans les aimants permanents.
Dans un téléphone portable, il y en a quelques grammes, dans une éolienne, 600 kg. La situation est critique car la demande s’est emballée ou pourrait à nouveau s’emballer.
Enfin, le caractère critique d’une matière première dépend profondément de l’évolution des différentes technologies. C’est le cas pour les luminophores, où l’apparition des LED change complètement la vision que l’on peut avoir de la criticité des terres rares. Comme l’indique M Patrice Christmann, BRGM, « nous avons tous écrit, il y a trois-quatre ans, que l’europium était un métal critique. Or sa criticité est en train de disparaître simplement parce que la technologie LED évolue beaucoup plus rapidement que ce que nous anticipions, et nous pourrions multiplier ce genre d’exemples. Nous sommes en clair en train d’être débordés par nos propres innovations ».
Pour M. Olivier Vidal, directeur de recherche au CNRS, « les métaux dits « critiques » ou utilisés dans les hautes technologies sont ceux qui disposent des potentiels d’amélioration technologique les plus importants, en termes d’usage, de réduction d’usage, de substitution. Dans le passé, l’expérience a montré que les améliorations technologiques ne tendaient pas à diminuer l’utilisation de matières premières, bien au contraire ».
« La criticité mesurée en termes de besoin pour un secteur industriel sur réserve connue actuellement n’est pas forcément un critère complètement pertinent. Un élément comme le cuivre peut, clairement, devenir très rapidement extrêmement critique ».
Les avancées technologiques peuvent faire diminuer la demande mais peuvent aussi créer de la demande et ainsi augmenter la criticité de certaines matières premières.
M. Elbert Loois, Rohstoffallianz GmbH, « l’arrivée des nouvelles technologies, sur un marché, va créer une augmentation de la demande et un seuil critique pour un certain nombre de matières premières. C’est là qu’on verra une diminution des ressources disponibles et éventuellement une délocalisation d’entreprises européennes dans des pays à bas coût de production. Les terres rares sont un cas à part et présentent un risque certain contre lequel les institutions gouvernementales aussi bien que les entreprises doivent agir le plus rapidement possible ».
3. La combinaison des deux caractéristiques complexifie les problèmes à résoudre
Lorsque les métaux critiques deviennent stratégiques, la situation est plus difficile à gérer.
C’est le cas si l’on développe les éoliennes en mer. Le minerai – une terre rare en l’occurrence – devient stratégique alors qu’il était déjà critique.
Lorsque les politiques des États se mélangent avec celles des entreprises, les marchés se tendent et les prix s’enflamment. Ce fut le cas, comme le rappelle M. Didier Julienne, pour les platinoïdes lorsque l’Europe a décidé après les États-Unis d’avoir une politique de dépollution automobile.
Quand on définit une politique de l’État, il faut se demander si cette politique va avoir un impact sur les matières premières. Les terres rares vont diminuer la dépendance en hydrocarbures, mais vont nous faire rentrer dans une dépendance en métaux stratégiques.
4. Il faut se préparer à des risques de pénurie pour les matières premières non agricoles et non énergétiques
En Europe de l’Ouest, il n’y a plus de métaux. La Chine contrôle tout le tungstène, la Bolivie 50 % des ressources de lithium et le Kivu, le tantale.
Pour Chemistry World, qui a publié un article sur les risques de pénurie en janvier 2011, l’hélium, le zinc, le gallium et le germanium sont l’objet d’une « sérieuse menace d’ici cent ans », les métaux platinoïdes, l’uranium et le tantale sont « de plus en plus menacés par un usage croissant » et de nombreux autres éléments, dont le lithium, le magnésium, le tungstène et le plomb sont « en disponibilité limitée, avec des risques sur l’approvisionnement ».
La Royal Society of Chemistry du Royaume-Uni (Société royale de chimie) attire, quant à elle, l’attention sur deux matières premières non métalliques : l’hélium et les phosphates.
Un tableau présenté par M. Maurice Leroy, professeur émérite à l’École européenne de chimie, polymères et matériaux de Strasbourg, membre associé de l’Académie nationale de pharmacie, pose le problème d’une pénurie annoncée et suscite la réflexion.
Éléments dont la pénurie est annoncée dans les cent ans à venir
Élément |
Ans |
Localisation |
Utilisation |
Cadmium |
70 |
Réparti |
Anticorrosion, batteries |
Cuivre |
35 |
Chili, Pérou |
Conducteurs, éoliennes, photovoltaïque |
Cobalt |
100 |
Congo, Australie |
Portables, ordinateurs, véhicules hybrides, aimants |
Germanium |
10 |
Avec Zinc |
Photovoltaïque, fibres optiques, … |
Hafnium |
20 |
Australie, Afrique du Sud |
Nucléaire, micro-électronique |
Indium |
13 |
Avec Zinc |
Puces électroniques, écrans LCD |
Lithium |
? |
Bolivie, Chili |
Piles, batteries, alliages légers, … |
Plomb |
25 |
Australie, Chine, États-Unis |
Accumulateurs, munitions, … |
Nickel |
90 |
Australie, Cuba |
Aciers inox, batteries, aimants, … |
Zinc |
45 |
Chine, Pérou, États-Unis |
Galvanisation, pièces moulées |
Mais comme le souligne M. Christian Hocquard : « Bien que l’histoire des métaux rares soit jalonnée de crises, on s’aperçoit que les vraies pénuries sont rarissimes ; la plus connue étant celle du tantale associée au boom des téléphones portables de l’année 2000. Quant aux crises de prix, elles ne durent jamais plus d’un ou deux ans au maximum ».
B. CETTE APPROCHE A ENTRAÎNÉ L’ÉLABORATION DE LISTES DE PRODUITS SENSIBLES
Des solutions différentes sont mises en œuvre de par le monde : les préoccupations stratégiques sont prédominantes aux États-Unis. Les préoccupations économiques et géopolitiques sont plus marquées au Japon et dans l’Union européenne. La Finlande et la Suède, toutefois, ne craignent pas d’utiliser le mot stratégique. La France, pour sa part, n’a pas de liste propre et se réfère donc à la liste élaborée par l’Union européenne.
1. Les États Unis ont établi une liste des matières premières stratégiques
Les États-Unis disposent, via l’USGS (United States Geological Survey – institut d’études géologiques des États-Unis), du Mineral Resources Program (programme « ressources minérales »). Celui-ci effectue des analyses sur les marchés de différentes ressources minérales, d’une façon similaire au BRGM, mais il est doté de moyens bien plus importants (seize millions de dollars de budget, 120 postes équivalents temps plein).
Certains travaux de l’USGS sont disponibles en ligne à l’adresse http://minerals.usgs.gov/minerals/pubs/commodity/ et constituent une source d’information primordiale. Il faut cependant noter que l’USGS cache certaines données lorsqu’elles pourraient révéler des informations sur la production ou la consommation d’acteurs américains alors même que celles-ci peuvent être cruciales pour une bonne compréhension du marché.
Le Japon, comme la Suède et la Finlande, ont également établi une liste de produits stratégiques, dont il sera question lorsque nous traiterons de l’opportunité de constituer des stocks stratégiques.
2. L’Union européenne préfère utiliser le terme « produits critiques »
Les terres rares, qui relèvent de l’initiative matières premières de l’Union européenne, apparaissent dans sa liste des matières premières critiques.
Une telle liste a été établie en 2008 puis actualisée en 2011 et en 2014, dans le but d’analyser l’importance économique de chacune, le risque portant sur l’offre – notamment géopolitique – et les possibilités de recyclage et de substitution.
Quatorze matières critiques, puis vingt ont été ainsi retenues. Les terres rares, qui en font partie, étaient considérées globalement dans la première liste. La liste révisée distingue les terres rares lourdes et légères. Il est probable que les futures révisions de cette liste seront plus spécifiques.
Les minerais critiques sont tous différents et ont une problématique propre. Au-delà des terres rares, on trouve dans cette liste révisée de manière régulière :
- des produits utiles à l’électronique : gallium, germanium, tellure, tantale, sélénium ;
- des métaux servant à des alliages spéciaux : tungstène, molybdène, cobalt ;
- des métaux du groupe du platine – platine, palladium, rhodium –, qui sont des catalyseurs ou des agents de catalyse ;
- le charbon à coke ;
- le béryllium, petit métal très spécifique produit dans une seule mine aux États-Unis et qui a des usages dans l’électronique pour les contacteurs, dans le nucléaire et le secteur de la défense.
Le caractère critique de chaque matériau est déterminé au vu de deux critères : l’impact économique du matériau au niveau économique et le risque d’approvisionnement. Si les deux critères dépassent un seuil, le matériau est considéré d’importance critique.
M. Alain Liger remarque que « ni le cuivre ni l’aluminium ni le zinc ne figurent dans la liste européenne. Ils ont des sources minières diversifiées dans le monde, les techniques métallurgiques sont bien connues et maîtrisées par de nombreux acteurs industriels. Mais, vu les besoins croissants, on pourrait se poser la question de leur caractère critique à un terme décennal ou pluri-décennal ».
« Le contrôle de la chaîne métallurgique (les situations où la technique de production est maîtrisée par peu d’acteurs, comme pour les alliages dans les aimants à fort potentiel magnétique, qui permettent de miniaturiser les aimants et les moteurs) ne fait pas partie des critères de criticité de l’analyse de la Commission européenne; celle-ci envisage de modifier ces critères lors de sa prochaine révision ».
3. En France, une telle liste n’existe pas, mais les analyses du BRGM complètent utilement les travaux européens
Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) effectue, depuis 2010, des analyses sur les marchés de différents métaux stratégiques pour la France, disponibles publiquement sur le site www.mineralinfo.fr. Ces monographies ne sont pas encore complètes ; les dates de publication des études utilisées vont de 2010 à 2014.
Ces analyses recoupent en grande partie la liste européenne (à laquelle le BRGM a participé). Les éléments qui ont fait l’objet d’une étude du BRGM étaient tous présents sur la liste européenne des matériaux candidats, même si tous n’ont pas été retenus dans la liste finale car leur importance économique ou leur risque d’approvisionnement ne dépassait pas les seuils fixés.
Certains éléments métalliques font l’objet d’une monographie du BRGM, alors qu’ils sont absents de la liste européenne : il s’agit du lithium, du molybdène, du rhénium, du sélénium, du tantale et du tellure.
C. LE CROISEMENT DE CES DIVERSES APPROCHES PERMET DE PROPOSER UNE TYPOLOGIE DES MATIÈRES PREMIÈRES STRATÉGIQUES ET CRITIQUES
On distinguera les métaux – ensemble des éléments définis comme métalliques ou semi-métalliques en chimie – des non-métaux. En effet, la plupart des éléments du tableau périodique sont des métaux et partagent certaines propriétés, alors que les non-métaux sont, de manière générale, tous très différents, même si certains groupes apparaissent.
Les métaux sont pour la plupart stables sous forme solide à température ambiante et présents dans le sol sous forme d’oxydes ; leur température de fusion est relativement élevée. Certaines techniques de métallurgie se ressemblent d’un métal à l’autre. Cependant, leurs propriétés chimiques peuvent être très différentes. C’est pourquoi tant de métaux sont exploités.
1. Les matériaux stratégiques non métalliques
L’hélium est un gaz noble présent dans l’atmosphère en faible quantité. Pour ses applications industrielles, il est extrait du gaz naturel. Il est bien trop dilué dans l’atmosphère pour permettre une concentration à partir d’air qui soit rentable économiquement. Ses propriétés chimiques uniques – c’est un gaz inerte avec une très basse température d’ébullition – le rendent indispensable pour un certain nombre d’applications, notamment le refroidissement d’aimants supraconducteurs tels ceux des scanners IRM. L’offre d’hélium au niveau mondial se répartit principalement entre les États-Unis et l’Algérie : respectivement 83 % et 11 % du marché mondial (données de 2004, calcul Wikipedia sur données
US Geological survey 2004).
L’hélium a été stocké en masse par les États-Unis au début du XXe siècle pour des raisons stratégiques liées à son utilisation pour les dirigeables (le LZ129 Hindenburg utilisait, en 1936-1937, l’hydrogène comme gaz de sustentation à cause des restrictions américaines à l’exportation imposées par le Helium Control Act de 1927). Ce stock américain a été considérablement réduit à partir de 1996 ; il était même prévu jusqu’en 2013 de le liquider totalement (An Ode to Helium, Gail Collins, New York Times, 4 mai 2013).
Certains experts estiment que les prix de l’hélium sont, en conséquence de cette vente du stock, trop bas pour inciter à un usage économe et qu’une pénurie risque de survenir à relativement brève échéance (d’ici une dizaine d’années). Robert Richardson, prix Nobel de physique 1996, estime qu’un ballon gonflé à l’hélium devrait coûter aux alentours de cent dollars, pour que le prix reflète la valeur de ce gaz dans d’autres applications, notamment médicales (Helium stocks run low - and party balloons are to blame, Robin McKie, The Guardian, 18 mars 2012).
Dans la liste européenne de matières premières critiques, l’hélium n’est pas présent (il n’en est pas de même dans la liste des matériaux candidats sur la base de laquelle elle a été établie). Pourtant, c’est indiscutablement un matériau stratégique, dont l’importance mérite au moins une évaluation.
Il semble donc souhaitable d’inclure l’hélium dans la liste des matériaux candidats lors de la prochaine évaluation de la liste des matériaux critiques.
Les phosphates sont des minéraux présents dans la croûte terrestre. Il s’agit de la forme naturelle de l’élément chimique phosphore ; ils sont indispensables pour produire les engrais nécessaires à l’agriculture moderne. Le Maroc détient 75 % des réserves prouvées de phosphates et fournit 15 % de la production mondiale actuelle. La Chine domine le marché avec 38 %.
Les phosphates sont inscrits sur la liste européenne de matières premières critiques. Une pénurie semble peu probable dans les décennies à venir en raison notamment de la diversification des sources d’approvisionnement, mais la demande ne cesse de croître. Les phosphates sont parfois considérés comme une matière première agricole (mais ils sont utilisés par l’agriculture, et non produits par elle).
Le coke est un type de charbon très pur (à haute teneur en carbone). Il est utilisé principalement pour la métallurgie de l’acier ; dans les hauts fourneaux, il sert à la fois de combustible pour obtenir l’énergie requise pour la fusion du minerai de fer et de réactif chimique pour réduire les oxydes de fer. En proportion suffisante, il apporte le carbone nécessaire à la formation de fonte (alliage fer-carbone avec une proportion de carbone supérieure à celle de l’acier). Il sert également pour le chauffage domestique, notamment en Grande-Bretagne, car il n’émet pas de fumée lors de sa combustion.
Le coke est produit à partir de charbon moins pur, dit « charbon à coke » qui contient entre 8 % et 20 % d’impuretés : on chauffe ce dernier pour qu’il libère les impuretés qu’il contient ; le processus peut être extrêmement polluant, surtout dans les pays en voie de développement.
Mais le charbon à coke contient, même avant la transformation en coke, moins d’impuretés que le charbon utilisé habituellement pour la génération d’électricité dans les centrales thermiques. Par conséquent, on peut le considérer comme une ressource différente du charbon bitumeux ou de la lignite utilisés pour cette application.
En 2014, la Chine et l’Australie représentaient respectivement 56 % et 17 % de la production des dix premiers producteurs mondiaux de charbon à coke (calcul sur données World Coal Association). Au-delà de cette production, la Chine importe cette ressource en raison de ses énormes besoins liés à son industrialisation tandis que l’Australie exporte la quasi-totalité de sa production et représente environ la moitié de l’offre mondiale : la Chine, bien que productrice, est dans une situation de dépendance aux importations. En raison de ces concentrations qui font peser des risques sur l’approvisionnement, le charbon à coke est présent sur la liste européenne.
2. Les métaux stratégiques (hors terres rares)
Une synthèse des résultats des études du BRGM, de la liste européenne et des études minérales de l’USGS (United States Geological Survey) est présentée dans le tableau ci-dessous.
Il faut rappeler que l’USGS – qui est, par ailleurs, l’une des sources les plus fiables et complètes – censure les données concernant les États-Unis lorsque celles-ci pourraient révéler des informations économiques sur des entreprises américaines. C’est notamment le cas pour les minéraux dont les États-Unis fournissent une part importante de la production mondiale. Il en est de même pour les matériaux où un consommateur américain unique domine la demande.
Tableau récapitulatif des métaux stratégiques (hors terres rares) | ||||
Élément |
Usages principaux (Europe sauf mention contraire) |
Consommation mondiale |
Principaux producteurs (monde) |
Commentaires |
Antimoine |
Retardateur de flamme (43 %) Batteries plomb-acide (32 %) |
150 000 t/an En hausse lente du fait de la demande chinoise (2-3 % par an) |
Chine : 86 % Les statistiques sont rares et imprécises. |
Toxique, d’où une tendance à la substitution en Europe |
Béryllium |
Télécoms et électronique (64 %) Industrie aérospatiale (16 %) Nucléaire civil et militaire (secteur stratégique) |
320 t/an Stable (croissance < 3% par an) |
États-Unis (90 %), notamment gisement de SporMountain (85 %, BRGM 2009) |
Très toxique Marché de niche : peu de producteurs, beaucoup de ressources non exploitées |
Borates |
Verres et céramiques (65 %) Agriculture (engrais) (13 %) |
Production mondiale : 3 720 000 t/an (USGS 2014) En hausse : croissance estimée à 3-4 % par an |
Turquie (41 %) États-Unis (32 %) |
Le métal bore est peu utilisé ; l’unité de base pour les échanges est le contenu en oxyde de bore B2O3. Pas de tensions prévues. |
Chrome |
Acier (presque 100 %, notamment pour les aciers inoxydables) Superalliages (secteur stratégique) |
Production mondiale : 29 000 000 t/an (USGS 2014) En hausse : croissance estimée à 3-4 % par an |
Afrique du Sud (43 %) Kazakhstan (20 %) |
La substitution est impossible. Pas de tensions prévues. |
Cobalt |
Batteries (30 %) Superalliages (19 %) |
73 000 t/an (2012) En forte hausse : croissance estimée à 5-6 % par an |
Extraction minière Congo (55 %) Raffinage Chine (42 %) Finlande (12 %) (BRGM 2013) |
Production française significative en Nouvelle-Calédonie (4 %). Difficilement substituable, et la demande croît. |
Fluorine |
Acide fluorhydrique (52 %) Métallurgie de l’acier et de l’aluminium (43 %) (monde) |
Production mondiale : 6 850 000 t/an (USGS 2014) Stable (croissance < 3% par an) |
Chine (56 %) Mexique (18 %) |
La substitution semble possible pour la plupart des applications. |
Gallium |
Circuits intégrés (41 %) LED (25 %) Panneaux photovoltaïques (17 %) (monde) |
100 t/an Très forte hausse (>8 % par an), mais difficile à quantifier précisément car dépend beaucoup de nouvelles technologies. (Estimation Fraunhofer Institute reprise par le BRGM, étude Roskill reprise par la Commission européenne) |
Chine (69 %) Allemagne (10 %) Les statistiques sont imprécises. |
Métallurgie de pointe (pureté de 99.99999 % nécessaire pour certaines applications). Sous-produit de la bauxite (minerai exploité pour l’aluminium) |
Germanium |
Fibre optique (30 %) Catalyse du PET (plastique) (25 %) Optique infrarouge (25 %) (monde) |
110 t/an (2009) En hausse modérée (4-5 % par an) mais une percée technologique est possible. |
Chine (59 %) La production est excédentaire (d’où de bas prix). |
Métallurgie de pointe, enjeux similaires à ceux du gallium |
Graphite naturel |
Industrie lourde (aciéries, fonderies…) (41 %) (monde) |
1 000 000 t/an (BRGM 2011) En hausse : croissance estimée à 3-4 % par an Les statistiques sont très imprécises. |
Chine (69 %) |
Utilisé dans les réfractaires (matériaux résistant à la chaleur) : revêtements de four, conduits de matière en fusion… Les gisements chinois se raréfient. |
Indium |
Oxyde d’indium-étain, notamment écrans LCD (56 %) (monde) |
Production mondiale : 820 t/an (USGS 2014) Stable (croissance < 3% par an) |
Chine (58 %) |
L’oxyde d’indium-étain (ITO) est à la fois conducteur électrique et transparent. Sous-produit des mines de zinc. |
Lithium |
Verres et céramiques (30 %) Accumulateurs et piles au lithium (22 %, en hausse) |
30 000 t/an (BRGM 2011) Très forte hausse : croissance estimée à 7-9 % par an, surtout à cause des batteries |
Chili (32 %) Australie (28 %) (calcul sur données BRGM 2011) |
Juste en-dessous du seuil de criticité pour la Commission européenne. Les possibilités de recyclage des batteries semblent encourageantes. |
Magnésite |
Matériaux réfractaires (83 %) |
24 800 000 t/an (USGS 2013) Stable (croissance < 3% par an) |
Chine (69 %) |
La substitution semble difficile. |
Magnésium |
Alliages d’aluminium (40 %) Moulages (39 %) |
771 000 t/an (USGS 2013, sans la production américaine) |
Chine (86 %) |
Les capacités de production sont bien supérieures aux besoins actuels (utilisation à 60 %) |
Métaux platinoïdes (ruthénium, rhodium, palladium, osmium, iridium, platine) |
Catalyseurs (55 %) notamment pots catalytiques Bijouterie (17 %) (monde) |
600 t/an (platine + palladium + rhodium) En hausse modérée (4-5 % par an). Des voitures électriques ou à l’hydrogène pourraient diminuer la demande de pots catalytiques à long terme. |
Afrique du Sud (61 %) Russie (27 %) |
Le platine et le palladium sont les moins rares. Les platinoïdes ont des propriétés similaires. Pas de substitution possible à ce jour, sauf entre platinoïdes pour certaines applications. |
Molybdène |
Aciers alliés (80 %) Catalyseurs (14 %) (monde) |
218 000 t/an Hausse prévisible entre 3 et 6 % par an mais l’offre augmentera plus vite du fait de la mise en exploitation de gisements nouveaux. |
Chine (40 %) États-Unis (27 %) Chili (11 %) Statistiques imprécises, notamment en ce qui concerne la Chine. |
Substitution difficile, même si d’autres éléments d’alliage peuvent être utilisés. |
Niobium |
Aciers alliés et micro-alliés (High Strength Low Alloy Steels) (88 %) dont : construction (31 %) automobile (28 %) oléoducs et gazoducs (24 %) |
130 000 t/an Très forte hausse : croissance estimée à 8 % par an (demande globale d’acier en hausse, et proportion d’acier HSLA en hausse) |
Brésil (92 %) Canada (7 %) |
La production est très concentrée. La société CBBM détient les gros projets au Brésil. |
Rhénium |
Superalliages (78 %), notamment turbines pour l’aéronautique Catalyseurs (14 %) |
53 t/an (2009) L’évolution dépendra principalement du dynamisme du secteur de l’aéronautique, donc notamment du prix des hydrocarbures. |
Chili (47 %) États-Unis (20 %) (2009) |
La demande est très liée au secteur du transport aérien (chutes de l’offre après les attentats de 2001 ou la crise de 2008). L’aviation militaire, secteur stratégique, consomme également du rhénium. |
Sélénium |
Coloration des verres (35 %) Métallurgie (25 %) Agriculture (15 %) Photovoltaïque, photodétection (10 %) |
2500 t/an Les applications photovoltaïques (CIS, CIGS) pourraient entraîner une forte hausse de la consommation. |
Chili (26 %) Estimations approximatives du fait de la non-publication des données américaines, calcul sur données BRGM (2009) |
Sous-produit de l’extraction du cuivre (ou nickel). Les estimations sont faites à partir de la localisation, connue, des ressources en cuivre. |
Silicium |
Chimie (54 %) Alliages d’aluminium (38 %) Photovoltaïque (8 %) |
2 200 000 t/an Les estimations varient, mais la croissance devrait être inférieure à 3 % par an |
Chine (56 %) |
La Commission enquête sur un éventuel dumping chinois en matière de panneaux solaires. Des taxes punitives à l’importation ont été mises en place. |
Tantale |
Condensateurs miniaturisés (48 %) Superalliages (16 %) |
1 500 t/an En hausse moyenne à forte selon les estimations (3 à 5.5 % par an) |
Rwanda (50 %) Congo (17 %) (USGS 2014) Il s’agit là d’estimations, une grande partie de la production étant artisanale et donc non déclarée. |
L’exploitation artisanale facile du tantale encourage l’instabilité politique dans la région des Grands Lacs africains. Des restrictions à l’importation sont mises en place aux États-Unis (loi Dodd-Franck de 2010) pour éviter de financer la guerre civile en République Démocratique du Congo. |
Tellure |
Aciers (35 %) Photorécepteurs (35 %) Catalyse (20 %) (États-Unis 2009) |
220 t/an (estimation) |
États-Unis (29 %) Japon (23 %) Estimations très approximatives du fait de la non-publication des données américaines, calcul sur données BRGM (2010) |
Semblable au sélénium : c’est un sous-produit de l’exploitation minière du cuivre, qui n’est pas déclaré, et les estimations sont faites à partir des informations relatives au cuivre. |
Tungstène |
Métal « widia » (outils pour usiner l’acier) (60 %) Aciers alliés (13 %) |
95 000 t/an En hausse modérée (4.5 % par an). De nouveaux projets miniers devraient permettre de garder l’équilibre offre-demande. |
Chine (85 %) |
Le recyclage va sans doute prendre de l’ampleur du fait des prix élevés. |
TROISIÈME PARTIE :
CERTAINES SOLUTIONS SERONT MISES EN œUVRE INDÉPENDAMMENT DE TOUTE INFLEXION POLITIQUE MAJEURE
Comment pourrait modifier cette situation qui risque d’être de plus en plus déséquilibrée ? Comment conserver un avantage comparatif dans le long terme ? Les solutions classiques relèvent de plusieurs acteurs : les entreprises, le système de formation et de recherche, qu’il dépende de l’État, du secteur privé ou d’efforts communs entre public et privé.
Certaines de ces solutions sont industrielles. D’autres concernent la formation et la recherche.
I. LES SOLUTIONS INDUSTRIELLES : RECYCLAGE ET SUBSTITUTION
A. LE RECYCLAGE, NÉCESSAIRE ET SOUHAITABLE, N’EST QU’UN ÉLÉMENT DE RÉPONSE
1. L’intérêt du recyclage n’est plus contesté, même s’il n’est pas une panacée.
Le recyclage ne concernera qu’un nombre limité de produits, car il dépend étroitement des conditions techniques et économiques.
a. Le recyclage est une réalité économique.
Presque un quart des déchets d’équipements électriques et électroniques (les D3E) sont actuellement recyclés. Sur un total mondial de quarante-trois millions de tonnes, dix millions de tonnes sont traitées, dont trois millions au sein de l’Union européenne, trois millions en Chine, le reste se répartissant entre les États-Unis, le Japon et les autres pays. Les sociétés sérieuses qui en sont les acteurs sont peu nombreuses : il y en a trois en Europe (Aurubis, Umicore et Boliden), quatre au Japon et une en Corée. En revanche, en Chine, « des bricolages se font dans des arrière-cours avec de l’acide. On sort un peu les métaux précieux et le reste est jeté, brûlé ou perdu », selon M. Christian Thomas, Terra Nova.
Un quart des cartes électroniques utilisées dans les sèche-cheveux, les téléviseurs, ou les téléphones portables sont recyclées, afin de récupérer, autant que possible, l’or, le palladium, l’argent, le cuivre, le tantale et le chrome qui en sont les composants. Le poids total de ces cartes approche 500 000 tonnes.
Les quantités récupérées peuvent être très variables : dans une carte électronique pauvre, elles avoisinent dix grammes d’or par tonne ; dans une carte riche, un kilo par tonne. À titre de comparaison, on trouve 0,7 gramme d’or par tonne dans les minerais exploités à ciel ouvert en Afrique de l’Ouest.
Les terres rares utilisées dans les aimants permanents sont de plus en plus recyclées, notamment au Japon qui en recycle le tiers. L’or reste en conséquence la matière première la plus recyclée, du fait de sa valeur.
Dans certains cas, le recyclage est très important pendant un certain temps, mais pour des raisons qui ne sont pas celles auxquelles on avait pensé. C’est le cas des lampes à base de luminophores LED, évoqué par M. Guyonnet (BRGM), « qui contiennent du terbium, de l’europium, de l’yttrium. L’évolution est très rapide. C’est vraiment impressionnant. La part de recyclage peut être importante. On calcule qu’à l’horizon 2020, ce qui sera recyclé pourrait représenter 50 % des besoins d’approvisionnement, parce que ces besoins baissent ».
b. Le recyclage peut permettre d’atteindre des objectifs ciblés
Dans l’éolien, il peut permettre la création d’une nouvelle filière
C’est l’objectif de Siemens, qui entend favoriser le développement d’une filière de recyclage pour pouvoir réutiliser les terres rares des aimants permanents de leurs éoliennes. Comme l’indique M. Frédéric Petit, directeur Business Development Siemens Power Generations, « les terres rares mises en œuvre dans les éoliennes sont facilement traçables et en quantité suffisamment significative pour pouvoir développer une filière de recyclage. Des unités de recyclage sont actuellement en construction en vue de la gestion de fin de vie des aimants permanents. Nous estimons que nous pourrons atteindre un taux de 90 % ».
Il peut permettre d’économiser l’énergie
C’est le cas pour l’aluminium, où l’on peut économiser 90 % d’énergie en recyclant les canettes de boisson plutôt que de l’extraire à partir de la bauxite.
Il peut être un élément de sécurisation d’une partie des approvisionnements
Pour M. Philippe Schulz, Expert Leader Environnement, énergie et matières premières stratégiques chez Renault, le recyclage est un « levier de sécurisation. L’économie circulaire compétitive, non pas le recyclage pour le recyclage, est un des leviers essentiels pour nous aider à mieux sécuriser l’ensemble de nos approvisionnements ».
Un véhicule conventionnel de Renault, essence ou diesel, contient de 11 kg à 12 kg de cuivre, un véhicule électrique 35 kg, donc des quantités importantes. En conséquence, l’industrie automobile consomme aujourd’hui environ 4 % du cuivre produit au niveau mondial et pourrait en consommer jusqu’à 9 % en 2020.
Le recyclage du cuivre est donc important. Il utilise le rebut des usines de fabrication, mais aussi les véhicules hors d’usage. Renault est ainsi autonome en cuivre sur l’ensemble de ses fonderies en France, grâce à la prise de participation dans une société qui a accès à des véhicules en fin de vie.
Le groupe Renault recycle également 70 000 pots catalytiques en France, dont plus de la moitié vient des véhicules en fin de vie, pour en récupérer le platine, le palladium et le rhodium. Il pourrait en recycler davantage, mais près d’un véhicule sur deux qui arrive dans un centre de démolition n’a plus son pot catalytique.
c. Dans d’autres cas, son intérêt est moins évident
Son intérêt varie selon les produits et les conditions économiques.
Les raisons peuvent être techniques
Il n’y a que quelques grammes, difficiles à isoler, dans les téléphones portables.
Pour Renault, seuls les hauts parleurs de radio et les moteurs de conduite assistée pourraient justifier un démontage préalable avant leur récupération pour recyclage des aimants permanents.
Pour les produits émanant de la mine urbaine, la complexité des systèmes et techniques utilisés en rendent le démontage difficile. Le recyclage des alliages complexes peut même être impossible.
Ces difficultés sont notamment dues à la présence de plastiques organiques dans les voitures ou les appareils électroniques. Or, comme le souligne M. Christian Thomas, Terra Nova, « les métallurgies classiques sont absolument réfractaires aux organiques ».
Le recyclage du fer, pourtant le métal le plus recyclé en volume du fait de ses propriétés magnétiques, se heurte à sa concentration.
Certains métaux peuvent être antagonistes. Dans certains cas, l’hydrométallurgie est inadaptée car elle entraîne une quantité de déchets ultimes très importante sans que l’on ait pu récupérer les métaux recherchés.
Certains éléments sont irrécupérables, soit du fait de la miniaturisation
– notamment dans les micromoteurs et les aimants permanents –, soit à cause des colles employées. Cette tendance sera aggravée par l’utilisation des nanotechnologies.
Les produits recyclés doivent être comparables aux produits originaux, ou tout au moins avoir une qualité suffisante pour leurs consommateurs. Ils doivent en outre être conformes aux normes internes des grands groupes industriels. C’est moins vrai pour les PME qui peuvent être moins regardantes.
Certains métaux sont recyclés de manière quasi optimale, les produits en résultant ayant un niveau de pureté élevé. Mais lorsque du cuivre est mêlé à des alliages dans des câbles, le résultat est tel que le déchet retraité ne peut être réutilisé que dans la câblerie.
Lorsque le recyclage est impossible du fait de données techniques, il faut trouver des technologies de rupture. Mais comme l’indique M. Christian Thomas, il faut qu’elles soient rapides (car les métaux ont des histoires assez courtes), et qu’elles ne demandent pas des sommes considérables. « Il ne s’agit pas de partir sur des développements qui durent quinze ans, mais qui durent entre deux et cinq ans. On ne va pas investir un milliard d’euros pour accéder au tantale ou au cobalt, par exemple ».
Les raisons sont le plus souvent économiques
Solvay, qui avait commencé à recycler les poudres de luminophore qui tapissent les verres des lampes basse consommation, vient d’arrêter ce type d’activités qui ne sont pas suffisamment rentables.
Selon M. Laurent Forti, responsable Programmes, IFP Énergies nouvelles (IFPEN), le recyclage « marche très bien quand il y a du platine ou des matériaux très chers, moins bien quand on est sur des nickel-cobalt, dont les cours peuvent varier. Investir dans un système de recyclage peut devenir économiquement rentable pendant un temps et beaucoup moins pendant un autre ».
Le recyclage n’est possible économiquement que si les prix sont suffisamment élevés pour le rendre rentable (les produits recyclés doivent être moins chers que les produits originaux de même qualité, ce qui dépend à la fois du coût du recyclage et du prix du marché des matières premières). La volonté de recycler dépend donc profondément de la valeur économique des matériaux recyclés.
En outre, il ne faut pas confondre recyclage et démantelage, comme le montre l’expérience de Solvay, qui recyclait des terres rares provenant essentiellement des véhicules automobiles usagés et des D3E (déchets d'équipements électriques et électroniques). Les pots catalytiques y étaient systématiquement démantelés pour en récupérer les métaux précieux mais la récupération des terres rares n’était pas intéressante économiquement. Les terres rares sont donc perdues pour l’industrie automobile et deviennent un déchet utilisé dans les cimenteries. Les aimants, par contre, se collent à la partie ferreuse et suivent la filière des métaux ferreux en métallurgie, et dans la purge de la sidérurgie (le laitier).
Techniquement, il ne serait pas impossible d’envisager un recyclage des terres rares et d’avoir des concentrations suffisantes, mais le coût d’une telle opération est élevé. Il faut donc, pour Solvay, des systèmes incitatifs qui n’existent pas actuellement en France.
C’est pourquoi le recyclage ne représente, actuellement, que 1 % en moyenne de la plupart des métaux rares et critiques dont les terres rares, selon le Panel international pour les ressources des Nations unies.
Ce faible pourcentage tient aussi à l’évolution de la demande. Si celle-ci est très forte, le recyclage n’aura qu’une importance marginale. Le recyclage sera toujours insuffisant dans une économie en croissance, ce qui relativise l’apport de la mine urbaine, comme le remarque M. Julienne, « ce n’est pas en recyclant une mine urbaine ou des décharges industrielles ou autres que l’on pourra subvenir aux besoins de l’industrie. D’après mon expérience, le recyclage est économiquement moins intéressant qu’une mine naturelle ».
« Il faut bien comprendre qu’il y a un savant équilibre entre les prix de marché et les coûts du recyclage. Si les prix sont trop bas, le recyclage est inutile ou en tout cas non économique. Dans ce cas-là, on en revient à la mine. La mine industrielle est donc absolument nécessaire ».
Il faut enfin que la collecte des biens recyclables soit organisée de manière suffisamment efficace pour que les produits disponibles le soient en quantité suffisante.
Il faut aussi que les produits à recycler soient disponibles, et en quantité suffisante. L’exemple des éoliennes est à cet égard pertinent : elles ne sont pas encore en fin de vie. La récupération des terres rares qu’elles contiennent ne pourra donc se faire que dans plusieurs années.
d. La combinaison de ces facteurs techniques et économiques pèsera sur la décision de recycler
L’expérience de Solvay, présentée par M. Alain Rollat, montre combien les éléments techniques et économiques peuvent se combiner, et comment le recyclage, possible et souhaité à un moment donné ne l’est plus lorsque les conditions économiques ont changé.
Lors du boom des matières premières en 2011, Solvay a utilisé deux critères pour déterminer la faisabilité d’un recyclage des différents types de produits à base de terres rares : « Le premier concernait la concentration à laquelle on était capable d’obtenir ces produits. Le deuxième concernait la valeur intrinsèque et notamment, outre la concentration, le type de terres rares contenu. À partir de ces deux critères, on a sélectionné trois types de produits en tant que projet de recyclage : les aimants, les batteries Nickel Metal Hydrure en collaboration avec Umicore (Umicore traitait pour récupérer les nickels et nous en récupérions les terres rares) et, enfin, les poudres luminophores venant des lampes basses consommation ».
Mais ces critères sont évolutifs. À l’époque, l’europium et le terbium, les deux terres rares les plus chères contenues dans les poudres luminophores valaient plus de 3 000 dollars le kilo, voire à un moment donné, au-dessus de 5 000 dollars le kilo. Aujourd’hui, ces deux produits sont en dessous de 500 dollars par kilo.
À ces prix, Solvay ne peut plus recycler.
2. Le développement du recyclage peut être facilité par d’autres moyens que le marché
a. La réglementation peut parfois être le seul moyen pour promouvoir le recyclage
Le marché peut dans certains cas et dans certains lieux permettre de convaincre les consommateurs d’apporter leurs produits à recycler. C’est le cas aux États-Unis pour les pots catalytiques, qui peuvent être vendus à des centres de collecte, pour quelques centaines de dollars.
Mais, dans la plupart des cas, la réglementation et le contrôle peuvent être nécessaires pour récupérer les produits à recycler et s’assurer qu’ils ne disparaissent pas.
C’est le cas lorsque le recyclage n’est pas suffisamment rentable, comme dans le cas des équipements électroniques miniaturisés, où l’on a besoin d’allier la dépollution et le recyclage du plastique.
