Etienne, Denis Pasquier
1767 - 1862
Député de 1815 à 1821, pair de France et ministre, né à Paris (Généralité de Paris, France) le 21 avril 1767, mort à Paris (Seine) le 5 juillet 1862, « fils de Etienne Pasquier et de Anne-Thérèse-Nicole Gauthier », il appartenait à une famille de robe qui comptait parmi ses membres Estienne Pasquier, l'auteur des Recherches sur la France.
Son père, le 14e sur 29 de la liste des parlementaires traduits au tribunal révolutionnaire le 1er floréal an II, sous cette mention : « Etienne Pasquier, âgé de 58 ans, ex-noble, ci-devant conseiller de grand-chambre au parlement de Paris », fut condamné à mort et guillotiné le même jour.
Etienne-Denis fit ses études au collège de Juilly et devint, avec dispense d'âge, conseiller au parlement de Paris en 1787, presque à la veille de la suppression de ces corps judiciaires.
Sous la Terreur, il épousa la veuve du comte de Huchefort, fut arrêté, resta deux mois incarcéré à Saint-Lazare, et ne recouvra la liberté qu'après le 9 thermidor.
Eloigné pendant quelques années des affaires publiques, il se rallia à l'empire, et, par la protection de Cambacérès, fut nommé maître des requêtes au conseil d'Etat le 11 juin 1806, baron de l'empire le 29 novembre 1808, conseiller d'État le 8 février 1810, et procureur du sceau des titres. Le 10 octobre de la même année, il remplaça Dubois à la préfecture de police. Quelque temps auparavant, il avait été nommé officier de la Légion d'honneur.
Lors de la conspiration du général Malet, il fut arrêté, conduit à la Force, et ne ut remis en liberté que grâce à l'intervention du général Hulin. Malgré cet incident, il fut maintenu en fonctions, et servit l'empereur avec zèle.
En 1814, il entra en pourparlers avec M. de Nesselrode, au moment de l'entrée des alliés à Paris, prit les mesures d'ordre que comportait la situation, et n'adhéra au gouvernement provisoire que le 14 avril. Il donna sa démission de préfet de police, et fut appelé, le 21 mai, à la direction générale des ponts et chaussées.
L'empereur le laissa sans emploi aux Cent-Jours, bien que M. Pasquier crût à l'avenir de l'empire restauré (lettre du 15 avril 1815), et qu'il fût décidé à prêter serment à l'Acte additionnel (lettre au comted'Hauterive du 15 avril).
La seconde Restauration, qui s'en tint au fait plus qu'aux sentiments, le dédommagea de la disgrâce de l'empereur en le nommant garde des Sceaux et ministre de l'Intérieur par intérim, dans le cabinet Fouché-Talleyrand (9 juillet 1815). Dans cette importante fonction, il sut montrer autant d'habileté que de courage, résista aux extravagantes réclamations de Blücher et de Müffling, et prit des mesures pour que la dissolution de l'armée de la Loire n'occasionnât aucun trouble. Il blâma, dit-on, la réaction royaliste, les excès de la terreur blanche, l'assassinat de Brune, l'exécution de Labédoyére et de Ney, et s'efforça de faire prévaloir des idées modérées.
Il quitta le pouvoir avec Talleyrand, le 25 septembre 1815, fut promu, le 28 du même mois, grand-croix de la Légion d'honneur, et nommé ministre d'Etat et membre du conseil privé.
Elu, le même jour (22 août 1815) député du grand collège de la Sarthe, par 153 voix (166 votants, 228 inscrits), et du grand collège de la Seine, par 98 voix (183 votants, 230 inscrits), il opta pour la Seine, et fut réélu dans ce dernier collège, le 4 octobre 1816, par 102 voix (183 votants, 228 inscrits), et, le 20 septembre 1817, par 3 874 voix (7 378 votants, 9 677 inscrits).
Après avoir dirigé, en 1816, les travaux de la commission des créances étrangères, il fut appelé, même année, à la présidence de la Chambre, qu'il conserva jusqu'au moment où il entra (19 janvier 1817) dans le ministère Richelieu en qualité de garde des Sceaux, ministre de la Justice. Il approuva la loi Laîné relative au nouveau mode électoral, la loi Gouvion-Saint-Cyr sur le recrutement, et la suppression des cours prévôtales.
