Assemblée générale du 25 septembre 2018

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Étaient présents : MM. Philippe ADNOT, sénateur de l’Aube, Jean BIZET, sénateur de la Manche, Edouard COURTIAL, sénateur de l’Oise, Philippe DALLIER, sénateur de la Seine-Saint-Denis, Mmes Jennifer DE TEMMERMAN, députée du Nord, Laurence DUMONT, députée du Calvados, Sophie ERRANTE, députée du Cher, présidente exécutive du groupe français de l’UIP, Nadia ESSAYAN, députée de la Haute-Savoie, Corinne FÉRET, sénatrice du Calvados, Patricia GALLERNEAU, députée de Vendée, MM. Philippe GOSSELIN, député de la Manche, Joël GUERRIAU, sénateur de Loire-Atlantique, Claude HAUT, sénateur du Vaucluse, Mme Caroline JANVIER, députée du Loiret, MM. Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, député du Rhône, Michel LARIVE, député de l’Ariège, Jean-Paul LECOQ, député de Seine-Maritime, Mme Martine LEGUILLE-BALLOY, députée de Vendée, MM. Jean‑Jacques LOZACH, sénateur de la Creuse, Frédéric MARCHAND, sénateur du Nord, Didier MARIE, sénateur de la Seine-Maritime, Jean-Michel MIS, député de la Loire, Robert del PICCHIA, sénateur représentant les Français établis hors de France, Mme Véronique RIOTTON, députée de Haute-Savoie, M. Cédric ROUSSEL, député des Alpes-Maritimes, Mme Patricia SCHILLINGER, sénatrice du Haut-Rhin, M. Buon TAN, député de Paris, Mmes Laurence TRASTOUR-ISNART, députée des Alpes‑Maritimes, Alexandra VALETTA ARDISSON, députée des Alpes-Maritimes, M.  Yannick VAUGRENARD, sénateur de Loire-Atlantique, et Mme Martine WONNER, députée du Bas-Rhin.  

Étaient excusés : M. Christophe AREND, Mme Annick BILLON, MM. Michel FANGET, Jean‑Marie JANSSENS, Bruno JONCOUR, Mme Gisèle JOURDA, M. Michel LARIVE, Mmes Vivette LOPEZ, Lise MAGNIER, M. Hervé MAUREY, Mmes Patricia MORHET‑RICHAUD, Catherine PROCACCIA, Christine PRUNAUD, MM. André REICHARDT et Raymond VALL. 

La séance est ouverte à 18h35

Mme Sophie Errante, présidente exécutive, souhaite la bienvenue.

1- Audition de Son Exc. M. Pascal Teixeira, ambassadeur de France chargé des migrations

Sophie Errante, présidente exécutive. J’ai le plaisir d’accueillir Son Exc. M. Pascal Teixeira qui est notre ambassadeur de France chargé des migrations. Pascal Teixeira a bien voulu accepter mon invitation à venir devant notre groupe discuter de l’état des négociations sur le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. 

C’est notre deuxième rencontre avec vous, Monsieur l’ambassadeur, puisqu’en février dernier, avec plusieurs d’entre nous, nous avons pu discuter avec vous de ce sujet lors d’un déplacement à New-York.

Je rappellerai à mes collègues que le Pacte mondial sera le premier accord négocié entre les gouvernements sous les auspices des Nations Unies afin de couvrir toutes les dimensions des migrations internationales à travers une approche globale et exhaustive. Il s’agira d’un nouveau cadre non contraignant contenant des dispositions pratiques que les États signataires s’engageront à mettre en place aux plans mondial et national pour garantir une bonne gouvernance des migrations dans le respect des droits de l’homme des migrants et des droits souverains des États.

Le processus de négociation a débuté en avril 2017 et devrait s’achever par une adoption solennelle lors d’une conférence intergouvernementale à Marrakech les 10 et 11 décembre prochains. Une réunion parlementaire sera d’ailleurs organisée à cette occasion par l’UIP et le parlement marocain.

Mais dans l’immédiat, l’UIP prévoit d’adopter le 18 octobre prochain, à Genève, une résolution sur le rôle des parlementaires dans ce cadre international de gouvernance des migrations. Nous vous avons communiqué, Monsieur l’ambassadeur, ce projet de texte pour recueillir votre avis.

