N° 3429
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 janvier 2016.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives,
(Première lecture)
PAR M. Pouria AMIRSHAHI,
Député.
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Voir les numéros :
Sénat : 205 (2005-2006), 6 et T.A. 5 (2007-2008).
Assemblée nationale : 732, 3419.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LE POINT DE DÉPART DU PROJET DE LOI : LA NÉCESSITÉ DE MIEUX ENCADRER LE COMMERCE DES ARMES 7
A. L'ABSENCE DE CONTRÔLE VÉRITABLE DU COMMERCE DES ARMES, CAUSE DIRECTE DE NOMBREUX MORTS ET VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS FONDAMENTAUX 7
B. LES DIFFÉRENTS ÉCHELONS DU DISPOSITIF DE CONTRÔLE DU COMMERCE DES ARMES 8
1. Le dispositif national : un principe général de prohibition… auquel dérogent les exportations autorisées 8
2. Les prescriptions européennes 8
3. Le traité sur le commerce des armes 9
4. Le rôle des embargos internationaux 10
II. L’OBJET DU PROJET DE LOI : MIEUX ASSURER L’APPLICATION DE TOUS LES EMBARGOS ET SANCTIONS ÉCONOMIQUES 13
A. LES SANCTIONS ÉCONOMIQUES, UN INSTRUMENT DIPLOMATIQUE DE PLUS EN PLUS UTILISÉ 13
a. Le droit : les compétences conférées au Conseil de sécurité et à l’Union européenne 16
b. La pratique : la recherche de coalitions et d’une coordination d’un « bloc occidental » 17
3. Un outil efficace ? 18
a. Une efficacité intrinsèquement difficile à mesurer 19
b. Les critiques contre les politiques de sanctions 19
c. Les éléments statistiques disponibles 20
d. Des exemples récents : Iran et Russie 20
e. Quelles conditions d’efficacité pour les sanctions économiques ? 22
B. MAIS UN CADRE JURIDIQUE NATIONAL INSUFFISANT POUR RÉPRIMER LES VIOLATIONS DES SANCTIONS ÉCONOMIQUES 24
1. Les difficultés du contrôle de la mise en œuvre des sanctions 24
2. Un dispositif juridique incomplet 24
a. Les dispositions en vigueur pour réprimer la violation des exportations illégales d’armements, sanctions économiques et embargos 24
b. Des dispositions qui ne couvrent pas tous les cas de figure 25
III. UN PROJET DE LOI QUI CONSTITUE UNE AVANCÉE MAIS DEVRA ÊTRE COMPLÉTÉ 27
A. LE CONTENU DU PROJET : LA CRÉATION D’UN DÉLIT DE VIOLATION DES EMBARGOS ET MESURES RESTRICTIVES 27
B. DES PÉNALITÉS INCOMPLÈTES 27
C. DES MOYENS ADMINISTRATIFS QUI RESTENT ASSEZ FAIBLES ET DISPERSÉS 28
D. ET UN DÉFAUT DE DÉBAT PUBLIC ET DE TRANSPARENCE 28
E. LA NÉCESSITÉ DE MIEUX ENCADRER LE COURTAGE D’ARMEMENTS 28
TRAVAUX DE LA COMMISSION 31
Article 1er(titre III du livre IV du code pénal) : Nouveau délit de violation des embargos et autres mesures restrictives 33
Article 2 (art. 414-2 du code pénal) : Exemption de peine des « repentis » mis en cause pour le nouveau délit 38
Article 2 bis (nouveau) (article 706-73 du code de procédure pénale) : Coordination concernant la commission du nouveau délit en bande organisée 39
Article 3 (section 3 du chapitre VI du titre XII du code des douanes) : Coordination 40
Article 3 bis (nouveau) : Création d’une commission nationale consultative de suivi des embargos 40
Article 4 : Application outre-mer 44
TABLEAU COMPARATIF 45
ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 51
ANNEXE N° 2 : LISTE DES EMBARGOS SUR LES ARMES EN VIGUEUR APPLIQUÉS PAR LA FRANCE 52
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi a eu une histoire longue et quelque peu chaotique :
– alors qu’il se veut une réponse à une résolution de 1998 du Conseil de sécurité des Nations unies, laquelle prescrivait l’adoption, par les États membres de l’organisation, de mesures de répression pénale des violations des embargos sur les armes décidés par le Conseil de sécurité, il n’a été déposé par le Gouvernement d’alors qu’en 2006 ;
– bien qu’il ait été adopté en première lecture par le Sénat le 10 octobre 2007, il n’est finalement inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale qu’en 2016 ;
– il a dans un premiers temps été porté par le ministère de la défense, avant d’être défendu par celui des affaires étrangères ;
– son objet va bien au-delà de la seule question du commerce des armes, qui a motivé son dépôt initial, puisqu’il s’agit plus généralement de la mise en œuvre de tous les régimes de sanctions économiques internationales.
L’étalement dans le temps de la procédure législative pourrait laisser penser qu’il s’agit d’un texte sans véritable enjeu. Mais il n’en est rien, c’est au contraire un texte très important, car son objet est de donner, en droit national, une pleine portée – en réprimant pénalement leur violation – aux embargos sur les armes et plus généralement aux sanctions économiques internationales.
Or, ces instruments sont de plus en plus utilisés par la diplomatie : plus de 200 régimes de sanctions de cette nature ont été identifiés au XXème siècle dans le monde, leur nombre ne cessant de croître au fil des ans. Actuellement, notre pays applique des embargos sur les armes concernant plus d’une vingtaine de pays (ce ne sont pas forcément les États eux-mêmes qui sont visés, mais parfois des organisations non-étatiques qui y sévissent).
L’efficacité des embargos et sanctions économiques est pourtant régulièrement mise en cause et reste certainement insuffisamment évaluée. Dans la période récente, il est généralement admis que ce sont les sanctions économiques contre l’Iran qui l’ont amené à un compromis sur son programme nucléaire. Cependant, l’on cite également les effets désastreux de l’embargo commercial général infligé à l’Irak de Saddam Hussein dans les années 1990, après la première « guerre du Golfe ». Cet embargo n’a pas entraîné la chute du régime, mais a coûté la vie à plusieurs centaines de milliers d’Irakiens, dont de nombreux enfants.
Instrument de pression diplomatique, ces mesures restrictives, sans contrôle et analyse au préalable, peuvent devenir un frein au développement d’un pays et ne viser finalement que la population sans parvenir à influencer les dirigeants et leur politique.
Alors que la priorité est aujourd’hui à la lutte contre le djihadisme international et en particulier à la coupure de tous les circuits de financement de Daesh, objectif qui est notamment poursuivi par la résolution 2253 du Conseil de sécurité des Nations unies en date du 17 décembre 2015, il est évidemment opportun d’examiner le présent projet de loi et de l’adopter. La lutte contre Daesh ne peut se résumer à des interventions militaires. L’asséchement des revenus de cette organisation terroriste est sans doute le meilleur moyen pour l’affaiblir. La France joue un rôle international majeur et est notamment un membre permanent du Conseil de sécurité. La moindre des choses pour elle est de disposer dans son droit interne des outils juridiques permettant de garantir, pour ce qui concerne les personnes et entreprises placées sous sa juridiction, que les dispositions adoptées dans un cadre international pour sanctionner le terrorisme, les politiques d’agression et les crimes de masse sont effectivement mises en œuvre.
Mais cette position de principe ne doit pas occulter une autre nécessité : vu la fréquence d’utilisation des mesures d’embargo et de sanctions économiques, ainsi que leurs effets néfastes potentiels dans le domaine économique, mais aussi humanitaire, ces mesures devront à l’avenir être mieux évaluées, suivies, débattues en prenant en compte les préoccupations de tous (administrations diverses, mais aussi société civile et milieux économiques). Ce projet de loi donne l’opportunité aux parlementaires de se saisir d’un sujet qui concerne tous les Français : le contrôle et la réflexion autour de leur politique étrangère. Nous avons aujourd’hui davantage besoin de transparence dans tous les pans de la politique, même celui de la diplomatie. Les Français, surtout après les terribles attentats de l’année 2015, veulent s’emparer de ce sujet. Votre rapporteur espère que le présent débat législatif sera aussi l’occasion d’avancer dans ce sens et, à son initiative, la commission des affaires étrangères a adopté un amendement créant une instance de coordination et d’évaluation transparente sur les embargos et sanctions économiques.
Lorsqu’il a été déposé en 2006 au Sénat, le présent projet de loi constituait, selon son exposé des motifs, une réponse aux exigences posées par la résolution 1196 adoptée par le Conseil de sécurité le 16 septembre 1998.
Celle-ci, qui s’inscrit dans le contexte des effroyables massacres connus dans les années 1990 par une partie de l’Afrique – avec le génocide au Rwanda et ses suites dans la région des Grands lacs –, « réitère que tous les États membres sont tenus d’appliquer ses décisions [du Conseil de sécurité] relatives à des embargos sur les armes » et « encourage chaque État membre, en tant que de besoin, à envisager d’adopter (…) des mesures (…) érigeant en infraction pénale la violation des embargos sur les armes imposés par le Conseil ».
Le point de départ du projet de loi est donc bien la volonté spécifique de sanctionner pénalement les violations des embargos internationaux sur les armes, comme le Conseil de sécurité y avait appelé. Il était d’ailleurs, en 2006-2007, porté par les ministres de la défense d’alors, Mme Michèle Alliot-Marie, puis M. Hervé Morin.
Même si le champ du projet est en fait plus large, comme on y reviendra, la question spécifique de la mise en œuvre des embargos sur les armes mérite une insistance particulière, car le commerce incontrôlé de celles-ci a une responsabilité considérable dans de nombreuses crises humanitaires et violations très graves des droits humains fondamentaux.
A. L'ABSENCE DE CONTRÔLE VÉRITABLE DU COMMERCE DES ARMES, CAUSE DIRECTE DE NOMBREUX MORTS ET VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS FONDAMENTAUX
Le développement du trafic des armes, notamment celui des armes légères, a des conséquences absolument dramatiques, comme les ONG l’indiquent régulièrement (1) ou comme le rappelait notre collègue Jean-Philippe Mallé dans son excellent rapport sur le projet de loi de ratification du traité sur le commerce des armes (2) :
– 500 000 morts par arme à feu chaque année dans le monde et quinze fois plus de blessés ;
– des millions de morts du fait des conséquences indirectes des conflits armés (effondrement des systèmes de santé, malnutrition…) ;
– des victimes des conflits armés qui sont à 80 % des civils ;
– 875 millions d’armes à feu en libre-circulation dans le monde, dont 640 millions d’armes légères et de petit calibre, et une production de cartouches militaires de 14 milliards d’unités par an.
Or, comme le relevait Jean-Philippe Mallé, on estime que 40 % à 60 % du commerce des armes légères dans le monde est illicite à un moment ou à un autre.
Dans ce contexte, le contrôle du commerce international des armes est un enjeu essentiel. La France et l’Europe se sont dotées de dispositifs rigoureux. Par ailleurs, au plan multilatéral, le récent traité sur le commerce des armes représente un réel espoir. Cependant, les embargos sur les armes, instruments plus traditionnels, restent nécessaires.
1. Le dispositif national : un principe général de prohibition… auquel dérogent les exportations autorisées
Le principe de base du dispositif national de contrôle des exportations de matériels de guerre est la prohibition, l’autorisation d’exportation étant une exception. En outre, la production, le commerce et le stockage de ces matériels ne peuvent se faire qu’après autorisation de l’État et sous son contrôle.
