N° 2770 - Avis de M. Jean-Patrick Gille sur le projet de loi , après engagement de la procédure accélérée, relatif au dialogue social et à l'emploi (n°2739)



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N° 2770

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 mai 2015.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI relatif au dialogue social et à l’emploi,

PAR M. Jean-Patrick GILLE,

Député.

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Voir le numéro :

Assemblée nationale : 2739.

SOMMAIRE

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Pages

I. UN LARGE MOUVEMENT DE PROTESTATION DES INTERMITTENTS DU SPECTACLE À L’ÉTÉ 2014 9

A. LA CONTESTATION DES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA CONVENTION D’ASSURANCE CHÔMAGE DU 14 MAI 2014 AUX ANNEXES VIII ET X 10

1. Le relèvement des cotisations patronales et salariales 10

2. Le plafonnement du cumul des allocations et des revenus d’activité 10

3. La modification des règles de calcul du différé d’indemnisation 11

B. LA RÉSURGENCE DE LA CONTESTATION DE MESURES PLUS ANCIENNES 12

II. UNE DÉMARCHE DE CONCERTATION ENGAGÉE TRÈS RAPIDEMENT SUR L’INITIATIVE DU PREMIER MINISTRE 13

A. UNE PREMIÈRE MISSION DE MÉDIATION DÉCIDÉE EN URGENCE EN JUIN 2014… 13

B. … SUIVIE D’UNE MISSION DE CONCERTATION CHARGÉE DE BÂTIR UN CADRE STABILISÉ ET SÉCURISÉ POUR LES INTERMITTENTS DU SPECTACLE 13

1. La mise au point d’une méthode originale 14

2. Les moyens de mieux adapter le système d’indemnisation du chômage à la situation particulière de l’intermittence 14

3. La nécessité de bâtir une politique de l’emploi dans le spectacle vivant et enregistré 16

III. LA TRADUCTION LÉGISLATIVE DU SCÉNARIO DE SORTIE DE CRISE DESSINÉ PAR LA MISSION DE CONCERTATION : L’ARTICLE 20 DU PROJET DE LOI 18

EXAMEN EN COMMISSION 21

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 21

II. EXAMEN DE L’ARTICLE 43

Article 20 (art. L. 5424-22 et L. 5424-23 [nouveaux] du code du travail) : Régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle 43

ANNEXES 55

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 55

● AUDITIONS COMMUNES AVEC LE RAPPORTEUR AU FOND 55

● AUDITIONS DU RAPPORTEUR POUR AVIS 55

ANNEXE 2 : COMPTE RENDU DE L’AUDITION PAR LA COMMISSION, LE 28 JANVIER 2015, DES TROIS COAUTEURS DU RAPPORT « BÂTIR UN CADRE STABILISÉ ET SÉCURISÉ POUR LES INTERMITTENTS DU SPECTACLE », REMIS AU PREMIER MINISTRE LE 7 JANVIER 2015 57

LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR LA COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 13 mai 2015, la Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation, saisie pour avis de l’article 20 du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, a adopté huit amendements, dont sept sur l’initiative du rapporteur pour avis et un défendu par Mme Isabelle Attard au nom du groupe Écologistes. Elle a ensuite adopté l’ensemble de l’article ainsi amendé.

Deux amendements du rapporteur pour avis ont permis de préciser la rédaction de certains points de la procédure de négociation en deux temps mise en place par cet article, qui pouvaient prêter à confusion.

En second lieu, quatre amendements du même auteur ont eu pour objet de repositionner le groupe d’expertise, afin de lui donner pour mission principale un rôle d’appui aux négociations menées par le niveau professionnel : deux amendements ont supprimé la faculté pour l’interprofession de désigner certaines des personnalités qualifiées qui le composeront, de même que la mention expresse de sa faculté de le consulter directement. Deux autres amendements ont remplacé la notion d’« avis » que serait susceptible de rendre le comité d’expertise – notion qui comprend une dimension de jugement et de sanction – par celle, plus souple et plus conforme au rôle d’appui technique qui doit être donné au comité, d’« évaluation ». Un dernier amendement est venu préciser que le décret prévu par le projet de loi devrait également définir, outre la composition du comité d’expertise, les modalités de son fonctionnement.

Enfin, sur l’initiative de Mme Isabelle Attard, la Commission a adopté un amendement prévoyant qu’avant la date du 31 janvier 2016 – date déjà retenue par le projet de loi pour ce qui est de la révision des listes d’emplois –, les partenaires sociaux au niveau professionnel devront examiner l’évolution de la prise en compte des périodes de maladie et de maternité des intermittents. Le rapporteur pour avis a estimé que, dans l’attente d’éléments supplémentaires que le Gouvernement pourrait apporter en séance publique sur les négociations en cours sur ce point, il était important que la Commission marque son intérêt particulier pour cette épineuse et récurrente question en adoptant l’amendement.

INTRODUCTION

La commission des Affaires culturelles et de l’éducation s’est saisie pour avis du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi (n° 2739), adopté en conseil des ministres le mercredi 22 avril 2015. Cet avis porte sur le titre II du projet de loi, intitulé « Conforter le régime de l’intermittence » et comportant un seul article, l’article 20, qui confère une base législative au régime particulier d’indemnisation au titre de l’assurance chômage des intermittents du spectacle, justifié par la discontinuité spécifique de l’emploi des artistes et des professionnels de la création dans le spectacle vivant ou enregistré, structuré selon une économie de projets.

Aujourd’hui, la traduction de cette spécificité réside dans l’existence des annexes VIII et X à la convention d’assurance chômage, existence reconduite à chaque négociation entre partenaires sociaux interprofessionnels. La précarité juridique de ces annexes, qu’il serait en droit possible de remettre en cause, ne crée pas les conditions propices à apaiser les inquiétudes des professionnels concernés. Les crises ayant émaillé les négociations successives en attestent.

L’article 20 du projet de loi entend, conformément à la volonté du Gouvernement de trouver une solution pérenne aux crises récurrentes, fournir un cadre juridique stable fondant l’existence de l’intermittence et définir quelques grands principes la régissant, tout en laissant à la négociation sociale le soin de préciser son régime.

Cet article reprend très largement les préconisations contenues dans le rapport remis le 7 janvier 2015 par la mission de concertation qui avait été confiée, en juin 2014 (1), par le Premier ministre, à Mme Hortense Archambault, ancienne codirectrice du festival d’Avignon, M. Jean-Denis Combrexelle, président de la section sociale du Conseil d’État et ancien directeur général du travail, ainsi qu’au rapporteur pour avis, déjà auteur de plusieurs rapports sur le sujet, notamment le rapport d’information sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques, remis en avril 2013 en conclusion d’une mission d’information commune constituée sur ce sujet par les commissions des affaires culturelles et de l’éducation et des affaires sociales et présidée par notre collègue Christian Kert (2).

Les trois auteurs de ce rapport ont, lors de leur audition par la commission des Affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale le 28 janvier 2015, pu présenter son contenu aux membres de la commission (3). Parmi les propositions pour « bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle », la mission de concertation, dressant le bilan de plusieurs mois de concertation, avait préconisé un certain nombre de « lignes directrices » destinées à sortir durablement de la crise.

Pour la préparation du présent avis, le rapporteur a, dans le temps très court dont il a pu disposer, procédé à plusieurs auditions, complémentaires de celles menées par ailleurs par M. Christophe Sirugue, rapporteur au fond du projet de loi au nom de la commission des Affaires sociales (4).

Les salariés du secteur du spectacle sont soumis à un régime particulier d’indemnisation au titre de l’assurance chômage, contenu dans les annexes VIII et X du règlement général de l’assurance chômage, annexes respectivement relatives au régime des ouvriers et techniciens de l’édition d’enregistrement sonore, de la production cinématographique et audiovisuelle, de la radio, de la diffusion et du spectacle, d’une part, et à celui des artistes du spectacle, d’autre part. Ces annexes sont jointes aux accords successifs conclus entre organisations nationales et interprofessionnelles représentatives des employeurs et des salariés au sein de l’Unédic pour la définition du régime de l’assurance chômage (dispositions relatives au montant des cotisations, aux conditions d’ouverture des droits, au montant et à la durée de versement des allocations, à la nature des différentes aides aux allocataires…).

Principales spécificités des règles d’assurance chômage
des intermittents du spectacle en application des annexes VIII et X

Les règles d’indemnisation au titre de l’assurance chômage des intermittents du spectacle sont dérogatoires à celles applicables aux autres salariés dans le cadre du règlement général ou des autres annexes.

Elles se caractérisent depuis 2003 par un seuil minimal d’affiliation de 507 heures travaillées, qui doivent être réunies sur une période, respectivement de 10 mois pour les techniciens et de 10 mois et demi pour les artistes, le franchissement de ce seuil ouvrant droit à une période d’indemnisation de 243 jours.

Ainsi, contrairement aux règles générales, le temps de travail pendant la période de référence ne détermine pas le nombre de jours indemnisés. Ce nombre de jour est fixe dès lors que le seuil nécessaire a été atteint.

Un mouvement de protestation des intermittents du spectacle est né de leur contestation des dispositions contenues dans les annexes VIII et X à la convention d’assurance chômage du 14 mai 2014, issue de l’accord national interprofessionnel (ANI) signé le 22 mars 2014 entre les organisations de gestion du régime de l’assurance chômage au sein de l’Unédic (5). Les nouvelles règles issues de cet accord, conclu pour deux ans, ont été conçues pour prendre en considération non seulement la progression de l’emploi précaire, combattue par des mesures visant à mieux sécuriser les parcours entre emploi et chômage et lutter contre la précarité, mais également la dégradation des comptes de l’assurance chômage, marqués par un déficit de 4 milliards d’euros en 2013
– portant le déficit cumulé à 17,8 milliards d’euros (6). Des efforts ont donc été demandés à tous les bénéficiaires, et notamment à ceux des annexes VIII et X.

La convention du 14 mai 2014 relative à l’indemnisation du chômage renvoie, pour les employeurs et salariés intermittents relevant des professions du cinéma, de l’audiovisuel, de la diffusion et du spectacle, aux annexes VIII et X, telles que modifiées par l’article 5 de l’accord national interprofessionnel du 22 mars 2014.

Si les conditions d’affiliation et le périmètre des annexes n’ont pas été modifiés par cet article, celui-ci apporte trois modifications au régime applicable aux bénéficiaires relevant de ces deux annexes : le relèvement des cotisations, tant patronales que salariales (1), le plafonnement du cumul des allocations et des revenus d’activité (2) et la modification des règles de calcul du différé d’indemnisation (3).

Les taux de contributions destinées au financement de l’indemnisation résultant de l’application des règles dérogatoires et spécifiques fixées par les annexes VIII et X sont, depuis 2002 (7), fixés au double de celles destinées au financement de l’indemnisation de droit commun de l’assurance chômage.

Dans le cadre de l’ANI du 22 mars 2014, ces taux passent de 10,8 % à 12,8 % des rémunérations brutes répartis à raison de 8 % à la charge des employeurs et 4,8 % à la charge des salariés (contre 6,40 % pour le régime général, 4 % à la charge des employeurs et 2,4 % à la charge des salariés).

L’impact attendu par l’Unédic de l’augmentation de ces taux est une recette supplémentaire de 30 millions d’euros en 2014 et 60 millions d’euros en année pleine (8).

L’ANI du 22 mars 2014 a prévu que le cumul entre revenu d’activité en cours d’indemnisation et indemnités versées par le régime d’assurance chômage ne peut excéder 1,4 fois le plafond mensuel de la Sécurité sociale visé à l’article L. 241-3 du code de la Sécurité sociale (9). Les allocataires concernés par le plafonnement sont ceux qui dépasseront le plafond tout en ayant travaillé moins de 177 heures (pour l’annexe VIII) ou moins de 238 heures (pour l’annexe X), tous ceux dépassant ces plafonds horaires n’étant en tout état de cause pas indemnisés. Au total, le plafonnement du cumul des allocations et des revenus d’activité devrait, selon l’Unédic, concerner 6 % des personnes indemnisées qui verront donc leur indemnisation baisser (10).

L’impact attendu par l’Unédic de ce plafonnement est une réduction de dépense de 20 millions d’euros en 2014 et 30 millions d’euros en année pleine (11).

C’est essentiellement sur ce troisième point que s’est cristallisée la contestation.

Le différé d’indemnisation, qui détermine la date à laquelle un demandeur d’emploi commence à percevoir son indemnisation, n’est pas propre aux annexes VIII et X et concerne aussi le régime général de l’assurance chômage. La convention de 2014 prévoit une modification de son mode de calcul se traduisant par un allongement de ce différé, aussi bien pour le régime général que pour les deux annexes VIII et X.

S’agissant des intermittents, les nouvelles règles de calcul ne concernent que les allocataires dont la rémunération horaire moyenne atteint au moins 1,68 SMIC, soit 16 euros de l’heure, le différé étant proportionnel au salaire perçu et au nombre d’heures travaillées. Selon l’Unédic, alors que le précédent mode de calcul permettait à 91 % des allocataires (85 % au titre de l’annexe VIII et 98 % au titre de l’annexe X) de n’avoir aucun jour de différé dans la perception de leur indemnisation, le nouveau mode de calcul crée un différé pour 48 % des allocataires.

L’impact financier qui était attendu par l’Unédic de l’allongement du différé était une réduction de dépense de 20 millions d’euros en 2014, 70 millions d’euros en 2015 et 100 millions d’euros par an à partir de 2016 (12).

Le mouvement de contestation a conduit le Gouvernement à décider de ne pas appliquer le différé aux allocataires et de faire assumer par l’État la compensation financière à l’Unédic jusqu’à une prochaine renégociation.

Si la mobilisation des intermittents s’est cristallisée sur la contestation des modifications des règles de calcul du différé d’indemnisation prévues par la nouvelle convention d’assurance chômage, la contestation s’est très vite déplacée vers la remise en cause des règles de calcul de l’indemnisation telles qu’elles avaient été modifiées en 2003-2004 (13), règles qui avaient déjà été à l’origine du précédent mouvement d’ampleur des intermittents. L’extension du différé d’indemnisation a en effet été vue comme une aggravation des règles fixées par la convention de 2004, qui consistaient, d’une part, dans la réduction de la période de référence servant au calcul de l’indemnisation – qui passait de 12 mois à, respectivement, 10 mois pour les techniciens, et 10 mois et demi pour les artistes, l’exigence de réunir au minimum 507 heures de travail étant maintenue – et, d’autre part, dans l’abandon du principe dit de la « date anniversaire » pour réexaminer les droits des intermittents, auquel se substituait un principe dit « de droits glissants » qui rend incertaine la date de fin d’indemnisation et induit pour les intermittents une plus grande incertitude que le système antérieur fondé sur une date fixée à l’avance.

Ainsi, la réforme de 2004, en modifiant la période de référence pour le calcul de l’indemnisation, a constitué une source d’incertitude que l’extension du différé, décidée dans le cadre de l’ANI de 2014, a sensiblement accrue, déclenchant le mouvement de protestation de grande ampleur que notre pays a connu à l’été 2014 et qui a bouleversé le déroulement de nombreux festivals organisés dans tout le pays.

Devant la situation de blocage issue du conflit sur l’ANI, cristallisée autour de la question de l’agrément ou du non-agrément par l’État de cet accord, le Premier ministre a, en premier lieu, décidé de confier au rapporteur pour avis une première mission de médiation, dont les conclusions, rendues en quelques jours, ont servi de base aux travaux d’une mission de concertation, mission dont les préconisations, rendues an janvier 2015, sont dans une large mesure traduites par le présent projet de loi.

Dès le mois de juin 2014, le rapporteur pour avis s’est vu confier une mission ayant pour objet d’évaluer les effets des modifications apportées par la convention du 14 mai 2014 aux annexes VIII et X, de formuler des propositions de nature à répondre aux difficultés que cette analyse pourrait révéler et de proposer une méthode pour la concertation entre l’État, les syndicats et le patronat, prévue par l’accord au sujet des moyens de lutter contre la précarité dans les secteurs concernés.

Dans le rapport de mission qu’il a remis au Premier ministre le 19 juin 2014 (14), le rapporteur pour avis dressait le constat d’une volonté partagée d’entamer au plus vite des discussions tripartites entre gestionnaires de l’Unédic, représentants des intermittents du spectacle et des employeurs du secteur et pouvoirs publics. Il semblait dès lors possible d’envisager de traiter la question de l’intermittence dans le secteur du spectacle de manière durable et, ainsi, de casser enfin la mécanique des crises à répétition, à la condition toutefois que la discussion s’engage rapidement, ce qui fut le cas sous l’égide de la mission de concertation.

Par lettre de mission en date du 24 juin 2014, le Premier ministre a confié à Mme Hortense Archambault, ancienne codirectrice du festival d’Avignon, M. Jean-Denis Combrexelle, président de la section sociale du Conseil d’État et ancien directeur général du travail, ainsi qu’au rapporteur pour avis, une mission de concertation et de proposition pour « bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle ». Cette mission a rendu son rapport le 7 janvier 2015.

Saisie en plein mouvement social, la mission a d’abord défini une méthode de travail originale. Elle a, en préalable, cherché à recréer les conditions du dialogue entre les acteurs concernés par l’intermittence – organisations représentatives des niveaux interprofessionnel et professionnel, salariés comme employeurs, associations impliquées dans le débat, mais aussi organismes gestionnaires, tels que Pôle emploi, Audiens (15), l’Unédic ou l’assurance formation des activités du spectacle-AFDAS, les services de l’État et des représentants des collectivités territoriales –, réunis lors de tables rondes thématiques.

Très vite est apparue la nécessité de sortir des querelles de chiffres sur l’impact attendu des différentes évolutions contenues dans l’ANI et de mettre en place une expertise partagée, transparente et consensuelle sur la méthode, fondée sur l’élaboration d’un outil de simulation des modifications des règles fixées par les annexes VIII et X. Un groupe d’experts a été mis en place, composé des principaux organismes et services disposant d’une expertise statistique dans le domaine – Unédic, Pôle emploi, Audiens, les services des études et des statistiques des ministères de la Culture et du travail –, ainsi que de deux personnalités qualifiées, le sociologue Mathieu Grégoire et l’économiste Jean-Paul Guillot. Ce groupe indépendant a, tout au long des travaux de la mission, produit des analyses qui n’ont pas été contestées par les différents participants et ont fondé les discussions entre eux.

Cette méthode a permis à la mission d’esquisser un scénario d’avenir pour l’intermittence qui, il faut le rappeler, demeure un élément clé du développement et du rayonnement des politiques culturelles et de la création dans notre pays.

La mission a estimé que la garantie d’un système d’indemnisation du chômage adapté à l’intermittence passe par la consécration de son principe dans la loi et l’instauration d’une nouvelle méthode de dialogue social. Il n’est en effet, aux yeux de la mission, « pas acceptable que [la] pérennisation [du système des annexes VIII et X], bien réelle depuis le début des années quatre-vingt, ne se fasse qu’au prix d’une multiplication des conflits sociaux, qui portent préjudice à l’économie et à l’image du secteur » (16). Les suspicions induites par la fragilité actuelle du système, les uns soupçonnés de vouloir profiter du système, les autres de vouloir le supprimer purement et simplement, parasitent les négociations. D’où la volonté de la mission de donner au système un « point d’ancrage » législatif permettant aux parties prenantes d’aborder avec davantage de sérénité les négociations à venir. La mission a donc préconisé de consacrer dans la loi l’existence même d’un régime d’indemnisation du chômage adapté aux métiers de spectacle, afin d’apaiser les discussions et de donner un cadre clair aux parties prenantes, tout en maintenant ce régime dans la solidarité interprofessionnelle.

Elle a en outre considéré que cette consécration devait s’accompagner d’un renouvellement des méthodes de dialogue entre les niveaux professionnel et interprofessionnel, qui puissent s’appuyer sur des outils partagés d’aide à la décision.

La mission de concertation est partie du constat selon lequel l’actuelle gouvernance était éclatée entre deux niveaux de négociation collective : celui des branches du spectacle vivant et enregistré (17), d’une part, qui définit les emplois relevant du contrat à durée déterminée d’usage (CDDU), les conditions et le temps de travail et les salaires, et, celui de l’interprofession, d’autre part, chargé notamment de définir le contenu de la convention d’assurance chômage. Alors que les deux niveaux sont interdépendants, il apparaît que les informations circulent de manière insatisfaisante entre eux. À ces deux niveaux de négociation s’ajoute par ailleurs l’intervention de l’État qui manque parfois de cohérence : la mission a notamment relevé que dans certains secteurs comme l’audiovisuel, si certaines instances publiques insistent sur la nécessaire réduction du champ de l’intermittence au profit d’emplois pourvus de manière pérenne, d’autres imposent parallèlement aux opérateurs des cadres budgétaires et réglementaires les contraignant à recourir à de l’emploi précaire (18).

La mission de concertation a, en conséquence, préconisé une méthode de négociation en quatre étapes. En premier lieu, une conférence des métiers du spectacle pourrait réunir tous les cinq ans les organisations représentatives aux niveaux interprofessionnel et professionnel, mais aussi Pôle Emploi, l’Unédic, l’État et les collectivités territoriales, afin de définir une vision commune à moyen terme de l’emploi dans le secteur, au-delà des seules questions de l’assurance chômage, et de conclure sur un document éclairant les négociations ultérieures. Puis viendrait le temps de la négociation interprofessionnelle entre organisations représentatives syndicales et patronales, chargées, après consultation des organisations sectorielles représentatives, de définir les axes, les montants et les équilibres qui s’imposent aux annexes VIII et X ; les organisations interprofessionnelles devraient solliciter les organisations sectorielles représentatives pour qu’elles proposent, dans le cadre ainsi préétabli, des solutions s’inscrivant dans la future convention d’assurance chômage ; en cas de désaccord entre elles, il reviendrait au niveau interprofessionnel de trancher. La troisième étape serait celle des négociations professionnelles de branches pour définir les conditions de travail des secteurs concernés. Enfin, la dernière étape verrait intervenir une instance de suivi des annexes, réunissant organisations interprofessionnelles et professionnelles, ainsi que les services de l’État, sur la base des travaux réalisés par un groupe d’expert prenant modèle sur celui mis en place par la mission de concertation.

La mission ne s’est pas contentée de faire porter ses travaux sur les règles d’indemnisation au titre de l’assurance chômage mais a également élargi son analyse aux questions de l’emploi culturel, de sa structuration et de son financement. Elle a souligné la nécessité de « bâtir une politique de l’emploi dans le spectacle vivant et enregistré ». La mission a reconnu pleinement légitime, malgré son caractère dérogatoire, le recours au contrat à durée déterminée d’usage (CDDU) dans les entreprises du secteur du spectacle en raison de la très forte variabilité de l’activité qui le caractérise. Elle ne s’en est pas moins accordée sur la nécessité de contenir « un développement non maîtrisé du système d’emploi en CDDU », d’où résulte une précarisation des emplois (19). Elle a relevé que plusieurs paramètres peuvent être utilisés pour réguler le recours aux CDDU, tels le toilettage des listes des métiers ouvrant droit à recourir à ce type de contrat de travail, l’encadrement des situations dans lesquelles il est possible d’y recourir, la limitation du nombre de CDDU consécutifs, l’augmentation du coût du recours au CDDU ou l’obligation d’imposer une requalification en CDI au-delà d’un certain nombre d’heures de travail.