Cependant les résultats de la nouvelle loi électorale, au renouvellement de 1818, amenèrent la retraite du cabinet et de M. Pasquier, le 18 décembre 1818. Celui-ci refusa de reprendre un portefeuille dans le ministère Dessolle-Decazes, et crut devoir provoquer une révision nécessaire de la loi électorale du 5 février 1817. Cette question divisa le ministère. M. Decazes appuya M. Pasquier, mais les autres ministres; Gouvion-Saint-Cyr, Dessolle et Louis, donnèrent leur démission.
M. Pasquier hérita du portefeuille des Affaires étrangères (19 novembre 1819), dans le cabinet remanié. Il resta ministre après l'assassinat du duc de Berry, dans le nouveau ministère Richelieu, se signala par l'habileté avec laquelle il défendit les mesures qui suspendaient la liberté individuelle et la liberté de la presse, et mettaient les futures élections entre les mains des 10 ou 12 000 gros propriétaires royalistes.
« Oui, je demande l'arbitraire, déclara-t-il, parce que quand on sort de la légalité ce ne peut être que pour un but important, pour un grand objet à remplir. Les lois d'exception n'appartiennent qu'aux gouvernements libres et eux seuls ont le droit d'en avoir. »
Ces idées triomphèrent. Les élections partielles de 1821 consolidèrent la majorité ultra-royaliste, et, après la discussion de l'Adresse, et le vote de la phrase : « Nous vous félicitons, sire, de vos relations constamment amicales avec les puissances étrangères, dans la juste confiance qu'une paix si précieuse n'est point achetée par des sacrifices incompatibles avec l'honneur de la nation et la dignité de la couronne », phrase dont Louis XVIII se montra fort blessé, M. de Richelieu donna sa démission, et M. Pasquier l'imita (13 décembre 1821).
Le 24 septembre précédent, il avait été nommé pair de France; il fut admis à la pension de retraite, comme ministre des Affaires étrangères, le 13 février 1822. A la Chambre haute, il se rapprocha de l'opposition constitutionnelle, vota contre le droit d'aînesse, contre le sacrilège, contre la loi de tendance, contre la conversion de la rente : dans ses improvisations, d'une abondante facilité, il faisait preuve d'une rare présence d'esprit, et d'un sang-froid dédaigneux de toutes les attaques.
En 1828, il refusa d'entrer dans le ministère Martignac, et se rallia, en 1830, au gouvernement de Louis-Philippe : il aurait dit à cette occasion : « Le serment politique est une contremarque pour rentrer au spectacle. »
Nommé président de la Chambre des pairs le 3 août 1830, fonctions qu'il occupa jusqu'à la révolution de février 1848, M. Pasquier dirigea en cette qualité les procès des ministres de Charles X, des insurgés d'avril, de Fieschi, de Barbès, du prince Louis-Napoléon Bonaparte après la tentative de Boulogne, des ministres Teste et Cubières ; en cette dernière circonstance, Victor Hugo prétend que M. Pasquier fut au-dessous de sa tâche : « Il avait 82 ans, dit-il, et, à 82 ans, on n'affronte ni une femme, ni une foule. » M. Pasquier n'avait alors en réalité que quatre-vingts ans. Il soutint la politique personnelle du roi, et, lors de la coalition de 1839, fut du côté de M. Molé.
Grand-chancelier de France en 1837 (titre que le roi fit revivre en son honneur), et créé duc le 14 décembre 1844, il avait désiré être de l'Académie française, comme « ami des lettres » : il en fut élu membre le 27 février 1842, à la place de M. de Frayssinous, et de préférence à Alfred de Vigny.
La révolution de 1848 mit fin à cette carrière politique si remplie.
Deux ans avant sa mort, le duc Pasquier disait avec vérité :
« Je suis l'homme de France qui ait le plus connu les divers gouvernements qui se sont succédé chez nous : je leur ai fait à tous leur procès. »
Son petit neveu, Edme-Armand-Gaston d'Audiffret-Pasquier, Président de l'Assemblée nationale du 15 mars 1875 au 4 juin 1876, puis sénateur inamovible et Président du Sénat de 1876 à 1879, a hérité de son titre de duc.
On a du duc Pasquier : Discours et opinions (1842, 4 volumes).