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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 mars 2016.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 3231), ADOPTÉE PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, relative à la protection des forêts contre l’incendie
PAR M. Joël GIRAUD
Député
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Voir les numéros :
Sénat : 10, 137, 138 et T.A. 38 (2015-2016).
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LA PROTECTION DES FORÊTS CONTRE LES INCENDIES : L’ACTION COMPLÉMENTAIRE DE L’ÉTAT ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 7
A. LES DIFFÉRENTS DISPOSITIFS DE DÉFENSE CONTRE LES INCENDIES 7
1. Des dispositifs de défense modulés en fonction des risques 7
a. Les mesures applicables sur l’ensemble du territoire 7
b. Les mesures applicables aux forêts et bois classés à « risque d’incendie » 8
c. Les mesures applicables aux territoires réputés particulièrement exposés aux risques d’incendie 9
2. Le dispositif propre à la forêt méditerranéenne 9
B. L’ACTION VOLONTAIRE DES DÉPARTEMENTS 10
1. L’intervention indispensable des départements en matière de protection des forêts 10
2. Le rôle primordial des unités de forestiers-sapeurs 11
II. LA NÉCESSAIRE PRÉSERVATION DE LA COMPÉTENCE DES DÉPARTEMENTS EN MATIÈRE DE PROTECTION DES FORÊTS CONTRE LES INCENDIES 13
A. LA SUPPRESSION ACCIDENTELLE DE LA CAPACITÉ D’INTERVENTION DÉPARTEMENTALE PAR LA LOI « NOTRe » DU 7 AOÛT 2015 13
B. LE RÉTABLISSEMENT OPPORTUN DE LA COMPÉTENCE DÉPARTEMENTALE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LES FEUX DE FORÊTS 15
Article 1er (art. L. 3232-5 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Compétence des départements en matière de défense des forêts contre l’incendie 23
Article 2 (suppression maintenue) : Gage financier 26
Boisée à hauteur de 30 %, sur une superficie de 16,5 millions d’hectares, la France possède une incomparable richesse écologique et économique. Précieuse, la forêt n’en reste pas moins fragile et sujette aux atteintes que peuvent lui porter aussi bien les hommes que les éléments. Le sud de la métropole, naturellement, est le plus exposé aux risques d’incendies en raison de températures élevées, d’une humidité relativement faible et de vents importants. Néanmoins, c’est bien l’ensemble du territoire qui est susceptible de souffrir des feux de forêts.
La protection des forêts, qui passe par la prévention et par la lutte contre le feu, est assumée par l’État, mais également par les collectivités territoriales. Au premier rang de celles-ci viennent les départements, qui agissent sur le fondement de leur clause de compétence générale. Cette action complémentaire a produit des résultats : la superficie moyenne incendiée chaque année a été réduite de plus de moitié, passant de 26 600 hectares entre 1994 et 2003 à 10 700 hectares pour la dernière décennie. Les efforts entrepris par l’ensemble des acteurs ont ainsi porté leurs fruits.
Or, la dernière réforme territoriale est venue accidentellement compromettre cette protection. En supprimant leur clause de compétence générale, la loi « NOTRe » du 7 août 2015 a privé les départements de leur faculté d’intervenir dans le domaine de la prévention et de la lutte contre les incendies. Une rectification rapide était nécessaire pour permettre le rétablissement de leur capacité d’action.
À cet effet, notre collègue sénateur Pierre-Yves Collombat, dont l’initiative doit être saluée, a déposé la présente proposition de loi, qualifiée à juste titre de « première rustine » de la dernière réforme territoriale. Reconnaissant expressément aux départements une compétence en matière de protection des forêts contre les incendies, ce texte, sur lequel l’Assemblée nationale est invitée à son tour à se prononcer, répond à une nécessité impérieuse.
I. LA PROTECTION DES FORÊTS CONTRE LES INCENDIES : L’ACTION COMPLÉMENTAIRE DE L’ÉTAT ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Si l’État est le premier responsable de la défense des forêts contre l’incendie, les collectivités territoriales et, singulièrement, les départements, agissent également dans ce domaine, au moyen d’une action combinée qui a démontré son efficacité.
Adapter à l’intensité des risques les contraintes pesant sur les propriétaires et les prérogatives de l’administration, telle est l’essence du régime de protection des forêts contre les incendies. Trois dispositifs sont ainsi prévus par la loi, tandis qu’un organisme dédié, doté de compétences spécifiques, intervient dans les territoires méditerranéens particulièrement exposés.
La défense et la lutte contre les feux de forêts est régie par le titre III du livre Ier du code forestier, qui organise les moyens de prévention et de lutte en fonction de l’intensité des risques d’incendie. Trois types de zones forestières ou boisées, connaissant une exposition au risque croissante, sont ainsi à distinguer.
Le chapitre Ier du titre III du livre Ier du code forestier prévoit les mesures particulières destinées à éviter le départ ou la propagation de feux de forêts sur l’ensemble du territoire.
Certaines de ces mesures sont permanentes, telles que l’interdiction d’allumer un feu à moins de deux cents mètres d’une zone boisée (article L. 131-1) ou les dispositions propres aux décharges (article L. 131-2).
D’autres sont contingentes, liées aux périodes de risques particuliers. Ainsi, le préfet a-t-il la possibilité de réglementer l’usage du feu et, dans des hypothèses de risque exceptionnel, de prohiber l’utilisation de matériels susceptibles d’entraîner des départs de feux ainsi que la circulation de tout véhicule (article L. 131-6). Il peut en outre prescrire aux propriétaires des terrains boisés le nettoyage des branchages, rémanents et chablis ; ces travaux peuvent être réalisés par l’administration aux frais des propriétaires en cas de carence de ces derniers (article L. 131-7).