La mission a préconisé la réalisation d’un bilan du recours au CDDU par chacune des neuf branches du secteur du spectacle vivant et enregistré (20), en collaboration avec les services de l’État, afin de permettre, dans un second temps, à la négociation professionnelle de mieux encadrer le recours à ce type de contrat, notamment par une redéfinition de la liste des métiers y ouvrant droit, mais aussi par l’inscription dans chaque convention collective des limites de durée minimale et maximale encadrant les contrats en CDDU. Elle n’a toutefois pas exclu l’intervention du législateur, pour le cas où les partenaires sociaux ne parviendraient pas à atteindre leurs objectifs ou lorsqu’il serait avéré qu’une mesure peut être uniformément applicable à l’ensemble du secteur.

La mission a préconisé de restaurer l’attractivité relative du CDI par rapport au cumul, souvent plus avantageux pour les salariés, de contrats courts mieux rémunérés avec l’indemnisation au titre de l’assurance chômage.

Elle a en outre plaidé pour la sécurisation des parcours professionnels, un meilleur accès à la formation ainsi qu’une amélioration de la protection sociale des personnes à l’emploi discontinu, notamment les risques maladie et maternité, insuffisamment pris en charge à l’heure actuelle.

Elle a enfin travaillé à l’amélioration des relations entre intermittents et opérateurs, notamment Pôle Emploi, en proposant la mise en place d’une ligne téléphonique dédiée aux intermittents, d’un médiateur propre et d’un comité de liaison.

L’article 20 du projet de loi, sur lequel porte le présent avis, comporte quatre éléments destinés à construire un cadre de discussion des conditions d’indemnisation du chômage des intermittents du spectacle moins conflictuel que par le passé :

– la consécration législative de l’existence même des annexes VIII et X ;

– l’instauration d’une procédure inédite de négociation de ces annexes en deux temps, permettant aux organisations de salariés et d’employeurs représentatives de l’ensemble des professions du spectacle de négocier les règles spécifiques à ces annexes, dans le cadre général de la négociation des règles d’assurance chômage dont la définition incombe aux partenaires sociaux interprofessionnels ;

– la création d’un comité d’expertise ad hoc, compétent sur les règles spécifiques applicables à l’indemnisation au titre de l’assurance chômage des intermittents du spectacle ;

– l’obligation d’un réexamen, d’ici au 31 janvier 2016, de la liste des emplois pouvant être pourvus par la conclusion de CCDU.

La consécration législative de l’existence même des annexes VIII et X est une reprise directe d’une des préconisations faites par la mission de concertation. Cette sanctuarisation ne signifie cependant pas l’acceptation des abus de recours à l’intermittence, d’où l’obligation de réexaminer les listes d’emplois pouvant être pourvus en CDDU.

S’agissant des méthodes de négociation, l’option retenue par le Gouvernement est plus ambitieuse que celle qu’esquissait la mission de concertation dans son scénario de sortie de crise : le projet de loi retient une négociation en deux temps là où le rapport de la mission préconisait, de manière plus souple, une simple association des organisations professionnelles des secteurs du spectacle vivant et enregistré en amont des décisions prises par l’échelon interprofessionnel. Dans tous les cas de figure, il est attendu de cette participation du niveau professionnel en amont que ne puisse se reproduire une situation analogue à celle issue de la négociation de 2014, dans laquelle les effets particuliers sur ce secteur des modifications de règles de calcul du différé d’indemnisation n’avaient pas été mesurés par les négociateurs de l’interprofession.

Le comité d’expertise mis en place par l’article 20 du projet de loi peut être vu comme la pérennisation de la méthode originale mise en place au cours des travaux de la mission de concertation, visant à objectiver les données statistiques servant de base aux discussions, afin que ces dernières se déroulent dans un climat apaisé. Les travaux menés par la mission de concertation ont montré que du croisement des données émanant de l’Unédic, de Pôle Emploi et d’Audiens pouvait naître une meilleure connaissance des réalités de terrain et une approche plus fine des chiffrages des mesures envisagées. Il a, à partir de dix mille cas réels, mis en place une modélisation du régime permettant de simuler tout changement d’un paramètre et d’évaluer les effets croisés ou cumulés de modifications de plusieurs d’entre eux, ce qui constitue une indéniable avancée, même si demeurent des discussions sur la mesure des effets de comportement.

L’obligation faite aux organisations professionnelles de réexaminer les listes des emplois pouvant être pourvus par la conclusion de CCDU fait également écho aux suggestions de la mission de concertation en faveur d’une politique de l’emploi dans le secteur du spectacle vivant et enregistré ne faisant plus du CDDU l’horizon indépassable de l’emploi culturel dans notre pays.

Le rapporteur pour avis note l’entière complémentarité entre les dispositifs inclus dans l’article 20 du projet de loi et la « feuille de route » du Gouvernement pour refonder le régime de l’intermittence présentée – le jour même de l’adoption du texte en Conseil des ministres – conjointement par la ministre de la Culture et de la communication et le ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Cette feuille de route prévoit ainsi que, sur la base du réexamen des listes d’emplois prévu par le projet de loi, les partenaires sociaux du spectacle devront ouvrir des négociations afin de mieux encadrer le recours au CDDU et de lutter contre la précarisation de l’emploi. Une conférence pour l’emploi dans les métiers du spectacle devrait être organisée à l’automne 2015 pour développer l’emploi et renforcer la pérennisation des contrats de travail.

Enfin, plusieurs chantiers complémentaires ouverts par la mission de concertation seront poursuivis afin d’améliorer l’accès des intermittents à certains droits (accès aux indemnités maladie et maternité notamment), mais aussi de moderniser le guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO).

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen pour avis de l’article 20 du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi au cours de sa séance du mercredi 13 mai 2015.

M. le président Patrick Bloche. L’article 20 du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi concerne le régime spécifique d’assurance chômage des intermittents du spectacle, aujourd’hui inscrit dans les annexes VIII et X à la convention d’assurance chômage.

Notre commission a logiquement souhaité émettre un avis sur cet article, car il traite d’un sujet qui est loin de lui être étranger. Elle l’a en effet déjà abordé à de multiples reprises. Dès l’été 2012, sa première décision sous cette législature a même consisté à constituer une mission d’information commune avec la commission des Affaires sociales sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques. M. Jean-Patrick Gille en était déjà le rapporteur, et elle était placée sous la présidence de M. Christian Kert. Après neuf mois de travaux, elle nous a soumis un rapport d’information que nous avons adopté à l’unanimité en avril 2013. Nous avions donc vu venir la nouvelle crise de l’intermittence du spectacle, ce qui ne nous a malheureusement pas permis d’éviter qu’elle ait lieu. Il arrive que l’on ne parvienne pas à prévenir ce que l’on sait anticiper.

En réaction à cette crise, le Premier ministre a confié en juin 2014 à Mme Hortense Archambault, M. Jean-Denis Combrexelle et M. Jean-Patrick Gille une mission de concertation et de proposition qui, le 7 janvier dernier, a rendu un rapport intitulé : « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle ». Ses trois auteurs, venus présenter leurs conclusions devant notre commission le 28 janvier dernier, ont exprimé le souhait que soient retranscrits dans la loi un certain nombre de principes concernant l’assurance chômage des intermittents du spectacle, ainsi que les grandes modalités de négociation des annexes VIII et X qui régissent ce régime spécifique. Ce vœu est exaucé par l’article 20 du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, présenté le 22 avril dernier en conseil des ministres.

Compte tenu de ces précédents et de la parfaite connaissance du dossier de M. Jean-Patrick Gille, qui a opportunément quitté la commission des Affaires sociales pour nous rejoindre, c’est tout naturellement que nous l’avons désigné comme rapporteur pour avis.

Avant de lui céder la parole, je vous signale encore que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur le projet de loi qui sera examiné la semaine prochaine par la commission des Affaires sociales saisie au fond, puis, en séance publique, à partir du mardi 26 mai.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. La commission des Affaires culturelles et de l’éducation s’est saisie pour avis de l’article 20 du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, dont le principal objet, traduisant la volonté du Gouvernement de trouver une solution pérenne aux crises récurrentes dans le spectacle vivant, est de conférer une base législative au régime particulier d’indemnisation au titre de l’assurance chômage des intermittents du spectacle.

Ce régime particulier, justifié par la discontinuité spécifique de l’emploi des artistes et des professionnels de la création dans le spectacle vivant ou enregistré, structuré selon une économie de projets, trouve sa traduction dans l’existence des annexes VIII et X à la convention d’assurance chômage, existence reconduite à chaque négociation entre partenaires sociaux interprofessionnels. Mais la précarité juridique de ces annexes, qu’il serait, en droit, possible de remettre en cause – une tension naît d’ailleurs à ce sujet lors de chaque renégociation – ne crée pas les conditions propices à apaiser les inquiétudes des professionnels concernés. De cette situation découle la nécessité de pérenniser dans la loi des règles spécifiquement applicables aux intermittents, tout en restant dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle.

Ce point constituait l’une des principales préconisations contenues dans le rapport que Mme Hortense Archambault, M. Jean-Denis Combrexelle et moi-même avons remis le 7 janvier dernier au Premier ministre. La mission de concertation qui nous avait été confiée avait esquissé un scénario de sortie de crise de nature à « bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle », en s’appuyant avant tout sur la responsabilisation des acteurs de la profession.

Je ne rappellerai pas dans le détail le contexte du conflit dans lequel s’inscrivait cette mission, car vous le connaissez tous parfaitement. Je concentrerai mon propos sur le contenu de l’article 20, qui met en place des mécanismes assez largement inédits et qui reprend certaines des préconisations de la mission de concertation, en s’en éloignant parfois néanmoins, je vais y revenir.

Quatre points structurent cet article. Le premier est relatif à la consécration législative de l’existence de règles spécifiques pour l’indemnisation chômage des intermittents.

La mission de concertation avait préconisé de consacrer dans la loi l’existence même d’un régime spécifique d’indemnisation du chômage adapté aux métiers de spectacle afin d’apaiser les discussions et de donner un cadre clair aux parties prenantes, tout en maintenant ce régime dans la solidarité interprofessionnelle. C’est ce que fait l’article 20 du projet de loi.

Cette sanctuarisation ne vaut cependant pas acceptation des optimisations excessives du recours à l’intermittence dans certains secteurs professionnels. Il est en conséquence prévu une obligation de réexamen des listes des emplois pouvant être pourvus en contrat à durée déterminée d’usage (CDDU) – cela fera l’objet du quatrième point.

L’article 20 comporte un deuxième point essentiel : la mise en place d’une forme de délégation de négociation du niveau interprofessionnel vers le niveau professionnel. Cette délégation est toutefois encadrée.

La mission de concertation avait plaidé pour un renouvellement des méthodes de dialogue entre les niveaux professionnel et interprofessionnel. Elle avait en particulier insisté sur la nécessité que le niveau interprofessionnel consulte le niveau professionnel avant toute négociation sur l’assurance chômage afin qu’une situation analogue à celle qui avait prévalu lors de la dernière négociation ne puisse se reproduire. La consultation du niveau professionnel constituait pour nous un élément essentiel, car l’analyse des crises montre qu’elles ont systématiquement pour origine des décisions que l’interprofession prend pour le secteur professionnel, sans que celui-ci ait voix au chapitre : il se retourne alors vers l’État qui ne peut qu’affirmer qu’il n’y est pour rien. À défaut de remettre à plat ce jeu à trois, nous diagnostiquions un retour systématique des crises. Pour sortir de ce triangle infernal, il nous apparaissait indispensable d’assurer la reconnaissance du niveau professionnel, toute la difficulté consistant à articuler les deux niveaux de négociation en respectant la légitimité ultime du niveau interprofessionnel.

Sur ce sujet, l’article 20 du projet de loi va finalement plus loin que nos préconisations, puisqu’il met en place un mécanisme de délégation de négociation du niveau interprofessionnel au niveau professionnel, accompagné d’un encadrement par le niveau interprofessionnel et d’un principe de reprise obligatoire par l’interprofession de tout accord professionnel respectant les orientations fixées préalablement par la négociation interprofessionnelle.

Comment les choses se dérouleront-elles en pratique ? L’interprofession
– c’est-à-dire les cinq confédérations syndicales et les organisations patronales – devra d’abord établir un document de cadrage fixant les objectifs de la négociation par les professionnels et comprenant deux éléments : une « trajectoire financière » et des « principes applicables à l’ensemble des bénéficiaires du régime d’assurance chômage ». Pour être repris par le niveau interprofessionnel, le futur accord devra nécessairement respecter ces éléments. La négociation se tiendra ensuite au niveau professionnel, et deux cas de figure pourront se présenter. Si un accord est trouvé qui respecte les délais fixés par l’interprofession et les orientations du document de cadrage, l’interprofession n’aura pas d’autre choix que de le reprendre dans la convention d’assurance chômage – c’est la raison pour laquelle j’ai évoqué une « délégation » de l’accord. Si aucun accord n’est trouvé ou si un accord ne respecte pas les conditions fixées, il reviendra alors à l’interprofession de négocier : on retournera en quelque sorte au droit commun de la négociation.

J’appelle votre attention sur un troisième point auquel je souhaite apporter quelques modifications. Il s’agit de la pérennisation du comité d’experts, que nous avions créé dans le cadre de la mission de concertation, chargé d’apporter un soutien aux négociateurs du niveau professionnel.

Lors de la mission de concertation, il est très vite apparu nécessaire, pour remettre tous les acteurs autour d’une même table de négociation, d’organiser une expertise partagée, transparente et consensuelle sur la méthode, fondée sur l’élaboration d’un outil de simulation des modifications des règles fixées par les annexes VIII et X. Un groupe d’experts a été mis en place, composé des principaux organismes et services disposant d’une expertise statistique dans le domaine – Unédic, Pôle emploi, Audiens, les services des études et des statistiques des ministères de la culture et du travail –, ainsi que de deux personnalités qualifiées, le sociologue Mathieu Grégoire et l’économiste Jean-Paul Guillot. Tout au long des travaux de la mission, ce groupe indépendant a produit des analyses – qui figurent en annexe du rapport de la mission de concertation. Ces analyses n’ont pas été contestées par les différents participants et ont servi de base à leurs discussions. Cette expérience réussie a montré que du croisement des données émanant de divers opérateurs pouvaient naître une meilleure connaissance des réalités de terrain et une approche plus fine des chiffrages des mesures envisagées. À partir de dix mille cas réels, ce groupe d’experts a mis en place une modélisation du régime permettant de simuler tout changement d’un paramètre et d’évaluer les effets croisés ou cumulés de modifications de plusieurs d’entre eux, ce qui constitue une indéniable avancée – même si des discussions ont toujours lieu sur la mesure des effets de comportement.

Je me félicite que l’article 20 reprenne en partie notre idée, puisqu’il crée un comité d’expertise, composé de représentants des services de l’État, de Pôle emploi, de l’Unédic, ainsi que de personnalités qualifiées désignées par l’État et les partenaires sociaux aux niveaux professionnel et interprofessionnel. Deux types de missions lui sont confiés.

La principale, à mes yeux, est celle d’appui technique aux organisations patronales et salariales, notamment celles du secteur professionnel. Jusqu’à ce jour, non seulement ces dernières n’étaient pas consultées, mais elles devaient aussi s’en remettre aux seules expertises de l’Unédic. Ce comité sera chargé d’expertiser et de chiffrer les différentes propositions soumises au cours des négociations.

Selon la rédaction du projet de loi, la mission de ce comité consisterait, en deuxième lieu, à rendre un avis sur le respect, par l’accord conclu au niveau professionnel, des orientations du document de cadrage préalablement établi par l’interprofession. De mon point de vue, le comité doit avant tout être un groupe d’appui pour le secteur professionnel et lui permettre de se doter d’une expertise. J’avoue être moins enthousiaste en ce qui concerne son second rôle : il faudrait à mon sens modérer le texte sur ce point ; nous en débattrons.

Un quatrième point structure enfin l’article 20 : la redéfinition des listes d’emplois ouvrant droit au recours au contrat à durée déterminée d’usage (CDDU). L’article 20 du projet de loi prévoit l’obligation d’un réexamen, d’ici au 31 janvier 2016, de la liste des emplois pouvant être pourvus par la conclusion de CDDU. Cette disposition reprend, une nouvelle fois, l’une des préconisations de la mission de concertation, laquelle avait estimé qu’un toilettage des listes des métiers ouvrant droit au recours aux CDDU figurait parmi les mesures à prendre pour réguler l’usage de ce type de contrats et bâtir une politique de l’emploi dans le spectacle vivant et enregistré. Pour autant – et je souhaite insister sur ce point –, il ne faut pas que cette disposition soit, à tort, interprétée comme une autorisation de recruter en CDDU tous les personnels occupant un emploi figurant sur ces listes, alors qu’un tel recrutement doit avant tout répondre aux critères du recours au contrat à durée déterminée (CDD) et que les employeurs doivent être incités à recruter en priorité en contrat à durée indéterminée (CDI). Si les chauffeurs figurent par exemple parmi les emplois susceptibles d’être pourvus en CDDU, cela ne doit concerner que ceux qui travaillent ponctuellement sur une tournée, dont l’embauche relève du régime du CDD, et pas le chauffeur permanent de telle vedette ou celui de telle société de production, qui doivent signer des CDI.

Je vous présenterai un certain nombre d’amendements dont l’objet est, en premier lieu, de préciser certains points de la procédure de négociation en deux temps, qui pouvaient prêter à confusion et, en second lieu, de repositionner le comité d’expertise. Il s’agit de faire de l’appui aux négociations pour le niveau professionnel sa mission principale. Je propose donc de supprimer la faculté pour l’interprofession de désigner certaines des personnalités qualifiées qui composeront le comité et de retirer à ce dernier la possibilité d’émettre des « avis » qui l’amèneraient d’une certaine façon à sanctionner le travail d’autres instances. Il me semblerait plus conforme à son rôle d’expert qu’il travaille à des « évaluations ».

Sous réserve de l’adoption de ces amendements et peut-être aussi de certains de ceux qui nous sont proposés par nos collègues ce matin, je vous invite à vous prononcer favorablement sur l’article 20 qui consacre l’existence même du régime des intermittents, lui reconnaissant toute la légitimité de sa spécificité, tout en le maintenant dans la solidarité interprofessionnelle, ce qui est essentiel.

M. Michel Pouzol. Je sais l’ensemble des membres de cette commission très attentifs à la création et à la culture, piliers de l’exception culturelle française que nous défendons ensemble ardemment. Personne ici n’a donc besoin qu’on lui rappelle que l’intermittence n’est ni une profession ni un statut, mais un mode d’indemnisation de salariés relevant des annexes VIII et X du régime d’assurance chômage. Il serait faux de prétendre qu’il en est autrement, ce que les médias font pourtant régulièrement.

Ces annexes, conçues pour prendre en compte la spécificité des métiers de la culture et de la création, notamment une forme « d’hyperflexibilité structurelle » imposée aux salariés du secteur, constituent un élément moteur du développement et du rayonnement des politiques culturelles de notre pays. Je pense pouvoir m’exprimer au nom de tous les membres du groupe SRC – mais sans doute cette volonté est-elle répandue bien au-delà de notre groupe –, pour rappeler que, depuis le début du quinquennat, l’une de nos ambitions a été de donner aux artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel, un cadre social refondé qui permette de sortir des crises périodiques qu’a connues ce régime et de la fragilisation qui en a découlé, tant pour les salariés et les créateurs eux-mêmes que pour un secteur économique en plein développement – secteur qui, rappelons-le, représente année après année une part grandissante des richesses produites par notre pays.

En effet, si nous convenons tous que la culture est un élément moteur de l’émancipation des hommes, elle est aussi depuis plusieurs décennies un secteur d’activité primordial pour notre économie, comme l’a mis en évidence en décembre 2013 le rapport intitulé « L’apport de la culture à l’économie en France », rédigé conjointement par des membres des inspections générales des Finances et des Affaires culturelles.

Pourtant, pour ceux qui, encore nombreux, se tiennent éloignés des réalités d’un secteur d’activité aux modèles divers et particuliers, les annexes VIII et X de la convention d’assurance chômage apparaissent, au pire, comme de surprenants privilèges pour les salariés qui en bénéficient ou, au mieux, comme une anomalie de gestion. Il aura sans doute fallu l’annulation du festival d’Avignon en 2003, alors que certains cherchaient déjà à remettre en cause ces annexes, pour prouver par l’exemple l’importance de la culture dans les performances économiques et le rayonnement des territoires.

Aujourd’hui, nous sortons enfin d’un long processus semé d’embûches. Après l’échec de l’accord national interprofessionnel (ANI) sur ce sujet, et pour mettre fin à des crises récurrentes et rechercher une solution pérenne, le Premier ministre a mis en place, en juin 2014, une mission de concertation qu’il a confiée à Mme Hortense Archambault, ancienne co-directrice du festival d’Avignon, à M. Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail, et à notre rapporteur pour avis M. Jean-Patrick Gille. Ce dernier avait déjà formulé dans un rapport datant de 2013 plusieurs propositions qui, j’en suis certain, nourriront aussi, mais sans doute dans un climat apaisé, les nécessaires réflexions que nous aurons à mener autour de ces annexes, sans craindre désormais qu’elles soient remises en cause.

Cette mission a réuni pour la première fois autour d’une même table l’ensemble des acteurs concernés par l’intermittence : le patronat, les syndicats, mais aussi la coordination des intermittents et les entreprises du spectacle. À cet égard, cette forme de concertation est allée au-delà de la concertation tripartite que les partenaires sociaux appelaient de leurs vœux dans l’ANI du 22 mars 2014, sans néanmoins oublier la légitimité et la responsabilité des organisations représentatives.

Le Gouvernement a saisi l’opportunité de la discussion du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi pour inscrire dans la loi l’existence des règles spécifiques d’indemnisation des intermittents du spectacle, ainsi que l’instauration d’un mécanisme permettant aux partenaires sociaux représentatifs du secteur du spectacle de négocier ces règles spécifiques dans un cadre défini par les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel.

Désormais, les annexes VIII et X de la convention d’assurance chômage, qui étaient jusqu’ici une construction purement conventionnelle dont l’existence pouvait être remise en cause à chaque renégociation de la convention, seront sécurisées. Cela évitera sans doute que certaines organisations patronales entrent dans les négociations avec comme arme de chantage ultime la menace d’une suppression pure et simple de ces annexes. Le dialogue social y gagnera sans nul doute en qualité pour le bien de l’ensemble des partenaires du secteur.

Par ailleurs, l’article 20 instaure une nouvelle méthode de gouvernance qui permettra aux partenaires sociaux de déterminer l’enveloppe financière des annexes en laissant le soin aux professionnels du spectacle de fixer un certain nombre de règles.

Alors que certains élus de droite, sans doute moins bien informés que ceux de notre commission, parlent encore des « privilèges » accordés aux intermittents, sans comprendre que le régime d’indemnisation n’a pas uniquement pour vocation d’être en équilibre, mais qu’il vise à soutenir des personnes précaires et néanmoins indispensables à cette économie particulière, nous pouvons nous féliciter que l’engagement du Gouvernement ait été tenu, de surcroît dans un contexte où le budget de la Culture pour 2015 est préservé, voire en augmentation pour l’année à venir en ce qui concerne les crédits dédiés à la création, à en croire les lettres de cadrage du ministère.