Je vous donne la parole M. l’ambassadeur pour nous rappeler la genèse de ce projet, nous présenter l’organisation des négociations, la position de la France, et nous indiquer le rôle que nous pouvons jouer dans ce processus, en qualité de parlementaires.

Pascal Teixeira, ambassadeur de France chargé des migrations. Chargé de la coordination de la conduite des négociations pour la France sur le Pacte mondial sur les migrations, j’ai mené les délégations françaises qui se sont rendues à la Conférence qui s’est tenue au Mexique en décembre dernier ainsi qu’à trois des six sessions de négociations qui se sont échelonnées entre février et septembre.

Le principe d’un Pacte mondial sur les migrations avait été posé par une déclaration adoptée en septembre 2016 lors d’une Assemblée générale des Nations Unies. Ce texte, déjà assez substantiel, recommandait de négocier, séparément, un « Pacte mondial sur les migrations sûres, ordonnées, régulières », et un « Pacte mondial sur les réfugiés ».

Ces deux instruments juridiques relèvent de deux processus distincts car, même si les deux sujets sont évidemment voisins, ce qui ne manque pas d’alimenter certaines confusions (d’autant que la notion de « migrations » est difficile à définir), leur contexte juridique, leur régime international, sont très différents : la situation des réfugiés est régie par la Convention de Genève de 1951 et le Protocole de 1967, qui leur garantissent un statut et fixent des normes de protection ; certains pays, dont la France, ont en outre adopté des règles instituant le droit d’asile. Il n’y a rien de tel en matière d’immigration : on trouve bien quelques textes spécifiques, en particulier des conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) mais il n’existe aucun texte de portée globale. C’est pour combler cette lacune qu’il a été décidé d’élaborer un Pacte mondial sur les migrations.

Les négociations se sont déroulées sur deux années. L’année 2017 a été consacrée à l’organisation de réunions thématiques et de réunions régionales, destinées à recueillir des faits, des témoignages, des lignes de force. Les organisations non gouvernementales (ONG) et les organismes de la société civile (ce qu’on appelle dans le jargon anglo-saxon les « stakeholders ») y ont été largement associés. La Conférence internationale qui s’est déroulée en décembre 2017 au Mexique a permis de tracer un premier bilan de ces réunions et de réunir des matériaux, complétés par les contributions apportées par les Etats, sous forme de « boîtes à idées ».

Début 2018, le Secrétaire général des Nations Unies a publié un rapport, rédigé par la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les migrations, la canadienne Louise Arbour, une personnalité bien connue, qui a été Commissaire aux droits de l’Homme des Nations Unies, procureur des tribunaux spéciaux internationaux, et magistrate à la Cour suprême du Canada. A partir de ces différents matériaux, un premier projet, un « zero draft », a été soumis, en février 2018, à une négociation qui présentait des caractéristiques particulières : d’abord, il s’agissait de déboucher, comme l’indique la dénomination de « Pacte », sur un texte non contraignant, une approche qui paraissait sage pour un premier texte, si l’on voulait éviter que les négociations ne s’éternisent, et ne se heurtent à des obstacles qui auraient compromis fortement l’universalité du texte, en réduisant le nombre de ses signataires ; en outre, plutôt que de procéder à des négociations entre les Etats ou des groupes d’Etats, comme par exemple l’Union européenne, on a préféré nommer deux facilitateurs, le Représentant permanent de la Suisse auprès des Nations Unies et celui du Mexique qui, partant du « zero draft », ont recueilli les réactions de Etats, et se sont efforcés de faire évoluer le texte vers ce qui leur semblait le meilleur compromis possible. Cette méthode n’était pas sans risque, et il a fallu toute l’habileté diplomatique des négociateurs pour arriver, avec l’appui du Secrétariat, à déboucher sur un texte qui a mis fin à la négociation, le 13 juillet. Il a été décidé que ce texte ne ferait pas l’objet de révision dans l’intervalle de six mois qui nous séparait de son adoption par les chefs d’Etat et de gouvernement, fixée en décembre à Marrakech.