Enfin, en application des articles L. 131-10 à L. 131-16, des opérations de débroussaillement peuvent être décidées par le préfet dans les zones particulièrement exposées aux risques mais non incluses dans celles classées ou identifiées au titre des chapitres II et III du titre III du livre Ier du code forestier (qui font l’objet de régimes propres, cf. infra, b et c).
Afin de définir les mesures de prévention pertinentes, l’État élabore un plan de prévention des risques naturels prévisibles en matière d’incendies de forêt, prévu à l’article L. 131-17 du code forestier. Ce plan produit en outre des effets en matière d’urbanisme et peut imposer des servitudes de débroussaillement.
Les zones classées à « risque d’incendie » sont régies par le chapitre II du titre III du livre Ier du code forestier. Aux termes de l’article L. 132-1 de ce code, le préfet peut prendre un arrêté de classement relatif aux territoires qu’il estime exposés aux risques d’incendies, après consultation des communes et du département. Ce classement emporte deux effets, l’un administratif, l’autre matériel.
D’une part, le classement a pour effet d’ériger les propriétaires des terrains boisés concernés en association syndicale :
– en association syndicale libre, dans un délai d’un an à compter du classement ;
– à défaut, en association syndicale autorisée, sur invitation de l’administration ou, en cas de défaillance des propriétaires, constituée d’office.
Les associations ainsi constituées soumettent au préfet des projets portant sur la prévention contre les incendies et exécutent les travaux correspondants.
D’autre part, en application du dernier alinéa de l’article L. 132-1 et de l’article L. 134-1, les mesures prévues par le chapitre IV du même titre III peuvent être prises dans ces zones. Ces mesures couvrent essentiellement trois objets :
– la création de voies de défense contre les incendies, au travers de servitudes de passage et d’aménagement, prévues par les articles L. 134-2 et L. 134-3 (ces voies permettent, d’une part, d’empêcher ou de limiter la propagation des feux en privant ceux-ci d’une continuité de combustibles, d’autre part, de faciliter l’accès aux sites et équipements de protection et de surveillance) ;
– l’obligation pour les propriétaires de nettoyer les parcelles de tout branchage, rémanent et chablis (article L. 134-4) ;
– enfin, le débroussaillement et le maintien en l’état débroussaillé, régis par les articles L. 134-5 à L. 134-18 et dont les opérations sont à la charge des propriétaires.
À la différence des zones classées à « risque d’incendie », les zones réputées particulièrement exposées sont expressément identifiées par le chapitre III du titre III du livre Ier du code forestier. Son article L. 133-1 mentionne en effet les anciennes régions Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Corse ainsi que les départements de l’Ardèche et de la Drôme.
Dans ces territoires, et en association avec les collectivités territoriales concernées, l’État élabore un plan de protection des forêts contre les incendies, pouvant être réalisé à l’échelle départementale ou interdépartementale. Ce plan inclut l’ensemble des bois et forêts, à l’exclusion de ceux figurant dans les massifs à moindre risque dont la liste est arrêtée par le préfet. Il a pour finalité « la diminution du nombre de départs de feux de forêts et la réduction des surfaces brûlées ainsi que la prévention des risques d’incendies et la limitation de leurs conséquences » (article L. 133-2, alinéa 2).
En application de ce plan, dans les massifs qu’il concerne, peuvent être réalisés des travaux d’aménagement, le cas échéant déclarés d’utilité publique, ainsi que d’autres opérations parmi lesquelles le brûlage dirigé de pâturages (articles L. 133-3 à L. 133-6). En outre, sur le fondement des articles L. 133-8 à L. 133-11, des travaux de mise en valeur agricole ou pastorale peuvent être effectués aux fins de constitution de coupures agricoles, destinées au cloisonnement des massifs.
Il convient de noter que des dispositions particulières s’appliquent aux Landes de Gascogne, qui font l’objet d’un régime propre tendant à la mise en valeur et au reboisement de cette zone géographique. Dans ce cadre, l’article L. 133-7 du code forestier permet la réalisation de travaux d’aménagement et d’équipement pour prévenir les incendies sur des canaux et des fossés d’assainissement.
Enfin, en vertu de l’article L. 134-1, il est possible d’effectuer dans ces zones, tout comme dans celles classées à « risque d’incendie » en application du chapitre II, les opérations prévues au chapitre IV précédemment mentionné (servitudes, nettoyage, débroussaillement).
Eu égard à la sensibilité particulière des massifs méditerranéens aux feux de forêts, plusieurs départements de la région méditerranéenne et l’État ont décidé, en 1963, de créer une « Entente pour la forêt méditerranéenne » œuvrant pour la protection de cette forêt face aux risques d’incendies. Son existence a été consacrée par l’article 63 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, qui l’a érigée en établissement public local. Elle est désormais régie par les articles L. 1424-59 à L. 1424-68 du code général des collectivités territoriales. Outre les départements, l’Entente peut associer des régions, des établissements publics de coopération intercommunale et des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS).
Complémentaires aux dispositifs prévus par le code forestier, les actions entreprises par l’Entente, qui correspondent aux missions qui lui sont reconnues par l’article L. 1424-60, sont les suivantes :
– information et prévention contre les feux de forêts, notamment à l’attention du grand public, à travers l’édition de documents de sensibilisation et de vulgarisation, des campagnes de communication, des expositions et des démonstrations ;
– formation aux métiers de la Sécurité civile ;
– essais et recherches au service des unités opérationnelles (telles que les sapeurs-pompiers ou les unités aériennes de la Sécurité civile) afin d’améliorer l’efficacité de leurs actions de terrain ;
– support technologique.