C’est aussi le cas pour le phosphate de fer ou l’oxyde de manganèse où, selon M. Philippe Schultz, Renault, « il est nécessaire de créer des organismes qui puissent imposer et obliger le recyclage ».
Des contrôles peuvent parfois être nécessaires. C’est notamment le cas lors des transferts transfrontaliers de déchets qui sont contrôlés, depuis 2015, par une cellule centralisée à compétence nationale à Metz, qui supervise tout ce qui se faisait auparavant dans les DREAL. Cette activité relève également de la cellule interministérielle sur le contrôle des sites illégaux de traitement de déchets qui s’est mise en place en 2013.
Le contexte sociétal et légal joue un rôle majeur dans le choix entre ces deux solutions : rémunération ou réglementation en sachant que la réglementation peut contribuer à la création d’une expertise réelle dans des domaines qui s’avèreront porteurs à l’exportation. C’est le cas pour les installations de traitement de déchets dangereux, où la France a acquis une expérience certaine depuis 1976 en matière de construction et de gestion.
b. La réglementation existe déjà pour les piles et accumulateurs.
La directive n° 2006/66 fait obligation aux producteurs de financer les coûts de collecte, de traitement et de recyclage des déchets de piles et d’accumulateurs.
Les producteurs de piles et accumulateurs sont tenus d’enlever ou de faire enlever et de traiter ou de faire traiter, à leurs frais, les déchets qui en proviennent.
Le code de l’environnement distingue trois catégories de piles et accumulateurs et fixe les règles d’élimination spécifiques à chacune.
L’expérience de SAFT est particulièrement intéressante :
L’obligation de recycler s’applique à ses activités, comme le rappelle Mme Anne de Guibert, SAFT : « pour les batteries il y a une réglementation qui oblige à recycler, même si ça n’est pas rentable. Des groupes ont été constitués qui ‘ponctionnent’ les fabricants pour permettre le recyclage des batteries ».
Le recyclage concerne surtout les grosses batteries nickel-cadmium, qui ne sont pas encore remplacées par des batteries au lithium, contrairement à ce qui se passe pour les petites batteries. SAFT les recycle soit directement dans son usine de recyclage du cadmium en Suède, soit dans d’autres grâce à des contrats de recyclage avec des sociétés en France et aux États-Unis, avec lesquelles elle a conclu des contrats.
« SAFT ne recycle pas le lithium aujourd’hui, mais les matières actives positives qui contiennent des métaux cobalt-nickel sont recyclées par des contrats de récupération dans la mesure où le recyclage est obligatoire. Néanmoins, les procédés existent. Même pour le lithium, des études de procédés ont été faites. Ces procédés seront appliqués quand la matière première suffisante sera disponible ».
Actuellement, les batteries contenant du cobalt sont intéressantes à recycler, mais ce n’est pas le cas des batteries au cadmium ou contenant du phosphate de fer ou de l’oxyde de manganèse. Dans ce cas, « il faut des organismes réglementés pour obliger à recycler, et c’est ce qui existe aujourd’hui ».
Quand un produit n’a pas de valeur économique suffisante pour être recyclé, il faut que le coût du recyclage soit intégré dans les impôts de collecte initiaux.
c. La réglementation n’est pas forcément vécue négativement, comme le montre l’exemple des constructeurs automobiles
Cet exemple d’une approche constructive de la réglementation a permis aux industriels de participer à la mise en place d’une réglementation européenne, en coopération avec les pouvoirs publics.
Cette démarche a abouti, dès 1993, à la signature d’un accord-cadre sur la valorisation des véhicules qui implique non seulement les constructeurs, mais aussi les chimistes, les équipementiers, les fabricants de matériaux, les démolisseurs et les broyeurs.
Il faut, en effet, prendre en compte le démontage des véhicules hors d’usage, la création de nouveaux débouchés pour les matériaux de l’automobile et la conception de voitures plus recyclables.
L’accord a porté sur la valorisation de 85 % des véhicules (90 % pour les nouveaux véhicules).
3. Le recyclage sera d’autant plus efficace qu’il s’inscrira dans une démarche relevant de l’économie circulaire
Globalement, il va falloir adopter une approche reposant sur l’écoconception, l’analyse du cycle de vie et l’économie circulaire, dont recyclage et substitution sont des piliers
Un exemple montre les enjeux de ce changement d’approche : le recyclage des téléphones portables est techniquement réalisable, mais est rendu compliqué par l’utilisation de colle et de résines dans leur fabrication qui rendent beaucoup plus complexe leur retraitement.
Une autre manière de concevoir ce type de produit est possible, en réfléchissant dès le départ à la manière dont il sera recyclé. Mais cela pose la question de l’intérêt des industriels pour ce genre de pratique. Les industriels sont-ils prêts à raisonner en termes d’approche globale, d’écoconception, d’analyse de cycle de vie, de puits à la roue ? Le débat mérite d’être lancé.
Il faudrait changer de paradigme et avoir une approche plus circulaire, plus globale, allant de la prospection au recyclage via l’écoconception.
Pour M. Benoît de Guillebon, directeur de l’APESA, « le problème des métaux est à multiples facettes : des ressources finies, un coût énergétique croissant, des aspects géopolitiques… Cela montre la nécessité d’une réflexion globale sur notre système, en termes d’économie circulaire, de circuits courts. Il faut une réflexion systémique et ne pas se précipiter sur des solutions technologiques ‘miracles’ ».
« Il y a aussi des limites au recyclage. Tant qu’il y a une augmentation forte de la consommation (plus de 3 % par an depuis cinquante ans), le recyclage a une efficacité marginale. N’est-on pas souvent en train de ‘panser une plaie’, alors qu’il faut raisonner en termes de diminution de la consommation et pas seulement de recyclage ? Il faut raisonner en termes de sobriété, d’écoconception, de réduction de la consommation ».
Ces questions sont étudiées par l’APESA, centre technologique en environnement et maîtrise des risques, qui s’intéresse à l’écoconception et à la manière d’intégrer les enjeux environnementaux dans la vie de l’entreprise.
4. L’exemple du Japon est la preuve de l’intérêt d’une démarche pragmatique mais volontariste
Seize usines pratiquent le recyclage des métaux au Japon. Elles sont notamment opérées par Hitachi, Mitsubishi, Sony et Sharp, qui ont des installations semblables.
a. Une approche pragmatique reposant sur un partenariat entre l’industrie et les pouvoirs publics
Au Japon, le recyclage se développe en utilisant la recherche et le développement de technologies adaptées pour réutiliser les matériaux critiques utilisés dans les processus industriels ou contenus dans des produits usagers. Sont notamment concernés le néodyme et le dysprosium des aimants de haute performance (utilisés dans les véhicules hybrides).
Le Japon recycle, malgré les incertitudes sur la faisabilité et l’intérêt économique du recyclage. Le recyclage y est encore souvent en phase préindustrielle, mais débute au niveau industriel, dans un contexte où ses promoteurs ont conscience qu’il ne résoudra pas tous les besoins (qui augmenteront considérablement si l’on poursuit les tendances actuelles). Il repose sur plusieurs opérations : démontage, traitement des métaux de base, démagnétisation, séparation des aimants, récupération des aimants.
Le Japon se focalise sur le recyclage économiquement viable, ce qui a déjà conduit à fabriquer des équipements qui peuvent être commercialisés. Il a une attitude pragmatique : il est prêt à abandonner des techniques trop chères, et à les reprendre si la conjoncture évolue plus favorablement. Il tient compte des retours d’expérience des industriels qui déclarent qu’ils n’ont pas de visibilité quant au marché des machines utilisées pour le recyclage du fait de la chute des prix des matières premières.
Des recherches sont menées sur le recyclage du tantale, du néodyme, du dysprosium et du praséodyme.
L’université de Toroku cherche à récupérer des métaux rares dans les produits qui ont été jetés, dans le cadre d’une coopération avec la direction régionale du METI pour trouver des applications industrielles.
Le potentiel de la mine urbaine est pris en compte mais son utilisation dépendra de l’avancée des recherches sur le recyclage et du contexte économique. Des incitations à la collecte ont été tentées. Le METI avait ainsi, il y a quelques années, mis en place des éco-points qui donnaient des avantages aux consommateurs, ce qui a augmenté de manière importante le nombre de téléviseurs à traiter lors du passage de la télévision analogique à la télévision numérique.
De nouvelles possibilités sont étudiées dans une optique de long terme : c’est le cas pour les boues marines et les ressources marines profondes. Mais les industriels se heurtent à l’insuffisance des technologies disponibles, et à la faiblesse actuelle des cours.
Le NEDO joue, dans l’ensemble du processus, un rôle particulier. Il a notamment conçu un projet de récupération des terres rares, de l’aluminium et du cuivre dans les véhicules hybrides, en démagnétisant les éléments utilisés dans ces moteurs et en démontant le moteur par vibration, ce qui permet de récupérer du néodyme. Ce projet repose sur la collecte des moteurs qui sont emportés chez les fabricants d’aimants ou d’alliages pour qu’ils récupèrent les éléments souhaités. On arrive ainsi à récupérer plus de 95 % des produits qui sont recherchés.
Une structure de réflexion a été créée pour cibler les métaux à recycler – le néodyme, le dysprosium, le tantale, le cobalt, le tungstène – en tenant compte du risque d’approvisionnement, de la quantité de déchets contenant ces éléments et de la technologie disponible pour le recyclage.
À la suite de la loi sur le recyclage des produits électroménagers de 2001, Hitachi a créé la société Tokyo Eco Recycle afin de recycler les ordinateurs personnels et les climatiseurs et, ainsi, de récupérer les terres rares qui y sont contenues.
Cette société, qui récupère ainsi les aimants contenus dans les disques durs des ordinateurs, a développé une méthode qui lui est propre pour récupérer du néodyme et du dysprosium à partir de ces aimants. Grâce à ses cent employés, elle traite 4 000 produits par jour. Hitachi est ainsi le seul groupe qui récupère les aimants des disques durs dans trois usines au Japon.
Sa rentabilité économique est assurée actuellement sur l’ensemble des produits retraités, mais pas uniquement pour les terres rares.
Sa technique est la suivante : lors du recyclage, les produits usagés sont démontés pour en séparer les aimants, après avoir enlevé leur revêtement de surface. Les terres rares sont de cette manière récupérées. Le revêtement de surface étant généralement en nickel, l’usine procède au grenaillage de la surface. Elle traite ainsi vingt aimants à la fois pour en enlever le revêtement, ce qui représente un poids de 20 kg d’aimants par jour. Puis elle extrait les terres rares des aimants, en les mettant dans un bain de magnésium en fusion. Seules les terres rares fondent dans le magnésium. Le fer et le bore, qui sont dans les aimants, restent à l’état solide. On sépare alors le magnésium et les terres rares en les chauffant pour faire évaporer le magnésium.
Les terres rares récupérées contiennent du néodyme et du dysprosium. Le néodyme est récupéré en quasi-totalité, contrairement au dysprosium que l’on récupère mieux si l’on ajoute du calcium. Ce procédé, qui nécessite une température de 1 000 degrés, dure six heures.
Lors de la séparation, 98,3 % du magnésium et 61 % des terres rares sont récupérés.
Cette usine en est à l’étape préindustrielle. Dans la phase industrielle, elle traitera 40 kg d’aimants par jour. Le procédé par évaporation de magnésium est unique. Les autres étapes sont communes à plusieurs sociétés.
Les conditions économiques de ces activités sont toutefois fluctuantes : la commercialisation dépendra de l’évolution des cours. Quand ce procédé a été envisagé, c’était possible, ce qui n’est plus le cas maintenant. Il n’y a pas, jusqu’à présent, d’obligation de recyclage de ces produits, qui pourrait donc être instaurée.
Greencycle Systems Corporation, filiale de Mitsubishi Electric spécialisée dans le recyclage, traite les quatre catégories de produits visés par la loi sur le recyclage : les téléviseurs, les climatiseurs, les réfrigérateurs et les machines à laver.
Elle achète des produits à recycler qui sont déjà démontés. Son objectif est de récupérer les matériaux pour les valoriser, c’est-à-dire pour les transformer en produits utilisables). Ses trois cibles concernent les plastiques, les compresseurs venant des climatiseurs et des réfrigérateurs et les échangeurs de chaleur venant des climatiseurs pour le métal.
Une partie des compresseurs contient des éléments comprenant des terres rares. Ils ne représentent qu’une petite quantité des produits recyclés, mais cette quantité va augmenter dans les années qui viennent. Sont ainsi récupérés par compresseur 70 g de métal, 25 g de néodyme et 5 g de dysprosium, après que le rotor a été séparé et démagnétisé. Cette séparation se fait par gravitation, par électrostatique, par rayon X.
Les granulés de plastique obtenus à l’issue du recyclage sont purs.
B. LA SUBSTITUTION RESTE ENCORE BALBUTIANTE
C’est l’objet de nombreuses études.
Leur résultat est parfois surprenant. C’est ainsi que certains prévoyaient une pénurie du dysprosium en cas de développement important des grandes éoliennes (une éolienne nécessitait, jusqu’à présent, 600 kg de dysprosium par Mégawatt/heure d’énergie).
Les projets ambitieux de développement d’éoliennes se heurtaient à l’insuffisance quantitative de cette terre rare qui, contrairement à beaucoup d’autres, est véritablement rare.
Or Siemens vient d’annoncer avoir trouvé une nouvelle technologie de conception des éoliennes qui ne nécessitera plus de dysprosium. Si cette technologie se répand, le marché de ce produit va en être transformé.
1. Son intérêt n’est pas contesté, mais elle peut se heurter à des obstacles
L’écoconception et la recherche de produits de substitution se posent en termes identiques pour les terres rares comme pour les matériaux stratégiques et critiques.
La substitution est réalisable techniquement dans plusieurs cas. Mais les produits substitués ont-ils la même utilité ? Quel est le coût de cette substitution ?
M. Laurent Forti, IFPEN, pose le problème : « substituer ces matériaux critiques ou stratégiques ou ces terres rares par d’autres matières, mais qui sont moins performantes, est un enjeu ».
Pour M. Guillaume Pitron, journaliste, membre de Global Links, il existe certains substituts aux terres rares, et notamment au cérium, utilisé pour les écrans. On peut aussi utiliser moins de néodyme dans les alliages néodyme fer bore.
Renault a choisi pour ses voitures électriques un moteur asynchrone à rotor bobiné qui utilise beaucoup de cuivre mais pas de terres rares, ce qui élimine le risque d’approvisionnement. On notera que le record de vitesse de l’automotrice à grande vitesse (AGV) d’Alstom tient à la possibilité de mettre les moteurs directement sur les bogies grâce à la réduction de taille due aux aimants permanents.
La substitution n’a cependant d’intérêt que si elle permet d’obtenir des produits de qualité suffisante et que si elle est possible technologiquement ; Elle est donc très étroitement liée à la recherche, à son financement, et à la capacité de mener cet effort de recherche dans la durée.
Il y a souvent une grande différence entre les projets et la réalité, comme le remarque M. Étienne Bouyer, chef de laboratoire, CEA Tech Grenoble, programme nouvelles technologies de l’énergie : « Lors de la conception des objets, des composants, des matériaux, on peut s’attaquer au problème à la racine, c’est-à-dire en essayant de substituer ou de remplacer complètement les métaux critiques dont on a besoin. C’est « l’approche rêvée », sur le papier. Dans la réalité, c’est un peu plus compliqué, sachant que les métaux critiques que l’on cherche à substituer sont souvent utilisés parce qu’ils ont des propriétés intrinsèques qui sont vraiment dues à leur structure intime ».
Trouver des substituts relève donc d’un effort dans la durée, d’autant qu’« il faut gagner aussi en maturité pour qu’ils puissent pénétrer le domaine industriel ».
Certaines substitutions relèvent par ailleurs de la théorie plus que de la réalité. M. Christian Hocquard en donne un exemple : « Quand on veut substituer du platine d’une pile à combustible Proton Exchange Membrane destinée aux véhicules, on ne peut absolument pas vouloir substituer par une pile haute température de type soft, dont la température ne convient pas au fonctionnement d’un véhicule, et qui en plus contiendra de l’yttrium voire du scandium ».
Parfois, la substitution est trop complexe. Une étude réalisée à l’université de Yale permet de s’en rendre compte. Le professeur Thomas Graedel y analyse les principaux usages de chaque élément du tableau périodique de Mendeleïev, ce qui lui permet d’attribuer une note sur le potentiel de substituer tel métal dans tel usage. Pour M. Patrice Christmann, BRGM, « c’est tout à fait remarquable et cela montre clairement qu’il y a des limites vu le nombre de paramètres à prendre en compte ».
Si l’on prend l’exemple du lithium dans les batteries, il faut notamment tenir compte du nombre de cycles de charge et de décharge, des questions de sécurité, de la compacité et de la quantité d’énergie que l’on peut stocker dans un décimètre cube de batterie, et ainsi de suite. Ce qui pouvait paraître simple devient, en fait, très compliqué, du fait du nombre de critères à prendre en compte si l’on cherche à obtenir un produit ayant des qualités similaires.
Pour M. Benoît de Guillebon, APESA, plutôt que d’utiliser de l’indium dans les panneaux photovoltaïques alors que ses réserves seront épuisées dans dix ans, « ne vaudrait-il pas mieux utiliser des technologies plus ‘low tech’, mais qui sont plus robustes et nous rendent moins dépendants ? ».
2. La substitution peut reposer sur trois stratégies différentes
À travers l’exemple des piles à combustible, M. Étienne Bouyer, explique les trois stratégies de substitution qui peuvent-être développées pour éviter d’utiliser trop de platine qui sert de catalyseur :
Une substitution partielle, qui est « le degré zéro de la substitution » et consiste à diminuer la teneur du platine dans la pile à combustible. Plusieurs stratégies peuvent être utilisées à cette fin : « on peut mettre le platine non plus sous forme de nanoparticules, mais sous forme de nanotubes. On peut également faire ce que l’on appelle des ‘cœurs-coquilles’, pour minimiser la teneur en platine et essayer d’exalter le rapport surface/volume, ce que l’on cherche dans le cadre des catalyseurs. On peut également développer des alliages où l’on va retirer un peu de platine et compenser par d’autres métaux moins nobles et plus disponibles ».
Le remplacement total, qui constitue une stratégie de rupture : « On s’appuie là sur des approches qui peuvent être originales, comme la chimie bio-inspirée. On regarde ce qu’il se passe dans le vivant. Typiquement, il y a des hydrogénases, enzymes qui peuvent décomposer de l’hydrogène et aussi le recombiner. Charge à nous, à nos chimistes, à nos biologistes, qui n’ont pas forcément l’habitude de travailler ensemble, de créer de nouveaux composants ».
La substitution non pas matière par matière, substance par substance, mais substance par système. « J’ai parlé de la pile à combustible basse température, qui a besoin de platine pour fonctionner. On peut, et c’est ce que l’on fait aussi, développer des piles dites ‘à haute température’, qui fonctionnent à haute température et n’ont plus besoin de catalyseur ».
3. L’expérience japonaise mérite d’être étudiée
a. Le NIMS estime que la substitution peut pallier l’insuffisance du recyclage et l’indisponibilité prochaine de certains produits critiques
Un tableau, établi par le National Institute for Materials Science à partir de la table périodique de Mendeleïev, permet d’illustrer cette thèse.
Quatre chiffres sont associés à chaque élément : le nombre d’années de réserves, à partir de la consommation annuelle actuelle ; le nombre de tonnes de matières que nécessite la production d’un kilo de métal ; la part atteinte par le principal pays de production en pourcentage ; l’accroissement de la production sur dix ans, de 1999 à 2009
On y voit, par exemple, que les réserves de cuivre représentent trente-six années de la consommation actuelle et, pour le zinc, seulement vingt-deux. On y voit aussi le poids important, dans la production mondiale, de la Chine (CN dans le tableau, en troisième ligne des cases).
Ces réflexions du NIMS rejoignent les prévisions de M. Leroy présentées précédemment.
b. Le NEDO et le METI ont développé un programme ambitieux de substitution
La crise a obligé à faire preuve d’imagination et pas seulement à rechercher ce qui est le plus profitable.
Dès 2007, la New Energy and Industrial Technology Development Organization (NEDO) a élaboré un programme de développement de produits de substitution aux métaux rares, qui allait jusqu’à 2015.
La crise de 2010 a accéléré ses travaux, qui ont pu bénéficier de 420 millions de dollars pour réduire l’utilisation de métaux rares et développer des produits de substitution,
Parallèlement, 25 millions ont permis, en 2015, le financement du développement des technologies magnétiques pour les moteurs à haute efficacité ; 4 millions de dollars ont été attribués, en 2015, au développement de matériaux de substitution et aux technologies permettant de réduire le degré d’utilisation des ressources.
Ces projets, mis en œuvre par le NEDO sous la direction du Ministry of Economy, Trade and Industry (METI), débouchent sur la recherche de substituts aux matériaux critiques importants pour l’industrie. Cela concerne ainsi l’électronique, l’automobile, les instruments industriels :
- l’indium (utilisé dans les électrodes transparentes des télévisions à écrans plats) ;
- le dysprosium (utilisé dans les aimants de divers moteurs) ;
- le tungstène (utilisé dans les outils de carbone cimenté) ;
- le platine (pour les catalyseurs des gaz d’échappement) ;
- le cérium (polissage de précision du verre pour les LCD (écrans à cristaux liquides) ;
- le terbium et l’europium (pour les matériaux fluorescents).
À titre d’exemple, la recherche porte sur l’élaboration d’aimants comprenant du néodyme mais pas de dysprosium.
Mais, pour l’instant, si la recherche a permis le développement d’aimants à néodyme dès 1983, on n’a pas encore trouvé de matériau de substitution au sens authentique du terme.
En France, un premier constat conduit à des conclusions sévères.
1. Des formations existent, mais leur avenir n’est pas assuré
a. Le potentiel existant repose sur quelques équipes dynamiques
Des formations de qualité sont dispensées en France dans le domaine des géosciences, et plus particulièrement des ressources minérales, tant dans les écoles d’ingénieurs qu’à l’université.
Les écoles d’ingénieurs sont bien identifiées : l’école de géologie, l’École des mines de Nancy, l’Institut LaSalle à Beauvais, l’École des mines d’Alès et l’École des mines de Paris, qui forment trente à quarante ingénieurs par an dans le domaine des ressources.
Les universités les plus impliquées dans la formation de géologues, dans le cadre de masters, sont celles de Nancy, d’Orléans et de Toulouse.
À Nancy, la spécialisation est poussée sur les ressources. L’université d’Orléans propose un parcours délocalisé en collaboration avec l’UQAM, au Québec. À Toulouse, l’enseignement est plus généraliste et porte, notamment, sur les matériaux à finalité industrielle.
À Orléans, l’université, qui a toujours formé des géologues en ressources minérales et travaille en symbiose avec le BRGM, notamment à travers de l’ENAG (École nationale d’application des géosciences), a décidé, en 2001, de changer d’échelle et mis sur pieds une formation internationale entre Orléans et le Québec, en créant le master 2 EGERM (Exploration et géomatique des ressources minérales).
Ce master forme des géologues de mines et de carrières, en élargissant leurs compétences afin d’accroître leurs possibilités d’embauche. Ses étudiants maîtrisent notamment la géomatique, c’est-à-dire l’informatique appliquée aux géosciences : modélisation 3D, spatialisation des données, géostatistiques, autant d’outils indispensables dans la mine d’aujourd’hui.
D’autres universités à Rennes, Grenoble et Montpellier s’intéressent à un renouvellement de la formation dans le domaine des ressources et proposent surtout des masters généralistes.
Une phrase de M. Michel Cathelineau, université de Lorraine, UMR géo-ressources, directeur de recherche CNRS, directeur scientifique du CREGU et Labex Ressources 21, résume bien la situation : « Le potentiel de formation est donc réel et peut-être suffisant, à condition toutefois qu’il puisse être maintenu ».
Par comparaison, au niveau de l’Union européenne, il y a quelques instituts vraiment spécialisés sur les mines, notamment en Autriche à l’université de Leoben, en Laponie suédoise à Lulea, en Allemagne à Freiberg et Aix-la-Chapelle, dans les écoles d’ingénieurs et à la Fraunhoffer.
b. Il n’est pas certain que ce potentiel de formation puisse être maintenu car les débouchés sont aléatoires.
La situation de l’emploi ne va pas inciter les étudiants à se tourner vers ces formations.
La baisse actuelle du cours des matières premières, comme la délocalisation ou la disparition de la métallurgie en France, ont des répercussions graves sur l’emploi pour les générations qui sont diplômées depuis quatre ans.
Paradoxalement, des postes viennent d’être créés en 2015 au moment où la situation de l’emploi est tendue, alors qu’ils manquaient au moment où les industriels exprimaient de besoins importants, comme dans les années 2005-2008. C’est le cas à Grenoble et à Montpellier dans le domaine de la métallogénie.
Le paradoxe n’est peut-être qu’apparent. La formation s’étend sur plusieurs années. Les prix continueront d’évoluer, dans un contexte général de tension sur les ressources minières. Les entreprises françaises et européennes développeront des activités minières, indépendamment de la présence ou de l’absence de mines sur le continent européen.
Il faut néanmoins veiller à ne pas détruire l’outil existant. La géologie en est un exemple frappant. Elle pourrait pâtir au niveau universitaire de cette évolution de l’emploi.
Aussi est-il important de la soutenir, car les délais de formation sont longs.
C’est un message fort de M. Michel Cathelineau, université de Lorraine, CNRS, qui souligne que « les géosciences représentent 5 % à 10 % du volume des étudiants et des professeurs dans les universités. Il s’agit donc de petites masses, qui ont du mal à se faire entendre et dispensent par ailleurs un enseignement relativement coûteux en termes de matériel nécessaire. Les dossiers sont donc certainement plus délicats à plaider auprès des présidents d’université qu’ils ne le sont dans d’autres disciplines. Les géologues sont ainsi, de ce point de vue, quelque peu fragiles ».
Des débouchés existent néanmoins, quand les formations sont bien conçues, comme le montre l’exemple du master EGERM de l’université d’Orléans :
M. Eric Marcoux, professeur à l’université d’Orléans, estime que ce master n’est pas « la seule formation en ressources minérales en France à former des géologues. Nous avons toutefois la faiblesse de penser que le parcours que nous proposons est particulièrement bien adapté aux demandes de l’industrie minérale aujourd’hui, mines et carrières confondues ».
Il en veut pour preuve la part des étudiants qui trouvent un travail à l’issue du master : 94 % entre 2002, date de sortie de la première promotion, et 2009, dont environ 20 % d’étudiants qui retournaient au Québec pour participer aux travaux dans des compagnies minières. Puis, après une période difficile de 2010 à 2014, un retour à 81 % d’embauchés.
49 % de ces étudiants travaillent dans des sociétés minières (dont 12 % chez Areva, 7 % à la SLN (filiale d’Eramet), 2 % à Variscan Mines, 15 % dans les minéraux industriels de construction (dont 8 % chez Imerys, 5 % chez Cemex, 2 % chez Lafarge, 2 % chez Eurovia), 8 % à des postes de géologues géotechniciens environnementalistes. 12 % environ des étudiants poursuivent leur formation en doctorat.
M. Eric Marcoux termine sa démonstration en lançant un message à l’attention des compagnies minières : « un vivier de compétences en géologie existe bel et bien dans notre pays ; nos étudiants sont prêts à devenir cadres dans leurs entreprises ».
Le soutien des pouvoirs publics est nécessaire pour traverser cette période difficile
Les débouchés peuvent en effet évoluer dans le temps. Comme le souligne M. Jack Testard, président de Variscan Mines, « ce n’est pas, lorsque le cours des matières premières aura remonté, qu’il faudra se mettre à former pendant cinq ans des gens qui seront opérationnels précisément au moment où les cours seront peut-être repartis à la baisse. Il faut agir maintenant, faute de quoi nous serons toujours à contre temps. Or ceci nécessite un soutien de la collectivité ».
M. Olivier Vidal partage la même préoccupation : « Le maintien des compétences est très difficile pour un chercheur académique, en l’absence des fonds nécessaires lui permettant de mener ses travaux et notamment de publier. Lorsqu’une compétence est perdue, il est très long de ‘réamorcer le pompe’. Il faut notamment embaucher de nouvelles personnes, ce qui n’est pas simple. Le manque de stabilité permet difficilement de maintenir les compétences ».
c. Plusieurs formations ont disparu ou sont menacées, ce qui risque d’entraîner une perte de certains savoir-faire
Mme Anne de Guibert, SAFT, remarque qu’« il n’y a plus de grande école de métallurgie. Les Mines ne font plus de métallurgie ». Mais comme les terres rares sont d’une métallurgie particulière – il s’agit de métal en poudre –, il faut disposer d’un minimum de connaissances métallurgiques.
Pour M. Guillaume Pitron, journaliste, membre de Global Links, « il y a un déficit de formation. Les chercheurs sont partis. Qu’en est-il pour les aimants, les ordinateurs, la recherche et développement, l’aval de la filière ? Ne faudra-t-il pas une génération pour reconstituer une filière (les Chinois ont mis trente ans pour créer une filière) ? ».
2. Certains types de formation pourtant nécessaires n’existent pas
a. C’est le cas pour les terres rares.
Pour M. Michel Latroche, CNRS, « il n’y a pas actuellement de formation spécifique sur les terres rares. Elle a lieu dans le cadre de la formation générale sur la chimie des solides. Il y a par contre déjà un grand nombre de formations sur le volet matériaux ».
« S’il n’y a pas forcément besoin de mastère en terres rares, il faudrait des modules traitant spécifiquement des terres rares dans les formations de chimie des solides ».
« Par ailleurs, il n’y a pas suffisamment de gens formés dans le domaine de la métallurgie et sur les formulations d’alliages, spécifiquement en terres rares ».
Parfois, la formation doit être faite sur le tas du fait de la difficulté de recruter des étudiants correctement formés.
b. Certaines formations, comme l’enseignement de la toxicologie ou du génie minier, sont insuffisamment développées
La toxicologie est peu enseignée dans notre pays.
Pour M. Roland Masse, toxicologue, « elle l’est seulement dans les UFR de pharmacie, dans les écoles vétérinaires, dans quelques facultés des sciences. Elle fait l’objet d’un enseignement spécifique au CNAM, mais ne participe pas à l’enseignement de base des étudiants en médecine. Il n’existe en outre, qu’un seul master de recherche en toxicologie environnement santé, celui des universités Diderot, Descartes et Créteil, qui rassemble des équipes extrêmement performantes, de très haute qualité ».
M. Laurent Corbier, directeur des affaires publiques du groupe Eramet, aborde cette question sous un angle original, en partant des besoins des entreprises confrontées aux exigences du programme REACH. Comme elles ont l’obligation d’avoir des connaissances en toxicologie, « il s’est produit un déport de cette discipline vers des associations propres à un métal (les ‘Commodity Associations’), qui se sont constituées en consortium pour les besoins de REACH et ont ainsi conservé et développé des compétences en toxicologie ».
Les besoins sont réels, d’autant plus que la Corée est en train d’établir des réglementations semblables. Il est souhaitable, par ailleurs, de bénéficier de l’apport des toxicologues « sur les valeurs limites d’exposition, pour lesquelles il convient d’envisager des scénarios ».
Or des débouchés existent au-delà des emplois existants
M. Roland Masse fait part de son expérience : « Le dernier bilan global, que j’avais réalisé voici une dizaine d’années, montre que sur cinq cent-cinquante toxicologues répertoriés en France, trois cent-cinquante travaillaient dans le privé, essentiellement dans le secteur du médicament, et deux cents dans les organismes de recherche et d’enseignement supérieur ».
« Il existe toutefois un potentiel beaucoup plus important, en faisant appel, d’une part, aux centres de référence qui existent, constitués par les agences comme l’InVS, l’INRS, l’INERIS et l’IRSN, qui disposent d’un rôle d’expertise mais aussi de formation par la recherche et, d’autre part, aux unités n’étant pas nécessairement identifiées comme centres de toxicologie (hormis pour une dizaine d’entre elles, localisées à l’Inserm, au CNRS, au CEA, à l’INRA ou à l’université) mais qui, par la spécificité qu’elles ont acquise dans les connaissances des mécanismes moléculaires, cellulaires, au niveau du génome, du transcriptome ou de l’influence de l’environnement sur le fonctionnement du génome, disposent de compétences qui peuvent être recrutées et que l’on voit apparaître, de temps en temps, dans le cadre de réponses à des appels d’offres spécifiques, sur les perturbateurs endocriniens par exemple ».
Le génie minier est dans une situation proche.
Pour M. Yann Gunzburger, maître de conférence, université de Lorraine, chaire Mines et Sociétés, « le génie minier, contrairement à la géologie, est malheureusement très peu enseigné à l’université. Or cette discipline est pourtant tout à fait nécessaire. Une fois que les cibles minérales auront été identifiées, il faudra bien, en effet, être en mesure de les exploiter ».
M. Thierry Meilland-Rey, directeur carrières cimentières, Vicat-DGD Satma, confirme ce diagnostic : « Le génie minier n’est effectivement pas très représenté en France aujourd’hui. Quasiment aucune école ne forme au génie minier. Il ne reste en France que cinq ou six professeurs de haut niveau dans le domaine de l’exploitation ».
« Voici sept ou huit ans, nous avions dénombré huit projets d’enseignement du génie minier en France, parfois directement liés à des projets d’exploitation ou de grands ouvrages. Sachant qu’il faut en moyenne une quarantaine d’ingénieurs des mines annuellement pour pourvoir les postes dans les mines, les carrières ou les terrassements, je vous laisse imaginer l’effectif moyen de chacune de ces huit écoles. S’ajoutent à cela les crédits et les enseignants nécessaires à la formation. Il en résulte des situations quasiment impossibles à gérer ».
La création de la chaire Mines et Sociétés, décrite ci-dessous, est l’une des réponses à cette situation.
B. UNE NOUVELLE IMPULSION DOIT ETRE DONNEE
1. La formation d’opérateurs et de techniciens est une préoccupation qui doit devenir prioritaire, et s’étendre à l’Outre-mer
a. La formation des opérateurs et des techniciens est soit inexistante, soit insuffisante.
On ne peut que constater « un réel déficit de formation et de technicité ». C’est le constat qu’a dressé la société savante de l’industrie minérale, en 2000, à partir des réflexions des administrations concernées, des professionnels de l’exploitation, de géologues et de bureaux d’études.
Pour M. Thierry Meilland-Rey, Vicat-DGD Satma, « cette situation affecte les exploitants, le secteur de la prospection, les bureaux d’études, mais aussi l’administration centrale et locale. Le malaise touche l’ensemble des strates de l’exploitation, depuis l’exploration jusqu’à la gestion proprement dite. Ceci concerne notamment les techniciens et opérateurs. Or sans opérateur, la mine n’existe pas ».
La formation à la prospection ne se fait, en France, que dans deux écoles de géologie, à Nancy et à Montalieu près de Lyon, et concerne une quarantaine d’étudiants prospecteurs par an. Quant aux formations d’exploitants, il n’y a plus d’école d’exploitation en France. Il reste « quelques balbutiements à l’École des mines d’Alès, avec les formations diplômantes par alternance BADGE ».
Or les besoins existent : « Que serait-on sans les opérateurs ? Qui creusera les ouvrages du Grand Paris ou sous les Alpes, autant de travaux présentant de grandes similitudes avec ceux à l’œuvre dans les mines ? Qui exploitera les mines issues des projets à l’étude dans l’ouest et le sud de la France, s’il n’existe plus d’école formant opérateurs et techniciens ? ».
Une licence vient ainsi d’être créée à l’INSA de Lyon, par l’Association française des tunnels et de l’espace souterrain (AFTES). Une école de formation d’opérateurs et de maîtrise est mise en place par l’ANDRA et la Région Est, sur le puits de Bur. L’entreprise Vicat, qui ne trouve plus d’école pour former ses personnels, a un projet similaire sur sa mine de l’Hérault. Des écoles et des bureaux spécialisés élaborent des formations en interne.
b. Les formations bac+2 ne sont pas totalement adaptées
Il faudrait leur donner plus de flexibilité.
C’est la suggestion de M. Jean-Marc Montel, directeur de l’École nationale supérieure de géologie, qui indiquait récemment que certains problèmes étaient spécifiquement liés au système académique français. Des formations bac+2 sont particulièrement difficiles à mettre en place et à faire évoluer, car les deux niveaux de formation – BTS et IUT – sont régis par des procédures nationales dont la réactivité est très faible, au contraire des formations de type bac+5. Il faudrait donc que ces parcours gagnent en souplesse.
La relance de ce type de formation serait plus facile si les perspectives d’emploi de jeunes de niveau IUT ou BTS étaient plus claires au niveau national, dans un contexte où le risque pour ces jeunes est d’être en concurrence avec des professionnels formés en Russie, en Chine, en Inde ou au Brésil, risque relevé par Mme Anne-Yvonne Le Dain, députée, lors d’une des auditions publiques.
c. L’ouverture en 2020 d’une mine d’or en Guyane confirme l’inadaptation des formations disponibles et l’ampleur des besoins
M. Michel Jebrak, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère, université du Québec à Montréal, a une vision de cette question particulièrement intéressante.
Il constate que si la France forme d’excellents géologues, « le système est un peu moins efficace pour ce qui est des techniciens ». IL en veut pour preuve qu’il n’existe actuellement qu’une seule formation de niveau BTS, au lycée Loritz, en collaboration avec l’École nationale supérieure de géologie de Nancy.
Il rajoute que ce type de formation n’est pas déployée là où on en a besoin, notamment dans les outremers et plus particulièrement en Guyane où se développe le projet Montagne d’or qui est actuellement le projet minier français le plus important. Le manque d’opérateurs et de conducteurs d’engins et de camions y est patent. « Montagne d’or devrait faire travailler plus de trois cents opérateurs, qu’il va falloir former dans les prochaines années. Or il faut savoir qu’il n’existe pas de formation de ce type en Guyane, où personne ne sait, par exemple, faire de l’hydraulique mécanique ».
Il propose d’y créer un centre de formation aux techniques de la mine et des carrières, qui pourrait du reste servir à la réinsertion sociale des jeunes dans l’ouest du territoire guyanais, en travaillant par exemple avec le régiment du service militaire adapté (le RSMA), basé à Saint-Laurent-du-Maroni, sur le modèle de ce qui se fait actuellement en Nouvelle-Calédonie.
