N° 3511
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 février 2016
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l’approbation de l’accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.
PAR Mme Chantal GUITTET
Députée
——
ET
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir les numéros :
Sénat : 794 (2013-2014), 25, 26 et T.A. 10 (2015-2016).
Assemblée nationale : 3147.
INTRODUCTION 5
I. LE PROBLÈME DE LA PÊCHE ILLICITE 7
II. LES INSTRUMENTS ACTUELS DE LUTTE CONTRE LA PÊCHE ILLICITE 9
A. MESURES DE PROTECTION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES 9
B. LE PLAN D'ACTION INTERNATIONAL DE 2001 9
C. LA NÉCESSITÉ D’UN CONTRÔLE PAR L’ÉTAT DU PORT 11
D. LE RÈGLEMENT EUROPÉEN DU 29 SEPTEMBRE 2008 11
III. LE CONTENU DE L’ACCORD 13
A. DISPOSITIONS GÉNÉRALES 13
B. USAGE DES PORTS 14
C. INSPECTIONS ET ACTIONS DE SUIVI 15
D. RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT DU PAVILLON 15
E. BESOINS DES ÉTATS EN DÉVELOPPEMENT 16
F. DISPOSITIONS FINALES 16
CONCLUSION 17
EXAMEN EN COMMISSION 19
ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 21
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 23
Mesdames, Messieurs,
Le texte dont nous sommes aujourd’hui saisis vise à autoriser la ratification de l'accord relatif aux mesures du ressort de l'État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.
Cet accord vise à poursuivre et à renforcer la lutte contre les activités de pêche illicite, non déclarée et non réglementée, dite « pêche INN ». À cette fin, il vise à mettre en place une norme mondiale minimale en matière de « mesures de l’État du port », c’est-à-dire l’ensemble de mesures prises par l’État sur le territoire duquel se trouve le port que les navires pratiquant la pêche INN sont susceptibles d’utiliser dans le cadre de leur activité.
Les mesures de l’État du port sont complémentaires de celles de l’État du pavillon et l’instauration d’une norme contraignante minimale dans ce domaine est une étape indispensable vers la mise en place d’un système de lutte global et efficace contre la pêche INN. Elles consistent en une série d’obligations en matière de suivi des navires, de contrôle des autorisations dont ils bénéficient, de contrôle de leur activité au moyen d’inspections, de transmissions d’informations entre États et de sanctions.
Cet accord s’inscrit dans le prolongement d’un travail effectué par la communauté internationale dans le cadre de l’Organisation des Nations unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO) depuis un peu plus de vingt ans afin de mettre en place une lutte globale contre un phénomène dont les effets sont dévastateurs à la fois pour l’environnement et pour la sécurité alimentaire des populations de certaines régions côtières.
La pêche illicite, non déclarée et non réglementée a toujours existé. Il est cependant devenu de plus en plus difficile d’ignorer ce phénomène à mesure que la croissance démographique mondiale a accru les besoins alimentaires d’une part, et que les moyens dont disposent les activités de pêche ont pris un caractère industriel d’autre part.
La pêche illicite, non déclarée et non réglementée peut prendre plusieurs formes. Il peut s’agir d’activités de pêche non autorisée ayant lieu dans des zones particulières : eaux sous juridiction nationale, zones couvertes par des organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) ou zones protégées.
Il peut également s’agir d’activités de pêche ayant lieu dans n’importe quelle zone mais faisant usage d’engins de pêche prohibés, visant par tout moyen à la capture d’individus trop jeunes ou d’espèces protégées. Il peut enfin s’agir tout simplement d’activités de pêche non déclarées.
Du fait de l’importance des moyens aujourd’hui susceptibles d’être employés pour la pêche INN, cette dernière tend à priver d’une partie de leurs ressources halieutiques des régions côtières qui ne peuvent s’en passer, soit parce que leur économie repose principalement sur la pêche, soit dans certains cas parce qu’elles sont indispensables à leur subsistance. La pêche INN menace ainsi l’emploi et les moyens de subsistance de plusieurs millions de personnes dans le monde, voire leur sécurité alimentaire. Elle contribue ainsi à la déstabilisation des régions côtières fragiles.
Dans le cas de la pêche en haute mer, la pêche INN empêche ou menace la gestion et l’exploitation durable des ressources halieutiques, avec le risque d’épuisement des stocks de poissons et de détérioration des écosystèmes.
