N° 4126
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2017,
TOME II
CULTURE
CRÉATION ; TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE
Par M. Hervé FÉRON,
Député.
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Voir les numéros :
Assemblée nationale : 4061, 4125 (annexe n° 9).
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION 5
I. UNE FORTE PROGRESSION DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA CRÉATION, DE LA TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DE LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE 7
A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 131 « CRÉATION » S’ACCROISSENT DE 4 % SUR UN AN 7
1. L’action 1 : « Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant » 7
2. L’action 2 : « Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques » 10
B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 224 « TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE » PROGRESSENT DE PLUS DE 8 % SUR UN AN 11
1. L’action 1 : « Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle » 12
2. L’action 2 : « Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle » 13
3. L’action 6 : « Action culturelle internationale » 14
4. L’action 7 : « Fonctions de soutien du ministère » 15
5. L’action 8 : « Fonds pour l’emploi pérenne dans le spectacle » 16
II. L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT DES ARTISTES ÉMERGENTS D’EXPRESSION FRANÇAISE DANS LA FILIÈRE MUSCIALE : UNE STRATÉGIE PUBLIQUE NÉCESSAIRE POUR DÉFENDRE NOTRE EXCEPTION CULTURELLE 17
A. L’EXCEPTION CULTURELLE FRANÇAISE : UN MODÈLE À PRÉSERVER 18
1. Les éléments constitutifs de l’exception culturelle française assurent la viabilité de notre modèle de création 18
2. Une stratégie de soutien aux jeunes artistes émergents est nécessaire tant la musique est un pilier de notre économie et de notre culture 22
B. DE L’ÉCOLE À L’EXPORT, COMMENT DONNER LEUR PLACE AUX NOUVEAUX CRÉATEURS, AUTEURS, COMPOSITEURS D’EXPRESSION FRANÇAISE DANS LE PAYSAGE MUSICAL ? 26
1. Être artiste émergent aujourd’hui 26
2. Le soutien et le développement de l’éducation musicale par les pouvoirs publics : un premier pas pour la formation des jeunes créateurs 30
3. Accompagner le développement des nouveaux artistes d’expression française est une priorité pour le secteur de la création 34
4. Assurer la diffusion et la bonne exposition des nouveaux artistes d’expression française est également indispensable pour qu’ils trouvent leur place dans le milieu de la musique 42
ANNEXES 73
ANNEXE N° 1 : LISTE DES PROPOSITIONS 73
ANNEXE N° 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 75
Conformément à l’annonce du Président de la République à Arles le 7 juillet dernier, confirmée par la ministre de la Culture et de la Communication le 11 septembre, le présent projet de loi de finances comporte un effort tout particulier pour la culture dont le budget connaît cette année une augmentation de 6,9 %, à périmètre constant. Avec une telle augmentation, ce budget atteint un niveau jamais connu pour un budget de la culture, même s’il ne représente que 1,1 % du budget total de l’État. Il s’agit de la traduction concrète de la priorité accordée par cette majorité au secteur de la culture
– malgré le contexte global d’effort de redressement de nos comptes publics – et du fait que « les artistes sont la fierté de notre pays », comme l’a déclaré le chef de l’État dans la cour de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles ce même 7 juillet.
Les quelque 173 millions d’euros de crédits supplémentaires alloués cette année à la mission sont répartis entre ses trois programmes de la manière suivante : 30 millions d’euros sur le programme « Patrimoines » – qui fait l’objet de l’avis confié à notre collègue Michel Herbillon –, 31 millions d’euros sur le programme « Création » et 112 millions d’euros sur le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », essentiellement consacrés au Fonds pour l’emploi permanent dans le spectacle (« FonPEPS »). Ce fonds, annoncé par le Premier ministre en avril 2016 à la suite des travaux issus de la Conférence pour l’emploi (octobre 2015) et mis en place dans le cadre du présent projet de loi de finances, a pour mission de pérenniser l’emploi dans le milieu professionnel du spectacle vivant et enregistré ; il est doté de 90 millions d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 55 millions d’euros de crédits de paiement (CP). Le programme 224 comprend également les crédits dédiés à l’éducation artistique et culturelle dont le budget a été multiplié par deux depuis 2012, ce dont le rapporteur pour avis se félicite.
