______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er octobre 2013.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (n° 1376),
PAR M. Pascal TERRASSE
Député.
____
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 1376.
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION 5
I. UNE PÉRENNISATION DU FINANCEMENT À MOYEN ET LONG TERMES 7
A. LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA BRANCHE VIEILLESSE 7
1. Un déficit de court terme non résolu par la réforme de 2010 7
a. Les régimes obligatoires et le régime général 7
b. L’accord AGIRC-ARRCO de 2013 8
c. Le Fonds de solidarité vieillesse 8
2. Le cas spécifique des régimes agricole et des professions libérales 9
3. Un enjeu de long terme 11
1. Les mesures intéressant les employeurs et les actifs 14
2. L’effort des retraités 17
a. Le report de la date de revalorisation des pensions 17
b. La fiscalisation du supplément de pension pour charges de famille 17
D. LA SAUVEGARDE DU SYSTÈME À MOYEN ET LONG TERMES 20
II. UN SYSTÈME MIEUX PILOTÉ ET PLUS ACCESSIBLE 23
A. REDONNER DU SENS AU PILOTAGE DES RÉGIMES DE RETRAITE 23
1. Observer continûment la situation du système de retraites 23
a. Le dispositif actuel manque d’efficacité 23
b. Le projet de loi renforce le dispositif de veille et d’alerte 24
2. Rénover le pilotage des caisses de retraite 26
a. Le renforcement du rôle de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) 26
b. La modernisation de la gestion de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) 27
3. Simplifier le système et améliorer l’accès à l’information pour les assurés 27
B. GARANTIR L’ÉQUITÉ DE NOTRE SYSTÈME DE RETRAITES 28
1. Prévenir et compenser les expositions aux travaux pénibles 28
a. Une meilleure prise en compte de la pénibilité à effets différés 28
b. Le financement de la pénibilité par les entreprises 32
2. Mieux prendre en compte les situations particulières et la diversité des carrières 33
a. Des dispositions en faveur des seniors, des assurés handicapés et des bénéficiaires de petites retraites 33
b. Une attention particulière aux retraites des femmes 38
c. Les mesures en faveur des jeunes 41
d. Des améliorations en direction des chômeurs non indemnisés 42
Le présent projet de loi de réforme des retraites répond à un triple objectif : il vise à donner des perspectives de moyen et de long termes à notre système de retraites avec un effort justement réparti entre tous les acteurs. Il renforce par ailleurs l’équité en prenant mieux en compte les spécificités de nos concitoyens les plus en difficulté et qui n’avaient guère bénéficié de mesures dédiées jusqu’alors.
La situation déficitaire actuelle de la branche vieillesse, que les réformes de 2003 et 2010 n’ont pas réussi à améliorer, exige des mesures de préservation du dispositif à court et moyen termes. Il convient également d’engager une réflexion de fond sur l’organisation de nos régimes afin de leur redonner des perspectives de long terme.
Fort de ce constat, le gouvernement a souhaité recréer une relation de confiance avec les Français sur le dossier des retraites avec une méthode claire et transparente. Dès le mois de juillet 2012, la possibilité de partir à la retraite à 60 ans pour les personnes ayant commencé à travailler jeunes a été rétablie. Dans le même temps un diagnostic a été réalisé par le Conseil d’orientation des retraites au travers de deux rapports, l’un en décembre 2012 et l’autre en janvier 2013. La commission pour l’avenir des retraites, présidée par Mme Yannick Moreau, a ensuite travaillé pendant plus de six mois, explorant toutes les pistes permettant de redresser le système. À l’issue d’une large consultation des partenaires sociaux, le gouvernement a déposé son projet de loi. Comme les réformes précédentes, celle-ci nécessite des ajustements importants dans le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Le calendrier retenu par le gouvernement permet justement d’avoir une vision d’ensemble puisque ces deux textes viendront en discussion immédiatement après le présent projet de loi.
Sur le plan financier, le texte demande un effort égal aux employeurs, aux actifs et aux retraités. Combinées, les mesures de recettes vont permettre de dégager quelque 4,1 milliards d’euros dès 2014 et 11,3 milliards d’euros en 2040, rétablissant ainsi à moyen terme la solvabilité du système avec une perspective d’équilibre désormais crédible.
En parallèle, le gouvernement a souhaité à juste titre revoir la gouvernance du système pour lui redonner sa cohérence et sa lisibilité. Grâce notamment au nouveau comité de surveillance, les pouvoirs publics disposeront des outils adéquats, le comité opérant la synthèse des travaux des structures existantes et faisant des recommandations opérationnelles. Il s’agit bien de préserver et de pérenniser les qualités de nos régimes en évitant qu’un pilotage à vue ne les mette durablement en péril.
Enfin, le projet de loi veille aux problèmes spécifiques des plus fragiles au travers de dispositifs rétablissant et assurant l’équité du système. Outre un effort important pour la prise en compte de la pénibilité, il améliore la situation des femmes, des handicapés, des personnes ayant eu des carrières heurtées, des seniors, des jeunes et des exploitants agricoles. Ces mesures de justice vont permettre de rééquilibrer un système qui se caractérisait par une aggravation des écarts entre les plus favorisés et les plus démunis.
Si la dégradation de la situation financière de la branche vieillesse constatée entre 2008 et 2010 s’est ralentie, l’équilibre apparaît encore comme un horizon de long terme. Par ailleurs, comme le soulignait le Rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’assurance vieillesse en 2012, ce rééquilibrage reste très fragile, les charges continuant à augmenter, ce qui nécessite de maintenir une évolution dynamique des produits (1). Le tableau suivant retrace l’évolution du solde de la branche pour l’ensemble des régimes obligatoires et pour le régime général depuis 2008.
SOLDE DE LA BRANCHE VIEILLESSE
(en milliards d’euros)
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 | |
Ensemble des régimes obligatoires |
– 5,6 |
– 8,2 |
– 10,7 |
– 7,8 |
– 7 |
– 5,4 |
Régime général |
– 5,6 |
– 9,5 |
– 12,2 |
– 6 |
– 5,2 |
– 4 |
Source : annexes 4 des PLFSS.
La structure des ressources de la branche vieillesse fait apparaître une réduction de la part des charges couvertes par les seules cotisations, accentuant le besoin de compensation par d’autres ressources et notamment par l’impôt.
PART DES CHARGES DE LA BRANCHE VIEILLESSE COUVERTES PAR LES COTISATIONS
Régime général |
Salariés agricoles |
Exploitants agricoles |
Fonctionnaires |
Autres régimes | |
2009 |
90,3 % |
49,0 % |
12,7 % |
23,8 % |
48,1 % |
2010 |
89,0 % |
49,6 % |
11,7 % |
25,5 % |
49,4 % |
2011 |
88,7 % |
51,7 % |
11,4 % |
25,5 % |
51,1 % |
Source : programme de qualité et d’efficience « retraites » (annexe 1 du PLFSS 2013).
Dans son rapport au Premier ministre, la commission pour l’avenir des retraites (2) souligne qu’il n’est pas en l’état possible de revenir à l’équilibre de la branche, le déficit du régime général se stabilisant à environ 5 milliards d’euros en 2020. Ces prévisions dépendent en grande partie du contexte économique mais en tout état de cause, le besoin reste évalué à environ un point de PIB d’ici 2020. La reprise économique ne produira ses effets pour la branche qu’à long terme.
Le tableau suivant détaille l’évolution du solde du régime général en tenant compte de la réforme de 2010.
SOLDE PRÉVISIONNEL DE LA CNAV APRÈS LA RÉFORME DE 2010
(en milliards d’euros)
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 | |
Solde avant réforme |
– 9,7 |
– 11,2 |
– 12,4 |
– 13,7 |
– 14,9 |
– 16,2 |
– 17,4 |
– 18,6 |
– 19,7 |
– 21 |
Solde après réforme |
– 6,5 |
– 6,9 |
– 7,3 |
– 6,9 |
– 6,6 |
– 6,2 |
– 5,5 |
– 4,4 |
– 4,2 |
– 5 |
Source : commission pour l’avenir des retraites, juin 2013.
Les partenaires sociaux ont également pris des décisions visant à réduire le déficit des retraites. L’accord interprofessionnel du 13 mars 2013 conclu par les partenaires sociaux gestionnaires des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO prévoit trois mesures qui devraient permettre de réduire de moitié les déficits projetés desdits régimes d’ici à 2020 :
– une augmentation des taux de cotisation contractuels de 0,2 point ;
– une revalorisation des pensions limitée en 2013 à 0,5 % (AGIRC) et 0,8 % (ARRCO) puis à l’évolution de l’inflation moins 1 point en 2014 et 2015 ;
– une valeur d’achat du point suivant les règles de la valeur de service du point en 2014 et 2015.
Cumulées, ces mesures devraient réduire le déficit de 3,9 milliards d’euros en 2017 et de 4,4 milliards d’euros en 2020.
Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est chargé du financement des avantages vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale : il prend en charge les validations de trimestres d’assurance vieillesse au titre du chômage, des périodes d’arrêt maladie, de maternité, d’accident du travail et d’invalidité, le minimum vieillesse et les majorations de pensions. Il participe également au financement du minimum contributif. En 2012, ses dépenses atteignent quelque 23,2 milliards d’euros.
Comme le montre le schéma suivant, le déficit du FSV a progressé depuis 2009 notamment en raison de la dégradation du contexte économique, qui minore les recettes du fonds. Par ailleurs la reprise de dette par la CADES s’est accompagnée d’un transfert à la caisse de 0,2 point de CSG auparavant affecté au FSV.
SOLDE DU COMPTE DU FSV
(en millions d’euros)
Source : annexes 8 des PLFSS.
Les nouvelles recettes affectées en 2010 et 2011 au FSV n’ont pas permis d’améliorer sa situation financière car elles venaient financer de nouvelles dépenses mises à sa charge dans le cadre de l’élargissement de ses missions. La structure des dépenses et des recettes du FSV a été profondément modifiée en 2011 : ses moyens financiers ont été accrus de 3,5 milliards d’euros afin de contribuer au financement du minimum contributif au même niveau, dispositif jusque-là pris en charge directement et en totalité par les régimes.
Avec les hypothèses économiques retenues par la LFSS pour 2013, le déficit du fonds devrait donc se réduire progressivement ; il n’en reste pas moins qu’un retour à l’équilibre ne semble pas envisageable avant 2020, générant un besoin de financement de court terme supplémentaire.
Même si le régime de retraite des exploitants agricoles, géré par la Mutualité sociale agricole (MSA), compte actuellement quelque 1,6 million de retraités disposant de droits directs, il est confronté à une évolution démographique difficile, le nombre de ses cotisants ayant été divisé par deux en vingt ans.
Aujourd’hui le régime de base compte un actif pour 3,1 retraités, contre 0,7 pour le régime général. Selon la Cour des comptes, cette tendance devrait néanmoins connaître une amélioration substantielle à moyen et long termes, le ratio démographique évoluant à 2,8 en 2040 et 1,5 en 2060. En raison du déséquilibre démographique et de la faible capacité contributive des exploitants, les cotisations ne financent que 12,8 % des prestations du régime de base en 2013.
La solidarité inter-régimes (42,2 %), l’État (29,7 % par le biais d’impôts et de taxes affectées) et le Fonds de solidarité vieillesse (4,9 %) complètent les ressources du régime. Pour autant ces apports ne suffisent pas à couvrir tous les besoins ; depuis 2009 la MSA ne couvre que 85 à 90 % de ses dépenses. Ainsi l’endettement de la MSA devrait-il atteindre 3,2 milliards d’euros à la fin de l’année 2013 et ce sans qu’existe la moindre perspective de retour à l’équilibre à court ou moyen terme.
Il convient par ailleurs de souligner que si le régime n’est pas équilibré, il ne parvient pas pour autant à offrir à ses ayants droit des pensions satisfaisantes : la retraite médiane atteint en effet 900 euros pour le régime agricole quand elle est de 1 500 euros pour le régime général.
La Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) ainsi que les dix caisses de retraite (dénommées sections professionnelles) qu’elle fédère, constituent l’organisation autonome d’assurance vieillesse des professions libérales (OAAVPL). les sections, marquées par une forte identité professionnelle, sont historiquement très autonomes. Les régimes propres à chaque section sont ainsi pilotés par leur conseil d’administration et bien que la CNAVPL dispose de quelques prérogatives (avec notamment un pouvoir consultatif sur les statuts, la création et l’évolution des régimes complémentaires), elle les exerce peu.
La réforme de 2003 (3) a profondément modifié le régime d’assurance vieillesse de base des professions libérales en le transformant en un régime proportionnel en points et en créant un régime de base unique.
Mais comme le souligne le dernier rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (4), « l’État doit prendre ses responsabilités pour conduire l’organisation de ces régimes à se réformer, et les accompagner dans des évolutions indispensables. À défaut, le risque serait que la solidarité nationale ne soit sollicitée pour suppléer à moyen terme l’absence de solidarité interprofessionnelle afin de permettre le règlement des retraites de certains professionnels libéraux ».
Le graphique suivant montre le besoin de financement de ces régimes à partir de 2020.
Malgré un rapport démographique encore très favorable, la majorité des régimes de retraite des professions libérales devraient voir celui-ci se dégrader du fait de l’arrivée massive à la retraite des classes d’âge nées après la guerre.
Pour la Cour des comptes, la solvabilité du régime de base des professions libérales ne semble pas assurée au-delà de 2016, malgré une hausse très significative des cotisations décidées pour 2013 et 2014 (5).
Si l’enjeu de moyen terme est déterminant en raison du départ en retraite de la génération du baby boom, il convient également de s’assurer de la solidité du système à plus long terme. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) a établi des projections particulièrement documentées dans son rapport de décembre 2012. Il estime que la progression des dépenses devrait s’infléchir vers le milieu des années 2030 et, compte tenu des hypothèses économiques et des projections démographiques de l’INSEE, la part des dépenses de retraite dans le PIB pourrait diminuer entre 2040 et 2060.
Le tableau suivant détaille le solde financier du système de retraites d’ici à 2060. Il montre que, en l’état et quelles que soient les hypothèses économiques, un retour à l’équilibre est impossible avant 2030. À compter de cette date, les écarts apparaissent de plus en plus prononcés, certaines options permettant d’espérer un retour à un excédent dès 2040 quand d’autres laissent penser que le déficit va continuer à s’aggraver au-delà même de 2060.
SOLDE FINANCIER DU SYSTÈME DE RETRAITE
(HORS PRODUITS ET CHARGES FINANCIÈRES)
En % du PIB |
2011 |
2020 |
2030 |
2040 |
2050 |
2060 | |
Tous régimes (rendements AGIRC-ARRCO constants) |
Scénario A |
– 0,7 % |
– 0,9 % |
– 0,7 % |
– 0,5 % |
– 0,1 % |
0,1 % |
Scénario B |
– 0,9 % |
– 0,9 % |
– 0,9 % |
– 0,7 % |
– 0,6 % | ||
Scénario C |
– 0,9 % |
– 1,4 % |
– 1,6 % |
– 1,5 % |
– 1,5 % | ||
Variante A’ |
– 0,9 % |
– 0,6 % |
– 0,2 % |
0,3 % |
0,5 % | ||
Variante C’ |
– 1,0 % |
– 1,8 % |
– 2,4 % |
– 2,6 % |
– 2,7 % | ||
Tous régimes (rendements AGIRC-ARRCO décroissants) |
Scénario A |
– 0,7 % |
– 0,8 % |
– 0,5 % |
– 0,0 % |
0,6 % |
1,2 % |
Scénario B |
– 0,9 % |
– 0,9 % |
– 0,7 % |
– 0,2 % |
0,2 % | ||
Scénario C |
– 0,9 % |
– 1,4 % |
– 1,4 % |
– 1,1 % |
– 0,7 % | ||
Variante A’ |
– 0,8 % |
– 0,4 % |
0,3 % |
1,1 % |
1,8 % | ||
Variante C’ |
– 0,9 % |
– 1,8 % |
– 2,2 % |
– 2,2 % |
– 2,1 % | ||
En milliards d’euros 2011 |
2011 |
2020 |
2030 |
2040 |
2050 |
2060 | |
Tous régimes (rendements AGIRC-ARRCO constants) |
Scénario A |
– 13,2 |
– 20,2 |
– 20,2 |
– 15,5 |
– 2,9 |
6,3 |
Scénario B |
– 20,9 |
– 26,1 |
– 28,9 |
– 25,9 |
– 26,0 | ||
Scénario C |
– 21,3 |
– 38,1 |
– 48,9 |
– 53,5 |
– 60,7 | ||
Variante A’ |
– 19,8 |
– 16,7 |
– 6,5 |
12,7 |
28,6 | ||
Variante C’ |
– 21,9 |
– 47,7 |
– 69,0 |
– 83,5 |
– 99,5 | ||
Tous régimes (rendements AGIRC-ARRCO décroissants) |
Scénario A |
– 13,2 |
– 19,5 |
– 15,5 |
– 1,7 |
26,6 |
61,2 |
Scénario B |
– 20,5 |
– 23,7 |
– 21,5 |
– 8,0 |
10,0 | ||
Scénario C |
– 20,8 |
– 36,2 |
– 42,9 |
– 38,6 |
– 30,4 | ||
Variante A’ |
– 19,3 |
– 10,7 |
11,6 |
50,4 |
97,4 | ||
Variante C’ |
– 21,6 |
– 46,2 |
– 64,0 |
– 71,3 |
– 74,9 |
Source : maquette COR, 2012.
Le COR précise que les hypothèses de retour à l’équilibre à l’horizon de 2060 reposent sur des prévisions économiques très positives et que par ailleurs ce rééquilibrage se ferait au prix d’une accentuation des écarts de niveau de vie entre les actifs et les retraités. En d’autres termes, l’économie financière du système doit aussi être appréciée au regard du niveau de vie moyen des ayants droit.