Si le débat sur l’intermittence n’est pas clos pour autant, comme notre rapporteur pour avis nous l’a rappelé, le groupe SRC ne peut que se féliciter de l’avancée majeure que constitue la création d’un cadre stabilisé.

M. Christian Kert. Rares sont les parlementaires de droite qui s’offusquent de la condition d’intermittent du spectacle. Je crois même que nous pensons unanimement que l’intermittence est indispensable. Encore faut-il qu’elle soit correctement encadrée. C’est pourquoi nous restons vigilants à l’égard du travail mené par notre excellent rapporteur pour avis, devenu le grand spécialiste de ce sujet.

Nous avons tendance à considérer que, si l’article 20 constitue une réponse aux annonces faites par le Premier ministre et aux propositions de la mission de concertation, il s’agit surtout d’une sorte d’affichage destiné à mieux contenir les inquiétudes des intermittents, dont nous savons qu’ils exercent des professions très souvent précarisées. Au regard de la réalité de la situation de l’intermittence et de la technicité des problèmes à résoudre, nous avons le sentiment que ce texte ne changera pas grand-chose au fond des problèmes. À voir les réactions mitigées des partenaires sociaux, organisations d’employeurs ou de salariés, il est même clair qu’il suscite plutôt une inquiétude quant à une éventuelle remise en cause du respect de la solidarité interprofessionnelle qui caractérisait jusqu’à présent le régime d’assurance chômage et à laquelle nous tenons tous.

La création d’un fonds spécifique est-elle acceptable sur un plan financier ? Qui le financera, comment et à quel niveau ? On peut craindre aussi que d’autres secteurs d’activité ne sollicitent à leur tour la création d’un régime spécifique.

Certes, la nécessité de mieux associer les organisations de salariés et d’employeurs représentatives de l’ensemble des professions du spectacle à la négociation des règles de l’assurance chômage est apparue à tous, mais est-il vraiment nécessaire d’instaurer une sorte de négociation à double niveau, l’une au niveau interprofessionnel pour fixer les règles de droit commun, et une autre au niveau sectoriel pour définir les règles d’indemnisation de l’intermittence ? Cette double négociation appelle quelques réserves, le rapporteur pour avis lui-même l’a laissé entendre, même si le document de cadrage et la trajectoire financière qu’il impose permettront de respecter les principes applicables à l’ensemble des bénéficiaires du régime d’assurance chômage. Nous espérerons avec vous que cette démarche, qui consiste à vouloir redonner un cadre à la négociation, permettra de renouer le dialogue et d’apaiser les crispations qui demeurent. Elle permettra aussi aux diverses organisations interprofessionnelles et représentatives d’anticiper leur niveau de responsabilité dans la négociation à mener.

La création d’un comité d’expertise suscite quelques interrogations. Notre rapporteur pour avis répond d’ailleurs à certaines d’entre elles en présentant des amendements. On peut en premier lieu craindre la mise en place d’une structure trop imposante : la composition du comité me paraît trop imprécise et je crains que la multiplication de ses membres ne l’empêche de réagir rapidement lorsque des demandes lui seront adressées. J’avais noté que le texte ne précisait pas la nature des avis émis : seront-ils seulement consultatifs ou devront-ils être obligatoirement suivis ? Le rapporteur pour avis nous a annoncé un amendement qui, en tout état de cause, résoudra ce problème.

La révision de la liste des métiers qui ouvrent droit au bénéfice des règles d’assurance chômage propres aux intermittents paraît plus que nécessaire, mais le calendrier proposé semble pour le moins optimiste. S’agissant d’un texte qui n’en est aujourd’hui qu’au stade du projet de loi, vous envisagez une mise en œuvre au 1er janvier 2016 : je ne suis pas certain que cela soit tout à fait réaliste…

De façon générale, nous avons bien conscience que vous souhaitez apporter une réponse à une question réelle. Il nous semble cependant que cette réponse reste catégorielle et sectorielle.

Mme Isabelle Attard. Notre Commission a eu à plusieurs reprises l’occasion de traiter du problème des intermittents. Ce fut notamment le cas, le 8 avril dernier, lors de l’audition de M. Mathieu Gallet, président-directeur général de Radio France, que nous avons interrogé sur les personnels précaires au sein du groupe qu’il dirige. Si les personnels permanents des services publics – je pense aussi à France Télévisions – bénéficient de conditions de travail correctes, il existe aussi une face cachée de ces établissements pour ce qui concerne les précaires et les intermittents.

Nous avons déposé plusieurs amendements sur ce texte attendu. Je voudrais évoquer l’un d’eux que je ne vois pas dans la liasse, mais que nous présenterons pour la séance publique. Il concerne la trajectoire financière fixée par l’interprofession. Au nom de l’intérêt fondamental de l’exception culturelle française, le régime des intermittents ne doit pas faire l’objet d’un bilan circonscrit : il doit bel et bien être examiné à la lumière de l’activité d’un secteur culturel pris dans son ensemble. C’est uniquement sur la base du constat d’une activité économique culturelle florissante dans laquelle le secteur du spectacle vivant a toute sa part qu’il est raisonnable d’apprécier le statut des intermittents. Cette analyse se trouvait dans un rapport de notre collègue Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la Culture. Il me semble extrêmement important de prendre en compte cette solidarité interprofessionnelle. Pourquoi exiger des seuls intermittents un bilan financier positif en matière de chômage ? Demande-t-on aux tourneurs fraiseurs ou à d’autres professions de fournir des comptes équilibrés ?

Par ailleurs, nous estimons qu’il est important d’intégrer les intermittents aux discussions des annexes VIII et X qui sont des documents complexes. Nous devons faire en sorte que tous les professionnels puissent être consultés et participer aux discussions.

Il me semble enfin qu’il est temps que nous nous saisissions du problème des congés de maternité et des arrêts maladie qui constituent aujourd’hui des périodes très délicates de la vie des intermittents.

M. le président Patrick Bloche. Ma chère collègue, trois des amendements que vous avez déposés ont été déclarés irrecevables par le président de la commission des Finances au titre de l’article 40 de la Constitution. Il ne semble en effet guère contestable que la suppression d’un cadrage financier est susceptible d’entraîner la « création ou l’aggravation d’une charge publique ». C’est la raison pour laquelle ces amendements ne sont pas soumis à l’examen de notre commission.

Mme Gilda Hobert. Nous pouvons remercier notre rapporteur pour avis d’avoir accompli son travail dans un contexte parfois difficile et houleux. Il nous avait présenté, le 28 janvier dernier, le rapport intitulé « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle », rédigé avec Mme Hortense Archambault et M. Jean-Denis Combrexelle au sein d’une mission de concertation, qui apportait une lueur d’espoir aux professionnels du champ culturel. Je me réjouis de voir enfin sa matérialisation législative. Les intermittents du spectacle dans leurs différentes catégories professionnelles ont été écoutés ; il faut aussi les entendre. En effet, les crises et protestations régulières, souvent justifiées, ont fortement montré qu’il était urgent de s’atteler à une réforme de ce statut afin d’apporter des garanties juridiques et un nouveau cadre social à ses bénéficiaires, tout en s’attachant à lutter contre tous types d’utilisations irrégulières du dispositif.

Rappelons-le encore : si la famille des intermittents regroupe des profils divers, la grande majorité d’entre eux sont touchés par la précarité et doivent s’en remettre à la débrouille au jour le jour, entre des contrats de courte ou très courte durée. Le statut des intermittents est alors une chance, chance que nous ne devons pas leur subtiliser. Il représente la possibilité pour ces acteurs culturels d’acquérir une relative stabilité et d’exercer leur métier plus sereinement. Ce statut singulier est aussi, je tiens à le souligner, une opportunité pour la culture française d’avoir le rayonnement qu’elle mérite.

Je suis soulagée que l’article 20 recrée les conditions d’un dialogue serein. Cela permet de mieux envisager l’avenir pour toutes les parties concernées et de se recentrer sur le plus important : parvenir à pérenniser le statut des intermittents dans de meilleures conditions. Le Gouvernement a décidé d’aller plus loin dans les méthodes de négociation que ce que vous aviez préconisé dans le cadre de la mission de concertation. Il souhaite mettre en place une négociation en deux temps afin d’éviter les nouveaux blocages et les ruptures de dialogue. Nous nous en réjouissons en attendant la concrétisation de ces négociations. Je relève que la pérennisation du comité d’expertise reste encore à évaluer dans le temps. Si nous devons être optimistes, gardons toutefois à l’esprit que l’on ne peut, à ce stade, mesurer tous les effets des dispositions contenues dans le texte et les réactions qu’elles susciteront.

Je soutiens également pleinement la redéfinition par voie de négociation, avant le 31 janvier 2016, de la liste des métiers du spectacle vivant ouvrant droit au régime de l’intermittence. Trop d’abus ont eu lieu qui ont parfois altéré l’image des métiers du spectacle. Je déplore d’entendre aujourd’hui encore, hors de notre assemblée il est vrai, les avis tranchés de ceux qui jugent la situation des intermittents « avantageuse » et pensent qu’ils sont en quelque sorte « privilégiés ». Tous les métiers du spectacle nécessitent un investissement et un réel don de soi, et la plupart des intermittents voudraient bien être davantage sur scène, derrière une caméra, ou encore aux manettes d’une régie. II était donc important de rappeler les conditions pour conclure un CDDU, même si nous avons conscience que cela ne pourra éviter tous les écueils, et si nous savons qu’il sera nécessaire de mettre en place des contrôles complémentaires.

Enfin, j’aimerais aborder la sanctuarisation du statut des intermittents que permet l’article 20. S’il était nécessaire d’entériner dans la loi l’existence d’un régime particulier, permettez-moi d’exprimer quelques doutes, qui ont aussi été relevés par la Coordination nationale des intermittents et précaires (CIP), quant à la capacité réelle de ce projet de loi à sanctuariser véritablement ce statut, mais aussi à prendre en compte les avancées obtenues. En effet, seule est abordée l’existence même de ce statut, justifiant alors des règles dérogatoires. Mais ne peut-on pas craindre qu’une législation trop floue, qui n’aborde pas les tenants et les aboutissants du statut, ne sécurise pas, in fine, les personnes concernées, en tout cas de manière durable ?

Je crois qu’il est avant tout indispensable d’opérer une clarification du positionnement de la France. Si notre pays se targue à juste titre de son rayonnement culturel, une ambiguïté persiste pourtant quand l’État montre sa volonté de soutenir la culture et ses acteurs par le statut des intermittents sans pour autant en assumer pleinement l’existence et les conséquences qui en résultent. Les politiques publiques culturelles sont manifestement imbriquées avec l’économie. Ayons le courage de le dire : un régime spécial se justifie tout à fait et je le soutiens avec force !

Soyons justes et reconnaissons que ce texte contient des avancées que nous ne pouvons qu’encourager. Nous voulons croire dans la volonté du Gouvernement d’assurer une meilleure protection juridique des intermittents. Le groupe RRDP votera en faveur de l’article 20. Nous veillerons cependant à ce que ces dispositions constituent pour les catégories professionnelles concernées une avancée efficace qui s’inscrive dans le temps.

Mme Marie-George Buffet. Je me félicite de constater que le Gouvernement respecte son engagement en nous proposant d’inscrire dans la loi l’existence du régime spécifique des intermittents du spectacle. La sécurisation de leur parcours professionnel et de leurs conditions de vie constitue une question essentielle pour eux-mêmes, mais aussi pour l’avenir du spectacle et, partant, pour celui de la culture. Les difficultés rencontrées cette année par les festivals, les structures et initiatives culturelles ne peuvent que conduire à s’inquiéter de ce devenir. J’ai souvenir que Mme la ministre de la Culture, en réponse à une question que je lui avais posée au sujet de la baisse de la dotation pour les festivals, avait répondu sur le statut de l’intermittence.

Le 28 janvier dernier, nous avons entendu en audition les coauteurs du rapport remis au Premier ministre, intitulé « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle ». Ce travail faisait suite à la mobilisation des intermittents contre l’accord Unédic du 22 mars 2014, ratifié par le Gouvernement contre l’avis des principales organisations des personnels. Ceux-ci contestaient le relèvement des cotisations, le plafonnement du cumul des allocations et revenus d’activité, ainsi qu’une augmentation du différé d’indemnisation qui créait un délai entre l’ouverture du droit et la perception de l’indemnisation en fonction des revenus et du nombre d’heures de travail réalisées.

Depuis, le Gouvernement est intervenu sur le plan financier pour compenser les effets du différé d’indemnisation – sans pourtant en annuler le principe – et vous a confié, monsieur le rapporteur pour avis, une mission dont l’aboutissement est l’article du projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui. Toutefois, les dispositions législatives qu’il nous est proposé d’adopter peuvent encore être améliorées. Ainsi, en ce qui concerne le processus de négociation décrit par le II de l’article 20 que nous discutons et l’articulation entre le cadrage interprofessionnel et la négociation intérieure au régime spécifique, nous souhaitons relayer les inquiétudes des syndicalistes au sujet du rôle conféré au comité d’expertise. S’ils ne remettent pas en cause la création de ce comité, ils s’interrogent sur le fait de lui confier la mission de valider le cadrage financier des accords résultant des négociations.

Enfin, le dispositif d’établissement des listes des emplois pouvant être pourvus par des CDDU pourrait être amélioré par l’adoption de mesures susceptibles de limiter le recours à ces contrats lorsque des emplois pérennes sont possibles.

Le spectacle ne peut vivre sans artistes et sans techniciens. Je voudrais ici rendre hommage à leur combativité, car, depuis de longues années, ils se mobilisent pour que la loi – et donc la République – leur reconnaisse le droit à disposer d’un régime spécifique d’assurance chômage prenant acte de la spécificité de leurs métiers tout en garantissant à ceux qui les exercent les moyens de vivre de leur travail. Nous nous prononcerons positivement pour l’adoption de ce texte, tout en demeurant vigilants.

Mme Colette Langlade. Je voudrais saluer la consécration dans la loi, par le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, des annexes VIII et X de la convention d’assurance chômage qui déterminent les modalités du régime particulier d’indemnisation des intermittents du spectacle. Il s’agit là d’un progrès social et de la reconnaissance de la spécificité du métier des intéressés. La loi conférera davantage de lisibilité et de stabilité à un régime qui était jusqu’à présent remis en cause à chaque négociation de la convention d’assurance chômage. L’article 20 garantit que la négociation des règles spécifiques d’indemnisation du chômage incombe à l’ensemble des partenaires sociaux du secteur du spectacle. Elle répond à l’une des préconisations du rapport remis au Premier ministre le 7 janvier dernier : notre rapporteur pour avis considère même que la méthode retenue par le Gouvernement va plus loin que ce qu’il avait lui-même suggéré, dans le cadre de la mission de concertation.

Pouvez-vous apporter des éclaircissements sur le sort réservé à une revendication des intermittents, qui souhaitent un retour au principe de la date anniversaire, c’est-à-dire le calcul des droits à indemnisation à date fixe sur douze mois ?

M. Lionel Tardy. Cet article 20 n’est pas une bonne idée et l’on se leurre en croyant qu’il va régler la question des intermittents. Il va au contraire créer par la loi un régime d’exception. Si l’on commence à graver dans le marbre des exceptions aux règles de l’assurance chômage, celles-ci risquent de se multiplier, empêchant ainsi un futur gouvernement de prendre le problème à bras-le-corps.

À cela s’ajoute la création d’un comité d’expertise censé articuler les niveaux professionnels et interprofessionnels, mais qui ne pourra qu’alourdir le dispositif des règles de négociation de l’indemnisation du chômage. Il vient s’inscrire dans un dispositif d’une étonnante complexité, comme on s’en aperçoit à la lecture de l’exposé des motifs : « Pendant la négociation des accords » relatifs à l’assurance chômage, « les partenaires sociaux représentatifs de l’ensemble des professions du spectacle seront invités à négocier entre eux ces règles spécifiques. » On imagine ce que cela peut donner. Ce qui est présenté par le Gouvernement comme une nouvelle méthode de dialogue social n’est en fait qu’un méli-mélo de négociations et d’avis dans lequel on se perd et dont je doute de l’efficacité. Les quelques amendements que vous présentez n’y changeront d’ailleurs rien.

On ne s’y prendrait pas autrement si l’on cherchait à noyer le poisson. Dans tous les cas, si l’on veut placer ce projet de loi sous le signe de la simplification – puisque c’est, paraît-il, la marque de fabrique du Gouvernement –, cet article ne doit pas y figurer.

Mme Martine Martinel. La qualité de ce texte doit beaucoup à vos travaux, à votre insistance, à votre obstination, monsieur le rapporteur pour avis. L’article 20 fait place à la culture et garantit la stabilité de la situation de ses acteurs. Il ne crée pas une exception, mais consacre la particularité de l’intermittence. Il institue un cadre procédural pour les négociations professionnelles : l’élaboration d’un document de cadrage précisera leurs objectifs, notamment en termes de trajectoire financière et de respect des règles applicables à l’ensemble des bénéficiaires du régime de l’assurance chômage, ainsi que les délais dans lesquels ces négociations doivent aboutir. Pouvez-vous nous donner des précisions sur le travail à fournir pour déterminer les périmètres et procédures d’élaboration de ce document ?

Mme Dominique Nachury. L’article 20 reprend une bonne partie du rapport remis en 2013 par nos collègues Gille et Kert, et concrétise les engagements pris par le Premier ministre. Cependant, en sanctuarisant le régime des intermittents du spectacle, en faisant entrer dans le corps de la loi ce qui n’était inscrit que dans des annexes, ne crée-t-il pas un précédent qui permettra demain à d’autres catégories de demander à sortir du système de l’assurance chômage ?

Ce dispositif entérine l’inégalité devant les règles d’indemnisation du chômage entre les intermittents du spectacle et les salariés du secteur privé. Mais on doit aussi, à son propos, se poser la question des intérimaires. Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur pour avis, le travail restant à venir au sujet du recours à ces contrats d’intermittence. Qui distinguera et contrôlera les contrats n’ayant pas vocation à bénéficier de ce régime ?

M. Jean-Pierre Allossery. Graver les annexes VIII et X dans le marbre de la loi afin de mieux garantir le droit des intermittents du spectacle, c’est faire œuvre de justice, car c’est soutenir à la fois la création artistique et ceux qui connaissent la plus grande précarité professionnelle et pour qui la durée d’indemnisation du chômage est moins longue que dans le régime général. Sécuriser leur condition, c’est aussi mieux accompagner la création de ceux qui font vivre la politique culturelle de la France et notre promesse républicaine de liberté. N’oublions pas que la culture contribue chez nous sept fois plus au produit national brut (PIB) que l’industrie automobile.

L’article 20 concrétise la volonté renouvelée du Gouvernement en faveur de la culture. La feuille de route annoncée par le ministre du travail et de l’emploi et la ministre de la Culture devrait compléter ces nouvelles mesures législatives, et renforcer la pérennisation des contrats de travail dans ce secteur. Je tiens à saluer la création, par la mission de concertation, du comité de liaison avec Pôle emploi, qui devra continuer à améliorer l’accès aux droits des intermittents.

Je voudrais signaler que, depuis quelques jours, différents collectifs se mobilisent pour que les droits des intermittents soient pleinement reconnus par Pôle emploi lorsqu’ils travaillent dans le cadre de pratiques amateurs, que ce soit pour des stages ou dans le cadre d’activités périscolaires ou scolaires. Leurs interventions au titre de la médiation culturelle et de la démocratisation sont essentielles.

Mme Laurence Arribagé. Après les trop nombreuses crises qui ont agité le secteur du spectacle, de la production audiovisuelle et cinématographique, particulièrement en 2003 et 2014, le Premier ministre a annoncé vouloir sécuriser et stabiliser les régimes d’assurance chômage de ces professions. En l’état, et à l’heure même où s’ouvre le festival de Cannes, le texte du projet de loi semble loin d’être à la hauteur de cette ambition. Si le législateur entend apporter la sérénité nécessaire aux décisions en les préservant de tout aspect émotionnel, il se contente surtout d’inscrire dans la loi la spécificité du statut des professionnels du secteur afin de la légitimer. En d’autres termes, non seulement il ne réforme rien d’un système qui, à maintes reprises, a montré ses limites et son insuffisance, mais il affirme que, désormais, il n’y aura plus lieu d’en débattre.

Je m’interroge sur la création d’un énième comité d’expertise ad hoc, comme sur la traduction concrète de son rôle à la fois d’appui et de contrôle dans le cadre des négociations des accords professionnels du secteur. Je demeure sceptique quant au caractère innovant du double niveau de négociations qui, à l’évidence, ajoutera la complexité à l’opacité. Enfin, je déplore que le recours injustifié au CDDU, pratique régulièrement dénoncée par la Cour des comptes, ne soit pas davantage abordé, particulièrement en termes de répression d’abus dont les premières victimes sont les contribuables. Ce n’est pas cela que nos concitoyens attendent de leurs représentants, et je regrette le peu de courage et d’ambition du Gouvernement devant ce chantier.

Mme Marie-Odile Bouillé. L’article 20 reprend les propositions de l’excellent rapport sur les intermittents du spectacle rédigé par Mme Archambault, M. Combrexelle et M. Gille : la responsabilisation des partenaires sociaux ; l’encadrement du recours au CDDU ; la lutte contre la précarisation ; l’amélioration de la protection sociale des intermittents ; l’institutionnalisation du comité d’experts qui figurera désormais dans la loi. Avec ces acquis, l’article 20 inscrit dans le code du travail que la spécificité des métiers du cinéma, de l’audiovisuel et du spectacle vivant justifie la présence de règles particulières aux intermittents du spectacle, annexées au règlement général de la convention d’assurance chômage. Je salue une avancée tant attendue.

Cependant, pouvez-vous, monsieur le rapporteur pour avis, apporter quelques précisions au sujet de l’évolution du guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO) ?

M. Hervé Féron. Nous étions nombreux à attendre les dispositions de l’article 20, quatre mois après la remise du rapport de la mission menée par Jean-Patrick Gille et les engagements du Premier ministre. Il était temps que nous passions par la loi pour rassurer les intermittents. Peut-être le sujet aurait-il mérité un projet ou une proposition de loi spécifique, mais le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi paraît cependant un véhicule convenable.

L’article 20 institutionnalise un comité d’experts sur les règles spécifiques applicables en matière d’indemnisation des artistes et techniciens intermittents du spectacle. C’est la méthode à laquelle a recouru la mission que vous avez pilotée. La composition de ce comité doit être déterminée par décret. Une place sera-t-elle réservée en son sein aux associations qui ne sont pas juridiquement des partenaires sociaux ?

Les ministres de la culture et du travail ont fait part de leur intention de lancer des négociations entre les partenaires sociaux du spectacle, afin de mieux encadrer le recours aux CDDU et de lutter contre la précarisation de l’emploi. Ne craignez-vous pas que la démarche gouvernementale fasse doublon et empiète sur le travail parlementaire ?

