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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 février 2016.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE sur la révision des procédures de mesure des émissions de polluants atmosphériques automobiles (n° 3396).
PAR M. Michel LESAGE
Député
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Voir le numéro : 3396.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LE SYSTÈME EUROPÉEN ACTUEL DE MESURE DES POLLUANTS ATMOSPHÉRIQUES 7
II. UNE RÉVISION DES TESTS EUROPÉENS ÉTAIT DÉJÀ ENGAGÉE AVANT QUE N’ÉCLATE LE « SCANDALE VOLKSWAGEN », ET A SUSCITÉ D’IMPORTANTES CONTROVERSES 9
III. LA COMMISSION EUROPÉENNE VIENT DE PRÉSENTER UN NOUVEAU PROJET DE LÉGISLATION, POUR RÉFORMER ENTIÈREMENT LE DISPOSITIF D’HOMOLOGATION 11
IV. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES DE L’ASSEMBLÉE 13
TRAVAUX DE LA COMMISSION 15
Le 18 septembre 2015, l’Agence fédérale américaine de protection de l’environnement a révélé que 482 000 véhicules diesel de marque Volkswagen et Audi, construits entre 2009 et 2015 et vendus aux États-Unis, avaient été équipés d’un logiciel permettant de fausser les résultats des tests préalables à l’homologation de ces véhicules en ce qui concerne les émissions d’oxyde d’azote (NOx). Les autorités américaines estiment qu’en équipant de ce logiciel des véhicules vendus aux États-Unis, le groupe Volkswagen a cherché à contourner la législation américaine sur les limites d’émission de polluants atmosphériques.
Ce mécanisme de fraude, identifié aux États-Unis où les procédures de test sont plus sévères et sont contrôlées par un seul organisme, est également présent dans plusieurs millions de véhicules vendus par le groupe Volkswagen dans le monde, ce que le groupe a reconnu le 30 septembre 2015. En France, près de 950 000 véhicules comportent ce logiciel, et dans l’Union européenne ce sont au total plus de 8 millions de véhicules qui sont concernés.
Des enquêtes judiciaires ont été ouvertes contre Volkswagen, non seulement aux États-Unis et en Allemagne mais aussi en France, en Espagne, en Suède, en Italie… Plusieurs États ont engagé des contrôles administratifs, comme en France, pour déterminer si des logiciels de fraude ont également été installés dans des véhicules d’autres constructeurs.
En Europe, cette affaire n’a pas seulement porté atteinte à la confiance des consommateurs dans l’industrie automobile dans son ensemble, mais également à la crédibilité de l’action de l’Union européenne et de ses États membres en matière de lutte contre la pollution atmosphérique liée au transport routier.
Au-delà de la question du rappel des véhicules concernés, de l’éventuelle indemnisation de leurs propriétaires et des conséquences économiques pour le secteur automobile, c’est l’ensemble du système européen de contrôle des émissions polluantes qui se trouve mis en accusation. Une semaine avant que n’éclate le scandale, un rapport de l’ONG Transports&Environnement affirmait que, dans l’Union européenne, seul 1 véhicule diesel sur 10 est conforme aux normes européennes en vigueur, en raison de la différence entre les émissions mesurées en laboratoire et les émissions mesurées sur route.
C’est dans ce contexte que la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a adopté, le 13 janvier dernier, une proposition de résolution sur la révision des procédures de mesure des émissions de polluants atmosphériques automobiles, à l’initiative de sa présidente, Mme Danielle Auroi.
Les normes « Euro » ont été introduites par l’Union européenne à partir de 1988 pour les véhicules lourds, et à partir de 1991 pour les véhicules légers, afin de limiter les émissions de polluants liées aux transports routiers. Il s’agit de normes contraignantes pour les constructeurs, qui sont dans l’obligation de mettre sur le marché des véhicules moins polluants. Les normes Euro de 1 à 6 (pour les véhicules légers) et de I à VI (pour les véhicules lourds) ont progressivement durci les plafonds d’émissions acceptés. Depuis le 1er septembre 2015, tous les véhicules particuliers neufs immatriculés dans les États membres de l’UE doivent être conformes à la norme Euro 6.
Le dispositif des normes Euro prend en compte plusieurs types de polluants : les oxydes d’azote (NOx), le monoxyde de carbone (CO), les hydrocarbures (part des imbrûlés du carburant – HC), le dioxyde de carbone (CO2) et les particules fines. Les émissions de ces polluants par un modèle de véhicule sont mesurées à l’échappement en environnement contrôlé, et pas en usage réel.
Les règles actuelles sur la réception des véhicules à moteur sont définies par une directive de 2007 (1), qui a défini des prescriptions, harmonisées à l’échelle de l’Union européenne, pour permettre d’atteindre des objectifs communs en matière de sécurité et de protection de l’environnement. La directive couvre les véhicules à moteur pour le transport de passagers et pour le transport de marchandises, ainsi que leurs remorques, leurs systèmes et leurs composants. Elle a été complétée ensuite par plusieurs textes définissant des prescriptions techniques détaillées pour chaque type de véhicules, notamment par un règlement de 2007 du Parlement européen et du Conseil sur la réception des véhicules particuliers et utilitaires légers (2) et par des règlements d’exécution pris par la seule Commission européenne (3).
Avant de pouvoir être mis en circulation sur la voie publique dans l’Union européenne, tous les véhicules automobiles doivent être réceptionnés (ou homologués). Le système européen de réception par type, en application du principe de subsidiarité, répartit ainsi les rôles :
– l’Union européenne définit les limites d’émissions et les procédures de test ;
– chaque État membre s’assure de la mise en œuvre de ces tests et contrôle le respect de la législation relative à la réception ; en particulier, chaque État a la responsabilité d’établir et de mettre en œuvre des sanctions pour les infractions aux règles européennes (par exemple pour sanctionner la falsification des résultats des tests de réception).
Chaque constructeur automobile choisit librement dans quel État membre il souhaite procéder à la réception de son véhicule ; pour ce faire, il fournit à un service technique accrédité par un État membre au moins une dizaine de véhicules du modèle qu’il soumet à la procédure, pour qu’ils soient soumis à des tests relatifs aux exigences de sécurité (fonctionnement des freins, des lumières, crash tests…), des plafonds d’émissions polluantes et des exigences techniques en vigueur relatives aux composants (par exemple les sièges et les airbags).
Une fois que la réception est effectuée dans un État, le véhicule peut être commercialisé dans les 28 États de l’Union (reconnaissance mutuelle). Ainsi, un certificat de conformité délivré en France ou en Allemagne, par exemple, est valable dans toute l’Union européenne. Un effet pervers du système tient à ce qu’un constructeur cherchera à faire homologuer ses véhicules dans l’État où la procédure de réception est la moins chère et/ou la plus « souple ». Il n’y a pas de supervision ni d’arbitrage par un organe européen indépendant.
Le règlement de 2007 impose aux constructeurs de prouver que tous les véhicules diesel neufs vendus, immatriculés ou mis en service sont conformes aux normes en vigueur en matière d’émissions de polluants atmosphériques.
Ce règlement – élaboré par les co-législateurs que sont, d’une part, le Parlement européen, et d’autre part, les États membres (le Conseil) – confère à la Commission européenne une compétence « déléguée » ou compétence « d’exécution », qui lui permet d’apporter des modifications aux règles législatives dans le cadre d’une procédure dite de « comitologie » (examen des modifications par un comité technique composé de représentants de la Commission et de fonctionnaires représentant les administrations compétentes des États membres). C’est en vertu de cette compétence que la Commission européenne a défini, par un « règlement d’exécution » du 18 juillet 2008, les exigences techniques précises pour le contrôle des émissions de véhicules.