L’Entente comprend actuellement 29 membres, dont 14 départements et autant de SDIS, ainsi que la Collectivité territoriale de Corse, première collectivité territoriale du niveau régional à y adhérer.
L’Entente pour la forêt méditerranéenne l’illustre de façon éloquente, les collectivités territoriales en général et les départements en particulier sont des acteurs essentiels de la lutte contre les feux de forêts.
Au-delà de l’action précieuse de l’Entente, organisme géographiquement dédié, l’intervention des collectivités territoriales – et surtout des départements – constitue un atout incontournable dans la défense des forêts françaises.
Il convient de rappeler que le département est le cadre par excellence des actions dans les domaines de la sécurité civile depuis la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d’incendie et de secours. L’organisation efficace des moyens de secours et de lutte contre l’incendie repose sur une association étroite et complémentaire de tous les acteurs impliqués, notamment l’État, les SDIS, les départements et les réserves communales de sécurité civile. C’est ce que rappelle l’ « Engagement tripartite relatif à la consolidation et à la valorisation du modèle français de Sécurité civile », signé le 29 septembre 2015 par l’État (ministère de l’Intérieur), l’Assemblée des départements de France et l’Association des maires de France. C’est également ce qu’indiquait devant le Sénat le ministre de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, M. Stéphane Le Foll : « le partenariat entre [les] différents acteurs […] rend la politique de prévention efficace. » (1)
L’échelon départemental est le plus pertinent : le bloc communal ne serait pas en mesure d’assumer de façon aussi efficace la défense des forêts contre les incendies. En outre, son action présenterait le risque de ne pas assurer une couverture complète des massifs forestiers. Parallèlement, l’implication des départements au sein des SDIS assoit la cohérence des interventions, qui peuvent ainsi être adaptées en fonction des besoins opérationnels. Ce sont bien les actions entreprises par les départements qui ont été essentielles aux succès enregistrés par les politiques publiques conduites dans le domaine des feux de forêts ces vingt dernières années.
Ces actions varient selon l’intensité des risques d’incendies auxquels les départements sont confrontés. De la simple information et sensibilisation des populations au moyen de brochures, de campagnes de communication ou de tournées sur des sites sensibles, elles consistent également en des opérations de surveillance, indispensables en période à haut risque, ainsi qu’en la maîtrise d’ouvrage – ou le subventionnement – d’équipements de prévention (pistes, pare-feux, citernes, etc.), qui facilitent considérablement l’action des SDIS en saison de feux. Les interventions départementales peuvent en outre, le cas échéant, aller jusqu’à la participation active à la lutte contre des feux déclarés.
La dimension financière illustre l’importance du rôle départemental : dans la seule zone méditerranéenne, les sommes engagées par les collectivités territoriales représentent un total d’environ 100 millions d’euros, dont l’essentiel est supporté par les départements (2).
Si les sapeurs-pompiers et les équipages de la flotte aérienne de la Sécurité civile sont les acteurs les plus connus de la lutte contre les feux de forêts, ils ne sont pas les seuls intervenants. Des ouvriers forestiers spécialisés sont en effet employés par l’État, sous le contrôle de l’Office national des forêts (ONF) (3), tandis que les collectivités territoriales ont constitué des unités de forestiers-sapeurs.
Ces forestiers-sapeurs ont vu le jour en 1973 à l’initiative de l’ONF, qui assurait alors leur gestion. Ils exercent quatre missions principales : la réalisation et l’entretien d’équipements de défense de la forêt contre les incendies (DFCI) (pistes, points d’eau, éléments de signalétiques, etc.), la réalisation d’opérations de débroussaillement et le maintien en l’état des zones débroussaillées, la surveillance des massifs forestiers (indispensable en période à haut risque) et, enfin, les interventions sur les feux naissants, en appui des unités des SDIS.
Les forestiers-sapeurs : l’exemple des Bouches-du-Rhône
Département très exposé aux feux de forêts et particulièrement touché par eux, les Bouches-du-Rhône ont mis en place, dès 1974, des unités de forestiers sapeurs, qui réunissent actuellement environ 180 personnes réparties dans six centres.
Les missions de ces forestiers-sapeurs varient selon la période de l’année considérée :
– en période estivale, leur action consiste essentiellement en la surveillance des massifs forestiers, au moyen de patrouilles et d’interventions sur les feux naissants ; ils sont, dans ce cadre, intégrés au dispositif de surveillance placé sous l’autorité du préfet ;
– hors période estivale, les forestiers-sapeurs œuvrent à l’entretien des moyens de défense de la forêt contre l’incendie : débroussaillement – pour une superficie concernée d’environ 2 200 hectares chaque année – et maintien en l’état des zones débroussaillées.
Ils peuvent en outre, en cas de survenance d’une catastrophe naturelle, être mobilisés dans les opérations de secours aux populations. Par ailleurs, lors d’épisodes neigeux intenses intervenus en 2009, 2010 et 2012, ils ont participé au dégagement d’arbres sur les axes de circulation et ont assuré le transport d’équipes médicales.
