N° 1464 et N° 1465
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 octobre 2013
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :
LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT N° 1330, autorisant la ratification de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République de Corée, d'autre part,
et
LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT N° 1331, autorisant la ratification de l'accord-cadre entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République de Corée, d'autre part,
PAR M. Jean-Paul Bacquet
Député
——
ET
ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir les numéros :
Sénat : 677, 678, 763, 764, 765 et T.A. 207 et 208 (2012-2013).
SOMMAIRE
___
Pages.
INTRODUCTION 5
I. LA CORÉE DU SUD, UN PARTENAIRE IMPORTANT DE L’UNION EUROPÉENNE 7
A. DES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES INTENSES 7
1. La Corée du Sud, une grande puissance économique et commerciale 7
2. Les échanges entre l’Union européenne et la Corée du Sud 8
3. Les échanges franco-coréens 10
B. UNE COMMUNAUTÉ DE VALEURS DÉMOCRATIQUES 12
1. La démocratisation de la Corée du Sud 12
2. L’affirmation du rôle international de la Corée du Sud 13
II. LES DEUX ACCORDS SOUMIS À RATIFICATION 15
A. DES ACCORDS EMBLÉMATIQUES DE LA NOUVELLE DIPLOMATIE EUROPÉENNE 15
B. DES ACCORDS « MIXTES » 17
C. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE L’ACCORD-CADRE 18
D. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE L’ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE 20
1. Le démantèlement des tarifs douaniers 21
2. La réduction des barrières non-tarifaires 22
3. Le commerce des services 24
4. Les marchés publics 24
5. La protection de la propriété intellectuelle et des indications géographiques 25
6. La possibilité de mesures de sauvegarde 26
7. Les exigences sociales et environnementales 26
8. Un traitement spécifique pour garantir la diversité culturelle 27
III. PREMIER BILAN ET PERSPECTIVES 29
A. LES PRÉVISIONS DE L’ÉTUDE PRÉALABLE D’IMPACT 29
B. UN PREMIER BILAN TRÈS SATISFAISANT SELON LA COMMISSION EUROPÉENNE 32
C. MAIS UNE VIGILANCE NÉCESSAIRE 34
1. Un rééquilibrage des flux commerciaux euro-coréens qui a des causes multiples 34
2. Des évolutions contrastées dans les échanges franco-coréens 36
3. La persistance de pratiques protectionnistes en Corée du Sud 39
L’Union européenne et la Corée du Sud ont conclu en 2010 un accord-cadre régissant l’ensemble de leur coopération et un accord de libre-échange.
Ces deux textes sont importants car la Corée du Sud, étant devenue une puissance économique majeure suite à plusieurs décennies de croissance rapide, est un partenaire commercial significatif de l’Union européenne. C’est un pays qui, au regard de son dynamisme économique, de son insertion dans le commerce international et du niveau de vie désormais élevé de sa population, ne peut plus être ignoré par les entreprises européennes.
Ces accords sont également importants pour la diplomatie de l’Union européenne car emblématiques d’une double démarche qu’elle entend désormais privilégier :
– conclure simultanément et lier des accords politiques de portée générale, qui permettent d’affirmer des valeurs communes – la Corée du Sud étant une démocratie –, et des accords économiques ;
– face à l’enlisement des négociations commerciales multilatérales, passer des accords commerciaux bilatéraux, mais en leur donnant le contenu le plus large possible. Bien au-delà des traditionnelles exemptions de droits de douane, il s’agit de réduire tous les obstacles au commerce des biens et des services et aux investissements. De fait, l’accord de libre-échange avec la Corée du Sud comporte des avancées concrètes dans de très nombreux domaines, ce particulièrement de la part de la partie coréenne, car son niveau initial de barrières tarifaires et non-tarifaires était nettement plus élevé que celui de l’Union.
Assez étrangement, l’accord commercial dont nous avons à autoriser la ratification est en fait déjà appliqué depuis deux ans pour l’essentiel de ses clauses. Cela tient à sa nature d’accord « mixte » qui doit être ratifié par tous les États-membres de l’Union européenne, mais dont la plus grande partie, concernant les seules compétences communautaires, a pu être mise en œuvre dès lors que les seules instances européennes l’avaient ratifié.
De ce fait, on dispose d’ores et déjà de retours sur l’impact économique et les éventuelles difficultés d’application de cet accord, et l’on peut d’ailleurs comparer ces premiers résultats avec les évaluations qui avaient été faites ex ante. Le constat que l’on peut faire d’une tendance au rééquilibrage des flux commerciaux avec la Corée du Sud au bénéfice de l’Europe doit toutefois être analysé avec prudence, car ses causes peuvent être multiples et le recul est insuffisant.
L’importance des accords dont est saisie l’Assemblée nationale doit être appréciée au regard de celle acquise sur la scène internationale par notre partenaire coréen, grâce à ses succès économiques exceptionnels.
Il faut aussi observer qu’un partenariat euro-coréen dans tous les domaines, y compris politique, prend tout son sens du fait de la communauté de valeurs démocratiques qui existe entre l’Union européenne et la Corée du Sud.
La Corée du Sud, sortie ruinée de la guerre de 1950-1953, a connu depuis lors une croissance économique continue – elle a juste été coupée de brèves crises – assez exceptionnelle.
Comme dans d’autres pays asiatiques, cette performance est le fruit d’un certain nombre de choix économiques et de réalités sociétales : un pari très fort sur l’éducation ; le choix d’une économie ouverte et tournée vers l’exportation ; un haut niveau d’épargne et donc d’investissement.
Le résultat en est que selon les statistiques du Fonds monétaire international (FMI), la Corée du Sud apparaît en 2013 comme la 15ème économie mondiale, avec un PIB de 1,26 millier de milliards de dollars en conversion au taux de change courant, pour 49 millions d’habitants. À titre de comparaison, le PIB de la France, 5ème économie mondiale, s’élève pour la même année à 2,74 milliers de milliards de dollars. Si l’on prend les mêmes données avec une conversion des PIB assurant la parité de pouvoir d’achat entre les monnaies, l’écart entre les deux pays se réduit même, la France occupant alors le 9ème rang mondial et la Corée du Sud le 12ème.
Cette puissance économique est fondée principalement sur l’industrie manufacturière, notamment navale, automobile, électronique (écrans plats, téléphones mobiles…), sidérurgique et mécanique. 13 entreprises coréennes sont listées dans le classement 2011 des 500 plus grandes entreprises mondiales du magazine Fortune.
La Corée du Sud est devenue une grande nation commerçante. Avec un taux très élevé d’ouverture au commerce extérieur, elle est la 8ème puissance commerciale du monde. Son volume d’échanges extérieurs a dépassé l’année dernière 1 000 milliards de dollars.
La situation financière est stable depuis quelques années et le pays, qui détient les 7èmes réserves de change mondiales (330 milliards de dollars), a connu en 2012 un excédent budgétaire représentant 0.2 % du PIB.
Si l’on regarde la période la plus récente, on ne peut qu’envier la manière dont la Corée du Sud a surmonté la crise financière : après une année 2009 de fort ralentissement mais sans récession (croissance positive de 0,3 %), la reprise a été vive (avec une croissance de 6,3 % en 2010 et 3,7 % en 2011). Les années 2012 et 2013 sont toutefois moins favorables : 2 % de croissance en 2012 et sans doute 2,4 % à 2,7 % en 2013 selon les prévisions, sous le double effet d’une chute des exportations, principal moteur de la croissance coréenne, et d’une détérioration de la compétitivité-prix (en raison notamment de l’appréciation du won).
Le niveau de vie s’est également considérablement élevé. Pour 2013, le FMI évalue le PIB par habitant à 25 000 dollars en Corée du Sud, contre 43 000 en France au taux de change courant. Cependant, en raisonnant en parité de pouvoir d’achat, l’écart serait beaucoup plus faible : 33 600 dollars en Corée du Sud contre 35 900 en France. Par ailleurs, l’évolution de ce PIB par habitant au cours des dernières décennies mérite d’être relevée : depuis 1980, à prix constants, il a augmenté de 490 % en Corée du Sud (ce qui correspond à une augmentation annuelle moyenne de 5,5 % !), contre 47 % dans notre pays (soit 1,2 % d’augmentation annuelle moyenne).
Ces succès ont toutefois leurs limites et leurs angles morts, qui sont au demeurant les mêmes que ceux auxquels les pays européens sont confrontés, montrant que la Corée du Sud a bien rejoint le club des pays développés : le vieillissement accéléré de la population ; la dépendance énergétique (en l’absence de ressources naturelles), assortie d’interrogations sur l’électricité nucléaire après la catastrophe de Fukushima ; la croissance des inégalités, qui a fait émerger durant la campagne électorale de 2012 des revendications de « démocratisation économique » centrées sur l’amélioration de la gouvernance d’entreprise et l’expansion de l’État-providence ; la concurrence avec les autres pays asiatiques, dont les coûts sont désormais généralement nettement plus bas…
Grande puissance commerciale, la Corée du Sud est devenue un partenaire majeur de l’Union européenne.
Compte tenu de la différence de taille entre les deux entités (le rapport est de l’ordre de 1 à 10 pour ce qui est de la population, de 1 à 15 pour ce qui est du PIB), toutefois, l’Union européenne est logiquement un partenaire plus important pour la Corée du Sud que dans l’autre sens cette dernière ne l’est pour l’Union. Comme on peut le voir sur les tableaux ci-après, en 2012, l’Union européenne a été le 3ème fournisseur et client de la Corée du Sud, représentant environ 8 % de ses flux commerciaux, tandis que pour l’Union, la Corée du Sud n’était que le 9ème fournisseur et le 10ème client, avec un peu plus de 2 % de ses flux commerciaux (extra-communautaires). Pour l’Union, la Corée du Sud est donc un partenaire significatif, mais pas majeur.
Ces échanges, proches de l’équilibre en 2012 (après des années de déficit européen), représentent dans les deux sens un peu moins de 40 milliards d’euros.
