______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 janvier 2014
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques (n° 1635)
PAR Mme Suzanne TALLARD
Députée
——
Voir les numéros : 1635 et 1677.
SOMMAIRE
___
Pages
I. DISCUSSION GÉNÉRALE 9
II. EXAMEN DES ARTICLES 19
TITRE IER : MODÉRATION DE L’EXPOSITION AUX CHAMPS ÉLECTROMAGNÉTIQUES ET CONCERTATION LORS DE L’INSTALLATION D’ÉQUIPEMENTS RADIOÉLECTRIQUES 19
Avant l’article 1er 19
Article 1er (articles L. 32-1, L. 34-9-1, L. 34-9-2 du code des postes et des communications électroniques) : Modération de l’exposition aux champs électromagnétiques et concertation préalable à l’installation d’installations radioélectriques 21
Article 2 : Harmonisation des protocoles de mesures et de simulation de l’exposition aux champs électromagnétiques 31
TITRE II : INFORMATION, SENSIBILISATION ET PROTECTION DU PUBLIC ET DES USAGERS 32
Article 3 : Évaluation périodique des risques pour la santé des radiofréquences 32
Article 4 (article 184 de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement) : Mention du DAS, recommandations d’usages et normes techniques des équipements radioélectriques 32
Article 5 (articles L. 5231-3, 5232-1-1 [nouveau] et 5232-1-2 [nouveau] du code de la santé publique) : Encadrement de la publicité pour les téléphones mobiles et autres équipements radioélectriques 34
Article 6 : Prévention sanitaire pour une utilisation plus responsable des téléphones mobiles et autres équipements radioélectriques 35
Article 7 : Protection des jeunes enfants et limitation de l’exposition aux champs électromagnétiques dans les établissements scolaires 36
Article 8 : Rapport sur l’électro-hypersensibilité 38
TITRE III : DISPOSITIONS DIVERSES 39
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 43
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 45
ANNEXE : INTRODUCTION DE L’AVIS N° 585 DÉPOSÉ PAR MME SUZANNE TALLARD LE 15 JANVIER 2013 49
Lors de leur journée d’initiative parlementaire du 31 janvier 2013, les députés du groupe écologiste avaient inscrit à l’ordre du jour la proposition de loi n° 531 du 12 décembre 2012 relative à l’application du principe de précaution défini par la Charte de l’environnement aux risques résultant des ondes électromagnétiques. Ce texte avait fait l’objet d’une saisine pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui s’était prononcée, le 15 janvier 2013, sur les conclusions de votre rapporteure pour avis. Il avait ensuite été adopté par la commission des affaires économiques, saisie au fond, le 23 janvier, ce qui laissait augurer une issue positive lors de son examen en séance publique : pourtant, celle-ci avait vu l’adoption d’une motion de renvoi en commission, les parlementaires s’estimant insuffisamment informés sur les enjeux mobilisés et sur les prescriptions envisagées.
Il est rare que les renvois en commission se soldent autrement que par l’abandon pur et simple d’un texte, et c’est ce qui pouvait légitimement être redouté après le vote du 31 janvier 2013. Toutefois, le président de la commission des affaires économiques, M. François Brottes, s’était engagé clairement dans l’enceinte de l’Assemblée nationale :
« Chaque jour, nous écrivons ici l’histoire et j’ai procédé à des vérifications. Il y a déjà eu trois propositions de loi – le 17 janvier 2008, le 19 février 2009, le 25 juin 2009 – qui ont été renvoyées en commission à la suite de l’adoption d’une motion.
La jurisprudence que nous créons ce soir, c’est que pour la première fois, un renvoi en commission sera effectif – la commission va réellement travailler sur le texte – au lieu d’avoir, comme auparavant, un simple effet dilatoire. »
Le président du groupe écologiste, M. François de Rugy, avait pris note de la promesse :
« Je souhaite dire au président Brottes que je prends très au sérieux ses propos, car je sais qu’il est un député sérieux et travailleur – il l’a démontré depuis de très longues années –, et qu’il ne parle jamais à la légère. Nous non plus, avec Laurence Abeille, nous n’avons pas parlé à la légère en déposant ce texte. Personne n’a travaillé à la légère, personne n’a travaillé de façon précipitée ou prématurée. Nous continuerons donc à travailler, avec vous, cher collègue François Brottes, en commission puisque vous en prenez l’engagement. »
Il faut porter au crédit de la majorité parlementaire d’avoir tenu sa parole. Le 11 décembre 2013, le groupe écologiste a déposé la présente proposition de loi n° 1635 qui, tout en reprenant la substantifique moelle de celle qui l’avait précédée, prend en considération les avancées d’une année de travail et de trois études conduites en parallèle :
• les rapports du COMOP-COPIC (comités opérationnels issus du Grenelle des ondes) mentionnent la faisabilité technique d’un abaissement des seuils et la nécessité d’une procédure de concertation lors d’implantation d’antennes-relais ;
• le rapport de l’ANSES d’octobre 2013 recommande, comme en 2009, d’abaisser les expositions aux ondes électromagnétiques ;
• la mission sur l’objectif de sobriété demandée par le Premier ministre à MM. Girard, Tourtelier et Le Bouler, a remis ses conclusions en décembre 2013.
La proposition de loi n° 1635 a été renvoyée, comme sa devancière, à la commission des affaires économiques. Il était légitime que la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire poursuive les travaux accomplis une année auparavant : elle s’est donc à nouveau saisie pour avis, le 3 décembre 2013.
Votre rapporteure pour avis tient à remercier la rapporteure au fond et auteure de la proposition de loi, Mme Laurence Abeille, d’avoir accepté de mener de concert les diverses auditions préparatoires dans un calendrier rendu extrêmement contraint par la suspension parlementaire correspondant aux fêtes de fin d’année. Ceci n’aura pas empêché un travail sérieux, mené en profondeur, et donnant à chacun la possibilité de s’exprimer, ce qui est le meilleur gage pour que ce texte attendu progresse, finalement, dans la procédure législative.
Étant entendu que cette proposition de loi n° 1635 constitue la continuation directe de celle discutée un an auparavant, il n’est guère opportun de répéter les considérations historiques, scientifiques et sanitaires exposées alors. On consultera utilement l’avis rédigé en son temps, déposé le 15 janvier 2013 et numéroté 585 par l’Assemblée nationale, figurant en annexe, pour retrouver ces éléments qui n’ont guère évolué en quelques mois (1).
On s’attachera plus volontiers à exposer brièvement, avant d’y revenir pour chaque article, les dispositions pour lesquelles le renvoi en commission a permis un changement d’orientation et celles qui, au contraire, sont sorties renforcées par les travaux de l’année 2013.
En premier lieu, il convient de rappeler que les ondes électromagnétiques ne sont pas terra incognita pour la législation française. Ce sont notamment les articles 183 et 184 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement qui, les premiers, ont durci la législation en vigueur :
• l’article L. 34-9 du code des postes et des télécommunications enjoint depuis que « les terminaux radioélectriques destinés à être connectés à un réseau ouvert au public pour la fourniture du service de téléphonie ne peuvent être commercialisés sans un accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux émissions radioélectriques lors des communications » ;
• l’article L. 34-9-1 du même code ordonne le recensement des points atypiques avant 2013 ;
• deux articles L. 5231-3 et L. 5231-4 du code de la santé publique disposent respectivement que « toute publicité, quel qu’en soit le moyen ou le support, ayant pour but direct de promouvoir la vente, la mise à disposition, l’utilisation ou l’usage d’un téléphone mobile par des enfants de moins de quatorze ans est interdite » et que « la distribution à titre onéreux ou gratuit d’objets contenant un équipement radioélectrique dont l’usage est spécifiquement dédié aux enfants de moins de six ans peut être interdite par arrêté du ministre chargé de la santé, afin de limiter l’exposition excessive des enfants » ;
• l’article L. 4453-1 du code du travail ordonne que « les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés aux champs électromagnétiques sont déterminées par décret en Conseil d’État » ;
• l’article L. 511-5 du code de l’éducation prescrit que « dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l’utilisation durant toute activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur, par un élève, d’un téléphone mobile est interdite ».
La proposition de loi reprend partiellement des dispositions prévues par le texte renvoyé en commission en janvier 2013. Elle prévoit notamment un contrôle facilité des équipements domestiques par les consommateurs en ordonnant un meilleur affichage du débit d’absorption spécifique (DAS), une meilleure communication des bonnes pratiques d’utilisation par affichage sur les appareils et par une campagne d’information, et la possibilité de désactiver tout appareil émetteur sans avoir à procéder à des manipulations logicielles complexes comme c’est actuellement le cas. En outre, une limitation des installations wifi dans les lieux de puériculture est organisée, tenant compte des travaux scientifiques qui montrent la particulière vulnérabilité des crânes enfantins aux ondes électromagnétiques.
La principale distinction entre cette nouvelle proposition de loi et la précédente tient à son article 1er. Quand le texte déposé en 2012 visait à édicter un seuil chiffré d’émission des antennes-relais, définissant des périmètres de sûreté et prévoyant un plan d’occupation des toits, ce qui apparaissait largement excessif pour un risque qui demeure seulement une potentialité, l’actuelle proposition de loi apparaît beaucoup plus modérée en ce qu’elle tire les conséquences des travaux conduits tout au long de l’année 2013 – et notamment du rapport de MM. Girard, Tourtelier et Le Bouler. Placée sous le signe de la modération, c’est-à-dire du contrôle des niveaux d’émission et d’exposition dans un contexte de progrès technologique et de besoins croissants en bande passante, elle renvoie désormais à un décret le soin de fixer une procédure de réduction des points atypiques et d’organiser une concertation au niveau local et départemental.
Votre rapporteure pour avis se réjouit de cette position mesurée et pondérée, qui laisse la porte ouverte à des discussions ultérieures et à des adaptations locales. Elle approuve donc, sur le fond, l’ensemble des dispositions proposées à l’article 1er. Sur la forme toutefois, elle privilégie les recommandations émises par le COPIC qui préconisent d’inscrire dans la loi plutôt que dans le règlement les modalités de concertation et les pouvoirs du maire dans cette dernière. Un amendement, adopté par la commission du développement durable comme par la commission des affaires économiques, permet de graver ces dispositions dans le marbre de la loi. Il encourage également la mutualisation des antennes-relais et des réseaux entre les opérateurs, prélude à une rationalisation de la carte des installations qui semble, de toute façon, déjà rendue obligatoire par les évolutions technologiques récentes.
Sous réserve de ces évolutions, votre Rapporteure pour avis recommande d’émettre un avis favorable à l’adoption de cette proposition de loi.
Lors de sa réunion du 7 janvier 2014, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, sur le rapport pour avis de Mme Suzanne Tallard (n° 1635).
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Si notre Commission, saisie pour avis, doit se prononcer dès ce mardi soir sur la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, c’est que ce texte sera examiné demain matin par la Commission des affaires économiques, saisie au fond…
M. Martial Saddier. À ce propos, monsieur le président, tout en vous adressant au nom des commissaires du groupe UMP, ainsi qu’à l’ensemble de mes collègues, mes vœux les plus sincères pour cette nouvelle année, je déplore la mauvaise organisation de nos travaux. Avant Noël, nous avons en effet terminé dans la nuit de jeudi à vendredi, à cinq heures du matin, l’examen d’un texte majeur consacré à l’avenir de l’agriculture ; puis la date limite de dépôt des amendements sur le texte que nous examinons a été fixée au vendredi 2 ou au samedi 3 janvier et l’examen même de ce texte se déroule au moment même où va débuter dans l’hémicycle celui du projet de loi sur l’agriculture – sur lequel je dois du reste intervenir dans quelques minutes, ce qui me contraindra à vous quitter.
Je compte sur vous, monsieur le président, pour rappeler en Conférence des présidents que le vote des lois demande un peu de sérénité.
M. Yannick Favennec. Il a raison !
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Ce sont là des dysfonctionnements bien réels, mais constatés depuis de nombreuses années et dont nous sommes collectivement responsables : ainsi, du fait que certains parlementaires sont candidats aux élections municipales – ce qui est certes leur droit –, l’Assemblée interrompra ses travaux durant cinq semaines en mars. Lorsqu’elle entrera en application, la loi limitant le cumul des mandats devrait permettre un meilleur fonctionnement de notre assemblée en allongeant la durée de la semaine parlementaire.
Le groupe écologiste a demandé l’inscription à l’ordre du jour de la présente proposition de loi de Mme Laurence Abeille, après que l’Assemblée, lors de sa séance du 31 janvier 2013, a opposé une motion de renvoi en commission à une précédente proposition de loi, n° 531, relative à l’application du principe de précaution défini par la Charte de l’environnement aux risques résultant des ondes électromagnétiques. Comme sur ce premier texte, notre Commission a nommé Mme Suzanne Tallard en qualité de rapporteure pour avis.
La proposition de loi sera, je le répète, examinée demain par la Commission des affaires économiques, saisie au fond, puis le jeudi 23 janvier en séance publique, dans le cadre d’une niche parlementaire du groupe écologiste.
Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis. Je vous adresse à mon tour mes meilleurs vœux – y compris celui, que je partage avec M. Martial Saddier, de pouvoir travailler à l’avenir dans de meilleures conditions. De fait, nous avons dû procéder à des auditions juste avant Noël et toute la journée d’hier, et le « calage » du texte n’a été réalisé qu’à la dernière minute. Compte tenu de ces conditions de travail difficile, je vous remercie d’autant plus vivement d’être aussi nombreux ce soir pour l’examen de cette proposition de loi.
Celle-ci est attendue par nos concitoyens, partagés entre un fort appétit pour les nouvelles technologies de téléphonie mobile, qui se développent très rapidement, et la conscience qu’ils doivent en user avec prudence et modération. C’est à ces deux aspirations contradictoires que tente de répondre la proposition de loi, en prônant la transparence, la concertation et la modération, celle-ci devant être conçue comme un processus, et non comme un exercice figé, car il s’agit d’accompagner le développement des technologies et non de le brider. Je suis pour ma part convaincue que ce texte contribuera à de meilleures pratiques.
Mme Laurence Abeille, que je tiens à remercier pour le travail que nous avons réalisé ensemble, et moi-même avons procédé en commun à une dizaine d’auditions. Depuis le renvoi du texte en commission décidé l’an dernier par notre assemblée, plusieurs rapports et études ont éclairé le débat en hiérarchisant les difficultés. Il s’agit notamment du rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), des conclusions du Comité opérationnel sur les ondes de téléphonie mobile (COPIC) et du rapport demandé par le Premier ministre, à la suite du renvoi en commission, à MM. Philippe Tourtelier, Stéphane Le Bouler et Jean-François Girard.
Cette proposition de loi, comme je l’ai dit, se donne pour ambition de modérer l’exposition aux ondes électromagnétiques tout en assurant dans ce domaine la transparence et la concertation à tous les niveaux – à commencer par le niveau local : en effet, si l’on observe depuis un ou deux ans un apaisement des rapports entre opérateurs et collectivités locales, c’est parce que les maires ont exigé d’être informés en amont. Plusieurs villes ont du reste élaboré en la matière des chartes, dont les principes sont repris dans la proposition de loi que nous examinons.