Les unités de forestiers-sapeurs du département des Bouches-du-Rhône peuvent enfin intervenir dans d’autres départements, en renfort des équipes locales. Ainsi, à titre d’illustration, peuvent être mentionnées les missions récentes suivantes :
– nettoyages, dégagements et rétablissement de la circulation de cours d’eau après les inondations survenues dans le Var en 2010 et dans les Alpes-Maritimes en 2015 ;
– dégagement des chablis sur les axes de circulation dans le Lot-et-Garonne en 2009.
Source : site Internet du département des Bouches-du-Rhône.
À la suite du désengagement financier progressif de l’État dans le domaine de la lutte contre les feux de forêts, les départements ont pris en charge ces personnels, au moyen de conventions conclues avec l’État et l’ONF. Ce sont désormais eux qui assument l’ensemble de la gestion des forestiers-sapeurs, intégrés dans les équipes des services départementaux (4).
II. LA NÉCESSAIRE PRÉSERVATION DE LA COMPÉTENCE DES DÉPARTEMENTS EN MATIÈRE DE PROTECTION DES FORÊTS CONTRE LES INCENDIES
L’action départementale est cruciale en matière de protection des forêts contre les incendies. Elle a pourtant été fondamentalement remise en cause par la dernière réforme territoriale. C’est pour répondre à cette situation que le Sénat a adopté la présente proposition de loi, qui donne aux départements une compétence expresse dans ce domaine.
A. LA SUPPRESSION ACCIDENTELLE DE LA CAPACITÉ D’INTERVENTION DÉPARTEMENTALE PAR LA LOI « NOTRe » DU 7 AOÛT 2015
Ne disposant pas d’une compétence spécifique reconnue par la loi en cette matière, l’intervention départementale dans la lutte contre les incendies reposait sur la clause de compétence générale. Cette dernière était consacrée à l’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, dont le premier alinéa disposait que le conseil départemental « règle par ses délibérations les affaires du département ». Introduite en droit français par l’article 48 de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux, elle permettait aux départements d’agir, si leur assemblée délibérante en manifestait l’intention et qu’il y avait un intérêt public local en ce sens, dans toute matière non exclusivement attribuée à une autre collectivité.
La clause de compétence générale du département a été supprimée par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe ». Le a) du 2° de son article 94 a en effet complété le premier alinéa de l’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales par les mots : « dans les domaines de compétences que la loi lui attribue ». Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, le département ne dispose donc plus que de compétences d’attribution, expressément prévues par les textes législatifs, et ne peut intervenir hors de ce périmètre.
Les améliorations de la sécurité civile apportées par la loi « NOTRe »
Si la loi « NOTRe » du 7 août 2015 a accidentellement supprimé la capacité d’action départementale en matière de protection des forêts contre les incendies, elle a néanmoins permis de nombreux progrès dans le domaine de la sécurité civile. Trois avancées principales peuvent ainsi être mentionnées.
– L’article 34, en modifiant les articles L. 1424-42 et L. 1424-49 du code général des collectivités territoriales, a ouvert à la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris et au Bataillon de marins-pompiers de Marseille la possibilité de facturer à leurs bénéficiaires celles des interventions ne se rattachant pas directement aux missions de service public de ces unités.
– L’article 96 a consacré le principe de révision quinquennale des schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques, prévus à l’article L. 1424-7 du code général des collectivités territoriales. Ces schémas, qui recensent pour chaque département l’ensemble des risques pour la sécurité des personnes et des biens auxquels le SDIS doit faire face, étaient pour certains d’entre eux obsolètes, situation dénoncée par la Cour des comptes et par la commission des Finances du Sénat. La modification apportée à l’article L. 1424-7 permet ainsi une adéquation du schéma à la réalité des risques, assurant aux populations une sécurité optimale.
– L’article 97 a levé un obstacle en matière de financement des SDIS en modifiant l’article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales. Il permet aux communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale créé postérieurement à la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d’incendie et de secours de transférer à cet établissement leur contribution au budget du SDIS.
La suppression de la clause de compétence générale a cantonné le département dans les seuls domaines de compétences expressément attribués par la loi. Certes, la loi « NOTRe », en vertu du XX de son article 133 (5), a maintenu jusqu’au 31 décembre 2015 les engagements pris par les départements en dehors des compétences qui leur sont attribuées par la loi, c’est-à-dire ceux pris sur le fondement de leur clause de compétence générale. Néanmoins, ce dispositif transitoire a pris fin à compter du 1er janvier 2016. Cette suppression a donc eu pour conséquence, accidentelle mais inopportune, de priver l’échelon départemental de sa faculté d’action en matière de protection des forêts contre les incendies, qui ne lui est pas reconnue par la loi.
Seuls les départements membres de l’Entente pour la forêt méditerranéenne, à qui la loi reconnaît une telle compétence, peuvent encore agir. Encore convient-il de préciser qu’ils ne le peuvent qu’au travers de l’établissement public dont ils sont membres et n’ont plus la capacité d’intervenir en leur nom, directement. L’article L. 1424-60 du code général des collectivités territoriales indique en effet expressément que les compétences en matière d’incendie sont exercées par l’établissement public, et non par ses membres. Cela pose la question de la pérennité des initiatives que ces départements ont entreprises sans passer par l’Entente, notamment s’agissant des unités de forestiers-sapeurs que les départements ont pu constituer : ces agents ne sont pas employés par l’Entente mais bien par les départements.
Les autres départements, quant à eux, sont tout simplement privés de leurs moyens d’action.
