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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 avril 2014.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, relatif à l’économie sociale et solidaire (n° 1536),
PAR M. Régis JUANICO
Député.
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Voir les numéros :
Sénat : 805 (2012-2013), 69, 70, 84, 85, 106 et T.A. 29 (2013-2014).
Assemblée nationale : 1536, 1830, 1835, 1863 et 1864.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LE RÔLE FONDAMENTAL DES ASSOCIATIONS DANS L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE 7
A. UNE ÉVALUATION DE L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE QU’IL CONVIENT D’AMÉLIORER 7
1. Retenir d’autres indicateurs que le produit intérieur brut 8
2. Mieux évaluer et mettre en valeur le bénévolat 9
3. Mieux prendre en compte la diversité de l’économie sociale et solidaire 10
B. LE RÔLE ESSENTIEL DU SECTEUR ASSOCIATIF AU SEIN DU SECTEUR PRIVÉ NON LUCRATIF 11
1. Des organismes de l’économie sociale et solidaire lucratifs et non lucratifs 11
2. La prépondérance des associations 13
II. LE RÉGIME FISCAL APPLICABLE AUX ORGANISMES SANS BUT LUCRATIF : UNE STABILISATION DEPUIS DIX ANS ET DES INTERROGATIONS 16
A. DES SITUATIONS DIFFICILES JUSQU’EN 2000 17
B. LA STABILISATION ET LA CLARIFICATION DU RÉGIME FISCAL DES ORGANISMES SANS BUT LUCRATIF 19
1. Les conditions générales du régime fiscal des organismes sans but lucratif 19
2. Le caractère intéressé ou désintéressé de la gestion 22
a. Les rémunérations des dirigeants 22
b. Les rémunérations des salariés 23
c. Les prélèvements sur les ressources ou sur l’actif 24
3. La situation de l’organisme au regard du secteur concurrentiel 24
a. L’organisme concurrence-t-il une entreprise ? 24
b. Les conditions de gestion : la règle des 4 P 24
C. LES RÉDUCTIONS D’IMPÔT POUR DON OU SUBVENTION 25
III. LES AVANCÉES EN FAVEUR DES ASSOCIATIONS, DES FONDATIONS ET DES FONDS DE DOTATION DANS LE PROJET DE LOI 26
A. LA DÉFINITION DE LA SUBVENTION ET LE DISPOSITIF LOCAL D’ACCOMPAGNEMENT 27
B. LE NOUVEAU RÉGIME D’ÉMISSION DES TITRES ASSOCIATIFS 30
1. L’assouplissement des conditions d’émission des titres associatifs 30
2. L’amélioration du dispositif des titres associatifs par le Sénat 32
3. Souscrire un titre associatif, geste militant 32
C. LA FORMALISATION DU DROIT APPLICABLE EN CAS DE FUSION OU DE SCISSION D’ASSOCIATIONS 33
1. Le régime des fusions et scissions d’associations 33
2. Une extension souhaitable aux fondations et fonds de dotation ? 34
3. Un régime fiscal pénalisant pour les organismes soumis aux impôts commerciaux 35
EXAMEN EN COMMISSION 39
L’Économie Sociale et Solidaire désigne un mode d’entreprendre conciliant à la fois performance économique, innovation et utilité sociale. Le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire permet une reconnaissance officielle des acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire et leur donne les moyens de leur développement.
Dans le contexte de la crise financière et économique survenue en 2008, la nécessité de transformer durablement notre système de production est devenue plus urgente, pour dépasser le modèle classique fondé sur la maximisation des profits.
Les désordres résultant de la financiarisation, de la spéculation et de l’absence de prise en compte des externalités environnementales ou sociales mettent en évidence l’intérêt de produire autrement, entreprendre autrement, consommer autrement afin de satisfaire des objectifs de long terme : cohésion sociale, ancrage territorial des emplois, développement durable.
Les principes de l’Économie Sociale et Solidaire de lucrativité limitée et de mise en réserve d’une partie des bénéfices font recentrer les ressources de l’entreprise sur son projet et non sur la rémunération des actionnaires. La participation de tous à sa « gouvernance démocratique » l’aide à mieux définir ses objectifs et à éviter la prise de pouvoir par un petit nombre d’intérêts.
Ce modèle économique se caractérise par plus de tempérance, moins d’impatience, moins de rentabilité à court terme et de perméabilité aux convulsions des marchés financiers. Après la loi bancaire, le texte sur l’Économie Sociale et Solidaire tire les leçons de la crise et propose un autre modèle de développement économique et social.
Les différentes familles traditionnelles de l’économie sociale et solidaire
– coopératives, associations, mutuelles, fondations – ont vu leurs fondements confortés par différentes lois au cours du siècle passé mais il manquait un texte qui affirme leurs principes communs, tout en tendant la main aux nouvelles et nombreuses initiatives qui se développent.
Le Gouvernement a souhaité, par le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, remédier à une absence de cadre législatif et prendre en compte des évolutions récentes : l’arrivée de nouveaux acteurs qui déclarent leur appartenance à ce secteur sans toutefois relever des quatre catégories historiques.
Il propose ainsi de reconnaître l’appartenance au secteur de l’ESS d’acteurs (les « entrepreneurs sociaux »), qui développent leurs activités, en recourant aux statuts classiques d’entreprises relevant du code de commerce, dont la finalité n’est pas seulement la recherche du profit, mais aussi l’utilité et la finalité sociale des activités qu’ils développent.
L’Économie Sociale et Solidaire représente un secteur clé de l’économie Française. En Europe, l’Économie Sociale et Solidaire représente près de 7 % de la population salariée soit 11 millions d’emplois. En France, l’Économie Sociale et Solidaire représente 10 % du PIB, près de 200 000 structures employant 2,4 millions de salariés soit 1 emploi privé sur 8 : des emplois bien souvent non délocalisables et ancrés dans la vie des territoires.
Ce secteur est très dynamique en terme de création d’emplois : ces dix dernières années, les entreprises de l’Économie Sociale et Solidaire ont créé 440 000 nouveaux emplois, soit 23 % de hausse contre 7 % dans le secteur privé.
Alors que l’engagement associatif à été décrété « Grande Cause Nationale 2014 », il est bon de rappeler que 80 % des emplois de l’ESS proviennent des associations. 50 % des emplois d’avenir créés depuis fin 2012 dépendent du secteur de l’Économie Sociale et Solidaire.
C’est aussi un gisement d’emplois pour l’avenir : l’étude d’impact du projet de loi évoque 100 000 emplois supplémentaires créés et d’ici 2020, près de 600 000 emplois seront à renouveler en raison des départs à la retraite dans des secteurs porteurs comme les services à la personne, la petite enfance ou l’économie circulaire.
Avec ce texte de loi, le financement du secteur de l’Économie Sociale et Solidaire est également mieux assuré avec la nouvelle définition de l’agrément d’« entreprise solidaire d’utilité sociale » en lieu et place de l’agrément d’« entreprise solidaire ». Les acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire pourront s’appuyer sur trois grands leviers d’investissement : 500 millions d’euros dédiés dans le cadre de BPI France, 100 millions d’euros dans le cadre du Programme d’Investissements d’Avenir 2 sous forme d’appel à projets et 40 millions d’euros du Fonds d’Innovation Sociale.
Il faut ajouter à ces financements spécifiques une mesure fiscale de soutien à la vie associative entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2014 portant l’abattement de la taxe sur les salaires des associations employeuses de 6 000 à 20 000 euros pour un montant de plus de 300 millions d’euros. Au total, 70 % de ces associations ne paieront plus de taxe sur les salaires.
Le projet de loi est donc très riche et la commission des Finances s’en est justement saisie pour avis. Si la saisine porte sur différents aspects du texte : la définition de la subvention, le dispositif local d’accompagnement, les dispositions afférentes aux sociétés d’assurance, aux mutuelles et aux institutions de prévoyance, aux associations, fondations et fonds de dotation, le Rapporteur pour avis a souhaité insister sur un point qui lui paraît essentiel : le développement de la vie associative et la reconnaissance de l’engagement associatif.
L’économie sociale et solidaire (ESS) peut être définie comme un mode d’entreprendre alternatif à la seule recherche du profit ; elle s’analyse comme une réponse à la crise économique qui, depuis 2008, a mis en évidence une nouvelle fois les limites du libéralisme économique.
Le Gouvernement a souhaité, par le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, remédier à une absence de cadre législatif et prendre en compte des évolutions récentes : l’arrivée de nouveaux acteurs qui déclarent leur appartenance à ce secteur sans toutefois relever des quatre catégories historiques qui, de longue date, appartiennent à l’économie sociale et solidaire (associations, coopératives, mutuelles et fondations). Il propose ainsi de reconnaître l’appartenance au secteur de l’ESS d’acteurs (les « entrepreneurs sociaux »), qui développent leurs activités, en recourant aux statuts classiques d’entreprises relevant du code de commerce, dont la finalité n’est pas seulement la recherche du profit, mais aussi l’utilité et la finalité sociale des activités qu’ils développent.
Dans ce contexte, le Rapporteur pour avis souhaite insister sur deux points : la contribution essentielle de l’économie sociale et solidaire, dont l’apport échappe aux mesures habituelles de l’activité économique et, au sein du secteur de l’ESS, la place incontournable des associations.
Le secteur de l’économie sociale et solidaire s’analyse comme un mode d’entreprendre alternatif à finalité sociale et solidaire ; son évaluation ne peut donc être réduite aux seuls indicateurs économiques et financiers, et en particulier le produit intérieur brut. Le cœur de l’économie sociale et solidaire est constitué d’associations sans activités lucratives et animées presque totalement par des bénévoles. Économiquement, leur apport peut être quantifié à zéro, pour autant leur utilité économique et sociale est certaine.
La problématique de l’évaluation de l’apport de l’économie sociale et solidaire a fait l’objet d’un rapport récent au Gouvernement, sous la direction de M. Philippe Frémeaux, qui pose clairement les problèmes d’évaluation et propose des solutions (1).
Le PIB agrège l’ensemble des richesses produites, qu’elles soient le fait de l’activité des acteurs privés sur le marché ou de celle des acteurs publics financés par l’impôt. Cet agrégat est cependant de plus en plus contesté, pour son incapacité à prendre en compte les dégâts sociaux et environnementaux engendrés par la croissance, ensuite parce que l’activité économique est susceptible d’alimenter les crises sociale et environnementale.
Le PIB n’est donc pas un indicateur pertinent pour mesurer notre bien-être actuel et futur.
Les organisations de l’ESS, qui sont d’abord au service de leurs adhérents, sociétaires ou associés, et veillent à la qualité des relations sociales, méritent la mise en place d’autres indicateurs que le PIB, permettant de mieux évaluer la relation entre l’activité économique et le bien-être social.
Le poids de l’économie sociale et solidaire dans le PIB demeure incertain, les évaluations s’échenillant de 3 % à 10 %, le rapport précité retenant une évaluation de l’ordre de 6 % à 6,5 % à raison de 3 % de contribution des associations et 3,5 % pour les coopératives et les mutuelles.
Au demeurant, depuis bientôt une cinquantaine d’années et les travaux du club de Rome, il est acquis que le PIB intègre difficilement la destruction de richesse engendrée par l’activité économique et ne mesure pas le bien-être, alors que chacun a pris conscience du caractère limité des ressources écologiques de la planète. Le PIB s’analyse comme un compte d’exploitation et non un compte de capital, un bilan. Il cumule les flux de richesse monétaires, mais ne mesure pas l’évolution du stock de ressources nécessaires pour produire ces flux (ressources naturelles, mais aussi ressources sociales).
Le PIB ne prend en compte que les activités marchandes ou les activités non marchandes dont la production est assurée par des personnes rémunérées à cette fin. Il ne valorise donc pas le troc, l’activité domestique, l’entraide de voisinage et toutes les activités bénévoles, qui concourent pourtant de manière essentielle à la qualité de notre vie individuelle et collective. Le PIB sous-estime donc fortement l’apport de l’économie sociale et solidaire. D’abord, parce que l’ESS poursuit d’autres buts que la recherche du profit, et que nombre de ses organisations parviennent à mobiliser de nombreux bénévoles, notamment dans les associations. De même, la gouvernance de nombreuses fondations, coopératives et mutuelles repose en grande partie sur le bénévolat. Ensuite, une partie du produit de l’ESS est estimée, comme dans le secteur public, à la valeur de son coût.
Il apparaît donc souhaitable de développer de nouveaux outils macroéconomiques et indicateurs de richesse qui puissent mieux apprécier l’évolution du bien-être individuel et collectif et l’inscription de nos sociétés dans la durée. L’enjeu n’est pas seulement d’évaluer spécifiquement l’apport de l’ESS mais d’apprécier si le système économique et social satisfait ou non les objectifs sociaux collectifs.
Le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire prévoit deux dispositions pour améliorer la connaissance statistique de l’ESS :
– dans les missions des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CRESS) prévues à l’article 4, la contribution à la collecte, l’exploitation et la mise à disposition des données économiques et sociales relatives aux entreprises de l’économie sociale et solidaire ;
– dans l’article 8 sur le suivi statistique, l’activité et les modalités de financement des entreprises de l’économie sociale et solidaire définies à l’article 1er font l’objet d’un suivi statistique spécifique auquel participent l’Institut national de la statistique et des études économiques, les services statistiques ministériels, la Banque de France ainsi que la Banque publique d’investissement. Pour ce suivi statistique, ces institutions et organismes mettent en œuvre, par voie de conventions, les échanges de données mentionnées au IV de l’article L. 141-6 du code monétaire et financier.
Il est important que le suivi statistique ne se limite pas à « l’activité économique et modalités de financement des entreprises de l’économie sociale et solidaire » tels que définis par l’article 8, mais intègre bien l’ensemble des données économiques et sociales que peut collecter l’INSEE, par exemple à travers l’enquête ménages.
Il est également nécessaire que le conseil national des CRESS, à travers son observatoire, ou qu’un observatoire public (INSEE-BPI) puisse réunir l’ensemble des données collectées afin de fluidifier les relations entre tous les organismes qui collectent et traitent des données socio-économiques sur l’ESS et pour disposer d’une large base de données socio-économiques.
On dénombrait à la fin de 2012 710 628 associations dont 147 811 associations employeuses et donc 562 817 associations non-employeuses. Le cœur du mouvement associatif, lui-même au cœur de l’économie sociale et solidaire, repose donc sur le bénévolat.
