______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 septembre 2013
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE LOI, après engagement de la procédure accélérée, d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures
de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises (n° 1341)
PAR M. Frédéric ROIG
Député
——
Voir les numéros : 1341 et 1379.
SOMMAIRE
___
Pages
Article 1er : Mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises 23
Article 2 : Entreprises en difficulté 29
Article 3 : Mesures de simplification de la vie juridique des entreprises 31
Article 6 : Accès au capital des sociétés d’expertise comptable 33
Article 10 : Gestion des participations de l’État 35
Article 13 : Expérimentation d’un certificat de projet 36
Article 14 : Expérimentation d’un permis environnemental unique pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) 38
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 41
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES 41
SYNTHÈSE DES CONSULTATIONS RÉALISÉES 43
Les amendements déposés en Commission des affaires économiques sont consultables sur cette page du site internet de l’Assemblée nationale : http://recherche2.assemblee-nationale.fr/amendements/resultats.jsp?NUM_INIT=1341&LEGISLATURE=14&ORGANE=Affaires%20%E9conomiques
Le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises s’inscrit dans le « choc de simplification » voulu par le Président de la République et mis en œuvre par le Gouvernement dans le cadre du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Il constitue le volet législatif (1) du programme 2013-2015 de simplification en faveur des entreprises défini par le comité interministériel de modernisation de l’action publique (CIMAP) lors de sa réunion du 17 juillet dernier.
Si le Gouvernement a fait le choix, pour des raisons d’urgence, de recourir aux ordonnances de l’article 38 de la Constitution, les mesures envisagées ont cependant fait l’objet d’un vaste travail de concertation en amont. Elles s’appuient en particulier sur le rapport de notre collègue Thierry Mandon intitulé « Mieux simplifier – la simplification collaborative », remis au Gouvernement au mois de juillet dernier. M. Thierry Mandon a auditionné plus de 200 chefs d’entreprise afin d’élaborer un programme global de simplification, structuré selon onze moments clés identifiés dans la vie des entreprises.
Votre rapporteur salue la démarche de concertation, indispensable en matière de simplification de la vie des entreprises, qui a précédé l’élaboration du projet de loi. Il espère que le Parlement sera associé, selon des modalités à définir, à l’élaboration des ordonnances puis au suivi des mesures d’ordre législatif.
Votre rapporteur souhaite également souligner l’enjeu de la méthode mise en œuvre au service de la simplification. Dans son rapport, M. Thierry Mandon a formulé des propositions propres à assurer une réelle efficacité des mesures prises, notamment grâce au pilotage, au suivi et à l’évaluation. Il convient que le présent projet de loi s’inscrive dans une démarche globale, définissant en particulier des modalités de mise en œuvre au plan local.
Lors de sa réunion du 18 septembre 2013, la Commission a examiné pour avis les articles 1er, 2, 3, 6, 10, 13 et 14 du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises (n° 1341), sur le rapport de M. Frédéric Roig.
M. le président François Brottes. Notre commission est saisie pour avis sur un texte qui est examiné au fond par la commission des lois. Le sujet n’est pas une découverte pour nous puisque Thierry Mandon était venu nous présenter les conclusions de son rapport sur la simplification collaborative. S’il ne s’agit que d’une loi d’habilitation portant des dispositions essentiellement administratives ne justifiant pas forcément de grands débats, elle concerne néanmoins la simplification de la vie quotidienne de nos entreprises. À cet égard, il me paraissait logique que nous la regardions de près.
M. Frédéric Roig, rapporteur pour avis. Notre commission a souhaité se saisir pour avis de plusieurs articles du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, déposé le 4 septembre dernier. Ce projet s’inscrit pleinement dans le choc de simplification voulu par le Président de la République et mis en œuvre par le Gouvernement dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Sept chantiers prioritaires de simplification ont d’ores et déjà été lancés, dont le projet « Dites-le nous une fois », visant à réduire la redondance des informations demandées par l’État aux entreprises. Le présent projet de loi comporte des habilitations pour l’ensemble des mesures législatives, à l’exception de mesures fiscales, qui seront intégrées au PLF 2014, du programme triennal 2013-2015 de simplification en faveur des entreprises défini par le comité interministériel de modernisation de l’action publique lors de sa réunion du 17 juillet dernier.
Ce projet de loi s’appuie sur une démarche de concertation très approfondie conduite pendant plusieurs mois. Ainsi, au terme d’un travail remarquable, notre collègue Thierry Mandon a remis, au mois de juillet dernier, au Gouvernement un rapport sur la simplification de l’environnement réglementaire et fiscal des entreprises, pour les besoins duquel il a auditionné plus de 200 chefs d’entreprise et une centaine de réseaux d’entreprises. L’élaboration du programme pluriannuel de simplification a également bénéficié des contributions des entreprises, des administrations centrales, des préfets et des services déconcentrés. Moi-même, dans le cadre de la préparation du présent rapport, j’ai consulté différents acteurs économiques dans ma circonscription – une quinzaine d’entreprises, la chambre de commerce et d’industrie et la chambre de métiers de l’Hérault. La concertation est, bien évidemment, une nécessité s’agissant du vaste chantier de la simplification de la vie des entreprises dans ses moments clés, qui doit répondre aux attentes des entreprises et ne pas leur être imposée par un processus administratif.
Notre commission est saisie pour avis sur les articles 1er, 2, 3, 6, 10, 13 et 14, car ils portent sur des sujets revêtant une réelle importance pour la vie des entreprises, tels la simplification de leurs obligations comptables et administratives, leur financement, leur traitement en cas de difficultés.
L’article 1er comprend différentes dispositions d’habilitation visant à la simplification. D’abord, au travers de mesures d’allégement des obligations comptables des très petites entreprises et des petites entreprises. Actuellement, l’ensemble des sociétés commerciales est soumis à une obligation d’établissement et de publication des comptes sous forme d’un dépôt au greffe du tribunal de commerce. Pour les TPE et PME, ces obligations comptables sont plus étendues que celles en vigueur dans d’autres États membres de l’Union européenne, ainsi que celles imposées par la nouvelle directive comptable. Il est donc envisagé, pour les entreprises de moins de dix salariés, de supprimer l’obligation d’établissement de l’annexe aux comptes annuels et d’offrir la possibilité sur option de ne plus publier ces comptes. Cette mesure concerne plus d’un million d’entreprises. Les entreprises de moins de cinquante salariés, quant à elles, pourront établir des états simplifiés pour le bilan et le compte de résultat. Actuellement, cette possibilité n’existe que pour les entreprises de moins de vingt salariés. Cette mesure concerne 1,3 million d’entreprises.
Ces mesures de simplification vont dans le bon sens. Les allégements sont susceptibles de permettre une amélioration du taux de dépôt des comptes par les entreprises, qui est actuellement de 67 % seulement. Par ailleurs, les services de l’État, les tribunaux de commerce et la Banque de France continueront à avoir accès aux documents déposés, même si la confidentialité a été demandée par l’entreprise. La question des seuils pour la définition des TPE et des PME méritera d’être précisée. J’aborderai plus en détail ce sujet dans un amendement que je présenterai à l’article 1er.
Ce même article 1er prévoit aussi une habilitation à prendre des mesures en faveur du développement de la facturation électronique entre l’État et les collectivités territoriales et leurs fournisseurs. Une telle évolution représenterait une réelle avancée, car elle permettrait de réduire les coûts pour les entreprises, mais aussi de raccourcir les délais de paiement de l’État, que le Gouvernement souhaite abaisser à vingt jours d’ici à 2017. Elle s’accompagnerait aussi d’une réduction du nombre de pièces justificatives demandées aux entreprises.
Toujours à l’article 1er, une troisième mesure d’habilitation porte sur le développement du financement participatif, qui consiste à financer des projets innovants ou des créations d’entreprises par la collecte d’apports financiers d’un grand nombre de personnes via des plates-formes sur internet. Il peut prendre la forme de prêts, de dons sans contrepartie, d’achat par anticipation ou d’investissement au capital dans l’entreprise. La réglementation bancaire et fiscale est source de contraintes importantes pour les structures proposant des plates-formes de financement, qui sont notamment soumises aux règles prudentielles et à celles relatives aux services d’investissement. Afin de faciliter ce mode de financement, le Gouvernement souhaite créer un nouveau statut de conseiller en investissement en financement participatif, qui permettrait aux acteurs concernés de ne pas être soumis à la réglementation de prestataire de services d’investissement, et étendre les exceptions à l’agrément des établissements de crédit pour autoriser les prêts par des personnes physiques.
Autre habilitation prévue à l’article 1er, la prise par ordonnance de mesures relatives au développement numérique. Il s’agit principalement d’encourager le raccordement des immeubles au très haut débit en clarifiant le partage des responsabilités entre les opérateurs et les copropriétés.
Le Gouvernement souhaite, par ailleurs, adopter par ordonnances des mesures de simplification en droit du travail, celles-ci ne portant en rien atteinte aux droits des salariés, notamment à leur droit à l’information – allègement des obligations d’affichage et de transmission des documents à l’administration du travail, clarification, pour des raisons de cohérence juridique, des règles applicables aux délais de prévenance à la fin de la période d’essai en cas de rupture de contrat.
Le projet vise également à alléger les obligations déclaratives relatives à la participation à l’effort de construction. Une accélération des procédures de l’immobilier d’entreprise est prévue, avec la création d’une procédure intégrée pour des projets d’intérêt économique majeur, une réforme de la procédure existante de déclaration de projet. L’article L. 300-6 du code de l’urbanisme permettra d’adapter plusieurs documents d’urbanisme dans des délais raccourcis.
L’article 2 est relatif au traitement des entreprises en difficulté. Les mesures envisagées concernent le développement du recours aux procédures de prévention – alerte du président du tribunal de commerce, mandat ad hoc, conciliation –, l’évolution des procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, en particulier l’introduction de mesures de coordination entre ces différentes procédures. Il convient de saluer ces propositions, qui tendent à renforcer l’attractivité des procédures de prévention.
L’article 3 regroupe diverses mesures de simplification juridique, concernant notamment : le régime des conventions réglementées relatives aux relations entre une société et certains de ses mandataires ou actionnaires ou entre des sociétés ayant des dirigeants communs ; les règles de rachat des actions de préférence, qui dérogent au principe selon lequel une action correspond à une voix et à une fraction du dividende en ce qu’elles peuvent donner droit à des avantages financiers ou non financiers, ou ne pas conférer de droit de vote, notamment dans l’objectif d’élargir les sources de financement d’entreprise ; la réglementation des titres financiers dits complexes, afin de favoriser le développement de ces instruments ; la prolongation des délais de tenue d’assemblée générale ; la possibilité pour une EURL d’être l’associée d’une autre EURL ; les formalités relatives à la cession de parts sociales de sociétés.
L’article 6 modifie les conditions de participation au capital des sociétés d’expertise comptable et les conditions d’exercice de la profession. Les évolutions envisagées concernent principalement l’adaptation aux exigences de la directive Services. Il s’agit d’autoriser les sociétés d’expertise comptable établies dans un autre État membre à créer des établissements secondaires en France sans ouvrir leur capital social à des experts comptables inscrits au tableau de l’ordre français. Plusieurs évolutions sont également proposées visant à assouplir le mode d’exercice de la profession, notamment l’autorisation des honoraires de succès. Les mesures proposées ont été définies à l’issue d’une large concertation avec l’ordre national des experts comptables.