Au-delà des différences de systèmes, les pays de l’Union européenne sont tous confrontés à des enjeux similaires essentiellement liés à l’allongement de la durée de vie et à l’entrée dans la retraite de la génération du baby boom. Afin de disposer d’une vision globale, le Rapporteur pour avis a demandé à l’Observatoire des retraites, à des économistes ainsi qu’à la Confédération européenne des syndicats des éléments de comparaison entre les différents États de l’Union.
Le tableau suivant détaille l’évolution des dépenses de retraite par rapport au PIB entre 1999 et 2010.
ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE RETRAITE
État membre |
1999 |
2010 |
Évolution |
Allemagne |
12,97 |
12,83 |
– 1,08 % |
Autriche |
14,32 |
14,99 |
4,68 % |
Belgique |
11,34 |
12,13 |
6,97 % |
Danemark |
10,82 |
12,31 |
13,77 % |
Espagne |
9,61 |
10,75 |
11,86 % |
Estonie |
7,59 |
8,96 |
18,05 % |
Finlande |
11,06 |
12,72 |
15,01 % |
France |
13,36 |
14,4 |
7,78 % |
Grèce |
11,28 |
13,91 |
23,32 % |
Hongrie |
9,02 |
10,96 |
21,51 % |
Irlande |
3,74 |
7,21 |
92,78 % |
Italie |
14,76 |
16,01 |
8,47 % |
Luxembourg |
10,06 |
9,22 |
– 8,35 % |
Malte |
8,4 |
9,95 |
18,45 % |
Pays-Bas |
12,83 |
12,82 |
-0,08 % |
Portugal |
9,69 |
14,22 |
46,75 % |
République Tchèque |
8,25 |
9,2 |
11,52 % |
Royaume-Uni |
11,24 |
12,23 |
8,81 % |
Slovaquie |
7,48 |
8,42 |
12,57 % |
Suède |
11,75 |
12,11 |
3,06 % |
Source : Observatoire des retraites – données Eurostat.
À l’exception de l’Allemagne, du Luxembourg et des Pays-Bas, les dépenses de retraite ont progressé dans tous les pays. Ces écarts ne sauraient cependant donner plus qu’une indication tendancielle tant les systèmes diffèrent. L’Irlande avait par exemple un taux particulièrement bas en 1999, essentiellement pour des raisons démographiques. Sur la même période, la part des dépenses de retraite dans l’ensemble des dépenses sociales apparaît en revanche globalement stable, c’est-à-dire que les dépenses de retraite ont suivi l’évolution générale des dépenses sociales sur la période.
Face à ce constat, tous les pays ont engagé une réforme de leur système de retraite. Ils tendent tous à repousser l’âge de départ à la retraite, directement ou indirectement. Comme le souligne M. Antoine Bozio, chercheur associé à PSE-École d’économie de Paris, « les réformes ont eu une efficacité certaine, en particulier sur la hausse de l’emploi des seniors ». Le report du départ en retraite s’est ainsi traduit une « augmentation de l’emploi des seniors et finalement une plus grande facilité pour se maintenir en emploi. Contrairement à beaucoup de craintes, exprimées notamment en France, sur la menace que le report du départ en retraite des seniors pourrait aggraver la situation de l’emploi, c’est plutôt l’inverse, l’augmentation de l’emploi des seniors qui est allée de pair avec une amélioration générale de l’emploi » (6).
Néanmoins dans nombre de pays, y compris en Allemagne ou en Suède, les effets des réformes sur le niveau de vie des retraités apparaissent avoir des conséquences directes sur le niveau de vie des retraités, et notamment sur celui des plus modestes. L’Observatoire des retraites note ainsi que si « l’équilibre du régime [allemand] s’est amélioré », le « risque de pauvreté chez les retraités a augmenté et une prestation supplémentaire pour les petites retraites semble être à l’étude » (7). De même, la crise de 2008 a entraîné une baisse sensible des pensions suédoises, de l’ordre de 3 % en 2010 et de 4,3 % en 2011.
En termes de financement, l’essentiel de l’effort repose sur les salariés. Économiquement, on peut d’ailleurs considérer que les cotisations des employeurs sont finalement supportées par les salariés car en leur absence, ils pourraient obtenir une augmentation de salaire. La répartition varie beaucoup selon les pays : à titre d’exemple la cotisation des employeurs est plus de trois fois plus importante que celle des salariés en Finlande. À l’inverse, la cotisation salariale slovène est deux fois plus importante que la cotisation patronale. Il convient toutefois de noter qu’aucun système ne parvient à l’équilibre sans un recours plus ou moins prononcé à l’impôt.
En France, l’absence de réponse financière à moyen terme et l’évolution de la structure des ressources nécessitent donc un double effort à la fois en termes de financement et en termes de répartition de l’effort. Le projet de loi va dans ce sens en assurant des perspectives de court et moyen termes au système, tout en répartissant l’effort de façon équitable entre les entreprises, les actifs et les retraités.
À compter de l’année 2014, les cotisations des actifs et des employeurs seront augmentées de 0,15 point puis de 0,05 point supplémentaire par année jusqu’en 2017, soit 0,2 point en 2015, 0,25 en 2016 et finalement 0,3 point en 2017.
Le tableau suivant présente l’impact prévisionnel de cette hausse à moyen et long termes.
IMPACT FINANCIER DE LA HAUSSE DES COTISATIONS
(en milliards d’euros)
2014 |
2020 |
2030 |
2040 | |
Hausse de la cotisation pour les salariés |
1,1 |
2,3 |
2,8 |
3,4 |
Hausse de la cotisation pour les employeurs |
1,1 |
2,3 |
2,8 |
3,4 |
Total |
2,2 |
4,6 |
5,6 |
6,8 |
Source : étude d’impact du projet de loi.
La fixation du taux des cotisations sociales relevant du pouvoir réglementaire, le projet de loi ne comporte aucune disposition spécifique à ce sujet. Il intègre en revanche cette évolution majeure dans le plan de financement de la réforme.
Soucieux de préserver la compétitivité de l’économie et de ne pas alourdir le coût du travail, le Gouvernement a cependant indiqué que le relèvement des cotisations des employeurs serait compensé dans le cadre du projet de loi de finances par une minoration des cotisations d’allocations familiales, le manque à gagner pour la branche famille étant pris en charge par des économies sur le budget de l’État.
Compte tenu de l’arrivée à l’âge de la retraite de la génération du baby boom et de l’allongement de la durée de vie, l’équilibre démographique du système de retraites n’est plus assuré. Le COR estime que 5 retraités pour 10 actifs aujourd’hui, on devrait passer à 7 retraités pour 10 actifs à l’horizon de 2035. La réforme de 2003 avait déjà procédé à un allongement de la durée de cotisation, la portant à 166 trimestres, soit 41,5 années. Le mécanisme alors retenu était par ailleurs complexe puisqu’il renvoyait à un décret les modalités d’application de cet allongement. Il était difficile pour les salariés de se projeter et d’anticiper leur situation. Désormais, l’ensemble du dispositif sera fixé par la loi, gagnant en transparence et en lisibilité.
L’article 2 du projet de loi prévoit un allongement très progressif et calqué sur l’évolution programmée de la durée de vie : entre 2013 et 2035, l’espérance de vie aura progressé de plus de deux ans quand la durée de cotisation sera passée de 41,5 à 43 années. Le tableau suivant détaille le calendrier de mise en œuvre de cette mesure.
CALENDRIER DE L’ALLONGEMENT DE LA DURÉE DE COTISATION
Génération |
Durée taux plein en trimestres |
Durée taux plein en annuités |
Date de liquidation de la pension (à 62 ans) |
|
1956 |
166 |
41,5 |
2018 |
Durée déjà connue |
1957 |
166 |
41,5 |
2019 |
Durée qui sera fixée dès 2013, par décret pris en application de la loi de 2003 |
1958 |
167 |
41,75 |
2020 |
Durée d’assurance qu’il est proposé de fixer à l’avance dans la loi |
1959 |
167 |
41,75 |
2021 | |
1960 |
167 |
41,75 |
2022 | |
1961 |
168 |
42 |
2023 | |
1962 |
168 |
42 |
2024 | |
1963 |
168 |
42 |
2025 | |
1964 |
169 |
42,25 |
2026 | |
1965 |
169 |
42,25 |
2027 | |
1966 |
169 |
42,25 |
2028 | |
1967 |
170 |
42,5 |
2029 | |
1968 |
170 |
42,5 |
2030 | |
1969 |
170 |
42,5 |
2031 | |
1970 |
171 |
42,75 |
2032 | |
1971 |
171 |
42,75 |
2033 | |
1972 |
171 |
42,75 |
2034 | |
À partir de 1973 |
172 |
43 |
2035 |
Source : étude d’impact du projet de loi.
Sur le plan financier, cet allongement aura un double effet : il minorera les dépenses de retraite puisque les salariés travailleront plus longtemps pour percevoir leur retraite à taux plein et, dans le même temps, il favorisera le maintien en emploi des seniors. Selon l’étude d’impact, 60 000 assurés supplémentaires cotiseraient en 2030 et 100 000 en 2040.
Pour l’ensemble des régimes, la mesure se traduira par des recettes supplémentaires de l’ordre de 5,4 milliards d’euros en 2030 et 10,4 milliards en 2040.
Les mesures relatives aux retraités figurent à la fois dans le présent projet de loi et dans le projet de loi de finances pour 2014.
L’article 4 du projet de loi reporte de six mois la date de revalorisation des pensions qui passerait ainsi du 1er avril au 1er octobre de chaque année. Ce report touchera tous les retraités mais proportionnellement à leur revenu de base. L’étude d’impact indique par exemple que pour une revalorisation de 0,9 %, le report induirait un surcoût de 9 euros par mois pendant six mois.
Le Gouvernement souligne dans l’étude d’impact, comme le faisait le rapport de la commission pour l’avenir des retraites, que « le niveau de vie des retraités est aujourd’hui comparable à celui des actifs, sans que pèsent sur les premiers les risques en matière d’emploi et de pouvoir d’achat auxquels sont confrontés les seconds, et notamment les plus jeunes d’entre eux en cette période de crise et de croissance du chômage ».
Par ailleurs, ce décalage s’inscrira davantage dans la logique macro-économique, la revalorisation étant désormais liée aux prévisions d’inflation publiées par le Gouvernement dans le cadre de la préparation des lois de finances.
Les retraités les plus démunis seront toutefois épargnés par cette mesure : le report ne s’appliquera pas au minimum vieillesse (allocation de solidarité aux personnes âgées), pas plus qu’aux pensions d’invalidité de la fonction publique et du régime général ni aux rentes versées au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ces prestations ne constituent pas en effet des pensions au sens strict et sont sans lien avec la logique d’assurance vieillesse : elles relèvent d’une logique de solidarité nationale qui n’entre pas dans le champ de la réforme portée par le projet de loi.
Sur le plan financier, ce report permettra de dégager quelque 800 millions d’euros de recettes dès 2014 pour un objectif de 2,6 milliards d’euros en 2040.
L’article L. 351-12 du code de la sécurité sociale dispose que la pension de retraite « est assortie d’une majoration pour tout assuré de l’un ou l’autre sexe ayant eu un nombre minimum d’enfants ». Ce système est applicable aux fonctionnaires ayant « élevé au moins trois enfants », en application de l’article L. 18 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Le bénéfice de cette mesure varie en fonction des régimes selon des modalités récapitulées dans le tableau ci-après.
MAJORATIONS DES PENSIONS POUR LES PERSONNES
AYANT ÉLEVÉ TROIS ENFANTS OU PLUS
Majoration pour trois enfants |
Majoration par enfant supplémentaire au–delà du troisième | |
Régimes des salariés du privé et assimilés | ||
Régime général et régime agricole |
10 % |
/ |
Régimes complémentaires : |
||
– ARRCO |
5 % |
/ |
– AGIRC |
8 % (1) |
4 % (1) |
– IRCANTEC |
10 % |
5 % |
Régimes des fonctionnaires et régimes spéciaux | ||
– Fonctions publiques (État, CNRACL, FSPOEIE) |
10 % |
5 % |
– IEG |
10 % |
5 % (2) |
– RATP |
10 % |
5 % |
– SNCF |
10 % |
5 % |
– Banque de France |
8,8 % |
4,25 % |
– Mines |
10 % |
/ |
– Marins |
10 % (3) |
5 % |
– CRPCEN |
10 % |
5 % |
– Régime complémentaire RAFP |
Néant |
/ |
Régimes des indépendants | ||
Artisans et commerçants (RSI) : |
||
– Régime de base |
10 % |
/ |
– Régime complémentaire des artisans (ex AVA) |
/ |
/ |
– Régime complémentaire des commerçants (ex ORGANIC) |
/ |
/ |
Professions libérales : |
||
– Régime de base |
Néant |
/ |
– Régimes complémentaires |
10 % (4) |
/ |
Agriculteurs exploitants (MSA) : |
||
– Régime de base |
10 % |
/ |
– Régime complémentaire |
Néant |
/ |
(1) Le montant des majorations est de 10 % pour trois enfants, plus 5 % par enfant plafonné 30 %, mais ces majorations ne s’appliquent qu’à 80 % de la pension.
(2) Cas des enfants handicapés aux IEG : un enfant handicapé donne droit à la majoration de 10 %, et chaque enfant supplémentaire donne droit à + 5 % (+ 10 % si cet enfant supplémentaire est handicapé).
(3) Régime des marins : la charge de deux enfants ouvre droit à une bonification de 5 %.
(4) Existe dans trois des cinq régimes ASV (CARMF, CARCD et CAVP), et dans six des dix régimes complémentaires (CARMF, CARCD, CAVP, CAVAMAC et CIPAV). Ces régimes sont des avantages sociaux complémentaires accordés aux praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés.
Source : Les aides aux familles, rapport de M. Bertrand Fragonard pour le Haut Conseil de la famille, avril 2013.
Dans la majorité des cas, la majoration représente une hausse de 10 % du montant de la pension pour les personnes ayant élevé au moins trois enfants. Dans son rapport d’avril 2013 sur les aides aux familles, le président du Haut conseil de la famille, M. Bertrand Fragonard, indiquait que 8,1 millions de retraités bénéficient de cette majoration, 67 % d’entre eux appartenant au régime général. Les écarts sont néanmoins importants selon les régimes avec un abondement annuel de l’ordre de 199 euros pour les salariés agricoles quand il atteint 658 euros pour le régime général en métropole et 1 178 euros pour les agents des industries électriques et gazières. En 2011, la CNAF a dépensé près de 4,4 milliards d’euros au titre de cette majoration contre seulement 2,9 milliards d’euros en 2009.
Cette majoration bénéficie d’un traitement fiscal spécifique : si elle est assujettie à la CSG et à la CRDS, elle échappe à l’impôt sur le revenu, le 2° ter de l’article 81 du code général des impôts prévoyant qu’elle en est « affranchie ». Le rapport Fragonard estime le coût de cette exonération fiscale à environ 800 millions d’euros par an.
Cette exonération est supprimée par l’article 6 du projet de loi de finances pour 2014, ce qui devrait générer une recette fiscale nouvelle de l’ordre de 1,2 milliard d’euros en 2014 et de 1,7 milliard d’euros à l’horizon de 2040.
Le Rapporteur pour avis estime légitime et nécessaire de revenir sur cette exonération. Il considère néanmoins que ce changement doit d’une part veiller aux effets de seuil pour les retraités les plus modestes, et, d’autre part, s’intégrer à une réflexion plus globale sur les modalités d’octroi d’avantages de retraite pour charges de famille.
L’introduction de la majoration dans le barème risque en effet de créer des effets de seuil particulièrement importants pour les retraités les plus modestes.
En effet, les retraités sont redevables de la CSG et de la CRDS aux taux respectifs de 6,6 % (au lieu de 7,5 % pour les actifs) et de 0,5 % (taux identique à celui des actifs). En sont exonérés les bénéficiaires d’un avantage de vieillesse (ASPA) ou d’invalidité non contributif, sous condition de ressources, ainsi que les personnes dont le revenu fiscal de référence de l’avant-dernière année (2011 pour la CSG et la CRDS de 2013) ne dépasse pas le montant maximal fixé pour avoir droit à l’exonération de taxe d’habitation. Les personnes dont le montant d’impôt sur le revenu ne dépasse pas 61 euros (minimum recouvrable) sont redevables d’une CSG au taux réduit de 3,8 %, intégralement déductible du revenu imposable, tout en restant assujetties à la CRDS au taux normal. Sont exonérés de la taxe d’habitation les titulaires de l’ASPA ainsi que les titulaires d’une allocation supplémentaire d’invalidité. Les veufs de plus de 60 ans sont également exonérés à condition qu’ils ne paient pas l’ISF et que leur revenu soit inférieur à 10 224 euros (pour une part), augmenté de 2 730 euros par demi-part supplémentaire. Par ailleurs, les personnes dont le revenu est inférieur à 24 043 euros bénéficient d’un dégrèvement.
Un retraité de 64 ans percevant une pension de 1 000 euros par mois à quoi s’ajoute une majoration de pension pour charges de famille de 100 euros par mois n’est actuellement pas soumis à l’impôt sur le revenu grâce au mécanisme de la décote, qui annule les 266 euros qu’il aurait dû payer. Dès lors, il ne paie ni CSG, ni CRDS ni taxe d’habitation. Si sa majoration de pension était fiscalisée, toute chose étant égale par ailleurs, son impôt dû serait de 325 euros, dont il faut déduire 318 euros au titre de la décote, soit un reste à payer de 7 euros (non recouvrés). Il ne paiera donc pas d’impôt sur le revenu. Il serait en revanche désormais imposé au titre de la CRDS à 0,5 % et de la CSG à 3,8 %, soit une charge nouvelle de 567 euros. Il serait également passible de la taxe d’habitation et également de la redevance audiovisuelle. La fiscalisation de la majoration de pension risquerait donc d’entraîner un surcoût annuel de l’ordre d’un mois de pension, ce qui apparaît insupportable. Il conviendrait donc d’en lisser les conséquences pour éviter un brutal surcoût pour ces retraités.