Ce dispositif porte sur un champ élargi : sont considérés comme des matériels de guerre tous les systèmes, équipements ou composants spécifiquement conçus ou modifiés pour un usage militaire, mais aussi les matériels spécialement conçus ou modifiés pour la fabrication et la maintenance des premiers, ainsi que certains biens particulièrement sensibles même s’ils ne sont pas forcément destinés à un usage militaire (cryptologie, précurseurs chimiques des principaux toxiques de guerre, technologie des missiles…). Les exportations de biens dits « à double usage » sont également réglementées.
Ce régime de contrôle des exportations de matériels de guerre se base sur des décisions prises par le Premier ministre, sur avis de la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Pour les biens à double usage, il existe une Commission interministérielle des biens à double usage (CIBDU) et les décisions sont prises par le ministre de l’économie.
Au niveau européen, un « code de conduite en matière d’exportations d’armements » avait été adopté en 1998, afin de développer la transparence et la responsabilité des États membres en la matière et d’harmoniser leurs pratiques. Ce texte a été remplacé en 2008 par la position commune du Conseil de l’Union européenne n° 2008-944 « définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipement militaire ». Cet instrument juridique contraignant exige des États membres de l’Union qu’ils examinent une demande d’exportation, de transit, de transbordement ou de courtage de matériels militaires au regard de huit critères portant pour la plupart sur le comportement du pays de destination. Ils comprennent le respect des engagements internationaux, notamment les embargos en vigueur, mais aussi l’obligation d’évaluer préalablement l’existence d’un « risque manifeste » que les matériels en cause ne servent, par exemple, à la répression interne dans le pays acheteur, à des guerres ou des politiques d’agression, ou encore à des violations graves du droit humanitaire international.
Le commerce des biens à double usage est également encadré au niveau européen (par le règlement CE n° 428 du 5 mai 2009).
Enfin, les États membres ont adopté en 2003 une position commune (3) encadrant le courtage en armements, laquelle prévoit notamment l’établissement de régimes nationaux de licence pour chaque opération, de régimes d’enregistrement ou d’autorisation d’exercer des courtiers, ainsi que de règles de conservation et d’échange des données relatives à ceux-ci.
Le traité sur le commerce des armes (TCA) a été adopté dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations unies le 2 avril 2013 et est entré en vigueur le 24 décembre 2014. Il a été signé par 130 États et ratifié par plus de 70, dont la quasi-totalité des membres de l’Union européenne (4). C’est donc un instrument qui a été bien reçu dans la communauté internationale, même s’il est encore loin d’avoir une portée universelle, en l’absence de signature par quelques États majeurs (Chine, Inde, Russie…) ou de ratification par certains signataires (dont les États-Unis), et même s’il exclut de son champ d’application certains matériels de guerre (munitions notamment). Notons enfin que le TCA sera difficilement modifiable à l’avenir car toute révision nécessitera l’unanimité des signataires, ce qui reste très problématique.
Le TCA prévoit néanmoins des dispositions qui se rapprochent de celles de la position commune européenne susmentionnée en obligeant les États signataires à :
– mettre en place des régimes de contrôle ;
– interdire les exportations d’armements contraires à des engagements internationaux, notamment des embargos, ou qui pourraient servir à des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre, etc. ;
– évaluer préalablement à toute autorisation d’exportation le risque que les armes concernées ne risquent de servir à des violations graves du droit international humanitaire ou des droits de l’homme, ou encore à la commission d’actes terroristes.
Il comporte aussi des obligations de transparence et de coopération : conservation des données relatives au commerce des armes par les États, établissement de rapports, échanges d’informations et assistance mutuelle entre États dans le cadre d’enquêtes et de procédures judiciaires…
Un point faible souvent reproché au TCA est qu’il ne comprend pas de sanctions et renvoie aux États sa mise en œuvre : selon son article 14, « chaque État partie adopte les mesures nécessaires pour faire appliquer les lois et règlements nationaux mettant en œuvre les dispositions du présent traité ».
Le présent projet de loi, en instituant une répression pénale spécifique de la violation des embargos, peut à ce titre être considéré comme une mesure d’application du TCA.
Il faut enfin observer que les articles 9 à 11 du traité prévoient, au-delà des règles concernant directement l’import/export des armes, des obligations, exprimées en termes plus vagues, concernant le transit ou le transbordement des armes sur les territoires nationaux, le courtage des armes et la prévention du détournement des flux d’armes : de manière assez générale, les États sont appelés à prendre des mesures de réglementation. S’agissant du transit/transbordement, ces mesures ne sont prescrites que « lorsque cela est nécessaire et possible » et sont donc facultatives, mais, pour le courtage, l’adoption de réglementations nationales spécifiques est obligatoire, lesquelles pourront « notamment consister à exiger des courtiers leur enregistrement ou l’obtention d’une autorisation écrite » d’activité.
Comme on le voit avec le TCA, il y a des progrès vers la mise en place d’un régime général à vocation universelle de contrôle du commerce international des armes, mais on est encore loin de disposer d’un tel régime.
C’est pourquoi l’établissement d’embargos visant nommément des États ou des organisations dont l’action est inacceptable reste un instrument utile, et d’ailleurs fréquemment utilisé.
Les engagements internationaux précités (TCA et textes européens) mentionnent d’ailleurs l’obligation de les respecter, notamment lors de la délivrance de licences d’exportation, et le Conseil de sécurité, dans sa résolution 2220 du 22 mai 2015 relative aux armes légères, a clairement établi le lien entre respect des embargos et maîtrise de la prolifération de ces armes : « les embargos sur les armes (…) contribuent grandement à la lutte contre le transfert illicite, l’accumulation déstabilisante et le détournement d’armes légères et de petit calibre (…) ».
En ce début d’année 2016, la France est tenue par des embargos internationaux sur les armes (ou seulement sur certaines catégories d’armes) à l’encontre de plus de vingt États ou groupes d’acteurs non étatiques (liste reproduite en annexe du présent rapport) :
– les États visés sont la Biélorussie, la Birmanie, la Chine, la Corée du Nord, la Côte d’ivoire, l’Érythrée, l’Iran, la Libye, la République centrafricaine, la Russie, la Somalie, le Soudan, le Soudan du Sud, la Syrie et le Zimbabwe ;
– s’agissant des acteurs non étatiques, il s’agit des milices ou de certaines milices présentes en Irak, au Liban, au Libéria, en République démocratique du Congo et au Yémen, des Talibans, d’Al-Qaida et de Daesh.
II. L’OBJET DU PROJET DE LOI : MIEUX ASSURER L’APPLICATION DE TOUS LES EMBARGOS ET SANCTIONS ÉCONOMIQUES
En pratique, le présent projet de loi va bien au-delà du seul commerce des armes : il vise à mieux assurer l’application en France de toutes les mesures internationales d’embargo et de sanctions économiques, qui constituent un outil de plus en plus commun de la diplomatie, mais ne sont pas bien prises en compte dans notre droit interne, ce qui réduit les possibilités d’en réprimer le non-respect par des opérateurs soumis au droit français.
Les sanctions économiques internationales (visant des pays ou des entités non étatiques, comme des milices ou des groupes terroristes, voire des personnes physiques ou des entreprises) constituent un instrument trop souvent méconnu de la diplomatie. Elles sont souvent méprisées, étant considérées comme inefficaces par principe. Beaucoup y voient un alibi facilement utilisé, parfois par lâcheté, par les pays occidentaux, notamment quand ils se refusent à une intervention militaire. Leurs effets contre-productifs et parfois dramatiques, notamment sur les populations des pays ciblés, sont également mis en avant.
Efficaces et légitimes ou non, les sanctions économiques sont en tout état de cause très fréquemment utilisées : plus de 200 régimes de sanctions ont été identifiés de 1914 à la fin du XXème siècle. C’est de plus un instrument auquel le recours est de plus en plus courant : comme on le voit sur le graphique ci-après, extrait d’une analyse publiée récemment par la direction générale du Trésor (5), près de la moitié de ces régimes ont été établis durant les deux dernières décennies du siècle et même près d’un tiers durant la dernière.
Source : Lettre Trésor-Éco, n° 150, juillet 2015, « Sanctions économiques : quelles leçons à la lumière des expériences passées et récentes ? » – données tirées de l’étude de Gary C. Hufbauer, Jeffrey J. Schott, Kimberly A. Elliott, (2007), « Economic sanctions reconsidered ».
La banalisation des sanctions économiques apparaît bien lorsque l’on analyse quelques conflits diplomatiques des dernières semaines :
– la rupture des relations diplomatiques entre l’Arabie Saoudite et l’Iran au début de ce mois de janvier s’est accompagnée d’une rupture des échanges commerciaux ;
– la destruction d’un avion russe par l’aviation turque le 24 novembre 2015 a été suivie d’un large panel de mesures de rétorsion russes de nature essentiellement économique (embargo sur certains produits alimentaires turcs, restriction des activités des entreprises turques en Russie, interdiction d’emploi des ressortissants turcs en Russie dans divers secteurs d’activité, « recommandation » aux voyagistes russes de ne plus commercialiser des séjours en Turquie…), à défaut d’une confrontation militaire heureusement exclue par les deux parties ;
– le conflit russo-ukrainien, qui a toujours eu une forte dimension économique avec les « guerres du gaz », se déplace lui-même de plus en plus sur ce champ, avec l’annonce toute récente par les deux parties de mesures de « guerre économique » (suspension des avantages commerciaux dont l’Ukraine bénéficiait au titre de la Communauté des États indépendants à compter du 1er janvier 2016, embargos réciproques sur divers produits, embargo économique ukrainien contre la Crimée et rupture des approvisionnements énergétiques de celle-ci, nouvelle suspension des livraisons de gaz russe à l’Ukraine…).
Ces exemples récents, qui montrent l’attrait des armes économiques pour un nombre croissant de pays, ne doivent pas occulter qu’historiquement les principaux promoteurs de ce type de mesures ont été les pays occidentaux, au premier chef les États-Unis (à la grande époque contre l’URSS et ses alliés, comme Cuba, puis contre les « États voyous ») et, de plus en plus, l’Union européenne. Il est en effet logique que des pays ou des blocs ayant une position dominante dans l’économie mondiale, les circuits financiers et les technologies aient voulu valoriser ces atouts à des fins politiques.
Les régimes de sanctions économiques peuvent poursuivre des objectifs très divers, comme on le voit bien sur le tableau ci-après, allant du règlement de litiges commerciaux à celui de conflits territoriaux ou au renversement de régimes en place, en passant par les enjeux de démocratie et de respect des droits de l’homme, sans oublier ceux liés aux armes de destruction massive.
Objectifs politiques des régimes de sanctions économiques recensés au XXème siècle
Source : Lettre Trésor-Éco, n° 150, juillet 2015, « Sanctions économiques : quelles leçons à la lumière des expériences passées et récentes ? » – données tirées de l’étude de Gary C. Hufbauer, Jeffrey J. Schott, Kimberly A. Elliott, (2007), « Economic sanctions reconsidered ».