C’est alors seulement que l’on pourra connaître ceux qui acceptent d’y participer et d’en être signataires. Certains pays, les États-Unis par exemple, ont annoncé d’entrée de jeu qu’ils ne participeraient pas à ce processus dans lequel ils voient un « infrigment of sovereignty », une entorse à la souveraineté. Même s’il s’agit d’un texte qui n’a pas vocation à être contraignant, et dont la lettre n’est pas encore arrêtée, le Pacte concentre sur lui-même l’hostilité de l’administration Trump à l’égard du multilatéralisme et des migrations.

Dès l’ouverture des négociations, à laquelle elle participe, mais sans y prendre une part active, la Hongrie a exprimé son hostilité ; sa position, régulièrement réaffirmée peut se résumer en trois points : le gouvernement hongrois est légitime et démocratique ; c’est une contrevérité de dire que les migrations sont une bonne chose, car elles constituent une menace de déstabilisation et d’insécurité pour les sociétés des pays d’accueil ; plutôt que de faciliter les migrations, il convient de travailler à ce que chacun puisse vivre et s’épanouir chez lui, avoir un avenir dans son propre pays ; à ce titre, il faut donc se concentrer sur la protection des frontières, qui est un devoir légitime des Etats, et sur l’aide aux pays d’origine. La Hongrie a annoncé d’emblée qu’elle ne signerait pas le Pacte.

D’autres pays ont aussi des « états d’âme », par exemple l’Australie qui trouve que le Pacte penche trop d’un côté. Au sein de l’Union européenne, les Britanniques et les Polonais, même s’ils ne se sont pas dissociés du processus, éprouvent cependant des réserves qui ne s’expriment pas explicitement.

La prise de distance de la Hongrie a rendu impossible, dès le début, la possibilité que l’Union européenne défende en tant que telle une position commune, puisque en application des traités, le consensus en est une condition préalable ; il a donc fallu trouver un modus vivendi qui consiste à discuter à 27, en présence des Hongrois, et à se mettre d’accord sur une ligne de négociation ; à défaut de pouvoir être assurée par l’Union européenne en tant que telle, et comme il fallait bien trouver un porte-parole, sa présentation a été confiée à l’Autriche, le pays qui avait vocation à assurer la prochaine présidence de l’Union sans l’exercer encore. Malgré un certain nombre de craintes initiales, ce dispositif n’a pas nui à la force de la position européenne, et, quand les négociateurs ouvraient un débat, ils passaient d’abord la parole aux représentants du groupe africain puis à ceux des 27 Etats de l’Union européenne, comme étant les deux seuls constitutifs de groupes homogènes.

Un mot sur la géographie de cette négociation. Celle-ci a concerné tous les Etats du monde car ceux-ci sont, en fonction de leur situation, et dans des proportions variables, des pays d’origine, des pays de transit ou des pays de destination.

Les pays africains ont été les plus disciplinés et ont parlé d’une seule voix, à l’exception de l’Afrique du Sud qui défendait des positions proches de celles des pays européens, allant même parfois un peu au-delà, ce qui s’explique par le fait qu’elle est aussi confrontée à une forte pression migratoire irrégulière.

Privés de leur interlocuteur naturel, les États-Unis, les Latino-Américains ont éprouvé des difficultés à s’organiser et la crise vénézuélienne a rendu difficile toute forme d’expression politique unifiée, même si, sur le fond, les positions défendues par les différents pays étaient dans l’ensemble proches.

Au sein du continent asiatique se sont côtoyées les positions divergentes comme celles du Bangladesh et des Philippines, d’une part, et celles du Japon et de la Corée, de l’autre.

Pour ce qui est des autres pays occidentaux : la Norvège a défendu des positions dures ; la Suisse, du fait de son rôle de facilitateur, des positions de compromis ; l’Australie était sur une ligne très dure.

Les pays arabes n’ont guère participé aux débats : les pays d’Afrique du Nord sont restés silencieux, ceux du Moyen Orient et du Golfe très absents à l’exception de Bahreïn qui tenait un peu le rôle de porte-parole sur des positions que l’on imagine.