Les principaux fournisseurs de la Corée du Sud (2012) | |||
Rang |
Pays |
En milliards d’euros |
Part du total en % |
1 |
Chine |
62,865 |
12,67 |
2 |
Japon |
50,057 |
10,09 |
3 |
Union européenne |
39,211 |
7,9 |
4 |
États-Unis |
33,95 |
6,84 |
5 |
Arabie saoudite |
30,87 |
6,22 |
Total |
100 | ||
Source : FMI - Commission européenne. |
Les principaux clients de la Corée du Sud (2012) | |||
Rang |
Pays |
En milliards d’euros |
Part du total en % |
1 |
Chine |
104,545 |
23,27 |
2 |
États-Unis |
45,709 |
10,18 |
3 |
Union européenne |
38,613 |
8,6 |
4 |
Japon |
30,203 |
6,72 |
5 |
Hong-Kong |
25,345 |
5,64 |
Total |
100 | ||
Source : FMI - Commission européenne. |
Les dix premiers partenaires commerciaux de l’Union européenne (en part du commerce extra-communautaire en 2012)
Rang |
Fournisseurs de l’Union européenne |
En % du total des importations de l’UE |
Clients de l’Union européenne |
En % du total des exportations de l’UE |
1 |
Chine (hors Hong-Kong) |
16,2 |
États-Unis |
17,3 |
2 |
Russie |
11,9 |
Chine (hors Hong-Kong) |
8,5 |
3 |
États-Unis |
11,5 |
Suisse |
7,9 |
4 |
Suisse |
5,8 |
Russie |
7,3 |
5 |
Norvège |
5,6 |
Turquie |
4,5 |
6 |
Japon |
3,6 |
Japon |
3,3 |
7 |
Turquie |
2,7 |
Norvège |
3,0 |
8 |
Brésil |
2,1 |
Brésil |
2,3 |
9 |
Corée du Sud |
2,1 |
Inde |
2,3 |
10 |
Inde |
2,1 |
Corée du Sud |
2,2 |
Source : Eurostat.
En 2012, les exportations de l’UE vers la Corée du Sud ont été constituées principalement de produits des industries mécaniques (25 %), d’appareils électroniques (9 %) et de véhicules (7 %). Les importations européennes depuis la Corée du Sud ont été dominées la même année par les appareils électroniques (25 %), suivis à égalité (12 %) par les produits mécaniques et les navires, puis les véhicules (10 %) (1).
En matière d’investissements, les flux sont également importants, mais restent relativement limités par rapport à ceux qui peuvent exister avec d’autres pays. Les investissements européens en Corée du Sud restent beaucoup plus élevés (avec un stock estimé à 39 milliards d’euros en 2010) que les investissements coréens dans l’UE (estimés à 14 milliards d’euros la même année). Ces montants demeurent modestes au regard des investissements européens croisés avec le Japon, qui sont quatre fois supérieurs, et surtout avec les États-Unis, 45 fois plus élevés.
Les échanges commerciaux franco-coréens ont connu ces dernières années une forte croissance. Après un fort rebond en 2010, ils ont dépassé en 2011 leur niveau d’avant la crise financière (7 milliards d’euros en 2007) et atteint 8 milliards d’euros en 2012. La Corée du Sud n’en est pas pour autant devenue un partenaire majeur pour la France : elle est notre 18ème marché d’exportation (et notre 10ème marché extra-communautaire).
Ces échanges se caractérisent le plus souvent par un déficit pour notre pays. On observe toutefois une amélioration du solde bilatéral à la fin de la décennie 2000 et même un excédent en 2011, avant une nouvelle dégradation en 2012.
Source : douanes.
La mauvaise performance de 2012, où notre pays a enregistré un déficit bilatéral de 678 millions d’euros, semble résulter principalement de facteurs ponctuels :
– les douanes ont comptabilisé comme une exportation coréenne la location d’un navire d’exploration pétrolière à la compagnie Shell, pour son champ off-shore de Guyane, pour un milliard d’euros, opération sans laquelle on observerait un excédent bilatéral pour la France d’environ 300 millions d’euros ;
– les livraisons aéronautiques (Airbus) de la France à la Corée du Sud ont diminué de 60 %, ce qui s’expliquerait par un effet de calendrier, après des livraisons importantes de 2011 et avant une reprise en 2013 (livraison annoncée de deux A-380 et deux A-330).
En 2012, les exportations de la France vers la Corée du Sud ont été portées par les produits mécaniques (18 % du total), puis l’aéronautique (13 %) et les produits électroniques (10 %). Il est toutefois à noter que, généralement, la part de l’aéronautique dans ces exportations est plus importante : elle atteignait 30 % en 2011.
Pour la même année, les importations françaises en provenance de Corée du Sud ont été dominées par le transport maritime et les navires (30 % du total), les produits électroniques (22 %) et les véhicules (11 %).
Les investissements français en Corée du Sud restent beaucoup plus élevés que les investissements coréens en France.
Selon les sources coréennes, la France est le 10ème investisseur étranger dans le pays et le 4ème européen, derrière l’Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Le stock d’investissements directs de la France en Corée a été évalué à près de 2,8 milliards d’euros (pour 2010), concentré à 50 % dans les services financiers et d’assurance (du fait de la prise de participation de BNP Paribas dans Shinhan Bank) et 21 % dans l’industrie manufacturière.
Selon les statistiques de l’INSEE, le nombre d’entreprises françaises présentes en Corée du Sud s’élevait à 146 en 2009, employant 20 000 salariés. Ce chiffre est resté stable et la Chambre de commerce et d’industrie française en Corée estime la présence française actuelle à environ 150 entreprises.
La communauté française installée en Corée du Sud s’élève à environ 2 000 personnes.
Dans l’autre sens, le stock d’investissements directs coréens en France représenterait seulement 0,15 milliard d’euros (selon le rapport 2012 de l’Agence française pour les investissements internationaux), faisant de la Corée du Sud le 44ème investisseur étranger dans notre pays. 28 groupes coréens seraient présents, employant plus de 4 300 salariés.
Parmi les principaux employeurs coréens en France, on peut citer :
– le constructeur naval STX, repreneur des chantiers navals de l’Atlantique à Saint-Nazaire ;
– Samsung Electronics (423 salariés en 2011) ;
– Amore Pacific, dans les parfums, qui a racheté plusieurs marques connues (250 salariés) ;
– LG Electronics (300 salariés) ;
– en Nouvelle-Calédonie, l’aciériste POSCO, qui a investi dans l’exploitation minière en joint-venture avec la Société minière du sud-Pacifique (SMSP).
Selon les sources coréennes, avec 12 % des projets d’investissement recensés, la France est le troisième pays européen d’accueil des investissements coréens créateurs d’emploi, derrière l’Allemagne (21 %) et le Royaume-Uni (17 %).
Il n’est pas inutile de rappeler à quel point l’histoire contemporaine de la péninsule coréenne a été marquée par le conflit de 1950-1953, car c’est notamment à cette occasion que se sont tissés les premiers liens humains significatifs entre Coréens et Européens. Pour ce qui est de la France, 3 200 volontaires ont participé du côté sud-coréen à cette guerre terrible, où 270 ont laissé la vie.
Ruinée et décimée par la guerre, la Corée du Sud a connu dans les années 1960 et 1970 la dictature militaire, avant une démocratisation progressive. À la fin des années 1980, le pays s’est installé dans une vie politique démocratique normale, dont les militaires se sont retirés.
De fait, la Corée du Sud n’applique plus la peine de mort (pas d’exécution depuis une quinzaine d’années), ce qui est une situation assez remarquable en Asie orientale. Le pays reste en revanche critiqué par les défenseurs des droits de l’homme pour son application large de la « loi sur la sécurité nationale », qui réprime les manifestations de sympathie pour la Corée du Nord et permet, outre des poursuites pénales contre les personnes, des formes de censeure, notamment sur Internet et les réseaux sociaux.
La Corée du Sud s’est fortement affirmée sur la scène internationale depuis une vingtaine d’années. La tenue des Jeux olympiques à Séoul, en septembre 1988, a été suivie de succès diplomatiques, tels que l’établissement de relations diplomatiques avec l’URSS (finissante) en 1990 et la République populaire de Chine en 1992, puis l’entrée conjointe des deux Corées à l’ONU en 1991.
Le pays a présidé le G20 en 2010 et a accueilli le deuxième Sommet sur la sécurité nucléaire les 26 et 27 mars 2012. Il organisera en octobre 2013 le 22ème Congrès mondial de l’énergie, la 3ème Conférence internationale sur le cyberespace, ainsi qu’en 2015 le 7ème Forum mondial de l’eau. Il est membre (non permanent) du Conseil de sécurité des Nations Unies en 2013-2014 et a été choisi le 20 octobre 2012 par le conseil de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques pour héberger le Fonds vert.
Tout en maintenant une alliance étroite avec les États-Unis – 28 500 soldats américains continuent à stationner dans le pays –, la Corée du Sud est parvenue à développer un dialogue fluctuant avec la Corée du Nord. Commencé avec la déclaration conjointe du 15 juin 2000 des présidents Kim Dae-Jung et Kim Jong-Il, il a eu des débouchés concrets significatifs : intensification des échanges humains et commerciaux, organisation de rencontres des familles séparées, ouverture partielle de la Corée du Nord au tourisme sud-coréen, mise en place de dispositifs destinés à prévenir les incidents militaires… Il a été aussi marqué par de nombreuses crises consécutives aux agressions et provocations de la Corée du Nord : tirs de missiles, essais nucléaires, bombardement d’une île sud-coréenne en 2010, déclarations incendiaires à répétition... L’année 2013 a aussi été une année de difficultés, même si on semble maintenant dans une période d’apaisement (rétablissement du « téléphone rouge » entre les deux pays, réouverture du site industriel mixte de Kaesong).
La montée en puissance économique et commerciale de la Corée du Sud, qui a adhéré en 1996 à l’OCDE, le club des pays développés, l’a amenée à de nombreuses négociations commerciales. La politique coréenne est manifestement de rechercher des accords commerciaux bilatéraux tous azimuts.
La Corée du Sud a ainsi des accords de libre-échange en vigueur avec, outre l’UE : l’Association européenne de libre-échange (AELE), l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), les États-Unis (en vigueur depuis le 15 mars 2012), le Chili, la Colombie, l’Inde, le Pérou, Singapour et la Turquie. Des négociations ont été ouvertes avec l’Australie, le Canada, la Chine, le Conseil de coopération du Golfe, l’Indonésie, le Japon, le Mexique, la Nouvelle-Zélande et le Vietnam. Enfin, des travaux préparatoires ont été conduits en vue de négociations éventuelles avec le Mercosur, Israël, la Malaisie, la Mongolie, la Russie, etc.
