Michel, Casimir Poniatowski

1922 - 2002

Informations générales
  • Né le 16 mai 1922 à Paris (Seine - France)
  • Décédé le 15 janvier 2002 à Opio (Alpes-Maritimes - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 12 mars 1967 au 30 mai 1968
Département
Val-d'Oise
Groupe
Républicains indépendants
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IVe législature
Mandat
Du 30 juin 1968 au 1er avril 1973
Département
Val-d'Oise
Groupe
Républicains indépendants
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ve législature
Mandat
Du 2 avril 1973 au 5 mai 1973
Département
Val-d'Oise
Groupe
Républicains indépendants

Mandats au Sénat ou à la Chambre des pairs

Sénateur
du 1er janvier 1989 au 1er janvier 1995

Biographies

Biographie de la Ve République

PONIATOWSKI (Michel)
Né le 16 mai 1922 à Paris
Décédé le 15 janvier 2002 à Opio (Alpes-maritimes)

Député du Val d’Oise de 1967 à 1973

Michel Poniatowski naît le 16 mai 1922 dans le VIIe arrondissement de Paris. Il vient d’une famille princière de Pologne qui a donné Stanislas-Auguste Poniatowski (1732-1798), dernier roi de Pologne, et Joseph Poniatowski (1763-1813), maréchal du Premier Empire. Fils de Charles-Casimir Poniatowski et d’Anne de Caraman-Chimay, il évolue dans un milieu très favorisé. Après des études primaires au cours Hattemer, il entre au lycée Saint-Louis-de-Gonzague où il réussit le baccalauréat en 1940. Refusant la défaite, il s’engage rapidement dans la Résistance. En 1942, il rejoint la France libre par l’Espagne et s’engage en Afrique du Nord dans le 1er bataillon de choc. Parachuté en France, il rejoint le maquis de la Drôme et sera blessé à deux reprises lors des combats de la Libération.

La guerre terminée, il reprend ses études de droit jusqu’à l’obtention d’une licence et suit également des cours à l’université de Cambridge. Le 28 février 1946, il se marie avec Gilberte de Chavagnac. Le couple a quatre enfants, dont Ladislas en 1946 et Axel en 1951, qui feront chacun une carrière politique. Début 1947, il entre à l’Ecole nationale d’administration (ENA) où il fait partie de la promotion « Croix de Lorraine » (de même que Michel Jobert). Il s’agit d’une des premières promotions de cette école de l’élite nouvellement créée par Michel Debré. En décembre 1948, il est au ministère des Finances comme administrateur civil et devient en janvier 1949 chargé de mission au cabinet du ministre des Affaires économiques, Robert Buron. De 1949 à 1952, il exerce les fonctions de directeur de cabinet du chef des finances du Maroc. C’est à cette occasion qu’il se lie d’amitié avec Valéry Giscard d’Estaing, de quatre ans son cadet, venu visiter le territoire avec son épouse en 1953. Début 1954, il est délégué suppléant à l’Union européenne des paiements (UEP) avant de retrouver, l’année suivante, le monde des cabinets ministériels comme chargé de mission auprès du ministre des Finances et des Affaires économiques, Pierre Pflimlin. En octobre 1955, il rejoint l’ambassade de France à Washington comme adjoint de l’attaché financier. Il revient en France deux ans plus tard et retrouve Pierre Pflimlin dont il devient le directeur adjoint de cabinet rue de Rivoli. En avril 1958, il est conseiller financier auprès de l’ambassade de France à Rabat. Cette dernière nomination l’empêche d’assister à Paris aux derniers soubresauts de la IVe République. Ce patriote, acquis au maintien de l’Algérie française, accueille très favorablement le retour au pouvoir du général de Gaulle.

Lorsque Pierre Pflimlin devient ministre d’Etat dans le nouveau gouvernement d’union formé par le général de Gaulle début juin 1958, il rappelle à ses côtés Michel Poniatowski. Mais ce dernier change rapidement de mentor pour se rapprocher de celui dont il ne se sépare plus tout au long de son parcours politique : Valéry Giscard d’Estaing. Quand celui-ci entre au gouvernement en juin 1958 comme secrétaire d’Etat aux finances, il le rejoint en tant que conseiller technique. Partageant de nombreux points communs (milieux sociaux d’origine, formation et convictions politiques autour de la droite libérale), ces deux jeunes gens s’apprécient mutuellement. Michel Poniatowski admire l’intelligence, la maîtrise des dossiers financiers et la stature d’homme d’Etat de Valéry Giscard, là où ce dernier repère vite le sens politique, l’audace et les qualités de communicant de son nouvel ami. En janvier 1962, Michel Poniatowski prend la direction du cabinet de Valéry Giscard d’Estaing promu ministre des Finances et des affaires économiques. Il ajoute en avril à ses responsabilités la fonction de Délégué aux investissements étrangers.