L’attention des pouvoirs publics a été attirée sur cette situation et l’impact qu’elle pourrait avoir sur l’efficacité de la réponse publique aux feux de forêts. Dès avant le vote définitif et la promulgation de la loi « NOTRe », notre collègue Michel Vauzelle avait posé au ministre de l’Intérieur une question écrite, publiée au Journal officiel le 7 juillet 2015, sur les conséquences de la suppression de la clause de compétence générale des départements sur la défense des forêts contre les incendies et, notamment, l’avenir des forestiers-sapeurs et les perspectives envisagées par l’État (6).
Eu égard à l’importance de l’action départementale dans ce domaine stratégique et compte tenu des évolutions inquiétantes s’agissant de l’exposition des forêts aux risques d’incendie, il est nécessaire de rétablir la compétence du département en la consacrant expressément.
B. LE RÉTABLISSEMENT OPPORTUN DE LA COMPÉTENCE DÉPARTEMENTALE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LES FEUX DE FORÊTS
Ainsi que cela a été vu, les interventions des départements en matière de protection des forêts sont essentielles pour assurer la défense de celles-ci face aux incendies.
Ce sont les départements de la région méditerranéenne, membres de l’Entente pour la forêt méditerranéenne prévue par l’article L. 1424-59 du code général des collectivités territoriales, qui ont vocation à assumer la plupart des actions et qui le peuvent encore, au travers de cet établissement public dédié. Néanmoins, il ne faut en aucun cas en déduire une limitation des risques d’incendie à cette seule zone géographique.
Ainsi que la première carte reproduite ci-après en témoigne, les zones à risques ne sont pas, à l’heure actuelle, exclusivement situées sur le pourtour méditerranéen. Les Landes de Gascogne sont particulièrement exposées, sans que les départements concernés, la Gironde et les Landes, puissent intervenir. Si cette zone fait bien l’objet d’une protection spécifique prévue au chapitre III du titre III du livre Ier du code forestier, cette dernière incombe à l’État. D’autres zones connaissent par ailleurs une exposition au risque reconnue, telles que le nord de l’estuaire de la Loire ou le Maine-et-Loire.
SENSIBILITÉ AUX RISQUES DE FEUX DE FORÊTS ESTIVAUX (1998-2008)
Source : Ministère de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Au-delà de ces risques existants, il convient de souligner l’extension probable (ou du moins projetée) des zones dans lesquelles la sensibilité des massifs forestiers aux incendies sera élevée dans une vingtaine d’années. Les projections illustrées par la carte suivante, réalisées par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), reposent sur une augmentation de la température moyenne annuelle, une diminution des précipitations et une baisse du degré d’humidité du sol.
SENSIBILITÉ AUX RISQUES DE FEUX DE FORÊTS ESTIVAUX : PROJECTIONS EN 2040
Source : Ministère de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
D’après ces projections, les Landes de Gascogne verraient leur sensibilité aux feux de forêts considérablement accrue, tandis que des zones jusque-là relativement épargnées se trouveraient dans une situation d’exposition au risque élevée (Dordogne, Lot, Tarn-et-Garonne, Loir-et-Cher, Loiret mais aussi le sud de l’Île-de-France et la Bretagne). Ces données témoignent de l’impérieuse nécessité de donner aux départements les moyens de faire face, en complément ou en substitut de l’État, aux risques de feux de forêts.
Telle est le dessein poursuivi par le sénateur Pierre-Yves Collombat et ses collègues du groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), auteurs d’une proposition de loi de protection des forêts contre l’incendie. Ce texte, qui rétablit opportunément la compétence départementale en lui consacrant un article dédié dans le code général des collectivités territoriales, a été adopté par la commission des Lois du Sénat puis, à l’issue de la séance publique, par cette assemblée.
Initiative bienvenue et indispensable, cette proposition de loi doit être adoptée par votre Commission avant d’être votée par notre Assemblée. Son bien-fondé l’impose, l’urgence de doter les départements des moyens suffisants avant que ne débute la saison des feux, cet été, le commande.
Lors de sa réunion du mercredi 2 mars 2016, la commission des Lois procède à l’examen, sur le rapport de M. Joël Giraud, de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relative à la protection des forêts contre l’incendie (n° 3231).
M. Joël Giraud, rapporteur. Boisée à 30 %, la France bénéficie d’une véritable manne forestière. Richesse patrimoniale et esthétique, capital écologique et économique, la forêt française doit être non seulement mise en valeur mais également protégée, notamment contre le feu. Ce devoir de protection incombe aux pouvoirs publics et aux propriétaires des terrains.
Il faut, à titre liminaire, souligner l’efficacité de la politique de protection des forêts. Depuis vingt ans, la superficie moyenne annuelle brûlée a considérablement baissé : s’établissant à plus de 26 000 hectares entre 1994 et 2003, elle a été ramenée pour la dernière décennie à moins de 11 000 hectares. Ce succès est le fruit de l’action complémentaire des pouvoirs publics : État, collectivités territoriales, services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et réserves communales de sécurité civile.
La prévention et la lutte contre les feux de forêts ne se résument cependant pas aux actions conduites par les sapeurs-pompiers et par les unités aériennes de la sécurité civile, certes particulièrement visibles et légitimement appréciées. D’autres dispositifs, plus discrets mais primordiaux, participent à la défense de la forêt afin de garantir à cette dernière une protection optimale.
Ce sont, d’abord, les dispositifs prévus par le titre III du livre Ier du code forestier, mis en œuvre pour l’essentiel par les préfets, et qui permettent d’adapter à l’intensité du risque d’incendie les contraintes pesant sur les propriétaires de terrains ainsi que les prérogatives publiques.