Les deux accords qui nous sont soumis remplacent l’accord-cadre de commerce et de coopération entre la Communauté européenne et la Corée du Sud qui avait été signé en 1996 et était entré en vigueur en 2001.
Avant d’en examiner le contenu, il est nécessaire de les replacer dans le cadre plus général de la diplomatie de l’Union européenne.
Dans le domaine commercial, l’Union européenne est traditionnellement le « bon élève » du multilatéralisme. Elle a posé – et pose encore officiellement – la conclusion des négociations multilatérales en haut des priorités de sa politique commerciale. Dans la communication sur la politique commerciale de novembre 2010 (2), la Commission insistait ainsi sur le fait que « malgré la lenteur des progrès, l’aboutissement du cycle de Doha reste notre première priorité ».
C’est pourquoi, pendant longtemps, les principaux accords commerciaux bilatéraux conclus par l’Union l’étaient surtout avec des pays en développement (ou des groupes de ces pays), auxquels elle acccordait des concessions non-réciproques.
Cependant, l’UE se devait aussi de tirer les conclusions de l’enlisement des négociations multilatérales dites du « cycle de Doha ». Elle a donc envisagé dès 2006 la négociation d’accords bilatéraux dans la mesure où il lui fallait défendre ses intérêts offensifs et défensifs, dans le cadre d’une stratégie dite « Global Europe » présentée par la Commission européenne (3). Dans ce cadre, il a été décidé de rechercher avec les principaux partenaires commerciaux de l’Union des accords de libre-échange « de nouvelle génération » qui, au-delà de la diminution des droits de douane, porteraient sur l’ensemble des champs commerciaux et traiteraient les obstacles au commerce « derrière les frontières » : services, investissement, marchés publics, protection des droits de propriété intellectuelle, développement durable, concurrence, normes sanitaires et phytosanitaires, questions réglementaires, etc. Ces accords sont également dits « OMC + », dans la mesure où ils doivent comprendre des engagements réciproques allant au-delà de ceux pris dans les différents accords passés dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), notamment sur les services et les marchés publics. Le présent accord avec la Corée du Sud, qui traite de très nombreux domaines, est emblématique de cette nouvelle démarche.
Dans ce contexte, l’Union européenne a un nombre relativement limité d’accords de libre-échange en vigueur aujourd’hui, outre le présent accord avec la Corée du Sud et les accords passés dans son voisinage immédiat, qui vont au-delà du libre-échange (Espace économique européen, union douanière partielle avec la Turquie) :
– les accords passés dans le cadre du dialogue euro-méditerranéen ;
– un accord avec le Mexique, en vigueur depuis octobre 2000 ;
– un accord commercial, de développement et de coopération avec l’Afrique du Sud, en vigueur depuis 2000 ;
– un accord d’association avec le Chili, qui intègre un accord commercial étendu dont les stipulations sont entrées en vigueur en février 2003 ;
– un accord avec le Pérou et la Colombie, entré en vigueur depuis le 1er mars 2013 pour le Pérou et le 1er août pour la Colombie ;
– un accord avec les pays d’Amérique centrale, en vigueur depuis le 1er août 2013 pour certains d’entre eux (Honduras, Nicaragua et Panama).
Par ailleurs, les négociations engagées avec le Canada depuis plusieurs années viennent de déboucher sur un accord le 18 octobre 2013. De plus, des accords comprenant un volet de libre-échange élargi vont vraisemblablement être signés prochainement avec plusieurs des pays du « Partenariat oriental » : Ukraine, Moldavie, Géorgie et Arménie.
Enfin des négociations ont été engagées avec un certain nombre de pays ou d’organisations régionales : Conseil de coopération du Golfe, États-Unis, Inde, Japon, Jordanie, Malaisie, Maroc, Mercosur, Singapour, Thaïlande, Tunisie, Vietnam. Certaines sont quasiment achevées, par exemple avec Singapour. Avec le Japon et les États-Unis, les négociations viennent de débuter (le 25 mars 2013 avec le Japon, le 8 juillet avec les États-Unis) et seront en tout état de cause longues et difficiles.
Les négociations commerciales en cours conduites par l’UE s’accompagnent généralement d’un accord de partenariat et de coopération (APC) ou accord-cadre. Parmi les négociations d’APC récentes ayant abouti ou en cours, on peut citer celles avec l’Indonésie (2009), le Vietnam (2012), les Philippines (2012) et la Mongolie (2013). Parfois, il peut s’agir d’un accord de partenariat stratégique, par exemple avec Singapour et le Canada.
On peut parler d’un modèle de double-accord lié, accord-cadre et accord de libre-échange, qui a été inauguré par les deux présents accords avec la Corée du Sud. Ce type de construction comprend des clauses établissant un lien juridique entre les deux textes, de sorte que la violation d’une disposition essentielle de l’accord-cadre pourrait entraîner la suspension de l’accord commercial. Dans le cas présent, l’accord de libre-échange est mentionné à l’article 9 de l’accord-cadre, où il est présenté comme « un accord spécifique rendant effectives les dispositions commerciales » de coopération de l’accord-cadre.
Les deux accords liés qui nous sont soumis ont fait l’objet de négociations intenses entre 2007 et 2009, en particulier l’accord de libre-échange : sa négociation a été lancée en mai 2007, sur la base de directives de négociation adoptées par le Conseil de l’Union européenne le 23 avril 2007, et il a fallu huit sessions de négociations jusqu’en mars 2009. L’accord a été paraphé par les deux parties le 15 octobre 2009 et signé solennellement le 6 octobre 2010, lors du cinquième Sommet entre l’Union européenne et la Corée du Sud.
La procédure concernant l’accord-cadre a été parallèle. Il a été paraphé le 14 octobre 2009 et signé le 10 mai 2010.
L’accord de libre-échange constitue ce que l’on appelle un « accord mixte » : il porte à la fois sur des matières relevant de la compétence de l’Union européenne – commerce international, majorité des réglementations économiques dans le cadre du marché unique – et sur des matières relevant de celles des États-membres. On peut citer dans cette rubrique :
– les articles 10.54 à 10.61 de l’accord, qui obligent les parties à disposer de sanctions pénales et de procédures de saisie en matière de respect de la propriété intellectuelle – dispositions qui, en outre, dans notre droit national, relèvent du domaine de la loi défini à l’article 34 de la Constitution, ce qui rend nécessaire que le Parlement en soit saisi ;
– certaines des stipulations du protocole de coopération culturelle annexé à l’accord, qui comprennent des engagements (assez généraux et peu contraignants) sur les politiques culturelles des États-membres.
Dans ces conditions, l’accord de libre-échange doit être soumis à la fois à une procédure de ratification par les instances de l’Union et à une ratification par chacun des États-membres conformément à leur droits internes respectifs.
Toutefois, comme dans de nombreux accords « mixtes » de même nature, il a été prévu dans le texte même du présent accord (article 15.10, §5) une application « à titre provisoire » dès que la Corée du Sud et l’Union européenne ont accompli leurs démarches propres nécessaires, sans attendre la ratification de tous les États-membres. Le Parlement européen ayant approuvé l’accord en février 2011 et la Corée du Sud l’ayant ratifié en avril de la même année, cette application provisoire est en œuvre depuis le 1er juillet 2011. Elle porte sur toutes les dispositions pour lesquelles il n’a pas été notifié par l’une des parties qu’elles n’étaient pas susceptibles d’être appliquées de la sorte (en l’espèce les quelques dispositions relevant de la compétence des États-membres et non de l’Union) – il convient donc de souligner que pour l’essentiel l’accord de libre-échange est d’ores et déjà en vigueur.
Cette application provisoire durera jusqu’à la ratification de l’accord par le dernier des États-membres (et pourrait durer indéfiniment, sauf dénonciation de l’accord par l’un d’eux).
Le processus de ratification de l’accord est achevé dans la plupart (23) des États- membres, où il a été mené selon le calendrier suivant :
– en 2010 : Danemark et Estonie ;
– en 2011 : Bulgarie, République Tchèque, Lettonie, Hongrie, Autriche, Pologne, Slovaquie et Suède ;
– en 2012 : Espagne, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Roumanie et Royaume-Uni ;
– en 2013 : Belgique, Allemagne, Irlande, Italie, Malte et Slovénie.
L’accord-cadre doit également être soumis à ratification nationale, d’une part parce qu’il est lié à l’accord de libre-échange, d’autre part compte tenu des très nombreuses matières dont il traite (voir infra), dont la plupart relèvent des États-membres et non de l’Union, et même s’il a une portée largement déclarative comme on y reviendra.
Dans les autres États-membres de l’Union européenne, de même qu’en Corée du Sud, il a été ratifié parallèlement à l’accord de libre-échange.
Dans notre pays, le Sénat ayant voté en juillet dernier les présents projets de loi de ratification, le vote de l’Assemblée nationale permettra l’achèvement de la procédure.
L’accord-cadre est un document de portée générale, dont l’objet est d’abord de solenniser l’attachement commun de l’Union européenne et de la Corée du Sud à des valeurs et à de grands principes du droit international. Il liste également de très nombreux domaines des politiques publiques, pour y prévoir des engagements, le plus souvent génériques, de coopération entre les parties.
Le titre Ier de l’accord est consacré aux « fondements » et aux « objectifs » de la coopération entre l’Union européenne et la Corée du Sud. Il commence par un rappel de l’attachement des deux parties aux principes démocratiques, aux droits de l’homme, aux libertés fondamentales et à l’État de droit, étant précisé que tout cela constitue « un aspect essentiel du présent accord ». Les objectifs de l’accord sont ensuite listés : l’intensification du dialogue politique, des relations économiques et des contacts interpersonnels et entre les peuples, ainsi que le renforcement de leur coopération dans de très nombreux domaines qui sont ensuite développés.
Le titre II, intitulé « Dialogue politique et coopération », institue un dialogue politique régulier à tous les niveaux : réunions au sommet au niveau des dirigeants, sans périodicité prédéfinie toutefois (« chaque fois que les parties le jugeront nécessaire »), consultations annuelles au niveau ministériel, réunions d’information au niveau des hauts fonctionnaires, échanges interparlementaires… Ce titre évoque ensuite plusieurs champs essentiels de coopération au niveau international : la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, contre le commerce illégal des armes légères, contre « les crimes les plus graves qui préoccupent la communauté internationale » – avec un engagement de soutien à la Cour pénale internationale – et contre le terrorisme.
