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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mai 2015.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, relatif au dialogue social et à l’emploi (n° 2739),
PAR M. Dominique LEFEBVRE,
Député.
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Voir les numéros :
Assemblée nationale : 2739, 2770 et 2792.
INTRODUCTION 7
I. LA NÉCESSAIRE REFONTE DE LA POLITIQUE D’INCITATION À L’EXERCICE D’UNE ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ET DE SOUTIEN DES MÉNAGES AUX REVENUS MODESTES 11
A. L’INSTAURATION DE DEUX DISPOSITIFS AU COURS DES QUINZE DERNIÈRES ANNÉES, L’UN DE NATURE FISCALE, L’AUTRE SOUS LA FORME D’UNE PRESTATION SOCIALE 12
1. La création de la prime pour l’emploi 12
a. La genèse du dispositif 12
b. Le mode de calcul du crédit d’impôt 12
c. Les évolutions intervenues depuis sa création 14
d. Un champ progressivement restreint du fait du gel du barème 15
2. L’instauration du revenu de solidarité active « activité » en 2009, dans le cadre d’un dispositif à deux volets 16
i. Le RSA dans sa composante « socle » 19
ii. Le RSA dans sa composante « activité » 21
iii. Les conditions de versement 23
B. L’ABSENCE D’ARTICULATION DES DEUX DISPOSITIFS, NUISANT À LEUR EFFICACITÉ, À LEUR COHÉRENCE ET À LEUR LISIBILITÉ 29
1. Des dispositifs souffrant chacun de faiblesses intrinsèques 30
a. Le manque de ciblage et le décalage dans le temps de la prime pour l’emploi 30
i. La dispersion de la dépense fiscale, une redistributivité très restreinte 30
ii. Un versement intervenant de façon tardive, limitant l’incitation à la prise ou reprise d’un emploi 33
iii. Quelques atouts toutefois 34
b. Le RSA « activité », une prestation à l’efficacité obérée par la faiblesse de son taux de recours 35
i. Un nombre d’allocataires bien moins élevé qu’escompté, du fait d’un taux de non-recours évalué à 68 % 35
ii. De bonnes capacités redistributives affectées par le faible taux de recours 38
iii. Un effet incertain d’incitation à l’activité 41
iv. Un dispositif ne favorisant pas la bi-activité et excluant quasiment les moins de 25 ans 42
2. Des faiblesses accentuées par la mauvaise articulation entre les deux dispositifs 43
C. LES TRAVAUX PRÉPARATOIRES ET LES TENTATIVES DE RÉFORME 46
1. Les différentes pistes de refonte du système existant 46
2. La censure constitutionnelle de la réduction des cotisations salariales 49
D. UNE RÉFORME CONSTITUANT L’UN DES PRINCIPAUX VOLETS DU PLAN DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ 50
1. La pauvreté, un phénomène difficile à appréhender 50
2. Le plan de lutte contre la pauvreté : un effort budgétaire considérable estimé à 2,5 milliards d’euros par an sur la période 2013-2017 52
a. Les revalorisations exceptionnelles de prestations sociales à destination des plus modestes 52
b. Une action résolue en matière d’accès aux soins 53
c. L’accroissement des moyens consacrés à l’insertion professionnelle 53
II. L’ARCHITECTURE DE LA RÉFORME PROPOSÉE : MÉCANISME ET MISE EN ŒUVRE DE LA NOUVELLE PRIME D’ACTIVITÉ 55
A. UN OBJECTIF CLAIREMENT AFFIRMÉ : LA PRIME D’ACTIVITÉ EST AVANT TOUT UNE PRIME À L’ACTIVITÉ 56
1. La prime d’activité est construite pour inciter ses allocataires à la reprise d’une activité professionnelle 56
a. La nécessité de maintenir un différentiel suffisant entre revenus de solidarité et revenus d’activité 56
b. La réforme permettra d’atténuer les effets pervers de notre système socio-fiscal 57
2. La prime d’activité permet une amélioration du pouvoir d’achat des travailleurs aux revenus modestes 60
B. LES PRINCIPES D’UNE PRESTATION REPOSANT SUR LES REVENUS D’ACTIVITÉ 62
1. Une architecture générale combinant familialisation et individualisation 62
2. Une « base ressources » simplifiée et allégée 66
3. Le principe d’un bonus individualisé, fonction des revenus d’activité de chacun des membres du foyer, favorisant la bi-activité 71
C. UN CHAMP DES BÉNÉFICIAIRES ÉLARGI AUX JEUNES ACTIFS DE PLUS DE 18 ANS 74
1. Un périmètre similaire à celui du RSA « activité »… 75
a. La condition de résidence est identique 75
b. La condition de nationalité est maintenue 75
c. La question des travailleurs détachés 76
2. … avec une ouverture du dispositif aux jeunes actifs de 18-25 ans 76
i. L’élargissement aux jeunes actifs dès l’âge de 18 ans est une avancée considérable 76
ii. La possibilité pour les jeunes 18 à 24 ans de percevoir la prime d’activité à titre personnel, indépendamment de leur foyer parental 78
3. L’ouverture de la prime d’activité aux étudiants pose une question tant politique que budgétaire et doit être écartée dans son principe. 81
a. Le manque d’informations fiables sur la population visée complexifie l’anticipation des conséquences de l’extension envisagée 81
b. L’ouverture de la prime d’activité aux étudiants risque d’affaiblir le message politique et de diluer les moyens consacrés à la réforme 82
c. Cette extension permettrait toutefois d’accompagner l’insertion professionnelle de salariés poursuivant des études 84
D. DES MODALITÉS DE FONCTIONNEMENT SIMPLIFIÉES, AFIN D’ENCOURAGER LE RECOURS À LA NOUVELLE PRESTATION 85
a. Le principe des droits figés 85
b. Une dématérialisation accrue, qui soulève toutefois des questions 86
i. L’entrée dans le dispositif 87
ii. La simplification de la déclaration trimestrielle de ressources 88
c. Les modalités de contrôle 89
III. LES ENJEUX DE LA RÉFORME : CLARIFICATION BUDGÉTAIRE ET RECENTRAGE DES BÉNÉFICIAIRES 91
A. L’OBJECTIF D’UNE RÉFORME À MOYENS CONSTANTS 91
1. Un objectif de dépense de l’ordre de 4 milliards d’euros 91
2. Le taux de recours à la prestation reste un paramètre difficile à anticiper 93
3. La revalorisation de la prime liée à l’évolution des prix à la consommation hors tabac 94
B. L’ÉVOLUTION DU CHAMP DES BÉNÉFICIAIRES RÉSULTE D’UNE VOLONTÉ ASSUMÉE DE RECENTRAGE PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS DE LA PRIME D’ACTIVITÉ 98
1. Une prime ciblée sur les travailleurs modestes, au point de sortie plus élevé que le RSA « activité » 98
2. Des gagnants à la réforme concentrés dans les premiers déciles de niveau de vie 103
Comment assurer la compatibilité des transferts sociaux avec les incitations au travail ? Dans quelles conditions les prestations subordonnées à l’exercice d’un emploi sont-elles efficaces par rapport à leur coût ? Ces questions majeures nécessitent des réponses fortes et lisibles, que le Gouvernement entend apporter au travers du présent projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.
La mise en place de prestations subordonnées à l’exercice d’une activité, visant à rendre le travail financièrement plus intéressant que les minima sociaux, est une option choisie dans un grand nombre de pays, notamment ceux qui offrent un système généreux et solidaire de redistribution vers les plus pauvres (1).
Annoncée le 3 mars dernier par le Premier ministre lors de la présentation de la feuille de route 2015-2017 du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté, la nouvelle prime d’activité s’inscrit dans cette logique.
Consciente des enjeux financiers et fiscaux induits par cette mesure, la commission des Finances a décidé de se saisir pour avis du titre IV du présent projet de loi, dont l’intitulé ne fait aucun doute quant aux objectifs des dispositions qu’il contient : « Encourager l’activité professionnelle par la création d’une prime d’activité ».
Cette partie comporte quatre articles d’importance inégale, qui mettent en place un mécanisme dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2016 et qui vise à remplacer deux dispositifs peu efficaces :
– un mécanisme fiscal, la prime pour l’emploi (PPE), supprimée à compter de l’imposition des revenus de 2015 ;
– une prestation sociale à destination des travailleurs modestes, le RSA « activité », supprimé par le présent texte.
La compréhension des faiblesses de ces deux dispositifs est nécessaire afin d’éclairer les choix politiques courageux qui ont conduit à proposer la création de la prime d’activité.
Ainsi, la prime pour l’emploi se caractérisait par une dispersion dans l’ensemble des déciles de niveaux de vie et ne représentait que des montants relativement faibles pour une prestation finalement peu redistributive. Son versement décalé dans le temps en faisait une prestation peu réactive.
Quant au RSA « activité », sa faible incitation à la bi-activité, l’exclusion de tout un pan des travailleurs modestes, à savoir les moins de 25 ans, et la faiblesse du taux de recours (32 %) à la prestation ont nui à sa redistributivité et à l’objectif premier d’accompagnement financier des travailleurs vers une sortie durable des prestations d’assistance.
Ces critiques permettent de mettre en lumière les grands apports de la réforme.
La première avancée considérable portée par ce texte est l’ouverture du mécanisme d’intéressement à l’activité aux jeunes de plus de 18 ans. Cette entrée des jeunes actifs dans le droit commun du nouveau dispositif d’accompagnement financier à l’emploi est d’autant plus marquante qu’ils pourront demander la prestation en leur nom propre, indépendamment du foyer de leurs parents. Près de 600 000 jeunes seront bénéficiaires de la prime d’activité, pour un coût estimé à 800 millions d’euros, soit 20 % de l’enveloppe budgétaire globale de la réforme.
La deuxième avancée est la mise en place d’un bonus individuel, maximal entre 0,8 et 1,2 SMIC, permettant de contrer une partie des effets de seuil induits par notre système socio-fiscal, particulièrement forts à ces niveaux de revenu.
Enfin, le troisième progrès est lié à la simplification du dispositif et à sa meilleure lisibilité. Le principe de droits « figés » sur la totalité du trimestre de versement de la prime, l’allégement de la déclaration trimestrielle de ressources et le basculement automatique des bénéficiaires du RSA « activité » vers la prime d’activité sont de nature à augmenter le taux de recours à la prestation.
Précisément, ce taux de recours, estimé à 50 %, est un enjeu fondamental, tant sur le plan politique que budgétaire.
Passer de 32 % à 50 %, dès la première année de mise en œuvre, sera une preuve de l’attractivité du nouveau dispositif, et tous les moyens devront être mis en œuvre afin d’augmenter ce pourcentage.
En ce qui concerne l’enveloppe budgétaire allouée au financement par l’État de la prime d’activité, celle-ci correspond aux montants cumulés consacrés à la PPE et au RSA « activité » en 2014, réajusté en fonction de l’inflation, soit environ 4 milliards d’euros en 2016.
Maintenir une enveloppe constante, tout en procédant à un meilleur ciblage des bénéficiaires, entraîne de facto des perdants et des gagnants à la réforme.
Sur ce point, l’essentiel est de constater que les gagnants sont bien le cœur de cible de la réforme et que les perdants correspondent à ceux qui sont les plus éloignés des objectifs assignés au dispositif.
Mais l’analyse des bénéficiaires de la prime d’activité ne peut se faire sans une mise en perspective de cette prestation nouvelle dans le contexte de mesures dans lequel elle s’inscrit.
Afin de soutenir les foyers situés dans les premier et deuxième déciles de niveau de vie, le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté prévoit un ensemble de mesures fortes, parmi lesquelles une revalorisation exceptionnelle du RSA « socle » de 2 % par an en sus de l’inflation. L’effort budgétaire relatif à ce plan est estimé à 12,5 milliards d’euros sur l’ensemble du quinquennat.
Par ailleurs, les foyers situés entre les quatrième et septième déciles bénéficieront dès 2015 de la réforme du bas de barème de l’impôt sur le revenu votée en loi de finances pour 2015, qui allège l’impôt des ménages modestes et moyens.
La prime d’activité vise quant à elle des ménages situés essentiellement entre les premier et quatrième déciles.
Ainsi, le rapporteur pour avis estime nécessaire d’assumer l’évolution des bénéficiaires potentiels de la prime d’activité au regard des dispositifs existants, évolution qui découle d’une priorisation des choix politiques.
Enfin, il convient d’éviter toute dispersion des moyens, nécessairement contraints, et des objectifs. L’extension de la prestation à de nouveaux bénéficiaires doit préserver l’efficacité d’un dispositif ambitieux visant à mettre en œuvre un principe simple :
Le travail est toujours payant.
*
* *
I. LA NÉCESSAIRE REFONTE DE LA POLITIQUE D’INCITATION À L’EXERCICE D’UNE ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ET DE SOUTIEN DES MÉNAGES AUX REVENUS MODESTES
La prime pour l’emploi (PPE), instituée en 2001, puis le revenu de solidarité active (RSA) « activité », créé en 2008, ont constitué les premiers dispositifs pérennes d’intéressement à l’exercice ou à la reprise d’une activité professionnelle : ils tendent tous deux à accroître les gains financiers retirés de l’exercice d’une activité professionnelle, lesquels peuvent être limités par le caractère différentiel de certaines prestations et les droits connexes rattachés aux minima sociaux.
Néanmoins, de nombreux rapports et travaux réalisés au cours des dernières années ont pointé les insuffisances respectives de la PPE et du RSA « activité », ainsi que leur absence d’articulation, qui nuisent fortement à leur efficacité. Dans son rapport au Premier ministre publié en juillet 2013 (2), notre collègue Christophe Sirugue résumait de façon lapidaire les différents diagnostics portés sur ces deux mécanismes, en relevant qu’« aucun des deux dispositifs existants n’atteign[ait] ses buts : l’impact redistributif et la contribution à la réduction de la pauvreté sont limités ; les effets sur le soutien à la (re)-prise d’activité ou au maintien dans l’emploi sont faibles ».
Or, dans une situation budgétaire contrainte et une conjoncture économique encore difficile, il est indispensable d’assurer une plus grande efficience des ressources allouées à l’incitation à la reprise d’activité et au soutien des travailleurs aux revenus modestes. La réforme de la PPE et du RSA « activité » constitue à ce titre l’un des principaux volets du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale adopté le 21 janvier 2013. Une première étape a été franchie dans le cadre de la dernière loi de finances rectificative pour 2014 (3), dont l’article 28 a supprimé la prime pour l’emploi à compter de l’imposition des revenus de l’année 2015. Le présent projet de loi correspond à la seconde étape de la réforme, avec la suppression du RSA « activité » et l’instauration d’une nouvelle prestation, la prime d’activité.
A. L’INSTAURATION DE DEUX DISPOSITIFS AU COURS DES QUINZE DERNIÈRES ANNÉES, L’UN DE NATURE FISCALE, L’AUTRE SOUS LA FORME D’UNE PRESTATION SOCIALE
La création de la PPE par la loi du 30 mai 2001 (4) découle directement de la censure par le Conseil constitutionnel d’un dispositif de « ristourne dégressive » de contribution sociale généralisée (CSG) et de contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), qui devait s’appliquer aux personnes percevant des revenus inférieurs à 1,4 SMIC. Dans sa décision du 19 décembre 2000 (5) sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le Conseil constitutionnel avait en effet estimé que cette « ristourne », qui ne tenait compte ni des revenus du contribuable autres que ceux tirés d’une activité, ni des revenus des autres membres du foyer, ni des personnes à charge au sein de celui-ci, ne prenait pas en considération l’ensemble des facultés contributives du foyer fiscal.
C’est à la suite de cette censure que la PPE a été élaborée : poursuivant les mêmes objectifs, à savoir l’aide au retour à l’emploi et le soutien des travailleurs aux revenus modestes, elle prend la forme d’un crédit d’impôt calculé sur la base des revenus d’activité individuels perçus par les membres d’un foyer fiscal. La composition de ce foyer et les revenus dont ils bénéficient sont pris en compte, par le biais de majorations et de plafonds.
Comme le soulignait le rapport de M. Didier Migaud sur le projet de loi portant création d’une prime pour l’emploi (6), « il s’agit d’une aide au retour à l’emploi et au maintien de l’activité, destinée à compenser, pour les actifs les plus modestement rémunérés, qu’ils soient salariés ou non salariés, une partie des prélèvements, sociaux et fiscaux, pesant sur le travail. Son objectif direct est ainsi de favoriser l’emploi salarié et l’activité non salariée grâce à une augmentation du revenu net que procure l’exercice d’une activité professionnelle rémunérée entre 0,3 SMIC et 1,4 SMIC, de manière à accroître l’écart entre ce dernier et les revenus de remplacements versés aux personnes privées d’emploi. »
● Le mécanisme de la PPE s’avère simple dans son principe, puisqu’il correspond à un crédit d’impôt calculé sur la base des revenus d’activité individuels des membres d’un foyer fiscal, qu’ils soient salariaux ou non salariaux, sous réserve que ces revenus annuels soient compris entre 3 743 euros et 17 451 euros, soit entre 0,27 et 1,25 SMIC en 2015.
Afin de prendre en compte la composition du foyer fiscal et les revenus dont il bénéficie, le bénéfice de la PPE est conditionné au respect d’un plafond de revenu fiscal de référence (RFR) du foyer, à hauteur de 16 251 euros pour une personne seule et de 32 498 euros pour un couple – ces plafonds étant majorés de 4 490 euros par demi-part suivante, au titre de la prise en compte des charges de famille (7). Ces plafonds visent à éviter qu’une personne dont les revenus d’activité sont inférieurs à 17 451 euros ne soit éligible à la PPE alors même qu’elle bénéfice d’autres sources de revenus, par exemple des revenus fonciers, ou que son conjoint perçoit des revenus élevés.
● La PPE est calculée selon un barème croissant, à savoir 7,7 % du revenu d’activité de chaque membre du foyer fiscal en année pleine, jusqu’à un montant annuel de 12 475 euros, lequel correspond au revenu pour lequel la PPE versée est maximale. À partir d’un revenu de 12 475 euros, le barème décroît, en étant égal à 19,3 % de la différence entre 17 451 euros et le revenu perçu.
S’ajoutent ensuite, le cas échéant, les majorations au titre de la mono-activité et des personnes à charge, permettant d’assurer une certaine familialisation de la prime. Cette familialisation reste limitée toutefois : ces majorations forfaitaires sont d’un montant faible, soit 83 euros pour mono-activité et 36 ou 72 euros, selon les cas, par personne à charge – soit en tout état de cause moins de 7 euros par mois.
Depuis la loi de finances pour 2003 (8), le revenu d’activité perçu lors d’un travail à temps partiel ou exercé sur une partie de l’année seulement fait l’objet d’une conversion en équivalent temps plein. Les contribuables concernés bénéficient également d’une majoration spécifique du montant de la prime individuelle, dont le coefficient varie selon que le temps de travail est inférieur, supérieur ou égal à 50 % d’un emploi à temps plein. De ce fait, le montant de la prime, tout en augmentant avec le temps de travail, n’est plus strictement proportionnel à celui-ci, et la PPE pour un emploi à mi-temps représente 92,5 % de la prime pour un temps plein.
Son évolution en fonction du niveau des revenus d’activité est retracée ci-après :
MONTANT ANNUEL DE PPE EN CAS DE NON-RECOURS AU RSA
€/an
Source : Pâris 2015 – DG Trésor.
Note : montant pour un célibataire sans enfant.
Le contribuable ne doit effectuer aucune démarche particulière pour percevoir la PPE, puisqu’il lui suffit de cocher une case particulière dans sa déclaration de revenus. Si le crédit d’impôt est inférieur à la cotisation d’impôt due, il s’impute sur cette cotisation. Lorsque le montant du crédit d’impôt est supérieur à la cotisation d’impôt, la différence est versée aux intéressés. La prime n’est pas due lorsque son montant, avant imputation sur l’impôt sur le revenu, est inférieur à 30 euros.
Le principe même de la PPE n’a pas été modifié depuis sa création en 2001, mais le dispositif a connu un certain nombre d’aménagements au cours du temps. Outre l’instauration du mode de calcul spécifique réservé aux contribuables travaillant à temps partiel par la loi de finances pour 2003, renforcé par les lois de finances pour 2006 (9) et 2007 (10), un dispositif d’acompte forfaitaire de PPE réservé à certains contribuables a été mis en place par la loi de finances pour 2004 (11), pour améliorer la lisibilité de la PPE et son caractère incitatif à la reprise d’activité. S’inscrivant dans la même logique, la loi de finances pour 2006 est venue majorer le montant de l’acompte forfaitaire, tout en modifiant ses conditions d’attribution. Elle a aussi introduit un mécanisme de versement mensuel de PPE pour les personnes ayant bénéficié de la prime l’année précédente.
Plusieurs modifications substantielles ont été apportées par la loi du 1er décembre 2008 créant le RSA (12). Pour tirer les conséquences de la création d’une nouvelle prestation destinée également à encourager la reprise d’activité, il a été prévu que le RSA « activité » perçu en année N par l’allocataire vienne s’imputer sur la PPE dont ce dernier bénéficiait en année N+1 au titre de ses revenus perçus au cours de l’année N : le RSA « activité » est ainsi traité comme un acompte non remboursable à valoir sur la PPE. Parallèlement, les mécanismes d’acompte et de mensualisation de la PPE ont été supprimés, ce qui résultait autant des difficultés de gestion qu’ils soulevaient que de la création du RSA « activité ».
Enfin, dernière conséquence, plus indirecte, de la création du RSA « activité », les seuils, plafonds et majorations utilisés pour le calcul de la PPE n’ont fait l’objet d’aucune indexation sur l’inflation à partir de 2009.
Du fait des plafonds de revenus d’activité et de RFR qui ont été retenus, la PPE a concerné un grand nombre de contribuables, jusqu’à 9 millions entre 2005 et 2008, soit le quart de l’ensemble des foyers fiscaux français, pour une dépense fiscale de 4,5 milliards d’euros en 2008.
Néanmoins, le gel du barème mis en œuvre à compter de 2009 s’est traduit mécaniquement par une réduction continue, à partir de 2009, du nombre de foyers bénéficiaires et de la dépense fiscale afférente : cette dernière a été divisée par deux entre 2008 et 2014, passant de 4,5 à 2,2 milliards d’euros, tandis que le nombre de foyers fiscaux bénéficiaires est passé de 8,9 à 5,5 millions sur la même période.
ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE FISCALE ASSOCIÉE À LA PRIME POUR L’EMPLOI
ET DU NOMBRE DE SES BÉNÉFICIAIRES
Année |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
Dépense fiscale |
2,43 |
2,24 |
2,21 |
2,45 |
2,70 |
3,24 |
4,52 |
4,48 |
3,94 |
3,61 |
3,11 |
2,9 |
2,46 |
2,2 |
2,1 |
Nombre de bénéficiaires (en millions) |
8,67 |
8,51 |
8,43 |
8,7 |
9,1 |
8,6 |
8,94 |
8,92 |
8,4 |
7,54 |
6,76 |
6,32 |
5,87 |
5,5 |
− |
Montant moyen |
280 |
263 |
263 |
282 |
297 |
377 |
506 |
502 |
469 |
479 |
459 |
459 |
419 |
400 |
− |
Source : tome II des Voies et moyens annexés aux projets de loi de finances successifs.
De fait, la non-indexation sur l’inflation des plafonds des revenus d’activité (13) s’est traduite par une nette diminution du point de sortie de la PPE exprimé en part de SMIC, passant de 1,4 SMIC en 2008 à 1,25 SMIC en 2014 ; cela a conduit à exclure peu à peu du crédit d’impôt les personnes dont les salaires figurent en haut de la distribution des revenus des bénéficiaires de la PPE.
Autre conséquence du gel, les montants moyens versés ont diminué : pour un salarié au SMIC, le montant de la prime avant imputation du RSA « activité » a été ramené de 953 euros en 2008 à 717 euros en 2013 ; du fait de la revalorisation annuelle du SMIC, un salarié à temps plein au SMIC, qui se trouvait en 2008 quasiment sur le point le plus haut du barème de la PPE, se trouve désormais sur sa partie décroissante.
2. L’instauration du revenu de solidarité active « activité » en 2009, dans le cadre d’un dispositif à deux volets
● Les principes du RSA ont été dégagés à l’issue des travaux de la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté », qui a remis en avril 2005 un rapport intitulé La nouvelle équation sociale – Au possible nous sommes tenus. Ce rapport se fondait sur la prise en considération d’une réalité de plus en plus prégnante, celle des « travailleurs pauvres », et sur les analyses relatives à la « trappe à inactivité » des bénéficiaires de minima sociaux.
Les minima sociaux tels que le revenu minimum d’insertion (RMI), l’allocation de parent isolé (API) ou l’allocation pour adulte handicapé (AAH) présentent en effet la caractéristique d’être des allocations différentielles, venant compléter les ressources du bénéficiaire à due concurrence d’un plafond. Il en découle mécaniquement que l’augmentation des revenus des allocataires, par exemple par l’obtention ou l’accroissement de revenus d’activité, ne se traduit pas par un changement de revenu disponible, mais fait l’objet d’une sorte d’impôt, à un taux de 100 %, jusqu’au plafond. Cela peut même se traduire par le fait que la sortie d’un dispositif d’allocation du fait d’une prise d’emploi entraîne une baisse du revenu effectivement disponible, compte tenu des conditions d’obtention d’autres prestations et avantages sociaux.
Cette problématique avait été identifiée dès la loi fondatrice du revenu minimum d’insertion du 1er décembre 1988 (14), laquelle avait prévu un mécanisme de cumul entre la nouvelle allocation et les revenus associés à une reprise d’emploi, pendant une durée limitée. Ce dispositif d’intéressement à la reprise d’activité avait été étendu aux autres minima sociaux tels que l’allocation de solidarité spécifique (ASS), l’allocation de parent isolé (API), l’allocation d’insertion et celle de veuvage dans le cadre de la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions (15). Si les règles ont évolué dans le temps et varié selon les prestations, le mécanisme appliqué au RMI comme à l’API a longtemps consisté à autoriser le cumul intégral de l’allocation et du salaire pendant les trois à six premiers mois d’une activité nouvelle, puis le cumul à hauteur de 50 % de l’allocation pendant les neuf mois suivants.
Les limites de ces différents mécanismes financiers ont conduit à la réforme réalisée par la loi du 23 mars 2006 pour le retour à l’emploi (16). Pour les prises ou reprises d’emploi ayant un horaire de travail supérieur à 78 heures par mois, cette réforme a substitué, au système préexistant de conservation de 50 % du salaire, un régime de cumul intégral du salaire avec des primes forfaitaires (17). Ce nouveau dispositif se voulait plus incitatif à la reprise d’emploi car il permettait la conservation de 100 % des gains de revenu d’activité, tandis que les primes forfaitaires présentaient l’avantage de la lisibilité. La prime de 1 000 euros avait pour objet de couvrir les dépenses inhérentes à un retour à l’emploi (achat de vêtements, moyens de transport, garde d’enfants…).
Pour autant, l’ensemble des dispositifs d’intéressement restait complexe, et, partant, peu lisible pour ses bénéficiaires : mal connus, ils ne touchaient qu’un public restreint, d’autant qu’ils supposaient une démarche spécifique des demandeurs. Par ailleurs, la réforme réalisée en 2006 ne permettait pas de dépasser les deux principales limites des systèmes d’intéressement :
– leur caractère provisoire, n’assurant qu’une incitation financière à court terme ;
– leur cantonnement aux seules prises ou reprises d’emploi, qui excluait les personnes bénéficiant d’un minimum social tout en exerçant une activité réduite.
● Dans ce contexte, la « commission Hirsch » avait défini les grands axes d’une réforme d’ensemble des prestations sociales : le produit de chaque heure travaillée doit améliorer le revenu final de la famille, en supprimant les effets de seuil ; les revenus doivent être plus prévisibles pour les familles ; le système doit être plus lisible pour les bénéficiaires et plus facile à gérer et à adapter aux besoins des personnes pour les organismes publics. Cette réforme devait s’articuler autour de la création d’une nouvelle prestation, le revenu de solidarité active.
Après une phase d’expérimentation de la prestation dans trente-quatre départements à compter de 2007 et une première évaluation par un comité ad hoc, les travaux de la commission ont trouvé un aboutissement législatif pérenne dans la loi précitée du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active.
La réforme mise en œuvre s’inscrivait en premier lieu dans une logique de simplification, puisque la nouvelle prestation, le RSA, est venue se substituer à deux minima sociaux, le revenu minimum d’insertion (RMI) et l’allocation de parent isolé (API), ainsi qu’à plusieurs mécanismes d’intéressement au retour à l’emploi. Néanmoins, contrairement aux propositions de la commission précitée, le RSA n’a pas remplacé l’allocation de solidarité spécifique (ASS) – versée aux demandeurs d’emploi ayant épuisé leurs droits au titre de l’assurance chômage tout en justifiant certaines conditions d’activité –, et sa création ne s’est pas accompagnée de la suppression de la prime pour l’emploi, alors que leurs finalités sont très proches (voir infra).
Ensuite, la réforme repose sur le principe d’une incitation à la reprise de l’activité, afin d’assurer que toute progression des revenus du travail se traduise par un accroissement du revenu disponible et donc, en termes directs, que le travail « paie », dès la première heure travaillée. Elle permet ainsi de soutenir les revenus des travailleurs modestes.
Pour ce faire, le RSA comporte deux volets : d’une part, le RSA « socle », correspondant à la logique de minimum social différentiel qui était celle du RMI et de l’API ; d’autre part, le RSA « activité », allocation dont le montant est fonction des revenus d’activité du bénéficiaire. C’est ce second volet qui apporte la principale innovation et constitue le cœur de la réforme : il correspond à un mécanisme d’intéressement pérenne à la prise, à la reprise ou à l’exercice d’une activité professionnelle, en garantissant qu’un euro supplémentaire de revenu du travail se traduise dans la durée par une augmentation du pouvoir d’achat de l’allocataire de 0,62 euro.
La création du RSA s’est par ailleurs accompagnée de la suppression de plusieurs dispositifs d’intéressement transitoires, notamment issus de la loi précitée du 23 mars 2006 pour le retour à l’emploi.
La loi du 1er décembre 2008 a également procédé à la réforme des droits connexes des bénéficiaires de minima sociaux, l’éligibilité à certains droits connexes nationaux étant désormais fonction de leurs ressources, et non plus de leur statut de bénéficiaires de minima.
Les trois objectifs du RSA sont définis à l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles, tel qu’introduit par la loi du 1er décembre 2008 : le RSA a pour objet « d’assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d’existence » – pour sa composante « socle » –, il vise à « inciter à l’exercice d’une activité professionnelle » ainsi qu’à « lutter contre la pauvreté de certains travailleurs, qu’ils soient salariés ou non-salariés », pour sa composante « activité ».
Contrairement à la PPE, qui est calculée sur des bases largement individuelles, le RSA est calculé à partir des ressources globales du foyer. L’unité de versement est le « foyer social », lequel correspond aux couples mariés ou pacsés, mais aussi aux concubins – à la différence du foyer fiscal, qui ne prend en compte que les couples unis par des liens juridiques – ainsi que l’ensemble des enfants de moins de 25 ans – lorsque leur rattachement est profitable, c’est-à-dire lorsqu’il permet une augmentation du RSA versé.
Les présents développements ont essentiellement vocation à présenter le RSA « activité », objet de la réforme proposée par les articles 24 à 27 du projet de loi. Pour autant, il n’est pas possible de faire l’économie d’un rappel des caractéristiques du RSA « socle », tant ce dernier et le RSA « activité » sont étroitement imbriqués : le RSA « activité » est en effet calculé à partir des montants forfaitaires prévus pour le RSA « socle », dans le cadre d’une même « base ressources ».
● Le RSA « socle » fonctionne selon les principes classiques de l’aide sociale, sur le modèle du RMI : il est versé aux personnes privées d’activité professionnelle ou dont les revenus tirés du travail ne permettent pas d’atteindre le montant forfaitaire que le RSA « socle » garantit – ce montant forfaitaire étant fonction de la composition du foyer, et notamment du nombre de personnes à charge en son sein. Le montant de l’allocation est défini en retirant du montant forfaitaire l’ensemble des ressources que peut percevoir le « foyer social » par ailleurs.
Ce montant peut être majoré pendant une période limitée si le ou la bénéficiaire de l’allocation est isolée avec au moins un enfant à charge, ou si la bénéficiaire est enceinte (article L. 262-9 du code de l’action sociale et des familles).
Le barème, défini par l’article R. 262-1, prévoit que le montant forfaitaire pour un foyer composé d’une seule personne est majoré de 50 % lorsque le foyer est constitué d’un couple ; il est majoré de 30 % pour chaque personne supplémentaire à charge – cette proportion étant portée à 40 % lorsque le foyer comporte plus de deux personnes de moins de 25 ans à charge, hors conjoint, pacsé ou concubin. S’agissant des personnes isolées, le montant majoré est égal à 128,412 % du montant forfaitaire prévu pour un foyer d’une seule personne ; chaque enfant à charge se traduit par une majoration de 42,804 % de ce même montant forfaitaire (18).
Depuis le 1er janvier 2015, le montant forfaitaire pour une personne seule est fixé à 513,88 euros. Les différents montants forfaitaires en fonction de la configuration du foyer sont retracés dans le tableau suivant :
MONTANT DU RSA « SOCLE » À COMPTER DU 1ER JANVIER 2015
(en euros)
Nombre de personnes à charge |
Montant de base pour une personne seule |
Montant majoré pour une personne seule |
Montant pour un couple |
Sans enfant |
513,88 |
659,88 (femme enceinte) |
770,82 |
1 enfant |
770,82 |
879,84 |
924,99 |
2 enfants |
924,99 |
1 099 |
1 079,15 |
Par enfant supplémentaire |
205,55 |
219,96 |
205,55 |
Le conjoint, partenaire de pacs ou concubin n’est pas pris en compte pour définir le barème du RSA « socle » d’un foyer dès lors qu’il se trouve en congé parental, en congé sabbatique, en congé sans solde ou en disponibilité (article L. 262-5). Cette règle résulte du fait que le RSA a vocation à soutenir des personnes privées de ressources ou dont les ressources sont insuffisantes et à inciter à l’exercice d’une activité professionnelle : il ne doit donc pas se substituer à un salaire auquel un salarié en congé parental, sabbatique, sans solde ou en disponibilité a fait le choix de renoncer bien qu’il puisse y prétendre.
