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Rapport d'activité du groupe d’amitié France-Albanie (Octobre 2019 – juin 2022)

    

Audition de l'ambassadeur d’Albanie en France
13 février 2018

Le groupe d’amitié, réuni sous la présidence de Mme Huguette Tiegna, Présidente, a auditionné Son Exc. M. Dritan Tola, ambassadeur d’Albanie, accompagné de M. Fation Peni, ministre-conseiller, et de Mme Zana Lushka, attachée de police, afin de faire le point sur l’augmentation du nombre de réfugiés albanais en France et sur l’évolution de la candidature d'adhésion de l’Albanie à l'Union européenne

Son Exc. M. Dritan Tola a exposé les atouts historiques et géographiques de l’Albanie qui contribuent à l’essor de son tourisme depuis ces toutes dernières années. L’Albanie est riche d’un remarquable patrimoine naturel et historique notamment antique et byzantin constituant incontestablement un potentiel touristique.

Il a souligné l’excellence de la coopération franco-albanaise ainsi qu’en témoignent notamment les dernières visites bilatérales en 2017, parmi celles-ci, la visite à Paris en juillet d’une délégation albanaise conduite par M. Ditmir Bushati, ministre des affaires étrangères, la visite officielle à Tirana, les 14 et 15 décembre 2017, de M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’Intérieur, et celle à Tirana de M. Frédéric Petit, député de la 7e circonscription des Français établis hors de France. Il a évoqué la prochaine érection d’un monument, place Skanderbeg, dans le quartier du Pont-de-Flandre du 19e arrondissement de Paris. Georges Kastriote, dit Skanderbeg, qualifié par le Pape II d’athlète du Christ, et qui a résisté pendant 25 ans aux Ottomans, est le héros national albanais.

Il a souligné l’objectif de l’adhésion de l’Albanie à l’Union européenne depuis l’entrée en vigueur de l’accord de stabilisation et d’association. En octobre 2013, la Commission européenne a recommandé d’octroyer le statut de candidat à l’Albanie, une fois remplies certaines conditions dans le déroulement démocratique et libre des élections législatives et dans le domaine de la justice. En juin 2014, le Conseil, prenant acte des progrès accomplis, a accordé le statut de pays candidat à l’Albanie de même que les chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union européenne. Le dernier Conseil de stabilisation et d’association a considéré que la réforme de la justice est l'une des plus importantes réformes en cours dans les pays visés par l’élargissement.et salué le rôle joué par l'Albanie dans la région en tant que partenaire proactif et constructif. L’opinion publique albanaise ne manque pas d’appuyer l’intégration européenne du pays et les réformes mises en œuvre en fonction de ce processus. L’objectif d’intégration européenne est au demeurant une force motrice pour pousser les réformes démocratiques et économiques. Le prochain Conseil, en juin 2018, pourrait fournir une occasion de progresser concrètement sur la voie de l’intégration à l’Union européenne par l’ouverture des négociations.

M. Frédéric Petit a demandé des précisions sur le consensus des forces politiques quant aux réformes exigées par le processus d’intégration et sur les progrès réalisés au moyen du dialogue national.

Son Exc.M. Dritan Tola a estimé qu’il existait des résistances de la part de groupes d’intérêt mais qu’elles étaient le signe que les réformes commençaient à fournir des résultats, d’abord dans le domaine des droits de l’homme puis de l’organisation de la justice, en vue de rendre celle-ci plus juste et plus intègre.

À Mme Valérie Thomas qui demandait s’il existait en Albanie des partis souverainistes ou eurosceptiques, M. Tola a répondu qu’aucun de ces partis n’était représenté au Parlement et que le caractère pro-européen de la représentation nationale constituait un signe de maturité des citoyens qui soutiennent les valeurs fondamentales de l’Europe.

Mme Huguette Tiegna a abordé la question de la poussée migratoire albanaise et la forte augmentation de demandes d’asile en 2017, l’Albanie avec 7 630 demandes sur un total de 100 412, étant le premier pays de provenance des demandeurs d’asile. Elle a souhaité connaître la motivation réelle des demandeurs d’asile alors que l’Albanie est un pays d’origine sûre. Elle a posé une question sur les éléments de l’accord, conclu entre les deux ministres d’Intérieur MM. Gérard Collomb et Fatmir Xhafaj, afin de réduire l’attractivité du recours à la demande d’asile.

Mme Valérie Thomas a demandé des précisions sur la lutte contre les filières organisées.