La typologie des mesures est également variable. Selon la note précitée de la direction générale du Trésor, on peut distinguer trois grands types de mesures :
● les mesures individuelles concernant des personnes (interdiction de voyager, gel des avoirs…) ou des entités ;
● les restrictions commerciales, ou embargos, qui peuvent concerner aussi bien des exportations du pays ciblé (afin de limiter ses recettes en devises) que les exportations du (ou des) pays à l’origine des sanctions vers ce pays (pour empêcher l’acquisition d’armements, de technologies spécifiques ou renchérir le coût d’approvisionnement pour certains biens) ;
● les restrictions financières, lesquelles sont elles-mêmes de plusieurs natures :
– les restrictions aux financements internationaux du pays ciblé, destinées à renchérir ses coûts de financement, notamment pour contraindre ses capacités d’investissement ;
– les restrictions aux investissements directs ;
– les restrictions relatives aux transactions bancaires (par exemple sur l’accès au réseau interbancaire de paiements SWIFT ou la possibilité de nouer des relations de correspondance bancaire) ;
– le « gel » (interdiction de toute relation pour les opérateurs financiers des pays qui sanctionnent) d’une ou plusieurs banques…
Les régimes de sanctions les plus récents élaborés par les pays occidentaux, notamment contre l’Iran pour lui imposer le contrôle international de son programme nucléaire ou contre la Russie suite à la crise en Ukraine, combinent en général les différents types de mesures.
Les sanctions économiques peuvent être décidées par des États, des groupes d’États ou des organisations internationales.
S’agissant de celles appliquées par la France, le projet de loi prévoit effectivement quatre sources possibles :
– une décision nationale actée par une loi ;
– un texte européen ;
– une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies ;
– plus généralement, un accord international.
La mention explicite, d’une part du rôle du Conseil de sécurité des Nations unies, d’autre part des décisions prises dans le cadre des traités européens rend compte des compétences conférées à ces institutions par des textes internationaux signés par la France.
● L’article 41 de la Charte des Nations unies traite des mesures de coercition non militaires que le Conseil de sécurité peut décider : « celles-ci peuvent comprendre l’interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques ». Les sanctions économiques apparaissent là clairement.
Il est d’ailleurs à noter que les Nations unies se sont dotées de moyens institutionnels significatifs pour gérer les régimes de sanctions décidés dans leur cadre : chacun d’entre eux est suivi par un comité des sanctions ad hoc, qui s’appuie sur un panel d’experts. D’après les informations recueillies par votre rapporteur, ceux-ci dénoncent parfois aux États des présomptions de violation de sanctions par des opérateurs économiques soumis à leur juridiction nationale.
● Compte tenu de ses compétences très étendues en matière économique, et même exclusives en matière de commerce international, l’Union européenne s’est vu reconnaître de larges compétences quant aux sanctions économiques. Le commerce des armes, domaine intrinsèquement connexe de la politique étrangère des grands États, reste toutefois à part :
– l’article 28 du traité sur l’Union européenne dispose que « lorsqu’une situation internationale exige une action opérationnelle de l’Union, le Conseil adopte les décisions nécessaires », tout en réservant un droit des États membres à prendre des mesures d’urgence « en cas de nécessité impérieuse » ;
– l’article 215 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne traite explicitement des décisions prévoyant « l’interruption ou la réduction, en tout ou en partie, des relations économiques et financières avec un ou plusieurs pays tiers » prises dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) : leur mise en œuvre relève de décisions du Conseil, prises à la majorité qualifiée et avec une simple information du Parlement européen. Il est précisé que peuvent aussi être adoptées « des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d’entités non étatiques » ;
– par ailleurs, l’article 75 du même traité prévoit, « en ce qui concerne la prévention du terrorisme et des activités connexes », la possibilité de « mesures administratives concernant les mouvements de capitaux et les paiements, telles que le gel des fonds, des avoirs financiers ou des bénéfices économiques qui appartiennent à des personnes physiques ou morales, à des groupes ou à des entités non étatiques, sont en leur possession ou sont détenus par eux ». Comme on ne se trouve pas, dans ce cas particulier, dans le cadre de la PESC, ces mesures doivent être prises dans le cadre de la procédure législative normale de coproduction associant Conseil et Parlement ;
– enfin, l’article 346 du traité réserve la compétence des États membres en matière de commerce des armes : « tout État membre peut prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre ».
Comme l’efficacité d’un régime de sanctions repose sur son caractère le plus « universel » possible, afin d’éviter les contournements (voir infra), la tendance est aujourd’hui à l’adoption de sanctions plus ou moins coordonnées par les pays ou blocs partageant les mêmes intérêts (et déclarant partager les mêmes valeurs et/ou objectifs…). Lorsque cela est possible, le Conseil de sécurité des Nations unies est également sollicité, les sanctions qu’il décide ayant en principe une vocation universelle.
Par exemple, les sanctions qui ont été imposées à l’Iran pour le contraindre à négocier sur son programme nucléaire comprenaient :
– des résolutions prises, à partir de décembre 2006, par le Conseil de sécurité, dont les effets pratiques sont toutefois restés limités ;
– des mesures successives, adoptées à partir de juin 2007 et progressivement renforcées, de l’Union européenne ;
– un ensemble de décisions édictées par les États-Unis, dont les premières remontent à 1979 et dont le champ dépasse la seule lutte contre la prolifération nucléaire ;
– des mesures parallèlement adoptées par d’autres pays, tels que la Suisse, Israël, l’Inde, la Corée du Sud et le Japon.
On retrouve mutatis mutandis le même type d’organisation concernant les sanctions prises à l’encontre de la Russie en 2014 suite aux événements d’Ukraine, avec la différence notable qu’une implication du Conseil de sécurité n’était évidemment pas envisageable concernant un de ses membres permanents.
On voit donc que, même si le présent projet de loi préserve, conformément au principe de souveraineté, la possibilité de l’adoption de régimes de sanctions purement nationaux à travers une loi ad hoc, en pratique, les sanctions que la France est susceptible d’appliquer résultent exclusivement (sauf exceptions à trouver) de deux sources internationales, les Nations unies et l’Union européenne.
Le fait est ainsi que la bonne vingtaine d’embargos sur les armes que doit actuellement appliquer la France sont tous, soit d’origine européenne, soit d’origine onusienne mais repris dans un texte européen. Notre pays applique aussi des mesures de gels d’avoirs concernant certaines personnes ou entités d’également un peu plus de vingt pays (les deux listes se recouvrent largement), ainsi que des embargos sectoriels concernant des biens autres que des matériels militaires et sécuritaires contre une poignée de pays (Corée du Nord, Iran, Russie, Somalie et Syrie).
Les sanctions économiques prétendent agir par plusieurs canaux : elles ont une dimension d’avertissement (d’où le recours à des trains de sanctions successifs, progressivement renforcées, comme on l’a vu s’agissant en 2014 des sanctions contre la Russie) et une part symbolique (par exemple en visant des personnalités en vue ayant adopté des positions en pointe) ; elles visent à dissuader les pays ciblés de poursuivre les politiques qui les motivent, voire à les contraindre de faire machine arrière ; à défaut d’obtenir un changement de politique, elles visent à affaiblir économiquement ces pays, pour réduire leur capacité de « nuisance » du point de vue des pays qui décident ces sanctions.
Mesurer les résultats des politiques de sanctions est évidemment très difficile. En effet, cela suppose :
– d’une part, que des objectifs politiques précis aient été définis, ce qui n’est pas toujours le cas. Il peut aussi y avoir des objectifs officiels dont chacun sait qu’ils ne seront pas atteints, tels que le retour au statu quo ante après une agression internationale ou un programme d’armes de destruction massives, et des objectifs de facto, comme de dissuader l’amplification des pratiques « déviantes » du pays ciblé ou de parvenir à un bon compromis sur celles-ci ;
– d’autre part, de pouvoir distinguer l’effet propre des sanctions économiques de celui des autres facteurs qui déterminent la politique des pays.
Par ailleurs, les politiques de sanctions économiques s’exposent traditionnellement, mais non sans fondement, à des critiques pour plusieurs raisons :
– elles ont forcément aussi un coût économique pour le (ou les) pays à l’origine des sanctions et leurs entreprises, qui vont perdre des marchés dans le pays ciblé (soit directement si les sanctions comprennent l’interdiction de certaines exportations ou opérations financières avec ce pays, soit du fait de mesures de rétorsion). Si le pays ciblé par un embargo a la possibilité de substituer d’autres sources d’approvisionnement ou d’autres débouchés à ceux perdus du fait des sanctions, le coût économique de celles-ci peut être plus élevé pour leurs initiateurs que pour leur cible.
– les effets des sanctions peuvent dépasser ce qui est attendu s’il y a des formes de « sur-conformité » (6), ce que, notamment, l’on entend reprocher aujourd’hui aux banques françaises. C’est le cas de figure où des agents économiques, craignant d’être punis pour non-respect d’un régime de sanctions, vont au-delà de ce qu’il impose dans la rupture des relations économiques avec le pays ciblé, ce avec des effets néfastes notamment pour des entreprises du (ou des) pays à l’origine des sanctions ;
– dans le cas des embargos sur les armes, certains regrettent parfois que des embargos à portée très large, visant de manière générale des pays, interdisent des livraisons à des mouvements d’opposition qui paraissent pourtant servir les objectifs politiques des pays à l’origine de ces embargos (cf. les débats sur l’opportunité de livrer des armes à certains opposants syriens) ;
– dans les pays ciblés, c’est la population civile qui paye d’abord le prix des sanctions économiques, avec des approvisionnements rendus plus difficiles et plus chers pour certains biens, et plus généralement par l’appauvrissement général si les sanctions ont l’effet escompté ;
– en revanche, ces sanctions peuvent renforcer le pouvoir des dirigeants visés en accroissant leur popularité par nationalisme ou en justifiant des mesures autoritaires, ou du moins être inefficaces pour l’affaiblir.
L’embargo commercial quasi-total imposé à l’Irak après la première « guerre du Golfe » est malheureusement l’un des exemples les plus dramatiques de régime de sanctions qui a été incapable d’atteindre son objectif politique, à savoir renverser ou du moins infléchir et rendre plus coopératif le régime de Saddam Hussein, mais a provoqué d’effroyables souffrances dans la population : il serait à l’origine d’une surmortalité de 170 000 à plus de 500 000 personnes parmi les civils irakiens, principalement parmi les enfants (par la malnutrition, les maladies apportées par une eau que l’on ne pouvait plus traiter et l’effondrement du système de santé).
L’analyse précitée de la direction générale du Trésor présente, avec les réserves que l’on a indiquées sur la notion de « succès » ou non d’un régime de sanctions, des statistiques sur les résultats des quelques 200 régimes de cette nature qui ont été recensés au XXème siècle.
Sans surprise, on découvre que le taux de réussite des politiques de sanctions est bon (65 %) lorsque leurs objectifs étaient « modestes » (règlement de litiges commerciaux ou de cas individuels – otages, extraditions), mais devient beaucoup plus faible dès que les objectifs étaient un peu plus ambitieux (par exemple, des améliorations de la situation des droits de l’homme), voire insignifiant (5 %) pour les objectifs « très ambitieux » comme le règlement d’un conflit militaire ou d’un litige territorial ou encore un changement de régime politique.
Taux de réussite des régimes de sanctions économiques recensés au XXème siècle en fonction de l’ambition des objectifs poursuivis
Source : Lettre Trésor-Éco, n° 150, juillet 2015, « Sanctions économiques : quelles leçons à la lumière des expériences passées et récentes ? »
Pour prendre des exemples récents, il est généralement admis que l’obtention de l’accord du 14 juillet 2015 avec l’Iran sur son programme nucléaire a été permise par le durcissement progressif des sanctions économiques occidentales contre ce pays, qui ont constitué le principal instrument de pression.