Du fait de son caractère non réglementé, la pêche INN est par ailleurs généralement associée à des conditions de travail particulièrement pénibles et une quasi absence de mesures de sécurité. Enfin, du fait de son caractère souvent clandestin, cette activité est fréquemment associée à d’autres activités illégales telles que le trafic de drogue et la traite des êtres humains.
Mesurer l’ampleur d’une activité clandestine est par définition difficile et la pêche INN n’échappe pas à la règle. À mesure que les États ont pris conscience du problème qu’elle posait et se sont efforcés de la limiter, les opérateurs de pêche INN ont fait usage de divers moyens pour échapper à la détection, notamment en passant fréquemment d’une zone de pêche à une autre ou en changeant le nom ou l’État de pavillon des navires.
L’estimation de l’ampleur globale de la pêche INN ne peut être, par conséquent, que très approximative. Une étude publiée en 2009 (1) estimait le chiffre d’affaire global de la pêche INN entre 10 et 23,5 milliards de dollars US par an, représentant entre 11 et 26 millions de tonnes de poissons. Faisant la synthèse de plusieurs études locales, cette étude décèle également une corrélation entre l’ampleur de la pêche INN dans une région et le niveau de développement du pays concerné.
La lutte contre la pêche clandestine demande en effet à la fois des moyens matériels importants, des renseignements permettant de suivre la trace des navires impliqués dans cette activité et une forte coordination internationale. Ce dernier point est essentiel puisqu’une partie importante de l’activité de pêche INN se déroule hors des eaux territoriales des États, dont la responsabilité se trouve dès lors plus difficile à engager.
C’est pour cette raison que la lutte contre la pêche INN n’a pu être efficacement entreprise que dans un cadre multilatéral.
La notion de pêche INN a fait son apparition sur le plan juridique en 1993. À la suite des engagements pris par les États en 1992, lors de la Conférence internationale de Cancún sur la pêche responsable et de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement de Rio de Janeiro, plusieurs instruments internationaux non contraignants ont été adoptés en matière de protection des ressources halieutiques :
– l'Accord visant à promouvoir le respect par les navires pêchant en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion adopté en 1993 dans le cadre de la FAO ;
– l'Accord sur les stocks chevauchants et les poissons grands migrateurs adopté par les Nations Unies en 1995 (2) ;
– le Code de conduite pour une pêche responsable adopté en 1995 sous l'égide de la FAO.
En complément de ces instruments de portée générale, il est apparu nécessaire d'élaborer des outils dédiés spécifiquement à la lutte contre la pêche INN. Les travaux menés sur ce thème dans le cadre de l'OAA/FAO ont tout d'abord conduit à l'adoption, en 2001, du Plan d'action international visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.
Cet instrument non contraignant, qui s'inscrit dans le prolongement du Code de conduite pour une pêche responsable de 1995, pose les éléments d'une définition de la pêche INN. Il encourage les États ainsi que les organisations internationales compétentes à mettre en œuvre diverses mesures destinées à lutter contre la pêche INN.
Le plan d’action vise à encourager la participation et la coordination entre les États, par le biais des organisations régionales de gestion des pêches, de la FAO, de l'industrie hauturière, des communautés de pêcheurs locaux et des ONG, dans le but d’assurer la conservation et l’utilisation durable des stocks de poissons ainsi que la protection de l'environnement marin.
Selon l’approche systématique et intégrée retenue par le PAI, l’ensemble des mesures de lutte contre la pêche INN doit porter sur tous les facteurs intéressant les pêches. Les États doivent ainsi prendre des mesures s’appuyant sur le principe de la responsabilité première de l’État du pavillon, compte tenu des pouvoirs dont ils disposent au titre des mesures relevant de l’État du port ou de l’État côtier, ainsi que des mesures à caractère commercial.