L’article 20 inscrit dans la loi les principes fondamentaux de l’intermittence, mais il semble que d’autres chantiers doivent s’ouvrir, comme la préparation d’une circulaire relative à l’accès des intermittents aux indemnités journalières de maladie et de maternité, la mise en place d’un comité de liaison avec Pôle emploi ou la modernisation du GUSO. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

M. François de Mazières. L’enthousiasme est tel que je m’en voudrais de jouer les rabat-joie ; permettez-moi cependant de lire le courrier de la coordination des intermittents et précaires (CIP) du 3 mai dernier : « La “sanctuarisation” de l’intermittence n’en est pas une. Elle n’entérine aucune des avancées promises, malgré des mois de concertation, malgré les déclarations volontaristes réitérées du Premier ministre Manuel Valls. Un texte tellement flou qu’une lecture distraite pourrait y discerner des avancées alors qu’il est en réalité totalement creux. Le titre II ne fait que constater l’intérêt de la démarche de concertation entreprise sans en tenir compte. Aucun engagement concret n’est inscrit dans la loi […]. En réalité, derrière une prétendue sanctuarisation, le ministre jette les bases de la création d’une caisse autonome pour l’intermittence ».

Le sujet est complexe et il ne s’agit pas pour moi de jeter la pierre à qui que ce soit, mais, lorsqu’on se réclame du dialogue social, le moins que l’on puisse faire n’est-il pas d’écouter les partenaires sociaux ? Nombreux sont les députés qui ont salué une formidable avancée : à la lumière du texte que je viens de lire, on peut s’interroger sur sa réalité. Je suis très attaché à l’intermittence, car je crois la culture essentielle : un récent rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires culturelles a montré qu’elle contribue pour 3,2 % à la richesse nationale et emploie 670 000 personnes. Le projet de loi n’apaise aucune des inquiétudes qui se sont exprimées, car on ne voit pas pourquoi les représentants des intermittents accepteraient de négocier dans le cadre d’une enveloppe budgétaire réduite – l’assurance chômage leur a versé 1,3 milliard d’euros tout en ne percevant que 250 à 300 millions d’euros de cotisations. Comment améliorer effectivement le système ?

Nous débattons aujourd’hui des principes, mais on peut s’inquiéter de ce qui se passera en 2016, quand on en viendra au concret et qu’il faudra renégocier.

M. le président Patrick Bloche. Mon cher collègue, il y a quelque chose de rafraîchissant à vous entendre comme porte-parole d’une coordination !

Mme Martine Faure. Monsieur de Mazières, c’est en posant des principes que l’on permet des avancées concrètes. Il se trouve que, avec ce texte, nous faisons les deux en même temps.

Depuis le 31 janvier dernier, le nombre d’heures nécessaire pour bénéficier des indemnités journalières est passé de 200 à 150 heures par trimestre, ce qui, en soi, constitue un progrès. Une circulaire viendra préciser les conditions d’accès des intermittents à ces prestations : avez-vous quelques précisions à nous apporter à ce sujet ?

M. le président Patrick Bloche. M. le rapporteur pour avis expliquera sans doute que cela relève du domaine réglementaire, non de la loi.

M. le rapporteur pour avis. Michel Pouzol l’a dit, le texte dont nous débattons s’inscrit dans la continuité des travaux que notre collègue Christian Kert et moi-même avons menés à l’Assemblée nationale, puis de ceux de la mission de concertation. Il ne s’agit pas pour autant de régler ici l’intégralité de la question, mais de traiter ce qui relève du domaine législatif. D’autres avancées relèvent du domaine réglementaire, de circulaires, des pratiques – notamment avec Pôle emploi – et de la négociation. La réponse n’est pas étatique, puisqu’elle doit passer par la négociation : on peut désapprouver le choix que nous faisons, mais on ne peut pas, en l’occurrence, parler de dirigisme.

Des inquiétudes se sont fait jour et se sont traduites par une forme étonnante d’alliance objective du MEDEF et de la CIP, qui considèrent l’un et l’autre que le projet de loi ne sanctuarise pas l’intermittence, mais prépare au contraire la création d’une caisse autonome. Le choix retenu par le texte est, à l’inverse, d’établir des règles spécifiques dans le cadre du régime de solidarité interprofessionnelle, d’articuler le régime général et des règles particulières répondant à la spécificité de l’emploi culturel.

Sans doute ces inquiétudes s’expliquent-elles par l’intervention de l’État dans le financement. Ceux-là mêmes qui réclamaient que l’État intervienne protestent dès que celui-ci prend en charge le différé – il s’agissait en l’occurrence de sortir de la crise –, car ils voient dans cette solution un cheval de Troie. Il n’est pourtant question que de sanctuariser les annexes et d’améliorer le fonctionnement du régime.

Une conférence sur l’emploi dans le secteur culturel se tiendra au mois de septembre prochain, dans la droite ligne des annonces faites par le Premier ministre le 7 janvier dernier, annonces qui concernaient également les crédits de la culture et du spectacle vivant pour 2015 et 2016. La conférence devrait aboutir à la constitution d’un fonds pour l’emploi. Il faut conforter l’intermittence tout en la contenant et trouver un dispositif de sortie par le haut, afin d’éviter un recours excessif à ce statut. La situation du chauffeur employé en CDDU peut sembler, au départ, constituer une facilité pour l’employeur et un avantage pécuniaire pour le salarié mais, à terme, personne n’a à y gagner, ni l’intéressé ni la collectivité.

Avec le double niveau de négociation, tous les intéressés – non seulement les salariés mais également les organisations représentatives des employeurs – auront voix au chapitre. Ce secteur professionnel est mûr et capable de s’organiser. Deux scénarios étaient possibles : soit on imposait la concertation au sein du secteur, soit on prévoyait une forme de délégation de la négociation en ce qui concerne les annexes VIII et X. Le Gouvernement a choisi la seconde solution, à la grande surprise des acteurs qui réclamaient un changement, mais ne s’attendaient pas à un tel dispositif, retenu pour sa solidité juridique comme en atteste l’avis du Conseil d’État qui a achevé de déterminer le Gouvernement. Reste à savoir qui négociera, car la profession n’est pas tout à fait déterminée à ce sujet et cette question, que nous aborderons avec les amendements, est en cours de règlement.

Le comité d’expertise ne doit pas être un nouveau comité Théodule. Il s’agit de responsabiliser la profession en la dotant d’une expertise afin de signifier que l’Unédic n’en a pas le monopole. L’Unédic est compétente dans le domaine interprofessionnel, et les professionnels le sont dans celui des règles particulières. Cela a été un des éléments de la crise que nous avons dénouée en 2014. Depuis dix ans, la CIP et des syndicats émettaient des propositions qui n’avaient jamais fait l’objet d’une expertise ou d’une évaluation. Nous nous sommes attelés à ce travail, avons organisé le débat, trouvé des accords, et les résultats ne se sont pas fait attendre.

Ainsi, madame Langlade, le débat relatif au retour à la date anniversaire a permis de dédramatiser la situation. Nous ne l’avons pas inscrit dans la loi, car on ne peut pas, d’un côté, demander aux acteurs de négocier et, de l’autre, leur donner la réponse à l’avance. L’expertise a montré que, contrairement à ce qui a pu être dit, le coût n’est pas exorbitant. Les annexes du rapport remis au mois de janvier montrent que le comité d’experts a déjà travaillé et établi des projections. Il faut conserver aux professionnels du secteur le droit de bénéficier d’une expertise reconnue par tous. C’est pourquoi je ne souhaite pas que le comité se prononce sur l’ensemble du dispositif par un avis sanctionnant la conformité de l’accord au cadrage. Le nombre de ses membres ne doit d’ailleurs pas être très élevé, mais comprendre quelques statisticiens spécialistes de la question. Il ne s’agit pas d’organiser des colloques, mais d’être immédiatement opérationnel dans l’analyse des chiffres.

Le calendrier optimiste de la révision des listes d’emplois me semble raisonnable. Si les choses n’allaient pas aussi vite que souhaité, je fais confiance au Sénat pour apporter un peu de sagesse. Christian Kert a considéré que le texte ne répondait pas à l’ensemble de la problématique, mais comment pourrait-il en être autrement, puisque seul l’aspect législatif est traité ? Le législateur se borne à améliorer la négociation relative aux règles particulières au sein d’un cadre paritaire réunissant l’Unédic et l’interprofession.

Un amendement relatif à la trajectoire financière est tombé sous le coup de l’article 40 de la Constitution, mais la disposition qui était proposée existe déjà. L’Unédic participe à la discussion et propose des solutions adaptées à l’état des finances. Le débat principal porte sur le régime d’assurance chômage, qui concerne potentiellement 20 millions de personnes, puis viennent les annexes dont le sort est souvent réglé à la fin des négociations, au milieu de la nuit. Celles-ci servent alors de variables d’ajustement, ce qui est d’autant plus facile que les intéressés ne sont jamais vraiment représentés. Ainsi en vient-on à prendre des décisions qui ne sont pas parfaitement éclairées du point de vue technique. C’est pourquoi le texte a prévu une négociation en amont : soit elle aboutit en respectant la trajectoire financière fixée par l’interprofession, auquel cas le texte s’imposera, soit elle échoue, mais les éléments de la discussion demeureront. Encore une fois, l’ensemble du dispositif repose sur la responsabilisation du secteur professionnel.

En réponse à la question de Mme Attard au sujet des « matermittentes », j’indique qu’un décret a d’ores et déjà abaissé de 200 à 150 heures trimestrielles la durée nécessaire et qu’une circulaire a été prise à l’intention des services sociaux. Cela ne règle pas tous les problèmes et nous dialoguons avec l’administration sur ce sujet mal connu. Un consensus existe pour trouver une solution, qui ne relève pas du domaine législatif. Au demeurant, si un signal législatif était nécessaire, nous l’intégrerions dans la loi.

Mme Hobert, comme M. de Mazières, a relayé les inquiétudes de la CIP, dont les revendications sont contradictoires : d’un côté, on veut rester dans l’interprofession et, de l’autre, on réclame un statut. M. Tardy bondirait à ces propos, car, dans son esprit, statut signifie caisse et régime spécial : or la tendance n’est pas à la multiplication des régimes spéciaux. La CIP, avec qui nous avons beaucoup dialogué, sait qu’elle ne sera pas partie à la négociation, puisqu’elle ne constitue pas une organisation représentative au sens de la loi, même si son influence est grande sur la profession. Au demeurant, ses représentants ont participé à l’expertise et apporté les propositions parmi les plus intéressantes grâce à leur parfaite connaissance des dossiers.

Je remercie Mme Marie-George Buffet d’avoir exprimé sa satisfaction en constatant que le Gouvernement tenait ses engagements. J’ai pris connaissance de ses amendements qui portent sur les questions de l’avis et de l’expertise ; nous nous situons bien dans une démarche de simplification du processus.

À Mme Colette Langlade qui m’a interrogé au sujet du retour à la date anniversaire, je répète que l’on ne peut à la fois inciter à la négociation et en imposer les conclusions. J’entends bien que cela rassurerait certains, mais inscrire dans la loi les règles spécifiques tuerait la négociation, alors qu’il ne s’agit que de fixer le cadre de celle-ci et de fournir les moyens de l’expertise.

Pour relativiser les inquiétudes de M. Tardy, je rappelle que le comité d’expert ne constitue pas une commission de plus : il garantit le droit des acteurs d’avoir accès à une expertise. Il s’agit d’un processus de subsidiarité au sein duquel les décisions sont prises par les intéressés ou au plus près d’eux. Mme Martinel a trouvé une excellente formule en réponse aux propos de M. Tardy : on ne crée pas une exception, on consacre une spécificité.

C’est bien l’interprofession qui va établir le document de cadrage à l’occasion des discussions sur le régime général. Elle le fait déjà, mais le document sera désormais communiqué aux autres organismes intéressés. Puisque des acteurs vont être conduits à mener une négociation dans la négociation, ils doivent avoir connaissance des enjeux.

Mme Dominique Nachury s’est montrée assez critique au sujet de l’inégalité de traitement entre le secteur privé et les intermittents. Je rappelle que ces derniers sont des salariés de droit privé. N’alimentons pas les inquiétudes en laissant croire que l’interprofession va se désengager du système ! On se demande plutôt, d’habitude, si c’est bien à elle de le financer, si c’est bien, par exemple, à la caissière du supermarché de financer le festival d’Avignon, auquel elle n’assiste peut-être pas. On ne peut pas formuler les deux critiques en même temps. Le Gouvernement, suivant en cela les propositions de nos rapports successifs, a choisi de rester dans l’interprofession, de la conforter tout en la contenant.

On s’est également demandé qui exerçait le contrôle. Je rappelle que le CDDU, forme particulière de CDD, relève du droit commun : il relève donc des contrôles exercés par l’inspection du travail. Celle-ci a des priorités au niveau national : le secteur du spectacle et de l’intermittence est l’un de ceux qu’elle contrôle le plus souvent. En second lieu, il y a le juge : lorsqu’une décision arbitraire est prise, la partie lésée a, en général, gain de cause devant les prud’hommes ; une ligne de financement est d’ailleurs prévue à cet effet à Radio France. Certes, nous avons affaire ici à un contexte spécifique : alors que, d’habitude, on s’assure que le patron n’exploite pas le salarié, il y a, dans ce secteur, une sorte d’accord tacite pour abuser du CDDU. Le chauffeur dont il a déjà été question plus tôt dans nos débats peut accepter de ne pas être en CDI, mais plutôt en CDDU permanent, car cela lui permet de travailler ailleurs en parallèle. Il fait alors le calcul qu’il y gagne financièrement. Mais, arrivé à quarante-cinq ans, il s’aperçoit qu’il n’a pas cotisé suffisamment pour sa retraite. Je peux témoigner, pour l’avoir constaté lors des nombreuses réunions plénières que nous avons tenues, du fait que la profession, notamment les syndicats d’employeurs, souhaite mettre elle-même de l’ordre dans tout cela. C’est sur cette autorégulation de la profession que nous parions.

C’est ainsi qu’il faut comprendre le quatrième point de l’article. Nous demandons à la profession de travailler sur les listes d’emplois, mais, dans la perspective de la conférence pour l’emploi culturel prévue pour septembre 2015 et dont les discussions préparatoires commenceront dès fin mai-début juin, la question se posera aussi de savoir s’il faut aller plus loin dans l’encadrement du CDDU. Voilà d’ailleurs un problème que vous auriez pu soulever. La mission de concertation a formulé des propositions tendant à ce que la requalification en CDI soit automatique au-delà de 600 ou de 900 heures travaillées ; mais, du fait des effets de seuil, si tout le monde fait 899 heures, cela ne suffira pas à résoudre le problème : il convient donc de se montrer pragmatique. Symétriquement, il faudrait interdire tout CDDU de moins d’une demi-journée. Aujourd’hui, il existe des CDDU d’une heure ! C’est excessif.

Quoi qu’il en soit, plutôt que d’inscrire dès à présent ces dispositions dans le texte, nous avons opté pour une phase de négociation par la profession elle-même, et nous verrons si un accord interbranche se dégage ou s’il est nécessaire de légiférer sur ce point. Pour l’instant, nous nous sommes limités aux listes d’emplois – compte tenu des réserves que j’ai indiquées –, puisque cet aspect faisait consensus. Dans la mesure où la profession bénéficie d’un système spécifique, elle doit apprendre à le réguler collectivement.

Je remercie notre collègue Allossery d’avoir rappelé un autre aspect qui ne figure pas dans la loi et n’a d’ailleurs pas à y figurer : la création au sein de Pôle emploi, à l’intention des intermittents, d’une ligne téléphonique dédiée, d’un médiateur et d’un comité de liaison sur le modèle de ce qui existe dans les régions, Pôle emploi services ayant en quelque sorte vocation à faire office de quatorzième région. Les contacts en seront facilités.

Les rapports avec Pôle emploi sont d’autant plus importants que celui-ci ne traite pas moins de 4 millions de contrats. Ce traitement, par voie numérique, fonctionne bien, mais, au moindre dysfonctionnement, c’est la catastrophe pour la personne concernée : ses heures ne sont plus comptabilisées, elle cesse brutalement d’être indemnisée et comme le processus est entièrement automatisé, elle a beaucoup de mal à trouver un interlocuteur physique à qui expliquer la situation. C’est ce problème – que Pôle emploi a bien compris – que nous cherchons à résoudre.

Madame Arribagé, le recours abusif aux CDDU est bien abordé, de manière implicite, par le quatrième point, comme je viens de l’expliquer.

À Mme Bouillé, M. Féron et Mme Faure, je veux confirmer qu’il est nécessaire de relancer le GUSO, qui avait du mal à se réunir et était quelque peu livré à lui-même. Cela ne dépend toutefois pas du législateur, mais de la profession. Cet aspect relève du volet relatif à Pôle emploi, puisque celui-ci est l’opérateur.

Le comité d’expertise est à mes yeux, je le répète, un groupe de travail. En ce sens, l’important est d’y faire siéger les bonnes personnes : la question de la représentativité ne se pose pas à cet égard. Or, ces personnes, nous les avions trouvées. Je serais donc d’avis de ne pas modifier la composition du comité, d’autant que le dispositif fonctionne déjà très bien.

M. de Mazières m’a questionné sur l’amélioration effective du système. D’abord, la sanctuarisation des annexes est un gage d’apaisement ; je l’ai senti sur le terrain. Ensuite, nous faisons le pari de la reconnaissance d’une branche devenue « mûre » et de sa capacité à négocier en interne et à articuler sa négociation à celle de l’interprofession, loin de remettre celle-ci en cause.

Cette articulation entre les deux niveaux de négociation est cruciale, comme nous le verrons en examinant les amendements. La démarche n’a rien d’étatiste ni de dirigiste ; elle a toute sa place dans un texte sur le dialogue social, car l’enjeu est bien de crédibiliser et renforcer celui-ci au sein d’une profession et d’un secteur économique en plein essor. Le moment est venu de le faire. Tous mes interlocuteurs, que je salue ici, en sont capables, et la concertation que nous avons menée pendant six mois a créé les conditions de la réussite.

Article 20
(art. L. 5424-22 et L. 5424-23 [nouveaux] du code du travail)

Régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle

Le présent article pérennise les annexes à la convention d’assurance chômage relatives au régime particulier des intermittents du spectacle et organise les négociations de cette convention, qui feront désormais intervenir non seulement le niveau interprofessionnel mais également le niveau professionnel.

À cette fin, il insère, au sein de la partie législative du code du travail, dans la cinquième partie consacrée à l’emploi et plus précisément dans la section III – consacrée aux professions de la production cinématographique, de l’audiovisuel ou du spectacle – du chapitre IV relatif aux régimes particuliers d’indemnisation des travailleurs involontairement privés d’emploi, du titre II du livre IV de cette partie, deux nouvelles sous-sections. La première regroupe les actuels articles L. 5424-20 et L. 5424-21, relatifs aux contributions et allocations et qui demeurent inchangés. La seconde, relative aux règles spécifiques en matière de négociation des accords relatifs à l’assurance chômage, comporte deux nouveaux articles L. 5424-22 et L. 5424-23 créés par le présent article.

1.  État actuel du droit

En l’état actuel du droit, la section III du chapitre IV du titre II du livre IV de la cinquième partie de la partie législative du code du travail ne comprend que les deux articles L. 5424-20 et L. 5424-21.

Dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi, l’article L. 5424-20 précise que l’allocation d’assurance chômage des travailleurs relevant des professions de la production cinématographique, de l’audiovisuel ou du spectacle peut, en complément des contributions de droit commun – dues par les employeurs et salariés et assises sur les rémunérations brutes –, être financée par une contribution spécifique à la charge des employeurs et des salariés relevant de ces professions, également assise sur la rémunération brute, dans des conditions fixées par accords conclus entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés.

Dans sa rédaction issue de la loi de 2008 précitée, l’article L. 5424-21 dispose que les chômeurs ayant épuisé leurs droits à l’assurance chômage au titre des dispositions spécifiques relatives aux artistes du spectacle et aux ouvriers et techniciens de l’édition d’enregistrement sonore, de la production cinématographique et audiovisuelle, de la radio, de la diffusion et du spectacle, annexées au règlement général annexé à la convention relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du chômage, peuvent bénéficier d’allocations spécifiques d’indemnisation du chômage au titre de la solidarité nationale, financées par le fonds de solidarité, dès lors qu’ils ne peuvent prétendre au bénéfice de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et satisfont à des conditions d’activité professionnelle antérieure.

2.  Le contenu du présent l’article

Le I du présent article complète la section III précitée par deux nouveaux articles.

Le nouvel article L. 5424-22 du code du travail consacre dans la loi l’existence de règles spécifiques d’indemnisation du chômage des artistes et techniciens intermittents du spectacle (a) et fixe un cadre procédural inédit pour les négociations professionnelles, associant un cadrage défini par les organisations nationales et interprofessionnelles et des règles spécifiques négociées par les organisations des professions concernées (b).

Le nouvel article L. 5424-23 du même code fonde l’existence d’un comité d’expertise ad hoc, chargé de rendre un avis sur les propositions émises en cours de négociation par les différentes parties prenantes et de s’assurer de la conformité d’un éventuel accord professionnel au document de cadrage qui aura au préalable été établi par le niveau interprofessionnel (c).

Enfin, le II du présent article introduit une disposition non codifiée dans le code du travail faisant obligation aux organisations représentatives au niveau professionnel de réexaminer, d’ici au 31 janvier 2016, les listes des emplois pouvant être pourvus par la conclusion de contrats à durée déterminée d’usage (CDDU) (d).

a.  La consécration législative de règles spécifiques d’indemnisation du chômage des artistes et techniciens intermittents du spectacle

Le présent article consacre, au sein du I du nouvel article L. 5424-22 du code du travail, l’existence de « règles spécifiques d’indemnisation [au titre de l’assurance chômage] des artistes et techniciens intermittents du spectacle » et précise que celles-ci sont annexées au règlement général lui-même annexé à la convention d’assurance chômage. Il pérennise ainsi les annexes VIII et X, respectivement relatives au régime des ouvriers et techniciens de l’édition d’enregistrement sonore, de la production cinématographique et audiovisuelle, de la radio, de la diffusion et du spectacle, d’une part, et à celui des artistes du spectacle, d’autre part.

Le présent article justifie cette spécificité par « les modalités particulières d’exercice des professions de la production cinématographique, de l’audiovisuel ou du spectacle ». L’économie des secteurs du spectacle vivant et enregistré est en effet structurée autour de projets, rendant l’emploi plus discontinu et justifiant des règles dérogatoires pour l’assurance chômage des salariés ainsi employés.

b.  La fixation d’un cadre procédural inédit pour les négociations professionnelles, associant un cadrage défini par les organisations nationales et interprofessionnelles et des règles spécifiques négociées par les organisations des professions concernées

Le présent article précise, au sein du II de ce même article L. 5424-22 du code du travail, la procédure de négociations des règles spécifiques d’indemnisation au titre de l’assurance chômage des artistes et techniciens intermittents du spectacle. Celle-ci se déroulera à deux niveaux.

Il reviendra, en premier lieu, au niveau interprofessionnel d’établir, dans le cadre de la négociation des accords globaux, un « document de cadrage » qui sera transmis au niveau professionnel ; ce document devra préciser, d’une part, les objectifs de la négociation par les professionnels concernés, notamment en termes de « trajectoire financière » et de « respect de principes applicables à l’ensemble des bénéficiaires du régime d’assurance chômage », et, d’autre part, le délai dans lequel la négociation devra aboutir.

Le rapporteur pour avis note qu’un travail devra être mené pour déterminer le périmètre et les procédures d’élaboration du document de cadrage qui devra nécessairement être adopté au début de la négociation interprofessionnelle et sera d’autant plus important pour l’interprofession que c’est lui qui servira de base à l’évaluation de la conformité de l’accord conclu, le cas échéant, par les organisations professionnelles du secteur.