Les nombreuses études scientifiques dont nous avons pu prendre connaissance ne nous permettent pas d’affirmer l’existence d’un risque sanitaire lié aux niveaux d’exposition aux ondes électromagnétiques autorisés actuellement par la réglementation. Elles attirent cependant notre attention sur l’usage que nous faisons de nos téléphones et autres tablettes. La proposition de loi en tient compte en limitant la publicité destinée aux enfants, en encadrant l’usage des accès sans fil dans certains établissements ou en favorisant l’usage des oreillettes.
Nous pouvons également souscrire à l’invitation qui nous est faite par Mme Abeille de modérer dans la mesure du possible – j’ajouterai : sans nuire à la qualité de service – notre exposition aux ondes. C’est à cet objectif que répond par exemple la volonté d’inciter nos concitoyens à désactiver leurs modems et boîtiers multiservices lorsqu’ils n’en ont pas l’usage.
Autre exemple : les travaux du COPIC ont montré qu’il était souvent possible d’éliminer par de simples réglages techniques les « points atypiques », où le niveau d’exposition dépasse sensiblement la moyenne. Il vous est proposé de systématiser le traitement de ces points sur le territoire national.
De même, les élus locaux ont un rôle à jouer pour suivre sur leur territoire les implantations ou modifications d’antennes-relais. Une meilleure information du public et un travail de concertation mené dans la transparence contribueront à atténuer nombre de crispations lors de l’installation de nouvelles antennes – et donc à éviter des retards par rapport aux délais impartis aux opérateurs pour achever la couverture du territoire. C’est la raison pour laquelle je vous proposerai un amendement prenant en compte les conclusions du COPIC et tendant à organiser cette concertation.
Enfin, l’électrohypersensibilité étant un syndrome sur lequel les médecins ne savent rien, ou presque, je soutiens la proposition de Mme Abeille de demander que soit remis au Parlement un rapport annuel sur la question, afin d’assurer une meilleure prise en compte des souffrances ressenties par ceux qui en sont victimes. Nos auditions nous ont appris que trois études étaient en cours dans ce domaine, après l’étude commencée à l’hôpital Cochin l’année dernière et enterrée dans des conditions assez opaques. J’espère que nous disposerons d’informations à ce propos avant l’examen du texte en séance publique, le 23 janvier. Le suivi des personnes électrohypersensibles, dont la santé est indéniablement affectée – au point pour certaines d’être contraintes d’arrêter toute activité professionnelle –, mérite une attention très particulière. De façon très pertinente, le rapport Tourtelier appelle les pouvoirs publics à construire à cet égard un discours audible « en situation d’incertitude scientifique ».
Pour réduire l’impact environnemental des installations d’antennes de téléphonie, il me paraît bon aussi d’inciter à mutualiser leur utilisation, spécialement dans les zones peu denses. C’est, du reste, l’une des recommandations formulées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), que nous avons auditionnée hier. Cette mutualisation devrait selon elle concerner les installations aussi bien actives que passives, sans toutefois faire obstacle à la concurrence indispensable au développement de la téléphonie mobile. Il y a donc un équilibre à trouver entre développement et modération, entre concurrence et mutualisation.
Je précise enfin que j’ai pratiquement réécrit, en concertation avec Mme Abeille, tout l’article 1er. Cela étant, il restera à la Commission des affaires économiques de se prononcer après nous et, d’autre part, certains points demeurent en discussion avec le Gouvernement : tout n’est donc pas encore entièrement « calé » !
M. Jean-Marie Sermier. La transparence et la concertation sont en effet souhaitables dans un domaine qui suscite des craintes chez un certain nombre de nos concitoyens et qui fait en tout état de cause débat. Ce débat, nous l’avions nous-mêmes ouvert avec le Grenelle des ondes et nous avions lancé diverses expérimentations avec les collectivités locales.
Voilà un an, une première proposition de loi sur ce thème a cependant été renvoyée en commission, après que l’Académie nationale de médecine eut regretté « une initiative fondée sur un flou scientifique et réglementaire qui, ne pouvant se prévaloir en dernier recours que du principe de précaution, [était] de nature à renforcer artificiellement chez nos concitoyens un sentiment de peur et de défiance injustifié, mais préjudiciable en termes de santé publique ».
Le présent texte ne nous paraît pas plus justifié. Les conclusions de l’ANSES sont de fait beaucoup moins affirmatives que vous ne le dites : selon cette expertise, les quelques effets biologiques de l’exposition aux ondes dont font état certaines des nombreuses études parues depuis le précédent rapport de l’agence restent à valider. Compte tenu de ce flou, mieux vaudrait peut-être s’en tenir aux dispositions de la directive européenne fixant les prescriptions minimales de sécurité et de santé applicables aux travailleurs exposés à des champs électromagnétiques, publiée en juin 2013 au Journal officiel de l’Union européenne et que les États membres devront obligatoirement transposer avant le 1er juillet 2016. Un nouveau texte semble d’autant moins utile d’ici là qu’il risquerait en outre d’affoler nos concitoyens.
Je rappelle que les maires peuvent demander aux opérateurs de réaliser des études sur les émissions d’ondes. C’est du reste ce que j’ai fait dans ma commune, où ces émissions se sont révélées très faibles et où cette information a permis de dédramatiser certaines opérations en cours. Mieux vaut donc poursuivre la réflexion avec les élus et le travail scientifique, et attendre la transposition de la directive. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP est défavorable à la proposition de loi.
M. Bertrand Pancher. L’exposition aux ondes électromagnétiques n’est pas un sujet anodin et ne manquera donc pas de nous occuper dans les mois et les années qui viennent. Le groupe écologiste fait preuve de constance en la matière, en déposant cette nouvelle proposition de loi qui fait suite à celle qui a été renvoyée en commission l’année dernière, à l’initiative du Gouvernement et du groupe SRC qui ont ainsi bloqué le débat en séance publique. Pour sa part, tout en s’opposant à un texte qu’il jugeait prématuré, le groupe UDI a dénoncé la confiscation d’un débat parlementaire qui aurait permis de nous éclairer.
Ce débat n’est pas nouveau : un Grenelle des ondes a eu lieu en 2009, dont les travaux se sont déroulés en toute indépendance. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, la bonne méthode est celle de l’expérimentation locale, qui a déjà permis de constater que la très grande majorité de la population était exposée à un champ électromagnétique très largement inférieur aux normes en vigueur – et bien souvent au seuil de 0,6 volt par mètre que vous préconisiez voilà un an.
Nous devons nous fonder sur des faits scientifiques et disposons pour ce faire de l’importante étude publiée par l’ANSES en octobre dernier. Il y est dit que, si l’exposition du public augmente, il n’existe pas encore de preuve irréfutable d’éventuels effets sanitaires néfastes. L’Agence relève toutefois un niveau de preuve limité pour les anomalies décrites dans certains travaux, ce qui signifie qu’elle a détecté des signaux anormaux qui empêchent de déduire que les radiofréquences sont inoffensives.
L’effort visant à abaisser la puissance des antennes-relais de téléphonie mobile doit donc continuer à porter sur les points « atypiques », c’est-à-dire soumis à une exposition anormalement élevée – sujet sur lequel nous avons déjà beaucoup travaillé et réglementé. Cela suppose une concertation approfondie entre les opérateurs et les riverains, concertation que prévoit précisément le Grenelle des ondes. Il faut certes légiférer sur ce sujet et certaines dispositions de la proposition de loi vont d’ailleurs dans le bon sens, comme celles qui tendent à faire évoluer la loi Grenelle II sur les publicités destinées aux enfants. Mais, globalement, l’état de nos connaissances scientifiques ne justifie pas que nous fassions peser des contraintes excessives sur les professionnels et sur les collectivités territoriales, notamment à l’heure où nous cherchons tous à promouvoir l’aménagement numérique de l’ensemble de nos territoires.
Le texte qui nous est soumis accumule, en outre, les renvois de décisions au pouvoir réglementaire et prévoit presque à tous ses articles la remise de rapports. Pour que nous envisagions de légiférer, il faudrait que nous soyons mieux renseignés. Nous souhaiterions par ailleurs que ces dispositions s’inscrivent dans une démarche plus globale d’aménagement numérique du territoire et nous regrettons d’autant plus que le texte prévu sur le sujet soit renvoyé aux calendes grecques.
À ce stade, il ne nous apparaît pas improbable que les bouleversements que l’on nous annonce se résument à quelques mesurettes de bon sens. Quoi qu’il en soit, le groupe UDI attendra pour arrêter sa position de connaître les modifications apportées à la proposition de loi par notre Commission et par celle des affaires économiques.
Mme Laurence Abeille, rapporteure de la commission des affaires économiques. Je tiens à remercier la rapporteure pour avis, avec qui nous avons mené un travail fructueux, y compris au sein du groupe de contact parlementaire constitué à la suite du renvoi en commission de la précédente proposition de loi. Nous avons tenu ensemble de nombreuses auditions, mais nous avons également travaillé avec les trois personnalités auxquelles le Premier ministre avait demandé un rapport sur « la mise en œuvre d’un principe de sobriété en matière d’ondes électromagnétiques ». À la suite du débat écourté de l’an dernier, le Gouvernement a en effet pris la mesure de la question posée et a souhaité des avancées législatives. Le texte soumis aujourd’hui au débat et au vote procède de cette réflexion commune, qui me semble avoir été productive.
Plusieurs modifications de l’article 1er sont proposées par un amendement, dont la rapporteure exposera tout à l’heure les motivations, mais que nous avons bien évidemment évoqué ensemble.
Le texte, monsieur Pancher, ne demande qu’un ou deux rapports, qui sont nécessaires, et s’il est vrai que certaines dispositions sont renvoyées à des décrets, ceux-ci sont utiles en particulier pour organiser la concertation, indispensable pour concilier le déploiement des technologies du numérique et la modération de l’exposition aux ondes. Cela suppose la transparence, l’information des citoyens étant la clé d’une meilleure acceptabilité de ce déploiement. Mais il en va aussi de la santé publique. Il faut en effet rappeler que les ondes électromagnétiques ont été classées comme potentiellement cancérigènes par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et que l’ANSES a recommandé de limiter l’exposition à ces ondes, soulignant en particulier la nécessité de protéger les enfants, dont la boîte crânienne est plus fragile que celle des adultes et dont la vulnérabilité à ces ondes ne fait plus aujourd’hui aucun doute. C’est ce qui explique que certaines dispositions proposées dans le texte leur soient précisément destinées.
Quant à l’électrohypersensibilité, relativement peu traitée dans la proposition de loi, l’ANSES travaille déjà sur ce sujet. Le texte demande la remise d’un rapport qui devra notamment examiner les équipements de protection proposés sur le marché. Les victimes de ce syndrome sont aujourd’hui en grande souffrance et certaines sont d’ailleurs reconnues comme travailleurs handicapés ; le risque est grand que nous soyons bientôt confrontés là à un grave problème de santé publique. Il faut donc, tout en veillant à modérer l’exposition aux ondes, se pencher sérieusement sur le sujet.
En dépit de toutes les difficultés rencontrées, le travail réalisé sur cette proposition de loi me laisse bon espoir de la voir aboutir, garantissant une réelle modération pour une meilleure protection des populations.
M. Jacques Krabal. Le 31 janvier dernier, le vote d’une motion de renvoi en commission a bloqué à la fois le cheminement d’une première proposition de loi et un débat nécessaire. Le groupe RRDP salue par conséquent la pugnacité de Mme Laurence Abeille, à l’origine de ce nouveau texte : rouvrir ce débat est d’autant plus utile que l’étude de l’ANSES a entre-temps évoqué un risque potentiel de cancer. Il ne s’agit pas de faire peur, mais nous avons le devoir d’écouter les inquiétudes légitimes de nos concitoyens devant l’envahissement de leur environnement quotidien par des technologies sans fil émettant un rayonnement électromagnétique. Il nous faut d’ailleurs être d’autant plus vigilants que nous manquons de recul pour apprécier les effets à long terme de ces technologies.
Peut-être cette proposition de loi est-elle trop peu ambitieuse, mais ne vaut-il pas mieux, face à un problème de santé publique, avancer par petits pas que de ne pas avancer du tout ? Certes, nous recevons tous des citoyens qui demandent, en particulier en milieu rural, à pouvoir bénéficier des progrès du numérique, mais l’équipement de nos territoires n’est en rien incompatible avec la protection de la santé publique.
En tant que maire de Château-Thierry, j’ai connu des situations de blocage avec les opérateurs et j’espère que l’expérience de mes collègues fera prévaloir la nécessité de la concertation. Des contrôles précis devraient être de règle lors de l’installation d’antennes et, comme ceux des analyses d’eau, leurs résultats devraient être portés à la connaissance du public, même si les émissions sont inférieures au seuil de 0,6 volt par mètre.
L’article 1er de la proposition de loi répond à ce besoin d’une concertation qui est aujourd’hui laissée au bon vouloir des opérateurs – sans compter que les capacités en la matière varient d’un territoire à l’autre. Nos concitoyens souhaitent des études scientifiques rigoureuses et indépendantes, ainsi qu’un plus grand dialogue, avant de valider la pose d’une antenne ou d’un pylône : ces demandes n’ont rien que de normal. Cette démarche pourrait en outre favoriser la mutualisation des antennes, que nous demandons depuis longtemps.
La proposition de loi pose un principe de modération de l’exposition aux ondes électromagnétiques. Considérant que les intérêts de la science et de l’économie ne sont nullement exclusifs d’une préoccupation de sécurité sanitaire, notre groupe ne peut qu’y être favorable et il approuve en particulier la disposition visant à limiter les émissions dans les crèches et les écoles maternelles – disposition qui pourrait permettre de dénouer des situations comme celle de ma commune, où une antenne est située à 200 mètres d’une école maternelle.
Pour ce qui est de l’hypersensibilité, je souscris à la proposition qui vient d’être formulée. Il faut en effet mener des études afin d’offrir une réponse aux personnes qui souffrent de ce syndrome.
Examinant le précédent texte relatif aux ondes électromagnétiques, la Commission des affaires économiques l’avait vidé de nombreuses dispositions. Nous espérons que ce ne sera pas le cas avec la présente proposition de loi : notre collègue Jeanine Dubié en particulier y veillera, avec le soutien de l’ensemble des députés du groupe RRDP.
M. Yannick Favennec. Dans le département de la Mayenne, dont je suis élu, l’exposition aux ondes électromagnétiques a fait couler beaucoup d’encre lors de l’installation de la ligne à très haute tension Cotentin-Maine et je suis surpris que le texte qui nous est soumis n’évoque pas ce type d’installations.
