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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 juin 2013.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,
SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 849), ADOPTÉE PAR LE SÉNAT,
relative à l’instauration du 27 mai
comme journée nationale de la Résistance,
PAR MME Émilienne Poumirol,
Députée
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Voir les numéros :
Sénat : 1ère lecture : 350, 433, 434 et T.A. 123 (2012-2013).
Assemblée nationale : 1ère lecture : 849.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LA PLACE DU CONSEIL NATIONAL DE LA RÉSISTANCE DANS NOTRE MÉMOIRE COLLECTIVE 7
A. UN SYMBOLE DE L’UNIFICATION POLITIQUE DE LA RÉSISTANCE 7
B. UN PROGRAMME FONDATEUR POUR LA FRANCE 10
II. UNE PROPOSITION DE LOI POUR PERPÉTUER LA MÉMOIRE DE LA RÉSISTANCE 13
A. REDONNER UN SENS A LA MÉMOIRE DE LA RÉSISTANCE 13
B. ASSURER SA TRANSMISSION 16
Article 1er: Institution d’une journée nationale de la Résistance 21
Article 2 : Date et modalités de mise en œuvre de la journée nationale de la Résistance 21
Article 3 : Participation de l’Éducation nationale à la journée nationale de la Résistance 22
TABLEAU COMPARATIF 25
ANNEXES 27
ANNEXE N° 1 : Liste des personnes auditionnées par la rapporteure 27
ANNEXE N° 2 : Motion du conseil national de la résistance 29
ANNEXE N° 3 : Programme du conseil national de la résistance 31
Le 28 mars dernier, le Sénat a adopté, par 346 voix contre 2, la proposition de loi de M. Jean-Jacques Mirassou instituant le 27 mai comme journée nationale de la Résistance.
Cette quasi-unanimité de la haute assemblée est un bel hommage rendu aux hommes du Conseil national de la Résistance (CNR) qui se sont réunis le 27 mai 1943 pour signifier leur unité dans la lutte contre l’occupant nazi, sous l’autorité du général de Gaulle.
Comme l’a rappelé le Président de la République, François Hollande, à l’occasion du 70e anniversaire de la création du CNR, le 27 mai dernier : « Il est des moments, dans notre Histoire, où nous devons nous rassembler sur ce qui est l’essentiel, sur ce qui fait que nous sommes une Nation, que nous avons des valeurs – c’est ce qu’a fait le CNR. C’est parce qu’il y a eu unité de la Résistance, autour de la haute figure du général de Gaulle, qu’il y a eu aussi la victoire. »
C’est bien ce message d’unité dans la lutte contre l’occupant, cette « convergence de volontés et de courage » au-delà des disparités idéologiques et politiques, pour reprendre les mots de l’auteur de la proposition de loi, que ce texte entend aujourd’hui célébrer.
Il ne s’agit pas tant d’ajouter une nouvelle cérémonie commémorative à un calendrier mémoriel qui n’en compte pas moins de treize, que de perpétuer le souvenir de ce moment d’unité nationale au moment où des grands témoins de la Résistance, comme Stéphane Hessel, François Jacob, Lise London ou Raymond Aubrac viennent de disparaître.
C’est pour cela que cette proposition de loi est avant tout à visée pédagogique, en invitant les enseignants du second degré à mettre en place des actions éducatives pour transmettre les valeurs de la Résistance.
S’il n’appartient naturellement pas au législateur de réécrire l’histoire, il est néanmoins du devoir des élus de la République de « faire vivre l’héritage de la Résistance et son idéal de démocratie économique, sociale et culturelle » selon la déclaration du Président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, en séance publique le 28 mai dernier.
Telle est précisément l’objet de cette proposition de loi.
L’histoire de la Résistance ne se prête pas à la simplification. Les formes d’engagement et les actions menées furent tellement diverses que désormais les historiens préfèrent souvent parler « des résistances » plutôt que de « la » Résistance.
Dans la mémoire collective, son statut a aussi évolué au fil des décennies, au point que l’historien Olivier Wieviorka n’hésite pas à parler d’une « mémoire divisée » à son propos (1). À la conception gaullienne d’une Résistance unie, bénéficiant d’un large soutien populaire, a succédé, à l’orée des années 1970, une vision plus complexe de cette période, où tensions internes, luttes politiques et choix de circonstances ne sont plus tus.