Ce serait particulièrement utile dans ce département français où les opérateurs miniers ne sont pas des entreprises de taille mondiale, mais des PME. Ce serait aussi l’occasion de développer sur place des simulateurs d’enseignement minier, à partir des outils de simulation développés chez Dassault ou à l’École nationale supérieure de géologie de Nancy ou à partir des simulateurs de camions et de pelles, conçus chez Acreos, près de Metz
En effet, « la formation des opérateurs d’engins a connu de grands progrès au cours de ces dernières années. On peut utiliser aujourd’hui des simulateurs miniers, à la manière de ce qui existe par exemple dans l’aéronautique. Cela est à la fois efficace et ludique. Le projet Montagne d’or serait une belle occasion pour créer une école de ce type en Guyane, contribuer au retour social de la mine, et utiliser le virtuel pour mieux travailler le réel ».
2. Il faut favoriser des partenariats entre les formateurs, les centres de recherches, les industriels
La création récente de la chaire Mines et Sociétés répond à cet objectif.
Cette chaire résulte d’une initiative commune des Écoles des mines de Nancy, de Paris et d’Alès, de l’École nationale supérieure de géologie de Nancy et du Centre de sociologie de l’innovation de l’École des mines de Paris, afin de répondre à deux enjeux : l’adaptation des formations, dont la flexibilité n’est pas sans limite, et l’intégration des projets miniers dans leurs territoires.
Elle poursuit à cette fin deux objectifs : d’une part, renforcer et fédérer les formations existantes, « du moins ce qu’il en reste », selon M. Yann Gunzburger, qu’il s’agisse de formations initiales, continues ou de formations des formateurs ; d’autre part, développer un corpus méthodologique permettant d’améliorer les modalités de concertation, afin de concevoir des exploitations minières mieux intégrées dans leur territoire.
Dans le cadre de son premier objectif, elle fait de l’ingénierie pédagogique pour le Maroc, le Gabon, la Guinée et le Congo, en s’appuyant sur l’expérience du CESMAT (Centre d’études supérieures des matières premières minérales), qui a été à l’origine d’un vaste réseau avec les pays producteurs, mais dont les dotations ont été brutalement réduites à zéro il y a trois ans.
Dans le cadre de son deuxième objectif, elle s’appuie sur une recherche pluridisciplinaire, basée non seulement sur les techniques minières mais aussi sur les sciences économiques et sociales.
La chaire Mines et Sociétés a contacté, à cette fin, les industriels du secteur et leurs syndicats professionnels, les pouvoirs publics, mais aussi des ONG.
La conclusion que tire M. Gunzburger des retours très positifs de ces contacts peut s’appliquer à l’ensemble de l’appareil français de formation sur les minerais : « le secteur académique des ressources minérales est fragile, mais porteur de nombreux projets et de beaucoup d’enthousiasme, que seul un soutien appuyé des industriels et des pouvoirs publics mettra en capacité de répondre aux besoins stratégiques actuels ».
3. Il est souhaitable de développer des programmes transdisciplinaires,
C’est la réponse à des besoins multiples, allant de la géologie à l’éco-toxicologie, et incluant les sciences sociales.
Pour M. Michel Cathelineau, université de Lorraine, CNRS, « on ne peut pas envisager l’exploitation d’une mine si nous n’avons pas entièrement couvert à la fois les aspects scientifiques et technologiques, mais aussi les aspects économiques et les aspects sociaux. Les programmes doivent impliquer des économistes et des SHS ».
Il faudra veiller à ne pas se limiter aux seuls métiers de la mine
Cette préoccupation conduit, pour M. Patrice Christmann, BRGM, à « parler des métiers des matières premières minérales plutôt que des métiers de la mine, parce qu’il ne faut pas oublier la métallurgie, ni la science des matériaux. Et il faut faire travailler ensemble ces mondes ».
M. Christophe Petit, Eramet, fait, lui aussi, une telle suggestion en se basant sur le cas de Solar Impulse : Parler des métiers des matières premières et de la transformation plutôt que des métiers de la mine permet de prendre en compte les compétences qui ont permis une telle prouesse technologique : « Il a fallu faire de la géo-métallurgie, de l’exploitation minière, de la métallurgie d’élaboration, de transformation, soit une foultitude de métiers. Il a fallu aussi faire appel à des compétences de recherche très différentes ».
III. LA RECHERCHE-DÉVELOPPEMENT DOIT ÊTRE SOUTENUE ET ENCOURAGÉE
Quel est l’état actuel de la recherche ? Les moyens qui y sont consacrés sont-ils suffisants ? Dans quels domaines pourrait-on la stimuler ? Quels partenariats pourrait-on promouvoir, tant en France qu’avec l’étranger ?
A. UN EFFORT MOINS EFFICACE QUE DANS LE PASSÉ, MEME SI L’INTERET DES STRUCTURES DE RECHERCHE RESTE ELEVE
1. L’évolution du nombre de brevets et de publications est révélatrice de l’évolution des rapports de force
De manière générale, l’Europe produisait 50 % des articles scientifiques en métallurgie extractive au début des années 1990 contre, aujourd’hui, moins d’un tiers, la moitié étant désormais produite par la Chine.
M. Gilles Bordier, CEA, cite une étude des dépôts de brevets et des publications dans le domaine de la métallurgie extractive, par pays et dans le temps, qui corrobore « l’intérêt croissant pour la thématique des matières premières associé à une perte de vitesse de l’Europe ».
Les chiffres sont particulièrement frappants.
Dans le domaine de la métallurgie extractive, il y a sept fois plus de publications entre 1980 et 2010, et cinq fois plus de brevets. Mais la part de l’Europe dans les publications scientifiques, dans l’hydrométallurgie en particulier, est passée de 50 % dans les années 1990 à 33 % au milieu des années 2000, pour être aujourd’hui à moins de 25 %. Sur la même période, la part de la Chine a augmenté de 0 % à 33 %.
Entre 1990 et 2010, la part des entreprises européennes dans les dépôts de brevets concernant l’hydrométallurgie est passée de 16 % à 6 % tandis que celle de l’Asie a bondi de 15 % à 66 %.
Il sera difficile de s’opposer à l’augmentation de la part relative de la Chine dans le nombre total de publications et de brevets. Mais il reste possible de prendre des initiatives en France, à l’image de ce que fait le pôle de compétitivité Team 2, dont un des axes est consacré aux métaux stratégiques.
Ce pôle a labellisé seize projets en quatre ans d’existence sur les quarante-neuf projets qui touchent aux métaux depuis dix ans.
2. Une recherche très sélective, menée par plusieurs équipes
Il y a en effet de moins en moins de grands laboratoires de recherche sur les terres rares, ce que déplore M. Paul Caro, qui relève que le laboratoire du CNRS dédié aux terres rares n’existe plus et que la recherche appliquée a disparu sur la séparation des terres rares parce que les technologies sont connues.
Par contre, plusieurs laboratoires du CNRS travaillent sur les terres rares : l’Institut Néel à Grenoble (sur les supraconducteurs à haute température critique, le magnétisme, le stockage de l’hydrogène) ; l’Institut de recherches sur la catalyse et l’environnement IRCELYON, l’Institut de chimie des milieux et des matériaux de Poitiers (IC2MP), l’Unité de catalyse et chimie du solide (UCCS) de Lille. D’autres laboratoires sont également concernés.
Au-delà des terres rares, plusieurs exemples peuvent illustrer la recherche sur les métaux effectuée dans des organismes très divers, relevant soit de l’Université, soit du CNRS – et d’unités mixtes éventuellement –, soit de grands organismes tels que le CEA, notamment sur l’hydrométallurgie.
On peut ainsi citer les travaux de l’Institut de chimie et des matériaux de Paris Est à Thiais dans le domaine des terres rares, ceux de l’université de Lorraine, ceux de l’université d’Orléans (où se trouve le BRGM).
À Thiais, par exemple, les recherches portent sur les batteries, où l’on cherche à remplacer les terres rares stratégiques ; sur les alliages métalliques pour le nucléaire ; sur des composites oxyde-oxyde pour les turbines haute température ; sur les aimants permanents et notamment leurs applications médicales.
Cette liste n’est, bien entendu, pas exhaustive. Elle pourra être utilement complétée lorsque sera terminée la révision en cours de la base de données qui recense l’ensemble des chercheurs travaillant sur le cycle géochimique amont, ce qui inclut la connaissance de la formation des gisements, l’extraction et l’écotoxicologie.
Il reste donc des chercheurs compétents mais ils vieillissent, comme le souligne M. Michel Latroche pour les terres rares.
Parmi ces équipes, il convient de mentionner deux Labex qui font partie du dispositif des investissements d’avenir et ont une quadruple vocation de formation, de recherche, de lien avec l’industrie, et de communication.
Le Labex Voltaire comporte un volet entier sur le thème « Magmas, fluides et métaux ». Le Labex Ressources stratégiques pour le XXIe siècle est, quant à lui, entièrement dédié aux ressources stratégiques, en s’intéressant à l’ensemble du cycle, depuis l’exploration et le traitement des minerais jusqu’à l’impact environnemental et à l’écotoxicologie. Il développe notamment un projet consacré exclusivement aux terres rares et des projets qui concernent le nickel et les éléments associés, ainsi que le tungstène, l’étain, le niobium et le tantale. Ce Labex a créé, en association avec les écoles, deux masters internationaux, dont un Erasmus Mundus.
3. Ces diverses structures mènent souvent des recherches communes.
Le CNRS et le CEA travaillent ensemble sur le prométhium, élément qui n’existe pas dans la nature mais est un résidu de traitement dans les centrales nucléaires. Du fait de sa fluorescence, il a des applications spatiales.
Le CNRS et le CEA travaillent aussi sur les procédés métallurgiques. Leurs travaux sont publiés et ont été scannés par l’ADEME pour le COMES.
L’intensité des coopérations existantes peut être illustrée par le cas du laboratoire de l’Institut de chimie et des matériaux de Paris Est à Thiais, qui travaille notamment avec l’université de Créteil, le Centre hospitalier universitaire Henri Mondor, l’Institut de cancérologie Gustave Roussy, le laboratoire Croissance cellulaire, réparation et régénération tissulaire (CRRET), le CEA, la SAFT et l’ONERA.
4. Cette recherche, qui a permis des avancées significatives, est indispensable vu l’importance des évolutions technologiques.
M. Michel Jebrak présente ainsi les défis que pose à la recherche les progrès des méthodes d’exploration et de production : « On utilise aujourd’hui des techniques beaucoup moins intrusives, plus miniaturisées et efficaces qu’auparavant. On voit poindre par ailleurs des innovations de rupture : on arrive par exemple à faire des forages dix fois plus vite qu’il y a dix ans. On ausculte le sous-sol et l’on dispose d’une simulation des milieux géologiques et environnementaux. On peut effectuer un suivi en temps réel de l’exploration par le biais de capteurs. Les anciennes méthodes de séparation des métaux ont été remplacées par de l’hydrométallurgie, voire par le lessivage in situ, comme le pratique Areva au Kazakhstan pour l’uranium. On passe ainsi progressivement d’une chimie ou d’une pyrométallurgie intensives à de la chimie, voire à des biotechnologies appliquées à la mine, au traitement des minerais et à celui des effluents ».
B. DANS QUELS DOMAINES FAUDRAIT-IL DÉVELOPPER LA RECHERCHE ?
1. Quels sont les besoins en recherche fondamentale sur les terres rares ?
M. Paul Caro, de l’Académie des technologies, estime qu’on ne sait pas s’il y a un besoin de recherche fondamentale sur les terres rares. Il remarque que de grands solitaires ont fait des études fondamentales, notamment en théorie quantique et en mathématique avancée qui rend nécessaire l’utilisation d’ordinateurs très puissants. Il souligne que restent des problèmes pour spécialistes, liés à la séparation de niveau, mais que la situation est différente pour la recherche appliquée qui est active, notamment à Grenoble au laboratoire Louis Néel. Or le magnétisme des terres rares peut exiger des recherches appliquées.
D’autres personnes entendues estiment, par contre, que la recherche fondamentale est toujours nécessaire car la recherche appliquée en dépend étroitement.
2. Plusieurs thèmes de recherche sont prometteurs
Les travaux sur le terbium, l’erbium et l’ytterbium au CNET de Bagneux ont permis de trouver la transformation par les terres rares du signal infrarouge en signal visible.
La recherche de matériaux plus performants est une piste intéressante. Le recyclage des matériaux doit également être étudié. Il en est de même pour la recherche sur les solutions innovantes, les procédés de production innovants, les substituts, la diminution de la quantité de métaux rares dans les matériaux de catalyse, dans les matériaux de batteries, et dans les éoliennes.
De nouvelles préoccupations se font jour sur les métaux critiques, mais l’effort de recherche et de développement reste encore majoritairement focalisé sur les métaux de base tel que le cuivre, le zinc ou le nickel.
En ce qui concerne les technologies développées, l’hydrométallurgie paraît particulièrement intéressante (la recherche porte surtout sur la lixiviation avancée, une forme de dissolution sélective des éléments). Or la pyrométallurgie prime toujours sur l’hydrométallurgie. La France a des atouts certains car le CEA est un pôle d’excellence reconnu en hydrométallurgie.
Aucune recherche ne se fait sur l’antimoine alors qu’il serait intéressant d’étudier son recyclage, comme le suggère M. Christian Thomas, Terra Nova.
3. Il faudrait susciter des recherches en toxicologie.
a. La recherche en toxicologie n’a pas le niveau qui conviendrait
Pour M. Roland Masse, « la toxicologie est faible en France. On ne la considère pas au niveau qu’il faudrait. La toxicologie n’est pas valorisée dans une carrière de chercheur, car les publications ne sont pas faites dans des revues à fort impact. On ne sait plus faire l’intégration complète. Il n’y a pas de financement de LABEX en toxicologie, d’autant plus qu’au niveau européen, la tendance est à la diminution des expérimentations animales (or on fait ces études toxicologiques sur les animaux). Les grands laboratoires de toxicologie, en France, sont ceux liés à la recherche médicale, donc privés : Sanofi, Servier. Les essais toxicologiques sont en majorité sous-traités à l’étranger ».
M. Michel Cathelineau dénonce également les lacunes de connaissances de l’impact éco-toxicologique des terres rares en citant l’exemple du gadolinium, utilisé comme agent de contraste dans les hôpitaux, puis rejeté naturellement dans les rivières, alors qu’on ne connaît pas son impact.
M. Maurice Leroy, professeur émérite à l’École européenne de chimie, polymères et matériaux de Strasbourg, membre associé de l’Académie nationale de pharmacie, déplore la disparition du programme de toxicologie nucléaire et environnementale, partagé notamment entre le CEA, le CNRS, l’INRA et l’INERIS. Ce programme a fonctionné pendant trois ou quatre ans à partir de l’an 2000. « À l’issue de cette période, cette association a disparu, faute de crédits. Entre temps, a été créé au sein du CEA, à Marcoule, un service de biologie et de toxicologie nucléaire, qui a été fermé voici trois ans maintenant, par manque de crédits également ».
« Si certains centres de toxicologie nucléaire et environnementale en France ont fort heureusement été conservés et disposent d’une expertise dans ce domaine (notamment ceux de Pau ou de Strasbourg, qui sont capables de faire de la spéciation, ou à Ifremer qui excelle également dans ce domaine), ils ne sont pas en réseau. Il n’existe aucune volonté d’affirmation de la toxicologie métallique comme étant une discipline extrêmement importante. Tant que ce message ne passera pas, la situation n’évoluera pas ».
« J’appuie donc totalement les propos de M. Roland Masse concernant la nécessité d’un message industriel et politique indiquant que la connaissance de la toxicologie est vraiment essentielle ».
La recherche est, par contre, toujours vivante en Angleterre, en Allemagne, aux Pays-Bas et aux États-Unis.
b. La relance de la recherche en toxicologie reste possible en France
Il existe des organismes capables de mener ces travaux, qu’il s’agisse de l’INERIS pour ce qui concerne la toxicologie environnementale ou de l’INRS pour la pathologie professionnelle. Mais il faudra lutter contre l’éparpillement des recherches et développer des appels d’offre.
L’Académie des sciences propose, quant à elle, de de relancer l’enseignement de toxicologie afin de redévelopper la recherche du côté français, C’est ainsi qu’a été recréé un DEA national de toxicologie regroupant plusieurs universités, des unités de l’INSERM, de l’INRA et les écoles vétérinaires.
Au niveau européen, un consortium de producteurs et utilisateurs européens de terres rares s’est constitué du fait de la réglementation REACH, afin d’alimenter une base de données relative à la toxicité et l’écotoxicité des terres rares.
Ces recherches en toxicologie pourraient utilement intégrer des chimistes. Mais ce sera difficile, car la plupart des chimistes ne travaillent pas sur les matières premières. En sa qualité de président de la Fédération française de chimie, M. Maurice Leroy souligne même que « si la chimie doit, à un moment donné, se rallier à cette notion de matières premières, de ressources, de recyclage, cela demandera un énorme effort. Sans signe extérieur visant à indiquer qu’il s’agit d’un enjeu national d’importance, il ne se passera rien ».
M. Roland Masse propose, pour sa part, de fédérer les équipes de toxicologues « autour d’un programme relatif aux effets à long terme des agents toxiques dans l’environnement, et notamment des métaux. Cela pourrait peut-être se faire sous la forme d’une plateforme entièrement dédiée à la toxicologie environnementale ».
Il suggère plusieurs solutions pour obtenir, avec les techniques nouvelles, des screenings à haut débit permettant d’évaluer la toxicité cellulaire, génétique, les effets du stress oxydant et la neurotoxicité.
« Celles-ci se trouvent réparties dans différentes unités et sont peu accessibles à l’ensemble des chercheurs qui en auraient besoin. L’INERIS pourrait par exemple devenir cet endroit dédié, puisqu’il a vocation à faire de la toxicologie environnementale. Une autre solution consisterait à localiser cet espace au CEA, où il existe une excellente pratique de la gestion des plateformes. Le CEA, par le mécanisme de son financement spécifique, permet en effet l’élaboration de telles structures pérennes, le tout étant de maintenir l’activité sur place, avec des crédits suffisants et la volonté d’en assurer le maintien et la progression, dans la durée et non pas seulement de façon ponctuelle, dans le cadre d’appels d’offres ».
4. Quel type de recherche faut-il conserver en France et en Europe ?
L’expérience de SAFT est intéressante. Cette société, qui possède des entreprises dans plusieurs pays, a fait le choix de faire sa recherche principalement en France et, notamment, selon l’expression de Mme Anne de Guibert, « la vraie recherche, c’est-à-dire non dédiée à une application particulière : tous les fondamentaux des matériaux, des procédés, la connaissance, les équipements analytiques nécessaire ».
Son centre de Bordeaux a une unité de recherche qui emploie cinquante personnes et une unité de développement d’éléments et de batteries, cent-vingt personnes. « Il faut développer, faire des éléments, ce qui suppose d’avoir des mécaniciens, des thermiciens, des électroniciens. À Bordeaux, en développement, une équipe est dédiée à la chimie alcaline et une à la chimie lithium ».
Elle a également un centre de recherche et développement aux États-Unis, dédié aux contrats militaires américains. SAFT est, en effet, le premier fournisseur de piles au lithium et y a plusieurs usines.
C. LES MOYENS CONSACRÉS À LA RECHERCHE SONT-ILS SUFFISANTS ?
1. Les financements au niveau national n’utilisent pas l’ensemble des outils disponibles
Plusieurs financements sont disponibles au plan national, notamment au titre du stockage de l’énergie et du développement durable. Les sujets porteurs portent davantage sur les matériaux pour l’énergie et pour l’environnement que sur les terres rares.
Mais ces financements relèvent davantage de l’ADEME et du programme des investissements d’avenir que de l’ANR.
a. L’ANR n’a pas le rôle dynamisant qu’elle a dans d’autres domaines
Entre 2007 et 2015, l’ANR a apporté des aides budgétaires à moins de quinze projets portant sur les matériaux critiques, pour un montant d’environ huit millions d’euros.
Les travaux ainsi financés ont de fait concerné principalement les terres rares, puisqu’ils ont porté essentiellement :
- sur l’optimisation des terres rares dans les luminophores, l’analyse des flux et stocks, l’extraction des terres rares dans les D3E (les déchets d’équipements électriques et électroniques) ;
- le recyclage des terres rares et leur substitution dans les aimants permanents ;
- le recyclage des terres rares dans les batteries nickel métal hydrure ;
- ou encore la substitution de terres rares à base de cérium pour la catalyse.
Ce constat global est confirmé par M. Michel Cathelineau, qui constate qu’il y a « très peu d’offres nationales du point de vue scientifique au niveau des appels d’offres de l’ANR, sauf exception en 2014. La France n’a soutenu, dans le domaine des ressources minérales qu’une seule année des projets européens ERA-MIN. Or il est absolument nécessaire – parce que cette compétence existe encore – de la maintenir et de la renforcer par des programmes de recherche ».
M. Michel Latroche, CNRS, remarque qu’« un programme de recherche a été récemment financé par l’ANR sur les batteries Ni-MH avec pour objectif de diminuer la quantité de terres rares dans les batteries ou de les remplacer par des terres rares moins critiques ». Mais c’est une exception : « Il n’y a pratiquement jamais eu d’appel d’offres de l’Agence nationale de la recherche sur les matières premières minérales ».
M. Dominique Guyonnet, du BRGM, indique que l’ANR justifie cette situation par l’absence de demandes venant de l’industrie sur ces thématiques. M. Olivier Vidal met en avant trois raisons : le faible taux de succès des projets présentés à l’ANR (de l’ordre de 10 %) ; la petite taille de la communauté des chercheurs dans le domaine des géosciences ; la nécessité d’avoir, la plupart du temps, un partenaire industriel.
Il découle de ces témoignages que le financement de la recherche sur les matières premières n’est pas satisfaisant. Les appels d’offre de l’ANR devraient être étendus aux matières premières. Une coopération doit être organisée ente les centres de recherche publics et les entreprises industrielles. La recherche française doit être davantage financée sur fonds publics, si l’on veut ne pas être désavantagé par rapport à la Chine.
M. Olivier Vidal suggère, pour sa part, que l’ANR mette en place un guichet unique pour les matériaux et les ressources au sens large, au-delà même des matières premières minérales, ou un sous-programme ayant clairement cet intitulé et au sein duquel des communautés très variées – physiciens, chimistes, juristes, etc. – pourraient se retrouver. « On s’apercevrait alors que la masse critique des gens travaillant sur ces sujets en France est forte et qu’il y existe une capacité de recherche, fondamentale et appliquée, importante. Tous les organismes pourraient s’y retrouver. Malheureusement, une telle structure n’existe pas, malgré l’importance des enjeux ».
b. En revanche, l’apport de l’ADEME est réel
Les financements disponibles, au-delà des dotations des centres de recherche, proviennent souvent d’une intervention de l’ADEME, qui inscrit son action dans la durée.
L’ADEME dispose de plusieurs outils : son budget de recherche et développement ; le programme des investissements d’avenir ; des interventions en fonds propres.
Son budget recherche et développement classique, de trente millions d’euros sur l’ensemble des activités de l’ADEME, permet de financer globalement cinquante thèses chaque année (notamment sur l’efficacité des procédés et les technologies de rupture) et des dispositifs ciblés d’appel à projets en recherche industrielle de moins d’un million d’euros de budget, avec des aides allant de 50 000 euros à 300 000 euros (mais aucun n’a concerné les matières premières critiques)
Il permet aussi de soutenir des projets dans le cadre d’ERA-MIN1. Les dossiers retenus ont porté sur le domaine minier, mais très peu sur le recyclage. Ont ainsi été financés des projets d’extraction dans des résidus miniers ou des eaux minières. Ce projet doit se prolonger avec une structure et un financement différents. Il s’appellera ERA-MIN2 et conduira à des financements de l’ADEME en 2018.
Le programme des investissements d’avenir est d’un volume financier beaucoup plus important puisque le fonds affecté à l’ADEME est de l’ordre de 3,3 milliards d’euros.
Il permet notamment de financer des projets de plus de deux millions d’euros de budget relatifs à l’économie circulaire, au recyclage et à la valorisation des déchets. Les projets concernant les métaux, qui s’inscrivent dans le cadre « Industrie et agriculture éco-efficientes », peuvent dépasser un million d’euros. Les projets ayant une incidence sur les performances énergétiques dans le bâtiment et l’industrie peuvent recevoir une aide d’État suite à une intervention de l’ADEME, plafonnée à 200 000 euros.
Ces deux premiers types d’intervention de l’ADEME concernent les centres de recherche. Son troisième type d’intervention concerne les entreprises (mais celles-ci peuvent faire de la recherche, ce qui peut constituer une aide indirecte).
Les interventions en fonds propres de l’Agence relèvent pour les PME d’un fonds commun de placement à risque doté de 150 millions d’euros, correspondant à des fonds placés entre un et dix millions d’euros en
co-investissement. Ce dispositif est géré par la BPI.
L’ADEME peut aussi intervenir en fonds propres dans les grandes entreprises et les sociétés de taille intermédiaire, sous forme de joint-venture. Cinq investissements ont été aidés jusqu’à présent, dont un (EcoTitanium) dans le domaine des métaux.
Elle intervient enfin dans le cadre de l’expertise des dossiers sur le Fonds unique interministériel. Elle participe aux travaux d’AllEnvi sur le recyclage des métaux critiques, qui visent à donner des priorités et des programmations au niveau de la recherche.
2. Les financements de l’Union européenne sont davantage identifiés, mais ne permettent pas de financer des projets trop orientés sur la recherche
Un financement peut venir des programmes européens qui portent sur les polymères nanostructurés (ITN Nano S3), les hydrures pour le stockage chimique ou électrochimique de l’énergie (ITN Écostore) et les membranes.
Il peut provenir des préappels à projet dans le cadre de l’Horizon 2020, qui comprend le premier programme de recherche de l’Union européenne consacré aux matières premières. Ce programme est doté de six cents millions d’euros sur sept ans. La procédure est toutefois longue : les premiers appels à projet ont été lancés. Les résultats sont actuellement évalués. Puis ils donneront lieu à négociation.
Depuis cinq ans, trente projets ont été ainsi labellisés en Europe sur la substitution des matériaux critiques, pour un montant de cinquante millions d’euros.
L’Union européenne encourage par ailleurs la recherche dans les mines profondes, terrestres ou marines, à condition de savoir quelles en sont les conséquences, et en veillant à l’environnement.
Ces financements européens s’inscrivent parfois dans le cadre d’une action coordonnée. C’est le cas pour le graphène, que M. Étienne Bouyer, CEA, présente comme « le couteau suisse » des matériaux du fait de ses multiples propriétés. Le « Flagship graphene » de la Commission, qui regroupe cent quarante-deux partenaires, dont quinze français et vingt-trois pays, et est doté d’un milliard d’euros, a ainsi pour ambition de couvrir toute la chaîne, depuis le développement du matériau (qui aura un rôle dans les activités de substitution), jusqu’à la production industrielle en cherchant à obtenir l’impact économique le plus important, tout en diminuant la durée entre le travail mené en laboratoire et le passage à l’étape industrielle.
Les financements européens ne sont toutefois pas une panacée : Comme le souligne M. Cathelineau, le programme Horizon 2020 « ne finance plus la recherche, mais uniquement des projets avec des TRL (Technology readiness levels – niveaux de maturité technologique) très élevés. En 2015, aucun projet issu des laboratoires académiques (y compris ceux issus des bureaux) n’a été retenu par H2020. Il est donc actuellement très difficile de faire financer de la recherche à l’échelle européenne. Tout projet ayant une trop grande connotation de recherche n’a aucune chance de passer, puisque sont privilégiés essentiellement les projets focalisés sur la technologie (de l’exploitation et éventuellement de l’exploration), avec des taux de transfert vers l’industrie extrêmement importants ».
3. Les laboratoires de recherche vont devoir s’adapter
La tendance est nette : les laboratoires doivent ne pas compter uniquement sur leurs dotations budgétaires, mais trouver d’autres sources de financements.
Ils font donc appel de plus en plus à des financements sur appels d’offre. Mais ceux-ci sont de plus en plus ciblés, tant au niveau national qu’au niveau européen, et portent davantage sur des projets d’ordre industriel.
L’examen de la période s’étendant de 1980 à 2000 est riche d’enseignements. Le témoignage de M. Cathelineau est fort éclairant : « La recherche était alors relativement peu subventionnée et les équipes se sont diversifiées, en travaillant sur toutes les approches similaires et transposables à d’autres objectifs, comme le stockage des déchets ou des gaz, éventuellement les hydrocarbures, malgré le prix très bas du pétrole ».
Pour les années à venir, M. Cathelineau envisage que « les laboratoires ayant fait l’effort de formuler des propositions et de lancer des appels d’offres en termes de recrutement dans ce domaine risquent fort d’avoir à redistribuer l’activité sur de la géologie plus classique ».
D. LES RESEAUX ET LES PARTENARIATS SONT DE PLUS EN PLUS ESSENTIELS
L’objectif est largement partagé : il s’agit d’agréger sur des projets significatifs des acteurs ayant des compétences très différentes, allant des sciences humaines et sociales, à l’économie et au droit, en passant par des sciences dites « dures », comme la physique, la chimie ou les sciences des matériaux. Il s’agit de créer des occasions de rencontre et de coopération entre chercheurs, universitaires et industriels.
1. Plusieurs structures se sont constituées à cette fin au niveau européen.
L’association Emiri, créée par Umicore a pour objet de défendre les intérêts des matériaux en énergie. Ses membres s’intéressent aux batteries, aux panneaux solaires, aux polymères. En font partie les Fraunhoffer, des Finlandais et, pour la France, SAFT et le CEA.
EASE est une autre de ces associations de représentation d’intérêts.
Le réseau européen Alistore, fondé par M. Jean-Marie Tarascon, est un regroupement d’universitaires. Un club d’une douzaine d’industriels y est associé (Français, Allemands, Belges, Anglais, Espagnols). Un autre réseau regroupe certains des mêmes laboratoires et industriels mais exclusivement au niveau français.
L’Union européenne a créé, par ailleurs, un partenariat innovant dans le cadre de la stratégie matières premières entre industrie, recherche, universités, en essayant de voir comment associer financements européens et régionaux.
À la demande du Parlement européen, l’Union européenne a aussi mis en place un réseau consacré aux terres rares, dénommé ERECON (European Rare Earths Competency Network). Le BRGM y participe. Son comité de pilotage regroupe des représentants de l’industrie, de la recherche, du monde académique. Ses trois groupes de travail portent sur le volet minier, sur les facilitateurs de processus, sur les applications clés (aimants permanents, batteries, recyclage et substitution.
ERA-MIN est, quant à lui, un réseau européen d’agences de financement qui mettent des moyens en commun pour lancer des appels d’offres sur des programmes de recherche au niveau européen. Ces projets, qui doivent réunir au moins trois partenaires européens, ont pour vocation d’obtenir un effet de levier assez important et de ne pas trop diluer les efforts de recherche sur des sujets similaires dans les différents pays.
Les relations entre ERA-MIN et l’ANR n’ont, jusqu’à présent, pas été optimales. L’ANR n’a cotisé dans le cadre d’ERA-MIN qu’une année mais s’est engagée à avoir un financement beaucoup plus important et récurrent dans la deuxième mouture qui, selon toute vraisemblance, devrait être acceptée et démarrerait en 2017.
2. Ce travail de réseau devrait se développer au niveau national
a. L’exemple de la RohstoffAllianz
Mme Anne de Guibert cite l’exemple allemand : « L’Allemagne, qui n’a pas de terres rares, fait comme le Japon pour y accéder : elle noue des alliances. Son patronat a fondé à cette fin une société, la RohstoffAllianz GMBH, qui regroupe des grandes sociétés allemandes pour faire des investissements à l’étranger. On trouve dans cette alliance Bosch, Volkswagen, Rockwood, Thyssen group, le Boston consulting group, Eisen Gesellschaft Sarre ».
« Au niveau européen, les industriels allemands jouent généralement tous seuls pour ces métaux, du fait de leurs réseaux et leurs filières ».
b. Mais il faudrait aller plus loin.
La situation est duale : d’une part, certains réseaux existent. On peut notamment citer le cas du CEA qui anime un réseau académique afin d’écouter les industriels et de faire de leurs questions une réalité au niveau du laboratoire.
D’autre part, en l’absence d’une véritable stratégie, les moyens sont trop dispersés.
M. Michel Latroche déplore cette situation : « Actuellement, il n’y a pas véritablement de stratégie commune. Il y a des moyens dispersés. Il n’y a pas d’alliance qui concerne véritablement les matières premières minérales », contrairement à ce qui se passe dans le domaine de l’énergie avec l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (ANCRE) et dans celui de l’environnement avec AllEnvi. « Tout ce qui concerne les matières premières, minérales, s’y retrouve peu ».
« Or il y a véritablement la place pour l’équivalent de ce que l’on trouve dans le domaine de l’énergie avec le nucléaire, comme les programmes organisés par la Mission interdisciplinaire pour la recherche du CNRS. Nous n’avons pas d’équivalent en tout cas sur les ressources minérales ».
« Il y a certainement la place pour un projet multi-organismes et transdisciplinaire sur les matières premières minérales en France ».
La question se pose de la création d’une Alliance des matières premières, qui à l’image des autres alliances, regrouperait les centres de recherche.
Un dialogue utile pourrait alors s’engager entre cette Alliance et les industriels du secteur qui sont aisément identifiables : Total (sur le solaire), Arcelor Mittal, Renault, PSA, SAFT, Solvay, les éoliens. Mais, pour l’instant, il n’y a pas beaucoup de réactivité.
La mise en place d’une fédération des réseaux des acteurs français, actuellement en cours, est une autre piste, peut-être plus facilement réalisable
L’idée est de rassembler l’ensemble des acteurs français, sans envisager nécessairement pour l’instant de nouveaux financements. Seraient concernés les membres d’ERA-MIN et du KIC « Raw Materials », et l’ensemble des acteurs français des secteurs de l’industrie, de la formation et de la recherche.
QUATRIÈME PARTIE :
LA MISE EN PLACE D’UNE VÉRITABLE STRATÉGIE APPELLE
UNE VOLONTÉ POLITIQUE FORTE
L’État devra répondre à trois questions fondamentales s’il entend avoir un rôle de stratège, en se fondant sur les exemples étrangers pertinents :
- est-il possible de définir une stratégie minière et métallurgique reposant sur une relance de la prospection et de l’activité minière, mais aussi sur la définition d’un projet minier crédible et acceptable ?
- est-il souhaitable de constituer des stocks stratégiques ?
- quel pourrait être le rôle de la diplomatie économique ?
I. LA MISE EN PLACE D’UNE STRATÉGIE MINIERE ET METALLURGIQUE VOLONTARISTE
Mis à part l’or de Guyane, le nickel de la Nouvelle-Calédonie et le cobalt qui y est contenu, il n’y a plus de production métallique en France depuis vingt ans.
Faut-il, dans ce contexte, relancer une production minière, en sachant qu’il faut connaître les gisements potentiels, étudier les possibilités d’extraction, mais aussi aboutir à la définition d’un véritable projet minier ?
Dans quelles conditions, est-ce faisable ? Certaines, de nature technique, sont plus facilement réalisables que d’autres, indispensables aujourd’hui pour qu’un tel projet soit socialement acceptable.
Quatre idées fortes ressortent des débats que nous avons organisés et de nos missions au Japon, en Suède et en Finlande :
- les conditions techniques du succès des investissements potentiels ou envisagés sont clairement identifiées ;
- un projet minier crédible repose, avant tout, sur son acceptabilité ;
- l’élaboration d’une stratégie minière officielle est utile, comme le montrent les expériences japonaise, suédoise et finlandaise ;
- un projet minier ambitieux ne peut se développer en France qu’à partir du concept de mine responsable.
A. LES CONDITIONS TECHNIQUES DU SUCCÈS DES INVESTISSEMENTS POTENTIELS OU ENVISAGÉS SONT CLAIREMENT IDENTIFIÉES
Plusieurs conditions sont identifiées, de nature organisationnelle, économique, financière, et juridique :
- la prise en compte des différentes étapes indispensables à tout projet minier doit être développée ;
- le sous-sol doit être mieux connu ;
- une veille économique, réglementaire et médiatique peut être utile ;
- les conditions de marché doivent être améliorées ;
- les capacités de financement doivent être suffisantes ;
- la compétitivité doit être renforcée.
1. Une prise en compte réaliste des étapes et des délais que doit respecter tout projet minier
Un projet minier repose sur une succession d’étapes incontournables :
- le choix d’un gisement préalablement identifié, qui permet de sélectionner la zone d’exploitation, à partir des données géologiques ;
- l’obtention d’un permis exclusif de recherche, qui attribue un droit minier à un opérateur, mais qui n’apporte pas directement la possibilité de faire les travaux ;
- l’exploration qui conduit à une étude de faisabilité à la fois technique, juridique, économique et financière, et qui tient compte des compétences de la main d’œuvre disponible ;
- la consultation des populations, dans des conditions qui varient selon les pays ;
- l’exploitation elle-même, dans des conditions satisfaisantes pour l’environnement, la santé des travailleurs et la santé publique en général ;
- la fermeture du site ;
- la remédiation du site.
Ces étapes entraînent des délais souvent très longs entre le projet initial et sa réalisation. Ces délais peuvent encore s’allonger en cas de contestation du projet, ce qui posera des problèmes particulièrement importants aux petites entreprises qui porteraient un tel projet.
Pour M. Rémi Galin, chef du bureau de la gestion et de la législation des ressources minérales, ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (MEDDE), le plus important est de disposer de données géologiques, qui découlent en France des travaux du BRGM, et de tenir compte des particularités de la mine : « Le plus important se joue avant, lors des phases préparatoires, qui peuvent durer une bonne dizaine d’années à compter de la sélection de la zone d’exploitation ».
Pour M. Didier Julienne, trois choix sont essentiels : celui de l’équipe dont les compétences permettront de trouver le bon gisement ; celui du montage financier, soit en recourant à une banque, soit à du venture capital ; celui du lieu d’exploitation, en fonction de la stabilité politique et juridique du pays concerné, mais aussi de l’accueil sociétal vis à vis de la mine.
De manière plus précise, « le gisement est-il situé sur le territoire d’un régime politique ou juridictionnel instable ou inamical, ou au contraire sur un espace dans lequel la force de la loi est équitable, rapide et reconnue par tous ? ».
