Jean-Louis Debré

1944 - 2025

Informations générales
  • Né le 30 septembre 1944 à Toulouse (Haute-Garonne - France)
  • Décédé le 4 mars 2025 à Paris ()

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 25 juin 2002 au 4 mars 2007

Mandat(s)

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIIIe législature
Mandat
Du 2 avril 1986 au 14 mai 1988
Département
Eure
Groupe
Rassemblement pour la République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IXe législature
Mandat
Du 13 juin 1988 au 1er avril 1993
Département
Eure
Groupe
Rassemblement pour la République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Xe législature
Mandat
Du 2 avril 1993 au 18 juin 1995
Département
Eure
Groupe
Rassemblement pour la République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
XIe législature
Mandat
Du 1er juin 1997 au 18 juin 2002
Département
Eure
Groupe
Rassemblement pour la République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
XIIe législature
Mandat
Du 19 juin 2002 au 4 mars 2007
Département
Eure
Groupe
Union pour la majorité présidentielle

Biographies

Biographie de la Ve République

DEBRE (Jean-Louis)
Né le 30 septembre 1944 à Toulouse (Haute-Garonne)
Décédé le 4 mars 2025 à Paris

Député de l’Eure de 1986 à 1995 et de 1997 à 2007


Jean-Louis Debré nait le 30 septembre 1944 à Toulouse. Il est issu d’une famille de rabbins (son arrière-grand-père, Simon Debré, était un rabbin alsacien ayant quitté Westhoffen pour Paris afin de ne pas devenir allemand), médecins (son grand-père paternel, Robert Debré, était un pionnier de la pédiatrie moderne, il épousa la fille du peintre dreyfusard Edouard Debat-Ponsan), artistes (son oncle, Olivier Debré, était un peintre et sculpteur célèbre, représentant de l’abstraction lyrique), scientifiques (son autre oncle, Laurent Schwartz, était un brillant mathématicien) et juristes à l’image de son père. Michel Debré, membre du Conseil d’Etat, membre du cabinet de Paul Reynaud avant la guerre, a rejoint la Résistance durant l’Occupation avant d’être nommé en août 1944 commissaire de la République à Angers chargé de la réforme administrative. A la Libération, le général de Gaulle lui confie le projet de créer une nouvelle école de cadres pour l’Etat, la future Ecole nationale d’administration (ENA). Après le départ en janvier 1946 du général de Gaulle du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), Michel Debré lui reste fidèle. Il le suit au Rassemblement du peuple français (RPF) et le représente au Conseil de la République à partir de 1951 comme élu de l’Indre-et-Loire. Pourfendeur virulent de la IVe République, ce proche de l’ancien chef de la France libre dénonce en 1957 l’impuissance du « régime des partis » dans un pamphlet, Ceux qui nous gouvernent, et un périodique, Le Courrier de la colère. Jean-Louis Debré, qui a trois frères, Vincent, François et Bernard son jumeau, évolue donc dans une famille profondément gaulliste, préoccupée du destin du pays et très attachée à la chose publique.

Elève du cours Hattemer, il poursuit ses études au lycée Janson-de-Sailly. Au même moment, son père devient Premier ministre de de Gaulle revenu au pouvoir en juin 1958. Enfant, Jean-Louis Debré dîne le dimanche soir à la table des Pompidou et appelle vraiment l’épouse du Général « Tante Yvonne ». André Malraux l’aide parfois à faire ses devoirs. Dans un article du Nouvel Observateur de mai 1998, il rapporte à ce sujet une anecdote savoureuse. Alors qu’il avait un devoir à rendre sur L’Espoir ou La Condition humaine, il sollicite l’écrivain de passage à la maison, celui-ci lui dicte un texte. Le professeur lui rend plus tard sa copie avec un 2 en lui disant : « c’est nul ! ». Ayant rétorqué : « mais c’est du Malraux ! », il n’est pas cru et se voit collé. Interrogé plus tard sur ces années 1959-1962, l’intéressé se remémore un cadre de vie très particulier : « Enfant, j’ai descendu les escaliers de Matignon sur la rampe, j’ai joué au foot dans le parc, j’ai fait de la bicyclette dans les jardins du ministère de la Défense. » En 1967, accompagnant son père, venu accueillir le général de Gaulle de retour du Québec, à l’aéroport d’Orly, il rencontre une première fois Jacques Chirac. Souffrant toutefois d’un tassement de la colonne vertébrale qui l’isole parmi ses camarades, Jean-Louis Debré connait une scolarité difficile et ne passe pas le baccalauréat. Pierre Mazeaud, ami de la famille depuis qu’il a été membre du cabinet de Michel Debré en 1958, le reprend en main scolairement. Il l’accueille pendant les congés dans sa maison de Fontainebleau et lui impose un programme strict de remise à niveau avec des cours particuliers de cinq heures chaque matin, suivis l’après-midi d’escalade des rochers de la forêt avoisinante. Il conseille par la suite au jeune homme de s’inscrire à l’université d’Assas et d’y passer une capacité en droit. Reparti sur de bonnes bases, Jean-Louis Debré obtient sa licence de droit avec une mention très bien et intègre l’Institut d’études politiques de Paris. Titulaire d’un double Diplôme d’études supérieures en droit public et en science politique, il soutient en 1973 une thèse sur « Les idées constitutionnelles du général de Gaulle » dirigée par le juriste Roger-Gérard Schwartzenberg et publiée l’année suivante chez LGDJ. Il réussit le concours de l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) dont il sort parmi les premiers. A partir de 1971 et jusqu’en 1974, Jean-Louis Debré enseigne comme assistant à la Faculté de droit de Paris. Le jeune universitaire publie en 1975 aux Presses universitaires de France (PUF) un manuel La Constitution de la Ve République. Les années suivantes, celui qui a rejoint début 1975 le comité directeur des cercles universitaires d’études et de recherches gaulliennes, écrit avec son père deux autres livres, Le Pouvoir politique (Seghers, 1977) et Le Gaullisme (Plon, 1978).

Gaulliste convaincu, Jean-Louis Debré s’engage activement en politique à l’occasion des législatives de mars 1973. Avec l’investiture de l’Union des républicains de progrès (URP), une coalition de partis de droite soutenant la majorité, et nanti de l’atout d’un patronyme prestigieux, il se présente dans la septième circonscription du Pas-de-Calais. Celle-ci, regroupant les cantons d’Audruicq, Calais Nord-Ouest et Calais Sud-Est, semble a priori favorable au candidat gaulliste puisque détenue depuis 1958 par Jacques Vendroux, beau-frère du général de Gaulle. Mais Jean-Louis Debré, qui fait campagne comme « le candidat de tous les anticommunistes », n’arrive qu’en deuxième place à l’issue du premier tour, avec 28,2 % des suffrages exprimés, loin derrière le maire communiste de Calais Jean-Jacques Barthe et ses 36,9 %. Le socialiste Roger Ledoux (14,3 %) ayant appelé à voter pour le candidat PCF, ce dernier s’impose logiquement avec 52 % des suffrages exprimés dans le duel du second tour.

Le 7 mai 1973, Jean-Louis Debré rebondit en entrant à 29 ans comme conseiller technique au cabinet de Pierre Mazeaud, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre. Il n’y reste qu’une semaine avant de rejoindre le cabinet du ministre de l’Agriculture et du développement rural, Jacques Chirac. C’est le début d’une amitié indéfectible entre les deux hommes. Le ministre apprécie la rigueur, la capacité de travail et la fidélité de son conseiller, qui admire de son côté le dynamisme et le sens politique de son patron. Jean-Louis Debré le suit quand Jacques Chirac devient en mars 1974 ministre de l’Intérieur. Cette confiance et cette estime réciproques n’empêchent pas Jacques Chirac et Jean-Louis Debré de prendre des engagements différents durant la campagne présidentielle du printemps 1974 provoquée par la disparition prématurée de Georges Pompidou. Comme son père, Jean-Louis Debré soutient le prétendant gaulliste Jacques Chaban-Delmas tandis que Jacques Chirac, devenu entre-temps ministre de l’Intérieur, appuie le candidat libéral Valéry Giscard d’Estaing. Cette divergence amène le jeune gaulliste à démissionner de ses fonctions de conseiller technique. Mais après la victoire de Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, nommé Premier ministre, reprend à ses côtés Jean-Louis Debré comme chargé de mission. Sur un plan privé, Jean-Louis Debré a épousé en mai 1971, Anne-Marie Engel. Trois enfants naissent de cette union.