C’est, d’autre part, l’Entente pour la forêt méditerranéenne, qui réunit quatorze départements, quatorze SDIS et la Corse, et qui a été consacrée à l’article L. 1424-59 du code général des collectivités territoriales.
Enfin, c’est l’action volontaire des départements, sur le fondement de leur clause de compétence générale — j’allais dire de feu leur clause de compétence générale. Cette action peut prendre plusieurs formes : information et sensibilisation des populations ; travaux d’aménagement et d’entretien d’infrastructures utiles à la lutte contre l’incendie ; débroussaillement et maintien en l’état des zones débroussaillées ; surveillance des massifs ; intervention sur les feux naissants.
Toujours sur le fondement de leur clause de compétence générale, certains départements du sud de la France ont mis sur pied des unités spéciales de défense des forêts contre l’incendie : les « forestiers-sapeurs », que connaissent sans doute ceux qui, parmi vous, viennent de ces circonscriptions.
Malgré les succès enregistrés ces dernières années, la vigilance doit rester constante lorsqu’il s’agit de défendre les forêts. En 2015, 11 500 hectares ont pris feu et la superficie incendiée dans le sud-ouest de la France, cette fois, a été multipliée par deux. On voit que le phénomène se déplace, une tendance qui va s’accentuer avec l’évolution du climat : il y a quelques années, il n’y avait pas dans les Alpes les incendies de forêts géants que l’on y observe aujourd’hui.
L’efficacité de la protection des forêts risque pourtant d’être fragilisée par la réforme territoriale mise en œuvre par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Si cette loi, sur les quelques imperfections de laquelle je ne reviendrai pas — le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste les avait suffisamment soulignées à l’époque —, a permis des avancées nombreuses et importantes dans le domaine de la sécurité civile, son article 94 n’en pose pas moins un problème en supprimant la clause de compétence générale des départements. Car c’est sur cette clause que les départements fondaient leurs interventions dans le domaine qui nous occupe aujourd’hui. Et si un dispositif transitoire a maintenu le principe de cette action jusqu’à la fin de l’année dernière, son terme prive les départements de toute possibilité d’agir, et le corps des forestiers-sapeurs de toute base légale.
Si la compétence départementale n’était pas rapidement rétablie, les conséquences sur la protection des forêts seraient dramatiques. Le Gouvernement en avait d’ailleurs conscience au moment de l’examen du projet de loi NOTRe, puisqu’il avait envisagé de déposer un amendement correspondant au dispositif ici proposé, mais qui, hélas, a été écarté en raison de la « règle de l’entonnoir ».
C’est pour combler ce vide que notre collègue Pierre-Yves Collombat, éminent sénateur du Var et membre du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), a fort opportunément déposé la proposition de loi qui vous est soumise ce matin et qui constitue une « rustine » à la loi NOTRe, comme d’ailleurs la proposition de loi n° 3474 visant à permettre l’application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation et relative aux conditions d’exercice des mandats des membres des syndicats de communes et des syndicats mixtes, qui a été présentée ce matin par notre collègue Olivier Dussopt.
Cette proposition de loi, que le Sénat a modifiée afin d’en accroître l’efficacité, introduit dans le code général des collectivités territoriales une nouvelle division, composée d’un article unique L. 3232-5, permettant aux départements qui le souhaitent — j’y insiste — de financer ou de mettre eux-mêmes en œuvre toute action jugée utile pour prévenir et lutter contre les feux de forêts.
Elle était initialement cantonnée aux territoires particulièrement exposés aux risques d’incendie, mais tous les départements français sont désormais éligibles au dispositif. Cette extension, loin d’être un luxe superflu, se révèle nécessaire compte tenu des changements climatiques, qui, je l’ai dit, auront pour effet de fragiliser des régions jusque-là épargnées par les incendies de forêt. Elle n’entraînera au demeurant aucune obligation supplémentaire, puisque le dispositif proposé, facultatif, repose sur une démarche purement volontaire des départements. La proposition de loi est d’ailleurs naturellement soutenue par l’Association des départements de France.
Attendu par les départements, le texte qui vous est soumis est également soutenu par le Gouvernement. Son objet transcende les clivages politiques, ce qui lui a permis d’être adopté à l’unanimité au Sénat. Je vous invite à faire de même, mes chers collègues.
Avec votre bienveillance, monsieur le président, je me permettrai enfin d’exprimer un regret. Si, naturellement, je me réjouis que cette proposition de loi, portée par le groupe parlementaire auquel j’ai l’honneur d’appartenir, vienne en discussion, je regrette qu’il ait fallu autant de temps. En effet, déposée en octobre au Sénat, adoptée par la commission des Lois de cette chambre puis par la chambre elle-même en novembre, la proposition n’aura pas été examinée ici même avant ce mois de mars, alors que le Gouvernement, je l’ai rappelé, avait connaissance du problème dès la deuxième lecture du projet de loi NOTRe. Il eût été préférable de ne pas attendre trois mois et demi avant que le texte soit inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée, d’autant que le corps des forestiers-sapeurs est tombé depuis le 1er janvier dans un vide juridique qui aurait pu conduire certains comptables à refuser d’établir les feuilles de paie de ces agents.
Cela étant dit, je vous renouvelle mon invitation à adopter ce texte dans les mêmes termes que le Sénat.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, j’approuve entièrement l’esprit de cette loi, qui est effectivement urgente. Car c’est de défense des forêts contre l’incendie qu’il est ici question. Vous l’avez souligné à juste titre, monsieur le rapporteur, les départements méditerranéens, qui étaient très sujets au phénomène, ont fait depuis trente ans un travail considérable qui permet de limiter les départs et l’extension des feux grâce à une intervention rapide, de jour comme de nuit.