Le titre III comprend un seul article, consacré à un engagement de principe de coopération euro-coréenne dans les enceintes internationales et régionales.
Le titre IV est dédié à la coopération dans le domaine économique. Le premier de ses articles, l’article 9, vise la coopération en matière de commerce et d’investissements : comme il a été indiqué supra, il renvoie à l’accord de libre-échange. Tout en rappelant l’attachement des deux parties à divers grands principes de politique économique, les articles suivants comportent des engagements généraux de coopération dans de nombreux domaines : coopération directe entre entreprises, fiscalité, douanes, politique de la concurrence, société de l’information, science et technologie, énergie, transports et droits des consommateurs.
L’article 19, consacré aux transports maritimes, comprend toutefois des engagements plus précis et contraignants, qui recoupent ceux de l’accord de libre-échange (voir infra) : interdiction des clauses de partage des cargaisons dans les futurs accords commerciaux avec des tiers ; engagement mutuel d’accorder aux navires de l’autre partie le traitement national pour l’accès aux ports et services portuaires ; droit d’établissement des armateurs de l’autre partie ; droit pour ceux-ci d’offrir à leurs clients une livraison « porte à porte » impliquant qu’ils passent localement un contrat avec un prestataire de transport terrestre…
Le titre V, dédié à la coopération en matière de développement durable, prévoit dans des termes généraux une coopération dans les domaines de la santé, de l’emploi et les affaires sociales, de l’environnement, de la lutte contre le changement climatique, de l’agriculture, du développement rural et de la sylviculture, du milieu marin et de la pêche, enfin de l’aide au développement.
Le titre VI comprend des engagements de coopération dans les domaines de la culture et de l’éducation, notamment en matière de promotion de la diversité culturelle grâce au respect des dispositions de la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. L’attachement à cet instrument international est, on le sait, une constante de la diplomatie française.
Le titre VII, intitulé « Coopération dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité », appelle les parties à développer leur coopération judicaire, à s’aligner sur les normes internationales les plus strictes de protection des données personnelles, à coopérer dans la lutte contre l’immigration clandestine et le trafic d’êtres humains, contre les drogues illicites, contre la criminalité organisée et la corruption, contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et contre la cybercriminalité. L’article 33, outre un engagement de principe de réadmission des ressortissants d’une des parties en séjour illégal sur le territoire de l’autre, envisage la conclusion éventuelle d’un accord spécifique en la matière entre l’Union et la Corée du Sud.
Le titre VIII envisage des coopérations dans d’autres domaines : tourisme, société civile, administration et statistiques.
Le titre IX définit le cadre institutionnel de l’accord. À ce titre, l’article 44 crée un comité mixte de suivi, composé de représentants des deux parties, avec du côté européen une double présence du Conseil et de la Commission. Il doit se réunir au moins une fois par an, alternativement à Bruxelles et à Séoul. L’article 45 détermine les modalités de mise en œuvre de l’accord, permettant notamment la prise de « mesures appropriées » par une partie qui considérerait que l’autre manque à ses obligations conventionnelles, ainsi que des procédures préalables à ces mesures et une éventuelle procédure d’arbitrage qui est développée à l’article 46.
Ces deux articles 45 et 46 sont complétés par une « déclaration interprétative commune » qui commence par un préambule sur les « valeurs » partagées par les deux parties : « la démocratie, les droits de l'homme, la non-prolifération et la lutte contre le terrorisme ». La mise en œuvre de l’accord « sera donc fondée sur les principes du dialogue, du respect mutuel, d’un partenariat équitable, du multilatéralisme, du consensus et du respect du droit international ». La référence aux valeurs partagées, avec en particulier l’insistance sur les droits de l’homme et la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, constitue un type de dispositions que l’Union européenne s’efforce systématiquement d’introduire dans les accords qu’elle passe avec ses grands partenaires.
L’accord de libre-échange à proprement parler est complété par vingt-cinq annexes, trois protocoles et quatre memoranda. L’ensemble forme un document de plus de 1 800 pages ! Les titres des chapitres de l’accord lui-même montrent qu’il est très complet, puisque, outre les habituelles dispositions générales et dispositions finales sur les différends d’interprétation et l’entrée en vigueur, ils concernent successivement : l’accès au marché pour les marchandises ; les mesures commerciales que peuvent prendre les parties ; les obstacles techniques au commerce ; les mesures sanitaires et phytosanitaires ; le régime douanier et la facilitation des échanges ; le commerce des services ; les mouvements de capitaux ; les marchés publics ; la propriété intellectuelle ; la concurrence ; les engagements de transparence ; la prise en compte du développement durable. Sans prétendre à une exhaustivité impossible sur toutes ces stipulations, on peut identifier les points les plus saillants sur un certain nombre de thématiques sensibles.
D’après les données de l’OMC, la moyenne simple des tarifs douaniers applicables aux tiers avec lesquels un accord de libre-échange n’a pas été passé (par application de la clause de la nation la plus favorisée) était à la veille du présent accord de 5,3 % pour l’Union européenne et de 12,1 % pour la Corée du Sud. Dans les deux entités, ces droits étaient faibles pour les produits industriels – avec tout de même des droits significatifs dans quelques secteurs, par exemple l’automobile avec dans l’UE un droit ad valorem de 10 % –, mais nettement plus élevés pour les produits agricoles, avec une moyenne simple de 13,9 % pour l’UE et surtout de 48,6 % pour la Corée du Sud. En pondérant les droits applicables par l’importance des flux commerciaux, donc en regardant les droits moyens effectivement appliqués aux importations existantes, on constatait même un niveau moyen de droits de plus de 93 % en Corée du Sud sur les produits agricoles !
Droits de douane moyens appliqués par l’UE et la Corée du Sud
En % |
Total |
Produits agricoles |
Produits non-agricoles | |
Moyenne simple des droits appliqués de droit commun (à la « nation la plus favorisée ») en 2011 |
Union européenne |
5,3 |
13,9 |
4 |
Corée du Sud |
12,1 |
48,6 |
6,6 | |
Moyenne des droits pondérée par les flux commerciaux en 2010 |
Union européenne |
2,8 |
9,9 |
2,4 |
Corée du Sud |
7,4 |
93,3 |
3,6 |
Source : OMC, World Tariff Profiles 2012.
S’agissant de la part des lignes tarifaires sur lesquels aucun droit de douane n’existait, elle était dans l’UE de 30,1 % pour les produits agricoles et de 26,7 % pour les autres produits. En ce qui concerne la Corée du Sud, cette part n’atteignait que 6,1 % pour les produits agricoles et 17,1 % pour les autres.
On constatait donc globalement :
– un niveau moyen de protection tarifaire plus de deux fois plus élevé en Corée du Sud que dans l’UE ;
– une protection très forte du secteur agricole dans les deux entités, mais plus particulièrement en Corée du Sud ;
– l’existence de droits sur la grande majorité des lignes tarifaires de part et d’autres.
Dans ce contexte et comme il se doit sans un accord de libre-échange, le premier objet du présent accord, qui figure à son chapitre 2, est le démantèlement de l’essentiel des droits de douane pratiqués entre les deux parties : pour 98,7 % des lignes tarifaires, ces droits vont être intégralement supprimés en cinq ans ; dès l’entrée en application provisoire de l’accord au 1er juillet 2011, ils l’ont été sur les trois quarts des flux commerciaux entre les deux parties.
Cependant, un démantèlement plus progressif des droits, pouvant s’étaler sur des périodes atteignant jusqu’à 21 ans, a été prévu pour certains produits, essentiellement agricoles, notamment du côté coréen, les tarifs douaniers coréens étant généralement plus élevés que les tarifs européens, comme on l’a vu. Ainsi parmi les produits qui verront leurs droits progressivement supprimés pour ce qui concerne les importations coréennes depuis l’UE, peut-on trouver la viande de porc ou le whisky, auparavant frappés de droits respectivement de 27 % et 20 %.
De plus, quelques produits agricoles, en nombre assez réduit, soit sont exclus de l’accord, soit ne verront pas les droits les frappant réduits ou font l’objet de traitement spécifiques (riz, certains produits de la pêche, divers fruits et légumes…).
Selon la principale étude économétrique ayant précédé l’accord (4), les barrières non-tarifaires – les différentes réglementations qui, sans être nécessairement discriminatoires, ont pour effet de décourager les importations – sont généralement plus lourdes dans les deux entités que les barrières tarifaires, en particulier du côté coréen. Selon la même source, ces barrières non-tarifaires sont plus élevées en Corée du Sud que dans l’Union européenne dans la majorité des secteurs industriels – notamment le textile, l’habillement, la métallurgie, les machines et surtout l’automobile –, de même que dans les services en général.
L’accord comporte un chapitre 4 relatif aux « obstacles techniques au commerce » qui est de portée assez générale. Il est surtout intéressant par les annexes sectorielles 2-B à 2-E qui comportent des engagements concrets dans quatre secteurs industriels clé : les produits électroniques ; l’automobile ; les médicaments et équipements médicaux ; les produits chimiques. Outre l’établissement de groupes de travail sectoriels pour progresser dans la levée des obstacles non-tarifaires dans ces domaines, des dispositions précises devraient faciliter les importations.
Ainsi, pour les automobiles, qui sont, on le sait, soumises à des réglementations techniques très détaillées, les deux parties devront, dans un certain nombre de domaines (sécurité, niveau de bruit, émissions de polluants…), considérer comme satisfaisant à leur propre réglementation les véhicules importés de l’autre partie qui sont conformes aux prescriptions des règlements internationaux établis dans le cadre du Forum mondial pour l’harmonisation des réglementations sur les véhicules, dit « WP 29 » : les véhicules importés n’auront donc plus à satisfaire des standards locaux parfois complexes et évolutifs, en particulier en Corée du Sud. Il est en outre prévu une harmonisation dans un délai de cinq ans de 29 autres réglementations coréennes sur les règlements du WP 29. Enfin, le WP 29 est formellement reconnu dans l’accord comme l’organe international de référence pour la normalisation dans l’automobile, ce qui globalement renforce la position de l’Europe dans les processus normatifs internationaux, puisqu’elle se réfère depuis longtemps aux normes du WP 29, par opposition à l’autre grand standard mondial en la matière, édicté par les États-Unis.