Comme de nombreux territoires ruraux, la Mayenne souffre de difficultés d’accès à la téléphonie mobile et à l’Internet haut débit. Alors que les opérateurs font la promotion de la 4G, toutes les communes du département ne reçoivent pas encore la 3G ! Quant au très haut débit, nous aurions lieu d’être très inquiets si le conseil général de la Mayenne n’avait pris les choses en main. Il importe en effet, dans l’intérêt des habitants de ces territoires, de ne pas freiner le développement numérique. Il en va de notre attractivité économique et de notre désenclavement – car l’aménagement numérique relève bien de l’aménagement du territoire.
Les recommandations de l’ANSES en matière d’information sur l’exposition aux ondes électromagnétiques et de protection des enfants et des utilisateurs intensifs vont dans le bon sens, car les téléphones mobiles sont la principale source d’exposition. Cela étant, comme M. Pancher, j’attends de voir quelle sera l’évolution du débat pour me prononcer définitivement sur cette proposition de loi.
M. Alain Gest. Monsieur Krabal, il n’y a pas aujourd’hui de « problème de santé publique » lié aux téléphones portables et à leurs antennes. Évitons donc d’utiliser une terminologie aussi inadaptée !
En deuxième lieu, ayant réalisé en 2009 un rapport sur ce thème pour le compte de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, je rappelle que le sujet a fait l’objet de centaines d’études qui semblent indiquer que les antennes ne doivent pas susciter d’inquiétudes pour la santé. C’est donc plutôt sur l’utilisation des mobiles que doit s’exercer notre vigilance. Il est certes compréhensible de vouloir protéger les enfants, mais la mesure figurant dans ce texte manque de pertinence, ceux-ci ne passant que six heures à l’école, et donc dix-huit heures ailleurs. Ici même, à l’Assemblée nationale, nous sommes environnés d’antennes-relais – sans parler de celle de la Tour Eiffel, qui émet des ondes bien plus puissantes que toutes les autres.
Le véritable risque est celui de relancer un débat qui s’était calmé depuis quelque temps, les acteurs les plus revendicatifs, comme les Robins des toits, se montrant eux-mêmes plus discrets alors que le dialogue se nouait entre opérateurs et élus. J’ai du reste moi-même proposé que l’installation d’antennes soit soumise à un permis de construire, car il n’y a pas de raison de faire des mystères en privant la population d’informations sur un sujet qui ne pose pas de problème de santé.
Il faut donc veiller aux mots que l’on emploie, mais aussi nous garder d’une certaine schizophrénie : alors que le Président de la République a vanté, dans ses vœux aux Français, la qualité de nos services dans ce domaine et souligné que la France se situait à la pointe des nouvelles technologies, alors que s’exprime le souci de garantir une meilleure réception à la plupart de nos compatriotes, il serait malvenu d’adopter des mesures qui iraient en sens contraire.
Je tiens enfin à souligner que le téléphone portable est aujourd’hui plus utilisé avec la main qu’avec l’oreille. Les Japonais sont très surpris que nous les interrogions sur d’éventuels problèmes de santé dus à ces mobiles, car ce qui prévaut chez eux – comme du reste chez nos enfants et petits-enfants – est la « culture du pouce ». Cessons donc d’effrayer les Français sur des sujets à propos desquels des centaines d’études à travers le monde ont démontré qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter.
M. Denis Baupin. Je remercie la rapporteure pour avis de sa présentation et Mme Laurence Abeille de sa ténacité. Ayant été chargé de ce dossier durant quatre ans à la Ville de Paris, je puis témoigner que nos concitoyens sont très sensibles à cette question et attendent que les pouvoirs publics assurent un encadrement plus clair.
Je m’étonne, du reste, que nos collègues du groupe UMP, qui se sont vantés d’avoir lancé le Grenelle des ondes, soient aujourd’hui si timorés et considèrent qu’il n’y a pas de problème. À quoi bon, alors, ce Grenelle ? La démarche avait suscité une attente et n’a finalement débouché que sur l’autorisation d’un quatrième opérateur de téléphonie mobile, avant même que ne soient résolus les problèmes qui se posaient à propos des trois premiers. Il s’ensuit une multiplication des antennes et une conflictualité croissante, notamment à Paris, le quatrième opérateur – Free – arrivant sur un terrain déjà largement occupé par les autres.
On ne peut affirmer que la nocivité des antennes-relais soit démontrée, mais on peut encore moins affirmer, monsieur Alain Gest, leur innocuité. Or, je le rappelle, Jacques Chirac a fait inscrire le principe de précaution dans notre Constitution : c’est dans cet esprit que s’inscrit la proposition de loi que nous examinons. Sans prétendre fournir des garanties absolues, il nous faut chercher à mieux protéger notre population, non que nous soyons hostiles aux nouvelles technologies, que nous utilisons comme tous nos concitoyens, mais parce que nous voulons les utiliser dans des conditions garantissant la santé de tous. Le secteur ne pourra d’ailleurs qu’y gagner en efficacité, en se rendant transparent.
Il est surprenant, à cet égard, que nos collègues s’inquiètent des risques liés aux lignes à très haute tension et du fait qu’il n’en soit pas question dans ce texte – ce à quoi ils pourraient d’ailleurs remédier en déposant des amendements -, mais non de ceux que peuvent générer les antennes-relais. Un tel recours à des arguments contraires dessert leur cause.
M. Yannick Favennec. Mais je n’ai pas dit cela !
M. Denis Baupin. Quant au fait que les enfants soient particulièrement vulnérables aux ondes électromagnétiques, il ne peut être mis en doute : des études médicales en attestent en ce qui concerne l’utilisation des téléphones portables…
M. Alain Gest. Mais pas en ce qui concerne les antennes !
M. Denis Baupin. … s’ils sont plus vulnérables que les adultes aux ondes émises par les téléphones portables, on peut imaginer que ce sera aussi le cas s’agissant des émissions provenant des antennes si celles-ci se révèlent nocives ! Le fait que les enfants ne passent pas la journée entière à l’école n’est pas une raison suffisante pour renoncer à les y protéger de ces émissions. La proposition de bon sens tendant à privilégier l’usage du filaire plutôt que le sans-fil devrait donc faire l’unanimité.
Mme la rapporteure pour avis. Je souscris à une grande partie des propos tenus par nos différents collègues, de quelque côté qu’ils siègent. (Sourires)
Monsieur Sermier, la peur et la défiance injustifiées que vous évoquez viennent de la méconnaissance. L’action que vous avez menée dans votre commune en faisant procéder à des mesures qui ont fait apparaître une faible exposition aux ondes correspond tout à fait aux recommandations du COPIC, reprises dans la proposition de loi. Pour l’avoir moi-même pratiquée dans ma commune, je sais que cette démarche permet de replacer les problèmes à leur juste niveau : le risque ne tient pas aux antennes, mais à l’utilisation du portable à l’oreille, comme le montrent clairement les rapports. Les parents doivent être dûment informés de ce fait, car les enfants d’aujourd’hui utiliseront le téléphone mobile pendant des dizaines d’années et c’est peut-être dans la durée que les problèmes surviendront.
Il est heureux, monsieur Gest, que nous ne soyons pas confrontés à un problème de santé publique ! Si c’était le cas, la proposition de loi serait bien différente de celle qui vous est soumise. Mais n’attendons pas que les problèmes se révèlent pour adopter une attitude de précaution. La proposition de loi de Mme Abeille est, à cet égard, très équilibrée et, même si j’ai réécrit une grande partie de l’article 1er, je soutiens sa démarche.
Monsieur Pancher, c’est bien au niveau local que les émissions seront mesurées, que la population sera informée – et que ses craintes tomberont. Il ne faut certes pas freiner le développement du numérique, pour lequel la demande est forte, mais ce n’est pas ce texte qui le fera. En effet, alors que l’examen des oppositions aux installations d’antennes par le tribunal administratif fait perdre beaucoup de temps, une concertation locale menée avec honnêteté et dans la transparence est de nature à faire tomber les préventions.
La proposition de loi est donc tout à fait vertueuse au regard des enjeux. Que le risque ne soit pas avéré, comme le dit l’ANSES, ne signifie pas qu’il soit nul. Il convient donc de faire preuve de prudence sans pour autant freiner le développement du numérique.
TITRE IER
MODÉRATION DE L’EXPOSITION AUX CHAMPS ÉLECTROMAGNÉTIQUES
ET CONCERTATION LORS DE L’INSTALLATION D’ÉQUIPEMENTS RADIOÉLECTRIQUES
Le titre Ier de la proposition de loi se compose de deux articles, visant à la modération de l’exposition aux champs électromagnétiques et à organiser la concertation locale lors de l’installation d’équipements radioélectriques des réseaux de téléphonie mobile et de radiodiffusion.
La Commission est saisie de l’amendement CD27 de M. Bertrand Pancher, portant article additionnel avant l’article 1er.
M. Bertrand Pancher. Cet amendement tend à substituer, dans l’intitulé du titre Ier, le mot : « maîtrise » au mot : « modération ».
En effet, dans son avis de 2013, l’ANSES ne recommande pas de « modérer » l’exposition aux ondes électromagnétiques, mais formule des recommandations « en matière de maîtrise des niveaux d’exposition » et « souligne la nécessité que ces développements technologiques s’accompagnent d’une maîtrise de l’exposition des personnes (qu’il s’agisse de l’exposition environnementale ou liée aux terminaux) ». Elle indique qu’il n’existe aucune preuve d’un risque pour la santé en dessous des seuils fixés par l’OMS, qui sont en vigueur en France et dont elle confirme la validité. Or le rapport du COPIC démontre clairement que l’exposition du public aux ondes électromagnétiques est partout inférieure à ces seuils.
Un objectif fixé dans la loi ne peut au surplus être incompatible avec certaines augmentations de l’exposition autorisées dans le strict respect de la réglementation, qu’il s’agisse de favoriser le déploiement de la 4G ou celui du très haut débit. Or, le mot « modération » pouvant avoir à la fois le sens de « retenue » et celui de « diminution », un objectif de modération de l’exposition pourrait être incompatible avec le développement de l’ensemble des systèmes numériques en France. Il conduirait alors à une grande insécurité juridique pour toutes les sources d’ondes radio.
Mme la rapporteure pour avis. On pourrait débattre indéfiniment du sens de mots qui, comme « modération », « maîtrise », « sobriété » et même « limitation », ne sont pas mieux définis juridiquement l’un que l’autre. Cependant, le terme « modération » a l’avantage de suggérer une action orientée vers une limitation, mais dans le cadre d’un développement. La couverture du territoire n’est pas figée ; elle évolue même très vite, et ce mouvement va dans le sens d’une augmentation de l’exposition aux ondes électromagnétiques ; un effort de modération est par conséquent nécessaire. L’emploi du terme « maîtrise » impliquerait qu’on pose des limites. Je sais qu’il a la faveur des opérateurs, mais je préfère maintenir le mot « modération », choisi par Mme Laurence Abeille, dans la mesure où il est plus souple parce que compatible avec l’idée d’un développement continu. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.
M. Alain Gest. Je soutiens l’amendement de M. Bertrand Pancher. Le terme de « modération » est en effet si flou qu’il donnera inévitablement lieu à des interprétations diverses, notamment de la part du juge.
En outre, modération signifie bien diminution. Or la norme utilisée partout dans le monde, hormis en Italie et dans la région de Bruxelles, est de 41 volts par mètre, alors que les mesures réalisées à la faveur du Grenelle des ondes montrent qu’en France, le niveau d’exposition aux émissions se situe le plus souvent à 0,4 volt par mètre : que peut-on encore réduire, sinon les « points atypiques » – où, du reste, les émissions ne sont pas très élevées non plus ? Plus on s’éloigne de l’antenne-relais, moins l’exposition est importante. En outre, le pied même de l’antenne est protégé par un effet parapluie. Il n’y a, je le répète, pas grand-chose à réduire sans porter atteinte au développement des technologies numériques. Le terme « maîtrise » me semble donc beaucoup plus adapté que celui de « modération ».
M. Lionel Tardy. Le débat n’est pas seulement sémantique, car la modération implique une limitation. Outre qu’il est celui qu’utilise l’ANSES, le terme « maîtrise » est compatible avec celui de « développement ». Or les antennes-relais servent précisément à assurer une meilleure couverture dans une logique de développement des usages mobiles. La modération exprime en revanche une méfiance qui n’a pas lieu d’être, car le risque n’est, selon l’ANSES, pas avéré.
Nous ne devons pas rechercher un développement « modéré », c’est-à-dire limité, mais bien plutôt un développement « maîtrisé ». Il nous faut en effet tenir compte, outre de préoccupations largement prises en considération dans la proposition de loi, du développement du numérique, mentionné dans le titre même du rapport de MM. Girard, Tourtelier et Le Bouler – Développement des usages mobiles et principe de sobriété. Ce sont ces deux objectifs de développement et de sobriété qu’il faut concilier et le terme « maîtrise » y aiderait mieux que celui de « modération ».
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je constate que la Commission rejette l’amendement CD27.
M. Alain Gest. Monsieur le président, il y a un doute, peut-on recompter ?
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Par 12 voix contre et 8 pour, je le répète, la commission rejette l’amendement.
Mme Catherine Quéré. Monsieur le président, vous n’avez pas voté, cela fait 13 votes contre... Il n’y a donc aucun doute !
M. le président Jean-Paul Chanteguet. C’est le président qui fait la police de la séance. (Sourires)
La Commission rejette l’amendement.
Article 1er
(articles L. 32-1, L. 34-9-1, L. 34-9-2 du code des postes et des communications électroniques)
Modération de l’exposition aux champs électromagnétiques et concertation préalable à l’installation d’installations radioélectriques
L’article 1erde la proposition de loi fait de la modération en matière d’exposition du public aux ondes électromagnétiques l’un des objectifs de la politique des télécommunications. Il prévoit de fixer par décret en Conseil d’État les obligations de concertation et de transparence en matière d’installation des équipements radioélectriques ainsi que la procédure de traitement des points atypiques, conformément aux recommandations exprimées par le rapport Girard/Tourtelier/Le Bouler. Pour ce faire, il modifie le code des postes et des communications électroniques, principalement ses articles L. 32-1 (1°) et L. 34-9-1 (2°). L’article L. 34-9-2 se voit, quant à lui, abrogé par cohérence (3°).
Votre rapporteure pour avis a concentré ses travaux sur l’amélioration de la rédaction de cet article. Si l’expression du principe de modération, la résorption des points atypiques, l’organisation de la concertation locale et l’information des riverains apparaissent comme des avancées fondamentales, il n’a pas semblé optimal de confier leur réalisation au pouvoir réglementaire sans inscrire dans la loi des principes fondamentaux propres à encadrer les décrets subséquents. Deux amendements importants ont donc été présentés, qui ont tous deux – moyennant sous-amendements – convaincu la commission du développement comme la commission des affaires économiques.
