N° 3925
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 juillet 2016.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE, MODIFIÉE PAR LE SÉNAT, EN DEUXIÈME LECTURE (n° 3440), relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité,
PAR Mme Anne-Yvonne LE DAIN
Députée
——
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 1re lecture : 2055 rect., 2629, 2107 et T.A. 495.
Sénat : 1re lecture : 364 rect., 607, 609 (2014-2015) et T.A. 70 (2015-2016).
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION 5
I. LA CRÉATION DE L’AGENCE FRANÇAISE POUR LA BIODIVERSITÉ 7
II. LA SOUMISSION À L’AVIS DES COMMISSIONS PARLEMENTAIRES DE LA NOMINATION À LA PRÉSIDENCE DE L’AGENCE FRANÇAISE POUR LA BIODIVERSITÉ 10
Article 1er (tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution) : Instauration d’un avis public des commissions parlementaires sur la nomination à la présidence de l’Agence française pour la biodiversité 17
Article 2 (supprimé) : Entrée en vigueur 18
TABLEAU COMPARATIF 21
L’Assemblée nationale est saisie, en deuxième lecture, de la proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité, adoptée le 26 janvier 2016 par le Sénat en première lecture (n° 3440).
Ce nouvel organisme est créé par le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (1), adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 23 juin 2016 (2).
Nouvelle agence, en sus de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), elle sera le deuxième grand opérateur de l’État en matière d’environnement. Cela marque la volonté et la détermination de l’État dans ces domaines, face aux risques de dégradation de l’environnement et à la nécessité de préserver la biodiversité, tout en tenant compte de la réalité de la présence des êtres humains sur notre planète.
La présente proposition de loi organique vise à soumettre la nomination à la présidence de l’Agence française pour la biodiversité à la procédure d’avis des commissions parlementaires prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, selon lequel « une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés ».
Créée à l’article 9 du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (futurs articles L. 131-8 et suivants du code de l’environnement), l’Agence française pour la biodiversité est un établissement public administratif de l’État chargé de regrouper, de diffuser et de valoriser les connaissances en matière de biodiversité et de fournir un appui méthodologique et financier aux différents acteurs œuvrant en faveur de la biodiversité. Elle participera à la définition et à la défense des positions françaises dans les négociations internationales et au niveau européen.
Votre rapporteure souligne que la biodiversité est un « construit social », entre nature et paysages, entre le produit de la sélection naturelle et l’action de l’Homme – ou plutôt de l’Humanité –, à l’origine de l’agriculture, du pâturage, de la foresterie et de l’économie de cueillette. À la biodiversité naturelle s’ajoute ainsi une biodiversité anthropique.
Aux termes du nouvel article L. 131-8 du code de l’environnement, l’Agence française pour la biodiversité sera chargée de contribuer, s’agissant des « milieux terrestres, aquatiques et marins », à la préservation, à la gestion et à la restauration de la biodiversité, au développement des connaissances, des ressources, des usages et des services écosystémiques attachés à la biodiversité, à la gestion équilibrée et durable des eaux, ainsi qu’à la lutte contre la biopiraterie (3).
Le nouvel article L. 131-9 du même code attribue à l’Agence huit types de missions :
– le développement des connaissances en matière de biodiversité ;
– l’appui technique et administratif aux acteurs, publics ou privés, intervenant dans le domaine de la protection de la biodiversité ;
– le soutien financier à certaines initiatives, notamment aux projets en faveur de la biodiversité et de la gestion durable et équilibrée de la ressource en eau ;
– les actions de formation et de communication ;
– la gestion ou l’appui à la gestion d’aires protégées, telles que les parcs naturels marins ;
– la contribution à l’exercice de missions de police administrative et de police judiciaire relatives à l’eau, aux milieux aquatiques et à la biodiversité ;
– l’accompagnement et le suivi du dispositif d’accès aux ressources génétiques et de « partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation » (4). Votre rapporteure souligne qu’au delà du dispositif juridique en question, ces notions de justice et d’équité restent à définir et à préciser, dès lors que les ressources génétiques sont non seulement un « héritage de la Nature », mais aussi un « construit social », dans un cadre national et international tenant compte des réalités historiques et des avancées permises, depuis la domestication des plantes et des animaux, par les sciences et les techniques ;
– le suivi des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité. Il convient de souligner que l’agriculture, la foresterie et l’élevage ont contribué à façonner cette biodiversité, si bien qu’il existe peu de terres vierges, la « main de l’Homme » ayant travaillé presque partout sur la planète. La définition exacte de la compensation des atteintes à la biodiversité sera donc un enjeu essentiel, auquel l’Agence devra prendre toute sa part et pour lequel son indépendance institutionnelle sera nécessaire.