L’article 10 prévoit de modifier certaines dispositions relatives à la gouvernance des entreprises publiques et des entreprises dans lesquelles l’État détient une participation, ainsi que les dispositions concernant la gestion de ces participations. Le ministre de l’économie et des finances et le ministre du redressement productif ont présenté les grandes lignes de cette réforme dans une communication en conseil des ministres le 2 août dernier. Les mesures envisagées concernent, en premier lieu, l’évolution de la gouvernance. Selon les informations qui m’ont été communiquées par le ministère, il s’agit de remédier à certaines difficultés, notamment la faiblesse de la représentation de l’État dans les conseils des entreprises lorsqu’il en détient plus de 90 % et l’articulation entre les catégories de représentants de l’État et celles des personnalités qualifiées dans ces conseils. Un rapprochement avec le droit commun devrait être recherché afin que la position de l’État puisse mieux s’exprimer au sein de ces conseils. S’agissant des opérations en capital, le Gouvernement souhaite en particulier donner à la commission des participations et des transferts des compétences dont elle ne dispose actuellement qu’en cas de privatisation ainsi qu’un pouvoir d’avis pour les prises de participation.
Les articles 13 et 14 permettent l’expérimentation de procédures simplifiées et innovantes afin de faciliter la réalisation de projets tout en respectant les exigences de protection de l’environnement. Ces expérimentations auront lieu dans certaines régions pour une période définie et seront éventuellement suivies d’une généralisation. Il s’agit ici d’offrir aux porteurs de projets d’activité économique un cadre juridique clair et stable en facilitant l’autorisation et la réalisation. Ces expérimentations feront, en outre, l’objet d’une large concertation entre les différentes parties prenantes des états généraux de la modernisation du droit de l’environnement. Plus précisément, l’article 13 concerne la délivrance aux porteurs de projets d’un document dénommé « certificat de projet », comportant une liste exhaustive des dispositions législatives applicables à une demande et vaudrait certificat d’urbanisme. Quant à l’article 14, il définit un permis environnemental unique visant à mieux articuler les procédures et les autorisations environnementales avec les autorisations d’urbanisme.
S’agissant du calendrier, l’article 18 du texte fixe les différents délais dans lesquels les ordonnances prévues seront prises. Ces délais varient de quatre à huit mois après la publication de la loi pour les ordonnances concernées par l’avis de notre commission. L’article 19 dispose que, pour chaque ordonnance, un projet de loi de ratification sera déposé dans un délai de cinq mois à compter de sa publication.
Je souhaite aborder un dernier sujet, qui dépasse le cadre du projet de loi mais constitue, à mon sens, un enjeu essentiel en matière de simplification. Il s’agit de la méthode. Comme le souligne Thierry Mandon dans son rapport, les bilans des programmes de simplification en faveur des entreprises élaborés au cours des cinq dernières années sont très mitigés. Ainsi, sur les 348 mesures adoptées depuis 2009, 101 seulement ont été effectivement mises en œuvre, soit 29 %. Se fondant notamment sur les bonnes pratiques des autres pays de l’Union, le rapport formule de nombreuses propositions en vue de définir une méthode de simplification collaborative incluant un pilotage et un dispositif d’évaluation et de suivi. Le présent projet de loi n’est qu’un élément d’une approche qui doit être globale. En particulier, la mise en œuvre de la simplification au plan local sera un enjeu majeur.
Enfin, si le projet que nous examinons contient de nombreuses mesures importantes et bénéfiques pour la vie des entreprises, il n’épuise cependant pas le sujet de la simplification. D’autres mesures sont prévues dans le cadre de projets de loi relatifs à la consommation, notamment en matière de délais de paiement, et du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, entre autres sur les sociétés coopératives. Le programme triennal de simplification contient, en outre, de nombreuses mesures de simplification d’ordre réglementaire. Il conviendra, dans l’avenir, d’étudier les problématiques de certaines filières dans lesquelles l’application du principe de précaution, en créant des normes, alourdit encore la vie quotidienne des entreprises, et aussi de se pencher sur la clarification de la relation entre entreprises et organismes bancaires, qui n’est pas une mince affaire.
M. Thierry Mandon. La présentation du rapporteur pour avis était parfaite. À l’évidence, le texte constitue une amorce intéressante sur de nombreux points. Avec d’autres mesures annoncées, il participe d’une démarche qui doit être construite globalement pour être lisible. La lisibilité est probablement ce qui manque, et il faudra trouver, avec le ministre, le moyen d’en doter l’ensemble des efforts qui sont engagés. Peut-être aussi faudra-t-il réfléchir à une plus grande implication du Parlement dans l’évaluation des chantiers mis en œuvre.
M. Fabrice Verdier. Le Président de la République et le Gouvernement ont exprimé à plusieurs reprises leur volonté politique d’engager un véritable choc de simplification au bénéfice des usagers de l’administration ainsi que des entreprises. La simplification doit permettre aux entreprises de se libérer des contraintes administratives et de se concentrer sur leur cœur de métier ; l’allégement des charges doit leur procurer des gains de compétitivité. Nous comprenons l’urgence qu’il y a à prendre des mesures législatives de simplification pour que les entreprises en tirent très rapidement des gains de temps et de coûts. Le corollaire en est que, malheureusement, les députés n’ont que très peu de temps pour s’imprégner parfaitement de l’ensemble des mesures et propositions que porte ce projet de loi d’habilitation. Par conséquent, il semblerait pertinent que, en 2014, un texte d’initiative parlementaire relaie l’urgence, et poursuive, pour la prolonger, la réflexion sur la simplification administrative.
La déclaration d’urgence sur ce projet n’a pas nui pour autant au long travail de concertation que l’exécutif a mené depuis le mois de janvier en collaboration avec le Parlement. C’est ainsi qu’il s’est appuyé sur le rapport de notre collègue Thierry Mandon pour faire des propositions. Ce rapport, intitulé « Mieux simplifier : la simplification collaborative », est le résultat de la comparaison des dispositifs existants dans cinq autres pays européens – Allemagne, Royaume-Uni, Danemark, Pays-Bas et Belgique –, et d’entretiens avec plus de 200 entreprises afin d’établir des pistes de simplification de la réglementation. C’est grâce à cet excellent travail, fruit d’une large concertation, que le Gouvernement a pu nous proposer un programme de simplification triennal. Comme Thierry Mandon le préconise, il ne s’agit pas d’atteindre la simplification à travers des mesures éparses, mais par une vraie politique pensée de manière globale et qui intervient à différents moments de la vie des entreprises : création, financement et capitalisation, lancement de projets d’activité.
Soulignons la stratégie choisie par le Gouvernement : un programme global cohérent, dont la mise en œuvre et l’évaluation relèveront d’un pilotage unique. Les trois dernières lois de simplification mises en œuvre par la précédente majorité, en 2009, 2011 et 2012, ont eu un effet très limité, voire inopérant, pour les entreprises qui n’ont ressenti ni gain de temps ni réduction de coûts. De plus, sur les 348 mesures prises à leur intention, 12 ont été bloquées, 90 sont toujours en cours, 145 ne peuvent être évaluées pour cause de suivi dispersé entre plusieurs ministères. Au final, 101 mesures seulement, soit 30 %, ont effectivement été réalisées. La simplification a donc été un échec pour le précédent gouvernement, sans doute parce que les entreprises n’avaient pas été suffisamment consultées, et que le pilotage stratégique de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation n’avait pas été prévu. En fait de simplification, il n’y eut qu’un empilement de mesures, parfois même ressenties comme contradictoires par les entreprises. C’est pourquoi le Gouvernement a tenu compte des conclusions et préconisations du rapport Mandon, d’une méthode collaborative et d’un programme global de mise en œuvre et de suivi des chantiers planifié sur le moyen terme.
Le groupe SRC se félicite que ce travail permette au Gouvernement de proposer à l’Assemblée nationale un programme qui doit être perçu comme le début du choc de simplification dans de nombreux champs d’activité des entreprises. Le projet de loi prévoit notamment l’allègement des obligations comptables pour les petites entreprises, le développement de la facturation électronique dans les relations entre l’État et ses fournisseurs, la sécurisation du financement participatif, la modernisation des obligations des employeurs en matière d’affichage et de transmission des documents à l’administration. Il ouvre également la possibilité de l’innovation et de l’expérimentation, sur proposition des préfets de région, au titre de la modernisation du droit de l’environnement. Nous faisons tous, dans nos circonscriptions, l’expérience de procédures environnementales jugées trop longues par des entreprises, qui finissent par renoncer à des projets d’activité qui auraient pourtant permis de revitaliser le bassin d’emploi du territoire. Qui pourrait nier la pertinence d’aller vers des expérimentations locales susceptibles d’être généralisées par la suite ?
Le programme proposé par le Gouvernement nous apparaît donc global, cohérent, porteur de mesures qui, par un effet cumulatif, auront un impact significatif sur la vie des entreprises. Le groupe socialiste proposera trois amendements ayant pour objectif premier d’ouvrir les débats et de pousser les échanges sur certains sujets : place des très petites entreprises dans le programme d’allégement des obligations comptables ; statut de la sécurisation et de la facilitation d’accès à des modes de financements qui séduisent de plus en plus les entreprises, tel le régime du rachat des actions de préférence ; délais de procédure lors de contentieux qui découragent les entreprises porteuses de projets.
Je conclurai en rappelant la nécessité de mobiliser le Parlement et de l’associer à la démarche de simplification en faveur des entreprises, car c’est aussi son rôle d’évaluer les politiques mises en œuvre. Les enjeux économiques de cette politique du choc de simplification sont considérables et il convient d’en mesurer les effets.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Sous la précédente législature, nous avions initié un vaste mouvement de simplification du droit, considérant que la complexification croissante dudit droit contribuait à l’insécurité juridique, pénalisante aussi bien pour les citoyens que pour les entreprises. L’adoption de plusieurs propositions de loi de Jean-Luc Warsmann a permis d’apporter des réponses concrètes aux obligations des PME dans leur vie quotidienne, même si tout n’était pas forcément parfait. À l’époque, l’opposition socialiste dénonçait ces grands textes qui abordaient une multitude de sujets. Aujourd’hui, force est de constater que le Gouvernement et la majorité socialiste ont pris conscience de l’importance de ce mouvement de simplification. Cependant, alors que nous privilégiions, à l’époque, le travail parlementaire, le Gouvernement choisit aujourd’hui la voie des ordonnances, donnant à penser qu’en laissant moins de place à l’initiative parlementaire, les choses seraient plus simples. Comme je l’avais déjà fait, je dois à nouveau regretter que l’examen de la simplification de la vie des entreprises soit confié à la commission des lois et non pas à la commission des affaires économiques.
Le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises comporte dix-neuf articles qui traitent de sujets pour le moins variés. Si l’on peut considérer l’allégement des obligations comptables des entreprises comme une bonne chose, en quoi les dispositions sur l’économie numérique vont-elles simplifier la vie de celles-ci ? Et celles sur les entreprises en difficulté, le Grand Paris, les nouvelles missions de la BCE, l’urbanisme, le salariat des avocats au Conseil d’État ? Ce manque de cohérence entraîne un manque de visibilité sur les mesures envisagées par le Gouvernement.
