Emmanuel Arène
1856 - 1908
Membre de la Chambre des députés, né à Ajaccio (Corse), le 1er janvier 1856, il passa son enfance à Marseille, puis à Aix, où il suivit les cours du lycée; il vint ensuite faire à Paris ses études de droit.
M. Edmond About le prit alors pour secrétaire, et le fit débuter comme journaliste au XIXe Siècle qu'il dirigeait. Il passa de là au journal Paris, fondé en 1881 par d'anciens rédacteurs de la France. M. Arène avait, dans diverses polémiques des plus vives, très ardemment soutenu la politique de Gambetta, dont il était l'ami personnel ; la protection de cet homme politique ne fut pas étrangère à l'élection de M. Arène comme conseiller général de la Corse, en août 1880, - (M. Arène n'avait pas encore vingt-cinq ans accomplis, il ne devint éligible que le 1er janvier suivant), - non plus qu'à son élection de député dans l'arrondissement de Corte, le 4 décembre 1881. (L'option de M. de Choiseul pour l'arrondissement de Melun (Seine-et-Marne), avait déterminé une vacance). Il l'emporta, avec 6,672 voix, sur 9,389 votants et. 16,362 inscrits, sur M. Paschal Grousset, ancien membre de la Commune, candidat républicain radical, intransigeant.
M. Arène avait été élu avec le programme de l'Union républicaine ; il siégea, en effet, dans ce groupe et vota avec lui pour la politique opportuniste, représentée au pouvoir par les cabinets Gambetta et Jules Ferry. Il fut particulièrement, à son arrivée au Palais-Bourbon, un des plus ardents défenseurs du « grand ministère », qu'il soutint de ses articles dans la presse, autant que de ses votes à la Chambre. Il fut de la minorité gambettiste du 26 janvier 1882, garda une attitude très réservée à l'égard du ministère de M. de Freycinet, et vota :
- Le 4 mars 1882, contre l'amendement Jules Roche (élection du maire de Paris);
- Le 7 mars, contre la proposition Boysset tendant à l'abolition du Concordat;
- Le 29 janvier 1883, contre l'élection de la magistrature par le peuple.
Il avait pris la parole, le 12 juillet 1882, en qualité de rapporteur d'un projet d'exploitation des services maritimes postaux entre le continent et la Corse.
Après que M. Jules Ferry eut repris la présidence du Conseil (22 février 1883), M. Emmanuel Arène se montra disposé à lui donner tout son concours.
Il vota, pour lui, le 6 mars, à propos de la révision, et, par la suite, chaque fois que les événements du Tonkin, les conflits avec la Chine, les entraînements de la politique coloniale, les embarras diplomatiques qui en furent la conséquence, enfin, à l'intérieur, les divisions et les querelles entre l'opportunisme et l'intransigeance posèrent devant la Chambre la « question de confiance ». Toutefois, M. Arène s'abstint de prendre part au vote de certaines demandes de crédits relatives à l'expédition du Tonkin. En revanche il accorda son vote à la loi sur les récidivistes, au maintien de l'ambassade auprès du pape. Il opina lors de la convocation du Congrès de Versailles (4-13 août 1884), pour la suppression des sénateurs inamovibles et l'augmentation du nombre des électeurs sénatoriaux. Enfin, il se prononça pour le rétablissement du scrutin de liste (proposition Constans).
Collaborateur du Matin, M. Arène, eut en août 1884, un démêlé retentissant avec MM. Granet, député, et Ernest Judet, directeur et rédacteur en chef de la Presse Libre. Une dépêche adressée de Bastia à M. Arène, ayant été textuellement reproduite dans un numéro de ce journal, M. Arène accusa « d'indélicatesse ou de vol » les auteurs de cette publication; un duel s'ensuivit entre MM. Judet et Arène; celui-ci fut blessé à la main. Cette affaire de dépêche se rattachait à une accusation formulée naguère contre M. Arène et son collègue du Sénat, M. Peraldi; M. Judet leur avait reproché à tous deux leur attitude favorable à la Compagnie Morelli, concessionnaire des « services maritimes postaux entre le continent et la Corse. » M. Arène protesta très vivement contre ces articulations. Il fut encore mêlé, comme ami du préfet André de Trémontels, à l'affaire du journaliste Saint-Elme, dont la mort fut imputée à ce fonctionnaire.