On ne dispose en France d’enquêtes sur le bénévolat que depuis la fin des années 1990. Ces enquêtes ont été réalisées seulement auprès de ménages. La connaissance du bénévolat gagnerait également à être enrichie grâce à des enquêtes menées auprès des associations. Les deux types d’enquêtes doivent en effet être considérées comme complémentaires. En même temps, le Bureau international du travail (BIT) recommande depuis 2008 l’adjonction d’un bref questionnaire sur le travail bénévole aux enquêtes nationales sur les forces de travail (l’enquête emploi en France).
De nombreux aspects de la participation bénévole restent peu connus, voire inconnus. En France, il semble admis que le nombre de bénévoles croît depuis une vingtaine d’années, sans que l’on sache si leur participation est régulière ou occasionnelle, ni l’évolution de cette participation selon l’âge. L’influence des évolutions économiques, sociales et sociétales sur la participation des bénévoles, les gratifications et avantages que tirent les bénévoles de leur don de temps demeurent méconnus.
Il s’agit également de mieux estimer le volume de travail que représente aujourd’hui le bénévolat associatif. Cette estimation est nécessaire pour que le concours de ce « travail non rémunéré » puisse être intégré à des indicateurs macroéconomiques de richesse élargis par rapport à ceux actuellement utilisés en comptabilité nationale.
Il est essentiel que la statistique publique se donne les moyens d’un dispositif pérenne d’observation du comportement bénévole.
Au-delà de l’approche statistique, le Rapporteur pour avis s’interroge sur l’opportunité de la mise en place d’un véritable statut du bénévolat et de la mise en œuvre d’une politique de formation des bénévoles.
Le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire propose donc de donner une définition légale du champ de l’ESS en déterminant les critères permettant à une organisation d’en faire ou non partie. C’est l’objet des articles 1er, 2 et 7 du projet de loi.
L’économie sociale et solidaire procède de la convergence de deux mouvements.
Le premier a rassemblé, à compter des années 1970, sous le terme d’économie sociale les quatre catégories d’acteurs historiques : les coopératives, les mutuelles, les associations et les fondations. Ces différentes organisations ont en commun de partager certains principes statutaires – libre entrée et libre sortie, objet social visant à satisfaire leurs associés ou adhérents, gouvernance qui se veut démocratique et enfin, non-lucrativité ou lucrativité étroitement limitée.
Le second mouvement, qui s’est reconnu dans la notion d’économie solidaire, s’est matérialisé, en réponse au défi du chômage, dans des initiatives visant à offrir des emplois à des personnes victimes du chômage de masse (insertion par l’activité économique, micro-crédit, coopératives d’activités et d’emploi), à promouvoir des formes d’échange plus équitable (commerce équitable) ou développer des productions plus soutenables (énergies renouvelables, agriculture biologique et circuits courts).
La définition reconnue dans le projet de loi est donc « inclusive » et formalise la situation résultant du mouvement social, qui continue à faire débat, entre les partisans d’une économie sociale centrée sur ses statuts et les défenseurs d’une économie solidaire qui valorise plutôt l’objet social et sa mise en pratique. Ces derniers appartiennent au mouvement de mise en œuvre d’une nouvelle notion, celle de l’entreprise sociale, dans un contexte marqué à la fois par la crise de l’État social et la montée de la finance éthique ou responsable.
Certaines organisations de l’économie sociale et solidaire sont donc totalement insérées dans le marché et positionnées en concurrence frontale avec les sociétés de capitaux, tout en portant des valeurs de coopération et de solidarité. D’autres, à l’autre extrême du spectre, sont liées à l’État social et dépendent étroitement des financements assurés par la sphère publique, en contrepartie des missions de service public qui leur sont déléguées. Entre les deux, de multiples organisations produisent des biens dont l’utilité sociale est reconnue par les pouvoirs publics et bénéficient, à ce titre, de ressources hybrides afin de délivrer leurs services à des prix réduits, au bénéfice de tous, ou pour faciliter l’accès des publics les moins solvables.
Sur le plan fiscal, on y reviendra, les organismes sans but lucratif sont placés hors du champ des impôts commerciaux (TVA, impôt sur les sociétés, contribution économique territoriale ; ils ne perdent le bénéfice de cet avantage que s’ils sont gérés avec des objectifs et des méthodes qui les assimilent à des entreprises commerciales (gestion intéressée, concurrence du secteur commercial).
L’article 1er du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire énumère les structures dédiées à la mise en œuvre des activités d’ESS : d’une part les personnes morales de droit privé, constituées sous la forme de coopératives, de mutuelles ou d’unions relevant du code de la mutualité ou de sociétés d’assurance mutuelles relevant du code des assurances, de fondations ou d’associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou, le cas échéant, par le code civil local applicable aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ; d’autre part les sociétés commerciales qui respectent les conditions générales d’appartenance à l’ESS (but autre que le partage des bénéfices, gouvernance démocratique, règles de gestion spécifiques), qui recherchent une utilité sociale (à titre principal : soutien à des personnes en situation de fragilité, ou contribution à la préservation et au développement du lien social, à la lutte contre les exclusions et inégalités sanitaires, sociales et économiques, ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale, ou concours au développement durable), et qui respectent des principes de gestion spécifiques.
Ces différentes catégories d’organismes n’ont pas le même positionnement au sein de l’économie sociale et solidaire, compte tenu de la prise en compte différenciée par l’administration fiscale, pour chaque catégorie d’organisme, du critère de lucrativité. Encore une fois, la perspective fiscale ne sert pas à réduire l’analyse de l’économie sociale et solidaire mais à l’enrichir, puisque l’administration fiscale est appelée à s’interroger quotidiennement sur la nature des organismes dont elle doit assurer la qualification fiscale.
Les sociétés commerciales, y compris les sociétés d’assurance mutuelles sont assujetties à l’impôt sur les sociétés et aux autres impôts commerciaux (TVA, contribution économique territoriale). Il en est de même des sociétés coopératives, mais certaines catégories de coopératives sont exonérées dans certaines limites (sociétés coopératives agricoles et leurs unions, sociétés coopératives artisanales et de leurs unions, coopératives d’entreprises de transports, coopératives de transport fluvial, coopératives maritimes et leurs unions).
Le régime fiscal des mutuelles et des institutions de prévoyance diffère selon leur catégorie d’activité.
Les institutions de prévoyance et les mutuelles relevant du livre II du code la mutualité (activités liées aux opérations d’assurance et de capitalisation) ont vu, au 1er janvier 2012, leur régime fiscal aligné sur celui des sociétés d’assurance et sont donc soumises aux impôts commerciaux.
Le régime fiscal des mutuelles régies par le livre Ier du code de la mutualité (toute activité ne relevant pas du livre II ou du livre III du code de la mutualité) et par le livre III du code de la mutualité (activités liées à la prévention, l’action sociale et la gestion de réalisations sanitaires et sociales) s’apprécie par rapport aux règles définies en matière de fiscalité des organismes sans but lucratif. Les mutuelles régies par le livre Ier du code de la mutualité sont donc agrégées comme une catégorie diverse, puisque résiduelle : elles comprennent notamment les systèmes fédéraux de garantie définis à l’article L. 111-6 du code de la mutualité, les fédérations de mutuelles définies à l’article L. 111-5 du code de la mutualité, les mutuelles et les unions exerçant l’activité d’animation et de coordination de la vie mutualiste au plan local ainsi que l’activité de prévention et de promotion de la santé, les mutuelles ou les unions procédant à la mise en œuvre de la formation des élus mutualistes, les mutuelles ou les unions proposant des prestations de services pour faciliter l’activité de leurs membres.
Les associations, fondations et fonds de dotation sont des organismes sans but lucratif qui ne sont pas passibles de l’impôt sur les sociétés (1 bis de l’article 206 du code général des impôts). Toutefois, ces organismes sont soumis aux impôts commerciaux pour leurs exploitations ou opérations de caractère lucratif. On précisera dans la deuxième partie du présent avis de quelle manière l’administration a cristallisé, sous le contrôle du juge, les critères de lucrativité.
Ainsi, ces trois dernières catégories constituent le cœur de l’économie sociale et solidaire.
Le rapport au Premier ministre sur l’impact de la mise en œuvre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) sur la fiscalité du secteur privé non lucratif (2), cosigné par le Rapporteur pour avis, s’intéresse au secteur privé non lucratif au sens strict : les associations et les fondations, sans que les fonds de dotation soient mentionnés. Il comporte d’intéressants éléments statistiques, d’origines diverses, qui soulignent la prépondérance des associations. Il est question de 147 811 associations employeuses en 2012 (selon les données de l’ACOSS, page 6 du rapport). On retient néanmoins la prépondérance des associations non-employeuses, et au sein des associations employeuses, la faible proportion d’associations soumises à l’impôt sur les sociétés (6,9 % en 2010).
Au sein de l’ensemble associatif, La catégorie la plus importante est l’association déclarée, qui regroupe 93,4 % des associations employeuses.
La même forme juridique qui a peu évolué depuis 1901 « association déclarée » agrège l’association de quartier la plus modeste et de très grandes associations.
EFFECTIF DES DIFFÉRENTES FORMES D’ASSOCIATIONS EN 2012
Code juridique |
Catégorie juridique |
Nombre d’entreprises répertoriées dans SIRENE |
Nombre d’établissements employeurs |
Effectif salariés (au 31/12/2012) |
9210 |
Association non déclarée |
2 396 |
1 408 |
5 833 |
9220 |
Association déclarée |
681 647 |
166 554 |
1 528 821 |
9221 |
Association déclarée d’insertion par l’économique |
573 |
344 |
7 476 |
9222 |
Association intermédiaire |
494 |
321 |
13 354 |
9223 |
Groupement d’employeurs |
6 297 |
405 |
6 660 |
9224 |
Association d’avocats à responsabilités individuelles |
186 |
100 |
584 |
9230 |
Association déclarée reconnue d’utilité publique |
2 365 |
3 990 |
122 774 |
9240 |
Congrégation |
1 008 |
578 |
7 626 |
9260 |
Association de droit local (Alsace et Moselle) |
15 662 |
4 635 |
57 544 |
Total Associations |
710 628 |
178 335 |
1 750 672 | |
9300 |
Fondations |
2 008 |
1 262 |
2 161 |
Source : ACOSS et rapport « Impact de la mise en œuvre du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) sur la fiscalité du secteur privé lucratif ».
Les associations employeuses sont au nombre de 147 811 pour 1 753 513 salariés au 31 décembre 2012, selon le deuxième tableau ci-après dont les données diffèrent légèrement du précédent. 14 % des salariés sont employés par des associations qui comptent moins de 9 salariés mais qui représentent pourtant 72 % des associations en nombre, alors que 62 % des salariés des associations sont employés par des associations qui comptent plus de 50 salariés, mais qui ne représentent que 3,9 % des associations.
TAILLE DES ASSOCIATIONS EMPLOYEUSES EN FRANCE EN 2012
Taille |
Nombre d’entreprises |
Nombre d’établissements |
Effectif salarié |
Pas de salariés |
34 254 |
35 141 |
- |
de 1 à 2 salariés |
53 212 |
55 711 |
70 525 |
de 3 à 5 salariés |
22 394 |
24 230 |
84 204 |
de 6 à 9 salariés |
12 855 |
14 117 |
93 728 |
de 10 à 19 salariés |
10 746 |
12 337 |
147 548 |
de 20 à 49 salariés |
8 639 |
11 188 |
270 051 |
de 50 à 99 salariés |
3 180 |
5 781 |
216 073 |
100 à 199 salariés |
1 389 |
4 624 |
188 901 |
200 salariés et plus |
1 142 |
16 078 |
682 483 |
TOTAL |
147 811 |
179 207 |
1 753 513 |
Source : ACOSS et rapport « Impact de la mise en œuvre du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) sur la fiscalité du secteur privé lucratif ».
Les 562 817 associations qui n’ont aucun salarié ne sont impactées ni par la lucrativité ni par la fiscalité. Les associations comptant de 1 à 49 salariés représentent 85 % du nombre d’associations employeuses mais seulement 38 % des effectifs des associations employeuses. Les associations comptant plus de 49 salariés représentent 15 % du nombre des associations employeuses mais 62 % des effectifs, soit plus d’un million de salariés.
La taille de l’association ou de l’organisme à but non lucratif diffère selon les secteurs : les entreprises adaptées qui accueillent les travailleurs en situation de handicap comptaient, en 2011, 77,7 % d’entreprises de plus de 20 salariés, alors que dans le secteur culturel la plupart des associations comptent moins de 20 salariés.
D’autres données, qui portent sur 2010, mettent en évidence la faible part des associations employeuses effectivement soumises à l’impôt sur les sociétés. Comme la taille moyenne diffère selon les secteurs, le taux de fiscalisation à l’impôt sur les sociétés est inégal : 24,4 % des associations employeuses déclarées d’insertion par l’économique sont fiscalisées et 34,3 % des groupements d’employeurs à comparer à 6 % des associations déclarées et 1,8 % des associations déclarées reconnues d’utilité publique.
La question de la fiscalité (de l’assujettissement aux impôts commerciaux) concerne un faible nombre d’organismes non lucratifs, mais les plus importants, et se pose dans un contexte de développement économique des associations.
De 1998 à 2009, les associations ont connu une forte expansion : l’emploi dans le secteur associatif a augmenté de 30,2 % à comparer à 14,3 % dans le secteur privé ; la masse salariale globale versée par les associations a augmenté de 63,3 % (46,2 % dans le secteur privé) ; le salaire moyen par salarié a davantage augmenté dans le secteur privé que dans le secteur associatif.