Si plusieurs mesures pragmatiques et consensuelles permettent de clarifier des compétences ou d’harmoniser des procédures, elles sont loin de constituer un véritable choc de simplification. Il est, en effet, regrettable que le Gouvernement ne prenne pas de vraies mesures attendues par les professionnels, qui permettraient de leur donner plus de compétitivité, comme la baisse du coût du travail ou la réforme du code du travail, ou encore l’assouplissement normatif, l’accompagnement des entreprises dans la mise aux normes, l’allongement des délais.
Soucieux de ne pas passer à côté des petits coups de simplification qui ont pour vous l’ampleur d’un choc, nous nous abstiendrons sur ce texte. Une fois de plus, le réenchantement du rêve ne consistera, pour les entreprises, qu’à continuer à rêver de simplification.
M. le président François Brottes. De nombreuses commissions étant concernées par ce texte, le plus petit dénominateur commun était la commission des lois. C’était d’ailleurs le cas pour les propositions de loi Warsmann, qui ont modifié le droit de l’urbanisme sans que notre commission ait eu même le temps de se saisir pour avis. Le pli a donc déjà été pris, mais aujourd’hui, nous avons le temps de nous poser quelques minutes sur le texte.
Mme Michèle Bonneton. Nous partageons la volonté d’un choc de simplification permettant aux entreprises de délaisser les tâches administratives au profit d’une meilleure efficacité dans leur cœur de métier. Cependant, cet objectif ne doit pas être poursuivi sans que soient mesurées les conséquences de décisions trop rapides, trop simples ou susceptibles de porter atteinte aux objectifs de qualité et de transparence qui doivent rester nos priorités. Certaines mesures proposées vont dans le sens d’une dérégulation, d’un abaissement du contrôle de l’État et d’une large ouverture de professions qui sont actuellement très réglementées.
Ce texte n’est pas du tout anodin et il procède à des réformes sur le fond. L’article 3, par exemple, traite de la publication des conventions conclues entre sociétés et filiales. Cette publication nous paraît importante et de nature à favoriser la transparence et la lutte contre la fraude fiscale. Il serait extrêmement regrettable de renoncer à ce type d’information.
À l’article 6, il est surprenant d’autoriser la création d’établissements d’expertise comptable sur le territoire français à des professionnels non inscrits au tableau de l’ordre français et dont on peut craindre une méconnaissance du droit français. Voilà qui institue une situation de concurrence déloyale entre sociétés d’expertise françaises, tenues d’avoir des professionnels français dans leur capital, et ces structures offshore. Le même article prévoit l’autorisation des honoraires de succès, jusqu’ici rejetés par les professions concernées car susceptibles d’entraîner des conflits d’intérêt majeurs. Que penser de l’expert-comptable qui se fera rémunérer proportionnellement aux économies d’impôt qu’il aura obtenues pour son client – même s’il est vrai qu’une telle clause est surtout demandée lors de transactions entre entreprises ? On voit là une tentative d’infiltration dans notre droit du droit outre-atlantique, qui réclame qu’on y réfléchisse. Gardons-nous des fausses bonnes idées ; entre simplification et régulation, sachons placer le curseur pour éviter d’introduire la complexification qui accompagne les effets pervers secondaires.
Ce texte porte des réformes importantes et nous regrettons de ne pas pouvoir en discuter de façon approfondie dans l’hémicycle. J’ai entendu qu’un texte d’initiative parlementaire pourrait suivre et aller dans le sens que je viens d’indiquer. C’est une démarche que nous encourageons.
M. Franck Reynier. Le groupe UDI considère que la simplification au profit des entreprises procède d’une bonne intention. Nous souscrivons au développement de la dématérialisation et à celui de l’e-administration. À mon tour, j’émettrai des réserves quant au recours aux ordonnances, qui ne nous semble pas être la meilleure méthode. Le Parlement prend part à l’élaboration de la loi et, à ce titre, il aurait été judicieux de l’impliquer plus fortement dès l’origine, même si des initiatives parlementaires suivront.
L’annonce du choc de simplification a été accueillie très positivement par l’ensemble des entreprises et même des Français. On ne peut en dire autant du choc de fiscalisation. Le Premier ministre a expliqué que nous n’avions pas bien compris la sémantique gouvernementale : la pause fiscale de 2014, il fallait comprendre qu’elle arriverait en 2015. Il faut croire que ni nous ni les Français ne parlons le même langage que vous. Les factures qui arrivent ne sont pas à payer l’année suivante ; les impôts de l’année 2013 sont à payer en 2013 et ceux de 2014 le seront en 2014. Ce que l’on attend de la part du Gouvernement, c’est un langage de vérité et de la lucidité. Or il donne vraiment le sentiment d’être à côté de la plaque.
En matière de compétitivité, par exemple, le fort intéressant rapport Gallois, qui avait été présenté devant notre commission au début du quinquennat, avait le mérite de proposer d’explorer des pistes qui n’étaient pas forcément en adéquation avec les annonces du Président de la République. Las, aucune ne figure parmi vos mesures en faveur de la compétitivité ! Le groupe UDI était pour la TVA sociale qu’il considère comme un outil de compétitivité efficace pour nos entreprises. Les Français et les entreprises ont bien vu arriver la TVA, mais pas la TVA sociale. Ce que le Gouvernement propose, c’est la hausse de la TVA et aucun allégement de charges pour les entreprises. La compétitivité n’est qu’un effet d’annonce. Le Premier ministre vient encore d’annoncer une nouvelle hausse des cotisations dans le cadre de la réforme des retraites. Le matraquage fiscal continue, ce qui nuit vraiment à la compétitivité et surtout à la confiance que les entreprises et les Français peuvent avoir dans la politique qui est conduite.
Des simplifications majeures, nous aurions aimé en avoir plus dans votre projet : sur le code du travail, sur le code général des impôts, sur les normes qui font que les entreprises sont submergées par les procédures administratives. Si vos propositions sont louables, elles ne sont pas à la mesure de l’urgence et des enjeux. Nos entreprises souffrent de trop de fiscalité, elles ont besoin de compétitivité. Le secteur du bâtiment va subir une hausse majeure de la TVA qui va conduire à une baisse d’activité dans un secteur qui, jusqu’à présent en plein développement, était pourvoyeur d’emplois. Le pire est ce que vous faites aux professions d’aide à la personne. Après avoir supprimé l’Agence d’aide à la personne, après avoir augmenté la TVA et supprimé des aides importantes, vous touchez les travailleurs de ce secteur mais aussi les bénéficiaires de ces services, qui en voient la dégradation profonde.
Malgré les critiques que je viens de formuler, je souhaite que notre pays retrouve la voie de la croissance et du développement. Même si ces propositions ne sont pas à la hauteur de nos attentes, le groupe UDI ne bloquera pas l’évolution de ce texte.
Mme Jeanine Dubié. Le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises participe au véritable choc de simplification. Un large consensus entoure l’idée que créer un environnement plus favorable aux entreprises est prioritaire à la fois pour favoriser la reprise économique mais aussi pour leur permettre de prospérer dans un cadre adapté et stable. Mal conçues, les réglementations mises en place pour protéger l’activité économique peuvent souvent devenir un frein. Il faut donc trouver un juste milieu, mais aussi adapter les réglementations aux nouvelles réalités et aux changements technologiques. Selon le rapport « Doing Business » 2013 de la Banque mondiale, qui compare 185 économies au moyen d’indicateurs mesurant l’évolution des réglementations applicables aux petites et moyennes entreprises à dix stades de leur vie, la France se classe en moyenne au trente-quatrième rang mondial, loin derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne. Ce rapport est particulièrement sévère en matière de procédures immobilières ou de protection des investisseurs. Même s’il est contesté, et sans prendre pour argent comptant toutes ses conclusions, il nous faut quand même en tenir compte pour améliorer l’environnement réglementaire de nos entreprises.
Si ce projet de loi d’habilitation répond à un réel besoin en opérant un choc de simplification pour les entreprises, il est toujours sensible pour le Parlement de se dessaisir de sa compétence législative en habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances, renonçant ainsi à un examen approfondi et contradictoire du texte. Le travail du Parlement en commission puis en séance permet aux députés et sénateurs d’enrichir le texte avec leurs amendements. Toutefois, nous partageons la volonté exprimée par l’exécutif d’agir vite dans la continuité des mesures engagées par le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, pour appuyer la compétitivité de nos entreprises et libérer le potentiel de croissance dans un contexte de très faible reprise économique post-crise.
Le présent projet de loi, fondé sur les travaux de notre collègue Thierry Mandon, nous semble aller dans le bon sens en levant différentes contraintes administratives et financières pesant sur notre appareil productif, donc sur la compétitivité. Nous saluons notamment l’allégement des obligations comptables pour les TPE, la simplification et la réduction des délais de procédure d’immobilier d’entreprise ou encore l’allégement des charges administratives liées à la mise en œuvre du droit du travail. Pour toutes ces raisons, le groupe RRDP votera cette loi d’habilitation, qui permettra de renforcer la compétitivité de nos facteurs productifs et contribuera à relancer notre croissance. Néanmoins, il fait observer avec insistance que le recours à l’article 38 de la Constitution, qui écarte le Parlement de la procédure législative, doit rester mesuré par rapport au droit commun.
M. Dino Cinieri. Dans le domaine de la dématérialisation des échanges, quels sont les moyens techniques envisagés pour assurer la sécurisation des données ? Qui dit numérique dit déploiement d’internet sur l’ensemble du territoire, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, notamment en zones rurales et en particulier dans mon département et ma circonscription. Cela sera-t-il fait ?
Mme Frédérique Massat. Les mesures très importantes de l’article 1er, auxquelles je souscris, doivent être accessibles à toutes les entreprises, ce qui soulève la question du maillage de notre territoire en haut débit. Aujourd’hui, nous avons encore, sur nos territoires, des entreprises qui ne sont pas reliées.
En matière de financement participatif, il me semble qu’il faut aller plus loin. Cette forme de financement est en plein développement, elle permet à nos concitoyens de contribuer de manière active à des projets d’entreprise. C’est un bon début, qui pourrait peut-être trouver un prolongement dans un autre texte de loi.
Les exploitations agricoles aussi connaissent des problématiques pour lesquelles la simplification serait bienvenue et sont également très enclines à faire appel au financement participatif. Seront-elles concernées par ce texte ?
S’agissant de la gouvernance des entreprises publiques, abordée à l’article 10, je souhaiterais davantage d’information sur les prises de participation.
Concernant l’article 14 et les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), comment vont s’articuler les mesures actuelles de la loi avec celles qui seront proposées à travers les ordonnances ?
Nous venons d’adopter un texte traitant, entre autres, de la modernisation de l’urbanisme. Vous avez pris la précaution de dire dans votre introduction que les ordonnances relatives à l’article 13 ne remettraient pas en cause les nouvelles règles qui étaient arrêtées. Comment va-t-on pouvoir les articuler sur le territoire ?