Pour M. Alain Liger, COMES, trouver puis exploiter de nouvelles ressources suppose des délais importants, quel que soit le minerai.
« Les phases d’exploration (identification de cibles) peuvent durer deux à trois ans. Il faut ajouter à ce délai le fait que toutes les cibles identifiées ne donnent pas lieu à poursuite de l’exploration car elles se révèlent « négatives » à un stade ou un autre du processus. Les phases successives de forage systématique durent chacune de l’ordre d’une année ».
« En parallèle, on effectue des études métallurgiques visant à étudier comment libérer le contenu du minerai, ce qui est spécifique à chaque composition de minerai ; les différentes phases de laboratoire peuvent prendre plusieurs années ; dans une certaine mesure, les phases exploration et études en laboratoire peuvent être menées en parallèle, mais le laboratoire a besoin que des forages ou des travaux miniers aient prélevé du minerai. Ces études de laboratoire sont suivies de phases de pilotage industriel du processus qui peuvent durer quelques mois à quelques années ».
« Ces éléments techniques sont accompagnés de chiffrage des coûts d’investissement et de production, qui alimentent la recherche des financements, en fonds propres et en dette. L’évaluation financière est rendue sensible par le fait que les prix d’échange des terres rares, qui sont variables, ne relèvent pas d’un mécanisme de bourse mais de contrats privés ».
« Une fois les financements obtenus, il faut deux ou trois ans pour amener une petite mine à ciel ouvert à production. La suite n’est pour autant pas assurée ; par exemple, la société Lynas est en difficulté financière (le cours de son action a plongé) ».
« Pour convaincre les financeurs (investisseurs en fonds propres ou prêteurs), il faut en général négocier des engagements d’enlèvement, en échange de prêts par les clients (« off-take »). Ainsi, Lynas a monté ses financements avec des entreprises qui se sont engagées à acheter sa production et lui ont prêté de l’argent, par exemple Mitsubishi ».
2. Une connaissance actualisée et suffisante du sous-sol, qui dépend de l’état de la prospection et de la fiabilité de l’inventaire minier
a. Une relance ciblée de la prospection est souhaitable en France
Le sous-sol français est méconnu et le nombre de géologues décline. Il n’y a pratiquement plus de mines en activité depuis plus de dix ans. L’économie de la métallurgie, qui était forte, a beaucoup décliné. Les moyens du BRGM sont insuffisants pour mener une politique ambitieuse.
La comparaison de la carte de l’activité minière en France et de celle de ses potentialités est riche d’enseignements.
On ne connaît pas l’horizon géologique sous les cent mètres, alors qu’en Pologne, dans le cuivre, on descend à mille deux cents mètres.
Il y a des particules de terres rares, de l’europium entre Rennes et Nantes. Ces indices ne seront pas confirmés tant qu’on n’aura pas fait une campagne d’exploration. Une telle campagne, aujourd’hui, n’est plus celle d’il y a cinquante ans et suppose des moyens.
La France pourrait avoir des atouts non soupçonnés.
M. Rémi Galin, MEDDE, remarque que « notre pays n’a, à ce titre, rien d’un eldorado ; nous y avons néanmoins déjà exploité des substances stratégiques, comme le tungstène, l’antimoine, le germanium, la fluorine. Il n’y a pas de raison que l’on ne trouve pas de nouveaux gisements, peut-être plus profonds ».
M. Eric Marcoux, université d’Orléans, est également optimiste, tout en dénonçant le pessimisme ambiant : « Lorsqu’on fait de l’information auprès du grand public, on se trouve confronté à un certain nombre d’idées reçues. Beaucoup de gens croient par exemple qu’il n’y a plus rien à trouver en France et que tout ce qui pouvait être exploité l’a déjà été durant les siècles et décennies passés. Or cela est totalement faux : le territoire français est riche de potentialités, pour ce qui concerne notamment le tungstène, l’antimoine, la fluorine, l’or, l’étain, le lithium et d’autres encore ».
« Et c’est sans compter sur ce que l’on pourrait découvrir par la suite. Nous n’avons pas encore, en France, utilisé les méthodes d’exploration modernes mises en œuvre dans tous les grands pays miniers comme le Canada, l’Australie ou les États-Unis ».
b. Un nouvel inventaire minier permettrait d’avoir des résultats différents de ceux obtenus il y a vingt-cinq ans
L’objectif principal d’un inventaire minier est de « dresser un inventaire des cibles minérales potentielles, réalisé avec les outils disponibles et sur les zones alors identifiées » et non de donner une vision exhaustive et quantitative de toutes les réserves de métaux présentes dans le sous-sol » selon M. Jean-François Labbé, direction des géo-ressources, BRGM.
Il permet donc de disposer des connaissances utiles aux pouvoirs public et industriel de savoir où sont les gisements connus qui peuvent l’intéresser.
Pour M. Patrice Christmann, BRGM, « un inventaire, c’est l’acquisition d’une connaissance que je qualifierais de premier niveau visant à identifier des potentialités minérales. Il ne s’agit pas de délimiter un gisement de façon détaillée, rôle rempli par le secteur privé, au cours de projets d’exploration. Il s’agit d’acquérir une connaissance à mailles un peu lâches du sous-sol français ».
« D’où vient cette connaissance ? Dans toutes les régions où l’on a ce que l’on appelle du socle cristallin – Bretagne, pourtour du Massif Central, Morvan, Vosges, Pyrénées, voire Corse –, on a différentes indications de minéralisation. Certaines ont été exploitées par le passé mais la France a toujours un patrimoine minéral intéressant et important, notamment pour des métaux comme l’antimoine, le tungstène voire même le cuivre. Il y a encore beaucoup de choses à faire ».
Les connaissances actuelles reposent sur un inventaire minier réalisé entre 1975 et 1991, à partir de campagnes de levées géophysiques et d’études géochimiques. 100 000 kilomètres carrés environ ont été couverts, sur les quelques 200 000 kilomètres carrés d’intérêt potentiel du territoire français, et il n’a pas été fait de couvertures géophysiques régionales aéroportées.
Depuis lors, les techniques ont beaucoup évolué. On ne disposait pas alors de la télédétection, de la géophysique aéroportée ou héliportée, et on n’avait pas encore développé des traitements informatiques permettant de combiner les données entre elles.
De plus, les pouvoirs publics ont de nouveaux besoins, du fait de la prise de conscience du développement durable, qui a conduit à définir des politiques de développement territorial et durable. Ces politiques pourraient inclure utilement les perspectives de développement minier. C’est une orientation intéressante car, actuellement, peu de plans de développement régionaux intègrent les ressources minérales.
Réaliser un nouvel inventaire minier coûterait, sur cinq ans, douze millions d’euros par an, selon les calculs de M. Patrice Christmann, BRGM.
L’inventaire minier réalisé avec les technologies de l’époque présente encore d’énormes limites. La géophysique aéroportée était encore balbutiante. Les questions sociétales étaient moins prégnantes. L’intérêt n’était pas aussi grand pour le germanium, l’indium, le sélénium et le tellure.
3. Faut-il aller plus loin et organiser une analyse prospective des besoins et du contexte réglementaire, voire des media ?
Alors que la veille se développe dans de nombreuses activités économiques, ce n’est pas encore le cas pour les matières premières non énergétiques, alors qu’elles peuvent être stratégiques et critiques.
Le témoignage de M. Rémi Galin, MEDDE, est éloquent : On ne fait, en France, que « des bouts de veille. On fait avec les moyens du bord, sans véritable stratégie de veille ».
Plusieurs questions se posent : pourquoi veille-t-on et que surveille-t-on ? Quels moyens met-on en place et dans quel but ? Quels choix fait-on ?
Ce serait la finalité d’une veille dynamique, reposant sur plusieurs volets : une veille économique ; une veille réglementaire ; une veille médiatique.
Pour M. Christian Thomas, Terra Nova, « La veille en intelligence économique est importante. Nous travaillons déjà avec des gens comme le CEA ou le BRGM qui, eux-mêmes, ont accès à une forme d’intelligence économique. On travaille aussi avec des partenaires allemands qui sont des fournisseurs d’équipements (les équipementiers vendent leurs produits partout dans le monde, ils entendent parler de ce qui se fait). Au fil des ans, on voit petit à petit apparaître les différentes technologies alternatives. Notre réponse en tant que PME est d’essayer de comprendre ce qui se fait dans l’ensemble du monde et de savoir où en sont les Chinois, les Japonais ou les Américains. Je dois dire que l’on finit par avoir un vrai panorama de ce qui se fait un peu partout ».
Une veille économique organisée pourrait avoir plusieurs objectifs :
- développer des réflexes, améliorer la perception des entreprises sur les risques qu’elles encourent et sur les opportunités qui vont apparaître ;
- déterminer les situations de pénurie éventuelle et leur gravité ;
- favoriser une prise de conscience du risque industriel et stratégique ;
- permettre à l’État d’être plus actif et réactif dans les prises de décision sur des grands projets, notamment les projets de recyclage autour de tous ces métaux ;
- permettre aux entreprises de mieux évaluer les risques d’approvisionnement ainsi que l’intérêt du recyclage et de la recherche de possibilités de substitution ;
- évaluer les besoins futurs, à partir des flux existants mais aussi des évolutions technologiques pour développer des stratégies ;
- évaluer l’évolution de l’offre et de la demande à court, moyen et long terme ;
- mieux identifier les ressources et les réserves, les réserves étant la part des ressources qui sont économiquement exploitables, les ressources étant constituées des concentrations minérales identifiées dans des gisements par des preuves, des sondages et des analyses détaillées ;
- mieux connaître les ressources disponibles, en lien avec l’inventaire minier et la prospection.
Le PIPAME, pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques, a permis l’élaboration d’études prospectives et de scénarios sur dix métaux, dont certaines terres rares : cinq pour l’automobile et cinq pour l’aéronautique.
Les métaux en question étaient, pour l’automobile, le néodyme, le dysprosium, le platine, le palladium et le lithium et, pour l’aéronautique, le chrome-métal pour son aspect stratégique dans les superalliages, le molybdène, le niobium, le vanadium, le lithium en tant qu’éléments d’alliages.
Il en est ressorti que quelques métaux pouvaient faire l’objet d’un déficit à court et moyen termes, fin 2013 : le palladium, le dysprosium et le platine (c’est moins vrai aujourd’hui pour le dysprosium et le platine). Les métaux tels que le vanadium, le néodyme, le niobium et le chrome étaient proches de l’équilibre.
Il en résulte qu’il est nécessaire de mettre en place une veille économique plus volontariste. Les entreprises, notamment les PME et les entreprises de taille intermédiaire, n’ont pas pris totalement conscience de la situation ni du risque potentiel vis-à-vis des terres rares et métaux stratégiques.
Pour le PIPAME, il faut favoriser la prise de conscience de ces enjeux par la population et fournir un effort de vulgarisation important.
Cette étude, diffusée sur Internet, n’est pas restée sans suite. La DGE et le COMES en ont tiré les conséquences en développant un outil d’autodiagnostic à destination des PME qui, comme l’indique M. Claude Marchand, chef du bureau des matériaux, Direction générale des entreprises (DGE), ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique, a été téléchargé plus de mille fois depuis sa mise en place. Ses conclusions ont été reprises dans les travaux du Comité stratégique de filière pour l’industrie extractive et des premières transformations (CSFIEPT), notamment pour le recyclage des métaux stratégiques, la sécurisation des approvisionnements et la relance de l’exploitation minière.
a. La veille réglementaire et médiatique
La veille réglementaire est le second volet de la veille stratégique. Elle concerne principalement les projets de règlements et les directives de l’Union européenne. Ceux-ci sont souvent le résultat de débats qui s’étendent sur plusieurs années. Les suivre permet éventuellement de les influencer. C’est important pour l’État mais aussi pour les opérateurs miniers.
Par exemple, selon M. Rémi Galin, MEDDE, l’écotoxicité des substances mérite de ne pas être gérée dans l’urgence alors que les travaux des instances européennes sur l’environnement et la santé sont connus.
Selon M. Guillaume Pitron, journaliste, membre de Global Links, la veille par les média peut être un atout important. Dans les pays anglo-saxons, Metal-Pages est un outil utile et reconnu d’échange d’informations des industriels. Une telle plateforme médiatique n’existe pas en France, ce que déplore M. Guillaume Pitron, qui souligne que « le business model n’existe pas ».
1. Des conditions de marché favorables
Les entreprises qui veulent investir ont, en effet, besoin de conditions de marché qui permettent leur rentabilité. Ce n’est actuellement pas le cas à court terme mais la situation peut évoluer à long terme du fait de la croissance envisagée de la demande.
a. Les perspectives de marché sont peu favorables à court terme
À court terme, les prix sont trop faibles, les conditions de concurrence sont faussées, le marché est déloyal, rester compétitif devient une gageure.
Le contexte est difficile : la concurrence internationale est vive, les prix ont fortement baissé depuis 2011 et résultent souvent de pratiques de dumping parfois difficiles à prouver mais qui peuvent donner lieu à des recours Les capacités de production restent excédentaires en Chine pour de nombreux produits, dont l’acier, ce qui empêche les prix de remonter à court terme. Cette tendance est renforcée par le développement du « low cost ».
Par ailleurs, la réglementation carbone, en France et en Europe, qui constitue une avancée pour la défense de l’environnement, pénalise les entreprises françaises et européennes dans la mesure où elle n’existe pas dans de nombreuses régions du monde. Il en est de même pour de nombreuses réglementations sociales.
Il va sans dire qu’il n’est pas question d’abandonner ces réglementations à vocation environnementale ou sociale.
Comment réagir à court terme ? M. Claude Marchand évoque l’extrême difficulté de l’exercice : « La notion de compétitivité est inopérante dans le cadre d’un marché déloyal. Si tous les acteurs ne respectent pas les mêmes règles, les dés sont pipés et il n’est pas possible de développer une réelle compétitivité ».
b. Le marché devrait évoluer différemment à long terme
Les besoins en métaux vont augmenter, mais cette tendance n’est pas prise suffisamment en compte
Cette prévision découle de l’évolution de la démographie. Les prévisions sont éloquentes, qu’elles concernent l’Inde ou le continent africain d’ici 2050. En Chine et dans plusieurs pays actuellement en voie d’industrialisation, l’élévation du niveau de vie de la population conduira à des demandes de produits manufacturés de plus en plus importantes.
L’augmentation de la demande découlera aussi de la transition énergétique. Un rapport de l’ANCRE met, à cet égard, l’accent sur les futurs besoins en ressources minérales pour bâtir l’infrastructure de production, de stockage, de distribution et d’utilisation d’énergie.
Ces besoins en métaux de base, mais aussi en métaux critiques, dépendront du degré de montée en puissance des énergies renouvelables, qui ont une intensité matérielle supérieure aux productions d’énergie utilisant des combustibles fossiles.
La satisfaction de ces besoins impliquera une approche globale intégrant les perspectives d’accès aux réserves, mais aussi les possibilités d’augmentation de la production, les conditions d’accès à l’eau (essentielles pour le cuivre du Chili, qui représente actuellement 30 % de la production mondiale). Les problèmes sont par nature multiples : technologiques, économiques, géopolitiques et sociaux.
Il faudra trouver des solutions permettant de combiner les évolutions à court et long terme qui se contredisent. Sinon, nous risquons d’être condamnés au culte du cargo, qu’évoque M. Alain Liger, selon lequel les métaux viendront bien de quelque part.
c. Le marché devrait être plus transparent
Un rapport de la Chambre des Communes du Royaume-Uni sur les métaux stratégiques du 4 mai 2011 a mis l’accent sur l’opacité du marché de ces matières premières.
Les volumes échangés de ces métaux sont globalement faibles, ce qui incite les fonds spéculatifs à manipuler les cours ; de plus, une part importante des échanges n’apparaît pas sur les places boursières en raison des accords de gré à gré dont les clauses sont tenues secrètes. Il est donc difficile d’estimer les volumes et les prix effectifs de vente ; des bulles spéculatives de courte durée peuvent apparaître sans qu’elles révèlent de véritables tensions quant à l’équilibre entre l’offre minière et la consommation industrielle.
2. Des capacités suffisantes de financement
a. La disparition du Comptoir Lyon Alemand Louyot a marqué la fin d’une époque et d’un modèle économique
M. Didier Julienne en est l’un des témoins.
Pendant près de deux cents ans, d’environ 1800 à 2000, ce comptoir (CLAL) était l’un des leaders de ce que l’on n’appelait pas encore les métaux stratégiques. Il employait, en France et dans ses filiales européennes, de 3 500 à 5 000 personnes.
Il achetait et vendait des métaux dans le monde entier mais la majorité d’entre eux était transformée en France. La France avait ainsi un rôle de leader mondial.
À partir de 1994, date à laquelle il est acheté par Fimalac, qui retint ses métaux et sa trésorerie lors de son regroupement avec Engelhard en juin 1995, il connait de grandes difficultés et est progressivement découpé en morceaux puis vendu en environ cinq ans à divers groupes étrangers.
Les emplois furent perdus, les métaux stratégiques retenus par l’actionnaire furent vendus à l’étranger, alors que ses anciens concurrents allemand, belge, anglais, suisse, japonais, italien continuaient leur activité. Le peu qui restait de l’entreprise disparut vers 2003 et, avec elle, le négoce français des métaux, qui était pourtant utile par le stockage qu’il constituait et par la création d’opportunité de marché.
b. Un renouveau du négoce et la constitution de places de marché permettraient de rendre le financement des entreprises « juniors » plus faciles
C’est grâce au négoce que des entreprises peuvent se financer car les instruments de financement sont insuffisants en France pour les petites entreprises, et en particulier ce qu’on appelle soit les start-up, soit les entreprises « juniors ».
Les banques ne leur accordent pas facilement leur confiance. Le capital risque n’est pas toujours disponible.
La place de Paris n’offre pas assez de solutions diversifiées de financement. Comme l’indique M. Jack Testard, président de Variscan Mines, « il manque en France, des outils financiers globaux. Il est beaucoup plus facile aujourd’hui, pour lever des fonds, de se rendre sur la place de Londres que sur celle de Paris, car cela n’est pas ou plus dans la tradition directe d’un certain nombre de banques et de financeurs ».
c. Certaines techniques de financement ont fait leurs preuves
Présentées par M. Christian Hocquard, elles concernent essentiellement les contrats « off-take » des prix planchers et des prix capés.
« Un contrat ‘off-take’ consiste à faire financer le développement d’un projet minier d’une société junior par un industriel consommateur (ou un négociant) en échange de tout ou partie de la production. En général ce type de contrat prévoit un prix-plancher – qui couvre le coût de production, ce qui protège le producteur minier d’une forte baisse des prix – et un prix capé (qui protège le consommateur d’une forte hausse des prix). Dans ce cas, la production est préemptée et échappe donc au marché. Pour chaque projet, il faut donc identifier les ‘off-takers’ : par exemple Rhodia pour 20 % de la production de Lynas, ou une entreprise chinoise pour le très gros gisement à uranium et terres rares de Kvanefjeld au Groenland »
3. La recherche d’une compétitivité globale
a. Que peuvent faire les industriels ?
Les industriels qui souhaitent améliorer leur compétitivité ont, au-delà d’une baisse de leurs prix, essentiellement trois solutions : une modification de leurs systèmes de production ; le rétablissement de la compétitivité en se fondant sur les facteurs autres que les prix ; le développement de nouveaux produits. Une quatrième solution, plus aléatoire, résiste dans la constitution de stocks de produits stratégiques et critiques.
M. Claude Marchand donne un exemple de la modification possible des systèmes de production : « Il est envisageable, lorsque le prix des minerais est inférieur à celui des ferrailles, de basculer d’une aciérie électrique vers un haut-fourneau et, lorsque le coût de l’électricité évolue, de modifier la totalité d’une ligne de cuves électrolytiques chez un alumineur. On voit bien toutefois que les coûts, tout comme les délais, ne permettent pas de faire du ‘on-off’ (c’est-à-dire du tout ou rien) en matière de process industriel ».
La compétitivité hors prix peut reposer sur le taux de service, la qualité de la logistique, la diminution des inconvénients liés à l’exploitation, qu’il s’agisse de la production de CO2 ou de l’émission de toxiques.
Le développement de nouveaux produits ou de nouvelles méthodes peut être illustré par les aciers Usibor d’Arcelor ou la technologie Airware de Constellium.
Les aciers Usibor, destinés aux pièces de structures et de sécurité pour l’automobile, ont ainsi des caractéristiques mécaniques extrêmement élevées, ce qui permet d’atteindre des allègements de l’ordre de 30 % à 50 %.
La technologie Airware de Constellium, destinée à l’industrie aéronautique, combine quant à elle, de manière unique, résistance, légèreté, durabilité et recyclabilité.
b. Qu’attendent les industriels des pouvoirs publics ?
Deux attentes apparaissent clairement dans les propos de Mme Claire de Langeron, déléguée générale, A3M, qui exprime « une double revendication vis-à-vis des autorités françaises et européennes : nous leur demandons d’une part de ne pas accorder le statut d’économie de marché à la Chine tant que celle-ci ne respecte pas les critères qui la définissent, d’autre part de renforcer et d’assurer la pérennité des outils de protection nécessaires au niveau européen, en particulier en matière d’anti-dumping, ce qui ne vise qu’à rétablir les conditions d’un échange non faussé ».
« S’il appartient à nos entreprises de relever les défis de la compétitivité, nous comptons sur les pouvoirs publics pour nous doter d’un environnement législatif et réglementaire adapté ».
Mais les décisions attendues seront insuffisantes si le projet minier d’un industriel n’est pas accepté par la population.
B. UN PROJET MINIER CRÉDIBLE REPOSERA AVANT TOUT SUR SON ACCEPTABILITÉ
Au-delà des aspects juridiques, économiques, financiers et techniques, c’est une condition politique majeure
1. Une acceptabilité parfois difficile
a. L’exemple de la réouverture d’une mine à Salau en est une illustration et montre l’importance des réunions publiques
Ce projet concerne la réouverture du site d’extraction du tungstène.
Salau est, en effet, un vieux bassin minier dont les mines de tungstène, gérées par la Société minière d’Anglade et le BRGM, ont cessé leur activité en 1987.
Variscan Mines souhaite y faire de la prospection.
Ce projet est soutenu par certaines associations et contesté par d’autres. Mme Éloïse Lebourg, journaliste, se fait l’écho de ces réticences qui portent sur la présence d’amiante : Contester la présence d’amiante, c’« est faire peu d’honneur et de cas du rapport rédigé en 1984 par M. Pézerat, qui est, je le rappelle, l’un des chercheurs ayant permis l’interdiction de l’amiante en France. C’est faire également abstraction de plusieurs courriers d’anciens directeurs de la mine ou des trente ans de recherche de Mme Annie Thébaud-Mony. C’est aussi faire mentir le médecin et l’infirmière de la mine de Salau et ne pas respecter les nombreux malades et morts d’asbestose ou de cancer du poumon dus aux fibres d’amiante. Il me semble assez compréhensible, lorsqu’on lit ce dossier concernant l’amiante, que la population se méfie de Variscan Mines. Cela mériterait, à mon sens, un vrai débat public, au moins en Ariège ».
M. Jack Testard, président de Variscan Mines, répond à ces arguments en remarquant que « ce problème de l’amiante est soulevé par un certain nombre de personnes : il convient donc d’en parler. Or, jusqu’à présent, je n’ai pas obtenu de réponse réellement fiable. Nous avons commencé à mener des recherches avec des experts, des contre-experts, dans le cadre de débats scientifiques. Il faudra juger du résultat pour la suite ».
« On me signale l’existence de cancers : il y en a effectivement et je le regrette bien évidemment. Sont-ils tous dus à l’amiante ? Si je me réfère aux publications médicales, il apparaît qu’un cancer dû à l’amiante présente des caractéristiques reconnaissables qui ne sont pas celles du cancer du poumon en général. Mais nous n’allons pas entrer ici dans ce genre de débat sordide ».
« Par contre, lorsqu’on me dit qu’il y a des minéraux d’amiante dans la mine, je puis vous assurer, sur la base des travaux scientifiques de plusieurs experts, que cela est inexact ».
« Des réunions publiques d’information sont régulièrement organisées. L’objectif de ces rencontres est de pouvoir expliquer et dialoguer. Je pense qu’il faut être capable de s’écouter, de discuter et de ne pas opposer systématiquement à des chercheurs, qui ont travaillé des décennies sur un sujet, que leurs arguments ne sont pas recevables ».
M. Didier Julienne remarque, pour sa part, que « cette mine a donné lieu à la rédaction de six ou sept thèses universitaires, dont une thèse d’État. Or aucune d’entre elles n’a mis en évidence un quelconque danger lié à l’amiante. Le rapport de M. Pézerat souligne, à trois reprises, que cette mine ne contient pas d’amiante. Où est la vérité dans ce domaine ? J’insiste sur le bienfondé de réunions publiques ou d’information pour faire un point sur ce problème, qui semble mis en exergue alors même que le médecin local a lui-même indiqué sur l’antenne de Radio Couserans qu’il n’avait rencontré aucun cas de cancer lié à l’amiante de la mine ».
b. Cet exemple souligne une nouvelle fois la mise en cause de la parole et du rôle des experts
Pour M. Michel Cathelineau, université de Lorraine, CNRS, « des exemples comme celui de la mine de Salau posent le problème fondamental et général de la crédibilité des experts et des scientifiques dans la société actuelle. Ceci est récurrent, dans tous les domaines, qu’il s’agisse de la chimie, du nucléaire ou des ressources minérales. Il apparaît globalement qu’à partir du moment où une personne détient un savoir, elle devient suspecte, ce qui conduit à aller chercher l’information chez les opposants, sans même vérifier si ces personnes disposent d’un quelconque savoir. Ainsi, tout scientifique devient suspect du seul fait qu’il a déjà travaillé sur le sujet ».
« Cette question est aujourd’hui au cœur de nos préoccupations. Il existe bien souvent une confusion entre analyse scientifique et point de vue. Or si tous deux ont une légitimité, ils ne sont pas de même nature et ne s’appuient pas sur le même type de démarche ».
Pour M. Gilles Recoche, directeur RSE, sécurité et intégration dans les territoires, Areva Mines, « nous sommes là au cœur d’un questionnement permanent, que nous rencontrons dans toutes les instances de dialogue, qu’il s’agisse des CLI ou des CSS en France : nous constatons que, de plus en plus souvent, chaque partie prenante arrive avec ses propres experts, dont les avis ne sont pas nécessairement partagés et convergents. Ceci crée des discussions sans fin, au cours desquelles on s’use à expliquer et à démontrer, ce qui n’est assurément pas le meilleur moyen de convaincre ».
« Chaque message est remis en cause en permanence. J’ignore si cela est positif ou négatif, mais il est sûr que cela nuit au développement industriel et de nos activités ».
Or il est essentiel, sur un certain nombre de sujets de société, de pouvoir disposer de l’éclairage de la science. C’est un message constant de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Les controverses sont au cœur des avancées de la science. Les scientifiques ne peuvent s’exprimer qu’au regard de l’état actuel des connaissances disponibles : la science évolue sans cesse et s’inscrit dans un processus cumulatif. De ce fait, il est possible que d’autres connaissances interviennent par la suite, qui viennent nuancer, infléchir ou annuler les précédentes.
Ces éléments et précautions, qui en réalité honorent le scientifique et sont la base même de son activité, peuvent, lorsqu’ils sont mal compris, déboucher sur une interprétation rigoureusement inverse de celle qu’il serait souhaitable d’adopter, dans la mesure où la science se caractérise en général par des méthodes et des démarches de validation ou d’invalidation très rigoureuses.
c. Quelles sont donc les conditions d’un dialogue serein ?
Pour M. Didier Julienne, « tous les protagonistes doivent accepter de s’écouter. Ceux qui ont peur de quelque chose doivent pouvoir faire part de leur crainte. Ceux qui disposent d’une réponse scientifique, donc incontestable, doivent aussi pouvoir s’exprimer et être écoutés, ce qui n’a pas l’air aujourd’hui d’être le cas ».
M. Julienne estime par ailleurs nécessaire que l’ingénieur, mais aussi le scientifique, reprenne la parole, ce qui est complexe : « Pourquoi l’ingénieur n’est-il plus écouté ? Sans doute parce qu’il n’arrive pas à donner une garantie qui éteigne toutes les peurs. C’est pourtant la raison fondamentale de son travail que d’avancer dans le brouillard. Le scientifique, s’il ne tente pas, s’il ne prend pas de risques dans ses travaux, n’avancera jamais ». S’il n’est pas soutenu par le politique, il lui est très compliqué d’avancer ».
Pour M. Olivier Vidal, CNRS, « il est important, pour être crédible, de développer une communication qui n’occulte pas les problèmes éventuels et les faits avérés ».
2. L’acceptabilité est essentielle à condition de ne pas se limiter à la réglementation
a. Le cadre réglementaire lié à l’activité minière est déjà fort développé
Les réglementations mises en œuvre dépendent au niveau national de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) qui élabore, coordonne et met en œuvre les politiques publiques liées à la présence de mines et à la sécurité des mines et carrières en exploitation. Son action est relayée dans les départements par les Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). L’INERIS et le BRGM y apportent leur soutien technique.
Codifiées dans le code minier, ces réglementations concernent tant la conception d’un projet minier, que l’exploitation des mines et des installations minières, et enfin leur fermeture.
Lors de la phase de conception, l’État instruit, voire autorise dans les cas complexes, les projets de travaux miniers qui lui sont présentés par un exploitant titulaire d’un titre (l’obtention de ce titre constituant du reste la première démarche à accomplir par l’industriel). Cette phase de faisabilité comprend des études d’impacts environnementaux, sociétaux, des analyses de risques très poussées et des enquêtes publiques. Dans le cas du tungstène, de l’antimoine ou des terres rares, l’étude d’impact doit préciser les risques particuliers qui y sont liés.
Lors de la phase d’exploitation, la réglementation a pour objet de prévenir et de faire cesser les éventuels dommages et nuisances imputables aux activités d’exploitation. Les agents de la DREAL peuvent visiter à tout moment les sites miniers faisant l’objet de travaux d’exploitation et les installations attenantes, et exiger la communication de documents de toute nature ainsi que la remise de tout échantillon et matériel nécessaire à l’accomplissement de leur mission.
Lors de la fermeture des mines, des mesures doivent être prises pour maîtriser les risques résiduels, notamment les mouvements de terrain liés à la présence d’anciennes galeries ou les risques liés à la présence de terrils ou à une éventuelle remontée des eaux dans les anciennes exploitations.
Les installations de traitement du minerai parfois situées juste à côté de la mine, peuvent être soumises à la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement.
Deux directives encadrent ces activités au niveau européen : la directive 2006/21/CE sur la gestion des déchets de l’industrie extractive et la directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles.
Pour M. Aurélien Gay, Direction générale de la prévention des risques (DGPR), « l’administration dispose ainsi d’un large pouvoir de surveillance et de contrôle de l’exploitant minier ».
Lorsque la réglementation n’existe pas, M. Gilles Recoche, Areva Mines, indique qu’il s’agit « d’appliquer les standards et bonnes pratiques internationaux en vigueur. Dans le domaine de la radioprotection, il faut, par exemple, faire appel à la notion « ALARA » (As low as reasonably achievable), qui renvoie à la question de savoir jusqu’où aller d’un point de vue social et économique au regard des différentes contraintes qui sont posées ».
Cette réglementation, utile, doit être appliquée et sera beaucoup plus efficace si elle s’appuie sur la généralisation des bonnes pratiques qui sont maintenant bien identifiées.
b. La connaissance et la mise en œuvre des bonnes pratiques doivent être banalisées
Ces bonnes pratiques sont essentiellement documentées par l’ICMM et la GRI.
L’ICMM fournit un cadre structurant et un référentiel très solide en termes de bonnes pratiques.
Le Conseil international des mines et métaux (ICMM en anglais), créé il y a quinze ans, regroupe vingt-et-une compagnies minières, trente-cinq associations et plus de huit-cents sites miniers dans soixante-dix pays et, donc, tous les plus grands acteurs miniers internationaux.
L’adhésion n’y est pas automatique mais suppose le respect de dix principes fondamentaux inspirés de toutes les normes mondiales découlant soit de l’Organisation internationale du travail, soit de la Déclaration de Rio. L’organisme impétrant doit fournir un rapport public sur ses missions et se soumettre à un audit indépendant, externe à cette association. Il doit également publier des rapports extra-financiers annuels, répondant clairement aux standards de la Global reporting initiative (GRI).
Pour M. Gilles Recoche, « l’ICMM se présente ainsi non comme une association, mais plutôt comme un label, et ce d’autant qu’il est fait appel à des audits extérieurs ».
Areva est aujourd’hui le seul acteur minier français qui a obtenu son adhésion à l’ICMM.
La GRI contribue à la responsabilité sociétale des entreprises.
Cette ONG, dont le siège est aux Pays-Bas, développe, depuis une quinzaine d’années, des lignes directrices pour la communication des données sociales et environnementales des entreprises (en anglais reporting), ce qui contribue à la responsabilité sociétale des entreprises (la RSE).
Ces lignes directrices, adaptées aux industries minière et métallurgique, sont utilisées aujourd’hui par cent soixante-trois entreprises minières et métallurgiques à travers le monde (ce qui, dans le cas du cuivre, représente plus de la moitié de la production mondiale). Aucune entreprise chinoise n’en fait partie. Or comme le souligne M. Patrice Christmann, BRGM, « la Chine est aujourd’hui le premier producteur mondial de quarante matières premières minérales, en commençant par les plus importantes comme l’acier, le ciment, l’aluminium et le cuivre ».
Ces entreprises rendent publiques leurs émissions de CO2, d’oxyde de soufre, d’oxyde d’azote et de particules.
Cela permet de définir des normes de responsabilité sociale et environnementale, de gouvernance et de transparence, de plus en plus élevées.
D’autres organismes développent des standards ou des indicateurs facilitant ces bonnes pratiques
C’est le cas de la Société financière internationale (SFI) dont les standards de performance sont contraignants et doivent être respectés pour obtenir les financements souhaités.
Il existe également des indicateurs extra-financiers, utilisés dans d’autres cadres, consistant notamment à « faire intervenir des non-industriels à des étapes clés d’un projet minier, qu’ils soient chercheurs, universitaires, membres d’ONG spécialisées en biodiversité ou dans l’étude de milieux naturels ».
Pour M. Laurent Corbier, Eramet, il faudrait « coupler l’innovation et la R&D à la recherche de bonnes pratiques en termes d’efficacité énergétique, de gaz à effet de serre, de recyclage, de valorisation des déchets », ce qui permettrait de faciliter l’acceptabilité des riverains et des communautés locales.
3. L’acceptabilité dépend aussi d’un dialogue rénové avec les populations concernées
a. Ce dialogue doit découler d’une véritable stratégie, susceptible de concerner toutes les générations
Cette stratégie, qui reste à élaborer, comprend quatre dimensions :
- écouter, pour pouvoir élaborer un projet crédible ;
- combiner l’information, le dialogue, la concertation et l’intégration du projet dans le territoire ;
- répondre aux besoins de communication des PME ;
- mieux utiliser les media sociaux.
Écouter, pour pouvoir élaborer un projet crédible
C’est une attitude nouvelle, qui a fait ses preuves au Canada qui, selon M. Michel Jebrak, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère, université du Québec à Montréal, « est le pays minier qui a vu naître Greenpeace et MiningWatch, ce qui fait que nous disposons d’une certaine expérience en matière de conflits miniers ».
L’information classique et sur Internet s’étant révélée insuffisante, des compagnies minières de petite taille ont créé, il y a trois ans, Minalliance afin d’écouter la population pour aboutir à une plus grande acceptabilité sociale, tout en faisant évoluer les entreprises participantes.
Son succès peut être mesuré à l’aune des « milliers de commentaires, émanant essentiellement de blogueurs et d’utilisateurs de l’ensemble des outils des réseaux sociaux ».
Combiner l’information, le dialogue, la concertation et l’intégration du projet dans le territoire
Pour M. Thierry Meilland-Rey, Vicat-DGD Satma, la première démarche consiste à apprécier la faisabilité du projet, au niveau environnemental et des populations. « C’est là que doit s’instaurer le dialogue, même si cela est loin d’être aisé. In fine, on a toujours à cœur de chercher la meilleure solution technique pour exploiter le gisement et imaginer la manière dont l’opérateur pourra partager et enrichir ce milieu avec les collectivités locales, dans une vision à court, moyen et long terme, incluant la phase d’après-mine ».
Dans cette démarche, l’industriel peut être confronté à la difficulté de concilier les intérêts nationaux, régionaux et locaux. M. Jack Testard illustre ce problème par une question : « Comment faire passer l’idée selon laquelle on a besoin de tungstène pour des usines basées dans le nord de la France, alors que le développement régional, local, voire de la commune n’est pas directement concerné, à l’exception de l’industrie extractive elle-même ? Ceci requiert des efforts considérables, pour lesquels nous avons besoin de l’aide des collectivités locales ».
Il est donc important de bien prendre en compte l’ensemble des parties prenantes et de construire un projet commun, ce que décrit M. Gilles Recoche : « Areva Mines s’est dotée d’outils de cartographie des parties prenantes, permettant de clairement les identifier, de les reconnaître, de dialoguer avec elles, pour essayer de mettre en place des projets construits ensemble. Nous disposons en outre d’outils de gouvernance, au sein de commissions. Nous utilisons enfin des outils de pilotage, ainsi que des outils de projets et de projets de partenariats ».
Répondre aux besoins de communication des PME
Les PME n’ont, en effet, pas les mêmes moyens que les grands groupes, qui disposent de systèmes de communication, de services dédiés et d’un important appui logistique. De ce fait, il leur est souvent difficile d’expliquer à des milliers de personnes leurs projets et de répondre à des questions sur l’après-mine alors même que l’on n’a pas encore trouvé la mine.
Le recours à des consultants est-il alors la solution ? C’est une solution séduisante mais encore faut-il qu’ils existent, ce qui n’est pas le cas en France actuellement. Faudrait-il, alors, comme le propose M. Jack Testard, « confier aux universitaires et aux écoles la mission de participer à cette communication et à cette éducation ? ».