Votre rapporteure pour avis a défendu le maintien de la rédaction actuelle du 12 bis au II de l’article L. 32-1 du CPCE, jugeant que la mission de « veiller à un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé de la population » devait toujours échoir à l’ARCEP et au Gouvernement. En outre, un 12 ter précisera désormais que le régulateur et le Gouvernement s’attachent « à la modération de l’exposition du public aux champs électromagnétiques, consistant à ce que le niveau d’exposition de la population aux champs électromagnétiques soit le plus faible possible, en conservant un bon niveau de service ». L’inscription dans la législation du principe ALARA (de l’anglais As low as reasonably achievable, « aussi bas que raisonnablement possible ») constitue bel et bien un progrès en termes de développement durable, de sobriété et d’économie des ressources – en l’occurrence des ondes radio. Le 1° est donc en grande partie réécrit.
Votre rapporteure pour avis a également proposé la réécriture de treize alinéas de l’article 1er, c’est-à-dire des dispositions du 2° relatives au décret en Conseil d’État et à la nouvelle rédaction de l’article L. 34-9-1. Son amendement conserve l’idée de faire figurer à l’article L. 34-9-1 la définition des valeurs réglementaires, les dispositions de nature à améliorer l’information et la concertation locales dans le cadre de l’implantation d’antennes relais, en particulier les conclusions du COPIC, ainsi que la mise en œuvre d’un recensement et d’une procédure de résorption des points atypiques. Cependant, il vise à inscrire dans la législation des dispositions qui, dans la rédaction actuelle de la proposition de loi, sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.
Cette modification repose d’une part sur des considérations juridiques, notamment sur le parallélisme des formes avec certaines dispositions existantes, qui sont définies au niveau législatif, et sur le fait que les règles applicables aux collectivités territoriales doivent trouver leur fondement juridique dans la loi conformément à la Constitution, dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales qui ne peut être restreint par voie réglementaire. D’autre part, l’inscription dès le niveau législatif des conclusions du COPIC sur l’information et la concertation locales dans leur intégralité permettra à ces dispositions d’être opérationnelles plus rapidement, dès la promulgation de la loi, sans avoir à attendre l’élaboration d’un décret d’application. Il faut avoir à l’esprit que les parties prenantes, en particulier les maires, sont en attente de la concrétisation des conclusions du COPIC. Cela permet enfin d’éviter de rouvrir des discussions sur des points jugés consensuels au sein du COPIC.
Le I reprend les dispositions actuelles du L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, à savoir la fixation des valeurs limites réglementaires, les mesures permettant de vérifier ces seuils et la publication des résultats de mesure. Seule la phrase évoquant la publication du recensement des points atypiques au plus tard au 31 décembre 2012 n’est pas reprise, puisque obsolète.
Le II prévoit qu’un décret en Conseil d’État précise les conditions des procédures de concertation dans les territoires.
Les a) et b) instituent une information et une discussion de premier niveau au sein à l’échelon communal ou, si les élus le jugent préférables, au plan intercommunal.
Quant au c), il inscrit dans la loi les instances de concertation départementales déjà instituées par les circulaires du 31 juillet 1998 relative à la prise en compte de l’environnement dans les installations radiotéléphoniques et du 16 octobre 2001 sur l’implantation des antennes-relais de radiotéléphonie mobile. Cette disposition avait déjà été adoptée par l’Assemblée nationale à l’initiative de M. François Brottes dans le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, laissé lettre morte par la précédente majorité après une lecture dans chaque assemblée.
Le III vise à établir un lien entre l’objectif de modération de l’exposition aux ondes mentionné au L. 32-1 et les moyens qui permettent de l’atteindre, à savoir l’amélioration de la gouvernance et la résorption des points atypiques.
Le 1° reprend les dispositions actuelles de l’article L. 34-9-2 qui accorde au maire le droit de demander des informations sur les antennes relais existantes sur le territoire de sa commune aux opérateurs concernés. Ledit article L. 34-9-2 est d’ailleurs, par cohérence, supprimé par le dernier alinéa de l’article 1er de la proposition de loi.
Les paragraphes 2° à 4° reprennent les conclusions des travaux du COPIC qui font consensus entre l’ensemble des parties prenantes : maires, associations et opérateurs de téléphonie mobile. Il s’agit de l’information précoce des maires sur les nouveaux projets d’implantation d’antennes, de la transmission systématique d’un dossier d’information sur les nouveaux projets d’antennes ainsi que pour la modification d’antennes existantes, de l’information des occupants des bâtiments d’habitation et de la possibilité pour les maires de demander aux opérateurs des estimations du niveau de champs généré par une antenne en projet ainsi que de la vérification de la justesse de ces estimations après installation.
Le 5° concerne les points atypiques et introduit le principe d’un recensement annuel de ces points par l’Agence nationale des fréquences assorti d’une procédure de résorption. Cette dernière prévoit des sanctions qui se déclinent de façon différente selon qu’il s’agit d’antennes de téléphonie mobile ou d’antennes relevant de la compétence du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Il est prévu un effet cliquet concernant le seuil d’exposition caractérisant les points atypiques, celui-ci ne pouvant qu’être abaissé lors des révisions.
Le 6° renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser la façon dont le principe de modération peut s’appliquer aux établissements accueillant des personnes particulièrement vulnérables aux champs électromagnétiques ainsi qu’en termes de mutualisation.
Enfin, votre rapporteure pour avis a suggéré de compléter l’article L. 43 du CPCE relatif aux missions de l’Agence nationale des fréquences, afin qu’elle soit explicitement chargée de veiller à l’objectif de modération proclamé précédemment.
Il est rare qu’une commission pour avis recommande la réécriture quasi-complète d’un article, et plus rare encore que la commission saisie au fond admette aussi largement son point de vue. Votre rapporteure pour avis se félicite d’avoir pu convaincre ainsi ses collègues du bien-fondé de ses suggestions.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CD29 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à conserver la rédaction actuelle du 12° bis de l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, qui confie au Gouvernement et à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) le soin de veiller à un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé de la population. En effet, afin d’inscrire dans le texte le principe de modération de l’exposition de la population et des usagers aux champs électromagnétiques, la proposition de loi substitue une nouvelle rédaction à celle de ce 12° bis, qui pose des règles auxquelles nous tenons, Mme Laurence Abeille et moi.
M. Jean-Marie Sermier. Lorsque nous avons examiné l’amendement précédent, vous nous avez indiqué que la maîtrise de l’exposition aux ondes impliquait de fixer des limites précises. Or, comment voulez-vous y parvenir si, au troisième alinéa de cet article, vous posez simplement pour objectif que les champs électromagnétiques soient les plus faibles possible ? Une expression aussi imprécise ouvrira la voie à des contentieux importants et cet amendement doit par conséquent être rejeté.
M. Martial Saddier. Quel est le sens juridique de l’expression « le plus faible possible » ? Quelle serait la référence ? La qualité d’émission, la qualité de réception, des considérations de santé, les connaissances actuelles ? Une telle formulation laisse libre champ à l’interprétation, si bien que les magistrats risquent d’être confrontés à des requêtes en tous genres.
M. Lionel Tardy. Cette nouvelle rédaction des alinéas 2 et 3 me pose problème : dans le droit en vigueur, l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques précise que le ministre chargé des postes et des communications électroniques et l’ARCEP veillent « à un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé de la population, conjointement avec les ministres chargés de la santé et de l’environnement ». Or l’adoption de l’amendement conduirait à supprimer cette mission pour la remplacer par une disposition plus précise et moins protectrice, visant à modérer l’exposition aux champs électromagnétiques. Et il me paraît incohérent de charger l’Agence nationale des fréquences (ANFR) de cette mission particulière, sachant que l’article L. 32-1 ne comporte aucune disposition similaire – et pour cause : il n’est guère logique de confier une mission à des acteurs donnés pour ensuite préciser qu’elle sera à la charge d’un autre. C’est pourquoi nous proposerons la suppression de ces alinéas demain matin, lors de l’examen du texte par la Commission des affaires économiques.
M. Denis Baupin. Monsieur Sermier, l’amendement proposé vise, non pas le niveau d’émission des ondes électromagnétiques, mais le degré d’exposition de la population à un risque sanitaire. Ainsi le mode de répartition des antennes peut nous permettre de maintenir l’utilisation des appareils au niveau actuel tout en réduisant le niveau d’exposition de la population aux champs électromagnétiques. Cette question se pose d’ailleurs très concrètement : si l’on remplace les très grosses antennes actuelles par de plus petites, on en installera sans doute un plus grand nombre et l’on modifiera la répartition des champs d’émission mais, partout, les niveaux d’exposition pourront être maintenus en deçà d’un certain seuil. Bref, il importe de prêter une attention particulière aux termes retenus dans cette proposition de loi, qui n’a pas été rédigée ainsi au hasard.
M. Alain Gest. Je croyais que vous souhaitiez mutualiser l’utilisation des antennes !
Mme la rapporteure pour avis. C’est précisément l’objet de mon amendement que de maintenir le 12° bis de l’article L. 32-1 en vigueur, tel qu’il nous a été lu par M. Lionel Tardy, mais en le complétant par un 12° ter précisant que le Gouvernement et l’ARCEP veillent à « la modération de l’exposition du public aux champs électromagnétiques, consistant à ce que le niveau d’exposition de la population aux champs électromagnétiques soit le plus faible possible ». Cela étant, je suis toute disposée, pour éviter tout malentendu, à le compléter par les mots : « en conservant un bon niveau de service ».
M. le président Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CD29 est donc ainsi rectifié.
M. Martial Saddier. Je remercie M. Denis Baupin d’avoir dévoilé ses objectifs puisque, derrière cet amendement, se dissimule en fait la volonté de multiplier le nombre d’antennes. Nous disposons en l’état actuel d’antennes placées sur des édifices très élevés et donc éloignées des usagers. Or cet amendement nous contraindra à les remplacer par de multiples antennes beaucoup plus rapprochées des habitants, qui seront donc plus nombreux à être exposés qu’aujourd’hui.
M. Jean-Marie Sermier. Madame la rapporteure, il conviendrait que vous précisiez dans le texte si l’objectif de faible exposition des populations aux champs électromagnétiques concerne les émissions ou la réception. En effet, dans le second cas, cela reviendrait à imposer à chacun de nos concitoyens d’éloigner son téléphone de son oreille afin d’éviter toute exposition importante.
Mme la rapporteure pour avis. C’est bien la réception que nous visons, c’est-à-dire les ondes provenant des antennes, sachant que nos téléphones sont eux aussi des émetteurs.
M. Denis Baupin. Il me semblait que nos collègues de l’opposition connaissaient le Grenelle des ondes et le travail accompli par le précédent Gouvernement. Je ne pensais donc pas qu’il me faille expliciter la manière dont la question de l’exposition aux ondes a été traitée. D’autre part, je n’ai aucune réticence à admettre que, dans certains cas – notamment à Paris, ville pour laquelle nous avons fait réaliser des études complémentaires –, il peut s’avérer plus pertinent d’installer plusieurs petites antennes permettant de limiter l’exposition des populations, plutôt qu’une grosse antenne fortement émettrice. Ce n’est pas le niveau d’émission, mais le niveau d’exposition que nous proposons ici de faire évaluer, notre objectif étant de garantir des niveaux d’exposition respectueux de la santé sur l’ensemble du territoire – en particulier dans la capitale, compte tenu de l’importance de la population concernée.
La Commission adopte l’amendement CD29 rectifié.
En conséquence, les amendements CD2 et CD1 de M. Bertrand Pancher tombent.
La Commission en vient à l’amendement CD3 de M. Bertrand Pancher.
M. Bertrand Pancher. Il ne sert à rien de proposer de nouveaux objectifs de modération d’exposition des populations. Il convient au contraire de maintenir en l’état la rédaction de l’article L. 34-9-1 du code des postes et communications électroniques car les valeurs limites d’exposition applicables aux équipements utilisés sur les réseaux de communications électroniques français sont celles recommandées par l’OMS et par le Conseil de l’Union européenne. Ces valeurs ont d’ailleurs été confirmées par l’ANSES, qui a indiqué en octobre 2013 que l’actualisation des connaissances scientifiques ne mettait pas en évidence d’effet sanitaire avéré et ne conduisait pas à proposer de nouvelles valeurs limites d’exposition de la population. Aucune raison scientifique ou juridique ne justifie donc qu’un décret en fixe d’autres.
Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable. La question des valeurs limites fera l’objet de mon amendement CD31 rectifié, qui est plus exhaustif que celui-ci.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission est saisie de l’amendement CD31 rectifié de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Sans doute m’objectera-t-on que cet amendement CD31 rectifié vient seulement de vous être distribué. C’est néanmoins dans un souci de clarté que je vous propose cette nouvelle version.
Cet amendement très important procède à une réécriture d’une grande partie de l’article 1er afin d’en préciser plusieurs points et, notamment, de conférer une valeur législative à des dispositions jusqu’à présent d’ordre réglementaire. Il s’agit ainsi de donner suite aux travaux engagés tout au long de l’année dernière – en particulier au rapport Tourtelier-Girard-Le Bouler ainsi qu’aux conclusions du COPIC.
Le I de l’amendement reprend les dispositions actuelles de l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, portant sur la fixation des valeurs limites réglementaires, sur les mesures permettant de vérifier ces seuils et sur la publication des résultats de ces mesures. Cela ne signifie pas que ces valeurs seront modifiées : elles seront seulement précisées et leur respect vérifié, et les résultats des mesures effectuées sera rendu public.
Aux termes du II, un décret en Conseil d’État précisera les conditions des procédures de concertation dans les territoires. Cette concertation se déroulerait à trois niveaux : communal ou intercommunal – selon le choix retenu par les acteurs locaux – ; départemental, sous l’égide des préfets ; national enfin, au sein d’un comité relevant de l’ANFR et dont la composition obéirait aux principes du Grenelle de l’environnement. Ce comité national succéderait au COPIC.
Le III vise à établir un lien entre l’objectif de modération de l’exposition aux ondes et les moyens permettant de l’atteindre. Les pouvoirs d’information du maire seront étendus afin de parfaire sa connaissance de la situation sur le territoire de sa commune, conformément au consensus auquel est parvenu le COPIC. Les points atypiques seront recensés et leur résorption sera sollicitée. Il est enjoint au pouvoir réglementaire de prendre des précautions dans les établissements accueillant des personnes reconnues comme plus vulnérables que les autres aux champs électromagnétiques, dont les enfants.
Enfin, cet amendement pose les fondements d’une mutualisation des antennes relais entre les différents opérateurs. Le mécanisme retenu est particulièrement doux, l’ARCEP nous ayant indiqué que ce processus avait déjà été amorcé par des rapprochements entre SFR et Bouygues, d’une part, et Orange et Free, d’autre part. Selon l’ARCEP, la mutualisation pourrait accélérer la couverture des territoires situés en zone peu dense et permettre une réduction des coûts pour les opérateurs.
Je me suis par ailleurs aperçue, juste avant le début de cette réunion, que le 4° du III de l’amendement initial souffrait d’une incorrection rédactionnelle, portant sur la notion d’immeuble bâti à usage d’habitation et « à usage professionnel et d’habitation ». Cumulatifs, ces deux derniers critères permettraient de viser les appartements situés au-dessus d’une épicerie, mais l’on m’indique qu’ils seraient alternatifs, visant ainsi autant les usines que les bâtiments d’habitation, contrairement au but recherché. C’est pourquoi j’ai supprimé cet alinéa dans la version rectifiée, afin de le retravailler d’ici à l’examen en séance publique.