M. Antoine Herth. D’hier à aujourd’hui, l’histoire se répète. Sur des mesures techniques, le Gouvernement propose à sa majorité, qui lui fait une confiance aveugle, de procéder par ordonnances. Un certain nombre d’articles sont conformes à la proposition et rendent la procédure acceptable. Et puis, le Gouvernement abuse de la confiance de sa majorité pour glisser dans le texte des mesures qui n’ont absolument rien à voir. C’est encore le cas cette fois-ci. Quel est le lien, par exemple, de l’article 8 sur le Grand Paris avec le soutien à nos entreprises ? L’article 10 sur les participations me fait également sursauter. Nous avions, hier, un débat extrêmement charpenté sur les choix stratégiques en matière d’hydroélectricité. On sait que la participation de l’État dans EDF ou dans une future société d’exploitation de l’hydraulique est un sujet très sensible. Va-t-on laisser la bride sur le cou au Gouvernement pour faire ce qu’il veut en matière de participation ? Attention !
Les articles 11 et 12 concernent la transcription de Bâle 3. De qui se moque-t-on ? On sait très bien que Bâle 3, c’est l’obligation pour les banques d’augmenter leurs fonds propres, ce qui entraîne une baisse de leur capacité de faire crédit aux entreprises. On simplifie la vie des entreprises en même temps qu’on leur coupe le robinet du crédit !
M. le président François Brottes. Avons-nous le choix ?
M. Antoine Herth. Les articles 13 et 14 constituent un point positif avec la simplification sur les ICPE. J’ai bien compris qu’on allait d’abord l’appliquer à l’éolien pour amadouer l’aile verte de la majorité. Je me demande si, demain, elle sera élargie aux élevages de porcs.
M. Daniel Goldberg. Que les évolutions sur l’Île-de-France n’aient pas à voir avec la simplification du fonctionnement des entreprises, dont acte. Quoiqu’il s’agisse d’une procédure plus réglementaire que législative qu’il fallait affiner. Pour le coup, la voie d’ordonnances, que je peux critiquer par ailleurs, ne me paraît pas infondée sur ce point.
La simplification du fonctionnement des entreprises fait suite au rapport de notre collègue Thierry Mandon ainsi qu’au travail que nous avons mené dans le cadre de notre mission parlementaire sur les questions de compétitivité, qui a rendu ses conclusions au mois de mars dernier. De l’avis unanime de tous ceux que nous avons auditionnés, la simplification du travail des entrepreneurs est une nécessité. Qu’il faille agir vite pour certaines mesures à la limite du réglementaire et du législatif, et pour cela procéder par ordonnances, paraît justifié. Je pense notamment à la question des délais de paiement, qui est souvent revenue au cours des auditions des chefs d’entreprise. L’État, par l’intermédiaire d’une facturation électronique dématérialisée, s’engage à être vertueux vis-à-vis des petites et moyennes entreprises qui ne doivent pas être ses banquiers ni ceux des grands groupes en assurant leur trésorerie. Il serait excellent que l’État, et par extension les collectivités territoriales, puissent atteindre cet objectif.
Je réagis aux propos, que j’entends régulièrement, de notre collègue de l’UDI sur l’aide à la personne. Il s’agit de faire payer, aux particuliers qui bénéficient de défiscalisation pour certains services à domicile, des cotisations d’employeurs au niveau des salaires qu’ils ont versés et non pas au niveau du SMIC. Jusqu’à présent, ils acquittaient une cotisation forfaitaire ; dorénavant, ils cotiseront à hauteur du salaire réel. Je ne dis pas que l’ensemble de ceux qui ont recours à ces emplois sont favorisés. Mais si vous pensez qu’il faut maintenir cet avantage aux particuliers favorisés qui emploient sans cotiser au niveau du salaire réel, vous faites fausse route, y compris pour les entreprises que vous défendez, tout comme nous.
Quant à la TVA, je rappelle que l’UDI a soutenu son évolution dans le secteur du bâtiment de 5,5 à 7 %. Nous la passons à 10 %, et nous en discuterons dans le cadre du projet de loi de finances, ainsi que de l’augmentation prévue au 1er janvier 2014. Convenez néanmoins que, pour ce qui concerne le logement social, en construction et en réhabilitation, non seulement nous ne passons pas de 5,5 à 7 % ni de 7 à 10 %, mais nous revenons à 5 %.
M. Daniel Fasquelle. Nous ne pouvons qu’être d’accord sur l’objectif de simplification et pouvons approuver certains points techniques. Toutefois, ce qui compte surtout, c’est le développement de nos entreprises et la création d’emplois. C’est le contexte global que l’on crée qui détermine l’activité économique. De ce point de vue, le matraquage fiscal que subissent les entreprises et les particuliers, la baisse du pouvoir d’achat et la politique fiscale illisible du Gouvernement concourent à déstabiliser notre économie. Et ce n’est pas ce malheureux projet de loi sur la simplification qui va pouvoir corriger toutes les erreurs du Gouvernement dans tous les domaines, en particulier fiscal.
Vous nous proposez un texte de simplification alors que vous venez d’adopter la considérable loi Duflot qui, en créant de nouveaux organismes et de nouvelles procédures, introduit de la complexité. Nous attendons avec impatience le texte de simplification qui va simplifier les règles complexes que vous venez de mettre en place.
S’il ne s’agissait que de simplification, pourquoi pas, mais il y a, dans ce texte, des dispositions qui excèdent largement la simplification. On voit bien qu’on profite de ce projet de loi visant à sécuriser la vie des entreprises pour transposer des directives européennes et tirer les conséquences en droit français de textes européens sur des sujets majeurs qui auraient mérité plus qu’une simple ordonnance et que le débat que nous avons ce matin.
S’agissant de la construction d’installations classées, nous avons eu le débat à plusieurs reprises, en particulier s’agissant de nos amis agriculteurs qui se plaignent de procédures très longues comparées à celles qui ont cours en Allemagne. À la suite de ce texte, le droit français va-t-il se rapprocher du droit allemand ? Ce texte va-t-il réellement présenter une avancée concrète en matière de développement des exploitations agricoles ?
Quant à l’article 17, il supprime la déclaration préalable en préfecture pour les entrepreneurs étrangers non-résidents en France ainsi que les sanctions applicables. Je m’interroge sur ce point. Concerne-t-il les entreprises venant d’autres États membres de l’Union européenne ou toutes les entreprises, y compris hors Union européenne ? Quels sont l’intérêt et la portée réelle de cet article ?
M. le rapporteur pour avis. De manière générale, la loi d’habilitation n’est qu’un élément d’un dispositif beaucoup plus général inspiré du travail de Thierry Mandon et dans lequel on trouve le pacte de compétitivité, certains projets de loi que nous avons adoptés et d’autres à venir. Ce n’est qu’un élément de réponse à la volonté du Président de la République d’aller vers la simplification. Les aspects fiscaux seront examinés dans le projet de loi de finances pour 2014. Un travail est engagé par les différents ministères sur les filières. En l’absence de précision en ce sens dans le texte, aucune d’entre elles n’est exclue, donc l’agriculture est concernée par les articles. Mon avis personnel est qu’il faudra mener un travail de spécification, en particulier en matière agro-alimentaire. Les agences régionales de santé, les services vétérinaires demandent souvent beaucoup trop au petit laboratoire de boucher-charcutier-traiteur qui veut moderniser son atelier de découpe. J’ai également évoqué très rapidement les relations avec les banques, auxquelles les chefs d’entreprise consacrent un temps important. Pour l’heure, l’essentiel du texte concerne ce que Thierry Mandon a qualifié de moments clés de la vie de l’entreprise, pour lesquels des priorités ont été repérées. Les sept articles sur lesquels nous sommes saisis concernent chacun au moins une trentaine d’alinéas.
L’article 10 sur l’intervention de la commission de transfert et de participation pour les prises de participation de l’État répond à une volonté du ministère de rééquilibrage. Dans certaines entreprises, l’État est actionnaire à plus de 90 % mais est présent à 3 ou 4 % dans les conseils d’administration. Il n’y a pas là de quoi entrer dans un débat de privatisation, de nationalisation ou de prise de participation. Il s’agit de réfléchir à la gouvernance de ces entreprises et de retrouver un équilibre légitime par rapport au montant des participations.
S’agissant du très haut débit, je renvoie aux engagements du Président de la République de couverture du territoire, mis en œuvre à travers le plan France Très Haut Débit ainsi que les schémas régionaux et départementaux dont certains comportent des dispositifs de très haut débit.
La facturation électronique sera sécurisée grâce à un logiciel de gestion développé par le ministère en relation avec la direction générale des finances publiques. Ce logiciel est mis à la disposition des entreprises et des clients, de la même façon que certaines grandes entreprises équipent systématiquement leurs clients dans une démarche de simplification.
Les craintes que suscitait l’éventualité de conflits d’intérêt liés aux prises de participation dans les sociétés d’experts-comptables ont donné lieu à un travail de fond, notamment en matière de normes comptables. L’objectif est celui d’une convergence avec l’Allemagne au regard des directives européennes pour aller vers l’harmonisation.
Les articles dont nous ne sommes pas saisis participent d’un débat plus général. Le 1er octobre, dans l’hémicycle, nous pourrons soulever plusieurs problèmes et poser des jalons. Il me semble important que le Parlement se saisisse de telles questions, notamment pour des raisons de cohérence entre les différents textes qui vont venir en discussion dans notre commission.
La méthode retenue est aussi garante de la mise en œuvre réussie des ordonnances. La volonté exprimée est qu’un certain nombre de mesures soient applicables dès le 1er janvier, et que les autres suivent graduellement, de façon pragmatique en évitant tout effet induit de complexification. Le rapport de Thierry Mandon fournit des fiches méthodologiques, et l’étude d’impact annexée au projet de loi apporte également des éléments intéressants. Avec tout cela, nous devrions pouvoir travailler.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Je n’ai pas vu mention des délais de paiement dans le texte. Il est toujours plus facile pour le client d’imposer ses règles au fournisseur que l’inverse. Aujourd’hui, les seuls délais de paiement qui sont très bien contrôlés dans les entreprises, parce que le lobby doit être très puissant, sont ceux des factures des transporteurs. Or, c’est une contrainte pour l’entreprise que de payer ses transporteurs en temps et en heure quand le client, lui, paie en retard.
Par ailleurs, la mise en œuvre des ordonnances va s’échelonner dans le temps, et même sur un certain temps. Même si chaque ordonnance était une réelle mesure de simplification, le choc va être totalement adouci à l’épreuve du temps. Il aurait fallu que les ordonnances arrivent dans les trois mois qui viennent, pas dans les quinze voire dix-huit mois.
Les amendements déposés en Commission des affaires économiques sont consultables sur cette page du site internet de l’Assemblée nationale : http://recherche2.assemblee-nationale.fr/amendements/resultats.jsp?NUM_INIT=1341&LEGISLATURE=14&ORGANE=Affaires%20%E9conomiques
Article 1er
Mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises
L’article 1er du projet de loi rassemble un grand nombre de mesures, de natures différentes, ayant principalement pour objectif la simplification et la sécurisation de la vie des entreprises.
1. Allègement des obligations comptables des très petites entreprises et petites entreprises
Le 1° de l’article 1er habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnances des mesures concernant l’allègement des obligations comptables des très petites entreprises et petites entreprises.