II. UNE RÉVISION DES TESTS EUROPÉENS ÉTAIT DÉJÀ ENGAGÉE AVANT QUE N’ÉCLATE LE « SCANDALE VOLKSWAGEN », ET A SUSCITÉ D’IMPORTANTES CONTROVERSES
Depuis 2011 au moins, la Commission européenne était informée de l’existence de différences significatives entre les émissions polluantes calculées dans le processus d’homologation standardisé et celles constatées en usage réel. En janvier 2011, la Commission a constitué un groupe de travail associant tous les acteurs intéressés afin de développer une procédure d’essai des émissions en conditions de conduite réelles (RDE : Real Driving Emissions, par opposition au cycle d’essai en laboratoire, appelé NEDC) reflétant mieux les émissions mesurées sur route.
En 2013, une évaluation, par la Commission européenne, de la mise en œuvre de la directive de 2007 a conclu que des différences d’interprétation et de rigueur dans l’application des prescriptions entre les États membres diminuent l’efficacité du dispositif.
Le groupe de travail constitué en 2011 n’est parvenu à des conclusions qu’au bout de quatre ans, ces conclusions (présentées pour partie en mai 2015 et pour partie en décembre 2015) proposant une redéfinition des protocoles de tests, visant à réduire le différentiel constaté entre émissions réelles et émissions mesurées en laboratoire. Cette révision, présentée par la Commission européenne avec le soutien des États membres, s’est trouvée doublement contestée par le Parlement européen. La nouvelle procédure proposée par la Commission, appelée « paquet RDE », comporte :
– de nouvelles conditions de mesure ;
– une phase transitoire : dans un premier temps (au 1er janvier 2016), les essais RDE seront utilisés à des fins de contrôle, et c’est seulement dans un second temps qu’ils seront appliqués à toutes les réceptions ;
– des seuils de tolérance de dépassement, appelés « facteurs de conformité ».
Le facteur de conformité
Aucun protocole d’essai, aussi élaboré soit-il, ne peut prendre en compte la totalité des variables qui peuvent influer sur les émissions d’un véhicule (style de conduite, profil de la route, température ambiante…). Le facteur de conformité est un coefficient mathématique correcteur à appliquer aux nouveaux tests en conditions réelles de conduite par rapport aux seuils fixés pour les tests existants réalisés en laboratoire.
Par exemple, choisir un facteur de conformité de 1,5 implique que l’on tolère une divergence de 50 % comme différentiel entre les émissions mesurées en laboratoire et les émissions mesurées en conditions réelles de conduite. Un facteur de conformité de 2,1 correspond à une divergence tolérée de 110 % au-dessus des résultats en laboratoire.
Les États membres, par l’intermédiaire de leurs experts membres du comité technique, ont fait pression sur la Commission européenne pour allonger la période transitoire et assouplir les dépassements tolérés, afin de laisser aux constructeurs automobiles plusieurs années pour se mettre en conformité avec les exigences des nouveaux tests. C’est pourquoi au Parlement européen – qui dispose d’un droit de veto sur les décisions prises en comitologie – plusieurs groupes parlementaires ont annoncé qu’ils s’opposeraient à l’application de ce « paquet RDE », et un vote en commission a eu lieu le 14 décembre 2015 pour rejeter la décision du comité technique. Mais en séance plénière, le 3 février, le Parlement européen a rejeté la motion tendant à mettre le veto sur cette décision.
Par conséquent, dans la mesure où ni le Conseil ni le Parlement européen n’ont utilisé leur droit de veto pour bloquer cette décision prise en comitologie, celle-ci va être mise en œuvre. La Commission européenne s’est toutefois engagée à utiliser la « clause de revoyure » prévue par ce « paquet RDE » pour que le comité technique réexamine chaque année le niveau des facteurs de conformité.
D’autre part, le Parlement européen, à l’initiative de députés appartenant à plusieurs groupes (essentiellement les groupes des Verts, des Libéraux et des Socialistes) a décidé de créer en son sein une commission d’enquête sur les violations des règles de l’Union européenne concernant les essais d’émissions et sur les défaillances présumées des États membres et de la Commission européenne. La création de cette commission d’enquête a été votée par le Parlement européen le 17 décembre 2015. (4)
Parallèlement aux travaux de cette commission d’enquête, les États membres et le Parlement européen vont engager des négociations sur un nouveau texte législatif, que vient de proposer la Commission européenne.
III. LA COMMISSION EUROPÉENNE VIENT DE PRÉSENTER UN NOUVEAU PROJET DE LÉGISLATION, POUR RÉFORMER ENTIÈREMENT LE DISPOSITIF D’HOMOLOGATION
Le 27 janvier 2016, la Commission a proposé une réforme complète de la législation européenne sur la réception des véhicules à moteur et la surveillance du marché, en présentant une proposition de règlement (5) qui, si elle devait être adoptée, abrogerait la directive de 2007 et modifierait substantiellement les règlements en vigueur.
Cette proposition législative vise principalement :
1° à transformer le mode de financement des services techniques qui procèdent aux tests d’homologation : ces organismes sont actuellement financés par les constructeurs automobiles, chaque constructeur payant une redevance pour que les tests soient effectués sur le modèle de véhicule qu’il souhaite faire homologuer ; ce système crée un risque de conflit d’intérêts, et amène à douter de l’indépendance de ces organismes.
Le texte proposé prévoit que les services techniques ne seront plus rémunérés directement par les constructeurs mais par l’État qui percevra une redevance versée par tous les constructeurs ;
2° à soumettre ces organismes à des audits réguliers et indépendants pour vérifier la qualité des essais ;
3° à renforcer les obligations d’information pesant sur les constructeurs, pour rendre plus efficace l’interdiction actuelle des « defeat devices » (dispositifs d’invalidation, tels que le logiciel incriminé du groupe Volkswagen, qui permettent d’outrepasser les limites d’émissions autorisées) ;
4° à organiser des contrôles par sondage, par les États membres et par la Commission européenne, sur les véhicules déjà commercialisés, pour compléter les contrôles effectués avant l’homologation ;
5° à donner à la Commission européenne des pouvoirs accrus, notamment le pouvoir de suspendre l’accréditation d’un service technique qui s’avérerait trop « laxiste » et le pouvoir d’imposer des sanctions financières lourdes aux constructeurs (jusqu’à 30 000 euros par véhicule).
La proposition est directement inspirée par le dispositif américain, dans lequel les amendes sont lourdes et donc très dissuasives.
Cette proposition de règlement sera complétée dans le courant de l’année 2016 par d’autres propositions législatives, notamment pour préciser les nouvelles modalités de financement préconisées pour les services techniques, et par un nouveau « paquet RDE » élaboré en comitologie, qui abordera la question de la transparence vis-à-vis des consommateurs.
Le 27 octobre 2015, la commission des affaires européennes de l’Assemblée a adopté des conclusions présentées par sa présidente, Mme Danielle Auroi, portant sur la première des deux décisions adoptées en « comitologie ». À cette occasion, la commission des affaires européennes a exprimé le souhait que le calendrier prévu pour la mise en œuvre de la nouvelle procédure RDE soit accéléré, et que les États membres effectuent des contrôles « ex post » de la conformité des véhicules une fois que ceux-ci sont en circulation.
Le 13 janvier 2016, la commission des affaires européennes, de nouveau à l’initiative de sa présidente, a examiné la deuxième décision issue de la procédure de comitologie, émettant de fortes réserves au sujet de cette décision. La proposition de résolution adoptée réitère l’importance de l’introduction d’essais en conditions de conduite réelles dans le processus d’homologation, mais exprime des doutes sur la pertinence des niveaux retenus pour les facteurs de conformité et regrette que la mise en œuvre effective des limites d’émissions de polluants atmosphériques définies en 2007 soit reportée.