M. Michel Jebrak soutient, quant à lui, l’appel à des consultants : « Les entreprises ne sont par ailleurs pas nécessairement expertes en matière de dialogue social. Ce n’est pas la fonction première d’une compagnie d’exploration minière, surtout si elle est de petite taille. Il faut donc que se mettent en place des structures de conseil, susceptibles d’accompagner les entreprises dans cet apprentissage. Il s’agit là, assurément, d’une activité à développer ».
Mieux utiliser les media sociaux
C’est aujourd’hui crucial, et il faut développer une communication adaptée le plus en amont possible.
Les media sociaux sont devenus un des lieux principaux où l’on peut discerner la variété des opinions et pressentir des évolutions. Ils sont aussi un espace sur lequel l’information peut être diffusée à l’égard des internautes, mais aussi le vecteur grâce auquel un dialogue peut s’engager, en touchant de nouveaux publics.
Twitter est l’un de ces media, mais ce n’est pas le seul. Il existe également des plateformes d’images telles qu’Instagram ou Pinterest, ou encore des plateformes de vidéo.
Toutes ces plateformes, qui sont adaptées à la publication d’infographies, pourraient parfaitement accueillir et relayer des paroles d’experts.
Pour M. Basile Segalen, ex responsable du pôle média sociaux, groupe BNP Paribas, « Twitter constitue vraiment le réseau privilégié pour, d’une part, se saisir de ce que les internautes pensent d’un sujet donné, d’autre part, publier des contenus informatifs pouvant également être hébergés par d’autres plateformes ».
« Il me semble en outre important de sortir d’une approche quelque peu unilatérale en matière de communication auprès du grand public sur les plateformes sociales, en identifiant des blogueurs ou des youtubeurs intervenant dans le champ de la vulgarisation scientifique ou économique et en s’appuyant sur leurs réseaux pour toucher certaines sphères d’influence et obtenir ainsi plus facilement la confiance des internautes ».
b. Ce dialogue doit s’appuyer sur des expériences intéressantes sont déjà engagées tant dans le secteur public que privé
La mise en place de Minéralinfo par les pouvoirs publics est une première réponse à ces préoccupations
Élaboré au sein du COMES, Minéralinfo est le portail français des ressources minérales non énergétiques premières et secondaires.
Il répond à deux objectifs : redistribuer l’information en direction des entreprises ; répondre aux besoins de connaissance, de savoir et de transparence de nos concitoyens.
L’information redistribuée émane souvent du BRGM et de ses rapports sur les métaux critiques. On y trouve ainsi des fiches de criticité et des informations sur l’interprétation des données du sol et du sous-sol. Elle émane également du ministère en charge des mines, dont le site Internet permet de consulter le public sur les permis exclusifs de recherche.
Mais l’information va bien au-delà pour répondre au deuxième objectif. Elle porte ainsi sur les acteurs, les matières premières, notamment celles produites en France, un panorama des mines et des carrières, l’état de l’activité minière aujourd’hui, des cartes et données destinées aux industriels et des fiches, encore en cours de développement, pour mieux comprendre les enjeux environnementaux, économiques, techniques, sanitaires.
Pour M. Rémi Galin, « la réglementation n’était expliquée nulle part en termes simples et les référentiels n’étaient pas facilement consultables. Nous avons donc décidé de réunir toute cette information et de la proposer sous forme de rubriques décrivant notamment les politiques publiques dans ce domaine, autour des thématiques de l’économie circulaire, de l’action internationale de l’Etat, de la politique minière et des politiques liées au recyclage. Nous comptons beaucoup sur ce site pour développer ces démarches de dialogue éclairé auxquelles nous aspirons tous ».
Minéralinfo reçoit actuellement cinq mille visites par mois.
Les entreprises sont aussi concernées, comme le montrent les initiatives prises par Areva Mines
Présentée par M. Gilles Recoche, la stratégie d’Areva en la matière « s’appuie sur trois axes, situés à des degrés de maturité différents : l’information, le dialogue et la concertation ».
Elle consiste tout d’abord à expliquer, à montrer, à informer, dans un souci pédagogique, en organisant des espaces dédiés visant à sensibiliser les populations ou des visites interculturelles de sites. Elle repose sur la mise en place des outils d’information pour le plus grand nombre, via les média et les réseaux sociaux, au sein de plateformes éditoriales grand public. Elle comprend des séminaires et des visites d’information dédiés aux relais que sont les média et les scientifiques.
Puis vient le temps du dialogue et du débat, en engageant échanges avec les différentes parties prenantes au projet. « Cet aspect est aujourd’hui bien connu en France dans le domaine de l’après-mine, autour notamment des commissions de suivi de sites, au cours desquelles, sous l’égide des préfectures, sont présentés les bilans environnementaux, les projets et les avancements des travaux ».
Ce dialogue passe également par Internet, où est posté le rapport de développement durable de l’entreprise, intitulé Rapport Croissance Responsable, qui répond aux exigences de l’ICMM. Un questionnaire en ligne vise à recueillir les réactions du plus grand nombre sur ce rapport et à proposer des pistes d’amélioration.
La concertation a pour but de prendre des décisions à la lumière des attentes des parties prenantes, une fois celles-ci identifiées.
Deux exemples en montrent la finalité. Ils concernent tous les deux des pays en développement mais pourraient s’appliquer à la France.
En Mongolie, Areva a ainsi établi un accord de partenariat avec une ONG française et un ensemble de coopératives de vétérinaires pour développer, sur plusieurs années, un projet visant à garantir la viabilité de leur activité, dans le contexte de l’arrivée d’une mine, et à maintenir tout le tissu sanitaire et économique de nature à permettre le maintien d’une activité d’élevage.
Au Niger, Areva met en œuvre un programme important de développement agropastoral et d’irrigation sur un territoire de plus de mille hectares, qui devrait bénéficier à quelque deux mille ménages.
Toutes ces expériences sont intéressantes, car l’objectif final est de permettre la réalisation du projet minier envisagé ou en cours.
C. L’ÉLABORATION D’UNE STRATÉGIE MINIÈRE OFFICIELLE SERAIT UTILE, COMME LE MONTRENT LES EXPÉRIENCES JAPONAISE, SUÉDOISE ET FINLANDAISE
1. L’approche du Japon est particulièrement volontariste et pourrait être une source d’inspiration pour la France.
Cette stratégie, définie en 2010, comporte quatre piliers principaux: la sécurisation des ressources à l’étranger ; le développement du recyclage ; la recherche de substituts aux matériaux critiques importants pour l’industrie ; le stockage de métaux rares.
- La sécurisation des ressources à l’étranger : cette tâche est confiée au Japan Oil Gaz and Metals National Corporation (JOGMEC) qui est chargé de gérer les fonds destiné à l’aide aux entreprises impliquée dans les activités minières.
Cette politique favorise les investissements japonais à l’étranger et des coopérations internationales.
Trente ressources minérales ont été identifiées comme étant les plus importantes, en tenant compte des métaux qualifiés de critiques soit par l’Europe, soit par les États-Unis.
- Le développement du recyclage repose sur la recherche et le développement de technologies adaptées pour réutiliser les matériaux critiques. Ceux-ci peuvent provenir du processus industriel ou des produits usagers. Sont notamment concernés le néodyme et le dysprosium des aimants de haute performance (utilisés dans les véhicules hybrides). Plusieurs opérations sont nécessaires : démontage, recyclage des métaux de base, démagnétisation, séparation et récupération des aimants.
Cette politique promeut des recherches concrètes sur le recyclage, notamment du tantale, du néodyme, du dysprosium et du praséodyme.
Les projets déjà en cours portent sur l’utilisation du potentiel de la mine urbaine, mais celle-ci dépend toutefois de l’avancée des recherches sur le recyclage et du contexte économique à moyen et long termes. Des projets plus lointains concernent de nouvelles possibilités : boues marines, ressources marines profondes. Mais les industriels sont peu empressés, soit par insuffisance des technologies disponibles, soit du fait de la faiblesse actuelle des cours.
- La recherche de substituts aux matériaux critiques importants pour l’industrie : dans l’électronique, l’automobile, les instruments industriels, c’est le cas pour l’indium, utilisé dans les électrodes transparentes des télévisions à écrans plats ; du dysprosium, utilisé dans les aimants de divers moteurs ; du tungstène, utilisé dans les outils en carbure cémenté (cemented carbide tools) ; du platine pour les catalyseurs des gaz d’échappement ; du cérium pour le polissage de précision du verre pour les écrans à cristaux liquides (LCD) ; du terbium et de l’europium pour les matériaux fluorescents. Ces projets sont menés par la New Energy and Industrial Technology Development Organization (NEDO) et le Ministry of Economy, Trade and Industry (METI).
- Le stockage de métaux rares, en promouvant une coopération public-privé.
Comprenant un stockage pragmatique sur soixante jours de certains minerais, cette stratégie est facilitée par l’intervention du Japan Bank for International Corporation (JEBIC), banque d’investissement public chargée de promouvoir les exportations japonaises, la coopération avec d’autre pays, les investissements étrangers et le commerce international.
Elle porte également sur la recherche de nouvelles fonctions des matériaux, la réduction de leur utilisation et l’établissement de nouvelles règles.
Dotée d’un financement de deux milliards de yens par an (soit seize millions d’euros), de 2012 à 2021, elle est évaluée tous les trois ans.
b. Une stratégie mise en œuvre grâce à la coordination de plusieurs structures publiques
Cette stratégie repose sur la coopération entre plusieurs ministères et plusieurs structures publiques : le MEXT (ministère de l’éducation, de la culture, des sports, des sciences et de la technologie), le METI, dans une certaine mesure le ministère des affaires étrangères, parfois le cabinet du Premier ministre, le JOGMEC, le JEBIC, l’AIST (National Institute of Advanced Industrial Science and Technology) et le NEDO.
Le MEXT est ainsi chargé de la recherche de base sur la substitution et sur la réduction de la consommation des matières premières.
À cette fin, le MEXT contribue à la création d’équipes, de pôles de recherche dans une approche globale intégrée, mise en œuvre grâce au NIMS (National Institute for Materials Science) dans le domaine des matériaux pour aimants, à l’université de Kyoto pour la catalyse et les batteries pour l’électronique de même que pour la rupture et la déformation des matériaux de structure et au TITECH (Tokyo Institute of Technology) pour les matériaux pour l’électronique. Cette approche universitaire, menée en coopération avec l’industrie, vise des résultats dont vont bénéficier tant les industriels que les chercheurs.
Ces recherches donnent lieu à des coopérations internationales pour le remplacement de l’iridium et de l’indium, que financent le JST (Japan Science and Technology Agency) et la Commission européenne, notamment dans le cadre de l’Horizon 2020.
Dans le domaine de l’informatique pour les matériaux, le Centre pour la recherche sur les matériaux, basée sur l’intégration de l’information, met en œuvre un projet reposant sur une coopération entre entreprises, instituts de recherche, universités et organisations internationales dans trois domaines : collecte de données analysées grâce à des techniques de Big Data ; développement d’outils spécifiques ; élaboration de systèmes qui utiliseront ces outils. Sa démarche est originale : plutôt que de partir de principes physiques et de l’élaboration d’hypothèses, ce qui se fait habituellement, il part des données statistiques pour faire apparaître des éléments qu’on ne connaissait pas. Il espère ainsi constituer ainsi une cartographie des matériaux.
Le Tokyo Institute of Technology et l’université de Kyoto participent ainsi à l’initiative sur la stratégie des éléments par des programmes de maîtrise et de doctorat.
Le METI s’occupe de l’application concrète des résultats de la recherche. Il se base toujours sur les quatre piliers de la stratégie des éléments. Il demande au ministère des finances d’accorder des crédits puis lance des appels d’offre. Le NEDO réalise alors des études préalables et des évaluations. Le MEXT et le JST participent à ce processus, dont découlent des programmes de formation universitaire.
La politique énergétique relève uniquement du METI, de même que la gestion des stocks stratégiques. Le ministère des affaires étrangères gère les aspects diplomatiques. Ce qui concerne la sécurité internationale remonte au Cabinet Office et au Premier ministre.
Le NEDO, équivalent japonais de l’ADEME, est en charge du développement industriel, l’AIST du développement en amont. Le JEBIC, banque d’investissement public, aide les entreprises japonaises à investir à l’étranger pour obtenir des produits à des prix stables et un approvisionnement à long terme. Son un effet d’entrainement très important. Un tel outil financier n’existe pas en Europe.
L’exploitation relève des entreprises privées.
c. Le rôle particulier de JOGMEC, une structure dont la France pourrait s’inspirer
La diplomatie japonaise des matières premières repose largement sur l’action de JOGMEC et de sociétés de commerce privées, qui prennent des participations dans des projets et bénéficient, à cette fin, de son appui financier.
JOGMEC est chargé de sécuriser l’approvisionnement en ressources nationales : hydrocarbures, métaux, géothermie. Pour les métaux, il est engagé dans la phase exploration, dans le développement technologique et le stockage.
JOGMEC, agence indépendante sous la tutelle du METI, a essentiellement pour objectif de trouver des ressources minérales hors de Chine, dans le cadre du premier pilier de la stratégie des éléments. Sa démarche consiste à promouvoir des travaux d’exploration pour découvrir des ressources, et à financer des entreprises japonaises qui travaillent dans ce domaine.
Cet organisme d’État, doté, chaque année, de plusieurs centaines de millions d’euros de financement, prend des participations dans des projets d’exploration à l’étranger et identifie des métaux prioritaires avec les industriels. En cas de succès, cette prise de participation peut être transférée à des entreprises japonaises selon des modalités bien codifiées.
2. Les exemples suédois et finlandais confirment l’intérêt d’une telle approche
a. En Suède, une stratégie nationale pour les matières premières a été mise en place en 2013.
Cette stratégie repose sur cinq objectifs et dix-neuf mesures associées
Ces objectifs pourraient être aisément repris en France : une industrie minière en harmonie avec l’environnement, les valeurs culturelles et les activités économiques ; un dialogue et une coopération pour l’innovation et la croissance ; un cadre et des infrastructures pour la compétitivité ; des compétences et une formation efficaces ; une industrie minière de grande renommée internationale.
Les mesures qu’elle prévoit sont utiles dans un contexte où les pouvoirs publics doivent gérer les conséquences de faillites d’entreprises minières qui sont survenues en 2014. C’est le cas de Northland Ressource, où il faut faire face à la pollution des nappes phréatiques et à l’assèchement des marais, et de Lappland Goldminers, où les opérations de dépollution des sols, et surtout des eaux qui contiennent des métaux lourds, du zinc et du cadmium, risquent de coûter plus de vingt millions d’euros aux contribuables suédois.
Ces principes pourraient aussi s’appliquer dans des situations moins dramatiques. Ce pourrait être le cas à Kiruna, dans la mine de fer de LKAB, à 1 540 mètres de profondeur, où se manifestent des inquiétudes sur les effets d’émissions polluantes sur l’eau et l’air, sur les déchets, sur la consommation d’énergie et sur les impacts sur le paysage.
b. En Finlande, la stratégie minière est d’inspiration semblable
Définie en 2010, cette stratégie, proche de celle de la Suède, a conduit, en 2013, à la mise en place d’un plan d’action gouvernemental pour l’industrie extractive.
Elle est financée par SITRA.
Créé en 1967, SITRA est un fonds pour l’innovation sociale, technologique, environnementale et dans le domaine de la santé, pour que la Finlande soit un pays où il fait bon vivre. SITRA sert d’incubateur pour de nouvelles idées, les teste, puis une autre structure prend la relève. Ses revenus
– 35 millions d’euros – proviennent du revenu de son capital et permettent le financement de recherches et d’innovations. Cet incubateur public dépend du Parlement finlandais et fait du lobbying indépendant. Son conseil d’administration comprend des parlementaires et des représentants des partis ainsi que des fonctionnaires.
Avec ses cent trente employés, SITRA investit via des fonds d’investissement spécialisés et fait de l’incubation dans les domaines de l’environnement, de la santé et du travail (nouvelles formes de travail : télétravail, multiplicité de contrat, entreprenariat individuel, revenu de base).
Laboratoire d’idées, SITRA travaille, dans le domaine de l’environnement, sur l’économie circulaire, le changement climatique, la mise en place d’une industrie neutre du point de vue carbone, une utilisation maîtrisée des ressources et les synergies industrielles.
SITRA, qui organise des concours d’idées, a notamment créé un réseau pour développer la responsabilité minière.
D. UN PROJET MINIER AMBITIEUX NE POURRA SE DÉVELOPPER EN FRANCE QU’A PARTIR DU CONCEPT DE MINE RESPONSABLE
C’est une approche nouvelle qui permet de trouver des solutions à des questions complexes et de répondre à de véritables préoccupations. L’expérience de la Suède et de la Finlande montrent que cette approche ne relève pas de l’utopie et qu’elle peut permettre le développement de nouvelles activités minières et métallurgiques. Ce type d’approche sera inévitablement à la base des travaux de rénovation du code minier français.
1. Cette approche nouvelle permet de répondre à de véritables préoccupations
Le concept de mine responsable résulte de plusieurs questions :
- comment prévenir et maîtriser les risques ?
- comment gérer l’après-mine?
- comment assurer la traçabilité de tous les éléments constitutifs du projet ?
- quel équilibre trouver entre réglementation et mise en œuvre volontaire de bonnes pratiques ?
a. Comment prévenir et maîtriser les risques ?
L’objectif est double : préserver la santé des salariés et des populations ; protéger l’environnement. Cela nécessite :
- de développer un projet viable, accepté et faisable, très en amont, en considérant l’ensemble du cycle de vie du projet minier, tant d’un point de vue économique qu’environnemental, technique et sociétal ;
- de mettre en place des systèmes de management connus, reconnus, auditables ;
- de prendre des engagements volontaires, dans une démarche proactive sur les bonnes pratiques et dépassant les seules obligations réglementaires, en s’appuyant sur les bonnes pratiques ;
- de trouver un équilibre entre réglementation et marché.
Cette approche résulte notamment de l’expérience de M. Gilles Recoche.
Pour M. Didier Julienne, « le premier risque sérieux à évaluer est sans doute la mise en place de politiques qui nécessitent l’ouverture de nouvelles mines. Je pense notamment à la politique de transition énergétique, non seulement française, mais aussi mondiale, qui implique que l’on consomme beaucoup plus de métaux que par le passé. Or si cette augmentation de la consommation n’est pas anticipée, préparée, cela risque de conduire à l’ouverture de mines sans que la réglementation soit respectée. Ceci pourrait survenir si les besoins en cuivre s’avéraient gigantesques pour fabriquer, par exemple, des câbles entre des panneaux solaires ou des éoliennes et qu’il ne serait pas possible d’y répondre ».
b. Comment gérer l’après-mine ?
L’après-mine doit être envisagée dès la conception du projet
L’après-mine peut en effet réserver des surprises parfois dramatiques, comme le souligne M. Didier Julienne : « Je pense notamment aux révélations faites récemment dans le Gard à propos de dépôts miniers, à un barrage qui s’est brisé aux États-Unis après une action de l’administration et à un autre barrage qui, au Brésil, a lui aussi cédé alors que des gens étaient en train de le consolider. Refuser des mines sous ce prétexte signifierait que l’on refuserait l’idée que la science et l’industrie puissent apprendre ; or ce n’est pas le cas ».
L’encadrement de l’après-mine est donc essentiel. C’est un élément important à prévoir afin d’éviter un rejet des projets miniers.
Il doit être intégré au projet minier dès sa phase de conception, ce qui n’est pas forcément évident dans notre pays.
M. Mehdi Ghoreychi, directeur des risques du sol et du sous-sol, INERIS, rappelle que la problématique de l’abandon et du post-abandon n’a pas toujours été bien prise en compte par le passé, que ce soit dans les projets miniers ou, d’une manière générale, industriels. « Le retour d’expérience en France montre combien la gestion de l’après-mine peut être délicate. Si l’on n’en était pas conscient voici un siècle, on le sait aujourd’hui et il faut en tirer les conséquences ».
Pour M. Gilles Recoche, comme la mine est temporaire, il est important « d’anticiper très en amont le futur du site, qui doit s’élaborer avec les parties prenantes dès le démarrage. Nous essayons, pour ce faire, de mettre en place des outils permettant d’envisager les possibilités d’après-mine, de seconde vie, de continuité de l’existence du territoire, qui passent notamment par des réaménagements des sites. Il est important, dans ce cadre, de pouvoir montrer des exemples de réalisation. Ceci est essentiel en termes de communication ».
La remédiation des sites doit être prévue
Il existe en France un certain nombre de friches industrielles, de terrains potentiellement contaminés. C’est pourquoi le CEA a créé à Marcoule, autour du triptyque « formation-recherche-industrie », une association intitulée « pôle de valorisation des sites industriels », qui s’occupe à la fois des sites industriels nucléaires et non nucléaires. Comme le souligne M. Gilles Bordier, « la remédiation des sols et des sites est en effet une activité à la fois industrielle et de recherche. Le CEA est l’un des organismes qui effectuent des recherches dans ce domaine. Ceci permet par exemple d’aller extraire, dans des sols contaminés, certains métaux qui sont ensuite mis de côté dans la mesure où ils présentent un caractère toxique, voire radioactif ».
Des actions doivent être menées lorsque les responsables sont défaillants
Plusieurs actions décrites par M. Alain Geldron, expert national Matières premières, ADEME, direction Consommation durable et déchets, doivent être envisagées :
- effectuer la mise en sécurité des bâtiments qui resteront après la fin de l’exploitation minière ;
- mener des actions de confinement d’un certain nombre de lieux d’exploitation susceptibles de présenter des dangers ou des problèmes de sécurité pour l’environnement ;
- s’assurer de la stabilisation des terrils et garantir une protection contre l’érosion hydraulique, en évitant par exemple les fonds de vallon. Il faut avoir recours à des solutions de long terme robustes et ne faisant pas trop appel à des technologies, afin de limiter les problèmes liés à leur maintenance ;
- reprofiler des terrils miniers qui peuvent présenter des problèmes de stabilité physique, de protection de surface pour éviter le passage des eaux météoriques au sein de déblais chargés en métaux ;
- reprofiler des réseaux de collecte des eaux et les réseaux de traitement de résidus métallurgiques ;
- prévoir des modalités de stockage des stériles dans la durée. Ceci se double de la nécessité, au moment de l’exploitation, de bien gérer les bassins de décantation, en veillant à leur parfaite étanchéification, pour éviter des relargages sur le long terme.
c. Comment assurer la traçabilité de tous les éléments constitutifs du projet ?
C’est nécessaire pour répondre à la demande de nombreux clients. C’est aussi utile dans le cas des minerais de conflits.
La mise en place de la traçabilité est devenue une réponse à une demande des acheteurs finaux
La démarche de « gouvernance-produit », ou de « product stewardship » de Rio Tinto Alcan, rappelée par M. Olivier Dufour, est une conséquence de cette exigence : « Le caractère innovant de cette démarche réside dans le fait qu’elle vient du client final, qu’il s’agisse de Tetrapak, Nespresso ou BMW, qui nous ont demandé de la traçabilité sur des aspects de sécurité environnementale ou de travail, et ce jusqu’à la mine ».
« Nous nous sommes donc engagés auprès de nos clients à mettre en place cette traçabilité, comme cela a été fait par exemple dans le domaine du bois. Le standard, auditable, a été élaboré en 2014 et conduit tous les acteurs de la chaîne de valeur, du client final à la mine, à auditer leur fournisseur pour savoir s’il répond effectivement au standard de respectabilité mis en place ».
M. Didier Julienne évoque pour sa part l’or éthique, produit en Amérique du Sud et commercialisé en Europe dans des bijouteries éthiques, « Le principal problème que nous avons rencontré résidait non pas dans le fait de produire cet or, mais de le faire venir en Europe, dans une usine d’affinage, sans qu’il ne soit mélangé à d’autres. La traçabilité était alors un enjeu essentiel. Il s’agit d’un mouvement nouveau, marginal dans ses volumes, mais d’une ampleur considérable en termes de marketing. Les boutiques en question reçoivent en effet des clients de toute l’Europe. Les consommateurs se déplacent pour venir acheter spécifiquement des bijoux en or dit « équitable ».
Les minerais de conflit vont faire l’objet d’une attention de plus en plus grande
C’est une obligation aux États-Unis, que rappelle Mme Adeline Defer, ministère des affaires étrangères et du développement international. Son application a déjà eu des répercussions en Chine.
La loi Dodd-Frank demande, en effet, aux entreprises américaines et étrangères cotées à la bourse américaine de mettre en place une traçabilité sur leur chaîne d’approvisionnement en quatre minerais : l’or, l’étain, le tungstène et le tantale.
Elle résulte d’une nouvelle sensibilité des organisations de consommateurs qui souhaitent une plus grande transparence et une plus grande traçabilité des chaînes d’approvisionnement. Elle a également pour objectif de diminuer les possibilités de financement des conflits armés, qui proviendraient de l’extraction minière.
Cette réglementation a inspiré un projet de réglementation au niveau européen.
Les chaînes d’approvisionnement de ces métaux passant par l’Asie et notamment par la Chine, la Chambre des métaux et minerais chinoise – sorte d’équivalent de l’A3M pour la Chine – a aussi travaillé à l’élaboration d’un guide de lignes directrices, à destination de ses entreprises membres, sur la question de la transparence et la responsabilité des approvisionnements en métaux éventuellement liés au financement de conflits.
d. Quel équilibre trouver entre réglementation et mise en œuvre volontaire de bonnes pratiques ?
La frontière entre réglementation et bonnes pratiques est parfois ténue.
Que se passe-t-il, notamment, lorsque l’on souhaite prévenir des risques aléatoires ? M. Rémi Galin, MEDDE, prend l’exemple du stockage des déchets, qui peut être conforme à la réglementation – c’est-à-dire correctement dimensionné, étanché, mis à l’abri des phénomènes météorologiques – mais qui peut présenter dans la durée un certain nombre de fragilités vis-à-vis d’événements n’ayant pas nécessairement été prévus, tels que les tremblements de terre. « Où se situent, dans ce cas, la bonne pratique et l’aspect règlementaire ? Ceci est un peu difficile à déterminer ».
La gestion de l’après-mine donne donc lieu à l’application de règlementations, mais aussi à l’utilisation de pratiques allant au-delà des éléments de conformité. Faudrait-il étendre le domaine d’application de la réglementation ou faire confiance à l’efficacité des bonnes pratiques ? La réponse n’est pas forcément simple et générale.
M. Laurent Corbier, Eramet, apporte un éclairage intéressant en remarquant qu’il ne croit guère « au déploiement des bonnes pratiques en l’absence d’un certain nombre d’éléments de cultures d’entreprise, en matière de sécurité, de rigueur, de planification, mais aussi et surtout à l’une des cultures de base de notre industrie, qu’il convient d’exporter au maximum partout où nous sommes opérateurs, à savoir la culture de la conformité », c’est-à-dire une culture d’adaptation aux réalités du terrain.
La réglementation serait-elle alors une réponse à l’insuffisance de certains de ces éléments culturels ?
e. Quel équilibre trouver entre réglementation et marché ?
Quels sont les avantages respectifs de la réglementation et du marché ? Dans quelles circonstances le consommateur sera-t-il plus vertueux s’il est dédommagé ?
Le recours à la réglementation ou au marché correspond largement à des choix culturels. Dans certains pays, la réglementation paraît naturelle car le rôle de l’État est valorisé. Dans d’autres, elle est perçue comme une contrainte parfois inacceptable.
C’est notamment le cas pour le recyclage des déchets électriques et électroniques, devenu obligatoire en France mais pas aux États-Unis, où il est stimulé par des incitations financières.
Les Français porteraient-ils davantage leurs appareils électrodomestiques à la décharge afin qu’ils soient recyclés s’ils recevaient une compensation financière ? La question mériterait d’être étudiée, car la collecte réalisée ne représente qu’une petite partie des objets concernés.
La réglementation peut néanmoins créer de nouveaux réflexes susceptibles, dans le long terme, de modifier les comportements. Elle peut aussi permettre de lancer certaines activités économiques qui, autrement, ne verraient pas le jour. Doublée de subventions, elle pourrait aujourd’hui permettre le maintien d’activités de recyclage qui sont menacées ou arrêtées du fait de la baisse des cours des matières premières.
M. Benoît de Guillebon, APESA, rappelle à cet égard que « lorsque l’on a démarré les énergies renouvelables, on a su financer, pendant un certain temps, le décalage économique entre cette activité en développement et l’existant. Pourquoi n’avoir pas imaginé de dispositif similaire pour protéger pendant quelques années le recyclage, pour l’aider à se développer et à se stabiliser, en attendant que les règles du jeu internationales se diffusent, y compris dans des pays comme la Chine ? ».
Que faire si l’application de la réglementation ou des bonnes pratiques conduit à une augmentation des prix de revient trop élevée par rapport aux prix des produits venant de pays concurrents, qui ont soit des règles différentes soit pas de règles du tout ?
Pour M. Thierry Meilland-Rey, Vicat-DGD Satma, tout dépend de l’attitude des consommateurs. Seront-ils disposés à fournir un effort financier supplémentaire et à payer finalement à leur juste prix les produits exploités et transformés selon nos standards et nos bonnes pratiques ? « Dans notre domaine d’activité, nous notons régulièrement, sur les marchés français, la présence de produits venant de l’étranger, parfois de très loin, qui concurrencent les produits français, mais ne respectent pas les normes que nous appliquons ».
Pour M. Alain Rollat, Solvay, « nous sommes dans une situation dans laquelle on met en place des normes, nécessaires pour protéger nos populations et nous assurer que nos produits n’ont pas d’impact sur l’environnement, sans prendre en compte le fait que d’autres pays n’appliquent pas les mêmes normes et peuvent faire entrer sur nos marchés des produits non conformes aux conditions que nous imposons sur nos chaînes de valeur. Je n’ai pas de solution à proposer, mais constate que nous sommes quotidiennement confrontés à ce type de difficulté ».
Faudrait-il, dans un tel cas, appliquer des règles restrictives aux importations ? Comment faudrait-il les formuler pour qu’elles soient compatibles avec les règles de l’OMC ? Là aussi, la question mérite d’être étudiée.
2. Les exemples de la Suède et de la Finlande montrent que le concept de mine responsable est source de création de richesses
Comment exploiter des mines sans porter atteinte à l’environnement et à la santé publique ? Comment relancer la production minière en offrant des salaires décents ? La tâche n’est pas impossible, comme le montrent la Suède et de la Finlande.
Ces deux pays, qui ont des exigences proches des nôtres, ont réussi à relancer une production minière dans des conditions parfois inhabituelles.
Ils exploitent notamment des mines en dessous de mille mètres et y installent des installations en profondeur, ce qui facilite l’acceptation publique de leurs activités.
Tant en Suède qu’en Finlande, la mine peut être conçue de façon moderne et le renouveau de l’activité minière est facteur de développement économique et de prospérité.
c. En Suède, la mine responsable repose largement sur l’action de l’inspection des mines et du Tribunal de l’environnement.
L’inspection des mines délivre les permis pour l’exploration minière et les concessions d’exploration. Ces permis découlent d’un long processus qui part de l’exploration pour aboutir à l’exploitation de la mine.
Seules quelques entreprises, parmi les centaines intéressées, réussiront à accomplir ce parcours, qui dure généralement huit ans. Avant que l’exploration ne débute, un permis doit être demandé à l’Inspection des mines, qui intervient en cas de conflit avec les propriétaires.
Puis une demande de concession d’exploitation doit être adressée à l’Inspection, qui sera valable vingt-cinq ans afin d’éviter qu’une autre compagnie n’intervienne dans la même zone. De nombreuses concessions ne seront pas utilisées, mais compte tenu de leur durée de validité, des entreprises juniors font ce parcours dans l’objectif de se faire racheter. En 2014, six permis de concession ont ainsi été accordés.
Un permis environnemental doit enfin être demandé, dans le cadre d’une procédure où intervient le tribunal de l’environnement.
Le tribunal de l’environnement, créé en 2011, intervient en première instance ou en appel. Ses décisions peuvent être portées devant la Cour Suprême
Ce tribunal a un rôle particulier pour l’attribution des permis miniers. Ses décisions sont prises par quatre membres, contre deux dans les autres tribunaux. Son président, juge classique, est assisté par un juge technique en environnement, le plus souvent un ingénieur qui a une formation scientifique ou technique et une expérience des questions environnementales ; mais aussi par deux experts ayant une expérience du domaine relevant de la responsabilité de l’agence suédoise de protection de l’environnement et une expérience de l’industrie ou de la gestion d’une collectivité locale.
La demande présentée au tribunal doit comprendre des dessins, des cartes, des descriptions techniques, une évaluation de l’impact environnemental et des propositions de mesures de protection.
La décision du tribunal peut être portée devant la Cour suprême. Ce fut le cas, en 2014, pour un nouveau permis attribué à Boliden, qui avait pour but d’agrandir des activités datant de 1968. L’attribution du permis par le tribunal de l’environnement a été mise en cause devant la juridiction suprême par l’Agence suédoise pour le management marin et la gestion de l’eau et par l’Agence suédoise de protection de l’environnement, qui contestaient les dispositions prévues pour la gestion des déchets.
d. En Finlande, ce concept mis en œuvre dans de nouvelles mines, a évolué vers celui de mine verte.
Le concept de mine responsable a fait l’objet d’un débat public sous l’autorité du gouvernement.
Ce débat, lancé en 2012, portait sur l’environnement, les coopérations à mettre en place, le rôle des universités et des centres de recherche.
Ce fut, en quelque sorte, un « Grenelle de la mine » avec les sociétés minières mais aussi les propriétaires terriens, les éleveurs, les acteurs du secteur touristique, les fournisseurs de technologies et les associations de protection de la nature.
Son objectif était d’organiser un dialogue entre les autorités et les parties concernées afin que le projet minier soit bien accepté localement. Il a permis l’élaboration de manuels interactifs sur la mise en place d’une exploitation responsable et sur les interactions entre les autorités et la population. Il a posé la question des critères d’évaluation des impacts sur l’environnement et de s’interroger sur la manière de concilier tourisme et exploitation minière. Il a débouché sur l’élaboration d’un guide sur la manière d’agir dans la zone d’élevage des rennes, en précisant les écueils à éviter. Sa philosophie est de raisonner en termes de comparaison des activités plutôt qu’en termes d’opposition entre industrie et environnement, dans une région où la mine offre des opportunités d’emploi à une partie importante de la population.
Il en est ressorti des programmes de gestion environnementale des entreprises et un plan d’action intitulé : « Faire de la Finlande un leader dans les industries minières extractives responsables et durables ».
Ce travail interministériel a été réalisé avec l’appui du Fonds d’innovation finlandais SITRA, qui met plus particulièrement en œuvre deux des trente-cinq actions définies. Ces deux actions portent sur la création d’un dialogue entre les parties concernées et le développement de programmes de gestion environnementale des entreprises.
Ce travail a débouché sur la formation d’un réseau « pour la responsabilité », qui regroupe des acteurs qui n’avaient ni l’habitude ni l’occasion de communiquer, qu’il s’agisse d’associations, de régions, de banques, d’entreprises industrielles, de syndicats mais aussi des Lapons. L’objectif du dialogue recherché et instauré est de promouvoir des pratiques responsables pour les mines, basées sur des approches internationales.
En matière de responsabilité sociale et environnementale, les standards retenus sont ceux du Canada, qui ont été comparés avec les systèmes de gestion australiens et sud-africains. Le standard international SFC a été considéré comme trop ambitieux.
Les questions étudiées étaient très larges : comment une entreprise peut-elle se comporter de manière citoyenne, grâce à des actions d’information, des dialogues ou en établissant une boîte à outils ? Sur quoi doit reposer le développement du réseau en termes de gouvernance, de vision, de missions, d’objectifs et de règles ?
Il en a résulté une charte basée sur dix principes de travail tels que le respect de la loi, des pratiques écologiques, sociales et économiques durables et responsables, la mise en place d’un dialogue, le maintien de la biodiversité, le management des impacts sociaux et environnementaux, la protection de l’héritage culturel et la prise en compte des droits spéciaux des Lapons.
Les moyens envisagés ne sont pas obligatoires, ce qui diminue les zones de conflit. Ce processus où les entreprises s’adressent à leurs interlocuteurs en demandant leur aide devrait permettre de passer d’une situation où les gens se parlent à peine à une situation de dialogue et de définition de nouvelles approches de développement de l’industrie minière, grâce à des réunions dans des lieux significatifs, par exemple le lieu de rassemblement et de séparation des rennes en automne ou le parlement des Lapons.
SITRA étant précurseur et incubateur, le relais de cette action est assuré par l’association de l’industrie minière, où les décisions correspondantes sont prises par consensus.
Le concept de mine responsable fournit, par ailleurs, un cadre de réflexion fort utile pour gérer des incidents ayant des conséquences graves sur l’environnement, tels que celui survenu chez Talvivaara.
La société Talvivaara, qui exploitait une mine de nickel, utilisait des technologies modernes insuffisamment évaluées. En 2012, des fuites se sont produites dans un bassin d’eaux usées, libérant des métaux toxiques. À la suite de neiges exceptionnelles, les eaux de surface ont été trop abondantes et les réserves d’eaux usées n’ont pas pu être contrôlées.
Ce fut un incident majeur, car cette mine avait vocation à produire 2 % à 3 % de la production mondiale de nickel. Ses conséquences sur l’opinion publique ont été importantes. Elles ont conduit non seulement à tester des systèmes permettant de prévoir les problèmes éventuels liés aux eaux souterraines mais aussi de définir une approche plus innovante.
Ces incidents de nature hydraulique ont conduit à poser des questions nouvelles. Le gouvernement a décidé de faire des stress tests dans les mines à partir des questions suivantes : comment traiter les eaux et stocker les eaux usées en cas de précipitations exceptionnelles ou de fuites? Y-a-t-il eu des dégâts environnementaux ? Les barrages de rétention sont-ils utiles ? Quels produits peuvent être néfastes ? Quels sont les effets d’une panne longue de courant ? Y-a-t-il les ressources sur place pour évaluer les dégâts environnementaux ? Comment la mine va-t-elle communiquer avec ses employés, les autorités, les média, les résidents ? Quels sont les risques de sabotage, de vandalisme ou d’actes criminels qui pourraient créer des dégâts environnementaux ?
Ce questionnaire a permis une auto-évaluation, et une cartographie de la situation, qui ont fait émerger les bonnes pratiques partagées par les opérateurs, et le besoin d’une plus grande coopération entre autorités.
Le concept de mine responsable peut être illustré par la mine d’or de Kittilä.
