Jacques Roulleaux-Dugage
1907 - 1993
ROULLEAUX-DUGAGE (Jacques, Henri, Christian)
Né le 2 juin 1917 à Paris (XVIème)
Décédé le 12 août 1993 à Nantes (Loire-Atlantique)
Membre de la première Assemblée nationale constituante (Orne)
Issu d’une famille de grands notables ornais descendant de l’écrivain Pierre Caron de Beaumarchais et comptant plusieurs générations de parlementaires aux XIXème et XXème siècles, Jacques Roulleaux-Dugage est le fils d’Henry Roulleaux-Dugage – député de l’Orne de 1910 à 1930, décédé précocement en 1932 des suites d’une congestion cérébrale – et d’Yvonne Parent. Il est aussi un cousin éloigné du secrétaire général de la SFIO, Guy Mollet, dont la mère était née Roulleaux. Il fait ses études successivement à l’école de l’Île-de-France (dominicains), à Villebon, en région parisienne, à l’école Lacordaire à Paris, au lycée Janson de Sailly, puis à la Faculté de Droit de Paris et à l’Ecole libre des Sciences politiques. Licencié en droit, diplômé d’études supérieures de droit public et d’économie politique, diplômé de l’Ecole libre des Sciences politiques, il ne s’inscrit qu’après la guerre, en 1948, au barreau de Paris, où il exerce son métier d’avocat jusqu’en 1985. Le 24 octobre 1950, il épouse Colette Deschamps. Quatre enfants naissent de cette union : Marie-Thérèse (qui épouse le comte Pierre de Beaulaincourt), Charles-Henry, Odile et Nicolas.
Jacques Roulleaux-Dugage a été mobilisé en septembre 1939. D’abord envoyé à Saumur puis, en janvier 1940, à Hazebrouck, il se porte bientôt volontaire pour la Syrie, embarque à Marseille et se retrouve en Algérie au moment où est signé l’armistice. Là, il entre rapidement en contact avec les services de Robert Murphy, représentant des Etats-Unis à Alger, et travaille à préparer le débarquement des Alliés anglo-saxons en Afrique du Nord. A la fin de 1942, il rentre en France et s’installe dans le Jura. Membre du réseau Eleuthère, il contribue à faire passer nombre d’informations à l’ambassade des Etats-Unis à Berne, dans le cadre de la préparation des débarquements en France, de juin et d’août 1944.
Le 21 octobre 1945, il conduit, dans l’Orne, une liste de rénovation économique et agricole, prenant ainsi le relais de son oncle, Georges Roulleaux-Dugage, député de 1936 à 1940, inscrit à la Fédération républicaine et inéligible à la Libération. Avec 21 903 des 127 307 suffrages exprimés, il est élu député à la première Assemblée nationale constituante, face à cinq autres listes : communiste (13 342 voix), socialiste (11 175 voix), radicale-socialiste (3 491 voix), démocrate-chrétienne (55 805 voix ; Louis Terrenoire et Raymond Couder élus) et issue de l’Union démocratique et socialiste de la Résistance - UDSR (21 591 voix ; Ernest Voyer élu). Il s’inscrit au groupe des Républicains indépendants. Membre de la commission de la presse, de la radio et du cinéma, et membre de la commission chargée de proposer des mesures de grâce amnistiante en Algérie, il est également nommé juré à la Haute Cour de justice et signe trois propositions de loi et une proposition de résolution. Ce dernier texte, déposé le 20 décembre 1945, invite le gouvernement à revaloriser la situation des petits rentiers. Ses trois propositions de loi traitent de thèmes très différents : création de régies coopératives, envisagées comme le moyen le plus efficace de nationaliser la production, le transport et la distribution d’électricité (7 février 1946) ; organisation du contrôle syndical de la distillation fermière (3 avril 1946) ; incorporation au principal de la créance du Crédit foncier les arrérages que les débiteurs de cet établissement n’ont pu lui verser en raison des circonstances (9 avril 1946). Il intervient à quatre reprises à la tribune du Palais-Bourbon, notamment sur la nationalisation du gaz et de l’électricité pour laquelle il soutient un contre-projet, sous la forme d’une régie coopérative d’Etat. Il prend la parole sur le statut du fermage. Il prend part, enfin, aux débats sur la dévolution des biens des entreprises de presse, discussion durant laquelle il dépose un amendement (article 2).
Il ne se représente pas le 2 juin 1946, lors de l’élection à la seconde Assemblée nationale constituante. Il est, en revanche, candidat aux élections législatives du 10 novembre 1946, sur la liste d’entente républicaine conduite par Philippe Monin. Mais en deuxième position, il n’est pas élu.