Le droit actuel prévoit que l’ensemble des sociétés commerciales est soumis à deux types d’obligations comptables :
– l’établissement des comptes (compte de résultat, bilan, annexe), en application des articles L. 123-12 à L. 123-28 du code de commerce ;
– la publication des comptes, conformément aux articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce. Les entreprises doivent déposer leurs comptes auprès du greffe du tribunal de commerce, qui en assure lui-même la publicité vis-à-vis des tiers.
Selon le droit en vigueur, les obligations comptables auxquelles sont soumises les très petites entreprises et les petites entreprises sont plus étendues que celles en vigueur dans d’autres États membres de l’Union européenne, ainsi que celles imposées par la nouvelle directive comptable en cours de transposition (2).
L’article 1er prévoit des évolutions différentes selon la taille des entreprises.
Pour les très petites entreprises (TPE), il est envisagé :
– de supprimer de l’obligation d’établissement de l’annexe aux comptes annuels (3) ;
– d’ouvrir la possibilité, sur option, de ne plus publier les comptes, comme le permet la directive comptable de 2013.
Pour les petites entreprises, il est proposé d’autoriser l’établissement d’états simplifiés pour le bilan et le compte de résultat (actuellement cette possibilité n’existe que pour les entreprises de plus de 20 salariés).
Il convient de souligner que, si l’article 1er ne prévoit pas d’ouvrir une option de confidentialité pour les petites entreprises, un travail de consultation sur d'éventuels allègements des obligations de publication des comptes pour ces entreprises doit être engagé par le Gouvernement, conformément aux conclusions du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique du 17 juillet 2013.
Les critères définis par la directive comptable 2013/34/UE du 26 juin 2013 pour déterminer les très petites entreprises et les petites entreprises sont différents de ceux utilisés en matière de statistique économique (décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008).
Catégories d'entreprise selon le droit communautaire comptable* | |||
ne dépasse pas les seuils pour au moins deux des trois critères suivants |
Salariés |
Chiffre d'affaires |
Total de bilan |
Micro-entreprises |
10 |
350 000 € |
700 000 € |
Petites entreprises |
50 |
8 000 000 € |
4 000 000 € |
*Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 | |||
Au sens strict, les catégories « petites » et « moyennes » s’entendent catégories inférieures non incluses |
Source : étude d’impact
Votre rapporteur soutient ces mesures, qui auront des effets positifs pour les très petites entreprises et les petites entreprises. La simplification qui en résultera, ainsi que la prise en compte du besoin de confidentialité, devraient permettre d’augmenter le taux de dépôt des comptes (67 % seulement en 2011). Par ailleurs, les services de l’État, ainsi que les tribunaux de commerce et la Banque de France continueront à avoir accès aux comptes même si la confidentialité a été demandée.
2. Développement de la facturation électronique
Le 2° de l’article 1er vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures visant à encourager le développement de la facturation électronique entre, d’une part, l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics et, d’autre part, leurs fournisseurs.
L’étude d’impact indique que les services de l’État reçoivent 4 millions de factures chaque année et cite l’exemple de grandes entreprises devant établir entre 130 000 et 150 000 factures pour l’État par an, certaines atteignant 3 000 pages. La masse de factures concernées engendre des coûts importants tant pour les entreprises que pour les services de l’État.
Les entreprises ont déjà la possibilité d’adresser à l’État leurs factures sous forme électronique, par le biais du portail « Chorus-Factures ». La mesure envisagée vise à rendre obligatoire la dématérialisation.
Votre rapporteur considère que cette mesure représenterait une réelle avancée car elle permettrait de réduire les coûts pour les entreprises mais aussi de raccourcir les délais de paiement de l’État, que le Gouvernement souhaite abaisser à 20 jours d’ici 2017. Les aspects techniques de cette réforme seront évidemment essentiels, afin qu’elle réponde effectivement à l’objectif de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises. Il convient à cet égard de souligner que le portail existant permet d’ores et déjà d’envoyer les factures dans le cadre d’un Échange de Données Informatisé ou de les déposer au format « pdf signé ».
3. Développement du financement participatif
Le financement participatif désigne le financement de projets innovants (y compris de création d’entreprises) par la collecte d’apports financiers d’un grand nombre de personnes, via des plateformes sur Internet. Il peut prendre la forme de prêts, de dons (avec ou sans contrepartie ou achat par anticipation) ou d’investissement en capital dans les entreprises.
La réglementation bancaire et fiscale est source de contraintes importantes pour les structures proposant des plateformes de financement, qui sont notamment soumises aux règles prudentielles et à celles relatives aux services d’investissement.
Afin de permettre le développement de ce mode de financement, le Gouvernement souhaite notamment :
– créer un nouveau statut de conseiller en investissement en financement participatif, qui permettrait aux acteurs concernés de ne pas être soumis à la réglementation des prestataires de services d’investissement ;
– étendre les exceptions à l’agrément des établissements de crédit pour autoriser le prêt par des personnes physiques.
3. Développement du numérique
Le 5° de l’article 1er vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance différentes mesures en faveur du développement du numérique.
Il s’agit principalement d’encourager le raccordement des immeubles au très haut débit, en clarifiant le partage des responsabilités et des coûts entre les opérateurs et les copropriétés.
Cette mesure s’inscrit dans l’objectif de couverture intégrale de la France en très haut débit d’ici dix ans, qui fait partie des engagements du Président de la République. Le Gouvernement a présenté le 28 février 2013 le « Plan France Très Haut Débit » déclinant les différentes actions à mettre en œuvre dans cette perspective.
4. Mesures de simplification concernant le droit du travail
Les 6° et 7° de l’article 1er prévoient différentes mesures de simplification du droit du travail allégeant la charge des entreprises sans porter atteinte aux droits des salariés.
Il est d’une part envisagé d’alléger les obligations des employeurs en matière d’affichage et de transmission de documents à l’administration du travail. Selon l’étude d’impact, les allègements des obligations d’affichage pourront concerner les informations relatives aux élections de délégués de personnel, à certaines sanctions pénales ou au plan de sauvegarde de l’entreprise. Les obligations d’affichage qui auront été identifiées comme non pertinentes dans ces domaines pourront être remplacées par une obligation d’information par tout moyen, garantissant aux salariés un droit à l’information équivalent. De façon similaire, les obligations de transmission de documents à l’administration qui seront identifiées comme non pertinentes seront transformées en droit de communication sur demande de l’administration.
Il est d’autre part proposé de clarifier, pour des raisons de cohérence juridique, les règles applicables au délai de prévenance à la fin de la période d’essai en cas de rupture du contrat de travail. L’article L. 1221-25 du code du travail, reprenant une disposition de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008, fixe un délai de prévenance s’imposant à l’employeur lorsqu’il décide de mettre fin à la période d’essai. La mesure proposée vise à préciser que le respect de ce délai ne peut avoir pour effet de prolonger la période d’essai.
Dans la mesure où elles ne portent pas atteinte aux droits des salariés, votre rapporteur est favorable à ces différentes évolutions allant dans le sens d’une simplification et d’une meilleure lisibilité pour les entreprises.
5. Suppression d’obligations déclaratives relatives à la participation à l’effort de construction
Le 8° de l’article 1er vise à alléger les obligations déclaratives des entreprises relatives à la participation à l’effort de construction ou à l’effort de construction agricole, conformément à la démarche du programme « Dites le nous en une fois ».
6. Accélération des procédures d’immobilier d’entreprise
Comme le souligne le rapport déjà cité de Thierry Mandon, la complexité de la réglementation s’imposant aux entreprises en matière d’immobilier peut constituer un obstacle à la réalisation de leurs projets.
Afin de renforcer l’efficacité des procédures, il est envisagé de créer une procédure intégrée d’immobilier d’entreprise pour des projets d’intérêt économique majeur.
L’article L. 300-6 du code de l’urbanisme définit la procédure de la déclaration de projet, destinée à accélérer les procédures classiques en matière d’urbanisme pour les projets publics ou privés considérés comme d’intérêt général par la collectivité publique compétente. Cette procédure permet notamment de mettre en compatibilité les différents documents d’urbanisme (PLU, SCOT).
Cependant, depuis sa création en 2003, la déclaration de projet n’a pas rencontré le succès escompté, une centaine de déclarations seulement ayant été déposée.
Le Gouvernement envisage donc de réformer cette procédure afin de la rendre plus opérationnelle, notamment en regroupant au sein d’une procédure unique l’instruction et la délivrance des autorisations d’urbanisme, ainsi que de celles requises par d’autres législations, par exemple en matière d’environnement.
Votre rapporteur soutient cette initiative, qui répond à l’une des propositions du rapport Mandon et devrait avoir un effet positif sur l’investissement des entreprises, ainsi que sur leur compétitivité et sur l’emploi.
*
* *
La commission examine l’amendement CE 1 de M. Thierry Mandon.
M. Patrice Prat. Cet amendement vise à sécuriser les sociétés françaises sur le plan économique, à améliorer leur compétitivité et à s’aligner, en quelque sorte, sur des exemples étrangers, notamment des entreprises allemandes.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cet amendement modifie le périmètre de la loi d’habilitation, ce qui est contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel datant de 2005.
M. Thierry Mandon. Même si, en séance, ces amendements connaissent un sort qui ne nous réjouit pas, je pense qu’ils devraient pouvoir être présentés ne serait-ce que pour avoir la réaction du ministre. Pour l’heure, nous le retirons.
L’amendement CE 1 est retiré.
La commission est ensuite saisie d’un amendement CE 10 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement de précision se réfère à la directive comptable 2013/34/UE du 26 juin 2013, qui précise les différents seuils en matière de statistiques économiques, pour définir la taille des entreprises éligibles à cet article. Il permet également d’ouvrir le débat sur la question des très petites entreprises, qui ont besoin d’être sécurisées plus que d’être inscrites d’office parce qu’elles n’ont pas les mêmes moyens de gestion à long terme.
Mme Brigitte Allain. À l’article 1er, la simplification par la facturation électronique me cause quelque inquiétude. Je n’ai pas vu qu’elle puisse être optionnelle pour les utilisateurs, notamment les TPE. D’ailleurs, l’exposé des motifs défend surtout qu’il s’agirait d’un allégement pour l’administration et les services de l’État en même temps, très certainement, qu’une économie substantielle qui n’est pas à négliger. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas sûre qu’elle constitue une facilitation pour les TPE, sauf s’il s’agit, de leur part, d’un choix qu’elles auront fait en toute connaissance de cause. Pour l’avoir vécu, je peux dire qu’il suffit de faire une seule fois une déclaration par internet pour être réputé avoir choisi, sans forcément le savoir, la formule internet pour tout. Si la simplification conduit à cela, je suis inquiète. C’est pourquoi je présenterai certainement en séance un amendement tendant à préciser que l’accès à la simplification électronique procède d’un choix de la TPE.
M. le rapporteur pour avis. Il y a eu une large démarche collaborative pour la mise en place d’un échéancier sur l’entrée en vigueur de cette obligation de dématérialisation progressive de la facturation. Il est bien évident que les choses ne vont pas se faire du jour au lendemain, notamment dans le cas des très petites entreprises, dont certaines ne sont pas équipées, et en raison de la spécificité de certains types de facturation, d’où mon amendement de précision. L’État a mis en place un logiciel de gestion et de sécurisation de la facturation qu’il est en train de déployer auprès de ses clients et fournisseurs.
