Mohamed Laradji

1925 - 2008

Informations générales
  • Né le 25 décembre 1925 à Cherchell (Algérie)
  • Décédé le 29 juin 2008 à Toulouse (Haute-Garonne - )

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 30 novembre 1958 au 3 juillet 1962
Département
Anciens départements d'Algérie
Groupe
Unité de la République

Biographies

Biographie de la Ve République

LARADJI Mohamed
Né le 25 décembre 1925 à Cherchell (Algérie)
Décédé le 29 juin 2008 à Toulouse (Haute-Garonne)

Député d’Algérie (Blida) de 1958 à 1962

Mohamed Laradji est né en 1925 à Cherchell, alors au sein du département d’Alger.

Il est issu d’une famille revendiquant des racines ottomanes, ayant exercé des fonctions administratives durant la période ottomane puis ralliée aux autorités françaises dès les années 1830, et servant dans l'administration de l'Algérie et dans l'armée française.

Le père de Mohamed Laradji, Diouani ben Abdelkader Laradji né en 1897, fut agha puis bachagha des services civils d'Algérie, pour le douar d’El Gourine (alors au sein de la commune mixte de Cherchell, de nos jours au sein de la commune algérienne de Menaceur). Le rang de bachagha était supérieur à celui d’agha, lui-même supérieur à celui de caïd. Cumulant ses fonctions administratives avec une activité d’agriculteur, Diouani Laradji, décrit comme « absolument dévoué à la cause française » en 1948, illustre le cursus honorum de la notabilité administrative algérienne, sur trois tableaux. En premier lieu, un parcours militaire, comme engagé volontaire en novembre 1916, en France (croix de guerre 1914-1918 et deux citations) puis au Maroc (de février 1919 à novembre 1920), avec l’obtention du grade de sergent. Vient ensuite l’échelle des responsabilités administratives : commis de recette municipale en 1914, khodja auxiliaire (fonctionnaire assistant un caïd) en 1920, caïd au douar de Sidi-Slimane (commune mixte de Cherchell) en 1924, agha puis bachagha du douar d’El Gourine à partir de 1941 et jusqu’à son décès en novembre 1951. Enfin, un parcours d’honorabilité : deux pèlerinages à La Mecque, chevalier du mérite agricole, chevalier de l’ordre marocain du Ouissam alaouite (1930) et de l’ordre tunisien du Nichan Iftikhar (1932). Il fut ensuite nommé chevalier (mars 1939) puis officier de la Légion d'honneur (août 1948).

Dans son sillage, son fils Mohamed entreprit des études supérieures d'arabe et de droit islamique, obtenant deux diplômes le destinant à la magistrature musulmane auprès des autorités françaises : le baccalauréat de philosophie et le certificat d'études supérieures des médersas, à l’issue de son cursus dans la division supérieure de la Médersa d’Alger.

Le futur député entre dans l'administration dès le mois de janvier 1943, comme comptable à l'exploitation des mines de lignite de Marceau, voisines du douar d’El Gourine. En 1944, il intègre l'école des élèves officiers musulmans d'Algérie et de Tunisie, implantée à Bou Saada (4e promotion). Il en sort en 1945 mais est dispensé de service actif. Il est en effet nommé khodja auxiliaire le 1er février 1945, servant de secrétaire interprète auprès de son père au douar d’El Gourine. Il entame à son tour l’ascension des échelons du caïdat des services civils d’Algérie : khodja du douar d’El Gourine en septembre 1947, caïd en second auprès de son père en décembre 1949, caïd intérimaire du douar d’El Gourine en novembre 1951 après le décès de son père, caïd après juin 1956, conseiller technique pour les affaires musulmanes puis membre du conseil d’administration de la Société agricole de prévoyance de Cherchell après juillet 1957 (les sociétés agricoles de prévoyance encadraient l’activité des agriculteurs musulmans propriétaires de leurs parcelles). Entre-temps, Mohamed Laradji a épousé Kheira Benguernane, née en 1929. De leur union, trois enfants sont nés.