Lorsque Jacques Chirac quitte Matignon à la fin de l’été 1976, Jean-Louis Debré, auditeur de justice depuis octobre 1974, reste en contact étroit avec l’ancien Premier ministre et adhère au nouveau parti fondé par ce dernier en décembre 1976, le Rassemblement pour la République (RPR). L’ancien chargé de mission entame alors une carrière de magistrat. Nommé fin 1975 substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Evry-Corbeil, il officie comme magistrat pour enfants. Certains dossiers concernant des adolescents drogués suscitent tout particulièrement son attention. De septembre 1976 à mars 1977, il retrouve le monde des cabinets ministériels, auprès d’Olivier Guichard, Garde des Sceaux. Lors des élections municipales de mars 1977, il se présente à Baugé (Maine-et-Loire) mais se voit éliminé au second tour. Le 12 mars 1978, Jean-Louis Debré se présente aux législatives dans la 1ère circonscription de l’Eure, située au sud du département et regroupant les cantons de Breteuil, Conches-en-Ouche, Damville, Evreux-Nord, Evreux-Sud, Nonancourt, Rugles, Saint-André-de-l’Eure et Verneuil-sur-Avre. Cette circonscription était tenue depuis 1958 par le Républicain indépendant (RI) Jean de Broglie, ce dernier ayant été assassiné dans des circonstances mystérieuses le 24 décembre 1976, et son suppléant, l’industriel et conseiller général Pierre Monfrais l’ayant remplacé à l’Assemblée. Candidat du RPR, Jean-Louis Debré se classe à l’issue du premier tour en quatrième position avec 19,5 % des suffrages exprimés, derrière le député sortant (27 %), le communiste Rolland Plaisance (22,3 %) et le socialiste Luc Tinseau (21 %). Il se retire en faveur du candidat de l’Union pour la démocratie française (UDF) Pierre Monfrais, favorisant la réélection de ce dernier qui s’impose au second tour face à son rival communiste avec 55,1 % des suffrages exprimés.

A la mi-avril 1978, Jean-Louis Debré rejoint le ministre RPR du Budget, Maurice Papon, dont il est le chef de cabinet jusqu’en janvier 1979. En mai 1979, Jean-Louis Debré est affecté comme juge d’instruction au tribunal de grande instance de Paris. Il est chargé d’affaires liées au crime organisé et au grand banditisme. Pendant sept ans, il suit des dossiers parfois très médiatiques qui contribuent à le faire connaître progressivement du grand public. En 1981, il envoie, sur commission rogatoire, la brigade financière et les inspecteurs de la brigade du proxénétisme et des stupéfiants du commissaire divisionnaire Emmanuel Morin contrôler la comptabilité du célèbre proxénète parisien Henri Botey et de son épouse, gérante de bars à hôtesses de Pigalle. L’année suivante, le couple est condamné à des peines de prison. A l’automne 1984, Jean-Louis Debré supervise l’enquête de la brigade de répression du banditisme contre Maurice Joffo, célère coiffeur-restaurateur et receleur de bijoux volés pour le « Milieu » parisien. A l’automne 1986, le frère de l’auteur du roman autobiographique Un sac de billes paru en 1973 est condamné à quatre ans d’emprisonnement. Mais Jean-Louis Debré ne s’occupe pas seulement d’affaires criminelles liées au grand banditisme. Le juge d’instruction suit également des dossiers relevant du contre-espionnage et de la lutte antiterroriste. En 1982, il est ainsi concerné par le suivi de l’affaire Virgil Tanase, ce dissident roumain réfugié en France depuis 1977 et qui, ciblé par les services secrets de Bucarest, est protégé par la DST qui organise un faux enlèvement pour le mettre à l’abri. Il s’occupe également du dossier Bruno Bréguet-Magdalena Kopp, deux proches du terroriste d’extrême gauche Carlos, auteur de nombreux attentats sur le sol français dans la deuxième moitié des années 1970. Entre deux affaires, Jean-Louis Debré se fait historien, publiant chez Perrin plusieurs ouvrages consacrés à l’histoire de la justice à l’époque contemporaine : La Justice au XIXe siècle (1981) et La République des avocats (1984).

La victoire de la gauche à la présidentielle de mai 1981 fait de Jean-Louis Debré un adversaire politique résolu du nouveau président de la République François Mitterrand, socialiste. Conscient de la dynamique du Parti socialiste (PS) après la présidentielle, le magistrat gaulliste laisse toutefois le candidat de l’Union pour la démocratie française (UDF) Pierre Monfrais représenter seul l’opposition de droite dans la 1ère circonscription de l’Eure. Victime de la « vague rose », le député sortant est de fait battu au second tour par le socialiste Luc Tinseau. En mars 1986, Jean-Louis Debré, resté proche de Jacques Chirac, se présente aux législatives qui se déroulent au suffrage proportionnel départemental de liste. En première position sur la liste RPR dans l’Eure, il est élu et rejoint le Palais-Bourbon (où il retrouve son frère Bernard et son père Michel). Il s’inscrit au groupe du RPR et choisit la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, dont il devient secrétaire le 9 avril. Dans une interview au magazine Paris-Match du 4 avril, l’ancien juge d’instruction provoque une polémique en présentant « l’arsenal antiterroriste » qu’il compte défendre au sein de la commission des lois. Plaidant pour l’allongement de la garde à vue à quatre jours dans les affaires de terrorisme, Jean-Louis Debré estime que, dès qu’ils ont accès au dossier, « les avocats peuvent alors renseigner le réseau terroriste et bloquer les investigations ». Il plaide pour la multiplication des écoutes téléphoniques, « y compris quand les terroristes discutent avec leurs avocats ». Ces propos sont dénoncés par la Confédération syndicale des avocats (CSA) et par le président de la conférence des bâtonniers, l’avocat Marcel Rouxel. En septembre 1987, le Syndicat des avocats de France (SAF) gagne en appel son procès intenté au député de l’Eure. Un an plus tôt, Jean-Louis Debré publie aux Editions n°1 un étonnant roman Le Curieux, où il imagine l’assassinat en France d’un ambassadeur d’un pays de l’Est. Pour la première fois dans l’histoire du roman policier, le héros principal de l’ouvrage n’est pas un commissaire mais un juge d’instruction. Ce dernier, « au regard bleu », « à la poignée de main franche », « solitaire » mais aidée d’une greffière « fidèle », est poussé au suicide, lâché par ses supérieurs et victime d’un complot politique mené par la gauche.

Durant cette courte législature, le député de l’Eure est rapporteur de plusieurs textes de loi relatifs aux contrôles et vérifications d’identité (juillet 1986), aux magistrats de l’ordre judiciaire servant dans les organisations internationales (décembre 1986), à la poursuite et au jugement de certaines infractions commises à l’étranger (avril 1987), à la situation des magistrats nommés à des fonctions de premier grade (juin 1987). Membre de la commission d’enquête relative aux événements de novembre et décembre 1986 (manifestations contre la loi Devaquet), il est aussi vice-président de la commission mixte paritaire constituée pour l’examen du projet de loi relatif au Conseil des Prud’hommes (décembre 1986) et siège dans d’autres commissions mixtes paritaires chargées de l’examen de textes de loi portant sur la fonction publique territoriale et la réforme du contentieux administratif. Il dépose une proposition de loi relative au code de procédure pénale (décembre 1986). Jean-Louis Debré prend une part active aux débats portant sur la création d’un institut national de l’enseignement, de la recherche, de l’information et de la prévention sur les toxicomanies (octobre 1987) et sur la lutte contre le trafic de stupéfiants (décembre 1987). Le même mois, il s’engage dans la discussion autour du projet de loi relatif aux garanties individuelles en matière de placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire et portant modification du code de procédure pénale. Il vote en faveur du projet de loi relatif aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France (la loi du 9 septembre 1986).