Le 28 mars 1885, jour de la chute du cabinet Ferry, le député de la Corse lui demeura fidèle. il soutint également, mais avec plus de réserve, le cabinet Henri Brisson, qui présida aux élections d'octobre.
Candidat sur la liste républicaine de la Corse, il échoua avec un chiffre de 24,625 voix. (Le dernier élu de la liste conservatrice, M. de Montera, avait 24,953 voix). Mais l'élection des conservateurs avant été invalidée par la Chambre, le 5 décembre 1885, les électeurs furent convoqués de nouveau pour le 14 février 1886, et, cette fois, M. Arène l'emporta, par 25,948 voix (49,382 votants, 73,887 inscrits.) Avec lui étaient élus MM. Astima, Ceccaldi, de Susini. Dans la nouvelle législature, il a continué son concours à la politique républicaine modérée; inscrit à l'Union des gauches, il a soutenu les ministères Rouvier et Tirard pour lesquels il a voté dans les séances des 19 novembre 1887 et 30 mars 1888.
Précédemment, il s'était prononcé contre la proposition Rochefort sur l'amnistie, contre la proposition Michelin tendant à rechercher les origines et les auteurs responsables de l'expédition du Tonkin, contre l'ordre du jour Camélinat en faveur des grévistes de Decazeville, etc. En octobre 1888, à propos des réclamations de la presse contre l'attitude de la questure de la Chambre à son égard, M. E. Arène donna sa démission de vice-président de la Chambre, avec tout le bureau, puis la retira en conformité du vote de la Chambre qui refusa de l'accepter.
Le 11 février 1889, il a voté pour le rétablissement du scrutin uninominal ; et le 14, il s'est abstenu sur l'ajournement de la révision des lois constitutionnelles (chute du ministère Floquet). Nommé rapporteur de la Commission chargée d'examiner la demande en autorisation de poursuites contre trois députés, membres de la Ligue des Patriotes, il a montré, dans la discussion, une passion que le rôle de rapporteur ne comportait peut-être pas, mais aussi un entrain et un esprit d'à propos qu'on ne lui connaissait pas encore ; le 4 avril, il a voté pour la demande en autorisation de poursuites contre le général Boulanger.
né à Ajaccio (Corse) le 1er janvier 1856, mort au Fayet (Savoie) le 14 août 1908.
Député de la Corse de 1881 à 1904, puis Sénateur de la Corse de 1904 à 1908. (Voir 1re partie de la biographie dans ROBERT et COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires, t. 1, p. 88.)
Aux élections générales du 22 septembre 1889, il fut réélu député de Sartène au 1er tour de scrutin par 4.090 voix contre 2.965 à M. Abbatucci bonapartiste. Durant cette législature (la 5e de la IIIe République) il s'intéressa tout spécialement au vote du budget des Ministères de l'Agriculture et de l'Intérieur (1891, 1892), il demanda en outre le relèvement progressif de l'impôt pour la Corse, échelonné en dix années (1890) et l'achèvement de la ligne de chemin de fer de Vizzanova à Corte (1890). Il était inscrit au groupe des Républicains.