M. Bertrand Pancher. J’émets les plus vives protestations quant au déroulement de nos travaux ! Il ne vous aura pas échappé que j’ai travaillé à la rédaction d’au moins vingt-cinq amendements, et ce avec de nombreuses organisations nationales. J’ai de surcroît encore retravaillé mes argumentaires tout au long de cet après-midi. Or, parce que vous réécrivez un pan important de ce projet de loi, une quinzaine de mes amendements vont tomber, me privant de ce fait de tout moyen d’intervenir sur cet article. Voilà bien une mascarade de fonctionnement de nos institutions ! Je n’assisterai donc pas la semaine prochaine à la séance publique car cela ne servirait à rien ! Et il ne vaut guère la peine que je retravaille avec les membres de mon groupe les amendements que nous transmettrons demain à la Commission des affaires économiques.
M. Lionel Tardy. Sur la forme, cet amendement consiste en la réécriture de quatorze des dix-neuf alinéas de cet article clé, ce qui n’est pas sérieux. Sur le fond, je rappelle qu’en 2013 ont été effectuées 12 000 implantations ou modifications d’antennes, notamment pour la 4G – pour la plupart sans contentieux. Cet amendement est une usine à gaz dans la mesure où il porte au niveau de la loi toute la procédure d’installation, en contradiction avec les recommandations figurant dans le rapport remis au Premier ministre. D’autre part, il est en contradiction avec la volonté des maires et des utilisateurs, qui sont demandeurs d’une meilleure couverture. Enfin, tout le paradoxe de cet amendement et de cette proposition de loi réside dans le fait que, moins il y a d’antennes, plus on les mutualisera et donc plus les champs d’émission seront forts.
M. Martial Saddier. Monsieur le président, dans un souci de transparence de nos travaux, j’aimerais que vous nous indiquiez le nombre d’amendements qui tomberont si celui-ci est adopté. Il procède en effet à une véritable réécriture de la proposition de loi, dans l’urgence mais aussi de façon approximative puisque Mme la rapporteure pour avis a eu l’honnêteté de nous indiquer qu’elle avait l’intention d’en retravailler un alinéa d’ici à l’examen en séance publique. Si cet amendement est adopté, il nous faudra appeler ce texte la « loi Tallard », afin que les choses soient bien claires.
D’autre part, le renvoi à un décret témoigne bien du jeu de dupes auquel nous assistons : à des fins d’équilibre politique, ce jeu consiste pour la majorité à lâcher quelque chose tous les six mois à l’une de ses fractions pour acheter la paix politique en son sein et au sein du Gouvernement. Rompant avec le fonctionnement habituel de cette Commission, une telle mascarade n’est pas acceptable un mardi de rentrée, alors même que nous débattons dans le même temps en séance publique de l’un des textes les plus importants de la législature – le projet de loi agricole – et que nous sommes astreints à des délais de dépôt d’amendements sur le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Cet amendement était déjà en ligne sur le site de l’Assemblée nationale dès ce matin. Et bien que je comprenne les réactions de Bertrand Pancher et que je sois loin de défendre une telle pratique, je rappellerai que nous sommes nombreux à avoir connu des mésaventures similaires lorsque nous étions dans l’opposition. Ce n’est en effet pas la première fois qu’un amendement aura opéré la réécriture presque complète d’un article, en faisant tomber dix autres.
Mme Laurence Abeille, rapporteure de la commission des affaires économiques. Je souhaiterais, pour ma part, revenir sur la question des petites antennes et des grands pylônes et sur celle de la mutualisation de ces équipements. Notre territoire est fort divers géographiquement et peuplé de façon inégalement dense. Sa couverture par les réseaux de téléphonie mobile nécessite donc des moyens différents, selon qu’on est ou non en zone rurale, en montagne ou en zone dense. Les travaux du COPIC ont démontré que, pour baisser le seuil d’exposition de la population aux ondes, mieux valait multiplier les antennes dans certaines zones, ce qui n’empêchait nullement de les mutualiser dans d’autres. Bref, si l’objectif général est la modération de l’exposition, la solution technique permettant d’y parvenir varie selon les territoires.
M. Jean-Marie Sermier. Alors que cette proposition de loi se limite à six pages, voici qu’on veut en réécrire deux pages et demie par un seul amendement, disponible depuis ce matin à peine sur le site Internet de l’Assemblée nationale. Nous ne saurions nous satisfaire d’un tel fonctionnement car nous aurions besoin de bien plus de temps que nous n’en avons pour étudier ce texte. Ainsi que je l’ai indiqué dans mon intervention liminaire, nous nous trouvons dans l’obligation de transposer avant le 1er juillet 2016 une directive européenne adoptée en 2013 : pourquoi ne pas attendre cette transposition afin de disposer d’un texte de loi qui soit consensuel ?
Et ne nous faites pas le procès de n’être pas soucieux de la santé publique : nous nous préoccupons tout autant de celle-ci que de disposer de technologies de pointe. Mais on ne saurait réécrire en catimini et à vingt-trois heures près de la moitié d’un texte de loi, par le biais d’un amendement déposé depuis moins de douze heures ! Nous vous demandons donc, monsieur le président, de veiller comme à votre habitude au respect de l’intérêt général.
Enfin, j’ai bien l’impression que la majorité s’est trouvée à soixante-dix jours des élections municipales dans l’obligation d’accorder quelque chose aux Verts, si bien que la rapporteure socialiste reprend aujourd’hui la totalité de la proposition de loi déposée par le groupe écologiste.
Mme la rapporteure pour avis. Ce n’est nullement pour faire plaisir aux Verts que j’ai réécrit ces alinéas, mais bien pour inscrire dans la loi autant que possible des conclusions auxquelles est parvenu le COPIC, de sorte que toutes nos communes disposent des mêmes garanties d’information, de concertation et de transparence. Cela est effectivement souhaité par les Verts, mais cela me convient entièrement.
Je comprends d’autant mieux que vous soyez mécontents des délais qui vous sont laissés pour prendre connaissance de cet amendement qu’il m’eût à moi aussi été plus confortable de n’amender cette proposition de loi que sur des points de détail. Mais j’assume cette proposition volontariste, si désagréables qu’en soient les effets. Vous prétendez que l’on pourrait attendre un an et demi ou deux ans pour légiférer mais, dans les territoires, on a déjà parlé il y a un an d’un texte similaire pour en voir aussitôt reporter le vote, et un nouveau retard serait donc très malvenu.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je suspends la séance pour quelques minutes.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux heures cinquante.)
M. le président Jean-Paul Chanteguet. La séance est reprise. Nous allons procéder au vote de l’amendement CD31 rectifié.
La Commission adopte l’amendement CD31 rectifié.
En conséquence, les amendements CD4, CD5, CD6, CD7, CD9, CD10, CD12, CD11, CD13 et CD14 tombent.
M. Martial Saddier. Monsieur le président, vous nous avez rappelé à juste titre, dans votre propos liminaire, que nous étions ici pour travailler à la loi, y compris au-delà du mardi et du mercredi, et nous en sommes tous d’accord. Or, pendant la semaine de décembre qui a précédé la suspension de nos travaux, nous avons travaillé jour et nuit du lundi au jeudi : le lundi 16 décembre, nous avons débattu en séance publique du projet de loi sur la consommation jusqu’à deux heures du matin, moment où nous avons interrompu cet examen pour nous consacrer au projet de loi de finances rectificatives pour 2013 et au projet de loi de finances pour 2014 du mardi au jeudi. Enfin, nous sommes plusieurs à avoir participé à l’examen, en commission des affaires économiques, du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, ce qui nous a tenus jusqu’au vendredi à cinq heures du matin.
D’autre part, le délai de dépôt des amendements au projet de loi agricole a été fixé à samedi dernier, onze heures. De même, nous avons été soumis à un délai fixé à cet après-midi, dix-sept heures, pour le dépôt d’amendements au projet de loi ALUR – qui régira demain les règles de construction et d’urbanisme de notre pays. Et nous examinons ce soir en commission cette proposition de loi pendant que l’on débat dans l’hémicycle de l’avenir de l’agriculture française. Nous serons donc jour et nuit en séance jusqu’à vendredi – voire jusqu’à samedi s’il le faut.
Plusieurs d’entre nous ont alerté la Commission sur le fait que l’amendement CD31 rectifié réécrivait la quasi-totalité de la proposition de loi. La rapporteure a en outre eu l’honnêteté de reconnaître qu’il n’avait été déposé que cet après-midi et qu’il n’était pas parfait. Jugeant cela inacceptable, le groupe UMP ne participera pas à la fin de ces travaux – qui n’ont d’ailleurs plus lieu d’être puisque cet amendement de réécriture globale fait de ce texte une proposition de loi Tallard. On nous aura donc soumis une proposition de loi du groupe écologiste afin de pouvoir afficher dans le grand public que les Verts auraient « leur » texte, puis le groupe SRC l’aura entièrement réécrite en renvoyant à un décret. Une telle manœuvre électorale est inadmissible ! Les commissaires UMP vont donc quitter cette salle.
M. Bertrand Pancher. Monsieur le président, c’est la première fois que je constate autant de dysfonctionnements en commission. Vous nous avez certes rappelé qu’il était déjà arrivé par le passé que des textes soient réécrits au dernier moment, mais jamais nous ne sommes parvenus à ce point au cours de ces dernières années. Nous travaillons dans des conditions tout à fait incorrectes ! Par égard pour toutes les personnes qui se sont fiées à moi pour la préparation de ces amendements, je ne puis continuer à assister à ce débat. J’émets donc à nouveau les protestations les plus vives en espérant que plus jamais l’on ne nous proposera d’amendement de la sorte.
(Les commissaires des groupes UMP et UDI quittent la salle.)
La Commission en vient à l’amendement CD30 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement de coordination assigne à l’ANFR la mission de mettre en application le principe de modération, qui ne s’impose actuellement qu’à l’ARCEP et au Gouvernement.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er ainsi modifié.
Article 2
Harmonisation des protocoles de mesures et de simulation de l’exposition aux champs électromagnétiques
L’article 2 de la proposition de loi confie à l’Agence nationale des fréquences le soin de publier, dans un délai d’un an à compter de sa publication, des lignes directrices nationales en vue d’harmoniser les outils de simulation de l’exposition générée par l’implantation d’une installation radioélectrique. Il n’existe effectivement pas de protocole commun à l’ensemble des organismes de mesures ; les différences de protocoles entraînent immanquablement des divergences dans les résultats.
Votre rapporteure pour avis s’interroge sur la nature législative de cette disposition. Mais l’harmonisation des protocoles de mesure apparaît comme une mesure de bon sens. Aussi accueille-t-elle favorablement le présent article dans l’attente de précisions complémentaires de la part du Gouvernement.
*
* *
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.
TITRE II
INFORMATION, SENSIBILISATION ET PROTECTION
DU PUBLIC ET DES USAGERS
Le titre II comporte six articles relatifs à l’information, à la sensibilisation et à la protection du public. Ces dispositions se révèlent pour certaines pédagogiques et incitatives, pour d’autres normatives et prescriptives.
Article 3
Évaluation périodique des risques pour la santé des radiofréquences
L’article 3 de la proposition de loi vise à inscrire dans la loi le principe d’un rapport périodique de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) à propos des radiofréquences. Cet établissement public réalise déjà des études régulières sur le sujet, mais la rapidité des évolutions technologiques et des mises sur le marché de nouveaux produits peut légitimement conduire le Parlement à se sentir plus exigeant dans la périodicité de ces travaux.
Votre rapporteure pour avis n’émet aucun commentaire sur cet article 3.
*
* *
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.
Article 4
(article 184 de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement)
Mention du DAS, recommandations d’usages et normes techniques des équipements radioélectriques
L’article 4 de la proposition de loi réécrit l’article 184 de loi du 12 juillet 2010 selon lequel « pour tout appareil de téléphonie mobile proposé à la vente sur le territoire national, le débit d’absorption spécifique [DAS] est indiqué de façon lisible et en français. Mention doit également être faite de la recommandation d’usage de l’accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux émissions radioélectriques (…) ». Il se trouverait désormais rédigé en deux paragraphes.
Le I se limite à reprendre les dispositions actuelles de l’article 184 en étendant la mention obligatoire du DAS à l’ensemble des terminaux connecté à un réseau ouvert au public afin d’embrasser non seulement les téléphones mobiles, mais aussi les tablettes. Par ailleurs, les mentions relatives au DAS et à l’usage de l’oreillette doivent figurer sur l’appareil.
Le II crée de nouvelles obligations afin de limiter l’exposition du public aux champs électromagnétiques. Ainsi le 1° prévoit-il la désactivation par défaut de l’accès sans fil à internet sur tout appareil en permettant l’usage.
Le 2° impose d’installer sur les appareils de connexion un mécanisme simple de désactivation de l’accès sans fil à internet. Cette disposition est particulièrement bienvenue dans la mesure ces équipements fonctionnent en permanence, émettant des ondes et consommant de l’énergie, alors même qu’ils ne sont effectivement utilisés qu’une fraction du temps. Le principe de précaution autant que les fondements même du développement durable plaident en faveur d’un mécanisme de désactivation facile, chose qui n’est souvent possible sur les équipements actuels qu’au moyen d’une opération logicielle nécessitant des compétences informatiques particulières.
Le 3° prévoit qu’un décret dresse une liste d’appareils devant indiquer explicitement qu’ils émettent des champs électromagnétiques.
Le 4° impose l’accord des occupants d’un local privé préalablement à l’installation d’un équipement émetteur de champs électromagnétiques. Votre rapporteure pour avis estime que la rédaction devra être précisée pour mieux définir la notion de « local privé » et pour permettre le déploiement des compteurs intelligents dont l’entrée en service devrait permettre des économies considérables en électricité (Linky) et en gaz naturel (Gazpar).
Le 5° prévoit la désactivation par défaut des stations de base miniatures (femtocell). Mal connue, cette technologie consiste à utiliser un boîtier multiservices comme outil de relais de communication entre réseaux mobile et filaire afin d’améliorer la couverture et de permettre à leurs abonnés de transférer des données de manière plus rapide. La plupart des utilisateurs ignorent qu’ils accroissent ainsi leur exposition aux ondes électromagnétiques et qu’ils contribuent de surcroît bénévolement à la couverture réseau de leur opérateur.
Le 6° impose aux établissements recevant du public de porter à sa connaissance l’existence d’un réseau permettant l’accès sans fil à internet. Cette information sera bienvenue.
Sous la réserve d’un amendement de précision au 4°, votre rapporteure pour avis émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CD32 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à encadrer le champ d’application du dixième alinéa de l’article 4 qui, dans sa rédaction actuelle, serait applicable à tout équipement dans lequel circule un courant électrique. Plus précise, la rédaction proposée est en outre cohérente avec les dispositions figurant au 3° de l’article.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 ainsi modifié.