NOMBRE D’ASSOCIATIONS FISCALISÉES À L’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS EN 2010
Forme juridique |
Nombre d’associations employeurs |
BIC-RN |
BIC-RS |
BA-RN |
BA-RS |
Autre |
Total |
en % |
Association non déclarée |
1 408 |
16 |
19 |
0 |
0 |
8 |
43 |
3,1 % |
Association déclarée |
166 554 |
4 968 |
4 519 |
1 |
0 |
480 |
9 968 |
6,0 % |
Association déclarée d’insertion par l’économique |
344 |
46 |
25 |
0 |
0 |
13 |
84 |
24,4 % |
Association intermédiaire |
321 |
4 |
5 |
0 |
0 |
0 |
9 |
2,8 % |
Groupement d’employeurs |
6 297 |
341 |
1 662 |
0 |
2 |
153 |
2 158 |
34,3 % |
Association déclarée reconnue d’utilité publique |
3 990 |
46 |
22 |
0 |
0 |
5 |
73 |
1,8 % |
Association de droit local (Alsace et Moselle) |
4 635 |
133 |
119 |
0 |
0 |
13 |
265 |
5,7 % |
Total |
183 549 |
5 554 |
6 371 |
1 |
2 |
672 |
12 600 |
6,9 % |
Source : DGFiP, ACOSS et rapport « Impact de la mise en œuvre du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) sur la fiscalité du secteur privé lucratif ».
BIC-RN : Bénéfices industriels et commerciaux – régime normal
BIC-RN : BIC – régime simplifié
BA-RN : Bénéfices agricoles – régime normal
BA-RS : BA – régime simplifié
En comparaison, 2 008 fondations avaient été répertoriées en 2012 dont 1 262 fondations employeuses pour 2 161 salariés. Il est à noter que ce dernier élément concernant les salariés est en nette distorsion avec les données transmises dans le cadre de l’étude d’impact qui font état de 1 110 fondations employeuses de 63 180 salariés.
En dernier lieu, les fonds de dotation, de création récente, institués en 2008, sont au nombre d’environ 1 300, dont la moitié environ n’a pas d’activité.
Les associations sont donc le socle de l’économie sociale et solidaire non seulement à raison de leur nombre et de leur importance. Au-delà de leur utilité économique, elles sont un cadre et un modèle pour l’engagement des 16 millions de bénévoles qui les font vivre.
Cette situation particulière explique que le Gouvernement vient de décider, le 14 février 2014, d’accorder le label Grande Cause nationale 2014 à l’Engagement associatif.
Ce label permettra au Mouvement associatif d’obtenir des diffusions gratuites sur les radios et les télévisions publiques lorsqu’il souhaitera organiser des campagnes faisant appel à la générosité publique.
Le Premier ministre a voulu ainsi valoriser et promouvoir le rôle des associations et de l’engagement bénévole dans notre société. Cette décision constitue une nouvelle étape dans la politique mise en œuvre pour soutenir le mouvement associatif, faciliter le bénévolat et favoriser l’emploi au sein de l’économie sociale et solidaire. L’objectif est également de sensibiliser les Français aux enjeux de cet engagement au service des autres, qui, depuis la loi de 1901, constitue une chance pour notre pays et un pilier de notre modèle social et républicain.
II. LE RÉGIME FISCAL APPLICABLE AUX ORGANISMES SANS BUT LUCRATIF : UNE STABILISATION DEPUIS DIX ANS ET DES INTERROGATIONS
Le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, dans sa version d’origine comme dans celle issue des travaux du Sénat, ne modifie pas une virgule au code général des impôts. Pour autant, la notion d’utilité sociale est apparue dans la jurisprudence lorsqu’il s’est agi de justifier l’attribution d’avantages fiscaux à des associations accusées de concurrence déloyale. Ensuite, deux instructions fiscales de 1998 et 1999 ont conforté l’approche par l’utilité sociale.
La perspective fiscale n’épuise pas l’analyse de l’économie sociale et solidaire ; cependant l’administration fiscale dispose de l’information pratique et se place dans une perspective pragmatique quand il s’agit de soumettre ou non aux impôts commerciaux un organisme sans but lucratif.
L’enjeu est important puisque l’assujettissement aux impôts commerciaux porte sur l’impôt sur les sociétés de droit commun, la cotisation foncière des entreprises ainsi que le cas échéant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui ont succédé au 1er janvier 2010 à la taxe professionnelle, et la taxe sur la valeur ajoutée.
Les organismes non lucratifs non assujettis aux impôts commerciaux sont principalement redevables de la taxe sur les salaires et de la taxe foncière.
Après la grave crise de la fin des années 1990, qui s’était traduite par une insécurité juridique forte et des redressements fiscaux croissants à l’encontre des associations, le régime fiscal applicable aux organismes sans but lucratif a fait l’objet de concertations puis s’est cristallisé en plusieurs instructions reprises en un document unique en 2006, il est maintenant formalisé dans la documentation de base du bulletin officiel des finances publiques (BOFIP-Impôts).
Le régime fiscal des mutuelles régies par les livres Ier ou III du code de la mutualité, celui des associations, fondations et fonds de dotation dépend donc de l’appréciation portée sur le caractère lucratif ou non de leur activité.
Une vague de redressements fiscaux a frappé nombre d’organismes à but non lucratif dans les années 1990 : redressements à forts enjeux puisque l’assujettissement aux impôts commerciaux (IS, TVA, taxe professionnelle) d’une association, qui intervenait généralement avec un effet rétroactif sur trois ans, compte tenu des règles prévalant en matière de contrôle fiscal, avait quasiment toujours des conséquences désastreuses sur la viabilité financière de l’association. En fait, concrètement, en cas de remise en cause du caractère non lucratif d’une association, sa liquidation était parfois inévitable compte tenu des montants en jeu.
Depuis fort longtemps, dès les années 1930, le bénéfice des exonérations fiscales était subordonné à la condition que les associations poursuivent des buts désintéressés ou, au contraire, ne se livrent pas à des opérations de caractère lucratif. Il ne suffisait pas, pour bénéficier d’avantages fiscaux, qu’une association fonctionne conformément aux règles de la loi de 1901, mais il lui fallait satisfaire des conditions en matière fiscale, et qui ont principalement trait au caractère lucratif ou non de ses activités. Ce caractère lucratif était considéré comme établi soit lorsque l’association exerce une activité commerciale dans des conditions proches de celle d’une entreprise, soit lorsque la gestion de l’association n’est pas désintéressée.
La loi et la jurisprudence ont progressivement précisé ce qu’il fallait entendre par « gestion désintéressée » en indiquant (3) les trois conditions cumulatives que devait respecter l’association pour satisfaire ce critère : gestion à titre bénévole par des personnes n’ayant elle-même ou par personnes interposées aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’exploitation, absence de distribution directe ou indirecte de bénéfices, impossibilité pour les membres de l’association de se déclarer attributaires des apports. L’administration, s’inspirant de la démarche du Conseil d’État qui, dès 1973, avait appliqué les mêmes règles pour définir les critères d’assujettissement aux trois impôts commerciaux, a d’abord étendu, par une instruction du 27 mai 1977, cette interprétation de la notion de gestion désintéressée aux autres impôts commerciaux, alors que le 1° du 7 de l’article 261 avait seulement pour objet de préciser les règles applicables en matière de TVA.
Puis le juge a confirmé la démarche de l’administration, en déduisant à de nombreuses reprises de l’absence de gestion désintéressée le caractère lucratif de l’activité d’une association, que celle-ci verse à ses dirigeants des rémunérations élevées ou des avantages importants. Ainsi, la seule circonstance qu’un dirigeant élu ou un dirigeant de fait perçoive une rémunération était de nature à rendre lucrative l’activité d’une association et à lui faire perdre par voie de conséquence le bénéfice de l’exonération des impôts commerciaux. En revanche, le fait que le dirigeant élu bénéficie d’une faible rémunération ou de remboursements de frais ne remettait pas en cause le caractère désintéressé de la gestion.
Au cours des années 1990, les contrôles fiscaux sur les associations se sont multipliés, et les conséquences très dommageables pour les associations de la remise en cause de leur caractère non lucratif ont alors conduit à s’interroger sur l’adéquation de l’interprétation des textes fiscaux avec l’évolution du mouvement associatif. En réponse à cette situation, le Premier ministre M. Lionel Jospin a confié en décembre 1997 à M. Guillaume Goulard, maître des requêtes au Conseil d’État, une mission en vue de proposer au Gouvernement des mesures tendant à clarifier les règles applicables aux associations en matière fiscale.
Le rapport Goulard, remis au Premier ministre en mars 1998, comportait non seulement des propositions relatives aux conditions dans lesquelles l’administration peut considérer que doivent être assujetties aux impôts commerciaux les associations qui, même lorsque leur gestion est désintéressée, adoptent un comportement commercial sur un marché concurrentiel, mais il préconisait également des mesures destinées à mettre fin à l’insécurité fiscale.
L’administration fiscale a réagi à la situation en plusieurs étapes. Deux instructions 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 et 4 H-1-99 du 16 février 1999 ont profondément renouvelé le régime fiscal applicable aux organismes sans but lucratif (associations régies par la loi du 1er juillet 1901, congrégations religieuses, associations régies par la loi locale maintenue en vigueur dans les départements de la Moselle du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, fondations reconnues d’utilité publique et fondations d’entreprise), pour ce qui concerne l’impôt sur les sociétés et par extension les deux autres impôts commerciaux. Ces instructions ont été mal reçues et l’administration a décidé d’un moratoire sur l’application du critère de gestion désintéressée en 2000, jusqu’à la parution d’une instruction portant sur les trois impôts commerciaux, prise après concertation, l’instruction 4 H-3-00 du 7 novembre 2000, qui a globalement ramené la sérénité au sein des organismes à but non lucratif.
Une instruction fiscale « balai » 4 H-5-06 du 18 décembre 2006 a rassemblé dans un document unique le régime fiscal d’ensemble de ces organismes tel qu’il a été défini par les instructions 4 H-5-98, 4 H-1-99, 4 H-3-00, 4 C-2-00 du 4 mai 2000 (qui porte sur le régime fiscal du mécénat) et 4 H-6-01 du 24 décembre 2001 (impôt sur les sociétés). Elle a également commenté les modifications apportées, par l’article 6 de la loi de finances initiale pour 2002 et son décret d’application n° 2004-76 du 20 janvier 2004 codifiés respectivement au 1° du 7 de l’article 261 du code général des impôts et à l’article 242 C de l’annexe II au code précité, à la définition de la gestion désintéressée de ces organismes, et par l’article 20 de la loi de finances pour 2005 concernant l’exonération d’impôt sur les sociétés des revenus patrimoniaux des fondations reconnues d’utilité publique.
L’ensemble de la doctrine administrative a été transposé en 2012 au sein du bulletin officiel des finances publiques-Impôts (BOFIP).
La doctrine actuellement en vigueur peut être résumée comme suit : un organisme sans but lucratif (OSBL) est soumis aux impôts commerciaux si sa gestion est intéressée.
Si sa gestion est désintéressée, et qu’il ne concurrence pas le secteur commercial, un OSBL n’est pas imposable.
Si sa gestion est désintéressée et qu’il concurrence le secteur commercial, un OSBL est imposable lorsqu’il exerce son activité selon des modalités de gestion similaires à celles des entreprises commerciales.
Sur ce dernier point, quatre éléments doivent être pris en compte, étant précisé que chacun d’eux présente une importance plus ou moins grande dans l’appréciation du caractère lucratif de l’activité. Ainsi, il convient d’étudier, dans un ordre d’importance décroissante, les critères suivants : le « produit » proposé par l’organisme, le « public » bénéficiaire, les « prix » qu’il pratique et la « publicité » qu’il fait.
L’analyse ci-dessus est commune aux trois impôts commerciaux : impôt sur les sociétés de droit commun, cotisation foncière des entreprises (ainsi que le cas échéant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE) et taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Le caractère lucratif d’un organisme est donc déterminé par une démarche en trois étapes conduite, pour chaque activité de l’organisme, étapes résumées par le schéma ci-après.
Lorsqu’une activité est reconnue lucrative, cette activité peut néanmoins bénéficier des exonérations propres à chacun des trois impôts commerciaux dès lors qu’elle en remplit les conditions.
L’examen de la lucrativité des activités exercées par un organisme est conduit activité par activité. Ainsi, un organisme peut se trouver en situation de non-concurrence – et donc de non lucrativité – pour certaines de ses activités, et en situation de concurrence pour d’autres.
Si toutes les activités exercées par un organisme sont non lucratives, l’organisme n’est pas soumis aux impôts commerciaux et ce quel que soit le montant de son budget ou de son chiffre d’affaires.
Il peut toutefois être assujetti à l’impôt sur les sociétés (IS) à taux réduit sur ses revenus patrimoniaux en application du 5 de l’article 206 du code général des impôts.
Si l’organisme exerce une ou plusieurs activités lucratives en plus de ses activités non lucratives, il est en principe soumis à l’impôt sur les sociétés (et à la TVA) pour l’ensemble de son activité. Toutefois, l’assujettissement à ces deux impôts porte au plus sur ses activités lucratives, dès lors que ses activités non lucratives sont prépondérantes. En matière d’impôt sur les sociétés, l’assujettissement des seules activités lucratives est subordonné à leur sectorisation.
Dans tous les cas, la cotisation foncière des entreprises (CFE) et, le cas échéant, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) s’appliquent uniquement aux activités lucratives de l’association.
Des dispositifs limitant la portée de la taxation ont été mis en place lorsque les activités non lucratives sont significativement prépondérantes.
Par ailleurs, si ses activités lucratives ne sont pas prépondérantes, un organisme peut, sous certaines conditions, constituer, en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, un secteur dit « lucratif ». L’imposition à l’impôt sur les sociétés de droit commun porte alors sur ce seul secteur.
Le tableau ci-dessous récapitule les différents cas d’imposition envisageables, notamment au regard de l’impôt sur les sociétés.
SYNTHÈSE DU RÉGIME FISCAL DES ORGANISMES SANS BUT LUCRATIF
Activités lucratives prépondérantes |
Activités non lucratives prépondérantes | ||
Recettes lucratives annuelles ≤ 60 000 € |
Recettes lucratives annuelles > 60 000 € | ||
Impôt sur les sociétés |
Taxation de toutes les activités |
Hors champ de l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun. Dans le champ de l’impôt sur les sociétés à taux réduit pour les revenus patrimoniaux |
Taxation au choix de l’organisme de toutes les activités ou, si sectorisation, des seules activités lucratives (et des revenus patrimoniaux) |
Cotisation foncière des entreprises (et CVAE le cas échéant) |
Taxation des seules activités lucratives |
Exonération |
Taxation des seules activités lucratives |
Taxe sur la valeur ajoutée |
Taxation de toutes les activités (sauf application d’une mesure d’exonération spécifique) |
Exonération |
Taxation des activités lucratives (sauf application d’une mesure d’exonération spécifique) et ouverture des droits à déduction en fonction des règles applicables aux redevables partiels |
Source : DGFiP.