● Allocation différentielle, le montant effectivement versé au titre du RSA « socle » est déterminé en ôtant du montant forfaitaire garanti « l’ensemble des ressources du foyer », aux termes de l’article L. 262-3. Les articles R. 262-6 à R. 262-15 définissent les contours de ce qu’il est convenu d’appeler la « base ressources » du RSA, qui comporte :
– les revenus professionnels, qu’ils soient tirés d’une activité salariée ou non salariée, ainsi que les revenus de remplacement, tels que les allocations de chômage et les pensions de vieillesse et d’invalidité ;
– l’ensemble des autres revenus dont bénéficie le foyer, notamment les revenus procurés par les biens mobiliers et immobiliers et par les capitaux, mais aussi les pensions alimentaires ;
– les avantages en nature ; l’avantage en nature lié à la disposition d’un logement, que l’allocataire en soit propriétaire ou qu’il en dispose à titre gratuit, fait l’objet d’une évaluation mensuelle forfaitaire, fonction du nombre de personnes au sein du foyer. Ce « forfait logement » est égal, depuis le 1er janvier 2015, à 61,67 euros pour une personne, à 123,33 euros pour deux personnes, et à 152,62 euros pour trois personnes ou plus ;
– les prestations et aides sociales – telles que les allocations familiales – à l’exception de celles qui sont exclues de la « base ressources » à raison de leur finalité sociale particulière. La liste des vingt-quatre prestations qui ne sont pas prises en compte, telle que définie par l’article R. 262-11, s’avère relativement hétéroclite : y figurent des aides sociales ponctuelles, telles que la prime de naissance et l’allocation de rentrée scolaire, des aides ciblées pour financer la garde d’enfant, comme le complément de libre choix du mode de garde, ou encore certaines liées à la compensation du handicap, telles que l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé ; s’y ajoutent diverses mesures de réparation, par exemple celle bénéficiant aux orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites, ou encore le capital décès versé par un régime de sécurité sociale.
En application des articles R. 262-10 et R. 262-10-1, plusieurs prestations sont évaluées de manière forfaitaire, à savoir le complément familial majoré, l’allocation de soutien familial ainsi que les aides personnelles au logement – les montants forfaitaires retenus dans ce dernier cas étant ceux définis pour l’avantage en nature lié à la disposition d’un logement, indiqués supra.
Figure également parmi les ressources prises en compte la valeur en capital des biens non productifs de revenus – par exemple une résidence héritée d’un parent qui, n’étant pas mise en location, n’occasionnerait aucun revenu. En la matière, la règle applicable est celle établie par l’article R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles : « les biens non productifs de revenu, à l’exclusion de ceux constituant l’habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux ».
Par ailleurs, en application de l’article L. 262-10, le droit au RSA « socle » est subordonné à la condition que le foyer fasse valoir ses droits aux créances alimentaires qui lui sont dues, notamment dans le cadre d’un divorce ou, pour un enfant majeur, auprès de ses parents.
● Le RSA « activité » est fonction du montant des revenus du travail perçus : il repose sur la notion de revenu garanti, égal à la somme du montant forfaitaire (ou RSA « socle ») et d’une fraction des revenus professionnels des membres du foyer, qui est fixée à 62 % par l’article D. 262-4. Le RSA effectivement versé est égal à la différence entre ce revenu garanti et les ressources du foyer – soit les revenus d’activité et toutes les autres ressources prises en compte, en application de la « base ressources » présentée supra.
Le RSA versé peut relever uniquement de la composante « activité », lorsque son bénéficiaire perçoit des revenus d’activité supérieurs au montant du RSA « socle ». Dans le cas contraire, une personne peut bénéficier à la fois du RSA « socle » et du RSA « activité ».
La formule de calcul peut s’écrire comme suit :
RSA « activité » = [montant forfaitaire + 62 % des revenus d’activité du ménage] – revenus d’activité – autres ressources du ménage (comprenant le cas échéant le RSA « socle »)
Exemple 1 : une personne propriétaire de son logement perçoit des revenus d’activité mensuels de 350 euros ; elle ne dispose d’aucune autre ressource. Elle bénéficie d’un RSA total égal à 319 euros, soit [514 euros + 0,62*350 euros – 350 euros – 62 euros au titre du « forfait logement »].
Sur cette somme de 319 euros, 102 euros relèvent du RSA « socle », afin d’atteindre le montant forfaitaire, et 217 euros relèvent du RSA « activité ».
Exemple 2 : une personne louant son logement et bénéficiant d’une aide personnelle au logement perçoit des revenus d’activité de 900 euros mensuels ; elle ne bénéficie d’aucune autre ressource. Elle a droit à un montant de RSA « activité » de 110 euros, soit [514 euros + 0,62*900 euros – 900 euros
– 62 euros ].
Ce mécanisme permet ainsi que chaque bénéficiaire du RSA dont les revenus d’activité augmentent de 100 euros ne voie son allocation diminuer que de 38 euros – son revenu disponible augmentant de 62 euros. Néanmoins, ce montant de 62 euros peut s’avérer théorique, compte tenu de l’incidence de l’augmentation des revenus d’activité d’un foyer sur le montant des allocations logement qui lui sont versées (voir infra).
● Par ailleurs, dans la lignée du mécanisme de cumul qui était prévu dans le cadre du RMI, le bénéficiaire du RSA « socle » peut conserver son allocation à taux plein lorsqu’il reprend une activité, et ce pendant une durée de trois mois (5° de l’article L. 262-3 et article R. 262-12) ; le RSA « activité » n’est pas versé pendant cette période. Ce dispositif s’apparente à une mesure d’intéressement temporaire, offrant une allocation majorée de 38 % par rapport au RSA « activité ».
● Le « point de sortie » du RSA, c’est-à-dire le montant de ressources du foyer au-delà duquel l’allocation n’est plus versée, n’est pas directement défini par la loi ou le règlement ; il découle des modalités de calcul de la prestation, en fonction de la composition du foyer et des ressources que ce dernier perçoit en sus de ses revenus d’activité.
Le graphique ci-après modélise les effets du barème du RSA « activité » pour un célibataire sans enfant et permet de constater que le RSA versé est maximal à environ 0,4 SMIC, pour un point de sortie situé à 1,15 SMIC. Le ressaut observé sur la droite de la courbe correspond aux effets induits par les évolutions des allocations logement.
MONTANT DU RSA « ACTIVITÉ » EN FONCTION DU SALAIRE
€/mois
Source : Pâris 2015 – DG Trésor.
Note : montant pour un célibataire sans enfant, recourant aux allocations logement, résidant en zone 2, et payant le loyer plafond des allocations logement.
● Le RSA est servi chaque mois par les caisses d’allocations familiales et de Mutualité sociale agricole (MSA) ; il est calculé à partir des revenus trimestriels, sur la base d’une déclaration trimestrielle de ressources (DTR) remplie par le bénéficiaire. Dans un souci de réactivité, tout changement de situation intervenant au cours de cet intervalle de trois mois, tel qu’une modification du statut d’activité ou de la composition du foyer, doit être déclaré par le bénéficiaire, afin d’ajuster le montant de la prestation à ces nouveaux paramètres : en effet, aux termes de l’article D. 262-34, les changements de situation de nature à modifier les droits au RSA prennent effet à compter du premier jour du mois au cours duquel s’est produit l’événement modifiant la situation de l’intéressé.
Le RSA n’est pas versé lorsque son montant est inférieur à 6 euros.
● S’agissant de son régime fiscal et social, le RSA n’est pas soumis à l’impôt sur le revenu ni à la CSG. En revanche, il est assujetti à la CRDS, au taux de 0,5 %, mais pour sa seule composante « activité » – la partie « socle » en étant exonérée.
Les conditions d’éligibilité au RSA en matière d’âge, de statut étudiant ou assimilé et de durée de résidence en France pour les étrangers s’inscrivent dans la lignée de celles qui étaient prévues dans le cadre du RMI.
● Aux termes du 2° de l’article L. 262-4, le bénéfice du RSA est réservé aux personnes résidant en France de manière stable et effective, qui sont de nationalité française ou titulaires depuis au moins cinq ans d’un titre de séjour autorisant à travailler (19). Les ressortissants de l’Union européenne, de l’Espace économique européen et de la Suisse doivent remplir les conditions exigées pour bénéficier d’un droit de séjour (20), tout en ayant résidé en France durant les trois mois précédant la demande de la prestation – cette condition de durée de résidence ne trouvant toutefois pas à s’appliquer pour les personnes exerçant une activité professionnelle.
● Par ailleurs, ne sont pas éligibles au RSA les personnes âgées de moins de 25 ans, sauf lorsqu’elles assument la charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître (1° de l’article L. 262-4). Cette condition d’âge, assortie d’une exception au titre des charges de famille, reprend les règles prévues dès l’origine dans le cadre du RMI. Elle relève d’une logique de minimum social, mais n’apparaît pas véritablement justifiée pour le RSA dans son volet « activité » : on voit mal ce qui justifie d’exclure les plus jeunes d’un mécanisme d’incitation à la prise d’activité et de soutien aux revenus des travailleurs modestes.
C’est la raison pour laquelle la loi de finances pour 2010 (21) est venue ouvrir le bénéfice du RSA aux personnes âgées de moins de 25 ans, mais à la condition que ces dernières exercent une activité professionnelle, et ce pendant un nombre déterminé d’heures de travail au cours d’une période de référence précédant la demande (article L. 262-7-1). Cette condition de volume d’activité minimal a été définie de façon restrictive, puisque pour bénéficier du RSA « jeunes actifs », il faut justifier d’au moins deux ans d’activité en équivalent temps plein (soit 3 214 heures) au cours des trois années précédant la demande. De ce fait, le nombre de personnes effectivement bénéficiaires du RSA « jeunes actifs » est resté très limité – fort en deçà des prévisions initiales.
Pour autant, une personne de moins de 25 ans peut bénéficier du RSA de façon indirecte, soit en tant qu’enfant à charge, s’il fait partie d’un foyer dont l’un des membres perçoit le RSA, soit en tant que conjoint d’un bénéficiaire âgé, pour sa part, de plus de 25 ans.
● Aux termes du 3° de l’article L. 262-4, ni les élèves, ni les étudiants, ni les stagiaires ne peuvent percevoir le RSA, quel que soit leur âge. Il convient de noter que seules les personnes effectuant leurs stages dans le cadre d’enseignements scolaires et universitaires sont concernées par cette exclusion ; les stagiaires de la formation professionnelle peuvent bénéficier du RSA puisque les revenus perçus à cette occasion sont assimilés à des revenus d’activité.
● Ne sont pas éligibles au RSA les personnes se trouvant en congé parental, en congé sabbatique, en congé sans solde ou en disponibilité (22) pour les mêmes raisons, exposées supra, qui justifient la non-prise en compte des personnes se trouvant dans ces positions pour définir le barème du RSA « socle » d’un foyer (4° de l’article L. 262-4).
Il convient enfin de noter que le dispositif du RSA présente un volet relatif à l’insertion et à l’accompagnement, intitulé « Droits et devoirs de ses bénéficiaires », réuni aux articles L. 262-27 à L. 262-39. Il reprend certains éléments qui étaient déjà prévus dans le cadre du RMI, notamment la contractualisation des engagements réciproques du bénéficiaire et de l’administration, dans le cadre d’un « contrat d’insertion », ainsi que la désignation d’un « référent » individuel. La création du RSA s’est toutefois accompagnée de plusieurs innovations, avec l’affirmation du principe selon lequel l’allocataire a droit à un accompagnement social et professionnel adapté à ses besoins – traduisant une généralisation de l’accompagnement, notamment pour les ex-bénéficiaires de l’API –, la mise en œuvre d’une orientation des bénéficiaires fondée sur leur distance à l’emploi et la primauté donnée à l’insertion professionnelle.
Aux termes de l’article L. 262-28, sont tenues à une obligation de rechercher un emploi ou de suivre les actions d’insertion prescrites les personnes qui ne bénéficient que du RSA « socle », ainsi que celles qui sont sans emploi ou dont le salaire est inférieur à 500 euros mensuels. Les bénéficiaires sont alors orientés vers un parcours professionnel ou un parcours social : les personnes pouvant reprendre immédiatement un emploi sont dirigées vers Pôle emploi ou vers un autre organisme de placement, tandis que celles ne pouvant pas reprendre immédiatement un emploi en raison de difficultés sociales sont orientées vers les services sociaux du conseil départemental ou vers un organisme d’insertion.
Ces obligations ne concernent de facto quasiment que les bénéficiaires du RSA « socle », qu’ils perçoivent ou pas par ailleurs du RSA « activité » au titre de revenus d’activité inférieurs au seuil de 500 euros mensuels.
En revanche, tous les bénéficiaires du RSA, dans sa composante « socle » comme « activité », peuvent bénéficier d’un accompagnement par un « référent unique », lequel peut être un conseiller Pôle emploi, un conseiller en insertion professionnelle ou un travailleur social.
Le financement du RSA est assuré conjointement par les départements et l’État. Les premiers sont chargés de la part la plus importante en volume, le RSA « socle », au titre de leur compétence en matière d’insertion sociale. Le second assume les dépenses occasionnées par le RSA « activité », par l’intermédiaire du fonds national des solidarités actives (FNSA), institué en 2008 et régi par l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles.
ÉVOLUTION DES DÉPENSES AU TITRE DU RSA, DANS SES COMPOSANTES « SOCLE » ET « ACTIVITÉ », DEPUIS 2009
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 | |
RSA « socle » |
8 172 |
7 437 |
7 758 |
8 220 |
8 999 |
9 846 |
RSA « activité » |
622 |
1 319 |
1 493 |
1 582 |
1 698 |
1 912 |
Total |
8 794 |
8 756 |
9 251 |
9 802 |
10 692 |
11 758 |
Source : ministère des Affaires sociales.
● Le FNSA a été créé comme une structure légère, sans personnalité morale, administrée par un conseil présidé par le directeur général de la cohésion sociale. Sa gestion administrative et comptable a été confiée à la Caisse des dépôts et consignations afin d’assurer la prise en charge de la composante « activité » du RSA, de l’allocation personnalisée de retour à l’emploi (APRE) (23) et des frais de gestion exposés par les caisses d’allocations familiales et les caisses de Mutualité sociale agricole au titre du RSA « activité ».
Initialement, le financement du FNSA reposait sur l’affectation d’une contribution additionnelle de 1,1 % sur les revenus du patrimoine et sur les produits de placement. Le fonds était abondé par ailleurs par une subvention de l’État, venant compléter ses ressources à due concurrence des besoins, en application du principe, fixé par l’article L. 262-24, selon lequel « l’État assure l’équilibre du fonds national des solidarités actives en dépenses et en recettes ».
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (24) a remplacé la contribution additionnelle de 1,1 % précitée par une fraction du prélèvement de solidarité portant sur la même assiette, à hauteur de 1,45 %.
Puis la loi de finances pour 2015 a procédé à une budgétisation du financement du FNSA : l’intégralité de son financement est désormais assurée par des crédits budgétaires, tandis que l’affectation de la fraction de 1,45 % du prélèvement de solidarité est supprimée. La loi de finances pour 2015 a également prévu d’affecter en complément au FNSA, pour l’année 2015, une part de la contribution exceptionnelle de solidarité des fonctionnaires (25), pour un montant de 200 millions d’euros.
● Dans les premières années ayant suivi la création du FNSA, le faible taux de recours au RSA « activité » s’est traduit par des dépenses effectives bien inférieures aux recettes : les marges de gestion ainsi dégagées ont permis de réaliser en gestion des redéploiements de trésorerie, notamment au profit de l’allocation pour adulte handicapé, et de faire prendre en charge au FNSA d’autres dépenses assez diverses, même si elles présentent des liens avec le RSA.
C’est ainsi que le FNSA a été conduit à assurer le financement du RSA « jeunes actifs » lors de sa création en 2010, tant dans sa composante « socle » que dans sa composante « activité » : le montant annuel de dépenses à ce titre est resté toutefois modeste, en oscillant entre 20 et 30 millions d’euros, compte tenu du champ limité du dispositif.
Le FNSA a également été chargé du financement de la prime exceptionnelle de fin d’année (ou « prime de Noël ») des allocataires du RSA « socle » à partir de 2011 (26). Puis, à compter de 2013 (27), cette compétence s’est étendue à la « prime de Noël » versée aux bénéficiaires de l’allocation spécifique de solidarité (ASS), de l’allocation équivalent retraite (AER) et de l’allocation transitoire de solidarité (ATS). Les montants décaissés au titre de la « prime de Noël » sont en revanche plus significatifs, puisqu’ils devraient dépasser 500 millions d’euros en 2015. C’est la pérennisation de cette prise en charge par le FNSA qui a d’ailleurs conduit à modifier son mode de financement en 2013, par le relèvement de 0,35 point de la contribution venant l’alimenter.
Désormais, le FNSA ne bénéficie plus de ressources supérieures à ses besoins, alors même que le montant de ses dépenses est en hausse continue, tant du fait de l’extension de leur champ que de leur dynamisme propre. Le tableau suivant retrace l’évolution des dépenses du FNSA, au fil de ces évolutions, notamment l’entrée en vigueur du RSA dans les départements d’outre-mer, en 2011 (RSA DOM et revenu supplémentaire temporaire d’activité, ou RSTA), ainsi que l’absorption du RSA et du RSTA au sein de la ligne générale du RSA « activité » et la suppression du financement de l’APRE à compter de 2015.
ÉVOLUTION DES DÉPENSES DU FNSA DEPUIS 2009
(en millions d’euros)
2009 (exécution) |
2010 (exécution) |
2011 (exécution) |
2012 (exécution) |
2013 (exécution) |
2014 (PLF) |
2015 (PLF) | |
RSA « activité » |
744 |
1 312,7 |
1 418 |
1 467,2 |
1 430 |
1 662 |
1 951 |
RSA DOM-RSTA |
0 |
0 |
187 |
188,6 |
147,7 |
148 |
0 |
RSA Mayotte |
0 |
0 |
0 |
0 |
0,2 |
0,5 |
1 |
Prime de Noël pour les allocataires RSA |
0 |
0 |
350,7 |
388,2 |
400,3 |
402 |
424 |
Prime de Noël pour les autres allocataires |
0 |
0 |
0 |
0 |
81,5 |
74 |
89 |
Total pour la prime de Noël |
0 |
0 |
350,7 |
383,8 |
481,8 |
476 |
513 |
RSA « jeunes » |
0 |
20 |
30,8 |
20,2 |
21,8 |
26 |
26 |
APRE |
69 |
117,9 |
80,4 |
49,4 |
21 |
35 |
0 |
Frais de gestion |
100 |
77 |
77,1 |
38,7 |
29,7 |
37 |
39,5 |
Total |
913 |
1 527,6 |
2 144 |
2 152,3 |
2 132,2 |
2 384,5 |
2 530,5 |
Source : projets annuels de performance et rapports annuels de performance de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.
Le rapporteur pour avis observe d’ailleurs que depuis sa création par la loi du 1er décembre 2008, l’article L. 262-24 prévoit l’obligation, pour le Gouvernement, de remettre chaque année au Parlement un rapport sur la mise en œuvre du RSA, sur son financement et sur l’équilibre du FNSA. Comme l’a regretté la Cour des comptes dès 2013, cette obligation n’a jamais été respectée, alors qu’elle aurait pu apporter des éclairages utiles sur un montant de dépenses et de recettes loin d’être négligeables.
Les dépenses afférentes au RSA « activité », notamment, sont en forte augmentation en 2014 et, en prévision, en 2015. Cette évolution est associée à l’augmentation du nombre de bénéficiaires depuis 2013, traduisant peut-être une diminution du non-recours à la prestation (voir infra). Elle découle également de la revalorisation exceptionnelle du RSA « socle » de 2 % par an entre 2012 et 2017, laquelle augmente mécaniquement les dépenses du RSA « activité », à la fois par la hausse de la prestation versée (effet prix) et par la hausse du nombre de personnes éligibles à la prestation (effet champ).
Par ailleurs, le FNSA a pâti de la volatilité des prélèvements de solidarité sur les revenus du patrimoine et sur les produits de placement, qui ont constitué sa principale source de financement jusqu’en 2014. Comme le relevait le rapport spécial de notre collègue Nicolas Sansu sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances pour le projet de loi de finances pour 2015 (28), les recettes perçues à ce titre étaient en net retrait par rapport aux prévisions en 2013 (1 716 millions d’euros, contre 1 880 millions d’euros), tandis que pour l’année 2014, les dernières estimations faisaient état d’un montant de 1 644 millions d’euros, contre une prévision initiale de 1 840 millions d’euros. C’est cette volatilité des recettes qui a justifié la budgétisation opérée en loi de finances pour 2015.
B. L’ABSENCE D’ARTICULATION DES DEUX DISPOSITIFS, NUISANT À LEUR EFFICACITÉ, À LEUR COHÉRENCE ET À LEUR LISIBILITÉ
Tant la PPE que le RSA ont fait l’objet de nombreux travaux et rapports depuis leur création, parmi lesquels figurent les insertions au Rapport public annuel de la Cour des comptes de 2006 (29) puis de 2011 (30) sur la PPE, l’insertion au rapport public de 2013 sur le RSA (31) et une des nombreuses annexes du rapport du comité d’évaluation des niches fiscales et des dépenses sociales publiées en 2011, dit « rapport Guillaume » (32) sur la PPE. S’y ajoute le rapport précité de notre collègue Christophe Sirugue de juillet 2013 sur la réforme des dispositifs de soutien aux revenus d’activité modestes, lequel portait à la fois sur la PPE et le RSA ; enfin, le rapport de mai 2014 du rapporteur pour avis et de M. François Auvigne sur la fiscalité des ménages (33) comportait tout un volet intitulé « soutien au pouvoir d’achat des ménages modestes et incitation à l’activité ».
Ces différents travaux aboutissaient à un diagnostic très largement partagé sur les faiblesses de chacun des deux dispositifs : la PPE est jugée faiblement redistributive et insuffisamment ciblée, tout en étant versée de façon trop décalée dans le temps, tandis que le RSA « activité » souffre d’un taux élevé de non-recours, qui nuit fortement à son efficacité, notamment à sa redistributivité. Les défauts de la PPE ont été accentués par la création du RSA en 2008, et la juxtaposition de ces deux dispositifs, aux objectifs proches, sinon similaires, s’avère illisible et source de complexité pour les bénéficiaires, tout en diluant l’effort public en faveur de la reprise d’activité et du soutien des travailleurs modestes.
Plus largement, les deux dispositifs poursuivent simultanément deux objectifs distincts : le premier, tel qu’il est d’ailleurs explicitement formulé pour chacun d’entre eux, est d’inciter à l’exercice d’une activité. Mais ces deux prestations ont également vocation à compléter les revenus des travailleurs modestes et à soutenir leur pouvoir d’achat – même si cette finalité ne figure pas en tant que telle dans l’article 200 sexies du code général des impôts instituant la PPE. La poursuite de ces deux objectifs s’avère complexe, voire contradictoire dans certains cas ; comme le relevait le rapport précité sur la fiscalité des ménages du rapporteur pour avis et de M. François Auvigne, « clarifier des objectifs, c’est bien faire des choix, recentrer les dispositifs sur les publics visés par ces mêmes objectifs et privilégier un instrument par objectif ».
Les critiques adressées à la PPE, désormais bien connues, ont été présentées dans le commentaire de l’article supprimant la PPE à compter de 2016 figurant dans le rapport général sur le second projet de loi de finances rectificative pour 2014 (34). Les présents développements viennent rappeler les principaux points faibles de ce crédit d’impôt.
● Le premier reproche formulé à l’encontre de la PPE réside dans le manque de ciblage de ses bénéficiaires et, partant, dans le saupoudrage de la dépense fiscale. La PPE bénéficie à un grand nombre de personnes – un sixième des foyers fiscaux français en 2013, contre un quart en 2007 – ce qui s’explique notamment par le point de sortie relativement haut du dispositif, à hauteur de 1,25 SMIC, et par un plafond de RFR fixé à un montant là encore relativement élevé de 32 498 euros pour un couple, avec des majorations par personne à charge.
La répartition du bénéfice de la prime par décile de niveau de vie, présentée dans le graphique ci-après, permet de constater que la PPE bénéficie à l’ensemble des déciles de niveau de vie, même si elle s’avère quelque peu concentrée sur les deuxième à sixième déciles ; les montants versés s’avèrent très proches, quel que soit le décile concerné. Les quatre derniers déciles bénéficient ainsi d’une part non négligeable de la dépense fiscale.
VENTILATION DES MÉNAGES BÉNÉFICIAIRES DE LA PPE PAR DÉCILE DE NIVEAU DE VIE
Source : modèle de microsimulation Saphir 2015 – DG Trésor.
Champ : ménages ordinaires de France métropolitaine.
Note de lecture : 8 % des ménages bénéficiaires de la PPE se trouvent dans le premier décile de niveau de vie.
Cette répartition de la PPE entre un grand nombre de bénéficiaires, y compris dans les déciles les plus élevés, a pour conséquence directe la faiblesse des montants unitaires versés. Ainsi, le nombre de foyers fiscaux qui perçoivent une prime inférieure à 100 euros (soit quelque 8,30 euros par mois) est estimé à près d’un million avant l’imputation du RSA et à 1,4 million après imputation du RSA. Seulement 10 % des bénéficiaires, soit 561 000 foyers fiscaux, perçoivent une PPE supérieure à 795 euros par an (avant imputation du RSA), soit 66,20 euros par mois (35).
Le tableau ci-dessous présente, pour chaque décile de PPE liquidée par foyer fiscal, le nombre de foyers fiscaux bénéficiaires avant et après imputation du RSA (36) :
Source : bureau GF3c, direction générale des finances publiques (deuxième émission des revenus de 2013).
Au total, le montant moyen annuel de la PPE s’établissait en 2014 à 400 euros, soit environ 33 euros par mois – à comparer avec le montant moyen mensuel du RSA « activité », beaucoup plus élevé (voir infra).
De plus, le critère d’éligibilité à la PPE portant sur le plafond de RFR s’apprécie au niveau du foyer fiscal, qui ne recouvre que les couples unis par des liens juridiques, à savoir les personnes mariées ou unies par un pacs. Ce critère ne permet pas de prendre en compte la situation des couples en concubinage : une personne percevant des revenus d’activité modestes, inférieurs à 1,25 SMIC, peut bénéficier de la PPE alors même que son concubin est titulaire de revenus très élevés et que leurs ressources totales sont bien supérieures au plafond de RFR fixé à 32 498 euros pour un couple – puisque ces deux personnes constituent chacune un foyer fiscal distinct.
● Le montant restreint des primes versées et le nombre important de bénéficiaires se traduit mécaniquement par une faible redistributivité de la prestation. Cet effet est d’autant plus marqué que le barème de la PPE exclut les travailleurs les plus pauvres, qui ont perçu moins de 3 743 euros dans l’année, soit 0,27 SMIC en 2015 ; l’annexe du « rapport Guillaume » consacrée à la PPE indiquait ainsi que plus du tiers des travailleurs pauvres n’avait pas accès à la PPE en raison de revenus d’activité trop faibles. Selon des données de 2008, désormais un peu datées, présentées par le « rapport Guillaume », la PPE ne réduisait que de 3,3 % les inégalités de niveaux de vie dans la population ; 370 000 personnes, dont 190 000 travailleurs environ, étaient sorties de la pauvreté grâce à la PPE mais l’intensité de la pauvreté (mesurée par l’écart avec le revenu médian) n’était pas sensiblement modifiée.
Des données plus récentes annexées au rapport sur la fiscalité des ménages de 2014 précité viennent confirmer ce constat : un tableau présentant les effets détaillés du système socio-fiscal français sur les inégalités de niveaux de vie permet de constater que la contribution des impôts directs à la diminution des inégalités est de 39 % – les prestations sociales représentant la part restante de 61 % (37) – et qu’elle repose uniquement sur l’impôt sur le revenu : sur ce total de 39 %, la PPE, au sein de l’impôt sur le revenu, ne contribue qu’à hauteur de 1 % à la réduction des inégalités.
ii. Un versement intervenant de façon tardive, limitant l’incitation à la prise ou reprise d’un emploi
Autre critique bien connue, la nature fiscale de la PPE a pour conséquence directe un décalage important dans le temps de son versement, qui obère son efficacité à inciter à l’activité.
La PPE n’est en effet versée qu’au troisième trimestre de l’année N+1, sur la base des revenus d’activité perçus en année N, et en une seule fois. Comme vu supra, du fait des difficultés de gestion, le versement d’acomptes et la mensualisation introduits en 2004 et 2006 ont été supprimés en 2008. La PPE peut n’être versée que vingt et un mois après une reprise d’activité, si cette dernière intervient en janvier de l’année N, pour une prime versée en septembre de l’année N+1.
Par ailleurs, les bénéficiaires potentiels de la PPE peuvent difficilement anticiper son montant, compte tenu de la complexité du mode de calcul de la prestation. Ce manque de prévisibilité est par ailleurs aggravé en cas de cumul avec le RSA « activité », qui s’impute sur la PPE à percevoir sur l’année suivante.
Le décalage dans le temps de la perception de la PPE, combiné à la difficulté à évaluer son montant et au niveau généralement limité de ce dernier, se traduit nécessairement par une efficacité restreinte dans l’incitation à la reprise d’activité. Dans son rapport de 2011, la Cour des comptes relevait que si l’impact de la PPE sur l’activité était difficile à appréhender, les analyses des mouvements d’entrée et de sortie du dispositif mettaient en évidence que les entrées résultaient le plus souvent d’un changement de revenu et/ou de situation familiale. Elles n’étaient que peu liées à une reprise d’activité. Ce constat, même s’il ne concerne pas un éventuel effet de « maintien dans l’emploi » et n’est pas suffisant pour tirer des conclusions définitives, ne suggère toutefois guère une forte efficacité de la mesure.
De ces constats, il découle que la PPE ne remplit pas de façon satisfaisante ses deux objectifs principaux, à savoir le soutien aux revenus d’activité modestes, du fait d’un trop grand saupoudrage et d’une faible redistributivité, et l’encouragement à la reprise d’activité, pour ces mêmes raisons, auxquelles s’ajoute son décalage temporel.
La PPE dispose néanmoins de deux atouts non négligeables, particulièrement par comparaison avec le RSA « activité ».
En premier lieu, du fait de son adossement à la déclaration d’impôt sur le revenu, la PPE ne nécessite pas de réaliser des démarches spécifiques : concrètement, les contribuables, lorsqu’ils renseignent leur déclaration, se contentent de cocher une case d’éligibilité et, le cas échéant, de remplir la case relative au nombre d’heures travaillées ; le traitement est ensuite entièrement automatisé. Cela se traduit par un taux de non-recours faible, ne découlant que d’erreurs sur la déclaration ou d’une volonté délibérée de ne pas bénéficier de la prime. Le « rapport Guillaume » faisait état d’un taux de recours compris entre 95 % et 97 % – à comparer avec le fort taux de non-recours du RSA (voir infra).
Ensuite, la PPE bénéficie à l’ensemble des contribuables percevant des revenus d’activité, sans condition d’âge, alors que le RSA « activité » est réservé pour l’essentiel aux personnes âgées de plus de 25 ans. Selon les données transmises au rapporteur pour avis, au titre de l’imposition des revenus de 2013, environ 1,1 million de personnes de moins de 25 ans ont bénéficié de la PPE, pour un montant moyen de 425 euros.
Au-delà de ces deux points forts, la PPE présente également l’avantage de favoriser la bi-activité au sein du foyer fiscal, du fait de son mode de calcul fondé principalement sur les revenus d’activité de chacun des membres du foyer fiscal : la PPE versée à un couple marié dont les deux conjoints travaillent et perçoivent chacun un salaire d’un SMIC est quasiment deux fois plus élevée que la PPE versée à un couple dont seulement l’un des conjoints travaille et perçoit le SMIC - la PPE dont bénéficie le déclarant qui travaille étant majorée de 83 euros au titre de la mono-activité.
Exemple : au sein d’un foyer fiscal, lorsque l’un des membres a perçu un salaire mensuel de 1 129 euros en 2014 (soit un SMIC) et que l’autre n’a perçu aucun revenu d’activité, la PPE au titre de l’imposition de leurs revenus de 2014 était de 742 euros (comprenant 659 euros au titre des revenus d’activité et 83 euros de majoration forfaitaire pour mono-activité).
Si les deux membres du foyer fiscal occupaient un emploi et percevaient chacun un salaire mensuel de 1 129 euros, la PPE s’élevait 1 318 euros (soit deux fois 659 euros).
Si l’on peut en contester l’équité, au regard d’un objectif de soutien des revenus modestes, l’individualisation de la PPE répond à une logique d’encouragement à l’activité de chacun des membres du foyer.
b. Le RSA « activité », une prestation à l’efficacité obérée par la faiblesse de son taux de recours
i. Un nombre d’allocataires bien moins élevé qu’escompté, du fait d’un taux de non-recours évalué à 68 %
● Près de six ans après son entrée en application, le RSA « activité » n’a pas véritablement trouvé ni son public ni son positionnement. Son efficacité est fortement affectée par l’importance du taux de non-recours, estimé à 68 %.
Selon le rapport précité de la Cour des comptes publié en 2013, le nombre de bénéficiaires du RSA « activité » avait été chiffré, dans le cadre des études précédant sa création, à 1,4 million. Un an après son entrée en vigueur, en juin 2010, il s’élevait à 434 000, pour atteindre 554 000 en décembre 2014, pour les seuls allocataires du RSA « activité » (38). Les chiffres constatés s’avèrent donc bien éloignés des projections initiales. Il en va de même pour le coût de la prestation, qui avait été initialement estimé, pour la composante « activité », à 3 milliards d’euros en année pleine ; le coût budgétaire se limite à 1,3 milliard d’euros en 2010 et à 1,7 milliard d’euros en 2013.
Après une rapide montée en charge sur la première année d’existence de la prestation, l’augmentation du nombre d’allocataires du seul RSA « activité » a fortement ralenti à partir de 2011 : si la croissance du nombre d’allocataires entre juin 2010 et juin 2011 était de l’ordre de 8 %, elle a ensuite été ramenée à moins de 2,5 % les deux années suivantes.
Elle s’est toutefois accélérée en 2014, pour dépasser 8 % entre juin 2013 et juin 2014, et s’établir à près de 4 % sur les six derniers mois de 2014.