Ce faisant, la commission des affaires européennes a souligné l’existence des problèmes considérables qui restent à résoudre, au niveau européen comme au niveau national, pour reconstruire la crédibilité qu’ont perdue les constructeurs automobiles et les procédures de contrôle, et pour assurer une meilleure protection des consommateurs européens et de tous les habitants de l’Union européenne exposés à la pollution atmosphérique provenant des véhicules.
Toutefois, il convient de prendre en compte les évolutions importantes qui se sont produites depuis la réunion de la commission des affaires européennes :
– le Parlement européen a finalement décidé de ne pas objecter contre le « paquet RDE » adopté par la Commission européenne et les représentants des administrations nationales en octobre-décembre 2015 ; par conséquent, ces mesures vont être mises en application, en permettant aux constructeurs automobiles d’adapter progressivement leurs modèles aux exigences en vigueur ;
– les enquêtes engagées dans de nombreux pays de l’Union européenne, notamment en France, et qui se poursuivent, ont révélé l’existence de dépassements des limites autorisées d’émissions par des véhicules d’autres constructeurs, sans que ces dépassements atteignent toutefois l’énormité de ceux constatés sur les voitures du groupe Volkswagen ;
– et surtout, la présentation par la Commission européenne d’un nouveau texte législatif ambitieux, sur lequel à ce stade les positions de négociation des différents États membres ne sont pas établies.
Le fait que le travail des colégislateurs sur ce texte va avoir lieu en même temps que les investigations du Parlement européen et – au premier semestre 2016 – sous présidence néerlandaise du Conseil pourrait, comme l’a indiqué Mme Danielle Auroi à votre Rapporteur, donner un rythme soutenu aux négociations entre États membres et aux négociations entre le Conseil et le Parlement européen.
Il sera difficile de trouver un équilibre satisfaisant entre la réponse aux enjeux industriels et économiques et la réponse aux enjeux environnementaux et sanitaires que devront apporter la nouvelle législation européenne.
Votre Rapporteur a proposé à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire d’adopter la proposition de résolution européenne présentée par Mme Danielle Auroi, en soulignant l’indispensable vigilance avec laquelle l’ensemble des parlementaires nationaux devront suivre les travaux législatifs européens à venir.
Glossaire
Certificat de conformité : document, dont le contenu est régi par les directives européennes, délivré par le constructeur afin de certifier qu’un véhicule appartenant à la série du type réceptionné satisfaisait à tous les actes réglementaires au moment de sa production.
« New European Driving Cycle » (NEDC) : cycle d’essai en laboratoire, en vigueur depuis 1973, qui ne reflète pas le comportement des véhicules dans des conditions de conduite réelle.
« Real Driving Emissions » (RDE) : protocole d’essais, qui complète les essais en laboratoire, permettant de mesurer les émissions sur route en conditions de conduite réelles grâce à des systèmes portables de mesure des émissions (Portable Emissions Measurement System - PMES) installés sur les véhicules.
Réception par type : acte par lequel un État membre certifie qu’un type de véhicule, de système ou de composant technique satisfait aux dispositions administratives et aux exigences techniques applicables.
Service technique : organisme ou entreprise désigné par l’autorité compétente en matière de réception d’un État membre comme laboratoire d’essai pour procéder à des essais, ou comme organisme d’évaluation de la conformité pour effectuer l’évaluation initiale et d’autres essais ou inspections ; certains États membres ont accrédité plusieurs organismes en tant que « services techniques », mais en France, un seul organisme a été accrédité par l’État : le laboratoire de l’UTAC (Union technique de l’automobile et du cycle) situé à Montlhéry ; les autorités britanniques disposent de leur propre laboratoire d’essai.
Lors de sa réunion du mardi 9 février 2016, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de M. Michel Lesage, la proposition de résolution européenne sur la révision des procédures de mesure des émissions de polluants atmosphériques automobiles (n° 3396).
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Notre commission examine pour la sixième fois une proposition de résolution européenne adoptée par la commission des affaires européennes. En application de l’article 151-6 du Règlement, nous disposons d’un mois pour nous prononcer ; c’est pourquoi nous avons proposé à M. Michel Lesage de remplir dès aujourd’hui les fonctions de rapporteur afin que nous examinions le texte dans les délais qui nous sont impartis. Le secrétariat a enregistré sept amendements dont cinq du rapporteur.
M. Michel Lesage, rapporteur. Nous disposons, en effet, d’un délai court pour traiter un sujet complexe et technique. Aussi me paraît-il important de vous rappeler le contexte dans lequel s’inscrit la présente proposition de résolution européenne (PPRE).
Le 18 septembre 2015, l’Agence fédérale américaine de protection de l’environnement a révélé que plus de 480 000 véhicules diesel de marque Volkswagen et Audi, vendus aux États-Unis, avaient été équipés d’un logiciel permettant de fausser les résultats des tests préalables à leur homologation en ce qui concerne les émissions d’oxyde d’azote (NOx). Ce mécanisme de fraude a également été installé sur plusieurs millions de véhicules vendus par le groupe Volkswagen dans le monde – plus de 8 millions au sein de l’Union européenne.
Des enquêtes judiciaires ont été ouvertes contre Volkswagen, non seulement aux États-Unis et en Allemagne, mais aussi en France, en Espagne, en Suède ou en Italie. Plusieurs États ont engagé des contrôles administratifs, comme en France, pour savoir si des véhicules d’autres constructeurs étaient concernés par de tels logiciels.
Cette affaire a porté atteinte à la confiance des consommateurs dans l’industrie automobile dans son ensemble, mais aussi à la crédibilité de l’action de l’Union européenne et de ses États membres en matière de lutte contre la pollution atmosphérique liée au transport routier. Le Parlement européen, c’est une avancée suffisamment importante et rare pour être soulignée, a créé en son sein une commission d’enquête sur les responsabilités de la Commission européenne et des États.
C’est l’ensemble du système européen de contrôle des émissions polluantes qui est mis en accusation en raison des différences entre les émissions mesurées en laboratoire et les émissions mesurées sur route.
Pour bien comprendre l’affaire, il faut savoir que le dispositif européen en vigueur est complexe, mais aussi qu’il est en cours de révision. Des éléments nouveaux sont, de ce fait, intervenus depuis l’examen de la présente proposition de résolution par la commission des affaires européennes, le 13 janvier dernier, à l’initiative de sa présidente Danielle Auroi.
Les seuils d’émissions polluantes, dits « normes Euro », ont été introduits au niveau européen à partir de 1988 pour les poids lourds et de 1991 pour les véhicules légers. Ces normes contraignantes pour les constructeurs ont évolué dans le sens d’un durcissement progressif, de « Euro 1 » à « Euro 6 » ; depuis 2015, c’est la norme Euro 6 qui prévaut. Notons qu’elles s’appliquent à plusieurs types de polluants.
Les émissions de polluants par un modèle d’automobile sont mesurées à l’échappement en environnement contrôlé, et non en usage réel – c’est là le problème –, lors de tests préalables à la commercialisation : c’est la procédure dite de « réception » ou « d’homologation ». Cette procédure est définie par une directive et un règlement de 2007. Avant de pouvoir être mis en circulation sur la voie publique en Europe, tous les véhicules automobiles doivent être homologués dans un État membre. Cette formalité accomplie, le modèle peut être commercialisé dans les vingt-huit États membres de l’Union. Il y a donc une répartition des rôles en vertu de laquelle l’Union européenne définit les limites d’émissions et les procédures de test, et chaque État membre doit s’assurer de la mise en œuvre de ces tests et contrôler le respect de la législation relative à l’homologation.
Chaque constructeur choisit librement dans quel État européen il va demander la réception de son modèle. Il fournit à un service technique accrédité par cet État une dizaine de véhicules de ce modèle pour qu’ils soient soumis à des tests. Pour des raisons d’implantation géographique des bureaux d’études des constructeurs, un grand nombre d’homologations sont délivrées par un petit nombre de pays : l’Allemagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni. Toutes les homologations nationales, d’un point de vue juridique, « se valent », mais certains considèrent que ce système peut receler un effet pervers : un constructeur pourra chercher à faire homologuer ses voitures dans un État où la procédure de réception est moins chère ou moins « sévère ».