Les États du pavillon doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que leurs ressortissants ne soutiennent ni ne pratiquent la pêche INN, conformément à leurs obligations au titre de la Partie VII relative à la haute mer de la Convention des Nations Unies de 1982 et de l'Accord des Nations Unies de 1995 sur les stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs, ainsi que l'Accord de la FAO de 1993. Ils doivent sanctionner leurs ressortissants qui se livrent à des activités de pêche INN et les priver des profits qui en découlent. Cela implique la mise en place d’un système de contrôle et d’une surveillance systématiques et efficaces de la pêche, du commencement des opérations jusqu'à la destination finale. Les États du pavillon doivent ainsi :
– enregistrer les navires placés sous leur juridiction autorisés à la pêche et leur délivrer des autorisations de pêche ;
– exiger que ces navires soient munis d’un système de surveillance électronique infalsifiable et qu’ils embarquent des observateurs indépendants chargé de veiller à ce que les opérations de pêches respectent les règles établies dans la zone concernée et la sincérité des déclarations permettant d’assurer la traçabilité des captures ;
– veiller à la mise en place par le secteur de la pêche d’une procédure d’acquisition, d’archivage et de diffusion des données de pêche ;
– procéder à l'inspection et le cas échéant à l’arraisonnement des navires soupçonnés de pratiquer la pêche INN dans le respect du droit international de la mer et des dispositions des organisations régionales de gestion des pêches ;
– éviter d'accorder un soutien économique à des sociétés, navires ou personnes se livrant à la pêche INN.
L’application du PAI s’appuie sur la mise en œuvre progressive de plans d'action nationaux. Le PAI doit être mis en œuvre de façon transparente et être élaboré et appliqué sans aucune discrimination à l'encontre d'aucun État ou de ses navires de pêche. Toute législation nationale mettant en œuvre le PAI doit inclure un volet relatif au régime de la preuve d’actes constitutifs de la pêche INN et notamment sur la recevabilité des preuves électroniques et d’utilisation des nouvelles technologies.
La mise en œuvre de la responsabilité de l’État du pavillon se heurte cependant, dans les faits, à la capacité limitée de ce dernier à suivre l’activité des navires concernés. C'est pourquoi le contrôle par l'État du port s'est progressivement imposé comme un outil déterminant de lutte contre la pêche INN.
Les mesures de l'État du port sont l'ensemble des règles mises en œuvre par les États à l'égard des navires étrangers entrant dans leurs ports et utilisant les installations de ces derniers. Lorsqu'il s'agit de pêche, ces mesures comprennent, en particulier, des demandes d'informations, l'identification des ports où les débarquements des captures de pêche sont autorisés, les modalités d'autorisation ou d'interdiction d'entrée dans les ports et d'utilisation de leurs installations ou encore les inspections portuaires. Ces mesures ont été intégrées, au fil des années, dans des instruments nationaux ou régionaux comme les organisations régionales de gestion de pêche.
La FAO a ainsi travaillé à la rédaction de normes de contrôle dans les ports de pêche, qui ont été regroupées sous la forme d'un « Dispositif type relatif aux mesures du ressort de l'État du port dans le contexte de la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée », approuvé, en 2005 par le Comité des pêches de la FAO, qui recommande des normes internationales minimales non contraignantes devant être mises en œuvre au niveau régional ou national. Le Comité des pêches a également décidé la création d'une base de données répertoriant les mesures de l'État du port par pays.
L’Union européenne a, de son côté, mis en place un dispositif de lutte contre la pêche INN, principalement constitué par le règlement (CE) n°1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 établissant un système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non règlementée. Ce règlement, dit « règlement INN », est entré en vigueur le 1er janvier 2010. Il vise à garantir que seuls les produits de la pêche dont la légalité a été validée par l'État du pavillon ou leur pays exportateur peuvent être importés dans l'Union européenne ou exportés à partir de l'Union européenne. Il s’efforce par conséquent d’imposer des contrôles plus stricts dans les eaux de l'Union tout en garantissant le respect par les États tiers des obligations découlant du droit international.
À cette fin, le dispositif européen permet prévoit une liste noire les pays feignant d'ignorer les activités de pêche illégale, ainsi que la publication régulière d'une liste de navires INN basée sur les listes établies par les organisations régionales de gestion des pêches et qui doit être régulièrement mise à jour. Un navire de pêche est présumé pratiquer la pêche INN lorsqu'il ne possède pas de licence de pêche en cours de validité, néglige de transmettre ou d'enregistrer les données de capture, pêche dans une zone interdite, pêche des espèces non autorisées, utilise des engins interdits ou non conformes, falsifie ou dissimule son identité, falsifie ou dissimule des éléments de preuve concernant une enquête, entrave le travail des inspecteurs, embarque, transborde ou débarque du poisson en-dessous de la taille réglementaire, participe à des activités avec des navires figurant sur la liste des navires INN, exerce des activités de pêche dans une zone couverte par une organisation régionale de gestion des pêches sans en respecter les mesures de conservation et de gestion, ou s'il bat pavillon d'un État non partie à cette organisation.