ÉVOLUTION DU NOMBRE DES ALLOCATAIRES DU RSA DEPUIS 2009
Juin 2009 |
Juin 2010 |
Juin 2011 |
Juin 2012 |
Juin 2013 |
Juin 2014 |
Décembre 2014 | |
RSA « socle » |
1 198 000 |
1 332 000 |
1 554 000 |
1 606 000 |
1 737 000 |
1 831 000 |
1 874 000 |
RSA « activité » seul |
280 000 |
434 000 |
469 000 |
480 000 |
492 000 |
533 000 |
554 000 |
RSA « activité » et RSA « socle » |
130 000 |
184 000 |
209 000 |
223 000 |
233 000 |
253 000 |
277 000 |
Total RSA « activité » |
410 000 |
618 000 |
678 000 |
703 000 |
725 000 |
786 000 |
831 000 |
Total RSA |
1 478 000 |
1 766 000 |
2 023 000 |
2 086 000 |
2 229 000 |
2 364 000 |
2 428 000 |
Source : DREES.
La faiblesse du nombre d’allocataires par rapport aux prévisions découle de celle du taux de recours à la prestation. Dans son rapport de décembre 2011, le comité national d’évaluation du RSA indiquait qu’au dernier trimestre 2010, le taux de non-recours pour le seul RSA « activité » s’établissait à 68 % ; pour le RSA « socle », il était chiffré à 35 %, tandis que pour le RSA « socle » et « activité », il était évalué à 33 %. Si ce chiffre de 68 %, désormais un peu daté, n’a pas fait l’objet d’une actualisation depuis 2011, les services de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) estiment qu’il reste pertinent, compte tenu de la faible croissance du nombre d’allocataires de la prestation.
Le fait que plus des deux tiers des personnes éligibles à une prestation ne demandent pas à en bénéficier conduit nécessairement à s’interroger sur l’accessibilité effective du dispositif et sur sa bonne connaissance – tout en gardant à l’esprit que le taux de non-recours pour d’autres prestations sociales, autres que le RSA, est de l’ordre de 25 % à 33 %, selon le rapport de la Cour des comptes de 2013 (voir infra).
● Différents travaux, notamment le rapport précité du comité national d’évaluation du RSA de décembre 2011 (39) et un dossier réalisé en novembre 2014 par la CNAF sur le non-recours aux prestations sociales familiales (40), ont identifié différents facteurs explicatifs.
En dépit de la campagne nationale d’information ayant accompagné son entrée en vigueur, en 2009, et de quelques campagnes ciblées, le RSA « activité » apparaît comme un dispositif relativement mal connu – y compris par certains travailleurs sociaux, comme le relève d’ailleurs l’étude d’impact du présent projet de loi. La complexité de la prestation, résultant notamment de son mode de calcul et des modalités de prise en compte des ressources du foyer, explique également la faiblesse du taux de recours : les potentiels bénéficiaires peuvent avoir des difficultés à évaluer le montant de la prestation à laquelle ils sont éligibles, compte tenu de leurs revenus et de leur situation familiale. À cet égard, la faible attractivité financière de la prestation, au-delà d’un certain niveau de ressources, peut décourager le recours de certains foyers qui bénéficient de revenus d’activité stables, notamment lorsque l’on rapporte la faiblesse des sommes attendues à l’importance des démarches à effectuer pour les obtenir.
De fait, la complexité de la prestation a pour corollaire la lourdeur des démarches de demande : les allocataires peuvent être confrontés à une multiplicité de services instructeurs (caisses d’allocations familiales, Mutualité sociale agricole, agences de Pôle emploi, services du département…). De plus, que l’on effectue une demande de RSA « socle » ou de RSA « activité », que le demandeur soit sans activité ou en emploi, le formulaire à remplir est identique. Même s’il a fait l’objet de simplifications, ce formulaire s’avère long et complexe, comportant cinq pages de questionnaire décrivant le patrimoine, les ressources, les créances sociales et familiales de l’ensemble des personnes composant le foyer, et requérant différentes pièces justificatives : si cela paraît pertinent dans le cadre d’une demande de minimum social comme le RSA « socle », qui vise à compléter les ressources d’un foyer, cela s’avère moins justifié pour la composante « activité » du RSA.
L’obligation de renseigner chaque trimestre une déclaration de ressources, dite DTR (déclaration trimestrielle de ressources), est également désigné comme facteur de non-recours ou de sortie prématurée du dispositif, et ce en dépit des efforts de simplification et de dématérialisation des formalités déclaratives qui ont été réalisées – notamment dans le cadre d’un plan de simplification présenté en juin 2010 (41). Les difficultés associées à la DTR sont d’autant plus importantes que les bénéficiaires de l’allocation se trouvent dans une situation professionnelle instable, marquée par de fréquents changements de statut et d’emploi (CDD, intérim) – soit une part importante, par construction, des allocataires – et que les situations familiales sont complexes (familles recomposées, garde alternée, absence de pension alimentaire…).
Comme le relève le rapport de notre collègue Christophe Sirugue, l’une des conséquences de la complexité de la prestation, de la DTR et de son actualisation mensuelle en cas de changement de situation est la génération d’indus : ces derniers peuvent être mécaniques, liés à la prise en compte des changements de situation des allocataires, imputables au bénéficiaire (erreurs, oublis ou retards de déclarations) ou au gestionnaire, ou ils peuvent résulter de calculs erronés se traduisant par la récupération des sommes indues par la suite. Or, ces indus peuvent s’avérer particulièrement pénalisants pour des publics en situation de précarité ou de pauvreté. De ce fait, certains bénéficiaires justifient le non-recours par leur crainte de se voir réclamer, au cours des mois suivants, des sommes qu’ils auraient perçues à tort sans le savoir.
Plus largement, l’imbrication entre RSA « socle » et RSA « activité », qui ancre ce dernier dans une logique de minimum social, peut exercer un effet dissuasif auprès d’allocataires éligibles au RSA « activité », qui ne souhaitent pas effectuer la demande d’une allocation jugée stigmatisante, ou du moins réservée aux personnes en grande difficulté. Cet aspect psychologique du non-recours est difficile à évaluer, mais il est souvent évoqué dans les enquêtes qualitatives réalisées auprès de personnes éligibles ne recourant pas au RSA « activité ». Comme le souligne l’étude précitée réalisée par la CNAF en 2014, « le RSA comme ses bénéficiaires souffrent d’une image sociale négative, jugée dévalorisante, liée à la pauvreté, à l’étiquette de ʺcas socialʺ et aux abus. (…) La demande de RSA peut être associée par certains à un dernier recours, un constat d’échec (…) ».
Si par nature ce facteur n’est pas cité par les non-recourants, la volonté de ne pas faire l’objet de contrôles, en cas de travail non déclaré par exemple, peut aussi expliquer le refus de demander la prestation. S’il est encore plus malaisé d’estimer la portée de ce facteur dans le non-recours à la prestation, ce dernier ne peut être totalement ignoré.
Du fait de ses modalités de calcul, le RSA « activité » présente de bonnes facultés redistributives, en étant bien ciblé sur les déciles de population les plus modestes – à la différence de la PPE –, comme l’illustre le graphique ci-après :
VENTILATION DES MÉNAGES ÉLIGIBLES AU RSA « ACTIVITÉ »
PAR DÉCILE DE NIVEAU DE VIE
Source : modèle de microsimulation Saphir 2015 – DG Trésor.
Champ : ménages ordinaires de France métropolitaine.
Note : les montants présentés sont les montants que les ménages toucheraient s’ils recouraient au RSA.
Les trois premiers déciles de niveau de vie initial réunissent ainsi 79 % des ménages bénéficiaires du RSA « activité » – contre 45 % des ménages percevant la PPE.
Ouvert dès le premier euro gagné, alors que le bénéfice de la PPE ne débute qu’à partir de 0,27 SMIC, le RSA « activité » comporte un point de sortie plus précoce que la PPE, et il est donc davantage concentré sur les revenus les plus bas. De plus, la prise en compte du foyer au sens large, c’est-à-dire indépendamment du lien juridique entre les adultes qui le composent, permet de se rapprocher davantage de la notion de ménage, qui fait référence pour mesurer la pauvreté, que la notion plus étroite de foyer fiscal, qui traite séparément les concubins.
Par ailleurs, comme vu supra, le montant moyen versé au titre du RSA « activité » est significatif, en s’élevant à 196 euros par mois en 2014. À cet égard, la Cour des comptes observait en 2013 que le montant moyen du RSA « activité » est plus élevé qu’initialement envisagé, les simulations réalisées lors de la création de la prestation ayant estimé ce montant à 130 euros. Cela tendrait à confirmer que, d’une part, les bénéficiaires potentiels du RSA « activité » recourent peu à la prestation quand le montant escompté est faible et que, d’autre part, le RSA « activité » se concentre principalement sur les travailleurs ayant de très faibles revenus d’activité appelant une incitation plus forte.
Le tableau ci-dessous, présentant les montants moyens mensuels du RSA « activité » et de la PPE par décile de niveau de vie pour l’année 2016, permet de constater l’écart entre les deux prestations :
MONTANTS MOYENS MENSUELS DE RSA « ACTIVITÉ » ET DE PPE,
PAR DÉCILE DE NIVEAU DE VIE (EN EUROS 2016)
(en euros)
Total |
D1 |
D2 |
D3 |
D4 |
D5 |
D6 |
D7 à D10 | |
Allocation socle et activité |
175 |
186 |
182 |
169 |
126 |
ns |
ns |
ns |
Allocation activité seule |
176 |
214 |
168 |
140 |
166 |
ns |
ns |
ns |
PPE |
34 |
38 |
34 |
32 |
34 |
34 |
33 |
35 |
« ns » = pour non significatif (le nombre de ménages concernés étant trop faible).
Source : ministère des Affaires sociales.
De ce fait, le RSA « activité » devrait constituer un outil d’incitation à la reprise d’activité et de soutien des revenus des travailleurs pauvres beaucoup plus efficace que la PPE. De plus, son versement mensuel, sur la base d’une déclaration trimestrielle de ressources, permet d’assurer une bonne réactivité ainsi qu’une adaptation en temps réel aux changements de situation de l’allocataire.
Pour autant, son impact est fortement réduit par la faiblesse de son taux de recours. Le RSA « activité » contribue beaucoup moins qu’il n’est censé le faire à la réduction de la pauvreté. Dans une étude réalisée en mars 2012 et relative au niveau de vie des salariés rémunérés au SMIC, la direction générale du Trésor estimait que « le non-recours au RSA activité condui[sa]it a une moindre progression du niveau de vie associée au RSA activité pour 14 % des salariés au SMIC. Pour eux, le manque à gagner s’élève à 123 euros par mois en moyenne, soit 12 % de leur revenu disponible. […] Le niveau de vie des salariés au SMIC appartenant au premier décile de niveau de vie progresserait de 87 % en cas de plein recours au RSA activité ; en réalité, la progression n’est que de 74 %. » (42)
La Cour des comptes relevait quant à elle en 2013 que le taux de non-recours diviserait par trois l’effet attendu du RSA « activité » sur la pauvreté : en cas de plein recours, la prestation réduirait de 0,7 point le taux de pauvreté alors qu’en raison du non-recours, il ne le réduirait que de 0,2 point. Le RSA « activité » aurait, selon la direction générale du Trésor, permis à 150 000 personnes (soit 75 000 foyers) de sortir de la pauvreté, soit 250 000 de moins qu’en cas de plein recours.
Le principal objectif assigné à la composante « activité » du RSA est d’inciter à la prise ou la reprise d’un emploi, en supprimant les effets de seuil, de façon à rendre le travail toujours plus rémunérateur que l’activité. Or, la Cour des comptes observait en 2013 que l’efficacité du RSA « activité » était à cet égard difficile à apprécier – les indicateurs prévus par le programme budgétaire retraçant les crédits du RSA « activité » (43) pour mesurer l’effet incitatif de cette prestation étant jugés inadaptés.
De fait, si la construction même du dispositif est censée garantir une incitation financière à la prise d’emploi, par le mécanisme de pente de 62 %, plusieurs éléments viennent minorer cet effet incitatif, en limitant les gains monétaires associés au travail. Les effets dégressifs respectifs du RSA et d’autres prestations sociales peuvent se cumuler.
Tel est notamment le cas pour les allocations logement : la hausse d’un euro de revenu d’activité – au-delà du montant du RSA « socle » – se traduit par une baisse de l’ordre de 0,30 euro des allocations logement. Comme le souligne un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) évaluant les aides personnelles au logement, publié en 2012 (44), la conjugaison de la pente propre du RSA et de celle des aides personnelles au logement conduit à ce que, pour 100 euros de revenu d’activité supplémentaire, le RSA diminue de 38 euros et les aides personnelles d’environ 32 euros : cela signifie que le gain final est de l’ordre de 30 euros et que l’imposition implicite du revenu des ménages modestes est de l’ordre de 70 %.
Cet effet est d’autant plus prégnant que la part des bénéficiaires du RSA « activité » seul qui sont également allocataires d’une aide personnelle au logement est de l’ordre de 69 %, comme le montrent les chiffres – quelque peu datés toutefois – figurant dans les travaux précités de l’IGAS :
PART DES BÉNÉFICIAIRES DU RSA ALLOCATAIRES D’UNE
AIDE PERSONNELLE AU LOGEMENT EN 2010
Nombre de bénéficiaires du RSA |
Part des bénéficiaires du RSA allocataires d’une aide personnelle au logement | |
RSA total |
1 797 714 |
60,7 % |
RSA « socle » seul |
1 154 348 |
57,2 % |
RSA « socle » et « activité » |
197 725 |
62,8 % |
RSA « activité » seul |
445 641 |
69,1 % |
Source : Rapport thématique sur l’efficacité sociale des aides personnelles au logement, Évaluation des aides au logement réalisée par l’IGAS, mai 2012.
La conjugaison des effets dégressifs des deux prestations résulte de l’absence de l’intégration des aides personnelles au logement au RSA lors de la création de ce dernier. Cette intégration s’est en effet heurtée à plusieurs obstacles : l’articulation des deux prestations aurait notamment nécessité une harmonisation des bases ressources, tant en ce qui concerne l’assiette des ressources prises en compte que pour le calendrier de récupération de ces ressources (annuelle pour les allocations logement et trimestrielle pour le RSA), et elle aurait posé des difficultés liées au champ des bénéficiaires de chacune des deux prestations ainsi qu’aux enjeux de territorialité des deux dispositifs (les aides au logement étant modulées géographiquement grâce aux loyers plafonds par zone). Pour autant, ce phénomène rend largement théorique le taux de 62 % de hausse de revenu découlant du RSA lors d’une prise d’activité, pour les foyers concernés par les allocations logement.
Les effets des droits connexes locaux peuvent également être importants lors d’une prise ou reprise d’activité : ces droits connexes, très dégressifs avec les ressources des ménages, et rapidement perdus lors d’un retour à l’emploi, peuvent pénaliser les bénéficiaires du RSA « activité ». Les droits connexes nationaux ont été pour la plupart réformés par la loi du 1er décembre 2008. En revanche, les droits connexes locaux relèvent par définition des collectivités locales au titre du principe de leur libre administration ; comme le relevait la Cour des comptes en 2013, leur connaissance demeure parcellaire, et leur impact sur les gains monétaires à la reprise d’activité est encore imparfaitement connu.
● Le RSA « activité » constitue un dispositif très familialisé, du fait de la prise en compte des ressources du foyer social dans son ensemble pour le calcul de la prestation, à la différence de la PPE. Le barème du RSA « activité » ne varie pas en fonction de la répartition des revenus d’activité entre les membres du foyer.
De ce fait, la prise ou la reprise d’une activité d’un des membres d’un foyer mono-actif bénéficiant du RSA « activité » se traduit mécaniquement par une hausse des ressources du foyer et par une diminution de la prestation versée, ce qui n’incite pas à la bi-activité – alors même que les frais de garde d’enfants sont plus élevés pour les foyers bis-actifs, par exemple. Ce mécanisme est d’ailleurs mal compris par les bénéficiaires, comme le soulignait le rapport de notre collègue Christophe Sirugue.
Exemple : au sein d’un couple, une personne reçoit un revenu d’activité de 800 euros par mois, tandis que son conjoint n’a pas d’activité et ne perçoit aucune ressource. Le RSA « activité » auquel le foyer peut prétendre est de 343 euros mensuels.
Si le conjoint sans activité prend un emploi et perçoit des revenus d’activité de 500 euros mensuels, le foyer peut recevoir un montant de 153 euros au titre du RSA « activité », soit une baisse de la prestation de 190 euros.
Le revenu disponible après reprise d’activité (sans prise en compte des effets liés aux autres prestations sociales) passe donc de 1 143 euros (800+343) lorsque seul un des conjoints travaille à 1 453 euros (800+500+153) lorsque les deux conjoints travaillent, soit une hausse de 310 euros de revenu disponible, pour une hausse de revenus d’activité de 500 euros.
● Ensuite, le RSA « activité » est ouvert à titre principal aux personnes âgées de plus de 25 ans, et exclut tout un pan des travailleurs aux revenus modestes.
Le RSA « jeunes actifs » introduit en 2010 a été assorti de conditions particulièrement difficiles à remplir pour des jeunes entrant sur le marché du travail, tant et si bien que le nombre total de bénéficiaires se limitait à 7 700 personnes en juin 2014. Il n’a jamais dépassé un point haut de l’ordre de 10 000 bénéficiaires en juin 2011.
En juin 2014, environ 2 800 personnes de moins de 25 ans bénéficiaient du RSA « socle », soit un chiffre stable depuis la fin de l’année 2011, tandis que près de 5 000 personnes percevaient le RSA « activité » seul (45). Ces chiffres peuvent d’ailleurs être mis en regard avec les estimations formulées lors de la création du RSA « jeunes actifs » : à terme, ce dernier devait concerner chaque année 160 000 jeunes, dont 120 000 en emploi, pour un coût de 250 millions d’euros (46..
Il convient toutefois de rappeler que les personnes âgées de moins de 25 ans peuvent bénéficier du RSA, dans ses composantes « socle » et « activité », lorsqu’elles ont au moins un enfant à charge ou à naître ; à ce titre, le nombre de bénéficiaires du RSA « socle » âgés de moins de 25 ans est aujourd’hui stabilisé aux environs de 100 000 personnes.
● Alors que le rapport précité de 2005 de la « commission Hirsch » préconisait une intégration de la PPE au sein du futur revenu de solidarité active, cette solution n’a finalement pas été retenue dans le cadre de la loi du 1er décembre 2008, afin d’éviter qu’un trop grand nombre de foyers fiscaux ne perdent à la réforme. L’annexe précitée du « rapport Guillaume » soulignait ainsi que depuis l’instauration du RSA, le maintien de la PPE relevait dans une large mesure de la préservation des droits acquis, alors que, selon des évaluations de la direction générale du Trésor, la suppression de la PPE aurait entraîné une perte de revenu pour plus de 6 millions de ménages, avec une perte moyenne supérieure à 500 euros par an.
La PPE a donc été conservée en l’état, avec une articulation a minima avec le RSA, par l’imputation du RSA sur la PPE versée l’année suivante, afin d’éviter le cumul des deux dispositifs : c’est le mécanisme de PPE « résiduelle ».
● Il en a résulté que la création du RSA est venue aggraver le manque de ciblage de la PPE : du fait de l’imputation du RSA « activité », la distribution de la PPE s’est élevée dans l’échelle des revenus – puisqu’elle n’est perçue en principe, du moins dans son intégralité, que par les ménages non éligibles au RSA « activité ». La création du RSA a également été accompagnée, comme vu supra, par un gel du barème de la PPE ; initialement présenté comme transitoire, dans la perspective d’un rapprochement entre PPE et RSA, le gel a été pérennisé depuis. Le pilotage de la PPE s’est ainsi résumé à sa mise en extinction progressive.
Parallèlement, il est probable que le maintien de la PPE a alimenté le taux de non-recours du RSA, notamment pour les ménages ne pouvant prétendre qu’à un montant relativement restreint de RSA. Bénéficiant d’ores et déjà de la PPE de façon quasi automatique, et sachant que le RSA serait retranché de leur crédit d’impôt, ces ménages ont pu être découragés de se lancer dans les procédures de demande de RSA. Mais de ce fait, sous un autre angle, la PPE a constitué une sorte de « filet de sécurité », à l’égard des bénéficiaires potentiels du RSA qui n’en faisaient pas la demande.
● Au cours des dernières années, environ 600 000 foyers fiscaux étaient à la fois bénéficiaires de la PPE et du RSA « activité », mais le nombre de foyers qui ont effectivement perçu la PPE et le RSA, c’est-à-dire les foyers dont la PPE est supérieure au RSA, est bien moins élevé, oscillant entre 178 000 et 114 000, comme l’illustre le tableau suivant :
ÉVOLUTION DU NOMBRE DE FOYERS BÉNÉFICIAIRES DE LA PPE ET DU RSA (2011-2014)
(en millions)
Année d’imposition |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires de la PPE avant imputation du RSA |
7,18 |
6,76 |
6,38 |
5,62 |
Nombre de foyers bénéficiaires de la PPE (avant imputation du RSA) et du RSA |
0,598 |
0,604 |
0,65 |
0,596 |
dont nombre de foyers dont le montant du RSA est supérieur à celui de la PPE |
0,42 |
0,44 |
0,509 |
0,483 |
dont nombre de foyers bénéficiaires effectifs de la PPE et du RSA |
0,178 |
0,164 |
0,141 |
0,114 |
Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires de la PPE après imputation du RSA |
6,76 |
6,33 |
5,87 |
5,14 |
Source : direction générale des finances publiques.
Pour l’année 2014, alors que 596 000 foyers figuraient parmi les bénéficiaires à la fois de la PPE (avant imputation) et du RSA, 480 000 foyers fiscaux ont vu leur PPE annulée par l’imputation du RSA – alors que les études préalables estimaient à 1,1 million le nombre potentiel de ces foyers. Pour cette même année 2014, l’imputation du RSA sur la PPE représentant une moindre dépense fiscale de 221 millions d’euros, contre 231 millions d’euros l’année précédente.
● Le mécanisme de la PPE résiduelle constitue une source de complexité supplémentaire pour les bénéficiaires potentiels des deux dispositifs, lesquels sont par eux-mêmes sophistiqués et peu lisibles. Le schéma ci-dessous permet de mesurer les interactions entre eux, et la complexité de leur articulation (en se fondant sur une hypothèse de recours du ménage concerné au RSA).
Source : annexe du rapport sur la fiscalité des ménages de mai 2014.
Les règles d’imputation du RSA « chapeau » sur la PPE sont compliquées par la différence de périmètre entre foyer fiscal et foyer social : le RSA perçu par le ménage s’impute en effet sur le ou les foyers fiscaux qui constitue ce ménage, et l’imputation se fera dans des conditions plus ou moins avantageuses selon la configuration professionnelle et fiscale du ménage, se traduisant par des distorsions qui peuvent s’avérer inéquitables.
Exemple, pour un couple percevant 100 euros de RSA :
– si les deux membres du couple sont en concubinage et qu’ils constituent deux foyers fiscaux percevant chacun 50 euros de PPE, l’imputation du RSA annule la PPE de chacun ;
– si les deux membres de ce couple en concubinage perçoivent l’un 100 euros de PPE, l’autre 0 euro, le ménage conserve 50 euros de PPE après imputation du RSA « activité », alors qu’il a le même revenu d’activité que l’exemple précédent ;
– si les deux membres du couple sont mariés ou pacsés et qu’ils constituent un foyer fiscal unique, percevant 100 euros de PPE, l’imputation du RSA « activité » annule la PPE du foyer.
● Plus largement, au-delà de la coexistence de la PPE et du RSA, plusieurs autres mécanismes ont vocation à accompagner la reprise d’activité ; la création du RSA ne s’est pas accompagnée d’un effort de rationalisation suffisant. Cet état de fait constitue un facteur de confusion supplémentaire.
Comme vu supra, la possibilité de cumuler le RSA « socle » dans son intégralité avec des revenus d’activité pendant une période de trois mois suivant la reprise d’une activité, héritage du RMI, a été conservée, afin de ne pas faire apparaître le RSA comme moins favorable que le RMI. Cela a pour conséquence que la mise en place du RSA « activité », trois mois après la prise d’un emploi, se traduit pour le bénéficiaire par une baisse de revenu : peut s’ensuivre une mauvaise compréhension de la composante « activité » du RSA par l’allocataire, laquelle apparaît comme un dispositif d’intéressement moins favorable.
S’y ajoute un mécanisme spécifique destiné aux bénéficiaires de l’ASS, qui s’avère particulièrement complexe, en mêlant cumul intégral et intéressement forfaitaire, pour des durées limitées, selon des règles variables selon que la durée de l’activité reprise est inférieure ou supérieure à 78 heures mensuelles. Les demandeurs d’emploi indemnisés au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) peuvent quant à eux cumuler pour partie une indemnisation chômage avec des revenus tirés d’une activité professionnelle.
Datée du 7 mars 2013, la lettre de mission du Premier ministre, adressée à notre collègue Christophe Sirugue était claire. Il s’agissait de proposer des solutions juridiques afin de trouver un « juste équilibre entre redistribution financière envers les travailleurs pauvres et accompagnement du retour à l’emploi ».
Le travail mené par les membres du groupe a abouti à la présentation de quatre grandes familles de scenarii, qui peuvent être résumées ainsi :
– le scenario A envisageait la fusion de la PPE actuelle et du RSA « activité » dans une PPE rénovée. Mais les effets anti-distributifs de cette solution ont été jugés trop importants : les ménages modestes auraient en effet supporté l’essentiel des pertes consécutives à la réforme ;
– le scenario B, qui conservait le RSA « activité » existant en y intégrant la PPE, n’a pas non plus été retenu, du fait d’un taux de recours probablement aussi faible que celui du RSA « activité » aujourd’hui et du maintien du caractère de minimum social attaché au RSA ;
– le scenario C consistait en une fusion du RSA « activité » et de la PPE dans une nouvelle prestation strictement individualisée. Là encore, les inconvénients liés au manque de distributivité de la mesure ont été soulevés ;
– le scenario D, enfin, visait à étudier la mise en place d’une exonération ciblée de cotisations sociales salariales. Le rapport mentionne certains inconvénients qui sont qualifiés d’insurmontables, comme la faible redistributivité, ou l’importance des effets de bords.
Les membres de la mission ont finalement travaillé sur une amélioration du scenario C, afin d’en atténuer les principaux inconvénients et de proposer une réforme efficace et équilibrée. Le rapport a donc suggéré la mise en place d’une « prime d’activité », dont les contours étaient les suivants :
– une prime individuelle, dépendant uniquement des revenus d’activité de l’intéressé et versée au travailleur si sa rémunération mensuelle est inférieure à 1,2 SMIC. Les ressources du foyer ne seraient prises annuellement en compte que pour déterminer l’éligibilité du travailleur au dispositif ;
– une ouverture aux jeunes dès 18 ans ;
– des mesures complémentaires pour les couples mono-actifs ou pour les personnes isolées (majorations spécifiques de la prime d’activité ou majorations des allocations familiales pour ces personnes) ;
– une enveloppe budgétaire constante par rapport aux deux dispositifs actuels, une fois neutralisés les effets futurs du gel de la PPE, sauf effort supplémentaire en faveur de certaines configurations familiales ;
– un fonctionnement simplifié sur le principe des droits « figés » trimestriellement, en fonction des revenus perçus lors du trimestre précédent la demande.
Le graphique suivant correspond au barème proposé par le rapport de notre collègue Christophe Sirugue.
BARÈME ENVISAGÉ POUR LA PRIME D’ACTIVITÉ
Source : Rapport de M. Christophe Sirugue (juillet 2013).
En parallèle, d’importantes réflexions ont été menées dans le cadre du groupe de travail sur la fiscalité des ménages. Le rapport synthétisant les travaux du groupes’est attaché à analyser l’impact global tant des prélèvements obligatoires que des prestations sociales sur la progressivité et la distributivité de notre système.
Le rapport a préconisé une mesure à deux volets, afin de réorganiser le soutien aux personnes modestes et d’inciter à l’activité. Il s’agissait de combiner un renforcement du RSA « activité » valorisant les gains à la reprise d’activité en sortie des revenus d’assistance et un dispositif clair de soutien au pouvoir d’achat des travailleurs par l’intermédiaire d’un allégement de cotisations sociales salariales sur les bas salaires.
Cette double mesure avait l’avantage immense d’éviter une confusion trop forte des objectifs, entre d’une part l’incitation au travail et d’autre part le soutien financier aux travailleurs modestes.
La mesure d’allégement de charges avait en outre pour mérite d’être lisible, automatique et simple administrativement. Votée par le Parlement, elle a fait l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel (47).
Redonner du pouvoir d’achat aux salariés les moins bien payés en baissant dégressivement leurs cotisations sociales, tel était l’objet de la mesure forte contenue dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (48). Cette disposition devait s’appliquer à compter du 1er janvier 2015.
L’article 1er de la loi de financement rectificative prévoyait d’instaurer une réduction dégressive de cotisations sociales salariales pour les rémunérations jusqu’à 1,3 SMIC horaire (49). Le montant de la réduction aurait été maximal au niveau du SMIC (50), atteignant 3 points de cotisations sur les 7,9 points existant à ce niveau.
Même si les effets de bord auraient été inévitables, comme l’avait signalé le rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances, il s’agissait d’une mesure simple, automatique et directe de soutien au pouvoir d’achat des travailleurs modestes
Cet allégement dégressif de cotisations sociales aurait concerné 7,4 millions de travailleurs, publics ou privés, pour un coût estimé à 2,5 milliards d’euros en 2015.
Le Conseil a analysé cette mesure comme une rupture d’égalité contraire à la Constitution, aux motifs qu’« un même régime de sécurité sociale continuerait, en application des dispositions contestées, à financer, pour l’ensemble de ses assurés, les mêmes prestations malgré l’absence de versement, par près d’un tiers de ceux-ci, de la totalité des cotisations salariales ouvrant droit aux prestations servies par ce régime ; que, dès lors, le législateur a institué une différence de traitement, qui ne repose pas sur une différence de situation entre les assurés d’un même régime de sécurité sociale, sans rapport avec l’objet des cotisations salariales de sécurité sociale ».
Le Gouvernement a donc décidé de procéder à la création d’une nouvelle prestation, objet de la présente réforme.
Dans cette logique, la PPE a été supprimée par l’article 28 de la seconde loi de finances rectificative pour 2014 en vue de refondre les deux dispositifs existants, PPE et RSA « activité », et de disposer d’une enveloppe financière globale équivalente au coût budgétaire qu’ils représentent en 2014, sur un modèle qui reprend certaines caractéristiques de la prime d’activité envisagée par le rapport de notre collègue Christophe Sirugue.
La présentation du contexte de la réforme proposée ne saurait être complète sans l’analyse de la priorité politique dans laquelle elle s’inscrit inévitablement : la lutte contre la pauvreté. En effet, la création de la prime d’activité fait partie intégrante de la feuille de route 2015-2017 du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, comme l’a rappelé le Premier ministre le 3 mars dernier devant Conseil national des politiques de lutte contre l’exclusion.
Il existe de nombreuses grilles de lecture et autant d’indicateurs visant à mesurer le nombre de personnes démunies en France. Ces référentiels varient en fonction des objectifs poursuivis et s’articulent autour de plusieurs notions-clés, recouvrant des situations sociales complexes : pauvreté, pauvreté en emploi, travailleurs pauvres, difficultés de conditions de vie, persistance de la qualité d’allocataires de minimas sociaux, renoncement aux soins, demande de logement social non satisfaite, sortie du système scolaire sans qualification, demandeurs d’emploi non indemnisés, etc.
Il est cependant possible de se déterminer en fonction de la définition du « seuil de pauvreté », indicateur de l’incidence de la pauvreté au sein d’une population donnée, harmonisé au niveau européen. Pour l’Insee, comme pour Eurostat, une personne est pauvre si son niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian de la population dans laquelle elle s’intègre.
L’Insee calcule le niveau de vie de chaque individu en rapportant le revenu disponible du ménage dans lequel il vit, à la taille de ce ménage, celle-ci étant mesurée grâce au nombre d’unités de consommation (UC) qui le compose (51).
Cette notion statistique de ménage, qui englobe à la fois le foyer social et le foyer fiscal, a des conséquences importantes lorsque les effets d’une réforme sont appréhendés en fonction du décile de niveau de vie, et permet d’expliquer certaines incohérences au niveau des premier et dernier déciles.
Un ménage peut ainsi contenir plusieurs « foyers RSA », et il en est de même pour la prime d’activité (52).
En outre, le niveau de vie est établi sur une base annuelle. Ainsi, un ménage qui est allocataire d’une prestation sociale au premier trimestre mais avec de forts revenus dans les trimestres qui suivent peut appartenir à des déciles de niveau de vie élevés tout en restant, statistiquement, allocataire de minima sociaux.
En 2012, en France métropolitaine, le niveau de vie médian de la population s’élève à 19 740 euros annuels. Le seuil de pauvreté s’établit donc à 987 euros mensuels.
Selon l’Insee, la pauvreté, mesurée par référence à ce seuil, est en diminution et revient à un niveau proche de celui de 2010 : elle concerne 8,5 millions de personnes (13,9 % de la population), après 8,7 millions en 2011 (14,3 %). Mais dans le même temps, l’intensité de la pauvreté augmente : le niveau de vie des personnes pauvres est relativement plus éloigné du seuil de pauvreté.
Enfin, il est constaté un accroissement de la pauvreté parmi les familles monoparentales : leurs revenus d’activité baissent, dans un contexte où les prestations sociales sont peu revalorisées. A contrario, la situation relative des retraités s’améliore.
Comme le rappelle notre collègue Christophe Sirugue dans son rapport précité, les travailleurs pauvres sont quant à eux définis en référence au niveau de vie du ménage dans lequel ils vivent (ils font partie d’un ménage dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian) et à leur activité (l’Union européenne retient le seuil d’au moins sept mois de travail sur une période de référence de douze mois).
Ces indicateurs témoignent en revanche d’une dégradation de la situation des travailleurs pauvres entre 2008 et 2012, comme le montre le tableau suivant :
ÉVOLUTION DE L’INDICATEUR « TRAVAILLEURS PAUVRES » DEPUIS 2008 :
(en pourcentage)
2008 (1) |
2009 (1) |
2010 (1) |
2010 (2) |
2011 (2) |
2012 (2) |
7 |
7 |
7,1 |
7 |
7,5 |
7,4 |
Sources : (1) Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux 2008 à 2012 et enquêtes Emploi trimestrielles pour les données 2008 à 2012. (2) Tableaux de l’économie française - Insee - février 2015
Le rapport de notre collègue Christophe Sirugue précise aussi que les « travailleurs modestes », expression souvent employée, sont définis comme l’ensemble des travailleurs dont les revenus disponibles les situent à un niveau proche du seuil de pauvreté.