Au sein de cette histoire complexe, l’œuvre du Conseil national de la Résistance demeure néanmoins un moment fort, symbole de l’unité nationale et porteuse de valeurs qui irriguent encore notre vie politique.
Le 27 mai 1943 s’est tenue, dans un appartement de la rue du Four, à Paris, la première réunion du Conseil de la Résistance – qui prit plus tard la dénomination de Conseil national de la Résistance (CNR).
Pour la première fois, sont réunis, sous la présidence de Jean Moulin, des représentants des huit plus importants mouvements de la résistance intérieure, des six grandes tendances politiques non collaborationnistes et de deux syndicats ouvriers.
Affirmant représenter « l’opinion du peuple », ces représentants vont adopter à l’unanimité une motion qui réclame que le gouvernement provisoire à venir répudie « la dictature de Vichy, ses hommes, ses symboles, ses prolongements » et « soit confié au général de Gaulle qui fût l’âme de la Résistance aux jours les plus sombres et qui n’a cessé depuis le 18 juin 1940 de préparer en pleine lucidité et en pleine indépendance la renaissance de la patrie détruite, comme des libertés républicaines déchirées » (cf. texte de la motion en annexe).
Cette réunion est l’aboutissement du long travail entrepris depuis des mois par Jean Moulin pour fédérer les différentes composantes de la résistance intérieure, dont on connaît les nombreux antagonismes, et les placer sous l’autorité du chef de la France libre. Le CNR assure ainsi la jonction entre Londres et ceux qui agissent en France occupée.
la composition du conseil de la résistance lors de sa réunion fondatrice
Le Conseil de la Résistance comptait, outre Jean Moulin qui en assurait la présidence, 16 membres qui représentaient :
8 mouvements de résistance :
° 5 créés en zone occupée :
– Ceux de la Libération (Roger Coquoin) ;
– Ceux de la Résistance (Jacques Lecompte-Boinet) ;
– Organisation civile et militaire (Jacques-Henri Simon) ;
– le Front national (Pierre Villon) ;
– Libération-nord (Charles Laurent) ;
° et 3 originaires de la zone sud :
– Combat (Claude Bourdet) ;
– Franc-Tireur (Eugène Petit) ;
– Libération-sud (Pascal Copeau).
6 tendances politiques :
– la SFIO (André Le Troquer) ;
– le Parti communiste (André Mercier) ;
– les radicaux-socialistes (Marc Rucart) ;
– les démocrates populaires (Georges Bidault) ;
– l’Alliance démocratique (Joseph Laniel) ;
– la Fédération républicaine (Jacques Debû-Bridel).
2 organisations syndicales :
– la CGT (Louis Saillant) ;
– la CFTC (Gaston Tessier).
Mais le Conseil dépasse le simple cadre des mouvements de résistance. Comme l’a écrit Jean Moulin lui-même, cité par Daniel Cordier, « Les mouvements de la résistance, aussi forts soient-ils, ne sont pas toute la Résistance. Il y a des forces morales, des forces syndicales, des forces politiques qui se sont maintenues en dehors de ces mouvements mais qui doivent jouer et joueront un rôle dans la mise en place des nouvelles institutions » (2).
« Les nouvelles instructions » adressées à Jean Moulin le 21 février 1943 avaient tracé les contours de ce que serait le CNR : « l’embryon d’une représentation nationale réduite, conseil politique du général de Gaulle à son arrivée en France » (3). Dans un message qu’il avait envoyé à Jean Moulin peu avant la réunion du CNR, le général de Gaulle en avait précisé la finalité : apparaître comme « une sorte de première représentation des désirs et des sentiments de tous ceux qui, à l’intérieur, auront participé à la lutte » (4).
L’acceptation des partis politiques et des syndicats par les mouvements de la résistance intérieure ne fut pas aisée mais elle était indispensable pour former un front uni face à l’occupant et esquisser ce que serait la France d’après-guerre. Pour surmonter les réticences des mouvements, Jean Moulin avait notamment rappelé qu’il s’agirait là de « la première réunion d’une assemblée représentative de la France résistante, la première également depuis la trahison de l’Assemblée nationale, le 10 juillet 1940. C’est une date fondatrice pour la IVe République. Tous les représentants des anciens partis doivent être physiquement présents, comme le seront ceux des mouvements et des syndicats » (5).