Mohamed Laradji est missionné par l’administration pour accompagner les pèlerins algériens à la Mecque en mai 1957, ce qui lui permet de porter le titre honorifique de hadj, comme son père auparavant. Peu après son retour, il est désigné représentant du personnel au sein de la commission administrative paritaire des caïds des services civils d'Algérie en novembre 1957.

A compter de 1958, son parcours revêt une nouvelle dimension politique. Résidant désormais au sein de la commune de Meurad (à une trentaine de kilomètres de Cherchell), il est élu membre de la délégation spéciale faisant office de conseil municipal puis devient membre du comité de salut public installé à Meurad le 15 mai 1958, sous l'autorité des militaires réclamant le retour au pouvoir du général de Gaulle. Six mois plus tard, Mohamed Laradji est candidat à la députation.

Pour les premières élections législatives de la nouvelle Ve République, qui se sont déroulées les 23 et 30 novembre 1958, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours n’a pas cours dans les départements d’Algérie et du Sahara.

Dans un contexte sensible, deux ordonnances du 16 octobre 1958 actent le fait de procéder pour les départements d’Algérie et du Sahara à un scrutin de liste majoritaire à un tour unique, assorti d'un numerus clausus répartissant les sièges attribués respectivement à la représentation européenne et à la représentation musulmane. La constitution des listes est opérée sous un strict contrôle du général Raoul Salan, alors délégué du gouvernement et commandant en chef en Algérie, et de René Brouillet, secrétaire général aux Affaires algériennes auprès du général de Gaulle. Le collège électoral est parallèlement élargi, avec l'extension du droit de suffrage aux femmes algériennes.

Suppléé par Abderrahman Barbache, instituteur à La Chiffa, Mohamed Laradji s’est porté candidat dans la 3e circonscription de Blida, comptant trois sièges à pourvoir. Les listes devaient y inclure deux candidats musulmans et un candidat européen. Associé à Ali Guettaf et Louis Marquaire, Mohamed Laradji figure en deuxième place d’une liste dénommée « Liste de Fraternité nationale », ancrée dans la ligne intégrationniste majoritairement représentée lors du scrutin de novembre 1958. Leur liste est en lice face à une seconde liste intitulée « Liste d'Intégration et de renouveau national », conduite par Jean Piloy.

Le scrutin se déroule sous la protection de l’armée, sur fond d’appel au boycott du Front de libération nationale (FLN) et d’importantes intempéries qui ont perturbé hors des villes l'acheminement par camions militaires des électeurs musulmans vers les bureaux de vote. De fait, en Algérie, la participation n’a pas atteint celle du référendum du 28 septembre précédent, chutant de 80 % à 64 % des inscrits. Dans la circonscription de Blida, la tendance est moindre, l’abstention représentant 28,78 % des 146 127 inscrits officiellement recensés.

La liste de Mohamed Laradji arrive en tête, avec 78 352 des 98 077 scrutins exprimés, soit un taux de 79,89 %. Ce résultat net n’en a pas moins été contesté. L'élection du 30 novembre a en effet donné lieu à un contentieux considérable, portant sur seize des dix-huit circonscriptions d'Algérie. D'une circonscription à l'autre, les motifs des demandes d'annulation n'ont guère varié : irrégularités de listes électorales, pressions dénoncées sur les électeurs, irrégularités du dépouillement. En ce qui concerne la 3e circonscription de Blida, Jean Piloy dépose effectivement une demande d’annulation.

Le Conseil constitutionnel valide l'ensemble des résultats contestés en Algérie, sur la base d'arguments de droit (irrecevabilité des recours, griefs non prouvés) ou en arguant que même prouvé le grief était incapable d'avoir déplacé un nombre significatif de voix. Ainsi, dans une décision du 16 janvier 1959, il rejette la requête en annulation de Jean Piloy, considérant que ce dernier n'a pas présenté sa contestation dans le délai de dix jours suivant la proclamation des résultats du scrutin, tel que prévu par l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

Dans un contexte toujours sensible, la majorité des nouveaux députés d’Algérie a choisi d’abord de renoncer à former un groupe parlementaire spécifique pour mieux signifier le caractère singulier de leur représentation. Le règlement de l'Assemblée nationale leur permet d'opter pour une formation dite administrative, à laquelle s'inscrivent 66 députés, parmi lesquels Mohamed Laradji : la formation dite EAS (formation administrative des Elus d'Algérie et du Sahara).