Afin d’augmenter le niveau de vie des individus privés d’emploi, ou celui des travailleurs modestes, la seule solution pérenne à la fois pour les personnes concernées et pour les finances publiques reste l’augmentation des ressources disponibles par l’augmentation des revenus du travail. La réforme proposée s’inscrit donc parfaitement dans l’objectif d’une réduction durable de la pauvreté des individus en emploi, en complément de l’ensemble des mesures déjà mises en œuvre dans le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté décidé par l’actuelle majorité.
2. Le plan de lutte contre la pauvreté : un effort budgétaire considérable estimé à 2,5 milliards d’euros par an sur la période 2013-2017
Le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale a été adopté en comité interministériel de lutte contre les exclusions le 21 janvier 2013. Lors de son lancement, le Premier ministre avait estimé l’effort budgétaire à 2,5 milliards d’euros par an, soit environ 12,5 milliards d’euros pour le quinquennat. De nombreuses mesures ont d’ores et déjà été mises en œuvre durant la période 2013-2014. La nouvelle feuille de route pour la période 2015-2017 témoigne de la permanence de l’action gouvernementale dans ce domaine.
Le plan de lutte contre la pauvreté comporte un important volet relatif aux revalorisations significatives de plusieurs minima sociaux. Ces « coups de pouce » sont résumés dans le tableau ci-dessous, issu du deuxième rapport d’évaluation du plan (53) :
LES REVALORISATIONS DU RSA, DE L’ASPA, DE L’ASF ET DU COMPLÉMENT FAMILIAL MISES EN œUVRE SUITE AUX ENGAGEMENTS DU PLAN PAUVRETÉ
(en euros)
2013 |
2014 |
2015 |
Objectif 2017 | ||||||
1er janvier |
1er avril |
1er septembre |
1er janvier |
1er avril |
1er septembre |
1er octobre |
1er janvier |
||
Revalorisation en % |
Suivant inflation* : + 1,8 % (RSA) |
+ 2 % (RSA) |
Suivant inflation* : 1,3 % (RSA) |
+ 5 % (ASF) + 10 % (CF) |
+ 2 % (RSA) |
Revalorisation exceptionnelle de l’ASPA |
Suivant inflation* : + 0,9 % |
||
RSA « socle » |
483 |
493 |
499 |
509 |
514 |
RSA : + 10 % en sus de l’inflation | |||
ASPA, minimum vieillesse |
787 |
792 |
800 |
Revalorisation exceptionnelle au 1er octobre 2014 | |||||
ASF |
90 |
95 |
+ 25 % en 5 ans | ||||||
Complément familial |
167 |
185 |
+ 50 % en 5 ans |
*selon le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2015.
Source : Mission de l’IGAS d’après DGCS, PLF, RSA : décrets n° 2012-1488, n° 2013-793, n° 2013-1263, n° 2014-112, n° 2014-1589 et n° 2014-1615 ; ASPA : décrets n° 2013-276, n° 2014-1215 ; ASF et CF : décrets n° 2014-419 et 2014-420.
Pour préserver le pouvoir d’achat des plus fragiles le Gouvernement s’est engagé dès 2013 à revaloriser le RSA « socle » de 10 % d’ici 2017 en plus de l’indexation annuelle sur l’inflation. Une première revalorisation de + 1,75 % est intervenue en janvier 2013 pour tenir compte de l’inflation puis un premier coup de pouce de + 2 % a eu lieu en septembre 2013.
Le RSA « socle » a ensuite été revalorisé en janvier 2014 pour tenir compte de l’inflation ; il a ensuite connu une seconde revalorisation exceptionnelle de 2 % en septembre 2014. Pour 2015, cette mesure représente un coût estimé à 215 millions d’euros pour le budget de l’État et 678 millions pour les budgets des départements (54).
Le coût consolidé de la mesure est donc de l’ordre d’un milliard d’euros par an.
La revalorisation du montant des prestations sociales pour les familles modestes et les parents isolés est également une priorité de l’actuelle majorité. Le complément familial (CF) versé aux familles nombreuses modestes, ainsi que l’allocation de soutien familial (ASF) versée aux parents isolés, majoritairement des mères, ont ainsi été nettement revalorisés au 1er avril 2015 (55). Cela porte l’augmentation du CF à plus de 20 % depuis 2013, et celle de l’ASF à plus de 10 %. Le Gouvernement a réaffirmé le 3 mars dernier son engagement de revaloriser le complément familial et l’allocation de soutien familial, respectivement de 50 % et 25 % d’ici 2018. Ces deux mesures ont représenté une dépense nouvelle de 125 millions d’euros en 2014 (56).
En matière d’accès aux soins, le plan de lutte contre la pauvreté a permis la revalorisation des plafonds de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUc) et de l’aide à la complémentaire santé (ACS) de + 8,3 % le 1er juillet 2013, soit 1,3 % au titre de l’inflation et 7 % de revalorisation exceptionnelle, portant le plafond de l’ACS quasiment au niveau du seuil de pauvreté, afin de compenser le décrochage entre les ressources des bénéficiaires potentiels et le niveau du plafond ACS du fait de son indexation sur l’inflation.
Grâce à cette mesure, 1,16 million de personnes bénéficiaient d’une attestation ACS fin 2013, soit 15 % de plus qu’en 2012. Pour mémoire, l’ACS est financée par le fonds CMU, dont les dépenses à ce titre se sont élevées à 234 millions d’euros en 2013.
Dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, le Gouvernement s’est attaché à favoriser des parcours d’insertion de qualité qui soutiennent l’emploi durable, seul gage réel de sortie de la pauvreté.
Les contrats aidés participent de ce volontarisme. Les emplois d’avenir (57), les contrats de génération (58) et les contrats Starter (59) représentent un effort budgétaire conséquent à destination des publics les plus fragiles, notamment les jeunes.
L’allongement prévu par le plan pauvreté de la durée moyenne des contrats aidés à douze mois, de manière à stabiliser les parcours des bénéficiaires, est quasiment atteint. Elle s’établit à plus de dix mois en 2014 contre sept en 2012.
Par ailleurs, la « garantie jeunes », mise en place de façon expérimentale en octobre 2013, propose un accompagnement renforcé vers l’emploi, avec une allocation d’un montant équivalent au RSA pendant les périodes sans emploi ni formation. Contrairement au RSA « jeunes actifs », ce mécanisme n’impose aucune condition d’activité préalable. Le dispositif a été étendu à vingt-six nouveaux départements depuis le 1er avril 2015, vingt-six autres départements devant être concernés à partir du 1er septembre 2015.
Selon le ministre du Travail, l’objectif est que la « garantie jeunes » concerne, fin 2015, 50 000 jeunes sans emploi, sans formation et sans stage. Une enveloppe de 132,7 millions d’euros est affectée à son financement pour 2015, contre 30 millions d’euros en 2014.
Enfin, la prime d’activité représente la mesure phare de la feuille de route 2015-2017 du plan pauvreté. Le budget alloué à cette nouvelle prime sera proche des budgets cumulés du RSA « activité » et de la PPE : environ 4 milliards d’euros par an.
Le rapporteur pour avis tient donc à souligner l’ampleur des moyens consacrés à la lutte contre la pauvreté, quelle que soit la situation personnelle ou professionnelle de la personne ou du ménage concerné. Cependant, il est regrettable de constater qu’aucune donnée consolidée portant sur le coût global de ces mesures et sur leur financement ne soit disponible. C’est également le constat dressé à plusieurs reprises par l’Inspection générale des affaires sociales dans sa mission d’évaluation du plan. Celle-ci constatait dès son rapport sur la première année d’application que les mesures pour lesquelles les moyens financiers de mise en œuvre sont précisés ou directement appréhendables restent malheureusement très peu nombreuses.
Le rapporteur pour avis souhaite enfin insister sur le fait que la présente réforme n’a pas pour vocation principale la lutte contre la pauvreté. Si elle y contribuera, ce n’est qu’indirectement. L’objectif premier du texte est bien l’incitation à la reprise d’activité, ou à l’augmentation de la quotité de travail, pour des individus souvent situés au-delà des seuils de pauvreté.
II. L’ARCHITECTURE DE LA RÉFORME PROPOSÉE : MÉCANISME ET MISE EN ŒUVRE DE LA NOUVELLE PRIME D’ACTIVITÉ
La réforme des deux dispositifs existants de soutien à l’activité professionnelle des ménages modestes, la PPE et le RSA « activité », par la création d’une nouvelle prestation fait l’objet du titre IV du présent projet de loi : « Soutenir l’activité professionnelle par la création d’une prime d’activité ».
Cette section comporte quatre articles d’importance inégale.
L’article 24 insère au sein du code de la sécurité sociale l’ensemble des articles relatifs à la définition des grands principes régissant la nouvelle prime d’activité.
Le nouveau titre IV du livre huitième du code comporte plusieurs chapitres qui traitent de façon générale des conditions d’ouverture du droit, des modalités d’attribution et de financement de la prestation, de son contrôle et de son suivi statistique. À ce stade, il est possible de constater que les dispositions législatives s’en tiennent aux principes généraux, l’essentiel du dispositif étant renvoyé au pouvoir réglementaire.
S’il est compréhensible, et souhaitable, de ne pas surcharger la loi de détails techniques qui relèvent du règlement, l’étude d’impact permet à elle seule pas une totale compréhension du dispositif.
Les auditions menées et les questionnaires transmis par le rapporteur pour avis ainsi que le rapporteur au fond de la commission des Affaires sociales permettent toutefois d’éclairer réellement et utilement les dispositions générales du texte soumis au Parlement.
L’article 25 du projet de loi a pour objet de modifier les dispositions du code de l’action sociale et des familles afin de supprimer le volet « activité » du RSA. Il supprime en conséquence la référence au fonds national des solidarités actives parmi les financeurs du RSA, et il prévoit notamment le basculement automatique des bénéficiaires du RSA activité vers la prime d’activité.
L’article 26 apporte un élément essentiel de compréhension du dispositif. Le IV de l’article 26 insère en effet la prime d’activité dans la liste des sommes affranchies de l’impôt, qui figure à l’article 81 du code général des impôts. La prime sera également exonérée de CSG, mais soumise à la CRDS. L’article procède à de nombreuses coordinations au sein de différents codes, pour lesquelles le rapporteur pour avis renvoie au commentaire du rapporteur au fond pour la commission des Affaires sociales.
L’article 27 fixe la date d’entrée en vigueur de la prime d’activité au 1er janvier 2016 et rappelle que les personnes bénéficiaires au 31 décembre 2015 du revenu de solidarité active sont réputées avoir déposé une demande de prime d’activité à la date d’effet du nouveau dispositif.
L’intitulé même du titre IV du présent projet de texte est dépourvu de toute ambiguïté. Il s’agit d’« encourager l’activité professionnelle ». Si l’amélioration du pouvoir d’achat des travailleurs modestes sera réelle, elle n’intervient que dans un second temps, et par voie de conséquence.
1. La prime d’activité est construite pour inciter ses allocataires à la reprise d’une activité professionnelle
De très nombreuses études et rapports se sont penchés ces dernières années sur la nécessité d’adosser aux minima sociaux des mécanismes d’incitation à l’activité professionnelle.
Comme il a été rappelé supra, dès 1988, la mise en place du RMI était accompagnée d’un tel mécanisme. Conçu comme un revenu de transition temporaire, le RMI était d’un montant volontairement faible et un mécanisme d’intéressement à la reprise d’activité était prévu, permettant de cumuler – dans une certaine mesure et pour un temps limité – l’allocation avec un revenu du travail : il s’agissait donc d’inciter à la reprise d’emploi et, une fois passée cette période d’adaptation, de retirer progressivement à l’allocataire ce soutien financier de la collectivité.
La lutte contre les phénomènes, difficiles à évaluer, dits de trappes à inactivité ou à pauvreté, impose de veiller à ce que les revenus d’activité et les revenus d’assistance soient suffisamment éloignés, pour permettre aux premiers d’être attractifs, tout en s’assurant que les seconds soutiennent efficacement les plus démunis.
a. La nécessité de maintenir un différentiel suffisant entre revenus de solidarité et revenus d’activité
C’est dans des termes parfaitement explicites que le rapporteur du projet de loi créant le RMI s’exprimait à propos de la fixation du plafond du futur minimum social : « sans doute faut-il considérer que le niveau du minimum garanti aux non actifs ne saurait être sensiblement supérieur à 80 % du SMIC, sans créer dans les milieux d’actifs un effet de rejet, en même temps qu’une contre incitation au travail » (60).
L’enjeu lié à la création de trappes à inactivité a donc toujours été pris en compte. Ces situations où la reprise d’un emploi faiblement rémunéré par un allocataire de minimum social conduit à une stagnation, voire une baisse du niveau de vie de telle sorte que celui-ci pourrait « préférer » demeurer dans le dispositif d’assistance, affaiblissent la crédibilité de notre système social dans son ensemble.
Pour reprendre une expression utilisée par M. Martin Hirsch, lorsque le travail n’est pas suffisamment rémunérateur, les bénéficiaires de minima sociaux se trouvent pris au piège d’un système où les allocations perçues deviennent des « maxima indépassables » (61).
En 2005, la commission des Affaires sociales du Sénat a analysé ces phénomènes complexes techniquement, politiquement et humainement, à travers un rapport d’information fortement documenté, intitulé « Minima sociaux : mieux concilier équité et reprise d’activité » (62).
Ce travail rappelait les multiples enquêtes effectuées auprès de bénéficiaires de minima sociaux montrant que les personnes ne choisissent pas délibérément de rester dans l’assistance et n’ont pas de préférence explicite pour l’inactivité. Mais l’ensemble des contraintes et des frais à engager pour retrouver le chemin de l’emploi constituent parfois des obstacles insurmontables.
Ces résultats sont à mettre en parallèle avec le constat selon lequel population des allocataires se renouvelle de moins en moins vite. Le taux de rotation du RSA atteint 11,1 % en juin 2014 et baisse depuis 2010.
La prime d’activité n’est donc pas conçue comme un minimum social, mais bien comme un coup de pouce aux travailleurs au moment-clé, identifié autour de 0,8 SMIC, où la reprise d’activité est affectée de paramètres et d’« effets de seuil » qui font tout à la fois baisser les prestations et augmenter les prélèvements obligatoires.
Actuellement, la faible attractivité des mécanismes de cumul d’une activité rémunérée et d’un minimum social tient essentiellement aux taux marginaux d’imposition très dissuasifs et à la chronologie des revenus particulièrement heurtée qu’ils imposent.
Comme l’a énoncé à plusieurs reprises le Conseil des prélèvements obligatoires, un taux marginal supérieur à 100 % signifie que chaque euro supplémentaire gagné par un individu donne lieu à un prélèvement de plus d’un euro. Cela est donc totalement dissuasif du point de vue de l’offre de travail (63).
Ces phénomènes d’effets de seuil ont fait l’objet d’importants développements au sein du récent rapport sur la fiscalité des ménages (64), remis au Premier ministre en mai dernier.
Pour des durées du travail bien précises, accepter une rémunération supplémentaire provoque une baisse de revenu disponible de plusieurs centaines d’euros. Ces ruptures de ressources brutales tiennent notamment au fait que la perte du RSA ou du véritable statut qu’il confère a des répercussions sur le montant des allocations logement perçues, de la taxe d’habitation à acquitter, des tarifs sociaux de l’électricité ou encore des droits accordés par les collectivités en termes de transport ou de restauration scolaire par exemple.
Les graphiques suivants permettent de visualiser ces situations.
TAUX MARGINAL D’IMPOSITION – CAS D’UNE PERSONNE SEULE SANS ENFANT
Source : Maquette PARIS, Législation 2010, DG Trésor.
TAUX MARGINAL D’IMPOSITION D’UN COUPLE MONO-ACTIF AVEC TROIS ENFANTS
Source : Maquette PARIS, Législation 2010, DG Trésor.
Les droits connexes sont à la fois nombreux et variables suivant les situations, ce qui induit un manque de prévisibilité préjudiciable aux ménages qui souhaitent accroître leurs revenus d’activité.
Les gains financiers au retour à l’emploi, ou à l’accroissement de l’activité, mesurés par la différence entre le revenu disponible correspondant à une quotité de travail et le revenu disponible en cas d’inactivité ou de moindre activité, complètent cette vision fondée sur les taux marginaux.
En ce sens, le tableau suivant permet de constater les distorsions en fonction des niveaux de revenus.
EFFET D’UNE AUGMENTATION DE 100 EUROS DE REVENUS D’ACTIVITÉ BRUTS SUPPLÉMENTAIRES SUR LE REVENU DISPONIBLE (CAS D’UN CÉLIBATAIRE SANS ENFANT)
Source : Rapport sur la fiscalité des ménages, 2014.
Dans l’analyse de ces données, le rapport signalait que la sortie des allocations logement est particulièrement mal gérée par le système socio-fiscal français.
Les auditions menées par le rapporteur pour avis ont confirmé le poids de ces prestations et leur influence sur l’incitation à la reprise d’activité (cf. supra).
L’objectif du texte n’est bien entendu pas de proposer une réforme de notre système fiscal et social dans son ensemble, seule à même de résoudre toutes les situations problématiques identifiées par les différents modèles informatiques.
Mais ces éléments de compréhension sont nécessaires afin d’identifier les motivations du Gouvernement pour la création de ce nouveau dispositif : il s’agit d’un pas de plus pour améliorer la cohérence et l’équité de notre système.
2. La prime d’activité permet une amélioration du pouvoir d’achat des travailleurs aux revenus modestes
Accroître l’écart entre revenu de solidarité et revenu d’activité par l’augmentation du second terme de la comparaison permet de remplir un objectif sous-jacent d’accroissement du pouvoir d’achat des bénéficiaires de la mesure.
Il est important de garder en mémoire que la France est un pays où la solidarité envers les plus pauvres s’exprime de manière particulièrement forte.
En période de restrictions budgétaires, de nombreux pays ont pu faire le choix de geler l’évolution des revenus d’assistance, voire d’en proposer la diminution.
De telles solutions n’ont bien entendu pas été envisagées dans notre pays, d’autant que le contexte actuel de crise économique rend plus précaire la situation des personnes modestes ou démunies.
Ce choix généreux méritait toutefois d’être mentionné. La France possède un système d’aide aux plus pauvres particulièrement bienveillant, au regard des comparaisons internationales qu’il est possible de faire (65).
Ainsi, il était nécessaire de proposer un mécanisme de « coup de pouce » aux travailleurs rémunérés aux alentours du SMIC, afin de maintenir un écart suffisant avec les revenus de solidarité. En conséquence, le rapporteur pour avis se montrera particulièrement réservé quant aux amendements qui viendraient modifier les objectifs énoncés dans le texte. Lors de son audition par la commission des Affaires sociales le 6 mai dernier, la ministre s’était d’ailleurs exprimée en ces termes : « je veux rappeler ce que la prime n’est pas. La prime d’activité soutient l’activité : ce n’est donc pas un mécanisme de lutte contre la pauvreté. »
L’article L. 841-1 du code de la sécurité sociale tel que proposé par le texte est clair et doit le rester : « La prime d’activité a pour objet d’inciter les travailleurs aux ressources modestes, qu’ils soient salariés ou non-salariés, à l’exercice ou à la reprise d’une activité professionnelle. »
La nouvelle prestation qui a vocation à entrer en vigueur au 1er janvier 2016, présente plusieurs caractéristiques.
En premier lieu, elle est totalement dissociée du minimum social qu’est le RSA – anciennement RSA « socle » – ce qui clarifie son positionnement : il s’agit bien d’une prestation orientée vers l’emploi.
En deuxième lieu, son versement au niveau du foyer et la prise en compte, pour son calcul, de l’ensemble des ressources et des revenus d’activité de ce foyer, en font une prestation largement familialisée ; la création d’une prime individualisée, fondée sur les seuls revenus d’activité de chacun, aurait abouti, comme l’a mis en évidence le rapport de notre collègue Christophe Sirugue, à ce que des familles très modestes, notamment celles monoparentales, perdent à la réforme, et le présent dispositif évite cet écueil. De fait, les modalités de calcul de la prime permettent que les allocataires actuels du RSA « activité » ne soient jamais lésés par la réforme.
Pour autant, une part d’individualisation est introduite dans le nouveau dispositif, par le biais de bonifications calculées sur la base des revenus d’activité de chacun des membres du foyer : il s’agit de renforcer l’incitation à l’activité, et notamment à la bi-activité au sein d’un foyer, en ciblant les revenus compris entre 0,8 et 1,2 SMIC, pour lesquels les taux marginaux d’imposition associés à une hausse de revenus sont les plus importants. Sous l’effet de ces bonifications, les primes versées seront plus élevées que dans le cadre du RSA « activité », tandis que l’échelle des revenus d’activité ouvrant droit à la prestation s’avérera plus large, ce qui se traduira par un plus grand nombre de foyers éligibles.
En troisième lieu, le bénéfice de la nouvelle prestation sera ouvert aux personnes âgées de 18 à 25 ans, dans un souci d’équité, alors qu’aujourd’hui les jeunes sont dans les faits quasiment exclus du bénéfice du RSA « activité ».
Enfin, les modalités de calcul et de versement sont simplifiées, afin d’assurer un recours important à la prestation, en remédiant aux défauts constatés pour le RSA « activité ». La prime serait versée sur une base mensuelle, ce qui permet une grande réactivité du dispositif – à la différence de la PPE, perçue avec plus d’un an de décalage.
● Aux termes de l’article L. 842-3 du code de la sécurité sociale, la nouvelle prestation est calculée « en prenant en compte :
« 1° Un montant forfaitaire, dont le niveau varie en fonction de la composition du foyer et du nombre d’enfants à charge ;
« 2° Une fraction des revenus professionnels des membres du foyer ;
« 3° Les autres ressources du foyer. »
Les modalités exactes de calcul ne sont toutefois pas présentées dans le dispositif proposé mais ont vocation à être déterminées par décret en Conseil d’État. Ce large renvoi au pouvoir réglementaire ne facilite pas la compréhension du mécanisme retenu, et l’on ne peut que se référer à l’étude d’impact pour avoir davantage d’éléments d’appréciation.
À cet égard, les développements de l’étude d’impact sur la formule de calcul apparaissent relativement succincts, puisqu’il est indiqué que « le calcul envisagé, qui sera précisé par voie réglementaire, est le suivant :
« Prime d’activité du ménage = [constante familiale – ressources du ménage] + [62 % des revenus d’activité du ménage + bonus individuels] »
Le premier terme de la formule correspondrait au « sous-jacent familialisé » – pour reprendre la formule énigmatique de l’étude –, soit la différence entre la constante familiale et les ressources du foyer. Le second terme de la formule serait lié exclusivement aux revenus d’activité du foyer, avec une partie corrélée à la somme de ces revenus, et une autre partie, correspondant à des bonifications dépendant du nombre de membres actifs au sein du foyer et de leur niveau de revenus.
● La nouvelle prestation est donc caractérisée par sa familialisation, du fait de son calcul et de son versement au niveau du foyer, ce qui garantit qu’elle ne bénéficie qu’à des travailleurs vivant dans des ménages aux ressources modestes - à la différence de la PPE.
Les paramètres retenus pour son calcul apparaissent proches de ceux du RSA « activité », qui est lui aussi calculé à partir d’un montant forfaitaire fonction de la composition du foyer (2° de l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles), correspondant au montant théorique de RSA « socle » auquel pourrait prétendre le foyer, d’une fraction des revenus professionnels (1° de l’article L. 262-2) et de l’ensemble des ressources du foyer (article L. 263-3).
Selon les informations transmises au rapporteur pour avis, la constante familiale de la prime d’activité serait égale au montant forfaitaire aujourd’hui prévu dans le cadre du RSA, le champ des revenus d’activité pris en compte serait quasi identique, tandis que sa « base ressources » serait proche de celle applicable au RSA, moyennant des simplifications et allégements (voir infra).
La formule de la prime d’activité peut être aussi écrite comme suit, en répartissant différemment ses termes et en les détaillant :
Prime d’activité du foyer = [constante familiale + 62 % des revenus d’activité du foyer + bonus individuels] – [revenus d’activité + autres ressources du foyer]
Elle peut alors être mise en regard avec celle du RSA « activité », à savoir :
RSA « activité » = [montant forfaitaire du RSA socle + 62 % des revenus d’activité du foyer] – [revenus d’activité + autres ressources du foyer]
Il apparaît que la différence majeure entre les deux dispositifs réside dans l’ajout de bonifications calculées en fonction des revenus d’activité de chacun des membres du foyer. Ces « bonus » introduisent une part d’individualisation au sein de la prestation, qui s’avère ainsi à la fois familialisée et individualisée.
Le dispositif proposé permet ainsi de garantir que le montant perçu soit en tout état de cause égal à celui du RSA « activité », ce qui permet de maintenir le soutien apporté aux familles, notamment celles monoparentales, et aux travailleurs à temps très partiel : la réforme ne fera aucun perdant parmi les actuels bénéficiaires du RSA « activité ». Le montant de la prime sera supérieur à celui du RSA « activité » lorsque le foyer sera éligible aux bonifications, du fait de l’appréciation individuelle des revenus.
● Aux termes de l’article L. 842-7 du code de la sécurité sociale, le montant forfaitaire mentionné au 1° de l’article L. 842-3 précité serait majoré lorsque le ou la bénéficiaire de la prime d’activité est isolée et assume la charge d’un ou plusieurs enfants, ou lorsque la bénéficiaire est enceinte. Il s’agit du même dispositif que celui prévu pour le RSA par l’article L. 262-9 du code de l’action sociale et des familles, ce qui va dans le sens d’un parallèle entre le montant forfaitaire de la prime d’activité et celui du RSA.
Par ailleurs, comme pour le RSA, le conjoint, partenaire de pacs ou concubin n’est pas pris en compte dans le montant forfaitaire entrant dans le calcul de la prime d’activité d’un foyer dès lors qu’il se trouve en congé parental, en congé sabbatique, en congé sans solde ou en disponibilité (article L. 842-5), c’est-à-dire dans une situation d’inactivité choisie.
● Selon les informations fournies par l’étude d’impact, le champ des revenus professionnels pris en compte pour la prime d’activité serait défini de la même façon que pour le RSA « activité », tel que prévu par l’article R. 262-8 du code de l’action sociale et des familles, avec toutefois une extension en faveur des travailleurs en établissements et services d’aide par le travail (ESAT).
En effet, comme pour le RSA « activité », l’ensemble des revenus tirés d’une activité professionnelle et assimilés ouvrirait droit à la prime d’activité : outre les traitements, salaires et revenus non salariaux, seraient prises en compte la rémunération sous forme de chèque emploi service universel (CESU), mais aussi les indemnités de chômage partiel, qui ont vocation à soutenir le temps partiel subi, et les indemnités journalières de sécurité sociale perçues à l’occasion de congés légaux de maternité, de paternité ou d’adoption ou, durant les trois mois suivant l’arrêt de travail, celles perçues en cas d’incapacité physique, d’accident du travail et de maladie professionnelle.
De plus, le décret d’application devrait prévoir que la rémunération des travailleurs en ESAT est considérée comme un revenu professionnel et qu’elle ouvre droit à la prime d’activité, alors que tel n’est pas le cas dans le cadre du RSA « activité ». Ces travailleurs, qui sont au nombre d’environ 26 000, seraient donc gagnants à la réforme – sachant qu’ils étaient susceptibles de bénéficier de la prime pour l’emploi par ailleurs.
● Le régime social et fiscal de la prime d’activité est identique à celui du RSA « activité » : les deux prestations sont assujetties à la CRDS, mais non à la CSG, et elles ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu.
Le caractère non imposable du RSA « activité » découle du 9° de l’article 81 du code général des impôts, qui prévoit que sont affranchies de l’impôt les « allocations, indemnités et prestations servies, sous quelque forme que ce soit, par l’État, les collectivités et les établissements publics, en application des lois et décrets d’assistance et d’assurance » (66). Une disposition spécifique a en revanche été prévue pour la prime d’activité : le VI de l’article 26 du projet de loi complète l’article 81 du code général des impôts en rétablissant un 9° quinquies qui insère la prime d’activité dans la liste des prestations et revenus exonérés d’impôt sur le revenu.
Le non-assujettissement du RSA « activité » à la CSG résulte du 3° du III de l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, qui exclut de l’assiette de la CSG les revenus visés au 9° de l’article 81 du code général des impôts, auquel se rattache le RSA. C’est également sur le fondement du 3° du III de l’article L. 136-2 précité que la prime d’activité n’est pas soumise à la CSG, puisque ce 3° exclut de l’assujettissement à la CSG les revenus mentionnés au 9° quinquies de l’article 81 – lequel est rétabli par le présent projet de loi, après avoir été abrogé par la loi de finances pour 2011 (67).
Le RSA est assujetti à la CRDS pour sa seule composante « activité », en application du 9° du II de l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale. Il en va de même pour la prime d’activité, comme le prévoit le XI de l’article 26 du projet de loi, qui vise ce même article 14 de l’ordonnance précitée.
Il convient de préciser qu’aux termes de l’article L. 262-48 du code de l’action sociale et des familles, « le revenu de solidarité active est incessible et insaisissable », ce qui résulte de sa nature de minimum social, pour sa composante « socle » – l’article L. 262-48 n’effectuant pas de distinction entre les deux composantes. En revanche, aucune disposition n’est prévue pour la prime d’activité ; il en résulte que celle-ci est saisissable et cessible. C’est pourquoi, le rapporteur pour avis proposera une modification au texte afin d’aligner la prime d’activité sur le régime du RSA « activité » sur cette question particulière. Une telle modification n’interdira toutefois pas d’ajuster le montant de la prime d’activité en cas d’éventuels indus constatés sur d’autres prestations.
Enfin, l’étude d’impact précise que le montant minimum de la prime d’activité en dessous duquel celle-ci n’est pas versée, qui doit être déterminé par décret, devrait s’établir 15 euros – contre 6 euros pour le RSA « activité ».
● Alors que l’une des critiques récurrentes adressées au RSA est la complexité des ressources prises en compte pour son calcul, la réforme proposée vise à prévoir une « base ressources » simplifiée, plus favorable aux allocataires.
S’agissant du RSA, aux termes des articles L. 262-3 et R. 262-6 du code de l’action sociale et des familles, le principe est la prise en compte de l’ensemble des ressources du foyer, de quelque nature qu’elles soient, avec des exceptions limitativement énumérées. Cette approche est cohérente avec le calcul d’un minimum social comme le RSA « socle » ; elle n’apparaît toutefois guère adaptée pour la composante « activité » de la prestation.
La logique est inversée pour la prime d’activité : ce sont les ressources prises en compte qui sont limitativement présentées par l’article L. 842-4 du code de la sécurité sociale, les modalités d’application de ces dispositions étant renvoyées à un décret en Conseil d’État.
Pour autant, au regard des informations transmises au rapporteur pour avis, ce changement de logique n’emporte pas une modification radicale des contours de la « base ressources » pour la prime d’activité : ils s’avéreraient en pratique proches de ceux du RSA, à l’exception des avantages en nature non imposables, des capitaux non productifs de revenus et des biens immobiliers non loués, qui n’y figureraient plus. S’il s’agit d’un allégement et d’une simplification fort bienvenus, il apparaît quelque peu exagéré d’indiquer, comme le fait l’étude d’impact, que « la nouvelle prestation comportera une base ressources considérablement allégée ».
● Les ressources prises en compte pour le calcul de la prime d’activité, telles qu’énumérées par l’article L. 842-4, reprennent largement celles prévues par le RSA :
– « les ressources ayant le caractère de revenus professionnels ou qui en tiennent lieu », définies de la même façon que pour le RSA, comme vu supra ;
– « les revenus de remplacement des revenus professionnels », qui correspondent pour l’essentiel aux allocations de chômage, aux indemnités journalières de la sécurité sociale (hors celles évoquées supra, prises en compte au titre des revenus professionnels) et aux pensions de vieillesse et d’invalidité, au même titre que le RSA ;
– « l’avantage en nature que constitue la mise à disposition d’un logement à titre gratuit, déterminé de manière forfaitaire », ce qui reprend les dispositions du 2° de l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles applicable dans le cadre du RSA : il s’agit du « forfait logement » défini par l’article R. 262-9 ;
– « les prestations et aides sociales, à l’exception de certaines d’entre elles en raison de leur finalité sociale particulière », ce qui reprend quasiment la formulation du 4° de l’article L. 262-3 pour le RSA. Selon les informations transmises au rapporteur pour avis, la liste des prestations et aides sociales exclues de la « base ressources » serait identique à celle définie pour le RSA, telle que prévue par l’article R. 262-11 et présentée supra. Les autres prestations et aides, comme les allocations familiales ou l’allocation pour adulte handicapé, resteraient prises en compte pour le calcul de la nouvelle prestation ;
– « les autres revenus soumis à l’impôt sur le revenu ». Cette formulation n’est pas employée par l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles, mais ces revenus entrent naturellement dans la « base ressources » du RSA, puisque c’est bien « l’ensemble des ressources du foyer » qui est concerné. Ces autres revenus recouvrent notamment les pensions alimentaires, les revenus de capitaux mobiliers et les revenus fonciers.
Une disposition du droit proposé diffère à première vue de celle applicable dans le cadre du RSA. Ainsi, l’article L. 842-4 du code de la sécurité sociale ne reprend pas les dispositions du 3° de l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles, lequel prévoit que, parmi les ressources, il est tenu compte de prestations et aides sociales « évaluées de manière forfaitaire, notamment celles affectées au logement mentionnées aux articles L. 542-1 et L. 831-1 du code de la sécurité sociale ainsi qu’à l’article L. 351-1 du code de la construction et de l’habitation », soit les aides personnelles au logement, mais aussi l’allocation de soutien familial et le complément familial majoré.
Néanmoins, dans les réponses apportées au rapporteur pour avis, il lui a été indiqué que « bien que les termes de l’article L. 262-3 ne soient pas précisément repris à l’article L. 842-4, les allocations logement, l’allocation de soutien familial et le complément familial majoré seront pris en compte dans la limite d’un forfait, comme pour le RSA. Cette évaluation forfaitaire est permise par le dernier alinéa de cet article, qui prévoit que " les modalités d’évaluation des ressources sont déterminées par décret en Conseil d’État" ». Il en résulte que les règles du « forfait logement », notamment, ne devraient pas être modifiées.
