N° 4238
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 novembre 2016.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION DE LOI relative à la promotion des langues régionales,
Par Mme Annie LE HOUEROU,
Députée.
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Voir le numéro :
Assemblée nationale : 4096.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LA SITUATION TRÈS PRÉOCCUPANTE DES LANGUES RÉGIONALES EN FRANCE 7
II. DES INSTRUMENTS AMBITIEUX POUR CONCRÉTISER LA RECONNAISSANCE CONSTITUTIONNELLE DES LANGUES RÉGIONALES 13
A. LEVER LES BLOCAGES FREINANT L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES RÉGIONALES 14
1. Des tensions historiques entre les langues régionales et l’école républicaine qui ne s’apaisent que très progressivement 14
2. Des obstacles légaux au déploiement d’enseignement efficace des langues régionales pour toutes les familles intéressées 18
B. DONNER UNE INDISPENSABLE VISIBILITÉ DANS LES SERVICES PUBLICS ET LES MÉDIAS 20
1. Homogénéiser les traductions en langue régionale des principales informations dans les services publics 21
2. Mieux encourager la présence des langues régionales dans tous les médias 21
TRAVAUX DE LA COMMISSION 27
I. DISCUSSION GÉNÉRALE 27
II. EXAMEN DES ARTICLES 43
TITRE IER – ENSEIGNEMENT DES LANGUES RÉGIONALES 43
Avant l’article 1er 43
Article 1er(art. L. 312-11-1 du code de l’éducation) : Inscription des langues régionales dans le cadre de l’horaire normal des écoles 44
Article 2 (art. L. 312-10 du code de l’éducation) : Clarification de la reconnaissance législative de l’enseignement bilingue immersif français-langue régionale 51
Article 3 (art. L. 611-9 du code de l’éducation) : Contribution des établissements d’enseignement supérieur au développement des langues et des cultures régionales 54
Après l’article 3 55
TITRE II – SIGNALÉTIQUE 56
Article 4 : Traduction en langue régionale des inscriptions, signalétiques et principaux supports de communication des services publics 56
TITRE III – MÉDIAS 60
Article 5 : Rôle des aides à la presse dans l’incitation à l’utilisation des langues régionales 60
Article 6 (art. 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Élargissement des missions du Conseil supérieur de l’audiovisuel à la promotion et au développement des langues régionales dans la communication audiovisuelle 63
Après l’article 6 64
Article 7 (art. 29 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Attribution de fréquences pour la diffusion de services de radio en langues régionales 64
Après l’article 7 65
Article 8 : Compensation de charge supplémentaire 67
Cela fait près de dix ans que les langues régionales ont été consacrées dans la Constitution par la révision du 23 juillet 2008 qui a introduit un nouvel article 75-1 rappelant qu’elles « appartiennent au patrimoine de la France ». Et vingt-cinq ans ont passé depuis la rédaction de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires qui leur offre un statut commun protecteur et efficace désormais en vigueur dans les vingt-quatre pays européens qui l’ont ratifiée. Pourtant aujourd’hui encore les langues régionales, confrontées à la menace d’un déclin irréversible, demeurent privées de tout cadre suffisamment protecteur dans notre droit.
À cet égard, le refus obstiné de la majorité du Sénat d’adopter le projet de loi constitutionnelle déposé par le Gouvernement tendant à autoriser la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, pourtant approuvé en janvier 2015 par l’Assemblée nationale à la très vaste majorité de 361 voix contre 149, a limité le champ des possibles.
Cette opposition arc-boutée sur des principes qui ne résistent en rien à l’épreuve des faits – l’expérience montre sans ambiguïté que la prospérité d’une langue minoritaire étaye bien plus qu’elle n’affaiblit la vitalité de la langue principale – fait obstacle à l’entrée en vigueur d’un texte clair et équilibré, alors même qu’il s’agit d’un engagement souscrit par le Président de la République devant les Français. L’hostilité intransigeante et idéologique à ce texte nous a ainsi placés à contre-courant de nos partenaires européens, les langues régionales ou minoritaires faisant partout ailleurs, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni, en Allemagne, dans les pays scandinaves, etc., l’objet de statuts renforcés et avantageux leur insufflant un indéniable dynamisme.
L’absence de modification constitutionnelle ouvrant la voie à un dispositif ambitieux de protection des langues régionales place le législateur sous la menace d’une interprétation restrictive du Conseil constitutionnel comparable à celle qui l’avait conduit, le 15 juin 1999, a jugé la Charte européenne non conforme à la Constitution au motif qu’elle contrevenait aux principes à valeur constitutionnelle que sont l’unicité du peuple français, l’indivisibilité de la République, l’égalité des citoyens devant la loi, mais aussi à l’article 2 de la Constitution qui fait du français la langue de la République.
Dans cet espace étroit qui limite nécessairement la portée des efforts, mais face à l’urgence de préserver la vitalité et la richesse des langues régionales, la présente proposition de loi a pour ambition d’actionner les principaux leviers immédiatement disponibles pour poser les fondations d’un régime juridique protecteur. Elle emprunte les deux grandes directions dans lesquelles s’enracine le dynamisme d’une langue : l’éducation, d’abord ; et la présence dans la vie quotidienne, tant s’agissant de l’espace public que des médias, ensuite.
Pour l’éducation, les articles 1er et 2 visent à concrétiser la faculté accordée aux familles qui le souhaitent, dans la loi Peillon du 8 juillet 2013, de donner à leurs enfants un enseignement « de » et « en » langue régionale au cours de leur scolarité. À cette fin, sera généralisée par des conventions conclues entre l’État et les régions afin de s’assurer qu’il existe d’abord un consensus notamment sur l’étendue des territoires concernés, l’offre d’enseignement des langues régionales dans les écoles, les collèges et les lycées pour que, partout où celles-ci sont en usage, les familles intéressées aient la faculté de transmettre à leurs enfants cet élément décisif de notre patrimoine commun. Ensuite, l’enseignement bilingue sera reconnu quelle que soit la durée d’enseignement dans les deux langues, permettant ainsi un bien meilleur développement de l’enseignement bilingue immersif pour ceux qui choisissent cette voie d’enseignement particulièrement efficace, tant pour la maîtrise des langues concernées que, d’ailleurs, pour l’acquisition du socle commun. Enfin l’article 3 encouragera l’enseignement supérieur à faire une plus grande place aux langues et aux cultures régionales en invitant les établissements qui le souhaitent à contracter des engagements ambitieux.
S’agissant ensuite de la présence des langues régionales dans la vie quotidienne, l’article 4 permettra aux régions volontaires d’homogénéiser des pratiques aujourd’hui disparates en généralisant dans leur bassin d’usage les traductions en langue régionale des grandes signalétiques des voies publiques ainsi que des bâtiments publics et des principaux supports de communication institutionnelle des services publics. En parallèle, une meilleure place sera consacrée à ces langues dans les médias. L’article 5 fournira un puissant encouragement aux publications de presse et sites en ligne rédigés en langue régionale en alignant le régime des aides auxquelles ils seront éligibles sur celui applicable aux éditions en langue française. Les articles 6 et 7 renforceront la présence des langues régionales dans les médias audiovisuels, au moyen de l’extension des missions du Conseil supérieur de l’audiovisuel à leur promotion et d’une meilleure place faite aux radios locales diffusant en langue régionale.
Les langues régionales parlées en France métropolitaine accusent un déclin général très inquiétant.
Comme l’a montré l’INSEE en 2012 (1) à partir d’une enquête portant sur 14 000 personnes, seules 12 % des personnes interrogées parlent même occasionnellement une autre langue que le français, alors mêmes que 26 % d’entre elles indiquent qu’elles le faisaient dans leur enfance. Les trois quarts des adultes qui parlaient une langue régionale dans leur petite enfance à la maison n’utilisent désormais plus que le français.
PROPORTION D’ADULTES À QUI LES PARENTS PARLAIENT UNE LANGUE RÉGIONALE
Champ : adultes vivant en métropole.
Source : Enquête Étude de l’histoire familiale 1999, INSEE.
Selon les estimations fournies au Comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) (2) la situation des principales langues régionales met partout en évidence des reculs importants.
Si l’on dénombre ainsi quelque 750 000 locuteurs de l’alsacien sur 1,8 million d’habitants, leur répartition démographique est très inégale, couvrant 74 % des plus de 60 ans mais seulement 12 % des 18-29 ans. Compte tenu de ce net vieillissement, l’Office pour la langue et la culture d’Alsace estime que la proportion d’habitants aptes à s’exprimer en alsacien est passée de 62 % en 2002 à 42 % en 2013. Le réseau des écoles bilingues privées et publiques, qui offre des enseignements généralement paritaires, scolarise aujourd’hui près de 80 000 enfants.
Les locuteurs en breton, soutenus par des filières bilingues dynamiques scolarisant près de 35 000 enfants et une importante présence médiatique grâce aux efforts de France 3 et des télévisions locales qui proposent des émissions régulières en breton, atteignent 300 000 pour une pratique occasionnelle et 600 000 plus régulièrement. Pour autant, la langue souffre d’une désaffection chez les plus jeunes et d’un déclin rapide, l’INSEE ayant notamment relevé que la langue bretonne est parlée par près de 30 % des habitants âgés de 75 ans contre tout au plus 3 % des jeunes de 20 ans.
Le basque jouit d’un ancrage local solide, 50 000 personnes, soit environ 31 % de la population concernée, déclarant le parler ou le comprendre. Il importe de relever que la langue est soutenue par un réseau scolaire dynamique (soit immersif, via le réseau Ikastola, soit bilingue dans l’enseignement tant public que privé) et par sa forte sollicitation dans les arts, en particulier dans les festivals de musique et de théâtre. Néanmoins, son érosion est réelle et rapide, comme en témoigne par exemple le tassement du taux de bilingues de 36 % chez les plus de 65 ans à 14 % chez les 16-24 ans.
Le corse, qui fait l’objet d’efforts exceptionnels dans l’éducation avec l’inscription dans les horaires normaux de l’école primaire de trois heures consacrées à la langue et la culture corse, cet enseignement devenant ensuite facultatif dans le secondaire, serait parlé régulièrement par environ 70 000 personnes et compris par 100 000, soit 45 % de la population adulte de l’île.
La langue d’oc, qui couvre une zone très étendue, serait comprise par 1 600 000 personnes, dont environ 14 % des habitants de l’ancienne région Midi-Pyrénées. 600 000 d’entre eux, soit 5 % de la population, affirment en détenir une très bonne maîtrise. On y observe une vive croissance des effectifs des élèves bénéficiant d’enseignement en occitan, à partir cependant d’une base étroite puisque le nombre d’enfants concernés ne dépasse pas 65 000.
Deux autres langues frontalières, le catalan et le flamand, maintiennent des positions essentiellement centrées sur les zones concernées. 110 000 locuteurs déclarent avoir une pratique courante du catalan, lequel est très présent en zone rurale, mais également relativement fort dans l’agglomération de Perpignan. Le flamand compte pour sa part 30 000 locuteurs réguliers et bénéficie d’une nette progression de son apprentissage à l’école en particulier dans les villes de Dunkerque, Bailleul, Lille et Halluin.
La situation des langues régionales dans les territoires d’outre-mer est profondément différente. Ainsi par exemple, selon l’INSEE, 53 % des Réunionnais déclarent ne parler que créole dans leur vie quotidienne (moins cependant que les 80 % d’entre eux indiquant qu’ils n’utilisaient que cette langue dans leur enfance). En cohérence, ces langues sont largement présentes dans l’éducation, intégrant les programmes obligatoires en Polynésie (en primaire, et en option dans le secondaire) à la Réunion et en Nouvelle-Calédonie et faisant l’objet d’option, fortement sollicitée, dans les Antilles. Pour autant là encore un déclin se dessine chez les plus jeunes générations qui appelle l’adoption d’un statut plus protecteur.
Ces situations contrastées ne masquent en effet pas la raréfaction globale des locuteurs. On estime ainsi que le nombre de personnes capables de s’exprimer dans la langue régionale du territoire où elle est encore en usage a été divisé entre les générations nées en 1930 et celles nées en 1980 par deux pour le basque, par trois pour l’alsacien et par dix pour le breton.
L’UNESCO relève ainsi que le patrimoine linguistique français diminue à l’un des rythmes les plus vifs observé en Europe, où la moitié des quelque 6 000 langues aujourd’hui parlées court le risque d’une totale extinction avant la fin du siècle.
LES LANGUES RÉGIONALES EN FRANCE
Cette situation est préoccupante en ce qu’elle nous fait perdre une diversité précieuse, élément fondamental de la construction des identités qui ont forgé notre nation, et qu’elle prive les plus jeunes d’une appréhension tangible de leurs racines et d’une capacité d’ouverture aux différents et subtils ancrages locaux. Comment éduquer nos enfants à une éthique de l’altérité si nous refusons cette altérité dans notre propre société, à nos concitoyens et à nos enfants eux-mêmes ?
De surcroît le mépris des langues régionales ignore les processus vertueux d’apprentissage des langues, qui relèvent d’une démarche cumulative, simultanée et d’autant efficace qu’elle est entamée le plus tôt possible. L’aptitude à apprendre une langue étrangère, quelle qu’elle soit, est d’autant plus importante que l’apprenant maîtrise déjà une autre langue que sa langue maternelle. Ce phénomène, manifeste pour l’accès au plurilinguisme où l’effet de seuil se situe entre une et deux langues – ce qui signifie qu’un individu effectivement bilingue peut aisément devenir trilingue, etc. – est d’autant plus évident que les langues sont apprises jeunes.
Les langues régionales constituent ainsi une ressource directe d’éducation au plurilinguisme, d’autant plus prometteuse qu’elle offre souvent un stock de compétences linguistiques facilement transposables dans les langues étrangères apparentées. Il n’est jusqu’à l’apprentissage du français lui-même qui ne soit, au total, conforté par l’enseignement des langues étrangères, le transfert positif de compétences linguistiques et orthographiques étant un phénomène fréquent chez les plurilingues, selon le principe solide qu’on apprend d’autant mieux ce qu’est une chose en la comparant à une autre.
Apprendre une langue régionale, loin d’obliger à « désapprendre » le français, c’est étayer sa curiosité, approfondir sa mémoire et sa culture, se doter d’atouts irremplaçables pour apprendre d’autres langues et élargir ses talents et donc ses opportunités sociales, professionnelles ou artistiques. En laissant mourir cette faculté, notre pays se prive de ressources inestimables.
C’est cette conviction qui a conduit à introduire, par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, un nouvel article 75-1 qui reconnaît l’importance des langues régionales dans « le patrimoine de la France ». Elle a aussi conduit la majorité à lancer le processus constitutionnel préalable à la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui a rencontré l’approbation d’une forte majorité à l’Assemblée nationale avant que le Sénat ne ferme cette voie en rejetant le 28 octobre 2015 le projet de loi constitutionnelle afférent.
II. DES INSTRUMENTS AMBITIEUX POUR CONCRÉTISER LA RECONNAISSANCE CONSTITUTIONNELLE DES LANGUES RÉGIONALES
Face au risque de l’extinction pure et simple des langues régionales et sans attendre la levée incertaine des blocages qui obèrent la ratification de la Charte, il est plus urgent que jamais de doter notre pays d’un cadre juridique stable et renforcé et d’instruments efficaces pour promouvoir la diversité linguistique.
Un préalable est de rappeler le périmètre des langues régionales présentes en France, dont il n’existe aujourd’hui aucune définition juridique. La meilleure façon de l’approcher efficacement est de reprendre l’approche retenue par la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, qui intègre dans l’expression de « langues régionales ou minoritaires » les langues « pratiquées traditionnellement sur un territoire d’un État par des ressortissants de cet État qui constituent un groupe numériquement inférieur au reste de la population de l’État », « différentes des langues officielles de cet État », à l’exception des « dialectes de la langue officielle » et des « langues des migrants ».
À partir de cette définition, le Comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne a identifié, sur le fondement des travaux dirigés en 1999 par Bernard Cerquiglini, ancien délégué général à la langue française et aux langues de France, soixante-quinze langues régionales présentes en France dont la liste est reproduite ci-après.
Les langues régionales en France
France métropolitaine
Basque, breton, catalan, corse, dialectes alémanique et francique (alsacien et francique mosellan), flamand occidental, franco-provençal, langues d’oïl (franc-comtois, wallon, champenois, picard, normand, gallo, poitevin-saintongeais, lorrain, bourguignon-morvandiau), occitan ou langue d’oc (gascon, languedocien, provençal, auvergnat, limousin, vivaro-alpin), parlers liguriens
Départements d’outre-mer
Créoles guadeloupéen, guyanais, martiniquais, réunionnais, mahorais (shimaoré), malgache de Mayotte (shibushi)
Polynésie française
Tahitien, marquisien, langue des Tuamotu, mangarévien, langues des Îles Australes
Wallis et Futuna
Wallisien, futunien
Guyane
Créole à base lexicale française ; créoles bushinenge (à base anglo-portugaise) : saramaka, aluku, njuka, paramaca ; langues amérindiennes : kali’na (ou galibi), wayana, palikur, arawak (ou lokono), wayampi, émerillon ; hmong
Nouvelle-Calédonie (28 langues kanaks)
– Grande Terre : nyelâyu, kumak, caac, yuaga, jawe, nemi, fwâi, pije, pwaamei, pwapwâ, langue de Voh-Koné, cèmuhî, paicî, ajië, arhâ, arhö, ‘ôrôê, neku, sîchë, tîrî, xârâcùù, xârâgùrè, drubéa, numèè
– Îles Loyauté : nengone, drehu, iaai, fagauvea.
Source : Comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne.
Pour donner à ces langues une réelle chance de survivre, deux grands domaines doivent être explorés.
La vitalité d’une langue, c’est d’abord, d’évidence, son apprentissage par les plus jeunes. L’éducation, en particulier dès la petite enfance, est la priorité absolue. Elle implique que soient proposés dans les régions d’usage des langues régionales non seulement une découverte progressive mais aussi des enseignements renforcés, sollicitant aussi les ressources du bilinguisme qui est la meilleure réponse face à la raréfaction de l’usage familial régulier des langues régionales. Tel est l’objet du titre Ier de la présente proposition de loi.