Pour les produits électroniques, les importations devront être autorisées sur la base de déclarations de conformité (aux standards techniques) des fabricants, sans pouvoir exiger de tests effectués sur le lieu d’importation, alors que la Corée du Sud imposait auparavant aux importateurs des tests et procédures de certification très onéreux.
En matière de médicaments, des garanties de transparence sont données quant au mode de fixation des prix de remboursement et des recours contre les décisions en la matière devront être mis en place.
L’article 2.14 de l’accord ouvre des perspectives d’élargissement de ces engagements sectoriels : « trois ans après l'entrée en vigueur de l’accord, les parties pourront entamer une consultation (…) afin d’envisager d’élargir le champ couvert par leurs engagements en matière de mesures non tarifaires sectorielles relatives aux marchandises ».
Un chapitre de l’accord, le chapitre 5, est également consacré aux mesures sanitaires et phytosanitaires, qui apparaissent souvent comme des obstacles au commerce des produits agricoles et alimentaires – et sont parfois mises en place délibérément à des fins protectionnistes. Des engagements sont donc pris dans l’accord sur la conformité des éventuelles règles sanitaires concernant les importations avec les normes internationales en la matière (accord de l’OMC sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires, dit SPS, Codex alimentarius, Organisation mondiale de la santé animale et Convention internationale pour la protection des végétaux) et la reconnaissance du concept de zones exemptes (ou à faible prévalence) d’organismes nuisibles ou de maladies. Un comité mixte spécialisé est mis en place.
Le chapitre 7 et ses annexes comprennent des avancées conséquentes dans la libéralisation du commerce des services et corrélativement du droit d’établissement des entreprises de services. Ce commerce étant déjà très ouvert dans l’Union européenne, il s’agit de concessions de la partie coréenne, concessions très intéressantes pour l’Union vu la compétitivité de ses activités dans ce secteur. Les engagements pris par la Corée du Sud dépassent largement ceux qu’elle avait consentis au sein de l’accord-cadre de 1996 et à l’OMC dans le cadre de l’accord sur les services (AGCS).
On relève ainsi :
– en matière de navigation maritime, la reconnaissance pour les entreprises européennes du droit d’établissement en Corée du Sud et du droit d’y accéder aux infrastructures portuaires dans les mêmes conditions que les compagnies maritimes nationales ;
– le plein accès aux services de réseau (air, eau, énergie, déchets, adduction, traitement) ;
– un élargissement de l’accès au marché sud-coréen des services financiers ;
– dans les télécommunications, la possibilité pour les opérateurs européens de fournir en Corée du Sud des services de transmission satellitaire de signaux de télévision et de radio, ce sans avoir à conclure des partenariats avec des opérateurs locaux, ainsi que la possibilité de détenir la totalité du capital et des droits de vote d’un fournisseur de services de télécommunications (ces concessions vont au-delà de ce qui a été obtenu par l’UE dans les accords signés auparavant avec le Chili et le Mexique, par exemple) ;
– s’agissant des services juridiques, la possibilité pour les cabinets d’avocats de I’UE d’établir des bureaux de représentation en Corée du Sud et d’y fournir des services de conseil juridique à condition que ces derniers ne traitent pas de droit coréen ; ultérieurement, la possibilité d’accords de coopération avec des cabinets sud-coréens, puis d’entreprises conjointes.
Le chapitre 9 de l’accord concerne les marchés publics.
L’accord plurilatéral de l’OMC sur les marchés publics (AMP) s’applique à l’Union européenne depuis 1996 et à la Corée du Sud depuis 1997, mais les engagements coréens dans ce cadre étaient réduits, car la Corée du Sud pouvait alors exciper de son statut d’économie en développement.
Le présent accord élargit les engagements réciproques à des secteurs qui n’étaient pas couverts par l’AMP : les concessions de travaux publics pour ce qui concerne l’UE, et les contrats de « construction-exploitation-transfert » (BOT) pour la partie coréenne, lesquels concernent des projets d’infrastructures tels que la construction de routes, ce qui offre des perspectives aux entreprises françaises, bien positionnées dans ce domaine.
Le chapitre 10 de l’accord traite de la propriété intellectuelle. Il couvre l'ensemble des droits de cette nature, tels que le copyright, les dessins et modèles et les brevets. Il va à certains égards au-delà des dispositions de l’accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Il dote ainsi les titulaires de droits de propriété intellectuelle de la possibilité de les faire respecter par des mesures aux frontières (saisie en douane). Il établit également des normes spécifiques de protection de certains droits de propriété intellectuelle qui sont conformes aux conceptions européennes et françaises en la matière, par exemple la protection des œuvres pour une durée de 70 ans après la mort de l’auteur ou le droit à une rémunération équitable et unique pour les artistes interprètes.
L’accord comprend également des engagements mutuels très précis quant à la protection des indications géographiques (IG). Il comporte en annexe une liste d’indications à protéger par l’autre partie, liste qui, de plus, pourra être complétée par un groupe de travail ad hoc.
La Corée du Sud devra ainsi protéger les appellations françaises suivantes : comté, reblochon, roquefort, camembert de Normandie, brie de Meaux, emmental de Savoie, pruneaux d’Agen, huîtres de Marennes-Oléron, canards à foie gras de divers terroirs du sud-ouest, jambon de Bayonne, huile d’olive de Haute-Provence, huile essentielle de lavande de Haute-Provence, cognac, armagnac, calvados et de nombreuses appellations viticoles (beaujolais, bordeaux, bourgogne, chablis, champagne, etc.).
Cette protection sera large puisqu’elle interdira aussi les usages non directement trompeurs d’indications géographiques consistant à les faire précéder par des mots tels que « genre », « façon » ou « imitation ». Cela représente une amélioration dans la protection de nos appellations, car, jusqu’à présent, si la Corée du Sud dispose déjà d’un système de protection des indications géographiques, il était susceptible en ce qui concerne les appellations non-coréennes de contournements par le dépôt de marques utilisant des noms d’origine étrangère – marques ou IG notamment françaises ou italiennes – dans des classes différentes de celle du produit d’origine, voire dans des classes identiques pour les IG, mais complétées par d’autres mots en anglais ou en coréen, ce qui compliquait les recours.
Le chapitre 3 de l’accord autorise des mesures de sauvegarde, consistant dans le maintien ou le rétablissement de droits de douane, « lorsque des marchandises originaires d’une partie sont importées sur le territoire de l’autre partie dans des quantités tellement accrues, tant en termes absolus que par rapport à la production intérieure, et à des conditions telles qu’elles causent ou menacent de causer un préjudice grave à une industrie intérieure produisant des marchandises similaires ou directement concurrentes ». Par ailleurs, pour plusieurs produits agricoles, les Coréens ont obtenu que des contingents d’importation sur leur territoire depuis l’UE soient prévus, au-delà desquels des droits de sauvegarde prédéfinis pourront être appliqués.
Dans le cadre communautaire, un règlement de 2011 (5) définit et encadre les procédures pouvant conduire à ces mesures de sauvegarde si elles devaient être mises en œuvre par l’UE : la Commission européenne est chargée de suivre, à partir de la date d’application de l’accord, l’évolution des statistiques d’importation et d’exportation des produits coréens dans certains secteurs sensibles, dont la liste peut d’ailleurs être étendue ; elle présente un rapport annuel portant sur les importations depuis la Corée du Sud dans ces secteurs. Par ailleurs, des procédures d’enquête, notamment à la demande d’un État membre, ou de « surveillance préalable » des importations sont prévues, notamment « en cas d’augmentation soudaine des importations concentrée dans un ou plusieurs États membres ».
Le chapitre 13 de l’accord comprend des engagements sur le respect des normes sociales internationales. Il est notamment stipulé que « les parties réaffirment leur engagement à mettre effectivement en œuvre » les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) qu’elles ont ratifiées et « consentent des efforts continus et soutenus en vue de ratifier » les conventions de cette organisation.
Le même type d’engagements est prévu en matière environnementale : en particulier, « les parties réaffirment leur attachement à la mise en œuvre effective, dans leurs législations et pratiques, des accords multilatéraux en matière d’environnement auxquels elles ont adhéré » ainsi que « leur engagement à réaliser l’objectif ultime de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et son protocole de Kyoto ».
Conformément aux positions défendues par notre pays, l’accord exclut de son champ certains secteurs, tels que les services audio-visuels et les armements.
Cependant, les services audio-visuels ont également été pris en compte dans la négociation, mais dans un cadre à part, celui du « protocole relatif à la coopération dans le domaine culturel ». Celui-ci stipule notamment que les co-productions audio-visuelles entre l’UE et la Corée du Sud pourront bénéficier des régimes d’encouragement qui existent pour les productions locales dans les deux entités (les fameux « quotas » d’œuvres du côté européen).
Ces dispositions sur les co-productions ne sont toutefois applicables que pour une durée de trois ans à compter de leur entrée en vigueur et leur reconduction ne pourra se faire, pour ce qui est de la partie européenne, qu’à l’unanimité des États membres, comme le prévoient les traités européens en matière culturelle. De plus, en application de l’article 15.10 de l’accord de libre-échange, l’entrée en vigueur du protocole a été conditionnée à la ratification préalable, par la partie coréenne, de la Convention de l’UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (la Corée du Sud a ratifié cette convention le 1er avril 2010).
Le caractère mixte des accords que nous examinons a une conséquence plutôt rare dans le cadre de l’examen d’un projet de loi de ratification : puisqu’ils sont déjà en application avant leur ratification nationale, il est possible, sinon d’en faire un bilan – ce serait prématuré –, du moins d’en observer les premiers effets. La question se pose essentiellement pour l’accord de libre-échange, l’accord de coopération ayant comme on l’a vu une portée largement déclarative.
Pour ce qui est de l’accord de libre-échange, cet exercice de premier bilan est d’autant plus intéressant qu’il est possible de comparer les premiers retours a posteriori aux éléments d’évaluation a priori dont on dispose.
Pour ce qui est des travaux préalables à l’accord de libre-échange, l’étude économétrique la plus complète (6), à laquelle le Gouvernement se réfère principalement dans l’étude d’impact du projet de loi de ratification, a été réalisée par des économistes appartenant notamment au CEPII pour la Commission européenne (7).