Il reviendra, ensuite, aux organisations d’employeurs et de salariés représentatives de l’ensemble des professions mentionnées à l’article L. 5424-20
– il s’agit des « artistes du spectacle et aux ouvriers et techniciens de l’édition d’enregistrement sonore, de la production cinématographique et audiovisuelle, de la radio, de la diffusion et du spectacle » – de négocier entre elles les règles spécifiques d’indemnisation au titre de l’assurance chômage, dans le respect du cadre fixé par l’interprofession.

L’article met ainsi en place une forme inédite de délégation de négociation du niveau interprofessionnel vers les professionnels des secteurs concernés, qui va plus loin que le scénario esquissé dans le rapport de la mission de concertation.

Dès lors, la question de la définition de la représentativité des organisations au niveau professionnel, qu’elle concerne les organisations syndicales ou les organisations d’employeurs, doit être posée. Le rapporteur pour avis constate que les termes « ensemble des professions » excluent la représentativité d’un syndicat catégoriel.

Deux cas de figure sont ensuite distingués pour la suite de la procédure :

– si les organisations professionnelles aboutissent à un accord respectant les orientations définies dans le document de cadrage, les règles spécifiques qu’il contient devront être reprises par l’interprofession dans l’accord général relatif au régime d’assurance chômage ;

– si les organisations professionnelles n’aboutissent pas à un accord dans le délai fixé ou si un accord a été trouvé qui ne respecte pas les orientations définies par l’interprofession, il reviendra au niveau interprofessionnel de fixer les règles d’indemnisation du chômage applicables aux artistes et techniciens intermittents du spectacle.

c.  La création d’un comité d’expertise ad hoc

Le nouvel article L. 5424-23 du code du travail porte création d’un comité d’expertise ad hoc, compétent uniquement sur les « règles spécifiques applicables en matière d’indemnisation des artistes et techniciens intermittents du spectacle ».

S’agissant de sa composition, le I de l’article prévoit les grands principes qui la régissent : ce comité sera composé de services de l’État, de Pôle emploi, de l’Unédic, ainsi que de personnalités qualifiées. La désignation de ces membres incombera à cinq entités :

– l’État,

– les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel,

– les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel,

– les organisations d’employeurs représentatives au niveau des professions concernées,

– et les organisations de salariés représentatives au niveau des professions concernées.

Les règles précises régissant la composition et les modalités de nomination des membres du comité d’expertise sont renvoyées à un décret simple.

S’agissant des missions du comité d’expertise, les II et III de l’article sont plus précis. Le II dispose que le comité émet, à leur demande, un avis sur les propositions faites par les parties pendant la négociation, que ce soit au niveau interprofessionnel ou professionnel ; il pourra ainsi procéder à l’évaluation de l’impact financier ou opérationnel des différentes mesures envisagées. Lui est ainsi confiée une mission d’appui technique aux différentes organisations
– tant au niveau de l’interprofession que des branches concernées – en cours de négociations
. Les modalités de communication aux autres organisations des avis émis à la demande de l’une d’elles seront fixées par décret.

Le III précise ensuite qu’en cas de signature d’un accord au niveau de la profession, le comité rendra un avis sur le respect par cet accord du contenu du document de cadrage préalablement établi par l’interprofession.

Le texte prévoit ainsi, de manière plus ambitieuse que ne le faisait la mission de concertation, deux types de missions pour le comité d’expertise : un rôle d’appui aux négociations, lorsqu’il sera chargé d’expertiser et de chiffrer les différentes propositions qui lui seront soumises, mais également un rôle de contrôle de la conformité de l’accord final qui serait, le cas échéant, conclu au niveau professionnel, au document de cadrage qui aura été établi en amont par l’interprofession.

Le rapporteur pour avis considère que le comité d’expertise doit être avant tout un groupe d’appui pour le secteur professionnel, lui permettant de se doter d’une expertise qui ne se réduise pas à celle du service statistique de l’Unédic.

Il note que l’avis que devra rendre le comité d’expertise sur la conformité, tant juridique que financière, de l’accord au document de cadrage ne lie pas le niveau interprofessionnel : il s’agit d’un avis simple ; il pourrait toutefois s’avérer très délicat en pratique pour les organisations interprofessionnelles de ne pas reprendre les termes d’un accord que ce comité aurait jugé conforme au document de cadrage.

Dans les faits sinon en droit, son avis liera donc très vraisemblablement l’interprofession, ce qui revient à donner une prérogative très importante au comité d’expertise, comme l’ont pointé de nombreuses personnes entendues en auditions par le rapporteur pour avis.

S’agissant des moyens à disposition du comité d’expertise, le IV de l’article fait obligation à Pôle emploi et à l’Unédic de lui fournir « les informations nécessaires à l’exercice de ses missions ». Cette disposition, qui pourrait apparaître redondante avec la présence de Pôle emploi et de l’Unédic au sein du comité d’expertise, vise à s’assurer que le comité d’expertise disposera bien de tous les documents dont il a besoin pour évaluer l’impact des différentes propositions qui lui seront soumises en cours de négociations et à l’issue de celles-ci.

d.  La redéfinition par voie de négociation avant le 31 janvier 2016 d’une liste actualisée des métiers ouvrant droit au bénéfice des règles d’assurance chômage propres aux intermittents du spectacle

Enfin, le II du présent article fixe, dans une disposition non codifiée dans le code du travail, l’obligation aux organisations représentatives d’employeurs et de salariés des professions concernées de réexaminer d’ici le 31 janvier 2016 les listes des emplois de ces professions pouvant être pourvus par la conclusion de CDDU, afin de vérifier que ces listes répondent bien aux critères permettant le recours à ces contrats exorbitants du droit commun, fixés au 3° de l’article L. 1242-2 du code du travail. Cet article précise qu’un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans un certain nombre de cas, dont celui défini au 3° de cet article : « 3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ».

Le réexamen des listes vise à éviter les recours abusifs à ces contrats dérogatoires au droit commun, non justifiés par les contraintes d’une organisation de l’activité par projets ; il ne permettra cependant pas d’éviter certains écueils, tels les fréquents détournements de dénominations d’emplois afin de permettre malgré tout un recrutement en CDDU. L’activité de « régisseur » recouvre ainsi des réalités bien différentes et permet de recourir sans doute trop largement aux CDDU.

Les modalités pratiques du réexamen des listes ne sont pas précisées dans la loi ; sans doute celui-ci devra-t-il être effectué secteur par secteur, car une même fonction ne recouvre pas les mêmes réalités dans les neuf branches du spectacle vivant et enregistré.

Certains acteurs du secteur ont pu faire part de leur scepticisme à l’égard d’une disposition dont ils ne voudraient pas qu’elle soit, à tort, interprétée comme une autorisation de recruter en CDDU tous les personnels occupant un emploi figurant sur ces listes, alors qu’un tel recrutement doit en premier lieu répondre aux critères du CDD et que les employeurs doivent être incités à recruter en priorité en CDI.

3.  La position de la Commission

La Commission a adopté huit amendements, dont sept sur l’initiative du rapporteur pour avis et un défendu par Mme Isabelle Attard au nom du groupe Écologistes.

Ces amendements ont visé, en premier lieu, à préciser la rédaction de certains points de la procédure de négociation en deux temps, qui pouvaient prêter à confusion. La rédaction de l’alinéa relatif à la reprise par le niveau interprofessionnel d’un accord conclu par le niveau professionnel respectant le document de cadrage et les principes généraux a notamment été allégée, sans que la portée de la disposition ne soit modifiée sur le fond.

En second lieu, la Commission a suivi la position du rapporteur pour avis qui souhaitait repositionner le groupe d’expertise, afin de lui donner pour mission principale un rôle d’appui aux négociations menées par le niveau professionnel. Ella a adopté deux amendements supprimant la faculté pour l’interprofession de désigner certaines des personnalités qualifiées qui le composeront, de même que la mention expresse de sa faculté de le consulter directement : le texte crée avant tout un droit pour le niveau professionnel d’obtenir l’expertise technique dont il a besoin pour négocier, étant précisé que le niveau interprofessionnel, présent tant au sein de l’Unédic que de Pôle Emploi, dispose déjà d’un accès à une telle expertise.

La Commission a également adopté deux amendements du rapporteur pour avis substituant à la notion d’« avis » que serait susceptible de rendre le comité d’expertise – notion qui comprend une dimension de jugement et de sanction – celle, plus souple et plus conforme au rôle d’appui technique qui doit être donné au comité, d’« évaluation » : il reviendra au comité d’évaluer le coût des différents propositions qui seront faites en cours de négociation, de même que celui de l’accord final qui sera, le cas échéant, conclu par les partenaires sociaux au niveau de la profession.

Enfin, sur l’initiative de Mme Isabelle Attard, la Commission a adopté un amendement prévoyant qu’avant la date du 31 janvier 2016 – date déjà retenue par le projet de loi pour ce qui est de la révision des listes d’emplois –, les partenaires sociaux au niveau professionnel devront examiner l’évolution de la prise en compte des périodes de maladie et de maternité des intermittents. Le rapporteur pour avis a estimé que, dans l’attente d’éléments supplémentaires que le Gouvernement pourrait apporter en séance publique sur les négociations en cours sur ce point, il était important que la Commission marque son intérêt particulier pour cette épineuse et récurrente question en adoptant l’amendement.

*

La Commission est saisie de l’amendement AC6 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Afin d’améliorer le dialogue social, cet amendement prévoit une consultation similaire à celle qui a été instaurée par la loi du 5 mars 2014 entre organisations professionnelles d’employeurs au niveau national et interprofessionnel et organisations d’employeurs au niveau national et multiprofessionnel.

M. le rapporteur pour avis. Vous proposez d’ajouter à la procédure de négociation, qui comporte déjà beaucoup d’étapes, un dialogue entre l’interprofession et la profession, plus précisément entre les syndicats employeurs de l’interprofession et les syndicats employeurs de la profession.

Dans le silence de la loi, rien ne l’empêche ; j’invite d’ailleurs ces partenaires – principalement la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma (FESAC) et le MEDEF – à procéder ainsi, et je sais qu’ils sont en train de le faire. Quant au fond, donc, je suis favorable à de tels rapprochements.

Toutefois, cela n’aurait pas de sens d’inscrire l’obligation de ce dialogue dans la loi. La démarche de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle n’était pas la même : il n’est pas question ici d’une consultation préalable obligatoire, mais d’une délégation de négociation. L’amendement n’aurait pas non plus de sens pour les organisations de salariés. Au total, il risquerait même de compliquer les choses.

J’ai fait valoir les mêmes arguments auprès des organisations d’employeurs demandeuses. Je vous invite donc à retirer cet amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement AC7 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Actuellement, les organisations représentatives ne sont définies nulle part, alors que les interlocuteurs qui conduiront les négociations doivent être clairement identifiés pour que les accords soient reconnus par tous. Il convient donc de définir ces organisations par arrêté. C’est ce que propose cet amendement.

M. le rapporteur pour avis. Comme toujours lorsqu’une négociation est organisée, la délicate question de la représentativité se pose. Puisque notre but est de constituer formellement ce secteur professionnel, il faudra en effet désigner précisément, et « graver dans le marbre » d’un arrêté, les organisations qui ont toute légitimité pour siéger à la table des négociations.

Mon premier mouvement était donc de déposer un amendement identique au vôtre. Je me suis toutefois heurté à une difficulté technique. Dans les autres secteurs, pour mesurer la représentativité, on organise des élections dont les résultats sont consolidés en partant des différentes entreprises, après quoi un arrêté valide cette évaluation. Mais, dans celui qui nous intéresse, la mesure de la représentativité n’est pas faite. D’abord, il n’existe pas de critères de représentativité dans certaines branches de l’audiovisuel. Ensuite, la culture compte un très grand nombre de secteurs dont certains très syndicalisés, où l’on vote beaucoup, et d’autres où ce n’est pas du tout le cas. En additionnant les voix, on créerait d’importantes distorsions en faveur des premiers ; en additionnant des pourcentages, on se heurterait à d’autres difficultés : cette solution n’est guère praticable du point de vue arithmétique.

Si nous inscrivons dans la loi le principe d’un arrêté de mesure de la représentativité, nous ne pourrons pas en disposer avant 2017, ce qui bloquera la négociation. Certes, l’exécutif pourrait prendre ses responsabilités et, à la lumière de ce que l’on sait du secteur, proposer une évaluation, fût-elle moins rigoureuse. Mais les organisations qui ne figureraient pas dans l’arrêté risqueraient alors de former un contentieux dans lequel elles auraient des chances d’obtenir gain de cause.

Avis défavorable, donc, à cet amendement.

Mme Isabelle Attard. Je maintiens l’amendement, car le signal est important pour les différentes parties prenantes du dialogue. Je comprends parfaitement vos raisons, mais il me paraîtrait quelque peu regrettable d’arguer que l’exécutif ne serait pas à la hauteur, ou que nous n’aurions pas pris nos responsabilités.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement AC11 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Je rectifie cet amendement de précision à l’alinéa 8 de l’article pour rétablir les mots « respect de principes », qui figuraient dans le texte initial, à la place des mots « rappel des principes ». Les autres modifications apportées par l’amendement restent inchangées.

La Commission adopte l’amendement AC11 ainsi rectifié.

Puis elle aborde l’amendement AC12 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement simplifie la rédaction du texte. Soit l’accord respecte le document de cadrage, auquel cas il doit être repris par l’interprofession ; soit il ne le respecte pas, ou bien aucun accord n’est trouvé, et dans ces deux situations il n’y a pas d’accord et il revient à l’interprofession de négocier. Il s’agit, là encore, de se prémunir contre tout risque de contentieux.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement AC13 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de modifier le fonctionnement du comité d’expertise, qui s’apparente quelque peu à une usine à gaz. Le texte consacre cinq lignes à expliquer qui va participer à la désignation des personnalités qualifiées. Je propose d’exclure de cette liste les organisations interprofessionnelles, car c’est au secteur professionnel que le comité d’expertise doit servir d’appui. L’interprofession a déjà l’Unédic. Elle n’appréciera pas, mais il s’agit à mes yeux d’un signe important, même s’il ne change pas tout.

Tel est le sens de cet amendement et des suivants : le comité d’expertise n’est pas un comité Théodule chargé de décider je ne sais quoi, c’est bien à l’expertise et à l’appui de la profession qu’il est voué.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC14 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement précise que le décret établissant la composition du comité d’expertise traite également de son fonctionnement – donc aussi de son financement, soit dit en passant.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC15 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement de cohérence supprime la possibilité pour l’interprofession de demander son avis au comité. En effet, l’objet de l’alinéa est de créer un droit à l’expertise pour le secteur professionnel – une question qui a fait l’objet d’un conflit pendant dix ans –, une sorte de droit de tirage, qui est naturel dès lors que le comité d’expertise est, je le répète, un groupe d’appui pour la profession.

La Commission adopte l’amendement.

Elle aborde ensuite l’amendement AC16 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de remplacer la notion d’ « avis » du comité d’expertise par celle d’ « évaluation ». En effet, le comité d’expertise n’a pas à juger du bien-fondé des propositions, mais seulement à en évaluer les conséquences.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC1 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Il s’agit également ici de revoir le rôle du comité d’expertise, qui ne doit pas être un censeur, mais une instance d’évaluation. Mon amendement est toutefois satisfait par l’amendement suivant du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. En effet. Après avoir envisagé de déposer le même amendement que le vôtre, je m’en suis finalement tenu à une rédaction plus simple, qui ne déséquilibre pas le texte. Elle conserve l’idée que le comité évalue in fine le coût de l’éventuel accord – les éléments figurent déjà dans les annexes de notre rapport sur l’intermittence –, mais sans recourir au mécanisme de l’avis, dont on devrait se demander s’il est ou non conforme et qui conduirait à instituer une nouvelle commission d’arbitrage. Tel est le sens de l’amendement AC17 qui va venir en discussion.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte ensuite l’amendement AC17 du rapporteur pour avis.

Puis elle aborde l’amendement AC2 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil des propos du rapporteur sur l’utilisation abusive des CDDU dans des cas où le CDI devrait s’imposer.

M. le rapporteur pour avis. Je comprends les arguments qui sous-tendent cet amendement. Toutefois, un recrutement en CDDU n’est aujourd’hui possible que si, d’une part, certaines conditions, définies par le code du travail, sont réunies et si, d’autre part, l’emploi figure sur la liste de ceux qui permettent la conclusion d’un tel contrat. Dès lors, en l’état actuel du droit, la nature de l’activité est déjà prise en considération, ou, du moins, devrait l’être. Nous pourrons y revenir en commission des Affaires sociales, mais votre amendement n’apporte rien de nouveau à cet égard.

Quant aux excès, je suis conscient de leur existence et j’espère que le réexamen des listes permettra d’y mettre fin. Il importe de faire comprendre qu’il ne suffit pas que l’emploi figure sur la liste. Les syndicats ont appelé mon attention sur ce problème. Nous devons continuer à travailler en ce sens et je suis tout disposé à le faire avec vous.

Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme Marie-George Buffet. Dans l’attente des travaux de la commission des Affaires sociales, je le retire, et je le redéposerai si nécessaire en vue de la séance publique.

L’amendement est retiré.

L’amendement AC3 de Mme Marie-George Buffet est également retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AC10 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Le rapport sur l’intermittence recommande de prendre en considération le problème des périodes de maladie et de maternité des intermittents. L’amendement tend à inscrire cette recommandation dans le projet de loi, pour que les conclusions de notre rapporteur, de Mme Archambault et de M. Combrexelle sur cette question dont nous avons longuement parlé il y a plusieurs mois ne soient pas oubliées.

M. le rapporteur pour avis. Je me suis déjà exprimé sur cette importante question qui a fait l’objet de nombreuses rencontres. Elle est aujourd’hui au cœur d’une négociation que l’on dit sur le point d’aboutir, mais qui dure depuis longtemps. Dans l’attente des éléments supplémentaires que j’espère obtenir du Gouvernement en séance publique, je suis donc d’avis que nous adoptions cet amendement, afin de faire progresser une discussion qui n’a que trop duré, sur une question pourtant très consensuelle.

L’amendement est adopté.

M. Michel Herbillon. Avant que nous ne votions sur l’ensemble du texte, je salue le travail de Jean-Patrick Gille et précise que le groupe UMP s’abstiendra sur le vote.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 20 modifié.

En conséquence, et sous réserve des amendements qu’elle propose, la commission des affaires culturelles et de l’éducation émet un avis favorable à l’adoption de l’article 20 du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi (n° 2739).

ANNEXES

(par ordre chronologique)

Ø Unédic – M. Vincent Destival, directeur général, et Mme Marie Morel, directrice des affaires juridiques

Ø Confédération française démocratique du travail (CFDT)* – Mme Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe, M. Christophe Pauly, membre du bureau fédéral de la Fédération communication, conseil, culture (F3C-CFDT), M. René Fontanarava, secrétaire national de la F3C-CFDT, et M. Philippe Couteux, secrétaire confédéral

Ø Force Ouvrière (FO) – Mme Françoise Chazaud, secrétaire générale de la Fédération des arts, des spectacles de l’audiovisuel et de la presse (FASAP-FO), M. Éric Vial, délégué syndical central à France Télévisions, producteur, et M. Grégory Hen, délégué syndical central à France Télévisions, machiniste intermittent

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF)* – M. Antoine Foucher, directeur général adjoint, et Mme Émeline Touzet, chargée de mission à la direction des affaires publiques

Le rapporteur pour avis a en outre échangé avec des représentants de la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma (FESAC).

* Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

La Commission a procédé, le mercredi 28 janvier 2015, à l’audition de Mme Hortense Archambault, ancienne directrice du festival d’Avignon, M. Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail et M. Jean-Patrick Gille, député, co-auteurs du rapport « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle », remis le 7 janvier 2015 au Premier ministre.

M. le président Patrick Bloche. J’ai le plaisir d’accueillir Mme Hortense Archambault, qui reste pour nous associée au festival d’Avignon dont elle a été pendant plusieurs années la codirectrice, M. Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail, et notre collègue Jean-Patrick Gille, tous trois auteurs du rapport Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle, remis le 7 janvier dernier au Premier ministre.

Je vous épargnerai l’historique du dossier des intermittents du spectacle, que nous sommes nombreux au sein de cette commission à suivre depuis de longues années. Je rappellerai néanmoins que notre commission, avec la commission des affaires sociales, avait souhaité créer dès le début de cette législature une mission d’information commune sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques, mission dont le président était notre collègue Christian Kert et le rapporteur, Jean-Patrick Gille. Publié en avril 2013, son rapport avait donné l’alerte sur la précarité régnant dans ce secteur et sur l’urgente nécessité de structurer et de sécuriser l’emploi artistique dans notre pays. Peut-être eût-il fallu alors s’en saisir de manière plus volontaire…

Après une renégociation de la convention Unédic, une nouvelle fois défavorable aux professionnels du spectacle relevant des annexes VIII et X, une nouvelle crise a en effet éclaté en juin 2014 à l’ouverture de la saison des festivals. C’est la raison pour laquelle vos expertises et expériences mêlées ont été sollicitées par le Premier ministre pour restaurer le dialogue entre les différentes parties prenantes et dégager des solutions pérennes acceptables par tous.

Autant dire que votre rapport était très attendu. Sa publication a été estompée par la tragique actualité que nous savons. Cette réunion de commission sera donc une excellente occasion de revenir sur votre travail, vos réflexions, vos conclusions et vos propositions.

M. Jean-Patrick Gille, député. Je dirai d’abord le plaisir qui a été le nôtre de travailler ensemble : nous nous connaissions peu, mais la complémentarité de nos trois profils nous a permis d’avancer. Je vous propose de resituer le contexte dans lequel ce rapport nous a été demandé et d’exposer la méthode qui a été employée.

Au mois de mars 2014, les négociations sur l’Unédic portent sur deux points principaux : la mise en œuvre des droits rechargeables et les économies à effectuer pour réduire son déficit, qui s’élève à 4 milliards par an. Dans la nuit du 21 au 22 mars, les partenaires sociaux parviennent à un accord qui comprend 200 millions d’économies sur les annexes VIII et X relatives au régime spécifique d’assurance chômage des intermittents du spectacle. Pour y parvenir, trois décisions sont prises.

Premièrement, il est prévu d’augmenter de 2 % les cotisations d’assurance des intermittents, lesquelles sont déjà supérieures à celles du régime général : il en résulte 50 millions d’euros de recettes supplémentaires. Ce n’est pas sur ce point que le débat est le plus fort.

Deuxièmement, est mis en place un plafonnement du cumul entre rémunérations et indemnisations, fixé au niveau du plafond d’indemnisation qui seul existait auparavant, soit 4 300 euros par mois. Cette mesure déjà préconisée dans le rapport parlementaire de 2013 permet une économie d’une trentaine de millions d’euros en année pleine et fait l’objet d’un quasi-consensus.