Les départements ont accompli un travail tout aussi considérable, et très coûteux pour eux, en accompagnant une politique publique d’État grâce aux corps des sapeurs-pompiers et des forestiers-sapeurs, mais aussi aux très nombreux bénévoles, notamment des jeunes, garçons et filles. Dans la plupart des villages de nos régions méditerranéennes et de montagne, de facto, une formation de ces bénévoles par les professionnels s’instaure. Un élargissement est en cours, lié au réchauffement climatique et à un sentiment d’urgence croissant.
Cette proposition de loi vient donc à point nommé. Nous en accompagnerons l’examen jusqu’au bout. Comme vous, monsieur le rapporteur, je regrette le temps qui s’est écoulé avant que nous ne l’abordions.
M. Gilles Lurton. Le groupe Les Républicains n’a aucune raison de s’opposer à cette proposition de loi, qui vient combler le vide créé par la loi NOTRe et permettra aux départements de financer et d’engager des actions de lutte contre les incendies de forêts.
La Commission en vient à l’examen des articles.
Article 1er
(art. L. 3232-5 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)
Compétence des départements
en matière de défense des forêts contre l’incendie
Le présent article complète le chapitre II du titre III du livre II de la troisième partie du code général des collectivités territoriales, relatif aux interventions et aides du département par une nouvelle section 4 portant sur la défense des forêts contre l’incendie, composée d’un unique article numéroté L. 3232-5.
1. L’adoption enrichie de la proposition de loi par la commission des Lois du Sénat
Le nouvel article L. 3232-5 du code général des collectivités territoriales, que se propose d’introduire l’article 1er de la proposition de loi, permet aux départements qui le souhaitent de financer ou de mettre en œuvre des actions d’aménagement, d’équipement et de surveillance aux fins de prévention et de lutte contre les incendies et de reconstitution de massifs forestiers.
Les actions ainsi entreprises peuvent s’inscrire dans le cadre du plan départemental ou interdépartemental de protection des forêts contre le risque d’incendie, prévu à l’article L. 133-2 du code forestier. Ce plan, élaboré par le représentant de l’État dans le département ou la région en association avec les collectivités territoriales concernées, définit des priorités pour chaque territoire constitué de massifs forestiers, avec pour finalité la protection de ces derniers.
a. L’insuffisance de la rédaction initiale de la proposition de loi s’agissant des départements éligibles
Dans la version initiale de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat, deux catégories de départements étaient concernées par la compétence reconnue par le nouvel article L. 3232-5 :
– les départements mentionnés à l’article L. 133-1 du code forestier, qui porte sur les territoires réputés particulièrement exposés aux risques d’incendie ;
– les départements sur le territoire desquels se trouvent des massifs forestiers classés en application de l’article L. 132-1 du même code, qui permet, par un arrêté pris par le représentant de l’État dans le département après avis des assemblées délibérantes des collectivités territoriales concernées, de classer à « risque d’incendie » des massifs identifiés comme exposés. Cet arrêté de classement entraîne la constitution, volontaire ou à défaut d’office, d’associations syndicales chargées de mettre en œuvre des travaux participant à la prévention et à la lutte contre les incendies.
Cette rédaction souffrait d’une importante lacune s’agissant de la première catégorie. En effet, seuls deux départements sont mentionnés à l’article L. 133-1, l’Ardèche et la Drôme. Les autres territoires nommément désignés sont ceux de régions et d’une collectivité à statut particulier : les anciennes régions Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et enfin la Corse. En conséquence, la forme de l’énumération faite au premier alinéa de l’article L. 133-1 alliée à la rédaction retenue par la proposition de loi avait pour effet de ne doter de la compétence en matière de protection des forêts contre les incendies que les départements de l’Ardèche et de la Drôme.
En plus d’être insuffisante eu égard à l’exclusion de la plupart des zones particulièrement exposées aux risques d’incendie, cette rédaction ne revêtait qu’une utilité marginale dans la mesure où ces deux départements sont membres de l’Entente pour la forêt méditerranéenne, qui peut déjà agir sur leurs territoires pour protéger les forêts.
b. L’élargissement des départements éligibles par la commission des Lois du Sénat
Lors de son examen du texte, la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de sa rapporteure, Mme Catherine Troendlé, est venue utilement modifier la détermination des départements susceptibles de bénéficier de la nouvelle compétence de protection des forêts contre l’incendie.
La seconde catégorie – les départements sur le territoire desquels des massifs ont fait l’objet d’un arrêté de classement en application de l’article L. 132-1 du code forestier – reste inchangée.
En revanche, la première catégorie, fondée sur l’énumération de l’article L. 133-1 du même code, est précisée : en plus des départements mentionnés à cet article – Ardèche et Drôme –, sont ajoutés les départements des régions qu’il mentionne. Cette précision bienvenue permet d’étendre à l’ensemble du territoire des anciennes régions précitées, de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et de la Corse, le bénéfice de la compétence de protection des forêts contre l’incendie.
2. L’extension générale apportée en séance publique par le Sénat
Lors de l’examen du texte en séance publique, le Sénat a décidé d’étendre encore plus largement les bénéficiaires de la nouvelle compétence.
Les références aux départements mentionnés directement ou indirectement à l’article L. 133-1 du code forestier et à ceux sur les territoires desquels des massifs ont fait l’objet d’un arrêté de classement à « risque d’incendie » ont en effet été supprimées : tous les départements peuvent désormais agir.