« Pendant cette nuit de l’occupation, cette nuit de combats, il y avait des hommes qui réfléchissaient à ce qu’allait être le jour d’après la Libération » a résumé le Président Hollande lors de son allocution le 27 mai dernier.
La réunion du 27 mai fut bien un événement en tant que tel et si l’arrestation de Jean Moulin, le 21 juin suivant à Caluire, lui porta un coup d’arrêt certain, le processus d’unification de la résistance intérieure et de la France combattante était enclenché.
L’unification de la Résistance devait permettre d’intégrer l’ensemble des mouvements dans une stratégie militaire globale et mettre fin au développement anarchique de certaines initiatives. Comme le souligne l’historien Olivier Wieviorka, « la perspective d’un débarquement incitait [la France combattante] à placer ses troupes en ordre de bataille afin de l’insérer dans le dispositif stratégique allié et d’obtenir les armes nécessaires à l’accomplissement des missions qui leur seraient confiées. » (6)
La création du CNR permit au général de Gaulle d’affirmer sa légitimité à incarner l’ensemble des forces vives du pays aux yeux des alliés. Depuis le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, en novembre 1942, les Américains avaient en effet marqué leur nette préférence pour l’amiral Darlan puis, après son assassinat, pour le général Giraud. Le CNR, parce qu’il rassemblait l’ensemble des partis politiques français, offrit la caution démocratique qui manquait au général de Gaulle pour l’imposer définitivement comme seul représentant de la France combattante, ce qui fut fait en novembre 1943, à la démission du général Giraud du Comité français de libération nationale (CFLN).
Cette unification de la Résistance évita enfin certainement à la France les déchirements du lendemain de la guerre, ce qui constitue un cas exceptionnel en Europe. En Grèce, une violente guerre civile entre communistes et nationalistes éclata ainsi dès 1946, tandis que la situation en Yougoslavie ne fut résolue que par la victoire des communistes de Tito et que le roi d’Italie, Victor-Emmanuel III, fut incapable de réaliser l’unité nationale.
En résumé, comme l’a rappelé à la Rapporteure le président de la Fondation de la Résistance, Jacques Vistel, la réunion du 27 mai portait en elle les germes de la victoire. Elle permit d’offrir à la France un gouvernement provisoire légitime qui lui évita une administration alliée et lui donna la possibilité de s’asseoir à la table des vainqueurs.
L’œuvre du Conseil national de la Résistance ne s’arrête pas au processus d’unification politique de la Résistance, pour décisif qu’il fut.
Sa postérité tient très largement au programme d’action de la Résistance qu’il adopte à l’unanimité le 15 mars 1944, sous la présidence de Georges Bidault, qui a succédé à Jean Moulin (cf. texte en annexe). Au-delà du plan d’action immédiate visant à assurer la défaite de l’occupant et la coordination de toutes les forces résistantes, il établit les principes auxquels le prochain gouvernement démocratique de la France devra se soumettre.
Ces principes inspirèrent fortement l’action du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) à partir de l’automne 1945 et constituèrent une référence constante dans les grandes réformes de l’après-guerre et les travaux d’élaboration de la Constitution de la IVe République.
C’est essentiellement dans les domaines économiques et sociaux qu’il constitue une véritable rupture avec l’avant-guerre. Il n’est pas question, comme en 1918, de « retour à la normale » mais bien d’instaurer un « ordre social plus juste ».
Le programme appelle à l’institution d’un véritable droit au travail, accompagné d’un droit au repos, à la reconstitution d’un syndicalisme indépendant et influent dans l’organisation de la vie économique et sociale, à l’instauration d’un régime de sécurité sociale assurant à tous des moyens d’existence ainsi que d’un système de retraite pour les vieux travailleurs. Il appelle également à la consécration d’une société reposant sur le mérite et d’un accès égal de chacun à l’éducation et à la culture, afin que « les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer ».
La plupart de ces principes ont été repris dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : droit à l’emploi (alinéa 5), liberté syndicale (alinéa 6), principes généraux de la sécurité sociale et de la solidarité nationale (alinéas 10, 11 et 12), gratuité de l’enseignement et égalité d’accès à la culture (alinéa 13). Ils sont donc toujours d’actualité puisqu’ils font partie du « bloc de constitutionnalité » défini par le Conseil constitutionnel et ont une valeur supérieure à celle de la loi.