L’Agence française pour la biodiversité se substituera à plusieurs organismes préexistants (5) – dont aucun n’est aujourd’hui inclus dans le champ d’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution :
– l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) ;
– Parcs nationaux de France (PNF), établissement public administratif, mentionné à l’article L. 331-29 du code de l’environnement, chargé de coordonner l’action des établissements publics administratifs correspondant à chaque parc national de France ;
– le groupement d’intérêt public « Atelier technique des espaces naturels » (ATEN) ;
– l’Agence des aires marines protégées (AAMP).
En outre, le service du patrimoine naturel du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) deviendrait, par voie réglementaire, une unité commune à l’Agence française pour la biodiversité et au Muséum.
Cette unité aura vocation à construire des partenariats avec les universités et les centres nationaux de recherche, ceci d’autant plus que la France compte parmi les rares nations concentrant la plupart des systèmes écologiques : tempéré, tropical, boréal, méditerranéen, montagnard, insulaire, continental, océanique, etc. Cette biodiversité, construite ou naturelle, nécessite que la future Agence s’inscrive dans un paysage institutionnel et juridique qui prenne acte de l’histoire de notre pays. En particulier, la démocratie française, fruit du siècle des Lumières et de la Raison, assume l’immense diversité d’une humanité d’origine multiple, raisonnable et raisonnée, généreuse tout autant que rationnelle.
Enfin, le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ouvre la possibilité de « rattacher » à la nouvelle Agence d’autres établissements publics de l’État régis par le code de l’environnement, en vue d’une mise en commun des services et des moyens (6). Ces dispositions s’appliqueront de plein droit à l’ensemble des parcs nationaux, qui seront ainsi « rattachés » à l’Agence, sans y être formellement intégrés (7). Cela se matérialisera par la définition d’un cadre stratégique commun et par la mutualisation de fonctions support.
En application du nouvel article L. 131-10 du code de l’environnement, l’Agence française pour la biodiversité sera dirigée par un conseil d’administration (8) composé de cinq collèges, dont le nombre de membres sera précisé par voie réglementaire :
– un premier collège, représentant au moins la moitié des membres du conseil d’administration, constitué de représentants de l’État, de représentants d’établissements publics nationaux œuvrant dans le champ des compétences de l’Agence et de personnalités qualifiées ;
– un deuxième collège comprenant des représentants des secteurs économiques concernés, d’associations agréées de protection de l’environnement ou d’éducation à l’environnement et des gestionnaires d’espaces naturels, dont un gestionnaire d’un espace naturel situé en outre-mer ;
– un troisième collège composé de représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, dont un représentant des outre-mer ;
– un quatrième collège comprenant deux députés et deux sénateurs, dont au moins un issu d’un territoire ultra-marin ;
– un cinquième collège composé des représentants élus du personnel de l’Agence (9).
II. LA SOUMISSION À L’AVIS DES COMMISSIONS PARLEMENTAIRES DE LA NOMINATION À LA PRÉSIDENCE DE L’AGENCE FRANÇAISE POUR LA BIODIVERSITÉ
● Dans la version initiale du projet de loi, le président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité devait être élu parmi les membres de ce conseil.
Toutefois, lors de son examen en première lecture, du 24 au 26 juin 2014, la commission du Développement durable de l’Assemblée nationale a prévu, sur proposition de la rapporteure, Mme Geneviève Gaillard, que le président du conseil d’administration serait nommé par décret en conseil des ministres
– donc par le Président de la République – parmi les membres du conseil d’administration, sur proposition de ce conseil (dernier alinéa de l’article L. 131-10 du code de l’environnement, introduit par l’article 9 du projet de loi).