La nouvelle victoire de François Mitterrand à la présidentielle du printemps 1988, et la dissolution de l’Assemblée nationale provoquent des législatives anticipées en juin 1988. Jean-Louis Debré se présente avec l’investiture RPR dans la 1ère circonscription de l’Eure au sud du département. Depuis le redécoupage de novembre 1986, cette dernière comprend les cantons de Breteuil, Conches-en-Ouche, Evreux-1, Pacy-sur-Eure, Saint-André-de-l’Eure et Verneuil-sur-Avre. Aidé par sa suppléante Françoise Charpentier, maire et conseillère générale de Damville, le gaulliste arrive en tête du premier tour avec 45,5 % des suffrages exprimés, loin devant le socialiste Luc Tinseau (35,8 %). Il s’impose au second tour avec 52,7 %. A l’Assemblée nationale, il retrouve le groupe RPR présidé par le chiraquien Bernard Pons et la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Dans l’opposition, il participe à partir de décembre 1989 à la mission d’information commune sur l’intégration des immigrés. Il rejoint plusieurs commissions d’enquête, travaillant sur les modalités de financement des campagnes électorales et des partis et groupements politiques ayant soutenu des candidats aux élections nationales depuis 1958 (mai 1991) et sur les moyens de lutter contre les tentatives de pénétration de la Mafia en France (octobre 1992). Durant cette législature, il dépose plusieurs propositions de loi, tendant à limiter la primauté des traités internationaux sur les lois (octobre 1990), à renforcer les garanties des personnes inculpées (mai 1991), à modifier la composition du Conseil supérieur de la magistrature ainsi que le mode de désignation de ses membres (mai 1991). Il est rapporteur de plusieurs propositions de loi visant à rendre obligatoire la publication légale du non-lieu à la demande de l’intéressé (octobre 1989), à compléter le code de procédure pénale pour permettre aux associations de défense des intérêts moraux et de l’honneur des combattants et des morts pour la France de se constituer partie civile (octobre 1989), à assurer la représentation des retraités au Conseil économique et social (novembre 1989), à interdire le territoire français aux personnes ayant pénétré ou séjourné sans les titres ou autorisations nécessaires ou y ayant introduit des substances illicites (novembre 1990), à supprimer les contrôles de police pour les citoyens français entre la métropole et les départements d’outre-mer (novembre 1990), à mettre en place un bilan écologique des entreprises (novembre 1990), à inclure dans le code pénal des mesures répressives à l’égard des directeurs de messageries roses coupables d’outrages aux bonnes mœurs par la voie de services télématiques (avril 1991), à étendre les mesures de lutte contre l’alcoolisme au volant à la conduite automobile sous l’influence de drogues illicites (octobre 1991). Mais aussi à aggraver les peines en matière de contrefaçons des moyens de paiement (octobre 1991), à améliorer la sécurité financière des bénéficiaires de permis de construire (avril 1992), à moraliser l’exercice du droit de préemption (avril 1992), à améliorer la protection des occupants de bonne foi contre les actes de détérioration des logements (avril 1992), à instaurer la transparence foncière (avril 1992). Il prend part aux discussions de divers projets de loi portant sur le financement des campagnes électorales (octobre 1989), la réforme des dispositions générales du code pénal (octobre 1989). Il rejoint en octobre 1990 la commission spéciale constituée pour l’examen du projet de loi relatif à l’administration territoriale de la République. L’examen annuel du projet de loi de finances lui donne l’occasion d’intervenir lorsqu’il est question des moyens financiers alloués à la justice (novembre 1989, octobre 1990, novembre 1991, octobre 1992). De manière générale, ce magistrat devenu député suit de près les projets de loi relatifs à la justice, comme ceux portant réforme des procédures civiles d’exécution (avril 1990, avril 1991), de certaines professions judiciaires et juridiques (juin 1990) et de la procédure pénale (octobre 1992) ou relatifs à l’aide juridique (avril 1991). A l’occasion, il s’intéresse à d’autres dossiers portant sur le mécénat (juin 1990), les élections cantonales et régionales (octobre 1990), le statut de la collectivité territoriale corse (novembre 1990, avril 1991), la prévention de la corruption et la transparence de la vie économique et des procédures publiques (octobre 1992). Il vote en faveur du projet de loi relatif au revenu minimum d’insertion (RMI) (la loi du 1er décembre 1988). Il s’implique fortement dans les débats sur le traité de Maastricht et ne prend pas part au vote en deuxième lecture sur le projet de loi constitutionnelle ajoutant à la Constitution un titre « De l’Union européenne ».

Conseiller municipal d’Evreux depuis les municipales de mars 1989, Jean-Louis Debré améliore son implantation locale en se faisant élire conseiller général du canton de Nonancourt en mars 1992 (il démissionne en avril 2001 conformément à la loi sur le cumul des mandats). Secrétaire RPR de la commission permanente du Conseil général de l’Eure, il est en mars 1998 le vice-président de l’assemblée départementale. Le député RPR de l’Eure s’affirme comme un opposant résolu du maire communiste d’Evreux, Rolland Plaisance, qui tient l’hôtel de ville depuis 1977. Sur le plan militant, ce proche de Jacques Chirac est nommé en 1988 secrétaire national du RPR, chargé de la justice. Il conserve cette fonction jusqu’en 1993, contribuant, avec Alain Juppé, à protéger le maire de Paris contre les assauts des « rénovateurs », ces quadras (Michel Barnier, Alain Carignon, François Fillon, Michel Noir, Etienne Pinte, Philippe Séguin…) qui, profitant de l’affaiblissement de Jacques Chirac après son revers de la présidentielle, entendent renouveler la gouvernance du parti à leur profit. En mai 1989, Jean-Louis Debré signe un texte avec d’autres élus RPR affirmant, dans la perspective de la prochaine présidentielle, leur fidélité totale à Jacques Chirac qui « est et doit rester le fédérateur de toutes les sensibilités ». Le député de l’Eure joue un rôle important lors des assises du RPR au Bourget de février 1990 qui voit la tendance légaliste s’imposer face au courant Pasqua-Seguin. Porte-parole de l’opposition RPR-UDF de 1988 à 1993, chargé des questions de justice et de sécurité, Jean-Louis Debré est nommé après les législatives de 1993 secrétaire général adjoint et porte-parole du RPR (il conserve cette fonction jusqu’à la présidentielle de 1995).

Lors des législatives de mars 1993, Jean-Louis Debré se représente dans la même circonscription. Porté par un contexte politique national désormais très favorable à l’opposition RPR-UDF et toujours soutenu par sa suppléante Françoise Charpentier, il frôle la réélection dès le premier tour avec 46,5 % des suffrages exprimés. Son adversaire du second tour est le candidat du Front national (FN) Jean-Pierre Lussan (17,3 %), dont la présence à ce niveau de la compétition témoigne de l’ancrage local du parti d’extrême droite dans une Eure touchée par la crise socio-économique. Ayant bénéficié d’un front républicain contre le candidat nationaliste, le député sortant s’impose facilement au second tour avec 70,9 % des suffrages exprimés. Il retrouve le groupe RPR ainsi que la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Jacques Chirac l’ayant pressé de ne pas accepter de poste ministériel pour mieux « tenir la maison » (le RPR), il suit cette consigne et reste au Palais-Bourbon. Durant cette législature, il dépose deux propositions de loi organiques relatives au Conseil supérieur de la magistrature (mai 1993) et à l’exercice par les citoyens de l’Union européenne résidant en France du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales (août 1995). Il vote en faveur du projet de loi relatif aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale (la loi du 22 juillet 1993).