Ces principes constituent aujourd’hui une référence partagée par l’essentiel des forces politiques et font partie intégrante de notre tradition républicaine, tant ils sont nécessaires à notre vie commune.
Si les commémorations et cérémonies structurent notre mémoire collective autour de valeurs partagées et contribuent au sentiment d’appartenance commun, le rapport de la Commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques, présidée par André Kaspi, regrettait une certaine tendance à l’« inflation commémorative » liée à l’émergence d’un « clientélisme » ou d’un « communautarisme » mémoriel (7).
Telle n’est pas l’objet de la présente proposition de loi. Alors que la mémoire de la Résistance est divisée et que « l’atomisation associative empêche l’émergence d’un discours et de pratiques commémoratives communs qui avaient au contraire modelé le souvenir de la Grande Guerre » (8), elle entend redonner un sens à la mémoire de la Résistance en créant une journée nationale en son hommage.
Plusieurs rendez-vous du calendrier commémoratif sont aujourd’hui liés au souvenir de la Seconde Guerre mondiale ou de la Résistance sans qu’aucun ne permette d’en restituer tout le sens.
Le dernier dimanche d’avril a par exemple lieu la journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation. Si de nombreux résistants furent effectivement déportés – 88 000 selon les chiffres cités par Olivier Wieviorka dans son ouvrage, cette journée ne prétend pas rendre hommage à la Résistance dans sa totalité.
De même, la journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France qui se tient le dimanche le plus proche du 16 juillet et le 8 mai, commémoration de la victoire de 1945, ne concernent la Résistance que de façon incidente.
Deux dates sont en revanche directement liées à son souvenir.
Le 18 juin, naturellement, journée nationale commémorative de l’appel du général de Gaulle le 18 juin 1940 à refuser la défaite et à poursuivre le combat contre l’ennemi. S’il constitue incontestablement l’acte fondateur de la Résistance, l’appel du 18 juin est avant tout la naissance de la France libre, c’est-à-dire de la résistance extérieure. Dans son appel, le général de Gaulle invite « les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique […] les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique » à se mettre en rapport avec lui. Il n’est donc nullement question d’actions de résistance sur le territoire métropolitain.
Chaque 17 juin se tient également au Panthéon une cérémonie d’hommage à Jean Moulin. Même si elle ne figure pas au calendrier commémoratif officiel, la présence des hautes autorités de l’État lui donne un caractère national. Pour symbolique qu’elle soit, cette cérémonie ne rencontre cependant qu’un écho limité auprès du grand public.
À côté de ces commémorations nationales, un certain nombre d’initiatives ont été prises pour rendre hommage au Conseil national de la Résistance. Depuis 2005, la Fondation de la Résistance participe ainsi chaque 27 mai au ravivage de la flamme du soldat inconnu, à l’Arc de Triomphe, et dépose une gerbe au pied du monument à Jean Moulin, au jardin des Champs Élysées.
Le 70e anniversaire de la création du CNR a été l’occasion cette année de lui rendre un hommage par les plus hautes autorités de l’État. À Paris, le Président de la République s’est rendu au lycée Buffon, accompagné de Daniel Cordier et d’autres témoins, pour y prononcer un discours et échanger avec les lycéens sur les valeurs portées par le CNR et leur actualité. Auparavant, ces lycéens avaient assisté à la projection du film Alias Caracalla, réalisé à l’occasion de cet anniversaire et diffusé le week-end précédent sur France 3.
Le ministre de la Défense et le ministre délégué aux Anciens combattants ont présidé dans le même temps d’autres manifestations, dont un dépôt de gerbe devant le 48, rue du Four. Ces cérémonies ont été relayées dans toute la France où de nombreuses manifestations ont été organisées dans des villes liées à la mémoire de Jean Moulin.
Il est désormais temps d’inscrire cette date du 27 mai dans notre calendrier commémoratif pour perpétuer la mémoire de la Résistance.