La commission du Développement durable a également souhaité que cette nomination soit soumise à la procédure d’audition et d’avis public des commissions parlementaires – en l’occurrence celles compétentes en matière d’environnement (10) – prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution.
Elle a, en particulier, souligné que :
– plusieurs organismes intervenant dans le domaine du développement durable sont déjà soumis à cette procédure, tels que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) ou l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA) ;
– la biodiversité est mentionnée dans la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle, dont le préambule fait expressément référence à la « diversité biologique ».
Aux termes du dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, seule une loi organique peut cependant déterminer « les emplois ou fonctions (...), pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée ».
● Tel est l’objet de la présente proposition de loi organique, déposée le 23 juin 2014 – soit la veille de l’examen, en première lecture, par la commission du Développement durable du projet de loi relatif à la biodiversité – par M. Jean-Paul Chanteguet, président de cette commission, et par Mme Geneviève Gaillard, rapporteure du projet de loi.
En première lecture, le 11 mars 2015, votre commission des Lois a approuvé cette démarche, ne modifiant que marginalement la proposition de loi organique.
Le 19 mars 2015, à l’initiative de votre rapporteure, l’Assemblée nationale lui a apporté, en séance, des modifications plus importantes :
– elle a « neutralisé » le genre de la fonction de président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité, en remplaçant le terme de « président » par celui de « présidence ». En effet, la première des biodiversités est l’altérité sexuelle, qui a donné lieu à la reproduction sexuée, engendrant une multitude de possibilités biologiques dans les descendances et donnant naissance au concept essentiel d’évolution. Le droit français doit impérieusement reconnaître cette altérité qui, naturelle au départ, est devenue démocratique, c’est-à-dire acceptée par tous. La différenciation sexuelle est la première des altérités ;
– elle a étendu cette mesure de neutralisation à l’ensemble des emplois et fonctions pour lesquels les commissions parlementaires donnent un avis préalable à la nomination par le Président de la République, tels qu’ils sont énumérés dans le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Alors que n’y figurent aujourd’hui que des termes au masculin (« président », « directeur », « gouverneur », etc.), votre rapporteure a « jugé plus pertinent de désigner la fonction qui allait être exercée, ce qui, pour la moitié de l’humanité qui s’appelle les femmes, change tout » (11). Le genre grammatical neutre n’existe pas en français, l’article « on » n’étant qu’un déterminant indéfini. Il importe donc que la dénomination des fonctions soit neutralisée, afin de faire clairement apparaître qu’elles peuvent être exercées tant par un homme que par une femme.
L’Assemblée nationale a, par coordination, apporté les mêmes modifications au tableau désignant les commissions parlementaires compétentes, annexé à la loi ordinaire n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (article 17 bis du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages).
● Le 26 janvier 2016, le Sénat a adopté la présente proposition de loi organique, en première lecture, sans remettre en cause les modifications effectuées par l’Assemblée nationale et en se bornant à l’ajout de deux mesures de coordination :
– à l’initiative de M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission de l’Aménagement du territoire et du développement durable, le Sénat a tenu compte, à l’article 1er, de la modification du tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010 précitée par la loi organique n° 2015-911 du 24 juillet 2015 relative à la nomination du président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ;
– sur proposition du Gouvernement, le Sénat a supprimé l’article 2, qui fixait au 1er janvier 2016 l’entrée en vigueur de la nouvelle loi organique.
● Dans ces conditions, suivant la recommandation de votre rapporteure, votre commission des Lois a, en deuxième lecture, adopté sans modification la présente proposition de loi organique (12).
Son adoption en séance pourrait intervenir concomitamment à l’adoption définitive du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Lors de sa réunion du mercredi 6 juillet 2016, la commission des Lois procède à l’examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (n° 3440) (Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure).
Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure. Notre commission est de nouveau saisie, en deuxième lecture, de la proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité. Ce texte complète le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages – ces deux derniers termes ayant été ajoutés au titre initial du projet de loi, qui concernait uniquement la biodiversité –, actuellement en instance de nouvelle lecture au Sénat et qui devrait être définitivement adopté par l’Assemblée nationale au cours de la dernière semaine de notre session extraordinaire.
