Georges Chavanes
1925 - 2019
CHAVANES (Georges)
Né le 6 janvier 1925 à Alger (Algérie)
Décédé le 8 octobre 2019 à Saint-Michel (Charente)
Député de Charente en 1986, puis de 1988 à 1997
Ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'Economie, des finances et de la privatisation, chargé du Commerce, de l'artisanat et des services, du 25 mars 1986 au 10 mai 1988
Fils de Stéphanie Leydier et Gustave Chavanes, ingénieur en chef des ponts et chaussées qui trouve accidentellement la mort en 1932 en Algérie, Georges Chavanes est élevé, avec ses six frères et sœurs, par sa mère.
Après des études à la Faculté des sciences de Lyon et à l'Institut électrotechnique de Grenoble, Georges Chavanes obtient son diplôme d'ingénieur et son certificat de mathématiques générales. Il entre aux Houillères de Blanzy à Montceau-les-Mines en 1949. De retour de son service militaire effectué dans le génie à Strasbourg, il épouse en avril 1950 Anne-Marie Balas, avec laquelle il aura cinq enfants.
En 1956, il est embauché par Marcellin Leroy, rencontré aux Houillères de Blanzy, dans son usine de moteurs électriques d'Angoulême. Devenu directeur l’année suivante, il reprend la direction de l’entreprise Leroy en 1958 à la mort de son fondateur, puis, après le rachat de l’entreprise lyonnaise Somer en 1967, il préside le groupe Leroy-Somer, spécialiste mondial en alternateurs industriels et en systèmes d’entraînement électromécanique, jusqu’en 1985. Il devient le promoteur « des usines [à taille humaine] à la campagne », s’attachant à revitaliser par des petites unités et ateliers les communes environnantes frappées par le chômage. Présenté comme un grand patron chrétien, proche de ses employés – son bureau leur est ouvert tous les samedis – et considéré comme un modèle dans les milieux patronaux, il se place à l’avant-garde des réformes sociales dans l’entreprise, devenant ainsi en 1959 le premier chef d’entreprise français à contractualiser l’intéressement. Entre 1958 et 1985, bien que concurrencée par des importations à bas prix venues des pays de l’Est, la société Leroy-Somer devient prospère puis se hisse au premier rang mondial allant jusqu’à compter 40 usines dans le monde, avec 10 000 salariés dont 3 200 en Charente.
Il s’investit par ailleurs dans les milieux économiques et patronaux. En 1967, il entre au comité directeur national du Centre français du patronat chrétien dirigé alors par Yvon Chotard, assure la présidence de la Commission de développement économique et régional (CODER) de Poitou-Charentes (1970-1973), devient membre du conseil de direction du Centre français du commerce extérieur (1972), puis assure la vice-présidence du comité économique et social de Poitou-Charentes (1974-1980). Grand capitaine d’industrie, il préside la commission de l’industrie pour le VIIe Plan (1975). Nommé vice-président du Conseil national du patronat français (CNPF), il prend la tête de l’Institut de développement industriel (1977-1979), de l’Association pour le développement industriel de l’Ouest-Atlantique (1980-1984) et enfin de l’Agence nationale pour la création d’entreprises (1982-1985).
En 1985, âgé de 60 ans, il démissionne de la présidence du directoire de l’entreprise, tout en demeurant au comité de surveillance du groupe industriel et décide de se lancer en politique. Proche de Raymond Barre, qu’il avait reçu dans son département en 1983, il rejoint le Centre des démocrates sociaux (CDS). Sa désignation comme candidat en Charente lors des législatives du 16 mars 1986 – organisées pour la première fois sous la Ve République au scrutin proportionnel départemental à un seul tour – se fait sans difficulté, d’autant que l’Union pour la démocratie française (UDF) locale se cherche alors un chef de file. Il accepte toutefois à la condition qu’il y ait une liste unique de l’opposition face à la liste socialiste menée par le maire d’Angoulême, Jean-Michel Boucheron. Inscrit en deuxième position sur la liste conduite par le maire Rassemblement pour la République (RPR) de Cognac Francis Hardy, Georges Chavanes se concentre pendant la campagne électorale sur le bilan des cinq années de gouvernement socialiste mais également sur la question de l’emploi local. La liste RPR-UDF arrive en tête, avec 43,90% des suffrages exprimés, en partie en raison de de la désunion entre socialistes (34,77%) et communistes (14,22%). Georges Chavanes fait ainsi son entrée à l’Assemblée nationale, aux côtés de son colistier.