La première étape d’examen du caractère lucratif d’un organisme est la plus importante puisqu’il suffit que les organismes sans but lucratif aient une gestion non désintéressée pour être soumis aux impôts commerciaux.
Le caractère désintéressé de la gestion d’un organisme est avéré si les conditions suivantes sont remplies : l’organisme est géré et administré à titre bénévole par des personnes n’ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’exploitation ; l’organisme ne procède à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice, sous quelle que forme que ce soit ; les membres de l’organisme et leurs ayants droit ne peuvent pas être déclarés attributaires d’une part quelconque de l’actif, sous réserve du droit de reprise des apports.
Toutefois, sous certaines conditions, l’organisme peut rémunérer ses dirigeants sans pour autant perdre le caractère désintéressé de sa gestion.
Il est admis que le caractère désintéressé de la gestion de l’organisme ne soit pas remis en cause si la rémunération brute mensuelle totale versée à chaque dirigeant, de droit ou de fait, n’excède pas les trois quarts du SMIC.
En outre, si la rémunération des dirigeants est supérieure à la tolérance des trois quarts du SMIC, le nombre de dirigeants pouvant être rémunérés sera limité en fonction du montant et de la nature des ressources de l’organisme et de ceux qui lui sont affiliés.
Par ailleurs, le fait que l’organisme recourt à une main-d’œuvre salariée ne remet pas en cause la gestion désintéressée. Cela étant, les rémunérations versées aux salariés ne doivent pas présenter un caractère excessif.
De surcroît, le montant de l’ensemble des rémunérations versées mensuellement à chaque dirigeant, au titre des fonctions de dirigeants ou d’autres activités au sein de l’organisme, ne peut excéder trois fois le montant du plafond de la sécurité sociale visé à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. Ce plafond, qui est fixé chaque année par décret, est de 3 129 euros par mois pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2014.
Cette limite s’applique à l’ensemble des rémunérations versées à une même personne, qu’elle soit dirigeante d’un ou de plusieurs organismes et que cette rémunération soit perçue ou non au titre d’autres fonctions que celles de dirigeant (exemple : activité d’enseignement au sein de l’organisme), sans prendre en compte les rémunérations versées à d’autres titres.
Le d du 1° du 7 de l’article 261 du code général des impôts prévoit qu’un nombre limité de dirigeants peut être rémunéré en fonction du montant des ressources de l’organisme, sans que cela remette en cause le caractère désintéressé de la gestion de ce dernier.
Le montant à retenir pour apprécier la capacité de l’organisme à rémunérer des dirigeants est égal à l’ensemble des ressources financières versées à l’organisme, à quelque titre que ce soit, par des personnes physiques ou par des personnes morales de droit privé sauf si ces dernières sont contrôlées en droit ou en fait et financées majoritairement par des personnes morales de droit public.
Les contributions ou apports effectués en nature ou en industrie à l’organisme ainsi que les versements effectués par des personnes morales de droit public (État, Union européenne, organismes consulaires, collectivités territoriales, établissements publics, etc.) ne sont pas pris en compte, et ce quelle que soit la forme des versements (subventions, dons, prix de journées) et qu’il existe ou non une contrepartie à ces versements.
Le tableau ci-après présente les seuils retenus par le d du 1° du 7 de l’article 261 du code général des impôts précité.
NOMBRE DE DIRIGEANTS POUVANT ÊTRE RÉMUNÉRÉS EN FONCTION DES RESSOURCES
Montant des ressources de l’organisme majorées des ressources des organismes affiliés et hors ressources issues de versements publics |
Nombre de dirigeants pouvant être rémunérés |
Jusqu’à 200 000 € |
Aucun |
Supérieur à 200 000 € et jusqu’à 500 000 € |
1 |
Supérieur à 500 000 € et jusqu’à 1 000 000 € |
2 |
Au-delà de 1 000 000 € |
3 |
Source : DGFiP.
Les règles en vigueur pour limiter les rémunérations des dirigeants garantissent le caractère désintéressé de la gestion des organismes à but non lucratif.
Un organisme peut recourir à une main-d’œuvre salariée sans que cela ne remette en cause le caractère désintéressé de sa gestion.
Cependant, si le montant des salaires alloués ne correspond pas à un travail effectif ou est excessif eu égard à l’importance des services rendus, compte tenu des usages professionnels, le caractère désintéressé de la gestion ne peut pas être admis.
De plus, lorsqu’un des salariés est également dirigeant de droit de l’organisme, les rémunérations qu’il perçoit doivent satisfaire aux conditions prévues pour les dirigeants, y compris lorsqu’elles sont versées au titre de son activité salariée distincte de ses fonctions de dirigeant.
Un organisme, qui procède à des distributions de ses ressources, directes ou indirectes, revêt un caractère lucratif. Cette disposition vise les rémunérations, les distributions directes des résultats et tous les avantages injustifiés, de quelque nature qu’ils soient (prise en charge de dépenses personnelles, rémunérations exagérées ou injustifiées, service de rémunérations de comptes courants, prélèvements en nature, prêts à des taux préférentiels, etc.) et quel que soit le bénéficiaire (fondateurs, membres, salariés, fournisseurs...).
En cas de dissolution, lorsque le patrimoine d’un organisme est dévolu à un autre organisme ayant un but effectivement non lucratif, le caractère désintéressé de sa gestion n’est pas remis en cause.
Il en serait autrement, sous réserve du droit de reprise des apports stipulé lors de la réalisation desdits apports, si toute autre personne morale ou toute personne physique était déclarée attributaire d’une part quelconque de l’actif.
C’est, après l’examen de la gestion, la deuxième étape de l’analyse.
La situation de l’organisme s’apprécie concrètement par rapport à des entreprises ou des organismes lucratifs exerçant la même activité, dans le même secteur. L’appréciation de la concurrence ne s’effectue donc pas en fonction de catégories générales d’activités (spectacles, tourisme, activités sportives...) mais à l’intérieur de ces catégories. C’est à un niveau fin que l’identité d’activités doit être appréciée. En définitive, la question est de savoir si le public peut indifféremment s’adresser à une structure lucrative ou non lucrative. Cet élément s’apprécie en fonction de la situation géographique de l’organisme.
En cas d’absence de concurrence, l’organisme est exonéré des impôts commerciaux. Sinon, les conditions de gestion sont examinées (troisième et dernière étape de l’examen).
L’intervention d’un organisme à but non lucratif dans un domaine d’activité où coexistent des entreprises du secteur lucratif ne conduit pas ipso facto à le soumettre aux impôts commerciaux. Il convient en effet de considérer l’utilité sociale de l’activité, l’affectation des excédents dégagés par l’exploitation, les conditions dans lesquelles le service est accessible, ainsi que les méthodes auxquelles l’organisme a recours pour exercer son activité.
Ainsi, pour apprécier si l’organisme exerce son activité dans des conditions similaires à celles d’une entreprise, il faut examiner successivement les critères suivants selon la méthode du faisceau d’indices : le « Produit » proposé par l’organisme, le « Public » bénéficiaire, les « Prix » qui sont pratiqués, et les opérations de communication réalisées (« Publicité »).
L’énumération qui précède classe ces critères en fonction de l’importance décroissante qu’il convient de leur accorder. Par exemple, le critère de la « Publicité » ne peut à lui seul permettre de conclure à la lucrativité d’un organisme. À l’inverse, une attention toute particulière doit être attachée aux critères de l’utilité sociale (« Produit » et « Public ») et de l’affectation des excédents.
Le Rapporteur pour avis considère que le critère de publicité apparaît aujourd’hui inadapté, dans un contexte où l’accès aux nouvelles technologies s’est fortement développé dans les quinze dernières années. Le fort développement de la publicité de la part des entreprises dans des secteurs tels que les services à domicile, la garde d’enfants ou le tourisme ne bénéficie pas aux acteurs non lucratifs, et limite l’accès du public à l’offre des acteurs non lucratifs. Il ne propose pas la suppression du critère de publicité dans le cadre du projet de loi puisqu’il s’agit d’un critère défini par instruction administrative. Il invite donc l’administration à réviser sa doctrine sur ce point.
Les contribuables domiciliés en France qui effectuent des versements, dons ainsi que cotisations, ou qui abandonnent expressément des revenus ou produits au profit d’organismes définis à l’article 200 du code général des impôts, bénéficient d’une réduction d’impôt.
Ouvrent droit à la réduction d’impôt les versements affectés à :
a) des fondations ou associations reconnues d’utilité publique, des fondations universitaires ou des fondations partenariales et, pour les seuls salariés des entreprises fondatrices ou des entreprises du groupe de sociétés auquel appartient l’entreprise fondatrice, des fondations d’entreprise lorsque ces organismes répondent aux conditions fixées au b) ci-dessous ;
b) des œuvres ou organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ;
c) des établissements d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique, publics ou privés, à but non lucratif ;
d) des organismes agréés ayant pour objet exclusif de participer, par le versement d’aides financières, à la création d’entreprises ;
e) des associations cultuelles et de bienfaisance, ainsi que des établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle ;
f) des organismes publics ou privés dont la gestion est désintéressée et qui ont pour activité principale la présentation au public d’œuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques et de cirque ou l’organisation d’expositions d’art contemporain, à la condition que les versements soient affectés à cette activité ;
g) des fonds de dotation répondant aux caractéristiques mentionnées au b) ci-dessus ou de fonds de dotation dont la gestion est désintéressée et qui reversent les revenus tirés des dons et versements à des organismes mentionnés aux a) à f) ci-dessus ou à la Fondation du patrimoine, ou à une fondation ou association reconnue d’utilité publique agréée par le ministre chargé du budget.
Le taux de la réduction d’impôt sur le revenu est égal à 66 % du montant des sommes prises dans la limite d’un plafond global de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements. Ce taux est porté à 75 % pour les versements, retenus dans la limite d’un plafond de 521 euros, effectués au profit des organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite des soins mentionnés au 1° du 4 de l’article 261 du code général des impôts à des personnes en difficulté.
Symétriquement, l’article 238 bis du code général des impôts prévoit une réduction d’impôt pour les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés égale à 60 % des dons et versements dans la limite de 5 % du chiffre d’affaires.
III. LES AVANCÉES EN FAVEUR DES ASSOCIATIONS, DES FONDATIONS ET DES FONDS DE DOTATION DANS LE PROJET DE LOI
Le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire suscite l’intérêt de la représentation nationale : quatre commissions saisies au Sénat et sept à l’Assemblée nationale. On ne peut que se féliciter d’un tel intérêt ; le Rapporteur pour avis limitera volontairement pour autant son analyse des dispositions dont la commission des Finances s’est saisie aux principaux sujets qui sont encore en débat. Beaucoup a déjà été fait au Sénat, quelques ajustements apparaissent encore nécessaires.
Le chapitre III regroupe les dispositifs qui concourent au développement des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Il propose une définition nouvelle et utile des subventions publiques (article 10) et le Sénat a introduit l’article 10 bis, qui définit le dispositif local d’accompagnement (DLA).
L’article 10 apporte une amélioration très attendue pour la vie associative de notre pays en ce qu’il inscrit expressément dans le droit français la définition des subventions.
En effet, depuis plusieurs années, les acteurs associatifs ont alerté les pouvoirs publics sur la montée en puissance de la commande publique au détriment de la subvention. Dans le financement public des associations, qui continue de représenter la moitié du financement total du secteur concerné, les commandes publiques ont progressé de 73 % entre 2005 et 2011, soit une augmentation de 10 % par an en moyenne, tandis que les subventions diminuaient de 17 % au cours de la même période.
Une telle évolution est dommageable, car elle affecte la capacité des associations à être une force d’innovation et de proposition.
Il existe aujourd’hui un déséquilibre entre les instruments juridiques de la commande publique, qui sont précis, encadrés et codifiés, et ceux qui s’appliquent à la subvention, que les collectivités territoriales estiment peu précis. La notion de subvention et les normes qui s’y rapportent reposent en effet, à ce jour, sur des supports de portée juridique limitée, telle la circulaire du Premier ministre du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations.
Dans leur ensemble, les associations et les collectivités territoriales ont formulé le souhait d’une clarification par la loi du régime juridique des subventions, en vue d’en développer l’usage quand la commande publique n’est pas adaptée.
L’article 10 propose une réponse à ces enjeux en inscrivant dans la loi une définition de la subvention, aussi bien dans l’objectif de clarifier le régime juridique de la subvention que pour en développer l’usage à titre alternatif de la commande publique.
Sur l’article 10, le Sénat a adopté en commission un amendement rédactionnel et en séance un amendement de sa commission des Lois, réputé rédactionnel, mais dont la portée n’apparaît pas judicieuse dans tous ses aspects.
Le Rapporteur pour avis souhaite donc que l’article 10 bénéficie de différentes améliorations lors de son examen par l’Assemblée nationale.
En premier lieu, la définition des subventions qui est proposée retient qu’elles sont des contributions facultatives, sous forme pécuniaire ou en nature, dont le montant est évalué dans l’acte d’attribution. L’évaluation des contributions en nature à leur coût réel poserait problème car elle conduirait un très grand nombre d’associations à franchir le seuil de 153 000 euros de subventions publiques à partir duquel elles doivent faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes. C’est notamment le cas des associations sportives qui peuvent par exemple bénéficier de mises à dispositions d’équipements sportifs.
Par ailleurs, l’amendement précité de la commission des Lois du Sénat a malencontreusement supprimé la mention selon laquelle les subventions peuvent être destinées à la réalisation d’un projet d’investissement, précision qui figurait dans la rédaction initiale du projet de loi. Il convient de réaffirmer l’intention du Gouvernement et la possibilité de subventionner un projet d’investissement. En effet, pour diversifier leurs activités, expérimenter de nouveaux services, augmenter leur public, les associations doivent investir dans des domaines variés comme le gros matériel pédagogique, le mobilier, l’entretien immobilier.
Il apparaît également important de préciser que l’organisme de droit privé bénéficiaire de la subvention est autorisé à conserver une marge raisonnable de son résultat d’exploitation en vue de la constitution de fonds propres, du développement de la structure ou de son innovation sociale. En effet, la pratique des budgets en équilibre pour les financements publics peut conduire à empêcher la réalisation d’excédents de gestion par les associations. Elle freine la démarche de recherche et de développement, le renouvellement de la capacité d’innovation. De plus, en l’absence d’excédents de gestion même en cas de subvention, les associations seraient dans l’impossibilité d’émettre des titres associatifs par manque de capacité financière.