Bien que son nom fût prononcé en 1892 et au début de 1893 au moment où éclata l'affaire dite « de Panama », les électeurs de Sartène lui renouvelèrent son mandat aux élections générales du 20 août 1893, au premier tour de scrutin par 4.293 voix, contre 3.513 à M. Roccaserra. En 1896, à la suite de la publication par le journal La France d'un document appelé « Liste des 104 » qui citait les noms de 104 parlementaires qui auraient touché des fonds de la Compagnie de Panama (parmi lesquels figurait le sien), et de la plainte en diffamation portée contre ce journal, Emmanuel Arène voulut savoir si la confiance que lui avaient témoigné jusque là ses électeurs corses ne s'en trouvait pas ébranlée. Il saisit l'occasion qu'offrait le décès, le 8 août 1897, de M. Ceccaldi, député d'Ajaccio pour briguer ce siège vacant. Il l'emporta le 7 novembre 1897 par 8.941 voix contre 1.008 à son concurrent M. Stefani.
La Chambre ne statua pas sur la validité de cette élection. Mais la situation politique d'Arène en Corse était désormais inattaquable. En effet, aux élections générales suivantes, qui eurent lieu le 8 mai 1898, Il fut réélu Député d'Ajaccio par 8.437 voix contre 2.464 à son concurrent le plus favorisé. Cette confiance lui fut renouvelée plus fermement encore aux élections générales du 27 avril 1902 où il fut réélu à Ajaccio par 10.084 voix contre 606 à son principal adversaire.
Durant ces trois dernières législatures, son activité se borna à défendre à la tribune les intérêts économiques de la Corse dont il était devenu aux dires de certains, le « Vice-Roi » ou le « Gouverneur ». Rien ne pouvait se faire en effet dans l'île sans son agrément. C'est ainsi que le 4 janvier 1903, il réussit à y faire élire Sénateur Emile Combes en dépit des émotions qu'avaient soulevées chez un peuple très attaché à ses croyances, l'affaire Dreyfus, l'affaire des fiches, et les querelles religieuses. Celui-ci qui avait d'ailleurs été également élu dans la Charente-Inférieure, opta pour ce département. Le refus de Combes d'accepter de représenter la Corse, ayant laissé vacant ce siège, Arène y présenta Arthur Ranc qui s'était fait battre en 1900 dans la Seine, et qu'il fit élire le 15 février 1903 par 501 voix contre 216 à M. Carbuccia.
Lorsque le Sénateur Muraccioli mourut le 2 juillet 1904, Arène brigua son siège et l'emporta le 18 septembre 1904 par 676 voix sur 784 votants. Il mourut le 14 août 1908, pendant les vacances parlementaires, et son éloge funèbre ne fut prononcé qu'à la séance de rentrée du 13 octobre 1908, par M. Antonin Dubost, Président du Sénat.
Lorsque sa dépouille mortelle arriva à Ajaccio, selon sa volonté, à la fin du mois d'août 1908, elle fut accueillie par ses amis comme par ses adversaires avec le plus grand respect et le plus grand recueillement, et ils se trouvèrent à nouveau réunis en 1929 devant le monument que sa ville natale érigea à sa mémoire. Mais Arène ne fut pas qu'un homme politique, son talent s'exerça surtout dans le journalisme où ses nombreux articles obtinrent un éclatant succès. Il collaborait notamment au Matin. Son style brillant, teinté d'ironie, se plaisait particulièrement au badinage sans méchanceté, mais non sans malice. Après un recueil de nouvelles qu'il fit paraître en 1887 sous le titre : Le dernier bandit, il débuta au théâtre en collaboration avec Alfred Capus dans l'Adversaire. Puis suivirent Paris-New York qu'il écrivit avec Francis de Croisset, et enfin le Roi en collaboration avec de Flers et Caillavet qui obtint dans un théâtre des boulevards un succès quasi triomphal.
Ses réussites théâtrales ne lui faisaient point pour autant oublier le journalisme puisqu'il conserva jusqu'à sa mort la rubrique dramatique du Figaro, où son esprit parisien à la fois indulgent et facétieux faisait la joie des vieux boulevardiers dont il était un des plus brillants représentants.