D’après le Fonds monétaire international (FMI) (7), la très forte récession économique connue par l’Iran en 2012 et 2013 (6,6 % en 2012 et 1,9 % en 2013) a été essentiellement liée à la contraction de ses exportations pétrolières, elle-même consécutive à l’embargo appliqué par l’Union européenne à partir de 2012 (8). Le plein retour du pays sur les marchés internationaux, du fait de la levée de ces sanctions, complété par la baisse de ses coûts de financement permise également par cette levée, devrait conduire selon la même source à une croissance annuelle de 4 % à 5,5 % pour les années qui viennent ; le seul impact de la baisse des coûts financiers et de transaction est estimé à 0,75 à 1 point de croissance annuelle. Par ailleurs, l’Iran va bénéficier du « dégel » de ses avoirs bloqués à l’étranger. Ces perspectives économiques et financières représentent un facteur évident de renforcement de la puissance relative de l’Iran dans sa région qui a pu être considéré par ses dirigeants comme compensant le renoncement à l’acquisition d’une capacité nucléaire militaire.
S’agissant de la Russie, l’impact des sanctions décidées par les États-Unis et l’Union européenne (et suivies par d’autres pays occidentaux) suite à l’annexion brutale de la Crimée en mars 2014 et à l’implication russe aux côtés des séparatistes du Donbass est beaucoup plus incertain.
La Russie est aujourd’hui dans une situation économique très difficile : une récession proche de 4 % en 2015 ; une monnaie qui a plus ou moins perdu la moitié de sa valeur face au dollar depuis mi-2014 ; des sorties nettes de capitaux multipliées par 2,5 entre 2013 et 2014 ; des flux nets d’investissements directs étrangers divisés par trois entre ces deux exercices ; le retour de l’inflation…
Cette crise est d’abord liée à l’effondrement des cours du pétrole et à la baisse tendancielle de ceux du gaz, l’économie russe restant extrêmement dépendante de la rente des hydrocarbures, faute d’une modernisation et d’une diversification réussies. Mais il semble aussi que les sanctions occidentales – et plus généralement la perte de confiance des investisseurs face aux risques d’une politique étrangère aventureuse – aient lourdement pesé. Selon le FMI (9), l’impact des sanctions (et contre-sanctions prises par la Russie) sur le PIB russe pourrait à court terme être de 1 % à 1,5 %. À moyen terme, si les sanctions se prolongeaient, la perte cumulée de richesse nationale pourrait atteindre 9 % du PIB selon la même source. Selon la Commission européenne, les sanctions imposées par l’Union (sans tenir compte des sanctions imposées par les États-Unis et d’autres alliés et partenaires) auraient un impact négatif de – 0,6 % sur la croissance du PIB russe en 2014, puis de – 1,1 % en 2015 (contre – 0,2 % à – 0,3 % sur le PIB communautaire). Les sanctions occidentales frappent la Russie en renchérissant fortement le coût du crédit en Russie, du fait de l’interdiction faite aux banques publiques russes de se financer sur les marchés occidentaux, en réduisant les exportations russes et, à terme, du fait des restrictions aux exportations de certaines technologies occidentales, en pesant sur la capacité du pays à maintenir et développer sa production pétrolière et d’armements. Par ailleurs, l’embargo russe décidé à titre de rétorsion sur diverses importations alimentaires depuis les pays occidentaux serait, d’après des analyses de l’administration russe elle-même, responsable du tiers de l’inflation élevée actuelle : les importations depuis les pays sanctionnés n’ont pas pu être totalement substituées par d’autres sources d’approvisionnement ou l’ont été à des coûts plus élevés.
Cependant, force est de constater que les graves difficultés économiques actuelles n’empêchent pas le pouvoir en place de bénéficier d’une popularité inégalée liée au « retour » de la Crimée à la mère-patrie. Depuis mars 2014, la cote de popularité du président Vladimir Poutine mesurée par les sondages se maintient dans une fourchette de 80 % à 90 %, alors qu’en 2013 elle oscillait entre 60 % et 65 %. À court terme, il n’est donc pas évident que les pressions économiques soient de nature à changer les grands axes de sa politique. Et à plus long terme, on peut même imaginer des risques d’évolutions totalement contre-productives, comme un renforcement de la tentation des aventures militaires.
Le problème posé ici est celui de l’articulation entre l’objectif intermédiaire des sanctions économiques, à savoir l’affaiblissement économique du pays ciblé, qui est peut-être atteint en l’espèce, et l’objectif politique final : l’efficacité de sanctions suppose que l’objectif économique intermédiaire ait une réelle capacité à infléchir une position politique.
Dans le cas d’espèce, la Russie n’est pas revenue sur l’annexion de la Crimée. Certes, dans le Donbass, après avoir soutenu les séparatistes menacés par l’offensive de l’armée ukrainienne, elle a évité d’entrer dans une guerre ouverte contre l’Ukraine et/ou de favoriser une offensive pro-russe massive dans l’ensemble des territoires à dominante russophone du sud-est ukrainien ; elle a décidé au contraire de s’inscrire dans le « processus de Minsk » initié par la France et l’Allemagne, reconnaissant à cette occasion l’appartenance des régions séparatistes du Donbass à l’Ukraine et la vocation du gouvernement ukrainien à reprendre le contrôle de ces régions sous réserve d’un statut spécial de grande autonomie locale. Mais peut-on vraiment imputer ces résultats relatifs aux sanctions économiques ou ne rendent-ils pas compte d’une perception par les dirigeants russes des limites intrinsèques de leurs possibilités d’action ? La réponse dépend des convictions de chacun.
Les éléments statistiques réunis par la direction générale du Trésor font apparaître une réussite inégale des dispositifs de sanctions selon la nature des instruments utilisés. Comme on le voit sur le tableau ci-après, les taux de succès les plus élevés (supérieurs à 50 %) sont obtenus lorsque les sanctions ont pour effet de restreindre massivement les exportations des pays ciblés, notamment quand ceux-ci dépendent largement d’un produit d’exportation (les hydrocarbures par exemple).
La note de la direction générale du Trésor observe que les sanctions économiques qui ont un impact macroéconomique réel sont essentiellement celles qui permettent d’affaiblir significativement la balance des paiements des pays ciblés, par la restriction de leurs financement (sanctions financières) et par celle de leurs exportations les plus importantes.
Taux de réussite des régimes de sanctions économiques recensés au XXème siècle selon les mesures utilisées
Source : Lettre Trésor-Éco, n° 150, juillet 2015, « Sanctions économiques : quelles leçons à la lumière des expériences passées et récentes ? »
La note précitée conclut par quelques préconisations de bons sens, notamment :
– d’effectuer préalablement à l’adoption d’un régime de sanctions une analyse économique la plus rigoureuse possible de ses effets ;
– de s’assurer de la bonne définition aussi bien de l’objectif économique (intermédiaire) des sanctions que de leur objectif politique (final), ainsi que de l’adéquation de ces objectifs ;
– de chercher à mettre en place des régimes aussi universels que possible de sanctions, pour éviter les contournements et substitutions, qui doivent être anticipés ;
– de privilégier l’efficacité dans le choix des mesures, ce qui implique d’éviter certaines facilités (telles que de reproduire des régimes de sanctions antérieurs, ou, pour l’effet d’affichage, de multiplier les dispositifs ou de mettre en avant des mesures « symboliques »).
B. MAIS UN CADRE JURIDIQUE NATIONAL INSUFFISANT POUR RÉPRIMER LES VIOLATIONS DES SANCTIONS ÉCONOMIQUES
Contrôler la mise en œuvre d’un régime de sanctions économiques est par nature difficile. La mise en place d’un tel régime porte nécessairement atteinte à des intérêts économiques qui ne sont pas moins légitimes que d’autres et, ensuite, la tentation peut être grande pour des opérateurs économiques d’accroître leurs profits en prenant part à des opérations de contournement. Il est en effet assez aisé de dissimuler des opérations financières illicites ou encore d’organiser des circuits de réexportation pour contourner un embargo : il est difficile pour les États à l’origine de sanctions de contrôler toutes les activités de leurs entreprises dans des États tiers qui n’appliquent pas eux-mêmes ces sanctions. Le contrôle des régimes de sanctions internationales par les États se heurte donc aux limites juridiques, mais aussi pratiques, de leurs compétences territoriales.
Sans même parler de la question des moyens administratifs, il apparaît que notre dispositif juridique de répression des violations de sanctions économiques et embargos par des opérateurs soumis au droit français est incomplet.
a. Les dispositions en vigueur pour réprimer la violation des exportations illégales d’armements, sanctions économiques et embargos
Actuellement, le dispositif répressif national repose sur trois textes.
● Le code des douanes sanctionne, à son article 414, la contrebande, l’importation et l’exportation sans déclaration de marchandises dites « prohibées ». Ces faits sont passibles de trois ans de prison, de confiscation et d’une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l’objet du délit. Ces peines peuvent être portées à cinq ans de prison et une amende de trois fois la valeur des biens en cause lorsque ceux-ci sont à double usage civil et militaire.
Comme, par ailleurs, l’article 38 du même code définit « comme prohibées toutes marchandises dont l’importation ou l’exportation est interdite à quelque titre que ce soit, ou soumise à des restrictions », on peut considérer que la violation d’embargos commerciaux tombe sous les peines susmentionnées.
● Le code de la défense dispose quant à lui, à son article L. 2335-2, que « l’exportation sans autorisation préalable de matériels de guerre et matériels assimilés vers des États non membres de l’Union européenne ainsi que des territoires exclus du territoire douanier de l’Union européenne est prohibée », tandis que les articles L. 2335-9 et L. 2335-10 du même code prévoient de même l’obligation d’une « licence de transfert » pour les ventes de ces matériels dans l’Union.
Le non-respect de cette obligation de demander une licence d’exportation ou de transfert (et de diverses obligations procédurales complémentaires) est sanctionné, en application de l’article L. 2339-11-1 du même code, de cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende.
Comme, en principe, une licence d’exportation ne sera pas accordée en direction d’un pays soumis à un embargo sur les ventes d’armes, on peut également considérer que la vente d’armes au mépris d’un tel embargo est ainsi dûment réprimée.
● Le code monétaire et financier autorise le Gouvernement, à son article L. 151-2, à prendre « pour assurer la défense des intérêts nationaux » des mesures de restriction des flux financiers internationaux, notamment en établissant des régimes de « déclaration, autorisation préalable ou contrôle » concernant les opérations de change, les mouvements de capitaux et règlements entre la France et l’étranger, les investissements étrangers, le commerce de l’or, etc. En application de l’article L. 165-1 du même code et de l’article 459 du code des douanes, les contrevenants à ces réglementations s’exposent à cinq ans de prison, une amende égale au minimum au montant et au maximum au double de la somme sur laquelle a porté l’infraction et une peine de confiscation.
De plus, l’article 459 précité punit des mêmes peines les contrevenants aux « mesures de restriction des relations économiques et financières prévues par la réglementation communautaire prise en application de l’article 215 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou par les traités et accords internationaux régulièrement approuvés et ratifiés par la France ».