Cependant, la vitalité d’une langue passe par de nombreux autres chemins. Pour s’épanouir, une langue doit vivre dans le quotidien de ses locuteurs et non se figer chez les spécialistes ou chez les plus âgés. Ce souci de visibilité exige que les langues régionales accèdent plus aisément aux grandes aires de la vie sociale que sont les services publics ou, de manière encore plus décisive, les médias, comme le proposent les titres II et III.
1. Des tensions historiques entre les langues régionales et l’école républicaine qui ne s’apaisent que très progressivement
● Les langues régionales ont longtemps été considérées comme les « ennemies » de l’école républicaine, conformément à la célèbre injonction adressée à l’école par l’abbé Grégoire d’« anéantir les patois et universaliser l’usage de la langue française ». Leur apprentissage, strictement prohibé tout au long de la IIIe République, n’a été rétabli que très timidement dans la seconde partie du dernier siècle.
La loi Deixonne n° 51-46 du 11 janvier 1951 s’est ainsi limitée à autoriser les maîtres d’école à recourir aux « parlers locaux », à la stricte condition qu’ils en tirent « profit » pour leurs enseignements, ainsi qu’à dispenser des heures d’activités dirigées dans des langues régionales précisément énumérées par décret.
Dans les années 1990, un raidissement des opposants aux langues régionales, dont le déclin était pourtant déjà évident, a conduit le Conseil constitutionnel à exciper de la mention explicite du français comme « langue de la République » par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 préalable à la ratification du traité de Maastricht pour faire obstacle à la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Il a ainsi estimé, de manière contestable, que certaines dispositions de la Charte pouvaient entrer en contradiction avec l’obligation d’usage du français par toutes les « personnes morales de droit public et personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public ». Il a en outre relevé qu’elles pouvaient être contradictoires avec l’impossibilité faite aux particuliers de « se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français » et aux administrations « de les contraindre à un tel usage ».
Suivant un raisonnement comparable mais étayé cette fois sur les seules dispositions législatives introduites par la loi Toubon n° 94-665 du 4 août 1994 qui fait de « la maîtrise de la langue française » l’un des « objectifs fondamentaux » de l’enseignement, tout en prévoyant néanmoins que cette promotion du français ne devait pas se faire « au détriment des langues régionales », le Conseil d’État a annulé, dans ses arrêts SNES en référé du 30 octobre 2001 et au fond du 29 novembre 2002, un décret et un arrêté permettant de faire de la langue régionale la langue principale d’enseignement et de communication dans des établissements scolaires publics alors même que, bien évidemment, cet enseignement immersif demeurait facultatif pour les familles.
● Dans ce contexte contraint, l’enseignement des langues régionales s’est principalement développé selon trois axes, dans tous les cas soumis au libre choix des familles.
D’un côté se sont développés, dans le cadre de projets d’école ou d’établissements, des enseignements « extensifs » et facultatifs. Les écoles peuvent ainsi proposer une heure et demie de langue régionale par semaine, prise sur l’horaire de langue vivante. Toute heure supplémentaire doit ensuite être mobilisée en dehors du temps scolaire obligatoire. Les collèges peuvent de la même manière offrir une heure hebdomadaire en 6e, la langue régionale pouvant ensuite faire l’objet d’un enseignement de deuxième langue vivante (LV2) pour trois heures hebdomadaires. Au lycée, les langues régionales sont aussi proposées en LV 3 en tant qu’enseignement d’exploration ou facultatif, se poursuivant dans le cycle terminal des séries S, L et ES.
De l’autre, des écoles, collèges et lycées, publics et privés, peuvent proposer des enseignements bilingues. Une partie des activités inscrites au programme se déroule ainsi dans la langue régionale, selon des durées allant de trois heures par semaine à la moitié des horaires en primaire puis dans les sections « langues régionales » au collège et au lycée. Créé à la suite de la circulaire « Savary » du 21 juin 1982, et organisé en fonction des principes définis par les circulaires du 5 septembre 2001, l’enseignement bilingue vise à former de nouvelles générations de locuteurs complets dans les langues régionales. Pour l’organisation de cet enseignement dans la concertation, des conseils académiques des langues régionales réunissant des représentants de l’Éducation nationale, des professeurs, des associations et des collectivités, ont été mis en place par le décret du 31 juillet 2001.
Il existe enfin dans le primaire et au collège des établissements proposant un enseignement « immersif » où non seulement les élèves apprennent à lire et à écrire dans la langue régionale concernée mais aussi où cette dernière est la langue de la vie scolaire.
Il importe de mentionner le statut dérogatoire de l’enseignement du corse, qui est systématiquement proposé – mais pas obligatoirement suivi, les parents pouvant manifester un choix contraire – sur l’île conformément à la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse qui dispose que « la langue corse est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires de Corse ». Sur ce fondement, la convention entre l’État et la Collectivité territoriale de Corse signée le 26 octobre 2007 a précisé qu’ « un enseignement de trois heures hebdomadaires figure à l’emploi du temps de toutes les classes du premier degré ».
● Le recours à ces trois formes d’enseignements a été encouragé depuis le début des années 2000. La loi Fillon n° 2005-370 du 25 avril 2005 sur l’avenir de l’école a ainsi incité l’État et les collectivités territoriales à agir de concert pour définir, par voie de convention, les modalités pratiques de l’enseignement des langues régionales. De manière plus opérationnelle et efficace, la loi Peillon n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de refondation de l’école de la République a levé les principaux points de blocage en prévoyant une complète information des familles sur l’offre disponible et en facilitant le déploiement des enseignements sur le territoire. Plus récemment encore, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a donné une nouvelle réalité pratique au choix laissé aux familles en définissant clairement les modalités de compensation des frais de scolarisation au bénéfice des communes proposant cet enseignement en langue régionale aux enfants de familles résidant dans d’autres communes qui n’offrent pas ce type d’enseignement.
Au total, environ 300 000 élèves suivent aujourd’hui un enseignement de langue régionale dans des établissements d’enseignement publics, de l’école maternelle au lycée, dans treize académies métropolitaines : Aix-Marseille, Bordeaux, Clermont-Ferrand (mais seulement pour le Cantal et la Haute-Loire), Corse, Grenoble (Ardèche et Drôme), Limoges (Corrèze et Haute-Vienne), Montpellier, Nancy-Metz (Moselle), Nantes (Loire-Atlantique), Nice, Rennes, Strasbourg et Toulouse, ainsi que dans les quatre académies d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion) et dans les collectivités territoriales d’outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna). Parmi ces enfants, 75 000 suivent un enseignement bilingue à parité horaire.
À côté de cette offre publique, quelques écoles confessionnelles proposent un enseignement bilingue pour moins de 5 000 élèves tandis que les établissements des réseaux associatifs laïcs fédérés dans Eskolim (ABCM Zweisprachigkeit pour l’alsacien, Bressola pour le catalan, Calandreta pour l’occitan, Diwan pour le breton et Seaska pour le basque) dispensent à 10 000 enfants et adolescents un enseignement bilingue par immersion.
RÉPARTITION DES ÉLÈVES PAR LANGUE EN 2014
Nombre d’élèves |
Nombre d’élèves | ||
Langues régionales d’Alsace |
72 765 |
Catalan |
12 757 |
Occitan – langue d’oc |
62 215 |
Tahitien |
12 615 |
Breton |
34 718 |
Langues mosellanes |
6 179 |
Corse |
33 820 |
Langues mélanésiennes |
4 203 |
Créole |
16 758 |
Wallisien et futunien |
1 900 |
Basque |
13 696 |
Gallo |
551 |
Source : Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MENESR).
RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES ÉLÈVES BÉNÉFICIANT D’ENSEIGNEMENTS PUBLICS
EN LANGUE RÉGIONALE EN 2013
Source : ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (MENESR).
2. Des obstacles légaux au déploiement d’enseignement efficace des langues régionales pour toutes les familles intéressées
L’enseignement déployé en France est cependant encore exposé à d’importants obstacles liés à son insuffisante diffusion sur le territoire et à la place trop faible assignée aux langues régionales dans les écoles et les établissements qui ont pourtant fait le choix, libre et facultatif pour les familles, d’en proposer l’apprentissage. L’acquisition d’une langue, même pour un usage modéré, mobilise un seuil d’efficacité, d’autant plus bas que l’acclimatation est précoce, qui peut être évalué empiriquement au minimum à deux heures trente à trois heures par semaine. En outre, et c’est singulièrement vrai pour une langue peu employée dans la vie quotidienne, une maîtrise ambitieuse est mieux servie par une réelle « immersion » qui s’affranchit des contraintes de parité horaire.
Ainsi, en premier lieu, le maillage des enseignements des langues régionales est trop irrégulier sur les territoires, ne permettant pas à l’immense majorité des familles de faire bénéficier leur enfant d’un élément pourtant inscrit par la Constitution dans le patrimoine de notre pays. L’association pour l’enseignement du catalan observe par exemple que si 75 % des familles expriment le souhait d’initier leur enfant au catalan, et que 40 % manifestent un intérêt pour le scolariser dans un enseignement bilingue immersif, le nombre de classe ne permet de sensibiliser que 20 % des élèves et d’offrir un enseignement intensif pour seulement 7 % d’entre eux. Ces difficultés d’accès ont de surcroît tendance à s’aggraver au fil de la scolarité, comme en témoigne la faiblesse durable de la proportion d’élèves obtenant la mention « langues régionales » au diplôme national du brevet des collèges avec 9 % des collégiens ayant étudié le corse dans leur scolarité, 5 % pour l’occitan, 4 % le breton et même 1 % pour l’alsacien. L’occitan quant à lui n’est proposé dans aucune des académies au nord de sa zone traditionnelle d’usage.
En second lieu, même lorsqu’il est proposé, l’enseignement dit « extensif » optionnel mobilise des horaires manifestement insuffisants pour garantir une réelle familiarisation avec la langue concernée. La loi ne l’intégrant pas aux horaires obligatoires d’enseignement, la seule solution a longtemps été de le placer dans les horaires consacrés aux langues en sollicitant jusqu’à l’intégralité de l’heure et demie qui leur est réservée chaque semaine, au détriment évident de la langue étrangère à laquelle elle était substituée. Toutefois depuis la rentrée 2016 les enseignements de langue et de culture d’origine sont désormais proposés aux élèves volontaires des écoles les proposant à partir de la classe de CE1, à raison d’une heure trente par semaine, en plus des 24 heures hebdomadaires. Ces durées modestes contrastent avec la situation de l’enseignement du corse décrit supra, qui offre aux élèves volontaires la possibilité de bénéficier de trois heures par semaine déployées sur les horaires obligatoires.
En parallèle, la situation juridique actuelle obère le développement de l’enseignement bilingue immersif, pourtant le mieux apte à pérenniser l’usage des langues régionales et par conséquent considéré par l’Éducation nationale, au côté de l’enseignement bilingue « simple », comme la voie à privilégier pour un enseignement réellement efficace des langues régionales. Or le succès de ces établissements est remarquable, tant pour la maîtrise des langues régionales que pour celle d’un français irréprochable. Les écoles Diwan par exemple, dont la composition sociologique mesurée notamment grâce à l’observation du pourcentage de boursiers est proche de celle de la moyenne des établissements publics de leur région, affichent des résultats, tant s’agissant de la maîtrise du français mesurée en CM2 que des taux de réussites au brevet et au baccalauréat, supérieurs de près de 10 % aux moyennes nationales.
Le Conseil d’État a cependant freiné cette méthode en invoquant en 2002 le concept abstrait et pédagogiquement inopérant de « parité horaire ». Il a estimé qu’en laissant la langue régionale disposer de plus de temps que le français, le pouvoir réglementaire était alors allé « au-delà des nécessités de l’apprentissage d’une langue régionale et [avait excédé] les possibilités de dérogation à l’obligation d’utiliser le français comme langue d’enseignement » prévues par le code de l’éducation. Cette limitation entre en contradiction, en particulier pour les langues non romanes dont les structures sont les plus éloignées du français, avec l’observation qu’en pratique les enfants ne parviennent pas à s’exprimer efficacement dans une langue s’ils ne l’utilisent pas, même brièvement, dans d’autres sphères de la vie sociale. Elle enfreint un des principes les plus consensuels de l’apprentissage d’une langue qui montre la supériorité manifeste d’une immersion précoce et massive, même pendant une courte durée, sur un enseignement extensif constitué d’un faible nombre d’heures d’enseignement déployé sur une vaste période.
Pour pallier ces deux défauts et donner une impulsion décisive à l’enseignement des langues régionales, l’article 1er de la présente proposition de loi recourt à la méthode expérimentée avec succès en Corse en prévoyant que les langues régionales seront proposées, comme matière facultative, dans le cadre des horaires normaux d’enseignement. Pour assurer une application cohérente et homogène selon les bassins d’usage, il confie aux régions et à l’État, dans le cadre d’une convention, l’identification des territoires sur lesquels le besoin de proposer cet enseignement aux élèves est reconnu.
En parallèle, son article 2 reconnaît explicitement l’enseignement bilingue immersif en clarifiant l’intention du législateur de déployer ce type de méthode pédagogique dans l’enseignement, privé comme public, à condition qu’un besoin soit constaté et que soient garantis le libre choix des familles, la maîtrise de la langue française et l’acquisition du socle commun.
Les langues régionales sont aujourd’hui trop peu présentes dans l’environnement quotidien de nos concitoyens pour conforter leur usage ou enraciner leur place dans les territoires dont elles forment pourtant un patrimoine si précieux.
Pour vivre et attirer des locuteurs, ces langues ont pourtant plus que jamais besoin d’irriguer la vie sociale, en étant présentes dans les principaux services publics et dans les médias dont l’accroissement du pluralisme à l’ère du numérique rend plus aisé qu’auparavant l’accès à des programmes en langue régionale.
1. Homogénéiser les traductions en langue régionale des principales informations dans les services publics
On constate dans de nombreuses régions l’émergence de traductions spontanées d’informations publiques, à l’image des doubles signalétiques qui se multiplient sur les panneaux d’entrée et de sortie des agglomérations. Mais ces initiatives, encouragées par l’article 21 de la loi Toubon du 4 août 1994 qui précise que « les mesures garantissant l’emploi de la langue française s’appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s’opposent pas à leur usage », sont rares et surtout sont très aléatoires selon les territoires en l’absence d’impulsion nationale cohérente et volontaire.
Pour mieux fédérer les pratiques, l’article 4 de la présente proposition de loi vise à garantir un recours plus systématique et organisé de l’ensemble des services publics à des traductions en langues régionales.
Pour y parvenir, il confie aux régions, par voie contractuelle, la possibilité de demander à ce que les inscriptions et les signalétiques apposées sur les bâtiments publics, sur les routes et les voies navigables ainsi que dans les principaux supports de communication institutionnelle fassent l’objet d’une traduction lorsqu’ils sont installés ou renouvelés.
Il est vrai que l’article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l’article 104 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, prévoit que les compétences en matière de promotion des langues régionales sont partagées entre les communes, les départements, les régions et les collectivités à statut particulier. Néanmoins, la taille et la nécessaire cohérence dans les bassins d’usage des langues régionales justifient que cette prérogative soit confiée à la région. Cette dernière aurait ainsi la responsabilité d’identifier les territoires opportunément concernés par cette nouvelle disposition.
● La place des langues dans les médias audiovisuels a fait l’objet d’une attention plus soutenue. Elle mériterait toutefois tout autant d’être relayée par quelques mesures simples.
On rappellera que la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication fait une place importante à la promotion des langues régionales.
Son article 5 intègre au nombre des missions du secteur public audiovisuel, en métropole comme dans les Outre-mer, « la connaissance, le rayonnement de ces territoires et, le cas échéant, l’expression des langues régionales », « les chaînes de l’audiovisuel public devant assurer la promotion de la langue française » et, « le cas échéant, des langues régionales et mettent en valeur la diversité du patrimoine culturel et linguistique de la France ».
Son article 28 précise ainsi que les conventions passées avec les services de radio portent notamment sur la proportion d’œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France.
S’agissant des radios qui n’utilisent pas les fréquences hertziennes (câble, satellite, ADSL), un décret en Conseil d’État prévoit les dispositions propres à assurer le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie ainsi que celles relatives à la diffusion, sur les services de radio, d’œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France. Il s’agit ainsi d’autoriser à comptabiliser les chansons en langues régionales au titre des quotas dévolus aux chansons d’expression francophone à la radio.
L’article 42 permet au Conseil national des langues et cultures régionales de demander au CSA d’engager une procédure de mise en demeure en cas de
non-respect par les services de médias audiovisuels des obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires.
L’article 43-11 dispose quant à lui que France Télévisions, Radio France et Arte assurent la promotion de la langue française et, le cas échéant, des langues régionales et mettent en valeur la diversité du patrimoine culturel et linguistique de la France.
L’article 44 prévoit enfin que France Télévisions conçoit et diffuse en région des programmes qui contribuent à la connaissance et au rayonnement de ces territoires et, le cas échéant, à l’expression des langues régionales. Ces programmes sont diffusés à travers des décrochages spécifiques, y compris aux heures de grande écoute, et peuvent être repris au niveau national. Comme l’a observé M. Jacques Cresta dans son rapport d’information sur le contrat d’objectif et de moyen 2016-2020 de France Télévisions, certains décrochages en langues régionales, qui sont adossés aux éditions locales de France 3, souffrent cependant de difficultés croissantes de diffusion. En effet, la diffusion des locales excentrées de France 3 via les box et satellites n’est pas financée par le groupe France Télévisions, ce qui pose un problème pour la visibilité de certaines langues régionales sur nos écrans car ces équipements sont désormais utilisés par près de 40 % des foyers.
À cet égard, l’article 40 du cahier des charges de France Télévisions dispose que la société « veille à ce que, parmi les services qu’elle édite, ceux qui proposent des programmes régionaux et locaux contribuent à l’expression des principales langues régionales parlées sur le territoire métropolitain et en
outre-mer ».