Concernant les opérations de débarquement, seuls les ports désignés par les États membres de l'Union européenne sont ouverts aux navires des pays tiers. Les transbordements entre navires de pays tiers et navires de l'Union européenne sont interdits en mer et ne peuvent avoir lieu que dans les ports désignés.
L'État sur le territoire duquel le port est situé est chargé de contrôler les produits de la pêche débarqués afin d'attester le cas échéant qu’ils sont licites et que le navire qui les a transportés est en règle et respecte les quotas de pêche. Un certificat de capture délivré par l’État de pavillon garantit que les produits débarqués dans l'UE ne proviennent pas de la pêche INN.
Les États membres sont tenus d'appliquer des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives à l'encontre des personnes physiques ou morales liées aux activités de pêche INN. Une sanction maximale d'un montant égal à au moins cinq fois la valeur des produits de la pêche obtenus est prévue dans le cadre de ladite infraction. En cas d'infraction répétée sur une période de cinq ans, les États membres imposent une sanction maximale d'un montant égal à au moins huit fois la valeur des produits de la pêche obtenus dans le cadre de ladite infraction.
En mars 2007, répondant à une demande de la communauté internationale, le Comité des pêches de la FAO a décidé l'élaboration d'un nouvel instrument international, cette fois juridiquement contraignant, relatif aux mesures du ressort de l'État du port, basé sur le plan international d'action de 2001 et le dispositif type de 2005. Sur la base d'un projet préparé par un groupe d'experts en septembre 2007, les membres du FAO ont négocié le texte final au cours de quatre sessions d'une semaine, entre juin 2008 et août 2009.
La Résolution 12/2009 de la FAO portant approbation de l'accord a été adoptée par la Conférence des Parties, le 22 novembre 2009, par 106 voix contre 2 et 12 abstentions. L’accord a été signé le jour même par l'Union européenne ainsi que dix États membres de la FAO (l’Angola, le Brésil, le Chili, les États-Unis, l’Indonésie, l’Islande, la Norvège, Samoa, le Sierra Leone et l’Uruguay).
L’article 1er précise la définition des termes employés dans le texte de l’accord. La définition de son objet, la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, est empruntée au Plan d’action international de la FAO adopté en 2001. La pêche INN est ainsi définie comme comprenant « toute opération de soutien, ou de préparation, aux fins de la pêche, y compris le débarquement, le conditionnement, la transformation, le transbordement ou le transport de poissons qui n’ont pas été précédemment débarqués dans un port, ainsi que l’apport de personnel et la fourniture de carburant, d’engins et d’autres provisions en mer ». Sont également définis les mesures de conservation et de gestion, les poissons, la pêche, les activités liées à la pêche, les Parties, les organisations d’intégration économique régionale, les ports et les navires.
L’article 2 précise l’objectif de l’accord et l’article 3 en précise le champ d’application. Chaque Partie a l’obligation de l’appliquer aux navires non autorisés à battre son pavillon et se trouvant dans un de ses ports ou cherchant à y accéder, sous réserve de deux exceptions : les navires d’un État voisin pratiquant une pêche de subsistance, si l’État en question coopère pour que ces navires ne pratiquent pas la pêche INN, et les porte-conteneurs ne transportant pas de poisson, sauf s’il a été auparavant débarqué.
L’article 5 demande à chaque Partie, « dans la mesure du possible », d’intégrer les mesures de l’État du port dans son droit interne. L’article 6 traite de l’échange d’informations entre les Parties et de l’usage de la base de données mise en place par la FAO, qui contient des informations sur les immatriculations, autorisations et infractions connues d’environ 6 000 navires.
Les parties 2 (« Entrée au port »), 3 (« Utilisation des ports ») et 4 (« Inspections et actions de suivi ») traitent des mesures de l’État du port, c’est-à-dire des obligations des Parties
Les Parties communiquent la liste des ports dans lesquels les navires peuvent entrer à la FAO qui en assure la publicité. Les ports doivent être équipés de moyens suffisants pour mener des inspections (Article 7).
L'autorisation d'entrée dans le port est subordonnée à la transmission préalable des informations énumérées à l'annexe A, suffisamment tôt pour permettre leur examen (Article 8).