La commission adopte l’amendement CE 10.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE 7 de M. Jean-Charles Taugourdeau.
M. Jean-Charles Taugourdeau. En supprimant la mention à l’affichage et à la transmission de documents à l’administration, cet amendement tend à simplifier la rédaction du texte et donc à en élargir la portée. Cela laisserait beaucoup plus de marge de manœuvre pour la rédaction des ordonnances.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement élargit le périmètre de la loi d’habilitation. J’en demande le retrait, sinon avis défavorable.
L’amendement CE 7 est retiré.
Puis la commission examine l’amendement CE 8 de M. Jean-Charles Taugourdeau.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Celui-ci a pour objectif d’adapter les règles applicables au contrat de travail. La mention de la rupture du contrat de travail pendant la période d’essai ne contribue pas du tout à envoyer un message d’apaisement aux employeurs. Bien au contraire, on leur laisse entendre qu’on va complexifier ces conditions de rupture. Tout cela n’est pas de nature à leur donner envie d’embaucher. Je ne retirerai pas cet amendement.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement CE 8.
Elle en vient à l’amendement CE 2 de M. Thierry Mandon.
M. Patrice Prat. Au regard de l’importance économique des dossiers concernés, il s’agit d’accélérer le règlement des litiges dans le domaine de l’urbanisme.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cela ne relève pas du périmètre de la loi.
L’amendement CE 2 est retiré.
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1ermodifié.
Article 2
Entreprises en difficulté
L’article 2 vise à mettre en œuvre différentes mesures d’amélioration du traitement des entreprises en difficulté.
1. Le droit en vigueur
Les articles L. 611-1 à L. 611-15 du code de commerce définissent deux procédures de prévention des difficultés des entreprises : le mandat ad hoc et la conciliation.
Ces procédures ont pour objectif, sous l’égide du président du tribunal du tribunal de commerce et avec le concours d’un mandataire ad hoc ou d’un conciliateur, de préparer avec le chef d’entreprise un plan de redressement financier, économique et social et de négocier puis d’obtenir l’accord des créanciers sur les modalités de paiement du passif.
La procédure de sauvegarde, définie par l’article L. 620-1 du code de commerce, est ouverte sur demande d’un débiteur qui, sans être en état de cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter. Elle est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
La procédure de sauvegarde financière accélérée (art. L. 628-1 à L. 628-7 du code de commerce) peut être ouverte aux grandes entreprises (4) engagées dans une procédure de conciliation. Elle n'a d'effet que sur les créanciers financiers et a pour objectif de résoudre rapidement les difficultés dues au refus d'une minorité de créanciers financiers de participer à l'accord de conciliation.
Les procédures de redressement judiciaire (titre III du livre VI du code de commerce) et de liquidation judiciaire (titre IV du livre VI du même code) sont destinées aux entreprises en cessation des paiements. La finalité du redressement judiciaire est d’aboutir à un plan de continuation qui permette la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. La liquidation judiciaire est destinée à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens.
2. Le champ de l’habilitation
Les mesures envisagées visent en premier lieu à favoriser le recours aux procédures de prévention, notamment en facilitant l’apport de crédits aux entreprises engagées dans ces procédures. Il est prévu dans cet objectif de priver d’effet les clauses contractuelles imposées par les fournisseurs de crédit faisant obstacle au recours à un mandat ad hoc ou à une conciliation.
Le Gouvernement souhaite également renforcer l’efficacité de la procédure de sauvegarde, notamment en adaptant les effets de l’ouverture de la sauvegarde sur la situation juridique du débiteur et de ses partenaires et en assouplissant les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde financière accélérée.
Il est également envisagé de faire évoluer l’organisation des procédures collectives, tout en maintenant le principe d’équilibre entre la préservation de l’emploi et celle des intérêts des créanciers.
Enfin, il est proposé de procéder à différents ajustements techniques et procéduraux afin de répondre à différentes difficultés révélées par la pratique et par la jurisprudence.
3. La position de votre rapporteur
Votre rapporteur approuve les objectifs des mesures envisagées, en particulier celui de renforcement de l’attractivité des procédures de prévention.
Le Gouvernement justifie le choix du recours aux ordonnances sur cette question du traitement des difficultés des entreprises par l’urgence créée par la situation économique et la création de nouveaux dispositifs de financement des entreprises. Le traitement des entreprises en difficulté est un sujet essentiel dans le contexte actuel de crise économique et il conviendrait d’associer le Parlement aux réformes à venir, d’autant plus qu’un important travail de réflexion a été mené dans ce domaine par nos collègues Mme Cécile Untermaier et M. Marcel Bonnot (5).
*
* *
La commission est saisie d’un amendement CE 9 de M. Jean-Charles Taugourdeau.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Puisqu’il s’agit de simplifier la vie des entreprises, empêchons-les de mourir trop vite en mettant fin au monopole des administrateurs et mandataires judiciaires. En France, il y a 60 000 liquidations par an pour 300 000 liquidateurs, chacun ayant en portefeuille une moyenne de 200 entreprises à gérer par an. À l’heure où l’on songe à mettre fin au cumul des mandats, peut-on considérer qu’un mandataire judiciaire, aussi brillant soit-il, soit capable de gérer 200 entreprises en même temps et de les sortir de la mauvaise passe où elles se trouvent ? On abandonne trop facilement les entreprises dans la nasse où elles vont se noyer. Il faut mettre fin au monopole des administrateurs et mandataires judiciaires.
M. le rapporteur pour avis. Même si l’intention est louable, avis défavorable.
M. le président François Brottes. Je partage vos réflexions, malheureusement, ce n’est ni le lieu ni l’heure.
La commission rejette l’amendement CE 9.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 sans modification.
Article 3
Mesures de simplification de la vie juridique des entreprises
L’article 3 regroupe diverses mesures de simplification de la vie juridique des entreprises. Les principales mesures envisagées concernent les conventions réglementées, le régime de rachat des actions de préférence et la réglementation des titres financiers complexes.
Le 1° de l’article 3 concerne les conventions réglementées, régies par l’article L. 225-38 du code de commerce. Ces conventions, qui portent sur les relations entre une société et certains de ses mandataires ou actionnaires ou entre des sociétés ayant des dirigeants communs, sont soumises à une procédure particulière destinée à prévenir les conflits d’intérêt (autorisation préalable du conseil d’administration, établissement d’un rapport par le commissaire aux comptes, approbation par les actionnaires).
L’habilitation vise à exclure du régime des conventions réglementées les conventions conclues entre une société cotée et ses filiales détenues à 100 % au moment de la conclusion de la convention car celles-ci ne présentent pas de risque de conflit d’intérêts. Il est également proposé de créer une obligation d'information des actionnaires sur les conventions conclues entre un dirigeant, un administrateur ou un actionnaire détenant plus de 10 % d’une société mère cotée et une filiale de cette dernière détenue directement ou indirectement.
Ces modifications répondent à des propositions formulées par l’autorité des marchés financiers (AMF) dans un rapport de juillet 2012 sur les assemblées générales de sociétés cotées.
Le 2° de l’article 3 concerne les actions de préférence, régies par les articles L. 228-11 à L. 228-19 du code de commerce. Ces actions dérogent au principe selon lequel une action correspond à une voix et une fraction du dividende, en ce qu’elles peuvent donner droit à des avantages (financiers ou non financiers) ou ne pas conférer de droit de vote. Ce type d’actions a notamment pour objectif d’élargir les sources de financement des entreprises.
Le Gouvernement souhaite clarifier le régime de rachat des actions de préférence, afin de renforcer l’attractivité de ce mode de financement. Il s’agira notamment de définir ce régime au regard des dispositions de la directive 2012/30/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012, et de préciser les affectations possibles des actions de préférence rachetées.
Le 3° concerne les « titres financiers complexes », qui désignent deux catégories de titres :
– les titres de créance innommés, c’est-à-dire non visés dans le code de commerce : warrants, certificats de valeur garantie, titres de créance négociables ;
– les valeurs mobilières complexes au sens des articles L. 228-91 et suivants du code de commerce : valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital ou à l’attribution de titres de créance.
Concernant les titres de créance innommés, l’étude d’impact indique que le Gouvernement souhaite affirmer un principe de libre émission des valeurs mobilières représentatives d’un droit de créance et renvoyer au contrat d’émission la définition du régime de protection du porteur de ces titres.
En matière de valeurs mobilières complexes au sens des articles L. 228-91 et suivants du code de commerce, il est envisagé de limiter la compétence de l’assemblée générale extraordinaire et l’application du régime de protection défini par le code de commerce aux valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital à émettre. Différentes mesures de clarification sont par ailleurs annoncées.
Les autres mesures pour lesquelles des habilitations sont sollicitées à l’article 3 concernent notamment :
– la prolongation du délai de tenue de l’assemblée générale ordinaire dans les SARL ;
– la possibilité pour une EURL d’être l’associée d’une autre EURL ;
– la simplification des formalités relatives à la cession des parts sociales de sociétés en nom collectif et de sociétés à responsabilité limitée.
Votre rapporteur approuve les différentes mesures de simplification proposées. Il souligne en particulier que les mesures relatives aux actions de préférence et aux titres financiers complexes devraient avoir un effet positif sur le développement de ces titres et donc sur le financement des entreprises.
*
* *
La commission examine l’amendement CE 3 de M. Thierry Mandon.
M. Fabrice Verdier. Cet amendement tend à étendre au-delà du rachat des actions de préférence et du sort des actions rachetées le champ d’application s’agissant de ces instruments financiers qui se caractérisent par une grande souplesse. Les actions de préférence permettent, en effet, aux chefs d’entreprise d’ouvrir le capital aux investisseurs sans perdre le pouvoir politique ou financier. Ainsi, les entreprises françaises disposeront d’outils de financement aussi efficaces que ceux dont disposent leurs concurrentes étrangères pour renforcer leurs fonds propres.
Après avis défavorable du rapporteur pour avis, l’amendement CE 3 est retiré.
Puis la commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.
Article 6
Accès au capital des sociétés d’expertise comptable
L’article 6 modifie les conditions de participation au capital des sociétés d’expertise comptable et les conditions d’exercice de la profession.
Les évolutions envisagées concernent tout d’abord l’adaptation de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable aux exigences de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (dite « directive services »).
Il s’agit d’autoriser les sociétés d’expertise comptable établies dans un autre État membre à créer des établissements secondaires en France sans ouvrir leur capital social à des experts comptables inscrits au tableau de l’Ordre français. Il est également prévu de permettre les prises de participation majoritaires de professionnels européens de l’expertise comptable non inscrits à l’Ordre des experts-comptables national. Enfin, l’accession à la profession de ressortissants d’États hors Union européenne, titulaires du diplôme d’expertise comptable français, sera facilitée.