Pour l’impôt sur le revenu, le dispositif semble satisfaisant en raison du non-recouvrement d’un impôt inférieur à 61 euros et de l’existence de la décote, revalorisé par l’article 2 du projet de loi de finances pour 2014. Pour la CSG, la CRDS et les impôts locaux, il conviendrait de relever le plafond en dessous duquel la taxe d’habitation n’est pas due, ce qui aurait des conséquences directes sur la CSG et la CRDS (puisque leur paiement est associé à ce seuil). Il faudrait dans ce cas relever le seuil prévu à l’article 1417 du code général des collectivités territoriales. Cette mesure ne pourra intervenir qu’en loi de finances, mais il importe d’ores et déjà de prendre un engagement fort en la matière afin de préserver le pouvoir d’achat des retraités les plus modestes.
Par rapport à une réflexion plus globale sur les avantages familiaux, le Rapporteur pour avis se félicite de l’article 13 du projet de loi, qui prévoit la remise d’un rapport sur l’évolution des droits familiaux afin de mieux compenser les effets sur la carrière et les pensions des femmes de l’arrivée d’enfants au foyer. Il serait néanmoins pertinent de se demander si la majoration proportionnelle est toujours justifiée, dans la mesure où ce mécanisme favorise automatiquement davantage les retraités les plus aisés. Sans revenir sur cet acquis majeur et constitutif de notre politique familiale, il pourrait être par exemple envisagé de forfaitiser cet avantage.
En sus des mesures de recettes, la réforme prévoit également que la branche vieillesse réalise des économies de gestion de l’ordre de 200 millions d’euros à l’horizon de 2020.
L’article 27 du projet de loi prévoit la création d’une structure à même de mieux coordonner et piloter les actions des différents régimes. Ce groupement d’intérêt public, dit « union des institutions et services de retraites » associera l’ensemble des organismes de retraite obligatoire (de base et complémentaire). Il sera chargé d’assurer le pilotage des principaux projets inter-régimes de simplification actuels et futurs (cf. infra). Il s’inscrira dans la continuité des travaux actuels portant notamment sur la construction du répertoire d’échanges inter-régimes de retraite (EIRR) prévu par l’article L. 161-1-6 du code de la sécurité sociale et sur celle répertoire de gestion des carrières unique (RGCU), prévu par l’article L. 161-1-7 du même code. L’objectif est de parvenir à ce que soient unifiées les demandes de retraites pour tous les régimes, avec un point d’entrée unique, sur le modèle de la déclaration de revenus élaborée par le ministère des Finances. En termes financiers, l’étude d’impact n’évalue pas les économies qui seront générées par ces améliorations de fonctionnement. Pour autant, les synergies qu’elles vont dégager auront nécessairement un impact positif à la fois sur le fonctionnement des organismes gestionnaires mais aussi sur l’adhésion des ayants droit au régime. Une meilleure compréhension du système pourrait ainsi permettre de limiter les contentieux ou les procédures de conciliation.
Le projet de loi prévoit également d’aligner la gouvernance des régimes agricole et des professions libérales sur le droit commun afin de gagner en efficacité et en lisibilité. Si ces mesures ne constituent pas des sources directes et immédiates d’économies, elles participent à l’amélioration globale du système et en renforcent l’efficience.
Le tableau suivant récapitule l’impact financier de l’ensemble des mesures de redressement portées par la réforme, qu’elles figurent dans le projet de loi ou dans le projet de loi de finances.
EFFET FINANCIER DES MESURES DE REDRESSEMENT
(tous régimes, en milliards d’euros constants 2011)
2014 |
2020 |
2030 |
2040 | |
Mesures de redressement à court et moyen termes |
4,1 |
8,0 |
9,6 |
11,3 |
Retraités |
(2,0 |
3,2 |
3,7 |
4,2) |
Report indexation au 1er octobre |
0,8 |
1,9 |
2,2 |
2,6 |
Fiscalisation des majorations de pension |
1,2 |
1,3 |
1,5 |
1,7 |
Salariés : Hausse cotisations (0,15 % en 2014 et 0,05 point de 2015 à 2017) |
(1,1 |
2,3 |
2,8 |
3,4) |
Entreprises : Hausse cotisations (0,15 % en 2014 et 0,05 point de 2015 à 2017) |
(1,1 |
2,3 |
2,8 |
3,4) |
Économies de gestion |
– |
0,2 |
0,3 |
0,3 |
Mesure d’allongement de la durée d’assurance après 2020 |
– |
0,0 |
5,4 |
10,4 |
Source : étude d’impact du projet de loi.
Le pilotage des régimes de retraite, ainsi que l’accès des assurés à une information de qualité sur leurs droits à pension, sont deux aspects souvent considérés comme secondaires par rapport aux enjeux relatifs à la durée de cotisation ou au montant des pensions. Le Rapporteur pour avis est au contraire convaincu qu’une gouvernance forte permet de prévenir et d’éviter une évolution déséquilibrée du système. De même, l’information des assurés est un devoir absolu pour les gestionnaires de régimes, étant donné la grande complexité de notre système.
Le présent projet de loi entend redonner à la gouvernance des régimes deux rôles fondamentaux de veille et d’alerte en cas d’écart par rapport à la trajectoire financière prévue.
Selon des analyses menées par le Conseil d’orientation des retraites (8), la quasi-totalité des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), se fondent sur des projections à horizons plus ou moins lointains pour apprécier la viabilité du système de retraites et, le cas échéant, pour engager des réformes. La France s’inscrit dans cette démarche, mais les faiblesses de notre système de suivi et de prospective rendent nécessaire une intervention du législateur.
Dès 1991, dans le Livre blanc sur les retraites présenté à la demande de M. Michel Rocard, l’accent a été mis sur la nécessité de vérifier périodiquement la pertinence des choix. Les analyses et propositions émises au cours de la décennie 1990-2000 ont abouti à la création du Conseil d’orientation des retraites (COR), première instance permanente de suivi des régimes de retraite.
La réforme de 2003 (9) a posé les bases d’un pilotage sur le long terme par la création d’un processus d’adaptation du système à l’allongement de l’espérance de vie. Dans ce but, la commission de garantie des retraites a été mise en place afin d’émettre un avis tous les quatre ans sur une éventuelle modification de la durée d’assurance, en fonction des données économiques, démographiques et financières dont elle dispose. La réforme de 2003 a donc fait de la durée d’assurance tous régimes requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein la principale variable de pilotage du système de retraites, en posant le principe de son évolution au fil des générations jusqu’en 2020.
La réforme de 2010 a créé le comité de pilotage des régimes de retraite (COPILOR). Comme le souligne toutefois l’étude d’impact accompagnant le présent projet de loi, il ne s’est réuni qu’une seule fois en formation plénière et n’a jamais rendu d’avis.
Les principales lacunes du pilotage actuel ont été soulignées par différents travaux du COR (10) ainsi que par le rapport de la commission pour l’avenir des retraites :
– le principe des rendez-vous périodiques (réforme de 2003) peut conduire à faire coïncider le calendrier de pilotage du système de retraites avec d’autres calendriers, politiques ou techniques. Or, la multiplication d’événements aux préoccupations liées et leur télescopage peuvent nuire à la lisibilité du pilotage, voire entraver le bon déroulement de celui-ci. Ce principe, déjà délaissé en 2010, doit donc être définitivement abandonné ;
– l’horizon très limité qui avait été fixé par la réforme de 2010 ne donne pas non plus satisfaction. La loi prévoyait en effet un rendez-vous majeur en 2018, date projetée du retour à l’équilibre ;
– enfin, les différentes structures existantes ne sont pas suffisamment opérationnelles pour assurer leur rôle d’instances de synthèse et de proposition.
Pour ces raisons, l’article 3 du projet de loi rénove en profondeur notre structure de pilotage en créant le Comité de surveillance des retraites, et en supprimant le COPILOR et la Caisse de garantie des retraites.
Le mécanisme proposé se décompose en trois étapes :
– un état des lieux annuel, publié le 15 juin au plus tard, sera réalisé par le COR, sur la base d’indicateurs de suivi qui seront réglementairement définis ;
– le Comité de surveillance émettra, sur la base notamment de ce rapport et avant le 15 juillet, un avis relatif, d’une part aux écarts de pension entre les hommes et les femmes, et, d’autre part, aux mesures éventuelles qu’il conviendrait de mettre en place afin de respecter les objectifs fixés par la loi pour le système de retraites. Si le comité constate que notre système s’écarte des objectifs d’équilibre financier et de justice sociale qui lui sont assignés, il pourra donc formuler dans son avis annuel des recommandations. Cependant, ces recommandations, lorsqu’elles porteront sur les taux de cotisation ou le taux de remplacement, s’inscriront dans des fourchettes ultérieurement fixées par décret ;
– le projet de loi prévoit que les recommandations du Comité de surveillance peuvent notamment porter sur des transferts du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) vers les différents régimes. À cet égard, le Rapporteur pour avis insiste sur la nécessité de ne pas déstabiliser le fonds par des mouvements de trésorerie trop importants. Lors de l’audition des membres du directoire du FRR (11), il a été précisé qu’une augmentation significative du passif du fonds (12) modifierait sensiblement ses allocations stratégiques, entraînant une forte diminution de la rentabilité de ses placements (13). La seule souplesse concédée par les responsables du fonds consisterait en une modification des modalités de rétrocession des 4 milliards d’euros à la CNAV en 2020. Selon le rapport d’activité 2012 du fonds, la valeur nette des actifs du FRR a augmenté de 1,5 milliard d’euros durant cet exercice, malgré le versement de 2,1 milliards à la CADES, pour atteindre 36,6 milliards au 31 décembre 2012.
Le graphique suivant permet de visualiser l’évolution de l’actif net du FRR depuis 2004.
ÉVOLUTION DE L’ACTIF NET DU FRR
Source : Rapport d’activité 2012 du FRR.
Le projet de loi précise ensuite que « le Gouvernement, après consultation des partenaires sociaux, remet au Parlement les suites qu’il entend donner aux recommandations ». Alors que certains pays comme le Canada ou la Suède s’appuient sur les résultats des projections pour, en cas de déséquilibres constatés, intervenir via des mécanismes de pilotage automatique (14), le Gouvernement a choisi de ne pas conférer de conséquences automatiques aux projections énoncées par les organismes d’analyse ou d’alerte que sont le COR et le nouveau Comité de surveillance. Le Rapporteur pour avis se félicite de ce choix. En effet, il convient de laisser toute latitude au Parlement et au Gouvernement, pour agir sur les paramètres de notre système de retraites, en fonction du contexte socio-économique. Par ailleurs, il arrive souvent que le caractère automatique des dispositifs existant à l’étranger soit remis en cause, en particulier en cas de crise, par exemple afin de favoriser la croissance.
Sur un plan formel, le Rapporteur pour avis proposera une modification de l’intitulé de ce nouvel organisme, afin que sa dénomination reflète davantage les missions qui lui sont confiées.
L’article 31 du projet de loi vise à conforter la CCMSA dans sa fonction de pilotage du régime complémentaire obligatoire de retraite des exploitants agricoles (RCO). Il modifie et précise la mission du conseil d’administration de la CCMSA. Actuellement, et contrairement aux autres régimes complémentaires professionnels, la CCMSA ne s’occupe que de la gestion administrative du RCO, ainsi que de la gestion de sa trésorerie. Le présent projet de loi propose donc que la CCSMA puisse suggérer une évolution des paramètres du régime, sur la base d’un rapport détaillant la situation financière et les perspectives d’équilibre du RCO, et transmis tous les trois ans aux ministres concernés. Ce rapport pourra s’accompagner de recommandations, notamment quant à l’évolution des valeurs de service ou d’achat du point de retraite ou du taux de cotisations. Tout comme ce qui prévaut pour le comité de surveillance, le conseil d’administration de la CCMSA ne pourra suggérer des modifications excédant des plafonds fixés par décret en Conseil d’État.
Selon les derniers chiffres publiés (15), le RCO des non-salariés agricoles compte 506 549 bénéficiaires au 31 décembre 2012, dont 436 147 bénéficiaires de droits personnels seulement, 59 383 personnes bénéficiaires d’un droit de réversion seul et 11 019 bénéficiaires d’un droit personnel et d’un droit de réversion. L’amélioration de la gouvernance de la CCMSA bénéficiera donc à une part significative de la population agricole.
b. La modernisation de la gestion de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL)
Afin de permettre aux régimes des professions libérales de relever les défis démographiques et financiers qui l’attendent d’ici à 2040, le présent projet de loi prévoit un renforcement de la tutelle de l’État sur la CNAVPL, ainsi qu’un contrôle plus important de cette dernière vis-à-vis des sections professionnelles.
Ainsi, l’article 32 du projet de loi prévoit que le directeur du conseil d’administration de la CNAVPL, actuellement élu par ce conseil, sera désormais nommé par décret pour une durée de six ans, après avis du conseil d’administration. Ce même article impose la conclusion d’un contrat pluriannuel entre l’État et la CNAVPL, décliné en contrats de gestion entre la caisse et les sections. Enfin, l’article précité soumet les statuts des sections professionnelles à un statut-type approuvé par décret et validé par le conseil d’administration de la CNAVPL.
Le Rapporteur pour avis se félicite de la mise en application des recommandations du COR et de la Cour des comptes. Cependant, il aurait été de bonne pratique de consulter préalablement les responsables des caisses de retraite concernés, étant donné l’ampleur des changements apportés par le présent texte.
Le projet de loi comporte diverses mesures visant à élever le niveau des services rendus à l’usager, pour améliorer sa compréhension du système de retraites et lui offrir une meilleure connaissance de ses droits.
L’article 26 crée ainsi un véritable droit à l’information sur le régime de retraite par répartition, en offrant un service en ligne auprès duquel l’assuré aura accès à tout moment à un relevé actualisé de sa situation.
L’étude d’impact accompagnant le projet de loi annonce également la mise en place d’un compte individuel de retraite qui simplifiera les démarches des assurés lors de liquidation de la retraite.
L’article 27 procède à la création d’un nouveau groupement d’intérêt public dénommé « union des institutions et services de retraites », qui remplace dans le code de la sécurité sociale le répertoire national des retraites et des pensions. Selon le texte du projet de loi, « l’union assure le pilotage stratégique de l’ensemble des projets de coordination, de simplification et de mutualisation ayant pour objet d’améliorer les relations des régimes avec leurs usagers ». Elle a pour vocation de se substituer à terme au GIP Info retraites.
L’article 28 met en place pour les poly-pensionnés un calcul unique de la pension relevant du régime général et des régimes alignés.
Enfin, il convient de souligner que l’article 30 du présent projet de loi entend mettre à disposition du citoyen une meilleure information sur les retraites dans la fonction publique en instaurant un débat annuel sur ce sujet.
Si ces mesures de clarification n’ont pas d’impact financier direct, elles participent cependant à une meilleure compréhension et à une plus grande acceptation du système par les assurés.
Le titre II du présent projet de loi, qui s’intitule « Rendre le système plus juste », reflète la grande ambition sociale de ce texte. Au même titre que le redressement financier du régime, ces différentes mesures en direction des assurés sont un impératif indiscutable. Il s’agit, comme le précise l’exposé des motifs, d’atténuer les différences les plus importantes existant entre les assurés, tant il est vrai que les carrières et les parcours professionnels peuvent être diversifiés.
Améliorer de façon certaine la situation des personnes exerçant un métier difficile est sans conteste l’avancée majeure du texte en termes d’équité et de justice sociale. Le texte met en place un puissant levier pour la prévention de la pénibilité, tout en octroyant une vraie réparation pour les personnes exposées.
Le dispositif de compensation de la pénibilité créé par la loi de 2010 (16) bénéficie aux personnes pouvant justifier d’un taux d’incapacité permanente au moins égal à 10 %, au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle. En deçà d’un taux de 20 %, l’accès au dispositif est réservé aux assurés qui ont été exposés à certaines conditions de travail considérées comme pénibles (et désormais énumérées dans le code du travail), pendant au moins dix-sept ans.
Ainsi, seuls les assurés présentant de graves atteintes à la santé avant 60 ans, atteintes dont l’origine professionnelle a été reconnue, peuvent être concernés.
L’étude d’impact accompagnant le projet de loi de 2010 précisait que le dispositif mis en place concernerait 10 000 personnes par an à partir de juillet 2011, date d’entrée en vigueur de la mesure, pour un coût estimé à 40 millions d’euros en 2012 et 100 millions d’euros en 2015. Après 2018, année de fin de montée en charge du dispositif, ces dépenses auraient dû atteindre 200 millions d’euros par an. Le financement, à charge uniquement des employeurs, devait être assuré par une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP).
Cependant, selon les chiffres de la CNAV, arrêtés fin août 2013, les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) n’ont réceptionné que 9 238 demandes, dont 1 515 ont d’ores et déjà été rejetées (17). Au total, ce sont seulement 6 359 assurés qui ont effectivement pu partir plus tôt à la retraite.
Les conditions très restrictives, ainsi que la concurrence avec le mécanisme plus connu de retraite anticipée pour longue carrière (RAPLC) expliquent le faible nombre de dossiers déposés.
Selon le rapport de M. Christian Paul sur le PLFSS 2013 (18), la contribution à la CNAV au titre du financement du dispositif pénibilité de 2010 avait été fixée à 35 millions d’euros en 2011 et à 110 millions d’euros en 2012.