Troisièmement, le différé d’indemnisation est fortement accentué, pour une économie attendue de 100 millions d’euros. C’est cette décision qui ravive le conflit de 2003. D’une part, elle crée la surprise, car une partie importante de la profession pensait qu’il y aurait un retour à certains éléments du régime antérieur à 2003, notamment la date anniversaire ; d’autre part, beaucoup de professionnels ont le sentiment de n’être jamais écoutés. Le dispositif de négociation de l’assurance chômage lie les confédérations patronales et syndicales, en toute légitimité, mais les employeurs du secteur des métiers du spectacle ne font pas partie des organisations patronales qui siègent à l’Unédic et les salariés, s’ils sont pour partie représentés, ne s’y retrouvent pas forcément.

En découvrant l’accord du 22 mars, les intermittents se retournent contre le Gouvernement, lequel renvoie aux partenaires sociaux : la mécanique du conflit s’enclenche à nouveau.

Au mois de juin, le Premier ministre me confie en urgence une mission de médiation qui aboutit à une mesure d’apaisement concernant le différé : un décret précise que l’État prend en charge son coût jusqu’à la prochaine négociation. Par ailleurs, il décide de mettre en place une mission de concertation et de proposition, qui nous est confiée à tous les trois.

Pour la mener à bien, nous avons choisi de suivre une logique de médiation articulée autour de trois méthodes de travail.

Notre premier objectif a été de mettre tous les acteurs autour de la même table, alors qu’ils ne se parlaient plus qu’à travers des communiqués rageurs en s’accusant mutuellement des pires choses. Pour ce faire, nous avons proposé un lieu neutre : le Conseil économique, social et environnemental. Et jusqu’à la dernière minute, nous avons dû mener des négociations pour que tout le monde accepte d’être réuni à la même table : les organisations gestionnaires de l’assurance chômage, signataires ou non de l’accord, les organisations de la branche représentatives des employeurs et des salariés, la coordination des intermittents et des précaires (CIP). À notre grand soulagement, la première réunion s’est déroulée sans que personne ne quitte la pièce.

Nous avons alors été en mesure de rentrer dans la concertation avec, dès le mois de juillet, quatre thématiques en perspective : la question de la précarité, les abus, que nous avons appelés « logiques d’optimisation », l’architecture du système, la gouvernance. Les participants ont pu apprendre à travailler ensemble autour de ce cadre de travail resté inchangé jusqu’au mois de décembre.

Deuxièmement, nous avons mis en place des groupes de travail plus circonscrits consacrés à des questions récurrentes : l’accès au droit, l’accès à la formation – question qui a fait l’objet d’un accord dès le mois de septembre – et, sujet plus délicat, les rapports avec Pôle emploi, souvent assez tendus. Rappelons que 4 millions de contrats à durée déterminée d’usage (CDDU) sont signés chaque année : le système fonctionne plutôt bien, notamment grâce à la numérisation, mais la moindre difficulté – contrat perdu, contrat non reconnu – peut faire basculer le salarié dans une situation kafkaïenne, car, en l’absence de validation des 507 heures, il est privé de l’indemnisation au titre du régime spécifique des intermittents et n’a pas forcément de correspondant vers lequel se tourner.

Troisièmement, nous avons voulu mettre en place une expertise commune. Avec Christian Kert, nous avions déjà avancé grâce à notre rapport sur un diagnostic partagé des chiffres et de la situation, condition d’un meilleur dialogue. Notre mission a dû faire œuvre de diplomatie pour faire accepter que cette expertise prenne appui sur les chiffres fournis par l’Unédic. Une fois ce point acquis, nous avons, avec elle, fait appel à d’autres experts reconnus par toutes les parties : ils ont progressivement élaboré une méthodologie qui a permis d’établir des données chiffrées brutes sur lesquelles tout le monde s’est accordé, même si leur interprétation et l’évaluation des effets de comportement donnent lieu à des divergences. Tous les acteurs ont appris à travailler en employant le même vocabulaire et en prenant pour base les mêmes chiffres, ce qui a été source d’avancées.

Nous n’avons pas voulu élaborer de préconisations, préférant esquisser des scénarios possibles, exposés dans notre rapport, qui est relativement court. Je vous invite toutefois à examiner, au sein des volumineuses annexes, les simulations des différentes propositions que les partenaires ont fournies selon leurs souhaits. Il s’agit d’un point important car depuis 2003, la colère du monde intermittent s’est nourrie en partie du sentiment que ses propositions n’étaient pas prises en compte. Les résultats auront de quoi vous surprendre car, comme souvent dans les conflits, ce sont ceux qui ont le plus combattu le système qui le connaissent le plus finement.

Mme Hortense Archambault, ancienne directrice du festival d’Avignon. Notre mission a eu ceci d’atypique qu’elle a réuni trois profils différents mais complémentaires et cette confrontation de points de vue a été passionnante. Un des enjeux fondamentaux du conflit est l’incompréhension très forte entre le secteur professionnel du spectacle vivant ou enregistré et une certaine partie de l’opinion publique, focalisée sur la question des abus.

J’ai été très surprise, en commençant cette mission, par la situation paradoxale du secteur de la culture : d’un côté, il est souvent mis en avant pour son dynamisme économique et sa capacité à créer des richesses – je ne parle pas de l’importance de son apport en termes de richesse non évaluable, de l’ordre de l’émancipation personnelle et du vivre-ensemble ; d’un autre côté, il n’est pas reconnu comme mature et responsable s’agissant d’une question qui est au cœur même de son organisation puisque l’intermittence est consubstantielle au fait que le spectacle se structure autour de projets. Chaque production culturelle rassemble en effet autour d’un artiste concepteur – que cela soit pour un film, un spectacle, une chorégraphie ou un festival – une équipe spécifique composée de salariés recrutés par le biais de contrats à durée déterminée d’usage, les CDDU.

Une des avancées de notre mission est d’avoir pu mettre autour de la table les employeurs, jusque-là muets, ce qui n’avait rien de facile car la production repose sur une myriade de petites sociétés fragiles. Force est de constater toutefois que, depuis 2003, la profession a consenti un énorme effort de restructuration via des conventions collectives. Notre mission a pris le parti d’approcher l’intermittence à travers la question de l’emploi. Nous ne considérons en effet pas la question de l’abus comme centrale – nous ne l’avons toutefois pas éludée et avons même posé le doigt sur certains problèmes récurrents dans le cadre de l’expertise. Notons toutefois que le spectacle est l’un des secteurs les plus surveillés : les opérations de contrôle de l’Inspection du travail, dont c’est l’une des cibles prioritaires, ont montré qu’il ne donnait pas lieu à plus de fraudes et de travail non déclaré que d’autres secteurs.

Il importait pour nous de responsabiliser les acteurs du secteur, tout en reconnaissant les avancées auxquelles ils sont parvenus, telles le recul de la « permittence », souligné par le rapport de la mission parlementaire comme par les rapports de la Cour des comptes.

Aborder l’intermittence à travers la perspective de l’emploi nous a conduits à encourager un travail de mise à plat des conditions d’embauche à travers le CDDU dans chacune des branches du secteur, marquées par des spécificités certaines, même si beaucoup de salariés passent de l’une à l’autre – précisons qu’il n’est pas question pour nous d’exclure certaines d’entre elles des annexes. Cet encouragement est important : c’est une marque de confiance donnée aux branches, qui n’empêche toutefois pas d’adresser au secteur des injonctions pour limiter ce qui serait de l’ordre de la fraude du côté des salariés et des logiques d’optimisation du côté des employeurs. Cela suppose de mettre en place des dispositifs d’encadrement des CDDU et de privilégier l’emploi permanent sur le recours aux CDDU, quand cela est possible, afin de mettre fin à la « permittence ».

Par ailleurs, nous avons eu à cœur, grâce à un travail d’expertise, de mettre au point un seul et même chiffrage à partir des données de l’Unédic en vue d’un partage intellectuel du savoir. Nous avons réuni à cette fin un groupe d’experts composé de responsables des services statistiques de l’Unédic, de Pôle emploi et d’Audiens, de représentants de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail et du département des études de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la culture, ainsi que de deux personnalités indépendantes, Jean-Paul Guillot et Mathieu Grégoire. Je tiens à saluer ici l’engagement de ces experts, qui ont vite saisi l’importance de la dynamique collective.

Leur travail riche et profond a conduit à mettre au point une véritable boîte à outils, comportant trois volets.

Premièrement, elle fournit des données de cadrage général sur l’emploi élaborées par Audiens, qui figurent dans la première partie des quatre cents pages d’annexes. Ces chiffres ont pu être confrontés avec ceux de Pôle emploi et de l’Unédic.

Deuxièmement, elle propose un système de simulation élaboré par l’Unédic, qui est au cœur même de notre problématique. Fondé sur des données réelles individuelles, il a été construit à partir des diverses périodes d’emploi de 10 % de la totalité des salariés intermittents indemnisés. Il a permis d’expertiser les trois contre-propositions formulées par les intermittents réclamant un modèle alternatif – la CIP, la CGT et le syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) du spectacle vivant public –, les variations portant sur le retour ou non au système dit de la date anniversaire.

Attardons-nous sur ce dispositif de la date anniversaire. La première de ses caractéristiques est très concrète : c’est la prévisibilité. Une fois les droits ouverts, le salarié est en mesure de savoir ce sur quoi il peut compter pour vivre dans l’année à venir. La deuxième est sa dimension solidaire qui l’emporte sur la dimension assurantielle, question de fond sur laquelle se focalisera sans doute le débat au sein de la profession. Tous les salariés disposent de la même période de référence alors que le système actuel prévoit 243 jours glissants pour l’indemnisation. Un équilibre s’opère entre les salariés ayant beaucoup travaillé et ceux ayant peu travaillé. Ce système est revendiqué par une partie de la profession qui a construit beaucoup de ses luttes autour de la solidarité. Chose aisément compréhensible compte tenu de la nature de l’organisation du travail dans le secteur du spectacle : l’organisation par projet induit une grande variabilité de l’activité. Une personne engagée dans une pièce qui a beaucoup de succès une année peut fort bien l’année suivante travailler beaucoup moins ; de la même manière, les employeurs peuvent avoir une activité dormante une année et la suivante, recruter beaucoup de personnes.

Ces simulations ont montré que les propositions soutenues par la profession n’étaient en rien fantaisistes. Elles relèvent d’un autre modèle, mais entrent dans les cadrages budgétaires actuels.

Reste un troisième point sur lequel le groupe d’experts n’a pu aboutir : les effets des changements de réglementation sur les comportements. Nous préconisons une poursuite de l’expertise sur ce point. Des pistes ont déjà été tracées pour évaluer l’incidence de tel ou tel aspect de la réglementation. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, le dispositif de la date anniversaire a un moindre impact financier sur les comportements que le calcul de l’indemnité journalière ou le plafonnement du cumul des rémunérations et des indemnisations.

Il nous a paru important de doter le secteur d’un outil lui permettant d’objectiver les données et de mener un débat constructif sur les modalités à retenir. La question du retour au régime antérieur à la réforme de 2003 est très fortement liée à la date anniversaire. Quant à la formule de calcul de l’indemnité journalière, elle fait l’objet d’une forme de consensus. Tout le monde s’accorde pour dire qu’il faut y intégrer un paramètre favorisant la déclaration du travail : plus le volume d’heures déclarées est important, plus le montant des indemnités doit être élevé.

La spécificité des pratiques d’emploi et des logiques de marché du travail – assez angoissantes pour les salariés, inquiets des possibilités de trouver des contrats – et la très grande complexité du système d’indemnisation réclament de consacrer beaucoup de temps à ces questions techniques pour s’éloigner des fantasmes. Bien sûr, il existe des pratiques inadmissibles, mais la plupart des employeurs sont des personnes responsables qui s’efforcent d’assurer de bonnes conditions de travail à leurs salariés.

L’une de nos propositions est de créer un fonds pour l’emploi culturel : les sommes aujourd’hui destinées à prendre en charge le coût du différé pourraient, une fois cette question réglée par une nouvelle négociation, être affectées à un tel fonds, qui contribuerait à réduire le déficit de l’Unédic en essayant de soutenir l’emploi et d’aider un secteur encore en croissance à continuer de se structurer.

M. Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail. En tant qu’ancien directeur général du travail, je peux témoigner que la méthode suivie par notre mission a été innovante. De plus, elle a fonctionné alors que rien n’était gagné d’avance.

Il nous a semblé important de concilier une double approche : intégrer la question de l’assurance chômage dans un schéma plus vaste englobant la dynamique de l’emploi et reconnaître la spécificité de l’intermittence.

Une des particularités de ce secteur est la structuration des acteurs. Outre l’opposition classique entre organisations professionnelles et organisations syndicales, il est caractérisé par des relations délicates entre niveau interprofessionnel et niveau professionnel. Nous avons pu constater, lors de nos réunions, qu’employeurs et salariés des professions concernées, unis dans une alliance objective, contestaient le niveau interprofessionnel.

Il faut donc trouver une méthode en adéquation avec ces particularités en prenant en compte trois niveaux différents.

Le premier niveau mobilise l’ensemble des acteurs – partenaires sociaux au niveau interprofessionnel et au niveau des branches, État, collectivités territoriales – pour essayer de dégager, dans un cadre temporel allant au-delà des deux ou trois années de renégociation de la convention de l’assurance chômage, une vision positive de l’évolution des métiers et des projets économiques. Il s’agit de sortir du psychodrame permanent marqué par la récurrence des crises.

La volonté d’inscrire dans la loi la spécificité de l’intermittence a fait l’objet de polémiques. Pourtant, elle ne partait nullement du principe qu’il fallait sanctuariser le régime dans son état actuel. Comme l’a souligné Jean-Patrick Gille, il règne un climat de suspicion depuis de nombreuses années : certaines organisations professionnelles sont accusées de vouloir supprimer la spécificité de l’intermittence. Il faut admettre que le secteur du spectacle n’est pas régi par les mêmes règles que les autres secteurs, pour la raison simple qu’un acteur ou un technicien doit recourir à des contrats à durée déterminée pour travailler. Cela suppose de poser le principe de sa spécificité dans la loi, à charge pour l’État et les partenaires sociaux de trouver des solutions innovantes.

Deuxième niveau : le niveau interprofessionnel, qui prend part à la négociation de la convention d’assurance chômage. La connaissance des métiers et des questions techniques étant plus développée au niveau professionnel qu’au niveau interprofessionnel, il faut éviter que ce dernier négocie une convention à l’aveugle, tout en lui permettant de jouer pleinement son rôle puisqu’il est responsable de l’équilibre général des comptes. Une solution pourrait consister à ce que le niveau interprofessionnel définisse une enveloppe et des grands principes à partir desquels le niveau professionnel élabore des solutions.

Troisième niveau : le niveau des branches. En tant qu’ancien directeur général du travail, j’ai pu suivre de près l’importante opération de restructuration des branches menée à l’initiative de MM. Gérard Larcher, alors ministre du travail, et Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture. Dans le secteur du spectacle, le processus, quoique compliqué, a été couronné de succès car les partenaires sociaux ont été très proactifs : le nombre de branches est passé de quarante à huit. Toutefois, l’effort qui a été mené pour définir le CDDU doit être poursuivi. L’un des problèmes posés est de savoir comment parvenir, au niveau des branches ou au niveau interbranches, à un accord sur le champ d’application de ces contrats, la gestion prévisionnelle des emplois et les conditions de travail. Au-delà de la négociation de l’assurance chômage, une vraie réflexion sur les métiers doit être menée au niveau des branches.

L’un des mérites du rapport est de proposer une méthode permettant de fixer les grands principes dans un cadre temporel de cinq ans, une négociation de la convention d’assurance chômage au niveau interprofessionnel qui associe le niveau professionnel, et des négociations sur le contrat d’usage et les conditions de travail au niveau des branches.

Après un démarrage très rude, nous avons réussi à faire en sorte que tout le monde se parle, ce qui est très rare dans le domaine des relations du travail classiques. La mission étant achevée, il s’agit désormais de faire vivre ce qui a été initié dans ce cadre par trois personnes aux profils très différents : le niveau interprofessionnel doit accepter de dialoguer avec le niveau professionnel, ce qui semble difficile pour les représentants des salariés comme pour ceux des employeurs. Dans les organisations patronales notamment, les relations entre les niveaux interprofessionnels et professionnels ne sont pas toujours d’une extrême simplicité.

Nous comptons sur la loi et le plan du Premier ministre pour maintenir la dynamique, car il ne faut surtout pas laisser « retomber le soufflé » si nous ne voulons pas nous retrouver dans la même impasse d’ici deux ou trois ans.

M. Jean-Patrick Gille. Avant de laisser la parole aux membres de la commission, je vais apporter quelques précisions de calendrier. Où en sommes-nous ? Le 24 décembre, nous avons achevé nos travaux et, le 7 janvier, nous avons remis notre rapport au Premier ministre qui a repris le scénario que nous avons proposé. Résumons ses grandes lignes directrices : clarification des enjeux, étayée par un travail d’expertise ; responsabilisation des acteurs à chaque niveau. Le 11 février prochain, une ultime restitution aura lieu au CESE en présence du Premier ministre, du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et de la ministre de la culture et de la communication.

Premièrement, il s’agit d’inscrire le principe de l’existence des annexes VIII et X dans le code du travail, de manière à éviter à l’avenir toute possibilité de chantage. Nous avions pensé le faire lors de la transcription législative de l’accord sur la modernisation du dialogue social, qui devait être signé par les partenaires sociaux à l’issue des négociations qui viennent de s’achever. Comme aucun accord n’a été signé, nous ignorons ce qu’il advient du projet de loi sur la modernisation du dialogue social. Peut-être nous faudra-t-il trouver un autre véhicule législatif.

Deuxièmement, il s’agit d’encadrer le recours au CDDU. Nous avons demandé aux partenaires de négocier et de trouver un accord visant à mettre un terme à certaines pratiques, telles que la multiplication des contrats d’une heure, ou la signature entre un employeur et un salarié d’une myriade de contrats qui finissent par représenter plus de 900 heures par an. Je pourrais citer d’autres exemples. Il faut passer à autre chose. La branche et l’interbranche sont-elles assez matures pour réussir ce type de négociation ? Faut-il que ces accords soient encadrés par un travail législatif, quitte à prévoir une souplesse en fonction des secteurs d’activité ?

La nouvelle négociation sur les annexes VIII et X devra s’achever avant le printemps 2016, mais rien n’empêche d’utiliser nos travaux ou de réaliser d’autres simulations pour s’y atteler avant, sachant qu’il y a des leviers majeurs : la date anniversaire, le plafonnement du cumul, et le problème du différé. La moindre modification de ces paramètres peut se traduire par une différence de plusieurs dizaines de millions d’euros. La légitimité de l’Unédic, des partenaires sociaux et des confédérations n’est pas remise en cause, mais leur travail doit se faire en concertation avec les représentants du secteur professionnel. Pour le dire plus crûment : certaines décisions ont été prises rapidement, en l’espace d’une nuit, sans que leur impact ait été vraiment mesuré.

Sans remettre en cause le cadre des négociations, nous insistons sur la méthode employée, notamment en ce qui concerne les annexes VIII et X : les personnes concernées doivent être consultées. Si l’interbranche parvient à un accord, pourquoi les gestionnaires de l’Unédic ne le reprendraient-ils pas, s’il reste dans le cadre des principes et des moyens financiers définis ? Reste à savoir si la loi doit reprendre tout ou partie de ce protocole.

Quoi qu’il en soit, les annexes VIII et X doivent être renégociées le plus rapidement possible : dès que ce sera fait, l’argent que l’État consacre au paiement du différé pourra être versé dans un fonds de soutien à l’emploi culturel et associatif. Ces moyens pourraient être utilisés pour aider les structures qui ont recours à des « permittents » à transformer ces emplois en CDI. À ce sujet, je rappelle que le Premier ministre a annoncé la tenue d’une conférence sur l’emploi artistique.

Venons-en à des questions qui sont techniques, sans être anodines. Avec Pôle emploi, il reste à finaliser un accord de principe qui porte sur plusieurs points : mise en place d’un comité de liaison pour les intermittents ; création d’une ligne téléphonique qui leur soit réservée afin qu’ils puissent s’entretenir directement avec un interlocuteur maîtrisant ce type de dossier ; désignation d’un médiateur dédié.

La gouvernance du guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO) va être reprise en main. Nous nous sommes battus pendant un an pour que soit fixée une date de réunion du comité de pilotage ; celle-ci devrait finalement avoir lieu dans le courant du mois de février. Il reste tout un travail à poursuivre sur l’accès aux droits sociaux, notamment sur la question des « matermittentes » qui doit être réglée une fois pour toutes, même si les solutions administratives tardent à suivre l’accord politique. Il faut aussi réfléchir au système des abattements sociaux et des congés payés.

Dernier point sur lequel vous serez sûrement interpellés : l’entrée en vigueur, au 1er octobre, de la nouvelle convention qui intègre les droits rechargeables dans le régime général. Pour certains intermittents, cette mesure a des effets négatifs qui n’avaient pas été anticipés. Un petit boulot, hors intermittence, peut ouvrir droit à 300 euros par mois d’indemnités, par exemple. C’est une très mauvaise nouvelle pour la personne concernée qui doit épuiser totalement ces droits avant de pouvoir prétendre à un retour au régime de l’intermittence. C’est l’effet pervers d’un système qui peut aussi présenter des intérêts : un intermittent qui retrouve un autre travail est sûr de ne pas perdre d’argent. Les partenaires sociaux, notamment M. Jean-François Pilliard, le vice-président du MEDEF en charge du social, ont convenu du fait qu’il fallait rapidement trouver une solution à ce problème qui concerne environ 30 000 personnes.

Ce programme d’action sera donc discuté, le 11 février, avec toutes les personnes concernées. Quant à vous, vous serez mobilisés au moins sur l’aspect législatif que l’on veut régler rapidement : l’inscription du principe de l’existence des annexes VIII et X dans le code du travail.

M. le président Patrick Bloche. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs des groupes.

Mme Martine Martinel. Madame et messieurs les rapporteurs, le document que vous avez remis au Premier ministre le 7 janvier est très précieux en ce qu’il montre que, grâce à un travail fondé sur une méthode de concertation et d’expertise, vous êtes parvenus dans un délai assez bref à engager une vraie réflexion sur le caractère unique de l’intermittence, en dissipant les fantasmes tout en invitant à mieux encadrer le CDDU. Vous analysez les lacunes du dispositif existant et les marges d’action des pouvoirs publics et des partenaires sociaux. Vous proposez une boîte à outils et un scénario, sans prétendre figer le débat.

La proposition d’inscrire dans la loi la reconnaissance de la légitimité des spécificités de l’intermittence et l’existence des annexes VIII et X du régime d’assurance chômage satisfait les professionnels, d’autant que le Premier ministre l’a mise en avant. L’expertise chiffrée du comité de suivi n’est plus méjugée. Au contraire, le rapport a pris appui sur ces éléments pour démontrer que le retour à la date anniversaire peut être envisagé. Ce rapport ouvre la perspective d’une nouvelle méthode de gouvernance des annexes VIII et X.

Vous n’hésitez pas à faire aussi des recommandations courageuses afin que l’État se prononce rapidement sur la question de l’ouverture des droits à retraite complémentaire des allocataires des fonds de solidarité. Vous donnez des éléments pour enrichir la réflexion sur une meilleure connaissance des congés de maternité et de longue maladie ; vous abordez la question des droits rechargeables.