Cette proposition de loi organique a été présentée par M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable, et par Mme Geneviève Gaillard, rapporteure du projet de loi. Elle ajoute la future Agence française pour la biodiversité à la liste des organismes dont les dirigeants font l’objet d’un avis public des commissions parlementaires, avant leur nomination par le Président de la République.
Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution prévoit que, pour les fonctions importantes « pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation », le pouvoir de nomination du chef de l’État s’exerce après une audition et un avis public des commissions parlementaires compétentes. La nomination peut être empêchée, à la condition de réunir une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des commissions des deux assemblées.
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi ne prévoyait pas que la présidence de la nouvelle Agence française pour la biodiversité donnerait lieu à une nomination par le chef de l’État : le président de l’Agence devait être élu parmi les membres du conseil d’administration. La commission du développement durable a remplacé cette élection par une désignation par le Président de la République, au sein et sur proposition du conseil d’administration. Elle a également souhaité que cette nomination soit soumise à la procédure d’audition et d’avis public des commissions parlementaires – en l’occurrence les commissions compétentes en matière d’environnement. C’est ce qui a motivé le dépôt, en juin 2014, de cette proposition de loi organique.
Ce changement est important. En effet, si l’organisation de cette agence chargée de centraliser et de gérer tout ce qui se rapporte à la biodiversité relève de la loi ordinaire, le fait que la commission du développement durable de notre assemblée ait décidé que son président serait désigné par le Président de la République est le signe de l’attention accordée à la biodiversité, concept malaisé à définir scientifiquement, mais qui, néanmoins, est accepté par la majeure partie de la population et constitue un enjeu planétaire pour le XXIe siècle.
Lors de la première lecture, en mars 2015, notre commission des Lois et l’ensemble des députés ont estimé qu’il était justifié que la future Agence française pour la biodiversité soit soumise à la procédure d’avis des commissions parlementaires. À mon initiative, l’Assemblée nationale a néanmoins modifié la proposition de loi organique.
D’une part, nous avons « neutralisé » le genre de la fonction de président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité, en remplaçant le terme de « président » par celui de « présidence ». En effet, la première des biodiversités est bien l’altérité sexuelle, puisque c’est elle qui a préludé à l’explosion de la biodiversité terrestre et aquatique que nous connaissons. Dans le processus d’évolution de la vie sur la terre, l’apparition de la sexualité a permis de multiplier à l’infini les possibilités offertes au développement de la vie qui, jusqu’alors, ne s’était développée que par scissiparité, modifications génétiques ou du fait d’aléas dus au hasard.
Sachant par ailleurs que le principe d’égalité entre les sexes n’est que très récent dans l’histoire de l’humanité, il m’a semblé essentiel de se référer dans la loi organique à la fonction et non plus à celui qui l’occupe, la première primant sur le second. Je remercie les sénateurs d’avoir considéré que notre proposition était pertinente.
D’autre part, toujours à mon initiative, l’Assemblée nationale a étendu cette mesure de neutralisation à la cinquantaine de fonctions et d’emplois énumérés dans le tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010 et pour lesquels les commissions parlementaires donnent un avis préalable à la nomination par le Président de la République.
En janvier 2016, le Sénat a approuvé l’ensemble de ces modifications. Il s’est borné à adopter deux mesures de coordination : l’une tenant compte de la création de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), qui a entre-temps été ajoutée au tableau de la loi organique de 2010 ; l’autre supprimant la date d’entrée en vigueur de la proposition de loi organique, celle-ci ayant vocation à s’appliquer dès la création de l’Agence française pour la biodiversité.
Pour conclure, je vous invite donc, dans le cadre de cette deuxième lecture, à adopter sans modification cette proposition de loi organique. En effet, à la différence du projet de loi sur la biodiversité, sur lequel la commission mixte paritaire n’est pas parvenue à un accord, cette proposition fait l’objet d’un consensus entre nos deux assemblées. Je m’en félicite, car elle donne force institutionnelle à la notion de biodiversité, laquelle concerne non seulement la métropole, mais également les départements et collectivités d’outre-mer, qui permettent à la France, avec le deuxième linéaire côtier au monde, d’être, avec les États-Unis, quasiment le seul pays à couvrir, grâce à son territoire, l’ensemble des climats et des climax écologiques de la planète.
