Louis, Michel Lepeletier de Saint-Fargeau

1760 - 1793

Informations générales
  • Né le 29 mai 1760 à Paris ( - Généralité de Paris France)
  • Décédé le 20 janvier 1793 à Paris (Département de Paris - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 21 juin 1790 au 5 juillet 1790

Mandat(s)

Régime politique
Révolution
Législature
Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 16 mai 1789 au 30 septembre 1791
Baillage
Paris (Type : Ville)
Groupe
Noblesse
Régime politique
Révolution
Législature
Convention nationale
Mandat
Du 6 septembre 1792 au 20 janvier 1793
Département
Yonne
Groupe
Gauche

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Député en 1789, membre de la Convention, né à Paris (Généralité de Paris), le 29 mai 1760, assassiné à Paris (Département de Paris) le 20 janvier 1793, il appartenait à une riche famille de noblesse de robe et était l'arrière-petit-fils de Michel-Robert Lepeletier des Forts, comte de Saint-Fargeau, qui fut contrôleur général des finances (1726-1730).

Président à mortier au parlement de Paris lorsqu'éclata la Révolution, il fut élu, le 16 mai 1789, député de la noblesse aux Etats généraux par la ville de Paris, se montra d'abord assez hésitant sur le parti à suivre, et devint, en juillet, dans l'Assemblée constituante, un des plus zélés défenseurs de la cause populaire.

Membre du comité de la jurisprudence criminelle, il présenta au nom de ce comité, en 1790, un projet très complet de code pénal, dont le trait caractéristique était l'abolition de la peine de mort, qu'il proposait de remplacer par la peine du cachot.

Lorsque la Constituante supprima les titres de noblesse (17 juin 1790), Lepeletier de Saint-Fargeau, qui avait celui de marquis, fit décider qu'aucun citoyen ne pourrait porter que le vrai nom de sa famille ; à dater de ce jour il signa Michel Lepeletier.

Il prit part encore à un certain nombre de débats importants : sur les municipalités, sur la dégradation des forêts, sur le droit de paix et de guerre, etc. , et fut président de l'Assemblée.

Membre et président de l'administration départementale de l'Yonne, Lepeletier de Saint-Fargeau fut élu, le 6 septembre 1792, député de ce département à la Convention nationale, le 2e sur 9, par 440 voix (542 votants). Désigné comme secrétaire, il se mêla activement aux délibérations du premier mois de la session, prononça (30 octobre) un remarquable discours sur la liberté de la presse, et, dans le procès du roi, vota « pour la mort » en accompagnant son vote de ces paroles, qui décidèrent, croit-on, un certain nombre d'hésitants :
« S'il arrivait que nous vinssions à prononcer sur le sort de Louis d'une manière évidemment contraire à la conscience intime du peuple français, serait-ce contre Louis au Temple, que ce même peuple devrait exercer sa vengeance ? Non, car là est la trahison désarmée. Ce serait contre les mandataires infidèles de la nation que l'insurrection deviendrait légitime, parce que là seraient réunies la trahison et la puissance. »

Bien qu'il ne fît pas partie du comité d'instruction publique, la question de l'éducation nationale prit bientôt la première place dans ses préoccupations. Le comité avait présenté, au commencement de décembre 1792, un plan d'organisation de l'instruction publique, reproduction de celui de Condorcet ; ce fut à cette occasion que Lepeletier rédigea le mémoire célèbre dans lequel il a résumé ses idées sur l'éducation commune de l'enfance. Il ne vécut pas assez pour pouvoir les exposer lui-même à la tribune de la Convention.

Un garde du corps avait résolu de venger la mort de Louis XVI sur un de ses juges. Or, Lepeletier de Saint-Fargeau avait excité plus de colère chez les royalistes, en raison même de la classe à laquelle il appartenait. Le 20 janvier 1793, au soir, chez Février, restaurateur au Palais-Royal, on le montra au garde du corps Paris, au moment où il se mettait à table. Le jeune homme, couvert d'une grande houppelande, sous laquelle il cachait un sabre, se présenta et lui dit : « C'est toi, scélérat de Lepeletier, qui as voté la mort du roi ? - J'ai voté, répondit celui-ci, selon ma conscience; et que t'importe ? - Tiens, reprend Pâris, voilà pour ta récompense. » Et il lui enfonça son épée dans le côté. Lepeletier tomba et Pâris disparut. Dix jours après, il se brûlait la cervelle à Forges-les-Eaux (Seine-inférieure), au moment où on allait l'arrêter. Lepeletier, blessé à mort, ne proféra que ces seules paroles : « J'ai froid ! » Transporté aussitôt dans son hôtel au Marais, il expira peu de temps après.

Ses obsèques eurent lieu le 24 janvier et furent l'occasion d'une fête funèbre, à laquelle la Convention donna la plus grande solennité. Ses collègues lui décernèrent les honneurs du Panthéon ; mais le décret fut rapporté le 8 février 1795, et le corps retiré par la famille. Les représentants adoptèrent sa fille âgée de huit ans ; celle-ci épousa en 1798 M. de Witt, riche Hollandais, et s'en sépara en 1800 pour se remarier avec son cousin, M. Lepeletier de Mortefontaine.

Le Moniteur raconte ainsi qu'il suit la pompe funèbre célébrée le 24 janvier.