En dernier lieu, il est important de préciser que les mentions minimales devant figurer dans les actes d’attribution des subventions, afin que celles-ci soient considérées comme des mandats pour l’accomplissement de services d’intérêt économique général (SIEG), soient fixées par décret.
La définition légale de la subvention doit permettre d’éviter des requalifications en commande publique, par exemple en cas de pratique d’appels à projets lancés par des collectivités, mais qui pourraient relever juridiquement d’une qualification de commande publique.
En effet, certaines pratiques de mandat de SIEG de collectivités peuvent être soumises à une requalification en commande publique.
La complexité de la réglementation européenne des aides d’État et de son application aux associations des secteurs social et médico-social est élevée. Deux guides sur les SIEG sont parus en 2013, celui de la Commission européenne et celui du Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE), mais ils ne suffisent pas à lever le risque de requalification.
Il est donc souhaitable qu’un décret pris en application de l’article 10 permette aussi de sécuriser juridiquement les décisions de mandat de SIEG adoptées par les collectivités territoriales.
Le Sénat a inséré dans le projet de loi un article 10 bis ayant pour seul objet de donner une définition légale au dispositif local d’accompagnement (DLA).
Selon le rapport de sa commission des Affaires économiques et le site Internet de l’Agence de valorisation des initiatives socio-économiques (Avise), le DLA a été créé en 2002 par l’État et la Caisse des dépôts et consignations afin d’appuyer les structures qui développent des activités et services d’utilité sociale créatrices d’emploi (associations relevant de la loi de 1901, structures coopératives, structures d’insertion par l’activité économique). Dans chaque département, une ou plusieurs structures assurent cette fonction. Elles réalisent un diagnostic des structures concernées, élaborent avec elles un plan d’accompagnement, financent des prestations de conseil et en assurent le suivi.
Les DLA reçoivent des financements de l’État, de la Caisse des dépôts, du Fonds social européen (FSE) et des collectivités locales. L’Avise, association régie par la loi de 1901, assure l’animation du dispositif au niveau national. Agence créée en 2002 par la Caisse des dépôts et de grands acteurs de l’économie sociale, Avise a pour finalité d’accroître le nombre et la performance des structures de l’économie sociale et solidaire, créatrices d’activités, d’emplois, d’innovation, de cohésion sociale et territoriale.
En tant que centre de ressources et d’ingénierie et dans un rôle d’interface technique entre pouvoirs publics, acteurs de l’ESS et entreprises, Avise agit pour favoriser l’émergence de nouvelles activités d’utilité sociale et consolider et développer les structures d’utilité sociale.
Il est à noter que l’amendement à l’origine de l’article 10 bis n’a donné lieu à aucun débat en commission des Affaires économiques du Sénat, ni l’article lui-même en séance publique.
L’article 10 bis présente l’intérêt de sanctuariser dans la loi le dispositif local d’accompagnement.
Le Rapporteur pour avis considère qu’il appartient à l’Assemblée nationale d’apporter à l’article 10 bis un certain nombre de précisions.
Le dispositif d’accompagnement n’est pas la seule modalité d’appui des structures de l’ESS. Les réseaux et les regroupements associatifs assument une fonction d’animation et de soutien à leurs membres qui doit être réaffirmée au même titre que le DLA. Les actions de soutien collectif des réseaux à leurs membres peuvent prendre des formes variées : diffusion d’information, de production d’outils, de rencontres, mutualisation, d’échanges de pratiques, de réflexion commune, de programmes de formations. Cette fonction d’appui des réseaux est d’autant plus importante qu’il est prouvé que l’appartenance à un réseau influe effectivement sur la pérennité, la consolidation et le développement des membres.
La capacité pour les associations d’émettre des titres négociables a été introduite par la loi n° 85-698 du 11 juillet 1985 autorisant l’émission de valeurs mobilières par certaines associations, dont les dispositions ont été codifiées aux articles L. 213-8 à L. 213-21 du code monétaire et financier. Ce dispositif visait à permettre de développer le financement des associations en fonds propres. Les titres associatifs constituent une variété d’obligations qui ne sont remboursables qu’à l’initiative de l’émetteur.
Depuis 30 ans, seulement quelques dizaines d’émissions de titres associatifs ont été réalisées.
L’article 40 du projet de loi propose de rendre le titre associatif plus attractif en en améliorant la liquidité et la rémunération afin de tenir compte des activités et du développement de l’association émettrice. L’article 47 du projet de loi vise à autoriser les fondations à émettre des obligations dans les mêmes conditions que les associations.
Sous le régime actuel, issu de la loi du 11 juillet 1985, plusieurs modalités d’émission de titres de nature obligataire coexistent :
– des obligations avec appel public à l’épargne, dans des conditions de marché et sans plafond de taux particulier (article L. 213-12 du code monétaire et financier), qui nécessite l’obtention d’un agrément de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ;
– une forme obligataire sans appel public à l’épargne. Dans ce cadre les titres sont rémunérés à un taux plafonné. Aux termes de l’article L. 213-13 du code précité, ce plafond est la somme du taux moyen du marché obligataire (TMO) du trimestre précédent et d’une rémunération définie par arrêté du ministre chargé de l’économie, laquelle ne peut excéder 3 points (4) ;
– et une forme spécifique, dite « titres associatifs », qui présentent la particularité de n’être remboursables qu’à l’initiative de l’émetteur. Ces titres constituent alors des créances de dernier rang (article L. 213-9 du même code). De ce fait, ces titres constituent des quasi-fonds propres pour l’association émettrice.
Les titres associatifs sont peu recherchés des investisseurs. Ils présentent en effet de fortes incertitudes au sujet de la date et même de la simple occurrence du remboursement. Du point de vue de l’émetteur, un taux d’intérêt de 5 % est élevé et l’émission de titres associatifs peut apparaître douteuse en opportunité.
L’article 40 du projet de loi prévoit que les titres associatifs ne seraient remboursables qu’à l’issue d’un délai minimal de sept ans (article L. 213-9-1).
Il propose également (article L. 213-9-2) de permettre aux parties, c’est-à-dire à l’association émettrice et aux souscripteurs, de convenir lors du contrat d’un remboursement au terme d’un délai d’au moins sept ans, dès lors que les excédents constitués depuis l’émission, déduction faite des éventuels déficits, auront dépassé le montant de l’émission.
Dans ce dernier cas, la rémunération des titres doit être plus attractive pour le souscripteur, pour tenir compte de l’allongement de la durée de l’investissement. Le plafond actuel de rémunération, limité par la loi pour toutes les émissions privées à 3 points au-dessus du taux moyen du marché obligataire du trimestre précédant l’émission, serait rehaussé de 2,5 points pour les seules émissions de titres associatifs, soit 7,62 % dans les conditions du second semestre 2013.
Les règles de plafonnement de la rémunération des titres s’appliqueraient désormais à toutes les formes d’émission, alors qu’elles étaient jusqu’ici limitées dans le texte actuel aux seules émissions privées.
Selon les explications données par le Gouvernement au Rapporteur pour avis, trois catégories d’émissions pourraient être en place en conséquence des modifications apportées par le projet de loi :
– les obligations de droit commun émises par les associations, à échéance plus courte que sept ans ;
– les titres associatifs de droit commun de l’article L. 213-9, au remboursement possible sur la seule initiative de l’émetteur, qui donnent lieu à versement d’intérêt périodique ;
– les titres associatifs de croissance prévus par l’article 40, pour lesquels la loi ne prévoit pas de report du paiement des intérêts mais, pour peu que le contrat d’émission soit rédigé en ce sens, les intérêts comme le remboursement du nominal ne seraient dus qu’à l’échéance d’au moins sept ans, si des excédents le permettent.
Au-delà de modifications rédactionnelles et de coordination, le Sénat a introduit un article L. 213-14 au code monétaire et financier pour prévoir que :
« Les obligations émises par les associations dans les conditions prévues par la présente sous-section ne peuvent être détenues, directement ou indirectement, par leurs dirigeants de droit ou de fait.
« Les souscriptions et transferts d’obligations intervenus en violation des dispositions du premier alinéa sont frappés de nullité absolue.
« Au regard du principe de non-lucrativité, les contrats d’émission de titres associatifs conclus par les associations, dans les conditions prévues par la présente sous-section, doivent avoir pour but de répondre à des besoins de développement et de financement de l’association et non de distribuer à leurs souscripteurs des excédents de gestion constitués par les associations émettrices.
« Les contrats qui seraient conclus en violation des dispositions du troisième alinéa sont frappés de nullité absolue. »
Il s’agit là d’une mesure anti-abus, destinée à lutter contre les conflits d’intérêts, au sens où elle vise à la mobilisation des émissions d’obligations associatives au seul bénéfice du développement des associations. L’encadrement supplémentaire proposé par l’article L. 213-14 a pour objet d’éviter que les titres ne soient émis dans le seul but de rémunérer leurs souscripteurs, ce qui serait contraire au principe de non-lucrativité de la loi de 1901 relative au contrat d’association et aux règles en vigueur de limitation des rémunérations des dirigeants. Le surcroît de rémunération ne devra être que la stricte contrepartie du risque pris du fait du projet de croissance entrepris par l’association. Il conviendra de préciser que cet encadrement porte sur l’ensemble des obligations émises par les associations et non sur les seuls titres associatifs.
Le dispositif proposé par l’article 40 assouplit le régime des titres associatifs en prévoyant une modulation des contraintes et des rémunérations selon les catégories de titres. Si l’intention est louable, et il convient de la saluer, il faut également s’interroger sur l’adéquation des nouveaux produits aussi bien aux préoccupations des émetteurs que des souscripteurs. Pour les associations émettrices, une charge de taux d’intérêt de 5 % à 7,6 % est élevée et probablement supérieure à ce qu’il est raisonnable de supporter, compte tenu de la rentabilité attendue des projets correspondants. Pour les souscripteurs, un horizon de remboursement à sept ans et plus est préférable au régime actuel des titres associatifs pour lesquels le remboursement dépend de l’initiative de l’émetteur. Cependant, le remboursement du nominal (comme le paiement des intérêts à terme, selon les explications données au Rapporteur pour avis) dépend de la réalisation d’excédents nets au moins équivalents au montant nominal de l’émission.
Davantage qu’un produit financier, le titre associatif s’analyse comme l’expression d’une démarche militante.
L’article 41 propose de définir un cadre juridique pour la fusion et la scission des associations. L’article 42 transpose les dispositions de l’article 41 aux fusions et scissions d’associations en Alsace-Moselle.
Il n’existe actuellement aucune règle de droit positif régissant les fusions ou scissions réalisées entre associations de droit français. Pour autant, un certain nombre d’opérations ont lieu par voie contractuelle, ce qui est généralement admis par la doctrine mais non par la Chancellerie.
C’est ainsi qu’environ 200 opérations de fusion, absorption ou apport partiel d’actifs sont réalisées chaque année en impliquant des associations qui doivent faire appel à un commissaire aux comptes.
Ces opérations présentent des risques juridiques dans la mesure où elles se réalisent dans une grande opacité, lorsque les organes délibérants ou les présidents des associations en cause refusent d’informer les personnes intéressées de la nature et de la portée de ces opérations.
La jurisprudence applique, à défaut de cadre juridique, les règles du code de commerce en matière de fusion et absorption entre associations.
Les articles 41 et 42 tendent donc à remédier à cette situation en fixant un encadrement juridique minimal des opérations de restructurations des associations.
Le projet de loi insère deux nouveaux articles dans la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.
À la fin du titre Ier, il crée un article 9 bis qui précise les modalités de fusion ou de scission des associations. Celles-ci reprennent des règles de fusion et de scission des sociétés prévues par le code de commerce, en les adaptant aux spécificités des associations.
D’abord, la fusion ou la scission doit être approuvée par les assemblées générales de la ou des associations concernées, dans les conditions requises par leurs statuts pour leur dissolution. Le projet de fusion ou de scission doit faire l’objet d’une publication légale.
Au-delà d’un montant d’apports supérieur ou égal à un seuil fixé par voie réglementaire, l’assemblée générale doit s’appuyer sur un rapport financier établi par un commissaire désigné par la ou les associations concernées.
Ensuite, la fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des associations qui disparaissent. Leur patrimoine est transféré en l’état à la ou aux associations bénéficiaires et les membres des associations qui disparaissent deviennent membres de la nouvelle association ou de l’entité absorbante.
Dans les conditions prévues par les articles L. 236-14, L. 236-20 et L. 236-21 du code de commerce, la société absorbante est débitrice des créanciers non obligataires de la société absorbée ; s’agissant d’une scission, les sociétés bénéficiaires des apports sont débitrices solidaires des obligataires et des créanciers non obligataires de la société scindée, sauf s’il est stipulé que les sociétés bénéficiaires de la scission ne seront tenues que de la partie du passif de la société scindée mise à leur charge respective et sans solidarité entre elles. Dans ce dernier cas, les créanciers non obligataires des sociétés participantes peuvent former opposition à la scission.
Enfin, si la fusion ou la scission s’applique à une association qui bénéficie d’une autorisation particulière (autorisation administrative, agrément, conventionnement ou habilitation, à l’exclusion de la reconnaissance d’utilité publique), elle peut obtenir de l’autorité administrative une information sur la possibilité pour l’association résultant de la fusion ou de la scission de continuer à bénéficier de cette autorisation particulière.
Il est prévu un décret en Conseil d’État destiné à préciser les modalités d’application de l’article 9 bis sur les points suivants : le contenu du projet de fusion, les conditions et délais d’information des tiers, le seuil d’intervention d’un commissaire à la fusion et les modalités du rescrit administratif en matière d’agrément, d’habilitation ou de convention.
Dans le titre II de la même loi du 1er juillet 1901, un article 12 est rétabli pour prévoir que la dissolution sans liquidation de l’association reconnue d’utilité publique qui disparaît du fait d’une fusion ou d’une scission est approuvée par décret en Conseil d’État, ce même décret ayant pour effet d’abroger le décret de reconnaissance d’utilité publique de l’association absorbée.
Le Sénat a adopté en séance publique deux amendements aux articles 41 et 42 ayant pour objet de prévoir le cas de l’apport partiel d’actif, opération distincte de la fusion et de la scission mais pratiquement proche de la fusion.