L’année 2016 a été marquée par l’adoption définitive, après deux lectures dans chaque assemblée, puis l’élaboration d’un texte commun sur les dispositions restant en discussion par la commission mixte paritaire réunie le 16 juin, de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (dite « loi LCAP ») (1). Cette loi rappelle, à son article 1er, le principe de la liberté de la création artistique, fixe un cadre législatif à la politique de labellisation de structures du spectacle vivant et des arts plastiques par le ministère de la Culture et de la Communication et crée un observatoire de la création artistique, placé auprès du ministre, qui contribuera au recueil, à la centralisation et à l’analyse des données fournies par les différents acteurs et permettra donc d’affiner l’évaluation de la politique publique en faveur de la création artistique, politique dont les objectifs sont fixés par la loi.
Dans le domaine de la musique, cette loi crée un observatoire de l’économie de la musique et un médiateur de la musique, afin de pacifier des relations dans une filière où le besoin de partager des informations objectives se fait particulièrement sentir. En dépit de certaines bonnes intentions concernant notamment la transparence des rémunérations dans les secteurs de la création artistique, cette loi fait néanmoins insuffisamment progresser la cause des artistes-interprètes dans le partage des revenus issus de la mise à disposition des phonogrammes en ligne.
Dans le cadre du projet de loi de finances, le programme « Création » soutient la diversité et le renouvellement de l’offre culturelle à toutes les étapes de la vie d’une œuvre : commande, création, production, diffusion et conservation. Le « renouvellement des talents » constitue l’une des priorités que se donne le ministère en la matière (2) et c’est justement sur ce point que le rapporteur pour avis, après avoir rapidement analysé l’évolution des crédits inscrits aux programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » dans le cadre du présent projet de loi de finances (I), a souhaité s’interroger, étudiant tout particulièrement l’émergence des nouveaux talents dans le milieu musical (II).
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. Après l’envoi de quelques dernières réponses le 11 octobre, ce sont 100 % des réponses qui sont parvenues au rapporteur pour avis quasiment dans les délais. Le rapporteur pour avis salue l’effort très important engagé par les services du ministère de la Culture et de la Communication et leur adresse ses remerciements chaleureux. |
I. UNE FORTE PROGRESSION DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA CRÉATION, DE LA TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DE LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE
Le programme « Création » soutient la diversité et le renouvellement de l’offre culturelle par des actions en faveur de la création et des professions artistiques. Il s’attache également à favoriser la diffusion des œuvres et leur mise à la disposition de tous les publics.
Le tableau ci-dessous présente l’évolution des crédits du programme « Création » entre 2016 et 2017 :
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 131 – CRÉATION
(Hors fonds de concours et attribution de produits)
(En millions d’euros)
Autorisations d’engagements |
Crédits de paiement | |||||
LFI |
PLF 2017 |
Évolution 2016/2017 |
LFI |
PLF 2017 |
Évolution 2016/2017 | |
Action 1 – Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant |
669,4 |
705,2 |
+ 5,3 |
676,4 |
700,2 |
+ 3,5 |
Action 2 – Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques |
67,8 |
90,5 |
+ 33,5 |
71,0 |
77,1 |
+ 8,6 |
Total programme 131 Création |
737,2 |
795,7 |
+ 7,9 |
747,4 |
777,3 |
+ 4,0 |
Source : Projet annuel de performances de la mission Culture pour 2017.
L’action 1, qui regroupe près de 90 % des crédits du programme, finance les différents dispositifs de soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant, notamment les réseaux de productions que sont les structures labellisées (centres dramatiques, centres chorégraphiques nationaux, scènes nationales, scènes de musiques actuelles…) mais également une politique de commande publique et d’aides à la création dans les secteurs de la musique, de la création dramatique, de la danse, du cirque ou des arts de la rue.
