63e session commission de la condition de la femme ONU (13 mars 2019)

Partager

Contenu de l'article

L’Union interparlementaire et ONU Femmes ont organisé leur réunion annuelle le 13 mars 2019 à New York, à l’occasion de la 63e session de la Commission de la femme des Nations Unies (CSW), qui portait cette année sur le thème suivant : « Investir dans l’égalité des sexes : les parlements veillent à ce que la protection sociale, les services et les infrastructures bénéficient aux femmes et aux filles ». L'objectif était de souligner le rôle essentiel que les parlements peuvent jouer pour que des ressources suffisantes soient allouées et des politiques adoptées en faveur de l'égalité des sexes, en particulier dans les domaines des régimes de protection sociale, des services publics et des infrastructures. La réunion visait l’élaboration d’un message à l'intention de la Commission de la condition de la femme mettant en exergue les mesures à prendre en priorité, en insistant en particulier sur le rôle des assemblées parlementaires. Les participants ont ainsi pu échanger sur les bonnes pratiques et discuter des mécanismes visant à garantir que toutes les femmes soient prises en compte dans les régimes de protection sociale et aient concrètement accès aux services publics et aux infrastructures.

La délégation du Groupe français de l’UIP présente à cette session était composée de Mme Nadia Essayan, députée, et de Mme Corinne Féret, sénatrice, membre de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

La réunion a été ouverte par des allocutions de Mme Asa Regnér, sous-Secrétaire générale, Directrice exécutive adjointe chargée de l'appui normatif, de la coordination des systèmes onusiens et partenariats stratégiques, ONU-Femmes et de Mme Gabriela Cuevas Barron, Présidente de l’UIP.

La première séance, qui s’est déroulée dans la matinée, avait pour sujet : « Comment reconnaître les politiques de protection sociale sensibles au genre ? » Les intervenants (Mme Christina Behrendt, responsable de l’Unité des politiques sociales, Mme Ingrid Van Nieberk, co-Directrice et chercheuse principale à l’l'Institut de recherche sur les politiques économiques (EPRI), M. Yasir Naqvi, ancien Procureur général de la Province d’Ontario (Canada), M. Johnson Sakaja, Sénateur du Kenya, ont rappelé que les systèmes de protection sociale sous leur forme traditionnelle ont renforcé les inégalités historiques entre les sexes, par exemple l'accès limité des femmes à l'emploi et aux biens formels. Cet état des faits renforce les politiques et pratiques paternalistes qui limitent les choix des femmes quant à la façon de structurer leur famille et leur vie, peuvent obliger les femmes à garder un emploi qu'elles souhaitent quitter et dans le cadre duquel elles subissent des violences sexuelles, et laissent les femmes sans rémunération pour leur contribution au bien-être de la famille, à la société et à l'économie.

Cette séance a permis d'examiner les mécanismes qui existent ou sont recommandés pour garantir que toutes les femmes sont prises en compte dans les régimes de protection sociale, quelle que soit leur situation professionnelle ou familiale, qu'elles soient en âge de procréer et de dispenser des soins ou non. Les discussions ont notamment porté sur les prestations de maternité, y compris pour les femmes qui travaillent à leur compte ou dans le secteur informel, et la mise en place de régimes de retraite équitables pour les femmes qui travaillent à temps partiel, interrompent leur carrière, travaillent à l'étranger en tant que travailleuses migrantes ou se consacrent entièrement aux soins non rémunérés et au travail domestique. La séance a abordé les politiques et programmes novateurs qui visent à garantir que personne ne se retrouve sans revenu, tels que l'introduction d'un revenu de base universel.

Lors du débat qui s’en est suivi, Mme Nadia Essayan a souhaité que des orateurs français puissent faire partie des panels des intervenants à la prochaine session pour présenter l’action conduite en France en faveur de l’égalité des droits entre hommes et femmes. Le gouvernement précédent comme le gouvernement actuel ont fait de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes une priorité. Elle a rappelé que la France met en œuvre une diplomatie féministe avec des initiatives concrètes. Ainsi le 5 juillet prochain, une conférence aura lieu sur l’éducation des filles en Afrique, en lien avec l’Alliance Sahel. De même, dans le cadre de sa présidence du G7 cette année, la France prend l’initiative d’un partenariat unique, à Biarritz, pour créer un recueil des lois les plus favorables pour les femmes dans le monde. Sur l’accès des femmes à la protection sociale et aux soins, elle a souligné que le parlement français a alerté (rapport de Mme Annick Billon, présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes du Sénat) sur la situation des femmes qui œuvrent dans les zones agricoles. Celles-ci sont généralement moins valorisées dans leur travail et leur compétence que les hommes, elles ont également un accès moins facile aux congés maternité et aux soins gynécologiques, et sont exposées aux produits phytosanitaires qui peuvent nuire à leur santé et à celle de leurs enfants. Elles sont aussi davantage exposées aux violences intrafamiliales.

Pour clore la première session, Mme Paddy Torsney, observatrice permanente de l'UIP auprès des Nations Unies, a fait une présentation de la publication « Les femmes en politique » d’où il ressort notamment que :

• La proportion de femmes qui siègent dans un parlement a augmenté en 2018. La moyenne mondiale est passée à 24,3 % contre 23,4 % en 2017, indique l’étude annuelle de l’Union interparlementaire (UIP).

• Si l’on considère l’évolution sur une période plus longue, la proportion des sièges parlementaires occupés par des femmes a progressé régulièrement de près de 0,6 point de pourcentage par an. Les femmes parlementaires ne représentaient que 17,8 % des parlementaires en 2017.