Si les Parties déterminent au vu des informations détenues qu’un navire s'est livré à la pêche INN ou à des activités liées à la pêche en soutien à la pêche INN d'une telle pratique, elles ont l'obligation de lui interdire l'accès à leur port, sauf éventuellement dans le seul but de l'inspecter et de prendre « d'autres mesures appropriées conformes au droit international et au moins aussi efficaces ». Le port ne peut alors être utilisé pour le débarquement, le transbordement, le conditionnement et la transformation du poisson, ni pour d'autres services portuaires comme l’approvisionnement ou l’entretien.
L'autorisation d'entrée est communiquée au navire qui doit ensuite la présenter aux autorités compétentes du port à son arrivée. Le refus d'entrée au port est transmis au navire, à son État de pavillon et, dans la mesure du possible, aux États côtiers, aux organisations régionales de gestion des pêches et autres organisations internationales concernés (Article 9).
L'interdiction de l'accès au port n'est pas applicable en cas de force majeure, de danger ou de détresse (Article 10).
L’article 11 traite de l’utilisation des ports. Une Partie conserve le droit de refuser l’utilisation de ses ports pour le traitement du poisson, ainsi que le ravitaillement ou l’entretien, à un navire auquel elle a accordé préalablement une autorisation d'accès, si celui-ci ne dispose pas d'une autorisation valide et applicable de se livrer à la pêche, si le poisson à bord a une origine illicite ou si elle a des motifs raisonnables de penser que le navire s'est livré à la pêche INN ou à des activités liées à la pêche en soutien à la pêche INN.
L'interdiction d'utilisation de ses ports doit être notifiée dans les meilleurs délais à l'État du pavillon et éventuellement aux États côtiers, aux organisations régionales de gestion des pêches et autres organisations internationales concernés. La levée de l'interdiction fait l'objet de la même publicité.
L'utilisation des services du port ne peut pas être refusée s’ils sont indispensables à la sécurité ou la santé de l'équipage, ou si la mise au rebut du navire est nécessaire.
Les Parties doivent effectuer un nombre annuel d'inspections suffisant pour atteindre l'objectif de l'accord et s’efforcer de s’accorder entre elles sur le niveau annuel d’inspections que cela suppose (Article 12).
La conduite des inspections font l’objet d’une procédure décrite à l'article 13 et à l'annexe B. Elles font l'objet d'un rapport écrit (Article 14) auquel sont jointes les informations figurant à l'annexe C. Les informations recueillies sont transmises à l'État du pavillon, ainsi qu'aux autres États et organisations concernées y compris la FAO (Article 15).
L’article 16 invite les parties à mettre en place un système d’échange d’informations électronique coordonné par la FAO répondant aux spécifications énumérées à l'annexe D.
Si l'inspection fait apparaître un cas de pêche INN, l'État du port informe dans les meilleurs délais l'État du pavillon, ainsi que le cas échéant, les États côtiers, les organisations régionales de gestion des pêches et autres organisations internationales concernées, ainsi que l'État dont le capitaine est ressortissant et prend une décision pour interdire l'utilisation des services du port, sauf si ceux-ci sont indispensables à la santé de l'équipage ou à la sécurité (Article 18).
L'article 19 prévoit que chaque Partie fournit au propriétaire, à l'exploitant, au capitaine ou au représentant du navire, sur leur demande écrite, des informations relatives aux voies de recours. Le résultat du recours exercé doit leur être également communiqué.
L'article 20 récapitule les obligations de l'État du pavillon. Ce dernier doit demander à ses navires de coopérer avec l'État du port en cas d’inspection. Il peut également solliciter l'État du port afin qu'il inspecte un de ses navires sur lequel pèseraient des présomptions sérieuses de pêche INN et de prendre le cas échéant toute mesure appropriée.
L'État du pavillon doit également mener une enquête et prendre les mesures coercitives prévues par son droit interne lorsqu'il reçoit un rapport d'inspection suspectant un cas de pêche commis par un de ses navires. Il doit faire rapport de ces mesures aux autres Parties, aux États du port appropriés, et le cas échéant, à d'autres États et organisations régionales de gestion des pêches concernées, ainsi qu'à la FAO. Ces mesures doivent être moins aussi efficaces que celles qu'il applique aux navires étrangers transitant dans ses ports.
Il doit également encourager ses navires à utiliser les ports des États qui agissent conformément à l'accord ou de façon compatible avec celui-ci.