Du fait de cette configuration géopolitique, caractérisée par l’absence des États-Unis et la discrétion du Canada, les pays européens se sont retrouvés dans la position d’interlocuteurs, pour ne pas dire de cible, des pays africains et latino-américains. Quant à la Chine et à la Russie, elles ont défendu leurs positions traditionnelles, dont la trame consiste à exalter la souveraineté nationale au détriment des droits de l’Homme.

La structure du Pacte résulte du choix des facilitateurs. Elle repose sur des principes directeurs dont les deux principaux sont le principe de la souveraineté nationale, qui est réaffirmé dans le Pacte comme le droit des Etats à définir leurs politiques migratoires et leurs prérogatives ; et les droits de l’Homme, avec le principe de non-régression et de non‑discrimination, et l’engagement des Etats à respecter, protéger, réaliser les droits de l’Homme des migrants indépendamment de leur statut migratoire. Les facilitateurs ont défini 22 objectifs, auxquels on a rajouté un 23e objectif, à la demande des pays du Sud. Sur ces 23 objectifs, 16 traitent directement des droits des migrants ; 4 d’entre eux concernent plutôt les pays de destination (lutte contre les trafics de migrants, protection des frontières, processus de retour et de réadmission) ; 2 concernent les pays d’origine (causes profondes, coopération internationale et partenariats globaux). Enfin, 2 ont respectivement trait à la mise en œuvre du Pacte, confiée aux Nations Unies, et à son suivi et à sa révision. S’agissant de la mise en œuvre, les pays européens ont veillé à éviter de recréer des choses qui existent déjà. Ils sont déjà bien pourvus, pour leur politique de voisinage, en processus régionaux et sous régionaux : le processus de La Valette entre l’Europe et l’Afrique, qui chapeaute deux processus sous-régionaux, le processus de Rabat avec l’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale ; le processus de Khartoum, auquel il faut ajouter le processus de Budapest pour la partie orientale. La question du financement était essentielle, et il faut rappeler que le processus de La Valette dispose déjà d’un mécanisme, le FFU.

Entrons maintenant dans la substance du Pacte. Notre appréciation sur le résultat final est qu’il s’agit du meilleur compromis possible.

1/ La portée du Pacte constituait une « ligne rouge ». La négociation a permis de faire émerger beaucoup d’idées, de principes, de normes intéressantes, mais il fallait éviter de se laisser entrainer dans une mécanique dangereuse, grâce à la combinaison de trois éléments : le caractère non contraignant du Pacte, réaffirmé au paragraphe 7 ; la réaffirmation au paragraphe 15 de la souveraineté des États dans la définition de leur politique migratoire ; enfin la clause générale, au paragraphe 16, qui en disposant « nous puiserons dans » (« we will draw from ») indique bien que rien n’oblige les États à tout faire.

2/ La distinction entre migrants réguliers et migrants irréguliers qui a constitué une pomme de discorde entre les pays d’origine et les pays de destination, était une autre ligne rouge pour les Européens. A contrario, les pays africains et latino-américains auraient voulu étendre les droits aux migrants, indépendamment de leur statut régulier ou irrégulier. Face à ces positions opposées, les facilitateurs ont considéré que la réaffirmation de la souveraineté des États, au paragraphe 15, suffisait à répondre à la préoccupation des États européens ; ce compromis n’est pas le meilleur, mais il préserve l’essentiel.

3/ La distinction entre migrants et réfugiés a également fait l’objet d’une discussion, même si la protection des réfugiés fait l’objet d’un processus distinct confié au Haut-Commissariat aux Réfugiés, car en pratique leurs flux sont mixtes et la vulnérabilité de certains migrants peut leur valoir des mesures de protection. Les Européens se sont attachés à éviter la création de nouveaux concepts de droit international soit par le biais de la vulnérabilité, soit par celui du changement climatique. Un large consensus s’est d’ailleurs dégagé pour éviter de parler de « réfugiés climatiques ». La question des déplacés liés au dérèglement climatique s’abstient de créer une nouvelle catégorie de réfugiés en droit positif. Le texte évite donc ces ambiguïtés, mais au-delà de ce premier texte, le sujet peut devenir un futur cheval de bataille, surtout si de nouveaux évènements se produisent.