Un des grands mérites de votre rapport est de rendre à chacun ses tâches et sa responsabilité, ce dont s’est réjoui le syndicat pour les entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) en ces termes : « Chacun est aujourd’hui à sa juste place : l’État dans son rôle d’encadrement légal et de régulateur économique, respectueux du dialogue social ; les organisations interprofessionnelles dans leur gestion indépendante de l’Unédic ; les organisations du secteur enfin reconnues dans leur responsabilité ; les artistes et techniciens intermittents dans la légitimité de leurs spécificités professionnelles. »

Nous pouvons aussi nous réjouir du fait que le Premier ministre se soit, semble-t-il, engagé à suivre vos préconisations, notamment en annonçant l’inscription dans la loi des annexes VIII et X. Il a ainsi manifesté sa volonté de ne pas laisser la profession sans réponse. L’annonce du dégel de la réserve de 8 % sur les crédits à la création et à la transmission des savoirs est également arrivée à point nommé.

M. François de Mazières. Tout d’abord, je tiens à souligner la qualité de votre travail, tout comme de votre présentation à trois voix ce matin.

Depuis des années, le grand enjeu en matière d’intermittence est de sauver le système de solidarité interprofessionnelle. Or, nous constatons que le déficit de l’assurance chômage est en train d’exploser : 3,9 milliards d’euros en 2014 et probablement 4,4 milliards d’euros en 2015. L’accord du 22 mars 2014 avait sans doute été signé un peu rapidement, dans la nuit, comme l’a dit notre collègue Jean-Patrick Gille, mais il n’empêche que le déficit augmente, comme la pression du régime général qui permet de contribuer au financement de l’intermittence.

Amoureux de culture et connaissant l’intérêt de l’intermittence, nous sommes inquiets pour 2016. L’intérêt fondamental du système de l’intermittence réside dans sa souplesse, une caractéristique qui le distingue, par exemple, du système allemand où tous les personnels sont plus ou moins en CDI. Vous suggérez d’augmenter le nombre de CDI, essentiellement toutefois pour des postes administratifs et techniques, ce qui peut se comprendre. La souplesse de l’intermittence serait conservée car elle est fondamentale pour les projets artistiques ; elle évite certaines dérives observées dans les systèmes plus institutionnalisés, comme en Allemagne, où des troupes permanentes ont parfois du mal à subsister à long terme.

Seulement voilà, l’augmentation du nombre de CDI – même dans les seuls domaines administratifs et techniques – implique une participation des collectivités territoriales qui fournissent actuellement l’essentiel des financements. Or les collectivités territoriales sont prises à la gorge : dans ma commune, les baisses de dotations de l’État et les péréquations représentent l’équivalent de huit points d’impôt en 2015. Vous prônez le retour à la date anniversaire car le système actuel, qui a permis de faire des économies, est difficile à vivre pour les intermittents. Vos préconisations rendent l’équation budgétaire encore plus difficile à résoudre, tout en faisant émerger un petit danger, celui de créer des « artistes permanents ».

Tout repose sur le chèque de l’État – le Premier ministre s’est engagé à compenser le différé d’indemnisations pour cette année – mais, malheureusement, les 70 millions d’euros ne sont pas inscrits dans le projet de loi de finances pour 2015. L’interprofession donne vaguement son accord parce que ce chèque existe. On en revient à l’éternel débat sur l’intermittence. Il ressort me semble-t-il, des débats au Sénat sur la mission budgétaire « Travail et emploi », que la somme ne figure pas dans le projet de loi de finances pour 2015, sans compter qu’elle devrait passer à 100 millions d’euros en 2016. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

L’entrée dans la profession va poser une vraie difficulté, nous le savons tous, vous comme moi qui gère un festival depuis des années. Pour entrer dans des métiers où les candidatures abondent, les jeunes acceptent certaines conditions peu favorables. Ce problème fondamental me semble sous-traité, notamment dans votre rapport. Quant au thème des abus, nous le connaissons par cœur. Il y a des abus, notamment dans l’audiovisuel, dont il est peu question dans le rapport. Quoi qu’il en soit, je vous remercie pour le travail que vous avez effectué, mais je reste très inquiet pour 2016.

M. le président Patrick Bloche. Nous allons innover un peu. Temporairement aphone, Isabelle Attard a préféré me désigner comme le porte-parole du groupe écologiste pour quelques minutes, même si le mime est un secteur très dynamique du spectacle vivant ! Je vais donc vous lire son intervention.

« Monsieur le président, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous voici réunis pour échanger sur votre rapport « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle ». Vous l’avez remis au Premier ministre au début du mois, et ce dernier l’a suffisamment apprécié pour faire siennes un certain nombre de vos propositions.

Les réactions ont été nombreuses et pour le moins diverses. J’ai tenté de comprendre qui avait apprécié votre rapport et qui le dénigrait. Les organisations syndicales, hors du secteur des métiers artistiques, semblent plutôt opposées à vos propositions, MEDEF et CFDT en tête. Les organisations syndicales de salariés, telles que la CGT et la Coordination des intermittents du spectacle, sont dubitatives et attendent des mesures concrètes. Le maintien des négociations en 2016 leur paraît trop tardif. Il n’y a finalement que le Syndeac, principal syndicat d’employeurs du spectacle vivant subventionné, qui ait salué votre travail.

Faisons ensemble le tour des mesures que vous proposez.

Le retour à la date anniversaire et l’allongement de la période de référence à douze mois semblent assez logiques. Les durées actuelles de dix mois et dix mois et demi paraissent injustes, notamment pour des activités souvent saisonnières.

La révision du niveau d’indemnisation en fonction des revenus, pour épargner les catégories les plus fragiles en mettant les plus favorisés à contribution renforce la logique de répartition des richesses. C’est à nos yeux un autre point positif.

Vous proposez la réintroduction des règles de coordination entre les régimes, ainsi que l’élargissement du spectre d’activités prises en compte pour l’ouverture des droits. Nous soutenons entièrement cette mesure. Il est incohérent pour le Gouvernement de développer l’éducation artistique et culturelle tout en pénalisant les artistes qui exercent dans ce champ.

Vous avez insisté sur l’importance de mieux protéger les femmes enceintes qui se retrouvent parfois non indemnisées, et nous souhaitons tout comme vous l’abaissement du seuil des 200 heures annoncé par le Président de la République.

Cet extrait choisi de vos recommandations nous convient. Nous relevons cependant que les principales inquiétudes des organisations d’intermittents portent sur les suites qui seront données à votre rapport. Le Premier ministre a déjà fait plusieurs annonces, mais les modalités sont très variables. Certaines portent sur un engagement financier de l’État, d’autres sont des incitations aux partenaires sociaux pour les prochaines négociations, d’autres enfin semblent être de nature plus législatives ou réglementaires.

Pour ces dernières, quel pourrait être le véhicule législatif adéquat ? La prochaine loi sur la création semble un cadre logique. Avez-vous eu des contacts avec Mme la ministre ? Si ces mesures ne sont pas présentes dans le texte initial, comptez-vous les y faire inscrire, monsieur Gille ?

En conclusion, nous vous remercions pour le travail accompli, et nous comptons sur vous pour faire aboutir vos propositions, afin que la légitime méfiance des représentants des intermittents s’avère finalement infondée. »

Mon rôle de doublage pour le groupe écologiste s’achève ici !

Mme Gilda Hobert. Madame Archambault, monsieur Combrexelle, cher collègue Jean-Patrick Gille, je vous dirais un mot : merci.

Ce rapport représente un travail important et son intitulé constitue à lui seul une bouffée d’espoir : « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle ». Je veux ici m’associer à vos remerciements envers toutes celles et ceux qui y ont contribué : salariés, employeurs, journalistes, instances gestionnaires, services de l’État et experts, sans oublier les collaborateurs de Jean-Patrick Gille, dont on imagine la forte implication. Le groupe RRDP salue cette démarche conduite dans la concertation.

La famille des intermittents comprend des techniciens et des artistes du spectacle vivant et enregistré, ces derniers étant les plus touchés par la précarité car davantage exposés aux contrats de courte ou de très courte durée. Ils sont, de fait, particulièrement « intermittents ».

Combien ont été décriées ces fameuses annexes VIII et X de la convention du 14 mai 2014, après la signature des accords avec certains partenaires syndicaux ! Ne revenons pas sur les conséquences – parfois dramatiques sur un plan financier – du conflit autour de grands événements l’été dernier. Ne revenons pas sur les interrogations de quelques acrimonieux que nous avons entendu dire : « après tout ils n’ont qu’à faire autre chose, s’ils ne sont pas contents ». Consternant !

Dans nos circonscriptions, certains intermittents ont pris la parole pour expliquer sereinement leur situation au début de spectacles qui reprenaient ensuite leur cours normal. Disons-le, la voix des intermittents contestataires valait d’être entendue pour renouer le dialogue social. Il était urgent d’envisager un nouveau cadre social plus sécurisant et viable. Ce rapport montre d’ailleurs que, dans leur majorité, les interlocuteurs pensent que les revendications ne remettent pas en cause cette singularité du système français incluant le CDDU. Ils espèrent un cadre sécurisé et juste et demandent l’adaptation du système de l’assurance chômage spécifique aux métiers du spectacle et intégré au régime interprofessionnel d’assurance chômage.

Pour autant, il faut éviter que certains employeurs peu scrupuleux ne recourent trop facilement au CDDU, et ne commettent ces abus qui nuisent à l’image de ce secteur d’activité. Nous plaidons pour un meilleur encadrement du CDDU spectacle par l’élaboration d’une liste des métiers éligibles et la fixation de durées maximum, mais surtout minimum, du temps de travail.

Améliorer la protection sociale dans les métiers du spectacle, c’est aussi l’adapter à la maternité, la maladie et la formation. Dans ces professions comme dans les autres, les femmes ont des enfants et elles doivent pouvoir bénéficier des arrêts de travail et des congés afférents. Les artistes et les techniciens ont le droit d’être malades. Favoriser et sécuriser la formation des intermittents du spectacle revient à participer à une consolidation de leurs acquis et à un élargissement du champ de leur compétence qui pourra, le cas échéant, leur permettre de changer de cap.

Ainsi que vous le soulignez, la culture a son importance dans notre économie. Ne représente-t-elle pas 3,2 % du PIB ? Évidemment, la modification des règles des annexes VIII et X ne saurait s’imaginer sans une concertation avec toutes les parties, notamment l’Unédic, Pôle emploi et les ministères concernés. Enfin, nous ne pouvons qu’approuver l’idée de créer un fonds de soutien à l’emploi, que défend ce rapport.

Soyons exigeants pour garantir la meilleure protection sociale à tous, notamment aux acteurs de notre culture, ces contributeurs passionnés à la créativité nationale, partagée, engagée, florissante.

Ce rapport est une première étape nécessaire à l’établissement d’un état des lieux. Vous avez en partie répondu à la question que je souhaitais poser sur la mise en œuvre des droits rechargeables et la création d’un consensus entre les branches interprofessionnelles. Pouvons-nous compter sur une réelle évolution et un soutien avéré des ministères concernés ?

Mme Marie-George Buffet. Merci madame et messieurs les rapporteurs. Se donner comme objectif de « bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle », c’est reconnaître la spécificité de ces métiers et de la condition d’employeur dans le spectacle. Ces activités sont fragiles, car dépendantes de l’accueil que leur réserve le public : une pièce de théâtre peut rester deux ans à l’affiche, tandis qu’une autre disparaîtra au bout de deux ou trois mois. Elles sont fragiles, car dépendantes de financeurs : après les élections municipales, certaines troupes ont brutalement perdu les subventions jusque-là accordées par des collectivités territoriales et se sont retrouvées « à la rue ».

Vous avez reconnu cette spécificité, tout en dépassant les fantasmes : il y a des abus, comme dans tous les domaines, ce qui n’empêche pas de reconnaître l’aspect singulier de ces métiers. Vous avez aussi rappelé les enjeux de vos travaux et l’importance – difficilement quantifiable – de la culture : elle est source d’épanouissement individuel ; elle participe au « vivre ensemble », au rayonnement de notre pays, à la connaissance et à la démocratie ; elle contribue aussi au développement économique, comme en témoignait un rapport que nous avons étudié en commission.

Quand les salariés ont dénoncé l’accord de mars 2014, le Gouvernement a voulu répondre sur l’allongement du différé. Vous prenez en compte certains problèmes : le retour à la date anniversaire, l’allongement de la période de référence à douze mois, la « matermittence », le plafonnement. Sur tous ces aspects, les personnes concernées sont plutôt satisfaites des travaux que vous avez animés.

Quelles suites y seront-elles données ? Vous appelez à légiférer, ce que j’approuve, car il y va de la pérennité des annexes VIII et X qui consacrent la spécificité de ces métiers. Cela étant, comment légiférer tout en laissant aux acteurs de la négociation interprofessionnelle la responsabilité de prendre des décisions sur le cadre financier de ces annexes ? Certaines organisations, comme la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma (FESAC), émettent déjà des réserves, arguant que l’on ne peut pas augmenter le coût du travail. Comment maintenir la dynamique et la pression pour que le Gouvernement et les partenaires sociaux avancent dans le cadre de vos préconisations ? Enfin, comment ne pas évoquer la baisse des moyens octroyés par l’État et les collectivités territoriales et ses conséquences sur l’intermittence ?

M. le président Patrick Bloche. Nous en venons aux questions des membres de la commission.

Mme Marie-Odile Bouillé. Madame, messieurs, cette mission – qui vous a été confiée par le Premier ministre dans une période difficile de conflit avec l’ensemble des professions du spectacle vivant et de l’audiovisuel – n’augurait pas de résultats évidents. Pour autant, vous l’avez menée à bien et, qui plus est, vous faites des propositions claires, lisibles et qui peuvent satisfaire une majorité.

Tout d’abord, je tiens à saluer la méthode de travail et de concertation que vous venez de nous exposer. En effet, elle a probablement permis une écoute directe et un débat avec l’ensemble des intéressés. Dans quelle mesure cette méthode pourrait-elle être pérennisée ?

Vous proposez d’inscrire l’existence des annexes VIII et X et leur nouvelle gouvernance dans la loi, et de créer un fonds de dotation pour le développement de l’emploi. Mais, convenons-en, nous sommes confrontés à des contradictions : d’un côté, de nombreuses collectivités territoriales restreignent leurs budgets et partenariats culturels dès l’exercice 2015 ; de l’autre, les récents événements nous font redécouvrir l’importance de l’éducation et de la culture dès le plus jeune âge.

C’est pourquoi, pour permettre le développement de l’emploi culturel et la reconnaissance de la culture, les conclusions et les préconisations de votre rapport doivent être inscrites dans un calendrier que le Premier ministre a d’ores et déjà évoqué : levée immédiate de la réserve de précaution de 8 % sur les programmes « création » et « transmission des savoirs » pour 2015 ; augmentation du budget de la culture pour 2016.

Pouvez-vous nous apporter quelques précisions complémentaires en termes de calendrier pour la réalisation de vos préconisations ?

M. Christian Kert. J’appelle votre attention sur le fait que nous avons assisté ensemble à la naissance d’un expert, en la personne de Jean-Patrick Gille : les temps ont changé depuis son arrivée dans la mission, quand il prévenait tout le monde qu’il ne connaissait rien aux questions d’intermittence…

Notre collègue François Mazières a eu raison d’insister sur nos inquiétudes – et celles de certains intermittents qui nous alertent – face à la baisse des crédits des collectivités territoriales. Cet état de fait va dominer nos réflexions à venir.

Êtes-vous sûrs que le fait d’inscrire dans la loi le principe du statut des intermittents va réellement aider à résoudre certains problèmes techniques ? Le Premier ministre ayant évoqué la possibilité de légiférer au premier semestre 2015, avez-vous une idée du véhicule législatif qui doit être utilisé ?

Vous prônez une réforme de structure et, sur ce point, nous vous suivons de manière unanime. Dans cette perspective, vous vous en remettez à la responsabilité des partenaires sociaux, en proposant une nouvelle méthode de négociation et de travail. Une fois encore, nous ne pouvons qu’abonder dans votre sens. Avez-vous une idée du calendrier des partenaires sociaux et de la manière dont les négociations qui ont été annoncées par le Premier ministre vont être lancées ?

Mme Valérie Corre. Madame, messieurs, je vous remercie vraiment pour votre travail constructif et consensuel, commencé dans un contexte de tensions dans le secteur. Vous vouliez inciter au dialogue et aux échanges, et vous avez défini vos travaux comme « une étape nécessaire pour créer les bases d’un dialogue social plus apaisé et fructueux. » Vous êtes ainsi allés dans le sens recherché par le Président de la République : privilégier la négociation professionnelle à l’encadrement législatif.

Vous avez réalisé la prouesse d’obtenir qu’un outil de simulation de modification des règles des annexes VIII et X soit reconnu comme fiable par toutes les parties, ce qui simplifiera grandement les futures négociations sur l’assurance chômage.

Le Premier ministre a repris quelques-unes de vos propositions : consacrer dans la loi l’existence d’un système d’indemnisation du chômage adapté aux métiers du spectacle ; instaurer une nouvelle méthode de dialogue social qui associe les partenaires sociaux représentatifs du spectacle et de l’audiovisuel à la négociation du régime d’indemnisation, sans pour autant déposséder les partenaires sociaux qui négocient la convention chômage, même si l’articulation entre les deux niveaux reste à définir.

Vous confirmez aussi l’existence des deux annexes VIII et X parce que la situation de l’emploi n’est pas la même pour les artistes et les techniciens. Vous proposez d’ailleurs une réflexion sur les contours de ces catégories, certains métiers techniques étant étroitement liés à la création artistique. Dans le cadre des négociations menées par les partenaires sociaux avec consultation des représentants des intermittents, souhaitez-vous réorienter certains métiers techniques vers le régime d’assurance chômage général ? Estimez-vous cela possible ?

En résumé, je me réjouis de ces avancées qui, au-delà de la pérennisation du statut, reconnaissent l’importance de la culture et de ses salariés. Nous avons, maintenant plus que jamais, besoin de culture dans notre pays.

Mme Dominique Nachury. Madame, Messieurs, merci pour ce rapport, le travail qui le sous-tend et la présentation que vous venez de nous en faire. Je voudrais particulièrement saluer votre expertise des connaissances et des chiffres.

Vous avez abordé le sujet sous l’angle de l’emploi. Or, comme en attestent les 5,8 millions de chômeurs que compte notre pays, les salariés du secteur privé ne sont pas plus à l’abri d’un risque de perte d’emploi que ceux qui travaillent dans le domaine spécifique de la culture. En 2013, M. Michel Sapin, alors ministre du travail et de l’emploi, citait déjà, à côté des intermittents du spectacle, les salariés en CDD ou en mission d’intérim.

Vous avez constaté que la responsabilisation des acteurs a permis de faire baisser la « permittence ». Qu’en est-il du secteur de l’événementiel qui utilise de nombreux intermittents ? Comment sera alimenté le fonds de soutien culturel visant à compenser le manque à gagner dû au nouveau calcul du différé d’indemnisation entre la période travaillée et le chômage, financé par l’État ? Le système des intermittents français est, me semble-t-il, unique en Europe. Pouvons-nous le comparer avec les systèmes en vigueur chez nos voisins européens ?

M. Hervé Féron. Tout d’abord, je tiens à féliciter nos trois rapporteurs pour la qualité du travail fourni dans le cadre de cette mission, qui était loin d’être aisée.

Le jour de la remise du rapport, le Premier ministre a annoncé sa volonté de sanctuariser le principe d’un régime spécifique dédié aux intermittents. Cette disposition doit être présentée au Parlement au cours du premier semestre de 2015. Pouvez-vous nous fournir davantage de précisions sur la nature du véhicule législatif envisagé et sur le calendrier d’examen ?

Pour mener à bien votre mission, vous avez employé une méthode atypique consistant à mettre tous les acteurs concernés autour de la table. Vous êtes ainsi parvenu à renouer le dialogue après plusieurs années de conflit, en permettant aux intermittents les plus précaires, qui ne se reconnaissaient pas forcément dans les organisations syndicales, de s’exprimer via des collectifs comme la Coordination des intermittents et précaires (CIP).

Or, le Premier ministre a récemment déclaré que seuls des partenaires sociaux du spectacle et de l’audiovisuel seraient associés aux négociations de la convention de l’Unédic, prévues en mars 2016. La Coordination n’a pas été conviée, au motif qu’elle n’était pas juridiquement un partenaire social. Vous dites vous-mêmes que les associations devraient avoir leur mot à dire lors de ces négociations. Leur exclusion ne risque-t-elle pas de fragiliser le débat ? Votre mission a d’ailleurs démontré que la Coordination est un partenaire social dans les faits, même si elle n’en est pas un sur le plan juridique.

On parle beaucoup des abus commis dans le milieu de l’intermittence, notamment par des sociétés de production ou de l’audiovisuel. Mais il semble que, chez Pôle emploi, on ait de plus en plus tendance à requalifier certaines prestations des intermittents du spectacle pour les intégrer au régime général, au risque de stigmatiser ceux qui sont mis en cause et de pénaliser des travailleurs précaires, sous prétexte que des sociétés de production abusent du système. Confirmez-vous cette tendance ?

Dans votre rapport, vous évoquez des formes de contrat offrant une plus grande stabilité aux salariés. Le « CDI intermittent » vise à assurer au salarié une relation du travail pérenne en contrepartie de la fluctuation de périodes travaillées, à condition qu’un accord collectif le prévoie expressément. Or, les emplois pouvant relever du CDI intermittent sont très limités. Pensez-vous qu’il soit envisageable d’étendre le champ de ce contrat à d’autres professions ? Avez-vous des préconisations en la matière ?

Mme Claudine Schmid. Madame et messieurs les rapporteurs, je vous remercie pour votre travail. Je reconnais aussi tout le travail créatif des intermittents dont le statut ne doit pas se réduire à l’assurance chômage, même s’il s’agit là d’une question récurrente et d’une grande importance.

Cependant, je regrette que le rapport ne fasse pas mention des raisons qui conduisent au déficit chronique du régime spécifique. Je m’interroge sur le régime des intermittents qui ressemble étrangement à une subvention déguisée au monde du spectacle puisque la charge est assumée par les seuls salariés du privé. Vous avez parlé de solidarité à l’intérieur de la profession, madame Archambault. Quelle solidarité proposez-vous avec les salariés du privé ? C’est une vraie question à laquelle une réponse devrait être apportée. Comment envisageriez-vous la fusion du régime des intermittents avec celui des intérimaires, dont le statut est assez proche ?

Mme Sophie Dessus. Comme les précédents orateurs, je félicite toute l’équipe pour ce travail. Il a fallu une très grande technicité, mais aussi une bonne connaissance du monde des artistes et un sens des relations humaines très développé pour parvenir à mettre tout le monde autour de la table et surtout à les y maintenir durant tout le temps des négociations. Il s’agissait de renforcer, avec la souplesse nécessaire, le cadre de l’intermittence.

Mes questions seront celles d’une néophyte. Pardonnez-moi d’être restée au stade où en était Jean-Patrick Gille il y a quelques mois, avant de devenir un grand spécialiste !

Jusqu’où peut-on aller pour extraire de ce régime exceptionnel les salariés qui n’ont pas vocation à s’y trouver parce que leur activité est plutôt stable et pérenne ? C’est un vieux débat, certes, mais ce régime n’est-il pas une aubaine pour certaines sociétés audiovisuelles prospères qui peuvent abuser de l’intermittence ? Tout ce qui va dans le sens d’une régulation encore plus efficace de ce phénomène serait bienvenu, notamment les planchers et plafonds que vous avez mentionnés. Ne pourrait-on pas donner une plus grande latitude au juge pour apprécier et sanctionner le recours abusif à ce type de contrat ?