Cette étude quantifie les gains liés à l’accord pour les deux partenaires, étant rappelé que, dans la théorie économique libérale classique, il est admis depuis David Ricardo que le libre-échange est un processus gagnant-gagnant pour les différentes parties qui s’y livrent. Ces gains reposent sur plusieurs mécanismes économiques : l’ouverture de nouveaux marchés à l’export conduit les entreprises et plus généralement les pays à se spécialiser dans les activités où ils sont le plus compétitifs, donc les plus productifs, ce qui accroît leur revenu et l’efficacité de l’économie ; la libéralisation des importations permet aux consommateurs et aux entreprises qui achètent des biens intermédiaires ou des équipements d’accéder à une offre plus variée et moins chère, ce qui dégage du pouvoir d’achat.
Les résultats de ce type d’études doivent toutefois être pris avec prudence : outre les critiques génériques que l’on peut faire au caractère par définition simplificateur des modèles économétriques et aux postulats qui sont à leur base, la modélisation des gains résultat potentiellement d’un accord de libre-échange se heurte à deux difficultés spécifiques, d’ailleurs longuement traitées dans l’étude en cause :
– le commerce entre deux entités comme l’Union européenne et la Corée du Sud ne peut pas être séparé de leur commerce avec le reste du monde. Les gains consécutifs à la libéralisation de leur commerce bilatéral seront donc largement impactés par le degré de libéralisation de leur commerce avec les autres pays, donc par le degré d’avancée des autres négociations commerciales, qui est difficilement prévisible. À cet égard, l’étude envisage deux hypothèses, selon que déboucheront ou non le cycle de Doha et les principales autres négociations commerciales bilatérales de l’UE ou de la Corée du Sud qui sont en cours – ces deux hypothèses donnent les deux valeurs des fourchettes qui apparaissent dans les tableaux ci-après ;
– l’accord UE-Corée du Sud comprend un large démantèlement tarifaire, mais aussi une réduction des barrières non-tarifaires. Pour mesurer son impact économique, il faut donc prendre en compte cette réduction, ce qui pose le problème de la quantification de ces barrières, lesquelles, à la différence des tarifs douaniers, ne s’expriment pas par des valeurs chiffrées. Une évaluation de l’équivalence en tarif douanier des barrières non-tarifaires est donc nécessaire, ce qui nécessite des calculs complexes ; et ensuite, il faut quantifier, sur la base de postulats discutables, la réduction supposée de ces barrières consécutive à l’accord (qui, par exemple, est ainsi évaluée dans le cas d’espèce, pour la partie coréenne, à 60 % dans l’automobile, 80 % dans l’électronique, 50 % dans les médicaments, mais seulement 20 % dans les autres industries…).
Sous ces réserves, le tableau ci-après synthétise les principales conclusions de l’étude précitée quant aux gains à terme consécutifs à l’accord.
Principaux gains résultant de l’accord de libre-échange
Union européenne |
Corée du Sud | |
Gain de PIB |
0,07 à 0,08 % |
0,46 % à 0,84 % |
Augmentation des exportations totales |
0,96 à 1,40 % |
4,01 % à 5,50 % |
Augmentation des exportations vers l’autre partenaire |
62 à 83 % |
23 à 38 % |
Les gains sus-indiqués ne correspondent pas à des augmentations de PIB ou d’exportations une année n, mais au surplus de PIB ou d’exportations que l’on finirait par observer, toutes choses égales par ailleurs, une fois acquis tous les effets de l’accord.
La première observation que l’on peut faire, c’est que les gains globaux, du moins exprimés relativement (en %), sont beaucoup plus importants pour la Corée du Sud que pour l’UE : le gain de PIB serait de l’ordre de 0,5 % à 0,8 % pour la première, alors qu’il serait à peine perceptible pour la seconde ; les exportations coréennes augmenteraient globalement de 4 % à 5,5 %, contre seulement 1 % à 1,4 % pour celles de l’UE. Cette différence s’explique principalement par l’écart de taille entre les deux économies, celle de l’UE pesant environ quinze fois plus que celle de la Corée du Sud : en conséquence, la libéralisation du commerce mutuel a un impact relatif bien plus important sur cette dernière. Comme on l’a d’ailleurs vu et pour la même raison, l’UE est un partenaire commercial beaucoup plus important pour la Corée du Sud que cette dernière ne l’est pour l’Union.
Si l’on observe par contre les seuls flux commerciaux bilatéraux, on constate cette fois une augmentation prévue des exportations européennes vers la Corée du Sud nettement plus forte que dans l’autre sens : de l’ordre de 60 % à 80 % dans un sens, de 20 % à 40 % dans l’autre. Ceci s’explique par le fait que la Corée du Sud avait, avant l’accord, un niveau moyen de protection tarifaire et non-tarifaire bien plus élevé que l’UE ; elle fait donc un effort plus important dans le cadre de l’accord. C’est aussi cette situation qui explique largement les gains de PIB de la Corée du Sud selon l’étude : ils résultent en grande partie des gains de pouvoir d’achat consécutifs à la baisse des prix à l’importation qu’entraîne la forte réduction des barrières protectionnistes.
Dans ce contexte, l’étude prévoit que les exportations européennes vers la Corée du Sud augmenteraient d’un montant de 33 à 41 milliards d’euros, contre une augmentation moindre du flux inverse (de 23 à 34 milliards d’euros). La balance commerciale bilatérale se rééquilibrerait donc au bénéfice de l’Union européenne à hauteur de 7 à 10 milliards d’euros. Le tableau ci-après permet de décomposer sectoriellement cette évolution.
Évolution de la balance commerciale bilatérale (« + » : amélioration pour l’UE ; « – » : dégradation)
(en milliards d’euros)
Ensemble |
+ 6,68 à + 10,08 |
Bien issus de l’agriculture |
+ 2,95 à + 3,74 |
- dont produits laitiers |
+ 1,38 à + 1,62 |
- dont viande et produits animaux |
+ 1,32 à + 2,02 |
Bien non-agricoles |
+ 0,96 à + 6,24 |
- dont textile |
– 3,05 à – 3,61 |
- dont produits chimiques |
+ 3,64 à + 5,11 |
- dont voitures et camions |
– 4,98 à – 13,39 |
- dont machines |
+ 3,45 à + 4,21 |
Services |
+ 0,89 à + 1,97 |
On peut observer que l’Union européenne enregistrerait des gains commerciaux dans l’agriculture, dans les services et dans l’industrie dans son ensemble.
Pour les produits agricoles, ces gains se concentreraient sur les produits de l’élevage, produits laitiers et viande, avec d’ailleurs un impact significatif sur les exportations globales (mondiales) de l’UE dans ces domaines : la seule ouverture du marché coréen entraînerait une augmentation de celles-ci de 6 % à 12 % pour la viande et de 8 % à 13 % pour les produits laitiers.
Pour les produits industriels, l’amélioration globale de la balance bilatérale au bénéfice de l’UE recouvrirait des évolutions plus contrastées : l’Union enregistrerait des gains importants sur la chimie et la mécanique, mais au prix d’une dégradation considérable de sa balance dans le textile et surtout l’automobile. Le déficit bilatéral dans ce domaine, actuellement de 1,4 milliard d’euros, se gonflerait de 5 à 13 milliards ! Du seul fait des gains sur le marché européen, les exportations coréennes mondiales d’automobiles s’accroîtraient de 7 % à 15 %.
Cela aurait bien sûr des effets sur l’emploi, que l’étude évalue. Selon elle, l’effet de l’accord sur l’emploi global dans l’Union européenne sera vraisemblablement très faible, de même que sur l’emploi dans la plupart des secteurs de l’économie, mais des effets négatifs pourraient concerner principalement deux secteurs : le textile, où le nombre global d’emplois pourrait être réduit d’environ 2 % (toutes choses égales par ailleurs) ; l’automobile, où cette baisse serait de 0,5 % à 1,5 %. En revanche, des gains d’emplois de 0,5 % à 1 % pourraient être observés dans les secteurs de la viande et des produits laitiers.
On le voit, cette étude préalable concluait que :
– l’accord serait mutuellement profitable, mais avec des gains relatifs plus perceptibles du côté coréen, vu la différence de taille des économies ;
– il entraînerait un rééquilibrage significatif des flux commerciaux au bénéfice de l’Union européenne ;
– mais présentait des risques pour certaines industries européennes, en premier lieu l’automobile.
Dès la fin de la première année d’application (provisoire) de l’accord de libre-échange, la Commission européenne a présenté des éléments de bilan très positifs : le 27 juin 2012, juste un an après l’entrée en application de l’accord (1er juillet 2011), une première estimation était ainsi rendue publique, dans un communiqué de presse de la Commission, fondée sur une comparaison des flux commerciaux entre les neuf premiers mois d’application de l’accord et la moyenne des périodes similaires des quatre années précédentes. Cette analyse relevait :
– une augmentation de 35 % des exportations de l’Union vers la Corée du Sud, à comparer à une augmentation de seulement 25 % de l’ensemble des exportations de l’Union ;
– une augmentation particulièrement forte des exportations vers la Corée du Sud des produits dont les tarifs douaniers avaient été supprimés dès le 1er juillet 2011, un peu moins élevée pour les produits partiellement libéralisés à cette date, encore plus faible pour ceux qui ne l’avaient pas été.
Le 25 février 2013, la Commission a remis son Rapport annuel sur la mise en œuvre de l’accord de libre-échange UE-Corée (8), qui présente des comparaisons de flux commerciaux fondées sur la même méthodologie : une comparaison entre le première année d’application de l’accord (juillet 2011-juin 2012) et la moyenne des données relatives aux quatre périodes de douze mois précédentes. Le choix de cette référence temporelle est, selon la Commission, justifié par la nécessité de neutraliser les effets conjoncturels de la crise financière et économique apparue en 2008. Il n’en conduit pas moins, ainsi qu’on le verra ensuite, en prenant pour références de la comparaison les seules années 2011 et 2012, à des résultats en apparence particulièrement flatteurs pour les exportateurs européens.
Les principales conclusions de ce rapport sont les suivantes :
– les exportations de l’UE à destination de la Corée du Sud ont progressé de 37 % dans l’ensemble par rapport à la référence ;
– mais pour celles de produits totalement libéralisés dès l’entrée en application provisoire de l’accord (soit 35 % des exportations de l’UE à destination de la Corée), cette augmentation est plus forte : + 54 %, quand la croissance des exportations européennes des mêmes produits vers le reste du monde n’a été que de 27 % ;
– pour celles de produits partiellement libéralisés (soit 43 % des exportations de l’UE à destination de la Corée), cette augmentation a été de 35 % ;
– pour celles de produits non libéralisés, l’augmentation n’a été que de 20 %.