De même, l’article 6 du cahier des charges de Radio France, à laquelle il incombe de favoriser l’expression régionale sur ses antennes décentralisées sur l’ensemble du territoire, prévoit expressément que les stations locales de Radio France contribuent à l’expression des langues régionales. Ces obligations se déclinent selon trois grands modèles : une séparation totale de l’antenne française et régionale, comme en Alsace où la FM diffuse principalement en français tandis que les ondes moyennes assurent une diffusion en alsacien via France Bleu Elsass ; la création d’une antenne complètement bilingue comme en Corse avec France Bleu Frequenza Mora ; une diffusion de programmes en langues régionales dans des espaces identifiés (France Bleu Pays Basque et France Bleu Breizh Izel).
Ces missions sont efficacement assurées par le service public à qui elles sont assignées. Un pourcentage significatif des temps d’antenne est aujourd’hui réservé à l’expression en langues régionales et à la découverte des cultures régionales. France 3 diffuse ainsi en métropole près de 400 heures dans les principales langues régionales parlées sur le territoire métropolitain, dans les six régions concernées que forment l’Alsace, l’Aquitaine, le Midi-Pyrénées, le Languedoc-Roussillon, la Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Bretagne. S’y ajoutent 600 heures en langue corse sur France 3 Corse Via Stella. En outre, pour France Télévisions comme pour Radio France, les journaux d’information et les émissions de la diffusion classique sont reprises dans l’offre en différé et à la demande notamment sur internet, avec des compléments aux émissions diffusées (plate-forme de rattrapage Pluzz des émissions régionales, mise en place d’un portail web brittophone sur le site internet de France 3 Bretagne regroupant les programmes en breton de l’antenne, etc.).
Pour la radio, le réseau France Bleu met en œuvre sur ses stations locales des rendez-vous courts en langue régionale tout au long de la semaine ainsi qu’une émission d’une heure diffusée sur un créneau horaire valorisé.
Ces progrès n’empêchent pas les langues régionales de demeurer confinées à des courts instants sur de petites parties du territoire. Les coûts financiers induits par le recrutement des personnes bilingues et celui des doublages et sous-titrages pour les émissions à plus vastes publics posent à cet égard des difficultés particulières qui ne sont pas aisées à surmonter.
Surtout, la presque exclusivité de l’effort est assumée par le service public de l’audiovisuel, qui doit dans le même temps remplir de très nombreuses autres missions. Cela limite nécessairement la place des langues régionales, privées de l’indispensable relais des éditeurs et diffuseurs privés.
Pour remédier à ces insuffisances, l’article 6 de la présente proposition de loi élargit les compétences du Conseil supérieur de l’audiovisuel à la promotion des langues et cultures régionales, fournissant un fondement légal à la prise en considération, dans sa régulation du secteur, des efforts consentis par chacun pour valoriser leur usage.
L’article 7 garantira quant à lui qu’une part suffisante des fréquences de radio soit attribuée aux services édités en langue régionale.
● La présence des langues régionales dans la presse écrite et les sites d’information sur internet apparaît plus fragile encore. On relève ainsi sur le territoire moins de quarante publications spécifiques, dont seulement une quinzaine exclusivement en langues régionales. Le lectorat concerné est ainsi très modeste.
En apparence, ces publications sont juridiquement éligibles à la majorité des aides directes et indirectes qui concernent les publications imprimées comme les services de presse en ligne et peuvent bénéficier aussi bien aux quotidiens nationaux qu’à la presse régionale, départementale ou locale. Le décret n° 2004-1312 du 26 novembre 2004 relatif au fonds d’aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale a même précisé que les publications écrites « en langue française ou dans une langue régionale en usage en France » peuvent bénéficier du fonds d’aide à la presse hebdomadaire régionale et locale.
Dès lors qu’elles remplissent des conditions minimales de régularité (une publication par trimestre) et de contenu et disposent en conséquence d’un numéro délivré par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CCAP), ces publications et sites bénéficient ainsi des principales aides à la presse, directes ou indirectes (taux de TVA super-réduit de 2,1 % et exonération de la contribution économique territoriale dans le secteur de la presse).
Toutefois, pour recevoir toutes les aides et en particulier bénéficier de l’aide au transport postal qui joue un rôle décisif dans l’équilibre économique du secteur, il faut que les publications ou les sites soient reconnus à caractère d’information politique et générale (IPG) par la CPPAP.
Or l’article 2 du décret du 29 octobre 2009, définit ce caractère comme la capacité à « présenter un intérêt dépassant significativement les préoccupations d’une catégorie de lecteurs ». Sur ce fondement, la CPPAP a longtemps refusé d’accorder la qualité d’IPG à l’ensemble des demandes des publications et des sites d’information en ligne en langues basque, bretonne, ou occitane, au motif que ces langues n’étaient pas suffisamment répandues sur le territoire national pour justifier la qualité d’IPG, les locuteurs de langues régionales étaient considérés dans leur ensemble comme ne dépassant pas « une catégorie de lecteurs ». Il en résultait que, de manière paradoxale, une publication en langue anglaise avait plus de chances d’être acceptée et de bénéficier pleinement des aides directes et indirectes qu’une publication dans une langue régionale.
La position de la CPPAP s’est assouplie depuis 2012, certaines publications en langue régionale pouvant désormais être admises sur présentation d’un nombre significatif de traductions en français. Cette évolution est cependant très progressive puisque, sur une quarante de publications disposant d’un numéro de CPPAP, seules cinq bénéficiant des avantages concernés (trois sites en langue basque, un en langue occitane et un titre hebdomadaire en langue bretonne).
Pour mettre fin à cette incertitude qui prive la presse en langue régionale de toute réelle chance de prospérer, l’article 5 de la présente proposition de loi pose le principe juste et clair que les publications de presse et les sites internet d’information rédigés en langues régionales seront éligibles aux mêmes aides directes et indirectes accordées par l’État que ceux rédigés en langue française, donc sous réserve bien entendu qu’ils respectent des règles applicables à ces derniers.
La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine, sur le rapport de Mme Annie Le Houerou, la proposition de loi de M. Bruno Le Roux relative à la promotion des langues régionales (n° 4096) lors de sa séance du mardi 22 novembre 2016.
M. Patrick Bloche, président. Mes chers collègues, nous nous retrouvons ce matin pour examiner la proposition de loi de Bruno Le Roux et de plusieurs de ses collègues du groupe Socialiste, écologiste et républicain, relative à la promotion des langues régionales.
Nous avons désigné comme rapporteure, le 9 novembre dernier, notre collègue Annie Le Houerou qui, à cette occasion, a rejoint notre commission.
Ce texte est inscrit à l’ordre du jour du mercredi 30 novembre. C’est la raison pour laquelle nous l’examinons aujourd’hui en commission – vous connaissez tous la règle des sept jours qui doivent précéder le débat en séance publique.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Près de vingt ans après avoir signé la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, et dix ans après avoir consacré celles-ci, par le nouvel article 75-1 de la Constitution, comme un élément décisif de son patrimoine, notre pays n’a fait qu’une courte partie du chemin permettant de leur donner un cadre juridique suffisamment protecteur.
La ratification de la Charte européenne a été empêchée par le vote négatif du Sénat, le 28 octobre 2015, sur le projet de loi constitutionnelle préalable à cette ratification, qui avait pourtant recueilli une forte majorité à l’Assemblée nationale quelques mois auparavant. Ce refus, pour lequel le Sénat porte une responsabilité majeure, nous place dans une situation isolée en Europe, où vingt-quatre pays ont ratifié ce texte si important, et limite fortement nos marges d’action.
Si plusieurs réformes de cette législature, à l’instar de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, dite « loi Peillon », ou de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), ont permis de poser des jalons, beaucoup reste à faire, afin de donner aux langues régionales de notre pays les moyens de ne pas s’éteindre.
Il faut prendre la mesure des besoins et de l’urgence. Les langues régionales parlées en France métropolitaine accusent, en effet, un déclin général très inquiétant, qui fait peser rien moins que la menace de leur disparition pure et simple. Aujourd’hui, seulement 12 % des Français parlent, même très occasionnellement, une autre langue que le français, alors qu’ils étaient 26 % à le faire dans leur enfance, et 75 % des adultes qui s’exprimaient, plus jeunes, dans une langue régionale reconnaissent aujourd’hui ne plus le faire du tout. Le nombre total de personnes capables de s’exprimer dans ces langues a été divisé, entre les générations nées dans les années 1930 et celles nées dans les années 1980, par deux pour le basque, par trois pour l’alsacien, par dix pour le breton.
Cette situation préoccupante est un appauvrissement pour notre pays, une perte de diversité et d’identité à l’heure où il est plus important que jamais d’offrir à nos enfants une ouverture à l’altérité et une approche raisonnée et tolérante de leurs racines. C’est aussi un gâchis de compétences, tant il est manifeste que les processus les plus vertueux d’apprentissage des langues sont cumulatifs, surtout s’ils sont précoces, l’accès à une langue rendant plus aisé l’apprentissage d’une deuxième, puis d’une troisième. Enfin, c’est une mauvaise nouvelle pour la qualité de la maîtrise du français, les études existantes montrant sans ambiguïté que l’apprentissage de la langue principale est conforté par celui d’autres langues, selon le principe qu’on apprend d’autant mieux une chose qu’on peut la comparer à une autre.
Il est, dès lors, indispensable de se saisir de tous les instruments disponibles pour enrayer le déclin des langues régionales, même si l’absence de ratification de la Charte limite fortement le champ des possibles.
Poursuivant les travaux engagés notamment par notre collègue Paul Molac, qui vous avait présenté ici, l’hiver dernier, une proposition de loi dont vous aviez retenu de nombreux dispositifs, la présente proposition de loi explore les deux grands domaines dans lesquels s’enracine le dynamisme d’une langue : l’éducation et la vie quotidienne.
Avant d’entrer dans le détail des différents titres, je veux souligner que le contenu du texte que nous examinons aujourd’hui est issu d’une ample consultation des personnes intéressées, conduite depuis ce printemps dans nos circonscriptions et ici, à l’Assemblée nationale, ainsi que d’un travail collaboratif qui a été ouvert à l’ensemble des députés du groupe Socialiste, écologiste et républicain. Ce travail préparatoire a permis, en amont, d’écarter les principaux points de blocage, car il y en avait au sein de notre groupe, et de proposer un texte d’équilibre capable de fédérer près de 150 cosignataires.
Pour ce qui est de l’éducation, je veux d’abord saluer les progrès accomplis, à l’initiative de votre commission, en particulier dans la loi Peillon. L’article L. 312-10 du code de l’éducation, que vous avez rénové, est désormais clair : un enseignement « des » langues régionales ou « en » langues régionales doit être proposé en priorité dans les territoires où elles sont en usage. Cet enseignement, nécessairement facultatif, prend deux formes : soit un apprentissage progressif de quelques heures par semaine, soit un vrai enseignement bilingue. Pour que ces possibilités soient un réel choix proposé aux familles, vous avez prévu une obligation d’information en direction des familles, tandis que la loi NOTRe définissait un régime cohérent de compensation financière entre les communes, permettant aux élèves d’aller dans des écoles proposant cet enseignement.
En dépit des progrès réels apportés tout au long de cette législature, nous devons tous regretter que des obstacles demeurent, qui freinent une diffusion des langues régionales à la mesure des attentes des familles.
Ces difficultés d’accès ont tendance à s’aggraver au fil de la scolarité, comme en témoigne la faible proportion d’élèves obtenant la mention « langue régionale » au diplôme national du brevet des collèges : 9 % des collégiens étudient le corse, 5 % l’occitan, 4 % le breton, 1 % l’alsacien !
Le deuxième obstacle est lié aux horaires actuels d’enseignement de l’option « langue régionale », qui se limitent à une heure trente par semaine en primaire, le plus souvent au détriment des cours d’anglais, lorsqu’ils ne sont pas rajoutés aux horaires obligatoires, loin des deux heures trente à trois heures jugées comme le temps minimal pour une sensibilisation linguistique efficace.
Pour remédier à ces situations insatisfaisantes, l’article 1er de la proposition de loi reprend la solution expérimentée avec succès en Corse depuis la loi du 22 janvier 2002.
Il permet d’abord d’intégrer les cours de langue régionale dans les horaires normaux, non seulement des écoles, comme c’est le cas en Corse, mais aussi des collèges et des lycées, tant il est indispensable que cet enseignement, pour qu’il soit efficace, se poursuive tout au long de la scolarité. Cela ne signifie pas que cet enseignement sera obligatoire ; il ne le peut pas, comme le précise l’article L. 312-10 du code de l’éducation. Mais cela permettra de libérer du temps dans le primaire pour dépasser la trop faible heure et demie aujourd’hui constatée, sans nécessairement réduire à néant les enseignements en anglais, qui sont tout autant indispensables. Dans le secondaire, les langues régionales continueront de prendre la place de la deuxième et de la troisième langues, comme elles le font aujourd’hui, qui sont évidemment intégrées aux horaires « normaux ».
Ensuite, l’ambition est de garantir une offre plus complète et plus cohérente, à l’échelle des bassins d’usage des langues. Nous choisissons une voie consensuelle, celle des conventions entre les régions et l’État, où les deux acteurs pourront se mettre d’accord, d’une part, sur le territoire où cette offre d’enseignement pourra utilement être intensifiée ou généralisée et, d’autre part, sur les modalités pratiques qu’elle pourra revêtir. C’est une solution de souplesse qui permettra d’adapter la cartographie de l’enseignement aux besoins, et laissera tout le temps à l’État pour déployer les indispensables moyens nouveaux, notamment en enseignants.
Un troisième obstacle concerne un type d’enseignement plus rare, mais pourtant d’une efficacité exceptionnelle, non seulement pour l’acquisition des langues régionales, mais aussi pour la maîtrise du français et du socle commun. Certains établissements privés, scolarisant au total 5 000 enfants, proposent un enseignement bilingue, dit « immersif », où non seulement les élèves apprennent à lire et à écrire dans la langue régionale, mais aussi où celle-ci est la langue de la vie scolaire. Le succès de ces établissements est remarquable tant pour la maîtrise des langues régionales que pour celle d’un français irréprochable. Les écoles Diwan en Bretagne, par exemple, dont la composition sociologique est proche de celle de la moyenne des établissements publics de leur région, affichent des résultats supérieurs de près de 10 % aux moyennes nationales, s’agissant tant de la maîtrise du français mesurée en CM2 que des taux de réussite au brevet et au baccalauréat.
Le Conseil d’État a freiné cette méthode en invoquant, en 2002, la nécessité de respecter une stricte « parité » entre le français et la langue régionale, concept qui n’a aucun fondement pédagogique et qui, de surcroît, obère le bon fonctionnement de cette méthode – dans laquelle il peut être nécessaire d’aller au-delà de la parité en début de parcours, pour « fixer » la langue, puis de revenir en deçà, plus tard, pour se concentrer davantage sur le français. Cette décision peut à tout moment compromettre l’enseignement immersif.
Certains objecteront qu’il est possible que le Conseil constitutionnel reprenne cette conception, mais nous avons des arguments solides pour écarter le concept absurde et comptable de « parité » et démontrer que la méthode immersive est apte à garantir le contrôle absolu des objectifs de maîtrise du français et du socle commun. Pour rassurer les uns et les autres, ces objectifs sont affirmés dans l’article 2, qui reconnaît expressément le pragmatisme et l’efficacité de l’enseignement immersif.
S’agissant de la présence des langues régionales dans la vie quotidienne, l’article 4 reprend la disposition que vous aviez adoptée lors de l’examen de la proposition de loi de Paul Molac, permettant aux régions volontaires d’homogénéiser des pratiques aujourd’hui très disparates en généralisant dans leur bassin d’usage les traductions en langue régionale des signalétiques des voies et des bâtiments publics et des principaux supports de communication institutionnelle des services publics.
Les médias font aussi l’objet d’une attention particulière, à la mesure de leur rôle incontournable dans la diffusion des pratiques linguistiques.
L’article 5 répare une injustice, qui fait que certaines publications ou sites internet d’information sont aujourd’hui exclus de certaines aides publiques, comme les tarifs postaux préférentiels, la déduction d’impôt sur les sociétés ou l’accès à divers fonds spécifiques, au seul motif qu’ils sont rédigés en langue régionale, pourtant reconnue comme « patrimoine » de la France par la Constitution. Désormais, les publications seront placées sur un pied d’égalité, qu’elles soient en langue régionale ou en français, et si leur contenu les rend éligibles aux mêmes aides, elles seront traitées de la même manière.
Les articles 6 et 7 traitent de la présence des langues régionales dans l’audiovisuel. Je sais que cette question a fait l’objet d’un suivi attentif de votre part, et je veux saluer les progrès accomplis. Mais nous nous mettrons aisément d’accord sur un constat. Aujourd’hui, les langues régionales, à l’exception de quelques brillantes, mais rares exceptions, sont confinées à de courts instants d’antenne, sur des parties étroites du territoire. Surtout, l’effort est presque intégralement assumé, et avec un réel succès, je tiens à le dire, par le service public, en particulier par France 3 et Radio France.
Il importe aussi d’encourager les autres acteurs à jouer leur rôle. À cette fin, nous proposons, à l’article 6, que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) veille à la promotion des langues et cultures régionales, ce qui lui donnera un fondement légal pour évaluer leur présence et valoriser les engagements librement souscrits par les éditeurs privés. L’article 7, quant à lui, donne une priorité dans l’attribution des fréquences radio locales aux éditeurs qui émettent en langue régionale, de la même manière que la loi favorise aujourd’hui tout particulièrement les radios associatives. Participer à la sauvegarde d’un patrimoine protégé par la Constitution me semble justifier aisément qu’au moins une fréquence soit attribuée, dans les bassins d’usage de ces langues, aux services qui assument les lourds coûts que représentent la promotion et l’utilisation de ces langues.
Pour terminer et vous convaincre de participer à la sauvegarde et à la promotion des langues régionales, je voudrais citer l’album d’un chanteur breton, Denez Prigent, intitulé Un jardin enchanteur – en breton et en anglais dans le texte ! – qui porte le message suivant : les cultures, les langues, les traditions des peuples sont comme les plantes d’un même jardin, toutes différentes, mais poussant dans un même terreau, d’où l’importance pour chacun de défendre ses racines contre l’uniformisation grandissante du monde qui voudrait faire de ce jardin merveilleux un grand champ aux épis identiques. Je ne doute pas que les membres de la commission des Affaires culturelles soient attachés à cette diversité, source d’unité, d’enrichissement mutuel et collectif de notre pays.