Article 5
(articles L. 5231-3, 5232-1-1 [nouveau] et 5232-1-2 [nouveau] du code de la santé publique)
Encadrement de la publicité pour les téléphones mobiles et autres équipements radioélectriques
L’article 5 de la proposition de loi prévoit une régulation renforcée des dispositifs publicitaires pour l’achat de terminaux radioélectriques. Le dispositif législatif actuel apparaît à l’article L. 5231-3 du code de la santé publique, issu de l’article 183 de la loi Grenelle II, qui dispose que « toute publicité, quel qu’en soit le moyen ou le support, ayant pour but direct de promouvoir la vente, la mise à disposition, l’utilisation ou l’usage d’un téléphone mobile par des enfants de moins de quatorze ans est interdite ». La volonté de la précédente majorité de protéger les enfants des dangers potentiels issus des téléphones mobile était louable ; elle apparaît toutefois dépassée par les progrès technologiques. En effet, depuis 2010, de nombreux équipements sont apparus sur le marché, qui mettent en jeu des émissions et des réceptions radioélectriques. Le 1° s’attache donc à réécrire l’article L. 5231-3 du code de la santé publique pour viser, non plus les seuls téléphones mobiles, mais tout « terminal radioélectrique destiné à être connecté à un réseau ouvert au public par des enfants de moins de quatorze ans » afin d’embrasser l’ensemble de ces nouveaux produits. La référence à un « circuit ouvert » ne soumet pas à cette disposition les appareils radiocommandés, qui fonctionnent en boucle fermée.
Quant au 2°, il insère deux dispositions dans le code de la santé publique. Le nouvel article L. 5232-1-1 ordonne que « toute publicité, quel que soit son moyen ou son support, ayant pour but la promotion de l’usage d’un téléphone mobile doit mentionner de manière claire, visible et lisible l’usage recommandé d’un dispositif permettant de limiter l’exposition de la tête aux champs électromagnétiques émis par l’équipement ». Le nouvel article L. 5232-1-2 proscrit, pour sa part, toute publicité « ayant pour but la promotion de l’usage d’un téléphone mobile sans accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux champs électromagnétiques émis par l’équipement ». Là encore, la proposition de loi fait œuvre de cohérence avec les dispositions votées à l’occasion du Grenelle de l’environnement, puisque la loi Grenelle II impose déjà la fourniture d’une oreillette à l’occasion de chaque vente de téléphone mobile. Il est logique de prévoir que les publicités vantant un produit mettent en scène l’utilisation de ce produit dans des conditions conformes à la législation.
Votre rapporteure pour avis approuve cette évolution, qui avait d’ailleurs déjà été soutenue lors de l’examen en commission du texte de janvier 2013. Elle rappelle que, si les téléphones mobiles sont potentiellement dangereux lorsqu’ils sont utilisés à proximité de la tête et plus probablement inoffensifs lors de la rédaction d’un message écrit, cela ne signifie pas que le seul moment critique soit celui de la conversation téléphonique. Qu’on songe à ceux qui se servent de leur appareil comme réveille-matin posé sur la table de nuit, ou comme radio d’appoint : la tête se trouve exposée. Une disposition préventive générale est donc opportune.
*
* *
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.
Article 6
Prévention sanitaire pour une utilisation plus responsable des téléphones mobiles et autres équipements radioélectriques
L’article 6 de la proposition de loi a pour objectif le lancement d’une campagne d’information, sous l’égide de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), sur l’utilisation responsable du téléphone mobile et les précautions à mettre en œuvre dans l’utilisation d’appareils émetteurs ou récepteurs de radiofréquences. Cette campagne doit, aux termes du I, être lancée dans l’année suivant la promulgation de la loi. Le II prévoit l’édition d’une brochure reprenant les préconisations d’usage, notamment à destination de la petite enfance.
Votre rapporteure pour avis est circonspecte quant à ces dispositions, qui n’ont de toute évidence aucun caractère législatif. Il n’entre pas dans la compétence de la loi de prescrire l’édiction de brochures, fussent-elles informatives ou éducatives. Les actions de cette nature devraient appartenir au pouvoir réglementaire et à lui seul.
Toutefois, votre rapporteure pour avis s’est résolue à soutenir l’article 6 en dépit de son imperfection formelle. D’une part, il est certain que l’objectif poursuivi présente tous les caractères de la nécessité et de la noblesse : si une campagne d’information permet de limiter d’éventuels effets sanitaires et extra-sanitaires négatifs de la téléphonie mobile sur la population en général et sur la jeunesse en particulier, peu importe qu’elle ait été décidée en forme de loi ou à travers un arrêté. D’autre part, il reste loisible au Gouvernement de protéger sa compétence, s’il l’estime impératif, en invoquant au cours des débats l’article 41 de la Constitution. Enfin, au cours de de la deuxième séance de l’Assemblée nationale du 31 janvier 2013, le Gouvernement s’était déjà engagé à orchestrer pareille campagne par la voix de la ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Innovation et de l’Économie numérique :
« Le Gouvernement lancera une grande campagne de prévention qui sera menée par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé et vous proposera de faire figurer dans toutes les publicités pour les terminaux mobiles un bandeau visible recommandant l’utilisation d’un accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux ondes électromagnétiques émises par les téléphones. Concrètement, nous proposerons que soit inscrite la mention suivante : « Il est recommandé d’utiliser un accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux émissions radioélectriques lors des communications ». »
Force est de constater, pourtant, que rien sur le site de l’INPES n’indique la tenue de cette promesse. Mieux vaut, donc, inscrire dans la loi que la diffusion des bonnes pratiques d’utilisation de la téléphonie mobile s’impose au Gouvernement.
*
* *
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.
Article 7
Protection des jeunes enfants et limitation de l’exposition aux champs électromagnétiques dans les établissements scolaires
L’article 7 de la proposition de loi prévoit une limitation des installations de boîtiers multiservices émetteurs d’ondes électromagnétiques dans les espaces fréquentés par des enfants en bas âge.
Le I vise les établissements mentionnés au chapitre IV du titre II du livre III de la deuxième partie du code de la santé publique, c’est-à-dire les « établissements d’accueil des enfants de moins de six ans », et proscrit toute installation wifi dans les espaces dédiés à l’accueil, au repos et aux activités avec des enfants. Cet intitulé peut générer des craintes quant à la situation d’institutions accueillant occasionnellement des enfants de moins de six ans : ainsi une école primaire ou un centre de vacances. Il convient de préciser que le chapitre en question du code de la santé publique ne vise aucunement les établissements scolaires, qui relèvent du code de l’éducation, ni les centres de planning familial, les services de santé scolaires et autres lactariums. Les situations concernées se limitent aux crèches et aux garderies, d’ailleurs dénommés dans le langage courant « établissements de petite enfance », où il sera d’ailleurs loisible de prévoir une connexion sans fil dans les bureaux administratifs et dans les lieux non fréquentés par les tout-petits.
Le II limite l’accès sans fil à internet dans les établissements scolaires aux activités le nécessitant. Cette disposition tire les conséquences de la vulnérabilité particulière des enfants aux ondes électromagnétiques en raison d’une rigidité du crâne inférieure à celle des adultes. En outre, cette disposition est de bon sens, dans la mesure où une connexion possible à internet hors des temps prévus par l’enseignant ne saurait être favorable aux élèves, qui n’y verraient probablement qu’une distraction durant les heures de cours ou un moyen frauduleux d’améliorer leurs résultats pendant les exercices de notation.
Le III dispose que l’installation d’un réseau de télécommunication dans les écoles maternelles et élémentaires fait l’objet de devis préalables au lancement des travaux comprenant l’étude d’une solution de connexion filaire. Il s’agit, là encore, d’une bonne gestion des deniers publics puisque l’établissement d’un devis ne génère aucun frais et peut permettre de diminuer les budgets mobilisés. En outre, la transmission des solutions techniques et tarifaires au conseil d’école permettra d’engager le débat au sein de la communauté éducative afin de retenir les meilleures options dans l’intérêt pédagogique et sanitaire des élèves.
Votre rapporteure pour avis approuve la volonté exprimée par les auteurs de la proposition de loi de garantir une protection renforcée pour les plus jeunes, qui sont aussi potentiellement les plus vulnérables. Elle proposera deux amendements pour améliorer le dispositif en limitant également le wifi dans les écoles maternelles, où cette technologie ne semble guère nécessaire dans les apprentissages dispensés.
*
* *
La Commission examine l’amendement CD33 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement a pour objet d’étendre aux écoles maternelles l’interdiction de dispositifs permettant des connexions sans fil, déjà instituée pour les crèches au premier alinéa de cet article. Nous avons préféré viser ici les écoles maternelles plutôt que les enfants de moins de six ans, afin de ne pas empêcher l’utilisation du Wi-Fi dans les écoles élémentaires, où sont inscrits certains d’entre eux.
Je précise que le ministère de l’éducation nationale a manifesté certaines réserves à l’égard de la disposition proposée, considérant que l’on pourrait utiliser les tablettes dès la grande section de maternelle afin de favoriser les apprentissages.
M. Denis Baupin. Ces tablettes peuvent fort bien être utilisées sans connexion au réseau.
La Commission adopte l’amendement CD33.
Elle en vient ensuite à l’amendement CD34 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 3 de cet article impose que l’installation d’un réseau de télécommunication dans les écoles maternelles et élémentaires donne lieu à la sollicitation de devis pour une connexion filaire. En cohérence avec l’amendement précédent, qui interdit l’installation d’une connexion sans fil dans les écoles maternelles, nous proposons de supprimer cette exigence les concernant.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article ainsi modifié.
Article 8
Rapport sur l’électro-hypersensibilité
L’article 8 de la proposition de loi prévoit la remise d’un rapport gouvernemental au Parlement sur la problématique de l’électrohypersensibilité, dans un délai d’un an à compter de la date de promulgation. L’opportunité de créer des zones à rayonnements magnétiques limités devrait y être discutée ainsi que les modalités de prise en compte de cette affection en milieu professionnel et l’efficacité des dispositifs d’isolement aux ondes.
L’électro-hypersensibilité, autrement désignée comme « intolérance environnementale idiopathique attribuée aux ondes électromagnétiques », a fait l’objet de travaux dès la fin des années 1990 de la part des autorités européennes et internationales. Les premières recherches correspondent approximativement à l’apparition de la téléphonie mobile dans les pays occidentaux ; sa généralisation et le progrès technique du secteur induisant des usages toujours plus importants des appareils de télécommunication conduisent à s’interroger sur cette affection encore très mal caractérisée par la science.
Jusqu’à présent, aucune recherche expérimentale n’est parvenu à établir un lien causal direct entre les champs électromagnétiques et les quelque quatre-vingts symptômes présentés par les personnes dites électrosensibles. Il est vrai que les rougeurs, picotements, fatigue, lassitude, étourdissements, nausées, troubles cardiaques et digestifs peuvent se rattacher à de nombreuses autres sources, et qu’il peut être tentant de les attribuer toujours à une cause tierce. De fait, la réponse du corps médical se résume souvent à un traitement psychiatrique et à la prescription d’antidépresseurs. Les personnes atteintes, quant à elle, recourent fréquemment à des tissus gainés d’aluminium pour aménager leur lieu de vie en cage de Faraday – enceinte conductrice reliée à la terre de façon à maintenir son potentiel électrique fixe et à générer une étanchéité aux champs électriques.
On ne saurait néanmoins réduire l’électrosensibilité à un syndrome psychiatrique. Dans un rapport d’octobre 2009 consacré aux radiofréquences, l’Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, ancêtre de l’ANSES) reconnaissait l’existence de cette maladie, sans être en mesure de la caractériser réellement. Certains États de l’Union européenne, comme la Suède, l’ont officiellement reconnu comme un handicap professionnel.
Votre rapporteure pour avis ne détient aucune légitimité pour établir un diagnostic scientifique sur l’électrohypersensibilité. Ce n’est d’ailleurs aucunement le rôle du Parlement, ni même des pouvoirs publics, de préempter les résultats de la recherche médicale. Encore faut-il que celle-ci se déroule dans de bonnes conditions. En janvier 2013, beaucoup avaient mis en avant l’initiative de l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui avait lancé, en février 2012 à l’hôpital Cochin, la première étude clinique en France de prise en charge spécialisée des patients atteints de cette affection. Cependant, les protocoles suivis demeurent assez mystérieux, et les critiques multiples des personnes atteintes quant à la prédominance de la psychiatrie dans les traitements proposés, semblent avoir mis à mal les conclusions des travaux avant même leur rédaction.
Bien qu’elle soit réticente à introduire dans la loi une demande de rapport gouvernemental, votre rapporteure pour avis considère qu’il s’agit d’un mal nécessaire. Le défaut de caractérisation de l’électrohypersensibilité n’est pas acceptable dès lors que des pays voisins avancent, avec semble-t-il une plus grande facilité, sur ce dossier. Il reviendra à ce rapport, non de trancher une controverse médicale, mais d’explorer les pistes de réponses politiques pouvant être apportées à des personnes en souffrance – par exemple en limitant la couverture en ondes de territoires strictement délimités dans lesquels n’existent aucune demande de couverture.
*
* *
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES
Le titre III de la proposition de loi se compose de deux articles portant dispositions finales : l’un est relatif à l’application des précédentes dispositions outre-mer ; l’autre « gage » leur impact sur le budget de l’État par une hausse des taxes sur la consommation de tabac.
Article 9
Application de la présente loi aux outre-mer
L’article 9 de la proposition de loi prévoit l’application des dispositions précédentes à la Nouvelle Calédonie, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à la Polynésie française et aux îles Wallis-et-Futuna. Ces collectivités ultramarines disposent de statuts différents au sein de la République : la Nouvelle-Calédonie connaît une organisation sui generis en vertu des articles 76 et 77 de la Constitution tandis que la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon sont régies par l’article 74.
Les statuts confèrent aux collectivités des compétences déterminées par des lois organiques. Il n’est donc pas loisible au législateur ordinaire, appelé à se prononcer sur la présente proposition de loi, de déroger aux prescriptions qu’elles énoncent. Ainsi, du fait du caractère extrêmement général de l’article 9, il est probable qu’il entre en contradiction avec les délégations de compétences déjà réalisés au profit des collectivités ultramarines. Les débats de janvier 2013 avaient donné l’occasion à la commission des affaires économiques de rappeler, au sein du tableau suivant, certains de ces domaines qu’il n’était plus possible à l’Assemblée nationale de régir dans ces territoires à statut dérogatoires.
Environnement |
Urbanisme |
Communications électroniques |
Nouvelle-Calédonie Polynésie française Wallis-et-Futuna |
Nouvelle-Calédonie Polynésie française Wallis-et-Futuna Saint-Pierre-et-Miquelon |
Nouvelle-Calédonie Polynésie française |
Toutefois, s’agissant des dispositions relatives à la puissance des ondes électromagnétiques, elles pourraient être applicables de plein droit dans la mesure où elles ont trait au domaine public de l’État.