Depuis l’adoption du projet de loi en première lecture au Sénat, diverses propositions sont apparues pour étendre le dispositif prévu pour les fusions aux opérations de restructuration pouvant intervenir entre une association et une fondation ou entre une association et un fonds de dotation. Des extensions ont également été évoquées, lors d’auditions des rapporteurs, s’agissant des opérations de restructuration entre fondations reconnues d’utilité publique et entre fonds de dotation.
On peut s’interroger sur l’opportunité de telles extensions à ce stade de l’examen du texte alors que les trois cadres des associations, des fondations et des fonds de dotation sont différents et que l’urgence est certainement de résoudre les frottements fiscaux des opérations de restructuration.
Les sociétés par actions soumises à l’impôt sur les sociétés bénéficient de dispositifs dérogatoires du droit commun qui ont pour effet d’atténuer les conséquences fiscales des opérations de restructuration (fusion, scission, apport partiel d’actif) qu’elles sont amenées à réaliser dans le cadre de la vie des affaires. Ces dispositifs ne sont pas, en l’état, applicables aux associations et cette situation peut être préjudiciable aux seules associations soumises à l’impôt sur les sociétés.
La fusion désigne l’ensemble des opérations par lesquelles une ou plusieurs sociétés transmettent la totalité de leur patrimoine à une société existante ou à une nouvelle société qu’elles constituent. Ces opérations doivent en principe, entraîner toutes les conséquences fiscales d’une cessation totale d’entreprise et notamment, donner lieu à l’imposition immédiate au nom de ces sociétés de l’ensemble des bénéfices non encore taxés, y compris les plus-values réalisées à cette occasion.
La transmission totale du patrimoine de la société absorbée implique nécessairement la dissolution immédiate de celle-ci qui se produit sans liquidation.
En principe, la fusion vaut cession pour la société absorbée et elle en produit tous les effets ; l’opération s’analyse alors en une mutation, c’est-à-dire en une cession totale d’entreprise, taxable selon le droit commun.
En réalité, ce principe très rigoureux ne joue que de manière exceptionnelle puisque généralement les entreprises en cause revendiquent le bénéfice du régime spécial prévu par l’article 210 A du code général des impôts. La fusion est alors considérée comme une opération intercalaire : la société absorbante ou nouvelle apparaît au regard de l’impôt sur les sociétés, comme continuant purement et simplement l’exploitation des sociétés absorbées, en se substituant à celles-ci dans leurs droits et obligations.
C’est pour encourager les fusions, qui sont l’instrument privilégié de la restructuration des entreprises, que le législateur a institué un régime fiscal fondé sur le principe que la fusion est une opération intercalaire et que la société absorbante continue purement et simplement la société absorbée.
La concentration des entreprises n’implique pas nécessairement la fusion totale des actifs des entreprises. Aussi, le régime fiscal spécial des fusions est-il appliqué, sous certaines conditions, aux scissions ou divisions de sociétés et aux apports partiels d’actif.
Conformément à l’article L. 236-1, alinéa 2, du code de commerce, la scission peut être définie comme la transmission du patrimoine d’une société à deux ou plusieurs sociétés préexistantes ou nouvelles. Les scissions entraînent la transmission universelle du patrimoine de la société scindée au profit des sociétés nouvelles ou existantes qui le recueillent.
L’apport partiel d’actif est l’opération par laquelle une société apporte, sans être dissoute, une partie de ses éléments d’actif à une société nouvelle ou préexistante, moyennant la remise de titres représentatifs du capital de la société bénéficiaire de l’apport.
Contrairement aux fusions et scissions, il suppose ou permet le maintien de la société apporteuse.
L’article 210-0 A du code général des impôts codifie les définitions fiscales des opérations de fusion et de scission, l’article 210 A régit les règles spécifiques aux fusions et les articles 210 B et 210 B bis celles applicables aux scissions et apports partiels d’actifs. Ces dernières dispositions transposent, en les adaptant, aux scissions et aux apports partiels d’actif, le régime de faveur prévu pour les fusions.
L’administration fiscale exclut l’application du régime de faveur aux associations soumises à l’impôt sur les sociétés, précisément pour les opérations de restructuration dans lesquelles les parties à l’opération sont deux associations.
En effet, selon les dispositions de l’article 210-0 A du code général des impôts, une opération de fusion est caractérisée par l’attribution de titres de l’entité absorbante.
Or, en l’absence de capital, les associations ne peuvent émettre des titres en contrepartie des apports qu’elles peuvent recevoir. Cette condition substantielle ne peut donc pas être satisfaite et une opération à laquelle participe une association ne peut donc être qualifiée de fusion au sens de l’article 210-0 A du code général des impôts. Dès lors, l’opération présentée ne peut pas bénéficier du régime prévu à l’article 210 A du code général des impôts.
Cette analyse résulte du rescrit publié le 26 avril 2011 « Conséquences fiscales d’une fusion d’associations régies par la loi du 1er juillet 1901 et soumises à l’impôt sur les sociétés ».
Il est évident que l’amélioration de l’encadrement juridique des fusions, scissions et apports partiels d’actifs des associations, par les articles 41 et 42 du projet de loi est d’un intérêt limité pour les plus importantes associations soumises à l’IS, si ces opérations continuent d’entraîner la taxation des plus-values latentes. C’est notamment le cas en cas d’apport d’immeuble.
Plusieurs personnes auditionnées par les rapporteurs ont évoqué une instruction fiscale qui serait en préparation et qui devrait résoudre cette difficulté et procéder à l’extension du régime de faveur des fusions aux associations. On peut s’interroger sur le caractère réaliste de cette perspective, puisque l’émission d’actions est effectivement impossible pour une association sans capital. Il apparaît donc souhaitable qu’une disposition fiscale ad hoc soit prévue dans les plus prochaines lois de finances.
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La Commission, au cours de sa séance du 9 avril 2014, a examiné pour avis les articles 9 à 10 bis et 34 à 48 du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l’économie sociale et solidaire.
M. Régis Juanico, rapporteur pour avis. L’économie sociale et solidaire désigne un mode d’entreprendre conciliant performance économique, innovation et utilité sociale. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui permet une reconnaissance officielle des acteurs de l’économie sociale et solidaire et leur donne les moyens de leur développement.
Dans le contexte de la crise financière et économique survenue en 2008, la nécessité de transformer durablement notre système de production est devenue plus urgente, pour dépasser le modèle classique fondé sur la maximisation des profits. Les désordres résultant de la financiarisation, de la spéculation et de l’absence de prise en compte des externalités environnementales ou sociales mettent en évidence l’intérêt de produire, entreprendre et consommer autrement afin de satisfaire des objectifs de long terme : cohésion sociale, ancrage territorial des emplois, développement durable.
Les principes de l’économie sociale et solidaire de lucrativité limitée et de mise en réserve d’une partie des bénéfices font recentrer les ressources de l’entreprise sur son projet et non sur la rémunération des actionnaires. La participation de tous à sa « gouvernance démocratique » l’aide à mieux définir ses objectifs et à éviter la prise de pouvoir par un petit nombre d’intérêts.
Ce modèle économique se caractérise par plus de tempérance, moins d’impatience, moins de rentabilité à court terme et de perméabilité aux convulsions des marchés financiers. Après la loi bancaire, le texte sur l’économie sociale et solidaire tire les leçons de la crise et propose un autre modèle de développement économique et social.
Les différentes familles traditionnelles de l’économie sociale et solidaire
– coopératives, associations, mutuelles, fondations – ont vu leurs fondements confortés par différentes lois au cours du siècle passé, mais il manquait un texte qui affirme leurs principes communs, tout en tendant la main aux nouvelles et nombreuses initiatives qui se développent.
Le Gouvernement a donc souhaité, par le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, remédier à une absence de cadre législatif et prendre en compte l’arrivée de nouveaux acteurs qui déclarent leur appartenance à ce secteur sans toutefois relever des quatre catégories historiques. Il propose ainsi de reconnaître l’appartenance au secteur de l’économie sociale et solidaire d’acteurs, les « entrepreneurs sociaux », qui, tout en recourant aux statuts classiques de l’entreprise relevant du code de commerce, développent des activités dont la finalité est non seulement la recherche du profit, mais aussi l’utilité sociale.
L’économie sociale et solidaire constitue un secteur-clef de l’économie française. En Europe, elle représente près de 7 % de la population salariée, soit 11 millions d’emplois ; en France, elle représente 10 % du PIB, près de 200 000 structures employant 2,4 millions de salariés, soit 1 emploi privé sur 8 : des emplois bien souvent non délocalisables et ancrés dans la vie des territoires.
Ce secteur est très dynamique en termes de création d’emplois : ces dix dernières années, les entreprises de l’économie sociale et solidaire ont créé 440 000 nouveaux emplois, soit 23 % de hausse contre 7 % dans le secteur privé.
Alors que l’engagement associatif a été décrété « grande cause nationale 2014 », il est bon de rappeler que 80 % des emplois de l’économie sociale et solidaire proviennent des associations. J’ajoute que 50 % des emplois d’avenir créés depuis fin 2012 dépendent du secteur de l’économie sociale et solidaire.
C’est aussi un gisement d’emplois pour l’avenir : l’étude d’impact du projet de loi évoque 100 000 emplois supplémentaires créés et, d’ici à 2020, près de 600 000 emplois seront à renouveler en raison des départs à la retraite dans des secteurs porteurs comme les services à la personne, la petite enfance ou l’économie circulaire.
Avec ce texte de loi, le financement du secteur de l’économie sociale et solidaire est également mieux assuré, grâce en particulier à la nouvelle définition de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » en lieu et place de l’agrément « entreprise solidaire ». Les acteurs de l’économie sociale et solidaire pourront s’appuyer sur trois grands leviers d’investissement : 500 millions d’euros dédiés dans le cadre de BPI France, 100 millions d’euros dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir 2 sous forme d’appels à projet et 40 millions d’euros du Fonds d’innovation sociale.
Il faut ajouter à ces financements spécifiques une mesure fiscale de soutien à la vie associative entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2014 et portant l’abattement de la taxe sur les salaires des associations employeuses de 6 000 à 20 000 euros pour un montant de plus de 300 millions d’euros : au total, 70 % des associations ne paieront plus de taxe sur les salaires.
Le texte du projet de loi initial comprend cinquante-trois articles répartis en huit titres dont je souhaite évoquer à présent devant vous les principales dispositions.
L’article 1er définit, pour la première fois, le périmètre de l’économie sociale et solidaire, en retenant une approche inclusive. Au-delà des coopératives, des associations, des mutuelles et des fondations, le champ de l’économie sociale et solidaire comprendra donc officiellement des sociétés qui partagent et inscrivent dans leurs statuts les grands principes de lucrativité limitée, de participation et d’impartageabilité des réserves.
Les articles 3 à 6 consacrent l’existence des grandes institutions représentatives de l’économie sociale et solidaire : le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire à l’échelon national et les chambres régionales comme représentation territoriale.
L’article 5 favorise le lien avec le reste de l’économie à travers les pôles territoriaux de coopération économique, sortes de clusters innovants ou pôles de compétitivité du secteur, et la prise en compte de l’économie sociale et solidaire dans les contrats de développement territorial.
Les articles 9A et 9 prévoient de réserver des marchés publics à des structures employant des personnes handicapées et défavorisées et de mettre en place un schéma des achats socialement responsables pour les acheteurs publics.
L’article 10 définit pour la première fois la notion de subvention, aujourd’hui essentiellement jurisprudentielle, ce qui est source d’insécurité juridique et conduit parfois des administrations locales à recourir à la procédure lourde du marché public ou des appels d’offres.
Le titre II crée un nouveau droit pour les salariés en cas de cession d’une entreprise. Dans les PME de moins de 250 salariés, le chef d’entreprise aura l’obligation d’informer préalablement ses salariés de son intention de céder l’entreprise. Les salariés auront ainsi l’opportunité, s’ils le souhaitent, de proposer une offre de reprise, ce qui constituera une réponse possible, dans nombre de cas, au phénomène des entreprises saines qui, chaque année, disparaissent faute de repreneurs, détruisant ainsi des emplois.
Le texte comprend ensuite des dispositions à destination de chacune des familles de l’économie sociale et solidaire. Les coopératives constituent un volet majeur, sachant que les 8 000 coopératives de notre pays emploient 300 000 salariés et représentent plus de 70 % du chiffre d’affaires global du secteur. Reconnues au niveau européen et international, elles obéissent à des « principes coopératifs » qui les distinguent des sociétés de droit commun : leurs activités sont réalisées au profit mutuel de leurs membres, lesquels doivent être impliqués dans leur gouvernance de façon égalitaire, et leurs bénéfices doivent être prioritairement mis en réserve. Le projet de loi modernise les statuts et assouplit les règles en modifiant notamment la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération pour harmoniser autant que possible les différents régimes coopératifs.
Le texte vise par ailleurs à développer les sociétés coopératives ouvrières de production, les SCOP, en vue d’y créer 40 000 emplois en cinq ans, avec notamment la création d’un statut de SCOP d’amorçage : les salariés pourront désormais créer une SCOP en étant minoritaires au capital.
Les sociétés coopératives d’intérêt collectif sont confortées aux articles 21 et 22 : les collectivités pourront détenir 50 % du capital, contre 20 % aujourd’hui.
Dans le titre IV, consacré aux sociétés d’assurance, aux mutuelles et aux institutions de prévoyance, les articles 34 et 35 lèvent certains verrous juridiques qui rendent aujourd’hui plus difficile la conclusion de contrats de coassurance entre des mutuelles, des assurances et des institutions de prévoyance, ainsi que de contrats collectifs d’une manière générale. L’article 36 institue des certificats mutualistes et des titres paritaires, qui permettront à certaines mutuelles et institutions de prévoyance de mieux satisfaire à leurs contraintes de fonds propres.
Les titres V – articles 40 A à 44 – et VI – articles 45 à 48 –, consacrés respectivement aux associations et aux fondations, réforment et étendent aux fondations le titre associatif, qui est modernisé, car il a rencontré peu de succès depuis sa création. Les conditions juridiques de fusion et de scission d’associations sont également précisées, ainsi que la capacité juridique de certaines associations et fondations à recevoir des libéralités ou à gérer des biens.