Cette mine, ouverte en 2009, qui descend jusqu’à 800 mètres et bientôt 1 500 mètres, fonctionne en effet dans des conditions salariales et environnementales particulièrement favorables.
Ses quatre cent cinquante employés permanents, qui devraient y rester au moins jusqu’en 2036, touchent des rémunérations supérieures à celles qu’ils auraient perçues dans d’autres activités. Les ouvriers, qui travaillent dix heures par jour, pauses inclues, pendant cinq jours, puis se reposent cinq jours, y gagnent entre 50 000 euros et 60 000 euros par an, les ingénieurs entre 80 000 et 100 000 euros.
Ce salaire des ouvriers, plus élevé que celui d’un professeur (qui gagne 2 500 euros par mois), est notamment lié au travail de nuit et des week-ends. Il est déterminé par la convention collective de la métallurgie, qui prévoit que l’échelle des salaires dépend du temps de formation requis, des obligations du travail et de l’environnement du lieu de travail.
Dans ces conditions, l’entreprise minière n’a aucun mal à recruter des ouvriers, des conducteurs de camion ou des mécaniciens. Il est, par contre, plus difficile de trouver des travailleurs qualifiés du fait de l’absence, pendant un certain temps, de formations qualifiantes pour le secteur minier.
Son impact sur l’emploi local est réel : le chômage y est moins élevé que dans les autres régions finlandaises. Les taxes locales atteignent cinq millions d’euros par an.
En matière d’environnement, les standards utilisés sont plus élevés que ce que demande le gouvernement. Des contrôles sont effectués à partir d’échantillons car l’exploitation utilise du cyanure, de l’arsenic et des phosphates, trois éléments qu’il faut contrôler. Les impacts sur l’élevage sont également pris en compte.
Les déchets provenant du traitement de 1,5 million de tonnes de minerai traités par an, sont renvoyés sous terre ou déposés dans des mares de décantation lorsqu’il n’y a pas suffisamment de place sous terre.
Des provisions ont été constituées pour couvrir les frais de fermeture de cette mine qui produit actuellement 6 000 kg d’or par an.
Les Finlandais vont plus loin, en parlant de mine verte
Ce concept repose sur un constat que nous partageons : la mine doit être acceptée par la population, ce qui n’est pas forcément automatique. Pour les Finlandais, c’est une question d’ordre culturel.
À cette fin, une licence sociale d’opération a été créée avec cinq objectifs : minimiser les impacts négatifs immédiats sur l’environnement ; minimiser les conséquences à terme sur l’environnement ; promouvoir l’efficacité des matériaux et de l’énergie ; rendre possible une disponibilité des ressources pour les besoins futurs ; en déduire de nouvelles pratiques de travail et d’organisation.
Ce programme, qui fait partie de la stratégie minérale de 2010, est financé par l’Agence finlandaise de financement pour la technologie et l’innovation, le Tekes, qui finance l’innovation avec un budget initial de cinquante millions d’euros qui, depuis lors, a été doublé. Il a déjà débouché sur quatre-vingt-dix-huit projets incluant cent quatre-vingts partenaires (industriels, universitaires, instituts de recherche). Dans le cas de projets de recherche, elle finance jusqu’à 70 % des dépenses, les établissements de recherche 30 %.
Ces projets portent, par exemple, sur l’eau, sur l’industrie minière durable mais aussi sur des aspects plus techniques tels que la définition de méthodes de sondage des minerais sans effet négatif sur la nature. Un tiers concernent les sciences sociales, pour étudier, par exemple, l’impact des mines sur le comportement des populations, ou l’acceptation sociale de nouvelles mines.
Dans le cadre de ce programme, appelé Green Mining, des comparaisons sont faites avec d’autres pays, comme le Chili, sur les technologies prudentes vis-à-vis de l’environnement. Ces comparaisons ont pour objectif de mettre en évidence les meilleures pratiques en matière de législation, et de mesures concrètes.
L’Institut finlandais de l’environnement coopère dans ce cadre avec l’Australie sur l’empreinte hydrique et avec le Consensus Building Institute des États-Unis sur la gestion des conflits et la coopération entre les entreprises et les groupes d’intérêt au niveau local.
Sur la base d’une approche multidisciplinaire, il travaille sur le cycle de vie de la mine, depuis les premiers projets jusqu’à sa clôture, en passant par son fonctionnement, en prenant en compte les facteurs économiques, sociaux et environnementaux. Il s’attache à l’efficacité de l’utilisation de l’eau, à l’évaluation des risques et aux facteurs nécessaires pour obtenir une acceptation sociale.
Il a déjà obtenu de premiers résultats, en définissant une vision et une fiche de route pour l’activité minière durable et acceptable à l’échéance de 2030. Ce travail résulte d’un processus participatif de prévision où les parties intéressées de l’industrie minière (entreprises, autorités publiques, ONG) expriment leurs pensées, leurs préoccupations, leurs inquiétudes, leurs suggestions sur le développement de l’industrie minière. Ce processus permet de déterminer les blocages mais aussi les technologies disponibles, tout en intégrant les différents aspects d’une entreprise minière. Il en résulte que le secteur minier, partie intégrante de la société, doit s’engager dans un processus d’apprentissage afin de devenir durable et acceptable.
3. La modernisation du code minier doit être l’occasion de faire progresser le concept de mine responsable et de commencer à le mettre en œuvre
c. Le code minier est l’un des outils permettant la mise en œuvre du concept de mine responsable
Tout code rassemble les règles applicables. Il ne révèle sa pleine efficacité que s’il est complété par une démarche politique volontariste qui débouche sur un dialogue fructueux entre les pouvoirs publics, les entreprises et les populations concernées.
Pour M. Alain Liger, COMES, « le code minier n’est toutefois pas le souffle de la vie, car un code n’est qu’un ensemble de règles ».
« Le souffle de la vie réside éventuellement dans une stratégie de l’État n’impliquant pas forcément un budget, mais surtout dans une volonté de mise en valeur du territoire. Ce souffle relève essentiellement des opérateurs, des explorateurs et des territoires, d’où le concept de mine responsable ».
C’est bien cela qui doit être recherché et qui passe d’abord « par le besoin de rétablir un dialogue avec le territoire, abrogé en 1994, et la nécessité d’améliorer les délais de traitement ».
Cette démarche implique d’expliquer ce que sont l’exploration et l’exploitation, la production, le traitement sur la mine, en termes nouveaux et donc différemment des termes utilisés dans les manuels d’exploitation des mines, peu accessibles au grand public.
Il est par exemple important « de souligner que toute mine ne modifie pas nécessairement un territoire. Bien évidemment, dans le Nord ou l’Est de la France, dans les grands bassins houillers ou ferrifères, l’exploitation minière a modifié le territoire à des échelles de temps séculaires. Sans les mines de charbon, le Nord-Pas-de-Calais ressemblerait sans doute à la Picardie et n’aurait pas la physionomie que nous lui connaissons, tant en termes d’infrastructures que de développement économique. Ce n’est toutefois pas toujours le cas : la présence de mines n’induit pas nécessairement des transformations aussi radicales ».
Le dialogue, qui est incontournable, ne suppose pas nécessairement, pour M. Alain Liger, COMES, une transparence absolue ni une soumission à une souveraineté locale. « Il s’agit plutôt de converger ensemble sur un projet donné, de la manière la plus transparente possible. C’est là un élément capital ».
d. Le code minier doit être modernisé sans trop attendre
La nécessité de sa modernisation est générale :
Pour M. Rémi Galin, MEDDE, « Il est de notoriété publique que le code minier a besoin d’être modernisé. Il est très difficile en ce moment de motiver des décisions, notamment d’exploration, dans un cadre juridique contesté. Le code minier pêche en fait plutôt par les modalités des décisions et leur relatif manque de transparence, qui font que les parties prenantes comprennent mal les processus miniers ».
Pour Mme Claire de Langeron, déléguée générale, A3M, « la révision du code minier constitue un enjeu d’importance pour nos opérateurs miniers. Nous comptons sur une simplification des procédures d’instruction des dossiers et le raccourcissement des délais qui en découlent, qui restent nos points de vigilance principaux à ce stade. Nous demeurons convaincus de la nécessité d’un texte clair et modernisé, au service de la relance d’un véritable secteur minier ».
C’est un projet déjà ancien du ministère de l’industrie, qui comprend plusieurs volets, et notamment une réforme du code minier et la création d’une Compagnie nationale minière.
Sa réforme, annoncée, doit être menée à terme
Ses objectifs font l’objet d’un large accord. Il s’agit tout d’abord de réformer un cadre juridique devenu obsolète puis de créer un dialogue organisé, qui permettra de faciliter l’expression de craintes légitimes et de les apaiser si elles apparaissent excessives ou infondées.
La modernisation du cadre juridique actuel, qui est contesté, doit permettre une plus large participation du public et une meilleure prise en compte de la sécurité des travailleurs, de la sécurité publique et de la protection de l’environnement.
Elle doit aussi, selon M. Rémi Galin « fixer un cadre qui sorte de l’enquête publique, qui ne représente finalement qu’un constat des objections, des critiques et des craintes et ne prévoit pas d’échanges sur la construction du projet, échanges qui permettraient de dégager ce que serait un projet acceptable ».
« Vis-à-vis des investisseurs, la réforme doit s’attacher à augmenter la rapidité des décisions. Cette volonté peut venir en tension avec le souhait d’accroître la participation du public et il est important de correctement gérer l’articulation entre ces deux aspects ».
Il faut, par ailleurs, faciliter l’organisation d’un dialogue le plus en amont possible du projet minier, afin de répondre aux craintes et aux réticences suscitées par le projet.
Pour M. Rémi Galin, « nous y avons tous intérêt, y compris l’investisseur qui a besoin de savoir dans quelles conditions développer son projet. Je regrette pour ma part que les processus actuels ne permettent pas d’avancer progressivement, de donner les éléments de décision aux autorités de l’État le moment venu, dans une progressivité adaptée à la situation, sachant qu’au final les arrêtés de travaux sont de toute façon soumis à autorisation, études d’impact et sanitaires, contre-expertises si nécessaire. La question sera donc traitée, le moment venu et de manière adaptée, par les services de l’État ».
Il faut maintenant réaliser cette réforme qui, bien qu’ayant été annoncée, ne se concrétise pas. Elle doit être soumise au débat parlementaire.
II. EST-IL SOUHAITABLE DE CONSTITUER DES STOCKS STRATÉGIQUES ?
A. FAUT-IL METTRE EN PLACE DES STOCKS STRATÉGIQUES ?
Pourquoi voudrait-on faire des stocks stratégiques, étant donnés la complexité et le coût de leur gestion ?
La réponse correspond à un choix politique : peut-on ou non se passer de certaines matières premières critiques si elles sont stratégiques ? Est-on prêt à payer le prix fort en cas de pénurie s’il subsiste une offre disponible ?
La réponse dépend des circonstances : envisage-t-on une situation de conflit majeur, où l’approvisionnement est brutalement suspendu ? Ou doit-on faire face à des difficultés éventuellement très aigues sur un marché où l’offre est très inférieure à la demande ?
Le premier cas relève de la défense nationale et de la sécurité des approvisionnements en période de tensions internationales majeures, voire de guerre. Ces tensions peuvent du reste n’être que temporaires, comme celles qui ont existé entre la Chine et le Japon en 2010. La question est alors de prévoir quelles matières premières sont absolument indispensables à la survie de la Nation. La réponse n’est pas aisée, et dépend des solutions alternatives. C’est la logique du stockage pratiqué par les États-Unis pendant la guerre froide, et encore maintenant. Les considérations de coût deviennent secondaires, à condition toutefois que la situation soit très grave et que la charge financière puisse être supportée dans la durée.
Le second cas est moins dramatique, mais peut entraîner des déséquilibres économiques importants. Disposer d’un stock permet de traverser la crise, si elle est temporaire, dans des conditions favorables et éventuellement de gagner des parts de marché. L’absence de stocks oblige à payer le prix fort. La décision de constituer des stocks dépend donc d’une analyse prévisionnelle des évolutions de marché.
On retrouve les mêmes critères d’évaluation : combien de temps la crise risque-t-elle de durer ? Son impact sur les prix concerne-t-il les principaux compétiteurs, ou seulement une partie d’entre eux ? La hausse des prix met-elle en danger un secteur stratégique ?
Pour M. Alain Liger, la constitution de stocks stratégiques suppose de connaître les besoins (qu’il est souvent difficile de chiffrer avec précision), de déterminer quels produits on souhaite stocker et d’être capable de faire un effort durable.
Au-delà des prévisions, il faut se demander qui, de l’État ou des entreprises, va constituer les stocks, les financer, les gérer, les libérer si les prix baissent à nouveau.
Les réponses à ces questions varient selon les pays et sont souvent confidentielles. Elles dépendent aussi de la possibilité de mettre en œuvre des solutions alternatives.
B. QUELLE DOIT ÊTRE LA FINALITÉ D’UN STOCKAGE PRÉVENTIF ? DE QUELS MODÈLES PEUT-ON S’INSPIRER ?
Plusieurs modèles existent, dans un contexte où certains pays n’envisagent pas de stockage préventif. La Suède, par exemple, après avoir réalisé des stocks jusqu’en 1992, préfère, par idéologie économique, s’en remettre au marché.
1. Des préoccupations économiques ciblées et limitées comme au Japon
Le Japon est dépendant des importations pour ses approvisionnements en minerais et en terres rares. La plupart des métaux stratégiques ou critiques sont importés de pays très éloignés du Japon.
La constitution de stocks a donc pour objectif d’éviter que ces produits importés ne puissent pas lui être livrés. C’est donc essentiellement un moyen de prévenir les conséquences des grèves dans les transports et des intempéries. Les stocks ne sont pas destinés à prévenir des augmentations de prix inattendues et excessives, car le coût en serait trop élevé. Ils ne sont pas non plus motivés par des raisons liées à la défense nationale.
Cette politique a pour but de rassurer les industriels sur les risques de rupture momentanée des approvisionnements. Elle repose sur une coopération entre l’État et le secteur privé pour constituer ces stocks qui ne pourraient pas autrement être financés. Les produits stockés sont déterminés en fonction du degré de nécessité pour les industriels et de la présence des risques (éventuellement liés au changement climatique). Le METI en prend la décision après consultation du JOGMEC et les quantités stockées restent confidentielles.
M. Patrice Christmann, BRGM, précise que « la loi prévoit que l’État stocke quarante-huit jours de consommation nationale d’une liste de matières premières régulièrement révisée avec les industriels. Ceux-ci ont une obligation de stocker douze jours de cette même consommation nationale ».
Le Japon ne raisonne pas en termes de défense nationale, contrairement aux États-Unis, mais la constitution de stocks est un message pour l’extérieur.
Ce modèle japonais a l’avantage de constituer des stocks limités, pour une durée temporaire. Leur financement est assuré sur fonds publics et repose exclusivement sur les remboursements aux entreprises des intérêts correspondants aux immobilisations réalisées.
2. Des préoccupations stratégiques ou financières
Les États-Unis constituent, depuis longtemps, des stocks pour des raisons stratégiques. Ce fut particulièrement le cas pendant la guerre froide.
La liste des produits concernés est confidentielle.
La Russie opte également pour des stocks stratégiques à deux niveaux : fournir certains métaux aux industriels si les prix sont trop élevés et disposer de produits indispensables en cas de crise grave.
En Chine, le bureau des réserves d’État, le SRB, constitue des stocks stratégiques. Ce ne sont pas des stocks sophistiqués de produits évolués ou de semi-produits, ce sont des stocks de concentrés. L’objectif du SRB est d’acheter quand les cours sont bas et de libérer les stocks quand les cours augmentent. Il a ainsi un rôle de tampon et de lissage des cours.
La Corée effectue un stockage dynamique, reposant sur une succession de ventes et d’achat, et par lancement d’appels d’offres que gère le Korea Resources. Cela permet d’éviter des immobilisations lourdes ou qui n’ont aucune rentabilité. Mais cette technique ne peut être utilisée que pour des opérations très importantes.
En Finlande, la constitution de stocks relève essentiellement de préoccupations stratégiques. Elle est définie en fonction des besoins des entreprises et financée en partie par le gouvernement. Créés pendant la guerre froide, les stocks répondent actuellement à la nécessité politique et économique que l’approvisionnement par la Baltique ne soit pas coupé en cas de conflit lié à la situation en Ukraine. La Finlande évite ainsi d’être coupée de son approvisionnement après seulement quelques semaines.
La Corée du Sud, le Japon et la Chine investissent parallèlement dans les mines étrangères pour sécuriser leur environnement.
C. LES INTERROGATIONS FRANÇAISES DES REPRÉSENTANTS DE L’ÉTAT ET DE L’INDUSTRIE
Ces interrogations portent sur trois thèmes principaux : le stockage préventif est-il utile ? Est-on prêt à en supporter le coût ? Quelles pourraient en être ses modalités ?
Le stock stratégique, temporaire, peut être intéressant pour reconstruire une capacité nationale à réaliser les produits répondant aux besoins de notre pays. Mais il faut pouvoir disposer de compétences existantes.
Pour M. Xavier Grison, Direction générale de l’armement (DGA), ministère de la défense, « c’est investir aujourd’hui pour résoudre un problème qui va se produire peut-être dans dix-huit mois, mais plus sûrement dans cinq à dix ans, surtout dans le domaine de la défense. Ce n’est donc pas du tout naturel et cela ne se fait en général pas sans l’intervention de l’État, même si c’est l’industriel qui fait le stock ».
Le stockage a pour objectif de disposer de produits nécessaires en toutes circonstances, et plus particulièrement en période de forte crise, pour pouvoir assurer la continuité de l’approvisionnement des industries.
Mais stocker des matières premières brutes ne suffit pas toujours. Il faut parfois qu’elles soient transformées pour être utilisées, ce qui suppose un savoir-faire et d’avoir des industriels qui puissent le faire. Si le savoir-faire n’existe pas, le stock aura été inutile, d’autant que l’acquisition de ce savoir-faire n’est pas forcément facile ni rapide.
Les stocks étant souvent constitués en vue d’une période de crise, ou lors de tensions, sont souvent achetés à des prix élevés. S’il n’y a pas de crise, ils sont revendus à des prix faibles. Le coût du stockage est donc un élément essentiel et son financement ne peut relever que d’une décision stratégique en acceptant d’éventuelles pertes financières.
Quelles peuvent être les modalités de cet exercice extrêmement difficile, qui peut conduire à rechercher des solutions alternatives ?
Le stockage est un processus complexe : que doit-on stocker ? Pour combien de temps ? À quel prix et en quelles quantités faut-il acheter les matériaux à stocker ? Comment éviter leur dégradation pendant la période de stockage, surtout si celle-ci dure (certains des métaux peuvent se dégrader sous l’influence de l’humidité et de l’oxydation) ? Est-on sûr qu’ils pourront être utilisés rapidement ? À quel moment et dans quelles conditions va-t-on déstocker ?
Est-ce la solution idéale, ou ne faut-il pas envisager des solutions alternatives ? Par exemple, rechercher des produits de substitution ou de remplacement ; diversifier les sources d’approvisionnements pour éviter de ne dépendre que d’un fournisseur ayant un pouvoir trop important ; réfléchir en amont aux ressources nationales disponibles et aux possibilités d’utilisation de la mine urbaine ; se prémunir par des financements à terme.
Il peut parfois suffire de disposer de deux à trois sources d’approvisionnement différentes, situées dans plusieurs pays, afin d’avoir le temps de réagir.
Les techniques de financement à terme peuvent constituer une alternative au stockage. Elles permettent en effet de déterminer à quel prix des matériaux vont pouvoir être achetés ou vendus, à échéance de plusieurs années. Le gain attendu dépendra de la justesse d’appréciation de l’évolution des prix. Le profit sera moindre si les prix ont évolué à l’inverse des prévisions.
Cela permet de commencer une production minière en sachant à quel prix le métal sera vendu. Si à terme le prix sur le marché est plus élevé, le gain est moindre. Mais s’il est moins élevé, le producteur touchera la somme sur laquelle il s’est engagé. C’est donc un pari sur l’avenir, qui sert d’assurance par rapport à la hausse des prix et qui est intéressant si le prix fixé permet de dégager un profit.
Pour M. Christian Thomas, Terra Nova, la seule mine française où l’on a procédé de cette manière a été la mine des Malines, dans le Gard, ce qui a permis à la mine d’être rentable jusqu’au dernier jour d’exploitation. « Une partie des raisons pour lesquelles les mines de non-ferreux françaises ont été mises en difficulté tient à ce défaut de pratique ».
Cela peut tenir, selon M. Christian Hocquard, à l’attitude des actionnaires qui ne souhaitent pas limiter leurs gains potentiels.
De quelle manière peut-on organiser la répartition des rôles entre l’État et les industriels ?
Pour M. Patrick Christmann, BRGM, qui est réservé par rapport à une intervention directe de l’État en tant que stockeur, « il vaut mieux encourager les industriels à stocker, quitte à les aider d’une manière ou d’une autre, notamment sur le plan fiscal, car ils sont les mieux placés pour savoir ce dont ils ont besoin.»
Pour M. Jack Testard, président de Variscan Mines, les industriels membres de la chambre syndicale des industries minières ne souhaitent pas constituer et gérer des stocks en grosse quantité. Chaque industriel a sa propre politique de sécurité et d’approvisionnement. La constitution de stocks au niveau national n’a pas de sens.
Certaines de ces solutions ont été envisagées par le PIPAME, en 2013, dans son étude sur « Les enjeux économiques des métaux stratégiques pour les filières automobiles et aéronautiques ».
Le PIPAME anticipe les mutations économiques et associe les industriels à son travail interministériel. Son secrétariat est assuré par la Direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Son étude préconise sept mesures principales :
- la nécessité de travailler en matière de recherche et développement sur la réduction des quantités et sur la substituabilité ;
- la conclusion possible de contrats d’approvisionnement à long terme sous différentes formes ;
- la participation à des projets d’extension et de développement de gisements ;
- la prise de participation chez les producteurs existants ;
- la mise en place de partenariats sur l’ensemble de la chaîne de valeur depuis le mineur jusqu’au fabriquant ;
- la création de stocks, plutôt en entreprise (pas de stocks stratégiques nationaux) ;
- le recyclage.
III. QUEL POURRAIT ÊTRE LE RÔLE DE LA DIPLOMATIE ÉCONOMIQUE FRANCAISE ?
La France ne devrait-elle pas développer davantage sa diplomatie économique ? Ne faudrait-il pas être plus ambitieux, à l’image du Japon où des sociétés minières investissent en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie ?
Notre pays n’a pas de gisement de terres rares identifié. Selon M. Julienne, nous n’avons pas de vrais partenariats équilibrés avec des états producteurs.
Cependant, certaines productions de matières premières critiques et stratégiques réapparaissent. Ainsi, la société belge Nyrstar vient de reprendre une production d’indium à Auby, dans le Nord, en utilisant le savoir-faire qui reste dans notre pays. Six permis exclusifs ont été attribués, depuis 2013, à des sociétés qui recherchent du germanium et du gallium. Un permis porte sur le lithium. Des projets potentiels sont envisagés en Guyane. Certains portent sur les grands fonds marins à Wallis-et-Futuna et en Polynésie française. Toutefois, comme le souligne M. Rémi Galin, MEDDE, « il ne faut pas s’attendre à voir émerger une foultitude de projets d’exploitation dans la décennie à venir ».
Il y a, par ailleurs, des sociétés minières françaises actives à l’international, notamment Eramet, Areva Mines et Imerys.
Dans ce contexte, comment la France pourrait-elle améliorer ses marges de manœuvre ?
Son action actuelle, qui vient d’être théorisée et s’appuie sur plusieurs outils, pourrait être renforcée en s’inspirant des coopérations bilatérales mises en œuvre avec l’Allemagne, le Vietnam et le Japon et leur expérience beaucoup plus volontariste. Elle pourrait, par ailleurs, contribuer à la définition d’une politique européenne des matières premières plus dynamique et faciliter l’avènement d’une gouvernance mondiale des ressources naturelles.
A. PLUSIEURS OUTILS PEUVENT ÊTRE MOBILISÉS
Ces outils sont mis en œuvre par le ministère des affaires étrangères, par Business France et par la direction du Trésor du ministère des finances.
1. Le ministère des affaires étrangères a mis en place une stratégie spécifique
La diplomatie économique a été définie comme une priorité forte par M. Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères et du développement international. Cette priorité a, depuis, été confirmée.
La diplomatie économique française s’articule autour de quatre piliers : le soutien des entreprises françaises à l’export ; la modernisation du dispositif d’accompagnement des entreprises à l’export ; le suivi de la politique d’attractivité du territoire français pour les investisseurs étrangers ; la prise en compte des intérêts économiques français dans les négociations multilatérales et internationales sur les enjeux économiques et commerciaux.
De manière plus détaillée, cette diplomatie assure un suivi politique des grands contrats, et la promotion de l’offre française dans les secteurs d’excellence, qu’il s’agisse de l’agroalimentaire, de la santé ou des infrastructures. La direction des entreprises du ministère des affaires étrangères assure un suivi des opérateurs et des entreprises des secteurs minier et métallurgique (qui concerne notamment le BRGM, Eramet, Areva et Rio Tinto Alcan). Elle dialogue avec les investisseurs étrangers du secteur qui investissent en France, dont Rio Tinto.
Toutefois, il n’y a pas, au niveau français, une diplomatie des matières premières qui, par contre, est mise en œuvre par l’Union européenne.
Pour M. Didier Julienne, « la France n’a pas connu récemment de pénurie grave de ressources naturelles. Pour autant, j’attends de voir le choc lié aux véhicules électriques et à la transition énergétique dans le domaine des énergies renouvelables pour constater quelle sera la réaction française à ce moment-là ».
2. L’appui de Business France aux entreprises conforte cette stratégie et les atouts des entreprises françaises
c. Ce rôle de facilitateur est important
Créée le 1er janvier 2015, Business France est le résultat de la fusion d’Ubifrance et de l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII).
Agence nationale au service de l’internationalisation de l’économie française, elle est chargée du développement international des entreprises et de leurs exportations, de la prospection et de l’accueil des investissements internationaux en France, ainsi que de la promotion de l’attractivité et l’image économique de la France, de ses entreprises et territoires.
Business France dispose, pour ce faire, de mille cinq cents collaborateurs dans notre pays et dans soixante-dix autres, à travers un réseau de quatre-vingt bureaux. Elle s’appuie sur les chambres de commerce françaises à l’international, BPI France et la COFACE.
Ce très bel outil accompagne, en moyenne, treize mille PME et ETI chaque année, dans le cadre de plus de six-cents missions d’affaires collectives.
Elle propose des prestations de conseil et de mise en contact sur mesure, et effectue des études de marchés et des études règlementaires. Elle identifie des contacts ciblés au sein de grands donneurs d’ordres, des compagnies minières, des bureaux d’ingénierie minière, des sous-traitants et des distributeurs. Elle organise des missions de prospection pour le compte des PME et des ETI.
Son soutien à la filière paraminière remonte à l’époque d’Ubifrance, en 2009. Depuis lors, trois cent quarante entreprises différentes ont été accompagnées dans le cadre de cinquante-quatre missions d’affaires. Les succès qu’elles ont remportés, qui confirment l’utilité de Business France, n’auraient pas été possibles sans la qualité et la diversité de l’offre française.
d. Les atouts des entreprises françaises se concrétisent plus facilement
Pour M. Guillaume Anfray, « l’expérience acquise depuis 2009 montre que la force de l’écosystème français d’entreprises paraminières réside principalement dans son internationalisation ‘forcée’, du fait de la disparition de l’activité minière sur le territoire national métropolitain ».
L’offre minière française semble surtout appréciée pour sa capacité à proposer des produits et services sur mesure et de qualité. C’est essentiellement ce qui la différencie de la concurrence internationale
Les domaines concernés sont extrêmement divers, ce qui explique le succès des entreprises françaises dans un grand nombre de pays :
- les détonateurs explosifs ;
- la gestion des bases vie ;
- les installations, la manutention et le stockage du minerai en vrac, où les fournisseurs de pièces détachées sont divers ;
- le matériel de traitement primaire du minerai ;
- les pièces de fonderie pour concasseurs broyeurs calcinateurs ;
- la transmission de puissance ;
- les équipements de filtration, de séparation, de malaxage et de centrifugation pour la séparation des métaux ;
- la robinetterie industrielle ;
- la consolidation des sols et les travaux de terrassement (principalement en Afrique) ;
- les engins miniers souterrains sur mesure, et les engins auxiliaires ;
- les logiciels de modélisation, les logiciels et outils de services d’aide à l’optimisation de la production minière (par drone notamment) ;
- toutes les solutions permettant de réduire l’empreinte environnementale des mines (recyclage des eaux, traitement des eaux d’exhaure et de process, abattage des poussières, ventilation des galeries, ingénierie environnementale).
3. La direction générale du Trésor du ministère des finances traite de la politique commerciale extérieure avec la Commission européenne
Elle suit les négociations commerciales internationales, les restrictions au commerce et s’intéresse particulièrement à l’approvisionnement responsable en provenance des lieux de conflit.
Elle est actuellement consultée par la DG Commerce de la Commission européenne sur l’intérêt d’aborder, même de loin, les sujets miniers avec les États-Unis, et de fixer une approche commune pour évoquer les risques de restrictions minières à l’exportation. Cette consultation se déroule dans le cadre de la négociation de l’accord bilatéral avec les États-Unis, dit « TTIP/PTCI » (Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement). La Commission européenne souhaite y introduire un chapitre spécifique aux matières premières, car elle estime que les États-Unis partagent les positions européennes en termes de sécurisation des approvisionnements.
Les mesures restrictives au commerce concernent particulièrement deux produits : la ferraille avec l’Afrique du Sud et l’Ukraine qui applique des licences et des quotas aux exportations, pourtant interdits par son protocole d’accession à l’OMC ; le tungstène avec la Russie.
Les minerais de conflit font l’objet de réflexions depuis 1990, d’abord sur les diamants en provenance du Liberia et de Sierra Leone puis sur l’or et, enfin, le charbon de la République démocratique du Congo. Le nombre de pays concernés a augmenté et incluent maintenant la République centrafricaine et la République de Côte d’Ivoire.
La direction du Trésor est le porte-parole, pour la France, du projet de règlement européen discuté actuellement à Bruxelles, qui vise à mettre en place un mécanisme européen de « diligence raisonnable », c’est-à-dire un système de vérification et de précautions dans les chaînes d’approvisionnement par des importateurs d’étain, de tantale, de tungstène et d’or originaires de zones de conflit ou à haut risque.
Pour M. Alexis Sahaguian, direction générale du Trésor, il s’agit, pour l’Europe, de se doter d’un outil législatif plus ou moins proche de celui existant aux États-Unis, permettant de casser le lien entre l’extraction minière, le commerce (d’étain, d’or, etc.) et les conflits, notamment en Afrique centrale. L’objectif est, dans l’idéal, que ces matières ne soient plus une source de financement des groupes armés dans ces zones.
Pour Mme Adeline Defer, ministère des affaires étrangères et du développement international, « la problématique est de plus en plus compliquée. Suite aux différentes initiatives règlementaires et industrielles (je pense notamment à la Fédération de l’industrie de l’étain) mises en place au niveau international, la situation s’est largement améliorée en ce qui concerne les ‘trois T’ (coltan, étain et tungstène), mais reste très difficile pour l’or, que l’on parvient beaucoup moins à contrôler, en raison des propriétés physiques de ce métal. Il apparaît que couper le lien entre financement des groupes armés et extraction minérale n’est qu’une partie du problème. Si l’on y parvient, d’autres métaux prennent immédiatement la place. Ainsi, d’après les dernières études menées, la première source de financement des groupes armés en République démocratique du Congo est le charbon. Je pense donc que le règlement européen sera l’une des réponses à ce problème, mais ne saurait être la seule ».
D’autres ministères que ceux chargés des finances ou des affaires étrangères sont concernés par cette politique, car la France est l’un des principaux contributeurs aux missions de maintien de la paix et de stabilisation dans les pays africains concernés. Elle est directement intéressée par la sécurisation de cette zone et par la manière d’assécher le financement des conflits et des crises.
B. TROIS EXEMPLES DE COOPÉRATION BILATÉRALE MONTRENT L’INTERET DE LA DIPLOMATIE ECONOMIQUE
1. La coopération avec l’Allemagne
À l’occasion du cinquantième anniversaire du traité de l’Élysée, l’ANR et son homologue allemand, le BMBF, ont lancé un appel à projets transnational concernant les métaux critiques.
Deux projets ont été labellisés dans ce cadre. Le premier, intitulé « Écometals », porté par le BRGM, concernait surtout les procédés dits de « biohydrométallurgie », pour aller extraire des métaux rares. Le second, piloté par le CEA, portait sur la récupération d’aimants permanents usagés, contenus dans des déchets d’équipements électroniques, en vue d’une réutilisation et d’un recyclage.
Plusieurs autres acteurs ont participé à ce deuxième projet : Veolia, Arelec et, outre-Rhin, Bosch, BASF, et l’Institut Fraunhofer.
Ce consortium s’est élargi à des pays tiers pour déposer un autre projet portant sur l’innovation dans les aimants permanents, dans le cadre de l’Horizon 2020. Le CEA, l’Institut Fraunhofer et Vaccumschmelze ont ainsi travaillé avec des universités américaines et japonaises.
Dans le cadre de la KIC « Matières premières », le Centre de colocation franco-allemand, basé à Metz, contribue à ce rapprochement entre les équipes de recherche en France et en Allemagne, notamment sur le recyclage des aimants.
Pour M. Didier Julienne, on pourrait imaginer d’autres types de coopération, notamment pour empêcher que la France ne soit la proie d’autres pays étrangers « qui viendraient geler des gisements de métaux stratégiques, spéculer sur leur valeur et ne pas les mettre en développement. Le mieux qui puisse arriver serait que, dans le cadre d’une coopération franco-allemande, l’Allemagne finance et la France creuse ».
2. La coopération avec le Vietnam
Le Vietnam dispose d’importantes ressources en bauxite, estimées à quelque sept milliards de tonnes. Jusqu’à une période récente, cette bauxite vietnamienne était surtout exportée vers la Chine.
Puis le Vietnam a souhaité la transformer et a investi, dans ce but, dans une usine d’aluminium.
Le Vietnam s’est alors tourné vers la France qui, selon M. Olivier Dufour, Rio Tinto Alcan, a développé la meilleure technologie au monde pour la production d’aluminium, chez Péchiney (maintenant filiale du groupe Rio Tinto Alcan), à Saint-Jean-de Maurienne. La dernière technologie qui y est développée, nommée « APXe », a trois avantages : elle consomme peu d’énergie ; ses émissions sont réduites ; elle est très compétitive.
Le projet franco-vietnamien qui en a découlé rassemble la grappe technologique française de production de technologies aluminium, qui comprend notamment Five, Alstom, Carbone Savoie et Sermas.
Ce projet est entré en concurrence avec un projet clef en main chinois, consistant à délivrer l’usine, mais aussi le génie civil, en important de la main d’œuvre chinoise, tout en proposant un financement attrayant.
Mais le projet franco-vietnamien a bénéficié d’un contexte international particulier, du fait du conflit des Îles Spratleys entre la Chine et le Vietnam. La diplomatie française s’est mobilisée, autour du représentant spécial du ministre des affaires étrangères pour les pays de l’ASEAN, M. Philippe Varin, ancien de Péchiney, assisté de l’ambassade de France à Hanoï, des services du ministère des affaires étrangères à Paris et des équipes de Business France. La France a aussi joué un rôle pour lancer la recherche de partenaires financiers sur ce projet, qui représente sept cent millions de dollars, dont le tiers est constitué par de la technologie française.
M. Olivier Dufour, Rio Tinto Alcan, souligne « l’importance de la coordination opérée entre les différents acteurs français, qui ont apporté chacun leur brique technologique pour la construction de l’usine. Cette histoire démontre que lorsque nous mettons en commun nos savoir-faire, que nous travaillons à un partage fluide des informations non concurrentielles entre les différents partenaires, avec le soutien des pouvoirs publics, les résultats sont au rendez-vous ».
3. La coopération avec le Japon
c. Des préoccupations semblables
La France et le Japon sont dans des situations semblables et partagent la même problématique
Les deux pays n’ont pas ou n’ont plus d’industrie minière. Ils sont obligés d’en importer, dans le même contexte mondial de fluctuation erratique des prix, et de position dominante de la Chine pour plusieurs minerais et terres rares. Ils recherchent en conséquence des mines à l’étranger et délocalisent de plus en plus leurs activités trop polluantes ou comportant des dangers pour la santé.
Le Japon a été traumatisé par la décision chinoise de suspendre ses exportations de terres rares en 2010. Il a en conséquence développé une stratégie de sécurisation de ses approvisionnements, et réfléchi à la manière dont les principes à la base de l’économie circulaire lui permettraient de moins dépendre de l’étranger.
La France n’a pas eu le même problème, mais a le même intérêt pour le recyclage, la substitution et l’économie circulaire. Si elle n’a pas établi elle-même de liste de produits stratégiques, ni constitué de stocks stratégiques, elle suit de près les solutions mises en œuvre par le Japon.
Les deux pays ont chacun une expérience importante dans la constitution de partenariats public-privé, et ne craignent pas les approches volontaristes en économie. Ils disposent d’un réseau densifié de centres de recherches et d’établissements d’enseignement supérieur. Leur tissu industriel est de plus en plus tourné vers l’extérieur, mais aussi vers la mise en place de solutions intégrant des éléments à court, moyen et long terme.
L’échange d’idées et de bonnes pratiques dans le domaine des matières premières stratégiques et critiques est donc l’un des thèmes porteurs possibles de la coopération franco-japonaise, ce que nous avons pu cibler lors de notre mission au Japon en février 2016.
d. L’exploitation potentielle des fonds marins pourrait être un domaine d’application d’une coopération franco-japonaise renforcée
Des ressources minières profondes ont été découvertes dans la zone économique exclusive du Japon, à une profondeur de 5 800 à 6 000 mètres. Un échantillonnage par carottage de quinze mètres a déjà été réalisé.
Le Japon a décidé de mener une campagne d’exploration des ressources minières profondes, même si leur exploitation n’est pas envisagée actuellement. Le projet est intéressant mais les obstacles sont encore nombreux : on ne connait pas le coût des opérations à engager. Les impacts sur l’environnement doivent être maîtrisés. Il faut notamment résoudre la question des boues des sédiments qui sont en grande partie inutiles et qu’on ne peut pas remettre dans la mer si on les en retire, selon la Convention de Londres.