Pour ce qui est du plafonnement des revenus d’activité et de chômage, un consensus se serait fait autour d’un revenu mensuel de 4 300 euros. Au cours de la négociation, serait-il envisageable de s’acheminer vers un plafond de 3 000 euros, sachant que le salaire médian dans notre pays se situe aux alentours de 1 700 euros ? Pourquoi, dans ces conditions, les autres salariés devraient-ils compenser le déficit d’un régime qui permettrait à certains de cumuler 4 300 euros de revenus mensuels ?

Madame Archambault, vous avez insisté sur la solidarité. Serait-il envisageable de réfléchir à l’instauration d’une taxe sur les très hauts revenus du cinéma ou de la télévision, dont le produit servirait à financer la compensation par l’État du délai de carence ?

Mme Annie Genevard. Alors qu’il vise, selon son intitulé, à « bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle », votre rapport ne semble pas avoir tenu compte de plusieurs facteurs d’instabilité ou d’insécurité.

Le fait que la moitié des quelque 280 000 salariés du secteur culturel en 2012 – une progression de 7 % depuis 2000 – soit des professionnels réguliers ne constitue-t-il pas un facteur structurel d’instabilité, attesté par un autre fait, à savoir le fractionnement, depuis quinze ans, du travail des artistes et des techniciens en des contrats de plus en plus courts ? Les tentatives d’une meilleure structuration du secteur, via, notamment, un encadrement renforcé du CDDU, n’ont pas empêché la progression du nombre d’intermittents et donc la précarisation du secteur, puisque, parallèlement à la hausse du nombre d’intermittents, la masse d’heures travaillées, elle, n’a pas augmenté. Pourquoi le rapport n’évoque-t-il pas cette question ?

Le secteur peine à recourir à des pratiques stables en matière de contrats. La « permittence », la « rotamittence », la sous-traitance ou le double statut salarié-entrepreneur, qui se font au détriment des CDI intermittents, traduisent un dévoiement du système qui pénalise tous les acteurs. Pour être crédibles aux yeux de l’opinion publique, les professionnels de la culture doivent se débarrasser de ces pratiques qui fragilisent leur filière et entament leur image. Les droits doivent être accompagnés de devoirs. Consacrer dans la loi l’existence du régime de l’intermittence interroge son caractère dérogatoire par rapport au droit commun. Votre rapport préconise l’engagement des branches du spectacle pour réduire ces dysfonctionnements connus depuis longtemps : or, j’ai noté votre prudence quant à la capacité du secteur à y parvenir.

À mon sens, le principal facteur d’insécurité est l’avenir des politiques culturelles, dont le financement dans les territoires est assuré essentiellement par les collectivités locales. Les 7,6 milliards d’euros de dépenses culturelles des collectivités territoriales que cite le rapport n’intègrent pas le financement de la culture par les communes de moins de 10 000 habitants. Le montant des dépenses des collectivités territoriales en matière culturelle est donc dans les faits bien plus élevé. Mme la ministre de la culture et de la communication a déclaré vouloir réduire les zones blanches de la culture, conformément à ce que j’avais préconisé dans l’avis budgétaire que j’ai présenté à l’automne dernier : ne s’agit-il pas d’un vœu pieux dans la mesure où les dotations de l’État aux collectivités locales baisseront de façon dramatique – 28 milliards d’euros en quatre ans sur un budget de l’État de 400 milliards ? Alors qu’en tant qu’élue locale, je n’ai jamais diminué la part du budget culturel de la ville dont je suis maire, pour la première fois cette année, je serai contrainte de le faire pour équilibrer le budget général, ce qui ne sera pas sans effet sur l’emploi culturel.

Est-il bien raisonnable de continuer d’engager des professionnels dans un secteur dont la masse de travail, je le répète, est malheureusement appelée à diminuer ?

M. Marcel Rogemont. Mme Archambault a rappelé que l’emploi est fort dans le secteur de la culture, un secteur en croissance dont la part dans le PIB – 3,2 % – est déjà plus importante que celle de l’automobile.

Or ce secteur n’a, finalement, fait l’objet que d’un petit nombre de rapports : le plus récent, avant celui-ci, est celui que M. Gille a rendu dans le cadre de la mission d’information commune sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques, présidée par M. Kert. Quant au présent rapport, il vise explicitement à instaurer un système permettant d’apporter des solutions pérennes.

Vous proposez à cette fin de sanctuariser dans la loi un système d’indemnisation du chômage adapté aux métiers du spectacle – la loi de 2002 s’était contentée de proroger le système pour permettre la tenue de négociations. Vous préconisez également d’associer les intermittents aux négociations relatives aux annexes VIII et X : il est vrai que les organisations syndicales ou patronales de l’Unédic se sont jusqu’à présent insuffisamment intéressées aux intermittents. Le cadre que vous prévoyez permettra à chacun de jouer un rôle utile.

Pourriez-vous préciser comment serait financé le fonds de soutien à l’emploi dans le secteur culturel dont vous préconisez la création ?

En tout état de cause, l’Unédic ne saurait à elle seule traiter la question des intermittents : le rapport, qui a le mérite d’éclairer les termes du débat en rappelant notamment le rôle que l’État doit jouer en matière culturelle, sera utile aux partenaires sociaux. La singularité du spectacle vivant doit être reconnue par tous, afin que des solutions pérennes et adaptées aux intermittents puissent être apportées.

Mme Laurence Arribagé. La liste des métiers non spécifiques au spectacle qui bénéficient du régime des intermittents – emplois de secrétaires, comptables, chauffeurs de production, maçons, électriciens – est pour le moins singulière. Il convient également de noter le recours abusif aux CDD dits d’usage spécifique, notamment dans les secteurs du spectacle et de l’audiovisuel, par les sociétés publiques et privées, lesquelles, en abusant de la législation actuelle pour éviter de payer des indemnités de fin de contrat de précarité, font supporter les indemnités de chômage aux contribuables. France Télévisions a été condamnée à plusieurs reprises, notamment en novembre 2012 pour avoir renouvelé pendant dix ans 320 fois le CDDU d’un de ses salariés. Selon le président de France Télévisions, le privé ferait pire : deux tiers des effectifs des sociétés de production seraient non permanents. Le recours au CDDU, pourtant théoriquement limité aux emplois et activités temporaires, servirait à pourvoir des postes permanents. De grandes sociétés privées de production audiovisuelle multiplient illégalement le renouvellement permanent des CDDU. C’est le contribuable qui, in fine, finance le déficit de l’indemnisation des intermittents à hauteur de plus d’1 milliard d’euros – un quart du déficit annuel de l’Unédic. Ces pratiques inadmissibles, dénoncées par la Cour des comptes, ne peuvent pas perdurer : il est temps que la France passe du constat et de la réprobation à une politique d’action et de sanction.

Aussi, pour les cas de recours abusif au CDDU à la place d’un CDI, pourquoi ne pas prévoir une amende s’élevant à cent fois le montant des indemnités de précarité versées à un salarié en CDD de droit commun et ne pas instaurer pour les contrevenants l’interdiction de recourir à de nouveaux CDDU durant trois mois au moins ?

M. Jean-Pierre Allossery. Je souhaite vivement vous remercier non seulement pour la qualité de votre rapport, mais également pour la méthode avec laquelle vous avez conduit ce travail. La concertation, l’expertise et les groupes de travail que vous avez mobilisés pour ce chantier sont les signes de votre grande implication.

C’est grâce à la réunion de tous les acteurs concernés – salariés, employeurs, organismes gestionnaires et services de l’État – qu’il nous est possible de disposer aujourd’hui des bases d’un dialogue apaisé et fructueux. Ironie du sort : vous avez rendu votre rapport au Premier ministre le jour même où la France était touchée au plus profond d’elle-même, le jour même où la culture était attaquée dans son cœur. Culture, liberté de création, liberté d’expression : voilà toute la raison d’être des artistes et des intermittents du spectacle, qui font vivre la politique culturelle de la France et la promesse républicaine.

Comme le souligne la conclusion du rapport, « les questions posées […] impliquent des choix clairs assumés avec courage de la part de l’ensemble des acteurs », chacun à sa place.

La culture et les artistes sont les moteurs du vivre ensemble et du bien commun. Chacun des partenaires – salariés, employeurs, organismes gestionnaires, interbranche du secteur de la culture, interprofession – doit prendre ses responsabilités. Nous ne pouvons qu’être favorables à vos propositions visant à « bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle ».

Nous attendons avec impatience le projet de loi qui concrétisera l’ambition renouvelée du Gouvernement en matière culturelle.

M. Frédéric Reiss. Je tiens à réaffirmer notre soutien au spectacle vivant et à la création artistique.

S’agissant des abus, qui entrent dans ce que vous appelez la « logique d’optimisation », le fait que de nombreux intermittents soient devenus des permittents traduit une pratique dont les grands médias audiovisuels, notamment, ont usé et abusé. Vous nous avez appris que le recours à la permittence a diminué, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.

Si les artistes ont besoin de techniciens, est-il pour autant justifié qu’une standardiste, une femme de ménage ou un électricien bénéficient du statut d’intermittent ? L’évolution actuelle tend à l’externalisation de ces services. Une nouvelle ventilation des métiers est nécessaire.

M. Gille a évoqué le GUSO : le monde associatif est aujourd’hui en ébullition. Il n’est pas rare en effet qu’une association ayant organisé un dîner dansant se voie rattrapée par un contrôle de l’Urssaf visant l’orchestre qu’elle a engagé et qui comprend bien souvent des musiciens amateurs. Lorsque les sommes réclamées correspondent aux maigres bénéfices de la soirée, les associations sont découragées pour organiser de nouvelles manifestations. C’est pourquoi je suis heureux de lire dans le rapport que « la mission recommande de régler la question du pilotage du GUSO pour garantir et améliorer son fonctionnement » et, ajouterai-je, cesser d’entraver les initiatives des associations qui sont l’expression de la vitalité culturelle, notamment de la ruralité.

M. Claude Sturni. Le titre même du rapport, qui a déjà été rappelé, vise directement la question de l’instabilité des budgets culturels. La réduction des moyens alloués aux collectivités territoriales ne laisse pas d’inquiéter tous ceux qui aiment le spectacle vivant. Comme il est plus que douteux que des financements privés prendront le relais des financements publics, on est en droit de se demander si le gâteau de la culture est encore suffisamment important pour être divisé en autant de bénéficiaires. La question de la démographie des intermittents est donc posée.

Vous insistez par ailleurs sur la nécessité de responsabiliser les acteurs du secteur, s’agissant notamment du recours au CDDU : en quoi la création d’un fonds spécifique financé par l’État les responsabiliserait-elle ?

M. Michel Herbillon. Toutes les sensibilités politiques sont attachées à la création, à la vitalité de la culture et au dynamisme de l’emploi dans le secteur culturel. Toutes sont également préoccupées du retour chronique de la question de l’intermittence, avec toutes les conséquences, notamment sociales, que ce retour a en termes d’inquiétude pour les acteurs du secteur, d’annulation de festivals ou de manifestations dans la rue. Il est temps d’apporter une solution à un problème qui dure depuis des années, d’autant que nos compatriotes sont nombreux à ne pas comprendre les motifs qui président aux annulations de spectacles.

Êtes-vous confiants, voire optimistes, s’agissant du « courage », du « volontarisme » et du degré de « résolution » de tous les acteurs du secteur pour « bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle » ? Vous affirmez avoir voulu constituer une « boîte à outils » : que faudrait-il faire pour obtenir enfin un résultat pérenne ?

Quelle que soit notre sensibilité politique, nous sommes également tous conscients des risques importants que fait peser la réduction draconienne des moyens imposée aux collectivités territoriales sur l’emploi culturel et le dynamisme d’un secteur, qui est l’apanage de la France. Avez-vous étudié les systèmes en vigueur chez nos voisins ? Si oui, dans quelle mesure les exemples étrangers ont-ils inspiré votre réflexion ?

Mme Virginie Duby-Muller. Les annexes de votre rapport présentent des statistiques intéressantes.

La mission d’information commune sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques, dont j’ai été membre, a réalisé, dans le cadre d’une démarche équilibrée, un travail dense : vingt séances, cinquante auditions, 230 personnes auditionnées. J’ai relu nos propositions : je n’y trouve nulle part l’idée d’une sanctuarisation par voie législative du régime d’indemnisation du chômage des intermittents.

D’ailleurs, cette décision du Premier ministre, prise à la suite de la remise de votre rapport, a fait réagir tant le MEDEF que la CFDT. Pour le MEDEF, qui est opposé « à toute réouverture de négociation sur le sujet spécifique des intermittents », « l’assurance chômage est et doit rester un dispositif interprofessionnel qui répond à des problématiques globales liées aux conjonctures économiques et aux politiques de l’emploi ». Cette sanctuarisation se traduirait, selon lui, « par des contraintes supplémentaires aux capacités de négociation des partenaires sociaux gestionnaires de l’assurance chômage et, en conséquence, par une iniquité de traitement entre les demandeurs d’emploi ».

De son côté, la CFDT se dit préoccupée par la décision de M. Manuel Valls, laquelle à ses yeux « crée un précédent qui porte atteinte au principe fondamental de solidarité interprofessionnelle du régime d’assurance chômage, au risque d’accroître la flexibilité du travail et les inégalités, au détriment des salariés les plus vulnérables ».

Que leur répondez-vous ?

Mme Hortense Archambault. Restaurer la confiance et prévoir des cadres vertueux, tels doivent être nos objectifs : les atteindre est aussi nécessaire que compliqué, mais ce sera la seule manière de sortir de la crise à répétition des intermittents.

Monsieur Kert, pour avoir été durant dix ans la codirectrice du festival d’Avignon et avoir craint à chaque renégociation de l’assurance chômage la suppression des annexes VIII et X, il me semble nécessaire, pour restaurer la confiance, de consacrer dans la loi le principe du caractère spécifique du régime des intermittents. Les acteurs responsables que nous sommes pourraient alors consacrer leurs efforts, non pas à préserver l’existence de ces annexes, mais à les construire.

Des abus existent. Le rapport évoque notamment la nécessité de revoir la liste des métiers susceptibles de donner lieu à des CDDU. Chaque branche doit prendre ses responsabilités, qu’il s’agisse de la liste des métiers ou des durées minimale et maximale des CDDU. Le Premier ministre a annoncé que les partenaires sociaux ont un an pour s’accorder sur le sujet, avant une éventuelle intervention législative.

S’agissant du fonds pour l’emploi, il appartiendra également aux acteurs de proposer les pistes les plus pertinentes de soutien au secteur, en vue notamment de développer les CDI ou d’allonger la durée des CDDU. À ce sujet, la mission a découvert des dispositifs de l’assurance chômage en totale contradiction avec les efforts réalisés par la profession pour allonger la durée des contrats, puisque leur allongement peut aboutir à pénaliser les intermittents : le système est donc incohérent. La confiance doit également être restaurée entre les intermittents et Pôle Emploi : il appartient aux responsables du secteur d’agir eux-mêmes contre tous les dysfonctionnements qui sont sources d’abus.

Quant à l’instauration de cadres vertueux en matière de financement, le rapport interpelle l’État et les collectivités locales sur leurs responsabilités d’employeurs et de financeurs du secteur. Le fait que des spectacles soient notoirement sous-financés n’incite pas les acteurs à respecter les règles. Il faut donc améliorer les conditions de prestation des spectacles. Le secteur événementiel a, de son côté, instauré un système de label et de certification qui bénéficie aux entreprises qui répondent, notamment, à un niveau minimal d’heures d’emplois permanents. Il convient de valoriser les dispositifs déjà existants.

La mission ne s’est pas penchée sur les systèmes étrangers. Je sais que les Belges et les Suisses ont prévu pour les artistes des systèmes dérogatoires à l’assurance chômage.

Je tiens à insister sur ce point : notre rapport s’est appuyé sur un double pilier, la concertation et l’expertise, celle-ci ayant permis de rectifier certains chiffres, comme celui de la permittence, qui a été ramenée à sa juste proportion : moins de 5 %. De même, il n’est pas vrai d’affirmer que le nombre des emplois culturels croît de manière inconsidérée – l’évolution de la masse salariale suit la même courbe que l’emploi culturel. Je vous renvoie aux chiffres d’Audiens figurant dans les annexes.

Il convient, pour suivre l’évolution du secteur, de pérenniser l’existence de ce groupe d’experts, qui sera à même de souligner les améliorations en cours, voire les solutions apportées, tout en désignant les problèmes qui subsistent.

M. Jean-Denis Combrexelle. La loi – c’est le premier défi auquel nous sommes confrontés – doit tout d’abord fixer les grands principes présidant à l’organisation des responsabilités respectives de chacun, qu’il s’agisse de l’interprofession, des branches, des entreprises – les sociétés de production –, des salariés concernés et des instances telles que Pôle Emploi et l’Unédic. Chacun doit jouer la partie qui lui revient.

Le second défi est d’encadrer et de réguler le champ de l’intermittence. À cette fin, il convient notamment de préciser les conditions permettant de recourir au CDDU. Pour avoir participé indirectement aux négociations, je sais que la question n’est pas simple. Comment par exemple déterminer avec certitude si tel ou tel métier relève du CDI ou du contrat d’usage ? Les partenaires sociaux consacrent beaucoup de temps à ces questions.

Ne conviendrait-il pas de simplifier l’accès, encore trop complexe, au CDI intermittent ? C’est une piste parmi d’autres. Le mieux serait d’aboutir à un système dont la régulation permettrait d’éviter de recourir à la sanction, même s’il est vrai que celle-ci est parfois nécessaire pour réprimer des abus qui relèvent de l’Inspection du travail ou du juge.

Oui, nous avons confiance, une confiance qui repose sur la dynamique que la mission a progressivement créée et qu’il convient de préserver. C’est le moment ou jamais, car tous les acteurs ont aujourd’hui envie, par-delà leurs divergences, de construire un dispositif pérenne permettant de rompre avec le cycle infernal des crises qui frappent le secteur de la culture tous les deux ou trois ans.

M. Jean-Patrick Gille. Vos questions ont balayé tout le champ du rapport.

Nos collègues de l’opposition, à l’exception notable de M. Kert, me semblent avoir une vision quelque peu malthusienne du secteur de la culture, reposant sur une erreur d’analyse d’ailleurs partagée par le grand public.

Il faut le savoir : la culture est un secteur économique en croissance et si le soutien que lui apporte l’Unédic – soit, à l’heure actuelle, 1,3 milliard d’euros – est il est vrai en augmentation, celle-ci, loin d’être exponentielle, ne fait que suivre la croissance du secteur lui-même. De plus, cette croissance se traduira par une augmentation des cotisations. La contribution indéniable de l’Unédic au secteur culturel est donc stable. Je tiens à rappeler que l’aggravation du déficit général de l’Unédic est liée à la situation économique de notre pays et porte principalement sur le CDD – entre 6 et 7 milliards d’euros.

Il est par ailleurs faux de prétendre que la suppression, en 2003, de la date anniversaire a permis de réaliser des économies. C’est vrai pour les six premiers mois, mais ensuite, l’augmentation des indemnités versées à ceux qui sont restés dans le système a effacé l’effet « économies » de la réforme.

Notre pari est celui du soutien à l’économie culturelle. Certes, d’aucuns s’inquiètent des conséquences de la baisse des dotations de l’État aux collectivités locales sur leurs subventions au secteur de la culture – ce mauvais réflexe est à craindre. Le Premier ministre en a, toutefois, pris conscience puisque la culture est le seul secteur qui bénéficie cette année du dégel d’une partie de ses crédits. Elle les verra même augmenter l’année prochaine. Je rappelle également notre proposition de création d’un fonds de soutien à l’emploi culturel. Le Gouvernement a donc déjà anticipé l’inquiétude des collectivités locales.

Le secteur étant parvenu à un degré certain de maturité, nous parions également sur la responsabilisation de ses acteurs, qu’il nous appartient de rassurer. Tel est le sens de l’inscription des annexes VIII et X dans le code du travail. C’est un geste d’apaisement qui permettra de rompre avec le chantage à l’existence du régime dérogatoire au début de chaque négociation. Je ne partage pas l’analyse du MEDEF et de la CFDT, selon laquelle cette inscription dans la loi ferait sortir le régime des intermittents du système de l’interprofession. C’est faux, puisque c’est au contraire le caractère spécifique de ce régime qui se trouvera inscrit dans la loi. Les intermittents n’auront donc plus à craindre la suppression de leur régime dérogatoire.

S’agissant du véhicule législatif, nous pensions initialement profiter de la transcription de l’accord sur le dialogue social. En l’absence d’accord, il faudra nous rabattre sur une loi spécifique ou sur le futur texte sur la création et le patrimoine. Il me serait également toujours possible de déposer une proposition de loi. Je crois que tous les acteurs, y compris le Gouvernement, souhaitent voir la question réglée avant l’été.

Le Premier ministre a par ailleurs été très clair sur la réforme de la liste des métiers : les branches ont un an pour se mettre d’accord. Le secteur de l’événementiel a conscience de la nécessité d’effectuer un travail en ce sens. Les différentes branches ont, du reste, déjà réalisé un travail conventionnel important depuis 2003.

Mme Dessus a évoqué la question du financement du secteur. La coordination des intermittents et précaires (CIP) a fait des propositions en matière de plafonnement mensuel. Un plafonnement à hauteur de 3 000 euros entrerait dans le cadre financier du précédent accord. La mission, qui est favorable à la responsabilisation des acteurs, ne pouvait avancer un chiffre sans se contredire. Toutefois, dans les annexes, figurent différentes simulations qui ont été proposées, notamment par la CIP.

Oui, il faut réformer la gouvernance du GUSO. Votre question, monsieur Reiss, pose celle de la pratique amateur, que la mission n’a pas traitée. Il faut créer, comme cela a été fait dans le cadre de la SACEM, une culture de la déclaration. Chacun doit être incité à respecter les règles.

Nous avons rencontré durant les six mois qu’a duré la mission tous les acteurs du secteur culturel. Nous avons notamment dit aux partenaires sociaux, dont la légitimité pour négocier l’assurance chômage ne saurait évidemment être remise en cause, qu’ils doivent prendre conscience que les intermittents ont acquis une grande maîtrise des questions qui les concernent directement et qu’il convient, en conséquence, de discuter avec eux avant toute modification des paramètres risquant de bouleverser leur existence.

J’en fais le pari : les acteurs de la culture sont capables d’arriver à des points d’accord permettant d’étayer des solutions efficaces et unanimement acceptées. Il faut rompre le cycle des conflits que provoquent les décisions des partenaires sociaux auxquelles n’ont pas été associés les principaux intéressés, qui se retournent alors vers l’État.

La méthode que nous préconisons, et qui a reçu l’agrément des intermittents, permettra de créer un cycle de discussion plus vertueux et efficace, en vue de soutenir un secteur culturel et économique florissant. Tel est le message que nous envoyons aux partenaires sociaux.

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie du temps que vous avez consacré à cette question. Votre rapport nous permet de prendre la mesure de la responsabilité législative qui sera la nôtre, nous l’espérons, au cours du premier semestre 2015.

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