Or, le coût réel du dispositif n’a pas dépassé 1,7 million d’euros en 2011 et est estimé à 12,2 millions d’euros pour 2012. Le montant du reliquat suffisant à couvrir le coût réel du dispositif pour 2013, aucune contribution de la branche AT-MP n’a d’ailleurs été prévue pour 2013.
La commission sur l’avenir des retraites a donc suggéré de modifier le dispositif afin de prendre en compte la dégradation générale de l’état de santé du travailleur pouvant réduire son espérance de vie, avant même l’apparition de toute lésion ou maladie.
Comme l’avait déjà souligné M. Jean-Jacques Jégou en 2010 (19), la problématique de la pénibilité ne relève pas prioritairement des systèmes de retraite, mais davantage des conditions de travail.
Le présent projet de loi confirme cette analyse en insérant les dispositions relatives au traitement de la pénibilité au sein de la quatrième partie du code du travail intitulée « Santé et sécurité au travail ».
En faisant évoluer les mesures relatives à la fiche de prévention des expositions d’une part (article 5), et en complétant l’obligation de négocier en faveur de la prévention de la pénibilité d’autre part (article 8), le projet de loi favorise une meilleure gestion des parcours professionnels en lien avec le suivi de la santé des salariés.
La principale disposition du texte consiste en la création, à l’article 6, d’un compte personnel de prévention de la pénibilité.
Ce compte est ouvert uniquement aux salariés du secteur privé, ou aux travailleurs employés par des personnes de droit public dans les conditions du droit privé. Le Gouvernement a en effet estimé que les régimes spéciaux intégraient les questions de la pénibilité par leurs règles spécifiques, et que dans la fonction publique, la pénibilité était en partie prise en compte par le classement d’emplois en catégories actives.
Cependant, dans la droite ligne des observations du rapport de la commission sur l’avenir des retraites, le Rapporteur pour avis estime qu’une réflexion sur la pénibilité dans la fonction publique devra nécessairement s’engager à l’issue des travaux sur le présent projet de loi. En effet, des différences de traitement entre deux travailleurs exposés aux mêmes facteurs de pénibilité mais relevant d’un statut différent risquent de créer des injustices qu’il conviendra de corriger. Le débat annoncé à l’article 31 pourra efficacement alimenter une réflexion sur ce point, tout comme la concertation annoncée par le Gouvernement pour 2014.
Le principe de ce compte repose sur l’attribution de points en cas d’exposition à au moins un des facteurs mentionnés à l’article D. 4121-5 du code du travail (20), et à la condition de dépasser des seuils d’exposition définis par décret.
La question de ce seuil est primordiale puisqu’elle conditionne le nombre de salariés qui seront effectivement concernés. En fonction des taux retenus, l’impact de la mesure pourra être extrêmement variable. Le Rapporteur pour avis regrette donc de ne pas disposer, à ce jour, d’indications plus précises concernant les seuils qui seront retenus in fine.
S’il réunit les conditions, le salarié verra son compte crédité d’un point par trimestre d’exposition (deux en cas de multi-expositions), 10 points étant nécessaires pour se constituer des droits (21). En ce qui concerne l’objectif de prévention, ces points pourront être utilisés pour suivre une formation permettant au salarié d’accéder à un emploi non pénible, une partie des points devant d’ailleurs impérativement être affectée à cet objectif (22).
L’étude d’impact renvoie la mise en œuvre opérationnelle du dispositif à la négociation nationale interprofessionnelle qui trouvera une traduction législative lors de la réforme de la formation professionnelle, annoncée pour la fin de l’année 2013.
Par ailleurs, de nombreuses questions sont renvoyées au pouvoir réglementaire : les seuils d’exposition, les âges à compter desquels le salarié peut demander à faire usage de ses points pour passer à temps partiel ou financer une majoration de durée d’assurance, ou encore le barème de point spécifique à chaque utilisation du compte.
L’articulation du dispositif avec le compte individuel de formation créé par la loi du 14 juin 2013 (23) et la conversion de points de pénibilité en trimestres de formation, devront clairement être précisées par voie réglementaire, afin de ne pas complexifier le système existant, ce qui nuirait à son efficacité.
Le Rapporteur pour avis salue l’élargissement du champ d’appréciation de la pénibilité, qui ne se déclare qu’après l’ouverture des droits à la retraite.
Outre la conversion des points en heures de formation, le salarié pourra également décider d’en faire usage afin de demander un passage à temps partiel en fin de carrière, avec maintien de sa rémunération, ou bien pour racheter des trimestres de retraite.
L’étude d’impact précise que 10 points accumulés ouvrent droit à un trimestre de l’une ou l’autre modalité de consommation des points. Le document précise également qu’un maximum de 100 points pourra être capitalisé par un salarié. Cela signifie qu’un salarié pourra financer au maximum deux années de temps partiel ou bien avancer son départ en retraite à taux plein de deux années également.
Le texte précise que ce compte pénibilité sera géré par la CNAV et le réseau des CARSAT. Cette charge supplémentaire, conséquente, semble difficilement compatible avec les économies de gestion demandées aux caisses.
Le compte individuel de prévention de la pénibilité entrera en vigueur le 1er janvier 2015.
L’étude d’impact fournit une évaluation du nombre de salariés qui seraient concernés, fondée sur une extrapolation des comportements actuels en matière de recours à la formation et au temps partiel. La mesure pourrait ainsi bénéficier à 18,2 % des actifs concernés, soit 3,3 millions de salariés.
D’après les estimations du Gouvernement, vingt ans après l’entrée en vigueur du dispositif, 300 000 personnes utiliseraient chaque année des points accumulés sur leur compte.
Le coût du dispositif est estimé à environ 500 millions d’euros en 2020, 2 milliards d’euros en 2030 et 2,5 milliards d’euros en 2040.
L’article 6 du présent projet de loi institue un fonds spécial chargé du financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité.
Les recettes de ce fonds pourront avoir trois origines :
– la première source de financement sera constituée d’une cotisation due par les entreprises dont les salariés entrent dans le champ du dispositif, mais qui ne réunissent pas forcément les conditions pour en bénéficier. Le texte prévoit que le taux de cette cotisation, fixé par décret, ne pourra être supérieur à 0,2 % des rémunérations ;
– la deuxième source de financement sera constituée d’une cotisation supplémentaire des entreprises exposant au moins un de leurs salariés à la pénibilité telle que définie par le code du travail et complétée par les décrets d’application à venir. Cette cotisation sera comprise entre 0,3 et 0,8 % des rémunérations. Le taux pourra être compris entre 0,6 et 1,6 % pour les salariés exposés à plusieurs facteurs de pénibilité. L’assiette de ces deux cotisations sera identique à celle des cotisations de sécurité sociale. L’étude d’impact précise qu’elles n’entreront pas dans le champ des allégements généraux (« réduction Fillon ») définis à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. Le rendement de ces cotisations additionnelles sera de l’ordre de 500 millions d’euros d’ici à 2020, pour atteindre 800 millions d’euros en 2040 ;
– afin de faire face à la dépense prévue à 2,5 milliards d’euros, l’équilibre du fonds pourra enfin être assuré par toute autre recette. Cette dernière source de financement reste peu précise et ne permet pas au Parlement d’avoir une vision globale et à long terme de l’équilibre financier de cette mesure.
Ces recettes permettront le financement des actions de formation professionnelle, des aménagements de carrière et des majorations de droits à retraite, mais également des frais d’expertise liés aux réclamations des salariés, ainsi que des frais de gestion du compte pénibilité.
a. Des dispositions en faveur des seniors, des assurés handicapés et des bénéficiaires de petites retraites
L’article 11 du projet de loi vise à améliorer l’attractivité de la retraite progressive en abaissant l’âge à partir duquel les assurés pourront entrer en temps partiel retraite, de 62 à 60 ans. La durée d’assurance requise, actuellement fixée à 150 trimestres, sera déterminée par décret en élargissant son périmètre à l’ensemble des régimes.
Pour l’année 2012, l’impact financier de la retraite progressive s’est élevé à 12,5 millions d’euros dans le régime général. Le dispositif proposé engendrera nécessairement un surcoût pour les caisses de retraite. Mais le Gouvernement s’appuie sur des prévisions d’externalités positives et sur la marginalité actuelle du dispositif pour établir la prévision d’un quintuplement des effectifs ayant recours à cette mesure, entraînant une dépense de l’ordre de 50 millions d’euros en 2017.
L’article 12 du projet vise à simplifier les règles du cumul emploi-retraite pour renforcer le principe de solidarité des cotisations.
Actuellement, un travailleur qui reprend une activité au sein d’un groupe de régime différent de celui dans lequel il a liquidé sa pension de retraite peut se constituer de nouveaux droits. Ce n’est en revanche pas le cas lorsque la reprise de l’activité s’effectue au sein du même groupe de régimes.
Selon une évaluation réalisée par l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), 100 000 personnes en 2011 ont pu se créer de nouveaux droits à la retraite (24). Cette situation d’inégalité est corrigée par l’article 12, qui met fin à la notion de groupe de régimes et généralise le principe de la cotisation non génératrice de nouveaux droits.
L’étude d’impact chiffre le rendement positif de la mesure à 30 millions d’euros de moindre dépense pour les régimes de base l’année de l’entrée en vigueur et 450 millions d’euros au terme de la montée en charge.
Le tableau suivant retrace l’évolution des économies attendues :
IMPACT FINANCIER EN DROITS CONSTATÉS
(en millions d’euros constants 2011)
2015 |
2020 |
2030 |
2040 | |
Moindres prestations à verser |
31 |
161 |
360 |
453 |
Source : étude d’impact du projet de loi.
Le Rapporteur pour avis est particulièrement sensible à la généralisation d’un système interdisant la constitution de nouveaux droits. Il estime en revanche nécessaire de préciser le dispositif retenu, notamment avec un plafonnement inter-régimes des rémunérations pouvant être retirées du cumul emploi-retraite.
Le renforcement de la solidarité en faveur de la population agricole est également un engagement du Président de la République que le présent projet de loi vient concrétiser. Le rapport 2013 de la Cour des comptes sur l’application de des lois de financement de la sécurité sociale souligne d’ailleurs que malgré des revalorisations successives, le régime des exploitants agricoles fournit des pensions de retraite peu élevées. Même si les prestations du régime de base ont progressé de 2,6 % par an en moyenne entre 2005 et 2013 par le biais, notamment, de revalorisations, la retraite globale médiane des exploitants agricoles, 900 euros, est pourtant beaucoup plus faible que celle des retraités du régime général (1 500 euros en moyenne).
L’article 22 offre la garantie, pour les chefs d’exploitation ayant effectué une carrière complète, d’une pension minimale de 75 % du SMIC par la création d’un complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire.
Le coût de la mesure est évalué à 72 millions d’euros en 2015, 109 millions d’euros en 2016 et 146 millions d’euros en 2017. Le coût serait relativement stable jusqu’en 2030 (161 millions d’euros en 2030) sous la conjugaison de deux phénomènes aux effets contraires : l’accroissement du complément différentiel et l’érosion des effectifs au 1er janvier 2015. Par la suite, le coût augmenterait de l’ordre de 3 % par an pour atteindre 220 millions d’euros en 2040, sous l’hypothèse d’une évolution annuelle du SMIC supérieure de 0,5 point à celle de l’inflation (hypothèse d’inflation annuelle de 1,75 % et progression annuelle du SMIC de 2,25 %) (25).
238 000 personnes seraient concernées par la mesure en 2015. En flux, 5 000 à 7 000 personnes (40 % des effectifs) en bénéficieraient par la suite.
L’estimation du coût de la mesure est très sensible aux hypothèses d’évolution du SMIC et des prix. Si l’écart de 0,5 point retenu était réduit de moitié, le coût de la mesure s’établirait aux alentours de 160 millions d’euros en 2040.
L’article 21 permet par ailleurs trois avancées majeures :
– d’une part, l’attribution de droits aux conjoints et aides familiaux au titre des années antérieures à la création du régime complémentaire. L’impact de cette mesure est évalué à partir de la base des données exhaustive des retraités non-salariés agricoles de la Caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA) au 31 décembre 2011. Sur les effectifs 2011, son coût global s’élève à 163 millions d’euros (valeur 2011) et le nombre de bénéficiaires s’élève à 557 000 ;
– d’autre part, l’attribution d’une réversion des points de retraite complémentaire obligatoire attribués à titre gratuit aux chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole décédés à compter du 1er janvier 2003 sans avoir procédé à la liquidation de leurs droits à pension. Le coût de la mesure est estimé à 1,8 million d’euros en 2014, puis à environ 0,2 million d’euros supplémentaires par an par la suite ;
– enfin, une extension de l’option des droits combinés au régime de retraite complémentaire obligatoire. Rappelons que le dispositif des droits combinés permet au conjoint survivant d’un chef d’exploitation décédé en activité d’ajouter les annuités acquises par le défunt à ses propres annuités, lorsqu’il reprend l’exploitation. Le coût de la mesure, très faible, est estimé à 56 000 euros par an à partir de 2014.
L’article 20 supprime la condition de durée de 17,5 ans pour bénéficier de la pension majorée de référence. Les non-salariés agricoles bénéficient depuis le 1er janvier 2009 d’un dispositif spécifique de majoration des pensions de retraite dite « pension majorée de référence » (PMR) servies par le régime d’assurance vieillesse des personnes non-salariées agricoles. Pour en bénéficier cependant, les assurés doivent justifier d’une durée minimale d’assurance dans le régime des personnes non-salariées agricoles de 17,5 années. La mesure consiste à supprimer la clause de stage de 17,5 ans, pour les pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2014. L’impact financier pour le régime des exploitants agricoles est retracé dans le tableau ci-après :
IMPACT FINANCIER EN DROITS CONSTATÉS
(en millions d’euros constants 2011)
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 | |
Coût |
- |
0,15 |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
Source : étude d’impact du projet de loi.
L’étude d’impact chiffre le bloc de mesures à destination des retraites agricoles (articles 20, 21 et 22 du projet de loi) à « une dépense intégralement financée, estimée à 200 millions d’euros en 2020 et à 300 millions d’euros en 2040 ».
Il convient de noter que le financement de ces dispositifs sera présenté dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. L’étude d’impact précise sur ce point que le financement sera notamment assuré par « la suppression de schémas classiques et répandus de minoration de l’assiette sociale par le biais de recours à des formes sociétaires adaptées » (26).
Le Rapporteur pour avis se félicite de la concrétisation des engagements présidentiels en faveur des petites retraites agricoles. Le coût des mesures présentées devra cependant être clairement retracé au sein du prochain PLFSS.
Le Rapporteur pour avis tient à rappeler ici les recommandations de la Cour des comptes appelant à sécuriser les autres sources financement du régime autres que celles issues des cotisations. L’endettement du régime des exploitants agricoles devrait atteindre 3,2 milliards d’euros fin 2013. Pour financer son déficit, la CCMSA est en outre contrainte d’emprunter à des taux plus élevés que les autres emprunteurs publics.
En réponse à ces observations, le ministère a rappelé que l’État a consenti ces dernières années d’importants efforts financiers pour résorber les déficits successifs du régime de protection sociale des non-salariés agricoles. 11 milliards d’euros de dettes cumulées ont été pris en charge par l’État depuis 2005 dont près de 5 milliards d’euros au titre des déficits vieillesse. L’État a apporté, par ailleurs, des ressources supplémentaires au régime vieillesse des non-salariés agricoles, en renchérissant en 2012 et 2013 les taxes sur les alcools qui lui sont affectées. Le relèvement de la fiscalité sur les alcools permet d’apporter près de 550 millions d’euros d’impôts et taxes affectés supplémentaires au régime et de réduire son déficit structurel annuel de 40 %, passant de 1,2 milliard d’euros en 2011 à 0,6 milliard d’euros en 2013 selon les dernières prévisions de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole.
Le Gouvernement reste conscient que la question du déficit structurel demeurant, d’autres mesures de financement seront nécessaires pour résorber le passif de financement qui se reconstitue, et assurer un équilibre financier pérenne.
Le projet de loi propose quatre mesures destinées à améliorer la prise en considération du handicap par la retraite : il repose sur une approche globale qui valorise tant les périodes d’activité des assurés handicapés, que la mobilisation de leurs proches.
Deux d’entre elles sont tournées vers les assurés handicapés et permettent de mieux valoriser leurs périodes d’affiliation à l’assurance vieillesse, afin de leur permettre de partir plus tôt :
L’article 23 propose de remplacer, pour le bénéfice de la retraite anticipée des travailleurs handicapés, le critère de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, peu opérant, par le taux d’incapacité permanente (IP) de 50 %, tel qu’il est déterminé par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Cette mesure permettrait ainsi de prendre en compte les périodes pendant lesquelles l’assuré pouvait justifier d’un handicap lourd (50 % de taux d’IP) sans avoir pour autant demandé une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) qui pouvait alors passer pour stigmatisante. Malgré la difficulté de connaître avec précision le nombre d’assurés qui auraient pu demander et obtenir la RQTH, mais n’ont pas fait la démarche, le Gouvernement envisage un quasi-doublement du nombre de bénéficiaires de cette retraite anticipée – soit 1 000 attributions supplémentaires chaque année, conduisant à terme à une dépense annuelle supplémentaire d’environ 20 millions d’euros.
Le Rapporteur pour avis s’interroge cependant sur la cohérence du chiffrage ainsi retenu. En effet, l’étude d’impact précise que pour l’année 2012, le coût de la retraite anticipée pour le seul régime général s’est élevé à 35 millions d’euros, pour 2 000 personnes bénéficiant du dispositif. Or, la mesure existe depuis 2003 (27) avec un flux annuel de 1 000 bénéficiaires supplémentaires. Le nombre total de bénéficiaires est donc vraisemblablement supérieur aux estimations de l’étude d’impact. Il conviendra donc de préciser durant le débat parlementaire à la fois le périmètre et le coût de cette mesure.