4/ Les causes profondes ont également été débattues. Les pays africains et les pays latino-américains voulaient mettre l’accent sur le développement économique et les causes écologico-environnementales, et passer sous silence les autres causes, ce qui était inacceptable pour les Européens qui souhaitaient que l’on évoque aussi les causes politiques liées à la gouvernance, aux droits de l’Homme, à la corruption et à la violence, dont la pertinence ne fait à mes yeux aucun doute : il suffit de comparer deux pays situés dans une même zone géographique et économique pour voir comment des différences dans la gouvernance ont un impact notoire sur l’importance des flux de migrants. En réponse à ces postions maximalistes, un objectif 23 relatif à l’aide internationale a cependant été adopté. Les causes démographiques, dont les pays du Sud contestent la réalité, n’ont pas été mentionnées.

5/ Le traitement des migrants irréguliers a fait l’objet de fortes divergences entre pays d’origine et pays de destination. L’opposition s’est cristallisée autour de quatre sujets :

– la rétention, traitée au paragraphe 29, désignée dans la version anglaise sous la dénomination de « immigration detention », ce qui ne nous plaît guère. Les pays d’origine y sont défavorables ; ils souhaitaient que lui soient préférées des mesures alternatives, et que la rétention des enfants soit explicitement prohibée ; les Africains ont regretté que ne soient pas interdits les centres de détention et les plates-formes de débarquement. Les pays de destination voulaient en revanche conserver une certaine flexibilité, considérant que la rétention devait rester un moyen, y compris d’ailleurs la rétention des enfants, celle-ci pouvant dans certains cas constituer une option préférable dans l’intérêt supérieur de l’enfant (que l’on pense aux mineurs non accompagnés qui arrivent dans un aéroport et qu’il est préférable de ne pas laisser partir avec la première personne qui les réclame) ; en outre, dès lors qu’une famille fait l’objet d’une mesure d’éloignement, la rétention des enfants est préférable pour l’unité de la famille. Le compromis final présente la rétention comme une mesure de dernier ressort, ce qui n’est pas très satisfaisant, car pour nous cela devrait être plutôt une mesure de premier ressort, car elle permet de faire le tri entre les migrants qui sont éligibles à l’asile et ceux qui ne le sont pas ; si on ne les retient pas d’emblée dans un centre fermé, il se passera ce qui se passe dans certains centres d’accueil en Italie, dont les migrants s’évaporent rapidement.

– la régularisation ; les pays d’origine la souhaitaient la plus large possible ; pour les pays de destination, elle devait exister mais sur la base de critères ; le compromis final est à cet égard satisfaisant car il dispose que la régularisation doit se faire au cas par cas et sur la base de critères clairs et transparents.

– L’accès aux services de base est traité au paragraphe 31. Les pays d’origine souhaitaient que l’accès y fût le plus large possible, indépendamment du statut ; les pays de destination au contraire souhaitaient une distinction entre les services de base, accessibles à tous (ce qui est le cas en France pour la scolarisation des enfants, l’accès à la justice…) et les autres. Là aussi le compromis obtenu est satisfaisant.

– Le retour et la réadmission a été un des sujets discutés avec le plus d’acharnement. Les pays d’origine voulaient que le retour ne soit que volontaire, les pays de destination au contraire, qu’il pût être aussi forcé ; la grande habileté des facilitateurs, face à cet objet de crispation, a été de ne parler ni de l’un ni de l’autre, mais de rappeler plutôt une obligation de droit coutumier, l’obligation pour les Etats de réadmettre leurs ressortissants ; c’est un principe que les Etats africains avaient réaffirmé quelques temps plus tôt lorsqu’ils avaient mis à jour leur stratégie, ce qui leur a été rappelé quand ils ont été tentés de prendre une position plus radicale lors de la négociation du Pacte. Le compromis appelle à une coopération forte et effective entre pays d’origine et pays de destination. S’agissant des voies de recours contre une mesure d’éloignement, les pays d’origine demandaient que celle-ci ne puisse être mise en œuvre qu’une fois épuisées toutes les voies de recours ; les pays de destination souhaitaient davantage de flexibilité. Le compromis adopté retient la formule « une fois que tous les recours applicables sont épuisés ».

En conclusion, ce texte n’est que le début d’un processus.