Lors des primaires qui opposent, au sein du RPR, Jacques Chirac à Edouard Balladur en 1994, Jean-Louis Debré fait d’emblée le choix de la fidélité au maire de Paris tandis que son frère Bernard, député-maire d’Amboise et ministre de la Coopération dans le gouvernement d’Edouard Balladur, soutient ce dernier. Ce positionnement est d’autant plus notable que les premiers sondages donnent Jacques Chirac largement battu par le Premier ministre. Aux côtés d’Alain Juppé, Jacques Toubon, Bernard Pons et Philippe Séguin, le député de l’Eure occupe une place centrale dans le dispositif de campagne de Jacques Chirac dont il est un des porte-paroles officiels. Il lui rend visite tous les dimanches à l’hôtel de ville. Son appui permet au maire de Paris d’occuper symboliquement le terrain de l’orthodoxie gaulliste. Jean-Louis Debré se rend dans près de 70 fédérations RPR, s’efforçant d’entretenir la flamme chiraquienne partout, y compris outre-mer. C’est d’ailleurs à La Réunion - dont Michel Debré avait été député de 1963 à 1988 - que Jacques Chirac, alors au creux des sondages, lui confie sa volonté, en cas de nouvel échec à la présidentielle, de tout arrêter pour ouvrir… une agence de voyages. Profitant de ses fonctions de porte-parole du RPR, Jean-Louis Debré harcèle médiatiquement le Premier ministre, réclamant dès 1994 une « véritable rupture » avec l’Elysée, avant de renforcer ses piques début 1995, soupçonnant Edouard Balladur de « complaisance » envers François Mitterrand. Il lui reproche son « conformisme » et l’accuse de trahir le « pacte » censé le lier à son « ami de trente ans ». Cette primaire à droite est l’occasion pour Jean-Louis Debré de s’opposer frontalement à Nicolas Sarkozy qui a fait le choix d’Edouard Balladur. La tension monte entre les deux hommes. Le député de l’Eure, figure du gaullisme orthodoxe, apprécie peu la ligne néo-libérale du ministre du Budget qu’il accuse par ailleurs d’opportunisme.

Elu Président de la République, Jacques Chirac récompense le sens de l’organisation, la pugnacité et surtout la fidélité de Jean-Louis Debré en le faisant entrer au gouvernement, le 18 mai 1995, comme ministre de l’Intérieur. Le chevau-léger du maire de Paris accède enfin aux premiers rangs de la vie politique. Sa nomination est d’autant plus remarquée que c’est la première fois qu’un magistrat accède à la Place Beauvau (Pierre Joxe, venu de la Cour des comptes, était certes un magistrat mais pas de l’ordre judiciaire). Avec Jacques Toubon à la Justice, ce sont deux fidèles que le nouveau chef de l’Etat place à ses côtés dans le gouvernement Juppé. Remplacé au Palais-Bourbon par sa suppléante Françoise Charpentier, Jean-Louis Debré est confirmé aux fonctions de ministre de l’Intérieur dans le gouvernement Juppé II du 7 novembre 1995. L’intéressé semble par ailleurs abandonner Evreux pour se présenter en juin aux élections municipales dans le XVIIIe arrondissement de Paris, que vient de quitter Alain Juppé. Elu, il entre au conseil de Paris et se voit nommer adjoint par le nouveau maire, Jean Tiberi, aux côtés duquel il siège jusqu’en juin 1997. Il est chargé de la vie locale.

Comme ministre de l’Intérieur, Jean-Louis Debré, qui a décoré son bureau de la Place Beauvau d’une Marianne de Jacques Faizant et d’une affiche de L’Express de 1966 intitulée « Debré revient », doit faire face à la vague d’attentats terroristes commis entre juillet octobre 1995 sur le sol français par le groupe djihadiste algérien, le Groupe islamique armé (GIA). Le plus sanglant est l’attentat de la station Saint-Michel, commis le 25 juillet 1995, et dont le bilan s’élève à huit morts et 150 blessés. S’agissant de l’action menée contre les activistes corses, le ministre est critiqué pour avoir laissé s’organiser une conférence de presse d’indépendantistes armés en janvier 1996 dans le village de Tralunca en Haute-Corse. Mais l’essentiel des reproches dont il fait l’objet à gauche porte sur sa gestion du dossier des étrangers en situation irrégulière. Le 23 août 1996, il ordonne l’expulsion de près de 300 sans-papiers qui occupent l’église Saint-Bernard à Paris. L’image de l’intervention musclée des forces de police fait le tour des médias et choque une partie de l’opinion même si le ministre tient un discours combinant humanisme et fermeté. Il met en avant son respect de l’autorité de l’Etat. « Toute la loi, rien que la loi » proclame-t-il dans les journaux. Des manifestations hostiles au gouvernement Juppé rassemblent des dizaines de milliers de protestataires qui exigent l’abrogation des « lois Pasqua-Debré » visant à réguler l’immigration. En novembre 1996, Jean-Louis Debré défend à l’Assemblée un projet de loi portant « diverses dispositions relatives à l'immigration », et qui envisage notamment d’intensifier le dispositif d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, d’étendre les contrôles d'identité sur les lieux de production et les chantiers, de permettre aux officiers de police, sous certaines conditions, de fouiller les véhicules. Bien qu’ancien juge, le ministre donne souvent raison à la hiérarchie policière lorsque celle-ci entre en conflit avec un magistrat instructeur. En 1997, il revient sur son action à la tête du ministère dans un ouvrage paru chez Jean-Claude Lattès, En mon for intérieur. Il y évoque les enquêtes sur les attentats, la menace terroriste, la montée des extrémismes, les controverses sur l’immigration et la réforme de l’Etat.

La dissolution de l’Assemblée nationale en mai 1997 provoque des législatives anticipées perdues par la droite. Jean-Louis Debré se représente dans la 1ère circonscription de l’Eure avec l’investiture du RPR. Il obtient au premier tour 34,3 % des suffrages exprimés, devançant nettement son premier adversaire, la conseillère municipale d’Evreux et conseillère générale représentant le Mouvement radical de gauche (MRG) Anne Mansouret (18,7 %). Au second tour, le député sortant s’impose avec 53,6 %. Une troisième période de cohabitation s’ouvre entre le président Chirac et le nouveau Premier ministre socialiste Lionel Jospin. Le député sortant retrouve à l’Assemblée nationale le groupe RPR dont la présidence est vacante depuis le départ de Philippe Séguin pour la direction du RPR. Un scrutin s’ouvre le 16 septembre qui oppose cinq candidats. Jean-Louis Debré, qui représente le courant chiraquien même s’il s’en défend, affronte le favori, Franck Borotra, député séguiniste et président du conseil général des Yvelines, ainsi que Michèle Alliot-Marie, députée des Pyrénées-Atlantiques, Dominique Perben, député de Saône-et-Loire, et Jacques Godfrain, député de l’Aveyron. L’ancien ministre de l’Intérieur crée la surprise en obtenant, dès le premier tour, 57 voix contre 30 seulement pour Franck Borotra. Il est élu au second tour face à Franck Borotra, par 81 voix contre 57. Comment expliquer ce succès alors que le même Jean-Louis Debré avait échoué en juin à prendre le secrétariat général du parti ? Les balladuriens, qui n’apprécient pas Jean-Louis Debré, ont commis l’erreur de sous-estimer sa candidature, alors qu’il a réellement mené campagne, contrairement à ses adversaires. Le fidèle de Jacques Chirac est estimé des députés de base qui aiment son gaullisme chevillé au corps comme son discours sécuritaire ancré à droite. Ils n’ont pas oublié par ailleurs l’accueil bienveillant que l’ancien titulaire de la place Beauvau réservait à leurs demandes. Ils apprécient enfin sa disponibilité, l’intéressé n’exerçant pas de fonctions locales à la différence de ses rivaux tous maires et/ou présidents d’un exécutif départemental ou régional. Bien que pris par ses fonctions de président de groupe d’opposition, le député de l’Eure trouve le temps, au printemps 1998, de publier un troisième roman policier, Pièges, chez Robert Laffont, évoquant les manœuvres de la mafia russe en Europe et une enquête de police étouffée par une énarque sans que le gouvernement ne s’en rende compte.