La partie 6 (« Besoins des États en développement ») tire les conséquences du fait que les États les moins développés sont souvent à la fois les plus vulnérables aux effets de la pêche INN et les moins susceptibles de mettre en œuvre les moyens requis pour lutter contre cette dernière. Afin que l'application mesures de l'État du port ne crée pas pour eux une charge excessive, l’article 21 encourage les Parties à leur fournir une assistance technique et financière, soit directement, soit indirectement par l'intermédiaire de la FAO, d'autres institutions spécialisées des Nations Unies ou d'autres organisations ou organes internationaux appropriés. Pour ce faire, les Parties réalisent une évaluation des besoins et coopèrent à l'établissement de mécanismes de financement qui seront affectés, notamment à l'élaboration de mesures nationales et internationales du ressort de l'État du port, au renforcement et au développement de capacités et des activités en matière de suivi, de contrôle et de surveillance ainsi que pour la formation des personnels affectés à ces tâches, ainsi que pour le règlement des différends qui résultent des actions prises en vertu de l'accord. Un groupe de travail ad hoc est constitué en vue de l'élaboration de ces mécanismes de financement.
La partie 7 est consacrée au règlement des différends, la partie 8 encourage les tiers à l'accord à en devenir Parties ou à adopter des dispositions compatibles avec son contenu, la partie 9 prévoit le suivi de la mise en œuvre de l'accord, ainsi que l'évaluation de ses résultats, dans le cadre de la FAO et prévoit une réunion des Parties convoquée par cette dernière quatre ans après sa mise en œuvre afin de tirer un premier bilan.
La partie 10 traite de la signature, de l'adhésion, de la ratification, de l'entrée en vigueur, ainsi que des réserves, déclarations et amendements. L'accord n'admet ni réserves, ni exceptions dans la mesure où il prévoit des normes minimales (Article 30). Son entrée en vigueur aura lieu trente jours après la date du dépôt, auprès de la FAO désignée comme dépositaire, du vingt-cinquième instrument de ratification.
Bien qu'adopté en 2009, les membres de la FAO ont tardé à ratifier cet accord qui n'est toujours pas entré en vigueur. Au 22 janvier 2016, vingt-trois États avaient signé l'accord (Angola, Australie, Bénin, Brésil, Canada, Chili, Union Européenne, France, Gabon, Ghana, Islande, Indonésie, Kenya, Mozambique, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pérou, Russie, Samoa, Sierra Leone, Turquie, États-Unis et Uruguay) et sept États l'avaient ratifié (Australie, Chili, Islande, Mozambique, Nouvelle-Zélande, Norvège et Uruguay).
Cet accord n’est qu’une étape dans la mise en place d’instruments de lutte contre la pêche INN, mais une étape importante puisqu’il s’agit en effet du premier instrument mondial et contraignant adopté dans ce domaine.
Il n’aura cependant aucune conséquence juridique pour la France, dont la réglementation dans le domaine de la lutte contre la pêche INN découle du Règlement (CE) n° 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 décrit plus haut. Les mesures contenues dans l'accord et celles prévues dans la réglementation européenne relative à la lutte contre la pêche INN poursuivent les mêmes objectifs mais le niveau d'exigence de la règlementation européenne relative au contrôle portuaire des navires de pêches est équivalent ou supérieur à celui de l'accord.
La ratification de cet accord par la France aura toutefois pour effet d’accélérer l’entrée en vigueur de ce texte, laquelle ne peut avoir lieu que lorsque vingt-cinq États l’auront ratifié.
C’est au bénéfice de ces observations que votre rapporteure vous recommande l’adoption de ce projet de loi.
La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mardi 16 février 2016, à 16h30.
Après l’exposé de la rapporteure, un débat a lieu.
M. Jean-Pierre Dufau. Quels sont les sept Etats qui ont ratifié l’accord ? Est-ce que ce sont des membres de l’Union européenne ?
Mme Chantal Guittet. Seulement sept Etats ont ratifié ce texte : c’est très peu compte tenu de l’importance de la préservation des réserves halieutiques.
M. Jean-Pierre Dufau. C’est une affaire importante. Même si cela ne suffira pas à régler l’ensemble des problèmes de la pêche irrégulière.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi (n° 3147) sans modification.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE
Néant
TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée l’approbation de l’accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (ensemble cinq annexes) signé à Rome le 19 novembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 3147).
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