Durant la guerre d’Algérie, Michel Poniatowski, sensibilisé à la cause de la présence française en Afrique du nord depuis ses deux séjours au Maroc, campe sur des positions très Algérie française. Il reste toutefois dans le cadre de la légalité même s’il est en contact avec des activistes. Sans masquer ses réserves devant l’évolution de la politique algérienne du général de Gaulle, il ne bascule pas dans la dissidence dans les derniers temps d’un conflit qui voit la famille libérale se déchirer entre ceux qui deviennent des adversaires du pouvoir gaulliste et ceux qui restent dans la majorité derrière Valéry Giscard d’Estaing. Les législatives de novembre 1962, organisées après la dissolution de l’Assemblée nationale, sont l’occasion pour le haut fonctionnaire d’entrer activement en politique. Il se présente sous l’étiquette des Républicains indépendants (RI) dans la 23e circonscription de la Seine (XVIIe arrondissement de Paris : une partie de la Plaine-de-Monceaux et une partie des Batignolles). Dans ce bastion gaulliste, le candidat RI n’obtient que 5,8 % des voix au premier tour et laisse la victoire au gaulliste Jean de Préaumont. Michel Poniatowski retrouve le chemin du ministère et, de décembre 1962 à janvier 1966, seconde Valéry Giscard d’Estaing comme chargé de mission. Siégeant depuis juillet 1963 au Conseil économique et social comme membre de la commission de réforme, il prend en décembre de la même année la direction des assurances au ministère des Finances et des affaires économiques.

En janvier 1966, juste après la réélection de Charles de Gaulle à la présidence de la République, Valéry Giscard d’Estaing, contesté pour sa politique de rigueur contre l’inflation, est remplacé par Michel Debré comme ministre des Finances. Désormais libre de sa parole, il crée en juin un nouveau parti, la Fédération nationale des Républicains indépendants (FNRI). Michel Poniatowski participe (avec Jean de Broglie, Roger Chinaud et Jacques Dominati) au lancement de ce parti qui entend structurer et moderniser la droite libérale et centriste. Ceux qu’on appelait auparavant les Modérés mettent sur pied une formation efficace et militante, capable de concurrencer l’aile gaulliste au sein de la majorité. De janvier à mars 1967, le tandem Giscard-Poniatowski se lance dans une épreuve d’équilibriste où tout en affirmant son soutien à la majorité, il émet devant les médias des réserves quant à la politique économique, sociale et européenne menée et se revendique d’une approche plus libérale des institutions. A quelques semaines des législatives du printemps, ce rapport de force symbolisé par la formule « oui mais » paie. Les RI obtiennent 83 circonscriptions dans le cadre de la candidature unique « Ve République » mise en place par les partis de la majorité.

En mars 1967, Michel Poniatowski se présente dans la 1ère circonscription du Val d’Oise (nouveau département créé l’année précédente à partir du nord de l’ancien département de Seine-et-Oise) comme candidat Ve République. La circonscription comprend l’Ouest du département autour de l’Isle-Adam et Magny-en-Vexin. Arrivé nettement en tête à l’issue du premier tour avec 33,9 % des suffrages exprimés, le candidat giscardien, aidé par son suppléant, Yves de Kervéguen (maire de Vigny, conseiller général de Marines et ancien député UNR de Seine-et-Oise), dispose d’une bonne réserve de voix grâce au soutien du centriste Jean Teitgen (11,7 %) et du gaulliste indépendant Albert Viville (10,2 %). En dépit du désistement du socialiste René Allombert en faveur de la candidate communiste Jacqueline Hochberg, Michel Poniatowski l’emporte au second tour avec 53,9 % des suffrages exprimés.