Immédiatement sollicité par l’intermédiaire de Pierre Méhaignerie (député d’Ille-et-Vilaine et président du CDS) pour rejoindre le gouvernement Chirac, le député de Charente décline d’abord l’offre, afin de ne pas s’éloigner de son entreprise mais également en soutien à la ligne Raymond Barre, fermement opposé à toute participation à un gouvernement de cohabitation. Toutefois, à l’instar de Pierre Méhaignerie qui accepte le ministère de l'Equipement, du Logement et de l'Aménagement du territoire, il revient sur sa décision après un appel téléphonique de Jacques Chirac lui-même qui cherche à équilibrer les rapports entre le RPR et l’UDF. Il est alors nommé ministre délégué du commerce, de l’artisanat et aux services, fonction qu’il occupera jusqu’en mai 1988.
Défenseur d’un libéralisme social, le ministre manifeste sa volonté de favoriser la concurrence et libérer les prix industriels et commerciaux, tout en empêchant toute forme de concurrence déloyale. Soucieux d'instaurer des relations plus équilibrées entre la grande distribution et le petit commerce, et particulièrement attentif aux zones défavorisées, il exprime son refus sans équivoque d'autoriser l'ouverture des grandes surfaces le dimanche, comme celui de modifier la loi Royer concernant les autorisations d’implantation de grandes surfaces. Flexibilité, baisse des charges et création d’emplois sont les maîtres-mots de son action ministérielle visant à défendre tous les entrepreneurs.
Candidat à sa propre succession lors des législatives de juin 1988, Georges Chavanes se présente dans la 1ère circonscription de Charente (Angoulême) face au candidat PS Jean-Michel Gadrat. Candidat de l’Union du rassemblement et du centre, Georges Chavanes privilégie une campagne de terrain et arrive en tête du premier tour avec 45,99% des suffrages exprimés, talonné par son adversaire socialiste (41,88%) qui dispose d’un réservoir de voix communistes non négligeable (7,59%) et par la menace d’une « vague » rose au lendemain de la victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle. Toutefois, bénéficiant d’une hausse de 5 points de la participation, il est réélu sur le fil, avec 225 voix d’avance, soit 50,26% des suffrages exprimés.
Inscrit au groupe de l’Union du centre, il rejoint la commission de la production et des échanges. Ses questions adressées au gouvernement comme ses nombreuses interventions en séance publique laissent entrevoir ses préoccupations quant aux orientations industrielles et à l’aménagement du territoire. Il intervient aussi lors des projets de loi de finances successifs de la législature, mais également au cours de la discussion du projet de loi relatif au statut et au capital de la régie nationale des usines Renault qui permet le rapprochement de la Régie avec le constructeur suédois Volvo (juin 1990) puis participe l’année suivante à la commission d'enquête chargée d'étudier la situation et les perspectives de l'industrie automobile française (décembre 1991). Il prend la parole dans le débat du projet de loi modifiant l’ordonnance du 21 octobre 1986 relative à l'intéressement et à la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et à l'actionnariat des salariés, sujet qui lui tient à cœur et dont il craint alors la remise en cause (octobre 1990) puis sur celui relatif à l’administration territoriale de la République (mars 1991). Entre 1988 et 1992, il cosigne par ailleurs nombre des motions de censure déposées par les groupes Union du centre (UDC), UDF et RPR, notamment celle d’avril 1991 contre le gouvernement Rocard au lendemain des derniers rebondissements de l’Affaire Urba qui mettent à jour un possible financement occulte du Parti socialiste.
Décidé à renforcer son ancrage local, le député part à la conquête de la mairie d’Angoulême lors des élections municipales de mars 1989. Pourtant donné perdant face au député-maire sortant, le socialiste Jean-Michel Boucheron à la tête de la ville depuis 1977, Georges Chavanes l’emporte à la surprise générale avec 800 voix d’avance. Le nouveau maire découvre alors une dette correspondant à deux ans et demi du budget annuel de la ville, en raison des nombreux gaspillages, malversations et actes de corruption. En 1990, la ville d’Angoulême est en cessation de paiement. Afin de redresser les comptes, le nouveau maire renégocie les emprunts avec les banques et obtient de précieuses aides gouvernementales. Prônant une politique de rigueur, Georges Chavanes réduit de près d’un tiers le nombre de fonctionnaires municipaux et diminue les subventions aux associations, y compris celles accordées au festival de la bande dessinée créé en 1974 tout en demandant aux entreprises privées d’en assurer le financement. Pour redynamiser sa ville et endiguer la baisse de la démographie de la ville du fait d’une fiscalité élevée, il s’engage dans une politique de réduction de celle-ci tout en lançant la construction de logements sociaux, en rénovant certains quartiers ainsi que le théâtre municipal.