En comparant le taux de croissance des exportations de produits libéralisés à destination de la Corée du Sud au taux de croissance « normal » des exportations des mêmes produits vers le reste du monde, la Commission estime que le surplus d’exportations européennes permis par l’accord est ainsi d’au moins 2 milliards d’euros.
Elle chiffre également à au moins 600 millions d’euros les droits de douane économisés sur les exportations de l’Union en application de l’accord sur cette première année. Selon l’étude d’impact du projet de loi de ratification, l’économie annuelle pour les exportateurs européens peut être estimée à 850 millions d’euros dès la première année d’application de l’accord et atteindrait à terme, une fois le démantèlement tarifaire achevé, 1,6 milliard d’euros annuel en rythme de croisière.
En comparant les flux sur les mêmes références, la Commission constate que les importations de l’UE en provenance de Corée du Sud n’ont que très légèrement augmenté (1 %), ce qu’elle impute au climat économique mauvais dans l’Union et au mouvement de délocalisation des entreprises coréennes (qui fournissent de plus en plus le marché européen depuis des pays tiers).
Cela dit, les importations depuis la Corée du Sud ont fortement augmenté au moins dans un secteur : celles de véhicules automobiles ont crû de 20 % (663 millions d’euros) en valeur et de 12 % (+ 45 000 véhicules) en volume au cours de la première année de mise en œuvre de l’accord, par rapport à la période de référence, ce en partie au détriment des importations provenant d’autres sources, celles-ci ayant diminué. La Commission estime toutefois que cette évolution est difficilement imputable à la libéralisation du commerce dans le cadre de l’accord, car il n’a encore été procédé, pour ce qui est des voitures, qu’à une diminution partielle des droits de douane. Dans l’autre sens, et toujours en comparant les mêmes périodes, les exportations de voitures de l’UE vers la Corée ont augmenté de 69 % (840 millions d’euros) en valeur et de 70 % (+ 33 000 unités) en volume.
Avec un peu plus de recul, et en comparant cette fois les années civiles 2011 et 2012, le fait est que l’on observe un clair rééquilibrage du commerce entre la Corée du Sud et l’Union européenne au profit de cette dernière : les exportations européennes étant passées de 32,2 à 37,4 milliards d’euros et le flux inverse seulement de 36,1 à 37,7 milliards, le déficit commercial européen vis-à-vis de la Corée du Sud s’est spectaculairement réduit de près de 4 milliards d’euros à 0,3 milliard.
Mais il reste à identifier les tenants et aboutissants de cette évolution. La Commission elle-même, dans son rapport précité, après avoir établi une corrélation statistique globale entre le degré de libéralisation des différents produits dans l’accord de libre-échange et le dynamisme des flux commerciaux afférents, semble avoir souvent du mal, quand elle entre dans le détail des secteurs économiques, à expliquer les évolutions ponctuelles et contrastées que l’on observe par ce degré plus ou moins grand de libéralisation. Elle reconnaît aussi l’incidence évidente de la (mauvaise) conjoncture économique européenne.
Le graphique ci-après permet de suivre l’évolution des flux commerciaux entre l’Union européenne et la Corée du Sud sur quelques années.
Les échanges bilatéraux euro-coréens
(en milliards d’euros)
Source : Eurostat.
On peut l’observer, le rééquilibrage des flux n’a pas commencé en 2012, mais s’inscrit dans un mouvement de moyen terme. Par ailleurs, il est intéressant de rapprocher l’évolution des flux commerciaux euro-coréens avec la croissance économique des deux entités : d’un côté l’augmentation régulière des exportations européennes vers la Corée du Sud apparaît corrélée à la croissance très enviable retrouvée par ce pays après la crise de 2009 (6,3 % en 2010 ; 3,7 % en 2011 ; 2 % en 2012) ; de l’autre, l’évolution moins favorable et plus erratique des exportations coréennes vers l’Union correspond à des performances médiocres de celle-ci sur le plan de la croissance globale (après une récession de 4,5 % en 2009, une croissance de 2 % en 2010, 1,7 % en 2011 et une nouvelle récession de 0,4 % en 2012). Tout autant voire plus que l’accord de libre-échange, l’écart de conjoncture entre les deux entités est vraisemblablement un facteur essentiel du rééquilibrage de leur solde bilatéral global.
On peut en outre signaler que dans le secteur automobile, particulièrement sensible, le solde bilatéral – à savoir un déficit de plus de 1,4 milliards d’euros de l’Union européenne – a très peu changé entre 2011 et 2012 : les exportations de voitures de l’UE ont augmenté de plus de 27 %, passant de 1,95 milliard d’euros à 2,5 milliards, mais les importations depuis la Corée du Sud ont connu une augmentation presque aussi importante en montant, passant de 3,4 milliards d’euros à 3,9 milliards, même si cela représente un taux de croissance plus faible (+ 14 %).
Si l’on en revient à notre pays, la balance commerciale franco-coréenne s’est, on l’a dit, dégradée entre 2011 et 2012, principalement pour des raisons ponctuelles plus que structurelles (impact d’une très grosse opération de location d’un navire de recherche pétrolière, rythme des livraisons d’Airbus…). Si l’on regarde le détail des exportations françaises vers la Corée du Sud, on observe en 2012 par rapport à 2011 un très fort recul (60 %), conjoncturel, sur l’aéronautique, mais des progressions élevées dans d’autres secteurs : équipements mécaniques et électriques (+ 28 %), produits chimiques (+ 10 %), textile, habillement, cuirs et chaussures (+ 20 %), produits agro-alimentaires (+ 8 %, avec des progressions beaucoup plus fortes sur les produits laitiers, vins et spiritueux). Certaines de ces évolutions favorables ont pu être favorisées par les mesures de démantèlement tarifaire de l’accord de libre-échange, par exemple sur la maroquinerie ou certains produits agro-alimentaires, mais cela reste à démontrer.
Les graphiques qui suivent montrent l’évolution des flux d’échange de la France avec la Corée du Sud sur quelques familles sensibles ou stratégiques de produits. On peut observer que dans plusieurs secteurs – agro-alimentaire, textile et cuir, chimie et cosmétiques –, l’augmentation des exportations françaises vers la Corée du Sud que l’on constate en 2012 s’inscrit dans la continuité des augmentations des années précédentes, ce qui relativise l’impact propre de l’accord de libre-échange, au profit d’autres facteurs de moyen terme (la croissance soutenue de l’économie coréenne, l’évolution des modes de consommation des Coréens qui favorise certaines importations dans l’alimentation ou l’habillement et la maroquinerie haut de gamme…).
COMMERCE FRANCO-CORÉEN PAR SECTEUR :
Équipements mécaniques, matériel électrique, électronique et informatique
Produits agro-alimentaires
Textile, habillement, cuir et chaussures
Produits chimiques, parfums et cosmétiques
Produits pharmaceutiques
Matériels de transport
Source : douanes françaises, direction générale du Trésor.
Le dernier graphique, concernant les matériels de transport, montre une forte baisse des exportations françaises en 2012 après un pic en 2011, évolution qui est principalement liée au rythme des livraisons d’avions. Dans l’autre sens, le pic qu’atteignent les ventes coréennes à la France en 2012 s’explique en grande partie par la comptabilisation d’une opération exceptionnelle de location de navire pour la recherche pétrolière. Mais ces performances opposées de la France et de la Corée rendent également compte de l’évolution dans le secteur de l’automobile.
Dans ce secteur, on a observé en 2012 un recul des exportations françaises vers la Corée, mais il s’agit d’un poste peu significatif : le marché coréen des véhicules importés est dominé à plus de 70 % par les marques allemandes et la part des constructeurs français est marginale ; leurs exportations vers la Corée n’ont représenté en 2012 que 36 millions d’euro, contre 42 millions l’année précédente, ce qui n’était guère mieux. Les constructeurs français n’ont donc pas profité de la forte augmentation des exportations du secteur automobile européen vers la Corée du Sud qui a été relevée par la Commission européenne. Dans l’autre sens on a observé en 2012 une hausse de 15 % en valeur des importations de véhicules coréens en France, qui sont passées de 325 millions d’euros à 375 millions – on voit que ces importations sont environ dix fois plus importantes que les exportations de voitures françaises vers la Corée du Sud. Cette évolution a entraîné une détérioration de 20 % de la balance commerciale bilatérale du secteur « automobiles » (le déficit français passant de 283 à 340 millions d’euros). Cela dit, d’après les données les plus récentes, le flux de véhicules coréens vers la France s'est finalement stabilisé et a même décru au 1er trimestre 2013.
Une note de la direction générale du Trésor transmise à votre rapporteur fait le constat suivant : le rééquilibrage des flux commerciaux entre l’UE et la Corée au bénéfice de la première n’est sans doute qu’en partie dû à l’accord de libre-échange, comme on l’a développé supra, mais la corrélation apparente entre l’accord et cette évolution a généré des réflexes protectionnistes en Corée du Sud. Le climat post-entrée en vigueur de l’accord est devenu défavorable aux entreprises étrangères. Cette image négative a été renforcée par la presse, qui a accusé des marques européennes de ne pas répercuter les effets de l’accord sur leurs prix.
Par ailleurs, selon ce document, de nombreuses difficultés d’accès au marché coréen se maintiennent, voire se renforcent. Ainsi, l’accord n’a-t-il pas permis de lever certains obstacles, par exemple l’embargo sur le bœuf européen ; des difficultés subsistent en matière de propriété intellectuelle (inégalités de traitement entre Coréens et étrangers pour l’enregistrement des brevets et des marques) ; de nouvelles exigences apparaissent, dans des champs non traités par l’accord (par exemple, projet de législation surtaxant certains alcools, exigence d’étiquetage en coréen sur les produits cosmétiques, etc.) ; dans le secteur automobile, l’accord n’a permis la reconnaissance que d’un nombre limité de normes et sa mise en œuvre est souvent bloquée par des divergences d’interprétation des annexes techniques…
La note précitée conclut en conséquence à la nécessité d’une grande vigilance sur l’application de l’accord de libre-échange et d’un approfondissement du dialogue entre les autorités coréennes et la Commission européenne. L’accord prévoit d’ailleurs ce dialogue à travers des comités spécialisés et groupes de travail sectoriels, qui se sont réunis, ou devaient le faire, au cours de l’été 2013. Les auteurs de la note estiment que la Commission s’est peut-être insuffisamment prémunie contre certaines difficultés de mise en œuvre, notamment sur les aspects normatifs et réglementaires. Elle a d’ailleurs récemment proposé des amendements à l’accord.