Il n’y a pas de supervision ni d’arbitrage par un organisme européen ; c’est d’ailleurs l’objet de l’un des amendements. De plus, l’indépendance des services techniques accrédités au niveau national est aujourd’hui mise en doute puisque, pour effectuer ces tests, ces organismes sont rémunérés par les constructeurs.
Le règlement du 20 juin 2007 a conféré à la Commission européenne une compétence déléguée qui lui permet d’adopter des modifications aux règles dans le cadre d’une procédure dite de comitologie, c’est-à-dire par un comité technique composé de fonctionnaires représentant les administrations des États membres. La comitologie se caractérise par un très haut niveau de complexité technique et une grande opacité des négociations. Cependant, les actes ainsi élaborés peuvent être bloqués par le Conseil, à savoir les États membres représentés en général par leurs ministres, ou bien par le Parlement européen. Si l’un d’eux décide d’opposer son veto, l’acte adopté en comitologie sera annulé.
En janvier 2011, un groupe de travail européen a commencé à travailler sur une modification des procédures de tests, pour développer des essais en conditions de conduite réelles – la procédure Real Driving Emissions (RDE) – en complément des essais en laboratoire. Cette révision des protocoles de tests a été présentée par ce groupe de travail seulement quatre ans plus tard, en 2015. Sur cette base, la Commission européenne a soumis à la procédure de comitologie un « paquet » de mesures, dit « paquet RDE », qui comprend de nouvelles conditions de mesure des émissions, une phase transitoire pour que les essais RDE soient d’abord utilisés seulement pour des contrôles, et, pour finir, des seuils de tolérance de dépassement, que l’on appelle les « facteurs de conformité ».
Le contenu de ce « paquet » a suscité de vives critiques, notamment au sein du Parlement européen, dont de nombreux membres ont estimé que les États, par la voix de leurs experts du comité technique, avaient fait pression pour allonger la période transitoire et pour assouplir les dépassements tolérés. Néanmoins, le Parlement européen, qui avait envisagé, dans un premier temps, d’opposer son veto au « paquet RDE », a finalement décidé, en séance plénière, la semaine dernière, à une trentaine de voix près, de ne pas bloquer ces mesures. Et Mme Ségolène Royal, notre ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, a réagi de manière très critique à ce vote du 3 février, estimant qu’il n’allait pas dans la bonne direction et indiquant qu’elle-même s’était opposée au compromis arrêté par le comité technique européen.
Lorsque nos collègues de la commission des affaires européenne ont adopté la proposition de résolution, le 13 janvier dernier, le Parlement européen avait déjà décidé de créer sa commission d’enquête mais ne s’était pas encore prononcé sur l’utilisation ou non de son droit de veto sur le « paquet RDE ». Depuis cette date, outre ce vote, est intervenu un nouvel élément très important. Le 27 janvier, la Commission européenne, qui a l’initiative de proposer des textes législatifs au niveau européen, a présenté une proposition de règlement pour réformer profondément l’ensemble du dispositif d’homologation européen. Ce texte très ambitieux porte à la fois sur le mode de financement des services techniques, les audits, les obligations d’information, les contrôles par les États membres, notamment. Les négociations sur ce texte législatif n’ont pas encore commencé, mais elles vont s’engager au cours du premier semestre 2016 et probablement se poursuivre au-delà.
C’est donc dans ce contexte général que nos collègues de la commission des affaires européennes nous proposent d’adresser dès à présent au Gouvernement et aux institutions européennes la présente résolution, adoptée à l’unanimité le 13 janvier dernier.
Une mission d’information de l’Assemblée, présidée par Mme Sophie Rohfritsch et dont la rapporteure est Mme Delphine Batho, travaille actuellement sur l’offre automobile française. Sans préjuger du résultat de ses travaux, je vous propose d’adopter le présent texte – après avoir voté quelques amendements purement rédactionnels – pour montrer que les parlementaires français accordent la plus grande attention aux suites du scandale Volkswagen et resteront vigilants sur les avancées à accomplir, qu’il s’agisse de la rénovation des cycles d’essais, de la nécessité de procéder à ces essais en conditions réelles, des valeurs limites à respecter et des enjeux liés à la transparence de l’information dans le secteur de la construction automobile.
Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Après cet exposé très complet du rapporteur, je vous donnerai, pour ma part, les dernières « nouvelles du front », si je puis dire.
J’ai participé hier matin, à La Haye, à la réunion de la Conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l’Union des parlements de l’UE (COSAC) où l’on a réaffirmé que la question qui nous occupe ici était une des priorités de la présidence néerlandaise.
Ensuite, le rapporteur l’a rappelé, le Parlement européen, qui pouvait opposer son veto à la décision du comité technique des véhicules à moteur (CTVM), a décidé de n’en rien faire, même si les parlementaires européens ont été, comme moi, scandalisés par l’affaire Volkswagen. Or on a appris, depuis, que d’autres constructeurs, sans toutefois aller aussi loin dans la tricherie, n’étaient pas tout à fait blanc-bleu sur leur manière de procéder aux essais. J’ai été déçue de constater que la réaction initiale du Conseil des ministres et de la Commission n’a pas consisté à contraindre les constructeurs à se conformer aux normes en vigueur, mais plutôt à en relever les seuils afin de les adapter aux taux de pollution constatés, contribuant par-là à la dégradation de la santé de tous les consommateurs que nous sommes, et cela malgré la hausse du nombre de personnes affectées d’une maladie respiratoire dans les zones de pollution automobile.
J’ai néanmoins, comme le Parlement européen, voulu faire preuve de réalisme. C’est d’ailleurs pourquoi la proposition de résolution a été adoptée à l’unanimité par la commission des affaires européennes. Afin qu’il n’y ait pas de blocage, j’ai tenu compte de la décision de la Commission et du fait que, la présidence néerlandaise se montrant très allante sur la question, un trilogue allait s’instaurer entre le Conseil, la Commission et le Parlement européens afin qu’un accord soit trouvé. Dans le cadre de la procédure de codécision, le Parlement pouvait, en effet, bloquer les décisions du Conseil ou de la Commission. Ce trilogue peut se révéler positif et permettre à tout le monde de sortir de la situation par le haut, à travers la pratique d’essais plus transparents.
Une commission est, par ailleurs, amenée à revoir les facteurs de conformité dès 2017, tandis que la Commission européenne s’est engagée à les ramener, entre 2017 et 2023, à 1, ce qui serait très satisfaisant. C’est pourquoi la proposition de résolution qui vous est soumise est très balancée : elle invite la Commission européenne à appliquer le mieux possible la révision des procédures de mesure des émissions polluantes des automobiles. Une telle avancée permettra de mieux vendre les véhicules à l’étranger – vous avez pu constater que c’est aux États-Unis que Volkswagen s’est fait « taper », – mais aussi de mieux assurer leur conformité aux normes. J’ai trouvé les amendements intéressants, car ils permettraient plus de lisibilité encore.
M. Rémi Pauvros. La décision du Parlement européen de ne pas rejeter les propositions de la Commission n’est pas une bonne nouvelle, et elle est contraire à la volonté des eurodéputés socialistes français. Voilà qui renforce la nécessité de voter la présente proposition de résolution, d’autant qu’elle est équilibrée et modérée, ainsi que vient de le souligner Mme Danielle Auroi. Nous nous retrouvons en tout cas pleinement dans ses orientations.