Les dispositions précitées apparaissent incomplètes pour permettre à la justice française de poursuivre tous les contrevenants à des régimes de sanctions que doit appliquer la France pour plusieurs raisons :
– elles concernent principalement les marchandises (régies par le code des douanes), les matériels militaires et certaines opérations financières, mais pas explicitement les services de toutes natures (par exemple formation, « après-vente » et assistance technique en matière d’armements), qui peuvent aussi faire l’objet d’interdictions ou de restrictions dans le cadre de régimes de sanctions ;
– elles ne visent pas explicitement les violations indirectes, dans lesquelles une entreprise nationale recourt délibérément à un tiers étranger pour contourner un régime d’embargo ou de sanctions ;
– elles valent pour l’importation ou l’exportation illicites des biens en cause vers ou depuis le territoire national, ou les mouvements financiers de même nature, mais ne sanctionnent pas (sauf peut-être l’article 459 du code des douanes, à la rédaction plus large) l’éventuelle participation de personnes (physiques ou morales) de droit français, à ce titre passibles du droit pénal français, à des opérations illicites depuis des pays tiers (par exemple, le transport de matériel de guerre entre un pays tiers et un pays soumis à un embargo ou encore toute prestation dite d’« intermédiation »).
Une personne auditionnée par votre rapporteur a rappelé à cet égard que, dans l’affaire dite de l’Angolagate, concernant l’implication de personnalités françaises dans la vente d’armes d’origine soviétique au gouvernement angolais dans les années 1990, l’application de l’incrimination de « commerce illicite d’armes » avait pu être contestée, car les armes en question n’avaient pas transité par le territoire français (10) : les mis en cause étaient des « intermédiaires ».
De même, Amnesty International, se référant à des travaux d’enquêteurs des Nations unies, a mis en lumière l’implication de citoyens français dans des livraisons d’armes opérées, parfois par des sociétés dont le siège était en France, aux forces de sécurité de Laurent Gbagbo au mépris de l’embargo en vigueur concernant la Côte d’Ivoire et sans que cela ait pu déboucher sur des sanctions pénales (11). Il y a toute raison de penser que, de la même façon, M. Alassane Ouattara a pu également obtenir des aides extérieures pour armer ses partisans.
Le présent projet de loi, tel que transmis par le Sénat, constituait une première avancée très significative. Mais votre rapporteur a considéré qu’il devait être complété, soit directement par l’adoption d’amendements qu’il a proposés à la commission des affaires étrangères, soit par d’autres textes ultérieurs.
Le présent projet de loi répond en partie aux imperfections du droit développées supra, tout en mettant en œuvre les obligations internationales posées aux États par la résolution 1196 de 1998 du Conseil de sécurité et, plus récemment, par le traité sur le commerce des armes :
– en donnant une définition de ce qu’il faut entendre en droit interne par « embargo » ou « mesure restrictive » et des sources, nationales ou internationales, dans lesquelles ces dispositions peuvent trouver leur fondement ;
– en prévoyant des sanctions pénales pour le non-respect desdits embargos et mesures restrictives.
Ces dispositions sont l’objet de l’article 1er du projet (pour plus de détail sur leur contenu, voir infra le commentaire de cet article), tandis que ses autres articles correspondent à des mesures de coordination juridique.
Le projet de loi tel que transmis par le Sénat sanctionnait la violation des embargos et mesures restrictives de prison et d’amende, mais ne prévoyait pas les peines complémentaires et circonstances aggravantes habituelles en matière d’infractions douanières et plus généralement de délinquance économique : confiscation des marchandises et avoirs saisis ; peines applicables aux personnes morales (les entreprises), telles que la dissolution, l’interdiction d’exercer une activité, l’exclusion des marchés publics et des aides publiques ; peines renforcées en cas de commission des actes « en bande organisée ».
À l’initiative de Nathalie Chabanne, rapporteure pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, et de votre rapporteur, des amendements en ce sens ont été adoptés par la commission des affaires étrangères et intégrés au texte.
Il faut par ailleurs rappeler que l’efficacité d’une action répressive repose sur un droit adapté, bien sûr, mais aussi sur des moyens et une organisation administrative.
Améliorer ces moyens et cette organisation ne relève pas de la loi. Mais votre rapporteur se doit de signaler, après les quelques auditions qu’il a faites, quelques réalités :
– les moyens administratifs consacrés à la gestion des politiques d’embargo et de sanctions sont limités – il n’y a que cinq personnes dans la cellule qui en est chargée à la direction générale du Trésor et aucune structure n’est dédiée à ce sujet au ministère de la justice ;
– a fortiori, la répression des violations de ces mesures ne semble pas une priorité. La direction générale du Trésor procède certes à des signalements quand elle est confrontée à des dérives, mais l’essentiel de son activité dans le domaine des sanctions est centré sur l’information et le conseil aux entreprises (diffusion de guides, consultations juridiques), outre la gestion de régimes d’autorisation quand une autorisation administrative est requise pour chaque opération comme c’est le cas dans certains régimes de sanctions ;
– il ne semble pas non plus y avoir de coordination interministérielle autre qu’informelle.
L’implication assez modeste de nos administrations a pour corollaire une faible présence des questions relatives aux embargos sur les armes et plus généralement aux sanctions économiques dans le débat public. Or, comme on l’a dit, il s’agit d’instruments diplomatiques de plus en plus utilisés, avec des enjeux majeurs tant sur le plan humanitaire qu’économique.
C’est pour cette raison que votre rapporteur a proposé à la commission des affaires étrangères, qui a bien voulu l’adopter, un amendement instituant une commission nationale consultative de suivi des embargos et sanctions économiques. Cette instance pourrait constituer le lieu d’une meilleure coordination interministérielle tout en favorisant l’émergence d’un débat public (cf. supra).
Enfin, votre rapporteur souhaite que soit relancé le débat législatif sur la réglementation du courtage des armements. En 2003, on l’a dit, l’Union européenne a adopté une position commune dans ce domaine et, plus récemment, le TCA appelle également à un encadrement de cette activité.
Or, d’après un rapport récent (12), une décennie après la position commune, si 23 États membres disposaient d’une législation conforme, ce n’était toujours pas le cas de la France, de l’Italie et de la Belgique. En France, en effet, l’obligation minimale imposée aux courtiers de tenir un registre de leurs opérations apparaît insuffisante. Un projet de loi renforçant la réglementation est bien « dans les tuyaux » depuis 2001, et a même fait l’objet de dépôts répétés devant l’une puis l’autre assemblée (13), mais n’a jamais été examiné.
Au cours de sa seconde séance du mercredi 20 janvier 2016, la commission examine, sur le rapport de M. Pouria Amirshahi, le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives (n° 732).
Un débat a lieu après l’exposé du rapporteur.
M. Jacques Myard. Merci pour vos explications, monsieur le rapporteur. Tout en comprenant la nécessité de ce texte, je souhaite inciter à une grande prudence, pour deux raisons.
Premièrement, il est toujours difficile de sortir des embargos. Ainsi, les États-Unis, qui en ont mis en place pas moins de soixante-dix, ont beaucoup de mal à mettre fin à celui qu’ils appliquent encore contre Cuba. Certes, les torts sont toujours partagés, rien n’étant tout blanc ou tout noir dans les relations internationales. Sous la pression de certains de ses partenaires, la France a elle-même accepté les embargos décidés par l’Union européenne, et nous nous retrouvons aujourd’hui dans une impasse avec la Russie, même si certains reproches peuvent être adressés au Kremlin.
Il est donc dangereux, à terme, de fonder la politique étrangère sur les embargos. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas en instaurer parfois contre un certain nombre d’États qui se sont mal comportés, mais gardons-nous d’institutionnaliser cette pratique. Il en va des embargos comme de la guerre : on sait quand on la débute, mais on ne sait jamais quand on la termine. Et c’est parfois une arme à double tranchant : l’embargo décrété par Napoléon contre le Royaume-Uni a favorisé le décollage industriel de ce pays.
Deuxièmement, vous l’avez très bien dit, monsieur le rapporteur : en France, il est interdit d’exporter des armes, en vertu d’un décret-loi de 1936. Et ce régime fonctionne : la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) fait un travail précis en la matière, même si l’on peut parfois regretter certaines de ses décisions. Tous les gouvernements, je le rappelle, sont dans une situation paradoxale s’agissant des exportations d’armements. D’un côté, ils veulent faire de l’argent, ce qui est légitime – en 2015, la France est devenue le deuxième exportateur d’armes au monde, derrière les États-Unis et devant la Russie ; l’Allemagne est elle aussi montée en puissance. De l’autre, il faut savoir à qui on livre les armes. Cependant, quelles que soient les clauses insérées dans les accords d’exportation, le contrôle sur la livraison à une puissance tierce est souvent illusoire.
Dernier point : le projet de loi prévoit qu’un embargo peut être instauré notamment par une loi nationale ou par un acte pris sur le fondement des traités européens. Or la politique commerciale est certes une compétence communautaire, mais les embargos résultent, en réalité, de décisions politiques prises collectivement par les États membres réunis en Conseil. À ce titre, ils échappent d’ailleurs, sous réserve de vérification, au contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne. Je souhaiterais donc que l’alinéa 6 de l’article 1er soit se réfère aux « acte pris par les États réunis en Conseil ». Il s’agit d’une nuance, mais elle est loin d’être négligeable compte tenu de la nature politique des décisions prises en la matière.
Mme Odile Saugues, présidente. Peut-être pourriez-vous déposer un amendement en ce sens d’ici à la séance publique, cher collègue ?
M. Jacques Myard. Je le ferai bien volontiers.
M. Noël Mamère. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour la qualité de votre présentation. Les embargos sont souvent contournés, mais ils sont nécessaires si l’on veut moraliser un peu les relations internationales dans un certain nombre de domaines. Ainsi que l’a indiqué Jacques Myard, la France est aujourd’hui le deuxième exportateur d’armes au monde. Elle fait preuve de beaucoup d’hypocrisie, pour ne pas dire de schizophrénie, car elle s’inquiète assez peu de savoir à qui elle vend des armes. D’un côté, elle s’engage dans des opérations militaires supposées freiner l’extension du terrorisme. De l’autre, elle fournit des armes à ceux-là mêmes qui soutiennent les terroristes. Je pense au Qatar, à l’Égypte du maréchal Al-Sissi, qui a étouffé le printemps arabe, ou à l’Arabie saoudite, qui joue actuellement un rôle effroyable au Yémen. La France n’a pas de leçons à donner en la matière. Si nous pouvons introduire un peu de droit dans ce domaine, ça n’est pas plus mal !
Les amendements proposés par le rapporteur vont dans le bon sens, en particulier celui qui tend à créer une commission mixte indépendante, composée de membres de l’administration, de parlementaires et de représentants d’ONG. Ces dernières sont très actives sur ces questions et disent beaucoup de choses, mais elles sont très rarement écoutées. Pour commencer, elles n’ont guère l’occasion de s’exprimer devant la représentation nationale, y compris devant notre commission ou devant celle de la défense.
Le groupe écologiste déposera en vue de la séance publique un amendement visant à introduire dans ce texte la notion de « compétence personnelle active », laquelle permettra de poursuivre les nationaux français qui agissent à l’extérieur de notre pays. Ainsi, un certain M. Montoya a continué à vendre des armes en grande quantité en Côte d’Ivoire après l’embargo instauré en 2004. Cela a contribué à la situation catastrophique qu’a connue ce pays, avant le rétablissement d’une forme d’ordre démocratique. Or M. Montoya n’a jamais été poursuivi, parce qu’il était hors du champ de ce que pouvait faire notre droit, faute de dispositions relatives à la « compétence personnelle active ». Cette évolution est demandée par un certain nombre de grandes ONG, en particulier par Amnesty international, qui est sans doute la plus préoccupée par la question du commerce des armes et par les guerres, notamment par les conflits asymétriques.
Article 1er
(titre III du livre IV du code pénal)
Nouveau délit de violation des embargos et autres mesures restrictives
Le présent article vise à inscrire dans notre droit pénal un nouveau délit, celui de « violation des embargos et autres mesures restrictives », et à le sanctionner.