Au Palais-Bourbon, Jean-Louis Debré opte pour la commission de la défense nationale et des forces armées. Durant cette législature, il dépose de nombreuses propositions de loi portant sur des sujets très divers : prévention et contrôle de la prolifération de l’algue Caulerpa taxifolia (janvier 1999), protection des droits des usagers, amélioration du dialogue social et continuité des services publics (février 1999), actionnariat des salariés (mars 1999), développement des soins palliatifs et de l’accompagnement (avril 1999), assouplissement des conditions de report du service national (septembre 1999), soutien au monde associatif et promotion du bénévolat (décembre 1999), réforme du PEA pour développer l’actionnariat populaire (décembre 1999), protection du patrimoine des artisans et commerçants (décembre 1999), établissement et révision des listes électorales à Paris (juin 2000), compétence des tribunaux judiciaires pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés en matière médicale et paramédicales et dirigées contre une personne morale de droit public (juin 2000), protection du patrimoine (février 2001), transparence du fonctionnement des pouvoirs publics et suppression des fonds spéciaux (juillet 2001), représentation plus équitable des Iles Sous-le-Vent et des îles Tuamotu et Gambier au sein de l’Assemblée de la Polynésie française (novembre 2001). Très présent dans les débats publics comme président du premier groupe d’opposition, le député de l’Eure participe activement à l’examen de très nombreux textes de loi portant sur des sujets divers : mesures urgentes à caractère fiscal et financier (septembre 1997), développement d’activités pour l’emploi des jeunes (octobre 1997), nationalité (novembre 1997), entrée et séjour des étrangers en France et droit d’asile (décembre 1997), réduction du temps de travail (janvier 1998), dispositions d’ordre économique et financier (mars 1998), limitation de la détention provisoire (avril 1998), polices municipales (avril 1998 et janvier 1999), lutte contre l’exclusion (mai 1998), cumul des mandats électoraux et des fonctions électives (mai 1998), régime des armes et munitions (mai 1998), Conseil supérieur de la magistrature (juin 1998), Nouvelle-Calédonie (juin 1998), contrat d’union sociale (octobre 1998), pacte civil de solidarité (novembre 1998 et octobre 1999), aménagement et développement durable du territoire (janvier 1999), création d’une couverture maladie universelle (avril 1999), réduction négociée du temps de travail (octobre 1999), modernisation et au développement du service public de l’électricité (janvier 2000), organisation et promotion des activités physiques et sportives (février 2000), archéologie préventive (février 2000 et décembre 2000), solidarité et renouvellement urbain (mars 2000), secteur public de la communication audiovisuelle (mars 2000), définition des délits non intentionnels (avril 2000), droit de vote et éligibilité des résidents étrangers pour les élections aux conseils des collectivités territoriales (mai 2000), outre-mer (mai 2000), durée du mandat du président de la République (juin 2000), IVG et contraception (décembre 2000), habilitation du gouvernement à transposer par ordonnances des directives communautaires et à mettre en œuvre certaines dispositions du droit communautaire (décembre 2000), indemnisation des condamnés reconnus innocents (décembre 2000), antériorité de l’élection présidentielle par rapport à l’élection législative (décembre 2000), modernisation sociale (janvier et décembre 2001), réforme des tribunaux de commerce (mars 2001), prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et allocation personnalisée d’autonomie (avril 2001), sécurité quotidienne (avril et octobre 2001), Corse (mai et novembre 2001), statut des magistrats (mai 2001), démocratie de proximité (juin 2001), rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d’assurance maladie (février 2002), protection de la présomption d’innocence et droit des victimes (février 2002). Il s’implique dans l’examen annuel du financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances. Il dépose le 29 avril 1998 une motion de censure avec François Bayrou et cent quarante membres de l’Assemblée contre le gouvernement de Lionel Jospin qui est repoussée. En juin 2001, à l’issue de la révélation de l’existence de primes versées en espèces aux membres des cabinets ministériels, le président du groupe RPR de l’Assemblée attire l’attention des médias en demandant au gouvernement de légiférer sur les fonds secrets et de présenter un projet de loi sur l’utilisation de ces fonds spéciaux, assurant que son groupe est prêt à présenter sa propre proposition de loi lors de sa prochaine « niche » parlementaire. A ses yeux, il est en effet nécessaire de mettre fin à tout emploi des fonds spéciaux pour des financements politiques. Durant cette législation, il vote contre le projet de loi d’orientation et de réduction du temps de travail (35 heures) (la loi du 13 juin 1998) et également contre la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (PACS) (la loi du 15 novembre 1999). Il approuve en revanche la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Bien implanté dans l’Eure comme conseiller général depuis 1992 (réélu en mars 1998) et conseiller municipal d’Evreux de 1989 à 1995, Jean-Louis Debré parvient au printemps 2001 à arracher la ville d’Evreux au maire communiste Rolland Plaisance. Il reste maire de la préfecture de l’Eure jusqu’en 2007 et son accession à la présidence du Conseil constitutionnel. Il préside également la tête de la communauté d’agglomération d’Evreux à partir d’avril 2001. Partisan de longue date d’une fusion administrative des deux régions normandes, il est en 2000 le cofondateur de l’Association pour la réunification de la Normandie. Sur le plan militant, Jean-Louis Debré, promu en septembre 1994 premier secrétaire général adjoint et porte-parole du RPR, assure en juin-juillet 1997 le secrétariat général du RPR par intérim, en remplacement de Jean-François Mancel battu lors des législatives. Il entre en juin 1998 au comité politique du RPR puis en avril 1999 au conseil politique du même parti.

Dans les mois qui précèdent le scrutin présidentiel de mai 2002, Jean Louis Debré siège dans le comité d’orientation de la campagne de Jacques Chirac. Il participe activement à la réélection du président sortant dans le contexte particulier d’un deuxième tour face à Jean-Marie Le Pen. Dans la foulée, il fait partie du conseil des fondateurs du nouveau parti de droite, l’Union pour la majorité présidentielle (UMP) et intègre son comité exécutif. Lors des législatives de juin 2002, Jean-Louis Debré est investi par l’UMP dans sa circonscription de l’Eure. Il retrouve son adversaire de 1997, Anne Mansouret qu’il distance nettement au premier tour avec 46,3 % des suffrages exprimés contre 20,9 % pour sa rivale MRG. Le second tour confirme la dynamique du député sortant qui s’impose avec 61,7 % des suffrages exprimés. Il s’inscrit au groupe UMP et rejoint la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Il siège dès le 4 juin dans la mission d’information sur la question des signes religieux à l’école dont il est le président et le rapporteur. Il participe à la publication en 2004 chez l’éditeur Odile Jacob du rapport de la commission.

N’étant pas invité dans le nouveau gouvernement dirigé par Jean-Pierre Raffarin, Jean-Louis Debré décide, contre l’avis de Jacques Chirac qui aurait, selon certains observateurs, préféré Alain Juppé, de présenter sa candidature à la présidence de l’Assemblée nationale. Il affronte Edouard Balladur également intéressé par le « perchoir ». L’ancien président du groupe RPR obtient l’investiture du nouveau groupe UMP, ce qui lui permet, au premier tour de scrutin, de s’imposer face à l’ancien Premier ministre par 217 voix contre 163. Edouard Balladur ayant décidé de se retirer, Jean-Louis Debré est élu au second tour, le 27 juin 2002, président de l’Assemblée nationale. Il a obtenu 342 voix contre 142 pour la socialiste Paulette Guichard-Kunstler et 21 pour la communiste Muguette Jacquaint. Cette nouvelle fonction prestigieuse lui vaut d’être nommé en 2003 « révélation politique de l’année » (prix du Trombinoscope). Il reçoit l’année suivante un « Marianne d’or ». Président de droit du bureau de la section française de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), il est membre du bureau du groupe UMP en qualité de président de l’Assemblée nationale. En avril-mai 2004, il est président-rapporteur de la mission d’information sur la problématique de l’assurance-maladie.