Les contrôles techniques des véhicules automobiles ont été instaurés en 1973, et nous savons, eu égard à la suite des événements, que les essais en laboratoire n’étaient pas suffisants. Il a donc été décidé que les contrôles seraient effectués en conditions réelles à partir du 1er septembre 2017. Cette évolution est très importante, encore que les processus d’homologation, compétence décentralisée du ressort des États membres, peuvent poser problème. Tout constructeur est, en effet, libre de présenter son modèle à l’autorité d’homologation de son choix et les moyens de contrôle de la Commission européenne sont limités. Aussi l’évolution du dispositif d’homologation nous paraît-elle essentielle pour permettre enfin un contrôle tout à fait efficace.
En ce qui concerne l’aspect sanitaire de la question, 400 000 personnes sont affectées par cette pollution. La mission d’information sur l’offre automobile française apportera un éclairage supplémentaire sur le sujet. Quant aux marges de tolérance, la Commission européenne, en octobre dernier, a autorisé un dépassement de 110 % de la norme des émissions d’oxyde d’azote entre 2017 et 2019 et de 50 % à partir de 2020. Cette décision nous semble contraire aux idées originelles de l’Union européenne.
La délégation française du groupe socialiste au Parlement européen a soutenu la mise en cause du projet de règlement de la Commission, regrettant le manque de pertinence des niveaux retenus. Si le centre commun de recherche de la Commission conclut lui-même que la moyenne de la marge d’erreur est actuellement de 18,75 %, les taux dérogatoires retenus par la Commission européenne semblent disproportionnés.
Enfin, d’après les constructeurs automobiles, l’application des normes Euro 6 aura des répercussions importantes sur l’industrie automobile. Il est évident qu’il y a un temps indispensable d’adaptation technologique à prévoir, et c’est pourquoi il ne semble pas aberrant qu’un délai de mise en œuvre soit prévu. Toutefois, les constructeurs automobiles restent silencieux sur le délai dans lequel cette transition technologique et économique pourrait prendre fin. Une des difficultés est que les marges de tolérance prévues pour l’application des normes Euro 6 s’appliquent jusqu’à 2020, sans qu’une date ferme et définitive soit fixée. Comment, dès lors, évaluer les besoins techniques afin de mieux calculer les délais nécessaires et donc, éventuellement, de les modifier à l’occasion de la revoyure prévue ?
Je vous invite donc à voter la proposition de résolution qui adresse un message fort et vise à améliorer les dispositions européennes en vigueur.
M. Martial Saddier. Les députés du groupe Les Républicains, comme le reste de la représentation nationale, ont été choqués par l’utilisation de logiciels sciemment destinés à contourner la réglementation, et ils ont par conséquent condamné une telle pratique. Dans le même temps, il convient de constater que les constructeurs français, en la matière, n’ont pas été pris en défaut.
Nous souhaitons, par ailleurs, rappeler que les grands progrès technologiques concernant les émissions de polluants sont, pour certains, d’origine française. Le groupe PSA a mis au point les filtres à particules prévus par la norme Euro 5 ; les groupes Renault et PSA-Citroën ont chacun investi plus de 1 milliard d’euros pour mettre au point les moteurs de normes Euro 5 et Euro 6. Les débats en cours ne doivent donc pas masquer le fait que les constructeurs français ont su prendre leurs responsabilités au long des deux dernières décennies.
La proposition de résolution soumise à notre examen nous pose un problème de forme et un problème de fond.
La présidente Danielle Auroi a rappelé le calendrier précis et les engagements précis de la Commission européenne. Or le présent texte n’est-il pas de nature à contrarier les négociations européennes en cours et à venir ?
Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Au contraire !
M. Martial Saddier. Ensuite, sachant que le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée a créé une mission d’évaluation des politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air – j’en suis rapporteur avec un de nos collègues du groupe Écologiste –, sachant également que nous disposons d’un rapport provisoire de la Cour des comptes en la matière, le rapport définitif devant être rendu en septembre ou octobre, nous pensons que l’examen de la proposition de résolution est précipité.
En outre, sur le fond, le texte est incomplet puisqu’il évoque les polluants atmosphériques alors que le rapport intermédiaire de la Cour des comptes – et c’était l’objet des débats de la COP 21 –, montre très clairement qu’il ne faut désormais plus séparer les polluants atmosphériques du dioxyde de carbone (CO2). En effet, à chaque fois que l’on cherche à baisser le niveau des particules fines, cela a des conséquences, à la hausse ou à la baisse, sur ceux des NOx et du CO2. Or je rappelle que les constructeurs doivent, d’ici à 2020, faire en sorte que leurs véhicules n’émettent pas plus de 90 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre. La proposition de résolution est donc incomplète en la matière.
Notre opposition portant davantage sur la forme que sur le fond, nous hésitons, pour le moment, à voter le texte.
M. Stéphane Demilly. Une étude menée dans le cadre du programme Clean Air for Europe (CAFE) estime à 42 000 le nombre de décès prématurés, en France, en 2005, liés à l’exposition aux particules fines. À l’échelle de l’Europe, selon l’Agence européenne pour l’environnement, la pollution de l’air causerait plus de 430 000 décès par an. Au plan mondial, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) évalue ce chiffre à 7 millions de décès par an, soit trois fois le nombre d’habitants de la ville de Paris. Ces données font froid dans le dos, tout comme ces images qui nous viennent d’Inde ou de Chine où l’on distingue à peine les bâtiments derrière un épais brouillard de pollution – le fameux smog chinois qui provoquerait la mort de 4 000 personnes par jour.
Il est donc inacceptable, dans un tel contexte, de constater que certains constructeurs automobiles osent contourner les normes d’émissions de polluants, qui sont pourtant insuffisamment restrictives pour faire face aux enjeux humains que je viens de présenter. Tous les acteurs doivent donc se mobiliser et faire preuve d’une fermeté maximale. À cette fin, c’est aux échelons européen et international que des mesures doivent être prises.
En cela, c’est bien un cycle d’essais en conditions réelles de conduite qui doit déterminer l’obtention de l’homologation. À cet égard, peut-être est-il possible, monsieur le rapporteur, de faire évoluer la proposition de résolution sur deux points : au 2°, il faudrait remplacer le mot « significatif » par le mot « décisif » et, au 3°, ne pas « regretter » le « report indéterminé de la mise en œuvre effective des seuils limites d’émission de polluants atmosphériques définis en 2007 » mais, au contraire, exiger un calendrier précis d’action.
Toutefois, les outils que nous mettons en place, s’ils doivent être performants, sont à manier avec une grande précaution. Il serait désastreux pour notre industrie, pour les salariés du secteur automobile, qu’une suspicion de tricherie généralisée pèse sur les constructeurs. Les errements de certains ne doivent pas créer un climat qui aurait des conséquences économiques irréparables. Il est donc essentiel de faire preuve de clarté dans les procédures d’homologation, et il faut homogénéiser la politique des États membres de l’Union européenne.
Parallèlement, et pour conclure, j’appelle votre attention sur nos habitudes et sur la logique de nos sociétés : de 1995 à 2013, la longueur des routes françaises est passée de 962 000 kilomètres à 1,72 million de kilomètres, soit une progression de 11 %. Dans le même temps, la longueur des lignes ferroviaires exploitées a diminué de 6 %. En ce qui concerne plus précisément le transport intérieur terrestre de marchandises, la voie routière en représente 85 %, contre 9,4 % pour le ferroviaire et 2,3 % pour le fluvial.
Le travail de lutte contre les émissions polluantes doit donc s’accompagner d’une véritable politique en faveur du report modal, de la route vers des modes de circulation doux. L’exemple le plus emblématique en est le canal Seine-Nord Europe qui, après quelques années de mise en service, permettra un report de la route vers la voie d’eau équivalent à 500 000 poids lourds par an.