Ce projet implique le Japan Agency for Marine-Earth Science and Technology (JAMSTEC) – qui est l’équivalent de l’Ifremer –, le MEXT et, bien entendu, le JOGMEC.
Le Japon est ouvert à une coopération dans ce domaine avec l’Ifremer dans un secteur où la mise en commun de moyens tant techniques que financiers permettrait d’avancer beaucoup plus vite.
Une telle coopération serait particulièrement bienvenue, d’autant que le CIMer (comité interministériel de la mer) a adopté, en octobre 2015, une stratégie nationale française pour les ressources minérales profondes.
Il va donc falloir accorder à l’Ifremer un budget suffisant pour lui permettre de participer à cette coopération avec la masse critique souhaitable.
C. L’ALLEMAGNE DEVRAIT INSPIRER NOTRE PAYS
L’Allemagne mène une politique beaucoup plus offensive que la France. C’est le cas au niveau du gouvernement, où les dirigeants allemands interviennent directement, et des entreprises qui coordonnent leurs actions.
L’Allemagne a adopté un programme cadre particulièrement ambitieux pour les matières premières.
La stratégie nationale allemande de sécurisation des approvisionnements, adoptée en 2010, repose sur une action intégrée et coordonnée des ministères de la recherche, de l’industrie, des affaires étrangères, de la coopération et de l’environnement, ainsi que sur un soutien renforcé auprès des entreprises, à travers notamment la mise en place de nouveaux partenariats stratégiques bilatéraux.
L’Allemagne a ainsi signé de tels partenariats avec la Mongolie, le Kazakhstan, où Mme Angela Merkel s’est elle-même rendue, et le Chili..
L’Allemagne lie la thématique de la sécurisation des approvisionnements avec un certain nombre d’engagements en termes de coopération et d’aides publiques au développement.
L’aide qu’elle apporte aux pays producteurs dans la gestion et le contrôle de leur secteur extractif, ou dans la mise en place de cadastres miniers ou de lois adaptées, entraîne une plus grande transparence, mais aussi un accès plus facile de l’industrie allemande à l’amont du secteur minier.
L’intérêt pour la métallurgie y est marqué de manière très nette. Le Helmholtz Freiberg, qui y est consacré, comprend maintenant deux-cents personnes, et les principaux constructeurs automobiles et Siemens ont orienté une grande partie des projets, pour des montants de plusieurs millions d’euros, ce qui n’est absolument pas comparable avec les sommes injectées en France par les agences.
La coopération entre pouvoirs publics et industriels est constante, tandis que les industriels eux-mêmes s’organisent, comme dans le cas de la Rohstoffallianz.
La France pourrait enfin s’inspirer de l’exemple allemand dans le domaine de l’intelligence minérale, dans lequel elle est très en retard. D’après M. Patrice Christmann, BRGM, « une unité du service géologique fédéral allemand, la DERA (Deutsche Rohstoffagentur), emploie une dizaine de personnes qui fournissent de l’intelligence économique à l’ensemble de l’industrie allemande. Nous sommes loin d’être dans cette situation en France et je le regrette infiniment ».
D. LA POLITIQUE DES MATIÈRES PREMIÈRES DE L’UNION EUROPÉENNE POURRAIT ÊTRE PLUS DYNAMIQUE MAIS SE HEURTE À L’ABSENCE DE COMPÉTENCE DANS CE DOMAINE
1. Un contexte qui incite à la réflexion
Il n’y a pratiquement plus de mines en Europe à l’exception des pays scandinaves. Par contre, de grandes entreprises sont capables soit d’extraire des minerais, soit de les transformer. Dans quelles conditions cette situation peut-elle durer, alors que la Chine souhaite développer ses activités sur tous les segments de la chaîne de valeur ?
c. Les mines de minerais non énergétiques ont globalement disparu, sauf dans les pays scandinaves
La situation des mines dans l’Union européenne n’est guère plus brillante qu’en France.
Il y a peu de mines. Dans le domaine des terres rares, aucune production n’existe. Pour M. Christian Thomas, Terra Nova, « contrairement aux États-Unis, l’Europe dispose de peu de mines, qui sont exploitées depuis les Romains. La recherche minière en Europe, même si quelques pays, notamment scandinaves, ont continué à en faire, est assez limitée. Nous sommes donc extrêmement dépendants des importations pour faire fonctionner notre industrie ».
Comme l’indique M. Gwenolé Cozigou, directeur à la Direction générale de l’entreprise et de l’industrie, Commission européenne, « dans le domaine des terres rares, la production de l’Union européenne est nulle. Ce n’est pas forcément dramatique, mais le problème peut venir de l’insuffisante diversification de la production. Les importations européennes ont baissé de 20 000 tonnes, en 2008, à 8 000 tonnes, en 2013, car plusieurs entreprises, telle Solvay, ont déplacé leurs premières phases d’obtention de terres rares en Chine. Les lieux d’approvisionnement évoluent, par ailleurs, en faveur des États-Unis (pour 10 % à 15 % des importations), voire de la Russie sous la forme de semi-terres rares transformées ».
Dans ce contexte global, les pays scandinaves font figure d’exception. Leurs ressources sont semblables à celles du Canada, de l’Australie ou de l’Afrique du Sud.
En Suède, la production minière reste très importante.
La Suède produit 91 % du fer européen, 39 % du plomb européen, 26 % de l’or européen, 17 % de l’argent européen, 10 % du cuivre européen et 25 % du zinc européen. Elle réalise deux tiers des investissements de recherche minière en Europe et souhaite développer ses productions.
Elle produit 6 000 tonnes d’oxydes de terres rares par an, soit 5 % de la production mondiale. Son potentiel, important, atteint 60,5 millions de tonnes de minerais contenant 0,54 % de TREO (terres rares et oxydes de terres rares) et 1,72 % de ZrO2 (oxyde de zirconium). Elle prévoit de produire 200 tonnes par an de dysprosium pendant vingt ans.
Quinze mines de métal y sont actives et produisent dix fois plus que les cinq cents mines qui existaient après la première guerre mondiale. Elles emploient six mille personnes et contribuent à 0,9 % du PNB.
Un gisement de terres rares a été identifié à Norra Kärr et pourrait même devenir le principal gisement mondial de terres rares lourdes. Il est bien situé mais de taille insuffisante pour justifier une usine de séparation-purification dédiée. Or c’est là ou se fait la marge.
La Finlande est considérée comme le pays le plus attractif pour l’industrie minière dans le monde selon l’Institut Fraser.
La Finlande a une tradition ancienne de mines, des ressources, de bonnes infrastructures, une bonne éducation de base, une stabilité politique et sociale, des clusters technologiques. L’exploitation minière y est devenue de plus en plus active ces dernières années. Son industrie métallurgique qui se caractérise par une avance certaine pour l’acier et le raffinage du zinc, fonctionne principalement à partir de métaux importés.
En Finlande, il y a encore douze mines de métaux et vingt-sept mines de minéraux industriels (talc, calcaire notamment). Vingt compagnies de recherche sont actives, et génèrent 4 500 emplois directs et environ 15 000 emplois indirects, pour 1,5 milliard de chiffre d’affaires.
La Finlande a de l’apatite, minerai critique, qui sert à faire du phosphore et des engrais, mais pas de terres rares.
Beaucoup de mines ouvertes dans les années 1960-1970, ont décliné dans les années 1980. Les deux opérateurs miniers nationalisés n’ont plus, aujourd’hui, qu’une mine de chrome, considéré comme métal stratégique, ce qui explique que cette mine soit conservée. La Finlande envisage actuellement de creuser plus profondément (la mine la plus profonde en Finlande est à moins 1 500 mètres, en Afrique du Sud à moins 3 500 mètres), soit rester en surface, mais développer l’exploitation sur une surface plus vaste.
Au Groenland, on trouve des terres rares, à Kvanefjeld.
La situation y est plus compliquée, pour des raisons d’infrastructures, d’éloignement de la côte, d’accessibilité en cas de glace, mais aussi pour des raisons juridiques, une loi refusant l’exploitation de sites radioactifs. Par ailleurs, le débat politique y est vif sur l’utilisation des ressources naturelles.
Ce gisement est, en outre, contrôlé par une entreprise chinoise, ce qui pose la question de l’absence d’une politique européenne de sécurisation de ressources critiques et stratégiques.
d. Des entreprises minières européennes ont néanmoins une vocation mondiale
Il y a, en Europe, deux sortes d’entreprises dans l’exploitation des minerais ou leur transformation. Certaines sont très importantes, d’autres de taille modeste.
Les pays scandinaves en sont un bon exemple.
S’y côtoient des groupes miniers importants, de même que des entreprises juniors qui traversent toutefois de grandes difficultés actuellement.
En Suède, Boliden et LBAK arrivent à combiner l’industrie de base avec de la haute technologie avancée et un traitement correct de l’environnement, tout en restant compétitif. Boliden recycle notamment dix-neuf métaux dans les cartes électroniques mais aucune terre rare.
Des entreprises juniors y sont ou ont été actives récemment : c’est le cas de Tasman Metals mais aussi de Northland, qui vient de faire faillite du fait de l’évolution du prix du fer, même si elle avait investi un milliard d’euros.
En Finlande, l’industrie des machines pour la mine est florissante, du fait d’un savoir-faire spécifique.
Deux entreprises possèdent particulièrement ce savoir-faire finlandais : Scandic et Outotec. Celle-ci offre beaucoup en matière de choix technologiques, car sa gamme de technologies garantit la durabilité et la protection de l’environnement tout en assurant la rentabilité de l’exploitation minière.
On retrouve, en France, un schéma semblable.
Trois grands groupes miniers y ont une taille mondiale. C’est le cas de Solvay, d’Areva et d’Eramet. Solvay est le leader européen de la séparation des terres rares.
L’exploration reprend grâce à des entreprises de petite taille. C’est notamment le cas de Variscan.
Dans d’autres pays européens, un nombre important de grandes entreprises transforment les minerais de terres rares, notamment dans les secteurs automobile, électronique et de la défense.
Elles ont, généralement, des personnels bien formés, des procédés chimiques bien testés, une recherche en matière de technologie efficace pour l’environnement.
Un tissu industriel de sociétés minières continue donc d’exister. Dans le domaine plus particulier des terres rares, on trouve une quinzaine d’entreprises européennes impliquées dans la transformation de terres rares importées. Ce tissu est néanmoins fragile. L’entreprise allemande Vacuumschmelze, principal producteur européen d’aimants permanents, a annoncé une réduction de ses effectifs et un transfert d’une partie de ses capacités de production vers la Chine.
Parallèlement, des start-up, ou junior entreprises, sont créées mais peu subsistent, du fait de l’évolution erratique des prix et de la faiblesse de leur assise financière.
Dans un tel contexte, l’on peut évaluer l’initiative matières premières de l’Union européenne et son soutien à la recherche, sachant que la politique européenne actuelle est limitée par l’absence de compétence de l’Union dans le domaine des matières premières. La liste des métaux stratégiques est un premier pas parmi les moyens d’une politique globale
Cette stratégie résulte de l’initiative Matières premières que l’Union européenne a lancée en 2008. Cette initiative repose sur trois piliers qui couvrent l’ensemble de la chaîne de valeur et qui portent sur l’accès aux ressources, aux matières premières à l’extérieur de l’Union européenne, l’accès aux matières premières à l’intérieur de l’Union, l’utilisation efficace des ressources et le recyclage.
c. L’accès aux matières premières à l’extérieur de l’Union européenne
C’est un thème de débats et de coopération, soit bilatérale, soit multilatérale, dans le cadre de l’OMC mais aussi dans celui de la trilatérale Union européenne-Japon-États-Unis.
L’Union européenne a en effet engagé un dialogue avec les États-Unis et le Japon sur la recherche d’alternatives aux terres rares (des projets conjoints de recherche ont été lancés avec le Japon) et avec des pays riches en ressources tels que le Chili, auquel l’Union européenne apporte son expérience sur la sécurité minière et le recyclage.
Des dialogues « matières premières » sont ainsi organisés avec des pays riches en ressources et des partenaires développés.
L’Union européenne utilise également le cadre de l’OCDE pour travailler en amont sur l’intérêt d’une politique plus ouverte et celui de l’Union africaine pour aborder les questions de gouvernance, de taxes, d’investissements en infrastructures et de connaissance.
La problématique matières premières est maintenant systématiquement prise en compte dans les accords commerciaux et lors des adhésions à l’OMC.
La lutte contre les mesures contraires aux règles de l’OMC et la lutte anti-dumping rentrent dans ce cadre.
Ce fut le cas de l’action menée à l’OMC pour résoudre le différend commercial avec la Chine. L’Union européenne a gagné son recours, mais M. Gwenolé Cozigou ne se fait guère d’illusion : « Les procédures de l’OMC sont telles que le traitement d’un cas demande environ trois ans. Or au terme de ces trois années, le premier niveau, c’est-à-dire les activités de transformation, a déjà, bien souvent, déménagé. Ainsi, nous avons, certes, gagné le recours ; pour autant, les conséquences au niveau économique ne sont pas aussi positives que le résultat juridique le laisserait supposer ».
C’est également le cas de toutes les actions menées contre le dumping, qui nécessitent une action résolue sur le long terme.
C’est une action longue et difficile, vu le nombre de dossiers à suivre. Actuellement, sur le cas exclusif de l’acier, trente-cinq actions anti-dumping sont engagées, dont treize portent sur la Chine.
Une réforme d’ensemble de la procédure anti-dumping a été proposée par la Commission, qui permettrait notamment de ne pas prendre systématiquement comme droit compensatoire le droit correspondant au dommage effectué, mais celui correspondant à l’ensemble du dumping. Cette proposition est actuellement bloquée au Conseil, du fait de désaccords entre États membres.
L’élaboration d’une liste des matières premières critiques constitue un outil utile.
Déjà évoquée dans ce rapport, elle permet de susciter la réflexion sur les coopérations à développer pour sécuriser les approvisionnements extérieurs de l’Union européenne.
Pour M. Gwénolé Cozigou, « cette liste, révisée une première fois et bientôt une deuxième, puisque nous avons prévu une révision tous les trois ans, permet notamment de définir nos priorités dans la négociation des accords commerciaux, notamment des accords de libre-échange avec les pays tiers, et encourage par ailleurs d’autres acteurs à développer leur propre liste de matières premières critiques, au niveau des États membres et surtout des entreprises, qui développent leurs propres analyses de criticalité ».
« Je souligne que l’administration française avait lancé de ce point de vue une initiative très intéressante, sous la forme d’un logiciel utilisable par les entreprises pour effectuer leur propre analyse dans ce domaine. Nous avions en effet remarqué que la vision des grandes entreprises était souvent limitée à un niveau de fournisseurs et ne prenait pas en compte les besoins en termes de sécurité d’approvisionnement de ce que leurs deuxième, troisième ou quatrième niveaux de fournisseurs nécessitaient ».
La limitation des exportations de déchets est un volet de cette politique, qui risque de conduire à des difficultés.
L’Union européenne dispose en effet d’une législation qui interdit les exportations de certains déchets vers les pays tiers, notamment les déchets d’équipements électriques et électroniques et les véhicules en fin de vie.
Mais certains pays tiers pourraient nous reprocher des limitations à la libre circulation des biens, surtout s’ils sont prêts à offrir un prix supérieur à celui des acheteurs communautaires. M. Cozigou présente ainsi ce risque : « Quotidiennement, dans le cadre de notre politique commerciale, nous luttons contre les entraves à l’accès aux matières premières primaires. Quelles seraient notre crédibilité et notre force de conviction si nous mettions nous-mêmes des entraves à l’exportation de matières premières secondaires ? Je laisse la question ouverte. Ceci explique probablement que la Commission et mes services n’aient pas poussé de prise d’initiative dans ce sens ».
d. L’accès aux matières premières à l’intérieur de l’Union européenne
Ce volet est plus difficile à mettre en œuvre, car la compétence communautaire en la matière est quasi inexistante : les matières premières relèvent en effet essentiellement d’une compétence nationale, voire régionale dans certains États membres comme l’Allemagne.
Il est peu probable que ce dossier évolue rapidement, car il faudrait une révision des traités, qui n’est pas envisagée pour l’instant, pour doter l’Union d’une compétence pour les matières premières.
Dans ce contexte, la Commission utilise les compétences existantes, et notamment celles relevant de la politique commerciale et de la recherche.
Elle réunit également les États membres pour leur présenter les bonnes pratiques, dans l’espoir notamment de réduire les délais d’autorisation de nouvelles activités minières.
L’amélioration des transferts de déchets à l’intérieur de l’Union est un volet particulier de cette politique, qui a pour objectif de réaliser des économies d’échelle conséquentes car, selon M. Gwenolé Cozigou, « nous ne pourrons obtenir de facilités de traitement dans chaque État membre, ce qui n’aurait pas de sens ».
e. L’utilisation efficace des ressources et le recyclage
Les initiatives prises pour faciliter le développement de l’économie circulaire en sont un élément. Le plan d’action adopté par la commission en décembre 2015 à cette fin vise l’ensemble de la chaîne, de la production aux matières premières secondaires. Il prévoit, pour développer l’économie circulaire, des mesures réglementaires et des incitations, portant notamment sur les déchets alimentaires, les matières premières critiques, la construction et la démolition, et la biomasse.
La Direction générale de l’entreprise et de l’industrie travaille tant sur les matières premières primaires, en approvisionnement interne et externe, que sur les matières premières secondaires (les mines urbaines, qui permettent une diversification de l’approvisionnement).
Elle favorise le développement de normes de qualité pour les matières premières secondaires, pour lesquelles l’accès à un marché suppose de donner des garanties quasiment équivalentes à celles offertes pour les matières premières primaires. Elle envisage par ailleurs des mesures facilitant le transfert des déchets au sein de l’Union européenne, et l’échange d’informations entre chaînes de valeur (souvent, les déchets de l’une peuvent constituer les matières premières secondaires d’une autre, sans qu’elle ne le sache forcément).
Elle recherche la cohérence souhaitable entre les politiques relatives aux produits et aux substances chimiques (par exemple la réglementation REACH) et celle visant le recyclage et l’économie circulaire.
L’élaboration d’un projet pour développer les métaux réfractaires en Europe illustre l’apport d’une approche fondée sur l’économie circulaire
Ce projet, intitulé « MSP-REFRAM » (pour « Multi-Stakeholder Platform for a Secure Supply of Refractory Metals ») est porté par le réseau européen de recherche Prometia, regroupant trente-trois membres dont le CEA. Il a pour objectif d’analyser les chaînes de valeur de ces métaux, de proposer des évolutions prenant en compte le potentiel d’innovation de l’Europe et d’identifier les barrières susceptibles de compromettre leur développement.
Les métaux concernés sont le tungstène, le rhénium, le tantale, le niobium et le molybdène, qui présentent un intérêt stratégique tant pour l’industrie des renouvelables que pour l’industrie nucléaire.
Il porte sur trois axes qui intègrent les contraintes environnementales et sociétales de l’Europe : le renforcement du marché des ressources primaires (les nouvelles mines, les nouveaux procédés de traitement, notamment sur le tungstène, et la récupération des coproduits), l’optimisation de l’utilisation des ressources secondaires (déchets miniers et industriels, rebuts de fabrication, notamment pour le tungstène et le molybdène) et le développement du recyclage des produits en fin de vie, comme les catalyseurs encore peu recyclés (tungstène, molybdène, niobium et rhénium).
Ce projet, global permet en outre de faire coopérer de grands industriels miniers, des producteurs et des utilisateurs, au niveau européen. Il repose, en France, sur le CEA qui en assure la coordination, inclut le BRGM, l’ADEME, Eramet, le ministère de l’économie et le ministère de l’environnement.
3. Une politique dynamique de soutien de la recherche
L’Union européenne contribue au développement de la recherche sur les matières premières. Il est ainsi prévu d’y consacrer un budget isolé, dans le cadre du programme de recherche et développement Horizon 2020, d’un montant de six cents millions d’euros sur la période 2014-2020. Les travaux de recherche financés s’inscrivent tout au long de la chaîne de valeur, de l’exploration au recyclage, en passant par l’extraction et la transformation.
Cet effort de recherche européen concerne toutes les facettes des matières premières et se décline de de façon très précise et très concrète par un ensemble de programmes.
Les KICs constituent une facette particulièrement intéressante de cette politique.
Les KICs sont un acronyme pour Knowledge and Innovation Community (communauté de l’information et de la connaissance) Leur perspective sur dix ans est de transformer la recherche en réalisations industrielles, en créant des relations entre tous les acteurs concernés dans les domaines de l’éducation, de la recherche, de la technologie et de l’industrie et en développant des compétences. Ils rassemblent, à cette fin, cent quinze partenaires sur vingt-deux pays européens.
Dans ce cadre, la Commission envisage le lancement d’une plateforme européenne d’investissement sur les matières premières, qui serait également soutenue dans le cadre du plan Juncker et du fonds européen pour les investissements stratégiques. Une coopération entre le KIC, la Banque européenne d’investissement, le Fonds européen d’investissement permettrait d’assurer aux start-up un financement lors de ses phases de démarrage et de post-démarrage.
Les KICs permettent une coopération entre les laboratoires, les centres de recherche, les universités, et l’industrie, en lien le programme Horizon 2020 et le partenariat européen à l’innovation et du KIC.
Alors que les KICs n’ont été mis en place que très récemment, il en résulte déjà une intensification remarquable de l’effort de recherche européen sur tous les aspects des matières premières.
Il serait intéressant d’en évaluer les retombées pour la France, tant en matière d’enseignement supérieur que de recherche et d’innovation.
Nous avons cherché à répondre fondamentalement à trois questions : que sont les terres rares et les métaux stratégiques et critiques ? Quels problèmes faut-il résoudre ? Comment peut-on les résoudre ?
Les terres rares ont des caractéristiques spécifiques. Elles peuvent être classées en terres rares légères et en terres rares lourdes, ces dernières ayant les propriétés les plus intéressantes.
Elles permettent essentiellement de « doper » d’autres matières. Elles sont aujourd’hui indispensables dans plusieurs branches industrielles dont l’efficacité et la compétitivité dépendent de leur usage. Il en est ainsi dans l’industrie automobile, dans le secteur énergétique, dans l’imagerie médicale. Elles sont essentielles pour fabriquer des aimants permanents, mais aussi des téléphones portables et des éoliennes.
Représentant des éléments du classement périodique de Mendeleïev, elles ont des caractéristiques communes, dont la principale est qu’elles ne sont pas rares. Contenues le plus souvent dans des alliages ou dans des composés, elles ne sont souvent utilisées qu’à très faible quantité : un téléphone portable en contient 1,5 gramme. Le cas des éoliennes est toutefois particulier, une grande éolienne contenant jusqu’à présent 600 kg de terres rares.
Leur utilisation dépend toutefois des technologies existantes, et de leur évolution, comme le montre le cas des éoliennes et des LED, qui est révélateur des incertitudes futures : il n’y aura plus forcément besoin de dysprosium pour construire les grandes éoliennes. Le remplacement des luminophores par les LED entraîne de même une forte diminution de la demande d’europium, d’yttrium et de terbium.
Les terres rares ont fait l’objet d’une attention particulière en 2010-2011, époque à laquelle a Chine avait décidé de suspendre ses exportations de ces produits vers le Japon, pour des raisons géostratégiques. Leurs prix ont flambé, révélant les craintes de pénurie et d’absence de sécurité des approvisionnements. Mais cette hausse des prix n’a été que temporaire, au point qu’aujourd’hui ils sont même trop faibles pour permettre une exploitation rentable hors de Chine. Les enjeux se sont déplacés : la crainte d’une pénurie de matières premières a diminué, mais la Chine devient un acteur industriel majeur sur la plupart des segments de la chaîne de valeur, ce qui à terme va entraîner une concurrence chinoise très forte.
De plus en plus, les terres rares ont de nombreuses caractéristiques communes avec les autres matières premières stratégiques, qui dépendent de l’État, et critiques, qui dépendent de l’industrie. Les problèmes rencontrés dans leur approvisionnement sont très proches de ceux posés par les matières premières critiques et stratégiques. Dans les deux cas, les prix sont soumis à des fluctuations cycliques somme toute assez classiques.
Les problèmes à résoudre sont tout d’abord économiques et géopolitiques. Ils sont aussi liés à la protection de la santé publique et de l’environnement.
Il faut ainsi garantir la stabilité d’approvisionnement à court, moyen et long terme, ce qui pose la question de la domination de la Chine qui est de plus en plus forte dans le cas des terres rares mais qui est aussi croissante pour de nombreuses matières premières non énergétiques.
De manière plus globale, pour l’ensemble des matières premières stratégiques et critiques, les déséquilibres temporaires de prix constatés sur divers marchés risquent de s’accentuer, sous la pression de la demande des nouveaux pays industrialisés ou des pays en voie d’industrialisation. Les perspectives de croissance des pays en voie d’industrialisation, mais aussi de l’Afrique, rendent la demande potentiellement explosive.
Il est toutefois difficile de prévoir ces déséquilibres avec précision, du fait de l’existence de cycles de production et de prix finalement assez classiques, mais aussi du fait de l’incertitude liée aux évolutions technologiques.
Des problèmes géopolitiques ne manqueraient pas de découler d’une insuffisante diversification des sources d’approvisionnement, mais aussi du maintien de capacités de transformation dans les pays anciennement industrialisés, ce qui donne une acuité particulière aux solutions qui peuvent être imaginées pour parer à ces risques. Une trop forte concentration de l’offre ne pourrait à terme que créer des tensions tant sur les marchés qu’entre États soucieux d’assurer la sécurité de leurs approvisionnements.
Les préoccupations liées à l’environnement et à la santé publique vont enfin jouer un rôle de plus en plus grand tant pour des raisons éthiques que pour faciliter l’acceptation par les populations d’activités qui doivent être maîtrisées pour ne pas présenter de dangers.
Comment résoudre ces problèmes ?
Une politique volontariste reposera nécessairement sur trois grands types de solutions : celles qui dépendent des entreprises ; celles qui dépendent du système de formation et de recherche ; celles qui dépendent de l’État.
Les entreprises sont les premières concernées, même si elles dépendent des possibilités qu’offre la recherche, même si elles agissent dans le cadre de réglementations qui peuvent leur être favorables ou apparaître très contraignantes. Le recyclage et la substitution sont deux exemples des solutions qui dépendent surtout des entreprises. Ces deux techniques progressent, mais ne seront jamais développées de manière importante, sauf si la réglementation les imposent ou si les pouvoirs publics mettent en œuvre une politique très volontariste avec le secteur privé, comme le fait le Japon.
Le système de formation et de recherche a également un grand rôle à jouer. L’intervention des grandes écoles, des IUT, des universités, des grands organismes de recherche doit être accompagnée et renforcée, en identifiant les domaines où la formation est insuffisante, et les pistes de recherche qu’il faudrait encourager.
De nouvelles formations doivent être mises en place pour éviter la disparition de savoir-faire dont dépend non seulement l’avenir, mais aussi le maintien d’activités industrielles. Un effort plus important de recherche est indispensable tant au niveau national qu’européen pour conserver une influence au niveau mondial, dans un contexte où la Chine finance largement sa recherche sur fonds publics. Soyons conscients que cet effort ne pourra pas être financé uniquement par le secteur privé.
D’autres solutions enfin relèvent essentiellement de décisions de l’État. Quatre questions, qui font l’objet de débats, sont particulièrement pertinentes :
- la relance de la prospection et de l’activité minière, conduisant éventuellement à la réouverture de mines sur notre territoire national ;
- la mise en place de nouvelles modalités d’acceptabilité sociale du secteur minier, notamment par la mise en place du concept de mine responsable ;
- la constitution de stocks stratégiques pour sécuriser l’approvisionnement de matières premières essentielles, tant pour l’État que pour de nombreux secteurs industriels porteurs ;
- la mise en œuvre d’une coopération internationale ciblée et active afin de permettre de mettre en commun des moyens par définition limités.
Reprenons ces quatre thèmes :
La relance de la mine en France serait une source de création de richesses. La Suède, la Finlande, l’ont fait. Mais il faut imaginer une politique minière différente de celle menée par le passé. C’est tout l’intérêt de la réflexion en cours sur la mine responsable, tirant parti de la pratique scandinave qui apparait comme un modèle, mais en l’adaptant aux spécificités de notre pays. C’est la condition pour être réaliste et efficace.
Le secteur minier ne pourra renaître et se développer en France que si les projets miniers sont acceptés. Les conditions de leur acceptabilité reposeront sur une nouvelle approche de la mine, autour du concept de mine responsable, voire, comme en Finlande, de mine verte. Une nouvelle gouvernance devra être mise en place à un triple niveau : celui des individus, celui des entreprises et celui des États.
La constitution de stocks stratégiques est une option possible, mais elle reste difficile à mettre en œuvre. Et pourtant c’est une solution retenue, sous des formes différentes par les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud et la Finlande. En France, c’est essentiellement un objet de réflexion. Dans tous les cas, elle repose sur l’élaboration d’une liste de matières premières soit stratégiques soit critiques soit les deux.
La mise en place de coopérations internationales, bilatérales et multilatérales, apparaît enfin comme une nécessité dans un contexte où les moyens sont limités. Or, l’intervention de l’Union européenne reste timide et insuffisante. Sa politique doit être plus volontariste, même si elle n’a pas de compétence propre dans ce domaine. Les États membres doivent se saisir des dispositifs d’ores et déjà mis en place, qu’il s’agisse des KICs ou des possibilités offertes par l’Horizon 2020.
Telles sont les conclusions de ce rapport qui débouchent sur quatorze propositions.
1. Définir une politique minière pour la France reposant sur l’identification des besoins et des ressources, la relance de la prospection, la réalisation d’un nouvel inventaire minier et une réflexion sur la mine moderne et responsable.
2. Définir une stratégie des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques, comme l’ont fait la Suède, la Finlande et le Japon.
3. Développer la filière minière française, qui est essentielle pour son impact industriel et économique, et sa contribution à l’emploi, à la croissance et à l’innovation.
4. Sécuriser l’approvisionnement des matières premières stratégiques et critiques par une coopération internationale active.
5. Envisager le stockage des matières premières stratégiques et critiques les plus sensibles.
6. Développer le recyclage et la recherche de produits de substitution aux matières premières stratégiques et critiques.
7. Aboutir au niveau européen à une harmonisation des législations sur les transports de déchets, afin de faciliter leur recyclage.
8. Financer davantage les travaux de recherche sur les terres rares et les matières premières stratégiques et critiques, afin qu’ils aient des retombées significatives. Déterminer clairement les financements envisagés dans la programmation de l’ANR et du PIA. Améliorer leur complémentarité avec les financements européens.
9. Relancer la formation aux activités minières, notamment au sein de l’enseignement supérieur français, à ses différents niveaux, afin de permettre le maintien et le développement d’un savoir-faire particulièrement précieux.
10. Développer la veille économique, réglementaire et médiatique sur les matières premières stratégiques et critiques.
11. Charger le BRGM de mieux identifier les besoins en matières premières stratégiques et critiques et de définir les modalités techniques et financières d’un stockage. Lui confier une mission d’observation des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques, pour améliorer la connaissance de la réalité française, européenne et mondiale, et faire de la veille technologique.
12. Créer au niveau européen, à l’image du JEBIC japonais, une banque d’investissement public qui aiderait les entreprises européennes à investir à l’étranger pour obtenir des produits à des prix stables, et à sécuriser leur approvisionnement à long terme en matières premières critiques telles qu’elles sont définies dans la liste européenne.
13. Développer la coopération internationale pour mesurer et maîtriser l’impact environnemental de la prospection et de l’exploitation des mines et des ressources marines profondes.
14. Renforcer les moyens de l’Ifremer afin qu’il puisse s’engager pleinement dans une coopération avec le Japon dans la recherche et l’exploitation des ressources marines profondes, notamment dans la zone Asie-Pacifique où la présence de la France est très importante.
EXAMEN DU RAPPORT PAR L’OFFICE
M. Christian Bataille, député, vice-président. Le rapport de Mme Delphine Bataille et M. Patrick Hetzel sur « Les terres rares et les matières premières stratégiques et critiques » répond à une saisine de la commission des affaires économiques du Sénat du 24 février 2014 et s’inscrit dans une démarche dont les grandes lignes avaient été définies dans l’étude de faisabilité présentée par les deux rapporteurs en juillet 2014.
Mme Delphine Bataille, sénatrice, rapporteur de l’OPECST. Comme l’a précisé M. Christian Bataille, l’OPECST a été saisi le 24 février 2014 par M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques du Sénat, d’une demande d’étude sur les enjeux stratégiques des terres rares, afin de « contribuer à conforter la compétitivité de l’économie française ».
Le 16 avril 2014, l’Office a désigné deux parlementaires pour procéder à cette étude : M. Patrick Hetzel, député, et moi-même. À l’issue d’une étude de faisabilité approuvée par l’OPECST le 8 juillet 2014, nous avons organisé plusieurs auditions privées et deux auditions publiques qui sont retranscrites dans les annexes de ce rapport, l’une le 6 juillet 2015, l’autre le 29 février 2016. Nous nous sommes rendus en Suède, en Finlande et au Japon, de même qu’à la Rochelle, où Solvay sépare les terres rares et gère les suites du traitement de la monazite par Rhône Poulenc à la fin du siècle dernier.
Quatre thèmes majeurs apparaissent à l’issue de ces travaux :
- la crise des terres rares de 2010-2011 a révélé l’existence de matières premières très spécifiques, dont la thématique est très proche de celle des matières premières stratégiques ou critiques ;
- l’évolution des marchés des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques est préoccupante du fait de l’évolution croissante de la demande dans un contexte où l’offre dépend de plus en plus d’un nombre très limité d’acteurs ;
- les solutions habituellement envisagées par les industriels, les chercheurs et le monde académique peuvent être mises en œuvre, même si aucune inflexion politique majeure n’est décidée ; la question majeure est alors celle de leur masse critique et de leur financement ;
- la mise en place d’une véritable stratégie à moyen et long termes implique, en revanche, de prendre des décisions politiques fortes.
Les terres rares, dont l’importance a été révélée en 2010 lors d’une crise géopolitique entre la Chine et le Japon, restent peu connues malgré leur utilité indéniable et les précautions qu’il importe de prendre lors de leur exploitation.
Ce sont dix-sept éléments du tableau périodique de Mendeleïev, découverts tardivement, qui ont des propriétés particulières et des usages spécifiques. Leur production est faible et très concentrée. Leur exploitation et leur traitement reposent sur des techniques qui nécessitent de prendre des précautions particulières en termes de santé publique et de protection de l’environnement. Contenues dans des minerais et des alliages, ces terres rares doivent être traitées afin de les séparer et de les purifier, soit par hydrométallurgie soit par pyrométallurgie, soit par chimie fine. Elles répondent à des besoins souvent croissants de nombreux secteurs industriels. Elles sont ainsi utilisées pour produire des aimants permanents, des téléphones portables, des pots catalytiques, les batteries des véhicules hybrides, des grandes éoliennes, des luminophores pour les ampoules de basse consommation et les diodes électroluminescentes (LED). Leurs applications médicales sont intéressantes.
Leur demande future est fortement dépendante des choix des industriels et de l’évolution des technologies. À titre d’exemple, Renault a fait un choix différent de Nissan en optant pour un moteur électrique sans terres rares. Siemens vient d’annoncer qu’il peut se passer de dysprosium pour la production de grandes éoliennes, ce qui permettra d’éviter de fortes tensions sur le marché du dysprosium, produit utilisé également dans les téléphones portables. Par ailleurs, les LED vont remplacer de plus en plus les luminophores.
L’offre des terres rares est fortement concentrée en Chine, ce qui est apparu particulièrement lors de la crise sino-japonaise de 2010-2011, qui a créé un choc psychologique et a retenti comme un signal d’alarme. La Chine produit en effet 90 % des terres rares, et possède 50 % des réserves mondiales.
La forte hausse des prix qui en a résulté n’a pas perduré. Les prix ont baissé de nouveau et la Chine, mise en cause par l’OMC, a supprimé ses quotas et ses taxes à l’exportation. Elle a aussi mis de l’ordre dans sa production, et développe des activités intégrant de plus en plus de valeur ajoutée, tout en cherchant à contrôler des gisements à l’étranger, comme à Kvanefjeld au Groenland, où l’Union européenne a fait preuve d’une très grande naïveté. Il en résulte que les projets d’exploitation et de transformation hors de Chine ont du mal à émerger, d’autant que les prix sont aujourd’hui insuffisants.
L’évolution des marchés de terres rares et de matières premières stratégiques et critiques est donc préoccupante. La demande croissante des pays et des continents en voie d’industrialisation est difficilement contrôlable. L’offre va être soumise à des contraintes de plus en plus fortes et risque de se concentrer encore davantage en Chine.
Raisonner en termes de besoins stratégiques et de criticité permet de mieux comprendre les enjeux en cause. Plusieurs matières premières, dont les terres rares, présentent un intérêt stratégique pour les États et peuvent être critiques pour l’industrie. Cette notion de produits critiques est du reste utilisée par la Commission européenne pour désigner des produits nécessaires à l’approvisionnement des industries high tech, et qui font l’objet d’un oligopole caractérisé par la présence de deux ou trois producteurs qui représentent ensemble au moins 80 % de la production mondiale.
La combinaison des deux caractéristiques complexifie les problèmes à résoudre. On peut, d’ores et déjà, prévoir qu’il va falloir se préparer à des risques de pénurie pour les matières premières non agricoles et non énergétiques. C’est pourquoi l’élaboration de listes de produits sensibles est particulièrement intéressante, que l’on vise les métaux stratégiques ou critiques. Plusieurs pays l’ont déjà fait.
En conclusion de ces deux premières parties de notre projet de rapport, je voudrais souligner mon attachement à la mine et au secteur minier dont le développement qu’il nous faut imaginer sera source d’atouts pour notre pays, en termes d’emplois, d’innovation et de croissance. Nous disposons d’acteurs de premier plan. Mais encore faut-il créer les conditions leur permettant de développer leurs potentialités.
M. Patrick Hetzel, député, rapporteur de l’OPECST. Face au risque de pénurie de terres rares et de matières premières stratégiques et critiques, deux grands types de solutions peuvent être mises en œuvre par l’État et les entreprises. Les premières, classiques, sont déjà largement engagées. Les secondes nécessitent un effort d’imagination et une volonté politique particulière.