L’article 24 abaisse à 62 ans, contre 65 aujourd’hui, l’âge à compter duquel les assurés handicapés, ayant un taux d’incapacité permanente d’au moins 50 %, peuvent bénéficier d’une retraite à taux plein.
Pour le seul régime général (CNAV), le coût de la mesure est retracé dans le tableau suivant :
IMPACT FINANCIER EN DROITS CONSTATÉS
(en millions d’euros constants 2011)
2014 |
2020 |
2030 |
2040 | |
Coût |
30 |
33 |
41 |
50 |
Source : étude d’impact du projet de loi.
Le Rapporteur pour avis regrette que l’impact de la mesure sur les autres régimes de retraite ne soit pas détaillé dans l’étude d’impact, de même que le Gouvernement n’a pas précisé les modalités de son financement.
Deux autres mesures, figurant à l’article 25 améliorent considérablement la compensation, par l’assurance vieillesse, des interruptions de carrière destinées à aider un proche lourdement handicapé :
– le bénéfice de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) sera accordé aux aidants familiaux d’un proche handicapé ou lourdement dépendant, sans condition de ressources. Actuellement, 1 600 personnes bénéficient de l’AVPF à ce titre.
IMPACT FINANCIER EN DROITS CONSTATÉS
(en millions d’euros constants 2011)
2014 |
2020 |
2030 |
2040 | |
Prestations supplémentaires à verser |
– |
– |
– |
100 |
Source : étude d’impact du projet de loi.
Ce tableau reste difficile à interpréter et ne permet pas au Rapporteur pour avis de disposer d’une estimation précise du coût du dispositif.
Le Gouvernement indique par ailleurs que la suppression de la condition de ressource concernera également les bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) et les aidants familiaux de personnes âgées dépendantes sans que l’impact de ces dispositions ne soit détaillé ;
– ces mêmes aidants bénéficieront d’une majoration de durée d’assurance d’un trimestre tous les 30 mois de prise en charge d’un proche, dans la limite de 8 trimestres. L’étude d’impact chiffre cette mesure à 1,6 million d’euros par an à partir de 2014, se fondant sur un flux annuel de 100 personnes anticipant leur départ à la retraite.
Outre la mise en place d’un suivi annuel des différences de pension entre les femmes et les hommes au sein du nouveau Comité de surveillance, le projet de loi propose plusieurs mesures visant à opérer une redistribution en faveur des femmes, de façon directe ou indirecte.
L’article 15 a pour objet principal de clarifier la rédaction des articles législatifs relatifs à la retraite anticipée pour longue carrière (RALC), afin de préparer l’assouplissement des conditions d’accès au dispositif, qui interviendra par décret.
Le décret précité du 2 juillet 2012 (28) a d’ores et déjà élargi le champ des trimestres réputés cotisés pour apprécier le respect de la condition de durée : en plus des quatre trimestres de périodes assimilées liées au service national et jusqu’à quatre trimestres de périodes assimilées liées à la maternité ou à la maladie déjà prises en compte, le nouveau dispositif a ajouté deux trimestres de périodes de chômage indemnisé et deux trimestres supplémentaires liés à la maternité.
Le présent article ouvre la voie à un nouvel élargissement des trimestres réputés cotisés, qui selon l’étude d’impact, interviendra dès le 1er janvier 2014, selon un schéma repris dans le tableau suivant :
TRIMESTRES RÉPUTÉS COTISÉS
Avant 2012 |
Depuis juillet 2012 |
À compter de 2014 |
0 trimestre maternité |
2 trimestres maternité |
Tous les trimestres maternité |
0 trimestre de chômage |
2 trimestres de chômage |
4 trimestres de chômage |
0 trimestre invalidité |
0 trimestre invalidité |
2 trimestres invalidité |
4 trimestres de service national |
4 trimestres de service national |
4 trimestres de service national |
Bloc de 4 trimestres maladie / maternité / invalidité / AT-MP |
Bloc de 4 trimestres maladie / maternité / invalidité / AT-MP |
Bloc de 4 trimestres maladie / maternité / invalidité / AT-MP |
Source : étude d’impact du projet de loi.
Selon les chiffres avancés par le Gouvernement, l’effort supplémentaire demandé à la solidarité nationale serait de 285 millions d’euros en 2020, 228 millions d’euros en 2030 et 62 millions d’euros en 2040 (ces chiffres ne concernent que la CNAV).
Le Rapporteur pour avis s’interroge sur la pertinence de cette évaluation, sur sa limitation au seul régime général, ainsi que sur la nature des ressources qui serviront à financer ce nouveau dispositif. Ces chiffres sont en effet à mettre en relation avec les éléments accompagnant le dispositif similaire issu du décret de juillet 2012.
Selon le rapport de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (29), cette mesure devrait bénéficier à 110 000 personnes en 2013 dans l’ensemble des régimes de retraite, dont 64 000 au régime général. Elle coûterait 1,1 milliard d’euros en 2013 et 3 milliards d’euros à l’horizon 2017 pour l’ensemble des régimes obligatoires de base.
Le Rapporteur pour avis s’interroge en outre sur l’articulation entre les hausses de cotisations décidées en 2012 et les hausses prévues dans le présent projet de loi.
En effet, le rapport précité indiquait que la mesure issue du décret de juillet 2012 serait financée par une hausse progressive des taux de cotisation d’assurance vieillesse de 0,25 point pour la part salariale, et d’autant pour la part patronale. L’augmentation du taux de cotisation vieillesse sous plafond s’établira ainsi à 0,1 point pour les salariés et à 0,1 point pour les employeurs pour la période allant du 1er novembre 2012 au 31 décembre 2013, rapportant 150 millions d’euros en 2012 et 910 millions d’euros en 2013 au seul régime général.
L’article 14 du présent projet de loi vise à préparer l’assouplissement des règles de décompte de la durée d’assurance dans le régime général et dans les régimes alignés.
La modification législative introduite par l’article 14 permettra en effet deux modifications majeures qui interviendront par décret :
– seront validés autant de trimestres que le salaire annuel représente de fois 150 heures de salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), durée actuellement fixée à 200 heures Cette mesure sera particulièrement favorable aux assurés à bas salaire et à faible quotité de travail, en majorité des femmes ;
– en complément, un mécanisme de report de cotisations d’une année civile vers l’année suivante sera institué, également par décret.
Les deux mesures combinées sont évaluées par l’étude d’impact à 496 millions d’euros en 2040, qui seront entièrement financés par la solidarité nationale.
Les articles 16 et 17 du projet de loi visent à mieux en prendre en compte dans le calcul de la retraite les années d’étude ou d’apprentissage.
● Avec l’allongement de la durée d’études, les jeunes entrent de plus en plus tardivement sur le marché du travail et il leur apparaît difficile de disposer d’une durée suffisante de cotisation pour avoir droit à une retraite à taux plein. Depuis 2003, l’article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale prévoit que certaines périodes peuvent être rachetées jusqu’à 12 trimestres d’assurance. Le tarif repose sur le principe de la neutralité actuarielle pour le régime concerné. En pratique, les prix sont relativement élevés et constituent souvent un frein au rachat : un trimestre du régime général racheté à 20 ans coûte ainsi entre 1 500 et 2 000 euros, et entre 2 200 et 2 700 euros à 28 ans.
Fort de ce constat, et conformément aux propositions de la commission pour l’avenir des retraites, l’article 16 du projet de loi prévoit d’abaisser le prix du trimestre pour les seules années d’études. Un décret viendra préciser les conditions d’application de ce mécanisme, le Gouvernement ayant indiqué que le tarif augmenterait proportionnellement aux revenus. En pratique, un salarié de 23 ans payé 1,2 SMIC pourrait racheter un trimestre au prix de 657 euros, soit 40 % du tarif actuel.
Sur le plan financier, cet abaissement représentera un gain de court terme pour les organismes de retraite, le Gouvernement estimant que 30 000 jeunes utiliseraient le dispositif avec un rachat total de 120 000 trimestres. Le Rapporteur pour avis souligne néanmoins que le dispositif aura un coût final réel puisque de fait les pensions versées à ces personnes augmenteront ou seront versées plus tôt. À ce stade, l’étude d’impact considère que les régimes de base bénéficieraient ainsi d’une recette supplémentaire de 150 millions d’euros en 2014 et de 300 millions d’euros en 2020.
● Dans le même temps, le Gouvernement a souhaité mettre fin au régime injuste des apprentis dont les droits à retraite sont actuellement décorrélés de la rémunération. L’assiette de cotisation est actuellement calculée à partir d’un pourcentage du SMIC variant selon l’âge de l’apprenti et l’année d’apprentissage concernée dont il faut retrancher 11 points. En pratique, un apprenti de première année de moins de 18 ans ne cotise que sur une assiette de 14 % du SMIC. Ce taux atteint 67 % pour un apprenti en troisième année de plus de 21 ans. Avec ce système un apprenti qui commence son apprentissage à 16 ans ne validera que sept trimestres en trois ans.
L’article 17 du projet de loi propose de corriger le dispositif en agissant sur deux leviers :
– il supprime l’abattement de 11 points, ce qui conduira tous les apprentis touchant plus de 33 % du SMIC à valider quatre trimestres puisqu’ils entreront dans le nouveau régime de validation grâce au passage de 200 à 150 heures (cf. infra). Les apprentis mineurs de première année ne valideront en revanche que trois trimestres ;
– il introduit un mécanisme complémentaire pour les apprentis qui ne parviendraient pas à valider quatre trimestres par an. En pratique, le FSV versera le différentiel de cotisation au régime de base concerné. Cela induira un transfert de 18 millions d’euros du FSV vers les régimes de base. Le coût de ces mesures sera donc neutralisé pour les régimes de base grâce à l’abondement du FSV.
Le présent projet de loi comporte deux mesures directement favorables aux personnes en situation de chômage non indemnisé.
L’article 18 vise à inclure parmi les dépenses prises en charge par le FSV les sommes représentatives de la prise en compte, dans la durée d’assurance requise, des périodes de stage professionnel des chômeurs non indemnisés. Dans le même temps, l’article 18 intègre donc ces périodes de stage dans les périodes prises en considération en vue de l’ouverture de droits à pension.
Le montant d’une compensation par le FSV selon les mêmes modalités de calcul que les périodes de chômage présentées supra aurait coûté environ 222 millions d’euros au titre de l’année 2013
Le Rapporteur pour avis se félicite d’une disposition qui supprime un frein majeur à la formation professionnelle, les stagiaires en situation de chômage non-indemnisé étant actuellement moins bien traités au niveau de l’acquisition des droits à pension que les chômeurs, même non indemnisés, n’ayant pas entrepris de stage.
En complément de la présente mesure, le Gouvernement annonce une extension des périodes assimilées au titre du chômage non indemnisé qui interviendra par décret, lorsqu’une personne retrouve un emploi tout en restant inscrit à Pôle emploi, sans toutefois en évaluer l’impact.
La Commission, au cours de sa séance du 30 septembre 2013, examine le projet de loi.
M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Le projet de loi de réforme des retraites dont la Commission s’est saisie pour avis répond à un triple objectif. Il vise tout d’abord à donner des perspectives de moyen et de long termes à notre système de retraites avec un effort justement réparti entre tous les acteurs. Il renforce par ailleurs l’équité en prenant mieux en compte les spécificités de nos concitoyens les plus en difficulté et qui n’avaient guère bénéficié de mesures propres. Le texte comporte enfin des enjeux financiers sur lesquels je souhaite me concentrer, le système actuel rencontrant des difficultés financières.
En 2012, le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de retraite atteignait quelque 7 milliards d’euros, dont 5,2 milliards pour le seul régime général. Si la situation s’est très légèrement améliorée depuis 2010, avec une résorption du déficit de l’ordre de 3 milliards, elle n’en reste pas moins critique et structurellement intenable. L’inversion de tendance est loin d’être acquise. Les régimes obligatoires ont certes bénéficié, notamment en raison de la loi de 2010, de ressources complémentaires, mais le déficit du Fonds de solidarité vieillesse – FSV – a continué de se creuser, passant de 3 milliards d’euros en 2009 à plus de 4 milliards en 2012.
La réforme de 2010, portée par le précédent gouvernement, n’a pas réussi à résoudre cette difficile équation financière. La commission pour l’avenir des retraites, présidée par Mme Yannick Moreau, a bien mis en évidence le fait que, malgré les efforts très importants demandés en 2010, aucun retour à l’équilibre n’est envisageable d’ici à 2020. Cette faiblesse est d’autant plus grande que la réforme s’est faite au détriment des plus fragiles, notamment des personnes ayant eu des carrières heurtées, qui exercent des professions pénibles et dont l’espérance de vie après 60 ans est plus faible que pour les autres, ou des femmes, pour lesquelles le problème reste entier. En outre, la réforme de 2010 a organisé un véritable pillage du Fonds de réserve pour les retraites – FRR –, sur lequel elle a récupéré 2,1 milliards d’euros par an. Créé à l’initiative du gouvernement de M. Jospin, ce fonds devait permettre d’atténuer les conséquences du passage de l’importante « bosse » démographique entre 2020 et 2030 : ainsi affaibli, il est loin d’atteindre l’objectif initialement fixé de 150 milliards d’euros.
Il n’est pas possible de continuer sur cette trajectoire, sauf si nous acceptons de renoncer rapidement à la logique même de notre système de répartition. C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité recréer une relation de confiance avec les Français sur le dossier des retraites par une méthode claire et transparente.
Dès le mois de juillet 2012, la possibilité de partir à la retraite à soixante ans pour les personnes ayant commencé à travailler jeunes a été rétablie – c’était une promesse du candidat François Hollande. Dans le même temps, un diagnostic partagé par l’ensemble des partenaires sociaux a été réalisé par le Conseil d’orientation des retraites – COR –, à travers deux rapports, rendus respectivement en décembre 2012 et en janvier 2013. La commission Moreau a ensuite travaillé avec des experts pendant plus de six mois, afin d’explorer toutes les pistes pour éclairer le Gouvernement. Puis, à l’issue de larges consultations des partenaires sociaux menées entre le mois de juillet et le début du mois de septembre, le Gouvernement a déposé le présent projet de loi. Contrairement à ce que d’aucuns pouvaient penser, il ne s’agissait pas de négocier le texte du projet mais de recueillir les avis de tous les partenaires sociaux. Comme les précédentes réformes, celle-ci requiert d’importantes coordinations dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, le calendrier retenu par le Gouvernement permettant de disposer d’une vision d’ensemble, puisque ces deux textes viendront en discussion immédiatement après le présent projet de loi.
Sur le plan financier, le texte demande un effort égal aux employeurs, aux actifs et aux retraités. Les employeurs et les actifs verront leurs cotisations augmenter de 0,15 point en 2014, puis de 0,05 point supplémentaire chaque année, pour atteindre 0,3 point en 2017. Je suis, comme vous tous, très sensible à l’impact éventuel de ces hausses sur la compétitivité de la France et sur le marché du travail. Je veux rappeler ici que le Gouvernement s’est engagé à neutraliser l’effet de cette hausse pour les entreprises, grâce à un effort sur les dépenses de l’État. Notre compétitivité ne souffrira donc pas de la mesure, si le dispositif prévu est voté en l’état.
Dans le même temps, la durée de cotisation sera progressivement augmentée : à partir de la génération née en 1973, il faudra cotiser quarante-trois ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Cet allongement me semble raisonnable et surtout inférieur aux prévisions d’allongement de la durée de la vie. Il intervient par ailleurs de façon très progressive : il sera donc facile aux générations concernées par cet allongement de l’anticiper et de l’intégrer dans leurs choix de vie. Je tiens à rappeler que, dans trente ans, l’espérance de vie d’un salarié partant à la retraite sera bien supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui.
Les retraités participeront également à l’effort au travers d’une fiscalisation de la majoration de pension pour charges de famille. À cet égard, je me réjouis que, après sa transmission au Conseil d’État, le Gouvernement ait introduit dans le projet de loi un article 13 qui prévoit la remise d’un rapport sur le fonctionnement global des droits familiaux, notamment en ce qui concerne leur impact sur les mères. Toutefois, cette fiscalisation aura des effets de seuil regrettables pour les petites retraites. Je sais que le rapporteur général est très sensible à cette question : nous pourrons proposer des ajustements dans le cadre du projet de loi de finances, consistant notamment à relever le seuil d’exonération de la taxe d’habitation, de la CSG ou de la CRDS.
La revalorisation des retraites sera par ailleurs décalée de six mois, passant d’avril à octobre. Je précise d’emblée que les plus défavorisés ne seront pas touchés, la revalorisation du minimum vieillesse continuant d’intervenir le 1er avril. Ce report a une cohérence économique, puisque la décision de revalorisation interviendra en même temps que la publication des prévisions d’inflation par le Gouvernement dans le cadre de la préparation des lois de finances. Je tiens immédiatement à préciser à ceux qui songeraient à écarter certaines catégories sociales de ce report qu’une telle mesure serait inconstitutionnelle. Tous les bénéficiaires d’une pension de retraite doivent en effet être traités de la même manière. Il ne saurait donc être question de favoriser certaines catégories. Je sais que des amendements en ce sens ont été déposés par ailleurs : il convient d’être très prudent en la matière.
Combinées, ces mesures permettront de dégager quelque 4,1 milliards d’euros dès 2014 et 11,3 milliards d’euros en 2040, ce qui permettra de rétablir à moyen terme la solvabilité du système avec une perspective d’équilibre désormais crédible. Toutefois, compte tenu des évolutions économiques et du chômage, il n’est pas dit que nous ne serons pas obligés, d’ici à dix ou quinze ans, de revenir sur cette réforme sur le plan financier. Il est en effet très difficile de fixer un objectif financier à trente ans.