Comme en témoigne le vote quasi unanime du Sénat, la date du 27 mai ne soulève plus aujourd’hui d’opposition au sein de la représentation nationale. Si longtemps, les héritiers du général de Gaulle voyaient chez les partisans du 27 mai une volonté de minorer la portée de l’appel du 18 juin, cela ne semble plus être le cas. Le message d’unité porté par le Conseil national de la Résistance et les valeurs qu’il a transmis sont salués par l’essentiel de l’échiquier politique.
C’est d’ailleurs un gaulliste, Philippe Séguin, qui le premier avait déposé une proposition de loi en ce sens, le 29 octobre 1979. Alors que le Président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, avait décidé de ne plus commémorer l’anniversaire du 8 mai 1945, cette proposition visait à organiser une « journée nationale d’évocation de la Résistance et de la France libre » afin de « rappeler à la jeunesse la signification des combats menés pour la libération de la patrie ».
Jusqu’à l’adoption de celle du sénateur Jean-Jacques Mirassou, de nombreuses autres propositions de lois avaient été déposées, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat :
– Assemblée nationale, proposition de loi n° 2055 de M. Rémy Audeché tendant à instituer une journée nationale de la Résistance, déposée le 16 mai 1995 ;
– Assemblée nationale, proposition de loi n° 175 de M. René Dutin tendant à instituer une journée nationale de la Résistance, déposée le 23 juillet 1997 ;
– Sénat, proposition de loi n° 137 de M. Louis Minetti tendant à instituer une journée nationale de la Résistance, déposée le 1er décembre 1997 ;
– Sénat, proposition de loi n° 200 de M. Édouard Le Jeune tendant à instituer une journée nationale de la résistance, déposée le 24 décembre 1997 ;
– Sénat, proposition de loi n° 122 de M. André Vallet tendant à instituer une journée célébrant la date de la première réunion du CNR, déposée le 14 décembre 2006 ;
– Sénat, proposition de loi n° 45 de M. Guy Fischer tendant à instituer le 27 mai une journée nationale de la Résistance, déposée le 23 octobre 2007 ;
– Sénat, proposition de loi n° 75 de Mme Gisèle Printz tendant à instituer le 27 mai une journée nationale de la Résistance, déposée le 8 novembre 2007 ;
– Assemblée nationale, proposition de loi n° 1869 de M. Maxime Gremetz tendant à la création d’une journée nationale de la Résistance, déposée le 22 juillet 2009 ;
– Assemblée nationale, proposition n° 272 de M. Jean-Jacques Candelier tendant à la création d’une journée nationale de la Résistance, déposée le 10 octobre 2012.
Par ailleurs, pas moins de 41 questions écrites avaient été posées, par des députés de tous les groupes, au cours de la 13e législature et déjà six depuis le début de la 14e.
Si l’année 2013 a été l’occasion de célébrer avec éclat l’anniversaire du Conseil national de la Résistance, des célébrations de cette ampleur n’ont pas été organisées à l’occasion des 50e ou 60e anniversaires à l’inverse de ceux du 8 mai ou du débarquement en Normandie. Seul le Président de la République, François Mitterrand, avait prononcé un discours le 15 mars 1994 sur l’importance historique et l’actualité du programme du CNR.
Afin que l’hommage rendu à la Résistance ne soit pas seulement soumis aux aléas des dates anniversaires ou des circonstances politiques, il importe donc de l’inscrire dans la loi.
La présente proposition de loi ne prétend pas graver dans le marbre la nature de cet hommage. Elle laisse au contraire une grande liberté dans l’organisation de cette journée.
On peut penser qu’elle ne prendra pas la forme d’une nouvelle cérémonie militaire avec un dépôt de gerbe aux pieds de l’Arc de Triomphe, à l’image des cérémonies du 11 novembre ou du 14 juillet.
Il appartiendra au Gouvernement de définir chaque année la façon dont il conçoit cette journée. Les lieux de mémoire ne manquent pas, qu’il s’agisse du mémorial national du Mont Valérien, du mémorial Jean Moulin à Caluire, du mémorial de la prison de Montluc à Lyon ou des différents musées de la Résistance.
Alors que beaucoup regrettent une certaine désaffection du public pour les commémorations, le choix original du Président Hollande d’échanger cette année avec des lycéens est un bon exemple de ce qui pourrait être fait à l’avenir.