M. Jacques Cresta. Je suis particulièrement heureux que notre commission examine aujourd’hui la proposition de loi relative à la promotion des langues régionales, qui vient de nous être présentée par notre rapporteure. Mon attachement à la promotion des langues régionales et mon engagement personnel de longue date en faveur de la langue catalane me poussent à adhérer à ce texte.
En tant que porte-parole du groupe Socialiste, écologiste et républicain, je veux, en premier lieu, souligner que cette proposition de loi est le fruit d’un travail collaboratif, qui a été ouvert très en amont à l’ensemble des députés de notre groupe afin de parvenir à une rédaction à la fois ambitieuse et respectueuse des sensibilités et des préoccupations de chacun. Ce travail a permis d’aboutir à un texte équilibré, qui vise les grands domaines par lesquels la promotion des langues régionales peut être encouragée dans notre vie quotidienne : l’éducation, la signalétique, les médias. Les principaux points de désaccord entre les députés du groupe ayant pris part à la rédaction du texte ont ainsi été désamorcés en amont, via le retrait des articles ne faisant pas consensus et la très grande vigilance portée à la rédaction des autres articles.
Je tiens à saluer, madame la rapporteure, cette méthode de travail qui a permis à chacun de faire entendre sa sensibilité et de participer directement à la rédaction du texte. L’équilibre que nous sommes parvenus à trouver a conduit près de la moitié de notre groupe politique à cosigner la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, ce dont je me réjouis particulièrement. Je veux également remercier l’engagement du président du groupe Socialiste, écologiste et républicain sur ce texte.
Pour autant, en tant qu’orateur de notre groupe politique, je me dois de préciser, afin de respecter le choix des députés qui n’ont pas souhaité être associés à cette démarche, que cette proposition de loi n’a pas été déposée au nom du groupe socialiste, mais bien au nom de chaque député cosignataire.
Sans reprendre l’ensemble des éléments que vient de nous présenter avec beaucoup de clarté Mme la rapporteure, j’aimerais revenir dans les grandes lignes sur le contexte politique et culturel qui nous pousse à examiner aujourd’hui cette proposition de loi. Le dépôt de cette proposition de loi ne peut être compris sans évoquer le très regrettable échec de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
Alors que la proposition de loi constitutionnelle qui aurait permis sa ratification avait été adoptée par une très large majorité à l’Assemblée – par 361 voix pour et 149 voix contre –, le processus de ratification s’est heurté en janvier 2015 au vote négatif du Sénat. Ce rejet, mes chers collègues, a placé la France dans une situation totalement à contre-courant de ses partenaires européens, vingt-quatre pays ayant déjà ratifié la Charte. Les langues régionales en France sont pourtant dans une situation extrêmement préoccupante et accusent un déclin certain, que vous avez, madame la rapporteure, très bien décrit.
C’est dans ce contexte très particulier que la présente proposition de loi intervient, afin de donner, malgré tout, un statut suffisamment protecteur aux langues régionales dans notre pays. Enfin, cela correspond à un engagement fort du Président de la République.
J’en viens au contenu de cette proposition de loi.
Le titre Ier vise le domaine éducatif, avec trois articles permettant d’améliorer l’offre éducative en langue régionale.
L’article 1er vise à étendre à l’ensemble du territoire un dispositif qui a fait ses preuves en Corse : l’intégration, dans les horaires normaux d’enseignement, d’un enseignement facultatif en langues régionales systématiquement proposé aux familles. La rédaction de cet article prévoit que ce dispositif est mis en œuvre au moyen de conventions entre l’État et les régions, sur tout ou partie des territoires concernés. C’est un point que je veux souligner, car il permettra une mise en œuvre progressive du dispositif, afin de mieux cerner l’étendue des territoires qui pourront être concernés et de laisser le temps nécessaire à l’Éducation nationale pour s’adapter. Cet article, mes chers collègues, est très attendu par les associations et les établissements publics qui sont engagés dans la promotion des langues régionales.
L’article 2 vise, quant à lui, à reconnaître dans la loi l’enseignement bilingue, quelle que soit la durée d’enseignement dans les deux langues afin, notamment, de donner une assise juridique aux établissements qui proposent aujourd’hui avec succès un enseignement dit « immersif ». Là encore, j’aimerais souligner les précautions particulières de rédaction qui ont été prises par la rapporteure, afin de bien spécifier dans cet article que la maîtrise du français demeure un impératif.
L’article 3, dans la continuité des deux autres, reconnaît et amplifie le rôle des universités dans la promotion des langues régionales.
L’article 4, relatif à la signalétique, avait déjà recueilli un vote favorable de notre commission, l’an passé, lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Paul Molac. Il me semble utile de l’adopter à nouveau, afin de clarifier dans la loi des pratiques aujourd’hui disparates.
Les articles sur les médias jouent sur deux grands leviers : les aides à la presse et le rôle du CSA dans la promotion des langues régionales dans l’audiovisuel.
L’article 5 vise à rendre éligibles les publications et sites internet rédigés en langues régionales à l’ensemble des aides destinées à la presse. Il remédie ainsi à une situation qui freinait la diffusion des publications en langues régionales dans notre pays.
Les articles 6 et 7 tendent à la promotion des langues régionales dans l’audiovisuel. C’est un sujet sur lequel je me suis particulièrement engagé au sein de notre commission, et je me réjouis que notre rapporteure y ait accordé la place qui lui est due. Il me semble ainsi que le renforcement du rôle du CSA dans la promotion des langues régionales, et notamment dans l’attribution de fréquences aux radios diffusant en langues régionales, est particulièrement bienvenu. Je veux aussi souligner que les articles sur l’audiovisuel ne contraignent pas l’audiovisuel public ni les radios à des objectifs qui les auraient mis en grande difficulté. Je ne peux que me féliciter de l’équilibre qui a été trouvé au sein de notre groupe concernant cette partie du texte.
Pour l’ensemble de ces raisons et à la condition que l’examen des amendements auquel nous allons procéder ne dénature pas l’équilibre du texte, je souhaite que notre commission adopte la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
M. Frédéric Reiss. La France a signé, en 1999, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, mais elle ne l’a jamais ratifiée. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 invite cependant les pouvoirs publics à défendre les langues régionales et à favoriser leur pratique à la fois dans l’enseignement et dans la vie sociale.
Je m’étonne que nous examinions cette proposition de loi aujourd’hui, à quelques mois de l’élection présidentielle. Cet examen s’inscrit certainement dans la volonté de ressouder une majorité défaillante et éclatée. C’est aussi une tentative de remédier au non-respect de la proposition numéro 56 du candidat François Hollande, qui s’était engagé à faire ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. S’agit-il aujourd’hui d’une séance de rattrapage ? En observant la liste des cosignataires, j’y découvre des députés dont je ne savais pas qu’ils étaient de grands défenseurs des langues régionales. Voilà pourquoi je m’interroge sur l’objectif de cette proposition de loi.
Au sein du groupe Les Républicains, il n’y a pas de position arrêtée. Un certain nombre de nos collègues y sont favorables, d’autres non. Chacun sera libre de voter ou de ne pas voter les mesures proposées.
Je suis également surpris que notre rapporteure souligne les mesures de la proposition de loi de M. Molac qui ont été retenues, la commission ayant, lors de son examen, grandement vidé le texte de sa substance, et l’Assemblée nationale l’ayant ensuite rejeté en séance publique, en janvier dernier.
La proposition de loi de M. Le Roux semble apporter des avancées dans les domaines de l’enseignement, de la signalétique et des médias. Je rappelle toutefois que les sénateurs du groupe Les Républicains ont déposé en octobre 2015 une proposition de loi qui tendait à donner une assise juridique plus claire aux pratiques et usages existants des langues régionales. Nous devrions donc y faire également référence.
Cela étant, en tant qu’Alsacien, je suis évidemment favorable à toutes les mesures qui vont dans le sens de la promotion des langues régionales. Je rappelle aussi les efforts menés par l’académie de Strasbourg pour développer l’enseignement bilingue dès l’école maternelle, avec cette spécificité que la langue allemande est considérée comme la forme écrite de la langue régionale. Il faut savoir que nous sommes confrontés au problème de la formation des maîtres et que nous nous interrogeons sur la façon de promouvoir les langues régionales. Faut-il promouvoir l’enseignement « des » langues régionales ou l’enseignement « en » langues régionales ? Ce n’est pas tout à fait la même chose, et M. Molac avait proposé l’enseignement immersif, qui a déjà cours.
Il y a cinquante ou soixante ans, en Alsace, 90 % de la population était dialectophone. Selon les dernières études réalisées par l’Office pour la langue et la culture d’Alsace (OLCA), 40 % savent parler correctement l’alsacien, 30 % disent le parler un peu, le reste de la population ne le comprenant absolument pas. Certaines personnes font aujourd’hui l’effort d’apprendre l’alsacien, ce qui est possible dans le cadre de l’Université populaire. Cela étant, nous constatons que la proportion des dialectophones décroît régulièrement avec l’âge : ils sont 74 % chez les personnes de soixante ans et plus, 54 % entre quarante-cinq et cinquante-neuf ans, 24 % entre trente et quarante-quatre ans, 12 % entre dix-huit et vingt-neuf ans. Cela nous incite à faire des efforts pour que l’enseignement de l’alsacien et de l’allemand, qui est sa forme écrite, perdure.
M. le président Patrick Bloche. Je remercie Frédéric Reiss qui s’exprimait en tant que porte-parole du groupe Les Républicains, mais aussi en tant que député alsacien !
Mme Marie-George Buffet. Nous débattons à nouveau d’une loi relative à la promotion des langues régionales après le rejet au Sénat du projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires et le rejet, en janvier, de la proposition de loi déposée par notre collègue Paul Molac.
La présente proposition de loi se veut équilibrée : elle traite des conditions de l’enseignement non obligatoire des langues régionales, de leur place dans les médias ou bien encore de la signalétique bilingue.
Permettez-moi de redire ici l’engagement de notre groupe en faveur de la promotion des langues régionales. La République française a su tenir compte de la diversité, qui est aussi source de richesse.
Que la France et son peuple puissent avoir une langue commune est indispensable pour assurer à chacun et à chacune un accès égal à tous les actes administratifs et politiques, à tous les débats et à toutes les prises de décision en commun. La langue commune fait nation. Dans le passé, faute d’avoir su lire et écrire le français, une partie des habitants de notre pays a été dominée par l’État central. Parler, lire et écrire une langue commune a été facteur d’égalité, de liberté et de souveraineté populaire.
Cette nécessité d’une langue commune ne s’oppose toutefois pas au rayonnement de notre patrimoine culturel dans sa diversité, et donc des langues régionales, qui en font partie. Celles-ci doivent vivre et se développer en complémentarité avec le français, que l’article 2 de la Constitution désigne comme « langue de la République ». Cela a été confirmé par la loi pour la refondation de l’école dont l’article 40 indique que les langues et cultures régionales font l’objet d’un enseignement qui « peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage ».
Nous ne pouvons qu’approuver l’esprit de cette proposition de loi, qu’il s’agisse des trois premiers articles concernant l’enseignement primaire, secondaire et supérieur, de l’article 4 sur la signalétique dans les régions, qui existe déjà dans nombre d’entre elles, ou encore des articles 6, 7 et 8 relatifs aux médias, même si l’on peut légitimement s’interroger sur la mission supplémentaire confiée au CSA qui vient s’ajouter aux nombreuses nouvelles missions qui lui ont été attribuées cette année. Il va falloir repousser les murs de cette institution et y recruter de nouveaux collaborateurs !
Vous me permettrez d’être plus circonspecte à propos de l’article 5 qui, sous couvert de traiter à égalité les publications en langue française et en langue régionale, touche aux différences qui prévalent dans les aides à la presse, différences que je souhaite voir maintenues. Je pense notamment à la presse d’information politique et générale (IPG) qui doit répondre à des critères précis : « apporter de façon permanente sur l’actualité politique et générale, nationale ou internationale, des informations et des commentaires tendant à éclairer le jugement des citoyens ; consacrer la majorité de leur surface rédactionnelle à cet objet ; présenter un intérêt dépassant de façon manifeste les préoccupations d’une catégorie de lecteurs ». Si c’est à juste titre que le décret du 6 novembre 2015 a étendu l’attribution des aides directes en assouplissant les conditions liées à la périodicité à la suite de l’attentat contre Charlie Hebdo, nous aurions tort, je crois, de remettre en cause ce qui caractérise la presse IPG et donc les aides dont elle peut bénéficier. Je souhaiterais être éclairée sur les conséquences de cet article 5.
Le vote du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sera positif si la proposition de loi n’est pas modifiée par certains amendements que notre commission pourrait adopter.
M. Paul Molac. Je vous remercie, monsieur le président, de m’accueillir une fois de plus dans cette commission.
C’est la deuxième fois au cours de la législature que nous examinons un texte portant sur les langues régionales. Je tiens à le souligner car, depuis la loi Deixonne, sur la cinquantaine de propositions de loi relatives à ce sujet qui ont été déposées, pratiquement aucune n’a été discutée. Je remercie donc Annie Le Houerou d’avoir repris le travail que nous avions entamé et d’avoir déposé cette proposition de loi qui va dans le bon sens. Elle nous permettra, je pense, de régler un certain nombre de problèmes.
Je regrette toutefois que certains de mes amendements aient été déclarés irrecevables au titre de l’article 40. Je pense en particulier à un amendement relatif au financement des établissements laïcs associatifs d’enseignement de langue régionale et à un autre portant sur les concours de recrutement, qui ne sont pas forcément adaptés dans la mesure où ils ne comportent pas de mention « langue régionale » pour le second degré. Un professeur de langue régionale peut être doté d’une seconde valence, mais la combinaison inverse n’existe pas : il n’est pas possible de recruter un professeur d’histoire et géographie ou d’éducation physique et sportive parlant une langue régionale.
La demande sociale est importante car ce patrimoine vivant est fragile. L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) nous interpelle régulièrement en rappelant que les langues régionales de France sont exposées à un grand danger d’extinction. Tout le monde parle français désormais. C’est à 99 % la langue maternelle de tous les petits Bretons aujourd’hui. L’enseignement du basque couvre un tiers de la population en âge d’être scolarisée, celui de l’alsacien 15 %, celle du breton 8 % dans le Finistère, ce qui ne permet pas d’assurer le renouvellement des générations locutrices. Sans volonté affirmée des pouvoirs publics de protéger ces langues, nous pourrons pleurer leur disparation.
Certains, comme François Fillon, se félicitent de cette situation, ce que je déplore. Pour ma part, je continuerai à défendre ces langues qui sont l’expression de notre différence.
M. Claude Sturni. Comme Frédéric Reiss, je m’interroge sur cette énième initiative parlementaire concernant les langues régionales. À titre personnel, j’espère que cette proposition de loi, déposée à quelques semaines de la fin de la législature, n’a pas été guidée par une démarche électoraliste, car cette position partisane pourrait nuire au nécessaire rassemblement qu’exige le déclin partout constaté de la pratique de ces langues.
En ce qui me concerne, député de la nation élu d’un territoire, l’Alsace, où l’atout que constitue la pratique de la langue régionale est en train de perdre de sa vigueur, il me paraît important de soutenir une position de bon sens. Je voterai en faveur de cette proposition, sous réserve de l’adoption de quelques amendements cosignés par d’autres députés alsaciens visant à assurer un bon équilibre entre la langue française, qui est notre patrimoine commun, et le renforcement de la pratique des langues régionales – chez nous, l’alsacien, qui ouvre de plus la porte vers notre voisin allemand.
M. Pascal Deguilhem. Frédéric Reiss s’interrogeait sur le lien que les signataires de cette proposition de loi pouvaient entretenir avec les langues régionales. Ne pouvant parler en leur nom à tous, je n’évoquerai que mon expérience personnelle. Il y a cinquante ans, j’étais immergé dans un environnement occitan, jusque dans l’école de la République où j’ai appris cette langue en même temps que le français. J’ai pu passer l’option « occitan » au baccalauréat, ce qui m’a permis d’ancrer l’apprentissage de cette langue dans le territoire de la République.
Ce sujet des langues régionales, il est bien évident que nous ne serons plus en mesure de l’aborder lorsqu’elles seront définitivement éteintes, perspective qui n’est pas si éloignée. Dans ces conditions, il n’y a pas de mauvais moment, monsieur Reiss, pour en discuter.
Les langues régionales sont constitutionnellement reconnues comme faisant partie du patrimoine de la France, patrimoine qu’il s’agit de faire vivre à travers l’école. Il existe une demande accrue sur les territoires pour l’enseignement en primaire, au collège, au lycée. C’est au sein de l’enseignement public, pour se préserver de dérives éventuelles, que nous devons la prendre en compte.
Mes chers collègues, il n’y a pas d’intention cachée dans cette proposition de loi que je soutiens pleinement dans sa rédaction actuelle.
M. Éric Straumann. Mme la rapporteure a évoqué la notion de perte d’identité. Le contexte politique dans lequel intervient la discussion de cette proposition de loi n’aura échappé personne. Il s’agit sans doute de rattraper dans les territoires la non-prise en compte de certaines identités qui a accompagné la constitution d’ensembles administratifs sans cohérence, qui ne respectent pas l’histoire – pensons à la région Grand Est, résultat de la fusion entre les régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine.
Je salue le travail de synthèse réalisé dans le rapport. Le graphique qui figure à la page 7 est édifiant : la proportion d’adultes auxquels leurs parents parlaient durant leur petite enfance une langue régionale tend vers zéro. Comme je l’ai dit lors du débat sur la ratification de la Charte européenne, « lorsque les langues régionales auront disparu, le compte à rebours commencera pour le français ».
Je soutiendrai ce texte, en tant qu’élu alsacien, parce qu’il va dans le bon sens.