M. Jean-Marie Sermier. La biodiversité est essentielle à notre planète, et la France se doit de jouer un rôle majeur dans sa préservation et son amélioration. Deux textes sont pour cela en cours d’examen : le premier est le projet de loi sur la biodiversité, dont l’Assemblée nationale va prochainement entamer la lecture définitive, le Gouvernement ayant raté l’occasion de proposer un texte qui fasse consensus parmi la représentation nationale ; le second texte est celui que nous examinons ici, portant validation par le Président de la République de la nomination du président de la future Agence française pour la biodiversité, et sur lequel au moins nous sommes parvenus à un accord. C’est pourquoi le groupe Les Républicains est favorable à l’adoption de ce texte, dans sa version conforme à celle du Sénat.
La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi organique.
Article 1er
(tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution)
Instauration d’un avis public des commissions parlementaires sur la nomination à la présidence de l’Agence française pour la biodiversité
Cet article vise à modifier le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, afin d’y inclure la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.
En conséquence, la nomination à cette fonction par le Président de la République interviendra après l’avis public des commissions parlementaires compétentes, rendu à l’issue d’une audition publique de la personnalité pressentie. En application de l’article 13 de la Constitution, le Président de la République devra renoncer à la nomination envisagée si l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. À ce jour, un tel cas de figure ne s’est jamais présenté (13).
En application de l’article 17 bis du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, les commissions parlementaires concernées seront celles compétentes en matière d’environnement : la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale ; la commission du Développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire du Sénat.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL1 de M. Jacques Bompard.
M. Jacques Bompard. Mon amendement vise à supprimer les alinéas 3 à 10. Pour quelle raison, en effet, modifier par des contorsions de vocabulaire tous les titres attribués aux récipiendaires d’une fonction ? Dans mon idée, il s’agissait de remplacer l’unité par la pluralité, dans la mesure où un gouvernorat, c’est une équipe. Si c’est une question de guerre des sexes, alors mon analyse est caduque.
Mme la rapporteure. Monsieur Bompard, je souhaite vous rassurer, en vous indiquant d’abord que le terme de « gouvernorat » est utilisé sur le site de la Banque de France, dans la biographie de François Jaubert, gouverneur de 1807 à 1814, qui mentionne que « pendant son gouvernorat, la banque promulgue ses statuts fondamentaux, ouvre ses premiers comptoirs d’escompte et acquiert l’hôtel de Toulouse ». Dans le dictionnaire Le Robert, le gouvernorat est défini comme la « fonction de gouverneur ».
Par ailleurs, le fait de transcrire dans la langue et dans le droit l’égalité des sexes, a fortiori dans une loi organique, est faire œuvre utile en signalant que le pouvoir n’est pas nécessairement masculin. C’est également une manière de répondre à l’Académie française, qui décida de manière phallocratique, au milieu du XIXe siècle, que l’accord des verbes et des adjectifs se faisait avec le genre masculin, quand bien même les éléments féminins étaient plus nombreux dans la phrase.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’article 1ersans modification à l’unanimité.
Article 2 (supprimé)
Entrée en vigueur
Cet article visait à fixer la date d’entrée en vigueur de la future loi organique issue de la présente proposition.
Compte tenu de la date de dépôt de cette proposition (en juin 2014), l’entrée en vigueur devait initialement intervenir le 1er janvier 2015.
En première lecture, sur proposition de votre rapporteure, l’Assemblée nationale a repoussé cette échéance au 1er janvier 2016, par cohérence avec la date de création de l’Agence française pour la biodiversité alors retenue à l’article 17 du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
En deuxième lecture, le Sénat a supprimé toute date fixe dans le projet de loi : l’Agence pourra être créée dès la publication de la loi (14). En conséquence, le Sénat a également supprimé le présent article : les deux textes suivant le même parcours parlementaire, il n’est pas nécessaire de prévoir une date d’entrée en vigueur autre que celle de la publication de la future loi organique.