Plus que l’organisation d’une cérémonie nationale, cette proposition de loi vise à associer les établissements scolaires au souvenir de la Résistance.
La Résistance est évoquée à trois reprises dans les programmes scolaires : en Troisième, en Première et en Terminale. Il ne s’agit donc pas d’ajouter un nouveau chapitre à ces programmes mais d’inviter les enseignants de ces classes à se servir de cette journée pour évoquer avec leurs élèves la Résistance et ses valeurs.
Le succès rencontré par le concours national de la résistance et de la déportation ne se dément pas, décennie après décennie. Il tient en grande partie à la participation d’anciens résistants et déportés, qui viennent témoigner dans les classes et participent aux jurys.
Le succès du concours national de la résistance et de la déportation
Le concours national de la résistance et de la déportation (CNRD) a été créé en 1962, sous l’impulsion d’associations d’anciens résistants et déportés, à destination des élèves de Troisième, Première et Terminale. Ce concours, qui comprend à la fois du travail individuel en temps limité et du travail collectif, écrit ou audiovisuel, compte près de 40 000 participants chaque année.
Il est organisé par l’Éducation nationale, la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la Défense (DMPA), l’Office national des anciens combattants (ONAC), et les associations et fondations de mémoire telles que la Fondation de la résistance et la Fondation pour la mémoire de la déportation.
Les épreuves du CNRD sont examinées par des jurys départementaux, puis par un jury national qui détermine un palmarès. Les prix sont ensuite remis lors d’une cérémonie nationale, par le ministre de l’Éducation nationale et le ministre chargé des Anciens combattants.
Son succès tient notamment au fait que les anciens résistants et déportés s’impliquent dans sa réalisation ; ils se déplacent dans les classes pour témoigner, ils soutiennent les fondations organisatrices, et ils participent aux jurys. De ce fait, les élèves travaillent souvent sur un projet local, avec des intervenants et des visites de sites, ce qui anime considérablement le déroulement de ce concours.
S’il n’apparaît pas possible de faire coïncider la cérémonie de remise des prix, qui a lieu à l’automne, avec la future journée nationale de la Résistance, on peut penser que la date du 27 mai deviendra rapidement un temps fort de ce concours.
À l’heure où les grands témoins de cette période se font de plus en plus rares, il est important de conserver, dans les établissements scolaires, une initiative forte consacrée à la Résistance. Comme l’ont fait observer à la Rapporteure certains de ses interlocuteurs, il n’existe en effet pas de relais social de cette mémoire, dans le sens où il n’existe pas de « communauté » résistante.
Seule la création d’une journée nationale est donc à même de perpétuer cette mémoire. Cela sera aux enseignants de choisir les initiatives qu’ils jugent les plus adaptées à cette transmission. On peut imaginer qu’ils organisent des visites de lieux de mémoire ou de musées, qu’ils montent une pièce de théâtre, projettent un film ou encore publient un journal.
Quel que soit le vecteur choisi, la communauté éducative bénéficiera naturellement du soutien de la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la Défense, qui apporte documentation et supports pédagogiques de grande qualité. Les associations et fondations existantes se saisiront également de cette journée pour apporter leur aide aux enseignants.
La commission de la défense nationale et des forces armées examine, sur le rapport de Mme Émilienne Poumirol, la proposition de loi de loi, adoptée par le Sénat, relative à l'instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance (n° 849), au cours de sa réunion du mardi 25 juin 2013.
Un débat suit l’exposé de la Rapporteure.
M. Daniel Boisserie. Voilà une très bonne initiative alors que très peu de scolaires assistent aux commémorations, et pratiquement aucun collégien et lycéen. Ne pourrait-on pas prévoir une disposition pour que les établissements scolaires soient tenus de faire assister au moins une classe à ces moments de mémoire ?
Mme la rapporteure. Au cours des auditions que j’ai menées, j’ai beaucoup insisté sur l’aspect pédagogique de cette loi, essentiel en l’absence d’une communauté résistante porteuse du souvenir.
