Adoption d'un rapport sur le projet de loi Travail

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Mardi 5 avril après-midi, la Délégation aux droits des femmes a adopté un rapport sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, présenté par Marie-Noëlle Battistel et Catherine Coutelle. Il formule 30 recommandations concernant notamment les principes essentiels du droit du travail, la négociation collective sur l'égalité professionnelle, le temps partiel, le compte personnel d'activité ainsi que les discriminations et agissements sexistes.

Voir les principaux amendements adoptés par la Commission des affaires sociales dans le prolongement des recommandations de la Délégation.

1. – Pour assurer l’égalité professionnelle, la Délégation aux droits des femmes demande l’élaboration systématique d’une étude d’impact chiffrée sur les conséquences des projets de loi et la mise en œuvre effective des dispositions prévues en la matière par la circulaire du Premier ministre du 23 août 2012.

Principes essentiels du droit du travail 

2. – Mieux définir le principe d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. → En réécrivant le principe défini au 4° de l’article 1er du projet de loi de la façon suivante : « Le principe d’égalité s’applique dans l’entreprise. L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes doit y être assurée. Ce principe ne fait pas obstacle à l’intervention, de manière temporaire, de mesures positives visant à corriger des inégalités entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, dans les conditions prévues par la loi. »

3. – Prendre en compte l’accès à l’emploi dans la définition du principe essentiel du droit du travail relatif à l’interdiction des discriminations. → En réécrivant ainsi le principe défini au 5° : « Les discriminations sont interdites dans l’accès à l’emploi et dans toutes les relations de travail. »

4. – Supprimer le 6° de l’article 1er du projet de loi, aux termes duquel « La liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ».

5. – Poser un principe plus ambitieux en matière d’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale, également plus conforme aux textes européens et internationaux. → En réécrivant le principe défini au 9 de l’article 1er du projet de loi, par exemple de la façon suivante : « L’articulation de la vie professionnelle et de la vie personnelle et familiale est prise en compte dans la relation et l’organisation du travail ».

6. – Réécrire le principe concernant la grossesse et la maternité, pour ne pas en présenter une vision négative et pour mieux tenir compte du droit existant. → En réécrivant le principe défini au 17° de l’article 1er du projet de loi de la façon suivante : « Pendant la grossesse et la maternité, les salariées bénéficient de mesures spécifiques, notamment en cas de risques pour leur santé et leur sécurité. La salariée a droit à un congé maternité pendant la période précédant et suivant son accouchement. Pendant la grossesse et la maternité, la salariée ne peut être licenciée, sauf exceptions prévues par la loi ».

7. – Réécrire le principe relatif au principe d’égalité de rémunération pour viser explicitement les inégalités entre les femmes et les hommes. → En réécrivant le principe défini au 31° de l’article 1er du projet de loi de la façon suivante : « L’employeur assure l’égalité de rémunération pour un même travail ou un travail de valeur égale entre les femmes et les hommes » (et non plus « entre les salariés »).

8. – Prévoir la composition paritaire de la commission de refondation qui sera chargée de proposer une réécriture de la partie législative du code du travail, ainsi que l’association du Conseil supérieure de l’égalité professionnelle (CSEP) aux travaux de la commission de refondation. → En complétant le premier alinéa de l’article 1er par la phrase suivante : « Elle comprend un nombre égal de femmes et d’hommes ».

Temps de travail et de repos 

9. – Rétablir un délai de prévenance de sept jours pour les modifications dans la répartition de la durée du travail intervenant dans le cadre des contrats à temps partiel, avec possibilité de dérogation limitée à trois jours dans le cadre d’un accord collectif.

10. – Prévoir que les accords de branche ne peuvent pas moduler la majoration de la rémunération des heures complémentaires correspondant à un temps de travail additionnel compris entre le dixième et le tiers du temps de travail total en dessous de 25 % du prix de l’heure de base.

11. –  Établir un bilan détaillé, quantitatif et qualitatif, des accords de branche prévoyant des dérogations aux 24 heures, et supprimer le caractère supplétif de la loi pour la fixation de la durée minimum du temps de travail lors d’un contrat à temps partiel.

12. – Modifier la rédaction du projet de loi pour faire référence aux « congés d’articulation entre vie familiale et vie professionnelle » à l’article 3 du projet de loi, et remplacer le mot de « conciliation » par celui d’ « articulation » à l’article 2.

Négociation collective sur l’égalité professionnelle

13. – Renforcer les moyens des DIRECCTE afin d’accompagner, de contrôler et de sanctionner les entreprises en matière d’égalité professionnelle.

14. – Prévoir que la négociation sur l’égalité professionnelle et la négociation sur les rémunérations ne puissent devenir triennales à la suite d’un accord de branche que si l’entreprise a conclu un accord sur l’égalité → La loi du 17 août 2015 prévoyait déjà qu’on puisse modifier la périodicité des négociations annuelles obligatoires dont celle sur l’égalité professionnelle par accord majoritaire d’entreprise. Avec le projet de loi, cette possibilité sera ouverte après un accord de branche. Compte tenu des enjeux importants, il faut réserver cette possibilité de modifier par accord de branche la périodicité des NAO aux entreprises couvertes par un accord sur l’égalité professionnelle.