L’intensification des relations politiques et économiques de l’Union européenne avec la Corée du Sud – donc la ratification des deux accords qui nous sont soumis – est souhaitable pour plusieurs raisons fondamentales :
– la Corée du Sud partage les valeurs démocratiques de l’Union européenne, situation qui n’est pas celle de tous les pays d’Asie orientale ;
– le niveau de développement atteint par la Corée du Sud, suite à des succès économiques remarquables, en fait un partenaire économique très intéressant. Avec un niveau de vie moyen désormais voisin de celui de l’Europe, la Corée du Sud offre des opportunités évidentes aux exportateurs européens et particulièrement français dans des secteurs où la France est bien placée : alimentation, produits de santé, biens de consommation haut de gamme, infrastructures et services publics de qualité... Et dans sa situation présente, l’Europe ne peut pas négliger un marché dont on peut espérer, au regard des performances passées de l’économie coréenne, qu’il va rester dynamique ;
– dans le cadre de l’accord de libre-échange, la Corée du Sud, partant d’un niveau plus élevé de protection tarifaire et non-tarifaire que l’Union européenne, consent donc un effort d’ouverture plus important. Cette dissymétrie devrait faire que l’application de cet accord, bénéfique aux deux parties, soit encore plus favorable aux exportateurs européens et contribue à rééquilibrer la balance commerciale bilatérale.
Votre rapporteur vous invite donc à voter les deux projets de loi présents, tout en appelant à un suivi vigilant de l’application de l’accord de libre-échange, d’une part compte tenu des risques qu’il présente pour certains secteurs industriels européens, en premier lieu l’automobile, d’autre part eu égard au risque de nouvelles mesures de protectionnisme déguisé en Corée du Sud.
Au cours de sa séance du mercredi 16 octobre, la commission examine, sur le rapport de M. Jean-Paul Bacquet, deux projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant la ratification de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part (n° 1330), et la ratification de l’accord-cadre entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part (n° 1331).
Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Merci pour ce rapport de grande qualité.
M. Avi Assouly. Cet accord prévoit une disparition presque totale des droits de douane. Cela peut inquiéter le secteur automobile. L’accès des constructeurs coréens au marché européen va être facilité Le marché européen risque d’être déstabilisé par les industriels coréens, moins touchés que les marques européennes. N’est-ce pas un cheval de Troie ?
M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur. Sur le solde bilatéral, il y a un déficit de 1,4 milliards d’euros qui a peu évolué de 2011 à 2012. Les exportations de l’Union européenne ont augmenté de 27 % en 2012.
M. Jacques Myard. Je veux rappeler que l’Union européenne est une organisation internationale. Or, dans l’intitulé de l’accord, elle précède les Etats-membres. A l’avenir, il faudra qu’il en soit autrement car seuls les Etats ont la compétence de leur compétence. Sur le fond, je suis dubitatif sur les effets de cet accord. En Corée, les normes sont faites par l’industrie coréenne. Un jour, j’ai voulu acheter une tablette Apple à Seoul. Ce produit était commercialisé partout depuis deux ans, mais Samsung sortait sa tablette et avait bloqué la sortie de la tablette Apple ! De même, le ministre de l’économie siège à la banque centrale quand il est question de déterminer le taux de change vis à vis de l’extérieur. Comme le yuan chinois, ils manipulent leur monnaie pour en tirer avantage à l’exportation. Cet accord est un marché de dupes. L’économie coréenne est administrée de A à Z comme l’est le capitalisme chinois.
M. Jean-Louis Christ. L’article 29 parle d’éducation. Y a-t-il des écoles françaises en Corée ? Nous savons que les échanges bilatéraux ne fonctionnent que s’il y a des échanges culturels.
M. Pouria Amirshahi. Votre rapport est instructif. D’un point de vue stratégique, tout ce qui a un lien avec les coopérations – notamment dans les domaines scientifiques et de la recherche – sont indispensables. On a intérêt à aller dans ce sens avec la Corée, y compris en bilatéral. On devrait impliquer nos centres de recherche et les grandes universités dans ces accords de coopération. En revanche, je suis très inquiet sur la signification de ces accords de libre échange pour une raison stratégique plus globale. L’Europe comprend 28 États-membres et 17 de la zone euro qui ont parfois l’impression de se faire imposer des règles par ceux qui n’y sont pas. Ça mérite que nous posions clairement la pertinence d’un juste échange, d’écluses tarifaires, pour être aussi intelligents, dans la compétition internationale, que les États-Unis. On ne peut pas choisir deux voies contradictoires : celle d’un juste échange (avec, notamment, la réciprocité commerciale) et le libre-échange. Je nous vois difficilement faire un tel écart. On ne pourra pas en tirer bénéfice.
M. Jean-Pierre Dufau. Je rejoins ce qu’a dit Jean-Louis Christ sur l’enseignement du français dans ces pays. Lors du vote de la loi sur l’université, quand nous avons parlé de l’emploi de la langue anglaise, nous avion insisté sur le fait que ça pouvait permettre des échanges universitaires avec les pays d’orient. Il faudrait insister pour qu’il y ait des accords universitaires accompagnant ce genre de traité. Ce serait un élément de rapprochement pour ensuite avoir des conditions économiques améliorées.
M. Philippe Cochet. Tout d’abord, lorsqu’il y’a un accord-cadre de ce type, bien qu’il faille être vigilant, nous pouvons tout de même nous réjouir des marchés que cela peut nous ouvrir. J’ai le sentiment que dès qu’il est question d’ouvrir un marché, nous sommes systématiquement sur la défensive. Or cela signifie aussi pour nous la possibilité d’aller conquérir des parts de marchés.
Ceci étant dit, et je tiens à remercier la qualité du rapport fourni, je constate que dans les accords cadre de ce type il n’est que rarement fait référence à la lutte sur la contrefaçon. J’ai pu voir qu’il y’a bien une coopération en matière de justice, liberté, etc… mais quant à la contrefaçon, il n’y est systématiquement fait aucune référence dans les accords. Or pour nous Européens, et Français en particulier, c’est une vraie préoccupation.
Deuxièmement, je souhaiterais savoir, tant au niveau européen que français, si nos entreprises seront en droit d’obtenir des marchés publics coréens ?
M. Jean Claude Guibal. Ma question s’inscrit dans la lignée de celles ayant été posées précédemment quant aux interrogations générales en matière de protectionnisme et libre-échange. Tout d’abord, je remercie également Jean-Paul Bacquet et salue un rapport très intéressant. Mais cet accord n’est-il pas déjà obsolète tant sa conception, à l’évidence libre échangiste, montre ses limites ? Je prends comme référence le livre de François Lenglet « La fin de la mondialisation » : on commence à percevoir certaines réactions protectionnistes des Etats face à des échanges trop libérés. On peut penser qu’il s’agit d’un des derniers accords du genre.
M. Jean Paul Bacquet, rapporteur. Je relève que la majorité des questions reflète des inquiétudes. J’étais également inquiet au début mais, et je rejoins la réflexion de Philippe Cochet, quand nous avons près de 60 % de nos exportations qui se font dans une Europe où les taux de croissance ne dépassent pas 2 %, alors qu’en même temps, en Asie, ces taux avoisinent les 8 %, ne devons-nous pas aller vers ces marchés, malgré les risques ?
Mais il faut aussi savoir évaluer les enjeux et, à cet égard, Jean-Claude Guibal a raison, les Coréens savent mieux le faire que nous. C’est là notre point faible, nous devrions être en mesure, en permanence, d’évaluer les perspectives et les résultats des accords commerciaux. Le démantèlement des droits de douane avec la Corée va prendre 21 ans : il est clair que nous avons besoin d’un suivi extrêmement strict de l’application de l’accord.
Pour ce qui est des matériels électroniques, l’accord est clair : la Corée n’aura plus le droit de mettre en application des tests lui étant propres, tests non pas de conformité, mais de non-conformité car il s’agissait d’une mesure de protectionnisme déguisé. Cependant, c’est à nous d’être en mesure de faire respecter le texte de l’accord.
Pour répondre à Jean-Louis Christ, il y a 146 entreprises françaises en Corée, qui y emploient 20 000 personnes, et 2 000 Français y vivent. Dans l’autre sens, il y a 28 groupes coréens en France, avec 4 300 emplois à la clef. Il y a également un lycée français à Séoul.
Sur l’université, nous devons renforcer les accords. J’étais justement en Corée il y a quelques mois et j’ai pu aisément voir le potentiel de développement et d’investissement que nous avons, spécifiquement en matière universitaire et de recherche.
S’agissant de la contrefaçon, le chapitre 10 de l’accord est consacré à la propriété intellectuelle et certaines de ses dispositions vont au-delà des clauses de l’accord OMC sur la question, dit ADPIC, avec notamment la possibilité d’obtenir la saisie en douane de produits contrefaits. Il y a donc des dispositions, mais encore faut-il qu’elles soient respectées.
Sur la question des appels d’offres pour les marchés publics coréens, il y a effectivement une ouverture accrue aux entreprises françaises et européennes, mais il faudra les gagner, ce qui n’est pas chose aisée.
Mme la présidente Elisabeth Guigou. Je partage l’opinion de Jean-Paul Bacquet : dans la situation de très faible croissance à laquelle nous devons faire face au sein de l’Union européenne, nous devrions être beaucoup plus offensifs sur les marchés étrangers. Même si nos grands groupes le font, nos PME ne sont pas incitées à prendre des risques.
Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte les projets de loi (nos 1330 et 1331).
TEXTES ADOPTÉS PAR LA COMMISSION
(Non modifié)
Est autorisée la ratification de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part, signé à Bruxelles le 6 octobre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
*
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée la ratification de l’accord-cadre entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part (ensemble deux déclarations), signé à Bruxelles, le 10 mai 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.