Il entre au Palais-Bourbon où il rejoint le groupe des Républicains indépendants et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qu’il quitte en avril 1968 pour celle de la défense nationale et des forces armées. Durant cette législature, le député de l’Oise dépose trois propositions de loi, tendant à la protection des œuvres artistiques et à l'assainissement du marché artistique (juin 1967), portant création d'un Office national des routes de France (juin 1967), et tendant à la création d'une Commission d'application des observations contenues dans le rapport de la Cour des Comptes (octobre 1967). Il participe à l’examen du projet de loi de finances pour 1968 sur les questions touchant à la justice et au logement (novembre 1967) et du projet de loi d’orientation foncière et urbaine (juin 1967). Il s’intéresse aux débats portant sur l’emploi dans l’aéronautique nationalisé (juin 1967), la taxe sur le chiffre d’affaire (juin 1967) et la recherche scientifique (mai 1968).

Sur le plan militant, Michel Poniatowski devient, en avril 1967, secrétaire général des Républicains indépendants et intègre le bureau politique de cette formation. En décembre 1967, il prend le contrôle de la fédération du Val d’Oise des RI et dynamise le parti à l’échelle nationale (création d’une antenne cadette avec les JRI, lancement des Clubs Perspectives et Réalités…). Très à l’aise devant les caméras et les micros, il est celui que Valéry Giscard d’Estaing envoie dans les médias pour critiquer en sous-main la politique du gouvernement sans officiellement manquer au principe de solidarité majoritaire. Son sens de la formule assassine fait souvent mouche. Ce géant de près d’1 mètre 90 aux épaules larges, aux yeux bleus pétillants et à la mine volontiers hilare, surprend par les déclarations fracassantes qu’il assène d’une voix toujours douce.

Après les événements de mai 1968 où Michel Poniatowski, comme la plupart des autres députés RI, n’affiche pas un soutien massif à un pouvoir gaulliste vacillant, l’Assemblée nationale est dissoute. Le député sortant se représente dans la 1ère circonscription du Val d’Oise. Dans un contexte national politiquement très porteur pour la majorité, Michel Poniatowski est facilement réélu avec 62,3 % des suffrages exprimés au second tour face à la communiste Jacqueline Hochberg. Il a dû composer au premier tour avec la candidature de l’Union pour la défense de la République (UDR) Pierre Sallé, à laquelle Georges Pompidou a apporté sa caution personnelle, preuve que les gaullistes n’ont pas apprécié son attitude lors des bourrasques de mai et ses provocations répétées depuis un an. Michel Poniatowski retrouve le groupe des Républicains indépendants et la commission des affaires étrangères qu’il quitte en septembre 1969 pour celle des finances, de l’économie générale et du Plan. Il est rapporteur spécial pour les projets de loi de finances pour 1970 (affaires culturelles et cinéma), pour 1971 et 1972 (agriculture). Il est l'auteur de plusieurs propositions de lois tendant notamment à la création d'un comité de surveillance et d'un tribunal de l'informatique (novembre 1970), à la création d'un haut-commissariat à la défense des droits de l'Homme (novembre 1970), à la création d'une commission chargée d'étudier l'ensemble des problèmes posés par la taxation des plus-values foncières (décembre 1970), à préciser la situation juridique des sous-agents d’assurances au regard de la sécurité sociale (mai 1972), à préciser la définition de la profession de conseil en relations publiques (juin 1972), à éviter les risques d'incendie dans les établissements industriels et commerciaux par le respect de certaines mesures de sécurité (juin 1972), à la modernisation et à l'expansion des petites et moyennes industries par la création de sociétés d'investissement privées (octobre 1972), ainsi qu’à la possibilité pour les associations de défense des consommateurs de se porter partie civile devant les tribunaux (octobre 1972). Il approuve le projet de loi portant création et organisation des Régions (la loi du 5 juillet).

Michel Poniatowski, réélu en décembre 1969 secrétaire général de la FNRI, devient au printemps 1971 maire de l’Isle-Adam. Il reste à la tête de l’hôtel de ville jusqu’en 1999. Pendant ses presque quarante ans de mandat, cette petite agglomération située au centre nord du Val d’Oise, sur la rive gauche de l’Oise, à 25 km des portes de Paris, se transforme en profondeur. Sa population augmente nettement (6 900 habitants en 1968, 11 000 en 1999) mais le maire parvient à conserver à la cité son identité de ville-parc et son caractère bourgeois. Il aménage le parc Manchez et assure le développement immobilier du parc de Cassan. Des quartiers nouveaux apparaissent (quartiers de la Faisanderie, quartier de la Garenne) sans que la ville ne se couvre de barres d’immeubles comme dans d’autres villes de ce département de grande banlieue.