À la suite de Frédéric Reiss, j’insisterai sur les difficultés rencontrées dans le recrutement des maîtres. Il faudra concentrer nos efforts sur ce point.
L’article 7 appelle le CSA à veiller, dans les territoires où sont pratiquées les langues régionales, « à ce qu’une ou plusieurs fréquences soient attribuées à des candidats proposant la diffusion de services de radio en de telles langues ». Or France Bleu Elsass a quitté les ondes hertziennes pour n’être plus diffusée que sur internet, alors même que ses auditeurs sont en majeure partie des personnes âgées, moins enclines à se connecter.
En ce qui concerne François Fillon – pour qui je n’ai pas voté au premier tour des primaires, mais pour qui je voterai au second –, je ne sais pas exactement ce qu’il aurait déclaré. Je relève tout de même que le rapport, page 16, évoque la loi du 25 avril 2005 sur l’avenir de l’école, dite « loi Fillon », en soulignant qu’elle a incité l’État et les collectivités territoriales à agir de concert pour définir, par voie de convention, les modalités pratiques de l’enseignement des langues régionales. On ne saurait donc lui faire de procès d’intention.
M. le président Patrick Bloche. Rassurez-vous, nous sommes ici un certain nombre à n’avoir pas voté pour François Fillon dimanche dernier… (Sourires.)
M. François Pupponi. Merci, monsieur le président, de m’accueillir dans votre commission.
Si j’ai cosigné ce texte, c’est qu’en tant que député de la nation, j’éprouve un malaise, et ce pour deux raisons.
La première, c’est que je ne suis pas très fier que la France soit le seul pays avec la Turquie à n’avoir pas ratifié la Charte européenne des langues régionales. Et si la Turquie ne l’a pas ratifiée, c’est qu’elle veut interdire aux Kurdes de parler leur langue sur le sol turc. Nous faisons preuve d’une certaine schizophrénie. Nous donnons des leçons aux autres, mais nous ne nous regardons pas assez dans le miroir.
La deuxième raison, c’est que notre République ne peut se satisfaire de voir disparaître ses langues régionales. Ces langues seront enseignées à l’école mais plus dans les foyers, comme c’étaient le cas des siècles durant grâce à la transmission par les parents et les grands-parents.
Cette proposition de loi est une première étape, qui va en appeler d’autres. Il n’est pas incompatible de défendre notre patrimoine culturel linguistique et de défendre la langue commune qu’est le français. Même si certains considèrent que seule compte la langue française et que d’autres donnent la priorité aux langues régionales, un consensus s’est établi sur une coexistence. C’est pour consolider cet équilibre que j’ai cosigné ce texte.
Mme Martine Faure. Les langues régionales font partie de notre patrimoine linguistique, patrimoine précieux que nous nous devons de protéger. Dès 2002, l’UNESCO soulignait que 50 % des 6 000 langues parlées dans le monde risquaient de s’éteindre à la fin du XXIe siècle. La transmission des langues ne se fait plus que très rarement de façon naturelle. Peu de parents ou de grands-parents emploient la langue régionale pour parler aux enfants. Le vecteur le plus sûr reste l’enseignement et l’article 1er identifie bien cet enjeu.
Toutefois, sur le terrain, force est de constater que trop souvent, les informations relatives à l’enseignement des langues régionales ne sont pas données, même si la loi pour la refondation de l’école a réaffirmé leur place parmi les matières enseignées. L’information doit être plus systématique pour que les élèves puissent formuler leur choix avant la fin de l’année, au primaire, au collège et au lycée. L’article 3 apporte une cohérence dans l’enseignement des langues régionales en promouvant leur enseignement à l’université.
Un dernier mot à l’intention des détracteurs des langues régionales. D’expérience, j’ai pu constater que l’apprentissage précoce d’une langue régionale permet au petit enfant d’acquérir des habiletés linguistiques qui facilitent par la suite l’apprentissage des langues étrangères.
Je soutiendrai cette proposition de loi, sauf cataclysmes de dernière minute auxquels nous sommes habitués, y compris dans l’hémicycle.
Mme Marylise Lebranchu. Merci, monsieur le président, de m’accueillir également dans cette commission. Je serai brève et ferai deux références.
D’abord, je citerai un recueil de poèmes qui nous a marqués lors de l’examen des premières lois relatives aux langues régionales, celui de Yann-Ber Piriou, Défense de cracher par terre et de parler breton – phrase reprise d’écriteaux figurant dans les cars en Bretagne après-guerre.
Ensuite, je rappellerai que Jack Lang, en tant que ministre de l’éducation nationale, avait évoqué le devoir de réparation historique qui incombait à l’État envers les langues régionales, mises particulièrement à mal dans la période difficile de l’après-guerre.
Je soutiens cette proposition de loi, qui marquera un pas supplémentaire vers la reconnaissance de ces langues, mais reste inquiète de ne pas voir la Charte européenne ratifiée par notre pays.
M. Yves Durand. Je ne voudrais pas que nous nous trompions de débat ce matin : la discussion n’oppose pas les partisans des langues régionales et leurs opposants, elle renvoie aux manières d’établir un équilibre avec le français, j’allais dire une synthèse, puisque, comme l’a souligné François Pupponi, un consensus prévaut.
La maîtrise de la langue de la République, le français, est un grand enjeu aujourd’hui : elle doit permettre à tous les citoyens de se comprendre. Lors de la discussion de la loi pour la refondation de l’école, nous avons assez insisté, les uns et les autres, sur l’acquisition des fondamentaux. Nous venons d’établir le socle commun des connaissances et de définir les programmes. Les horaires scolaires refléteront aussi l’équilibre entre le français et les langues régionales. Cette loi nous a permis de progresser dans le domaine des langues régionales. Nous ne voulons pas aller au-delà mais conforter un équilibre en apportant des précisions, ce à quoi s’emploie cette proposition de loi. Cet équilibre, il ne faudrait pas que les uns et les autres s’amusent – j’emploie ce verbe à dessein – à le dénaturer. Il sera d’autant plus solide que nous nous rassemblerons pour l’ancrer dans notre législation.
C’est la raison pour laquelle j’invite tous nos collègues à voter ce texte, tout ce texte, rien que ce texte.
Mme la rapporteure. Je souscris aux propos d’Yves Durand. Il ne faut pas se tromper de débat. Les interventions des divers orateurs montrent qu’un consensus existe et qu’il est nécessaire de trouver un équilibre à même d’assurer la maîtrise de la langue française, en effet fondamentale, et de préserver les langues régionales.
Ce travail d’équilibre, nous l’avons mené avec le groupe socialiste et je serai fière de porter avec vous ce texte jusqu’à son adoption.
Certains considèrent que la fin de la législature n’est pas le moment idéal pour déposer un tel texte. Rappelons tout de même les diverses initiatives qui ont marqué ces cinq dernières années dans le domaine qui nous occupe : projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales, loi pour la refondation de l’école mais aussi loi NOTRe.
M. Reiss s’est interrogé sur le fait que nous présentions une nouvelle proposition de loi alors que celle de M. Molac n’a pas abouti. Je ne demande pas à notre commission de se contredire mais bien au contraire de conforter ses positions puisque ce texte ne fait que reprendre les éléments sur lesquels un accord s’était établi, notamment les dispositions concernant la signalétique et l’audiovisuel. Nous ne sommes pas revenus sur les points de blocage, qui concernaient le financement des établissements privés dispensant un enseignement en langue régionale.
Madame Buffet, j’ai bien précisé dans mon intervention à propos de l’article 5 que l’attribution des aides publiques aux publications en langue régionale se ferait selon les critères d’éligibilité existants. Les conditions auxquelles la presse IPG est soumise restent inchangées.
Certains d’entre vous ont évoqué les difficultés de recrutement des maîtres. Cette proposition de loi donne une assise juridique aux langues régionales et affirme une volonté politique de renforcer la dynamique de leur enseignement. Il nous appartiendra chaque année de dégager les moyens nécessaires pour atteindre l’objectif visé.
Mme Faure soulignait que l’apprentissage précoce d’une langue régionale facilite l’acquisition de langues étrangères. J’insisterai, pour ma part, sur l’ouverture sur les différences que permet cette agilité linguistique, qui est une excellente chose.
TITRE IER
ENSEIGNEMENT DES LANGUES RÉGIONALES
La Commission examine l’amendement AC7 de M. Claude Sturni.
M. Frédéric Reiss. Ainsi que je l’ai indiqué précédemment, l’intérêt de cette proposition de loi est aussi de permettre l’enseignement « en » langue régionale. Il s’agira donc de former des enseignants à la pratique des langues régionales. L’Institut supérieur des langues de la République française (ISLRF), qui regroupe cinq réseaux associatifs d’écoles, fait des efforts en matière de formation des maîtres pour l’enseignement en langue régionale. Je rappelle que la réussite de l’enseignement des langues régionales est conditionnée par le renforcement du corps des professeurs des écoles par des professeurs ayant de véritables compétences linguistiques et pédagogiques. Par cet amendement, nous proposons de modifier l’intitulé du titre Ier, qui deviendrait « enseignement en langues régionales », sachant que l’article 2 de la présente proposition de loi vise à rappeler que l’apprentissage du français constitue la priorité, conformément aux articles L. 111-1 et L. 121-3 du code de l’éducation.
Mme la rapporteure. Par souci de clarté, et dans la mesure où les articles du titre Ier concernent principalement le développement de l’enseignement « des » langues régionales, en particulier à l’école, dans les collèges et dans les lycées, je suggère d’en rester à la formulation initiale. Avis défavorable.
M. Paul Molac. Je vois bien la différence entre l’enseignement « des » langues régionales et l’enseignement « en » langue régionale. Selon moi, l’intitulé actuel du titre Ier renvoie déjà à ces deux méthodes d’enseignement. Je ne vois donc pas l’intérêt de la modification proposée. Si nous la retenions, il faudrait que l’intitulé soit : « enseignement des langues régionales et en langue régionale ».
Mme la rapporteure. À l’appui des propos de M. Molac, je précise que l’article L. 312-10 du code de l’éducation, que l’article 2 de la proposition de loi tend à compléter, mentionne bien les deux types d’enseignement.
La Commission rejette l’amendement.
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Article 1er
(art. L. 312-11-1 du code de l’éducation)
Inscription des langues régionales dans le cadre de l’horaire normal des écoles
Le présent article a pour objet de prévoir que des conventions signées entre l’État et les régions puissent imposer que soit proposé durant les horaires normaux des enseignements obligatoires du premier et du second degré des enseignements de langue régionale. Ces conventions fixeraient des territoires concernés en cohérence avec le bassin d’usage de la langue régionale.
À cet effet, il reprend, en l’étendant à toutes les régions ainsi qu’aux collèges et aux lycées, la solution retenue aujourd’hui pour leur seul enseignement du Corse à l’école primaire par l’article L. 312-11-1 du code de l’éducation. Cet article avait été introduit par l’article 7 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse. Dans sa décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002, le Conseil constitutionnel avait pu en délimiter la portée en précisant qu’il n’est contraire ni au principe d’égalité ni à aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle dès lors :
– qu’il ne saurait revêtir un caractère obligatoire ni pour les élèves, ni pour les enseignants ;
– qu’il ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les élèves aux droits et obligations applicables à l’ensemble des usagers des établissements qui assurent le service public de l’enseignement ou sont associés à celui-ci.
Sur ce fondement, la convention État – Collectivité territoriale de Corse signée le 26 octobre 2007 a précisé qu’« un enseignement de trois heures hebdomadaires figure à l’emploi du temps de toutes les classes du premier degré ». Pour l’application de cette convention, la circulaire du recteur d’académie indique que « les familles feront connaître leur choix en début d’année suivant les modalités habituelles de correspondance », ajoutant que « l’école prendra toutes dispositions pour proposer à ceux et celles qui ne suivraient pas cet enseignement d’autres activités, de préférence dans le domaine culturel et patrimonial ». En pratique, seuls les élèves dont les parents ont manifesté un choix contraire ne suivent pas cet enseignement.
Suivant cet exemple, le présent article généralise cette démarche à toutes les régions.
Dans le cadre de conventions conclues entre l’État et les régions, l’enseignement de la langue régionale devra être obligatoirement proposé aux élèves, sans qu’il n’en devienne pour autant obligatoire.
Afin d’assurer la continuité d’un apprentissage qui sans ce relais courrait le risque d’être privé d’effets durables, il est proposé d’étendre le dispositif non seulement aux écoles maternelles et élémentaires comme c’est le cas en Corse, mais aussi aux collèges et aux lycées. Pour l’enseignement primaire, cette solution permettra de dépasser, lorsque l’État et la région concernée l’estimeront opportun, la modeste heure et demi consacrée à la langue régionale dans les écoles qui la proposent aujourd’hui et d’éviter que cette dernière se substitue systématiquement à l’anglais. S’agissant de l’enseignement secondaire, cet enseignement pourra évidemment se déployer, comme il le fait aujourd’hui, dans le cadre des enseignements de langue vivante 2 ou 3.
Le choix est fait de confier cette nouvelle prérogative aux régions, en association avec l’État, dans la mesure où ces collectivités, qui n’exercent il est vrai qu’une compétence partagée sur cette question sur le fondement de l’article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue de l’article 104 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, sont les seules qui jouissent d’une taille suffisante pour entreprendre une action cohérente à l’échelle des bassins d’usage des langues régionales.
Le recours à une convention permettra une mise en œuvre progressive et réaliste du dispositif, afin en particulier de mieux cerner l’étendue des territoires qui pourront utilement bénéficier de ce dispositif ambitieux et de laisser le temps nécessaire pour déployer les moyens supplémentaires, en particulier en terme de recrutements d’enseignants.
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La Commission est saisie de l’amendement AC29 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à préserver la spécificité de l’enseignement de la langue corse.
L’article 1er prévoit la possibilité d’étendre l’offre d’enseignement des langues régionales en l’intégrant aux horaires normaux des établissements scolaires. Le dispositif s’inspire de la solution retenue pour l’enseignement de la langue corse en primaire, mais il en diffère dans la mesure où il repose sur un accord entre l’État et les régions, formalisé par une convention, ce que n’impose pas l’article L. 312-11-1 du code de l’éducation pour la Corse.
Je suggère de préserver le fondement législatif de l’enseignement de la langue corse tel qu’il s’est développé depuis 2002 et, donc, d’introduire un nouvel article dans le code de l’éducation pour y insérer la disposition proposée à l’article 1er.
J’en profite pour préciser que, de même que toutes les collectivités à statut particulier qui exercent, de par la loi, les compétences dévolues aux régions, la Corse sera bien au nombre des régions bénéficiaires de cette nouvelle disposition, ce qui lui permettra notamment d’étendre l’offre d’enseignement de la langue corse dans le secondaire.
M. Yves Durand. Je comprends très bien votre volonté, madame la rapporteure, de sécuriser l’enseignement des langues régionales, tant en Corse que dans les autres collectivités territoriales. L’article L. 312-11-1 du code de l’éducation, issu de la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, dispose : « La langue corse est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires de Corse. » D’autre part, la loi du 8 juillet 2013 de refondation de l’école a précisé que l’État et les collectivités territoriales pouvaient conclure des conventions pour assurer et organiser l’enseignement des langues régionales dans le primaire et le secondaire. Selon moi, il n’est guère souhaitable de toucher au code de l’éducation en la matière. Il convient en particulier de maintenir le dispositif existant en Corse. Je suis assez défavorable à votre amendement, non pas en raison de son esprit ou de vos intentions, mais parce qu’il risque de déstabiliser le dispositif actuel, qui est suffisamment clair.
M. François Pupponi. Il ne faudrait pas que cette proposition de loi remette en cause les dispositions particulières relatives à la Corse. Ce qui est proposé dans ce texte pour l’ensemble des régions est nettement en retrait par rapport à ce qui se fait en Corse. Si nous l’étendions à la Corse, ce serait un recul par rapport au dispositif actuel, qui est un acquis pour l’île.
Par ailleurs, toute disposition concernant la Corse doit faire l’objet d’une consultation préalable de la collectivité territoriale de Corse (CTC), laquelle fait part de son accord ou de son désaccord dans un avis formel. Cela a-t-il bien été le cas pour ce texte ? Il ne faudrait pas que nous ayons un problème juridique au motif que la procédure n’a pas été respectée.
M. Paul Molac. Je tiens à rappeler qu’il ne peut pas y avoir d’obligation en matière d’enseignement des langues régionales. Le Conseil constitutionnel a été très clair sur ce point. Il s’agit donc de faire des propositions en la matière, pour un territoire donné. L’article 1er présente l’intérêt d’institutionnaliser la pratique des conventions passées avec le rectorat qui formalisent ces propositions.
Par ailleurs, la présente proposition de loi ne veut nullement remettre en cause le statut spécial de l’enseignement du corse.
Mme la rapporteure. L’objet de mon amendement est précisément de sécuriser le dispositif juridique existant pour la Corse : il tend à créer un article supplémentaire dans le code de l’éducation afin de ne pas toucher à celui qui s’applique à la Corse. Cela rejoint vos préoccupations.
M. François Pupponi. Il existe en effet un dispositif particulier pour l’enseignement de la langue corse dans le primaire. Selon moi, l’amendement va dans le bon sens.
En revanche, la CTC n’est citée dans aucun des articles suivants, notamment pas à l’article 3. Il conviendrait de vérifier, d’ici à la séance publique, qu’il ne s’agit pas d’une erreur ou d’un oubli.
M. Yves Durand. Le débat porte non pas sur le fond, mais sur la sécurité juridique. Je propose que nous reportions la discussion de cet amendement à l’examen en séance publique le 30 novembre et que, entre-temps, on en évalue les conséquences. Je reste très dubitatif quant à la rédaction qui est proposée.
Mme la rapporteure. Votre préoccupation a aussi été la mienne. Selon moi, l’amendement que je propose sécurise les choses du point de vue juridique.
Par ailleurs, lorsqu’il est question des compétences des régions de manière générale, cela concerne non seulement les régions en tant que telles, mais aussi la Corse et les collectivités territoriales d’outre-mer qui exercent de par la loi les compétences dévolues aux régions.