Il est d’autre part envisagé d’assouplir le mode d’exercice de la profession. L’étude d’impact énumère les évolutions envisagées et les articles de l’ordonnance de 1945 concernés :
- modalités de calcul des contributions à l’Ordre des experts-comptables des associations de gestion et de comptabilité (article 7 ter)
- conditions spécifiques en matière de société civile (article 6);
- utilisation de l’appellation de « sociétés d’expertise comptable » (article 18);
- contrôle du fonds de règlement (article 22) ;
- autorisation des honoraires de succès, c’est-à-dire des honoraires fixés en fonction d’objectifs (article 24) ;
- frais financés par les cotisations ordinales (article 31) ;
- approbation des rapports moraux et financiers dans le cadre des congrès nationaux (article 38) ;
- tenue du tableau pour les associations de gestion et de comptabilité (article 40) ;
- délai en matière de notification sur les demandes d’inscription (article 42) ;
- délai d’appel en matière disciplinaire (article 53) ;
- publication des décisions de suspension ou de radiation (article 54).
Votre rapporteur est favorable aux évolutions proposées, qui ont pour objectif la mise en conformité du statut de la profession d’expert-comptable avec le droit européen, ainsi que la modernisation de ce statut. Les mesures envisagées, qui ont été définies à l’issue d’une concertation avec l’Ordre national des experts-comptables, préservent les garanties d’indépendance de cette profession.
Article 10
Gestion des participations de l’État
L’article 10 prévoit de modifier certaines dispositions relatives à la gouvernance des entreprises publiques et des entreprises dans lesquelles l’État détient une participation, ainsi que certaines dispositions concernant la gestion de ces participations.
Les mesures concernant la gouvernance s’inscrivent dans une réflexion plus globale sur la modernisation de l’État actionnaire, qui a fait l’objet d’une communication du ministre de l’économie et des finances et du ministre du redressement productif en Conseil des ministres le 2 août dernier. Les ministres avaient notamment annoncé : « Une réflexion sera engagée sur la modernisation du cadre juridique applicable à l’État actionnaire, afin de lui permettre de disposer d’une capacité d’influence rénovée et clarifiée aux assemblées générales et dans les instances de gouvernance des sociétés dont il détient des participations.
La réflexion portera enfin sur les voies d’amélioration de l’organisation et de la gouvernance de l’État actionnaire. Dans cette perspective, un comité stratégique de l’État actionnaire sera constitué auprès de l’Agence des participations de l’État afin de préciser la doctrine de l’État actionnaire et de l’adapter au fil du temps ; un comité des nominations permettra également d’apporter un éclairage sur les choix de dirigeants et d’administrateurs. »
L’article 10 se limite à faire référence à une modernisation de la gouvernance. L’étude d’impact indique qu’il est envisagé de remédier à certaines difficultés. Sont notamment citées la faiblesse de la représentation de l’État dans les conseils des entreprises qu’il détient à plus de 90 % et l’articulation entre la catégorie des représentants de l’État et celle des personnalités qualifiées dans ces conseils. Le Gouvernement souhaite rapprocher les règles de gouvernance des entreprises dans lesquelles l’État détient une participation du droit commun des sociétés, afin que la position de l’État puisse mieux s’exprimer dans les conseils. Les règles spécifiques concernant la représentation des salariés dans les entreprises publiques seront maintenues.
S’agissant des opérations en capital, l’article 10 mentionne uniquement un objectif de renforcement de l’efficacité de la gestion des participations de l’État. Selon les informations communiquées au rapporteur par le ministère de l’économie et des finances, les mesures envisagées concernent :
– la simplification des règles applicables aux opérations en capital de l’État ;
– l’élargissement du contrôle par la commission des participations et des transferts, notamment en cas de prise de participations : cette commission, créée par la loi n° 86-912 du 6 août 1986 n’est actuellement compétente que pour évaluer les actifs en cas de privatisation.
Votre rapporteur approuve les objectifs de l’habilitation, dans la mesure où les évolutions envisagées visent à renforcer l’efficacité de l’État actionnaire et à mieux encadrer des opérations en capital que l’État souhaite dorénavant mettre en œuvre dans le cadre d’une « gestion active », répondant à des objectifs stratégiques ou patrimoniaux.
Article 13
Expérimentation d’un certificat de projet
Afin de faciliter la réalisation d’un projet d’activité économique et d’aider les porteurs de projet à se prémunir contre les risques d’insécurité juridique, l’article 13 met en place l’expérimentation d’un certificat de projet.
1. Le droit en vigueur : un cadre juridique complexe et mouvant pour les porteurs de projet
La multiplicité des dispositions législatives et leurs nombreuses modifications rendent difficile pour les porteurs de projet la bonne connaissance du cadre juridique en vigueur. La multiplicité des autorisations et la complexité du parcours administratif créent par ailleurs des risques supplémentaires d’insécurité juridique pour les porteurs de projet. Les différentes parties prenantes des États généraux de la modernisation du droit de l’environnement ont souligné ce problème majeur et le besoin légitime de garantie de stabilité juridique. De fait, le temps nécessaire à l’aboutissement d’un projet d’activité économique est souvent jugé comme étant trop long et appelle donc une sécurisation et une simplification de ces démarches.
2. Le contenu du projet de loi : l’expérimentation du certificat de projet
L’objectif de la présente expérimentation est de créer un « certificat de projet » apportant au pétitionnaire une garantie de stabilité juridique dans l’hypothèse où il déposerait un dossier de demande d’autorisation dans les dix-huit mois suivant la délivrance dudit certificat.
L’expérimentation de ce dispositif demandée dans cette habilitation à légiférer par ordonnance prendrait place dans un nombre limité de régions et pour une durée n’excédant pas trois ans. Le certificat de projet serait un document délivré aux porteurs de projet contenant une liste exhaustive des différentes législations applicables à une demande et qui les « cristalliserait », comme cela est déjà le cas pour le certificat d’urbanisme. Le projet d’activité économique recevrait un engagement ferme de l’État et serait opposable aux tiers et à l’administration.
Les alinéas 3 à 6 définissent les éléments que contiendrait ce certificat de projet. Ce certificat rassemblerait :
– la liste des autorisations et des consultations nécessaires ;
– les différentes législations applicables ;
– les conditions de recevabilité et de régularité du dossier ;
– un cadrage des éléments qui devront figurer dans le dossier de demande d’autorisation, tels que des éléments constitutifs de l’étude d’impact environnemental et du champ de l’enquête publique ;
– les servitudes, données et contraintes particulières éventuelles ;
– un engagement de l’État sur le délai pour délivrer les autorisations requises ;
– la mention des effets d’un dépassement éventuel de ce délai.
Les alinéas 7 à 10 précisent que le certificat de projet pourrait avoir valeur de certificat d’urbanisme, comporter une notification de la décision au cas par cas mentionnée au III de l’article L. 122-1 du code de l’environnement et menée par l’autorité administrative de l’État en charge de l’environnement, ou informer le demandeur sur les difficultés déjà identifiées par les services et susceptibles de faire obstacle au projet.
Une garantie au maintien du droit en vigueur est par ailleurs créée, l’alinéa 11 précisant que le certificat de projet pourrait déterminer la date à partir de laquelle et la durée pendant laquelle les dispositions législatives et réglementaires déterminant les conditions de délivrance des autorisations sollicitées ne changent pas.
L’alinéa 12 précise, enfin, que le certificat de projet serait opposable à l’administration et aux tiers et créerait ainsi des droits pour le porteur de projet.
3. La position de votre rapporteur
Votre rapporteur pour avis apporte son soutien à l’expérimentation d’un certificat de projet afin de faciliter et d’accélérer la réalisation de projets d’activité économique. L’idée de rassembler dans une seule procédure les démarches devant être réalisées dans différentes administrations aujourd’hui devrait être une source de gain de temps et de coûts pour l’administration comme pour les porteurs de projet.
Votre rapporteur pour avis souhaite toutefois insister sur la nécessité d’expérimenter rapidement ce dispositif afin de ne pas retarder sa généralisation à l’ensemble du territoire. De fait, si l’expérimentation apparaît comme un processus adéquat afin de permettre à l’administration de s’organiser en conséquence et de corriger les éventuelles faiblesses initiales de ce nouveau dispositif, il convient aussi d’avoir une application généralisée du certificat de projet à court terme. Les différentes consultations menées par votre rapporteur pour avis ont en effet souligné la nécessité d’agir vite afin de sécuriser et de faciliter les démarches des porteurs de projet. La démarche proposée par le gouvernement doit donc être soutenue et mise en place dans un court horizon.
Article 14
Expérimentation d’un permis environnemental unique pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE)
Les procédures, les autorisations environnementales et les autorisations d’urbanisme s’articulent difficilement et rendent les instructions complexes et peu lisibles pour les porteurs de projet. Dans ce contexte, la définition d’un « permis environnemental unique » vise à simplifier les procédures et à faciliter la réalisation de projets d’activité économique.
1. Le droit en vigueur : des procédures complexes appelant une simplification pour les porteurs de projet
Les porteurs de projet doivent actuellement obtenir différentes autorisations environnementales (installations classées, eau, milieux naturels, espèces protégées, paysages …) pour mettre en œuvre un projet. Longues et complexes, ces procédures doivent être effectuées en parallèle et sont sources de lourdeur. Ainsi, les porteurs de projets relatifs aux installations industrielles et agricoles présentant un risque pour l’environnement, la sécurité ou la santé sont soumis à une procédure d’autorisation « installations classées pour la protection de l’environnement » (ICPE), aux termes du titre 1er du livre V du code de l’environnement. Dans certains cas, les porteurs de projet doivent actuellement également déposer plusieurs autres demandes d’autorisation, telles qu’une demande de dérogation de destruction d’espèce protégée, une demande de permis de construire au titre du code de l’urbanisme, une demande d’autorisation de défrichement au titre du code forestier et une demande d’autorisation d’exploiter au titre du code de l’énergie. Ces différentes autorisations sont indépendantes les unes des autres et sont instruites par des services de l’État distincts.
La spécificité des procédures et leur manque de complémentarité rendent nécessaire une approche intégrée, permettant notamment d’alléger la charge de travail supplémentaire et les incompréhensions entre porteurs de projet et services instructeurs.
Des dispositifs de simplification et de sécurisation des démarches à suivre ont été entrepris récemment. Ainsi, la réglementation prévoit notamment que les demandes de permis de construire et d’autorisation d’exploiter soient déposées simultanément. Les préfets ont par ailleurs été encouragés à mettre en place un interlocuteur unique pour les projets éoliens afin d’avoir un seul référent pour l’ensemble des procédures. Davantage de cohérence et de coordination doivent toutefois être recherchées.
2. Le contenu du projet de loi : l’expérimentation du permis environnemental unique
Le double objectif du présent dispositif est à la fois de simplifier les procédures d’instruction tout en rendant plus efficace la protection de l’environnement. L’article 14 met ainsi en place l’expérimentation d’une procédure unique intégrée pour les ICPE conduisant à une décision unique du préfet de département. Cette expérimentation divergerait selon qu’il s’agisse d’installations de production d’énergie renouvelable ou de l’ensemble des ICPE. Elle prendrait place dans un nombre limité de régions et pour une durée n’excédant pas trois ans.