*
* *
La Commission maintient la suppression de l’article 2.
Elle adopte ensuite à l’unanimité l’ensemble de la proposition de loi organique sans modification.
*
* *
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter, en deuxième lecture, la proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité, dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
___
Texte de la proposition ___ |
Texte de la proposition ___ |
Texte adopté par la Commission ___ |
Proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence |
Proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence |
Proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence |
Article 1er |
Article 1er |
Article 1er |
Le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est ainsi modifié : |
(Alinéa sans modification) |
(Sans modification) |
|
Alinéa supprimé |
|
|
Alinéa supprimé |
|
|
1° Après la cinquième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée : |
|
Agence française pour la biodiversité Présidence du conseil d’administration |
(Alinéa sans modification) |
|
2° La seconde colonne est ainsi modifiée : |
||
a) Aux deuxième, trentième, trente et unième, trente-neuvième et quarante-quatrième lignes, les mots : « Président-directeur général » sont remplacés par les mots : « Présidence-direction générale » ; |
||
b) Aux troisième, quatrième, sixième, neuvième à quinzième, dix-huitième à vingtième, vingt-deuxième à vingt-huitième, trente-deuxième à trente-sixième, quarante-troisième, quarante-cinquième, trois fois, et dernière lignes, le mot : « Président » est remplacé par le mot : « Présidence » ; |
||
|
c) Aux cinquième, septième, huitième, dix-septième, trente-septième, trente-huitième et |
|
|
d) À la seizième ligne, le mot : « Gouverneur » est remplacé par le mot : « Gouvernorat » ; |
|
|
e) À la vingt et unième ligne, les mots : « Administrateur général » sont remplacés par les mots : « Administration générale » ; |
|
|
f) À la vingt-neuvième ligne, le mot : « Contrôleur » est remplacé par le mot : « Contrôle » ; |
|
|
g) À la quarante-cinquième ligne, le mot : « délégué » est remplacé par le mot : « déléguée » ; |
|
3° à 8° (Supprimés) |
||
|
Article 2 |
Article 2 |
|
Supprimé |
(Sans modification) |
1 () Initialement intitulé, lors de son dépôt en mars 2014, projet de loi « relatif à la biodiversité ».
2 () Ce projet de loi devrait être examiné en nouvelle lecture par le Sénat du 11 au 13 juillet 2016.
3 () La biopiraterie désigne l’appropriation du vivant et la limitation de son exploitation par le dépôt de brevets.
4 () Ce dispositif, dont la création est prévue à l’article 18 du projet de loi, vise à lutter contre la biopiraterie.
5 () Les dispositions concernant ces organismes sont modifiées en conséquence par l’article 16 du projet de loi.
6 () Article 8 du projet de loi ; nouvel article L. 131-1 du code de l’environnement.
7 () Article 10 du projet de loi ; nouvel article L. 331-8-1 du code de l’environnement.
8 () S’y ajouteront un « conseil scientifique », des « comités d’orientation » et une « direction générale » (articles L. 131-10-1, L. 131-11 et L. 131-11-1 du code de l’environnement).
9 () Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, l’Agence française pour la biodiversité compterait environ 1 200 agents.
10 () Article 17 bis du projet de loi.
11 () Compte rendu de la deuxième séance du jeudi 19 mars 2015.
12 () Saisie pour avis, la commission du Développement durable a statué dans le même sens le 2 mars 2016 (avis n° 3548).
13 () En revanche, le 14 janvier 2015, la commission des Lois de l’Assemblée nationale s’est opposée à la nomination, par le Président de l’Assemblée nationale, de M. Fabrice Hourquebie en qualité de membre du Conseil supérieur de la magistrature.
14 () L’article 17 du projet de loi précise que jusqu’à l’installation du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité prévu au nouvel article L. 131-10 du code de l’environnement, un conseil d’administration transitoire, composé des membres des quatre conseils d’administration des établissements publics qui composent l’Agence, règlera par ses délibérations les affaires de l’établissement.