A la présidence de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré prend très vite ses marques. Il officie directement le plus souvent, déléguant peu aux vice-présidents en exercice son rôle d’ordonnateur des débats. De son siège de président, face aux 577 députés de gauche et de droite, il surveille les mouvements dans les travées, morigénant certains élus d’un signe de tête, donnant la parole à d’autres avec courtoisie. Lors des séances d’actualité le mardi ou mercredi en début d’après-midi, il n’hésite pas à interrompre au terme de leur temps imparti des ministres trop bavards et à réconforter des parlementaires inexpérimentés qui peinent à formuler leurs questions. Attachant beaucoup d’importance au rôle des missions parlementaires et commissions d’enquête, il suit de près les grands débats sur les questions politiques sensibles (laïcité, 35 heures, entrée éventuelle de la Turquie dans l’Union européenne…). Jean-Louis Debré se révèle surtout un président très attentif aux droits de l’opposition. En juin 2004, dans un entretien au Monde, il évoque le renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement qu’il appelle de ses vœux et présente un certain nombre de propositions concernant le fonctionnement de l’Assemblée et de ses commissions. Il évoque notamment la possibilité que certains présidents de commissions permanentes ne soient plus issus de la majorité. Déjà à l’origine de la réforme du règlement prévoyant que ceux qui se trouvent à l’initiative d’une commission d’enquête puissent y occuper la fonction de président ou celle de rapporteur, il milite pour qu’une fois par semaine ou par mois au minimum soit organisé un échange de questions avec le Premier ministre qui durerait 45 minutes, dont un peu moins de la moitié pour l’opposition.

Cette réflexion aboutit au printemps 2006 à la discussion d’une réforme générale du fonctionnement de l’Assemblée. L’objectif est triple : faciliter le travail législatif (en évitant les débats qui s’éternisent et l’obstruction parlementaire), renforcer le pouvoir de contrôle de l’Assemblée et conforter les droits de l’opposition. Onze propositions de résolution sont discutées en mars, dont une porte sur la globalisation du temps de parole pour la discussion générale des projets de loi et des amendements. Chaque groupe parlementaire se verrait affecté un temps de parole global en fonction de son importance. Cela permettrait de corriger la situation qui prévalait alors et qui voyait, par le jeu des motions de procédure et de la discussion générale sur les articles, les petits partis obtenir lors des débats sur les textes de loi autant d’heures d’expression que la majorité. Jean-Louis Debré réaffirme son souhait de pluralisme dans toutes les missions et commissions d’enquête (un président d’une tendance, un rapporteur d’une autre) et annonce la création d’un statut de l’opposition.

Jean-Louis Debré déplore aussi la multiplication des « lois déclaratives ». Selon lui, la loi n’est pas faite pour seulement affirmer des évidences mais pour fixer des normes, afin de rendre possibles ces déclarations de principe. Pour le président de l’Assemblée, il faut combattre l’inflation législative et plus précisément les lois « trop longues, trop techniques, trop bavardes ». Renvoyant aux grandes lois qui ont marqué l’histoire de la République (droit d’association, liberté de la presse, séparation des Eglises et de l’Etat), il rappelle que ces textes étaient courts et présentaient un fort message politique. A ses yeux, « la loi doit seulement dire concrètement, par quelles règles juridiques, on arrive au but recherché ». Il estime que « la loi, en abandonnant la distinction entre ce qui relève de son domaine fixé par la Constitution et ce qui appartient au domaine réglementaire, perd en clarté et en lisibilité ». Selon lui, l’emballement législatif qui s’est emparé des gouvernements successifs a « créé une instabilité juridique préjudiciable à tous et qui mine l’autorité de la loi ». Consterné par certaines séances de l’Assemblée retransmises à la télévision, où les spectateurs découvrent des travées désertes ou des élus s’invectivant, le président de l’Assemblée invite régulièrement les élus à donner une meilleure image de la démocratie représentative au risque, sinon, de favoriser l’antiparlementarisme.

Même s’il s’en défend, Jean-Louis Debré utilise la présidence de l’Assemblée pour protéger les intérêts chiraquiens face à un gouvernement à dominante libérale. Profitant de la tribune médiatique offerte par une fonction qui ne suppose qu’une responsabilité politique minimale, il multiplie rapidement les coups contre le Premier ministre. Alors que ce dernier lance à l’automne 2002 son chantier de la décentralisation sans tenir compte des réserves du député de l’Eure, ce dernier dénonce publiquement à Strasbourg « l’intégrisme décentralisateur ». Le 21 janvier 2004, dans le cadre d’un entretien avec l’académicien Jean-Marie Rouart pour Paris-Match, il s’en prend au Premier ministre qui « gouverne la France comme un petit commerçant gère sa boutique » avant d’exprimer sa crainte devant cette « grande braderie qui laisserait la France en morceaux ». Ayant été informé de cette initiative avant même la sortie du magazine, Jean-Pierre Raffarin fait envoyer à l’intéressé, du banc du gouvernement au Palais-Bourbon, un petit mot où il aurait été question de « déloyauté ». Jacques Chirac doit intervenir et le président de l’Assemblée publie dans la foulée un démenti qui n’abuse personne. En avril, Jean-Louis Debré met en garde Jean-Pierre Raffarin en lui expliquant qu’avant d’aborder la deuxième lecture du projet de décentralisation à l’Assemblée, le Premier ministre serait bien inspiré de conduire une vraie concertation afin de faire passer la réforme dans la sérénité, ajoutant que la politique française ne devait « pas être dictée par les intégristes du libéralisme ». Faisant allusion au MEDEF, il rappelle que le gouvernement ne « saurait être l’expression de quelque organisation professionnelle que ce soit » et que l’économie n’était pas « la seule recherche du profit ». Concernant la laïcité, la commission parlementaire qu’il a formée prend de vitesse la commission Stasi et se prononce, comme Jack Lang, pour l’interdiction à l’école de tous les signes religieux « visibles ». La droite chrétienne, libérale, décentralisatrice et giscardienne de Jean-Pierre Raffarin est décidément éloignée de la droite laïque, étatiste, jacobine et gaulliste qu’incarne le président de l’Assemblée.

Ce positionnement social et étatiste, tout comme cette liberté de ton par rapport au gouvernement, lui valent bientôt une certaine popularité à gauche. Celle-ci apprécie aussi que le président de l’Assemblée se montre très respectueux avec les présidents de groupes communiste et socialiste, Alain Bocquet et Jean-Marc Ayrault alors qu’il fait régulièrement la leçon aux ministres. De fait, Jean-Louis Debré coupe le micro à Hubert Falco, secrétaire d’Etat aux Personnes âgées, critique Xavier Darcos, ministre délégué à l’Education nationale pour une réponse ratée sur les écoles maternelles et entretient de mauvais rapports avec Jean-François Copé, secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le Parlement. Même les ministres influents que sont Nicolas Sarkozy à l’Intérieur et François Fillon au Travail ne sont pas épargnés. Le titulaire du « perchoir » n’hésite pas à faire savoir qu’il trouve la politique du gouvernement « illisible », qu’il déplore la « mauvaise » gestion du dossier des intermittents du spectacle et qu’il souhaite une commission d’enquête sur la canicule dont le PS pourrait prendre la présidence. Soucieux d’accorder plus de temps de parole à l’opposition, il décide en février 2004, lors du débat sur la laïcité, d’accorder dix minutes à tous les députés désireux d’intervenir sur le sujet. Alors que la gauche raillait au début un godillot chiraquien trop droitier, elle le perçoit désormais comme un « bon président » selon la formule du chef des députés socialistes. Cette bienveillance à l’égard de l’opposition n’empêche pas Jean-Louis Debré de rencontrer le Premier ministre une fois par semaine, le lundi à 19h, pour des entretiens sur la politique gouvernementale.

Face à ceux qui, dans la majorité, le trouvent trop favorable à l’opposition, Jean-Louis Debré se présente comme le défenseur impartial des droits du Parlement et note que, durant les débats sur la réforme des retraites, il a sauvé la mise du gouvernement en présidant des nuits entières, ménageant la gauche pour finir dans les temps, là où Jean-Pierre Raffarin et ses ministres campaient sur des positions trop intransigeantes. Au « perchoir », Jean-Louis Debré reste surtout profondément chiraquien. Tous les samedi ou dimanche, vers 16h, le président de l’Assemblée se rend à l’Elysée où il est reçu par le chef de l’Etat qui le tutoie tandis que son interlocuteur le vouvoie. Les deux hommes passent en revue les ministres avec une grande liberté de ton. Jean-Louis Debré sort de ces réunions avec des éléments de langage sur les dossiers sensibles qu’il communique ensuite à des gaullistes réticents devant les orientations libérales et décentralisatrices du gouvernement (René André, François Baroin, Henri Cuq, Pierre Mazeaud…). Les services rendus par le président de l’Assemblée au chef de l’Etat sont multiples, à commencer par le fait de s’être chargé lui-même du rapport parlementaire sur le port des signes religieux à l’école. Ce faisant, Jean-Louis Debré démine un terrain délicat et oriente le Parlement dans le sens souhaité par Jacques Chirac : l’adoption d’un texte de loi contre le voile. Au moment où Nicolas Sarkozy, ministre des Cultes en même temps que de l’Intérieur, affirme qu’il est préférable de ne pas légiférer sur les signes religieux et où Luc Ferry et le Premier ministre s’interrogent sur le bien-fondé d’un nouveau texte, Jean-Louis Debré suit la ligne fixée par l’Elysée : réaffirmer la laïcité comme une pierre angulaire de la République. Son autorité et son influence sont telles que fin novembre 2003, son nom circule même comme possible Premier ministre en cas de défaillance de Jean-Pierre Raffarin.