En matière d’installations de production d’énergie renouvelable, les alinéas 2 à 4 prévoient l’expérimentation d’une décision d’autorisation unique construite autour de la procédure d’autorisation ICPE pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent et pour les installations de méthanisation et de production d’électricité à partir de biogaz. Le permis environnemental unique rassemblerait les dispositions du code de l’environnement, du code forestier, du code de l’urbanisme et du code de l’énergie. Afin d’assurer un contrôle attentif des services de l’État sur la bonne prise en compte des réglementations applicables, cette procédure serait au besoin complétée pour y introduire l’ensemble des éléments permettant de garantir la prise en compte des enjeux des autres procédures. La décision unique sur la demande d’autorisation délivrée aux porteurs de projet vaudrait permis de construire et dérogations nécessaires pour la réalisation de leur projet.
Pour l’ensemble des autres projets nécessitant une autorisation ICPE, l’expérimentation consisterait en la mise en place d’un interlocuteur, d’une procédure et d’une décision uniques. L’alinéa 5 prévoit ainsi que le préfet de département délivrerait une autorisation unique regroupant toutes les décisions relevant de l’État au titre du code de l’environnement et du code forestier. Contrairement aux autorisations d’installations de production d’énergie renouvelable, l’autorisation délivrée par le préfet ne contiendrait pas l’autorisation d’urbanisme. L’alinéa 6 précise par ailleurs que, pour les projets ici évoqués, les modalités d’harmonisation des conditions de délivrance de cette autorisation unique et des autres autorisations nécessaires au titre d’autres législations - notamment en matière d’urbanisme - seront déterminées par les ordonnances.
3. La position de votre rapporteur
Votre rapporteur pour avis soutient l’expérimentation d’un permis environnemental unique et la volonté d’accélérer la réalisation de projets. S’il s’est initialement interrogé sur la nécessité de procéder à une expérimentation plutôt qu’à une mise en place immédiate sur l’ensemble du territoire, votre rapporteur pour avis soutient l’idée d’une expérimentation du dispositif en vue de sa généralisation à court terme et après correction des éventuelles faiblesses de ce dispositif.
L’expérimentation permettra en effet de s’assurer de la viabilité du dispositif et de la capacité des services instructeurs à gérer la charge de travail supplémentaire. De fait, la mise en place d’une autorisation unique suscitera initialement une charge plus lourde – à la fois dans les régions et dans les administrations centrales en charge de les piloter – mais créera ensuite des gains significatifs, notamment grâce à la suppression de doublons dans les procédures. Concernant les porteurs de projets, la simplification des procédures accélérera la réalisation des projets et facilitera la communication entre les parties prenantes.
Ce dispositif, permettant de faciliter la réalisation de projets tout en assurant un contrôle effectif sur les réglementations applicables, mérite donc d’être soutenu et offre des perspectives favorables aux porteurs de projets.
*
* *
La commission émet un avis favorable à l’adoption successive des articles 6, 10, 13 et 14 sans modification.
Puis elle émet un avis favorable à l’ensemble des dispositions dont elle est saisie ainsi modifiées.
Cabinet de M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances
– M. Jean Maia, conseiller juridique
– M. Jean-Jacques Barberis, conseiller chargé du financement des entreprises, de la concurrence, de la consommation et des professions libérales
– Mme Maëva Level, conseillère parlementaire
Cabinet de Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du Redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique
– M. François Perret, conseiller petites et moyennes entreprises
Direction générale du trésor
– M. Sébastien Raspiller, sous-directeur, sous-direction du financement des entreprises et marché financier
– M. Mathieu Marceau, adjoint au chef de bureau stabilité financière, comptabilité et gouvernance des entreprises
– Mme Maëlle Foerster, adjointe au chef de bureau épargne et marché financier
– M. Bruno Komly, adjoint au chef de bureau financement et développement des entreprises
– Agence de développement économique du Pays Cœur d'Hérault (syndicat mixte)
– Cabinet d'expert-comptable Ghia
– Cabinet d'expert-comptable Audit A9 Conseil
– Chambre de commerce et d'industrie territoriale (CCIT) de Montpellier
– Chambre des métiers et de l'Artisanat de l'Hérault
– Club des entreprises du Cœur d'Hérault (association)
– Énergies Fluides
– Nueva Onda Production (production musicale)
– Tixéo soft (video professionnelle web conférence)
– Urbasolar (production d’énergie solaire photovoltaïque)
SYNTHÈSE DES CONSULTATIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR Le rapporteur pour avis a consulté différents acteurs économiques de sa circonscription, afin de pouvoir relayer leurs interrogations et leurs attentes. Ce qu’il ressort de ces auditions, c’est un large consensus sur l’utilité de ce projet de loi d’habilitation. Toutefois, si globalement les professionnels consultés sont satisfaits, certains points ont été soulevés. Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision n°2004-510 DC du 20 janvier 2005), l’extension du champ de l’habilitation ne peut résulter d’une initiative parlementaire. Ainsi, les préoccupations des professionnels auditionnés ne peuvent se traduire dans ce texte. C’est pour cette raison qu’il paraissait essentiel au rapporteur de les faire témoigner à travers cette synthèse, afin qu’éventuellement d’autres mesures puissent être mises en place, sous une autre forme que ce projet de loi d’habilitation. Globalement, il faudrait retenir et entendre de la consultation que : Les professionnels se plaignent d’un trop grand nombre de déclarations à faire. Par exemple pour la TVA, certains suggèrent un prélèvement trimestriel forfaitaire sur la base de l’année précédente et une régularisation au réel une fois par an (exemple de la facturation EDF ou du paiement mensualisé de l’impôt sur le revenu). Pour simplifier la vie des entreprises, ils souhaitent une réduction du nombre de portails informatiques et une uniformisation des formats informatiques utilisés pour les déclarations (8 à 10 portails, 3 systèmes…). En outre, les charges sociales pour les entreprises évoluent régulièrement et ne cessent de se complexifier d’année en année. Ce problème d’instabilité normative perdure. Progresser sur ce point serait très grandement apprécié. En résumé, ce qui ressort de la consultation, c’est l’avancée que représente ce projet de loi, mais qui devra être prolongée et complétée. Il faut considérer ce texte comme une étape positive. La simplification administrative doit continuer au-delà. Article 1er Allègement des obligations comptables L’attention du rapporteur a été appelée sur la définition des TPE et des petites entreprises, puisque les seuils retenus en matière comptable sont différents de ceux utilisés dans le domaine statistique. Effectivement, il était utile de préciser la définition retenue, et c’est pour cette raison que le rapporteur pour avis a défendu un amendement en ce sens, qui permettait également de d’aborder la question de la confidentialité des comptes pour les petites entreprises. Cet amendement a été adopté par la Commission des Affaires économiques ainsi que par la Commission des Lois. Certaines entreprises ont exprimé leur souhait que les sanctions pour les entreprises concernées par l’obligation de publication et qui ne publieraient pas leurs comptes soient renforcées, pour éviter toute concurrence déloyale. Développement de la facturation électronique Si le développement de la facturation électronique a très bien été accueilli, des interrogations pratiques se sont posées, comme le fait de savoir si l’envoi d’une facture en format « PDF» par mail est considéré comme une transmission dématérialisée et si les entreprises ne seront pas contraintes de mettre en place un système d’échange de données informatisées. Selon les informations communiquées au rapporteur par le ministère de l’Économie et des finances, il est effectivement possible d’envoyer une facture en format « PDF ». De plus, les entreprises consultées ont souligné la nécessité que cette démarche soit informatiquement simple pour être efficace, et bien sécurisée. Il faut également prendre en compte le retard d’un bon nombre de TPE quant à l’utilisation des TIC, ainsi que l’accès au réseau puisqu’il existe des zones encore mal couvertes, ou encore veiller au niveau d’informatisation nécessaire. En outre, il a été suggéré pour les PME et TPE de revoir ou de supprimer l'obligation d'annonces légales pour certains événements de la vie de l'entreprise : création, modification de la structure juridique etc.... L’obligation de faire ces annonces par support papier crée des délais supplémentaires et a un coût pour l’entreprise. Ainsi, il pourrait être mis en place un dispositif dématérialisé pour faciliter les démarches des entreprises. Développement du financement participatif : La création d’un statut de conseiller en investissement propre au financement participatif a fait apparaître la nécessité de veiller à ce que le dispositif soit réactif afin de ne pas freiner l’entreprise dans son développement ou dans ses projets. Des professionnels ont estimé que pour eux, le conseiller devrait avoir un rôle de simplificateur et de facilitateur. Il devrait également maîtriser la gestion de l’entreprise et ses problématiques. Un acteur économique a suggéré, qu’au-delà des mesures prévues dans le projet de loi, il pourrait être souhaitable de réfléchir à un système de financement des TPE / PME qui se rapproche de l’émission d'obligations, processus traditionnellement réservé aux entreprises d'une certaine taille. Dans le cadre de la recherche de financement à long terme pour assurer son développement, une entreprise a souvent comme seul moyen l'augmentation de son capital et l'intégration de nouveaux associés avec modification de la structure du capital, outil relativement lourd. Ainsi, selon cet acteur, pour le financement d'un projet ou d'un axe de développement de la société, un système de financement axé "grand public" et type "obligations" serait plus souple. Article 2 Il ressort des discussions qu’il pourrait être intéressant d’étendre la notion d'entreprise en difficulté beaucoup plus en amont, notamment au niveau du financement de l'activité. La plupart des difficultés des TPE et PME (en tout cas celles qui ont un marché et ont de vraies capacités à opérer sur celui-ci), proviennent d'un manque de financement. Ce manque de financement, qui est souvent lié à la faiblesse du capital de départ, intervient soit lors du lancement d'une nouvelle activité, soit pour l'amortissement de cycles défavorables de l'activité pour lesquels l'entreprise aurait besoin de fonds pour travailler sereinement, mais se heurte parfois à un refus des banques. Dans ce contexte, la mission du médiateur du crédit n’est pas toujours efficace. L’extension de la notion d’entreprise en difficulté pourrait permettre de traiter en amont le problème et d’éviter le recours au tribunal du commerce. Article 6 Des inquiétudes ont été exprimées sur le manque d’harmonisation des règles déontologiques de la profession d’expert-comptable au sein des pays de l’UE. Certains craignent que des compagnies d’assurances ou des banques détiennent un contrôle sur les cabinets, ce qui créerait un risque de dépendance et de conflits d’intérêt. La transposition du droit européen n’est pas rejetée et est comprise. La question des équivalences de diplôme ou de qualification a été évoquée, ainsi que la nécessité de clarté et de lisibilité pour les chefs d’entreprises. Les professionnels consultés sont favorables à une évolution et à une ouverture mais avec un cadre et des garanties qui n’altèrent pas la qualité du métier. En outre, l’accès facilité au métier d’expert-comptable pour des personnes de nationalité étrangère (hors Union européenne) titulaires d’un diplôme français est considéré comme justifié. Articles 13 et 14 Il a été évoqué la pertinence d’intégrer la région Languedoc-Roussillon, géographiquement diversifiée, et bénéficiant de conditions climatiques favorables, dans les régions expérimentales. En effet, en raison de son dynamisme, il existe différents types de projets pouvant servir de « cas d’école », notamment dans le domaine de l’aménagement d’unités de production d’énergies renouvelables (essentiellement en éolien et en solaire, mais aussi en bois-énergie et en hydraulique sur les zones de montagnes des Pyrénées ou du massif central). |