À cet égard, on peut noter que le « forfait logement » trouve à s’appliquer à la très grande majorité des bénéficiaires du RSA « activité » (de l’ordre de 92 %) : ces derniers sont largement éligibles aux allocations logement, compte tenu de leurs niveaux de revenus, tandis que le « forfait logement » s’applique également aux allocataires propriétaires de leur logement et à ceux disposant gratuitement d’un logement (68). Or, la prime d’activité a vocation à être versée à des foyers aux revenus plus élevés, du fait du recul de son point de sortie résultant des bonifications (voir infra). Ces foyers ne seront plus systématiquement éligibles aux allocations logement, et de ce fait, le « forfait logement » sera moins souvent pris en compte dans le calcul de la nouvelle prestation.
● Au titre des évolutions apportées à la « base ressources » de la prime d’activité par rapport à celle du RSA, les avantages en nature – autres que le logement –, mentionnés aux 2° de l’article L. 262-3, ne figurent plus dans les ressources prises en compte pour la prime d’activité – à l’exception des avantages en nature imposés, puisque le 5° de l’article L. 842-4 vise l’ensemble des revenus soumis à l’impôt sur le revenu. Comme le soulignent les services dans leurs éléments de réponse au rapporteur pour avis, « cela permet en effet de simplifier le dispositif et de limiter considérablement les indus, dont les avantages en nature, difficiles à évaluer, étaient générateurs. Lorsqu’ils sont imposables, les avantages en nature autres que le logement sont pris en compte pour leur montant valorisé auprès de l’administration fiscale. »
Par ailleurs, la prise en compte de la « valeur en capital des biens non productifs de revenu », qui est prévue pour le RSA sur le fondement de l’article L. 262-3, disparaît dans le cadre de la prime d’activité. Les biens non productifs de revenus correspondent aux biens immobiliers non loués – par exemple une résidence secondaire –, et aux capitaux non placés, soit des ressources que l’on peut qualifier de « théoriques », ainsi qu’aux capitaux placés productifs de revenus qui ne sont pas imposés, comme par exemple les revenus des livrets d’épargne (livret A, livret d’épargne populaire…) ou encore les contrats d’assurance-vie. Leur inclusion dans la « base ressources » pour le calcul du RSA s’inscrivait dans une logique de minimum social, mais elle ne semble pas appropriée pour la nouvelle prestation, qui s’articule autour des revenus d’activité.
Ces différentes modifications permettent de simplifier les règles applicables et les démarches requises, tout en réduisant les risques d’erreurs et d’incompréhension pour le bénéficiaire. Elles vont toutes dans un sens favorable aux allocataires, en majorant, le cas échéant, la prestation perçue, par rapport au précédent dispositif.
● Le tableau ci-après permet d’effectuer une comparaison entre les deux « bases ressources ».
COMPARAISON DES BASES RESSOURCES DU RSA ET DE LA PRIME D’ACTIVITÉ
RSA |
Prime d’activité | |||||
Revenus professionnels |
Autres ressources |
Ressources non prises en compte |
Revenus professionnels |
Autres ressources |
Ressources non prises en compte | |
Traitements et salaires |
X |
X |
||||
Rémunération des stages de formation professionnelle |
X |
X |
||||
Rémunération dans le cadre d’un chèque emploi service universel (CESU) |
X |
X |
||||
Indemnités journalières de maternité, paternité, d’adoption |
X |
X |
||||
Indemnités journalières de maladie, accident du travail, maladie professionnelle des trois premiers mois |
X |
X |
||||
Indemnités de chômage partiel |
X |
X |
||||
Revenus des travailleurs non salariés |
X |
X |
||||
Rémunération des aidants familiaux faisant partie du foyer du bénéficiaire |
X |
X |
||||
Indemnités journalières de maladie, accident du travail, maladie professionnelle, à partir du quatrième mois |
X |
X |
||||
Indemnités de chômage |
X |
X |
||||
Rémunération garantie perçue en ESAT |
X |
X |
||||
Pensions alimentaires |
X |
X |
||||
Allocation journalière d’accompagnement de personne en fin de vie |
X |
X |
||||
Rentes viagères imposables (retraites, etc.) |
X |
X |
||||
Dédommagement versé aux victimes de l’amiante |
X |
X | ||||
Libéralités |
X |
X | ||||
Revenus fonciers |
X |
X |
||||
Revenus de valeurs mobilières (actions, obligations) |
X |
X |
||||
Capitaux placés non producteurs de revenus (livrets d’épargne, assurance-vie, etc.)* |
X |
X | ||||
Capitaux non placés et non producteurs de revenus |
X |
X | ||||
Biens immobiliers non loués |
X |
X | ||||
Avantages en nature |
X |
X | ||||
Forfait logement |
X |
X |
||||
Prestations familiales et sociales incluses dans la base ressources (allocations familiales, etc.) |
X |
X |
||||
Prestations familiales exclues de la base ressources |
X |
X |
Les lignes grisées correspondent aux ressources traitées différemment au titre du RSA et de la prime d’activité.
Source : ministère des Affaires sociales.
(*) NB : La formulation retenue n’apparaît pas exacte, puisqu’il s’agit de capitaux placés qui produisent des revenus ; ils sont donc exclus de la base ressources de la prime d’activité, mais du fait de leur caractère non imposable, et non du fait de leur caractère « théorique ».
● Enfin, la prime d’activité et le RSA « socle » sont désormais deux prestations bien distinctes, à la différence du RSA « socle » et du RSA « activité », qui étaient étroitement imbriqués. De ce fait, le RSA « socle » a vocation à faire partie de la « base ressources » de la prime d’activité, lorsque les revenus du bénéficiaire de cette dernière le rendraient éligible au RSA « socle », qu’il soit effectivement perçu ou pas. Tel est le cas lorsque les revenus d’activité perçus sont inférieurs au RSA « socle » (69).
Exemple : une personne célibataire sans enfant, locataire et percevant des aides au logement, reçoit des revenus d’activité de 200 euros. Elle peut donc percevoir un RSA « socle » d’un montant de 252 euros (514 euros de montant forfaitaire – 200 euros de revenu d’activité – 62 euros de forfait logement).
Le montant de sa prime d’activité peut être calculé comme suit :
Prime d’activité = [514 euros de constante familiale + 62 % des 200 euros de revenus d’activité + 0 au titre des bonifications individuelles ]
– [62 euros de forfait logement + 200 euros de revenus d’activité + 252 euros de RSA potentiel] = 124 euros
Ce mode de calcul a vocation à éviter que, lorsque les revenus d’activité ne permettent pas d’atteindre le montant forfaitaire du RSA « socle », la prime d’activité ne fasse double emploi avec ce dernier, ou qu’elle ne le remplace, lorsque l’allocataire de la prime n’est pas éligible au RSA « socle » – par exemple lorsqu’il est âgé de moins de 25 ans, sans enfant à charge. Comme l’indique le Gouvernement dans ses réponses au rapporteur pour avis, « il s’agit de s’assurer que (…) la prime d’activité ne constitue pas un minimum social venant se substituer au RSA. Les ressources du foyer sont à cet effet supposées au moins égales au montant du RSA socle. »
3. Le principe d’un bonus individualisé, fonction des revenus d’activité de chacun des membres du foyer, favorisant la bi-activité
● L’un des apports décisifs de la réforme proposée réside dans l’instauration de bonifications individuelles, venant d’autant plus majorer la prime que le nombre de personnes en activité au sein du foyer est élevé. Le principe du « bonus » est prévu par le cinquième alinéa de l’article L. 842-3 du code de la sécurité sociale, aux termes duquel « le montant forfaitaire mentionné au 1° peut être bonifié. Cette bonification est établie pour chaque travailleur, membre du foyer, compte tenu de ses revenus professionnels. Son montant est une fonction croissante des revenus situés entre un seuil et un plafond. Au-delà de ce plafond, ce montant est fixe. »
L’étude d’impact précise que le seuil de revenus d’activité au-delà duquel la bonification serait versée s’élèverait à un demi-SMIC mensuel ; nulle au niveau de 0,5 SMIC, la bonification augmenterait linéairement avec chaque euro gagné jusqu’à 0,8 SMIC, pour atteindre alors 67 euros. Entre 0,8 et 1,15 SMIC, elle resterait constante, à 67 euros, pour décroître ensuite, absorbée par la pente décroissante de la prime d’activité.
Exemple 1 : au sein d’un couple, chacun des conjoints perçoit des revenus d’activité : l’un perçoit 0,8 SMIC (soit 910 euros en 2015) et l’autre 0,5 SMIC (568 euros). Celui percevant un revenu de 0,8 SMIC bénéficie d’un bonus maximal, soit 67 euros, l’autre n’en bénéficie pas.
Prime d’activité = [771 euros au titre de la composante familiale + 62 % de 910 euros et de 568 euros au titre des revenus d’activité + 67 euros de bonus individuel] – [123 euros au titre du forfait logement + 910 euros + 568 euros au titre des revenus d’activité] = 153 euros.
Ce montant de 153 euros serait ramené à 86 euros en l’absence de bonus. Ce dernier vient majorer de 78 % la prime perçue chaque mois.
Exemple 2 : au sein d’un couple avec deux enfants, chacun des conjoints travaille, et les deux perçoivent un salaire de 0,8 SMIC, soit 910 euros. Les deux peuvent donc prétendre à un bonus maximal de 67 euros. Ils perçoivent les allocations familiales (130 euros).
Prime d’activité = [1 079 euros au titre de la composante familiale + 62 % de 910 euros*2 + 67 euros*2] – [153 euros au titre du forfait logement
+ 910 euros*2 au titre des revenus d’activité + 130] = 238 euros.
Ce montant serait ramené à 104 euros en l’absence de bonus. Celui-ci augmente la prime d’activité de 129 %.
Ces exemples permettent de constater que les bonifications occasionnent une majoration substantielle des sommes versées aux allocataires.
Le tableau ci-dessous récapitule le montant de prime d’activité dont bénéficierait un célibataire sans enfant selon son niveau de revenu d’activité, et le supplément ainsi obtenu par rapport au RSA « activité » :
MONTANT MENSUEL DE PRIME D’ACTIVITÉ ET SUPPLÉMENT MENSUEL PERÇU PAR RAPPORT AU RSA « ACTIVITÉ » POUR UN CÉLIBATAIRE SANS ENFANT
(en euros)
Montant mensuel de prime d’activité |
Supplément par rapport au RSA « activité » | |
Inactif |
0 |
0 |
Quart temps – 0,25 SMIC |
185 |
0 |
Mi-temps – 0,5 SMIC |
246 |
0 |
0,6 SMIC |
222 |
22 |
0,7 SMIC |
199 |
44 |
Trois-quarts temps – 0,75 SMIC |
188 |
56 |
0,8 SMIC |
176 |
67 |
0,9 SMIC |
136 |
67 |
Plein temps – 1 SMIC |
132 |
67 |
Plein temps – 1,1 SMIC |
105 |
67 |
Plein temps – 1,2 SMIC |
60 |
60 |
Plein temps – 1,3 SMIC |
15 |
15 |
Plein-temps – 1,4 SMIC |
0 |
0 |
Source : étude d’impact.
● La mise en place de tels bonus introduit donc une partie individualisée significative au sein de la prime d’activité – même si le ou les bonus seront difficiles à identifier en tant que tels puisque la prestation est servie au niveau du foyer.
Le dispositif a vocation à encourager la bi-activité au sein des ménages : au-delà de la prise en compte de la composition du foyer par la constante familiale, l’activité de chaque membre est valorisée et encouragée, puisque le montant de la prime est majoré d’autant de bonifications qu’il y a de personnes en activité percevant un certain niveau de salaire. Le bonus permet ainsi de remédier à l’un des défauts du RSA « activité », à savoir la faible incitation à la bi-activité, comme vu supra : la baisse de la prestation perçue qui peut résulter de la reprise ou de la prise d’activité, en raison de la hausse des ressources du foyer qu’elle induit, est contrebalancée par le versement d’une bonification.
● Le fait de ne déclencher le mécanisme du bonus qu’à compter de 0,5 SMIC correspond à la volonté de ne pas favoriser les temps très partiels. L’étude d’impact souligne qu’il s’agit d’inciter à l’accroissement de la quotité de travail en valorisant plus fortement celles supérieures à un mi-temps, sans apporter de soutien supplémentaire à l’activité très réduite, qui fait déjà l’objet d’un soutien par le biais du barème de la prime.
Les effets du bonus sont concentrés sur les revenus compris entre 0,5 SMIC et 1,2 SMIC, c’est-à-dire les niveaux de revenus où le taux marginal d’imposition s’avère le plus élevé, comme vu supra : à 0,75 SMIC, par exemple, pour 100 euros de revenus d’activité supplémentaires, le revenu disponible n’augmente que de 19 euros, sous les effets combinés des baisses de prestations et des hausses de prélèvements ; au niveau du SMIC, l’augmentation de revenu disponible se limite à 27 euros. L’attribution de bonifications pour ces niveaux de revenus permet de réduire les effets induits de notre système socio-fiscal.
● Enfin, le mécanisme des bonifications conduit à repousser le seuil de revenus d’activité du foyer au-delà duquel la prime d’activité n’est plus versée, par rapport à celui du RSA : de ce fait, pour chaque configuration de foyer, le champ des revenus d’activité éligibles à la prestation est plus large, ce qui se traduit par un nombre de foyers potentiellement bénéficiaires plus élevé.
Exemple : au sein d’un couple avec un enfant, chacun des conjoints travaille, et les deux perçoivent un salaire de 1 023 euros, soit 0,9 SMIC en 2015. Les deux peuvent donc prétendre à un bonus maximal de 67 euros.
Prime d’activité = [925 euros au titre de la composante familiale + 62 % de 1 023 euros*2 + 67 euros*2] – [153 euros au titre du forfait logement + 1 023 euros*2 au titre des revenus d’activité] = 128 euros.
Sans les bonus, ce foyer ne serait pas éligible à la prime d’activité.
● Le graphique ci-dessous présente l’évolution du RSA « activité » et de la prime d’activité perçus pour une personne célibataire en fonction de son salaire. Il permet d’illustrer l’effet du bonus, en termes de recul du point de sortie et de majoration de la prime :
Au-delà de l’analyse des ressources du foyer, dont dépend le versement ou non de la prime d’activité, il convient de s’intéresser aux conditions premières d’accès au dispositif, à savoir la capacité juridique d’en demander le bénéfice.
Ces conditions sont énumérées au sein du nouvel article L. 842-2 du code de la sécurité sociale.
Les enjeux financier, politique et social tiennent aux différences qui pourront être relevées par rapport au système actuel du RSA « activité ».
Sur ce sujet, le changement essentiel réside dans l’ouverture du droit à la prime d’activité pour les jeunes dès l’âge de 18 ans.
Au-delà, le périmètre reste, en l’état actuel du texte proposé, globalement stabilisé.
Enfin, il conviendra d’analyser les conséquences dommageables qui résulteraient d’un élargissement supplémentaire des personnes autorisées à demander l’octroi de la nouvelle prime d’activité.
Plusieurs des conditions énumérées à l’article 24 du présent projet de loi sont identiques ou équivalentes à celles exigées pour ouvrir droit au RSA.
Comme cela a été mentionné supra, le bénéfice du RSA est réservé aux personnes résidant en France de manière stable et qui sont de nationalité française ou titulaires depuis au moins cinq ans d’un titre de séjour autorisant à travailler.
La condition de résidence, mentionnée à l’alinéa 9 de l’article 24 du projet de loi, reprend les termes de l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles. Précisée par décret (70), la résidence stable et effective impose que les éventuels séjours hors de France n’excèdent pas, en cumulé, trois mois par année civile.
Il s’agit du seul article du code de l’action sociale et des familles à mentionner cette condition, qui ne figure nulle part dans le code de la sécurité sociale par ailleurs.
De même, la condition de nationalité est la réplique des dispositions applicables au RSA.
La nationalité française n’est pas exigée pour les étrangers qui disposent depuis au moins cinq ans d’un titre de séjour les autorisant à travailler, avec les mêmes dérogations à la condition de durée précitée que celles mentionnés actuellement à l’article L. 262-4 du code de l’action sociale et des familles pour :
– les réfugiés, apatrides ou bénéficiaires de la protection subsidiaire ;
– les personnes isolées en état de grossesse, ou assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants ;
– les ressortissants de l’Union européenne, ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse.
Pour mémoire, en ce qui concerne ces derniers, ils ne peuvent se maintenir sur le territoire au-delà de trois mois qu’à la seule condition de disposer des ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale du pays d’accueil.
Cette condition de nationalité n’est pas exigée pour l’ensemble des prestations sociales en France. Les prestations familiales par exemple, ne sont pas soumises à une telle restriction. Toutefois, dans tous les cas, les étrangers doivent justifier qu’ils sont en situation régulière en France (71).
Les travailleurs détachés sont expressément exclus du dispositif, contrairement à ce qui prévaut pour le RSA « activité ».
Selon les précisions apportées par les services du ministère, les travailleurs étaient exclus de fait du bénéfice du RSA « activité » par application de la condition de résidence stable et effective. Cependant, au moment de la demande, cette condition ne pouvait être vérifiée et ce n’est qu’a posteriori, lors du retour dans le pays d’origine, que la CAF s’apercevait de la non-éligibilité initiale du demandeur (72).
En revanche, les travailleurs dont la durée de détachement excède neuf mois pouvaient bien prétendre au bénéfice du RSA. Cela ne sera désormais plus le cas, en raison du caractère non pérenne de leur présence sur le territoire (73).
Enfin, les travailleurs indépendants et les exploitants agricoles restent éligibles à la prime d’activité, tout comme ils pouvaient prétendre au bénéfice RSA.
La première des conditions mentionnées par l’article 24 du projet de loi pour qu’une personne puisse prétendre au bénéfice de la prime d’activité est d’ « être âgée de plus de dix-huit ans ». Alors que le RSA n’est ouvert qu’aux personnes âgées de plus de 25 ans, les jeunes majeurs sont donc les premiers gagnants à la réforme.
L’actuel article L. 262-4 du code de l’action sociale et des familles, relatif au RSA, énonce tout à la fois le principe de l’exclusion des jeunes de moins de vingt-cinq ans et une dérogation à cette condition d’âge dès lors que l’intéressé assume la charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître.
Cette condition d’âge et sa dérogation prévalaient également pour l’accès au RMI. Le rapport législatif précité, relatif au projet de loi créant le RMI, rappelait les arguments ayant présidé à ce choix :
– l’existence, pour les jeunes n’ayant pas atteint cet âge de 25 ans, de dispositifs spécifiques d’insertion professionnelle ;
– la nécessité de ne pas favoriser la décohabitation des jeunes adultes d’avec leurs familles, singulièrement quand celles-ci ont les moyens de pourvoir à leurs besoins, hypothèse dans laquelle le revenu d’insertion servi aux jeunes isolés ne constituerait qu’une ressource d’appoint pour des personnes déjà pourvues
Le maintien de cette restriction au sein du projet de loi généralisant le RSA (74) s’appuyait également sur la crainte que l’accès au revenu minimum décourage certains jeunes de poursuivre leurs études ou de rechercher un emploi.
Or, une étude de l’INSEE, réalisée en 2012, a permis de montrer l’absence de rupture nette dans les taux d’emploi à 25 ans pour l’ensemble des jeunes sans enfant, ce qui indique que le RMI et le RSA n’auraient pas d’effet désincitatif marqué sur l’emploi des jeunes autour de cet âge (75).
Cette limite d’âge semble d’autant plus difficilement acceptable aujourd’hui que le taux de chômage des jeunes excède de plus de 13 points le taux de chômage moyen de l’ensemble de la population, pour s’établir à 23,7 %.
L’élargissement opéré par le texte avait par ailleurs été préconisé par le rapport de notre collègue Christophe Sirugue au nom d’un principe d’égalité.
Le rapporteur pour avis estime également que le maintien d’une distinction fondée sur l’âge n’a plus de sens dès lors que l’objectif premier du dispositif est l’amélioration du revenu disponible lors de la reprise d’activité. Un jeune salarié entré tôt sur le marché du travail doit lui aussi pouvoir prétendre à cette aide qui vise à limiter les désincitations à l’activité et à favoriser l’augmentation de la quotité de travail.
Les informations recueillies lors d’auditions menées par le rapporteur pour avis ont permis d’évaluer l’effort budgétaire correspondant à cette extension entre 600 et 800 millions d’euros, pour un nombre de bénéficiaires estimé entre 700 000 et 1 million de personnes. Le préambule de l’étude d’impact précise que 1,2 million de jeunes actifs serait concernés. La différence constatée s’explique par les hypothèses liées à la détermination des taux de recours.
Il s’agit d’un redéploiement très important puisque près de 20 % de l’enveloppe budgétaire totale seraient affectés à ce public. L’entrée des jeunes majeurs actifs dans le droit commun des dispositifs d’aide à la reprise d’une activité professionnelle a été saluée par l’ensemble des personnes rencontrées dans le cadre des auditions menées par le rapporteur pour avis.
Comme cela a été rappelé, le RSA « jeunes », n’a été versé qu’à environ 8 000 personnes en 2014.
ii. La possibilité pour les jeunes 18 à 24 ans de percevoir la prime d’activité à titre personnel, indépendamment de leur foyer parental
L’étude d’impact accompagnant le projet de loi annonce la possibilité offerte aux jeunes jusqu’à 25 ans de bénéficier de la prime d’activité, à leur demande :
– soit à titre personnel, « en constituant leur propre foyer », qu’ils résident ou non chez leurs parents, et sans aucune condition spécifique liée aux revenus de ces derniers ;
– soit dans le cadre du foyer familial dans lequel ils demeurent : dans ce cas, ils majorent le montant forfaitaire de la prime du foyer.
Dans le premier cas, le jeune serait complètement dissocié du foyer de ses parents pour le calcul de la prime d’activité et du RSA « socle » de ces derniers.
En pratique, selon les précisions apportées par le ministère, un décret prévoira que le fait pour un jeune de demander et d’obtenir le bénéfice de la prime d’activité l’empêchera de faire partie pour une durée minimale de douze mois, en tant qu’enfant à charge, du foyer « prime d’activité » de ses parents.
Alors qu’il n’est aucunement question de ce droit d’option dans le dispositif même de l’article 24, cette possibilité nécessite une analyse approfondie des différentes questions qu’elle soulève.
Tout d’abord, il est légitime de s’interroger sur les conséquences de cette « autonomisation » du jeune sur les nombreux mécanismes juridiques visant à prendre en compte par ailleurs l’existence d’un enfant à charge au sein du foyer familial.
Comme le démontre l’encadré ci-dessous, le droit prend en effet largement en compte la présence d’un enfant au sein du foyer.
En ce qui concerne les prestations familiales, un enfant est considéré comme à charge sous conditions d’âge, 20 ans au plus (76), et de liens de fait avec ses parents.
Plusieurs éléments peuvent faire perdre au jeune la qualité d’enfant à charge, par exemple lorsqu’il devient lui-même bénéficiaire d’une prestation ou de l’allocation personnalisée de logement (APL).
De même, un jeune travaillant à l’année et percevant plus de 893,25 euros mensuels (77) ne doit plus être considéré comme à charge du point de vue des prestations familiales.
La règle est plus complexe lorsque le jeune travaille tout en poursuivant ses études : les salaires perçus sont en effet appréciés sur une moyenne de six mois, du 1er octobre au 31 mars et du 1er avril au 30 septembre.
En ce qui concerne l’inclusion au sein du foyer fiscal, le principe est celui selon lequel un enfant majeur qui travaille doit effectuer sa propre déclaration de revenus, sans pouvoir être considéré comme à charge de ses parents (78). Toutefois, si l’enfant a moins de 21 ans, ou moins de 25 ans et poursuit des études, il peut demander à être rattaché au foyer fiscal familial.
Les revenus perçus par un majeur rattaché au foyer fiscal de ses parents sont alors traités de la façon suivante :
– si le jeune est célibataire, sans charge de famille, ses revenus sont intégralement intégrés aux revenus du foyer, qui bénéficie du quotient familial ;
– si le jeune est marié, pacsé, ou chargé de famille, il peut décider de rattacher son foyer à celui de ses parents ou de ses beaux-parents. Dans ce cas, le nombre de parts du foyer de rattachement n’est pas augmenté, mais il est procédé à un abattement de 5 726 euros (en 2015) pour chaque membre rattaché.
Certains revenus de l’enfant sont toutefois exonérés et n’ont pas à être déclarés :
– les revenus des apprentis jusqu’à 17 345 euros (79) ;
– les indemnités de stage (80) ;
– les revenus des étudiants de moins de 25 ans jusqu’à 4 312 euros.
Selon les réponses aux questionnaires transmis par le rapporteur pour avis, il apparaît que la seule conséquence du choix pour une demande séparée de la part du jeune est sa sortie du foyer de ses parents pour le calcul de la prime d’activité de ces derniers. Il ne sera donc pas pris en compte ni dans le cadre du montant forfaitaire, ni pour l’évaluation des revenus du foyer.
En revanche, il restera considéré comme à charge du foyer de ses parents au sens des prestations familiales, des aides au logement ou de l’administration fiscale.
Selon l’étude d’impact, les jeunes travailleurs auront le plus souvent intérêt à demander le versement de la prime en leur nom propre.
Exemple d’un jeune de 22 ans, travaillant à 1 SMIC mensuel, dont les parents bi-actifs gagnent à eux deux 1,5 SMIC, répartis (1 SMIC pour le premier apporteur de ressources, 0,5 SMIC pour le second) :
• Option pour le maintien au sein du foyer « prime d’activité de ses parents », les éléments relatifs au jeune étant soulignés :
Prime d’activité = [montant forfaitaire (514 + 257 + 154) + 62 % des revenus d’activité (1 702 + 1 135) + boni individuels (67 + 67)] – ressources totales = 0 euro
Dans ce cas de figure, le foyer n’est pas éligible à la prime d’activité.
• Option pour le versement individuel de la prime :
Prime d’activité des parents = [montant forfaitaire (514 + 257) + 62 % des revenus d’activité (1 702 euros) + boni (67 + 0)] – ressources totales = 192 euros
Prime d’activité du jeune = [montant forfaitaire (514) + 62 % des revenus d’activité (1 135) + bonus (67)] – ressources totales = 132 euros
Dans ce cas de figure, 324 euros sont versés aux membres du foyer.
Cette faculté largement favorable n’étant ouverte qu’aux jeunes jusqu’à 24 ans, la question d’une éventuelle rupture d’égalité en fonction de l’âge aurait pu se poser. En réalité, au-delà de 25 ans, le jeune ne peut plus être considéré comme à la charge de ses parents. Il formera donc, ipso facto, un foyer « prime d’activité » autonome, quand bien même il résiderait chez ses parents.
Par ailleurs, un jeune de 24 ans en concubinage formera un foyer avec son concubin, sans qu’il ne lui soit possible de former une demande à titre purement individuelle.
Le foyer « prime d’activité » peut donc se définir comme la prise en compte des situations juridiques (filiation et parenté, mariage, pacs…) auxquelles s’ajoute le concubinage. Sont ensuite considérées comme des personnes à charge les personnes à charge au sens des prestations familiales ainsi que les personnes à la charge effective et permanente du foyer et ayant moins de 25 ans.
En conclusion, cette option offerte au jeune se comprend parfaitement : elle permet de rendre effective l’ouverture au bénéfice de la prime d’activité dès 18 ans, ouvrant aux jeunes un accès au dispositif dans les conditions de droit commun.
3. L’ouverture de la prime d’activité aux étudiants pose une question tant politique que budgétaire et doit être écartée dans son principe.
Dès la conférence de presse qui a suivi la présentation du présent projet de loi en Conseil des ministres, la ministre des Affaires sociales a annoncé que « la prime d’activité sera élargie, par voie d’amendement gouvernemental présenté à l’Assemblée nationale, aux apprentis et aux étudiants qui travaillent ». Ces propos, confirmés lors de l’audition des ministres concernés par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, et qui devraient être précisés quant au champ exact des bénéficiaires de cette éventuelle extension, vont cependant à l’encontre des arguments présentés au sein de l’étude d’impact du présent projet de texte, qui exclut explicitement ce public du nouveau dispositif.
Les justifications développées au sein de l’étude d’impact éclairent en effet pleinement le choix initial du Gouvernement.
Par ailleurs, le document énonce clairement que l’enveloppe budgétaire, quel que soit le scénario retenu, devait rester inchangée. Cet objectif de dépense figé se justifie par la difficulté, dans le contexte budgétaire actuel, à trouver de nouvelles sources de financement.
a. Le manque d’informations fiables sur la population visée complexifie l’anticipation des conséquences de l’extension envisagée
Il convient en effet de rappeler que la France compte 2,4 millions d’étudiants (81) et plus de 430 000 apprentis (82) à la rentrée 2013.
En ce qui concerne les étudiants, il s’agit d’une population extrêmement mal connue. Selon les informations qui ont été fournies au rapporteur pour avis, la proportion d’étudiants en situation d’activité professionnelle se situerait entre 20 % (83) et 45 % (84) de la population étudiante totale, soit entre 1 et 2 millions de personnes. Ces chiffres représentent une approximation pour le moins conséquente, rendant d’autant plus hasardeuse, voire périlleuse, toute tentative de calibrage de la mesure envisagée et de prévision de ses impacts tant sociaux que budgétaires.
Déjà, en 2007, le Conseil économique et social soulignait cette difficulté à appréhender une réalité. Il relevait qu’en fonction des sources (Insee, Observatoire de la vie étudiante, Centre d’études et de recherche sur les qualifications…), le pourcentage d’étudiants qui travaillent varie entre 17 % et 85 %, selon la définition retenue pour les étudiants (prise en compte ou non de l’apprentissage ou des étudiants pré-insérés comme les internes en médecine, tranche d’âge étudiée…) et le type d’emploi (nombre d’heures minimal, saisonnalité...) (85).
Selon les dernières informations transmises au rapporteur pour avis, la population étudiante éligible à la prime d’activité serait en réalité assez faible comparée aux enquêtes précitées. En effet, le croisement entre les données Insee et les déclarations annuelles de données sociales (DADS) (86) permettent d’évaluer à 12 % les bénéficiaires potentiels de la prime d’activité parmi les 35 % d’étudiants qui déclarent avoir travaillé plus d’un mois dans l’année.
Pour les apprentis en revanche, leur statut permet d’évaluer avec beaucoup plus de fiabilité la population visée. En effet, l’article D. 6222-26 du code du travail définit la rémunération mensuelle minimale des apprentis en fonction de leur âge et de leur avancée dans les cycles d’études.
Les jeunes âgés de dix-huit à vingt ans perçoivent au minimum 41 % du SMIC la première année, 49 % pendant la deuxième année et 65 % pendant la troisième année.
Les jeunes âgés de vingt et un ans et plus perçoivent au minimum 53 % du SMIC la première année, 61 % la deuxième année et 78 % la troisième année.
Les apprentis âgés de plus de vingt et un ans en troisième année d’apprentissage seraient entre 30 000 et 35 000.
b. L’ouverture de la prime d’activité aux étudiants risque d’affaiblir le message politique et de diluer les moyens consacrés à la réforme
Comme cela a été souligné, l’article 24 est clair : la prime d’activité a pour objet d’inciter à l’exercice ou à la reprise d’une activité professionnelle.
La compréhension de ce message simple, juste et efficace, est l’un des principaux gages d’une réforme réussie.
Le taux de recours à la nouvelle prestation dépendra aussi de la façon dont aura été compris par tous cet objectif : le travail est toujours payant.
La prime d’activité dont l’objectif est précis ne peut en aucun cas être détournée de cette finalité ni être instrumentalisée pour servir d’outil d’amélioration de la condition étudiante.
Ce sujet est d’importance, mais il doit faire l’objet d’un traitement en soi et non pas obérer la lisibilité et l’efficacité d’une réforme dont l’objectif est le retour ou le maintien dans l’activité des travailleurs pauvres.
L’accompagnement des salariés poursuivant des études et le soutien aux jeunes en voie d’insertion professionnelle et d’autonomisation peuvent toutefois, dans des limites précises, être envisagés.
Cependant les difficultés réelles de cette population seront plus sûrement réduites par la voie d’outils mieux ciblés et plus adaptés que la prime d’activité. Ainsi, la revalorisation des bourses, le développement d’une offre de logement suffisante, et des efforts en termes de solution de mobilité sont seuls à même de garantir des conditions d’études acceptables et une scolarité réussie.
Le rapporteur pour avis estime en conséquence que la généralisation du droit à la prime d’activité doit être absolument écartée et que le 3° de l’article L. 842-2 du code de la sécurité social créée par le texte doit être maintenu en l’état.
Par ailleurs, afin de respecter la trajectoire financière, et malgré les aléas ci-dessus rappelés quant au nombre de bénéficiaires potentiels, le Gouvernement a évoqué l’introduction d’un critère supplémentaire d’éligibilité fonction de la quotité de travail.
L’étude d’impact mentionne le seuil minimum de 0,78 SMIC durant les trois mois ayant précédé la demande, pour pouvoir être éligible à la prime d’activité, si celle-ci devait être étendue aux étudiants et apprentis. Ce seuil correspond à la sortie obligatoire du jeune comme ayant droit au titre des allocations logement ou des prestations familiales (cf. supra).
Il est d’ores et déjà possible de constater que le nombre d’apprentis dont la quotité de travail correspond à ce seuil est particulièrement réduit : ne seraient concernés que les apprentis de plus de 21 ans, en troisième année. Par ailleurs, pour les apprentis, l’incitation à l’activité est peu utile, eu égard à l’excellent taux d’insertion professionnel de ce public (87).
En ce qui concerne les étudiants, le rapporteur pour avis signale le danger qu’il y aurait à inciter à un travail aussi important. De nombreuses études ont été menées sur le sujet. Au-delà d’un certain seuil, il apparaît que le travail salarié en cours d’études a un effet négatif et statistiquement significatif sur la probabilité de réussite à l’examen de fin d’année : cet effet est en fait nettement plus fort pour les étudiants qui travaillent plus de 16 heures par semaine que pour ceux qui travaillent moins de 16 heures par semaine (88).
Le tableau suivant détaille les effets que pourrait entraîner l’extension de la prime d’activité aux étudiants et apprentis.