Mme Sophie Errante, présidente exécutive. Merci pour cette présentation. Comment les choses devraient‑elles se passer à Marrakech, quant au nombre de signatures ?

M. Pascal Texeira, ambassadeur de France. Je ne m’attends pas à ce qu’il y ait un grand nombre de défections, en tout cas de la part des pays d’origine ; pour les autres, nous avons bien quelques incertitudes, mais les refus ne devraient pas prendre beaucoup d’ampleur. S’agissant de la mise en œuvre, beaucoup de pays sont favorables à ce que l’Office international des migrations joue un rôle central, mais le système des Nations Unies est tenté d’y prendre sa part et suscite des résistances, ce qui risquerait de l’incompréhension.

En réponse aux questions posées par Hubert Julien-Laferrière, député, sur la distinction entre migrants réguliers et migrants irréguliers, ainsi que sur la portée du Pacte ; de Didier Marie, sénateur, sur la façon dont le Pacte pourra être introduit dans le droit positif, Pascal Teixeira a apporté les précisions suivantes :

– pour la distinction entre migrants réguliers et migrants irréguliers, il faut se reporter au paragraphe 15, relatif à la souveraineté nationale qui dispose que « les États peuvent distinguer entre les statuts de migrations régulières et irrégulières, y compris quand ils définissent les mesures législatives et politiques pour la mise en œuvre du Pacte mondial en prenant en compte différentes réalités nationales, politiques, etc. ». Cette formule est un peu faible (« may distinguish »), dans la mesure où les États se sont déjà dotés de règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers, qui sont une réalité, mais la reconnaissance de cette faculté, conjuguée avec les autres dispositions, rend malgré tout la formulation acceptable pour les Européens ;

-quant à la portée pratique du Pacte, aux effets de son dispositif, il ne faut pas les minimiser, car il constitue une première tentative pour poser des principes communs et les bases d’une gouvernance mondiale reposant sur le principe de co-responsabilité ; certes le Pacte n’a pas de valeur contraignante, mais il n’en constitue pas moins un programme qui demandera aux États des efforts de « capacity building » gigantesques, ne serait-ce, par exemple, que pour assurer que tous les migrants soient dotés de documents d’identité. Au-delà de certains migrants qui détruisent délibérément leurs documents d’identité pour brouiller les pistes, se pose en effet le problème des lacunes de l’état civil et des très nombreux enfants sans identité. Face à ce problème, les pays du groupe africain ont pu avoir la tentation de se défausser de cette responsabilité sur les pays de destination, mais il n’a pas été trop difficile de leur faire reconnaître que celle-ci relevait des pays d’origine, ce qui représente une tâche considérable. L’absence d’état civil fiable dans certains pays de départ ne constitue pas seulement un obstacle au retour, elle rend également difficile la migration régulière. D’une façon générale, il ne faut pas sous-estimer l’importance de la « soft law » onusienne, car celle-ci sert de référence aux États dans leurs relations et également dans leur ordre interne ; les parlements peuvent s’en inspirer et les ONG s’en réclamer. Ces dispositions vont en quelque sorte « infuser », et constitueront une source de référence. On peut s’étonner que la négociation de ce Pacte n’ait pas rencontré davantage d’écho dans les médias alors que la négociation a duré cinq mois et que de nombreuses ONG y ont été associées. Peut-être les choses changeront-elles après son adoption à Marrakech ?

M. Jean-Pierre Lecoq, député. Ce Pacte a le mérite de faire avancer les consciences. En qualité de député du Havre, je suis sensible au fait que cette conférence se tienne à Marrakech, au Maroc, un pays qui a connu deux marches vertes, où l’on sait que la migration peut déboucher sur l’occupation.

M. Pascal Teixeira, ambassadeur. Le Maroc a construit une politique habile et active qui s’inscrit dans le cadre de son offensive diplomatique, et le fait qu’il accueille cette conférence et, du 5 au 7 novembre un forum mondial sur les migrations, est en effet significatif. C’est un pays qui est également confronté à une forte poussée migratoire, mais qui n’a pas adopté la même attitude que son voisin oriental.