La rédaction initiale de la proposition de loi était plus prescriptive à l’égard des enseignants que le texte finalement adopté par le Sénat. Compte tenu de l’expérience mitigée de la lecture aux écoliers de la lettre de Guy Môquet, l’esprit du texte est de laisser aux enseignants l’initiative des formes que ce travail mémoriel pourrait prendre. Puisqu’il n’y aura pas forcément, de la part du Gouvernement, ni cérémonie officielle ni commémoration, ni dépôt de gerbe sous l’Arc de Triomphe, on ne demandera pas aux adolescents de se rendre devant un monument aux morts. En revanche, pour qu’ils puissent vraiment s’impliquer, cette journée du 27 mai devra être consacrée en partie au souvenir de la Résistance, sous quelque forme que ce soit. Un film, un journal, une pièce de théâtre sont des moyens beaucoup plus actifs et dynamiques et permettraient une réelle appropriation par les enfants.
M. Damien Meslot. Je suis favorable à cette proposition de loi puisque les derniers survivants de cette période disparaissent peu à peu : ceux qui l’ont vécue ne pouvant plus la raconter, il ne nous reste plus que l’Histoire.
Compte tenu du nombre de commémorations déjà très important, comment inscrire cette date sans en faire une journée de plus et en lui donnant toute sa signification ? Face à la désaffection grandissante du public pour les commémorations, pourquoi ne pas recourir à des techniques modernes, tels qu’internet ou le cinéma ? Celles auxquelles fait appel l’Historial Charles de Gaulle à l’Hôtel national des Invalides ont permis de restaurer son attractivité. C’est également le cas d’autres lieux.
Je trouve positif d’expliquer ce qu’était le Conseil national de la Résistance, de rappeler comment, dans la France occupée, des gens de toute confession et de toute origine se sont retrouvés pour permettre à notre pays de siéger à la table des vainqueurs et de ne pas se retrouver sous administration américaine.
Cette loi, il faudra la faire vivre. À chacun – Gouvernement, inspecteurs d’académie, professeurs, élus locaux – de participer et de mettre le plus possible en valeur le Conseil national de la Résistance et ses idéaux.
La Commission passe à l’examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er
Institution d’une journée nationale de la Résistance
Cet article institue une journée nationale de la Résistance. Alors que nous sommes entrés, depuis 2009, dans le cycle commémoratif du 70e anniversaire de la Seconde Guerre mondiale, il complète le calendrier mémoriel par une journée d’hommage à la Résistance.
Si ce calendrier comprend déjà un certain nombre de dates qui ont trait à ce conflit et au souvenir de la Résistance, aucune d’entre elles ne comprend d’hommage solennel à la Résistance et aux valeurs qui ont sous-tendu son action.
La journée nationale commémorative de l’Appel du 18 juin, instituée par le décret du 10 mars 2006, ne comprend ainsi pas de référence explicite à la Résistance puisqu’elle fait référence au « refus de la défaite » et à la poursuite « du combat contre l’ennemi ». Si l’appel du général de Gaulle est incontestablement l’acte de naissance de la Résistance, il ne peut en résumer toute la complexité, notamment parce qu’il n’y est pas question de la résistance intérieure.
Par ailleurs, la cérémonie d’hommage à Jean Moulin qui se déroule chaque 17 juin au Panthéon, n’a pas le caractère d’une journée nationale et n’est inscrite dans aucun texte. En outre, elle rencontre un écho assez faible auprès du grand public.
Des initiatives sont prises, au gré des dates anniversaires ou d’épisodes locaux, par les autorités publiques et différentes associations et fondations pour célébrer la mémoire de la Résistance. Cet article solennise cet hommage en créant une journée nationale.
La commission adopte l’article premier sans modification.
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Article 2
Date et modalités de mise en œuvre de la journée nationale de la Résistance
Cet article fixe au 27 mai la journée nationale de la Résistance. Le 27 mai correspond à la date anniversaire du 27 mai 1943, jour où s’est réuni pour la première fois le CNR.
Cette réunion, présidée par Jean Moulin a permis aux huit principaux mouvements de résistance, aux six tendances politiques non collaborationnistes et à deux syndicats ouvriers de signifier leur rejet du régime de Vichy et leur volonté de combattre sous l’autorité du seul général de Gaulle. Il s’agit incontestablement d’une date clé dans l’histoire de la Résistance et d’un moment fort d’unité nationale.