Il n’appartient pas à votre rapporteure pour avis de se substituer à la commission saisie au fond, voire à la délégation aux outre-mer de notre Assemblée, pour mettre l’article 9 en conformité avec les subtilités du droit constitutionnel ultramarin. Elle ne saurait trop engager les différents organes de l’Assemblée nationale et du Sénat, voire le Gouvernement par le truchement du ministère des Outre-mer, à se pencher sérieusement sur cette rédaction au cours des prochaines étapes de la procédure législative. Il apparaît d’ores et déjà certain, par exemple, que la création des instances de concertation départementales décidée par l’article 1er ne pourrait avoir lieu sur des territoires dans lesquelles l’institution départementale n’existe pas.
En dépit de ces réserves, votre rapporteure pour avis recommande l’adoption de l’article 9.
*
* *
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.
De manière habituelle pour une proposition de loi, l’article 10 prévoit que les charges supplémentaires pour l’État qui pourraient résulter de la mise en application de la présente proposition de loi seraient compensées par la création d’une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs manufacturés, prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Votre rapporteure pour avis n’a aucun commentaire à formuler sur cette disposition. Elle tient cependant à indiquer que, interrogé sur ce point au cours de la réunion de la commission saisie au fond, le ministre chargé de l’écologie a fait part de son intention de lever le gage à l’occasion de l’examen en séance publique.
*
* *
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.
*
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de la proposition de loi ainsi modifiée.
*
* *
Mme la rapporteure pour avis. Compte tenu des circonstances, je remercie tous les présents d’avoir bien voulu participer jusqu’au bout à nos débats, témoignant ainsi de leur intérêt pour un problème, certes sensible, mais auquel il est possible de trouver des solutions qui n’aient pas pour effet de ralentir le déploiement des technologies de téléphonie mobile.
Monsieur le président, vous serait-il possible de saisir l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de la question de l’électrohypersensibilité ?
M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’y suis tout à fait favorable, à condition que les membres de la Commission le soient également.
Il me reste à présent à vous remercier, madame la rapporteure pour avis. Quant à l’incident qui vient de se produire, sans précédent depuis que je préside cette Commission et dont je me serais bien volontiers dispensé, il m’inspire une suggestion : ne pourrions-nous pas éviter à l’avenir un procédé qu’autorise certes le Règlement de notre assemblée, mais que nous jugeons inacceptable ? Si la rapporteure pour avis peut être assurée de tout notre soutien, cette pratique n’est en pas moins mal perçue par les parlementaires qui effectuent leur premier mandat : y renoncer nous permettrait de recouvrer la sérénité garante de la qualité du travail parlementaire. Ce dernier, difficile déjà, l’est à mon sens devenu encore davantage depuis la réforme constitutionnelle de 2008.
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
Les amendements déposés en Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sont consultables sur le site internet de l’Assemblée nationale. (2)
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Fédération française des télécoms
– M. Jean-Marie Danjou, directeur général délégué de la FFTélécoms
– M. Pierre-Yves Lavallade, directeur général adjoint de la FFTélécoms
– M. Mickaël Trabbia, directeur des affaires publiques d’Orange
– Mme Florence Chinaud, responsable des relations institutionnelles d’Orange
– M. Vincent Talvas, directeur des affaires publiques de SFR
– Mme Catherine Moulin, directrice santé / environnement de SFR
– M. Jean-Philippe Desreumaux, directeur fréquences et protection de Bouygues Telecom
– Mme Céline Montaner, chargée des relations institutionnelles de Bouygues Telecom.
Free
– M. Olivier de Baillenx, directeur des relations institutionnelles de Free
– Mme Catherine Gabay, directrice de la réglementation et des affaires institutionnelles de Free Mobile
Groupement des industries des technologies de l’information et de la communication (GITEP TICS)
– M. Stéphane Elkon, délégué général
– Mme Catherine Le Bec (Alcatel Lucent)
– Mme Sabine Lobnig (MMF)
– M. Xavier des Horts (Nokia)
– M. Jaymeen Patel (Apple)
– M. Roberto Mauro (Samsung)
– M. Christophe Grangeat (Alcatel Lucent)
Ministère du Redressement Productif – Direction Générale de la Compétitivité, de l'Industrie et des Services (DGCIS)
– Mme Cécile Dubarry, chef du service des technologies, de l’information et de la communication
– Mme Angélique Rocher-Bedjoudjou, chef du bureau de la réglementation des communications électroniques
Ministère de la santé – Direction générale de la santé (DGS)
– M. Charles Saout, adjoint au sous-directeur Environnement et alimentation
– Mme Alice Kopel, chargée du dossier ondes
Ministère de l’éducation nationale – Direction générale de l’enseignement scolaire
– M. Jean-Yves Capul sous-directeur programmes d’enseignement, formation des enseignants et développement numérique
Agence nationale des fréquences (ANFR)
– M. Gilles Brégant, directeur général
– M. Bernard Celli, directeur de la stratégie à l’Agence et en charge du dossier relatif aux ondes électromagnétiques
– Mme Isabelle Hautbois, chargée des relations institutionnelles
Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES)
– M. Dominique Gombert, directeur de l’évaluation des risques,
– Mme Alima Marie, directrice de l’information, de la communication et du dialogue avec la Société
Assemblée des communautés de France (ADCF)
– M. Pierre-Alexandre Lemai, chef du service gestion du domaine public de Lille Métropole,
– M. Damien Denizot, responsable des questions climat-énergie
– M. Atte Oksanen, chargé des relations parlementaires
Autorité de la concurrence
– M. Nicolas Deffieux, rapporteur général adjoint, spécialiste des questions de télécommunications
Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)
– M. Benoît Loutrel, directeur général
– M. Christian Guénod, conseiller du Président
– M. Rémi Stéfanini, directeur de l’accès mobile et des relations avec les équipementiers
Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP)
– M. François d’Aubert, président
– M. Stéphane Martin, directeur général
– M. Florent Sauli, juriste conseil
Robin des toits
– M. Étienne Cendrier, porte-parole de Robin des Toits,
– Mme Anne-Laure Mager, déléguée Robin des Toits pour les Pyrénées Orientales et l'Ariège
– Mme Agnès Fontana, conseillère juridique
Pour une réglementation des implantations d’antennes relais de téléphonie mobile (Priartém)
– Mme Janine Le Calvez, présidente
– Mme Marie-Jeanne Potin, coordinatrice nationale
Centre de recherche et d’information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques (CRIRREM)
– M. Pierre Le Ruz, président
– Mme Catherine Gouhier, secrétaire générale
Agir pour l'environnement
– M. Stéphen Kerckhove, délégué général
Une Terre Pour Les E.H.S
– M. Bruno Besson
E.H.S France
– Mme Dominique Souillac, porte-parole
– Mme Elisabeth Delcenserie
Collectif des électrosensibles
– M. Manuel Hervouet, co-fondateur
– Mme Sophie Pelletier, co-fondatrice
INTRODUCTION DE L’AVIS N° 585 DÉPOSÉ
PAR MME SUZANNE TALLARD LE 15 JANVIER 2013
mesdames, messieurs,
Peu d’inventions auront révolutionné la vie quotidienne en quelques années comme la téléphonie mobile. Moins de trente ans se sont écoulés depuis le déploiement du premier réseau national de première génération. Puis au début des années 1990 s’impose la norme GSM (Global System for Mobile Communications) : cette deuxième génération (2G) signe l’arrivée effective des téléphones mobiles dans la vie des Français. Ils n’en sortiront plus. L’UMTS (Universal Mobile Telecommunications System) est lancée en 2004 comme la troisième génération (3G). Le très haut débit mobile ou 4G, qui permet des transmissions de données à des débits théoriques supérieurs à 100 Mb/s, a vu ses licences pour la France attribuées en 2011 et le déploiement de son réseau entamé en 2012.
Cette progression technologique ne serait rien sans une généralisation de son utilisation par l’ensemble de la population. Il y avait un million de lignes mobiles en France en 1995, trente millions en 2000, près de cinquante millions en 2005. Depuis 2011, le nombre de lignes ouvertes excède même le nombre d’habitants. Il est juste d’affirmer que le portable concerne tout le monde puisque tout le monde, ou peu s’en faut, en bénéficie aujourd’hui.
La téléphonie mobile a changé la vie au point que s’en trouver dépourvu équivaut parfois à un handicap difficilement surmontable dans la vie sociale. C’est aussi une source d’inquiétudes pour les observateurs, dans la mesure où jamais l’être humain ne s’était, par le passé, aussi souvent exposé à des ondes électromagnétiques et ce en portant la source de leur émission à l’oreille, donc à proximité immédiate du cerveau. De même, la couverture de l’ensemble du territoire par les réseaux a provoqué la multiplication des émetteurs, des antennes-relais, et des ondes qu’ils propagent.
Face à la fulgurance de la révolution mais également de l’évolution de l’usage que nous faisons de cette technologie, la science manque de recul pour délivrer une analyse définitive et certaine de la dangerosité ou de l’innocuité des ondes électromagnétiques. Les éventuels effets à long terme nécessitent des durées d’observation importantes : l’étude de cohorte Cosmos pilotée par l’Imperial College of London va ainsi suivre, pendant 30 ans, 250 000 utilisateurs de 18 à 69 ans, mais elle ne produira ses conclusions qu’en 2040. Quant aux études de plus court terme, visant des populations plus restreintes, elles présentent des résultats contrastés permettant aux thuriféraires des ondes comme à leurs contempteurs d’avancer des arguments.
Votre Rapporteure pour avis s’est saisie de la proposition de loi mi-décembre dans la perspective d’un examen en commission dans le courant du mois de janvier. Une dizaine d’auditions ont été effectuées pour recueillir les observations de chacun, écouter les arguments et entendre les sollicitations. S’il apparaît bien difficile de parvenir à des certitudes, dès lors que les enjeux économiques le disputent aux conséquences sanitaires potentielles, le choix qui a été fait est celui d’une position d’équilibre, assise sur les faits reconnus par tous, pour une meilleure information et une plus grande attention de la population. Il en découle, à l’égard du texte déposé par le groupe écologiste de l’Assemblée nationale, une position ouverte mais néanmoins critique.
I.— Un environnement toujours plus dense en ondes électromagnétiques
La progression du nombre de terminaux de téléphonie mobile en France suffit à mettre en exergue la présence d’ondes dans l’environnement quotidien des Français. On ne saurait, cependant, se limiter aux seuls téléphones : ce serait négliger les ondes de radio et de télévision, celles générées par le transport d’électricité, et d’autres, produites par des appareils ménagers, dont les citoyens ignorent sans doute pour la plupart l’existence. L’image ci-après, communiquée par la Fédération française des télécoms, permet de visualiser quelques-uns de ces objets usuels et les émissions dont ils sont responsables.
Parmi ces équipements domestiques, il en est un qui s’est largement répandu au cours de la précédente décennie, à une vitesse comparable à celle du téléphone mobile : il s’agit des boîtiers multiservices (box) qui délivrent à la fois des offres de téléphonie, de télévision et de fourniture d’accès à internet. On estime à quelques 23 millions le nombre de ces boîtiers en France en 2012. Ce chiffre considérable doit être pris en compte puisque, désormais, les connexions sans fil (wifi) emportent fréquemment la préférence des utilisateurs par rapport à l’encombrante liaison filaire Ethernet. Ce sont donc autant d’émetteurs supplémentaires qui sont entrés dans les foyers français et qui, contrairement aux luminaires et aux appareils ménagers, présentent la particularité d’émettre presque toujours en continu – sauf modification relativement complexe opérée par l’utilisateur ou coupure délibérée de l’alimentation électrique. On ne saurait négliger ces appareils, puisque leur consommation annuelle est évaluée par certains à quelques 5 TWh (www.planetoscope.com), soit quasiment 1 % de la production nationale d’électricité.
Cette omniprésence des ondes dans la vie moderne emporte déjà une conséquence : son caractère socialement irréversible. On imagine mal un renoncement général à une évolution technologique à ce point répandue, et dont on sait l’usage sans danger au moins à court terme. Une éventuelle action du législateur ne pourra donc aucunement passer par l’interdiction pure et simple d’un appareil. Si une précaution s’avérait nécessaire, si une limitation devait s’imposer, elle devrait être circonstanciée, limitée aux populations les plus vulnérables, et axée pour les autres sur une pédagogie des bonnes pratiques laissant chacun libre de son usage et face à ses responsabilités.
Il convient enfin de faire mention de l’électro-hypersensibilité, qui désigne l’intolérance manifestée par certaines personnes aux ondes électromagnétiques. Les symptômes de ce syndrome sont nombreux et encore mal caractérisés par la médecine. Toutefois, on ne saurait remettre en cause la souffrance ressentie par les personnes touchées, particulièrement exacerbée dans les zones urbaines parfaitement maillées. En l’absence de réponse efficace offerte par la science et de dispositif mis en œuvre par la collectivité, elles n’ont souvent d’autre option que de se retirer dans des espaces ruraux, moins bien connectés aux réseaux, afin de diminuer leur exposition.
II.— Une inquiétude manifeste devant des dangers éventuels
Les auditions réalisées par votre Rapporteure pour avis ont mis en lumière des inquiétudes au regard des effets potentiels de l’exposition permanente à des ondes électromagnétiques, et un débat particulièrement tranché quant à l’effet de celles-ci.
Considérant les risques inhérents à des champs trop puissants, qui génèrent alors des effets de nature thermique, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a défini des seuils cinquante fois inférieurs au niveau d’exposition à partir duquel le premier effet biologique – une élévation de 1°C de la température corporelle – est établi scientifiquement. À ce propos, il est important de signaler qu’un effet biologique ne signifie pas forcément qu’il y a un effet sanitaire. « Le corps humain est soumis en permanence à un ensemble de stimuli internes et externes, entraînant éventuellement des réactions biologiques d’adaptation, ayant un impact sur les cellules, le fonctionnement des organes et la santé. Un impact sur la santé n’intervient que lorsque des effets biologiques entraînés par une agression dépassent les limites d’adaptation du système biologique considéré » écrit l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES, ex-AFSSET) dans son rapport d’octobre 2009. L’image ci-après, toujours communiquée par la Fédération française des télécoms, permet de visualiser les limites respectivement assignées aux différents types d’équipement.
Nombreux, cependant, ont jugé les seuils de l’OMS excessifs. En ce qui concerne les 60 000 antennes-relais de France, ces seuils, de 41 à 61 volts par mètre suivant les situations, ne sont jamais atteints d’après les mesures de contrôle régulièrement réalisées sur le terrain – plus de 25 000 mesures réalisées lors de la dernière décennie figurent dans la base de l’Agence nationale des fréquences (ANFR). Toutefois, si l’écrasante majorité de 99,9 % des relevés font apparaître des intensités inférieures à 5 volts par mètres (la mesure est même inférieure à 1,5 volts par mètre dans 95 % des contrôles), il subsiste sur le territoire des points dits atypiques singulièrement supérieurs à la moyenne, pouvant atteindre une vingtaine de volts par mètre. Il est, dans ces cas légitime, que les pouvoirs publics sollicitent un retour dans les meilleurs délais à des valeurs plus faibles. Dès lors qu’une exposition peut être réduite, sans dégrader la qualité du service téléphonique fourni, cette réduction doit être mise en œuvre.