Reconduit en octobre 1971 aux fonctions de secrétaire général de la FNRI, Michel Poniatowski continue d’être le bras droit de Valéry Giscard d’Estaing, qu’il seconde efficacement dans son offensive pour affaiblir le camp gaulliste. Durant ces années, il publie deux livres (Les Choix de l’espoir en 1970 et Cartes sur table en novembre 1972) où il multiplie les portraits au vitriol et les déclarations provocatrices contre les gaullistes. En janvier 1969, le prince critique avec violence la politique du général de Gaulle au Proche-Orient. En février 1970, il s’emporte contre les choix diplomatiques de Michel Debré et notamment la livraison de Mirages à la Libye, allant jusqu’à comparer le ministre de la Défense au marchand d’armes du début du XXe siècle Basil Zaharoff. Profitant des scandales divers, et évoquant notamment les dossiers immobiliers qui touchent la famille gaulliste, il se montre particulièrement virulent face à Jacques Chaban-Delmas à Matignon. En août 1971, il parle d’une « grande fédération du centre » dans laquelle, selon lui, devraient figurer les centristes d’opposition, agitant par là-même un chiffon rouge face aux gaullistes orthodoxes. Le même mois, il part en guerre contre le Premier ministre et dénonce « l’affairisme qui hante certaines antichambres ministérielles, administratives ou politiques ». Les journaux rapportent sa formule célèbre de la « République des copains et des coquins », par laquelle le député de l’Oise évoque l’Etat-UDR et ses dérives. Ces charges répétées contribueront au départ du Premier ministre à l’été 1972. Dans Cartes sur table, il décrit ce dernier comme « un homme trop confiant qui s’entoure mal » avant de porter le coup de grâce à Michel Debré par cette saillie assassine et piquante : « Il n’accède pas à l’erreur petitement mais par de vastes analyses et d’ardents raisonnements ». La stratégie est toujours la même : grâce à Michel Poniatowski, Valéry Giscard d’Estaing peut se démarquer sans trop de risque politique de l’UDR et de ses ministres. Comme le ministre de l’Economie et des finances ne peut remettre en cause personnellement la cohésion du gouvernement auquel il appartient, il laisse son lieutenant mener, dans une supposée indépendance d’action et liberté de parole, des actions de harcèlement du camp gaulliste.

Lors des législatives de mars 1973, Michel Poniatowski, qui a bataillé pour la multiplicité des candidatures de la majorité, se représente dans sa circonscription du Val d’Oise. Toujours aidé de son suppléant Yves de Kervéguen, le député sortant arrive largement en tête au soir du premier tour avec 41,3 % des suffrages exprimés face au sénateur communiste Fernand Chatelain. Ce dernier, en dépit du désistement en sa faveur du candidat socialiste, ne peut empêcher la réélection de Michel Poniatowski, qui s’impose au deuxième tour avec 54,8 % des suffrages exprimés. Il retrouve le groupe des Républicains indépendants et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Mais Michel Poniatowski ne reste pas longtemps au Palais-Bourbon. Dès le 5 avril 1973 le voilà nommé dans le deuxième gouvernement Messmer comme ministre de la Santé publique et de la Sécurité sociale. En faisant entrer ce provocateur dans le gouvernement, Georges Pompidou et son Premier ministre s’assurent de son silence. Attaché aux libertés fondamentales et porteur de l’esprit de réformes sociétales cher à la future « société libérale avancée », Michel Poniatowski porte un projet de loi prévoyant la dépénalisation de l’avortement avant celui de Simone Veil en 1974, « en cas de risque pour la santé physique, mentale ou psychique de la femme, d’un risque élevé de malformation congénitale ou d’une grossesse consécutive à un acte de violence ». Mais ce texte n'est pas examiné jusqu’au bout, avec l’adoption par 225 voix contre 112, le 13 décembre 1973, d’une motion de renvoi en commission.