Les solutions habituellement envisagées ne nécessitent pas d’inflexion politique majeure. Elles concernent, d’une part, le recyclage et la substitution, d’autre part, la formation et la recherche.
Le recyclage est déjà une réalité économique. Son intérêt n’est plus contesté, même s’il n’est pas une panacée, pour des raisons tant techniques qu’économiques. Son développement peut résulter du marché mais aussi de réglementations quand il n’est pas rentable ou n’est pas encore entré dans les mœurs. Une telle réglementation existe déjà, en France, pour les piles et accumulateurs. Le recyclage sera d’autant plus efficace qu’il s’inscrira dans une démarche relevant de l’économie circulaire, ce que montre l’expérience du Japon où il résulte d’une politique pragmatique très volontariste reposant sur un partenariat entre l’industrie et les pouvoirs publics, permettant la mise en œuvre d’une loi qui définit les produits à recycler : les téléviseurs, les climatiseurs, les réfrigérateurs et les machines à laver.
La substitution reste encore balbutiante, mais son résultat est parfois surprenant, comme le montre le cas du dysprosium qui n’est plus nécessaire pour construire de grandes éoliennes, qui en nécessitaient jusqu’à présent 600 kg par mégawatt/heure d’énergie. La substitution n’a cependant d’intérêt que si elle permet d’obtenir des produits de qualité suffisante et si elle est possible technologiquement. Au Japon, l’Institut national pour la science des matériaux, le NIMS, estime que la substitution peut pallier l’insuffisance du recyclage et l’indisponibilité prochaine de certains produits critiques. Le NEDO et le METI ont développé un programme ambitieux de substitution qui concerne l’électronique, l’automobile et les instruments industriels.
La formation doit être dynamisée. En effet, la situation est alarmante. L’avenir des formations existantes, qui sont de qualité tant dans les écoles d’ingénieur qu’à l’université, n’est pas assuré, car les débouchés sont aléatoires. Plusieurs formations ont disparu ou sont menacées, ce qui risque d’entraîner une perte de certains savoir-faire en métallurgie. L’enseignement de la toxicologie ou du génie minier est insuffisamment développé. Aussi le soutien des pouvoirs publics est-il nécessaire pour traverser cette période difficile et donner une nouvelle impulsion.
L’effort de recherche et développement actuellement consenti est moins efficace que par le passé, même si l’implication des structures de recherche reste élevée. Il faut donc soutenir et encourager la recherche qui a permis des avancées significatives, notamment en débouchant sur des techniques beaucoup moins intrusives, plus miniaturisées et efficaces qu’auparavant. Des recherches en toxicologie devront être suscitées. Une réflexion doit être menée sur l’effort qu’il faut accomplir et sur les moyens à mettre en œuvre, car les financements au niveau national n’utilisent pas l’ensemble des outils disponibles. L’Agence nationale de la recherche (ANR) n’a pas de programme spécifique, ni le rôle dynamisant qu’elle a dans d’autres domaines. En revanche, l’apport de l’ADEME est réel. Les financements de l’Union européenne sont davantage identifiés, notamment dans le cadre de l’Horizon 2020, mais ne permettent pas de financer des projets vraiment orientés sur la recherche. Enfin, les réseaux et les partenariats doivent être soutenus dans leur développement. La question se pose de la création d’une « alliance » des matières premières. La mise en place d’une fédération des réseaux des acteurs français, actuellement en cours, constitue une autre piste.
En revanche, l’élaboration d’une stratégie plus ambitieuse nécessite des décisions politiques fortes. Ce sera le cas pour la définition d’une stratégie minière et métallurgique volontariste, pour l’étude de la mise en place de stocks stratégiques, pour le développement d’une diplomatie économique des matières premières.
Une nouvelle stratégie minière ne relève pas de l’utopie car on connaît bien les conditions techniques, organisationnelles, économiques, financières et juridiques du succès des investissements qu’il faut entreprendre. Tout projet minier doit prendre en compte plusieurs étapes. Le sous-sol doit être mieux connu, ce qui suppose une relance ciblée de la prospection en France et en Europe et la réalisation d’un nouvel inventaire minier. Une analyse prospective des besoins et du contexte réglementaire, voire des media apparaît de plus en plus importante. Le marché doit être plus transparent. De nouvelles techniques de financement peuvent être utilisées. La compétitivité doit être améliorée. Mais, par-dessus tout, il faut veiller à l’acceptabilité des projets miniers afin de garantir leur pérennité. Cette acceptabilité, qui n’est plus évidente aujourd’hui, comme le montre l’exemple de la réouverture d’une mine à Salau (Ariège), dépendra surtout d’un dialogue rénové avec les populations concernées, qui doit prendre en compte toutes les générations.
Les expériences de plusieurs pays – le Japon, la Suède, la Finlande notamment – montrent l’utilité de la définition d’une véritable stratégie minière, et l’intérêt de la mise en place de structures promouvant le financement de la recherche de ressources minérales. Elles mettent en évidence l’équilibre à trouver entre industrie et environnement, mais aussi entre activités économiques et valeurs culturelles.
Comme en Scandinavie, c’est le concept de « mine responsable », ou de « mine verte » qui peut permettre le développement, en France, d’un projet minier ambitieux. En Suède, il repose sur l’intervention d’un tribunal de l’environnement. En Finlande, il résulte d’un débat public lancé par le gouvernement. C’est une approche nouvelle qui permet de répondre à de véritables préoccupations : comment prévenir et maîtriser les risques ? Comment gérer l’après-mine, notamment lorsque les responsables sont défaillants ? Comment assurer la traçabilité de tous les éléments constitutifs du projet, ce qui répond de plus en plus à la demande des acheteurs finaux, surtout dans le cas de minerais de conflit ? Quel équilibre trouver entre réglementation et mise en œuvre volontaire de bonnes pratiques ? Quel équilibre trouver entre réglementation et marché ? La modernisation du code minier, qui doit être enfin réalisée, pourrait être l’occasion de faire progresser ce concept de mine responsable et de commencer à le mettre en œuvre.
L’étude de la constitution de stocks stratégiques doit être engagée. Elle devra permettre de répondre à trois questions cruciales, malgré la complexité et le coût de tels stocks : peut-on ou non se passer de certaines matières premières critiques si elles sont stratégiques ? Est-on prêt à payer le prix fort en cas de pénurie ? Quel serait l’utilité, le coût et les modalités d’un stockage préventif ? Les exemples de plusieurs pays étrangers montrent qu’un tel stockage préventif peut répondre à des préoccupations soit de nature économique, comme au Japon, soit de nature stratégique ou financière, comme aux États Unis, en Russie, en Chine, en Corée ou en Finlande.
La diplomatie économique française peut devenir un instrument essentiel d’une politique minière volontariste. Les outils d’une telle politique sont en place, tant au ministère des affaires étrangères qu’à Business France et à la direction générale du Trésor. Les exemples de la coopération bilatérale avec l’Allemagne, le Vietnam et le Japon montrent les possibilités de son développement qui pourrait être inspiré par le programme cadre particulièrement ambitieux que l’Allemagne a mis en place pour les matières premières afin de sécuriser ses approvisionnements en matières premières. Enfin, la diplomatie économique française pourrait compléter davantage la politique des matières premières de l’Union européenne car celle-ci se heurte, malgré son dynamisme, à l’absence de compétence de l’Union dans ce domaine.
Quatorze propositions découlent de cette analyse des enjeux stratégiques des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques :
1. Définir une politique minière pour la France reposant sur l’identification des besoins et des ressources, la relance de la prospection, la réalisation d’un nouvel inventaire minier et une réflexion sur la mine moderne et responsable.
2. Définir une stratégie des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques, comme l’ont fait la Suède, la Finlande et le Japon.
3. Développer la filière minière française, qui est essentielle pour son impact industriel et économique, et sa contribution à l’emploi, à la croissance et à l’innovation.
4. Sécuriser l’approvisionnement des matières premières stratégiques et critiques par une coopération internationale active.
5. Envisager le stockage des matières premières stratégiques et critiques les plus sensibles.
6. Développer le recyclage et la recherche de produits de substitution aux matières premières stratégiques et critiques.
7. Aboutir au niveau européen à une harmonisation des législations sur les transports de déchets, afin de faciliter leur recyclage.
8. Financer davantage les travaux de recherche sur les terres rares et les matières premières stratégiques et critiques, afin qu’ils aient des retombées significatives. Déterminer clairement les financements envisagés dans la programmation de l’ANR et du PIA. Améliorer leur complémentarité avec les financements européens.
9. Relancer la formation aux activités minières, notamment au sein de l’enseignement supérieur français, à ses différents niveaux, afin de permettre le maintien et le développement d’un savoir-faire particulièrement précieux.
10. Développer la veille économique, réglementaire et médiatique sur les matières premières stratégiques et critiques.
11. Charger le BRGM de mieux identifier les besoins en matières premières stratégiques et critiques et de définir les modalités techniques et financières d’un stockage. Lui confier une mission d’observation des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques, pour améliorer la connaissance de la réalité française, européenne et mondiale, et faire de la veille technologique.
12. Créer au niveau européen, à l’image du JEBIC japonais, une banque d’investissement public qui aiderait les entreprises européennes à investir à l’étranger pour obtenir des produits à des prix stables et à sécuriser leur approvisionnement à long terme en matières premières critiques telles qu’elles sont définies dans la liste européenne.
13. Développer la coopération internationale pour mesurer et maîtriser l’impact environnemental de la prospection et de l’exploitation des mines et des ressources marines profondes.
14. Renforcer les moyens de l’Ifremer afin qu’il puisse s’engager pleinement dans une coopération avec le Japon dans la recherche et l’exploitation des ressources marines profondes, notamment dans la zone Asie-Pacifique où la présence de la France est très importante.
M. Bruno Sido, sénateur, premier vice-président de l’OPECST. Je tiens tout d’abord à féliciter les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Les terres rares ont mauvaise réputation du fait de leurs effets polluants. En réalité, elles ne sont pas si rares mais la Chine en domine le marché. Elles sont essentielles pour la production de nombreux produits, dont les téléphones portables ou les éoliennes, et ont un caractère stratégique et critique comme plusieurs autres matières premières minérales. Il est donc nécessaire de veiller à la formation dans toutes les sciences touchant aux terres rares et aux minerais, tant dans les universités que dans les grandes écoles où les effectifs des promotions ne sont plus suffisantes, et au maintien des moyens consacrés à la recherche. En effet, la situation est préoccupante.
Les propositions du rapport sont pertinentes. Je voudrais insister sur la question de la réouverture de la mine de Salau qui entraîne des craintes relatives au développement de la circulation dans cette zone particulièrement touristique. Je voudrais aussi souligner l’utilité de stocks stratégiques, dans la mesure où la substitution n’existe pas toujours, et sur le nécessaire développement de la recherche sur la substitution. Je souhaiterais, enfin, demander s’il y a péril en la demeure, si des craintes existent quant aux possibilités de production des téléphones portables et si une crise majeure ne se profile pas à l’horizon, dans un contexte où les prix évoluent de manière cyclique.
M. Christian Bataille. Le développement, au XIXe siècle, a reposé sur l’exploitation des mines. L’école des mines à Douai en est un symbole, car cette ville était le siège des principaux sites miniers français. Peut-on, aujourd’hui, envisager une telle exploitation, transplantée dans le contexte culturel du XXIe siècle où la population ne veut plus voir de camions et où des petits fils de mineurs s’opposent à l’exploitation du gaz de schiste ?
Je retiens de vos propositions la relance de la recherche, qui est essentielle. Avez-vous, à cet égard, des comparaisons avec l’Allemagne et des précisions sur la stratégie de ce pays qui n’a pas les mêmes pudeurs que le nôtre ? Comment la France peut-elle se préparer pour éviter une pénurie qui pourrait nous atteindre si la Chine ou les États-Unis contingentaient leurs exportations ?
M. Patrick Hetzel. Notre rapport contient, à la page 58, un tableau qui indique, pour chaque métal stratégique, ses usages principaux, sa consommation au niveau mondial, les principaux pays producteurs et ses caractéristiques. Il en découle qu’il n’y aura pas de crise majeure globale mais des crises partielles pour certains produits dont la disponibilité est estimée actuellement à une quinzaine d’années. C’est donc le moment pour anticiper. Certains pays sont particulièrement actifs en la matière : les États-Unis, la Russie, la Chine, la Corée et le Japon. L’Europe et la France sont en retrait. L’Allemagne est très pragmatique. La Rohstoffallianz y regroupe des industriels et dialogue avec les organismes de recherche, ce qui nous conduit à proposer de mettre en place une « alliance » en France pour pouvoir ensuite échanger avec les Allemands.
Mme Delphine Bataille. Comme le montre notre tableau, les métaux relèvent chacun de situations très différentes. L’évolution des technologies est extraordinairement rapide, comme le montre le remplacement des luminophores par les LED, qui a un impact considérable sur la demande d’europium. Il n’y a pas, en France, de stratégie claire. La réforme annoncée du code minier n’a pas eu lieu. Dans un contexte où la pénurie est parfois organisée pour des raisons politiques, il y a, par moment, emballement de la demande et de l’offre à laquelle on ne peut pas toujours répondre de manière optimale.
M. Patrick Hetzel. Un autre tableau, fourni par le professeur Leroy et figurant à la page 53 de notre rapport, montre que le germanium utilisés dans le photovoltaïque et les fibres optiques ne sera probablement disponible que durant dix années. On ne sait pas ce qu’il en sera pour le lithium utilisé dans les batteries des véhicules hybrides. On note toutefois une corrélation entre les évolutions technologiques et la criticité et le caractère stratégique des matériaux.
Mme Dominique Gillot, sénatrice. Quelles sont les industries qui utilisent les métaux rares ? Connaît-on les flux d’importations ? Savez-vous si l’on constate des fuites de cerveaux spécialisés en ces matières, étant donné la réputation de certaines universités françaises, telle l’université de Lorraine qui a des contacts intéressants à l’étranger ? Sur le financement de la recherche, notamment en toxicologie, je remarquerai que l’ANR n’est pas prescriptive, et qu’elle lance des programmes en fonction des besoins exprimés par les organismes de recherche. Ce sont donc de tels projets qu’il faut susciter.
L’extraction des terres rares et des matières premières critiques se fait-elle comme dans les mines traditionnelles ? L’évolution technologique permet-elle de nouveaux modes d’extraction ? Dans quelle mesure peut-on traiter sur place les ressources extraites pour éviter les déplacements de camions qui font peur à la population ? Quelles seront, enfin, les suites données à ce rapport ?
Mme Delphine Bataille. Concernant l’extraction, j’indiquerai que les gisements de terres rares sont assez peu concentrés. On trouve les terres rares sous forme d’oxydes, qui doivent être séparés et purifiés, processus complexe qui a pour conséquence que Solvay soit la seule entreprise en Europe qui maîtrise ce processus et qui possède encore un avantage comparatif par rapport aux producteurs chinois. Les techniques utilisées concernent l’hydrométallurgie, la pyrométallurgie et la chimie fine.
On fait actuellement venir ces métaux stratégiques et critiques de l’étranger, et principalement de la Chine. Plusieurs industriels japonais que nous avons rencontrés se sont étonnés de notre souhait de développer la prospection et l’extraction mais c’est, pour nous, une question d’indépendance stratégique de la France
M. Patrick Hetzel. Sur la recherche, il existe des programmes blancs à l’ANR qui permettent de financer des projets non fléchés. Mais il faut constater qu’il y a, en France, aujourd’hui, peu de travaux de recherche sur les terres rares du fait des délais très longs entre l’engagement de ce genre de travaux et leur aboutissement, ce que nous a confirmé un chercheur japonais éminent.
Du fait de la crise de 2010 et des difficultés qu’il a rencontrées avec la Chine, le Japon a pris conscience du caractère stratégique de la maîtrise de ses approvisionnements et de la nécessité de conserver une longueur d’avance dans le domaine de la recherche. Cela a conduit au regroupement de plusieurs laboratoires et à la création du NIMS, structure consacrée à la recherche fondamentale sur les matières premières et au développement d’applications. Ses chercheurs ont développé des liens avec l’industrie.
La France ne possède pas d’équivalent. C’est pourquoi nous prônons l’expression d’une volonté politique forte et le lancement d’un débat sur le caractère stratégique de ces matières premières, afin de susciter une prise de conscience. La complémentarité entre laboratoires et entreprises est, par ailleurs, essentielle. C’est pourquoi aussi nous présenterons nos conclusions aux ministres concernés.
L’OPECST a alors adopté à l’unanimité ce rapport et ses propositions.
COMPOSITION DU COMITÉ DE PILOTAGE
- M. Gilles BORDIER, directeur-adjoint du centre de Marcoule du CEA, chargé des activités scientifiques ;
- M. Frédéric CARENCOTTE, directeur des opérations de Rare Earth Systems, Solvay ;
- M. Paul CARO, membre de l’Académie des technologies, ancien sous-directeur du laboratoire des terres rares du CNRS ;
- M. Michel CATHELINEAU, université de Lorraine, UMR géo-ressources, directeur de recherche CNRS, directeur scientifique du CREGU et Labex Ressources 21 ;
- M. Patrice CHRISTMANN, directeur adjoint, Direction de la stratégie/Direction scientifique et de la production, Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ;
- M. Gwenole COZIGOU, directeur à la Direction, générale Entreprise et Industrie de la Commission européenne, Directorate F: Resources Based, Manufacturing and Consumer Goods Industries ;
- Mme Anne de GUIBERT, directeur de la recherche de SAFT ;
- M. Frédéric GOETTMAN, chef du projet IEH (Institut européen d’hydrométallurgie) du CEA ;
- M. Benoît de GUILLEBON, directeur de l’APESA, centre technologique en environnement et maîtrise des risques, co-auteur de « Quel futur pour les métaux ? » ;
- M. Christian HOCQUARD, géologue-économiste, service des ressources minérales, Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ;
- M. Michel LATROCHE, directeur de recherche au CNRS (Institut de chimie et des matériaux de Paris-Est) ;
- M. Maurice LEROY, professeur émérite à l’École européenne de chimie, polymères et matériaux de Strasbourg, membre associé de l’Académie nationale de pharmacie ;
- M. Alain LIGER, ingénieur général des mines, ancien secrétaire général du Comité pour les métaux stratégiques (COMES) ;
- M. Roland MASSE, toxicologue, membre de l’Académie des technologies et de l’Académie de médecine.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS
— Mercredi 7 mai 2014
- M. Paul CARO, membre de l’Académie des technologies, ancien sous-directeur du laboratoire des terres rares du CNRS ;
- M. Christian HOCQUARD, service des ressources minérales, Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
— Jeudi 15 mai 2014
- M. Roland MASSE, toxicologue, membre de l’Académie des technologies et de l’Académie de médecine ;
- M. Michel LATROCHE, directeur de recherche au CNRS (Institut de chimie et des matériaux de Paris-Est) ;
- M. Benoît de GUILLEBON, directeur de l’APESA, centre technologique en environnement et maîtrise des risques, co-auteur de « Quel futur pour les métaux ? » ;
- M. Guillaume PITRON, journaliste, membre de Global Links.
— Mercredi 21 mai 2014
- M. Gwenole COZIGOU, DG Entreprise et Industrie de la Commission européenne, Directorate F: Resources Based, Manufacturing and Consumer Goods Industries ;
- MM. Gilles BORDIER, directeur-adjoint du centre de Marcoule du CEA en charge des activités scientifiques, Frédéric GOETTMAN, chef du projet IEH (Institut Européen d’Hydrométallurgie) du CEA, et Jean-Pierre VIGOUROUX, chef du service des affaires publiques du CEA, chargé des relations avec le Parlement.
— Mercredi 27 mai 2014
- M. Philippe BIHOUIX, direction de fret, SNCF, membre de l’Institut Momentum, auteur de « Quel futur pour les métaux ? » et « L’âge des low tech ».
— Jeudi 28 mai 2014
- M. Loïc LEJAY, chargé de mission Développement du recyclage et référent DGPR pour Administration exemplaire, département Politique et gestion des déchets, ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (MEDDE).
— Mercredi 4 juin 2014
- M. Alain LIGER, ingénieur général des mines, ancien secrétaire général du Comité pour les métaux stratégiques (COMES) ;
- M. Didier JULIENNE, stratège industriel et éditorialiste en ressources naturelles.
— Mercredi 18 juin 2014
- Mme Anne de GUIBERT, directeur de la recherche de SAFT.
— Jeudi 19 juin 2014
- M. Michel CATHELINEAU, université de Lorraine, UMR géo-ressources, directeur de recherche CNRS, directeur scientifique du CREGU et Labex Ressources 21.
— Mercredi 25 juin 2014
- M. Maurice LEROY, professeur émérite à l’École européenne de chimie, polymères et matériaux de Strasbourg, membre associé de l’Académie nationale de pharmacie ;
- M. Alain GELDRON, expert national Matières premières, ADEME, direction Consommation durable et déchets (DCDD).
— Jeudi 26 juin 2014
- M. Frédéric CARENCOTTE, directeur des opérations de Rare Earth Systems Solvay ;
- M. Patrice CHRISTMANN, directeur adjoint, Direction de la stratégie/Direction scientifique et de la production, Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
— Jeudi 7 mai 2015
- M. Étienne BOUYER, chef de laboratoire, CEA Tech Grenoble, programme nouvelles technologies de l’énergie ;
- M. Alain ROLLAT, Rare Earth upstream projects Manager, Solvay ;
- M. Philippe SCHULZ, Expert Leader, Environnement, énergie et matières premières stratégiques, Renault ;
- M. Christian THOMAS, Terra Nova.
— Mardi 19 mai 2015, lors d’une rencontre avec le COMES
- Mme Adeline DEFER, ministère des affaires étrangères et du développement international ;
- M. Rémi GALIN, chef du bureau de la gestion et de la législation des ressources minérales, ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (MEDDE) ;
- M. Dominique GUYONNET, BRGM ;
- M. Jean-François LABBE, BRGM ;
- M. Alain LIGER, ingénieur général des mines, ancien secrétaire général du Comité pour les métaux stratégiques (COMES) ;
- M. Christian PETIT, Eramet ;
- M. Christian POLAK, Areva.
— Mercredi 20 mai 2015, lors d’une réunion du comité de pilotage
- M. Michel CATHELINEAU, université de Lorraine, UMR géo-ressources, directeur de recherche CNRS, directeur scientifique du CREGU et Labex Ressources 21 ;
- M. Patrice CHRISTMANN, directeur adjoint, Direction de la stratégie/Direction scientifique et de la production, Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ;
- M. Frédéric GOETTMANN, chef du projet IEH (Institut Européen d’Hydrométallurgie) du CEA ;
- M. Christian HOCQUARD, service des ressources minérales, BRGM ;
- M. Michel LATROCHE, directeur de recherche au CNRS (Institut de chimie et des matériaux de Paris-Est) ;
- M. Alain LIGER, ingénieur général des mines, ancien secrétaire général du Comité pour les métaux stratégiques (COMES).
— Du 22 au 26 juin 2015, en Suède et en Finlande
1) Suède
- M. Jacques LAPOUGE, ambassadeur de France ;
- M. Pierre-Alexandre MIQUEL, chef du service économique régional pour les pays nordiques, ambassade de France ;
- M. Julien GROSJEAN, chef du secteur, conseiller Énergie-Environnement-Matières premières, ambassade de France ;
- Mme Annika BILLSTEIN ANDERSSON, juge technique sur les questions environnementales liées aux projets d’infrastructures minières, tribunal de l’environnement de Stockholm-Nacka ;
-M. Mats ENGSTRÖM, conseiller, responsable de l’innovation sur les matières premières minérales ;
- M. Magnus ERICSSON, professeur d’économie des minéraux à l’université de Lulea, président fondateur de l’entreprise Raw Material Group spécialisée sur l’analyse de l’économie minière mondiale et des politiques publiques minières ;
- M. Isak FROM, député de la région minière du Västerbotten, membre de la commission des affaires environnementales du Parlement ;
- Mme Annika GRÖNLUND, conseillère juridique, tribunal de l’environnement de Stockholm-Nacka ;
- M. Henning HOLMSTRÖM, directeur général, Tasman Metals ;
- M. Bo KROGVIG, conseiller senior, direction des affaires publiques, groupe LKAB ;
- M. Kaj LAX, directeur des ressources minérales, Agence nationale suédoise d’exploration géologique, SGU ;
- Mme Lotta LEWIN PIHLBLAD, conseillère sur les affaires minières et minérales, Direction de la recherche, de l’innovation et du développement des entreprises, ministère suédois des entreprises ;
- Mme Katarina PERSSON NILSSON, conseillère sur le développement des entreprises, direction des entreprises, ministère suédois des entreprises ;
- M. Roland ROBERTS, professeur en géologie à l’université d’Uppsala, président du comité sur les mines du Conseil national pour la recherche, Vetenskapsrädet ;
- M. Mikael STAFFAS, CFO, Boliden.
- M. Erik WESTIN, sous-directeur en charge des métaux stratégiques, Agence suédoise de protection de l’environnement, Naturvardsverket, membre du comité de la stratégie nationale suédoise minière de février 2013, membre du réseau d’expertise sur les terres rares de la Commission européenne, ERECON.
2) Finlande
- M. Serge MOSTURA, ambassadeur de France ;
- M. Jean-Matthieu BONNEL, premier conseiller ;
- Mme Sandrine TESTAZ, attachée scientifique ;
- M. Jani ERKKILA, faisant fonction de premier secrétaire ;
- Mme Sylvie FRABOULET-JUSSILA, responsable du secteur minier, SITRA, Fonds d’innovation finlandais ;
- Mme Nadine FRAYSSE-ECKSTEIN, conseillère commerciale, Business France ;
- M. Kimmo HANNUKAINEN, directeur des ressources humaines de la mine d’or de Kittilä ;
- Mme Sari KAUPPI, chercheur, centre pour la consommation et la production durables, Institut finlandais de l’environnement ;
- Mme Sari KOIVISTO, superintendant de l’usine de transformation du minerai de la mine d’or de Kittilä ;
- M. Kari KNUUTILA, senior vice-president, chief technology officer d’Outotec ;
- M. Raimo LAHTINEN, professeur et chercheur au GTK (Geological Survey of Finland) ;
- M. Jaakko MANNIO, senior scientist, centre pour la consommation et la production durables, Institut finlandais de l’environnement ;
- M. Mika NYKANEN, directeur général du GTK ;
- Mme Taina NYSTEN, Development Manager, centre pour la consommation et la production durables, Institut finlandais de l’environnement ;
- M. Jyri SEPPÄLÄ, professeur, directeur du centre pour la consommation et la production durables, Institut finlandais de l’environnement (SYKE) ;
- M. Saku VUORI, spécialiste senior au GTK.
— 6 juillet 2015, lors de la première audition publique
- M. Gilles BORDIER, directeur-adjoint du centre de Marcoule du CEA, chargé des activités scientifiques ;
- M. Étienne BOUYER, chef de laboratoire, CEA Tech Grenoble, programme nouvelles technologies de l’énergie ;
- M. Michel CATHELINEAU, université de Lorraine, UMR géo-ressources, directeur de recherche CNRS, directeur scientifique du CREGU et Labex Ressources 21 ;
- M. Laurent CORBIER, directeur des affaires publiques, Eramet ;
- M. Patrice CHRISTMANN, directeur adjoint, Direction de la stratégie/Direction scientifique et de la production, Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ;
- M. Laurent FORTI, responsable Programmes, IFP Énergies nouvelles (IFPEN) ;
- M. Rémi GALIN, chef du bureau de la gestion et de la législation des ressources minérales, ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (MEDDE) ;
- M. Alain GELDRON, expert national Matières premières, ADEME, direction Consommation durable et déchets (DCDD) ;
- M. Xavier GRISON, Direction générale de l’armement (DGA), ministère de la défense ;
- Mme Anne de GUIBERT, directeur de la recherche de SAFT ;
- M. Philippe GUIBERTEAU, CEA ;
- M. Dominique GUYONNET, BRGM ;
- M. Christian HOCQUARD, géologue-économiste, service des ressources minérales, BRGM ;
- M. Didier JULIENNE, stratège industriel et éditorialiste en ressources naturelles ;
- M. Michel LATROCHE, directeur de recherche au CNRS (Institut de chimie et des matériaux de Paris-Est) ;
- M. Loïc LEJAY, chargé de mission Développement du recyclage et référent DGPR pour Administration exemplaire, département Politique et gestion des déchets, ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (MEDDE) ;
- M. Maurice LEROY, professeur émérite à l’École européenne de chimie, polymères et matériaux de Strasbourg, membre associé de l’Académie nationale de pharmacie ;
- M. Elbert LOOIS, Rohstoffallianz GmbH ;
- M. Claude MARCHAND, chef du bureau des matériaux, Direction générale des entreprises, ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique ;
- M. Bruno MORTAIGNE, ministère de la défense, Direction générale de l’armement ;
- M. Eric NOYREZ, ancien président de Lynas ;
- M. Christophe PETIT, Eramet ;
- M. Frédéric PETIT, directeur Business Development Siemens Power Generations ;
- M. Guillaume PITRON, journaliste, membre de Global Links ;
- M. Alain ROLLAT, Rare Earth upstream projects Manager, Solvay ;
- Mme Agnès ROMATET-ESPAGNE, directrice Entreprises et économie internationale, ministère des affaires étrangères et du développement international ;
- M. Philippe SCHULZ, Expert Leader, Environnement, énergie et matières premières stratégiques, Renault ;
- M. Jack TESTARD, président de Variscan Mines ;
- M. Christian THOMAS, Terra Nova ;
- M. Christian THOMAS, président du Pôle de compétitivité Team 2 ;
— Du 7 au 12 février 2016, au Japon
1). Ambassade de France
- M. Thierry DANA, ambassadeur de France
- MM. Jacques MALEVAL, Sébastien CODINA et Pierre FEUARDANT, organisateurs de la mission ;
- M. Paul-Bertrand BARETS, ministre conseiller ;
- M. Malik AÏT-AÏSSA, service économique ;
- M. Yves HENOCQUE, Ifremer ;
- M. Leonidas KARAPIPERIS, ministre conseiller à la tête de la section Science et technologie de la délégation de l’Union européenne au Japon ;
2) Ministère des affaires étrangères
- M. Kenichiro MATSUBAYASHI, directeur de la division de sécurité économique, ministère des affaires étrangères (Gaimusho) ;
3) National Institute for Material Sciences (NIMS)
- Pr Teruo KISHI, directeur du Strategic International Program of Japan Science and Technology Agency (JST), premier directeur du NIMS ;
- Dr Kohmei HALADA ;
- Dr Eiji MUROMACHI, vice-président.
- Dr Johsei NAKAGAWA, vice-manager général et manager des relations académiques ;
4) Bureau de promotion de la recherche, ministère de l’éducation, de la culture, des sports, des sciences et de la technologie (MEXT), division Science des matériaux et développement des nanotechnologies - Research and Development Bureau, Materials, Science and Nanotechnology Development Division
- M. Hiroshi IKUKAWA, directeur général adjoint ;
- M. Masaaki NISHIJO ;
- M. Takuro YOSHIMOTO, chef d’unité ;
- Dr Tetsuya SHOJI ;
- Mme Luna KATO.
5) Ministère de l’économie, du commerce et de l'industrie (METI) - Manufacturing Industries Bureau, Non-ferrous Metals Division
- M. Norio FUJII, directeur, Critical Metals Industry Office ;
- M. Yoshiro KAKU, Chief Deputy Director, Mineral and Natural Resources Division ;
- M. Hidenori SAKA, New Energy and Industrial Technology Development Organization (NEDO), Chief Officer, Environment Department ;
6) National Institute for Advanced Industrial Science and Technology (AIST) - Metals Recycling Group
- Dr Koichi AWAZU, directeur adjoint de la division des affaires internationales et de promotion de la collaboration ;
- Dr Kazuyo IWAMOTO, directeur associé à la collaboration globale, division des affaires internationales et de promotion de la collaboration ;
- Dr Shigeki KOYANAKA, Leader of the resources separation process research group ;
- Pr Keisuke NANSAI, directeur de la section International Material Cycles Research Section, Center for Material Cycles and Waste Management Research ;
- Dr Tatsuya OKI, Principle Research Manager.
7) Japan Oil, Gas and Metals National Corporation (JOCMEC)
- M. Ryosuke OHASHI, Director General, Metals Strategy Department ;
- M. Yozo BABA, Deputy Director General, Metals Strategy Department ;
- M. Satoshi SHIOKAWA, Director General, Metals Technology Department ;
8) Hitachi
- M. Takeshi NEMOTO, directeur du groupe de recyclage des ressources matérielles ;
- Dr Saeki TOMONORI.
9) Mitsubishi Electric (Green Cycle Systems, centre de recyclage)
- M. Akihiro ASAMI, Hyper Cycle Systems ;
- M. Satoshi MATSUDA, président de Green Cycle Systems ;
- M. Yoji MURAKAMI.
10) Council for Science, Technology and Innovation (CSTI)/Strategic Innovation Promotion Program (SIP) « Technologies de développement des ressources marines de prochaine génération »
- M. Ryuma OHORA, conseiller ;
- Dr Katsuhito SUZUKI, Leader du groupe de recherche « Resource Generation Environment » au centre de R&D des ressources sous-marines de la JAMSTEC
- Pr Tamaki URA, université de Tokyo et directeur adjoint du programme SIP sur les ressources marines profondes ;
11) Tokyo Institute of Technology-Materials Research Facility (Genso Cube)
- Pr Hideo HOSONO, directeur ;
- Pr Kiyoshi OKADA, vice-président ;
- Pr Satoru FUJITSU ;
- Pr Hideya KUMOMI.
12) Autres personnalités
- M. Kiyoshi ANDO, journaliste Nikkei ;
- Dr Fabien GRASSET, directeur de l'unité mixte internationale LINK
- Pr Nobuhito IMANAKA, université d'Osaka ;
- Pr Yasuhiro KATO, université de Tokyo ;
- M. Masaharu KATAYAMA, directeur général du département des métaux et ressources minérales de Toyota Tsusho ;
- M. Nobuhiko KAWAKAMI, président de Tokyo Eco Recycle ;
- Dr Takeshi MINOWA, directeur général du centre de recherche sur les matériaux magnétiques de Shinetsu Chem Co. Ltd ;
- Pr Toru OKABE, directeur adjoint de l'Institut des sciences industrielles (IIS) de l’université de Tokyo ;
- M. Yoshitaka SHINDO, parlementaire japonais membre du groupe de promotion de la stratégie des ressources minérales ;
- M. Chitose SONODA, directeur général du département des ventes de Santoku Co. Ltd ;
- Pr Yasushi WATANABE, université d’Akita, Department of Earth Resource Sciences, Faculty of International Resource Sciences.
— Lundi 22 février 2016, à chez Solvay, La Rochelle
- M. Nicolas BARTHEL, chef du laboratoire de R&I ;
- M. Alix DESCHAMPS, directeur de l’usine de La Rochelle, Special Chem ;
- M. Didier DOMINIQUE, responsable des fabrications ;
- M. Alain ROLLAT, chargé des relations extérieures.
— Lundi 29 février 2016, lors de la deuxième audition publique
- M. Guillaume ANFRAY, conseiller en stratégie de développement international, industries minières et chimiques, Business France ;
- M. Gilles BORDIER, directeur adjoint, CEA Marcoule : Le projet MSP-REFRAM ;
- M. Étienne BOUYER, chef de laboratoire, CEA Tech Grenoble, programme nouvelles technologies de l’énergie ;
- M. Michel CATHELINEAU, université de Lorraine, UMR géo-ressources, directeur de recherche CNRS, directeur scientifique du CREGU et Labex Ressources 21 ;
- M. Patrice CHRISTMANN, directeur adjoint, Direction de la stratégie/Direction scientifique et de la production, Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ;
- M. Laurent CORBIER, directeur des affaires publiques, Eramet ;
- M. Gwenolé COZIGOU, directeur à la direction générale de l’entreprise et de l’industrie, Commission européenne ;
- Mme Adeline DEFER, ministère des affaires étrangères et du développement international ;
- M. Olivier DUFOUR, directeur des relations institutionnelles, Rio Tinto Alcan ;
- M. Rémi GALIN, chef du bureau de la gestion et de la législation des ressources minérales, ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (MEDDE) ;
- M. Aurélien GAY, Direction générale de la prévention des risques (DGPR) ;
- M. Alain GELDRON, expert national Matières premières, ADEME, direction Consommation durable et déchets (DCDD) ;
- M. Mehdi GHOREYCHI, directeur des risques du sol et du sous-sol, INERIS ;
- M. Benoit de GUILLEBON, directeur, APESA ;
- M. Yann GUNZBURGER, maître de conférence, université de Lorraine, chaire Mines et Sociétés ;
- M. Michel JEBRAK, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère, université du Québec à Montréal (UQAM) ;
- M. Didier JULIENNE, stratège industriel et éditorialiste en ressources naturelles, président de Néométal ;
- M. Jean-François LABBÉ, direction des géo-ressources, BRGM ;
- Mme Claire de LANGERON, déléguée générale, A3M ;
- M. Maurice LEROY, président de la Fédération française pour les sciences de la chimie (FFC) ;
- M. Alain LIGER, ingénieur général des mines, ancien secrétaire général du Comité pour les métaux stratégiques (COMES) ;
- M. Claude MARCHAND, chef du bureau des matériaux, Direction générale des entreprises, ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique ;
- M. Eric MARCOUX, professeur, université d’Orléans ;
- M. Roland MASSE, toxicologue, membre de l’Académie des technologies et de l’Académie de médecine ;
- M. Thierry MEILLAND-REY, directeur carrières cimentières, Vicat-DGD Satma ;
- M. Gilles RECOCHE, directeur RSE, sécurité et intégration dans les territoires, Areva Mines ;
- M. Alain ROLLAT, Rare Earth upstream projects Manager, Solvay ;
- M. Alexis SAHAGUIAN, direction générale du Trésor ;
- M. Basile SEGALEN, ancien responsable du pôle média sociaux, groupe BNP Paribas ;
- M. Jack TESTARD, président, Variscan Mines ;
- M. Olivier VIDAL, directeur de recherche au CNRS, coordinateur du projet d’ERA-MIN : Le rapport « Ressources minérales et Énergie » de l’ANCRE.
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