L’appréhension générale à l’encontre des ondes repose sur l’incertitude des études scientifiques et sur la confusion entre les différentes applications des ondes. Les professionnels du secteur des télécommunications n’ont pas manqué de signaler, lorsqu’ils ont été reçus en audition, qu’aucune autorité sanitaire de par le monde n’avait jamais établi un lien probant entre champs électromagnétiques et atteinte à la santé humaine. En France, l’AFSSET a indiqué en conclusion de son rapport d’octobre 2009 : « Les données issues de la recherche expérimentale disponibles n’indiquent pas d’effets sanitaires à court terme ni à long terme de l’exposition aux radiofréquences. Les données épidémiologiques n’indiquent pas non plus d’effets à court terme de l’exposition aux radiofréquences. Des interrogations demeurent pour les effets à long terme, même si aucun mécanisme biologique analysé ne plaide actuellement en faveur de cette hypothèse. » Cependant, sur les quatre-vingt-dix-sept études reprises par le rapport de l’Afsset, onze suggéraient l’existence d’un effet sanitaire, sans emporter la conviction en raison de l’absence de leur réplication. À la suite de ce rapport, l’Académie nationale de Médecine, l’Académie des Sciences et l’Académie des Technologies ont communiqué ensemble leur sentiment selon lequel aucun danger prouvé ne découle des émissions des antennes-relais.
En 2010, l’étude internationale Interphone est parvenue à des résultats similaires. Elle conduit l’OMS à affirmer qu’aucun effet nocif pour la santé n’a pu, à ce jour, être imputé au téléphone portable.
Interphone est la plus vaste étude épidémiologique menée sur le téléphone mobile et la santé. Diligentée par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC, émanation de l’OMS), en 2000 dans 13 pays, elle visait à vérifier l’existence d’un risque entre l’usage du téléphone portable et les tumeurs du cerveau, du nerf acoustique et de la glande parotide. Les résultats publiés portent sur quelque 10 700 personnes. Les auteurs ont conclu à l’opportunité de poursuivre les recherches : « aucune augmentation du risque (…) n’a été observé en relation avec l’utilisation du téléphone mobile. Une augmentation du risque de gliome a été suggérée aux niveaux d’exposition les plus élevés, toutefois des biais et des erreurs empêchent d’établir une interprétation causale ». |
Face à ces résultats rassurants, d’autres évènements conduisent à une prudence circonspecte. En 2007, le rapport BioIntiative, par ailleurs actualisé ces dernières semaines, considérait les seuils actuels d’exposition aux radiofréquences trop élevés pour préserver la sécurité sanitaire des populations. Même si les données compilées ne sont pas univoques, cette mise en garde vaut d’être prise en considération.
En outre, en 2011, sur la base de différentes études internationales, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’OMS a classifié les ondes électromagnétiques émises par les téléphones mobiles au sein de la catégorie 2B, qui correspond à ce qui est possiblement cancérigène pour l'homme. Il existe cinq groupes : 1 pour cancérigène, 2A pour cancérigène probable, 2B pour cancérigène possible, 3 pour non classifiable et 4 pour probablement non cancérigène. Le traditionnel appel à la poursuite des recherches se doublait alors de la recommandation de mesures pragmatiques pour limiter l’exposition, comme l’usage d’oreillettes pour éloigner l’appareil du crâne de son utilisateur.
Enfin, le 23 janvier 2013, l’Agence européenne de l’environnement a délivré un message similaire au précédent, en liant un risque de cancer à l’usage du téléphone portable dans certaines conditions et en réitérant des recommandations de bonne pratique de cet usage, tout en déplorant la lenteur des pouvoirs publics et de l’industrie des télécommunications dans la prise en compte de ces données sanitaires.
Ainsi, les messages se confrontent en laissant, au final, quelques certitudes, une fois écartés les soupçons de conflits d’intérêt que chaque partie jette sur son contradicteur. La discussion de la proposition de loi à l’Assemblée nationale devrait permettre des avancées. On regrettera toutefois qu’elle devance de quelques mois la publication du rapport de l’ANSES actualisant le précédent.
III.— Une proposition de loi à améliorer
Le texte sur lequel la commission du développement durable s’est saisie pour avis présente l’immense avantage de susciter le débat au sein de la représentation nationale. L’Assemblée s’était déjà prononcée en partie à l’occasion du Grenelle de l’environnement en édictant certaines prescriptions relatives aux ondes électromagnétiques. Ce sont notamment les articles 183 et 184 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement qui ont durci la législation en vigueur :
• l’article L. 34-9 du code des postes et des télécommunications enjoint depuis que « les terminaux radioélectriques destinés à être connectés à un réseau ouvert au public pour la fourniture du service de téléphonie ne peuvent être commercialisés sans un accessoire permettant de limiter l'exposition de la tête aux émissions radioélectriques lors des communications » ;
• l'article L. 34-9-1 du même code ordonne le recensement des points atypiques avant 2013 ;
• deux articles L. 5231-3 et L. 5231-4 du code de la santé publique disposent respectivement que « toute publicité, quel qu'en soit le moyen ou le support, ayant pour but direct de promouvoir la vente, la mise à disposition, l'utilisation ou l'usage d'un téléphone mobile par des enfants de moins de quatorze ans est interdite » et que « la distribution à titre onéreux ou gratuit d'objets contenant un équipement radioélectrique dont l'usage est spécifiquement dédié aux enfants de moins de six ans peut être interdite par arrêté du ministre chargé de la santé, afin de limiter l'exposition excessive des enfants » ;
• l’article L. 4453-1 du code du travail ordonne que « les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés aux champs électromagnétiques sont déterminées par décret en Conseil d'État » ;
• l’article L. 511-5 du code de l’éducation prescrit que « dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l'utilisation durant toute activité d'enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur, par un élève, d'un téléphone mobile est interdite ».
Toutefois, si l’on excepte le Grenelle des ondes et son comité opérationnel (COMOP) présidé par M. François Brottes ainsi que le « comité issu du COMOP » (COPIC) qui lui a succédé, les occasions d’évoquer la question dans l’espace public sont demeurées rares, et seuls les prétoires ont régulièrement bruissé des interrogations sur la nocivité des ondes électromagnétiques au cours des dernières années. Il est bon que le Parlement s’approprie le sujet et édicte, au besoin, des restrictions plus sévères, si tant est que la situation le commande.
Il faut toutefois souligner que, malgré les facilités de langage qui s’imposent aisément, la rigueur juridique s’oppose à ce que la loi intervienne sur les ondes électromagnétiques au nom du principe de précaution proclamé par la Charte de l’environnement. Comme son nom l’indique, cette dernière énonce une série de normes applicables au domaine environnemental et non, comme ce serait le cas dans le texte examiné, à des préoccupations relatives à la santé publique. L’article 5 de la Charte est, à ce titre, particulièrement explicite : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » Un effet sur la santé des populations, même massif, ne saurait se confondre avec l’affectation de l’environnement. Il conviendra donc, au cours de la discussion, de procéder à une rectification du titre de la proposition de loi.
En ce qui concerne les équipements visés par la proposition de loi et auxquels il convient de prêter une attention particulière dans leur utilisation, on rappellera que le classement en catégorie 2B par le CIRC se borne aux téléphones mobiles. Aucun effet néfaste n’est établi en ce qui concerne l’exposition dans les conditions édictées par les normes nationales et internationales à des champs électromagnétiques émanant d’autres sources, tels qu’antennes relais, micro-ondes, émetteurs de radio ou télévision, ou télécommunications sans fil. Du reste, cette décision ne manque pas de logique puisque les lois de la physique nous enseignent que la puissance transportée par une onde par unité de surface est inversement proportionnelle au carré de la distance à la source. Quelques décimètres suffisent à la faire diminuer fortement. Or personne ne place fréquemment sa tête à proximité immédiate d’un boîtier multiservice ou d’un four à micro-ondes, tandis que le téléphone peut demeurer plusieurs dizaines de minutes au contact de l’oreille. C’est donc sur la législation applicable aux terminaux qu’il faut concentrer les modifications, et non sur des éléments plus distants tels que les antennes-relais. L’Académie nationale de médecine a rappelé que l’exposition pendant vingt-quatre heures à une antenne de 1 volt par mètre correspond à la même exposition de la tête qu’un appel de 30 secondes passé avec un portable. Ceci n’exclut pas de prévoir des dispositifs pour résorber les points atypiques, bien au contraire.
Nous devons mettre en œuvre un principe de sobriété des émissions d’ondes électromagnétiques et chercher à atteindre des valeurs relevées aussi basses que raisonnablement possible, c’est-à-dire sans multiplier les antennes, dégrader le service ni provoquer des émissions plus puissantes par les terminaux du fait d’une baisse inadaptée de la puissance des antennes.
La proposition de loi procède en outre à la reconnaissance de l’électro-hypersensibilité à travers la demande d’un rapport gouvernemental voué à préparer, d’une part, l’octroi du statut de travailleur handicapé, et d’autre part, la constitution de « zones blanches » pour soulager les souffrances des personnes atteintes. Généreuses, ces deux sollicitations apparaissent largement prématurées.
La prise en compte du besoin légitime de reconnaissance qui habite les électro-hypersensibles et leurs proches a conduit à lancer une étude d’envergure menée par l’hôpital Cochin et par l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, en collaboration avec l’ANSES et l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS), aux fins de caractériser les symptômes de cette affection et recueillir des données trop rares aujourd’hui. Les résultats ne seront établis qu’en 2016. On voit mal comment le Gouvernement pourrait travailler plus vite que les médecins dans la recherche médicale, et dans quelle mesure son rapport pourrait contenir plus que l’état d’avancement des travaux en cours. Par ailleurs, il semble nécessaire de connaître l’électro-hypersensibilité, ses mécanismes et les soins envisageables, avant de délivrer un statut qui ne pourrait être retiré par la suite. Enfin, en ce qui concerne la préfiguration de zones blanches, il s’agit d’une suggestion à laquelle s’opposent tous les principes de l’aménagement du territoire. Les pouvoirs publics veillent précisément à résorber les « trous dans la raquette », c'est-à-dire les zones dépourvues de réseau téléphonique et lourdement pénalisées, de ce fait, dans leur activité économique et dans leur attractivité démographique. La délivrance de licences aux opérateurs de téléphonie est, de fait, conditionnée à un taux de couverture défini dans un horizon temporel donné. Ainsi, pour la 4G, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a imposé une desserte d’un quart de la population métropolitaine en 2015, d’une moitié en 2019 et des trois quarts en 2023.
Pour ces raisons, et parce qu’il n’appartient pas à la loi d’établir des diagnostics médicaux, votre Rapporteure pour avis est très réservée sur les dispositions de la proposition de loi relatives à l’électro-hypersensibilité.
Il est également proposé de suspendre le déploiement de la 4G dans l’attente des résultats d’une étude d’impact. Or la 4G, qui utilise des bandes de fréquence anciennement dédiées à la 2G et la télévision, n’a pas de spécificité en termes de type d’exposition. Cette mesure, qui modifierait les conditions d’attribution de licences chèrement acquises par les opérateurs, aurait au surplus de lourdes conséquences sur les finances publiques et sur l’emploi dans le secteur des télécommunications.
Quant aux dispositions conduisant à un bannissement des accès sans fil à internet au sein des groupes scolaires, celles-ci se heurtent à deux arguments. D’une part, les ondes wifi se caractérisent par une puissance d’émission particulièrement faible, y compris pour des enfants. D’autre part et surtout, dans un monde interconnecté, la maîtrise des nouvelles technologies semble une compétence fondamentale que l’école doit absolument apporter aux élèves. Les équipements connectés à internet tiennent une place prépondérante dans cet enseignement qui nécessite parfois un accès sans fil. Certes, il faudra favoriser autant que faire se peut les liaisons filaires, mais des raisons pratiques ainsi que les coûts bien plus élevés ne le permettent pas toujours pour des collectivités aux budgets déjà durement éprouvés par la crise.
La proposition de loi contient des initiatives plus heureuses et plus acceptables, qui mettent l’accent sur la responsabilité individuelle, le dialogue et la pédagogie. Il conviendra de les renforcer au cours de la discussion parlementaire.
• L’utilisateur d’un équipement domestique doit être en mesure de le contrôler et, le cas échéant, de désactiver une de ses fonctionnalités. De plus, il est inutile – et même néfaste à l’environnement – qu’un boîtier multiservice émette des ondes pour l’accès sans fil à internet si son possesseur n’en a pas l’utilité : ces ondes superflues entraînent une consommation électrique en pure perte. La loi pourra valablement ordonner l’installation, sur ces boîtiers, de commutateurs ad hoc, et leur conditionnement avec une notice explicative claire.
• De la même façon, l’utilisateur d’un téléphone mobile doit être informé des performances de son appareil en termes de débit d’absorption spécifique (DAS). Les oreillettes vendues en même temps que l’appareil diminuent grandement l’exposition à ses émissions ; aussi faudra-t-il encourager leur recours, si nécessaire par une action sur la publicité.
• On sait que les enfants présentent une vulnérabilité particulière aux ondes électromagnétiques en zone de champ proche, parfois sans que les parents en soient informés. Certains fabricants cherchent à développer un segment de marché à destination des plus jeunes préjudiciable à la santé publique. Un durcissement de la législation pour empêcher ces pratiques sera bienvenu.
• S’il n’est pas certain que la mutualisation des sites et des infrastructures réduise systématiquement l’exposition du public aux champs électromagnétiques, elle a un effet réel sur notre environnement en évitant la multiplication des installations. Les pouvoirs publics et les opérateurs devront chercher à favoriser cette méthode dans le déploiement futur des réseaux et rompre ainsi avec la logique de concurrence par les infrastructures qui prédomine actuellement.
• Enfin, on sait combien la transparence et la concertation sont primordiales pour apaiser les craintes dont la science n’a pas permis d’établir les fondements. Le dialogue, profitable à tous, doit s’organiser tant à l’échelon local que dans les instances nationales. Il sera possible de donner rang législatif aux dispositions qui instituent les instances départementales de concertation, pour l’heure contenues dans une simple circulaire. Par ailleurs, l’Agence nationale des fréquences pourrait tirer profit d’une grenellisation de son conseil d’administration, où il semble notamment que la présence des collectivités territoriales serait très largement souhaitée.
Il sera proposé à la commission du développement durable de soutenir cette proposition de loi dans ce qu’elle a de positif, et de rectifier ses dispositions les moins consensuelles. En outre, votre Rapporteure pour avis présentera des amendements rédactionnels pour systématiquement substituer aux anglicismes habituels du monde des télécommunications leur traduction française, afin que la loi destinée à nos concitoyens leur soit pleinement accessible et intelligible.
Sous réserve de ces évolutions, votre Rapporteure pour avis recommande d’émettre un avis favorable à l’adoption de cette proposition de loi.
© Assemblée nationale