M. Denis Baupin. Je me réjouis de la PPRE qui nous est présentée et je remercie la présidente de la commission des affaires européennes et notre rapporteur pour leur travail de proposition. Il s’agit, en effet, moins de savoir qui a triché ou pas, même s’il faut porter un regard lucide sur la situation, que de chercher comment sortir de cette situation. Un choc de transparence et de confiance doit se produire pour les consommateurs, non seulement au regard de la pollution, puisque la principale conséquence de cette affaire c’est que la qualité de l’air est moins bonne qu’elle ne devrait, mais aussi en termes de pouvoir d’achat, parce que les écarts de consommation constatés entre les tests d’homologation d’un véhicule et son utilisation en conditions réelles sont extrêmement importants – de l’ordre de 40 %. Nos concitoyens perdent plusieurs centaines d’euros par rapport à ce qu’ils devraient dépenser si leur véhicule respectait les normes affichées au moment de l’achat.
Nous ne sommes pas restés inactifs. La mission d’information sur l’offre automobile française, placée sous la présidence de Mme Sophie Rohfritsch et dont la rapporteure est Mme Delphine Batho, auditionne en ce moment même les représentants du groupe Volkswagen. M. Martial Saddier a évoqué la mission au terme de laquelle il remettra, avec M. Jean-Louis Roumégas, un rapport sur la qualité de l’air. Moi-même, je suis membre de la commission mise en place par Mme Ségolène Royal, qui réalise un travail sur les tests, qu’on peut qualifier de remarquable, y compris en matière de transparence. Un constructeur a même été perquisitionné par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ce qui montre bien, en tout cas, que les constructeurs français n’auront bénéficié d’aucun passe-droit. Nous avons en effet constaté pour un certain nombre de constructeurs – le cas du groupe Renault est loin d’être isolé – des dépassements d’émissions bien plus importants que ne le laissait prévoir « l’optimisation ».
Je ne reviendrai pas sur les regrets que nos collègues viennent d’exprimer sur le vote du Parlement européen, qui valide de fait la possibilité, pour les constructeurs automobiles, de déroger à des normes européennes, alors même que l’on essaie enfin de mettre en place des tests vraiment représentatifs. Ainsi ajoute-t-on encore du flou. Il ne s’agit pas de ne pas donner du temps aux constructeurs pour s’adapter. Chacun voit bien qu’on ne peut pas changer un outil industriel du jour au lendemain, même si ce n’est que sous la contrainte de règles que les constructeurs ont progressivement amélioré leurs véhicules ; ils ne l’ont jamais fait spontanément ni de gaîté de cœur. Le rôle des pouvoirs publics est donc d’établir des règles mais aussi de donner une certaine visibilité à ceux qu’elles régissent.
La présente proposition de résolution permettra d’affirmer que l’Assemblée nationale entend accompagner la Commission européenne et le Parlement européen pour faire en sorte que, demain, on ne soit pas obligé de choisir entre respirer et conduire.
M. Patrice Carvalho. On ne peut qu’être favorable à la proposition de résolution : elle va dans le sens de l’histoire. Cela étant, l’Europe ne joue pas le jeu, fait des marches arrière et mène des politiques d’adaptation plutôt que des politiques à même de faire en sorte que nos enfants et nos petits enfants aient un avenir sur notre terre.
Je rappelle que les moteurs automobiles ne sont pas la seule source des particules et si nous ne travaillons que sur cet aspect, la situation actuelle perdurera. L’aviation est également un très grand pollueur dont on ne parle jamais. Enfin, ce n’est pas demain qu’on empêchera les camions en provenance de toute l’Europe, voire de plus loin, de venir sillonner notre pays avec des moteurs qui ne sont pas des plus performants. Pour utiliser régulièrement l’autoroute du Nord, je peux vous assurer que quand on suit un camion, on n’a qu’une envie, c’est de le doubler.
Cette situation continuera, car nous avons misé sur le tout-routier tandis que l’utilisation des chemins de fer et des voies d’eau tend à se réduire. On a évoqué le canal Seine-Nord Europe, certes, encore faut-il que les industriels acceptent d’acheminer par voie d’eau des produits qu’ils ne transportent que par camion – je pense à une exploitation de sable de ma circonscription, qui extrait le matériau à un bout de la rivière et l’envoie à l’autre bout par camion.
Enfin, il aussi faut penser à l’avenir de nos constructeurs automobiles dont, en France, nous sommes fiers.
M. Martial Saddier. Très juste !
M. Christophe Bouillon. Je salue, à mon tour, l’initiative de Mme Danielle Auroi et le travail de notre rapporteur Michel Lesage. La proposition de résolution va, en effet, dans le bon sens et complète les travaux précédemment évoqués, notamment ceux de la commission constituée par Mme Ségolène Royal et dont je suis également membre, auxquels j’ajouterai le rapport réalisé par M. Denis Baupin et Mme Fabienne Keller sur la voiture du futur. La représentation nationale s’est emparée de ce sujet car il y a urgence, et l’on constate les dégâts sanitaires provoqués par la pollution atmosphérique. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte comporte également des dispositions visant à répondre à un certain nombre d’enjeux très actuels.
En même temps, et c’est à l’honneur du présent texte et des travaux cités par les uns et les autres, il ne s’agit pas de faire le procès des constructeurs, mais plutôt de les accompagner vers la voiture du futur dont on imagine qu’elle sera propre, connectée, partagée, autonome. Or ce qui aide les constructeurs, c’est qu’on leur fixe des objectifs qui ne soient pas remis en cause et donc qu’on les laisse jouer la carte de l’innovation et des nouvelles technologies permettant une meilleure capture des particules et de réduire les émissions de dioxyde de carbone. C’est pourquoi il ne faut surtout pas mener une politique de stop-and-go, à l’instar du Parlement européen qui vient de donner un mauvais signal. Aider les constructeurs, c’est aussi rétablir la confiance, d’où l’intérêt de la création d’une commission d’enquête sur l’affaire Volkswagen.
La proposition de résolution est donc à la fois une réponse aux consommateurs, aux citoyens et permet de maintenir nos exigences.
M. Guillaume Chevrollier. Comme vous tous, je partage le souci d’offrir une meilleure qualité de l’air à nos concitoyens ; comme vous, j’ai été scandalisé par la tromperie organisée par Volkswagen et qui a créé un climat de suspicion préjudiciable à tout le secteur automobile. Nous n’en devons pas moins faire preuve de réalisme et de mesure. Les limites proposées par les instances européennes sont inatteignables et le calendrier proposé ne pourra être respecté. Certes, il faut réduire les émissions polluantes des voitures, encore faut-il que les engagements fixés soient réalistes, notamment en matière de process industriels, si l’on veut qu’ils soient appliqués et si l’on veut éviter de nouvelles fraudes.
M. Yannick Favennec. La construction automobile est une industrie majeure en France, et les constructeurs travaillent depuis déjà plusieurs années à limiter les émissions de CO2 et de particules fines. Le système de post-traitement Blue HDI de PSA est aujourd’hui reconnu par l’ensemble de la profession et des observateurs comme étant le plus performant. Cette solution unique, lancée fin 2013, bien avant la réglementation en vigueur, a été progressivement généralisée sur les véhicules diesel du groupe. Ce dernier a également annoncé, en novembre, un partenariat pour mesurer et officialiser les données de consommation en usage réel d’ici au printemps 2016 puis les niveaux d’émission de polluants des véhicules particuliers, pour les véhicules Euro 6-2 notamment, au printemps 2017.
L’adoption de nouvelles réglementations pour les tests d’homologation en conditions réelles de circulation est une excellente chose pour le contrôle des émissions de polluants atmosphériques au sein de l’Union européenne. D’ailleurs, tous les constructeurs européens ont fait part de leur soutien à l’introduction, dès septembre 2017, de la nouvelle procédure WLTP et des tests RDE. Cependant, ils ne cachent pas que les exigences nouvelles de ces tests réels représentent un défi important pour l’industrie automobile, mais ils se disent prêts à les relever. Si une politique stricte en matière d’émission de polluants atmosphériques doit être soutenue, les constructeurs automobiles ne doivent pas pour autant subir un climat de suspicion. Pour ma part, j’estime qu’il est nécessaire de privilégier un accompagnement afin de leur permettre de s’adapter à ces exigences dans les meilleures conditions pour l’avenir de notre industrie automobile et pour l’emploi.