A partir de mai 2005, Jean-Pierre Raffarin est remplacé à Matignon par Dominique de Villepin. Les relations de Jean-Louis Debré avec le nouveau chef de gouvernement sont meilleures qu’avec son prédécesseur. Dominique de Villepin est un proche de Jacques Chirac, qu’il a secondé comme secrétaire général de la présidence de la République lors du premier mandat présidentiel de l’ancien maire de Paris. Même si le président de l’Assemblée soutient plusieurs actions du Premier ministre, notamment en matière de patriotisme économique, cela ne l’empêche pas de rester critique quand l’institution parlementaire lui parait malmenée et de jouer l’aiguillon des politiques gouvernementales quand celles-ci lui semblent insuffisantes ou inefficaces. Il estime ainsi que Dominique de Villepin pourrait mener une lutte plus audacieuse contre le chômage, il soutient le contrat de premier emploi (CPE) mais déplore le recours au 49-3 pour faire passer la réforme, il s’oppose enfin à la mise en place du quinquennat voulu par le tandem Chirac-Villepin au nom de l’orthodoxie gaulliste. En décembre 2005, une commission d’enquête parlementaire est mandatée pour analyser les dysfonctionnements de l’instruction dans l’affaire d’Outreau et proposer une réforme du fonctionnement judiciaire. Jean-Louis Debré obtient que les auditions aient lieu de manière publique et soient retransmises, avec un léger différé (pour anonymiser les noms des mineurs) sur La Chaîne Parlementaire. De janvier à avril 2006, près de 220 personnes (juges, prévenus et journalistes) sont ainsi auditionnées.

Jean-Louis Debré s’efforce aussi d’ouvrir et de moderniser l’institution parlementaire. Il l’ouvre au public. Il veille à mieux faire connaître l’institution en créant la mission éditoriale. Ses qualités artistiques lui permettent aussi de concevoir des articles vendus à la Boutique de l’Assemblée nationale. Il prend l’initiative également de restituer au Château de Versailles les locaux de l’aile du Midi alors entièrement dédiée au Congrès. En juillet 2003, il crée le buzz en accueillant dans son bureau les militantes de l’association « Ni putes ni soumises ». Fils d’un député de La Réunion, il prêche pour une « République métissée » et affiche les portraits géants de quatorze Mariannes antillaises et maghrébines sur les colonnes du Palais-Bourbon. En janvier 2004, se souvenant de l’intérêt que portait son père pour les dessins de Jacques Faizant, il donne carte blanche à une demi-douzaine de caricaturistes pour croquer les figures politiques les plus en vue de la majorité : Jacques Chirac, Jean-Pierre Raffarin, Nicolas Sarkozy et lui-même. L’exposition, inaugurée en grande pompe à l’Hôtel de Lassay, lui vaut les éloges de la presse. Début décembre 2005, Jacques Chirac charge ce passionné de l’Assemblée d’une « mission pluraliste pour évaluer l’action du Parlement dans les domaines de la mémoire et de l’histoire ». En 2017, l’intéressé publiera chez Robert Laffont un livre de souvenirs, Tu le raconteras plus tard, où, en plus d’évoquer la période de la place Beauvau, il reviendra sur ses années passées à l’Hôtel de Lassay. Sur un plan privé, Jean-Louis Debré perd, en septembre 2000, à quelques heures d’intervalle deux de ses frères, Bernard le 13 septembre puis François le lendemain. En 2008, l’ancien président de l’Assemblée nationale est de nouveau éprouvé par le décès de son épouse. Il trouve du réconfort dans l’amitié fidèle de Jacques Chirac, à qui il dédicace son roman, Quand les brochets font courir les carpes, publié la même année chez Fayard.

Jean-Louis Debré est mécontent de la montée en puissance politique de Nicolas Sarkozy dans les dernières années du second mandat présidentiel de Jacques Chirac. Le président de l’Assemblée lui reproche volontiers des ambitions personnelles trop affichées et un ancrage gaulliste insuffisant. Il ne peut toutefois empêcher le très populaire ministre d’Etat de l’Economie, des finances et de l’industrie du troisième gouvernement Raffarin de prendre la tête de l’UMP, devenue entretemps Union pour un mouvement populaire, lors du congrès du Bourget en novembre 2004 et de transformer le parti en rampe de lancement vers la prochaine élection présidentielle. Ayant retrouvé l’Intérieur dans le gouvernement Villepin de juin 2005, Nicolas Sarkozy est un puissant n°2 du gouvernement qui affirme progressivement son autorité. Multipliant les réformes et annonces s’agissant de la lutte contre la récidive, la prévention de la délinquance, le combat contre le terrorisme et la limitation de l’immigration, l’ancien maire de Neuilly s’impose vite à droite. Sensible au respect de l’Etat de droit et au danger de favoriser les extrêmes par des discours parfois trop sécuritaires, Jean-Louis Debré a beau déplorer le populisme et l’opportunisme de Nicolas Sarkozy, comme la virulence de certains de ses partisans à l’Assemblée à l’image de la députée Nadine Morano, il ne peut entraver la marche vers l’Elysée du ministre de l’Intérieur, élu président de la République le 6 mai 2007.

Le 23 février 2007, alors que Nicolas Sarkozy s’apprête à entrer à l’Elysée, Jacques Chirac nomme Jean-Louis Debré à la tête du Conseil constitutionnel en remplacement de Pierre Mazeaud. L’ancien président de l’Assemblée, après avoir refusé dans un premier temps, accepte cette offre que son père avait déclinée en 1968. Si Jean-Louis Debré hésite, se voyant mal contraint au devoir de réserve qu’impose le poste, et rechignant par ailleurs à quitter la ville d’Evreux conquise sur la gauche et qu’il avait remodelée en profondeur, il suit une fois de plus Jacques Chirac, par fidélité. Pour plusieurs commentateurs politiques, ce dernier souhaite entraver l’action de son successeur en choisissant, à la tête des Sages, un de ses plus constants opposants. Avant son départ du Perchoir, Jean-Louis Debré invite l’ensemble des députés à l’Hôtel de Lassay pour célébrer la fin de la législature. Dans un dernier discours, il témoigne du « bonheur absolu » éprouvé durant ces cinq années. La gauche est unanime à saluer les mérites du président sortant. Le socialiste Jean-Marc Ayrault le qualifie de « vrai républicain » et estime qu’il a été « bien meilleur président de l’Assemblée que ministre de l’Intérieur ».

Jean-Louis Debré devient donc le neuvième président du Conseil constitutionnel depuis 1958 et se voit charger de veiller sur une constitution rédigée largement par son père et sur laquelle avait porté sa propre thèse. Deux proches de Michel Debré, Pierre Mazeaud et Yves Guéna, l’avaient précédé rue de Montpensier, dans cette « maison de la République » selon une belle formule de Jean-Louis Debré, rappelée par le secrétaire général du Conseil constitutionnel, Marc Guillaume. Pour cet amoureux de la République (comme en témoigne la collection de bustes de Marianne dans son grand bureau d’angle), cette dernière responsabilité constitue le point d’orgue d’une carrière prestigieuse au service de l’Etat. Soucieux de conserver intact ce qui lui apparait comme un régime de stabilité et d’équilibre entre exécutif et législatif, Jean-Louis Debré entend faire respecter les masses de granit de la Ve République et ce socle du « parlementarisme rationnalisé » cher à son père : irresponsabilité politique du président de la République, responsabilité collégiale du gouvernement devant l’Assemblée nationale, droit de dissolution de celle-ci par le chef de l’Etat et prérogatives gouvernementales dans le travail parlementaire.