CONSÉQUENCE DE L’EXTENSION DE LA PRIME D’ACTIVITÉ
AUX JEUNES EN FORMATION INITIALE
Surcoût approximatif de la mesure |
Impact estimé de la mesure sur le niveau maximal de bonus |
Gain mensuel à la réforme pour un salarié au SMIC |
Nombre de personnes qui sortent du dispositif du fait de la baisse du bonus |
|||
Projet de loi en l’état |
En cas d’adoption de cette mesure |
|||||
Inclusion des étudiants et des apprentis qui gagnent plus de 0,8 SMIC net par mois |
200 millions d’euros |
11 euros |
67 euros |
56 euros |
130 000 |
Entrée d’environ 115 000 étudiants + apprentis |
Source : réponse au questionnaire du rapporteur au fond
Le tableau permet de constater que les effets sur le bonus individuel sont particulièrement marqués. Celui-ci étant au cœur même de la réforme, tout ce qui contribuerait à en diminuer le montant irait à l’encontre de l’ambition même du texte.
D’autres pistes pourraient être étudiées afin de répartir le surcoût de l’extension aux jeunes en formation initiale, en cas d’ouverture de la prime à 0,8 SMIC, mais aucune ne semble pouvoir donner satisfaction.
Réduire d’un point la fraction des revenus pris en compte, en passant de 62 % à 61 %, générerait une économie de l’ordre de 260 millions d’euros, mais affaiblirait d’autant l’efficacité de la réforme.
c. Cette extension permettrait toutefois d’accompagner l’insertion professionnelle de salariés poursuivant des études
La mesure envisagée par le Gouvernement présente cependant un atout indéniable : elle permettrait d’inclure parmi les bénéficiaires de la prime d’activité les salariés en cours d’insertion professionnelle poursuivant une formation en parallèle.
Ces salariés-étudiants répondent d’ailleurs à des règles spécifiques en matière d’affiliation à la sécurité sociale.
L’affiliation des travailleurs poursuivant des études supérieures
Les personnes exerçant une activité salariée pendant leurs études supérieures, ne relèvent pas de la sécurité sociale étudiante mais bien du régime général d’assurance maladie sous réserve de remplir les conditions suivantes :
– le contrat de travail couvre toute l’année universitaire (du 1er octobre de l’année en cours au 30 septembre de l’année suivante) ;
– le contrat de travail correspond à au moins 60 heures de travail par mois (ou 120 heures de travail par trimestre) ou à un salaire au moins égal à 60 fois le SMIC horaire par mois (ou 120 fois le SMIC horaire par trimestre).
Dans cette situation, les étudiants salariés sont dispensés d’effectuer le versement de la cotisation sociale étudiante.
D. DES MODALITÉS DE FONCTIONNEMENT SIMPLIFIÉES, AFIN D’ENCOURAGER LE RECOURS À LA NOUVELLE PRESTATION
La simplification administrative est un des apports très attendu de la réforme qui vise à répondre aux critiques récurrentes dont fait l’objet le RSA.
Pour déterminer les montants de prestations auxquels les allocataires ont droit, de nombreux échanges d’informations ont lieu chaque mois entre les caisses d’allocations familiales (CAF), les familles et divers organismes (Pôle emploi, services fiscaux, etc.). La mise à jour des dossiers induite par ces échanges engendre tantôt des indus (trop-perçus de la part des allocataires) et tantôt des rappels (sommes dues aux allocataires). En 2013, sur l’ensemble des prestations légales gérées par les caisses d’allocations familiales, 2,6 millions d’allocataires ont été concernés par un indu et 5 millions par un rappel (89).
Le tableau suivant présente les montants moyens en jeu.
En ce qui concerne la prime d’activité, l’article 24 dispose « qu’il n’est pas tenu compte de l’évolution des ressources du foyer pour le calcul du montant de la prime d’activité servie » pendant le trimestre considéré.
Selon la CNAF, 12 % des allocataires du RSA activité présentent plus de deux changements de situation par mois, situation extrêmement complexe à gérer.
Même si une partie des indus et des rappels se compensent et sont des opérations transparentes pour les allocataires, cette avancée majeure permettra d’apporter aux bénéficiaires plus de visibilité sur leurs droits , et contribuera à la réduction des coûts de gestion pour les organismes gestionnaires. Elle aura pour effet de lisser les variations d’activité des allocataires, qui restent particulièrement fortes à ces niveaux de revenus.
De nombreuses mesures sont prévues afin de faciliter l’entrée dans le dispositif, d’une part, et les démarches que les allocataires auront à accomplir par la suite, d’autre part.
Le basculement automatique des 780 000 bénéficiaires du RSA « activité » représente une simplification incontestable pour les personnes concernées, même si cette opération reste très délicate pour la CNAF.
Par ailleurs, un simulateur informatique sera mis en place, afin de limiter l’affluence aux guichets des CAF et mieux cibler les demandeurs. Les personnes qui bénéficieront de la PPE pour la dernière fois en 2015 seront également invitées à tester leur éligibilité via ce simulateur de droits.
Contrairement à ce qui prévalait pour le RSA « activité », la demande initiale, toujours obligatoire, pourra se faire de façon entièrement dématérialisée.
La gestion de l’entrée en vigueur de la réforme sera complexe, plusieurs précisions ayant été apportées sur ce point au rapporteur pour avis. Certaines ne sont par ailleurs pas sans lien avec l’évolution du taux de recours.
En effet, pour garantir un flux des nouveaux demandeurs gérable pour les organismes gestionnaires, plusieurs pistes sont en cours d’étude :
– communication auprès du grand public indiquant que la demande déposée jusqu’à une date limite, sera rétroactive au 1er janvier 2016, de manière à éviter l’afflux massif dès le mois de janvier, sans perte de droits. Un bénéficiaire déposant une demande en avril se verrait ainsi exceptionnellement calculer rétroactivement ses droits depuis le 1er janvier ;
– possibilité laissée aux organismes gestionnaires d’une augmentation du délai de traitement des demandes durant le premier trimestre 2016 ;
– transmission par la direction générale des finances publiques (DGFiP) des bénéficiaires de la PPE non connus par les organismes gestionnaires (90), afin que ceux-ci disposent déjà des éléments nécessaires à la liquidation sans besoin de demande supplémentaire des revenus N-2 ;
– invitation au grand public à tester le simulateur mis en œuvre par les caisses, avant de déposer une demande de prime d’activité.
Dans tous les cas, un lourd investissement de la part des organismes sera nécessaire. En effet, du fait de l’allégement des renseignements qui seront demandés trimestriellement aux allocataires, la CNAF aura pour la première fois à gérer une prestation qui cumule dans le même temps revenus perçus en N-2 devant être rafraîchis et revenus déclarés trimestriellement.
En 2013, environ 1,2 million d’allocataires ont connu une suspension de droits au RSA car ils n’avaient pas fourni à temps leur déclaration trimestrielle de ressources (DTR) à leur CAF. Pour 850 000 d’entre eux, cette suspension s’est finalement traduite par des rappels de RSA.
L’importance de faciliter au maximum cette démarche est donc un réel enjeu de la réforme.
Comparaison des déclarations trimestrielles de ressources
entre le RSA et la prime d’activité
La DTR RSA contient six rubriques :
– « salaires » ;
– indemnités chômage » ;
– « pensions alimentaires » ;
– « autres ressources » ;
– « aucune ressource » ;
– « argent placé ».
La DTR prime d’activité contiendra deux rubriques :
– « salaires et assimilés » ;
– « revenus de remplacement ».
Les « pensions alimentaires » pourront être issues de la déclaration fiscale.
Les « autres ressources » sont, lorsqu’elles sont imposables, issues de la déclaration fiscale. Lorsqu’elles ne le sont pas, elles sont exclues de la base ressources de la prime d’activité.
La DTR étant non exhaustive, la rubrique « aucune ressource » devient sans objet dans la DTR prime d’activité.
Enfin, l’argent placé n’a plus à être déclaré, puisque dès lors qu’il génère des revenus imposables, ceux-ci sont connus par la déclaration fiscale. Lorsqu’il génère des revenus non imposables, il n’est pas pris en compte.
Toutefois, lors des auditions menées par le rapporteur pour avis, il est apparu nécessaire de pouvoir se fonder au maximum sur les déclarations des intéressés pour tous les renseignements qui ne peuvent être transmis rapidement par les autres administrations.
Les responsables de la mise en place de la prime d’activité au sein de la CNAF ont pris l’exemple des pensions alimentaires, qui concernent près de 8 % des allocataires du RSA. Partant du constat selon lequel 60 % des situations familiales ont changé depuis deux ans et que des versements de pensions intervenus en N-2 ne sont souvent plus effectués de la même manière au moment de la demande, il est impératif de pouvoir insérer ces revenus parmi les éléments devant être déclarés.
En attendant un système informatique de transmission « à la demande » des informations entre la CNAF et la DGFiP, la simplification de la DTR ne doit pas être poussée jusqu’à créer des situations inéquitables pour les bénéficiaires et très complexes en gestion pour les CAF.
La démarche trimestrielle des allocataires salariés sera de nouveau simplifiée en 2016, avec la mise en place obligatoire de la déclaration sociale nominative (DSN). Celle-ci permettra de « précharger » la déclaration trimestrielle de ressources avec les revenus d’activité (sur le modèle de la déclaration fiscale de revenus pré-remplie), sans toutefois supprimer cette déclaration, ni d’ailleurs la demande initiale. Il est donc difficile de mesurer l’impact réel de la DSN sur l’accroissement du taux de recours à la prime d’activité.
Cette évolution vers plus de fluidité et de rapidité des démarches des allocataires doit en tout état de cause être saluée, même si elle ne concernera pas les travailleurs indépendants, qui représentaient tout de même 15 % des bénéficiaires du RSA « activité ».
Enfin, il convient de signaler que les variations d’activité des bénéficiaires seront prises en compte, mais lissées, grâce aux modalités de calcul de la prime sur le trimestre de référence. La prime mensuelle à verser en mars, avril et mai, par exemple, sera en effet égale à la somme des primes d’activité calculées au mois le mois lors du trimestre précédent, divisée par trois :
Prime d’activité « figée » versée en mars, en avril et en mai = (prime d’activité calculée pour le mois de janvier + prime d’activité calculée pour le mois de février + prime calculée pour le mois de mars) / 3.
Les modalités de contrôle de la prime d’activité sont détaillées au sein des nouveaux articles L. 844-1 à L. 844-5 du code de la sécurité sociale, créés par le texte.
Il s’agit pour l’essentiel de la reprise des modalités qui régissent le contrôle des prestations versées par les CAF.
Par ailleurs, en lien avec qui a été dit précédemment, les vertus du principe déclaratif ont été rappelées par les responsables de la CNAF : elles permettent de créer un véritable lien de confiance avec les allocataires.
La CNAF dispose de moyens de détection des fraudes remarquablement efficaces, qui permettent de sanctionner de façon proportionnée les fraudes même les plus minimes (91). Selon les données de la branche Famille, la masse des indus se serait élevée en 2013 à 3,5 milliards d’euros, dont 995 millions d’euros de fraudes (92), soit environ 30 %.
Sur le montant estimé de 995 millions d’euros de fraudes, 700 millions d’euros, soit plus de 70 % du total, sont détectés et en grande partie recouvrés par les CAF : 141 millions sont qualifiés de fraudes et sanctionnés en tant que tel.
Le « datamining », ou « fouille de données », a été généralisé en 2012 et améliore grandement le ciblage des contrôles. En 2011, 100 contrôles étaient nécessaires pour détecter 39 redressements (indus et rappels). En 2013, 61 redressements pour 100 contrôles sont effectués.
L’article 24 du présent projet de loi insère également un chapitre dans le code de la sécurité sociale relatif au suivi statistique et à l’évaluation de la prime d’activité, selon une rédaction proche de celle des articles du code de l’action sociale et des familles relatifs au RSA (93), sans toutefois mentionner Pôle emploi parmi les organismes destinataires ou collecteurs des informations liées à la situation des bénéficiaires.
Le rapporteur pour avis souhaite insister sur l’importance de l’étude des situations et des parcours d’insertion des personnes qui bénéficieront de la prime d’activité. Même si la mesure du taux d’accroissement de l’activité des personnes, du nombre de retours à l’emploi et du lien avec l’incitation financière que représente ce nouveau dispositif est particulièrement délicate, le Parlement devra veiller à ce que des études quantitatives et qualitatives précises et régulières accompagnent la mise en œuvre de la prime.
L’une des meilleures preuves de l’efficacité du dispositif serait d’ailleurs de constater une accélération du nombre de bénéficiaires basculant du RSA « socle » vers la prime d’activité.
Selon l’étude d’impact, le budget consacré à la prime d’activité correspond au budget dévolu au RSA « activité » et à la PPE en 2014, augmenté de l’inflation entre 2014 et 2016.
En 2014, le budget total consacré à ces deux mesures s’est élevé à 4 milliards d’euros.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONSACRÉS À LA PPE ET AU RSA « ACTIVITÉ »
(en milliards d’euros)
Année |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015* |
Dépense fiscale au titre de la PPE |
4,48 |
3,94 |
3,61 |
3,1 |
2,9 |
2,46 |
2,2 |
2,1 |
Coût budgétaire du RSA « activité » |
− |
0,53 |
1,18 |
1,34 |
1,43 |
1,7 |
1,8 |
1,95 |
Total PPE+RSA |
4,48 |
4,47 |
4,79 |
4,44 |
4,33 |
4,16 |
4 |
4,1 |
* montants prévisionnels
Source : projets et rapports annuels de performances.
Toujours d’après les chiffres de l’étude d’impact, en 2016 ce budget augmenté de l’inflation aurait atteint 4,1 milliards d’euros (+ 2,5 %), enveloppe fixée pour la prime d’activité.
Le montant affiché représente une sanctuarisation des crédits affectés à cette politique publique, en partant de l’hypothèse que le gel du barème de la PPE aurait été maintenu. C’est à cette condition qu’il est possible de parler d’un effort budgétaire équivalent aux moindres dépenses qui auraient été permises par le gel, dont le montant entre 2014 et 2016 est estimé à 300 millions d’euros.
Le rapporteur pour avis se félicite donc de cette réforme qui permettra de stopper l’hémorragie budgétaire tout en améliorant l’efficacité de la dépense publique.
En ce qui concerne l’évolution dynamique de l’enveloppe budgétaire prévue, l’étude d’impact se fonde sur une progression assez faible de la dépense.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS PRÉVUS POUR LE FINANCEMENT DE LA PRIME D’ACTIVITÉ
(en milliards d’euros)
Loi de finances pour 2016 |
Loi de finances pour 2017 |
Loi de finances pour 2018 | |
Enveloppe budgétaire estimée |
4 |
4,2 |
4,3 |
Source : étude d’impact.
Selon les informations transmises au rapporteur pour avis, ces projections sont issues de l’outil de prévision de la CNAF, qui prend en compte :
– les prévisions d’évolution de la masse salariale ;
– les prévisions d’inflation ;
– les prévisions macroéconomiques relatives à la croissance ;
– les prévisions d’évolution du marché de l’emploi et du taux de chômage.
Même si une création d’emploi significative est espérée suite aux mesures fiscales favorables à l’investissement des entreprises (94), ces effets, compte tenu de la croissance de la population active, pourraient se compenser et expliquer en partie la faible évolution budgétaire de l’enveloppe consacrée au financement de la prime d’activité.
Sur ce sujet, il sera difficile de mesurer l’impact de la prime d’activité en matière d’augmentation de la quotité de travail des individus. Quant à l’incitation à la reprise d’activité, elle suppose que des offres d’emploi en nombre suffisant ne soient pas pourvues en France. Or, il est difficile de s’appuyer sur les chiffres souvent versés dans le débat public évaluant ce nombre aux alentours de 400 000 (95), ces données n’étant pas véritablement étayées ni documentées.
Il convient toutefois de signaler que les indicateurs nouveaux sont en train en cours de définition pour les projets et rapports annuels de performances de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.
Seront notamment mesurés :
– le nombre total de bénéficiaires du bonus individuel ;
– le nombre de personnes qui basculeront du RSA « socle » vers la prime d’activité ;
– la part des foyers dont au moins un des membres ouvre droit à un bonus et ceux dont deux des membres en bénéficient, afin de mesurer l’incitation à la bi-activité ;
– le nombre de foyer dont l’un des membres a moins de 25 ans et ouvre droit à un bonus.
L’évolution de ces données fournira des indications importantes sur l’effet de la réforme proposée (96).
Enfin, l’article L. 843-6 du code de la sécurité sociale créé par le présent texte précise que « la prime d’activité est financée par l’État ».
En pratique, l’ensemble des crédits budgétaires figureront au sein du programme 304 de la mission Solidarité.
Les éventuelles erreurs de prévision seront ensuite corrigées par la voie des règles de gestion applicables pour l’ensemble des crédits affectés à de telles dépenses, par nature difficiles à prévoir et soumise à de forts aléas.
Le FNSA continuera de financer la prime de Noël, le RSA « jeunes » (97) relatif à la partie « socle » du RSA ainsi que les frais de gestion de la prime d’activité (pour le RSA « activité », ils s’élèvent à 2 % des montants versés). La question de sa disparition au profit d’un financement étatique exclusif via des crédits budgétaires se pose bien évidemment, et le rapporteur pour avis s’étonne qu’elle ne soit pas traitée définitivement par le présent projet de loi.
Phénomène éminemment difficile à quantifier, le taux de recours à la prestation reste pourtant un des principaux déterminants du coût final du dispositif.
Cependant, un autre facteur permet d’appréhender la manière dont a été construite la cohérence budgétaire du dispositif. Il s’agit de la masse financière que représenterait le taux de recours à 50 %. L’étude d’impact précise que les simulations ont été réalisées en fonction du postulat selon lequel les 50 % de recourants à la prime d’activité seront a priori ceux qui en ont le plus intérêt.
Ainsi, les 4 milliards d’euros prévus représentent non pas 50 % mais 66 % de la masse financière qu’entraînerait un taux de recours théorique de 100 %. Les représentants de la CNAF ont signalé qu’en moyenne, un bénéficiaire ayant simulé ses droits en ligne ne demandait pas la prestation considérée lorsque celle-ci lui était annoncée comme inférieure à 50 euros. Par comparaison, les 32 % de recourants au RSA « activité » représentent près de 48 % de la masse budgétaire maximale théorique du dispositif.
S’il est possible d’argumenter à l’infini sur le bien-fondé d’un taux de recours plus faible ou plus élevé que celui envisagé par l’étude d’impact, il apparaît que le taux de 50 % reste, du moins pour la première année de mise en place du dispositif, tout à fait réaliste.
L’enveloppe de 4 milliards d’euros qui sera allouée au dispositif et l’estimation d’un taux de recours sont étroitement corrélées, ces deux éléments découlant l’un de l’autre.
Le rapporteur pour avis reste toutefois plus réservé sur les prévisions de montée en charge du dispositif. En effet, si les efforts de simplification et de communication qui sont annoncés portent leurs fruits, le taux de recours pour les années suivantes devrait en toute logique être amené à croître.
Dans ce cas, cette preuve de la réussite de la réforme devra s’accompagner de moyens de financement complémentaires, étant entendu qu’aucune modification des paramètres réglementaires de la mesure ne saurait être mise en œuvre.
Le rapporteur pour avis estime que le risque budgétaire est de l’ordre de 1 milliard d’euros, le taux de recours pouvant difficilement dépasser les 65 %. Ce taux correspond en effet à celui du RSA « socle », qui a pourtant le caractère d’une prestation de subsistance, voire de toute première nécessité.
Le principe de la revalorisation annuelle de la prime est défini au septième alinéa du nouvel article L. 842-3 du code de la sécurité sociale.
Il apparaît que les deux principaux éléments de calcul de la prime, à savoir le montant forfaitaire et le niveau maximal du bonus, seront revalorisés en même temps et selon des paramètres identiques.
Il n’aurait pas été inenvisageable de dissocier la revalorisation du montant forfaitaire de celle du bonus, soit quant à leur montant, soit quant à leur indice de référence.
Par ailleurs il convient de signaler que, contrairement à ce qui prévaut pour l’ensemble des prestations indexées sur l’évolution des prix, la prime d’activité variera en fonction de l’évolution des prix à la consommation « au cours des douze derniers mois ».
Cette innovation d’importance, qui peut être mise en relation avec la volonté de simplification globale du dispositif, permettra de faciliter la compréhension du mode de revalorisation de la prime pour ses bénéficiaires.
Le mode de revalorisation en deux temps actuellement utilisé est en effet assez complexe. Ce principe intègre :
– la prévision d’inflation pour l’année N retenue par la commission économique de la nation (CEN) (98) qui se réunit avant le 15 avril de l’année N ;
– à laquelle s’ajoute un ajustement au titre de l’année N-1 ; cet ajustement est égal à l’écart entre le taux d’inflation établi à titre définitif par l’INSEE pour l’année N-1 et la prévision initiale pour cette même année ayant servi de base à la revalorisation effectuée l’année N-1.
Au-delà de cette simplification bienvenue, qui permettra le calcul du taux de revalorisation en fonction de l’inflation effectivement constatée au cours des douze derniers mois, il convient de mesurer, eu égard à la logique du dispositif, les effets relatifs du choix d’une indexation sur les prix, solution qui prévaut d’ailleurs pour l’ensemble des prestations, par rapport à celui d’une indexation sur les salaires.
Le tableau suivant fourni une indication sur les écarts d’évolution entre les deux références que sont le SMIC et l’indice des prix à la consommation.
ÉVOLUTIONS DU SMIC ET DE L’INDICE DES PRIX À LA CONSOMMATION DE 2006 À 2015
(en pourcentage)
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 | |
Revalorisations du SMIC par rapport à l’année précédente |
2,99 |
2 |
2,25 |
4,5 |
1,26 |
0,45 |
2,44 |
2,28 |
1,06 |
0,8 |
Variation de l’indice des prix à la consommation par rapport à l’année précédente |
1,6 |
1,5 |
2,8 |
0,1 |
1,5 |
2,1 |
2 |
0,9 |
0,5 |
- 0,1* |
* estimation provisoire sur le premier trimestre 2015.
Note : en gras, les années où la revalorisation du SMIC est supérieure à l’évolution des prix.
Source : commission des Finances à partir des chiffres Insee.
Une indexation sur l’évolution des salaires majorerait de façon significative le coût du dispositif. Mais elle présenterait une cohérence certaine avec l’objectif d’incitation à l’activité, maximale entre 0,8 et 1,2 SMIC. Une indexation sur les prix aboutit en effet à diminuer le niveau de revenu qui correspond à la sortie du dispositif, et à décaler dans le même sens l’effet maximal du bonus individuel.
Mode de revalorisation du SMIC
Depuis 2013 (99), le SMIC est revalorisé :
– chaque 1er janvier, en tenant compte de l’évolution de l’indice mensuel des prix à la consommation hors tabac des ménages du premier quintile de la distribution des niveaux de vie, augmentée de la moitié du gain de pouvoir d’achat du salaire horaire moyen des ouvriers et des employés ;
– en cours d’année lorsque cet indice des prix à la consommation atteint un niveau équivalent à une hausse d’au moins 2 % par rapport à l’indice constaté lors du dernier établissement du SMIC.
L’objectif cette évolution était de moderniser les règles de revalorisation du SMIC dans le respect de son ambition originelle : garantir le pouvoir d’achat des salariés dont les rémunérations sont les plus faibles.
À cette fin, la garantie de pouvoir d’achat est désormais assurée par l’indexation du SMIC sur l’inflation mesurée pour les ménages du premier quintile de la distribution des niveaux de vie, c’est-à-dire des 20 % des ménages ayant les revenus les plus faibles. Cet indice permet de mieux prendre en compte les dépenses de consommation réelles des salariés à faible revenu. Par ailleurs, au titre de la participation au développement économique de la Nation, le SMIC est revalorisé sur la base de la moitié du gain de pouvoir d’achat du salaire horaire moyen des ouvriers et des employés, et non plus des seuls ouvriers (nouvel article R. 3231-2-1 du code du travail) ; cette évolution permet de tenir compte de la part plus importante que représente aujourd’hui, plus de quarante ans après la création du SMIC, la catégorie professionnelle des employés parmi les salariés rémunérés au voisinage du SMIC.
Enfin, le rapporteur pour avis estime nécessaire de bien mesurer les conséquences qu’induiront, à terme, les revalorisations supplémentaires du RSA « socle » décidées dans le cadre du plan pauvreté.
En effet, d’après les informations transmises par les services du ministère, la constante familiale de la prime d’activité, fixée au niveau de l’actuel montant forfaitaire de RSA « socle » afin de ne pas introduire de rupture dans les droits des bénéficiaires au moment de l’entrée en vigueur de la réforme, suivra une courbe d’évolution bien différente, entièrement décorrélée des revalorisations exceptionnelles du RSA « socle ».
Les deux prestations vont donc être amenées à évoluer différemment. Or, comme l’a précisé M. Philippe Mouiller dans son rapport pour avis au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat sur les crédits de la mission Solidarité, l’impact du coup de pouce sur l’accroissement des prestations servies au titre du RSA « activité » est loin d’être négligeable (100). Ainsi, la conséquence de la revalorisation exceptionnelle du RSA « socle » devait être de 230 millions d’euros sur les dépenses de l’État au titre du RSA « activité » entre 2015 et 2017.
SURCOÛT ANNUEL DE LA REVALORISATION EXCEPTIONNELLE
DU RSA DE 2 % PAR AN AU-DELÀ DE L’INFLATION
(en millions d’euros)
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 | |
Départements |
86 |
370 |
678 |
1 011 |
1 341 |
État |
21 |
109 |
213 |
327 |
443 |
Source : direction du budget, d’après les estimations de la CNAF.
La déconnexion entre le RSA « socle » et la prime d’activité génère donc une moindre dépense de l’ordre de 116 millions d’euros en 2017 par rapport à ce qu’aurait été la trajectoire de revalorisation du RSA « activité ».
Le tableau suivant permet de mesurer les effets des revalorisations successives du RSA en 2013 et 2014 sur le nombre d’allocataires.
BÉNÉFICIAIRES PRÉSENTS DANS LE RSA GRÂCE À LA REVALORISATION
DE SEPTEMBRE 2013
Source : « Le RSA en 2014 : une augmentation qui fléchit mais reste soutenue », Études et Résultats, DREES, 2015.
Lecture : parmi les foyers percevant le RSA en décembre 2013, 16 405 n’y auraient pas eu droit sans la revalorisation de septembre 2013.
De 15 000 à 16 000 foyers sont ainsi présents dans le RSA chaque trimestre entre septembre 2013 et juin 2014 grâce à cette revalorisation exceptionnelle, soit 0,7 % du nombre d’allocataires. Par ailleurs, environ la moitié a basculé automatiquement du RSA « activité » seul au RSA « socle » + « activité » par le seul jeu du relèvement du plafond.
En conséquence, et dès lors que le principe d’une indexation sur les prix est retenu, il est nécessaire que le Gouvernement puisse recourir périodiquement et en fonction du contexte économique à la technique du « coup de pouce », afin d’éviter une perte progressive d’efficacité de la prime d’activité par rapport à sa mise en place initiale.
B. L’ÉVOLUTION DU CHAMP DES BÉNÉFICIAIRES RÉSULTE D’UNE VOLONTÉ ASSUMÉE DE RECENTRAGE PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS DE LA PRIME D’ACTIVITÉ
1. Une prime ciblée sur les travailleurs modestes, au point de sortie plus élevé que le RSA « activité »
● Comme le relève l’étude d’impact, la nouvelle prestation opère un compromis entre les deux dispositifs qu’elle remplace : elle est bien mieux ciblée que la PPE, du fait de la prise en compte des ressources au niveau du foyer, ce qui garantit qu’elle bénéficie à des travailleurs vivant dans des familles modestes
– alors que la PPE pouvait être versée à des travailleurs modestes mais vivant en concubinage au sein d’un ménage aisé. De plus, compte tenu du barème de la prime, les points de sortie sont généralement plus bas que ceux de la PPE
– laquelle se caractérise par sa dispersion –, notamment pour les couples.
La prime d’activité s’adresse en revanche à un public plus large que celui du RSA « activité », à la fois en raison de son ouverture aux jeunes actifs de 18 à 25 ans et de son point de sortie plus élevé : de ce fait, elle bénéficie davantage à des salariés à temps complet et à des couples dont les deux membres ont un emploi.
● Les modalités de calcul de la prime d’activité conduisent en effet à ce que son point de sortie soit systématiquement repoussé par rapport au RSA « activité », quelle que soit la configuration du foyer, sous l’effet des bonifications, comme le tableau suivant permet de le constater.
POINT DE SORTIE DU RSA « ACTIVITÉ », DE LA PPE ET DE LA PRIME D’ACTIVITÉ
Point de sortie des différents dispositifs en fonction des revenus d’activité perçus chaque mois |
RSA « activité » |
PPE |
Prime d’activité |
Personne seule |
1,15 SMIC |
1,25 SMIC |
1,3 SMIC |
Célibataire parent isolé |
1,75 SMIC |
1,5 SMIC |
1,9 SMIC |
Couple bi-actif sans enfant (dont un membre est rémunéré au SMIC) |
1,75 SMIC |
2,45 SMIC |
2,05 SMIC |
Couple bi-actif avec deux enfants (dont un membre est rémunéré au SMIC) |
2,1 SMIC |
3 SMIC |
2,4 SMIC |
Source : étude d’impact et ministère des Affaires sociales.
Le point de sortie de la prime d’activité est également plus élevé que pour la PPE dans certaines configurations, comme les célibataires avec enfant à charge.
En tout état de cause, les seuils de sortie de la PPE dépendent également de la répartition des revenus au sein du foyer fiscal : les couples avec deux enfants percevant des revenus à hauteur de près de 3 SMIC, qui ne sont pas éligibles à la prime d’activité, ne peuvent recevoir la PPE que si l’un des membres du foyer fiscal perçoit des revenus inférieurs à 1,25 SMIC ; si les revenus sont répartis à parts égales entre les deux conjoints, le foyer ne percevra pas la PPE.
Les graphiques ci-après retracent les montants de RSA « activité », de PPE et de prime d’activité qui seraient perçus en 2016 en fonction des revenus d’activité, pour différentes configurations familiales : ils montrent que les montants de prime d’activité sont dans tous les cas plus élevés que ceux qui seraient perçus au titre du RSA « activité », sous l’effet des bonifications au-delà de revenus d’activité de 0,5 SMIC. Il en va de même par rapport aux montants de PPE, sauf dans certaines configurations spécifiques et lorsque le point de sortie de la PPE est plus élevé que celui de la prime d’activité, par construction – sachant que là encore, le montant de PPE versé dépend de la répartition des revenus entre les membres du foyer.
RSA « ACTIVITÉ », PPE ET PRIME D’ACTIVITÉ VERSÉS À UN CÉLIBATAIRE EN FONCTION DE SA RÉMUNÉRATION
(en euros 2016)
Source : ministère des Affaires sociales
RSA « ACTIVITÉ », PPE ET PRIME D’ACTIVITÉ VERSÉS À UN CÉLIBATAIRE PARENT ISOLÉ EN FONCTION DE SA RÉMUNÉRATION
(en euros 2016)
Source : ministère des Affaires sociales
RSA « ACTIVITÉ », PPE ET PRIME D’ACTIVITÉ VERSÉS À UN COUPLE BI-ACTIF EN FONCTION DE SA RÉMUNÉRATION, AVEC L’UN DES MEMBRES DU COUPLE PERCEVANT UN SMIC
(en euros 2016)
Source : ministère des Affaires sociales
RSA « ACTIVITÉ », PPE ET PRIME D’ACTIVITÉ VERSÉS À UN COUPLE BI-ACTIF AVEC DEUX ENFANTS EN FONCTION DE SA RÉMUNÉRATION, AVEC L’UN DES MEMBRES DU COUPLE PERCEVANT UN SMIC
(en euros 2016)
Source : ministère des Affaires sociales
● La prime d’activité s’avère beaucoup moins dispersée que la PPE sur les différents déciles de niveau de vie, tout en étant moins concentrée sur les premiers déciles que le RSA « activité ».
Si les trois premiers déciles rassemblent 79 % des bénéficiaires du RSA « activité », ils ne devraient réunir que 65 % des allocataires de la prime d’activité – contre 45 % pour la PPE. Près de 9 allocataires sur 10 de la prime d’activité devraient toutefois relever des cinq premiers déciles, soit quasiment la même proportion que pour le RSA « activité ».
RÉPARTITION PAR DÉCILE DE NIVEAU DE VIE DES ALLOCATAIRES DU RSA « ACTIVITÉ », DE LA PPE ET DE LA PRIME D’ACTIVITÉ, PAR DÉCILE DE NIVEAU DE VIE
D1 |
D2 |
D3 |
Cumul pour les trois premiers déciles |
D4 |
Cumul pour les quatre premiers déciles |
D5 |
Cumul pour les cinq premiers déciles |
D6 |
D7 |
D8 à D10 | |
RSA « activité » |
29 % |
32 % |
18 % |
79 % |
8 % |
87 % |
4 % |
91 % |
3 % |
2 % |
4 % |
PPE (sans imputation de RSA) |
8 % |
17 % |
20 % |
45 % |
17 % |
62 % |
13 % |
75 % |
12 % |
7 % |
6 % |
Prime d’activité |
21 % |
25 % |
19 % |
65 % |
16 % |
81 % |
7 % |
88 % |
4 % |
3 % |
5 % |
Modèle de microsimulation Saphir 2015, ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : direction générale du Trésor.
Il convient de noter que de façon assez contre-intuitive, les derniers déciles de niveau de vie comprennent des bénéficiaires du RSA « activité » et de la prime d’activité. Cela résulte du fait que les déciles de niveaux de vie sont établis à partir de la notion de ménage, retenue par l’INSEE, qui correspond aux personnes partageant le même logement. Cette notion ne recoupe pas nécessairement celle de foyer social : ainsi, un couple qui héberge son enfant de plus de 25 ans correspond à un seul ménage, mais à deux foyers sociaux : celui des parents et celui de leur enfant. Ce dernier peut vivre dans un ménage aisé, relevant des derniers déciles de niveau de vie, tout en percevant, en tant que foyer social, le RSA « activité ». Par ailleurs, au-delà de ces questions de périmètre, les déciles de niveau de vie sont appréciés annuellement : ainsi, une personne aux revenus modestes peut bénéficier du RSA « activité » en janvier, puis décrocher un emploi beaucoup mieux rémunéré en cours d’année. Elle a perçu le RSA à un moment de l’année et est donc prise en compte à ce titre parmi les allocataires, alors même qu’in fine, compte tenu de ses revenus annuels, elle peut relever des derniers déciles de niveau de vie.