M. Laurent Furst. Il n’existe pas d’outil statistique européen pour les données générales – on agrège les données nationales alors que celles-ci ne comptabilisent pas tous les éléments de la même manière –, ni d’outils techniques communs. Un outil statistique commun me semble pourtant essentiel pour un marché commun. La consommation annoncée des véhicules est aujourd’hui très loin de la consommation réelle que constatent les consommateurs ; elle peut être annoncée de manière différente selon les États.
L’industrie automobile est l’une celles qui, depuis trente ans, fait le plus l’objet de normes et a le plus évolué. L’accident de parcours qui vient de se produire ne doit pas empêcher cette industrie, par sa mise au pilori, de continuer à progresser vers encore plus de sécurité pour les utilisateurs, moins de pollution et moins de consommation.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Les constructeurs automobiles ont besoin des bons signaux et surtout de constance. (Approbations)
M. Jean-Pierre Vigier. À la suite de l’affaire Volkswagen, la Commission européenne a procédé à une redéfinition des protocoles de test pour réduire notamment la différence entre les émissions réelles et celles constatées en laboratoire. Cette révision définit les niveaux intermédiaires auxquels les constructeurs devront se conformer pour atteindre le plafond d’émissions de polluants autorisé. Elle prévoit aussi que les plafonds limites d’émissions de NOx de la norme Euro 6 seront mis en place en deux étapes, avec l’usage de marges de tolérance appelées « facteurs de conformité ».
La proposition de résolution regrette, par deux fois, un temps trop long pour la mise en œuvre de ces mesures : celles relatives aux limites d’émission de polluants atmosphériques définies en 2007 et celles relatives à la définition des facteurs de conformité. Ne pensez-vous pas qu’il faille garder à l’esprit le principe de réalité, à savoir que les normes européennes qui s’imposent à nos industries automobiles restent réalistes et atteignables, afin d’être efficientes ?
M. Yves Nicolin. Cette proposition de résolution intervient alors que nos constructeurs n’ont pas été pris, comme le constructeur allemand, « la main dans le pot de confiture ». Autant le coupable avéré mérite des sanctions, autant cette initiative jette, me semble-t-il, l’opprobre sur des constructeurs nationaux qui ne sont pas impliqués dans le scandale. C’est pourquoi je ne souhaite pas voter cette proposition.
Nous avons tous conscience qu’il faut améliorer la qualité de l’air, mais nous parlons beaucoup des problèmes de pollution sous l’aspect des transports, alors que cette pollution ne représente que 23 % de la pollution mondiale, et, parmi ces 23 %, l’automobile n’en représente que 10 %. Le reste provient de l’industrie, à hauteur de plus de 30 %, ou encore des résidences, également à hauteur de 30 %. Nous devrions employer la même ardeur à combattre ces pollutions que la pollution par les automobiles, qui représentent énormément d’activité économique et d’emplois, et jouent par conséquent un rôle social important. De mon point de vue, cette proposition de résolution n’est pas un très bon signal adressé à nos constructeurs nationaux.
M. le rapporteur. Cette proposition de résolution n’a pas vocation à traiter tous les problèmes de pollution atmosphérique ; elle ne traite que de la pollution des véhicules automobiles, à la suite du scandale Volkswagen de 2015, en se gardant de toute généralisation.
Elle ne tient compte, par ailleurs, que des polluants atmosphériques, et non du CO2 ni d’autres polluants. C’est le choix de la commission des affaires européennes au départ. Cela ne signifie pas que ces autres sources de pollution n’existent pas, mais le fait que nous ne traitions pas tout n’est pas une raison suffisante pour ne pas accepter ce texte.
Celui-ci s’inscrit dans le cadre de nouveaux outils. L’actualité européenne récente, et en particulier les propositions de la Commission européenne du 27 janvier, devraient permettre des évolutions importantes, sur les contrôles, le financement, la transparence. Cette résolution a pour but de nous conduire à être vigilants sur ces grands objectifs, afin que la confiance soit rétablie.
Si l’automobile ne génère que 10 % de la pollution atmosphérique, le phénomène est très concentré en milieu urbain. Certaines villes ont même déjà pris des mesures pour réduire cette pollution. Il faut donc concilier à la fois des objectifs ambitieux en matière de qualité de l’air et de santé publique et le réalisme eu égard aux contraintes des constructeurs et aux délais nécessaires. C’est pourquoi cette proposition de résolution reste, de manière volontaire, suffisamment floue ; notamment, elle ne présente pas d’objectifs chiffrés. Nous devons accompagner les efforts déployés au niveau européen, ne plus tolérer ce que nous avons connu avec Volkswagen, et faire en sorte que les chiffres annoncés ne soient pas en décalage avec la réalité.
Article unique
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CD1 à CD5 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement CD6 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Cet amendement vise à élargir cette proposition de résolution à un sujet en débat parmi les propositions de la Commission européenne, à savoir le possible dumping entre agences d’homologation d’un pays à l’autre.
Dans la commission mise en place par Mme Ségolène Royal, nous travaillons avec l’Union technique de l’automobile, du motocycle et du cycle (UTAC), qui réalise un travail exemplaire de développement de tests alternatifs pour détecter les trucages. Ils ne cachent pas, à mots couverts, que certains constructeurs – on ne parle pas des constructeurs français – peuvent être tentés de recourir aux instances d’homologation les moins contraignantes. Cela crée un risque de dumping et donc un problème de qualité de l’homologation des véhicules.
Cet amendement recommande la mise en place au niveau européen d’un mécanisme capable d’habiliter ou de retirer l’habilitation de ces instances d’homologation en fonction de contrôles de qualité, voire de sanctionner les manquements. Un système décentralisé n’est pas, a priori, un problème en soi, à condition que ça ne se traduise pas par de l’irresponsabilité de la part des uns ou des autres.
M. Laurent Furst. Cela va dans le sens que j’ai exprimé. Nous avons besoin d’une harmonisation de l’homologation en Europe. J’ai avancé l’idée d’un outil européen d’harmonisation, mais harmoniser les évaluateurs est une manière économique et intelligente de procéder.
M. Martial Saddier. Cet amendement est un exemple typique de ce qui, depuis vingt ans, nous conduit droit dans le mur, par l’illisibilité, pour nos concitoyens, des responsabilités respectives des États et de l’Europe. M. Denis Baupin nous propose de créer une agence qui contrôlerait les agences qui contrôlent. Non ! Soit l’Europe est la seule à contrôler la qualité des rejets des moteurs, soit les États membres le font.
Sachons tirer parti, pour l’air, de ce que nous avons fait en matière de qualité de l’eau : ce sont les constructeurs des stations d’épuration, par l’autocontrôle, qui engagent leur responsabilité sur la qualité des rejets ; l’État et les collectivités territoriales, par des contrôles ponctuels, vérifient que les engagements sont respectés.
M. Rémi Pauvros. Ce qui me gêne, dans cet amendement, c’est qu’il évoque, à titre d’exemple, la création d’une agence, qui ne me paraît pas nécessaire à l’harmonisation souhaitée entre les différents pays. Nous pourrions adopter l’amendement sans cette référence à une agence supplémentaire.