Le projet de loi est donc très riche, et la commission des Finances s’en est justement saisie pour avis. Si la saisine porte sur différents aspects du texte – la définition de la subvention, le dispositif local d’accompagnement, les dispositions afférentes aux sociétés d’assurance, aux mutuelles et aux institutions de prévoyance, aux associations, fondations et fonds de dotation –, j’ai souhaité insister sur un point qui me paraît essentiel, à savoir le développement de la vie associative et la reconnaissance de l’engagement associatif. C’est pourquoi je vous proposerai des amendements sur la définition de la subvention, le dispositif local d’accompagnement et diverses mesures de nature à améliorer la vie associative.
M. Laurent Grandguillaume. Je souhaite attirer votre attention sur les dispositions liées à la cession et à la reprise d’entreprise. Elles concernent près de 700 000 entreprises
– 630 000 commerces et 70 000 PME et TPE – qui vont être cédées dans les dix prochaines années, pour moitié suite à des départs à la retraite ou du fait d’un changement d’activité. Il me semble que, tel qu’il est rédigé, le projet de loi est d’avantage adapté à l’économie des grandes entreprises qu’à celle des TPE et PME, auxquelles il impose des contraintes sur lesquelles je reviendrai devant la commission des Affaires économiques et lors du débat en séance publique.
M. le rapporteur pour avis. La commission des Affaires économiques, saisie au fond, débattra en effet du dispositif global de reprise des entreprises qui est d’autant plus essentiel que, en 2011, 24 000 PME de dix à cinquante salariés ont fermé faute de repreneur, ce qui concernait au total 40 000 salariés.
L’obligation d’information préalable faite au chef d’entreprise d’informer ses salariés deux mois en amont de son intention de céder doit donner à ces derniers le temps de formuler une offre de reprise, sous forme de SA, de SARL ou de SCOP. Il s’agit non pas d’un droit préférentiel à la reprise, mais d’un droit d’information préalable des salariés. C’est une position équilibrée qu’il convient de préserver.
La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.
TITRE IER
DISPOSITIONS COMMUNES
CHAPITRE III
LES DISPOSITIFS QUI CONCOURENT AU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES DE L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE
Section 3
La commande publique
Article 9 : Schéma de promotion des achats publics socialement responsables
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 sans modification.
Section 4
Les subventions publiques
Article 10 : Définition des subventions publiques
La Commission examine l’amendement CF1 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Pour la première fois, la notion de subvention publique est définie dans la loi. Il se trouve que 500 000 associations – soit la moitié d’entre elles – reçoivent des subventions publiques. Or, ces dernières années, la part de ces subventions dans leurs ressources a baissé – elles en représentaient un tiers en 2005 contre un quart seulement aujourd’hui.
Mon amendement prévoit que le montant de la subvention soit non plus évalué mais valorisé, cette modification visant à éviter que les subventions en nature soient évaluées à leur coût réel dans les actes d’attribution. En effet, une telle évaluation serait très préjudiciable, car elle conduirait un très grand nombre d’associations à franchir le seuil de 153 000 euros de subventions publiques, au-dessus duquel elles doivent faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes. Cela reviendrait à alourdir considérablement la charge administrative pesant sur les petites associations, celles-ci pouvant bénéficier de mise à disposition de locaux ou d’équipements sportifs en nature.
M. Charles de Courson. La définition de la subvention prévue par le texte couvre-t-elle la mise à disposition de personnel ? Celle-ci fait-elle partie des « contributions facultatives de toute nature » évoquées à l’alinéa 3 ?
M. le rapporteur pour avis. Les contributions facultatives sont les contributions attribuées par une autorité administrative ou un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial. Elles peuvent être financières, mais également matérielles ou en personnel.
M. Charles de Courson. Il est dit à l’alinéa 4 que ces contributions ne peuvent constituer la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités qui les accordent. Est-ce à dire qu’elles ne peuvent être la rémunération – même forfaitaire – d’un service rendu ? C’est problématique dans la mesure où nombre de conventions entre des collectivités territoriales et des associations prévoient des subventions « intermédiaires » qui permettent aux associations d’abaisser le coût de leurs prestations.
M. le rapporteur pour avis. Les subventions ne couvrent ni les cas de transferts financiers entre personnes morales de droit public, ni les aides à des personnes physiques. Elles se distinguent donc de la commande publique, car elles ne concernent que des projets initiés par la personne privée et ne peuvent constituer la rémunération d’une prestation de service pour l’autorité administrative.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CF2 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de rétablir le texte du projet de loi initial et de réaffirmer la possibilité d’accorder des subventions d’investissement aux associations, mention supprimée par le Sénat. La rédaction actuelle n’est pas assez claire concernant la possibilité pour les partenaires publics d’accorder des subventions d’investissement. Or, pour diversifier leurs activités, expérimenter de nouveaux services et élargir leur public, les associations ont besoin d’investir. Les investissements justifiés par l’intérêt général – achat de gros matériel pédagogique ou de mobilier, entretien d’un bâtiment – doivent pouvoir faire l’objet d’une subvention.
M. Charles de Courson. La rédaction actuelle me semble inclure les dépenses d’investissement.
M. le rapporteur pour avis. Mon amendement vise à rétablir la notion d’investissement supprimée par le Sénat. Cette précision doit renforcer la sécurité juridique des entreprises et leur garantir qu’elles peuvent prétendre à des subventions d’investissement, et pas uniquement de fonctionnement.
Mme Monique Rabin. Pourquoi le Sénat a-t-il supprimé cette mention ?
M. le rapporteur pour avis. C’est le résultat d’un amendement qualifié de rédactionnel par la commission des Lois du Sénat, mais dont nous pensons qu’il aurait des effets juridiques dommageables.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CF3 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à autoriser de façon limitée la réalisation d’excédents de gestion par les associations. La pratique des budgets à l’équilibre pour les financements publics peut en effet conduire à empêcher la réalisation d’excédents de gestion par les associations, faisant obstacle à la constitution de fonds propres et freinant la recherche et le développement indispensables au renouvellement de la capacité d’innovation associative.
De plus, la réglementation européenne prévoit la possibilité pour les entreprises bénéficiant d’aides d’État de réaliser un bénéfice raisonnable. Il convient de donner la même possibilité aux associations en droit interne. En effet, faute de pouvoir constituer ces excédents de gestion sur les subventions, les associations ne pourront notamment pas avoir accès aux titres associatifs, car elles ne disposeront pas de capacités de remboursement suffisantes.
M. Charles de Courson. Je crains qu’une telle disposition ne pousse l’administration fiscale à généraliser l’imposition des associations à l’IS, voire à la TVA. Ce qui justifie en effet que soient exonérées d’IS les associations sans but lucratif, c’est qu’elles ne font pas de bénéfice important, et, selon la jurisprudence fiscale actuelle, une structure en excédent structurel est considérée comme un organisme à but lucratif. Je rappelle que, au nom du réalisme fiscal, le droit fiscal est indépendant du droit des sociétés et des associations.
M. Laurent Grandguillaume. Le rapport Juanico sur la fiscalité dans le secteur non lucratif comporte d’excellentes propositions, notamment sur la règle des « quatre P », empêchant les effets dénoncés par Charles de Courson. Nous espérons qu’elles seront reprises par le Gouvernement.
M. Charles de Courson. La règle des « quatre P » renvoie aux quatre critères cumulatifs – prix, publicité, produit et public – qui déterminent l’assujettissement ou non à l’IS et à la TVA. Or ce que vous proposez modifie radicalement cette règle.
M. le rapporteur pour avis. Il ne s’agit pas de changer les règles qui visent à déterminer si un organisme poursuit un but lucratif ou non, ce qui dépend des réponses apportées successivement aux questions suivantes : Sa gestion est-elle désintéressée ? Concurrence-t-il une entreprise ? Exerce-t-il son activité dans des conditions similaires à celle d’une entreprise par le produit qu’il propose, le public visé, les prix qu’il pratique et la publicité qu’il fait ? Le rapport que j’ai produit avec Laurent Grandguillaume, Yves Blein et Jérôme Guedj propose néanmoins de supprimer la règle de la publicité, qui n’est plus adaptée au développement des nouvelles technologies.
Ce que la loi de 1901 interdit aux associations, c’est la répartition des excédents au profit de leurs membres ; elle n’interdit ni de dégager des excédents ni d’épargner pour assurer leur autonomie financière. Je ne pense donc pas que notre amendement aura des conséquences sur la manière dont l’administration fiscale apprécie le caractère lucratif ou non des organismes concernés. Il permettra en revanche à ces derniers de conserver des marges raisonnables, comme y sont autorisées les entreprises privées bénéficiaires d’aides d’État. C’est sur ces bases que je souhaite me rapprocher de l’administration fiscale d’ici à l’examen en séance publique, pour trouver une rédaction définitive satisfaisante.
M. Charles de Courson. Qu’entend le rapporteur par « marge raisonnable » ?
Mme Arlette Grosskost. Avez-vous considéré le statut particulier de l’Alsace-Moselle ?
M. le rapporteur pour avis. La loi en tient compte.
La Commission adopte l’amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 10 modifié.
Section 5
Le dispositif local d’accompagnement
(Division et intitulé nouveaux)
Article 10 bis (nouveau) : Dispositif local d'accompagnement
La Commission est saisie de l’amendement CF4 du rapporteur pour avis
M. le rapporteur pour avis. Les dispositifs locaux d’accompagnement, créés en 2002 à l’initiative de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations, visent à soutenir le développement dans le temps des structures associatives, en leur apportant appui et conseil. Il s’agit d’un dispositif efficace, puisque les 42 000 structures de l’économie sociale et solidaire qui ont été accompagnées depuis 2002 ont créé deux fois plus d’emplois que les autres. C’est pourquoi l’article 10 bis du projet de loi le pérennise.
Toutefois, il existe d’autres moyens de consolider les structures de l’économie sociale et solidaire. Les réseaux associatifs et les fédérations, en particulier, assument une fonction importante d’animation et apportent un soutien à leurs membres. Il serait logique que leur rôle soit réaffirmé au même titre que celui des dispositifs locaux d’accompagnement. Tel est l’objet de mon amendement.
M. Laurent Wauquiez. Est-il bien raisonnable d’accumuler les dispositifs aux objectifs redondants alors que l’on cherche des économies à faire ?
M. le rapporteur pour avis. L’amendement vise non pas à créer de nouvelles dépenses, mais à rappeler le rôle joué par les réseaux associatifs – qui existent déjà.
M. Laurent Wauquiez. Certes, mais pourquoi ne pas saisir cette occasion pour faire des économies ? Les dispositifs locaux d’accompagnement ont-ils encore une pertinence ?
M. le rapporteur pour avis. Comme je viens de le dire, les associations accompagnées créent deux fois plus d’emplois que les autres et, sur le terrain, les acteurs jugent le dispositif efficace et bien ciblé : 96 % des structures accompagnées sont de petites et moyennes associations susceptibles de créer un à trois emplois. Les grands réseaux associatifs et les fédérations ont, quant à eux, une vocation plutôt nationale ; ils participent notamment à la formation des bénévoles et des dirigeants. Les deux dispositifs me semblent complémentaires.
M. Jean-Louis Gagnaire. On a en effet besoin, comme pour les autres entreprises, à la fois de grands réseaux structurés qui apportent des moyens et de capillarité sur le terrain pour accompagner les projets de manière opérationnelle. Les deux approches ne sont pas antinomiques. Il serait illusoire de vouloir faire des économies en privilégiant un dispositif par rapport à l’autre !
M. Charles de Courson. Êtes-vous toutefois certains, chers collègues, que l’article 10 bis soit bien du domaine de la loi ?
M. le rapporteur pour avis. Excellente question, à laquelle vous me permettrez de ne pas répondre…
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 bis modifié.
TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES AUX SOCIÉTÉS D’ASSURANCE, AUX MUTUELLES ET AUX INSTITUTIONS DE PRÉVOYANCE
M. Dominique Baert, président. Sur les articles 34 à 39, qui concernent les dispositions relatives aux sociétés d’assurance, la Commission n’est saisie d’aucun amendement.
M. Charles de Courson. Pourrais-je toutefois savoir comment seront traités les nouveaux produits qu’il est prévu de créer au regard des nouvelles normes prudentielles ?
M. Dominique Baert, président. Cette question intéresse directement notre mission d’information sur les normes prudentielles et le financement non bancaire de l’économie, dont les travaux sont en cours. Madame Rabault, vous êtes rapporteure de la mission d’information : voulez-vous répondre à Charles de Courson ?
Mme Valérie Rabault. C’est en effet un point sur lequel le rapport devra apporter des précisions.
M. Charles de Courson. Étant dans l’économie solidaire depuis un quart de siècle
– je préside une mutuelle –, je peux vous dire que les petites mutuelles sont aujourd’hui confrontées à un grave problème, car nombre d’entre elles sont incapables de répondre aux nouvelles normes prudentielles, qui leur imposent un niveau élevé de fonds propres. La création de nouveaux produits devrait leur permettre de conforter ceux-ci ; à défaut, on risque d’assister à des absorptions massives de petites mutuelles par de grandes, ce qui provoquera un phénomène d’hyperconcentration. L’enjeu est de taille !
Mme Valérie Rabault. Monsieur de Courson, la mission d’information auditionnera tout à l’heure, à onze heures trente, le président de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles : ce sera l’occasion de lui poser la question.
La Commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 34 à 39 sans modification.
TITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DES ASSOCIATIONS
Avant l’article 40 A
La Commission examine, en présentation commune, les amendements CF6 et CF7 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Ces amendements visent à mettre en œuvre la proposition numéro 4 du rapport sur la situation fiscale du secteur privé à but non lucratif qu’avec Laurent Grandguillaume, j’ai remis au Premier ministre – et qui a été approuvé par le Gouvernement.
Les organismes à but non lucratif bénéficient d’une franchise de 60 000 euros sur leurs activités lucratives pour lesquelles ils sont exonérés d’impôts commerciaux, à condition que les activités non lucratives restent « significativement prépondérantes ». Or, ce seuil de 60 000 euros instauré en 2000 n’a pas été relevé depuis 2002 ; par ailleurs, un seuil en valeur absolue tend à désavantager les associations à la gestion la plus centralisée. Nous proposons donc d’instaurer une franchise d’impôts commerciaux jusqu’à 80 000 euros ou 5 % des recettes d’exploitation.