• C’est en Europe qu’ont été observés les avancées et les reculs de plus grande ampleur : des gains de 10 points en pourcentage (ou plus) ont été enregistrés en France et en Albanie, tandis qu’en Islande et au Liechtenstein les reculs ont atteint (ou dépassé) huit points de pourcentage.

• En janvier 2018, les femmes représentaient au moins 30 % des sièges dans 67 chambres (chambres basses/uniques et chambres hautes), et moins de 10 % dans 39 chambres.

Pendant la suspension des travaux, les parlementaires françaises ont pu ensuite échanger avec une délégation de cinq députés suédois, Mmes Helena Bouveng, Cecilie Tenfjord Toftby, M. Denis Begic, Mmes Ebba Hermansson et Sara Heikkinen Breitholtz, en présence de Mme Mireille Clapot, député française, co‑auteure d’un rapport sur la place des droits des femmes dans la diplomatie française. Ces échanges ont notamment porté sur la pertinence de la politique des quotas et la persistance des inégalités importantes en Suède malgré des mesures progressistes (congé parental, salaires…).

Les deuxième et troisième séances, qui se sont déroulées dans l’après-midi, ont respectivement porté sur les sujets suivants :

-          « Veiller à ce que les services publics et l'infrastructure répondent aux besoins de toutes les femmes et qu'elles y aient toutes accès » 

-          « Le rôle du parlement pour faire en sorte que les fonds alloués à la protection sociale, aux services publics et aux infrastructures contribuent à faire progresser l'égalité des sexes »

Les intervenantes de deuxième séance (Mmes Azzouha El Arrak, parlementaire marocaine, Karla Dominguez, de la Banque mondiale, Zuleika Frost, porte‑parole des jeunes pour NAWO‑ National Alliance of Womens Organisations) ont rappelé que de nombreux pays ont adopté un cadre juridique permettant de garantir, entre autres, l'accès universel à l'éducation, aux soins de santé, à l'assainissement, à l'électricité et à l'eau. Pourtant, les femmes rencontrent encore de nombreux obstacles en ce qui concerne l'accès à ces services de base, en particulier si elles vivent dans les zones rurales. En outre, les services publics et les systèmes d'infrastructure sont rarement conçus en tenant compte de leurs besoins et de leur sécurité.

Sur la question de l’accessibilité aux services, Mme Corinne Féret a présenté certaines actions menées en France pour être plus à l’écoute des besoins des femmes et en particulier la mise en place d’un « Bureau des temps », pour prendre en compte les rythmes de vie différents des femmes, qu’ils soient professionnels ou privés. Concrètement, il s’agit par exemple de proposer des heures d’ouverture différentes dans la journée ; de proposer  des horaires d’accueil dans les crèches à des horaires décalés pour que les femmes puissent si elles travaillent tôt ou en soirée accéder à ces installations.

Enfin, dans le cadre de la dernière session, Mmes Krisnati Dharmaraj, Directrice exécutive du Center for Women’s Global Leadership, Zohra Khan, conseillère chargée des politiques sur la gouvernance et de la planification nationale de l’ONU-Femmes, Alejandra Reynoso Sanchez, sénatrice du Mexique, et Helena Bouveng, parlementaire de Suède, ont abordé les processus décisionnels concernant les allocations budgétaires, la fiscalité et la répartition des revenus qui sont essentiels pour corriger les déséquilibres existants au sein de la société. Une grande partie des dépenses publiques et de la redistribution est canalisée par les systèmes de protection sociale et les investissements dans les services publics et les infrastructures. Cependant, alors que les femmes et les hommes ont de plus en plus accès à la protection sociale - par exemple grâce aux retraites, assurances sociales ou transferts monétaires - et à leurs services publics et infrastructures étendus, nombre de ces programmes dans le monde sont concernés par les réductions budgétaires imposées par les mesures gouvernementales d'austérité.

63e session de la commission de la condition de la femme de l’ONU - 13 mars 2019

Nadia Essayan et Corinne Féret avec Mme Yawa Djigbodi Tségan,
nouvelle présidente de l'Assemblée nationale du Togo

La délégation a consacré la journée du 14 mars à des visites consacrées au rayonnement de la culture française aux États-Unis (French Institute Alliance Française (FIAF) avec Mme Catherine Baumann, Directrice de Développement et de Stratégie; service culturel de l’Ambassade de France ; Librairie Albertine avec M. Hervé Ferrage, conseiller culturel. Elle s’est ainsi entretenue avec Mme Pascale Richard en charge du centre culturel du Lycée français de New York.

Elle a également pu approfondir ses connaissances sur les programmes développés par ONU Femmes, notamment dans la perspective du sommet « Pékin + 25 » en 2020, lors d’une réunion de travail avec Mme Asa Regnér, Directrice exécutive adjointe, et son équipe (Mme Beatrice Akua Duncan, conseillère politique, Mme Oulimata Sarr, directrice régional adjoint de l’Afrique de l’Ouest et du centre, Mme Lopa Banerjee, directrice de la société civile, et Mme Yoon Jeong Na, spécialiste des partenariats).

La délégation tient à exprimer ici ses vifs remerciements à la Mission permanente de la France auprès des Nations Unies, et tout particulièrement à Son Excellence M. François Delattre ainsi qu’à son équipe (Mmes Michèle Anouilh, Caroline Miller et M. Nicolas Normand), pour son apport précieux au parfait déroulement de sa mission et pour la réunion très fructueuse organisée à l’attention des parlementaires français présents. Cette dernière a permis de rappeler l’importance de la contribution de la diplomatie parlementaire pour progresser sur ce sujet et le rôle moteur que peut jouer la France compte tenu de l’agenda international exceptionnel, des prochains mois (présidence du Conseil de sécurité, sommet du G7, Pekin +25…).