M. François Pupponi. Il conviendrait de vérifier ce point.
Mme la rapporteure. Nous allons le faire par précaution.
M. le président Patrick Bloche. Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 312-11-1 du code de l’éducation dispose : « La langue corse est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires de Corse. » Or la proposition de loi, dans sa version initiale, tend à supprimer cet article pour y substituer une rédaction plus globale sur l’enseignement des langues régionales. Mme la rapporteure considère qu’il s’agit là d’une faiblesse juridique. Elle propose donc de maintenir l’article L. 312-11-1 du code de l’éducation relatif à la langue corse et de créer un nouvel article dans le code pour y insérer la disposition prévue à l’article 1er. Son amendement apporte donc des réponses aux questions légitimes que vous avez soulevées, mes chers collègues.
M. François Pupponi. Je soutiens l’amendement de la rapporteure : il sécurise en effet l’article L. 312-11-1 du code de l’éducation qui porte spécifiquement sur la Corse.
Pour le reste, je relève que les dispositions législatives relatives aux régions que nous adoptons mentionnent généralement, en plus des régions en tant que telles, la CTC et les collectivités d’outre-mer concernées. Tel est notamment le cas de dispositions que nous examinons actuellement dans le cadre du projet de loi de finances. A contrario, tel n’est pas le cas des articles suivants de la présente proposition de loi. Je souhaite donc que l’on vérifie que cette absence n’entraîne pas de conséquences juridiques qui seraient contraires à ce que nous souhaitons.
M. le président Patrick Bloche. Vous pouvez utilement déposer, d’ici à la séance publique, des amendements visant à compléter la liste des collectivités territoriales concernées, notamment à l’article 3.
M. Yves Durand. Les choses n’étant pas très claires, nous aurions tout intérêt à prendre le temps de vérifier les conséquences juridiques de l’amendement, tant pour la Corse que pour les autres collectivités régionales.
La Commission rejette l’amendement.
M. le président Patrick Bloche. Je propose que nous reprenions le travail sur ce point en séance publique, car nous venons de faire disparaître la spécificité de l’enseignement de la langue corse. Pour ma part, je ne tiens pas à vivre aussi dangereusement…
M. François Pupponi. Je témoignerai en votre faveur, monsieur le président !
La Commission examine, en discussion commune, l’amendement AC1 de M. Claude Sturni et l’amendement AC10 de M. Serge Letchimy.
M. Claude Sturni. Ainsi que l’a indiqué Mme la rapporteure, il ne faut pas toucher à l’existant. L’article 1er mentionne des conventions « entre l’État et les régions ». Or le code de l’éducation précise dans plusieurs de ses articles que « l’État et les collectivités territoriales » s’accordent par voie de convention sur les modalités de l’enseignement des langues et cultures régionales. En outre, dans les faits, des collectivités de différents niveaux peuvent être impliquées dans l’organisation de ces enseignements, en fonction notamment des établissements concernés. Enfin, la loi NOTRe dispose, dans son article 104, que la promotion des langues régionales est une compétence partagée entre les différentes collectivités territoriales. L’amendement AC1 vise donc à substituer les mots « collectivités territoriales » au terme « régions ». Cela me paraît correspondre davantage à la fois à l’existant et à l’esprit des textes adoptés antérieurement par le législateur.
M. Serge Letchimy. Cette proposition de loi extrêmement importante concerne les outre-mer au premier chef. La langue créole est pour nous matricielle : elle est fondamentale non seulement en termes d’éducation et la formation, mais aussi de prise de conscience.
L’amendement AC10 vise à mentionner explicitement, dans l’article 1er, les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution, dans un souci de sécurité juridique. C’est d’autant plus nécessaire que la Guadeloupe a gardé la région et le département, alors que la Martinique et la Guyane sont désormais des collectivités uniques, dénommées respectivement « collectivité territoriale de Martinique » et « collectivité territoriale de Guyane ». Je souhaite éviter toute ambiguïté ou interprétation qui remettrait en cause, pour les outre-mer, les avancées prévues par ce texte, même s’il est souhaitable d’aller encore beaucoup plus loin.
Mme la rapporteure. L’amendement AC1 vise à étendre à toutes les collectivités territoriales, au-delà des seules régions, la faculté de signer avec l’État des conventions intégrant l’offre d’enseignement de langue régionale dans les horaires normaux.
Il est exact que, aux termes de l’article 104 de la loi NOTRe, la promotion des langues régionales demeure une compétence partagée entre les différentes collectivités territoriales. Je m’en félicite, car chacune d’entre elles a un rôle important à jouer, et ces rôles sont complémentaires.
Néanmoins, au regard de l’étendue des bassins d’usage des langues et compte tenu de la nécessaire cohérence de l’offre d’enseignement à l’échelle de chaque bassin, le texte confie à la seule région la possibilité de proposer, par une convention conclue avec l’État, des enseignements de langue régionale dans l’horaire normal des établissements sur un territoire donné. Toute autre solution ferait courir le risque d’aboutir à une carte fractionnée, selon que telle ou telle collectivité aura plus ou moins d’allant en la matière, au mépris de l’égalité de traitement des familles. Or, à nos yeux, celles-ci doivent se voir proposer une offre homogène à l’échelle des territoires d’usage de chaque langue. Les régions me semblent donc le niveau le plus pertinent pour conclure de telles conventions.
L’amendement AC10 tend à préciser que l’article 1er s’applique aussi aux collectivités d’outre-mer à statut particulier, ce qui me paraît utile. De manière générale, ainsi que je l’ai indiqué précédemment, la mention des « régions » dans la loi renvoie à l’ensemble des collectivités exerçant les compétences des régions, sans qu’il soit besoin de le préciser. Néanmoins, compte tenu du statut particulier des collectivités d’outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution et du fait qu’elles font l’objet d’un titre spécifique dans le code général des collectivités territoriales, il paraît opportun de rappeler explicitement qu’elles bénéficieront de la disposition prévue à l’article 1er. Cette rédaction n’affaiblit pas la portée générale du terme « région », qui comprend aussi les collectivités à statut particulier telles que la Corse.
Mme Marylise Lebranchu. Le terme « région » est une appellation institutionnelle qui désigne un territoire doté d’un conseil régional. La CTC, la collectivité territoriale de Guadeloupe et la collectivité territoriale de Guyane, qui disposent chacune d’une assemblée unique, ne sont donc pas des régions. Il convient de préciser chaque fois la liste de toutes les collectivités territoriales concernées. Prenons garde de ne pas priver de cette compétence des territoires où sont parlées une ou plusieurs langues régionales.
M. Frédéric Reiss. Je pourrais à la limite me rendre aux arguments de Mme la rapporteure si la France métropolitaine comptait encore vingt-deux régions. Dans le cadre actuel, j’ai un peu de mal à le faire. Dès lors que la promotion des langues régionales est une compétence partagée entre les collectivités territoriales, il est nécessaire, selon moi, d’apporter la précision prévue par l’amendement AC1.
M. Paul Molac. Jusqu’à présent, ce sont bien les régions qui ont discuté directement avec l’État et conclu des conventions avec lui en la matière. Rien n’empêche de mener une discussion à ce sujet au sein de la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) de la région, les départements pouvant ensuite signer la convention. Telle était la pratique dans l’ancienne Aquitaine, région en majorité occitanophone mais comprenant une zone basquophone couvrant la moitié du département des Pyrénées-Atlantiques : la convention correspondante était signée par ledit département et par l’Office public de la langue basque. Il sera possible de procéder de la même manière en Alsace ; cela ne soulève a priori aucune difficulté technique.
M. Éric Straumann. En la matière, il y a parfois une volonté locale forte, mais une volonté régionale faible. S’agissant de l’alsacien, il existe actuellement une convention conclue avec l’ancienne région Alsace et les départements du Haut et du Bas-Rhin. Ces derniers continueront à soutenir une telle politique, mais je ne suis pas sûr qu’une majorité se dégage en ce sens à l’échelle de la région Grand Est, qui aura peut-être d’autres priorités ou sera gênée de proposer une convention tenant compte d’une particularité locale, qui ne concernera qu’une petite partie de son territoire. Donnons-nous le maximum de possibilités en prévoyant la conclusion de conventions entre l’État et les collectivités territoriales. Si nous nous limitons aux seules régions, nous risquons d’enterrer cette disposition du texte, car nous serons confrontés à des situations de blocage.
M. Jacques Cresta. Si nous souhaitons confier aux seules régions la possibilité de conclure une convention en matière d’enseignement des langues régionales, c’est aussi parce que la carte des formations est le fruit d’un travail commun entre la région et le rectorat. J’imagine mal un rectorat signer des conventions avec plusieurs collectivités territoriales : cela poserait un problème de cohérence au moment de la mise en œuvre. Il faut aussi faciliter la tâche des rectorats. Ainsi que l’a relevé M. Molac, rien n’empêchera les départements de signer une convention conclue avec la région pour tenir compte d’une spécificité particulière.
Mme la rapporteure. J’ai bien entendu la remarque de Mme Lebranchu. Nous allons déterminer d’ici à la séance publique s’il convient effectivement de préciser la liste de toutes les collectivités territoriales concernées, dans un souci de sécurité juridique.
La compétence en matière de promotion des langues régionales est, certes, partagée, mais il faut aussi de la cohérence, et c’est au niveau de la région qui celle-ci pourra être assurée. Je ne doute pas que les élus régionaux sauront promouvoir les langues régionales au sein de leur région, même lorsque le périmètre de celle-ci s’est agrandi.
M. Claude Sturni. Je suis stupéfait par les propos de Mme la rapporteure : notre amendement vise non pas à récrire la loi NOTRe, mais à spécifier clairement que la compétence en matière de promotion des langues régionales est partagée. Si vous refusez toute évolution du texte sur ce point, de nombreux députés ne pourront pas vous suivre.
M. Yves Durand. J’abonde dans le sens de Mme la rapporteure et de M. Cresta : l’enseignement en général et la définition de la carte des formations en particulier relève de l’autorité du recteur de région académique. Nous avons souhaité, avec raison, que le périmètre de chaque région académique soit identique à celui de la région, les recteurs d’académie étant placés sous l’autorité d’un recteur de région académique. Par conséquent, il appartient au recteur de région académique et aux responsables de la région d’élaborer une convention qui respecte les spécificités des territoires.
La Commission rejette l’amendement AC1.
Puis elle adopte l’amendement AC10.
Elle en vient à l’amendement AC8 de M. Claude Sturni.
M. Frédéric Reiss. Cet amendement va dans le même sens que l’amendement AC1. Je précise qu’il est conforme à l’article L. 312-11 du code de l’éducation.
Mme la rapporteure. Avis défavorable pour le même motif que précédemment.
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel AC30 de la rapporteure.
Puis elle adopte l’article 1ermodifié.
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Article 2
(art. L. 312-10 du code de l’éducation)
Clarification de la reconnaissance législative de l’enseignement bilingue immersif français-langue régionale
Le présent article a pour objet de mieux affirmer le principe que l’enseignement bilingue en langue régionale et en français proposé dans certaines écoles et établissements scolaires publics et privés peut être dispensé selon la méthode dite immersive, qui implique parfois de s’émanciper de la stricte parité des temps d’enseignements en français et en langue régionale.
Comme il a été vu dans le A du II de l’exposé général, la loi Peillon du 8 juillet 2013 a clarifié le statut de l’enseignement des langues régionales en France.
Elle a précisé que les enseignements de langue et culture régionales doivent être « favorisés prioritairement » dans les régions concernées par leur usage et doit faire l’objet d’une information en direction des familles qui trop souvent ignorent que cette faculté leur est reconnue.
Elle a ensuite explicitement décrit, à l’article L. 312-10 du code de l’éducation, les deux formes selon lesquelles ces enseignements peuvent être dispensés :
– soit sous la forme d’un enseignement de la langue ou de la culture régionale,
– soit sous celle d’un enseignement « bilingue ».
Pour permettre l’accès effectif à ces apprentissages, l’annexe de la loi a prévu que les élèves résidant dans une commune dont les écoles ne proposent pas un enseignement des langues régionales « auront la possibilité d’être inscrits dans une école d’une autre commune dispensant cet enseignement, sous réserve de l’existence de places disponibles ». L’article L. 212-8 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de l’article 101 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, a tiré les conséquences de cet encouragement en prévoyant que le maire de la commune de résidence d’une famille souhaitant inscrire leur enfant dans une école ou un établissement proposant cet apprentissage ne peut s’opposer à cette demande, même lorsque les écoles de sa commune disposent de places libres. Il a aussi clarifié les modalités de compensation financière entre les communes des frais de scolarisation de ces enfants.
Ces dispositions forment un terreau favorable au développement d’enseignements ambitieux en langue régionale.
Elles n’ont cependant pas pleinement résolu la question de l’enseignement immersif, pourtant reconnue comme la forme d’enseignement la plus efficace pour l’apprentissage des langues régionales.
On rappellera en effet que l’arrêté du ministre de l’Éducation nationale du 31 juillet 2001, pris sur le fondement de l’article L. 312-10 du code de l’éducation dans sa rédaction issue de la loi Haby n° 75-620 du 11 juillet 1975 relative à l’éducation, qui offrait la possibilité de proposer, dans l’enseignement public comme privé, un enseignement de langue et de culture régionales « tout au long de la scolarité », avait prévu que l’enseignement bilingue public pouvait être dispensé soit à « parité horaire », soit par la méthode dite « de l’immersion ». Cette dernière se caractérise par l’utilisation principale de la langue régionale, non exclusive du français, comme langue d’enseignement et comme langue de communication au sein de l’établissement, et dans laquelle l’enseignement des disciplines dans la langue régionale représente donc plus de la moitié des horaires d’enseignement.
Toutefois, cet arrêté a été suspendu puis annulé par les arrêts SNES du Conseil d’État, statuant en référé le 30 octobre 2001 puis au fond le 29 novembre 2002, au motif que l’immersion, en faisant de la langue régionale la langue principale d’enseignement et de communication dans ces établissements, « ouvre des possibilités qui vont au-delà des nécessités de l’apprentissage d’une langue régionale et excèdent ainsi les possibilités de dérogation à l’obligation d’utiliser le français comme langue d’enseignement prévue par les dispositions des articles L. 121-3 et L. 312-11 précités du code de l’éducation ». Pour en tirer les conséquences, l’arrêté du 12 mai 2003 a limité l’offre publique aux enseignements à parité horaire en langue régionale dans les établissements ou les sections d’établissements publics, dès lors qu’« aucune discipline ou aucun domaine disciplinaire, autre que la langue régionale, ne peut être enseigné exclusivement en langue régionale ».
S’il semble bien que le législateur a choisi en 2013 d’ouvrir la voie à l’enseignement immersif en se contentant de fixer le principe qu’il est possible de dispenser un enseignement bilingue sans aucune référence au concept de « parité horaire » utilisé par le juge administratif, il est nécessaire de lever toute ambiguïté juridique.
L’enseignement immersif, dispensé dans sa majorité par des établissements privés sous contrat d’association voire même, avec des modalités différentes et à titre expérimental, par des établissements publics d’enseignement comme c’est le cas dans le département des Pyrénées-Atlantiques depuis la mise en place en 2008 par l’Éducation nationale d’un protocole d’expérimentation pédagogique à cet effet, se révèle particulièrement efficace et plébiscité par les familles.
Le présent article dispose ainsi clairement que l’enseignement bilingue prévu aux 2° de l’article L. 312-10 peut être dispensé quelle que soit la durée d’enseignement dans ces deux langues. Cela ne saurait pour autant remettre en cause les deux principes encadrant ces pratiques :
– cet apprentissage demeurera strictement facultatif et son recrutement limité au volontariat ;
– les écoles et établissements concernés devront, comme tous les autres établissements, garantir à leurs élèves le respect des objectifs de la scolarité obligatoire, au premier rang desquels figure la maîtrise de la langue française telle notamment qu’elle est sanctionnée par l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture.
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La Commission est saisie de l’amendement AC9 de M. Claude Sturni.
M. Frédéric Reiss. Cet amendement vise à préciser que « la bonne maîtrise à l’écrit et à l’oral de la langue française reste la priorité dans tous les cas de figure ». Certains jugeront peut-être cet ajout superfétatoire, mais il s’agit d’un garde-fou contre les excès, qui va dans le sens de l’équilibre souhaité par Mme la rapporteure et M. Durand. L’objectif prioritaire est l’apprentissage du français. Nous pouvons l’atteindre tout en développant de manière concomitante l’enseignement d’une langue vivante étrangère ou d’une langue régionale. Je peux affirmer d’expérience que les enfants qui suivent, en Alsace, le cursus bilingue « douze heures en français, douze heures en allemand » dès l’école maternelle ne sont nullement en retard en matière de maîtrise de la langue française, bien au contraire.
Mme la rapporteure. Permettez-moi d’abord, une nouvelle fois, de contester l’idée que l’enseignement des langues régionales serait un obstacle à la maîtrise du français – mais je pense que tel n’est pas votre point de vue. Les résultats observés, en particulier dans les écoles bilingues, montrent exactement l’inverse : les enfants qui acquièrent efficacement une autre langue sont souvent les plus performants en français.
Je suis néanmoins, moi aussi, sensible à la volonté de veiller à ce que les objectifs de maîtrise de la langue française ne soient en aucune manière affectés par les autres enseignements, et c’est précisément pourquoi l’article 2 rappelle que l’enseignement bilingue doit se faire « dans le respect des objectifs de maîtrise de la langue française fixés par les articles L. 111-1 et L. 121-3 ». Votre amendement est donc satisfait.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’article 2 sans modification.
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Article 3
(art. L. 611-9 du code de l’éducation)
Contribution des établissements d’enseignement supérieur
au développement des langues et des cultures régionales
Le présent article a pour objet de permettre, par conventions avec les autres acteurs impliqués, aux établissements d’enseignement supérieur de contribuer au développement de l’enseignement de langues régionales ou en langues régionales, des cultures régionales et de leur diffusion.