M. Dominique Baert, président. Combien cela coûtera-t-il ?
M. le rapporteur pour avis. Pour 2014, l’ordre de grandeur de la dépense fiscale pour la franchise en base de TVA a été estimé à 135 millions d’euros au total, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.
M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est le coût de la dépense actuelle, pas celui de la modification que vous proposez ?
M. le rapporteur pour avis. Le coût de la modification du dispositif n’a pas encore été évalué.
M. le rapporteur général. Permettez-moi de rappeler que, par principe, les dispositions d’ordre fiscal et budgétaire sont réservées aux lois de finances. Cette règle n’est certes inscrite ni dans la Constitution ni dans le Règlement, mais les derniers gouvernements
– y compris ceux de la précédente législature – s’y sont à peu près tenus. Même si, sur le fond, j’approuve les mesures proposées – le seuil n’ayant pas été relevé depuis une douzaine d’années malgré une inflation de 2 à 3 % par an –, sur le principe, cela m’ennuierait qu’elles soient adoptées, et cela d’autant plus que leur coût n’a pas été évalué. Je préférerais que nous en reparlions lors de l’examen du prochain projet de loi de finances – sachant que le Premier ministre en a annoncé un pour le mois de juin.
M. le rapporteur pour avis. Je comprends votre attachement à ce principe, bien qu’il n’ait été inscrit nulle part – si ce n’est dans une circulaire. Il m’aurait cependant semblé logique d’introduire ces dispositions dans la loi relative à l’économie sociale et solidaire. Bien évidemment, s’il m’est possible de présenter de nouveau mes amendements lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, j’accepte de les retirer.
M. Laurent Wauquiez. Je suis d’accord avec le rapporteur général : il s’agit d’adopter une mesure qui coûte tout de même 135 millions d’euros, alors qu’on vient de nous annoncer qu’il fallait trouver 50 milliards d’euros – dont on n’a pas le début !
M. le rapporteur pour avis. Le montant de 135 millions d’euros correspond à l’évaluation du coût actuel de la dépense fiscale au titre de la TVA ; le coût supplémentaire n’a pas encore été évalué.
M. Laurent Wauquiez. Je trouve en effet préférable que Régis Juanico retire ces amendements car ils ne sont pas conformes à notre doctrine. Mais la moindre des choses eût été d’évaluer avec précision le coût de la mesure fiscale et de s’interroger sur le bien-fondé d’une dépense supplémentaire ; comment va-t-on la financer ? En outre, le dispositif actuel risque de provoquer de nombreux contentieux fiscaux sur le fondement d’une interprétation divergente des phrases : « les activités non lucratives demeurent significativement prépondérantes » ou « l’organisme concerné exerce accessoirement des activités lucratives ». Pourquoi ne pas saisir l’occasion pour clarifier les choses, plutôt que relever le seuil ?
M. Charles de Courson. Je partage l’avis du rapporteur, sauf sur un point. Si je suis d’accord pour rehausser le seuil, je vous mets en garde contre l’adoption d’un critère fondé sur un pourcentage des recettes, car cela risque de provoquer une rupture d’égalité entre le secteur lucratif des grandes associations et les petites entreprises qui, elles, seront soumises à l’impôt sur les sociétés et à la TVA.
Par ailleurs, plutôt que de revoir le seuil tous les douze ans, pourquoi ne pas l’indexer sur l’inflation ?
M. Jean-Louis Gagnaire. La justification de l’amendement, c’est que le seuil a été fixé en 2002 et qu’il n’a pas été relevé depuis ; du coup, il y a un rattrapage important à faire, ce qui engendrera une forte dépense. Dans le contexte budgétaire actuel, ce n’est pas l’idéal ! Un système d’indexation automatique serait préférable.
M. Laurent Grandguillaume. Dans l’idéal, les expressions citées par Laurent Wauquiez devraient être remplacées par des seuils, mais cela risque de compliquer les choses. En outre, il n’est pas forcément mauvais de laisser une marge d’appréciation à l’administration pour qu’elle puisse juger au cas par cas, en fonction des situations.
Charles de Courson a raison : il peut y avoir rupture d’égalité entre les structures. Il faudra veiller à ce que cette disposition ne soit pas sanctionnée ou inapplicable.
M. Dominique Baert, président. La doctrine de notre Commission voulant que toute disposition à caractère fiscal soit inscrite dans des textes de nature fiscale, c’est-à-dire des projets de loi de finances ou des projets de loi de finances rectificatives, il est donc demandé à notre rapporteur pour avis de présenter ses amendements dans le cadre de l’examen du futur projet de loi de finances rectificative.
En outre, vu le débat qui vient d’avoir lieu, il serait bon que le rapporteur pour avis complète et précise les mesures proposées.
M. le rapporteur pour avis. Nous avions suggéré, dans notre rapport, une révision du seuil tous les trois ans ou son indexation sur l’inflation, de manière à éviter les effets de rattrapage.
Monsieur Wauquiez, je suis d’accord avec vous : l’adverbe « significativement » est de trop ; mais cette modification relève, non de la loi, mais de l’instruction fiscale – qui est en cours de modification.
Quant aux 50 milliards d’économie, nous ne les trouverons pas dans le secteur de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative ! Comme je l’ai dit dans mon exposé liminaire, les investissements dans le secteur de l’économie sociale et solidaire ont eu des répercussions importantes sur l’emploi, qui s’est accru de 30 % en dix ans. Si l’on soutenait le secteur par des mesures fiscales raisonnables – le coût de celles-ci devant être précisé d’ici à l’examen du projet de loi de finances rectificative –, cela permettrait de créer des milliers d’emplois.
Enfin, monsieur de Courson, si l’on a retenu un seuil de recettes fondé sur un pourcentage, et pas seulement sur une valeur absolue, c’est pour éviter le morcellement ou la segmentation des associations ou des organismes à but non lucratif – et, inversement, favoriser le regroupement de certains d’entre eux.
Les amendements CF6 et CF7 sont retirés.
La Commission examine l’amendement CF5 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Le dispositif du volontariat associatif a été abrogé par la loi relative au service civique de 2010. Il avait été institué en 2006 afin de permettre aux personnes de plus de seize ans de s’engager pleinement pour une durée maximale de deux ans dans une mission d’intérêt général au sein d’une association ou d’une fondation agréée à cet effet.
La loi de 2006 a connu un succès relatif : 1 000 associations ont été agréées dès 2008 ; 6 000 volontaires ont été autorisés en 2007, 9 000 en 2008 et 13 000 en 2009.
La loi relative au service civique, quant à elle, s’adresse à la population des moins de 25 ans, exception faite du volontariat sans limite d’âge, une formule aujourd’hui inopérante : on ignore à l’heure actuelle le nombre de volontaires du service civique de plus de 25 ans.
Il est donc utile de réintroduire la notion de volontariat associatif pour les personnes de plus de 25 ans, sans concurrence avec les différentes formes du service civique : tel est l’objet de l’amendement CF5. Je laisse au Gouvernement d’ici à la deuxième lecture le soin de préciser le dispositif que l’amendement ne fait que décrire dans ses grandes lignes en reprenant la rédaction de la loi de 2006.
M. le rapporteur général. Cet amendement vise à créer une indemnité échappant à toute contribution sociale et à tout impôt : au même titre que les deux précédents, il n’est donc pas sans conséquence et me paraît décalé par rapport au projet de loi.
La loi prévoyant déjà des crédits ou des réductions d’impôt en faveur du bénévolat dans la vie associative, il conviendrait de faire l’état de ces différents dispositifs avant d’en prévoir un nouveau. En tout état de cause, je serais défavorable à cet amendement s’il était maintenu.
M. Charles de Courson. Je mets en garde la Commission contre le deuxième alinéa de l’amendement, qui crée une indemnité exonérée de toutes cotisations sociales et d’imposition sur le revenu. Il est de plus prévu que le plafond de cette indemnité sera fixé par décret, ce qui me paraît contraire à la Constitution. C’est à la loi de fixer le plafond d’exonération. Comme le rapporteur général, je voterai contre l’amendement s’il n’est pas retiré.
M. Jean-François Lamour. Je ne suis pas opposé à la réapparition de ce dispositif, puisque nous l’avions créé en 2006, à une époque, il est vrai, où la notion de déficit était moins aiguë tant pour les Français que pour la représentation nationale. Je souscris à la remarque du rapporteur général : on ne saurait se lancer dans un tel dispositif sans en avoir préalablement mesuré l’impact sur les comptes sociaux et sur la dépense publique.
Toutefois, la question posée par l’amendement est bonne : il convient de permettre aux citoyens, notamment de plus de 25 ans, de s’engager dans un projet d’intérêt général dans le cadre d’un dispositif qui demeure raisonnable en termes de coût, monsieur de Courson.
Je voterai donc cet amendement s’il n’est pas retiré, tout en comprenant les réticences qui ont été émises.
M. Laurent Wauquiez. Il s’agit non pas de couper dans le budget dédié aux associations relevant de l’économie sociale et solidaire, mais de rappeler que, dans la période actuelle, le législateur ne doit souscrire à des dépenses supplémentaires que la main tremblante.
Si, comme le rapporteur pour avis et comme Jean-François Lamour, je conçois l’utilité potentielle du contrat de volontariat, il n’en reste pas moins que le rapporteur général a raison de s’inquiéter du coût d’un tel dispositif, qui est proposé sans aucune évaluation chiffrée. Une telle mesure ne doit pas être adoptée à la légère dans le cadre de ce projet de loi.
Je demande donc le retrait de cet amendement pour les mêmes raisons que les deux précédents : il convient de disposer de toutes les données avant d’envisager l’adoption d’un tel dispositif, qui ne pourrait se faire que dans le cadre d’un véhicule législatif adapté.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement ne coûtera rien puisque l’indemnité, dont le montant sera fixé par décret, sera à la charge de l’organisme qui recrutera le volontaire associatif. De plus, j’ai précisé que je renvoie au Gouvernement, d’ici à la séance publique, le soin de préciser les avantages sociaux ouverts par le dispositif, notamment les droits à l’assurance chômage liés aux indemnités touchées par les volontaires associatifs.
La commission des Finances ne doit pas paraître en retrait par rapport aux autres commissions sur cette question, qui est très importante pour les associations. À l’heure actuelle, celles-ci peuvent, dans le cadre du service civique, signer des contrats avec des volontaires âgés de 16 à 25 ans, sans pouvoir en signer avec des volontaires de plus de 25 ans.
D’ici à la séance publique, je suis prêt à retravailler l’amendement avec tous ceux qui le souhaitent, notamment sur la question financière, mais j’aimerais que la Commission émette un signal positif.
M. Michel Vergnier. Je tiens à soutenir le rapporteur pour avis. Il faut se placer du côté des associations qui rencontrent de plus en plus de difficultés à trouver des bénévoles. Des mesures incitatives sont donc nécessaires. Ces associations, ne l’oublions pas, assurent le lien social au sein des collectivités. En l’absence de toute mesure, le monde associatif continuera de décliner – il est déjà très difficile de trouver des bénévoles pour remplacer les responsables qui ont quitté leurs fonctions. Je voterai l’amendement du rapporteur, dont il faudra préciser les modalités.
M. Laurent Wauquiez. Le rapporteur général a rappelé la rigueur qui doit présider aux travaux de la commission des Finances. En 2010, notre évaluation budgétaire du dispositif avait pris en compte la dépense fiscale à laquelle il donnait lieu. Le dispositif prévu dans l’amendement aura un coût puisque l’indemnité ne sera ni soumise à l’impôt sur le revenu ni assujettie aux cotisations et contributions sociales.
Le rapporteur – je lui rends hommage – a eu raison de retirer ses deux précédents amendements : la logique veut qu’il retire également celui-ci, qui obéit au même cas de figure.
M. le rapporteur général. Si nous voulons travailler avec rigueur, nous nous devons de ne pas adopter ce type d’amendement. Nos prédécesseurs, qui nous ont laissé des déficits abyssaux, s’érigent aujourd’hui en parangons de vertu budgétaire : nous nous en félicitons. Toute conversion, même tardive, doit être saluée.
Je tiens à préciser que c’est à un amendement dont la rédaction manque encore de maturité que je m’oppose, et non à son objectif, que je soutiens : le rapporteur le sait, puisqu’il nous est arrivé de présenter ensemble des amendements visant à favoriser l’économie sociale et solidaire et à développer l’emploi associatif. Après avoir comparé le dispositif qu’il instaure avec d’autres types de revenus – je pense à l’indemnisation des stages –, j’en suis venu à la conclusion que son adoption aboutirait à la création d’un régime fiscal biscornu.
Je le répète : je suis défavorable à l’amendement.
M. le rapporteur pour avis. Je suis les conseils du rapporteur général tout en précisant d’ores et déjà que je présenterai de nouveau, en séance publique, en mon nom personnel, un amendement en ce sens, dont la rédaction sera éventuellement modifiée. En effet, il n’est pas question pour moi d’abandonner le sujet du volontariat associatif – c’est une question de principe.
Les membres de la commission des Finances qui se plaignent du manque d’évaluation précise du coût des amendements qui y sont présentés devraient réfléchir à l’amélioration de l’expertise au sein de cette Commission.
Je retire l’amendement.
L’amendement CF5 est retiré.
La Commission examine l’amendement CF8 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. L’amendement CF8 ne coûte rien, monsieur Wauquiez, je tiens à vous rassurer ! Il tend à demander dans les six mois au Gouvernement un rapport sur l’évaluation des régimes de congés existants pour favoriser le bénévolat, congés qui font actuellement l’objet d’une négociation dans le cadre de l’accord interprofessionnel relatif à la qualité de vie au travail.
La demande de rapport repose sur deux motivations principales.
La première est que, s’il existe plusieurs formes de congés visant à promouvoir la vie associative bénévole – le congé individuel de formation, le congé de formation économique, sociale et syndicale, le congé de formation d’un animateur ou cadre de jeunesse, le congé de représentation –, leur insuccès auprès des acteurs suscite une interrogation légitime sur leur efficacité. Leur évaluation en profondeur semble donc opportune.
La seconde motivation vise à dessiner les contours d’un congé d’engagement nouveau et mieux adapté.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 40 A à 44 sans modification.
TITRE VI
DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DES FONDATIONS ET FONDS DE DOTATION
La Commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 45 à 48 sans modification.
Enfin, elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.
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