À cette fin, il insère dans le code pénal, dans le titre III (« Des atteintes à l’autorité de l’État ») du livre IV (« Des crimes et délits contre la nation, l’État et la paix publique »), un nouveau chapitre VII qui y est consacré, composé d’un article unique 437-1.
• La définition des embargos et mesures restrictives
Le I du nouvel article 437-1 définit le nouveau délit : un embargo ou une mesure restrictive équivaut au « fait d’interdire ou de restreindre des activités commerciales, économiques ou financières ou des actions de formation, de conseil ou d’assistance technique en relation avec une puissance étrangère, une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents ou toute autre personne ». Cette définition englobante s’efforce de viser l’ensemble des activités économiques, y compris de services, en mentionnant notamment les activités financières et celles de formation, conseil et assistance technique. Comme votre rapporteur l’a indiqué dans l’exposé général supra, cela permet de sanctionner des activités qui n’étaient pas susceptibles de tomber sous les dispositions en vigueur du code des douanes et de celui de la défense, qui concernent le commerce de marchandises et d’armements et certains flux financiers. De plus, cette définition vise à la fois les États étrangers et les personnes et entités étrangères non-étatiques, qui peuvent également être l’objet de sanctions.
Par ailleurs, il convient de définir les sources de droit susceptibles d’être à l’origine des embargos et mesures restrictives.
Comme on l’a vu supra, l’Union européenne dispose, en application des traités européens, de compétences explicites en matière de sanctions économiques, en lien avec ses compétences commerciales et économiques. Ces compétences n’excluent pas formellement des mesures nationales, mais celles-ci ne sont expressément réservées par les traités européens qu’en matière d’armements. Par ailleurs, le Conseil de sécurité des Nations unies a également des compétences de sanctions économiques, en alternative à l’action militaire.
Le projet de loi vise donc, outre deux sources génériques de droit (la loi et les traités internationaux), ces deux sources spécifiques que sont le droit dérivé européen et les résolutions du Conseil de sécurité. Comme on l’a dit, en pratique, les régimes de sanctions et embargos que doit appliquer la France sont essentiellement (voire exclusivement si on regarde la situation à ce jour) d’origine européenne et/ou onusienne.
Il est enfin à noter qu’en prévoyant la pénalisation des violations des mesures prises « en application » de tout accord international et des résolutions du Conseil de sécurité, le présent projet paraît permettre d’opposer directement, sur le plan pénal, ces textes à des contrevenants, quand bien même ils n’auraient pas été transcrits et rendus applicables en France par un règlement européen d’application directe ou un texte réglementaire national. Cette question a en fait une portée assez théorique, car les embargos et mesures en vigueur ont, sauf exception à vérifier, une base en droit européen (l’Union reprenant les mesures onusiennes).
• Les peines prévues
Le II du nouvel article 437-1 fixe les peines maximales applicables au non-respect des embargos et mesures restrictives ainsi définis :
– sept ans de prison ;
– 750 000 euros d’amende, montant qui peut être porté « au double de la somme sur laquelle a porté l’infraction ». Sur ce point, la commission des affaires étrangères a adopté un amendement de précision pour spécifier que l’amende pouvait aussi être portée au double de la valeur des biens et services objets de transactions illicites.
On observe que ces quantums de peines diffèrent de ceux déjà prévus dans le code des douanes et celui de la défense pour des incriminations susceptibles dans certains cas d’être appliquées aux mêmes faits, voire couvrant des champs quasiment identiques (cf. article 459 du code des douanes cité infra) :
– trois ans de prison, confiscation et amende allant jusqu’à deux fois la valeur de l’objet en cas de trafic transfrontalier de marchandises « prohibées » (article 414 du code des douanes) ;
– cinq ans de prison, confiscation et amende allant jusqu’à deux fois les sommes en cause pour les violations de certaines restrictions réglementaires à la liberté des mouvements financiers et des « mesures de restriction des relations économiques et financières » prises en application du droit européen et international (article 459 du code des douanes) ;
– cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende pour l’exportation d’armements sans licence (article L. 2339-11-1 du code de la défense).
On relève par ailleurs que le fait d’insérer le nouveau délit de violation des embargos et mesures restrictives dans le code pénal, de portée générale, alors que les dispositions existantes de portée voisine figurent dans des codes « spécialisés », aura des conséquences sur le déroulement et la publicité des procédures. Actuellement, l’article 458 du code des douanes réserve au ministre de l’économie et des finances l’engagement de poursuites pour les « infractions à la législation et à la réglementation des relations financières avec l’étranger » prévues par ce code. Par ailleurs, les « infractions douanières » ou « à la législation et à la réglementation relatives aux relations financières avec l’étranger » prévues par ce code peuvent être réglées par voie de transaction en application de son article 350. Cette solution plus discrète est généralement préférée par les entreprises.
La commission des affaires étrangères, reprenant notamment des amendements de la commission de la défense nationale et des forces armées (saisie pour avis), a complété les peines prévues au présent article par :
– des peines aggravées (jusqu’à dix ans de prison et 1 500 000 euros d’amende) en cas de commission du délit « en bande organisée » ;
– une peine complémentaire de confiscation ;
– des peines spécifiques adaptées au cas des personnes morales (sociétés) – amendes maximales quintuplées ; possibilité de dissolution, d’interdiction temporaire d’activité, d’exclusion des marchés publics ou des marchés financiers, etc.
• Une dérogation explicitée au principe de la rétroactivité « in mitius »
La rétroactivité in mitius est le principe selon lequel un adoucissement de la loi pénale doit être appliqué immédiatement par les juges, donc d’une certaine manière rétroactivement puisqu’éventuellement à des faits commis antérieurement à cet adoucissement. Il est exprimé à l’article 112-1 du code pénal : « les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ». L’exemple le plus topique d’application de ce principe est fourni par l’abolition de la peine de mort : dès lors que celle-ci a été adoptée en 1981, il n’était plus possible, non seulement moralement et politiquement, mais aussi juridiquement, de prononcer une condamnation à mort, même pour des crimes commis antérieurement.
Dans le cas d’espèce des embargos et mesures restrictives, l’application de ce grand principe pourrait toutefois poser problème, car les régimes de sanctions internationales ont une caractéristique générale : ils ont une durée limitée, ayant vocations à être levés un jour ou l’autre. Le risque serait alors que le principe de rétroactivité in mitius conduise à contester la poursuite, après leur levée, de violations de ces sanctions commises antérieurement.
Certes, dans ce cas, ce n’est pas la loi pénale qui serait « adoucie », mais simplement la base factuelle de son application. Il semble donc qu’il soit techniquement inutile de prévoir une exception explicite à la rétroactivité in mitius. Toutefois, pour éviter toute ambiguïté, les rédacteurs du projet de loi ont jugé utile de spécifier, au III du nouvel article 437-1, que « l’abrogation, la suspension ou l’expiration d’un embargo ou d’une mesure restrictive ne fait pas obstacle à la poursuite et au jugement des infractions commises lorsque ces mesures étaient en vigueur, ni à l’exécution de la peine prononcée ».
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La commission est saisie de l’amendement rédactionnel AE5 du rapporteur.
M. le rapporteur. Le présent texte ayant été déposé en 2006, il est nécessaire de l’adapter aux évolutions historiques. Cet amendement vise à substituer la mention du « traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » à celle du « traité instituant la Communauté européenne ». Ce point est distinct de celui qu’a soulevé Jacques Myard au cours de la discussion générale.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement AE1 de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Mme Nathalie Chabanne, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Cet amendement, adopté à l’unanimité par la commission de la défense, vise à prévoir une répression plus sévère de la violation des embargos ou des mesures restrictives lorsqu’elle est commise en bande organisée. La violation d’un embargo ou d’une mesure restrictive peut en effet résulter d’une opération complexe supposant un certain degré de préparation et de préméditation, qui peut aller jusqu’à la mise en place d’une organisation dédiée. Il paraît logique de considérer que le fait de commettre ainsi une violation en bande organisée constitue une circonstance aggravante, justifiant des peines plus lourdes. Nous proposons donc, dans ce cas, de porter la peine d’emprisonnement de sept à dix ans, et de doubler le montant de l’amende.
La notion d’ « infraction commise en bande organisée » est classique en droit pénal. Elle s’applique à de nombreux crimes et délits. Elle existe déjà en matière de fabrication et de commerce illicite des armes, à l’article L. 2339-2 du code de la défense.
M. le rapporteur. Avis favorable. La notion d’ « infraction commise en bande organisée » existe en effet dans notre droit pénal dans de nombreux domaines. Lorsque cette circonstance est établie, cela a pour effet d’alourdir les peines qui peuvent être prononcées, le juge les adaptant ensuite au cas de chaque personne. En France, je le rappelle, le principe d’individualisation des peines s’applique, y compris lorsqu’une infraction est commise en bande organisée.
La commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement AE8 du rapporteur.
M. le rapporteur. Le texte prévoit que l’amende peut être fixée au double de la somme sur laquelle a porté l’infraction. Cette formulation, reprise des dispositions visant à réprimer les mouvements financiers illicites, pourrait être interprétée comme s’appliquant aux seuls mouvements d’argent, lesquels sont souvent difficiles à identifier. Je propose donc de préciser que l’amende peut aussi être fixée au double « de la valeur des biens et services ayant été l’objet de transactions illicites ». Ainsi, même s’il n’y a pas eu de paiement ou s’il y a eu seulement un paiement partiel pour une transaction illicite, l’amende pourra être portée au double du montant de la transaction.
La commission adopte l’amendement.
La commission examine les amendements identiques AE9 du rapporteur et AE2 de la rapporteure pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à spécifier que le même jugement ordonne la confiscation de l’objet du délit, des équipements, matériels et moyens de transport utilisés pour sa commission, et des biens et avoirs qui en sont le produit direct ou indirect. Il me semble utile que la loi prévoie cette peine complémentaire, cette sanction étant déjà pratiquée par les douanes. Des armements et des matériels radioactifs ou chimiques dangereux pourront ainsi être mis hors d’usage. Toutes les interventions en matière de lutte contre les violations de l’embargo ne relèvent pas des seules douanes, d’où la nécessité de prévoir ce dispositif.
Mme la rapporteure pour avis. Défendu.
M. Jacques Myard. J’approuve cette mesure, qui s’inspire du code des douanes.
La commission adopte les amendements.
Puis elle étudie les amendements identiques AE10 du rapporteur et AE3 de la rapporteure pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.
M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet de prévoir les peines applicables aux personnes morales reconnues coupables d’une violation d’embargo ou de mesures restrictives. Des sociétés effectuent, parfois hors de France, de tels contournements. Il y a lieu de pénaliser les individus responsables, mais également les personnes morales. De telles peines existent déjà pour l’exportation sans licence de matériel de guerre. L’amendement reprend les peines prévues en pareil cas, qui vont de l’exclusion des marchés publics à la dissolution de la société dans les cas les plus graves, en passant par l’interdiction de percevoir des aides publiques et celle d’effectuer des émissions sur les marchés financiers.
Mme la rapporteure pour avis. Défendu.
M. Jacques Myard. On a déjà inscrit la responsabilité pénale de certaines collectivités territoriales dans notre droit, afin de protéger les maires. Ce principe constitue un oxymore car l’intuitu personae ne concerne que les dirigeants des collectivités. Évoquer la responsabilité pénale d’une société me paraît idiot, car le droit pénal concerne les individus. S’il y a lieu en effet sanctionner les sociétés par le paiement de dommages et intérêts ou par la dissolution, il faut cibler les dirigeants car ce sont eux qui agissent. L’amendement devrait seulement faire référence aux « personnes morales déclarées responsables de l’infraction », sans préciser « pénalement ».