En juillet 1959, alors qu’était crainte une évolution de la politique algérienne du général de Gaulle (actée dans son discours du 16 septembre 1959 sur l’autodétermination en Algérie), la formation administrative est finalement érigée en groupe à part entière, le groupe Unité de la République, présidé par l'avocat Pierre Portolano, député de Bône, afin d’apporter aux députés d'Algérie une plus forte audience. Mohamed Laradji s’y inscrit. Le groupe est renommé Regroupement national pour l'unité de la République en décembre 1960. En y adhérant, Mohamed Laradji témoigne d’un positionnement pro-Algérie française marqué, alors que d’autres parlementaires d’Algérie ont à l’inverse créé, en 1961, un groupe dénommé Rassemblement démocratique algérien, demandant l'ouverture de négociations avec le FLN puis se déclarant partisan de l'indépendance de l'Algérie.

Mohamed Laradji est membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de 1959 à 1962. Il prend également part à la commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi portant séparation du culte musulman et de l'Etat, présentée par le député d’Alger Mustapha Chelha. Il en est secrétaire. Parallèlement, en juillet 1959, Mohamed Laradji est désigné par le ministère des Affaires étrangères pour une mission d’information des pays étrangers sur les réalités algériennes.

Une fois l'indépendance de l’Algérie effective (le 5 juillet 1962), les députés d’Algérie et du Sahara élus le 30 novembre 1958 font l’objet d’une disposition spécifique. Il est mis fin à leurs mandats par une ordonnance dès le 3 juillet 1962.

C’est une rupture pour Mohamed Laradji qui doit en effet se réfugier en France avec sa famille, dans la région de Toulouse, où il devient bientôt une figure des Harkis rapatriés. Son statut d’ancien député lui permet d’éviter les camps de transit des Harkis. Il bénéficie d’une reconnaissance de l’Etat : par décret du 31 décembre 1962, l’ex-caïd des services civils d’Algérie est reclassé et titularisé en tant qu’attaché de préfecture et titularisé. Mohamed Laradji n’entame toutefois pas de nouvelle carrière administrative, s’installant comme exploitant agricole sur le domaine de La Poque, au sein de la commune de Saint-Lys en Haute-Garonne.

Il ne s’éloigne néanmoins pas des questions politiques, œuvrant dans les organes de représentations des rapatriés d’Algérie. Il œuvre ainsi au Front national des rapatriés, représente les rapatriés au sein des instances agricoles nationales et de Haute-Garonne, est membre d'une commission départementale de remise et d'aménagement de prêts pour les rapatriés d'outre-mer.

Son engagement en faveur des rapatriés vaut à l’ancien député d’être nommé chevalier de la Légion d’honneur en juin 1978, puis officier de la Légion d’honneur en décembre 1993, comme son père quatre décennies auparavant. Il est également décoré de la médaille du mérite agricole. Sur le plan local, Mohamed Laradji jouit d’une certaine notoriété: « C'était quelqu'un de connu, une personnalité », selon Robert Huguenard, député du Rassemblement pour la République (RPR) de la deuxième circonscription de Haute-Garonne entre 1993 et 1997. Il est notamment proche de Pierre Baudis et de son fils Dominique Baudis, successivement maires de Toulouse entre 1971 et 2001. Dans ce cadre, Mohamed Laradji renoue avec la fonction électorale, le temps d’un mandat. Le 16 mars 1986, il est ainsi élu au conseil régional de Midi-Pyrénées, sur la liste conduite par Dominique Baudis.

Mohamed Laradji meurt le 29 juin 2008 à Toulouse, à l’âge de quatre-vingt-deux ans. En juin 2019, le conseil municipal de Toulouse nomme une promenade piétonne du quartier des Pradettes en son honneur : l’allée Mohamed Hadj Laradji. Son épouse Kheira Laradji, née Benguernane, est décédée le 10 septembre 2024.