Lorsque Georges Pompidou décède brutalement le 2 avril 1974, s’ouvre dans les semaines suivantes une campagne présidentielle inattendue pour Valéry Giscard d’Estaing. Durant celle-ci, Michel Poniatowski joue un rôle important. Ami, conseiller, stratège, celui qui suit le leader de la droite libérale depuis les années 1960 et a été associé à sa stratégie politique et médiatique (du « oui mais » au « non » du référendum d’avril 1969 en passant par la dénonciation de « l’exercice solitaire du pouvoir »), continue de l’épauler. Il se trouve à ses côtés lors de la déclaration de Chamalières et l’aide dans ses tractations secrètes avec certains gaullistes. Il participe à l’élaboration d’un narratif de campagne mettant en avant d’un côté la jeunesse, la modernité et le dynamisme du candidat et de l’autre son expertise des dossiers économiques, un avantage important dans une France désormais en crise après le choc pétrolier de l’automne 1973. Une fois élu, Valéry Giscard d’Estaing récompense son fidèle ami par un poste clé au sein du nouveau gouvernement conduit par Jacques Chirac : ministre d’Etat et ministre de l’Intérieur.

A cette fonction sensible qu’il occupe à partir du 28 mai 1974 et qui fait de lui le n°2 du gouvernement dans l’ordre protocolaire, Michel Poniatowski marque rapidement les esprits en se posant comme le partisan résolu d'une politique de sécurité musclée face à une augmentation de la délinquance. « Les Français ont le droit de sortir seuls le soir sans se faire attaquer » déclare-t-il. En mars 1975, il soutient le maire de Sommedieue, petite bourgade de la Meuse, qui voulait organiser une milice après des dégradations commises dans la commune par des jeunes venus de Verdun. Le 18 février 1976, il sort des réserves liées à sa fonction pour souhaiter que la peine de mort soit prononcée à l’encontre de Patrick Henry, ravisseur et meurtrier d’un enfant. Devant la menace terroriste qui s’accentue dans cette seconde moitié des années 1970, le ministre prend des mesures fortes, affirmant vouloir « terroriser les terroristes ». Tout en respectant certaines libertés individuelles (il supprime ainsi les « fiches signalétiques » que les clients d’hôtel devaient alors remplir au début d’un séjour), il multiplie les initiatives énergiques mais polémiques. En août 1975, alors que le Président est en congé, il envoie la gendarmerie et des CRS équipés de blindés prendre d’assaut une ferme d’Aléria occupée par des militants de l’Action régionaliste corse désireux de protester contre le soutien apporté par l’Etat aux agriculteurs rapatriés pieds-noirs dans la plaine orientale de l’île. L’opération se solde par la mort de deux gendarmes et des affrontements à Bastia. C’est le début du nationalisme activiste corse, le Front national de libération nationale de la Corse (FLNC) apparaissant dans la foulée. Le Premier ministre Jacques Chirac, qui ne souhaitait pas un tel niveau d’engagement de la part des forces de l’ordre, tiendra Michel Poniatowski comme responsable de l’aggravation de la situation. Fragilisé politiquement par ses maladresses et ses échecs, même s’il continue de bénéficier du soutien politique du Président de la République, dont il apparaît souvent comme l’éminence grise, le ministre de l’Intérieur voit sa situation se dégrader encore après l'assassinat à Paris, le 24 décembre 1976, de Jean de Broglie, député de l'Eure. Dans cette complexe affaire politico-judiciaire, Michel Poniatowski est accusé par L’Express, en janvier 1977, d'avoir été informé des projets d'élimination du député (filé par les RG quelques jours avant son décès) mais de n'avoir rien tenté pour le sauver. Sans preuve, le ministre accuse publiquement le restaurateur Patrick de Ribemont d’être impliqué dans ce crime (l’intéressé poursuivra par la suite la France auprès de la Cour européenne des droits de l’homme). L’affaire fait grand bruit et porte atteinte au crédit du ministre suspecté d’avoir voulu étouffer un scandale. Les municipales de mars 1977 constituent le coup de grâce pour Michel Poniatowski. Alors que le chef de l’Etat lui avait donné comme mission de limiter la poussée de la gauche lors de ce scrutin, l’opposition socialiste et communiste remporte 155 des 221 communes de plus de 30 000 habitants, tandis que Jacques Chirac s’empare de Paris contre le candidat giscardien Michel d’Ornano. Le 29 mars 1977, Michel Poniatowski quitte la place Beauvau, remplacé par Christian Bonnet. L’ancien député de l’Oise, qui a abandonné la barre des RI, n’est officiellement plus que maire de l’Isle-Adam…