M. le rapporteur. Autant je suis d’accord avec la première partie de cet amendement, autant il est permis de douter qu’une agence européenne de supervision soit la bonne réponse. Les agences européennes sont déjà nombreuses. Certaines propositions de la Commission européenne de fin janvier vont d’ailleurs dans le sens souhaité par M. Denis Baupin : un forum des autorités d’homologation – est-ce suffisant ? –, le pouvoir pour ces autorités de conduire des essais par elles-mêmes, le retrait d’homologations par la Commission européenne…
D’autres pistes que la création d’une nouvelle autorité indépendante étant en discussion, il paraît prématuré d’adopter cette proposition. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.
M. Denis Baupin. Si j’écris « par exemple », c’est que je ne suis pas certain que ce soit la meilleure solution. D’autres dispositifs peuvent permettre d’obtenir le même résultat. Je n’ai aucun problème avec la proposition de M. Rémi Pauvros.
Nous avons actuellement, monsieur Martial Saddier, un déficit de contrôle. Nos concitoyens ne savent plus à qui ils peuvent faire confiance. Dans de tels moments, il peut être utile d’en faire un peu trop pour rassurer les gens, quitte, une fois que les choses ont été remises sur les rails, à supprimer des dispositifs trop lourds.
M. Laurent Furst. On compte plus de 40 millions de véhicules en France, et plus de 300 millions en Europe, le tout produit par une quinzaine de constructeurs. Nous avons besoin de la même norme partout pour qu’il existe sur ce marché une information fiable du nord au sud de l’Europe. Cela passe par une organisation infaillible du contrôle et de l’évaluation, et donc, puisqu’il est permis de réaliser cette évaluation dans chaque pays, par un contrôle et une habilitation des « habilitateurs ». C’est dans l’intérêt du marché et de la population.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vais donc vous proposer de mettre aux voix l’amendement CD6 ainsi rectifié : « Après l’alinéa 28, insérer l’alinéa suivant : 5 bis. Appelle à la mise en place de mécanismes de contrôle européens garantissant un même niveau d’exigence dans tous les États membres. »
La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CD7 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. L’idée de cet amendement m’est venue au cours des travaux conduits avec Mme Fabienne Keller pour notre rapport. Nous avons organisé, il y a un mois et demi, une table ronde sur le scandale Volkswagen, au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Une sociologue a présenté une analyse très intéressante de ce que sont les normes, en soulignant que celles-ci remplissaient trois fonctions différentes : santé publique, homologation, information du public. Or, les tests tels qu’ils sont pratiqués aujourd’hui n’étant pas fiables, utiliser ces résultats pour informer le public sur la qualité et la performance des véhicules n’est pas informer correctement nos concitoyens. L’amendement prévoit, par conséquent, de recommander que les résultats de bancs d’essai, non représentatifs, ne puissent servir comme arguments de vente tant que des tests pertinents ne seront pas disponibles.
M. le rapporteur. Je partage l’objectif que le consommateur dispose d’une information complète et fiable sur les niveaux de consommation et de pollution des véhicules, mais l’expression « dans des conditions connues comme non représentatives » n’est pas claire.
M. Denis Baupin. Ces conditions sont connues comme étant non représentatives puisqu’il existe un consensus pour les changer. Pour plus de clarté, on peut écrire : « dans des conditions connues comme non représentatives du fonctionnement normal des véhicules ».
M. Guy Bailliart. La rédaction de l’amendement me semble très imprécise, et l’ajout que vient de proposer M. Denis Baupin, « du fonctionnement normal des véhicules », implique que l’on sache ce qu’est ce fonctionnement normal. Je suis plutôt pour demander des normes communes à tous les pays européens correspondant à une utilisation normale de la voiture.
M. Martial Saddier. Je connais bien ces sujets, qui sont en discussion permanente au Conseil national de l’air. La difficulté de sortir des tests théoriques tient à l’impossibilité de trouver un endroit où tous les véhicules puissent être testés dans les mêmes conditions d’hygrométrie, de température, de vent, etc. ; la liste des conditions est longue. Le problème est loin d’être simple. Il est même d’une telle complexité que la Commission européenne et les constructeurs ont besoin de temps pour trouver un nouveau dispositif. Interdire toute publicité pendant ce temps pose problème, et notre groupe ne votera pas cet amendement.
M. Laurent Furst. J’étais très favorable au précédent amendement de M. Denis Baupin mais je suis très défavorable à celui-ci. La base de l’évaluation, aujourd’hui, est mauvaise mais à peu près commune ; elle ne correspond pas à la réalité mais elle n’est pas fausse dans la comparaison de véhicule à véhicule.
M. Denis Baupin. Nous n’en savons rien !
M. Laurent Furst. Ne pas autoriser les constructeurs à communiquer sur cette base signifie sortir la consommation des véhicules du champ de communication, alors que cette communication permet des choix moins polluants. Tant qu’un nouveau système n’a pas été trouvé, il vaut donc mieux laisser les constructeurs communiquer sur ce point, même si l’impératif reste, en effet, de parvenir à une base commune européenne.
M. Rémi Pauvros. Je m’interroge sur l’opportunité de cet amendement. La proposition de résolution est un texte cohérent portant sur la révision des procédures de mesure des émissions. L’amendement concerne le droit des consommateurs, allant jusqu’à évoquer la possibilité de publicité mensongère. Il est certainement nécessaire d’améliorer l’information du consommateur sur l’automobile, mais cela concerne tout un secteur économique et je propose à notre collègue de réserver sa proposition pour d’autres textes, afin de conserver la cohérence de la proposition de résolution.
M. Patrice Carvalho. Cette mesure risque d’être contreproductive dans la mesure où la France est assez bien placée dans ce domaine. Celui qui, aujourd’hui, décide, comme Volkswagen, de faire des choses anormales, prend de gros risques ; les médias et les associations de consommateurs sont assez forts. Par ailleurs, les comparaisons fiables sont très compliquées : il faudrait une machine qui génère des situations identiques pour chaque test, mais les situations ne sont pas les mêmes quand les expérimentations sont conduites par des humains.
M. le rapporteur. Une information fiable du consommateur est un véritable enjeu. Nous savons que les tests se font actuellement en laboratoire et notre objectif est d’avoir des tests en réel. Comme ce n’est pas encore le cas, il est difficile d’interdire l’information sur les seules données dont disposent les constructeurs, à savoir les résultats des tests en laboratoire.
J’invite M. Denis Baupin à retirer son amendement, qui ne correspond pas à la philosophie générale du texte, sachant par ailleurs que la Commission européenne travaille à un calendrier pour la mise en place de tests en réel.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur Denis Baupin, que décidez-vous ?
M. Denis Baupin. Nous savons tous que ce qui est dit au consommateur n’est pas représentatif de la réalité. Les tests indépendants de la presse automobile montrent des résultats très différents des chiffres affichés par les constructeurs à la vente. L’Automobile Magazine, par exemple, a conduit une batterie de tests sur un millier de véhicules, et le résultat donne 40 % d’écart en moyenne, et même 60 % pour les véhicules Euro 6. Pouvons-nous, en tant que parlementaires, fermer les yeux sur ce problème, quand la presse automobile a le courage de dire les choses ?
Je n’ai pas parlé de publicité mensongère ; je ne cherche pas à mettre au jour une volonté de tromper, et, de fait, cette communication est légale. Mais quand la légalité conduit à une situation qui peut s’apparenter, du point de vue des consommateurs, à une forme de tromperie, cela pose question.
C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement. Mais, s’il ne peut qu’être rejeté, je le retire, car je ne souhaite pas qu’un vote négatif laisse entendre que l’Assemblée nationale souhaiterait cacher l’information aux consommateurs. Nous ne pourrons toutefois pas ignorer le sujet ; si les citoyens ne peuvent faire confiance aux constructeurs, j’aimerais qu’ils puissent faire confiance aux politiques pour les protéger.
L’amendement est alors retiré.
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La Commission adopte alors l’article unique de la proposition de résolution ainsi modifié, trois députés du groupe Les Républicains s’abstenant et deux du même groupe votant contre.
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