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Audition de l'ambassadeur de Côte d'Ivoire en France
31 janvier 2018
Le groupe d'amitié a auditionné, le 31 janvier 2018, Son Exc. M. Charles Gomis, ambassadeur de Côte d'ivoire en France.
Étaient présents : Marie Lebec, présidente du groupe d'amitié, M’jid El Guerrab, Fabien Gouttefarde, Nicole Le Peih, Mireille Robert et Pierre-Alain Raphan, députés.
En introduction, Marie Lebec a rappelé les 4 thèmes principaux de travail que les membres de ce groupe ont mentionnés lors de la réunion constitutive en novembre 2017 : 1° les relations parlementaires entre nos deux assemblées (le secrétaire général de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, M. Latte, qu’elle a rencontré le 14 décembre dernier, a indiqué que le groupe d’amitié Côte d’Ivoire-France était toujours en cours de constitution ; 2° la jeunesse et la population au travers notamment des enjeux de migrations vers l’Europe ; 3° le développement économique, avec le nouveau partenariat entre nos deux pays suite au déplacement du Président Emmanuel Macron à Abidjan en novembre 2017 auquel la présidente du groupe d'amitié a participé ; 4° la Francophonie (le Bureau de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie se réunira le 1er février 2018 à l’Assemblée nationale et, à cette occasion, le Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, M. Guillaume Soro, premier vice-Président du Bureau de l’APF, sera reçu en entretien officiel par le Président de l’Assemblée nationale).
Son Exc. M. Charles Gomis a ensuite, après un rapide tour de table des députés puis avoir rappelé qu’il avait été reçu en mai 2016 à l’Assemblée nationale par la commission des Affaires étrangères, a présenté les principaux défis dela Côte d'ivoire.
1° La mise en place de nouvelles institutions en 2017 doit pouvoir garantir la stabilité du pays
L’année 2017 a vu l’instauration des réformes constitutionnelles prévues par la Constitution de la IIIe République adoptée par référendum en novembre 2016 par plus de 80 % des votants. Cette IIIe République a été inaugurée en janvier 2017 et le 10 janvier 2017, un nouveau Premier ministre a été nommé et la fonction de Vice-Président de la République a été instituée. L’objectif premier en 2018 est donc la modernisation du pays. Différentes institutions se mettent progressivement en place : élections municipales et régionales, ainsi que la création d’un Sénat comme 2e Chambre, qui comptera des élus de la diaspora. Cette Chambre sera établie à Yamoussoukro. De même, une Chambre des Rois et des Chefs traditionnels sera créée.
En 2018, la Côte d’Ivoire a pour objectif de garantir la stabilité institutionnelle du nouveau régime, après les mutineries dans l’armée qui ont eu lieu en 2017. La loi de programmation militaire a pour but d’augmenter le niveau de vie des militaires. En effet, le grand banditisme et la délinquance juvénile ont connu une forte hausse du fait des troubles dans le pays, avec un phénomène de gang touchant des mineurs de 10 à 15 ans.
Face à la montée de la menace terroriste, le pays a procédé à un renforcement des forces de sécurité, en partenariat avec la France, puisque la première école nationale à vocation régionale de lutte contre le terrorisme a vu le jour. Ainsi, 900 policiers ont été recrutés en 2017. Un programme d’identification biométrique a été mis en place en 2017 avec l’aide de la France.
2° La Côte d’Ivoire dans les instances internationales
La Côte d’Ivoire a accueilli récemment plusieurs grandes manifestations internationales sur son sol. Du 28 au 30 novembre 2017 s’est tenu le 5e Sommet Union africaine – Union européenne à Abidjan qui a réuni 60 Chefs d’Etat et de Gouvernement autour du thème « investir dans la jeunesse pour un avenir durable » et qui a connu un grand succès, auquel Mme Lebec a pu participer.
Du 21 au 30 juillet 2017, la Côte d’Ivoire a accueilli les 8e Jeux de La Francophonie, où 53 pays étaient représentés. Le Salon de l’agriculture et des ressources animales, le Salon du Tourisme, la Conférence sur le sida ont également été organisés en Côte d’Ivoire. En France, la Côte d’Ivoire participe également à de grands événements comme le Salon de l’Agriculture, le Salon du Chocolat, le Salon du Livre.
La Côte d’Ivoire est un membre non-permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU depuis juin 2017, avec le soutien de la France. Le pays préside également la commission économique et Etats de l’Afrique de l’Ouest (CDEAO).
3° La croissance économique, ultime étape vers le développement
Un Plan national de développement a été instauré en Côte d’Ivoire sur la période 2016-2020. Le taux de croissance économique de la Côte d’Ivoire a été de 9% entre 2012 et 2016, de 8% en 2017 et la dette intérieure a diminué. Concernant les entreprises françaises, il y a eu un déplacement du MEDEF avec 140 entreprises comme Cémoi, Bell, Carrefour, Auchan. C’est le retour des entreprises françaises en Côte d’Ivoire (plus de 600 entreprises françaises y ont été dénombrées en 2017).