• Les dépenses d’intervention représentent, avec 396,5 millions d’euros en crédits de paiement, l’essentiel des crédits alloués à l’action 1. Elles permettent de renforcer les moyens des équipes artistiques (aides au projet, conventions pluriannuelles…) mais également de soutenir les structures de création, de production et de diffusion situées sur l’ensemble du territoire. Dans le cadre du présent projet de loi de finances, ces dépenses augmentent de 8,5 millions d’euros, essentiellement pour soutenir les marges artistiques des structures labellisées, consolider le maillage territorial de certains dispositifs (résidences d’artistes, revalorisation des moyens alloués aux pôles nationaux du cirque et aux centres nationaux des arts de la rue et de l’espace public) et soutenir la création indépendante orientée vers les territoires et la jeunesse.
• Les dépenses d’investissement s’élèvent à 22 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 15 millions d’euros en crédits de paiement (CP), destinés à financer :
– la réalisation des travaux prévus dans les « agendas d’accessibilité programmés » destinés à rendre les lieux du spectacle vivant accessibles aux personnes à mobilité réduite (7,8 millions d’euros en AE et 5 millions d’euros en CP) ;
– le lancement des études sur le projet Berthier en vue de l’accueil sur ce site situé dans le Nord de Paris du Conseil national supérieur d’art dramatique, du théâtre national de l’Odéon et de la Comédie française (5 millions d’euros en AE et 2 millions d’euros en CP) ;
– la réalisation de travaux urgents sur la façade du Centre national de la danse (3 millions d’euros en AE et 1,3 million d’euros en CP) ;
– une participation à la réalisation de travaux de désamiantage de l’Institut de recherche et de coordination acoustique-musique (IRCAM) réalisés sous maîtrise d’ouvrage du Centre national d’art contemporain – Georges Pompidou (1,3 million d’euros en AE et 0,4 million d’euros en CP) ;
– la réévaluation du montant de la première phase de travaux au Théâtre national de Chaillot et la réalisation d’études complémentaires (1,6 million d’euros en AE et 3 millions d’euros en CP) ;
Enfin, 3,2 millions d’euros en AE et CP serviront à financer l’investissement pour l’entretien d’autres bâtiments dédiés au spectacle vivant.
• Les dépenses de fonctionnement, qui s’élèvent quant à elles à 275 millions d’euros, correspondent à l’ensemble des subventions pour charges de service public versées aux opérateurs nationaux du spectacle vivant, subventions dont l’évolution sur un an est présentée dans le tableau ci-après.
ÉVOLUTION DES SUBVENTIONS POUR CHARGE DE SERVICE PUBLIC DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX DE SPECTACLE VIVANT
(Autorisations d’engagement et crédits de paiement)
(En millions d’euros)
Opérateur |
PLF 2016 |
PLF 2017 |
Évolution 2016/ |
Comédie Française |
25,3 |
25,4 |
+ 0,4 |
Théâtre National de Chaillot |
13,5 |
13,7 |
+ 1,5 |
Théâtre National de l’Odéon |
12 |
12,5 |
+ 4,2 |
Théâtre National de la Colline |
9,5 |
9,6 |
+ 1 |
Théâtre National de Strasbourg |
9,6 |
9,7 |
+ 1 |
Théâtre National de l’Opéra-Comique |
6,6 |
11,2 |
+ 69,7 (3) |
Opéra National de Paris (ONP) |
96,8 |
97,3 |
+ 0,5 |
Établissement public du parc et de la grande halle de la Villette (EPPGHV) |
21,3 |
21,8 |
+ 2,3 |
Centre National de la Danse (CND) |
9 |
9 |
– |
Cité de la musique – Philharmonie de Paris |
34,6 |
34,8 |
+ 0,6 |
Caisse nationale de retraite de l’ONP |
13,9 |
14,2 |
+ 2,2 |
Caisse nationale de retraite de la Comédie Française |
3,5 |
3,5 |
– |
Orchestre de Paris |
8 |
8 |
– |
Centre national des variétés (CNV) |
0,5 |
0,9 |
+ 80 |
Ensemble intercontemporain |
3,9 |
3,9 |
– |
Total |
268 |
275,2 |
+ 2,7 |
Source : Projets annuels de performances de la mission Culture pour 2016 et 2017.