M. Dritan Tola a indiqué que le nombre élevé de demandeurs d’asile, enregistrés en 2016 et 2017, préoccupe les deux gouvernements. En effet, en 2017, 7 630 demandes ont été enregistrées par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), contre 7 432 demandes en 2016. Il s’agit en fait d’immigrés économiques dont les filières, étant donné les délais assez courts de la procédure, sont sensibles à l’attractivité du système d’asile français. Cette situation cause un préjudice à l’Albanie, pays d’origine sûre, candidat à l’entrée dans l’Union européenne, tenu à l’écart des conflits tragique de l’ex-Yougoslavie, qui n’a pas subi de catastrophes naturelles, et qui a pris des mesures pour lutter contre l’immigration clandestine, même si nous éprouvons de la compassion à l’égard des personnes ayant l’espoir de fuir une situation de pauvreté. Il est regrettable qu’à dessein d’exotisme, voire de sensationnalisme, l’on exagère le phénomène de vendetta limité tout au plus à une cinquantaine de cas. Ceci constitue un encouragement pour les candidats à l’émigration et une opportunité pour les filières d’immigration clandestine et de trafic à arguer de ce motif. Or, il n’est guère possible de vérifier dans le pays d’accueil la matérialité de la situation invoquée, au vu des documents fournis à l’appui de la demande d’asile. Aussi, serait–il utile que l’OFPRA organise une nouvelle mission en Albanie afin d’actualiser le rapport d’une précédente mission en juillet 2013. Un plan d’action, adopté le 20 juillet 2017, par l’Albanie afin d’intensifier la lutte contre les flux migratoires irréguliers, a été transmis par les ministres des affaires étrangères et de l’intérieur à M. Gérard Collomb : actions de prévention vis-à-vis des mineurs isolés, publicité sur les conditions de retour, sensibilisation des citoyens relative au respect des conditions de circulation dans l’espace Schengen, lutte contre la fraude documentaire, renforcement de la coopération entre les autorités de police des deux pays et avec les pays voisins, mesures à l’encontre des personnes impliquées dans l’immigration irrégulière, y compris les agences de voyage et répression à l’encontre des réseaux d’immigration. Des résultats ont été obtenus grâce au renforcement des contrôles des départs et un bilan a pu être établi sur l’augmentation des refus de sortie du territoire albanais. La France, quant à elle, a engagé un effort d’accélération du traitement des demandeurs d’asile. L’accord, signé le 15 décembre 2017 par les ministres de l’intérieur français et albanais, permet le déploiement d’officiers de liaison albanais dans les services centraux du ministère de l’intérieur et les préfectures de Moselle et du Rhône afin de démanteler les réseaux de passeurs et la lutte contre la criminalité organisée. Il s’agit d’un accord marquant, à l’instar de celui conclu naguère entre la France et la Roumanie. Ces efforts conjoints devraient être poursuivis par la lutte contre le blanchiment et par une coopération dans le domaine des échanges de formation.

M. Frédéric Petit a fait part de ses observations lors de sa dernière venue en Albanie en ce qui concerne la recherche historique, le soutien des actions de mémoire et les regards d’une histoire inclusive. Il a ainsi salué le travail de mémoire réalisé 25 ans après la chute du régime communiste par le Bunk’Art, musée souterrain dont l'exposition remonte à la création de la gendarmerie albanaise en 1912 et se poursuit avec les actions de la Sigurimi sous le régime communiste.

Son Exc. M. Dritan Tola a indiqué que la chute du régime communiste a, somme toute, été pacifique et sans règlements de compte violents. La période de transition s’est déroulée à la fois sans écarter les faits historiques et dans un climat de réconciliation nationale. Une certaine prise de distance par rapport à l’histoire s’est avérée nécessaire afin de ne pas prendre l’avenir en otage. Une recherche historique objective a permis une condamnation plus sereine des crimes passés. La vérification des archives, liées au renseignement ou de celle de l’Académie des sciences, n’a pas été pour autant facile. Il convient, en effet, également de signaler, outre l’exposition du Bunk’Art, la présentation des aspects répressifs du régime précédent par la Maison des Feuilles, installée dans les locaux des services de renseignement, sans imposer de point de vue.

M. Joachim Son-Forget a admis la difficulté d’établir une distinction effective entre migrants politiques et migrants économiques. Il a constaté que l’on parle aujourd’hui beaucoup de l’intégration des Balkans à l’Europe comme d’un objectif de plus en plus proche et qu’il convient de sensibiliser les acteurs politiques et surtout les jeunes.

Son Exc. M. Dritan Tola a considéré que l’intégration européenne de l’Albanie est non seulement une force motrice de la réforme mais aussi un facteur de stabilité. Le 6 février, la Commission européenne vient d’adopter une stratégie intitulée « Une perspective d'élargissement crédible ainsi qu'un engagement de l'Union européenne renforcé pour les Balkans occidentaux » et annoncé six initiatives phares afin de soutenir les efforts de transformation fournis par les Balkans occidentaux. Elle souligne les progrès réalisés par l’Albanie. La coopération régionale, qui constitue un élément essentiel du rapprochement européen des pays des Balkans occidentaux, se renforce avec un axe Albanie-Serbie et la création de l’Office régional pour la coopération de la jeunesse (RYCO), à l’instar de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ).

Mme Huguette Tiegna, présidente, a conclu la réunion en ne doutant pas des échanges à venir entre le groupe d’amitié et M. Dritan Tola. Elle a déclaré souhaiter se rendre prochainement en Albanie. Parmi ces prochaines occasions d’échange, elle a signalé l’association du groupe d’amitié France-Albanie à la préparation du colloque « Sortir de la guerre, 1918-1923, Nation et Démocratie en Europe » avec Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État à la défense, et M. Frédéric Petit, député de la 7e circonscription des Français établis hors de France.