« À dix heures du matin, son lit de mort a été placé sur le piédestal où était ci-devant la statue équestre de Louis XIV, place Vendôme, aujourd'hui place des Piques. On montait au piédestal par deux escaliers, sur les rampes desquels étaient deux candélabres à l'antique. Le corps était exposé sur le lit avec les draps ensanglantés, et le glaive dont il a été frappé. Il était nu jusqu'à la ceinture, et l'on voyait à découvert sa large et profonde plaie. Ce lit, ce sang, cette blessure, ces restes inanimés, étaient la partie lugubre et la plus attachante de ce grand spectacle. Il n'y manquait que l'auteur du crime chargé de chaînes et commençant son supplice par l'aspect du triomphe de Saint-Fargeau. Dès que la Convention nationale et tous les corps qui devaient former le cortège ont été rassemblés sur la place, une musique lugubre s'est fait entendre. Elle était, comme presque toutes celles qui ont embelli nos fêtes révolutionnaires, de la composition du citoyen Gossec. La Convention était rangée autour du piédestal. Le citoyen chargé des cérémonies a remis au président de la Convention une couronne de chêne et de fleurs ; alors le président, précédé des huissiers de la Convention et de la musique nationale, a fait le tour du monument, et est monté sur le piédestal pour déposer sur la tête de Lepeletier la couronne civique. Pendant ce temps, un fédéré a prononcé un discours ; le président descendu, le cortège s'est mis en marche dans l'ordre suivant (suit la description du cortège et de sa marche jusqu'au Panthéon). Arrivé au Panthéon, le corps a été déposé sur l'estrade préparée pour le recevoir. La Convention nationale s'est rangée autour ; la musique, placée dans la tribune, a exécuté un superbe chœur religieux ; le frère de Lepeletier a prononcé ensuite un discours, dans lequel il a annoncé que son frère avait laissé un ouvrage presque achevé sur l'éducation nationale, et qui sera bientôt rendu public ; il a fini par ces mots : Je vote, comme mon frère, la mort des tyrans. Les représentants du peuple, rapprochés du corps, se sont promis union et ont juré le salut de la patrie. Un grand chœur à la Liberté a terminé la cérémonie. »

Par suite de l'ajournement de la discussion sur l'instruction publique, ce fut seulement en juillet, six mois après la mort de l'auteur, que fut rendu public le travail de Michel Lepeletier sur l'éducation nationale. Dans la séance du 3 juillet 1793, où la Convention rejeta le plan Sieyès-Daunou-Lakanal et chargea six commissaires de lui présenter sous huit jours un nouveau plan d'éducation et d'instruction publique Chabot demanda que l'Assemblée fixât un jour pour entendre la lecture de l'ouvrage de Lepeletier. La Convention se borna alors à décréter que l'ouvrage serait imprimé. Mais bientôt Robespierre ayant, le 12 juillet, rencontré Félix Lepeletier aux Tuileries, le pria de lui prêter le manuscrit de son frère, qu'il ne connaissait pas encore ; lorsqu'il l'eut entre les mains, il le porta à la tribune de la Convention où il en fit lecture, le lendemain 13. Ce plan donna lieu, dans la Convention et aux Jacobins, à de longues et intéressantes discussions. Etabli par son auteur, à la fin de 1792, il était destiné à servir de complément à celui de Condorcet. Lepeletier demandait seulement une organisation plus efficace du premier degré d'instruction des écoles primaires. Ces écoles, disait-il, ne pourraient donner une éducation vraiment et universellement nationale qu'à la condition d'être transformées en « maisons d'éducation », où tous les enfants seraient élevés en commun, de cinq à douze ans, aux frais de la République, « sous la sainte loi de l'égalité, recevant mêmes vêtements, même nourriture, même instruction, mêmes soins. » À la suite des maisons d'éducation commune où ils auraient reçu l'instruction primaire, ceux des élèves auxquels leurs parents voudraient faire poursuivre leurs études, auraient parcouru successivement les trois degrés supérieurs de l'instruction du plan Condorcet, écoles secondaires, instituts et lycées. Lepeletier proposait que la République prît à sa charge les frais de l'instruction et de l'entretien d'un certain nombre d'élèves désignés au concours parmi les plus méritants, ces pensionnaires de la République auraient été choisis dans la proportion de un sur cinquante, parmi les élèves des maisons d'éducation commune, pour suivre les cours des écoles secondaires ; la moitié des élèves des écoles secondaires seraient ensuite devenus pensionnaires de La République dans les instituts ; et la moitié des élèves des instituts, pensionnaires de la République dans les lycées. « Ne pourront être admis à concourir, ajoutait Lepeletier, ceux qui, par leurs facultés personnelles ou celles de leurs parents, seraient en état de suivre sans le secours de la République, ces trois degrés d'instruction. »

Amendé par la commission des six (séance du 1er août), le plan de Michel Lepeletier fut adopté le 13 avec cette double réserve que les maisons d'éducation commune seraient destinées aux garçons seulement, et que le placement des enfants dans ces maisons communes serait facultatif pour les familles. Mais, le 20 octobre, sur la proposition de Léonard Bourdon, la Convention rapporta le décret du 13 août, et décida de s'en tenir à l'organisation de simples écoles primaires.

La mort de Lepeletier avait inspiré à David un de ses plus beaux tableaux, placé dans la salle de la Convention. On l'en retira. après le 9 thermidor ; la fille de Lepeletier, s'il faut en croire Le Bas, fit acheter le tableau aux héritiers de David et le détruisit.