Le Gouvernement a parallèlement souhaité à juste titre revoir la gouvernance du système de retraites. Nous ne pouvons pas nous permettre de multiplier les réformes : c’est un facteur d’insécurité juridique qui entretient la méfiance de nos concitoyens. C’est pourquoi l’article 3 du texte prévoit la création d’un comité de surveillance chargé d’analyser l’évolution de la situation, d’éclairer le Gouvernement et le Parlement, de les alerter en cas de décalage par rapport à la trajectoire et de faire des propositions concrètes. Ce n’est en rien une dépossession du pouvoir politique, puisque la décision finale nous reviendra toujours. En revanche, comme pour les lois de finances, nous disposerons désormais d’une structure compétente à même de nous informer efficacement et d’assurer le suivi des enjeux dans la durée. Je vous rappelle que le COR a pour mission de nous éclairer dans le cadre d’un diagnostic partagé avec les partenaires sociaux ; le comité de surveillance aura, lui, la possibilité de faire des préconisations pouvant nous conduire à prendre des mesures.
La gouvernance des régimes agricole et des professions libérales est également opérée par le projet de loi, afin d’éviter le creusement des écarts entre le régime général et les systèmes spécifiques.
Le texte propose donc bien un effort de cohérence et de coordination. Il ne tend nullement à une mise sous tutelle ou à une étatisation du régime des retraites. Bien au contraire, il vise à préserver et à pérenniser les qualités de nos régimes, en évitant qu’un pilotage à vue ne les mette durablement en péril.
Dans cet esprit, une attention particulière est portée aux ayants droit du système. Tout le monde reconnaît que le système actuel est d’une extraordinaire complexité et qu’il faut souvent aller chercher des informations auprès de plusieurs organismes, en dépit de la création du GIP Info Retraite. Cet obstacle est particulièrement important pour les personnes relevant de plusieurs régimes. Le projet de loi prévoit donc la création d’une seule interface avec un simulateur unique en ligne. Pour l’assuré, il n’y aura plus qu’un point d’entrée, chaque régime assurant ensuite la gestion des dossiers dont il a la responsabilité, comme c’est le cas aujourd’hui. Le dispositif est entièrement tourné vers les usagers : c’est aux organismes de gestion qu’il conviendra de s’adapter alors que, aujourd’hui, ce sont les usagers qui doivent s’adapter aux organismes.
J’en viens maintenant aux mesures de justice et d’équité que contient le projet de loi. Il crée tout d’abord une véritable prise en compte de la pénibilité – une demande très forte portée par la gauche durant de nombreuses années –, en créant pour tous les salariés un compte personnel de prévention de la pénibilité. Abondé par l’employeur, ce compte financera des actions de formation pour changer de poste, ou il pourra prendre en charge un départ anticipé à la retraite, ou bien une activité à temps partiel en fin de carrière. Dans le même temps, l’accent est mis sur la prévention, car la lutte contre la pénibilité passe avant tout par une amélioration des conditions de travail. Les dépenses seront couvertes par un abondement général des employeurs complété par un abondement des entreprises exposant particulièrement leurs salariés.
Une attention particulière est portée aux carrières heurtées.
Le nombre d’heures nécessaires à la validation d’un trimestre passera ainsi de 200 à 150 heures au SMIC. Cette mesure sera particulièrement favorable aux assurés à bas salaire et à faible quotité de travail – ce sont en majorité des femmes. En complément, un mécanisme de report de cotisations d’une année civile vers l’année suivante sera institué. S’y ajoutera une meilleure prise en compte des interruptions de carrière liées notamment à la maternité, avec un élargissement des trimestres réputés cotisés. Les périodes de chômage non indemnisé seront également mieux prises en compte.
Le texte consent également un effort particulier en faveur des seniors, des assurés handicapés et des bénéficiaires de petites retraites. Pour les travailleurs âgés, le projet de loi améliore les conditions du cumul entre emploi et retraite, en renforçant l’attractivité des retraites progressives. Je déposerai un amendement visant à pallier certaines incohérences de ce cumul.
S’agissant par ailleurs des agriculteurs, qui bénéficient d’un niveau moyen de retraite très nettement inférieur à celui du régime général – 900 euros contre 1 500 euros –, le projet de loi améliore le régime applicable aux chefs d’exploitation, aux conjoints et aux non-salariés agricoles.
Le Gouvernement constate la faible utilisation du dispositif actuel en faveur des personnes handicapées. Il propose un quasi-doublement du nombre des bénéficiaires de la retraite anticipée, soit 1 000 attributions supplémentaires chaque année, mesure qui conduira à terme à une dépense annuelle supplémentaire d’environ 20 millions d’euros. Le texte abaisse par ailleurs de 65 à 62 ans l’âge à partir duquel une personne ayant une incapacité de plus de 50 % peut partir à la retraite avec une pension à taux plein.
Le bénéfice de l’assurance vieillesse des parents au foyer – AVPF – sera enfin accordé aux aidants familiaux d’un proche handicapé ou lourdement dépendant, sans condition de ressources – les associations le demandent depuis déjà plusieurs années.
Les jeunes sont, eux aussi, concernés par la réforme à travers deux mécanismes avantageux. Pour les étudiants, le texte facilite les conditions de rachat des années d’études. À titre d’exemple, un salarié de 23 ans payé 1,2 SMIC pourra racheter un trimestre au prix de 657 euros, soit seulement 40 % du tarif actuel. Je déposerai un amendement pour que nous examinions les conditions de rachat des périodes de stage. De même, les apprentis cotiseront désormais pour leur retraite : la suppression de l’abattement de 11 %, combinée à la réduction de la durée nécessaire à la validation d’un trimestre, permettra à tous les apprentis, c’est-à-dire y compris à ceux qui ont signé des contrats d’alternance, de valider leurs trimestres.
Ces mesures de justice permettront de rééquilibrer un système qui se caractérisait par une aggravation des écarts entre les plus favorisés et les plus démunis.
Cette réforme me semble donc efficace, juste et équilibrée sur le plan financier à court et moyen termes. Elle propose des évolutions structurelles majeures et réussit à redonner des perspectives à notre système de retraites.
Je ne vous proposerai que peu d’amendements : ils tendent à préciser le texte ou à appeler l’attention du Gouvernement sur certains effets induits par la réforme. Notre imagination a évidemment été bridée par l’article 40 de la Constitution. Nous aurons la possibilité, au cours de l’examen du texte par la commission des Affaires sociales, d’intervenir auprès de Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé, pour que le gouvernement réponde à nos attentes en déposant éventuellement lui-même des amendements.
Fort de cette analyse, je vous demande de donner un avis favorable à l’adoption du projet de loi.
M. Dominique Lefebvre. Je suis heureux que la commission des Finances se soit saisie pour avis d’un texte qui a pour fonction d’assurer la pérennité de nos différents régimes de retraite par répartition, tout en s’inscrivant dans la nécessaire stratégie de redressement des comptes publics et de retour à l’équilibre.
Nous avons toutes les bonnes raisons de soutenir ce texte et d’en garantir l’équilibre général, notamment financier. Par-delà le respect de l’article 40, il est de notre responsabilité d’adopter un texte conforme à celui que le Gouvernement a présenté.
N’oublions pas que, à l’heure actuelle, l’avenir du financement des régimes de retraite n’est pas assuré – chacun en convient. De plus, les précédentes réformes ont accentué, voire créé des inégalités, les efforts ayant principalement pesé sur les salariés dont les carrières étaient les plus longues. Enfin, le diagnostic du COR a révélé les inégalités du système actuel qui touchent en particulier les femmes ou ceux qui ont des carrières pénibles.
Tout en respectant le processus de concertation, la démarche engagée par le Gouvernement a été menée assez rapidement, même s’il a toujours assuré qu’il prendrait ses responsabilités, le consensus étant difficile à atteindre en matière de retraites. Le texte participe, si ce n’est d’un accord complet, au moins d’une convergence sur le principe de la réforme, laquelle est équilibrée, s’agissant, avec une prévisibilité au-delà de 2020, de l’allongement à terme de la durée de cotisation qui accompagne l’allongement de la durée de la vie, ou de la répartition des mesures de financement entre actifs, entreprises et retraités.
Nous devons également assumer comme telles les avancées du texte, non seulement pour une question de justice, mais également parce qu’elles sont nécessaires à l’acceptation de la réforme par nos concitoyens : je pense aux mesures en faveur des femmes et des jeunes ou relatives à la pénibilité – le dispositif mis en place par le précédent gouvernement a échoué –, mesures qui visent à compenser l’allongement de la durée de cotisation.
S’il est nécessaire, je le répète, de maintenir l’équilibre financier du texte, il pourrait être souhaitable d’améliorer le bon fonctionnement du compte pénibilité. Pour les jeunes qui entrent tard dans la vie active, il conviendrait de reconnaître les périodes de stages. Enfin, s’agissant de la date de la revalorisation des pensions, le Gouvernement a fait un geste sur le minimum vieillesse. Or, nombreux sont les retraités qui ont des pensions mensuelles à peine supérieures à ce minimum : ne serait-il pas possible de contourner la difficulté d’ordre constitutionnel et de prévoir un dispositif qui satisferait tout le monde en mettant les retraités qui sont quasiment dans la même situation financière dans la même position vis-à-vis de la date de revalorisation des pensions ?
M. Éric Woerth. Le groupe de l’UMP votera évidemment contre cette réforme qui n’en est pas vraiment une. Contrairement à ce qui vient d’être dit, il n’a jamais été prévu que les réformes de 2003 et 2010 régleraient une fois pour toutes la question du financement des retraites : la loi de 2010 prévoit d’ailleurs explicitement un nouveau rendez-vous en 2013. Nos réformes devaient permettre d’assurer l’équilibre à l’horizon de 2020. Le travail devait être poursuivi pour assurer l’avenir de notre système de retraites au-delà de cette date, notamment en l’adaptant aux changements tant structurels que conjoncturels.
Nous estimons que la réforme proposée par le Gouvernement est très incomplète et très injuste.
Elle est incomplète puisqu’elle devrait ne dégager, notamment par une augmentation massive des prélèvements obligatoires, que 7 milliards d’euros de recettes, alors que le déficit supplémentaire des régimes de retraite devrait atteindre 20 milliards d’euros. Comment l’écart de 13 milliards sera-t-il comblé ? Il faudra bien un jour ou l’autre proposer une réponse globale, même si celle-ci dépend des partenaires sociaux ou d’une décision de l’État lui-même relativement à ses fonctionnaires. Je rappelle que le rapport Moreau a évalué l’impact à l’horizon 2040 des réformes adoptées depuis 1993 grâce à l’action des gouvernements de droite à 6 points de PIB, soit 120 milliards d’euros, ce qui est considérable.
Non contente d’être incomplète, cette réforme est injuste en ce qu’elle prétend assurer l’équilibre des régimes de retraite par la seule hausse des prélèvements obligatoires, outil dont vous usez et abusez au détriment du pouvoir d’achat et de la compétitivité des entreprises, que vous prétendez pourtant vouloir favoriser. C’est apporter une réponse conjoncturelle à un problème structurel : celui du décalage entre l’âge légal de départ à la retraite et l’espérance de vie des Français. Ce décalage est apparu quand vous avez fait passer cet âge de 65 à 60 ans, et il n’a jamais été comblé. Nous avions commencé à le faire en portant cet âge à 62 ans. Il fallait poursuivre dans ce sens, mais vous refusez d’ouvrir le débat sur la borne d’âge : pour notre gouvernement, à la différence de tous les autres, cette question est taboue, alors qu’elle est au cœur du fonctionnement d’un système de retraites par répartition.
Votre projet est injuste également par les dépenses nouvelles qu’il propose, notamment le dispositif que vous voulez mettre en œuvre pour tenir compte de la pénibilité au travail. Celui-ci me semble disproportionné et particulièrement injuste. Nous serions d’ailleurs le seul pays qui s’engagerait sur cette voie. Contrairement à ce que vous dites, la majorité précédente avait agi dans ce domaine. Nos solutions laissaient certes une marge de progrès, comme il est inévitable quand on défriche de nouveaux territoires, mais elles ont donné des résultats non négligeables.
Je pense notamment au dispositif carrières longues, sachant que les salariés qui ont commencé le plus tôt à travailler sont souvent les plus exposés à la pénibilité. On aurait pu améliorer le dispositif, qui bénéficie à des dizaines de milliers d’assurés, en y introduisant une plus grande objectivité. Au lieu de cela, vous risquez d’introduire plus d’injustice encore. Pouvoir partir deux ans plus tôt constitue un avantage extraordinaire et la société supporterait très difficilement qu’il ne soit pas fondé sur des différences objectives. Le risque majeur est que, faute de critères incontestables, votre dispositif se transforme en régime spécial.
Nous regrettons enfin que vous ne proposiez aucune mesure de convergence entre les régimes de retraite du secteur public et ceux du secteur privé, alors que nous nous sommes toujours efforcés de réduire l’écart entre ces deux types de régime. Sans nier les différences qui existent entre les deux secteurs, il me semble qu’à une carrière similaire devrait correspondre un même niveau de pension. Il faut continuer à réduire des différences que la grande majorité de nos concitoyens ne comprennent pas. Le but n’est pas de stigmatiser de prétendus privilégiés, mais d’harmoniser nos différents régimes de retraite.
Pour toutes ces raisons, ce texte est une occasion manquée, pour notre système de retraites et plus généralement pour notre pays.
Mme Eva Sas. Vous ne manquez pas d’audace, monsieur Woerth, en qualifiant cette réforme d’injuste, alors que, en reculant l’âge légal de départ, la vôtre faisait porter tout l’effort de financement sur les salariés qui avaient commencé à travailler tôt.
Cette réforme des retraites, la première à être proposée par un gouvernement de gauche depuis longtemps, est bien plus équilibrée que celle de 2010 : elle tourne le dos au report de l’âge légal, elle abandonne la piste de l’augmentation de la CSG et elle propose la possibilité pour les femmes de valider des trimestres supplémentaires de congés maternité et de temps partiels ; elle traite enfin la question de la pénibilité, restée si longtemps en suspens, mais elle aurait pu aller beaucoup plus loin en la matière. Elle pose cependant deux problèmes majeurs : elle exonère les entreprises de l’effort collectif ; elle repose, au-delà de 2020, sur l’allongement de la durée de cotisation.
Le Gouvernement a fait le choix d’exonérer les entreprises de l’effort collectif en prévoyant, comme il vient de l’annoncer, de compenser entièrement la hausse des cotisations des entreprises. Le souci légitime de préserver les PME dans un contexte économique difficile ne justifie pas d’exonérer toutes les entreprises de l’effort collectif, y compris les plus grandes et celles qui réalisent des bénéfices importants. D’autres solutions sont envisageables, comme une hausse de la contribution sur les dividendes. Celle-ci aurait le double avantage de préserver les PME, puisqu’elle n’est due que par les entreprises de plus de 250 salariés, et d’avoir un rendement significatif : à son taux actuel de 3 %, elle devrait déjà dégager 1,6 milliard d’euros de recettes en 2013. Malheureusement, le Gouvernement a choisi de ne faire reposer le financement de la réforme que sur les ménages.
Dans la situation de chômage que nous connaissons, allonger la durée de cotisation, c’est remplacer des retraités par des chômeurs, moins bien indemnisés. En maintenant plus longtemps les seniors sur le marché de l’emploi, la précédente réforme a déjà contribué à une croissance exceptionnelle de la population active de 224 000 personnes en 2012. Parallèlement l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce – UNEDIC – a estimé l’impact de cette réforme à 30 000 demandeurs d’emploi supplémentaires et un coût de 440 millions d’euros annuels pour l’assurance chômage. Maintenir les seniors sur un marché du travail toujours saturé ne peut qu’alimenter le chômage endémique qui mine la société française. C’est pourquoi nous déposerons des amendements visant à conditionner l’allongement de la durée de cotisation à un examen de la situation de l’emploi : il nous paraît impossible de mettre en œuvre un tel allongement sans mesurer sérieusement son impact sur le taux de chômage.
M. Olivier Faure. Sur la réforme des retraites, la gauche était attendue, elle qui avait souvent été accusée, notamment par vous, M. Woerth, d’avoir toujours contourné l’obstacle et laissé la droite se débrouiller avec le problème. Le défi pour la gauche était d’assurer l’avenir des retraites dans le respect de la justice. De ce point de vue, nous avons su dépasser le cadre de l’ajustement budgétaire pour proposer une réforme de justice sociale, via la prise en compte de la pénibilité et des carrières heurtées, notamment des femmes. C’est une avancée considérable pour ceux qui ont souffert physiquement de l’exercice de leur métier.
Je suis étonné en conséquence d’entendre Éric Woerth prétendre qu’il s’agit d’un projet injuste qui se résumerait à une hausse des prélèvements obligatoires. En effet, l’UMP n’a rien d’autre à proposer que de porter les deux bornes d’âge à 65 et 70 ans : cela reviendrait à imposer aux salariés qui ont déjà acquitté leurs cotisations de continuer à payer, ce qui est bien l’augmentation des prélèvements sur les ménages la plus injuste qui soit.
S’agissant de problèmes complexes sur lesquels tous les gouvernements ont buté, ce texte propose des solutions équilibrées.