● Le montant moyen mensuel de prime d’activité devrait s’établir à 164 euros, en prenant en compte les seuls ménages recourants. Ce montant serait moins élevé si l’ensemble des ménages éligibles recourrait à la prime ; il serait de l’ordre de 137 euros, ce qui reflète le fait que les ménages qui peuvent prétendre aux montants les plus élevés devraient recourir davantage à la prime.
Ce montant moyen est légèrement en retrait par rapport au RSA « activité », ce qui résulte de la répartition plus dispersée des bénéficiaires de la prime dans l’échelle des revenus, et des montants moins élevés servis pour les revenus d’activité en haut de cette échelle. Il est en revanche beaucoup plus élevé que le montant moyen mensuel de PPE.
MONTANTS MOYENS MENSUELS DE RSA « ACTIVITÉ », DE PPE ET DE PRIME D’ACTIVITÉ, PAR DÉCILE DE NIVEAU DE VIE
(en euros 2016)
Total |
D1 |
D2 |
D3 |
D4 |
D5 |
D6 |
D7 à D10 | |
RSA « activité » seul |
176 |
214 |
168 |
140 |
166 |
ns |
ns |
ns |
PPE |
34 |
38 |
34 |
32 |
34 |
34 |
33 |
35 |
Prime d’activité (recourants) |
164 |
208 |
175 |
127 |
135 |
135 |
132 |
115 |
Prime d’activité (éligibles) |
137 |
174 |
155 |
108 |
106 |
113 |
107 |
106 |
« ns » pour non significatif (le nombre de ménages concernés étant trop faible).
Modèle de microsimulation Inès ; ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : ministère des Affaires sociales.
● Selon les données fournies par l’étude d’impact, 4 millions de ménages, représentant 5,6 millions d’actifs, seraient éligibles à la nouvelle prestation. Sur la base d’une hypothèse de taux de recours de 50 %, le nombre de ménages bénéficiaires de la prime devrait s’établir à 2 millions.
Ces chiffres peuvent être mis en regard avec le nombre de ménages percevant le RSA « activité », de l’ordre de 0,8 million fin 2014, ce qui devrait correspondre, compte tenu du taux de non-recours, à environ 2,4 millions de ménages éligibles à la prestation.
Environ 4,5 millions de ménages seraient concernés par la réforme : ce chiffre recouvre les deux millions de bénéficiaires attendus de la prime d’activité, ainsi que 2,5 millions d’anciens bénéficiaires de la PPE, qui ne la percevront plus en 2016.
● Du fait du barème de la nouvelle prestation, les actuels allocataires du RSA « activité » ne peuvent perdre à la réforme, comme vu supra. Selon les données de l’étude d’impact, environ la moitié d’entre eux, soit 480 000, seraient gagnants, grâce au dispositif des bonifications venant majorer la prime ; leur gain moyen serait significatif, de l’ordre de 53 euros par mois. La réforme serait neutre pour la seconde moitié des allocataires.
Selon les données transmises au rapporteur pour avis, la hausse du seuil de versement de la prime d’activité (de 6 à 15 euros) pourrait faire toutefois des perdants parmi les anciens allocataires du RSA « activité » ; leur nombre devrait être relativement limité, de l’ordre de quelques dizaines de milliers de ménages.
● L’intégralité des perdants à la réforme proposée (101) figurent mécaniquement parmi les bénéficiaires actuels de la PPE. Une partie d’entre eux sera éligible à la prime d’activité, et bénéficiera à ce titre d’un montant mensuel plus élevé – sauf dans quelques configurations très spécifiques –, mais la part restante perdra son avantage fiscal.
Néanmoins, les 2,5 millions de ménages qui perçoivent la PPE et qui ne seront pas éligibles à la prime d’activité ne seront pas nécessairement perdants à la réforme.
En premier lieu, ne sont considérés comme perdants que les ménages dont la perte excède 1 % du montant de leurs revenus – le même principe étant retenu pour le décompte des gagnants. Or, parmi les bénéficiaires de la PPE, figurent un grand nombre de foyers fiscaux qui ne perçoivent que de faibles montants, comme vu supra ; il s’agit notamment de tous les ménages ne percevant que les majorations pour personne à charge (36 euros par an et par personne à charge) ou pour mono-activité (83 euros).
En second lieu, une partie significative des actuels bénéficiaires de la PPE se trouve dans le champ de la réforme du bas de barème de l’impôt sur le revenu intervenue dans le cadre de la loi de finances pour 2015. Cette réforme a supprimé la tranche à 5,5 % du barème, tout en renforçant le mécanisme de la décote, ce qui allège considérablement l’impôt acquitté par les ménages titulaires de revenus modestes et moyens à compter de 2015. Cette réforme, dont le coût total s’établit à 2,7 milliards d’euros, cible principalement les quatrième à septième déciles de niveau de vie, comme l’illustre le graphique suivant.
RÉPARTITION DES GAGNANTS ET GAIN MOYEN PAR DÉCILE DE REVENU
DÉCLARÉ PAR UNITÉ DE CONSOMMATION
Source : direction générale du Trésor.
De ce fait, selon les données présentées par l’étude d’impact, en prenant en compte la réforme du bas de barème, 20 % des bénéficiaires de la PPE seraient gagnants à la création de la prime d’activité (gain supérieur à 1 % de leur revenu). 25 % seraient perdants (perte supérieure à 1 % de leur revenu), tandis que 55 % seraient peu impactés (gain ou perte inférieur à 1 % de leur revenu).
Il convient d’observer que la réforme du bas de barème de l’impôt sur le revenu est applicable à compter de l’imposition des revenus de 2014 et fera donc ressentir ses effets en septembre 2015, tandis que la suppression de la prime pour l’emploi n’entrera en vigueur qu’à compter de l’imposition des revenus de 2015, et ne sera perceptible qu’en septembre 2016. En conséquence, en 2015 les contribuables bénéficieront d’un allégement de leur impôt, résultant de la réforme du bas de barème, tout en percevant la PPE ; puis, en 2016, ils verront leur impôt augmenter – ou perdront leur restitution – du fait de la suppression de la PPE.
L’articulation des différentes réformes dans le temps – réforme du bas de barème, suppression de la PPE et création de la prime d’activité – risque donc de susciter des incompréhensions parmi les contribuables, même si, prises dans leur globalité, elles viennent se compléter, pour bénéficier aux différentes catégories de ménages.
De fait, la création de la prime d’activité cible prioritairement les ménages des deux premiers déciles de niveaux de vie, leur gain net total étant estimé à 500 millions d’euros par l’étude d’impact. Ces ménages n’étaient quasiment pas concernés par la réforme du barème intervenue à l’automne dernier : ils étaient généralement non imposables avant cette réforme et percevaient la PPE sous la forme d’un chèque du Trésor public, et non d’une minoration de leur impôt.
Parallèlement, selon l’étude d’impact, si la présente réforme devrait être défavorable aux ménages des troisième à cinquième déciles de niveaux de vie, pour une perte nette totale de 300 millions d’euros, du fait de la suppression de la PPE, ces mêmes ménages sont globalement gagnants en tenant compte de la réforme du bas de barème, pour un gain net d’environ 1,5 milliard d’euros.
Les deux réformes apparaissent donc complémentaires, en visant des populations différentes.
● Selon des données de l’étude d’impact, pour les 4,5 millions de ménages concernés par la présente réforme, et après prise en compte de la réforme du barème, les effets seraient les suivants :
– 1,245 million ménages verraient leur revenu augmenter de façon significative ;
– 824 000 ménages verraient leur revenu disponible diminuer significativement ; plus de la moitié d’entre eux appartiennent à des ménages aisés ;
– 2,44 millions de ménages ne verraient pas leur revenu augmenter ou diminuer de façon significative.
Sans prendre en compte les effets de la réforme du bas de barème, le nombre de gagnants s’établirait à 969 000 ménages, celui des perdants à 1,197 million de ménages, tandis que la réforme serait neutre pour 2,35 millions de ménages.
Les tableaux ci-dessous retracent l’impact de la réforme, avant et après réforme du bas de barème, en ventilant les gagnants et les perdants par décile de niveau de vie.
MÉNAGES GAGNANTS ET PERDANTS APRÈS RÉFORME DU BAS DE BARÈME
(PAR DÉCILE DE NIVEAU DE VIE)
(en milliers)
Total |
D1 |
D2 |
D3 |
D4 |
D5 |
D6 |
D7 à D10 | |
Gagnants |
1 245 |
274 |
324 |
237 |
125 |
125 |
112 |
62 |
Perdants |
824 |
74 |
157 |
165 |
165 |
107 |
58 |
91 |
Neutres |
2 444 |
293 |
391 |
415 |
367 |
293 |
269 |
415 |
Source : ministère des Affaires sociales
MÉNAGES GAGNANTS ET PERDANTS AVANT RÉFORME DU BAS DE BARÈME
(PAR DÉCILE DE NIVEAU DE VIE)
(en milliers)
Total |
D1 |
D2 |
D3 |
D4 |
D5 |
D6 |
D7 à D10 | |
Gagnants |
969 |
270 |
324 |
201 |
65 |
40 |
27 |
42 |
Perdants |
1 197 |
76 |
164 |
241 |
246 |
200 |
145 |
124 |
Neutres |
2 347 |
304 |
376 |
382 |
337 |
287 |
262 |
398 |
Source : étude d’impact.
Il convient de préciser qu’au titre des ménages perdants, ne sont pas pris en compte les ménages qui bénéficiaient de la PPE, du fait de son caractère quasi automatisé et, partant, de son taux de recours de 95 %, mais qui n’effectueront pas les démarches nécessaires pour percevoir la prime d’activité, prestation de guichet dont le taux de recours est estimé à 50 %. Les estimations fournies au rapporteur pour avis font état de 560 000 ménages supplémentaires pouvant être considérés comme « perdants » à la réforme du fait du non-recours à la nouvelle prestation. Toutefois, il s’agit d’une catégorie spécifique de ménages perdants, auxquels il suffit de déposer une demande pour obtenir la prestation.
MÉNAGES GAGNANTS ET PERDANTS (Y COMPRIS NON-RECOURANTS)
APRÈS RÉFORME DU BAS DE BARÈME (PAR DÉCILE DE NIVEAU DE VIE)
(en milliers)
Total |
D1 |
D2 |
D3 |
D4 |
D5 |
D6 |
D7 à D10 | |
Gagnants |
1 245 |
274 |
324 |
237 |
125 |
125 |
112 |
62 |
Perdants |
1 384 |
208 |
291 |
332 |
221 |
138 |
83 |
111 |
Neutres |
2 444 |
293 |
391 |
415 |
367 |
293 |
269 |
415 |
Source : Gouvernement.
MÉNAGES GAGNANTS ET PERDANTS (Y COMPRIS NON-RECOURANTS)
AVANT RÉFORME DU BAS DE BARÈME (PAR DÉCILE DE NIVEAU DE VIE)
(en milliers)
Total |
D1 |
D2 |
D3 |
D4 |
D5 |
D6 |
D7 à D10 | |
Gagnants |
969 |
270 |
324 |
201 |
65 |
40 |
27 |
42 |
Perdants |
1 757 |
211 |
299 |
404 |
299 |
228 |
176 |
158 |
Neutres |
2 347 |
304 |
376 |
382 |
337 |
287 |
262 |
398 |
Source : Gouvernement.
● Une réforme d’une telle ampleur suppose nécessairement des gagnants et des perdants, l’enjeu étant de cibler au mieux ces deux catégories au regard de l’objectif assigné : en l’espèce, il s’agit d’inciter à l’activité des travailleurs modestes, singulièrement ceux dont les revenus d’activité sont compris entre 0,8 et 1,2 SMIC, pour lesquels les taux marginaux d’imposition résultant de notre système socio-fiscal sont particulièrement élevés.
À cet égard, les ménages gagnants, qui sont concentrés dans les premiers déciles de niveaux de vie, correspondent à tous les jeunes de 18 à 25 ans désormais éligibles à la nouvelle prestation, aux allocataires du RSA « activité », qui percevront une prime d’activité plus élevée grâce aux bonifications, ainsi qu’aux ménages qui n’étaient pas éligibles au RSA « activité » et qui bénéficieront de la nouvelle prestation, du fait de son point de sortie plus haut. Figurent aussi parmi les gagnants les ménages qui percevront la prime d’activité alors qu’ils ne recourraient pas au RSA « activité », grâce à l’augmentation du taux de recours de la nouvelle prestation, résultant des simplifications opérées dans les démarches et les modalités de versement.
Les perdants à la réforme se retrouvent quant à eux pour l’essentiel parmi les ménages qui bénéficiaient de la PPE alors qu’ils relevaient de déciles de niveau de vie relativement élevés et qui ne seront pas éligibles à la prime d’activité. Cet effet découle du ciblage de la prime d’activité sur les travailleurs modestes, à l’inverse du saupoudrage qui caractérisait la PPE. Par ailleurs, justement du fait de ce saupoudrage, la perte moyenne de ces ménages s’avère généralement limitée.
Figurent notamment parmi ces perdants les ménages composés de plusieurs foyers fiscaux, notamment des couples de concubins (environ 330 000 ménages), qui bénéficiaient de la PPE alors que leurs ressources globales, appréciées au niveau du ménage, et non du foyer fiscal, étaient élevées.
Certains ménages perdront également à la réforme parce que la PPE se fonde sur des revenus annualisés, alors que la prime d’activité prend en compte les revenus sur une base trimestrielle. Il convient de noter que ces ménages peuvent se trouver dans tous les déciles de niveaux de vie, y compris dans les deux premiers : à titre d’exemple, des travailleurs saisonniers ou occasionnels, qui ont travaillé deux fois pendant une durée de trois mois sur une année donnée, pour un salaire mensuel égal à 2 SMIC, perçoivent aujourd’hui la PPE, mais ne seront pas éligibles à la prime d’activité, parce que leur revenu mensuel sera supérieur au point de sortie de la nouvelle prestation pendant leurs périodes d’activité. De la même façon, certains ménages modestes pourraient être perdants car ils n’auront recours à la prime d’activité qu’en cours d’année – même s’ils y étaient éligibles auparavant – alors même qu’ils auraient perçu une PPE calculée sur leurs revenus annuels.
Parmi les ménages perdants à la réforme, doivent également être mentionnés les étudiants qui reçoivent aujourd’hui la PPE et qui ne sont pas éligibles à la prime d’activité dans le cadre de la réforme proposée (102) ; de façon marginale, sont également concernés des étrangers non européens qui, en tant que résidents fiscaux français, peuvent percevoir la PPE, mais qui ne rempliront pas les conditions requises de durée de séjour pour percevoir la prime d’activité, ainsi que des travailleurs détachés. Enfin, certaines personnes cumulant indemnisation du chômage, via l’ARE ou l’ASS, et revenus d’activité, pourraient perdre à la réforme : elles peuvent aujourd’hui bénéficier à la fois de la PPE et de ces dispositifs, lesquels permettent le maintien d’une partie de l’allocation chômage en cas de reprise partielle d’activité, alors qu’elles pourraient ne pas bénéficier de la prime d’activité, puisque les allocations chômage sont intégrées dans la « base ressources » dans leur intégralité, sans abattement de 38 %.
Enfin, le chiffrage des gagnants et des perdants à la réforme tel que présenté par l’étude d’impact s’avère statique, en effectuant ce décompte au titre de l’année 2016. Pour autant, il faut garder à l’esprit qu’au fil des années, du fait du gel de son barème, les ménages bénéficiaires de la PPE seraient de moins en moins nombreux et auraient perçu des sommes de moins en moins élevées. À l’horizon 2018-2019, le bilan des perdants et gagnants à la réforme s’avère nécessairement de plus en plus favorable.
● Au-delà du seul nombre des ménages gagnants et perdants, se pose la question des montants respectifs des gains et pertes qui sont enregistrés à l’issue de la réforme. Or, en l’espèce, les gains moyens à la réforme sont nettement plus élevés que les pertes moyennes.
L’étude d’impact faisait état d’un gain moyen de 75 euros, contre une perte moyenne de 45 euros. Des données transmises au rapporteur pour avis sont venues préciser ces chiffres, lesquels reposaient sur des hypothèses différentes de celles habituellement retenues (non prise en compte de l’ouverture de la prime d’activité aux 18-25 ans et « seuil de significativité » de 0,5 % et non 1 %). Le gain moyen effectif est ainsi estimé à 99 euros et la perte moyenne à 53 euros, avant prise en compte de la réforme du barème de l’impôt sur le revenu et en tenant compte du non-recours à la prestation, tant pour les gagnants que pour les perdants.
Le tableau ci-dessous ventile le montant moyen des gains et de pertes par décile de niveau de vie ; la perte moyenne devrait être nettement inférieure aux montants présentés après prise en compte de la réforme du bas de barème.
MONTANT MENSUEL MOYEN DE GAIN OU DE PERTE PAR DÉCILE DE NIVEAU DE VIE
(en euros 2016)
Total |
D1 |
D2 |
D3 |
D4 |
D5 |
D6 |
D7 à D10 | |
Gain |
99 |
116 |
87 |
79 |
97 |
104 |
118 |
127 |
Perte |
– 53 |
– 50 |
– 53 |
– 49 |
– 53 |
– 55 |
– 55 |
– 62 |
Modèle de microsimulation Inès ; ménages ordinaires de France métropolitaine.
Source : ministère des Affaires sociales.
Lors de sa réunion du mardi 19 mai à 16 heures 15, la Commission examine, pour avis, le titre IV du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi (n° 2739) sur le rapport de M. Dominique Lefebvre.
M. Dominique Lefebvre, rapporteur. Mon rapport est en cours d’achèvement et devrait être disponible en fin de semaine ; il sera long d’une centaine de pages et, pour près de la moitié, consacré aux dispositifs en vigueur : prime pour l’emploi – PPE –, créée en 2001, et revenu de solidarité active – RSA – dans son volet « activité », créé en 2008. Nous pourrons ainsi avoir un aperçu de ce qu’implique leur suppression.
La commission des Finances s’est saisie pour avis du titre IV, qui comporte quatre articles d’importance inégale. L’article 24 insère le dispositif nouveau au sein du code de la sécurité sociale ; l’article 25 procède aux coordinations nécessaires à la suppression du volet « activité » du RSA ; l’article 26 prévoit que la prime d’activité ne sera pas – à l’instar du RSA activité – soumise à l’impôt sur le revenu ; l’article 27 fixe la date d’entrée en vigueur du dispositif. À ce stade je n’ai pas déposé d’amendements, laissant le soin des amendements rédactionnels, notamment sur les articles de coordination, à Christophe Sirugue, rapporteur au fond, au nom de la commission des Affaires sociales.
Aucune des autres mesures du texte ne pouvait à elle seule justifier une saisine de la commission des Finances, en raison de l’absence de lien avec un dispositif fiscal ou de coût budgétaire significatif.
La définition des modalités du dispositif proposé est en grande partie renvoyée au pouvoir réglementaire. Nous avons cherché, dans le cadre de la préparation du rapport, à obtenir des précisions du Gouvernement sur les dispositions réglementaires concernées, qui ne sont pas encore totalement rédigées, faute d’être arrêtées dans leurs principes. Lors de la création du revenu minimum d’insertion – RMI –, en 1988, le dispositif avait fait l’objet d’une élaboration globale, ce qui était assurément plus simple. Je crois néanmoins pouvoir vous donner un certain nombre d’éclairages sur les mesures réglementaires envisagées par le Gouvernement. En tout état de cause, ce partage entre le législatif et le réglementaire correspond à l’usage en matière de prestations sociales.
Troisième observation : la réforme part d’un diagnostic largement partagé sur les dispositifs de soutien aux revenus d’activité modestes, à savoir la PPE et le RSA « activité ». Le maintien de la PPE en l’état, parallèlement au RSA « activité » qui poursuit des objectifs similaires, nuit à la lisibilité, à la cohérence et à l’efficacité des dispositifs, d’autant que le choix avait été fait, à l’époque, d’éteindre très progressivement la PPE, dont la suppression brutale eût fait trop de « perdants ». En 2008, 9 millions de personnes bénéficiaient de la PPE, pour une dépense fiscale supérieure à 4 milliards d’euros, contre 5,5 millions de bénéficiaires en 2014, pour une dépense fiscale à peine supérieure à 2 milliards d’euros.
Une réforme était donc indispensable ; elle fut annoncée dès le début de 2013 dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Un groupe de travail avait alors été constitué sous la conduite de Christophe Sirugue, qui a remis ses conclusions en juillet 2013. Nous avions aussi anticipé la réforme en votant, dans la seconde loi de finances rectificative pour 2014, la suppression de la PPE à compter de 2016.
Je veux aussi insister sur le caractère ambitieux et courageux de la réforme, qui s’opère à moyens budgétaires supposés constants, la dépense prévue avoisinant, en 2015, les 4 milliards d’euros – avec une progression en 2016 et en 2017, où elle atteindra 4,2 milliards. Cela représente toutefois un effort pour les finances publiques, dont la trajectoire avait intégré le gel de la PPE, lequel se traduisait par une érosion budgétaire d’environ 300 millions d’euros par an.
Le recentrage du dispositif fera nécessairement des gagnants mais aussi des perdants. Selon l’étude d’impact, la réforme sera neutre pour 2,4 millions de personnes, bénéfique pour 1,2 à 1,3 million d’autres et négative pour environ 800 000 autres encore. Nous devons assumer cet état de fait, tout en vérifiant que la répartition entre ménages gagnants et perdants s’inscrit bien dans nos priorités politiques.
La PPE et le RSA « activité » poursuivent plusieurs objectifs distincts : la lutte contre la pauvreté, le soutien au pouvoir d’achat des travailleurs modestes et l’incitation à l’activité. Or, dans le cadre du dispositif proposé, la priorité me semble devoir être donnée, comme y tend le texte, à l’incitation à la reprise d’activité. Comme Mme la ministre des Affaires sociales l’a rappelé le 6 mai dernier devant la commission saisie au fond, la lutte contre la pauvreté fait l’objet de dispositifs dédiés, de même que le soutien au pouvoir d’achat des travailleurs modestes. Rappelons aussi que la réduction des cotisations sociales salariales pour les salaires n’excédant pas 1,3 SMIC, mesure simple et lisible, a été censurée par le Conseil constitutionnel.
Dans l’appréciation des ménages gagnants et perdants à la réforme, l’approche doit être globale. D’une part, la suppression de la tranche à 5,5 % du barème de l’impôt sur le revenu et la réforme de la décote entreront en vigueur en 2015 : ces mesures profiteront à 9 millions de ménages – dont 3 millions ne seront plus imposés ou n’entreront pas dans l’impôt –, parmi lesquels se trouvent une petite partie des bénéficiaires actuels de la PPE. Par ailleurs, la réforme n’est qu’une étape : elle ne règle pas tous les problèmes de notre système socio-fiscal, notamment les « trappes à inactivité » : comme l’avait observé M. Martin Hirsch en 2005, les minima sociaux deviennent, pour certains, des « maxima » indépassables de revenu disponible car la reprise d’activité conduit à des taux marginaux de prélèvements sociaux ou fiscaux à 70, 80 voire 100 %. Il n’est pas question non plus, aujourd’hui, des allocations logement qui, si elles sont parmi les plus efficaces en termes de réduction des inégalités, peuvent également tirer à la hausse, de manière sensible, les taux de prélèvements en cas de reprise d’activité.
La PPE est un crédit d’impôt calculé, pour l’essentiel, sur la base des revenus d’activité de chacun des membres du foyer fiscal, avec une familialisation limitée – incluant des majorations en cas de mono-activité et de personnes à charge. Elle a concerné jusqu’à 9 millions de foyers fiscaux entre 2005 et 2008, contre 5,5 millions aujourd’hui. Le gel du barème, constaté depuis 2008, a eu deux effets. L’un, qui peut être regardé comme positif, a été de resserrer le ciblage de la prime, qui s’avérait trop large, puisqu’il pouvait inclure des revenus relevant de l’ensemble des déciles de niveau de vie. Le point de sortie de la PPE, du fait de ce gel, a ainsi été ramené de 1,4 à 1,25 SMIC – le système fait donc de nouveaux perdants tous les ans. Ce gel a aussi fait passer le montant moyen annuel de la PPE de 502 euros en 2008 à 400 euros aujourd’hui.
Rappelons brièvement les critiques dont la PPE a pu faire l’objet. La première tient à une dispersion dans l’ensemble des déciles de niveau de vie, du fait de plafonds de revenus fiscaux de référence – auxquels est conditionnée son éligibilité – relativement élevés et du versement au niveau du foyer fiscal, ce dernier point soulevant la question des personnes vivant en concubinage. De fait, celles-ci représentent une part importante des 800 000 perdants puisqu’elles forment chacune un foyer fiscal. Une personne peut ainsi percevoir la PPE alors que les revenus de leurs compagnons sont élevés. Or, la logique de la prime d’activité est de se référer aux revenus du ménage.
Une autre critique adressée à la PPE est la relative faiblesse de son montant – en moyenne 400 euros par an, soit 33 euros par mois –, donc de ses effets redistributifs, ainsi que le décalage de son versement dans le temps, qui la rend peu réactive.
La PPE – créée en 2001 suite à la censure de la « ristourne » de CSG sur les revenus modestes par le Conseil constitutionnel – n’a pas atteint ses objectifs s’agissant de l’incitation à la reprise d’activité et du soutien aux foyers à revenus modestes. Elle a pour avantage d’être automatique et d’avoir un taux de recours élevé, de 95 % – et non 100 % car les bénéficiaires doivent tout de même à cocher une case sur leur déclaration d’impôt sur le revenu –, d’être ouverte à tous les contribuables, quel que soit leur âge, et de favoriser la bi-activité, laquelle concerne beaucoup de femmes.
Quant au RSA « activité » – dont je rappelle que le coût devrait atteindre 1,95 milliard d’euros en 2015 contre 1,8 milliard en 2014, compte tenu de l’augmentation du nombre de bénéficiaires –, couplé avec le RSA « socle » qui, lui-même, remplaçait le RMI, il a vocation à lutter contre les « trappes à inactivité » et à rendre le travail « payant » dès la première heure. Dans son principe, il vise à garantir qu’un revenu supplémentaire de 100 euros se traduise par un gain de 62 euros de revenu disponible, ce qui est tout de même rarement le cas, notamment en raison du calcul des allocations logement, qui dépendent du niveau des revenus d’activité.
Cette prestation est également familialisée puisqu’elle prend en compte les ressources et les revenus d’activité de l’ensemble du foyer. Afin que la réforme n’induise pas de perte de revenus pour les bénéficiaires du RSA activité, le Gouvernement a fait le choix d’une prime, non pas strictement individualisée, selon la proposition – au demeurant plus lisible – de Christophe Sirugue, mais à composante familiale. Dans le cas contraire, les perdants auraient été fort nombreux parmi les familles monoparentales, qui, pour beaucoup d’entre elles, sont constituées de femmes seules avec enfants. Cela dit, les éléments d’individualisation de la future prime sont de nature à la rendre plus lisible.
La principale critique adressée au RSA tient à la faiblesse de son taux de recours
– 32 % –, laquelle nuit à sa redistributivité. M. Martin Hirsch, que j’ai auditionné, m’a indiqué qu’il avait le sentiment que cette faiblesse avait été organisée. Le taux de recours au RSA « socle », lui, avoisine les 65 % alors qu’il s’agit d’un minimum social. D’une manière générale, les taux de recours aux prestations « de guichet » se situent, selon les études de la Caisse nationale des allocations familiales – CNAF –, entre 60 et 70 %, en France comme ailleurs en Europe. Le taux de recours du RSA « activité », en tout état de cause, atteste de l’échec de la mesure, sans doute insuffisamment comprise. Alors que l’objectif était, en 2008, d’atteindre 1,4 million de bénéficiaires, il n’y en avait que 430 000 un an plus tard et 550 000 à la fin décembre 2014.
La prestation, en revanche, dispose de bonnes capacités redistributives ; elle est bien ciblée sur les revenus modestes, avec un point de sortie de l’ordre de 1,1 SMIC et un effet maximal, pour un célibataire, situé à 0,4 SMIC. Le montant moyen versé est élevé
– 196 euros par mois en 2014. Pour autant, ses effets sont fortement limités par le taux de non-recours. Par ailleurs, le RSA a un effet incertain sur l’activité et des effets de seuil persistent, notamment en raison de la baisse des allocations logement lors d’une hausse de revenus. De plus, le dispositif n’incite guère à la bi-activité. Enfin, il exclut tout un pan des travailleurs modestes, à savoir les moins de vingt-cinq ans. De fait, le RSA activité s’imbrique avec le RSA « socle », lui-même issu du RMI : en étaient exclus les jeunes de moins de vingt-cinq ans, à qui l’on ne voulait pas laisser entendre qu’ils entreraient dans la vie grâce à un revenu d’assistance. Les conditions du RSA « jeunes actifs » étaient si restrictives – deux ans d’activité au minimum sur une période de référence de trois ans – que celui-ci n’a profité qu’à 8 000 bénéficiaires, pour un coût inférieur à 30 millions d’euros.
La coexistence du RSA activité et de la PPE a accentué leurs défauts respectifs : la distribution de la PPE est venue s’élever dans l’échelle des revenus du fait de l’imputation du RSA sur celle-ci, et il est probable que le maintien de la PPE a alimenté le non-recours au RSA, dont je rappelle qu’il constitue un acompte sur la PPE, versée l’année suivante.
J’avais préconisé, dans le cadre du rapport que j’ai remis avec M. François Auvigne sur la fiscalité des ménages, un renforcement du RSA « activité » et un allégement dégressif des cotisations salariales sur les bas salaires ; le rapport Sirugue, lui, proposait la création d’une prime d’activité individuelle ouverte dès dix-huit ans, qui fusionnerait la PPE et le RSA « activité ». L’idée, dans les deux cas, était de sérier les objectifs politiques. Un allégement des cotisations salariales sur les bas salaires aurait répondu à l’objectif de soutien au pouvoir d’achat des travailleurs modestes ; le renforcement du RSA « activité » aurait traité le problème des effets de seuil. Quoi qu’il en soit, le Conseil constitutionnel a tranché le débat en censurant la mesure d’allégement des cotisations salariales, conduisant le Gouvernement, d’une part, à alléger l’impôt sur le revenu des ménages relevant du bas de barème et, d’autre part, à créer la prime d’activité.
Bien que sa mise en œuvre soit complexe, cette dernière repose sur l’idée simple que le travail doit toujours être payant – sachant que la lutte contre la pauvreté relève du RSA « socle » et de sa revalorisation. Le système est à la fois familialisé – avec des ressources appréciées au niveau du ménage –, et individualisé, par l’intermédiaire de bonus calculés en fonction de la situation de chacun de ses membres. Le dispositif, détaillé à l’article 24, est complexe – les décrets d’application le montreront –, mais la CNAF mettra en place un simulateur pour les bénéficiaires. Il est difficile de trouver une formule plus simple, à moins d’imaginer une stricte individualisation : le système, je l’ai dit, y gagnerait en lisibilité, mais ferait beaucoup de perdants parmi les familles à revenus modestes, notamment monoparentales. C’est pourquoi la solution retenue est mixte, à la fois familialisée et individualisée.
D’autre part, la prime sera clairement dissociée du RSA, ce qui évitera les réticences psychologiques liées au sentiment d’assistanat.
La réforme, dans son calibrage, obéit à deux objectifs. En premier lieu, les 800 000 bénéficiaires du RSA activité – qui d’ailleurs basculeront automatiquement vers la prime d’activité au 31 décembre prochain – ne doivent pas être perdants. Autrement dit, la réforme sera neutre pour les salariés jusqu’à 0,5 SMIC : le travail à temps très partiel, puisque c’est de lui qu’il s’agit, doit être traité à travers d’autres mesures. En second lieu, le dispositif est calibré pour produire le maximum d’effet entre 0,8 et 1,2 SMIC grâce aux bonifications, ce qui ne signifie pas que cette tranche correspond à nos yeux à la bonne situation d’emploi. C’est simplement celle où les effets de seuil sont les plus massifs et où le niveau de revenu disponible pour 100 euros de revenus d’activité supplémentaires peut être le plus faible en raison des mécanismes que je rappelais. Toute mesure de nature à diminuer la bonification de la prime d’activité entre 0,8 et 1,2 SMIC affaiblirait donc l’incitation à l’activité. Cela implique que certains bénéficiaires de la PPE, situés dans les déciles supérieurs, perdront à sa suppression sans être éligibles à la prime d’activité. L’architecture est donc la suivante : les ménages appartenant aux deux premiers déciles de niveau de vie relèvent du plan de lutte contre la pauvreté, ceux appartenant aux premier à quatrième déciles de la prime d’activité et ceux relevant des quatrième à septième déciles de la suppression de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. La force de la prime d’activité, je le répète, est de constituer une réelle incitation à l’activité.
La grande avancée qu’elle permet, par ailleurs, est de cibler les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, soit de 700 000 à 1 million de personnes, pour 20 % du coût budgétaire. Pour les ménages perdants, actuellement bénéficiaires de la PPE, la perte mensuelle moyenne sera de 53 euros, contre un gain de 99 euros pour les gagnants. Les couples avec enfants seront eux aussi bénéficiaires, davantage que les couples sans enfants.
Quant à la question du niveau de vie des étudiants et des apprentis, elle n’a pas vocation, je l’indiquerai clairement dans mon rapport, à être traitée par un dispositif d’incitation à l’activité. Il y va d’abord de la lisibilité même de la réforme, et ensuite de la maîtrise des coûts budgétaires : l’éligibilité d’étudiants et d’apprentis conduirait, à enveloppe constante, à rendre la prime d’activité moins incitative entre 0,8 et 1,2 SMIC, sauf à accepter que les bénéficiaires actuels du RSA activité soient in fine perdants, ce qui est exclu. Selon les différentes estimations, de 25 à 45 % d’étudiants travaillent, je le rappelle, dans le cadre d’activités qui peuvent aller du temps très partiel au temps presque complet, de sorte que leur prise en compte introduirait une grande incertitude budgétaire.