Jacques Roulleaux-Dugage est conseiller général du canton de Domfront depuis septembre 1945 et maire de Rouellé, petite commune rurale proche du chef-lieu de canton, depuis le mois d’octobre 1947. En 1948, il est élu, par l’Assemblée nationale, membre de l’Assemblée de l’Union française où il siège sans discontinuité jusqu’en 1958. Président du groupe paysan d’union sociale, apparenté au groupe des Républicains indépendants (RI) que préside Georges Riond, il exerce les fonctions de vice-président de cette assemblée en 1955, 1957 et 1958. Auparavant, il a été membre de la commission de l’agriculture, de l’élevage, des chasses, des pêches et des forêts, et vice-président de la commission de politique générale de l’Assemblée départementale. Il a aussi présidé l’ « inter-commission » chargée de l’étude du régime foncier domanial et de la propriété foncière dans les territoires d’Outre-mer (TOM) et les territoires associés.
Dans l’Orne, il contribue très activement à la création d’un Centre départemental des indépendants et paysans dont il assume le secrétariat général, jusqu’à la fin des années soixante. En 1954, il est élu membre du comité directeur du Centre national des indépendants et paysans, au titre de ses fonctions à la tête du groupe paysan à l’Assemblée de l’Union française. Il n’est pas candidat en juin 1951, mais se présente aux élections législatives anticipées du 2 janvier 1956, en troisième position sur la liste d’union des indépendants et paysans. Cette liste est menée par les deux députés sortants Paul Pelleray et Pierre Couinaud, dissidents du Rassemblement du peuple français (RPF), par leur prise de position en faveur de l’investiture d’Antoine Pinay en 1952, ce qui a entraîné leur ralliement au Centre national des indépendants et paysans (CNIP) et leur inscription au groupe des indépendants d’action républicaine et sociale (IARS). Les deux sortants sont réélus, mais Jacques Roulleaux-Dugage ne retrouve pas son siège.
Les 23 et 30 novembre 1958, il est investi par le CNIP, dans la première circonscription de l’Orne (Alençon-Domfront). Avec 11 932 suffrages, il arrive en deuxième position derrière Louis Terrenoire, candidat de l’UNR (16 020 voix), et se maintient au second tour, mais n’est pas élu (17 346 voix contre 20 808 à son adversaire gaulliste). Il affronte, à nouveau, Louis Terrenoire, à l’occasion des élections législatives anticipées du 18 novembre 1962. Malgré les 11 876 suffrages qu’il obtient – un beau succès personnel compte tenu de l’effondrement électoral du CNIP en 1962 à l’échelle nationale –, il ne peut empêcher le député gaulliste sortant d’être réélu dès le premier tour avec 20 521 des 38 002 suffrages exprimés.
Il est engagé derrière la nouvelle direction du CNIP formée autour de Camille Laurens, promu secrétaire général du Centre, en décembre 1961, après la mise à l’écart définitive de Roger Duchet, fondateur du parti. Jacques Roulleaux-Dugage contribue personnellement au lancement du nouvel hebdomadaire du CNIP, le Journal des indépendants (1er numéro, le 5 mai 1962), dont il est copropriétaire avec d’autres personnalités, comme le député de l’Isère Aimé Paquet ou Michel Poniatowski. Depuis la révision des statuts du Centre, lors du Cinquième congrès (Troyes, juin 1962), il siège au comité directeur en tant que secrétaire général du Centre départemental des Indépendants et paysans (CDIP) de l’Orne. Il se retire de la vie politique active en 1973, lorsqu’il renonce à se représenter aux élections cantonales.
Jacques Roulleaux-Dugage était titulaire de nombreuses décorations : chevalier de la Légion d’honneur (à titre militaire), Croix de guerre 1939-1945 (deux citations), médaille des FFL, American Medal of Freedom, officier de l’Ordre national du Mérite, chevalier du Mérite agricole, officier des Palmes académiques, médaille d’honneur départementale et communale (échelon « vermeille »), officier de l’Ordre royal de Sahametrei, officier de l’Ordre national du Sénégal, commandeur de l’Etoile de la Grande Comore et commandeur de l’Ordre équestre du Saint-Sépulcre.
Membre du Cercle républicain et de la Société des Fils de la Révolution américaine, Jacques Roulleaux-Dugage a écrit deux ouvrages : Deux ans d’histoire secrète en Afrique du Nord, Alger 1940-1942 et P’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non, recueil d’anecdotes et histoires normandes publié en un nombre très restreint d’exemplaires, à Paris, en 1948.
Son épouse lui a succédé en 1993 dans ses fonctions de maire de Rouellé, commune où est situé le château familial. Elle a été réélue en 1995, puis en 2001. L’aîné de ses fils est actuellement trésorier payeur général des Hautes-Alpes. Jacques Roulleaux-Dugage disparaît le 12 août 1993, dans sa soixante-dix-septième année.