Issue d’un amendement déposé par l’auteur de la proposition de loi, M. Pierre-Yves Collombat, cette modification est opportune en ce qu’elle ouvre une faculté d’intervention à des départements qui, sans être actuellement directement exposés à de forts risques d’incendies, peuvent estimer utile d’organiser la prévention et la lutte contre les feux de forêts. Elle est également nécessaire, compte tenu des évolutions climatiques à venir et des projections faites pour les prochaines décennies.
Outre le pourtour méditerranéen et la zone landaise, de nombreux territoires actuellement épargnés seront exposés à des risques accrus. Ainsi que le soulignait le ministre de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt lors de la discussion du texte en séance publique par le Sénat le 18 novembre 2015, « le réchauffement climatique pourrait étendre le risque d’incendies de forêt, qui, traditionnellement, concernait la zone méditerranéenne et le sud de la France, vers le nord de notre pays. » (7) L’extension à l’ensemble des départements, par la suppression des références aux dispositifs prévus aux articles L. 133-1 et L. 132-1, répond donc à un impératif de sécurité publique.
Il convient de rappeler que cette nouvelle compétence ne revêt en aucun cas un caractère obligatoire, point sur lequel l’Assemblée des départements de France a particulièrement insisté. Il s’agit simplement d’ouvrir une faculté aux départements souhaitant s’en saisir mais qui, en l’état du droit, ne le peuvent pas.
Conséquence de l’extension opérée en séance publique, une précision rédactionnelle est venue indiquer que les actions entreprises par les départements s’inscrivent, le cas échéant, dans le cadre du plan départemental ou interdépartemental de protection des forêts contre les incendies. Il n’était en effet plus utile de prévoir que ces actions s’inscrivaient nécessairement dans le cadre de ces plans dans la mesure où ils ne concernent que les territoires réputés particulièrement exposés aux risques d’incendie, c’est-à-dire ceux mentionnés à l’article L. 133-1 du code forestier.
Seconde conséquence de l’adoption de l’amendement de M. Collombat, le Sénat a modifié le titre de la proposition de loi, qui faisait expressément référence aux départements sensibles, afin de supprimer cette précision devenue incohérente avec l’objet final du texte.
3. L’adoption sans modification du dispositif par votre commission des Lois
À l’invitation de votre rapporteur, la Commission a adopté l’article 1er de la présente proposition de loi sans y apporter de modification. Ce vote conforme du texte issu des travaux du Sénat, s’il est confirmé en séance, permettra une entrée en vigueur rapide du dispositif.
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La Commission adopte l’article 1er sans modification.
Article 2 (suppression maintenue)
Gage financier
La proposition de loi déposée au Sénat comportait un article compensant la charge supplémentaire induite pour les départements par une majoration corrélative de la dotation globale de fonctionnement. Pour compenser cette charge pesant sur l’État, était prévue une augmentation des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’article 2 a été supprimé en commission par l’adoption d’un amendement du Gouvernement destiné à lever le gage. La proposition de loi est ainsi conforme aux exigences de la recevabilité financière des initiatives parlementaires découlant de l’article 40 de la Constitution.
Il peut, de prime abord, sembler regrettable que cette suppression, au-delà de celle de la taxe additionnelle sur les produits tabagiques, ait conduit à la disparition de la majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement (DGF) allouée aux départements. Un tel dispositif aurait permis à ces derniers de disposer de ressources consolidées pour financer leurs actions en matière de défense des forêts contre les incendies. Toutefois, il convient de rappeler que ces actions se font sur la base du volontariat. En conséquence, une hausse généralisée de la DGF – à quoi aurait abouti le maintien de l’article 2 – n’était pas justifiée. Par ailleurs, l’article 1er de la proposition de loi ne crée pas une nouvelle compétence obligatoire à la charge des départements et n’opère aucun transfert. Il se borne à fournir un fondement juridique aux actions départementales que la loi « NOTRe » a remis en cause.
La Commission, sur invitation de votre rapporteur, a maintenu cette suppression.
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La Commission maintient la suppression de l’article 2.
Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.
M. le président Dominique Raimbourg. À l’unanimité ! Félicitations, monsieur le rapporteur !
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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi relative à la protection des forêts contre l’incendie (n° 3543), dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
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Dispositions en vigueur ___ |
Texte de la proposition de loi ___ |
Texte adopté ___ |
Proposition de loi relative à la protection des forêts contre l’incendie |
Proposition de loi relative à la protection des forêts contre l’incendie | |
Article 1er |
Article 1er | |
Le chapitre II du titre III du livre II de la troisième partie du code général des collectivités territoriales est complété par une section 4 ainsi rédigée : |
(Sans modification) | |
« Section 4 |
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« Défense des forêts contre l’incendie |
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« Art. L. 3232-5. – Les départements peuvent financer ou mettre en œuvre des actions d’aménagement, d’équipement et de surveillance des forêts afin, d’une part, de prévenir les incendies et, le cas échéant, de faciliter les opérations de lutte, et d’autre part, de reconstituer les forêts. Ces actions s’inscrivent, le cas échéant, dans le cadre du plan défini à l’article L. 133-2 du code forestier. » |
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Article 2 |
Article 2 | |
(Supprimé) |
(Sans modification) | |
PERSONNES ENTENDUES ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES REÇUES PAR LE RAPPORTEUR
• Ministère de l’Intérieur - Direction générale de la Sécurité civile et de la gestion des crises
— M. Philippe LE MOING-SURZUR, sous-directeur de la planification et de la gestion des crises.
• Assemblée des départements de France.