Les langues et cultures régionales sont assez peu présentes dans les universités françaises, concentrées sur quelques licences et masters spécialisés qui peinent à satisfaire les besoins, pourtant modestes, de recrutement notamment en enseignants spécialisés. Cette situation résulte du fait qu’en l’absence d’impulsions nationales ou régionales, les universités organisent aujourd’hui d’elles-mêmes les formations en langues régionales, souvent au seul regard des débouchés professionnels qu’elles peuvent appréhender.
Pour donner un nouvel élan à la présence de ces thèmes dans l’enseignement supérieur, il est proposé d’insérer un nouvel article L. 611-6-1 dans le code de l’éducation prévoyant expressément que les établissements d’enseignement supérieur pourront signer des conventions avec d’autres établissements, avec l’État et avec les collectivités territoriales pour contribuer au développement de l’enseignement et à la diffusion des langues régionales. Cette initiative est pleinement cohérente avec l’ambition affirmée à l’article 1er de la présente proposition de loi d’étendre considérablement l’offre d’enseignement dans le premier et le second degré, qui appelle un effort très massif de recrutement, et donc de formation d’enseignants spécialisés.
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La Commission adopte l’article 3 sans modification.
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La Commission examine l’amendement AC13 de M. Paul Molac.
M. Paul Molac. Le présent amendement vise à ce que l’environnement régional de l’élève, notamment la langue et la culture régionales, soit pris en compte dans l’enseignement afin de favoriser sa prise de conscience de la diversité et de la richesse du monde qui l’entoure. Cette richesse est encore trop souvent minimisée dans le parcours scolaire alors qu’elle est facteur de développement personnel.
Mme la rapporteure. L’article L. 121-1 du code de l’éducation définit les grands principes qui inspirent le système éducatif – connaissance, valeurs de la République, place dans le monde... Et, vous le savez, la loi Peillon du 8 juillet 2013 a prévu la possibilité de déployer « un enseignement, à tous les niveaux, de langues et cultures régionales ».
Cette formulation, très précise, me semble donner toute la place qu’elles méritent aux langues régionales et je ne crois pas utile d’alourdir l’article. L’environnement régional fait évidemment déjà partie des « évolutions économiques, sociales et culturelles » au sujet desquelles la loi prévoit que le système éducatif dispense une formation adaptée. Je considère donc l’amendement satisfait et vous demande de le retirer, faute de quoi mon avis sera défavorable.
M. Paul Molac. Je retire l’amendement. Mon but était de mettre l’accent sur la culture régionale. Il est vrai, en effet, que des textes préconisent qu’on parte du local pour aller vers l’international, mais il se trouve aussi que des inspecteurs ont leur propre façon de voir. Ainsi, il n’y a pas très longtemps, un inspecteur de l’éducation nationale s’est déclaré contre l’enseignement bilingue ! Étant fonctionnaire de l’État, un inspecteur ne devrait pas dire ça…
L’amendement est retiré.
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Article 4
Traduction en langue régionale des inscriptions, signalétiques
et principaux supports de communication des services publics
Le présent article a pour objet de permettre aux régions de demander aux services publics d’accompagner de traductions en langue régionale, sur la partie de leur territoire où cette langue est en usage, les inscriptions et les signalétiques apposées sur les bâtiments publics, les voies publiques de circulation et les voies navigables, ainsi que sur les principaux supports de communication institutionnelle des services publics.
Comme il a été vu dans le B du II de l’exposé général, la présence des langues régionales est inégale sur les territoires, avec des pratiques de plus en plus homogènes et fréquentes s’agissant notamment des panneaux d’agglomération mais des initiatives plus éparses pour les autres grands services publics. La rapporteure salue à cet égard les efforts consentis par la SNCF dans les panneaux qu’elle déploie dans les gares grâce aux dispositions intégrées dans les conventions signées avec les régions pour les transports régionaux, ainsi que ceux assumés pour certaines signalétiques dans les espaces de La Poste notamment en Alsace et en Bretagne.
L’état du droit actuel offre il est vrai de nombreuses possibilités d’intégrer les langues régionales dans la vie publique.
Dès lors que sont garanties l’inscription, la prononciation et la diffusion en français des informations dont il est indispensable qu’elles soient comprises sans ambiguïté par tous, soit pour des raisons d’intérêt général (3), soit parce qu’il s’agit de débattre et d’énoncer des normes de droit (4), et que nul ne peut se prévaloir d’un droit à user d’une langue autre que le français ou puisse se voir contraint à cet usage (5), la traduction et l’usage des langues régionales sont toujours possibles. L’article 21 de la loi Toubon du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française précise ainsi clairement que « les mesures garantissant l’emploi de la langue française [en particulier celle imposant à l’article 3 que toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique et destinée à l’information du public doit être formulée en langue française] s’appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s’opposent pas à leur usage ».
Malgré ce contexte favorable, l’aspect facultatif de ces aménagements, laissés à la libre initiative des services concernés, empêche un développement homogène et cohérent sans lequel ces mesures risquent de n’être que symboliques. Il laisse dans de nombreuses régions des services, pourtant destinés à des populations pratiquant encore beaucoup ces langues, tels en particulier les hôpitaux, les maisons de retraite et les services d’aides aux personnes âgées, demeurer trop timorés sur cette question alors même que la qualité de leur relation avec les usagers s’en trouverait significativement accrue.
Pour donner une impulsion décisive à ces traductions, le présent article étend à l’échelle du bassin d’influence de la langue régionale la traduction des principales signalisations et des grands supports de communication. Pour les raisons d’efficacité et de cohérence avec la taille de ces bassins évoquées supra, il est proposé à cette fin de confier à la région le soin de commander aux services publics la mise en place de traduction. Cette compétence n’empêchera en rien les communes et les départements, dont les compétences en matière de langue régionale ont été préservées, de continuer de pouvoir demander cette inscription et de l’assurer sur les services publics locaux qui relèvent de leur tutelle.
Bien entendu cet affichage ne pourrait, conformément aux prescriptions constitutionnelles, que prendre la forme d’une « traduction » du français, langue de la République.
Le dispositif proposé intègre l’ensemble des services publics, c’est-à-dire à la fois les services publics nationaux et les services publics locaux, et s’imposera ainsi à toute personne morale pour la partie de ses activités relevant de missions de service public. Les traductions seraient assurées sur les inscriptions et les signalétiques apposées sur les bâtiments publics, sur les voies publiques de circulation et sur les voies navigables, ce qui couvre un champ extrêmement vaste de l’espace public. Sont particulièrement visés la signalisation routière, les éléments de signalétiques du réseau ferroviaire et fluvial ainsi que tous les services publics nationaux et de proximité.
Par souci de réalisme et de consensus, il est toutefois précisé que ces traductions feront l’objet de procédure conventionnelle, garantissant une pleine entende des parties sur l’étendue des obligations souscrites. En outre, pour éviter tout coût budgétaire supplémentaire, ces traductions ne seront apposées qu’au rythme de l’installation et de la rénovation spontanée des bâtiments et des voies de communication, les implications financières d’une simple traduction étant à cette occasion marginale.
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La Commission examine l’amendement AC2 de M. Claude Sturni.
M. Claude Sturni. Le présent amendement vise à permettre à l’ensemble des collectivités territoriales d’être impliquées dans l’installation ou le renouvellement de leur signalétique en français et en langue régionale. Il n’aura en effet échappé à personne qu’une commune, un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ou un département, appartenant à un territoire où une langue régionale est en usage, doivent pouvoir solliciter des services publics un affichage bilingue en français et dans la langue régionale concernée. C’est certes déjà le cas mais, comme tout à l’heure, je m’interroge sur cette idée d’empêcher les collectivités territoriales de continuer à effectuer ce travail.
M. le président Patrick Bloche. Bis repetita, madame la rapporteure ?
Mme la rapporteure. Il ne s’agit pas d’empêcher quoi que ce soit, au contraire, car si l’article propose de confier à la région le soin de demander des traductions, c’est en cohérence avec l’échelle des bassins d’usage des langues et pour éviter des pratiques trop fragmentées et donc inefficaces. Néanmoins, sur le fondement de leur compétence partagée, toutes les collectivités concernées pourront continuer de demander, à leur niveau, les traductions pour les services qui relèvent de leur autorité. Avis défavorable.
M. Claude Sturni. Les résultats des dernières élections régionales sont encore dans les esprits. Or nous nous souvenons bien que plusieurs régions ont failli basculer dans un camp totalement opposé à ces éléments de l’identité régionale que nous défendons ici et je n’ose imaginer, si nous en restons à la rédaction actuelle de l’article 4 de la proposition de loi, ce qui adviendra si un jour une de nos grandes régions devait être dirigée par quelque parti extrémiste.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement AC3 de M. Claude Sturni.
M. Claude Sturni. Je prônais tout à l’heure bon sens et équilibre ; aussi n’est-il pas question d’imposer mais seulement de permettre. C’est pourquoi, en remplaçant le mot « assurent » par les mots « peuvent assurer », nous éviterions d’imposer, tels des ayatollahs, une traduction systématique. En outre, certains mots et expressions ne peuvent être traduits littéralement. Le respect de la culture régionale n’implique pas, j’y insiste, de tout traduire systématiquement mais qu’on réfléchisse intelligemment à cette culture.
Mme la rapporteure. J’entends rassurer les auteurs de l’amendement : la faculté que l’article donne aux régions de procéder à des traductions en langue régionale ne concerne, précisément, que des traductions, la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite « loi Toubon », et la jurisprudence du Conseil d’État étant très claires sur l’obligation absolue de garantir l’inscription, la prononciation et la diffusion des informations d’abord et avant tout en français ; de plus, les consignes et informations dont il est indispensable qu’elles soient comprises par tous, en particulier pour la sécurité routière, doivent être parfaitement claires, ce qui impose par exemple de recourir à des typographies plus grandes pour le français.
Cet amendement est donc déjà satisfait.
M. Paul Molac. Le présent amendement montre, en creux, le volontarisme de la majorité. Une politique régionale de préservation des langues régionales repose certes sur l’enseignement – domaine dont il faut discuter avec le rectorat – et les médias, mais aussi sur la signalétique. Or si cette dernière fait défaut, une telle politique perd de son efficace. La signalétique, de plus, est symbolique – cet affichage est d’ailleurs automatique dans les autres pays d’Europe.
Et il faut bien qu’une entité soit chargée de la préservation de ce patrimoine que forment les langues régionales : il se trouve que la région semble relativement près du terrain puisque l’on passe souvent par elle pour obtenir des politiques d’exécution qui soient le plus proches des citoyens. L’article 4 tel qu’il est rédigé me paraît donc excellent.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement AC4 de M. Claude Sturni.
M. Frédéric Reiss. L’amendement vise à supprimer les mots : « ainsi que dans les principaux supports de communication institutionnelle », dans la mesure où ils peuvent donner lieu à des interprétations trop larges, au point de concerner chaque affichage et chaque document à l’extérieur comme à l’intérieur des établissements publics.
Mme la rapporteure. Le propre de la communication institutionnelle est sa lisibilité. Il me semble important que les « principaux supports institutionnels » fassent aussi l’objet de traduction – je pense en particulier aux services publics sociaux où de nombreuses personnes âgées trouveraient très utile qu’une information soit diffusée en langue régionale. Comme vous le savez, cela n’empêche en rien de réserver une typographie plus claire au français et donc cela ne nuit en rien à l’information de tous. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement AC15 de M. Paul Molac.
M. Paul Molac. L’amendement dont il est ici question vise à « sécuriser » la toponymie, qui résume bien souvent l’histoire des populations. On sait par exemple que certains sont passés à tel endroit en laissant leur nom, comme à Angles-sur-l’Anglin, dans le Poitou, où sont venus s’installer des Angles. Or, à l’occasion de la fusion de communes, les noms sont parfois choisis un peu rapidement : après son « mariage » avec une autre commune, celle de Plémet est devenue la commune nouvelle des Moulins. La population a trouvé la nouvelle appellation un peu ridicule et, souhaitant garder le nom de « Plémet », elle se trouve contrainte de déposer un recours auprès du Conseil d’État pour le reprendre. Je propose par conséquent une procédure qui vaut ce qu’elle vaut mais qui permet aux services régionaux chargés de la toponymie de donner leur avis.
Mme la rapporteure. On dépasse ici le cadre de la proposition de loi en donnant aux régions une sorte de pouvoir préalable de contrôle sur les initiatives toponymiques des autres collectivités, au risque d’enfreindre leur légitime compétence de s’administrer elles-mêmes. La généralisation des traductions prévues à l’article 4 répond mieux à votre souci de cohérence sur l’étendue du bassin d’usage des langues, sans donner l’impression qu’une autorité empiète manifestement sur des prérogatives aussi importantes que le choix du nom d’une ville. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’article 4 sans modification.
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Article 5
Rôle des aides à la presse dans l’incitation à l’utilisation des langues régionales
Le présent article a pour objet de rendre les publications de presse et les sites internet d’information rédigés en langue régionale éligibles aux mêmes aides directes et indirectes accordées par l’État que ceux rédigés en langue française.
Comme il a été vu dans le B du II de l’exposé général, les langues régionales irriguent insuffisamment la presse écrite et les sites d’information sur internet, avec moins de quarante publications spécifiques, dont seulement une quinzaine exclusivement en langues régionales, pour un lectorat très modeste.
● Cette situation résulte de nombreux facteurs. Il apparaît toutefois que les aides publiques, qui jouent un rôle si précieux pour le maintien d’une presse pluraliste et diversifiée dans notre pays, ne contribuent que trop peu à la vitalité de ces publications qui participent pourtant à la sauvegarde d’un élément du patrimoine constitutionnellement reconnu de la République.
Il est vrai que dès lors que ces publications et sites remplissent des conditions minimales de régularité (une publication par trimestre) et de contenu et par conséquent bénéficient d’un numéro délivré par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), ils sont éligibles aux principales aides indirectes (taux de TVA super-réduit de 2,1 % et exonération de la contribution économique territoriale dans le secteur de la presse) ainsi qu’à la majorité des aides directes qui ne sont pas conditionnées au type d’information diffusée.
En outre les trois grands fonds créés ou pérennisés à l’occasion de la réforme des aides à la presse mises en œuvre par le décret n° 2016-1161 du 26 août 2016 relatif au soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse (fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse, fonds stratégique pour le développement de la presse et fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité) sont expressément ouverts aux publications et au site rédigés en langue régionale, sous les mêmes conditions que ceux rédigés en français.
En revanche, d’autres aides, en particulier les tarifs postaux préférentiels, la déduction spéciale sur l’impôt sur les sociétés en faveur des entreprises de presse ou les réductions d’impôt des particuliers pour dons effectués en faveur des entreprises de presse ou pour souscription au capital des sociétés de presse ou le bénéfice du fonds de soutien à la presse, dépendent de la reconnaissance de leur caractère d’information politique et générale (IPG), accordée après avis de la CPPAP.
Or l’article 2 du décret du 29 octobre 2009 définit ce caractère comme la capacité à « présenter un intérêt dépassant significativement les préoccupations d’une catégorie de lecteurs ».
Sur ce fondement, la CPPAP a longtemps refusé d’accorder la qualité d’IPG à l’ensemble des demandes des publications et des sites d’information en ligne en langues basque, bretonne, ou occitane, au motif que ces langues n’étaient pas suffisamment répandues sur le territoire national pour justifier la qualité d’IPG. Les locuteurs de langues régionales étaient ainsi considérés dans leur ensemble comme ne dépassant pas « une catégorie de lecteurs ». Il en résultait que, de manière paradoxale, une publication en langue anglaise avait plus de chances d’être acceptée et de bénéficier pleinement des aides directes et indirectes françaises qu’une publication dans une langue régionale.
La position de la CPPAP s’est assouplie depuis 2012, certaines publications en langue régionale pouvant désormais être admises sur présentation d’un nombre significatif de traductions en français. Cette évolution est cependant trop lente et incertaine. Sur une quarantaine de publications disposant d’un numéro de CPPAP, seules cinq bénéficient aujourd’hui du statut d’IPG.
Enfin, certaines aides directes sont explicitement réservées par les décrets les régissant aux seules publications en langue française. Il s’agit en particulier :
– du décret n° 2002-629 du 25 avril 2002 qui réserve l’aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique et générale aux « quotidiens nationaux d’information politique et générale de langue française » ;
– le décret n° 86-616 du 12 mars 1986 qui réserve l’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires aux « quotidiens nationaux d’information politique et générale de langue française » ;
– le décret n° 89-528 du 28 juillet 1989 qui réserve l’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces aux « quotidiens d’information politique et générale de langue française » ;
– le décret n° 99-79 du 5 février 1999, relatif au fonds de modernisation de la presse, qui n’impose pas explicitement de conditions de langue, mais renvoie aux critères d’attribution des aides aux publications d’information politique et générale.
● Au total ces divers dispositifs dessinent un paysage complexe et peu favorable au dynamisme de la presse en langue régionale, quand bien même ces publications répondent aux objectifs, en particulier s’agissant du pluralisme de l’information, précisément poursuivis par ces aides.
Pour mettre fin à cette situation absurde où des publications au contenu similaire peuvent aujourd’hui être plus ou moins aidées selon qu’elles sont rédigées en langue régionale ou en français, le présent article étend à la presse écrite en langue régionale les mêmes aides que celles octroyées à la presse en langue française. Cela signifie que le fait de publier en langue régionale ne sera plus un critère admissible pour exclure l’éditeur du bénéfice des aides publiques auxquelles il aurait pu prétendre si sa publication ou son site avait été rédigé en français. Pour autant, les autres conditions, en particulier relatives au contenu et à la régularité des publications, demeureront applicables exactement dans les mêmes conditions que celles imposées aux éditions en français.
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La Commission adopte l’article 5 sans modification.
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Article 6
(art. 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)
Élargissement des missions du Conseil supérieur de l’audiovisuel
à la promotion et au développement des langues régionales
dans la communication audiovisuelle
Le présent article complète les missions du Conseil supérieur de l’audiovisuel, fixées à l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, en le chargeant expressément de s’assurer, comme il veille aujourd’hui à « la défense et à l’illustration de la langue et de la culture françaises », que les services de communication audiovisuelle contribuent « à la promotion et au développement des langues et cultures régionales ».