Cependant, le Gouvernement envisage de déposer un amendement tendant à ouvrir le bénéfice de la prime aux étudiants apprentis et stagiaires gagnant au moins 0,78 SMIC : ce seuil est celui à partir duquel un jeune ne relève plus du foyer de ses parents pour le calcul des prestations sociales et des allocations logement. Dès lors, la question est de savoir s’il s’agit d’étendre le dispositif à des étudiants et apprentis qui gagnent au moins 0,78 SMIC ou de faciliter l’insertion professionnelle des jeunes ; à mes yeux, il vaut mieux parler de salariés poursuivant leurs études que d’étudiants travaillant pour les poursuivre. La solution la plus simple et la plus « pure » serait d’exclure les étudiants, les apprentis ou stagiaires, de la prime d’activité car ils sont dans un processus de formation. En l’état actuel des chiffrages, les apprentis éligibles à la mesure proposée par le Gouvernement seraient néanmoins peu nombreux, puisqu’ils ont presque tous plus de vingt et un ans et sont en troisième année. Sur une population potentielle de 250 000 étudiants et apprentis, moyennant un taux de recours de 50 %, la dépense avoisinerait les 200 millions d’euros : elle représenterait donc un surcoût ou impliquerait une prime d’activité moins incitative. Comme je l’ai indiqué au Gouvernement, une telle extension de la prime d’activité doit se limiter à l’insertion professionnelle, et en aucun cas impliquer un reparamétrage à la baisse de la prime d’activité.
Enfin, tout jeune salarié de dix-huit à vingt-cinq ans aura la possibilité de constituer un foyer autonome. Prenons l’exemple d’un ménage au sein duquel le père gagne 1 SMIC, l’épouse 0,5 SMIC et l’enfant de vingt-trois ans, 1 SMIC. Si le jeune est inclus dans le foyer, la prime d’activité sera nulle pour le foyer dans son ensemble ; s’il ne l’est pas, en vertu d’un droit d’option qui lui est réservé, le ménage touchera un peu plus de 300 euros, dont une part pour les parents et l’autre pour le jeune. Cette avancée importante est, là encore, une incitation à la reprise d’activité.
Je termine par le coût budgétaire, estimé à 4 milliards d’euros. Il se fonde sur une prime d’activité moyenne de 160 euros et sur l’hypothèse d’un taux de recours de 50 %. On pourrait supposer que ce taux a été fixé en fonction même de l’enveloppe prévue. Ne pas l’atteindre serait un signe d’échec pour la prime d’activité. La mise en place de la nouvelle prestation nécessitera donc une forte mobilisation des services, en particulier de la CNAF : il faut bien entendu songer non pas tant aux salariés qui touchent des revenus réguliers et stables qu’à ceux qui travaillent en intérim ou enchaînent les « petits boulots ». Pour certains bénéficiaires du RSA, la situation peut changer deux ou trois fois par mois, précise la CNAF. Bref, passer d’un taux de recours de 32 à 50 % est ambitieux, surtout en un an. Peut-on aller au-delà, sachant que le taux visé de 50 % correspondrait à la consommation de 66 % de la masse budgétaire totale théorique du dispositif ? Il n’y a aucune raison que le taux de recours de la prime d’activité soit supérieur à celui de la moyenne des prestations familiales, compris entre 65 et 70 % ; s’il devait augmenter, le surcoût pourrait avoisiner le milliard d’euros, auquel cas deux solutions s’offriraient à nous : soit abonder le dispositif par des crédits supplémentaires, soit amoindrir, par voie réglementaire – et comme l’on fait tous les gouvernements successifs en pareil cas –, le caractère incitatif de la prime.
Le sujet, on l’aura compris, est simple sur le plan politique et complexe sur le plan technique. En 2008, M. Martin Hirsch l’a rappelé, le débat avait achoppé sur les « perdants », qui, s’agissant de la prime d’activité, sont les bénéficiaires de la PPE situés dans les déciles supérieurs et certaines femmes vivant en concubinage dont j’ai mentionné la situation. À moins de mettre 3 ou 4 milliards d’euros supplémentaires sur la table – ce que l’état des finances publiques ne permet pas –, on ne peut ni l’éviter ni opter pour une prime individualisée, qui eût été plus lisible. La solution retenue n’est donc pas la panacée, mais elle constitue une clarification, surtout si l’on rappelle que la priorité est la reprise d’activité.
M. le président Gilles Carrez. Il est rare d’observer un tel contraste entre des objectifs simples et partagés – l’incitation à la reprise d’activité d’abord, le soutien au pouvoir d’achat des salariés modestes ensuite – et l’extrême complexité technique du dispositif. La nécessité d’une fusion du RSA « activité » avec la PPE est apparue très vite après la création du premier ; mais l’un étant un dispositif fiscal et l’autre une allocation – avec pour références respectives le foyer fiscal et le ménage –, cette solution s’est heurtée à des difficultés techniques. Le fait de se fonder, pour une allocation, sur la seule notion de ménage crée immanquablement des centaines de milliers de perdants. L’exercice devient alors très difficile.
Je suis cependant rassuré par vos propos sur le coût budgétaire, dont il faut veiller qu’il ne s’emballe pas dans les années qui suivent la création d’un tel dispositif. Un taux de recours avoisinant les deux tiers, niveau maximal constaté en matière de prestations sociales, permettrait-il de rester dans l’épure des 4 milliards, ou porterait-il la dépense à 5 milliards ?
M. le rapporteur. La mesure bénéficiera à 4 millions de ménages représentant 5,6 millions d’actifs, soit au total – en incluant les enfants – 11 millions de personnes. Ces calculs se fondent sur un taux de recours de 50 % et un taux de dépense budgétaire de 66 %, étant entendu que les ménages demandent d’autant plus la prestation que son montant potentiel est élevé.
Je reviendrai, dans mon rapport, sur d’autres aspects techniques. Le RSA « activité » n’est pas versé si son montant est inférieur à 6 euros ; la prime d’activité ne le sera pas non plus en dessous de 15 euros. On constate d’ailleurs que, pour des montants inférieurs à 50 euros, les bénéficiaires potentiels renoncent à la prestation, sans doute pour éviter des procédures ou des contrôles. Le taux de recours du RMI puis du RSA, je le répète, avoisinait les 65 %, soit le taux généralement observé pour de telles prestations. Le taux ici retenu, 50 %, est nettement supérieur à celui du RSA « activité » – 32 % – mais, s’il devait atteindre 65 %, la dépense augmenterait de 25 % environ, pour s’établir aux alentours de 5 milliards d’euros ; cela dit, nul ne peut l’anticiper à ce stade. Si le Gouvernement s’était fondé sur un taux de recours supérieur à 50 %, à enveloppe constante – 4 milliards –, il aurait fallu revoir à la baisse le montant de la prime d’activité, y compris pour les bénéficiaires actuels du RSA activité, dont le revenu ne serait donc plus garanti. En tout état de cause, il faudra une mobilisation forte de la CNAF pour atteindre un taux de recours de 50 % dès la fin de 2016, étant entendu que le dispositif pourra monter en charge s’il fonctionne. Reste qu’il nous appartient, en tant que responsables des finances publiques, d’évaluer le risque de surcoût à 1 milliard.
M. le président Gilles Carrez. Votre rapport, j’imagine, comportera des exemples précis.
M. le rapporteur. Bien sûr.
M. le président Gilles Carrez. Dès 2016, le système fera 800 000 perdants : ce chiffre renvoie-il aux foyers fiscaux ? Quelle est l’unité de mesure ?
M. le rapporteur. Ce sont les ménages. La PPE est versée aux foyers fiscaux et le RSA l’est aux ménages. Dans l’exemple que j’ai pris, à savoir le ménage formé de deux parents et d’un jeune de vingt-trois ans, la prime d’activité pourra être familialisée.
M. le président Gilles Carrez. Revenons sur les perdants dans le cas d’un concubinage. Si, par hypothèse, la compagne gagne trois fois plus que son compagnon qui perçoit un SMIC : ce dernier peut prétendre à la PPE puisque le couple recouvre deux foyers fiscaux ; s’agissant en revanche d’une prestation familiale, c’est l’ensemble des ressources du ménage qui sont prises en compte, de sorte que le même couple ne percevra plus rien.
M. le rapporteur. Il y aura néanmoins un décalage dans le temps. Un certain nombre de ces ménages verront, en 2015, leur impôt sur le revenu diminuer grâce à la réforme du barème, tout en continuant à percevoir la PPE au titre des revenus de 2014. C’est donc en septembre 2016 – échéance politiquement hasardeuse, soit dit en passant – que l’impact se fera sentir.
M. Charles de Courson. Christophe Sirugue, dans son rapport, s’était fondé sur quatre pistes. Chacun, toutes tendances confondues, s’était prononcé en faveur de la piste C, à savoir une prime individualisée et même reportée sur la feuille de paie par le biais d’une baisse de cotisations salariales. La PPE fut instaurée consécutivement à deux échecs, d’où la tentative de moduler les cotisations salariales. De fait, tout le monde partage l’objectif d’une incitation à l’activité, qui ne doit pas relever de la politique familiale : le mélange des genres crée des usines à gaz et des effets d’optimisation.
Pour ma part, après la décision du Conseil constitutionnel, j’avais plaidé pour la piste D, autrement dit pour une prime forfaitaire dégressive qui augmenterait le salaire net, les cotisations sociales demeurant inchangées. Cette prime aurait été payée par l’employeur, lequel se serait ensuite fait rembourser par la CAF. Une telle disposition permettait, me semble-t-il, de contourner l’obstacle constitutionnel.
Alors que tout le monde partage l’objectif, la réforme qui nous est aujourd’hui proposée est condamnée à un troisième échec. Afin d’éviter la censure constitutionnelle, le Gouvernement s’est gardé de toucher aux cotisations salariales, rejetant la piste D au profit d’une prime versée directement. Ce schéma, monsieur le rapporteur, est-il selon vous compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel ?
Je pense, hélas, que nous allons de nouveau échouer, tout d’abord en raison de la familialisation qui posera des problèmes inextricables. Comment sera définie la famille ? Comment prendre en considération les enfants qui restent très longtemps chez leurs parents
– dois-je évoquer le film Tanguy ? Or, ils sont de plus en plus nombreux. Qui bénéficiera de la prime ? Vous avez évoqué l’opposition du Conseil constitutionnel en lien avec sa composition d’alors. Ne sommes-nous pas tous d’accord sur l’objectif et le moyen d’y parvenir, que le Conseil constitutionnel nous a empêchés de mettre en œuvre ? Pourquoi ne pas aller au-delà ?
La prime d’activité ne sera pas un dispositif plus simple que les précédents puisqu’il impliquera de vérifier la situation de la famille et de prendre en compte tous les « petits boulots » que font souvent les jeunes. Suffira-t-il de faire la moyenne sur trois mois ? Le taux de recours risque d’être mauvais. Vous l’estimez à 50 %, correspondant à 66 % de la masse financière potentielle de la prime d’activité pour 100 % de taux de recours. Si tous les bénéficiaires potentiels demandaient la prestation, la mesure s’élèverait donc à 6 milliards. Pour une fois que les différents courants politiques étaient d’accord à la fois sur l’objectif et sur le moyen, je trouve triste de ne pas tenter d’y parvenir, en dépit des décisions du Conseil constitutionnel.
Mme Eva Sas. Pour avoir participé au groupe de travail sur la fiscalité des ménages, je partage avec de nombreux collègues le constat que la PPE et le RSA « activité » étaient des dispositifs inopérants et qu’il fallait les fusionner. Je rejoins également Charles de Courson pour penser qu’une prime individualisée aurait été préférable, car cette formule a le double avantage d’être simple et de prendre en considération chaque membre du couple.
Je tiens à noter qu’en 2014, le budget de la PPE s’était élevé à 2,2 milliards et celui du RSA « activité » à 1,9 milliard, ce qui fait 4,1 milliards, un montant légèrement supérieur au périmètre de 4 milliards prévu pour la prime d’activité. Un taux de recours de 50 % peut paraître relativement faible dans l’absolu : la trajectoire budgétaire doit intégrer un taux de recours final à 65 % ou 70 %, qui est celui des autres dispositifs sociaux. Il faut considérer de tels taux comme un objectif à atteindre et non comme une dérive budgétaire.
L’annexe du projet de loi indique que 240 000 ménages seront perdants sur les deux premiers déciles. Quel éclairage pouvez-vous nous apporter sur le sujet ? Quel est leur profil ? Les concubins, que vous avez évoqués, seront-ils seuls concernés ? Les ménages les plus modestes seront-ils affectés ?
M. Olivier Faure. Je tiens à faire part de mon scepticisme sur un dispositif qui nous avait été présenté comme plus simple tout en conservant son caractère incitatif pour le retour à l’emploi : or, il me semble manquer ces deux objectifs.
D’un taux de recours de la prime pour l’emploi de quasiment 100 % – il suffit de cocher la bonne case sur la déclaration des revenus –, nous allons passer à un taux de 50 % pour la prime d’activité. S’il est peut-être légitime en commission des Finances de s’interroger sur les risques de dérive pour les finances publiques, toutefois, en termes de prestations, il est paradoxal de se satisfaire d’un taux de 50 % si on pense que cette prime servira au retour à l’activité. Il faut viser les 100 %.
Par ailleurs, la familialisation non seulement entre conjoints mais également entre ascendants et descendants affaiblit le caractère incitatif qui tient au fait, pour chacun, de percevoir une prime sur sa propre feuille de paye ou sa propre déclaration des revenus. N’est-ce pas paradoxal ?
Nous disposions jusqu’à présent d’un dispositif reconnu pour sa simplicité, la PPE, et d’un dispositif déjà contesté pour sa complexité, le RSA. Or, le texte aligne le nouveau dispositif non pas sur la PPE mais sur le RSA, dans le cadre d’un régime déclaratif très compliqué – cela a été souligné. Pensez-vous qu’il est raisonnable de demander à d’éventuels allocataires, qui exercent plusieurs activités non pas par choix mais par obligation, qui sont en situation de précarité et qui dépensent déjà beaucoup de temps à aligner des bouts de contrats, de devoir, en sus, faire la preuve chaque trimestre de leur capacité à atteindre un niveau de ressources leur permettant de percevoir la prime d’activité ? C’est kafkaïen !
Ce matin, dans Libération, M. Thomas Piketty suggère une autre piste, qui paraît infiniment plus simple : instituer un taux réduit de CSG pour les bénéficiaires potentiels de la prime d’activité. Qu’en pensez-vous, monsieur le rapporteur ? Cette mesure ne permettrait-elle pas d’écarter les difficultés du dispositif actuellement prévu ?
Enfin, parce qu’on considère le dispositif comme juste, on prévoit de l’élargir aux étudiants et aux apprentis : or, si on le fait à enveloppe constante, on sait d’ores et déjà qu’il faudra en priver certains bénéficiaires actuels, ce qui est, là encore, paradoxal. Ce jeu à somme nulle est incompréhensible.
Je nous souhaite à tous bon courage pour expliquer dans les circonscriptions la signification et le mode d’application de la réforme. Le choix de l’UMP d’en faire un cheval de bataille n’est pas ce qui m’inquiète le moins. Comme je ne veux pas lui faire ce cadeau, je pense que le texte mérite encore réflexion.
Mme Marie-Christine Dalloz. N’avons-nous pas entendu parler de simplification, monsieur le rapporteur, pour justifier ce nouveau dispositif ? Or, le texte va dans le sens d’une complexification encore plus grande.
Par ailleurs, plus le taux de recours sera important, plus la mesure pèsera sur le budget : le périmètre des 4 milliards ne suffira pas, à moins de diminuer mécaniquement le dispositif par décret pour rester dans une enveloppe fermée.
Le tableau, présenté dans l’étude d’impact du projet de loi, des ménages concernés par la réforme ne va pas sans une certaine malhonnêteté intellectuelle puisque le total des gagnants et des perdants tient compte de la réforme de l’impôt sur le revenu, à savoir de la suppression de la tranche à 5,5 % qui s’appliquera en même temps que la réforme. Il aurait été toutefois préférable, pour plus de visibilité, de calculer ce total à fiscalité constante connue, c’est-à-dire en prenant en compte le barème fiscal de 2014. Ce choix n’est pas anodin. Le chiffre de 4 milliards est-il toujours crédible compte tenu de la suppression de la tranche à 5,5 % ? Pouvez-vous nous apporter une explication précise sur le sujet ?
Chacun connaît enfin le manque de réactivité de la CNAF pour ajuster, aujourd’hui, le RSA à l’évolution de l’activité de ses allocataires, lesquels rencontrent des difficultés pour faire valoir leurs droits rapidement. La prime d’activité sera trimestrialisée : pouvez-vous nous assurer que, demain, la CNAF procédera rapidement aux ajustements nécessaires ?
Mme Véronique Louwagie. Chacun a compris l’objectif vertueux de la prime d’activité : favoriser le retour à l’emploi.
Alors que nous souhaitons tous l’instauration d’un dispositif plus simple, la familialisation rendra difficile sa lisibilité par nos concitoyens. De plus, comment, chaque trimestre, les ressources de l’ensemble des membres composant le ménage seront-elles déclarées ? Le mécanisme nous inquiète. Du reste, le dispositif sera-t-il prêt au 1er janvier 2016 ?
Le texte prévoit que les caisses d’allocations familiales – CAF – verseront automatiquement la prime d’activité aux personnes concernées à compter de 2017, grâce à la déclaration sociale nominative qui facilitera la prise en compte des revenus. Or, la mesure ne vaut que pour les salariés. Quid des travailleurs indépendants et des autoentrepreneurs ? Comment leurs revenus seront-ils pris en compte ?
Confirmez-vous que les départements ne seront pas concernés par le financement de la prime d’activité et que seul l’État l’assurera sur son budget ?
M. Régis Juanico. Je tiens tout d’abord à souligner l’avancée que représente l’élargissement de la prime d’activité aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. Jusqu’à aujourd’hui, les moins de vingt-cinq ans sont presque tous exclus du RSA « socle » et du RSA « activité ». Depuis 2010, en effet, pour bénéficier du RSA « jeunes », il faut avoir travaillé deux années à temps plein dans les trois dernières années : or, cette condition est très difficile à remplir pour les jeunes, de telle sorte que seuls 8 000 en bénéficient. La prime d’activité sera donc un outil puissant de lutte contre la pauvreté et contre la précarité des jeunes Français, qui sont parmi les plus pauvres : 25 % des jeunes de dix-huit à vingt-cinq vivent sous le seuil de pauvreté – deux fois plus que le reste de la population. À vingt-trois ans, le taux d’emploi en contrat à durée indéterminée – CDI – ne dépasse pas aujourd’hui 33 %.
L’élargissement, dans le cadre d’un amendement du Gouvernement, du dispositif aux étudiants qui travaillent et aux apprentis à partir de 0,8 SMIC servira aussi à lutter contre la pauvreté et à améliorer la situation des apprentis, qui ne perçoivent que de faibles rémunérations – elles oscillent de 25 % à 78 % du SMIC. Quant aux étudiants, 75 % travaillent de façon occasionnelle pour financer leurs études et 50 % de façon régulière. Or, à compter de treize à quatorze heures hebdomadaires, le travail est un facteur d’échec reconnu. Aujourd’hui, parmi les étudiants qui travaillent pour financer leurs études et les apprentis, 100 000 sont éligibles à la PPE, qui est déclenchée aux alentours de 25 % du SMIC. Que deviendront ces 100 000 bénéficiaires si la prime d’activité ne concerne que ceux qui gagnent plus de 0,8 SMIC ? Toutes les situations seront-elles prises en compte ? Ne serait-il pas possible d’introduire comme critère le fait pour un jeune d’être autonome au plan fiscal ? Le rattachement au foyer fiscal des parents coûte 2,2 milliards d’euros.
M. Éric Alauzet. Monsieur le rapporteur, votre exposé, très précis, voire touffu, révèle la complexité du dispositif. La nécessité d’une expertise pointue ne conduit-elle pas à craindre d’éventuelles surprises ?
Sur les 800 000 perdants, certains, dont vous n’avez pas donné le nombre – peut-être le chiffre est-il difficile à mesurer –, ne seraient pas pénalisés en raison de la suppression de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Pouvez-vous tout de même nous donner une estimation du nombre des perdants réels ? Je crains une exploitation politique excessive de leur situation. La familialisation ne vise-t-elle pas à modifier le moins possible le dispositif actuel afin de réduire le nombre des perdants et, de ce fait, limiter les répercussions politiciennes ?
M. Charles de Courson. M. le rapporteur pourrait-il nous indiquer les modalités pratiques prévues dans le texte pour les non-salariés – je fais allusion au décalage d’un an ?
M. le rapporteur. D’aucuns s’inquiètent de la complexité du dispositif, qui serait due notamment à la part de familialisation entrant dans son calcul. La familialisation de la prime d’activité n’a pas pour premier objectif d’éviter le versement d’une prestation à l’activité à des personnes vivant en ménage avec des revenus élevés. Elle demeure une nécessité compte tenu de la situation des finances publiques. La formule de calcul de la prime d’activité n’est pas très éloignée de celle du calcul du RSA « activité » ; elle repose sur une constante familiale assortie d’une bonification individuelle. Christophe Sirugue et moi-même sommes convenus que les familles monoparentales auraient été les grandes perdantes de l’absence de familialisation. L’exonération d’impôt sur le revenu, dont bénéficient actuellement les allocataires du RSA « activité », n’aurait pu être maintenue.
Monsieur Faure, nous ne pouvons qu’être d’accord avec la tribune de M. Piketty parue dans Libération, du moins en théorie : le plus simple serait en effet d’instaurer une prime d’activité totalement individualisée. De même, des allégements ciblés de cotisations salariales sont le meilleur moyen d’éviter de redonner sous forme de prime d’activité ce qu’on a soutiré par ailleurs. Toutefois, nul n’ignore les contraintes liées aux décisions successives du Conseil constitutionnel en matière d’égalité devant l’impôt : nous le savons depuis 2002, toute mesure de progressivité ou de dégressivité de la CSG doit conduire à prendre en compte les ressources de l’ensemble de la famille – le Conseil constitutionnel a accepté, à la création de cet impôt cédulaire, que tel ne soit pas le cas, pour des raisons de destination. Le courage du Gouvernement est d’accepter de faire des perdants pour tenir des objectifs de réforme.
Je le reconnais, si l’on se réfère à la formule de calcul, on est bien en peine de déterminer si l’on peut ou non bénéficier de la prime d’activité. Il faut toutefois savoir que la déclaration de ressources sera simplifiée par rapport au dispositif actuel du RSA « activité ». De plus, les droits seront figés pour trois mois, ce qui évitera les indus et les rappels liés aux variations d’activité. Le calcul sera mensualisé sur les trois mois précédents et c’est la moyenne des droits de cette période qui sera versée le trimestre suivant, ce qui permettra aux allocataires de disposer d’une prévisibilité trimestrielle de leurs ressources. Toutes les organisations syndicales, y compris la CGT, des associations comme le COORACE ou le Secours catholique et l’ensemble des acteurs du plan national de lutte contre la pauvreté sont favorables à cette réforme car elle représente un progrès en termes de simplification, de lisibilité et de sécurisation par rapport au RSA « activité ».
Certes, la PPE avait un caractère quasi automatique, même si certains oubliaient de cocher la case. Toutefois, cette mesure de pouvoir d’achat s’analysait comme une mesure de réduction d’impôt. Monsieur Alauzet, les 800 000 perdants sont calculés après la suppression de la première tranche du barème : avant la suppression, ils sont 1,2 million, un chiffre équivalent à celui du nombre de gagnants. Ainsi, 400 000 personnes qui bénéficient de la PPE et qui ne bénéficieront pas de la prime d’activité ne verront pas leur situation dégradée du fait de la réforme. De plus, l’étude d’impact évalue le nombre des gagnants et des perdants en fonction de l’estimation du taux de recours. Je rappelle que tous les bénéficiaires du RSA « activité » seront basculés dans le nouveau dispositif par les CAF, qui connaissent déjà 78 % des bénéficiaires de la prime d’activité touchant par ailleurs des prestations. Quant à la notion de ménage au sens des prestations familiales, elle est utilisée tous les jours pour leur calcul : elle est du reste plus juste que celle de foyer fiscal, dont chacun connaît les effets pervers.
Madame Sas, le montant de 4 milliards d’euros est une évaluation : il progressera. Compte tenu de la baisse de la PPE d’environ 300 millions par an, un effort équivalent est ainsi consenti. Il est impératif que le taux de recours de 50 % soit atteint rapidement, ce qui supposera la mise en œuvre de moyens importants. Je suis d’accord : il faut atteindre le taux de recours d’une prestation habituelle – 65 % : c’est la raison pour laquelle j’ai avancé le chiffre de 1 milliard de coût supplémentaire. J’ai indiqué au Gouvernement à titre personnel que cet éventuel surcoût budgétaire par rapport à la prévision ne saurait se traduire par une modification des paramètres de la prime d’activité, qui ne pourrait jouer que sur le caractère incitatif entre 0,8 et 1,2 SMIC. Pour des raisons historiques et d’arbitrages politiques récurrents, la constante familiale de la prime d’activité et ses composantes seront indexées sur l’inflation et non sur les salaires. L’ajustement de ces mécanismes provoque au fil du temps, par rapport à l’évolution des salaires, notamment du SMIC, un rabotage de leur caractère incitatif. En effet, en pourcentage du SMIC, la prime d’activité différemment nécessairement. Dans le rapport, je demanderai au Gouvernement de s’engager dans la technique des « coups de pouce » – à laquelle il recourt pour le RSA « activité » – pour éviter un transfert.
Madame Louwagie, le dispositif est pris en charge à 100 % par l’État, comme c’est le cas du RSA « activité ». S’il se traduit par une réelle amélioration de l’emploi, le dispositif devrait entraîner un transfert de charges des départements vers l’État plutôt que l’inverse, puisqu’il engendrerait une diminution du versement du RSA « socle », qui est une allocation différentielle, au profit de la prime d’activité.
La déclaration trimestrielle sera simplifiée et dématérialisée. Tous les bénéficiaires de la PPE seront informés de la création de la prime d’activité et seront incités à vérifier s’ils en bénéficieront. Quant à la déclaration sociale nominative – DSN –, elle ne permettra pas le versement automatique de la prime d’activité du fait que celle-ci est familialisée. Elle permettra en revanche aux CAF de disposer automatiquement des revenus salariaux du trimestre précédent. Elle ne supprimera ni la demande ni la déclaration. Elle servira de déclaration pré-remplie à l’instar des déclarations pré-remplies d’impôt sur le revenu. Il appartiendra aux éventuels allocataires de se prendre en charge et de calculer sur le simulateur mis en place par la CNAF s’ils peuvent bénéficier ou non du dispositif. Je tiens à souligner que la CNAF est très soucieuse d’être prête au 1er janvier prochain, car les caisses savent d’ores et déjà qu’elles seront confrontées à compter de cette date à un afflux important de demandes. Elles s’attachent donc à modifier l’ensemble de leurs systèmes informatiques afin d’y intégrer le nouveau dispositif.
Je rappelle que le revenu des apprentis est totalement exonéré d’impôt sur le revenu. On peut, certes, poursuivre un objectif d’autonomie pour des jeunes en insertion professionnelle qui perçoivent 0,8 SMIC et dont le travail ne correspond pas toujours à leurs études. Toutefois, la prime d’activité n’a pas pour objet de satisfaire la revendication d’un revenu autonome étudiant : elle est un outil de retour à l’emploi au bénéfice des plus précaires. Ne confondons pas les objectifs.
Les modèles de simulation sont les deux modèles de la direction du Trésor, dont Pâris, qui permet de disposer de cas-types. S’agissant des gagnants et des perdants du nouveau dispositif, nous verrons si les faits vérifient les prévisions, dont le rapport livre les grandes logiques. Outre la question des concubins, le fait que le nouveau dispositif fasse des perdants dans les premiers déciles peut également avoir pour origine la différence entre les rythmes annuel de la PPE et mensuel du RSA. La mensualisation du RSA répond mieux, à mon sens, à l’objectif de reprise d’activité. En revanche, compte tenu de l’annualisation de la PPE, il suffisait de travailler deux mois dans l’année pour en bénéficier. Les objectifs ne sont pas les mêmes. Il faut accepter la rupture provoquée par la prime d’activité.
Pour les non-salariés, le mode de calcul de la prime d’activité reposera, comme celui du RSA « activité », sur deux critères : la prise en compte des ressources annuelles N-1 et un plafond de chiffre d’affaires.
La Commission passe à l’examen des articles du titre IV.
TITRE IV
ENCOURAGER L’ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE
PAR LA CRÉATION D’UNE PRIME D’ACTIVITÉ
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 24 sans modification.
Après l’article 24
La Commission examine l’amendement CF1 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je n’étais pas favorable à la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu, qui se traduit par un effet de seuil considérable. L’amendement CF1 vise donc à revenir sur cette progressivité excessive de l’impôt sur le revenu.
La situation des concubins alourdit encore le nombre des perdants puisqu’ils rédigent deux déclarations. Par exemple, s’ils perçoivent un revenu oscillant entre 6 000 et 12 000 euros – l’un d’entre eux est donc concerné par la décote –, l’effet n’est-il pas contre-incitatif à l’activité ?
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Certes, l’amendement CF1, que Charles de Courson a déjà déposé lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2015, n’est pas sans rapport avec notre débat d’aujourd’hui, qui porte sur les bas revenus. La décision prise l’année dernière ne l’aurait pas été, sans doute, de la même manière, si le Conseil constitutionnel n’avait pas censuré la mesure salariale.
Sans dédaigner la pertinence de votre réflexion fiscale, je suis en revanche dans l’obligation de souligner que votre amendement ne permet pas d’atteindre l’objectif de reprise d’activité que vise la création de la prime d’activité : celui qui travaille doit gagner plus que celui qui ne travaille pas.
M. Charles de Courson. L’amendement CF1 est un amendement de réflexion : plusieurs pays ont déjà créé l’impôt négatif, tel que je le propose. Celui-ci, en calibrant autrement le coût de la prime d’activité, permettrait d’obtenir de meilleurs résultats. Mon objectif, je le répète, est de faire apparaître la prime d’activité sur la feuille de paye. De plus, la suppression de la première tranche a un effet désincitatif.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CF2 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. L’amendement CF2 pose le problème dans son ensemble. Arrêtons de bricoler ! Le rapport de Dominique Lefebvre sur le caractère incitatif ou désincitatif de l’ensemble du système socialo-fiscal a montré qu’entre un demi-SMIC et un SMIC pour un célibataire, le taux de prélèvement s’élève à 77 %, c’est-à-dire qu’il est supérieur à celui des revenus les plus aisés : on marche sur la tête !
Il s’agit d’engager une réflexion sur la faisabilité, au regard du droit européen et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, de la mise en place d’un abattement dégressif d’un montant pouvant atteindre 200 euros mensuels sur les cotisations sociales salariales pour les salariés gagnant jusqu’à 1,2 SMIC.
Je rappelle que le problème tient à la mise en œuvre d’une mesure à laquelle nous sommes tous favorables.
Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Votre amendement manque de cohérence : l’exposé sommaire évoque un abattement dégressif quand l’amendement demande simplement au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement sur le sujet.
M. Charles de Courson. L’amendement vise à demander au Gouvernement un rapport sur la faisabilité de la mesure, dont le coût serait équivalent à celui de la prime d’activité.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Pourquoi se référer au droit européen ? Le problème tient à la jurisprudence du Conseil constitutionnel français sur la question de la dégressivité de la CSG – j’ai déjà évoqué le sujet. Le Conseil constitutionnel a fixé le cadre permettant de faire de la CSG, qui est un impôt proportionnel et cédulaire, un impôt progressif. Le rapport gouvernemental de février 2012 remis au Parlement a montré combien il serait difficile de mettre en œuvre une telle réforme, qui risque de faire de nombreux perdants et de ne pas être comprise.
Le Conseil constitutionnel a refusé toute dégressivité des cotisations salariales, en s’appuyant sur le caractère contributif de la sécurité sociale, fondement du système de 1945, qui n’est plus pris en compte que pour les pensions.
Le Conseil constitutionnel a donc répondu par avance à l’amendement de Charles de Courson : pour le satisfaire, il conviendrait de prendre en considération la situation du contribuable, ce qui provoquerait de grands bouleversements dans la nature et le rendement de l’impôt : ce n’est pas la priorité actuelle. Nous avons préféré engager un travail de simplification portant sur le bas du barème et qui doit être poursuivi par un travail sur les prestations, notamment les allocations logement.
La Commission rejette l’amendement.
Article 25 : Suppression du RSA « activité »
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 25 sans modification.
Article 26 : Coordination et dispositions diverses
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 26 sans modification.
Article 27 : Entrée en vigueur et adaptation à Mayotte
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 27 sans modification.
Enfin, la Commission émet un avis favorable à l’adoption du titre IV sans modification.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR
Ministère de l’Économie et des finances
– Pour la direction générale du Trésor : M. Emmanuel Bretin, sous-directeur de la sous-direction des politiques sociales et de l’emploi, M. Pierre Lissot, chef du bureau des retraites et de la redistribution, et Mme Anne Fichen, adjointe au chef du bureau ;
– Pour la direction du budget : M. Gautier Bailly, directeur de la 6e sous-direction, et M. André Bernay, chef du bureau de la solidarité et de l’intégration ;
– Pour la direction de la législation fiscale : M. Antoine Magnant, sous-directeur de la sous-direction C, M. Vincent Uher, chef du bureau C1, M. Thibaut Fievet, adjoint au chef du bureau A, et M. Gilles Clabecq, du bureau A.
Personnalités qualifiées :
– M. Étienne Pinte, président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE)
– M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil de la famille
– M. Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris
Table ronde avec les organisations syndicales
Organisations salariales
– CGT : Mme Saliha Bourdieu, conseillère confédérale
– CFDT : M. Jean-François Cimetière, secrétaire confédéral, Mme Joëlle Delair, secrétaire confédérale, et Mme Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale (*)
– FO : Mme Sylvia Veitl, assistante confédérale Secteur Emploi
– CFTC : M. Joseph Thouvenel, vice-président
– CFE-CGC : M. Franck Mikula, secrétaire national Emploi & Formation
Organisations patronales
– MEDEF : M. Thibault Lanxade, vice-président en charge des TPE/PME, et M. Guillaume Ressot, directeur des affaires publiques
– CGPME : Mme Geneviève Roy, vice-présidente chargée des affaires sociales, et M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales (*)
Auditions communes avec M. Christophe Sirugue, rapporteur au nom de la commission des Affaires sociales
Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) : M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration, M. Daniel Lenoir, directeur général, M. Frédéric Marinacce, directeur des prestations familiales et sociales, et Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires (*)
Ministère des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes – Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) : Mme Katia Julienne, cheffe de service des politiques sociales et médico-sociales, adjointe à la directrice générale, Mme Aude Muscatelli, sous-directrice de l’inclusion sociale, de l’insertion et de la lutte contre la pauvreté, et M. Vincent Billerey, chargé de mission auprès de la sous-directrice
(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.