Mais il n’est pas hostile à quelques innovations et évolutions. Il s’attache ainsi à ce que puisse être adoptée la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui renforce la protection des droits et libertés que la Constitution garantit et transforme profondément le Conseil constitutionnel lui-même. Comme le rappelle Marc Guillaume, avec la QPC, de 2010 à 2016, le Conseil a jugé davantage d’affaires que pendant ses cinquante premières années d’existence. Si moins d’un tiers des décisions rendues ont alors conclu à une inconstitutionnalité partielle ou totale, le Conseil a, dans le même temps, censuré les deux principaux régimes juridiques de privation de liberté, celui de la garde à vue (juillet 2010) et celui de l’hospitalisation sans consentement (novembre 2010). Il a fait de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 sur la séparation des pouvoirs la clé de la protection des droits et des libertés, l’invoquant dans environ 200 décisions de 2010 à 2016, pour protéger le droit à un procès équitable, les principes d’indépendance et d’impartialité (octobre 2012) ou la confiance légitime (décembre 2013).

Sous la conduite de Jean-Louis Debré, le Conseil constitutionnel s’ouvre davantage. Son président fait rénover le bâtiment qu’il aime faire visiter, à des hôtes prestigieux, à des classes du secondaire ou au grand public lors des Journées du Patrimoine. Il y organise chaque année le salon du livre juridique. Il renforce le lien avec la recherche en ouvrant aux universitaires les archives de l’institution en 2008/2009, en relançant les Cahiers du Conseil et en créant un prix de thèse. Il reçoit régulièrement des représentants de la société civile et s’entretient avec eux des lois à venir et de leurs répercussions sur la société, l’économie ou l’environnement. Il parraine la promotion 2011-2012 de l’école de formation professionnelle des barreaux de la cour d’appel de Paris, il en fera de même pour les promotions 2014-2015 de l’école des avocats du Sud-Est et 2017-2018 de l’école du Centre-Ouest des avocats. Bien que soumis au droit de réserve, Jean-Louis Debré en sort parfois à l’occasion de quelques piques contre Nicolas Sarkozy. Il émet ainsi en 2008 des « réserves » sur le style présidentiel du chef de l’Etat. Toujours fidèle à Jacques Chirac, il déplore le procès à venir de l’ancien président dans le cadre de l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris, le jugeant « inutile ». En 2010, il participe avec deux autres journalistes à l’élaboration d’un feuilleton de politique-fiction pour le quotidien Le Monde intitulé : « Chirac, le roman d’un procès ». Son mandat chez les Sages s’achève le 4 mars 2016, Laurent Fabius le remplace à la tête de l’institution. Dans un de ses derniers discours, lors de la cérémonie des vœux au président Chirac, Jean-Louis Debré cite le fameux discours de Jaurès lors de la remise des prix au lycée d’Albi, le 30 juillet 1903, où le grand leader socialiste évoquait à propos de la République « un grand acte de confiance » où des millions d’hommes se donnent « une règle commune d’action » pour « concilier le mouvement et l’ordre ». Dès le mois suivant, Jean-Louis Debré publie chez Robert Laffont un livre, Ce que je ne pouvais pas dire, où il revient sur ses neuf années passées au Palais-Royal, évoquant assez librement ses relations tendues avec Nicolas Sarkozy, ses rapports plus courtois avec François Hollande et l’évolution du Conseil notamment après la réforme constitutionnelle de 2008.

Passionné par l’histoire, Jean-Louis Debré, qui avait rejoint durant ses années du Conseil constitutionnel, l’Observatoire du patrimoine religieux comme membre d’honneur, prend dès mars 2016 la présidence du Conseil supérieur des archives où il succède à l’historienne Georgette Elgey. Créé en 1988, cet organisme consultatif, placé sous l’autorité du ministre de la Culture, est régulièrement consulté sur les programmes de publication et de recherche, sur les questions liées au développement des nouvelles technologies dans les services d'archives, ainsi que sur le classement des archives privées en tant qu'archives historiques. Parallèlement, Jean-Louis Debré intervient à partir de septembre 2016 sur les ondes comme chroniqueur de radio (Europe 1) et de télévision (Paris Première). Avec sa nouvelle compagne, Valérie Bochenek, il produit en 2022 à la Gaieté-Montparnasse une pièce de théâtre, Ces femmes qui ont réveillé la France, dans laquelle il joue lui-même et qui met en avant des femmes du XIXe et du XXe siècle qui ont modernisé le pays par leur action socio-économique, politique ou culturelle. Cette pièce, issue d’un ouvrage publié chez Fayard en 2012, rencontre un grand succès. Elle est prolongée par une tournée dans toute la France qui, en trois ans et 200 représentations, a attiré 25 000 spectateurs. En 2024, Jean-Louis Debré et Valérie Bochenek publient chez Plon un ouvrage, En coulisse, côté politique, côté spectacle, où ils évoquent cette tournée théâtrale. Cette nouvelle vie littéraire n’empêche pas l’ancien président du Conseil constitutionnel de rester engagé en politique. Lors des primaires des Républicains en 2016, il soutient la candidature de l’ancien chiraquien Alain Juppé. Son favori étant éliminé, il vote, lors de la présidentielle de l’année suivante, pour Emmanuel Macron. Ce dernier le charge, au moment du Covid 19, d’un rapport sur l’éventuel report des élections régionales et départementales prévues pour mars 2021. Son rapport, rédigé en novembre 2020, préconise l’organisation du scrutin en juin 2021, un calendrier finalement retenu par les pouvoirs publics. Dans les années 2000-2020, Jean-Louis Debré publie enfin de nombreux ouvrages relevant de l’histoire politique et notamment de l’histoire du Parlement : Les Oubliés de la République (Fayard, 2008), Dynasties républicaines (Fayard, 2009), Le Monde selon Chirac (Tallandier, 2015), Dictionnaire amoureux de la République (Plon, 2017), Nos illustres inconnus (Albin Michel, 2019), Quand les Politiques nous faisaient rire (Bouquins, 2021). En 2019, il revient sur l’histoire de sa famille dans un livre publié chez Robert Laffont.

Jean-Louis Debré meurt dans la nuit du 3 au 4 mars 2025 à l’âge de 80 ans. Les obsèques de l’ancien Président de l’Assemblée nationale réunissent de nombreuses personnalités politiques. Ces dernières se rassemblent le lundi 10 mars 2025 à la cathédrale Saint-Louis-des-Invalides à Paris afin de lui rendre un dernier hommage. On distingue des proches de Jacques Chirac, dont Jean-Louis Debré était un ami fidèle, à commencer par sa fille Claude mais aussi François Baroin et Alain Juppé. L’ancien Président François Hollande et le Premier ministre François Bayrou sont aussi présents, ainsi que Michel Barnier, Roselyne Bachelot, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez. Les témoignages sont tous élogieux, qui mettent en avant la fidélité du défunt à Jacques Chirac et sa volonté inébranlable de servir l’Etat et par là-même la France. Jean-Louis Debré, « grognard de la République » selon une formule du Nouvel Economiste en mars 2004, était profondément attaché au gaullisme dont son père et lui-même avait rappelé les grands principes dans un ouvrage écrit de concert en 1977 : « Le gaullisme affirme une volonté nationale, il exprime en même temps une morale politique, il est enfin une attitude d’esprit ». Dans ce bréviaire du gaullisme publié non sans intention politique au cœur des années Giscard, les deux auteurs insistaient sur le rôle essentiel des institutions, « aptes à soutenir un Etat ferme et responsables du bien public », sur « une souveraineté qui ne peut être asservie, ni alignée ni intégrée » et sur la Patrie, garante de l’unité nationale. Jean-Louis Debré était chevalier du Mérite agricole et grand-croix de l’ordre d’Isabelle la Catholique, dont le grand maître est le roi d’Espagne.