M. Régis Juanico. Cette réforme permettra de garantir la pérennité de notre système de retraites par répartition, en le rendant plus juste et en reconnaissant à certaines catégories de travailleurs des droits qui leur étaient refusés jusqu’alors. La gauche va ainsi assurer la prise en compte de la pénibilité du travail, non seulement par des mesures de prévention, mais aussi par des mesures de réparation. Il s’agit de remédier à une très grave inégalité sociale en accordant des avantages spéciaux aux salariés qui ont été exposés à des conditions de travail pénibles, qui réduisent l’espérance de vie. La droite a beaucoup parlé de cette question de la pénibilité au travail depuis l’examen de la « loi Fillon » en 2003. Les négociations interprofessionnelles lancées dans ce cadre se sont éternisées du fait essentiellement de la mauvaise volonté des organisations patronales. Elles ont cependant abouti en 2008 à une définition de la pénibilité par les partenaires sociaux.
En dépit de ces avancées, la réforme de 2010 n’a pas traité la question de la pénibilité, mais celle de l’invalidité, et les conditions prévues pour avoir accès au dispositif prévu par la loi sont si restrictives que seuls 6 500 salariés environ ont pu en bénéficier. Ce qui nous est proposé ici, c’est un changement complet de perspective. En effet, le dispositif devrait bénéficier à 18 à 20 % des salariés du privé, soit 100 000 salariés par an, voire 300 000 quand il sera monté en puissance.
En votant ce dispositif, nous réparerons une grave injustice sociale. Je rappelle que le différentiel d’espérance de vie entre un cadre et un ouvrier est aujourd’hui de 6,8 années, et de 9 années s’agissant de l’espérance de vie en bonne santé. Aujourd’hui, les ouvriers sont six à sept fois plus exposés que les cadres à au moins une contrainte physique intense, et jusqu’à dix fois plus exposés au risque chimique. Voilà pourquoi cette réforme constituera une grande avancée sociale.
M. le rapporteur pour avis. S’agissant du compte pénibilité, monsieur Lefebvre, il est vrai qu’il faut distinguer entre stock et flux, le dispositif bénéficiant d’abord à ceux qui entreront dans le dispositif à court, moyen et long termes. Je vous proposerai un amendement visant à améliorer son fonctionnement sur ce point. Il faudra également trouver un moyen de valoriser les périodes de stage effectuées par les étudiants, par exemple avec une bonification des trimestres de stage.
J’attire par ailleurs votre attention sur le risque de voir une mesure destinée à une catégorie particulière de retraités, comme celle que vous proposez, subir la censure du juge constitutionnel au nom du principe d’égalité devant la loi.
Ce projet de réforme n’est évidemment pas fait pour vous satisfaire, monsieur Woerth, pas plus que nous ne pouvions être satisfaits du dispositif que vous nous proposiez en 2010, car il ne permet pas – en dépit des affirmations du Premier ministre de l’époque – d’assurer l’équilibre des régimes de retraite jusqu’en 2020. Quant à la « clause de revoyure », elle est prévue par la loi de 2003.
La convergence entre public et privé, engagée par la loi de 2010, est confortée par ce projet de loi, et les discussions engagées par Mme la ministre chargée de la fonction publique s’inscrivent dans cette perspective. Certes, le mode de calcul des pensions diffère, mais tout le monde sait, et vous le premier, que les salariés du public ne bénéficient pas de retraite complémentaire. Si l’on tient compte de ce point, on trouve des niveaux de pension similaires.
S’agissant des régimes spéciaux, la réforme engagée par M. Nicolas Sarkozy en 2008 et négociée par les partenaires sociaux prévoit leur alignement sur les autres régimes publics en 2024. Nous ne pouvions pas aller plus vite sans remettre en cause des engagements pris par le gouvernement précédent vis-à-vis des partenaires sociaux.
Il est vrai, madame Sas, qu’on nous annonce que des mesures de compensation de la hausse des cotisations seront proposées dans le cadre du projet de loi de finances au bénéfice des entreprises. En tout état de cause, rien de tel ne figure dans le projet de loi. Vous aurez l’occasion de faire part de vos interrogations sur ce dispositif lors de l’examen du projet de loi de finances. Je tiens par ailleurs à souligner que les entreprises contribuent néanmoins au financement de la réforme par la prise en charge intégrale de la pénibilité.
L’allongement de la durée de cotisation est le sens même de la réforme. On pourrait cependant prévoir que le comité de surveillance devra veiller à ce que la durée de cotisation tienne compte des évolutions démographiques, et qu’il pourra le cas échéant proposer une réduction de cette durée.
Comme vous, monsieur Faure, je pense que les efforts sont justement répartis. La pertinence d’une réforme des retraites n’est pas indexée sur le nombre de ceux qui descendent dans la rue pour manifester leur opposition, mais sur sa capacité, non seulement à assurer les conditions d’un équilibre financier durable, mais aussi à satisfaire aux exigences de justice et d’équité. Étant donné l’impact de la pénibilité au travail sur l’espérance de vie, que M. Juanico vient de nous rappeler, celle-ci doit être prise en compte par notre système de retraites. C’était d’ailleurs l’objectif initial des régimes spéciaux. Ce que nous proposons aujourd’hui, monsieur Woerth, ce n’est pas de créer une multitude de régimes spéciaux, mais au contraire de faire en sorte que l’ensemble des régimes actuels prenne en compte la pénibilité.
La Commission en vient à l’examen pour avis des articles.
Article 1er : Principes et objectifs de l’assurance vieillesse
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1ersans modification.
TITRE IER
ASSURER LA PÉRENNITÉ DES RÉGIMES DE RETRAITE
Article 2 : Détermination de la durée d’assurance tous régimes
La Commission examine, en discussion commune, deux amendements, CF 33 et CF 32, de Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas. L’allongement de la durée de cotisation suscite des inquiétudes quant à son impact sur le chômage, notamment dans la période de crise que nous traversons. D’après l’INSEE, seuls 59 % des salariés du secteur privé sont passés directement de l’emploi à la retraite, les autres ayant connu le chômage.
L’UNEDIC a estimé que le premier relèvement de l’âge légal de quatre mois au 1er juillet 2011 avait provoqué, parmi les seniors, 9 000 inscriptions supplémentaires à Pôle emploi en 2011.
L’amendement CF 32 tend en conséquence à conditionner l’application de l’article à la démonstration de sa neutralité sur le chômage, et l’amendement de repli CF 33 à la faire précéder d’une évaluation de son impact sur la situation de l’emploi.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable aux deux amendements. Je doute de la corrélation entre durée de cotisation et situation de l’emploi : dans certains pays, où la durée de cotisation a été allongée, le taux de chômage est nettement inférieur à ce qu’il est en France, où il atteint ses niveaux les plus élevés parmi les catégories d’âge correspondant au début et à la fin de carrière.
M. Dominique Lefebvre. L’article 2 est l’une des clefs de voûte du projet de loi.
Plusieurs raisons s’opposent à ces deux amendements. La première est que nos concitoyens doivent avoir une vision à long terme de la durée de cotisation. Le Gouvernement a choisi d’allonger celle-ci à partir de 2020, mais il aurait aussi pu la lier à l’évolution de l’espérance de vie.
Je crois par ailleurs, comme le rapporteur pour avis, que l’économie ne fonctionne pas selon le principe des vases communicants. Le choix de porter à quarante-trois ans la durée de cotisation en 2035 se fonde sur un scénario du COR selon lequel le taux de chômage sera, à cette date, sensiblement inférieur à ce qu’il est aujourd’hui. Ce choix témoigne d’une confiance dans le redémarrage économique, mais l’échec des objectifs en ce domaine se traduirait par une dégradation financière des régimes de retraite : même si un taux de chômage élevé devait justifier une durée de cotisation moindre, cela n’assurerait en rien l’équilibre du système par répartition.
L’article 2 vise à assurer cet équilibre sur le long terme, d’autres dispositions du texte permettant de prendre en compte des questions telles que l’entrée plus tardive dans la vie active ou les carrières irrégulières. Enfin, si les conditions économiques et démographiques l’autorisent, il sera toujours temps, en 2025, d’adopter des mesures plus favorables, même si je doute qu’il faille alors toucher à la durée de cotisation.
M. Éric Woerth. L’article 2 est un hommage tardif à la « loi Fillon » de 2003. Le Gouvernement a d’ailleurs renoncé à ramener l’âge légal de départ à 60 ans…
Il n’y a pas de lien entre la durée de cotisation et le taux de chômage. Le taux d’emploi des seniors a d’ailleurs augmenté au cours des dernières années. En poussant jusqu’au bout le raisonnement que traduisent ces amendements, il faudrait, pour tendre à un taux de chômage nul, permettre aux jeunes de partir en retraite sitôt leurs études terminées…
En réalité, la question des retraites doit être liée à celle de l’espérance de vie, à travers l’âge de départ comme la durée de cotisation : il faut, pour assurer l’équilibre et l’équité du système, jouer sur les deux. Confondre des choses qui n’ont rien à voir, comme le font ces amendements, est aussi inefficace que coûteux.
Mme Eva Sas. Je ne pensais jamais qu’on irait jusqu’à dire que le chômage et les dispositions touchant aux retraites ne sont pas liés… L’allongement de la durée de cotisation ne se répercute certes pas sur la création d’emplois, monsieur le rapporteur pour avis, mais sur la croissance de la population active.
La visibilité est en effet essentielle, monsieur Lefebvre ; mais, en l’occurrence, nous ne proposons qu’une « clause de revoyure » : la question n’est pas la situation de l’emploi telle qu’elle est aujourd’hui, mais l’impact que pourrait avoir sur elle l’allongement de la durée de cotisation. Même si cet impact est nul, comme le disent certains, pourquoi ne pas voter au moins l’amendement CF 33, qui ne propose que de l’évaluer ?
M. Éric Alauzet. Je crains qu’il y ait bel et bien un lien entre les régimes de retraite et l’emploi. Si, dans tel ou tel pays, le taux de chômage a baissé au moment où le temps de travail augmentait, cela tient à d’autres raisons, à commencer par la relance économique.
Si le temps de travail n’est pas lié à l’emploi, pourquoi avoir instauré les 35 heures ? Certes, ce lien est difficile à établir ; c’est pourquoi, au demeurant, nous souhaitons une évaluation. Si l’on demandait aux organismes de retraite de financer le chômage induit par l’allongement de la durée de cotisation, les choses seraient bien différentes ; mais ces organismes n’ont aucun contact avec ceux qui gèrent le chômage. Une évaluation serait donc utile.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Le débat est intéressant, et nous y reviendrons longuement en séance, mais la rédaction des amendements est pour le moins hasardeuse : comment conditionner l’entrée en vigueur d’un article à la remise d’un rapport ? Comment juger de la pertinence de celui-ci, ou – si l’on se réfère à l’amendement CF 32 – de son caractère démonstratif ? Les spécialistes pourraient y passer des nuits entières…
La Commission rejette successivement les amendements CF 33 et CF 32.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 sans modification.
Article 3 : Mécanisme de pilotage du système de retraites
La Commission est saisie d’un amendement CF 39 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. L’article 3 instaure un comité de surveillance des retraites qui nous éclairera, dans la durée et de façon complémentaire au rapport annuel du COR, sur les équilibres financiers ou démographiques, les enjeux humains et les conséquences sur l’emploi. À cet égard, je propose de rebaptiser ce comité, pour en faire un « conseil d’évaluation et d’orientation stratégique des retraites ».
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 modifié.
Article 4 : Report au 1er octobre de la revalorisation annuelle des pensions
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 sans modification.
TITRE II
RENDRE LE SYSTÈME PLUS JUSTE
Chapitre Ier
Mieux prendre en compte la pénibilité au travail
Article 5 : Fiche de prévention des expositions
La Commission examine l’amendement CF 24 de M. Régis Juanico.
M. Régis Juanico. La fiche de prévention des expositions aux risques servira de référence pour le calcul des points reportés sur le compte personnel de prévention de la pénibilité. Je propose que soit présenté au comité d’entreprise, après avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – CHSCT – ou, à défaut, des délégués du personnel –, « un bilan annuel comprenant le nombre de fiches transmises à l’administration et aux salariés concernés ainsi que la nature des facteurs de risque déclarés ». Mieux associer les représentants du personnel permettra une meilleure prise en compte de la pénibilité.
M. le rapporteur pour avis. Je partage ces préoccupations sur le fond, mais je crains qu’un tel dispositif ne soit un peu lourd pour les PME, alors même que le Président de la République souhaite réduire leurs démarches administratives. Je vous suggère donc, monsieur Juanico, de redéposer une nouvelle version de cet amendement en vue de la séance publique, afin de préciser que seules les entreprises de plus de cinquante salariés sont concernées.
M. Régis Juanico. C’est en effet ce que je ferai. Tous les employeurs, quelle que soit la taille de l’entreprise, sont néanmoins tenus, je le rappelle, d’inscrire les facteurs de pénibilité sur la fiche de prévention. Mon amendement prévoit seulement que ces informations seront transmises aux représentants du personnel. Quoi qu’il en soit, je le retire : une discussion avec le Gouvernement et les rapporteurs permettra sans doute de trouver, d’ici à l’examen des amendements en article 88, une rédaction qui n’alourdisse pas la charge de travail des chefs d’entreprise.
L’amendement est retiré.
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 sans modification.
Article 6 : Compte personnel de prévention de la pénibilité
La Commission examine l’amendement CF 18 de M. Régis Juanico.
M. Régis Juanico. Les agents de la fonction publique, à commencer par les catégories actives, ne sont pas concernés par le compte personnel de prévention de la pénibilité. La formule actuellement prévue, qui inclut, en plus des salariés du privé, « le personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé », ne me semble guère satisfaisante. Je propose, afin d’intégrer les contractuels des trois fonctions publiques, d’ajouter les mots : « non statutaire » après la première occurrence du mot : « personnel » à l’alinéa 6.
M. le rapporteur pour avis. M. Juanico souhaite aligner le régime des personnels non titulaires de la fonction publique sur celui des salariés du privé. Tel qu’il est rédigé, l’amendement exclurait néanmoins les agents titulaires ; et, s’il les incluait, il serait déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Mme Lebranchu ouvrira le débat avec les organismes sociaux et les représentants de la fonction publique. Les fonctionnaires, dont certains exercent des professions dites « actives », doivent à mon sens bénéficier, comme les salariés du privé, du compte de pénibilité. Avis défavorable à l’amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CF 16 de M. Régis Juanico.
M. Régis Juanico. En 2010, les partenaires sociaux ont trouvé un accord sur les trois facteurs de pénibilité : contraintes physiques marquées, environnement physique agressif et rythmes de travail. La définition des seuils d’exposition sera, aux termes du projet de loi, fixée par décret, et ce pour l’ensemble des salariés, toutes branches confondues. Je propose en ce sens d’ajouter, à l’alinéa 9, après les mots : « seuils d’exposition définis », les mots : « , de manière identique pour tous les salariés ».
M. le rapporteur pour avis. Le débat sur les parts respectives du contrat et de la loi est aussi vieux que le socialisme. Je crois, pour ma part, que le contrat doit avoir toute sa place, et que la négociation entre les partenaires sociaux est à la fois utile et nécessaire – c’est peut-être un point de divergence avec Régis Juanico. Les facteurs de risque diffèrent selon les branches, le rythme et l’intensité du travail, notamment lorsqu’il a lieu la nuit. Ces sujets relèvent de la négociation entre partenaires sociaux. Avis défavorable.
M. Régis Juanico. Nous sommes d’accord sur le rôle des partenaires sociaux. Je conçois aussi que les seuils d’exposition puissent varier selon les branches, mais l’équité veut que les salariés exposés aux mêmes facteurs de risque et de pénibilité puissent prétendre au même nombre de points sur leur compte personnel. Lors des auditions, les partenaires sociaux nous ont d’ailleurs dit que l’État devait veiller, en ce domaine, à l’équité sur l’ensemble du territoire et pour toutes les branches ; aussi, tout en reconnaissant la spécificité de chacune d’elles, je souhaite une égalité de traitement entre les salariés exposés aux mêmes facteurs de pénibilité. Mais nous en rediscuterons en séance : je retire mon amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CF 35 de Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas. Il est prévu que les 20 premiers points du compte personnel de prévention de la pénibilité – ce qui correspond aux droits acquis au titre des cinq premières années d’exposition – ne puissent être mobilisés que pour suivre une formation-reconversion. Par cet amendement, nous proposons que les salariés puissent utiliser leurs points comme ils l’entendent et, dès le premier, s’en servir pour un temps partiel ou un départ anticipé en retraite. Il s’agit de garantir leur liberté de choix.
M. le rapporteur pour avis. Bien que je sois, comme vous, attaché à la liberté de choix, j’ai un avis réservé sur votre amendement. En effet, le Gouvernement a souhaité introduire une hiérarchie entre les possibilités offertes. L’objectif premier est de favoriser la sortie de pénibilité en donnant au salarié qui occupe un emploi pénible la possibilité de bénéficier d’une formation pour s’orienter vers un emploi moins pénible, et non pas seulement d’un temps partiel en fin de carrière ou d’un départ anticipé en retraite. L’essentiel est de tout faire pour qu’un salarié embauché à 18 ans sur un emploi pénible ne l’occupe pas encore à 60 ans ! Il faut y sensibiliser les entreprises. On pourrait d’ailleurs utilement s’inspirer de ce qui se fait en ce domaine dans les pays du nord de l’Europe.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CF 22 de M. Régis Juanico.
M. Régis Juanico. Les points accumulés sur le compte pénibilité pourront être utilisés par son titulaire pour financer une formation permettant une reconversion, s’assurer un complément de rémunération lors d’un passage à temps partiel en fin de carrière ou encore majorer sa durée d’assurance vieillesse afin de partir plus tôt en retraite. Alors qu’il est prévu que les 20 premiers points soient nécessairement affectés à une formation, nous pensons nous aussi que plus de souplesse serait nécessaire.