Le CNR adopta ensuite, le 15 mars 1944, un programme politique visant à mettre en place un « ordre social plus juste » dont les valeurs ont irrigué les grandes réformes économiques, sociales et culturelles de l’après-guerre et qui constitue encore aujourd’hui le socle de notre contrat républicain.
C’est à ces deux messages de la Résistance, l’union dans l’adversité et l’affirmation des valeurs de justice et de liberté, que cet article veut rendre hommage, au travers d’une date qui fait l’objet d’un large consensus.
L’article précise que la journée ne sera ni fériée, ni chômée, comme cela est de coutume pour la plupart des commémorations nationales, à l’exception naturellement des 11 novembre, 8 mai et 14 juillet.
Il ne précise en revanche pas la forme que devra prendre cette journée, laissant ainsi au Gouvernement le soin d’en définir les modalités. Il n’est pas envisagé d’organiser à cette occasion une cérémonie militaire mais plutôt de mettre en place des initiatives nouvelles et variées, à l’image des échanges que le Président Hollande a eus avec des lycéens le 27 mai dernier, à Paris.
La commission adopte l’article 2 sans modification.
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Article 3
Participation de l’Éducation nationale à la journée nationale de la Résistance
L’objet principal de la proposition de loi est à visée pédagogique. Cet article invite donc les établissements scolaires du second degré à organiser des actions autour des valeurs de la Résistance et de l’action du Conseil national de la Résistance.
La Résistance est abordée par les programmes scolaires en classes de Troisième, Première et Terminale. Il ne s’agit donc pas de compléter les programmes sur ce point mais plutôt de favoriser des activités pédagogiques à l’occasion de cette journée.
La rédaction adoptée par le Sénat est moins prescriptive que celle de la proposition de loi initiale puisqu’à une forme d’injonction a succédé une invitation des enseignants à évoquer ce sujet.
On peut imaginer que ces initiatives prennent les formes les plus diverses comme la visite d’un musée ou d’un lieu de mémoire, la projection d’un film, la lecture de poèmes ou encore la création d’une pièce de théâtre.
Au moment où les grands témoins de cette période se font de plus en plus rares et où aucune « communauté » résistance ne peut prendre le relais de sa mémoire, cet article vise donc à permettre la mise en place de temps forts autour de la Résistance et de ses valeurs.
La commission adopte l’article 3 sans modification.
Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.
En conséquence, la Commission de la défense nationale et des forces armées demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
Texte de la proposition de loi ___ |
Texte adopté par le Sénat ___ |
Texte adopté par la Commission ___ |
Proposition de loi relative à l’instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance |
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Article 1er La République française institue une journée nationale de la Résistance. |
Article 1er (Sans modification) |
Article 1er (Sans modification) |
Article 2 Cette journée, ni fériée, ni chômée, est fixée au 27 mai, jour anniversaire de la création du Conseil national de la Résistance. |
Article 2 (Sans modification) |
Article 2 (Sans modification) |
Article 3 Dans tous les établissements d’enseignement, les enseignants consacrent une partie de cette journée anniversaire aux thèmes de la Résistance et de la Déportation. |
Article 3 Dans le cadre de cette journée anniversaire, les établissements d’enseignement du second degré sont invités à organiser des actions éducatives visant à assurer la transmission des valeurs de la Résistance et de celles portées par le programme du Conseil national de la Résistance. |
Article 3 (Sans modification) |
ANNEXE N° 1 :
Liste des personnes auditionnées par la rapporteure
Ø M. Eric Lucas, directeur de la mémoire du patrimoine et des archives du ministère de la Défense ;
Ø M. Olivier Wievorka, historien, membre de l’Institut universitaire de France et professeur des universités à l’École normale supérieure de Cachan ;
Ø M. Jacques Vistel, président de la Fondation de la Résistance, accompagné de M. le préfet Victor Convert, directeur général ;
Ø M. Tristan Lecoq, inspecteur général de l’Éducation nationale, professeur des Universités à Paris IV Sorbonne ;
Ø M. Serge Barcellini, directeur du cabinet du ministre délégué aux Anciens combattants, accompagné de MM. Carlos Ferrari Lopez et Guillaume Mascarin, conseillers.
ANNEXE N° 2 :
Motion du conseil national de la résistance
ANNEXE N° 3 :
Programme du conseil national de la résistance
Conseil National de la Résistance – 15 mars 1944
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