A nouveau candidat lors des législatives de mars 1993, le député sortant entend bien profiter de la vague bleue qui suit l’usure du pouvoir socialiste, ainsi que de l’éclatement des forces de gauche. Face à pas moins de sept adversaires, le maire sortant manque de peu d’être élu dès le 1er tour (47,17% des suffrages exprimés) face à son challenger socialiste Bernard Desbordes qui ne recueille que 17,65% des voix. Sans surprise, il l’emporte au soir du second tour avec 59,81% des scrutins.
Inscrit au sein du groupe UDF, il rejoint la commission des affaires étrangères (avril 1993), avant de retrouver l’année suivante la commission de la production et des échanges (avril 1994).
Son attention se porte toujours sur les questions de l’emploi, du monde de l’entreprise et de l’aménagement des territoires. Il est ainsi rapporteur de la commission d’enquête sur les délocalisations à l’étranger des activités économiques (juin 1993) puis membre des missions d’information commune sur l'aménagement du temps de travail dans les pays développés (janvier 1994) et sur l’aménagement du territoire (mai 1994). Par ailleurs, il est membre de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi d'orientation pour le développement du territoire (juin 1994), ainsi que de plusieurs commissions mixtes paritaires sur les projets de loi sur l'amélioration de la participation des salariés dans l’entreprise (juillet 1994) ainsi que sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales (juin 1996). Il est enfin désigné représentant de l’Assemblée nationale au conseil de surveillance de la Caisse française de développement (mai 1993).
En séance publique, lors de la discussion du projet de loi relatif au travail à l’emploi et à la formation professionnelle, son amendement à l’article 3 qui prévoit une actualisation régulière des zones dans lesquelles est accordée une exonération de charges pour l’embauche d’un deuxième ou troisième salarié, est adopté. Il intervient lors de la discussion du projet de loi relatif à l’amélioration de la participation des salariés dans l’entreprise, soulignant que ce système bénéficie non seulement aux salariés mais également à l’entreprise et à la sécurité sociale, du fait d’un moindre absentéisme dans les entreprises l’ayant mis en œuvre (avril et juin 1994). A l’occasion du projet de loi d’orientation pour le développement du territoire, il milite pour des exonérations de charges fiscales et sociales afin de revitaliser certaines zones en favorisant l’installation d’entreprises et d’ateliers (juillet 1994). Lors du projet de loi sur la loyauté et l’équilibre des relations commerciales, il dénonce le risque de trop légiférer sur les rapports entre les PME et la grande distribution, qui pourrait conduire à des pertes de parts de marché des premières au bénéfice d’entreprises étrangères (mars 1996).
Facilement réélu lors des municipales de juin 1995, le maire d’Angoulême annonce toutefois dès la campagne, qu’il passera le relais en cours de mandat. Sa santé chancelante précipite sa décision. En janvier 1997, Georges Chavanes laisse ainsi son fauteuil de maire à son jeune adjoint de 33 ans, Philippe Mottet. Ce dernier est investi par l’UDF, au lendemain de la dissolution du 21 avril, pour lui succéder dans la 1ère circonscription de Charente. Bien qu’arrivé en tête lors du premier tour de scrutin avec 33,98% des voix, Philippe Mottet est toutefois distancé au second tour par le socialiste Jean-Claude Viollet qui obtient un bon report des voix de gauche (53,23% des suffrages). Mais la « vague rose » ne se limite pas à la 1ère circonscription car c’est tout le département de la Charente qui bascule alors à gauche.
Demeuré conseiller municipal, l’ancien maire conserve jusqu’en avril 1998 la présidence du District. Attentif à la vie politique, mais n’exerçant plus de mandat, il publie deux essais : Si on délocalisait en France ? Pour sauver l'emploi (2004) et Leroy-Somer. Aventure industrielle et humaine du XXe siècle (2012).
Officier de la Légion d’honneur (juin 1984) puis commandeur (1997), Georges Chavanes décède le 8 octobre 2019, à l’âge de 94 ans, à Saint-Michel (Charente), des suites d’une longue maladie.