M. le rapporteur. J’entends votre argument, monsieur Myard, mais il me semble que l’amendement le satisfait. En effet, il reprend la liste des peines pouvant déjà être prononcées – dont la dissolution de la société dans les cas les plus graves.
M. Jacques Myard. L’amendement évoque la responsabilité pénale des personnes morales.
Mme la rapporteure pour avis. La responsabilité des dirigeants de l’entreprise n’exclut pas celle de la personne morale. De la même manière, la responsabilité de l’État pourrait être reconnue en cas de commission d’une faute grave dans un service hospitalier.
La commission adopte les amendements.
Puis elle adopte l’article 1er ainsi modifié.
Article 2
(art. 414-2 du code pénal)
Exemption de peine des « repentis » mis en cause pour le nouveau délit
L’article 414-2 du code pénal exempte de peine les auteurs de tentatives de certaines infractions si, « ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, [ils ont] permis d’éviter que l’infraction ne se réalise et d’identifier, le cas échéant, les autres coupables ».
Il s’applique actuellement à quelques incriminations très graves portant atteinte à la sûreté de l’État : trahison et espionnage (livraison de forces armées, de parties du territoire ou d’informations à une puissance étrangère), sabotage, attentat contre les institutions républicaines. La gravité exceptionnelle des faits en cause, qu’il faut à tout prix prévenir, justifie alors ce régime de « repenti » spécifique (qu’il ne faut pas confondre avec le régime plus général de « repenti » introduit par la loi du 9 mars 2004 et mentionné à l’article 132-78 du code pénal).
Il est proposé d’étendre la même exemption aux personnes impliquées dans des violations d’embargo ou de sanctions qui les dénonceront à temps pour en empêcher la réalisation.
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La commission adopte l’article 2 sans modification.
Article 2 bis (nouveau)
(article 706-73 du code de procédure pénale)
Coordination concernant la commission du nouveau délit en bande organisée
Le code de procédure pénale a prévu pour les crimes et délits commis « en bande organisée » des modalités d’enquête et de répression renforcées (possibilité de juridictions ou de parquets spécialisés, pouvoirs de police accrus en matière d’infiltrations, d’écoutes, de garde à vue, etc.).
L’adoption du présent article additionnel, à l’initiative de la commission de la défense nationale et des forces armées, a pour conséquence de rendre applicables au cas particulier de la violation d’embargo ou de sanctions économiques « en bande organisée » ces règles particulières de procédure. Il est la conséquence de l’amendement prévoyant à l’article 1er l’aggravation des peines dans ce cas de figure.
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La commission est saisie de l’amendement AE4 de la rapporteure pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement de coordination, qui tire les conséquences du premier amendement que votre commission a voté. Son adoption permettra de soumettre le délit de violation d’un embargo ou d’une mesure restrictive commis en bande organisée à la procédure applicable à criminalité et à la délinquance organisées.
M. le rapporteur. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Article 3
(section 3 du chapitre VI du titre XII du code des douanes)
Coordination
Le présent article vise à introduire dans le code des douanes, par parallélisme avec les dispositions prévues dans le code pénal en application de l’article 1er du présent projet (voir supra), une exception au principe de rétroactivité in mitius en matière de violation des embargos et mesures restrictives.
Cette introduction prend la forme de l’insertion dans le code des douanes, dans la section 3 (« Cas particuliers d’application des peines ») du chapitre VI (« Dispositions répressives ») de son livre XII, d’un nouveau paragraphe 4 consacré aux « Violations des embargos et autres mesures restrictives », comportant un article unique 440-1.
Cette disposition jouera, le cas échéant, en cas de poursuite contre des violations d’embargo ou de sanctions économiques qui seraient exercées notamment en application de l’article 414 du code des douanes, lequel sanctionne la « contrebande » ou l’import/export sans déclaration de marchandises « prohibées », ce terme pouvant couvrir des marchandises dont l’import/export est prohibé en raison d’un régime de sanctions internationales, ou encore de l’article 459 du même code, lequel, on l’a dit, vise des cas de figure très voisins, sinon identiques, de ceux ciblés par le nouvel article 437-1 du code pénal.
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La commission adopte l’article 3 sans modification.
Article 3 bis (nouveau)
Création d’une commission nationale consultative de suivi des embargos
Le présent article additionnel est issu d’un amendement présenté par votre rapporteur.
Il répond au double constat, développé supra dans le présent rapport, que :
– bien que les embargos et sanctions économiques constituent des outils diplomatiques de plus en plus utilisés, ils restent très insuffisamment évalués et débattus publiquement, malgré les risques qu’ils présentent (pertes économiques et surtout déclenchement de crises humanitaires qui peuvent être dramatiques, comme ce fut le cas de l’embargo contre l’Irak de Saddam Hussein) et les doutes sérieux qui existent sur leur efficacité pour imposer des changements de politique, sauf dans quelques cas particuliers ;
– en France, même notre administration ne fait manifestement pas du suivi de ces mesures une priorité. Les moyens qui y sont consacrés sont faibles et dispersés et il n’y a pas véritablement de coordination interministérielle.
Il est donc proposé d’établir une commission nationale consultative chargée du suivi des régimes d’embargo ou de sanctions économiques.
Elle comprendrait des représentants du Parlement, des administrations concernées, des entreprises et de la société civile, en particulier des ONG.
Elle devrait être consultée sur toute décision concernant un régime d’embargo et de sanctions (établissement, modification, suspension…) et aurait aussi une mission de suivi et d’évaluation de ces régimes durant leur mise en œuvre. Un rapport annuel permettrait de porter sur la place publique le résultat de ces travaux et les débats qu’ils suscitent.
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La commission examine l’amendement AE7 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il s’avère difficile d’obtenir des évaluations et des éléments précis sur les régimes d’embargo et les restrictions économiques à l’encontre de puissances ou d’entités étrangères, non à cause d’une rétention de l’information, mais d’un manque de moyens. En effet, le nombre d’agents affectés à ces sujets et la coordination entre les ministères s’avèrent tous deux insuffisants. À l’étranger, on a, soit mis en place un dispositif unique, comme au Royaume-Uni, soit renforcé la coordination, alors qu’il n’existe pas de système de contrôle général des embargos en France. Or, que les embargos ne concernent que les ventes d’armes ou qu’ils aient une portée plus grande avec des sanctions économiques internationales, le contrôle de leur respect justifie d’accroître nos capacités de coordination.
Les embargos constituent un instrument diplomatique de plus en plus utilisé, et dont les conséquences peuvent s’avérer lourdes comme l’attestent les 500 000 morts en Irak. Ils se révèlent parfois inutiles et des peuples en ont pâti, mais les enjeux qu’ils génèrent restent souvent ignorés de l’opinion publique.
Il importe que la France se dote d’une commission chargée du suivi des régimes d’embargo ou de restrictions économiques, ne serait-ce que pour porter cette question dans le débat public, puisque l’éthique républicaine nous commande de restituer aux citoyens la teneur de l’ensemble des discussions que nous avons entre nous.
À l’exception de notre ambassadeur auprès de l’Organisation des Nations unies (ONU), aucune personne dans l’État n’occupe la fonction de surveillance des régimes d’embargo.
Il me semble important d’instituer une telle commission nationale, dont le rôle restera consultatif. Y siégeront des représentants du Parlement, des administrations concernées, des entreprises et de la société civile, en particulier des ONG. Le Gouvernement recueillera l’avis de la commission dès lors qu’il sera envisagé d’établir, de modifier, de suspendre ou de reconduire un régime d’embargo. La commission assurera aussi l’évaluation et le suivi de ces mesures. Elle assurera un contrôle plus précis et mieux coordonné, ce qui correspond aux intérêts de la France.
M. Jacques Myard. Je ne peux pas accepter cet amendement, dont je doute de la constitutionnalité, la politique étrangère relevant du Gouvernement. En outre, s’agissant de la composition de la commission, il ne me paraît pas opportun d’y intégrer des membres de la société civile. Celle-ci abrite de tout et les ONG accueillent des gens qui peuvent être fortement manipulés.
Il n’est pas acceptable de subordonner la conduite de la politique étrangère à une commission proche d’un comité Théodule, et je voterai contre l’adoption de cet amendement.
M. Noël Mamère. Monsieur Myard, vous ne vous étonnerez pas que je ne partage pas votre opinion. Les ONG ne sont pas manipulées, elles jouent un rôle de contrôle et de vigilance, mais notre vieille démocratie ne leur donne pas suffisamment de moyens pour exercer cette mission. Nous sommes un certain nombre à contester le fait que la politique étrangère soit un domaine réservé du président de la République – et non du Gouvernement comme vous venez de le dire – comme des décisions récentes tendent à le prouver. Notre assemblée n’est qu’une chambre d’enregistrement qui ne contrôle pas la politique étrangère de la France. Dans ce contexte, introduire un peu de transparence et de contrôle citoyen permettra de faire progresser la démocratie.
M. le rapporteur. Monsieur Myard, comme beaucoup de gens, je déplore certaines créations de commissions, mais celle-ci répond au besoin démocratique de contrôler l’un des domaines essentiels de notre politique étrangère. Il ne s’agit pas de subordonner cette dernière à la société civile, mais il serait préférable qu’elle reflète les souhaits de la population française. La politique étrangère est définie par le Président de la République, et la société ne peut pas en débattre ; les citoyens reçoivent des informations sur les événements internationaux, mais n’ont aucune prise sur eux. Les guerres, les malheurs et les chaos qui rythment hélas la chronique du monde constituent justement les faits qui mènent à la mise en place des embargos.
Tout ce qui renforce la transparence s’avère important et l’instauration de cette commission n’enlèvera rien aux prérogatives du Président de la République quant à la politique étrangère. Elle permettra également d’améliorer la coordination interministérielle et le contrôle, qui se révèlent insuffisants – sauf dans le domaine de l’armement et de l’exportation d’armes sans licence – et que l’on ne pourra pas améliorer si les politiques en ont seuls la charge. Nous avons besoin d’efficacité dans les mesures que nous prenons, notamment dans la lutte contre le terrorisme. On peut se montrer efficace tout en éveillant l’opinion publique à des enjeux importants.
M. François Loncle. Tout ce dont nous discutons est très intéressant, mais le sujet est si compliqué qu’il pourrait faire l’objet d’un colloque. Je suis très attaché à la démocratie représentative, à condition que le Parlement ait plus de moyens et plus de pouvoirs. Des progrès ont été accomplis au cours des décennies, mais ils restent insuffisants. Les ONG sont utiles et mêmes indispensables, mais elles sont à l’image de la société française : il ne faut ni les condamner ni les porter aux nues par principe. Il y a des dérives parlementaires, il y en a dans l’État et il en existe aussi dans les ONG.
M. Jean-Marc Germain. Je soutiens cet amendement, et il n’y a pas à s’excuser de créer des commissions administratives. La complexité, à condition de la maîtriser, m’apparaît synonyme de progrès humain. Plus nos concitoyens peuvent contribuer à éclairer la décision publique, mieux la démocratie se porte. Les représentants de la Nation votent et contrôlent la loi, mais on doit ouvrir des espaces de participation dès qu’on le peut. Cela n’enlève rien aux prérogatives du chef de l’État en matière de défense nationale et de politique étrangère, et ne minimise pas la place de notre commission des affaires étrangères.