Mme Sophie Errante, présidente exécutive. Je vous remercie, Monsieur l’ambassadeur, d’être venu nous présenter des analyses qui constitueront pour nous un apport précieux pour la discussion de la résolution sur les migrations par la commission de la démocratie lors de la prochaine Assemblée de l’UIP. Les remarques que vous nous aviez communiquées ont nourri les amendements à ce projet de résolution que je vais maintenant soumettre pour adoption à mes collègues.

2/ Préparation de la 139e Assemblée de l’UIP 

– adoption des amendements au projet de résolution sur les migrations

Mme Sophie Errante, présidente exécutive. Voici les douze projets d’amendements que je soumets à votre appréciation.

Le premier amendement complète le paragraphe 7 relatif aux causes profondes de la migration par la mention de la mauvaise gouvernance et du non-respect de l’État de droit.

Le deuxième amendement apporte dans le paragraphe 9 une précision terminologique sur les droits humains.

Le troisième invite, dans le paragraphe 9, à prendre en compte les droits des femmes et des enfants dans un approche globale.

Le quatrième rappelle dans le paragraphe 10 le principe de la souveraineté des Etats en matière migratoire.

Le cinquième est un amendement rédactionnel au point 1.

Les trois amendements suivants portent sur le point 6. Le sixième prévoit la prise en compte des réalités démographiques et du marché du travail dans la définition des politiques migratoires. Le septième supprime la mention des conflits parmi les causes des migrations car ceux-ci causent des mouvements de réfugiés et non de migrants. L’amendement 8 mentionne la possibilité d’un retour dans le pays d’origine.

L’amendement 9 précise que dans la mesure où l’intégration est un processus à double sens, les migrants doivent respecter les lois et les mœurs du pays d’accueil.

L’amendement 10 précise, dans l’énumération des responsabilités attribuées aux États, celles qui incombent aux pays d’accueil et celles qui incombent aux pays d’origine.

L’amendement 11 précise que les retours forcés ne doivent intervenir qu’en dernier ressort.

L’amendement 12 est un amendement de précision qui substitue la notion de « rétention des migrants » à celle de détention.

M. Didier Marie, sénateur, a proposé un sous amendement à l’amendement 9 pour limiter au respect des lois nationales du pays d’accueil les obligations pesant sur les migrants.

Les amendements ont ensuite été adoptés à l’unanimité des présents.

– Constitution de la délégation du groupe à la 139e Assemblée de l’UIP à Genève

Mme Sophie Errante, présidente exécutive. En application des décisions arrêtées par le comité directeur, la délégation du groupe français à la 139e assemblée sera ainsi composée:

Pour l’Assemblée nationale :

– Sophie Errante (LaREM), présidente exécutive du Groupe français, cheffe de délégation ;

– Laurence Dumont (Soc.), membre du comité des droits de l’Homme des parlementaires ;

– Hubert Julien-Laferrière (LaREM), membre du comité sur les questions relatives au Moyen-Orient ;

– Michel Larive (FI) ;

Par ailleurs, Jean-Paul Lecoq (GDR) et Véronique Riotton (LaREM) se partageront un badge de conseiller pour assister comme observateurs à cette assemblée.

Pour le Sénat :

-Robert del Picchia (LR), membre du Comité exécutif et président du Sous-comité des finances de l’UIP ;

-François Bonhomme (LR) ;

-Corinne Féret (SOCR) ;

-Claude Haut (LaREM).

Par ailleurs, Didier Marie (SOCR) et Marie Mercier (LaREM), se partageront un badge de conseiller pour assister comme observateurs à cette assemblée.

Mme Sophie Errante, présidente exécutive. A l’occasion de la tenue de cette 138e assemblée, la question du débat relatif aux droits des personnes LGTBI va revenir en discussion. Vous vous souvenez que la commission de la démocratie s’était proposée lors de la 137e assemblée de Saint-Pétersbourg de tenir à Genève, lors de la 138e assemblée, un débat sur ce thème, un simple débat qui n’aurait pas débouché sur l’adoption d’une résolution particulière. Mais à deux reprises, l’Assemblée, en toute fin de session, sous la pression d’un certain nombre de délégations du Moyen-Orient et de l’Afrique, a voulu remettre en cause cette décision. La question de la tenue de ce débat devrait revenir lors de la prochaine assemblée et être alors tranchée de façon définitive. La Présidente de l’UIP Gabriela Cuevas avait proposé une sorte de transaction : que les membres du groupe des Douze Plus organisent en lieu et place de ce débat en commission, un « side event », un « évènement parallèle », auquel n’assisteraient que ceux qui le souhaitaient. Mais cette proposition a été repoussée par le comité directeur des Douze Plus qui s’est réuni hier à Funchal, au Portugal.