En compensation, Valéry Giscard d’Estaing lui confie une « mission spéciale d’information et de représentation dans les pays étrangers ». Michel Poniatowski devient ainsi « envoyé personnel du président de la République » avec « rang d’ambassadeur ». A ce titre, l’intéressé multiplie les voyages souvent secrets à l’étranger où il s’efforce de porter la parole giscardienne auprès des dirigeants extérieurs. On le voit ainsi en Chine en septembre 1978. Réalisant une quarantaine de voyages officiels (Japon, Chine, Iran, Arabie saoudite, pays d’Afrique, des Caraïbes et d’Amérique du sud), rencontrant plus de vingt-cinq chefs d’Etat, il conserve cette fonction jusqu’à la fin 1979. Mais Michel Poniatowski réinvestit surtout le terrain militant. Fin 1977, Valéry Giscard d’Estaing le sollicite pour participer au lancement d’une grande formation rassemblant la droite libérale et centriste, capable de soutenir l’action présidentielle, de s’imposer face à la gauche lors des législatives du printemps 1978 et de concurrencer le nouveau parti de masse néo-gaulliste, le Rassemblement pour la République (RPR), lancé fin 1976 par Jacques Chirac. Début février 1978, l’ancien ministre de l’Intérieur réunit dans l’Union pour la démocratie française (UDF) les différentes composantes concernées : le Parti républicain (qui en mai 1977 avait succédé à la FNRI), le Centre des démocrates sociaux (CDS démocrate-chrétien héritier de l’ancien MRP), le Parti radical valoisien, les Clubs Perspectives et réalités ainsi que d’autres petites structures. Dès mars 1979, Michel Poniatowski entre au conseil de l’UDF.

Lors des législatives du printemps 1978, il se représente dans la 1ère circonscription de l’Oise sous l’étiquette UDF. Bien qu’arrivé en tête au premier tour avec 37 % des voix face à son nouveau rival socialiste Alain Robert (jeune énarque maître de requêtes au Conseil d’Etat devenu maire de Saint-Ouen-l’Aumône) et ses 22,8 %, le député sortant ne se trouve pas en situation très favorable. Alors que le candidat PS peut compter sur le soutien de Dominique Gallet (un ancien gaulliste contestataire issu de l’Union des jeunes pour le progrès (UJP) et proche des communistes) qui a atteint les 16,9 %, le giscardien ne peut rien espérer du candidat RPR Christian Tessier. Non seulement ce dernier n’a rassemblé que 6,2 % des suffrages, mais les très mauvaises relations entre les gaullistes et Michel Poniatowski depuis la fin des années 1960 interdisent tout report de voix efficace. En dépit d’une campagne de second tour acharnée, l’ancien ministre de l’Intérieur est battu de justesse avec 49,3 % des suffrages exprimés. Les gaullistes tiennent enfin leur vengeance…

Bien que déçu par ce revers électoral, Michel Poniatowski ne se replie pas dans sa propriété de la Côte d’Azur y cultiver ses roses qu’il affectionne tant. En novembre 1978, il publie aux éditions Albin Michel un essai intitulé L’Avenir n’est écrit nulle part. L’ouvrage entend interroger la façon dont la société française réagit aux mutations du monde contemporain. Il évoque les révolutions à venir, comme celles liées à l’informatique, les défis économiques et monétaires consécutifs à la fin du « temps de facilité ». Pour lui, la construction européenne constitue une réponse à l’incertitude des sociétés à la fin du XXe siècle. On découvrira par la suite que la rédaction de l’essai est en réalité revendiquée par plusieurs auteurs dont Bruno Tellenne, Alain de Benoist et Pierre Vial, ces deux derniers étant marqués très à droite. Plus fondamentalement, Michel Poniatowski reprend alors le travail accompli au début des années 1970 : affaiblir le camp gaulliste, au service de Valéry Giscard d’Estaing que ses fonctions officielles contraignent au silence. Celui qui préside la commission des affaires étrangères de l’UDF se relance donc dans ses provocations calculées et ses stratégies florentines contre Jacques Chirac et le RPR pour mieux favoriser la réélection de son champion en 1981. Signant chaque semaine des éditoriaux et articles, animant des clubs, il multiplie les conférences de presse et déjeuners-débats. Avec son habituel sens de la formule, il dénonce « les courants, les sous-courants et les courants d’air du PS », un RPR « de moins en moins gaulliste et de plus en plus chiraquien » avant de critiquer « ceux qui parlent du parti de l’étranger et qui sont étrangers au parti de la France ».