M. Jacques Myard. Il ne s’agit évidemment pas de s’excuser, mais nous devons veiller à ne pas ouvrir des boîtes de Pandore. Le Parlement travaille sous le contrôle de l’opinion publique et de nos concitoyens. Cet amendement me gêne car il place les parlementaires sur le même plan que des représentants de la société civile, alors que chacun doit rester à sa place. Les ONG peuvent être utiles, mais certaines sont manipulées, comme le montre le site animé par deux de nos collègues – un appartenant à l’opposition et l’autre à la majorité – : ces organisations peuvent s’avérer des faux nez de lobbys puissants. Le manège médiatique dans lequel nous vivons aujourd’hui se révèle extrêmement dangereux. Cette commission pourrait être utilisée par des organisations pour exercer des pressions qui n’amèneront aucune transparence, bien au contraire. Je maintiens mon opposition résolue à cet amendement, qui n’est pas anodin et qui porte un risque de confusion.
M. le rapporteur. Monsieur Loncle, je vous remercie d’avoir détendu l’atmosphère ! Je partage l’intégralité des propos de M. Germain. Monsieur Myard, les parlementaires se retrouvent déjà dans certaines enceintes avec des membres de la société civile. N’y voyez aucun nivellement ! La composition de la commission se discute, mais il me semble indispensable d’instaurer une commission nationale publique afin d’accroître la transparence, la coordination, l’efficacité et la bonne compréhension par l’opinion d’un sujet aussi lourd que celui des régimes d’embargo.
La commission adopte l’amendement.
Article 4
Application outre-mer
Le présent article prévoit l’application de certaines dispositions du projet de loi outre-mer.
En effet, si les lois nationales sont, sauf dérogation expresse, d’application directe dans les départements d’outre-mer (DOM), la situation est plus complexe dans les autres collectivités d’outre-mer, au nom du principe de « spécialité législative » : ces lois nationales ne s’y appliquent que sur mention expresse.
C’est pourquoi le présent article dispose que les articles 1er et 2 (modifiant le code pénal) du projet de loi sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et à Wallis-et-Futuna.
Le texte initial rappelait également leur applicabilité à Mayotte ; celle-ci étant devenue un DOM en 2009, cette mention était inutile et la commission des affaires étrangères l’a supprimée.
Comme, par ailleurs, le droit pénal national est directement applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, ces dispositions seront donc valables pour la totalité des collectivités d’outre-mer.
En revanche, le présent article n’étend pas outre-mer l’application de l’article 3 du projet, qui touche le code des douanes, le régime douanier étant devenu une compétence locale propre dans pratiquement toutes les collectivités d’outre-mer hors DOM en vertu de leurs lois organiques statutaires respectives.
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* *
La commission étudie l’amendement AE6 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la référence à Mayotte, puisque ce territoire étant un département d’outre-mer depuis 2009, la loi de la République s’y applique de droit.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 4 modifié.
*
* *
La commission adopte l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.
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Dispositions en vigueur ___ |
Texte adopté par le Sénat ___ |
Texte adopté par la Commission ___ |
Projet de loi relatif à la violation des embargos et autres mesures |
Projet de loi relatif à la violation des embargos et autres mesures | |
Article 1er |
Article 1er | |
Le titre III du livre IV du code pénal est complété par un chapitre VII ainsi rédigé : |
(Alinéa sans modification) | |
« Chapitre VII |
(Alinéa sans modification) | |
« De la violation des embargos et autres mesures restrictives |
(Alinéa sans modification) | |
« Art. 437-1. – I. – Constitue un embargo ou une mesure restrictive au sens du présent chapitre le fait d’interdire ou de restreindre des activités commerciales, économiques ou financières ou des actions de formation, de conseil ou d’assistance technique en relation avec une puissance étrangère, une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents ou toute autre personne, en application : |
« Art. 437-1. – (Alinéa sans modification) | |
« 1° De la loi ; |
« 1°(Sans modification) | |
« 2° D’un acte pris sur le fondement du traité instituant la Communauté européenne ou du traité sur l’Union européenne ; |
« 2° … traité sur le fonctionnement de l’Union européenne… amendement AE5 | |
« 3° D’un accord international régulièrement ratifié ou approuvé ; |
« 3°(Sans modification) | |
« 4° D’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. |
« 4°(Sans modification) | |
« II. – Le fait de ne pas respecter un embargo ou une mesure restrictive est puni d’une peine de sept ans d’emprisonnement et de 750 000 € d’amende. |
« II. – (Alinéa sans modification) | |
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 1 500 000 € d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée. amendement AE1 | ||
« Toutefois, la peine d’amende peut être fixée au double de la somme sur laquelle a porté l’infraction. |
… l’infraction ou de la valeur des biens et services ayant été l'objet de transactions illicites. amendement AE8 | |
« La tentative des infractions prévues au présent article est punie des mêmes peines. |
(Alinéa sans modification) | |
« La confiscation de l’objet du délit, des équipements, matériels et moyens de transport utilisés pour sa commission, ainsi que des biens et avoirs qui en sont le produit direct ou indirect est ordonnée par le même jugement. | ||
« L’autorité judiciaire peut prescrire ou faire effectuer la mise hors d’usage ou la destruction, aux frais de l’auteur de l’infraction, des biens confisqués. amendements identiques | ||
« II bis. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2, de l'infraction prévue au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38, les peines prévues à l’article 131-39. amendement identiques | ||
« III. – L’abrogation, la suspension ou l’expiration d’un embargo ou d’une mesure restrictive ne fait pas obstacle à la poursuite et au jugement des infractions commises lorsque ces mesures étaient en vigueur, ni à l’exécution de la peine prononcée. » |
(Alinéa sans modification) | |
Code pénal |
Article 2 |
Article 2 |
Art. 414-2. – Toute personne qui a tenté de commettre l'une des infractions prévues par les articles 411-2, 411-3, 411-6, 411-9 et 412-1 sera exempte de peine si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d'éviter que l'infraction ne se réalise et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables. |
Dans l’article 414-2 du code pénal, les références : « 411-9 et 412-1 » sont remplacées par les références : « 411-9, 412-1 et 437-1 ». |
(Sans modification) |
Code de procédure pénale |
Article 2 bis (nouveau) | |
Art. 706-73. – La procédure applicable à l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et des délits suivants est celle prévue par le présent code, sous réserve des dispositions du présent titre : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . |
Après le 11° de l’article 706-73 du code de procédure pénale, il est inséré un 11° bis ainsi rédigé : | |
11° Crimes et délits constituant des actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal ; |
||
« 11° bis Délit de violation d’un embargo ou d’une mesure restrictive commis en bande organisée prévu à l’article 437-1 du code pénal ; ». amendement AE4 | ||
12° Délits en matière d'armes et de produits explosifs commis en bande organisée, prévus par les articles L. 2339-2, L. 2339-3, L. 2339-10, L. 2341-4, L. 2353-4 et L. 2353-5 du code de la défense ainsi que par les articles L. 317-2, L. 317-4 et L. 317-7 du code de la sécurité intérieure ; . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . |
||
Article 3 |
Article 3 | |
La section 3 du chapitre VI du titre XII du code des douanes est complétée par un paragraphe 4 ainsi rédigé : |
(Sans modification) | |
« Paragraphe 4 |
||
« Art. 440-1. – L’abrogation, la suspension ou l’expiration d’un embargo ou d’une mesure restrictive tels qu’ils sont définis par l’article 437-1 du code pénal ne fait pas obstacle à la poursuite et au jugement des infractions prévues par le présent code qui ont été commises lorsque ces mesures étaient en vigueur, ni à l’exécution de la peine prononcée. » |
||
Article 3 bis (nouveau) | ||
Il est institué une commission nationale consultative chargée du suivi des régimes d'embargo ou de restrictions économiques à l'encontre de puissances ou d'entités étrangères. | ||
Cette commission comprend des représentants du Parlement, des administrations concernées, des entreprises et de la société civile, en particulier des organisations à but non lucratif qui défendent au plan international les droits humains fondamentaux et les grandes causes humanitaires. | ||
Le Gouvernement recueille l'avis de la commission dès lors qu'il est envisagé d'établir, de modifier, de suspendre ou de reconduire un régime mentionné au premier alinéa, soit dans le cadre national, soit par une décision du Conseil de l'Union européenne, soit par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, soit dans tout autre cadre international. | ||
La commission assure l'évaluation et le suivi des régimes mentionnés au premier alinéa qui sont en vigueur et sont appliqués ou doivent l'être par la France. Elle rend compte de son action dans un rapport annuel. Elle peut recommander au Gouvernement de modifier ou suspendre un régime en vigueur. | ||
Un décret détermine la composition de la commission et ses modalités de fonctionnement. amendement AE7 | ||
Article 4 |
Article 4 | |
Les articles 1er et 2 de la présente loi, outre leur application à Mayotte, sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les Terres australes et antarctiques françaises et à Wallis et Futuna. |
… présente loi sont … amendement AE6 |
Ø Mme Alice Chocheyras, conseillère parlementaire du ministre des affaires étrangères et du développement international, M. Bruno Gruselle, conseiller diplomatique adjoint du ministre de la défense, et Mme Noémie Attia, rédactrice à la sous-direction du contrôle des armements et de l’OSCE du ministère des affaires étrangères
Ø Mme Magali Cesana, chef du bureau « Investissement, criminalité financière et sanctions » de la direction générale du Trésor, et ses collaborateurs Mme Audrey Cezard-Assouad et M. Olivier Salvador
Ø M. Thomas Borrel, vice-président de l’ONG Survie, et M. Julien Moisan, chargé de campagne pour celle-ci ; M. Aymeric Elluin, chargé de campagne pour Amnesty International ; M. Tony Fortin, président de l’Observatoire des armements ; M. Christophe Saint-Martin, représentant d’ASER (Action Sécurité Éthique Républicaine)
Ø M. Thibault Cayssials, magistrat, bureau de la législation pénale spécialisée, direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice, et Mme Samira Jemaï, conseillère parlementaire de la ministre de la justice
1 () Voir par exemple l’appel « Pour une répression pénale de la violation des embargos sur les armes », par Amnesty International, l’Observatoire des armements et Survie.
2 () Assemblée nationale, XIVème législature, 11 décembre 2013, n° 1620.
3 () Position commune 2003/468/PESC du Conseil du 23 juin 2003 sur le contrôle du courtage en armements.
4 () Pour la France, en application de la loi n° 2013-1202 du 23 décembre 2013.
5 () Lettre Trésor-Éco, n° 150, juillet 2015, « Sanctions économiques : quelles leçons à la lumière des expériences passées et récentes ? ».
6 () Ou « over-compliance », pour reprendre le terme anglo-saxon.
7 () FMI, décembre 2015, Country Report N° 15/349.
8 () Décision 2012/35/PESC du 23 janvier 2012.
9 () FMI, août 2015, Country Report N° 15/211.
10 () Voir à cet égard la lettre de M. Hervé Morin, alors ministre de la défense, en date du 11 juillet 2008, qui est citée dans l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 avril 2011.
11 () Voir : Amnesty International, « Côte d’Ivoire. Les effets destructeurs de la prolifération des armes et de leur usage incontrôlé ».
12 () « Le contrôle du courtage en armements – Quelle mise en œuvre au sein de l’UE ? », par Kloé Tricot O’Farrell, GRIP-Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, 2013.
13 () Voir projet 323 déposé au Sénat le 5 juin 2007.