M. Robert del Picchia, sénateur. Le Comité directeur s’est en effet réuni hier à Funchal et a abordé cette question. Le délégué belge nous a transmis cette proposition de la Présidente Gabriela Cuevas. Mais elle a été vigoureusement repoussée par les délégués de la Suède, du Royaume-Uni, des Pays-Bas. J’ai pris également la parole pour dire qu’il était inacceptable qu’il y ait certains sujets dont nous ne puissions pas débattre. Il y aura donc au cours de cette session un débat que la Présidente ne devra pas laisser s’enliser, et nous devrons ensuite trancher par un vote. Je ne vous cacherai pas que je crains que ce vote soit difficile pour nous et je ne suis pas sûr que nous serons majoritaires.

Mme Sophie Errante, présidente exécutive. Les Statuts ne prévoient pas que l’assemblée puisse revenir sur une décision d’une commission dans la fixation de son ordre du jour.

Mme Robert del Picchia, sénateur. L’avis d’un juriste a été sollicité sur ce point, mais dans le silence des textes, ce n’est pas à un juriste de décider, mais aux parlementaires, qu’il conviendra de consulter.

Sophie Errante, Présidente. Il conviendra d’aborder également le groupe de haut niveau sur le terrorisme dont la composition et le fonctionnement posent problème.

M. Robert del Picchia, sénateur. On ne sait pas qui est à l’origine de la création de ce groupe, et ses termes de référence semblent bien problématiques. Si ce groupe se propose de donner une définition du terrorisme, ce que les Nations Unies ne sont jamais parvenues à faire, nous pouvons lui souhaiter bien du plaisir ! Le Comité directeur des Douze Plus a également évoqué le projet de groupe de haut niveau sur la diplomatie parlementaire, à la création duquel il n’est pas favorable.

Mme Sophie Errante, présidente exécutive. Deux propositions de point d’urgence ont été déposées pour la 139e Assemblée : une par la Jordanie sur les conséquences de la décision américaine de ne plus verser de subvention à l’UNRWA, une par l’Uruguay sur la prolifération des armes nucléaires.

M. Robert del Picchia, sénateur. Trois propositions supplémentaires pourraient venir d’Israël sur les personnes disparues, de la Turquie sur le commerce mondial et du Portugal sur les migrations et la situation de crise humanitaire au Venezuela.

M. Jean-Paul Lecoq, député. La question du désarmement nucléaire est un vrai débat ; le traité va bientôt réunir cinquante ratifications.

Mme Sophie Errante, présidente exécutive. Ce débat n’est cependant pas d’urgence.

M. Didier Marie, sénateur. En revanche, l’UNRWA relève de l’urgence même s’il pose des problèmes politiques à l’UIP.

Mme Sophie Errante, présidente exécutive. La liste des postes vacants a également été diffusée.

M. Robert del Picchia, sénateur. Je souhaite, si vous en êtes d’accord, postuler au poste de vérificateur interne des comptes 2019. C’est une mission qui se situe dans le prolongement de ma responsabilité de président du Sous-comité des finances de l’UIP que j’ai exercée ces dernières années.

Mme Sophie Errante, présidente exécutive. Je souhaitais également porter à votre connaissance la décision que vient de prendre notre Comité directeur, quant aux annulations parfois tardives de la participation de certains délégués à nos missions. Elles ont un coût lié aux pénalités qui accompagnent souvent l’annulation de réservations qui ont dû être effectuées en avance. Le Comité directeur vient donc de décider, avec l’approbation de notre trésorier, de demander aux parlementaires de prendre en charge sur leur avance pour frais de mandat le coût de ces annulations lorsqu’il n’a pas été possible de les remplacer.

La séance est levée à 20 heures.