Cela concernerait tout d’abord les plus jeunes. L’étude d’impact a révélé que l’exposition à au moins un facteur de pénibilité est plus importante dans la tranche d’âge 25 à 45 ans, et plus encore chez les salariés de moins de 25 ans – 20,5 % d’entre eux sont touchés par ce phénomène. Eux aussi devraient pouvoir utiliser leurs points pour réduire leur temps de travail.
Plus de souplesse serait également bienvenue pour les plus âgés. Le texte fixe aujourd’hui à 59 ans et 6 mois l’âge à partir duquel les points seront bonifiés, de façon que, même près de la retraite, un salarié puisse obtenir une compensation de la pénibilité. L’amendement par lequel je proposais d’abaisser cet âge a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Il est donc important de permettre aux salariés seniors une utilisation plus souple des points. Comment leur expliquer que la seule compensation à laquelle ils peuvent prétendre est une formation ?
M. le rapporteur pour avis. Il serait en effet difficile de n’offrir à un salarié âgé de 57 ou 58 ans pour seule possibilité qu’une formation – encore que certains puissent à cet âge-là souhaiter s’orienter vers un autre métier, notamment dans la perspective d’un cumul emploi-retraite. Le texte prévoit donc qu’il sera possible pour les plus de 50 ans de choisir un temps partiel ou un départ anticipé en retraite.
Vous avez raison, monsieur Juanico, les moins de 25 ans sont en effet les plus exposés à la pénibilité. Mais comme, pour obtenir les 10 points qui donnent droit à un trimestre, il faut avoir occupé un emploi pénible durant deux ans et demi, celui qui est exposé à la pénibilité depuis l’âge de 20 ans, n’aura jamais que 20 points à 25 ans. Et un droit à deux trimestres de travail à temps partiel ne serait pas grand-chose. Mieux vaut que ces jeunes utilisent leurs points pour s’orienter vers un autre métier, moins pénible, au sein de leur entreprise. Je suis donc défavorable à votre amendement.
M. Régis Juanico. J’en suis d’accord avec vous : l’objectif est de prévenir l’usure prématurée dès les premières années de la vie professionnelle et il faut donc encourager la formation et les passerelles vers des postes de travail moins pénibles. Mais les plus grands spécialistes de la pénibilité au travail que nous avons auditionnés ces dernières semaines, notamment Serge Volkoff et Annie Jolivet, ont insisté sur un fait : il est important que les salariés les plus jeunes exposés à des facteurs de pénibilité puissent bénéficier d’une réduction ponctuelle de leur temps de travail, pour alléger leurs contraintes physiques. Pour l’heure, je retire mon amendement, mais le sujet devra être revu en commission des Affaires sociales.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CF 17 de M. Régis Juanico.
M. Régis Juanico. Le salarié disposera d’un délai de deux ans pour éventuellement contester la fiche de prévention des expositions à la pénibilité, qui sera remplie par l’employeur, et donc le nombre de points portés à son compte. Cet amendement propose que les organisations syndicales représentatives puissent exercer le recours en son nom.
M. le rapporteur pour avis. Si les organisations salariales le demandent de façon pressante, les organisations patronales en revanche y sont, elles, très opposées. Sagesse.
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CF 23 de M. Régis Juanico.
M. Régis Juanico. Par cohérence avec le délai accordé au futur organisme gestionnaire pour opérer un redressement dans les déclarations des employeurs, cet amendement vise à porter de deux à trois ans le délai de prescription au-delà duquel un travailleur ne pourra plus agir pour que lui soient attribués des points qui n’auraient pas été portés à son compte pénibilité.
M. le rapporteur pour avis. Avis très favorable.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 modifié.
Article 7 : Abondement du compte personnel de formation par le compte personnel de prévention de la pénibilité
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 sans modification.
Article 8 : Accords en faveur de la prévention de la pénibilité
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 sans modification.
Article 9 : Majoration de la durée d’assurance au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 sans modification.
Après l’article 9
La Commission est saisie de l’amendement CF 21 de M. Régis Juanico.
M. Régis Juanico. La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites n’a pas institué de véritable dispositif de compensation de la pénibilité, mais seulement de l’incapacité permanente au travail. Il est donc abusif que le titre II de son chapitre IV s’intitule « Compensation de la pénibilité ». Cet amendement tend à substituer dans cet intitulé les mots « incapacité permanente » au mot « pénibilité ». Il n’y a là nulle visée révisionniste, mais le souci d’une dénomination parfaitement appropriée. Cet amendement rédactionnel n’en aurait pas moins une forte portée symbolique.
Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la Commission adopte l’amendement.
Article 10 : Date d’entrée en vigueur des dispositions relatives à la prise en compte de la pénibilité
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 sans modification.
Chapitre II
Favoriser l’emploi des seniors
Article 11 : Extension de la retraite progressive
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 sans modification.
Article 12 : Cumul emploi-retraite
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 12 sans modification.
Après l’article 12
La Commission est saisie de l’amendement CF 43 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Afin de dissuader autant que possible le cumul emploi-retraite, cet amendement vise à instaurer un plafond de revenus cumulés, qui serait identique pour tous les régimes et fixé au montant du dernier salaire d’activité. Songez qu’on peut aujourd’hui demander la liquidation de sa retraite et se faire réembaucher le lendemain par le même employeur ! Beaucoup d’emplois, d’encadrement notamment, sont ainsi accaparés par des personnes qui touchent également leur retraite, ce qui empêche trop de jeunes d’accéder à des postes à responsabilités. Sans interdire le cumul emploi-retraite, au moins cet amendement ne l’encouragerait-il pas.
Mme Christine Pires Beaune. Fixer pour plafond le dernier salaire d’activité pourrait avoir des effets pervers et aller à l’encontre même de l’objectif recherché que je partage. Le dernier salaire peut en effet être très élevé s’il inclut des primes ou autres avantages pour solde de tout compte. Mieux vaudrait retenir la moyenne des douze derniers salaires.
M. le rapporteur pour avis. La remarque est pertinente. Nous pourrions revoir l’amendement en ce sens.
M. le rapporteur général. Ne vise-t-il bien que le cas où la reprise d’activité s’opère au sein du même régime que celui dans lequel la pension a été liquidée ?
M. le rapporteur pour avis. Tout à fait.
M. le rapporteur général. Je comprends votre approche, monsieur le rapporteur pour avis, – nous connaissons tous des exemples fâcheux de cumul emploi-retraite –, mais cet amendement, d’une portée considérable, a-t-il été discuté avec le gouvernement ?
M. le rapporteur pour avis. Il semble que le gouvernement ne s’y opposerait pas.
M. Dominique Lefebvre. Quelles seraient les conséquences pour les personnes actuellement en situation de cumul ? Combien seraient touchées par ce plafonnement ? On comprend que la priorité puisse être donnée au partage de l’emploi. Mais, vu les conséquences potentielles pour les intéressés, le sujet mériterait une discussion approfondie.
M. le rapporteur pour avis. Les personnes actuellement en situation de cumul ne seraient pas concernées. Les nouvelles dispositions ne s’appliqueraient que pour le futur.
Les règles du cumul emploi-retraite diffèrent aujourd’hui selon les régimes. Certains régimes fixent des plafonds, qui n’en demeurent pas moins très élevés. Le projet de loi dispose que le cumul d’un emploi et d’une retraite ne saurait plus ouvrir de droits supplémentaires à retraite. C’est un premier pas. Il faut aller plus loin en n’interdisant certes pas à ceux qui touchent une retraite à taux plein de continuer à travailler, mais à tout le moins en n’encourageant pas ce cumul. Trop de cadres se voient proposer de liquider leur pension puis d’être réembauchés le lendemain avec un nouveau contrat, pratique qui n’est pas loin de s’apparenter à celles des retraites chapeaux. D’où l’idée de plafonner au dernier salaire d’activité les revenus pouvant être retirés d’un cumul emploi-retraite.
La Commission rejette l’amendement.
M. le rapporteur pour avis. Je le redéposerai.
Chapitre III
Améliorer les droits à retraite des femmes, des jeunes actifs
et des assurés à carrière heurtée
Article 13 : Préparation de la refonte des majorations de pension pour enfants
Mme Christine Pires Beaune. N’ayant pas déposé sur cet article l’amendement que j’aurais souhaité, j’avais craint qu’il ne tombât sous le coup de l’article 40, je souhaite ici intervenir pour dénoncer l’injustice dont sont victimes les veufs ayant élevé seuls leurs enfants. Aujourd’hui, une veuve bénéficie d’une majoration de durée d’assurance de huit trimestres par enfant lorsqu’elle fait valoir ses droits à la retraite, alors qu’un veuf peut se retrouver sans aucune bonification si les quatre trimestres qu’il est possible depuis 2009 de partager entre le père et la mère à condition d’en faire le choix avant les quatre ans de l’enfant, ont été choisis par la mère et que celle-ci décède ensuite. Je souhaite que l’injustice faite à ces veufs, au demeurant peu nombreux, soit réparée à l’occasion de la refonte des avantages familiaux en matière de retraite.
M. le rapporteur pour avis. Le Gouvernement souhaite en effet revoir l’ensemble des avantages familiaux en matière de retraite. Les majorations de pension accordées aux parents de trois enfants et plus sont par exemple source d’injustice : trois enfants rapportent bien moins en avantages de retraite à une personne rémunérée au SMIC qu’à un cadre supérieur, dans la mesure où la majoration est proportionnelle au montant de la retraite. C’est pourquoi je suis, pour ma part, favorable à une forfaitisation de l’avantage, dès le premier enfant d’ailleurs, dont il n’y a pas de raison qu’il n’ouvre pas de droits. Quant à la situation des veufs que vous évoquez, elle est en effet injuste. Elle sera revue à l’occasion de cette remise à plat. L’heure est venue du « droit de tous pour tous ».
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 sans modification.
Article 14 : Modification des modalités d’acquisition de trimestres d’assurance vieillesse
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14 sans modification.
Article 15 : Élargissement des trimestres réputés cotisés pour le bénéfice de la retraite anticipée pour carrière longue
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 15 sans modification.
Article 16 : Aide au rachat d’années d’études à destination des jeunes actifs
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16 sans modification.
Après l’article 16
La Commission est saisie de l’amendement CF 36 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Le Gouvernement a souhaité faciliter le rachat de trimestres d’études pour les jeunes actifs. J’aurais aimé que les stages puissent également être pris en compte. N’ayant pu déposer d’amendement en ce sens, puisqu’il aurait lui aussi été déclaré irrecevable au titre de l’article 40, je me contente de demander au Gouvernement de nous remettre un rapport évaluant l’impact financier de l’intégration des périodes de stage dans la durée de cotisation à l’assurance vieillesse. La ministre nous dira si le Gouvernement est disposé à avancer sur ce sujet.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission examine l’amendement CF 37 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit d’offrir aux étudiants la possibilité de racheter leurs années d’études de façon échelonnée par le biais non de capitaux, mais d’une hausse des cotisations.
La Commission adopte l’amendement.
Article 17 : Prise en compte des périodes d’apprentissage au titre de l’assurance vieillesse
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 17 sans modification.
Article 18 : Validation des périodes de formation des demandeurs d’emploi
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 18 sans modification.
Article 19 : Amélioration des droits à pension des conjoints collaborateurs
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 19 sans modification.
Chapitre IV
Améliorer les petites pensions des non-salariés agricoles
Article 20 : Suppression de la condition de 17 ans et demi pour bénéficier de la pension majorée de référence au régime des non-salariés agricoles
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 20 sans modification.
Article 21 : Mesures relatives au régime complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 21 sans modification.
Article 22 : Mise en œuvre de la garantie « 75 % du SMIC » pour les exploitants agricoles
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 sans modification.
Chapitre V
Ouvrir des solidarités nouvelles en faveur des assurés handicapés
et de leurs aidants
Article 23 : Élargissement de l’accès à la retraite anticipée pour les travailleurs handicapés
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 23 sans modification.
Article 24 : Extension de l’obtention de la retraite à taux plein dès l’âge légal pour les tous assurés justifiant de 50 % de taux d’incapacité permanente.
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 24 sans modification.
Article 25 : Amélioration de la reconnaissance des droits à l’assurance vieillesse des aidants familiaux de personnes handicapées ou de personnes âgées dépendantes
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 25 sans modification.
TITRE III
SIMPLIFIER LE SYSTÈME ET RENFORCER SA GOUVERNANCE
Chapitre Ier
Simplifier l’accès des assurés à leurs droits
Article 26 : Création d’un compte individuel de retraite en ligne
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 26 sans modification.
Article 27 : Création d’une Union des institutions et services de retraite
La Commission examine l’amendement CF 42 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Le pilotage de la démarche de simplification est confié au groupement d’intérêt public Union des institutions et services de retraites, qui sera chargé de coordonner l’ensemble des organismes gestionnaires de régimes de retraite. Or, l’article 27 ne prévoit pas que la Caisse des dépôts et consignations fasse partie en tant que telle de ce GIP, contrairement à certaines caisses qui dépendent d’elle. Il s’agit de réparer cet oubli.
La Commission adopte l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 27 modifié.
Article 28 : Calcul unifié de la retraite des polypensionnés des régimes alignés
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 28 sans modification.
Article 29 : Mutualisation du service des petites pensions
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 29 sans modification.
Après l’article 29
La Commission examine l’amendement CF 38 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Les amendements proposés par notre collègue Pouria Amirshahi relatifs à la situation des Français retraités ayant exercé une activité à l’étranger n’ont pas été déposés pour examen en Commission. Les conventions bilatérales entre la France et différents pays posent néanmoins problème. En effet, dans certains pays, les droits à la retraite ne sont ouverts aux Français qui y ont travaillé que s’ils restent sur place. Il s’agit donc de demander au Gouvernement un rapport détaillé sur les conditions d’application des conventions bilatérales et de faire en sorte que, avec l’Union européenne, il engage toutes les mesures nécessaires pour le respect de la réciprocité entre États.
M. Jean-Louis Dumont, président. J’ajoute que des anciens combattants aujourd’hui étrangers, mais provenant d’ex-colonies françaises, ont eu à subir ce genre de situation.
La Commission adopte l’amendement.
Chapitre II
Améliorer la gouvernance et le pilotage des caisses de retraites
Article 30 : Organisation d’un débat annuel sur les orientations de la politique des retraites dans la fonction publique
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 sans modification.
Article 31 : Pilotage du régime complémentaire obligatoire du régime des non-salariés agricoles
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 sans modification.
Article 32 : Évolution des caisses des professions libérales
La Commission examine l’amendement CF 40 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. L’article 32 va évoluer. J’imagine que vous avez reçu de nombreux courriers dans vos permanences,…
M. Dominique Lefebvre. En effet !
M. le rapporteur pour avis. …les sections de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales – CNAVPL – étant très bien représentées à l’Assemblée.
Le précédent gouvernement avait commandé à l’Inspection générale des affaires sociales et, je crois, à la Cour des comptes un rapport sur la gestion de cette caisse, qui a révélé des difficultés d’organisation. Le Gouvernement avait demandé à la Caisse d’y remédier. Les dispositions adoptées depuis vont dans le bon sens, mais restent toutefois très loin des engagements pris.
Le dispositif proposé par le présent gouvernement ne satisfaisant pas les membres des sections de la CNAVPL, des discussions ont été engagées. D’ici au débat en séance, nous devrions aboutir à un point d’équilibre. Reste que, pour en être certain, je vous propose que la nomination des directeurs soit laissée à l’appréciation des membres du conseil d’administration des caisses. Je souhaitais même, à l’origine, aller plus loin en proposant la création d’un conseil de surveillance comptant des représentants de l’État, et en proposant l’établissement d’une convention d’objectifs et de gestion. Les choses avancent.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 32 modifié.
Article 33 : Externalisation des régimes à prestations définies mis en place par l’employeur
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 33 sans modification.
Après l’article 33
La Commission examine l’amendement CF 41 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Je ne participerai pas au vote sur cet amendement dans la mesure où je suis membre du conseil d’administration de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, l’IRCANTEC.
Depuis le 8 août 1994, l’IRCANTEC se trouve dans une situation juridique peu satisfaisante. Il s’agit donc de lui conférer un vrai fondement légal. Si, en 1994, cette caisse touchait en effet fort peu de personnels, elle a depuis pris une ampleur qui justifie un nouveau statut.
M. Dominique Lefebvre. Je souhaite comprendre ce qui a conduit en 1994 à retirer toute base légale à cette institution.
M. le rapporteur pour avis. La caisse s’est créée petit à petit.
M. Jean-Louis Dumont, président. Ce fut en effet de bric et de broc.
M. le rapporteur pour avis. Jusqu’en 1994, l’IRCANTEC relevait d’un dispositif réglementaire ; or, c’est aujourd’hui une caisse à part entière, reconnue, qui doit reposer sur un dispositif législatif au même titre que d’autres caisses. Cela ne modifiera toutefois en rien sa capacité à remplir sa mission et ne la rendra pas plus indépendante vis-à-vis de la Caisse des dépôts et consignations.
La Commission adopte l’amendement.
Article 34 : Habilitation à prendre par ordonnance les mesures d’harmonisation nécessaires à Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 34 sans modification.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi modifié.
*
* *
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Le Rapporteur pour avis a participé à l’ensemble des auditions conduites par le Rapporteur de la commission des Affaires sociales (30). Il a par ailleurs adressé un questionnaire en vue d’obtenir des éléments de comparaison internationale à plusieurs organismes. Lui ont adressé une contribution écrite :
§ M. Antoine Bozio, chercheur associé à PSE-École d’économie de Paris, directeur de l’Institut des politiques publiques (IPP) ;
§ l’Observatoire des retraites, M. Arnauld D’Yvoire en étant le secrétaire général ;
§ la Confédération européenne des syndicats, Mme Bernadette Ségol en étant la secrétaire générale.