15. – Former les partenaires sociaux aux spécificités de la négociation sur l’égalité professionnelle en utilisant les nouvelles possibilités offertes par le projet de loi.

16. – Veiller à l’équilibre de la représentation des TPE/PME où les femmes sont majoritairement représentées pour les négociations des accords collectifs de branche.

17. – Harmoniser le vocabulaire utilisé pour nommer les éléments figurant dans la BDES et la procédure de consultation et de négociation → Les indicateurs chiffrés qui figuraient dans le RSC et sont désormais repris dans la BDES (base de données économiques et sociales) sont à la base de la consultation du comité d’entreprise et de la négociation entre les partenaires sociaux. Il est important d’utiliser le même vocabulaire à toutes les phases de la négociation collective en retenant l’expression de « situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise ».

18. – Introduire dans les éléments soumis par l’employeur à la consultation et à la négociation, le plan d’action de l’employeur et en définir le contenu → L’ancien RSC contenait une analyse de la situation dans l’entreprise et un plan d’action, celui-ci doit aussi être soumis pour avis lors de la phase de consultation et lors de la négociation entre les partenaires.

19. – Porter à la connaissance des salarié.e.s non seulement la synthèse du plan d’action unilatéral de l’employeur en cas d’échec de la négociation mais aussi la synthèse de l’accord lui-même en cas de succès → En cas d’échec de la négociation collective sur l’égalité professionnelle, l’employeur doit porter à la connaissance de ses salariés une synthèse du plan d’action unilatéral qu’il compte mettre en œuvre pour faire progresser l’égalité dans l’entreprise. Mais paradoxalement, rien n’est prévu en cas de succès et de signature d’un accord, celui-ci devrait logiquement aussi être porté à la connaissance de salariés.

20. – Renforcer le positionnement et les moyens du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle (CSEP) et prévoir la publicité systématique de ses travaux.

Compte personnel d’activité (CPA) et médecine du travail

21. – Améliorer les modalités d’abondement du compte personnel de formation (CPF), qui sera intégré dans le compte personnel d’activité (CPA), pour les salarié.e.s à temps partiel.

22. – Veiller à la prise en compte des risques pour la santé et la sécurité des salarié.e.s dans les métiers majoritairement exercés par les femmes dans le cadre de la réforme de la médecine du travail.

Discriminations, harcèlement sexuel et agissements sexistes

23. – Harmoniser les règles de preuve en matière de discrimination et de harcèlement sexuel ou moral. → en modifiant l’article L. 1154-1 du code du travail, relatif à la preuve du harcèlement sexuel ou moral, en prévoyant que la personne candidate à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le/la salarié.e « présente des éléments de fait laissant supposer » l’existence d’un harcèlement sexuel ou moral (et non plus « établit des faits »), en reprenant ainsi la formulation retenue à l’article L. 1134-1 concernant les discriminations.

24. – Prévoir l’obligation pour l’employeur de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à la personne licenciée suite à un traitement discriminatoire ou à un harcèlement moral ou sexuel. → En complétant le présent projet de loi par un article additionnel reprenant les dispositions qui avaient été adoptées par l’Assemblée nationale et le Sénat en 2014 dans le cadre de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes (article 7, censuré uniquement pour des raisons de procédure parlementaire).

25. – Instaurer une « indemnisation-plancher » correspondant aux salaires des 12 derniers mois pour tout.e salarié.e licencié.e en raison d’un motif discriminatoire (sexe, grossesse, situation familiale, etc.) ou d’un harcèlement sexuel. → En complétant le projet de loi pour réintroduire les dispositions qui avaient été adoptées par l’Assemblée nationale et le Sénat en 2014 dans le cadre de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes (article 10, censuré pour des raisons de procédure).

26. – Préciser le régime de la preuve applicable aux actions en justice relatives aux agissements sexistes en milieu professionnel (régime de l’aménagement de la preuve, comme pour les discriminations liées au sexe). → En modifiant l’article L. 1144-1 du code du travail, pour faire référence au nouvel article L. 1142-2-1 relatif à l’interdiction des agissent sexistes tel qu’issu de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.

27. – Prévoir l’obligation de rappeler dans le règlement intérieur des entreprises les dispositions prévues par la loi en matière d’agissement sexiste, comme c’est le déjà le cas pour les dispositions légales en matière de harcèlement sexuel. → En modifiant en ce sens le 2° de l’article L. 1321-2 du code de travail, pour faire référence au nouvel article L. 1142-2-1 relatif à l’interdiction des agissements sexistes.

28. – Inclure les risques liés aux agissements sexistes dans les principes généraux de prévention sur le fondement desquels l’employeur met en œuvre les mesures nécessaires pour protéger la santé des salarié.e.s. → En complétant en ce sens le 7° de l’article L. 1321-2 du code de travail, s’agissant des relations sociales et de l’influence des facteurs ambiants, pour faire référence aux risques liés aux agissements sexistes, comme c’est déjà le cas pour le harcèlement sexuel.

29. – Inclure la question du sexisme et des violences au travail dans le champ de la négociation collective sur l’égalité professionnelle.

30. – Modifier le titre du projet de loi pour ne pas invisibiliser les femmes, en faisant également référence aux « actives ».

Lire le rapport d'information.