Dans l’immédiat, Michel Poniatowski se concentre sur les élections européennes du 10 juin 1979. Il rejoint la liste UDF conduite par Simone Veil, qui arrive largement en tête du scrutin avec 27,6 % des suffrages exprimés, loin devant les deux listes de gauche et surtout celle du RPR (16,3 %). Elu député européen, il est désigné fin octobre comme candidat du groupe libéral à la présidence de la commission du développement de l’Assemblée européenne. Même si cette promotion, annoncée comme une simple formalité, se révèle plus compliquée que prévu (la gauche, emmenée par les socialistes français et les radicaux italiens, ainsi que quelques démocrates-chrétiens et gaullistes, exigent un vote à bulletins secrets alors que, selon la coutume, les présidents des commissions sont élus par acclamation), l’intéressé est in fine le deuxième Français à présider une commission de l’Assemblée avec Jacques Delors à la tête de la commission économique et monétaire. A la suite de son élection, Michel Poniatowski renonce à sa fonction d’ambassadeur itinérant de Valéry Giscard d’Estaing (où il est remplacé par Jean-François Deniau). Au Parlement européen de Strasbourg, comme Simone Veil est tenue à une certaine neutralité par ses fonctions de présidente, c’est l’ancien ministre de l’Intérieur qui s’impose vite comme la figure principale des giscardiens dans l’hémicycle.

Lors de la présidentielle de mai 1981, Michel Poniatowski soutient toujours énergiquement Valéry Giscard d’Estaing même s’il joue durant cette campagne un rôle moins central qu’en 1974. La défaite du président sortant, l’arrivée à l’Elysée du socialiste François Mitterrand et la présence de ministres issus du Parti communiste français (PCF) dans le nouveau gouvernement dirigé par Pierre Mauroy affectent beaucoup l’ancien ministre de l’Intérieur qui se radicalise politiquement, évoluant vers un anticommunisme souvent virulent. Il fait partie de ces hommes de droite très engagés au début des années 1980 dans un affrontement direct et sans concession avec le pouvoir « socialo-communiste ». En octobre 1983, il publie chez Albin Michel une Lettre ouverte au président de la République. Dans ce pamphlet particulièrement vif, il accuse François Mitterrand de truquer les chiffres du chômage, de favoriser l’infiltration des communistes dans les rouages de l’Etat, d’être responsable de l’alourdissement des charges pesant sur les entreprises et les particuliers, de l’endettement du pays, de la mauvaise santé du franc, de la baisse de compétitivité de l’industrie, avant de reprendre à l’encontre du chef de l’Etat son ancienne formule de « coup d’Etat permanent ». En mai 1985, il publie un autre brûlot, Le Socialisme à la française. Défini par son bandeau comme un « livre d’humeur », cet ouvrage dénonce de nouveau la manipulation des indices, les artifices de la débudgétisation, la pratiques des annulations de crédits avant d’énoncer les « gaspillages du pouvoir » (des nationalisations aux opérations de prestige comme le Grand Louvre ou l’Opéra Bastille en passant par le sauvetage de la Chapelle-Darblay et les subventions accordées généreusement au secteur associatif) et de déplorer le « Waterloo social » du chômage. La politique étrangère n’est pas épargnée, l’auteur affirmant que cette dernière serait manipulée par les pays de l’Est et leurs satellites, allant jusqu’à évoquer « le lobby libyen du Quai d’Orsay ». L’essai se conclut sur un bilan très sombre de l’action de la police et de la justice, qui aurait fait de la France « le paradis des délinquants et des criminels ».

Lors des européennes de juin 1984, Michel Poniatowski figure de nouveau sur la liste conduite par Simone Veil qui remporte le scrutin avec 43 % des suffrages exprimés. Il fait donc à nouveau partie des députés français au Parlement européen. Il y est élu en juillet président de la commission de l’énergie, de la recherche et de la technologie. De 1982 à 1989, Michel Poniatowski assure dans l’hémicycle de Strasbourg la vice-présidence du groupe libéral et démocratique. Sur un plan personnel, ce féru d’histoire obtient au printemps 1983 le grand prix Gobert de l’Académie française pour son Talleyrand et le Directoire. Un ouvrage prolongé en septembre 1986 par un Talleyrand et le Consulat, paru chez Perrin puis par un Talleyrand et l’ancienne France, en septembre 1988, chez le même éditeur. Disposant par ses origines familiales d’une vaste collection d’inédits et de manuscrits sur son sujet, l’auteur revient sur la vie de l’ancien évêque d’Autun et ses relations compliquées avec Fouché et Bonaparte.