Sur le plan agricole, le pays a vu l’augmentation de la filière de transformation des matières agricoles comme le cacao, la noix de cola (qui était jusqu’à présent exportée en Inde pour sa transformation). La Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de noix de cola. Cependant, le revenu des producteurs de cacao a chuté car les cours mondiaux ont enregistré une baisse de 40% l’année passée (l’exportation du cacao représente 40% des exportations de la Côte d’Ivoire en 2017).
Les jeunes représentent 70% de la population ivoirienne. Plusieurs programmes ont été mis en place pour faciliter l’accès à l’emploi. 6 000 jeunes ont bénéficié d’un apprentissage en 2017.
En matière d’enseignement et de formation professionnelle, le contrat 2016-2020 prévoit la commutation de la dette ivoirienne en programme de renforcement de la formation à destination de 30 000 jeunes et femmes qui devraient pouvoir en profiter. Cette transformation de la dette ivoirienne en programme de formation à l’initiative de la France est une très grande réussite. Cela représente 1,8 Milliard d’euros. Ainsi, 3 440 nouvelles classes ont été ouvertes en primaire, 40 collèges, 7 lycées internationaux pour jeunes filles et 5 000 enseignants ont été recrutés. Concernant l’enseignement supérieur, une Ecole du numérique va voir le jour. Tout ce programme a pour but de hausser le niveau de vie et d’augmenter la compétitivité économique.
En matière de transport, en 2018 la construction du 4e pont d’Abidjan sera lancée et une autoroute verra le jour. 500 autobus ont été mis en place par la Société des Bus, et 500 bus IVECO français vont être achetés par an. 15 batobus ont été mis en fonction en 2017, ce sera le double en 2018. La première ligne de métro à Abidjan a été inaugurée en présence du Président Macron en novembre dernier.
L’accès à l’électricité est prévu pour tous les villages de plus de 500 habitants qui devront être électrifiés en 2019. La Côte d’Ivoire mise sur le charbon, l’énergie solaire et hydraulique et sur les énergies renouvelables. La Côte d’Ivoire exporte aussi de l’électricité chez cinq de ses voisins.
En matière d'accès à l’eau potable, un programme « l’eau pour tous » vise à couvrir 95% des besoins en eau de la population à un coût abordable.
Les députés sont ensuite intervenus.
M. M'Jid El Guerrab a demandé si la stabilité du régime était assurée, surtout dans le cadre des élections présidentielles annoncées en 2020 qui risquent de voir s'affronter plusieurs candidats.
M. l'ambassadeur Charles Gomis est revenu sur les troubles de 2016 en précisant qu’aujourd'hui 26% de la population est non-ivoirienne et que, pour beaucoup d'Ivoiriens, le seuil de tolérance a été dépassé. Cette situation génère des troubles, non seulement en Côte d'Ivoire mais également dans les pays voisins. Aujourd'hui, beaucoup de ressortissants du Burkina-Faso et du Niger viennent s'installer en Côte d'Ivoire. Cela a abouti à la montée d'un discours "ivoiritaire" et explique la forte émigration de tous ces étrangers vers la France. Pour les Ivoiriens installés en France, le retour au pays d'origine est vu comme un échec. La Côte d'Ivoire n'est pas un pays de départ mais un pays de transition.
M. l'ambassadeur a tenu à rassurer le groupe d'amitié sur la tenue des élections présidentielles de 2020. Le nombre élevé de candidats potentiels est une preuve de la vivacité de la démocratie ivoirienne ainsi que l'émergence d'une nouvelle génération politique.
Sur le plan économique, la situation économique est intimement liée à celle de la France. Avec les réformes engagées pour améliorer les systèmes de formation universitaire et professionnelle en Côte d'Ivoire, de nombreux voisins francophones viennent se former en Côte d'Ivoire.
M. Fabien Gouttefarde est revenu sur les troubles de 2017 dans l'armée et a demandé à quoi étaient dues les mutineries et si les soutiens à Laurent Gbagbo sont encore nombreux dans le pays.
M. l'ambassadeur a fait état des nombreux soutiens à Laurent Gbagbo dans toute une partie de la population et pas seulement dans l'armée. Il a rappelé qu'avant 1990, il y avait un parti unique en Côte d'Ivoire qui a depuis explosé. Les partis politiques qui ont émergé sont plutôt des partis régionaux, et les hommes politiques sont souvent les champions de la région dont ils sont originaires. La situation dans l'armée est due à la coexistence de deux fractions géographiques : celle du Nord et celle du Sud, qui se sont affrontées dans les années 1990. Les promesses matérielles faites à l'armée du Nord pour pacifier la situation n'ont pas été tenues, ce qui a provoqué des rebellions. En effet, les conditions de vie des militaires étaient déplorables. Aujourd'hui, il reste difficile d'unifier et de pacifier l'armée pour arriver à la formation d'une vraie armée républicaine.