Le CSA pourra ainsi, conformément au dernier alinéa de l’article 3-1, adresser aux éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle des recommandations relatives au respect de ce nouvel objectif, ou plus efficacement adapter les recommandations qu’il a émises sur le fondement des autres missions qui lui sont reconnues pour mieux prendre en compte cette nouvelle ambition. Ainsi, par exemple, les strictes limitations posées à l’usage obligatoire du français dans les programmes télévisés et radiophoniques par la recommandation du 18 janvier 2005 du CSA relative à l’emploi de la langue française par voie audiovisuelle (avec pour uniques exceptions les œuvres cinématographiques et audiovisuelles en version originale, les œuvres musicales y compris celles insérées dans des messages publicitaires ou les programmes dont la finalité est l’apprentissage d’une langue et les retransmissions de cérémonies cultuelles) auront vocation à être assouplies de manière à encourager la diffusion de programmes en langue régionale.
En outre, les conventions conclues entre le CSA et les éditeurs pourront contenir des engagements en matière de langue régionale, dûment évalués, le présent article maintenant toutefois le caractère facultatif de telles initiatives en ne modifiant pas l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relatif au contenu de ces conventions.
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La Commission examine l’amendement AC16 de M. Paul Molac.
M. Paul Molac. Je pense que l’amendement AC16 est satisfait, et le retire donc.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’article 6 sans modification.
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La Commission examine l’amendement AC17 de M. Paul Molac.
M. Paul Molac. Puisqu’il s’agissait d’un amendement de repli, je le retire également.
L’amendement est retiré.
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Article 7
(art. 29 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)
Attribution de fréquences pour la diffusion
de services de radio en langues régionales
Le présent article a pour objet de garantir qu’une ou plusieurs fréquences radios par voie hertzienne terrestre soient attribuées à des services émettant en langue régionale dans les territoires où ces langues sont pratiquées.
L’article 29 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication définit les modalités d’autorisations d’usage par le CSA des fréquences pour la diffusion de services de radio, en précisant les procédures à respecter et les critères que l’autorité indépendante doit prendre en compte. On rappellera que pour procéder aux appels à candidature, adressés selon des catégories de radios prédéfinis, instruire les dossiers, négocier les conventions qui encadrent le service et délivrer les autorisations, le Conseil s’adjoint l’aide d’antennes régionales, les comités territoriaux de l’audiovisuel (CTA), implantés en région et outre-mer.
Dans ce cadre, le CSA a déterminé cinq catégories de radio, selon leur vocation, locale ou nationale, et leur contenu, thématique ou généraliste :
– la catégorie A regroupe les services de radio associatifs accomplissant une mission de communication sociale de proximité et dont les ressources commerciales provenant de la publicité de marque ou du parrainage sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires total ;
– la B qui intègre les services de radio locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme a vocation nationale identifié ;
– la C pour les services de radio locaux ou régionaux diffusant le programme d’un réseau thématique à vocation nationale ;
– la D pour les services de radio thématiques à vocation nationale ;
– et la E pour les services radiophoniques généralistes à vocation nationale.
L’usage de ces catégories permet au Conseil d’assurer une répartition équitable des ressources de fréquences afin de respecter les obligations que lui assigne l’article 29 précité, qui prévoit qu’il doit veiller :
– à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion ;
– au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part ;
– à ce que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l’information politique et générale.
En ajoutant à ces trois critères celui de s’assurer qu’une ou plusieurs fréquences soient attribuées à des candidats proposant la diffusion de services de radio en langue régionale (la définition de la durée et de la nature de ces services, et notamment leur importance dans l’ensemble de la grille, n’étant pas précisée afin de laisser une marge d’appréciation à l’autorité indépendante), le présent article permettra ainsi d’assurer un accès prioritaire aux diffuseurs qui consentent à l’effort exceptionnel, et d’intérêt public dans la mesure où il concourt à la vitalité d’un élément du patrimoine de la République reconnu par l’article 75-1 de la Constitution, que représentent l’édition et l’achat de programmes en langue régionale.
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel AC32 de Mme la rapporteure.
Puis elle adopte l’article 7 modifié.
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La Commission examine l’amendement AC18 de M. Paul Molac.
M. Paul Molac. Le présent amendement fait partie de mes marottes, et je pense que je le proposerai tant que je serai député. Je propose que nous abrogions le décret du 2 thermidor an II, pris dans une période troublée de la Révolution française.
M. Yves Durand. Il institue pourtant la nation française !
M. Paul Molac. Je dirais que c’est plutôt la fête de la Fédération, mais ce n’est ni le lieu ni le moment d’avoir une discussion d’historiens.
Mme la rapporteure. Je ne puis recommander d’abroger ce texte sans connaître toutes les conséquences d’une telle abrogation alors même qu’elle ne change absolument rien à la situation que vous invoquez dans l’exposé des motifs de votre amendement. Avis défavorable.
M. le président Patrick Bloche. Retirez-vous votre amendement, monsieur Molac, afin d’éviter un vote couperet ?
M. Paul Molac. Je le retire, de même que l’amendement AC19 qui ne concerne pas la commission des affaires culturelles – c’est une erreur de ma part.
Les amendements AC18 et AC19 sont retirés.
La Commission examine l’amendement AC20 de M. Paul Molac.
M. Paul Molac. Le présent amendement, un peu plus polémique, vise à ce que la répartition de la redevance audiovisuelle tienne compte de l’obligation faite aux chaînes de radiodiffusion et de télévision de promouvoir les langues régionales. En effet, nombreux sont les citoyens mécontents de l’usage insuffisant des langues régionales par les radios et par les télévisions du service public. Il paraît donc normal que les chaînes qui s’acquittent le mieux de leur mission de diffusion des langues régionales voient leurs efforts légitimement récompensés par une répartition plus avantageuse du produit de la redevance.
M. le président Patrick Bloche. Les présidentes d’Arte et de France Médias Monde, que nous avons auditionnées, devraient apprécier cet amendement…
Mme la rapporteure. La loi ne fixe pas les critères précis de répartition de la redevance qui obéit à un équilibre complexe apprécié au regard de l’ensemble des missions assignées à l’audiovisuel public. En ne fixant que le seul critère de la promotion des langues régionales, l’amendement crée un risque de confusion en donnant l’impression que cette mission est prééminente par rapport à toutes les autres, qui méritent pourtant une attention comparable. Avis défavorable.
M. Paul Molac. Je veux bien être battu sur cet amendement.
M. le président Patrick Bloche. J’aurais tant de choses à dire sur la redevance, mais je me réserve pour la séance publique. En attendant, Paul Molac ayant posé sa tête sur le billot, je vais mettre aux voix l’amendement AC20.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement AC6 de M. Claude Sturni.
M. Éric Straumann. J’ai évoqué tout à l’heure France Bleu Elsass dont les émissions – en alsacien – ne sont plus diffusées sur les ondes radio mais sur internet, ce qui montre bien la nécessité du contrôle parlementaire sur les aides publiques aux médias qui rédigent ou diffusent leurs informations en langue régionale. Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport annuel sur la place des langues régionales dans les publications soutenues par l’État.
M. le président Patrick Bloche. Je vous invite, cher collègue, à revenir en commission cet après-midi puisque, après le vote du budget, nous allons auditionner Mathieu Gallet. Vous aurez ainsi, mieux qu’un rapport, un « direct », si j’ose m’exprimer ainsi, avec le président de Radio France.
Mme la rapporteure. Par habitude, j’aborde avec une très grande prudence les demandes de rapports faites au Gouvernement, demandes dont la profusion affaiblit parfois la portée. Comme le président, je pense que les réponses directes sont tout aussi efficaces. Le rapport annuel du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) fera naturellement le point sur les langues régionales dans l’audiovisuel. Il ne me semble pas indispensable d’en faire de même pour les publications, qui seront désormais soumises au même régime que les écrits en français.
M. Claude Sturni. J’entends bien l’invitation qui nous est faite pour cet après-midi et qui concerne le domaine radiophonique, mais l’amendement porte également sur les sites internet d’information et sur les publications de presse. Or un rapport synthétique en la matière fait défaut et, dans le cadre de la promotion de langues régionales dont la pratique décline, il nous serait très utile.
La Commission rejette l’amendement.
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Article 8
Compensation de charge supplémentaire
Le présent article prévoit que les charges qui pourraient résulter pour l’État et les collectivités territoriales de l’application de la présente loi seront compensées à due concurrence grâce à la création d’une taxe additionnelle aux droits relatifs au tabac.
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La Commission adopte l’amendement AC31 de la rapporteure, visant à supprimer le gage de charge.
En conséquence, l’article 8 est supprimé.
La Commission adopte ensuite l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
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En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
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Dispositions en vigueur ___ |
Texte de la proposition de loi ___ |
Texte adopté par la Commission ___ |
PROPOSITION DE LOI RELATIVE À LA PROMOTION DES LANGUES RÉGIONALES |
PROPOSITION DE LOI RELATIVE À LA PROMOTION DES LANGUES RÉGIONALES | |
TITRE 1ER |
TITRE 1ER | |
ENSEIGNEMENT DES LANGUES RÉGIONALES |
ENSEIGNEMENT DES LANGUES RÉGIONALES | |
Code de l’éducation |
Article 1er |
Article 1er |
L’article L. 312-11-1 du code de l’éducation est ainsi rédigé : |
(Alinéa sans modification) | |
Art. L. 312-11-1. – La langue corse est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires de Corse. |
« Art. L. 312-11-1. – Dans le cadre de conventions entre l’État et les régions, la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles, élémentaires |
« Art. L. 312-11-1. – Dans le cadre de conventions entre l’État et les régions ou les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution, la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés. » amendements AC10 et AC30 |
Article 2 |
Article 2 | |
Art. L. 312-10. – Les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage. |
(Sans modification) | |
Cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage. |
||
Le Conseil supérieur de l’éducation est consulté, conformément aux attributions qui lui sont conférées à l’article L. 231-1, sur les moyens de favoriser l’étude des langues et cultures régionales dans les régions où ces langues sont en usage. |
||
L’enseignement facultatif de langue et culture régionales est proposé dans l’une des deux formes suivantes : |
||
1° Un enseignement de la langue et de la culture régionales ; |
||
2° Un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale. |
Le 2° de l’article L. 312-10 du même code est complété par les mots : « , quelle que soit la durée d’enseignement dans ces deux langues, dans le respect des objectifs de maîtrise de la langue française fixés par les articles L. 111-1 et L. 121-3. » |
|
Les familles sont informées des différentes offres d’apprentissage des langues et cultures régionales. |
||
Article 3 |
Article 3 | |
Le chapitre Ier du titre Ier du livre VI de la troisième partie du même code est complété par un article L. 611-9 ainsi rédigé : |
(Sans modification) | |
« Art. L. 611-9. – Les établissements d’enseignement supérieur, publics ou privés, peuvent contribuer au développement de l’enseignement des langues régionales et en langues régionales, des cultures régionales, ainsi qu’à la diffusion de celles-ci. Des conventions entre les universités ou d’autres organismes d’enseignement supérieur et l’État, les régions, les départements, les communes ou leurs groupements sont conclues à cet effet. » |
||
TITRE II |
TITRE II | |
SIGNALÉTIQUE |
SIGNALÉTIQUE | |
Article 4 |
Article 4 | |
À la demande de la région, par voie conventionnelle ou contractuelle, les services publics assurent sur tout ou partie de son territoire l’affichage de traductions de la langue française dans la ou les langues régionales en usage sur les inscriptions et les signalétiques apposées sur les bâtiments publics, sur les voies publiques de circulation, sur les voies navigables ainsi que dans les principaux supports de communication institutionnelle, à l’occasion de leur installation ou de leur renouvellement. |
(Sans modification) | |
TITRE III |
TITRE III | |
MÉDIAS |
MÉDIAS | |
Article 5 |
Article 5 | |
Les publications de presse et sites internet d’information rédigés en langues régionales sont éligibles aux mêmes aides directes et indirectes accordées par l’État que ceux rédigés en langue française. |
(Sans modification) | |
Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication |
Article 6 |
Article 6 |
Art. 3-1. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, garantit l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle par tout procédé de communication électronique, dans les conditions définies par la présente loi. |
(Sans modification) | |
Il assure l’égalité de traitement ; il garantit l’indépendance et l’impartialité du secteur public de la communication audiovisuelle ; il veille à favoriser la libre concurrence et l’établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, quel que soit le réseau de communications électroniques utilisé par ces derniers, conformément au principe de neutralité technologique ; il veille à la qualité et à la diversité des programmes, au développement de la production et de la création audiovisuelles nationales ainsi qu’à la défense et à l’illustration de la langue et de la culture françaises. Il peut formuler des propositions sur l’amélioration de la qualité des programmes. Il veille au caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire de la numérotation des services de télévision dans les offres de programmes des distributeurs de services. |
À la fin de la première phrase du deuxième alinéa de l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les mots : « ainsi qu’à la défense et à l’illustration de la langue et de la culture françaises » sont remplacés par les mots : « , à la défense et à l’illustration de la langue et de la culture françaises, ainsi qu’à la promotion et au développement des langues et cultures régionales ». |
|
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel contribue aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations dans le domaine de la communication audiovisuelle. Il veille, notamment, auprès des éditeurs de services de communication audiovisuelle, compte tenu de la nature de leurs programmes, à ce que la programmation reflète la diversité de la société française et contribue notamment au rayonnement de la France d’outre-mer. Il rend compte chaque année au Parlement des actions des éditeurs de services de télévision en matière de programmation reflétant la diversité de la société française et propose les mesures adaptées pour améliorer l’effectivité de cette diversité dans tous les genres de programmes. |
||
Il assure le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle. À cette fin, il veille, d’une part, à une juste représentation des femmes et des hommes dans les programmes des services de communication audiovisuelle et, d’autre part, à l’image des femmes qui apparaît dans ces programmes, notamment en luttant contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples. Dans ce but, il porte une attention particulière aux programmes des services de communication audiovisuelle destinés à l’enfance et à la jeunesse. |
||
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille à ce que le développement du secteur de la communication audiovisuelle s’accompagne d’un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé de la population. |
||
En cas de litige, le Conseil supérieur de l’audiovisuel assure une mission de conciliation entre éditeurs de services et producteurs d’œuvres ou de programmes audiovisuels ou leurs mandataires, ou les organisations professionnelles qui les représentent. |
||
Le conseil peut adresser aux éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle des recommandations relatives au respect des principes énoncés dans la présente loi. Ces recommandations sont publiées au Journal officiel de la République française. |
||
Article 7 |
Article 7 | |
L’article 29 de la même loi est complété par un alinéa ainsi rédigé : |
(Alinéa sans modification) | |
Art. 29 – Sous réserve des dispositions de l’article 26 de la présente loi, l’usage des fréquences pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre est autorisé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans les conditions prévues au présent article. |
||
Pour les zones géographiques et les catégories de services qu’il a préalablement déterminées, le conseil publie une liste de fréquences disponibles ainsi qu’un appel à candidatures. Il fixe le délai dans lequel les candidatures doivent être déposées. |
||
Les déclarations de candidature sont présentées soit par une société, soit par une fondation, soit par une association déclarée selon la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, ou une association à but non lucratif régie par la loi locale dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. |
||
Ces déclarations indiquent notamment l’objet et les caractéristiques générales du service, la ou les fréquences que le candidat souhaite utiliser, les caractéristiques techniques d’émission, les prévisions de dépenses et de recettes, l’origine et le montant des financements prévus ainsi que la liste des administrateurs, la composition du ou des organes de direction, les statuts de la personne morale qui fait acte de candidature. Elles sont également accompagnées des éléments constitutifs d’une convention comportant des propositions sur un ou plusieurs des points mentionnés à l’article 28. En cas de candidature présentée par une société, ces déclarations indiquent également la composition de son capital et de ses actifs, la composition du capital social de la société qui contrôle la société candidate, au sens du 2° de l’article 41-3, ainsi que la composition de ses organes dirigeants et la composition de ses actifs. |
||
À l’issue du délai prévu au deuxième alinéa ci-dessus, le conseil arrête la liste des candidats dont le dossier est recevable. |
||
Le conseil accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. |
||
Il tient également compte : |
||
1° De l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; |
||
2° Du financement et des perspectives d’exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; |
||
3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d’une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d’une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; |
||
4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d’information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, l’honnêteté de l’information et son indépendance à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; |
||
5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; |
||
6° Pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des œuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation ; |
||
7° S’il s’agit de la délivrance d’une nouvelle autorisation après que l’autorisation précédente est arrivée à son terme, du respect des principes mentionnés au troisième alinéa de l’article 3-1. |
||
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille, sur l’ensemble du territoire, à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion. |
||
Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part. |
||
Il s’assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l’information politique et générale. |
||
« Dans les territoires |
« Dans les territoires où des langues régionales sont en usage, il veille à ce qu’une ou plusieurs fréquences soient attribuées à des candidats proposant la diffusion de services de radio en de telles langues. » amendement AC32 | |
Article 8 |
Article 8 | |
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Supprimé amendement AC31 | |
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ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
(par ordre chronologique)
Ø Conseil supérieur de l’audiovisuel – M. Guillaume Blanchot, directeur général, Mme Géraldine Van Hille, cheffe de département Cohésion sociale à la direction des programmes, et M. François-Xavier Meslon, directeur de la direction des médias Radio (DMR)
1 () INSEE Première, « Langues régionales, langues étrangères : de l’héritage à la pratique », février 2012.
2 () Rapport du Comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne, « Redéfinir une politique publique en faveur des langues régionales », 2 décembre 2013.
3 () C’est en particulier le cas des consignes de sécurité et notamment de la signalisation routière.
4 () Ainsi en particulier toutes les délibérations d’organes délibérants des collectivités territoriales (voir l’arrêt du Conseil d’État du 3 juin 2013, Madame C. et autres, qui a annulé deux « lois du pays » adoptées par l’assemblée de la Polynésie française au cours d’une séance où son premier vice-président et plusieurs orateurs s’étaient exprimés exclusivement en tahitien).
5 () Conseil constitutionnel décision n° 94-345 DC du 29 juillet 1994.