En janvier 1989, Michel Poniatowski devient sénateur de l’Oise en remplacement de Pierre Salvi, décédé. Au Palais du Luxembourg, il s'inscrit au groupe des Républicains et indépendants et siège dans la commission des affaires étrangères. Il est élu membre de la délégation parlementaire pour les Communautés européennes puis de l'Union Européenne dont il devient en 1990 vice-président. Il se fait remarquer par son opposition déterminée au traité de Maastricht qu’il juge en juin 1992 « anticonstitutionnel ». Il s'intéresse également, en 1993, aux aides allouées aux travailleurs immigrés et à leurs familles, et vote le projet de loi relatif aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale en 1983. A partir de 1991, le sénateur de l’Oise s’isole au sein de sa famille politique en prenant ouvertement position en faveur d’une alliance entre la droite républicaine et l’extrême droite. En mars 1991, s’inspirant de l’alliance PS-PC, il préconise un « arrangement avec le Front national », qui prendrait la forme d’ententes électorales et non doctrinales. En novembre 1991, dans un ouvrage intitulé La Catastrophe socialiste publié aux Editions du Rocher, il dénonce une « immigration massive, sans contrôle et sans limitation » en provenance d’Afrique. Dans un chapitre intitulé « Je ne suis pas raciste mais… », il déclare : « Le racisme est en soi un non-sens mais non l’existence des races sous leur forme physique et surtout culturelle ». Il déplore la « diabolisation » du Front national, affirme que le « vrai diable en France, c’est Mitterrand » et juge très grave « le refus du dialogue » avec le Front national (FN). Selon lui, « si la droite maintient sa politique d’exclusion à l’égard du FN, elle doit être prête à perdre les élections ». Voir le président d’honneur du Parti républicain (PR) reprendre à son compte certaines propositions de Bruno Mégret sur l’immigration et préconiser des accords avec le FN pour les régionales de 1992 et les législatives de 1993 suscite des remous au sein de la droite. De Jacques Chirac à Valéry Giscard d’Estaing en passant par Michel Noir, Pierre Méhaignerie et François Léotard, tous récusent en effet ces « arrangements ». Valéry Giscard d'Estaing, dont on connait le lien privilégié avec l’intéressé, doit préciser sa position. « Comme ami de longue date, je me tais. Comme président de l'UDF, je désapprouve les positions répétées de Michel Poniatowski qui contredisent celles de notre mouvement ». Michel Poniatowski s'éloigne alors du PR puis de l'UDF, qu'il quitte définitivement en 1998, pour rejoindre la Droite libérale chrétienne de Charles Millon (qui préconise également une alliance avec le FN).

1995 représente la dernière année du parcours politique actif de Michel Poniatowski. Lors de la présidentielle du printemps, il apporte son soutien à Edouard Balladur dont il dit apprécier « l'équilibre, la lucidité et l'énergie ». En 1999, il démissionne de son mandat de maire de l’Isle-Adam, laissant l’hôtel de ville à son fils Axel. Michel Poniatowski se retire définitivement de la vie politique. Il se consacre à ses passions pour les jardins et l’histoire, avant de publier ses Mémoires en 1997 chez Plon/Le Rocher.

Michel Poniatowski s’éteint le 15 janvier 2002. Valéry Giscard d’Estaing déclare : « J’ai perdu un ami, un frère ». Beaucoup de responsables de droite (François Longuet, François Bayrou) saluent un grand serviteur de l’Etat. Ministre de la Santé publique et de la Sécurité sociale (1973-1974) puis de l’Intérieur (1974-1977), député (1967-1973) puis sénateur (1989-1995) du Val d’Oise, député européen (1979-1989), maire de l’Isle-Adam (1971-1999), celui qui avait participé en 1966 à la création de la FNRI avant d’être, en 1978, l’un des artisans du lancement de l’UDF, a représenté une figure marquante de la droite française sous la Ve République. Ayant accompagné Valéry Giscard d’Estaing dans son ascension politique jusqu’à l’Elysée (n’avait-il pas écrit dans Cartes sur table : « Mon ambition est pour lui, pas pour moi » ?), « Ponia », comme il était appelé communément, combinait d’un côté une rondeur rassurante et des manières courtoises et, de l’autre, une grande virulence à l’encontre de ses adversaires, qu’ils soient gaullistes ou de gauche. Il était décoré de la Médaille militaire, de la Croix de guerre et de la Légion d'honneur.