L’augmentation globale de plus de 7 millions d’euros de ces dépenses de fonctionnement va permettre, en premier lieu, de financer la mise en œuvre, dans les différents établissements, de mesures de sécurité renforcée décidées par le ministère de la Culture et de la Communication à la suite des attentats de novembre 2015 (à hauteur de 2,3 millions d’euros). En deuxième lieu, la réouverture de l’Opéra-Comique après travaux justifie un retour à son niveau habituel de sa subvention, revalorisée pour accompagner l’augmentation du niveau d’activité de l’institution (allongement de la durée de la saison). Enfin, trois établissements voient leur subvention pour charges de service public revalorisée : le théâtre national de l’Odéon, pour lui permettre de consolider sa marge artistique, le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), pour financer le renforcement de l’équipe de l’administration générale, et, enfin, la caisse nationale de retraite de l’Opéra national de Paris, afin de lui permettre de faire face à l’accroissement structurel de ses charges.
L’action 2, dont les crédits représentent un peu plus de 11 % de l’ensemble des crédits du programme, voit ses crédits progresser de 33,5 % en autorisations d’engagement (AE) et 8,6 % en crédits de paiement (CP).
• Les dépenses d’intervention s’élèvent à 49,5 millions d’euros, en AE comme en CP ; elles financent le soutien aux créateurs mais aussi la diffusion artistique. La politique de soutien aux créateurs passe non seulement par des dispositifs d’aides directes aux artistes (ateliers, résidences artistiques…) et aux professionnels (soutien aux galeries d’art), mais également par des commandes publiques passées par le Centre national des arts plastiques (CNAP) – à hauteur cette année de 2,8 millions d’euros – ou par les collectivités territoriales.
L’aide à la diffusion passe par le développement de lieux de présentation, d’acquisition et de production d’œuvres plastiques contemporaines sur tout le territoire (centres d’art contemporain, fonds régionaux d’art contemporain - FRAC, lieux de résidences…) ; au niveau central, le ministère soutient deux institutions au rayonnement national et international – le Jeu de Paume, spécialisé dans la photographie (doté de 4,1 millions d’euros dans le cadre du présent projet de loi de finances) et le Palais de Tokyo qui diffuse la création émergente sous toutes ses formes (doté quant à lui de 6,5 millions d’euros) – et accompagne de grandes manifestations, telles la Biennale de Lyon ou Monumenta au Grand Palais.
Par ailleurs, l’action 2 soutient les métiers d’art à hauteur de 1,3 million d’euros.
• Les dépenses d’investissement inscrites à l’action 2 s’élèvent à 21,6 millions d’euros en AE et 8,3 millions d’euros en CP. Elles sont principalement destinées à financer le projet de relogement du CNAP, dont le bail arrive à échéance en 2018 ; les crédits inscrits cette année (17 millions d’euros en AE et 6 millions d’euros en CP) doivent permettre de couvrir les dépenses liées à l’acquisition d’une emprise immobilière dans la proche banlieue parisienne et le lancement des travaux d’aménagement permettant d’accueillir l’ensemble des réserves de l’établissement.
• Les dépenses de fonctionnement s’élèvent à 16,3 millions d’euros en AE comme en CP, comprenant les subventions pour charges de service public alloués aux deux opérateurs que sont le CNAP (doté de 7,5 millions d’euros) et la Cité de la céramique de Sèvres et Limoges (dotée de 4 millions d’euros), mais également les dotations de fonctionnement du service à compétence nationale du Mobilier national et des Manufactures des Gobelins, Beauvais et de la Savonnerie (doté de 4,3 millions d’euros).
B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 224 « TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE » PROGRESSENT DE PLUS DE 8 % SUR UN AN
Le programme 224 « transmission des savoirs et démocratisation de la culture », outre les fonctions de soutien du ministère, regroupe deux politiques essentielles de la culture : l’éducation artistique et culturelle (EAC) comme vecteur premier de la démocratisation culturelle, sociale et géographique, et l’enseignement supérieur de la culture (ESC) comme vecteur de soutien à la création et à la professionnalisation artistique et culturelle.
Le tableau ci-après retrace l’évolution des crédits de ce programme entre 2016 et 2017. Le présent exercice budgétaire est marqué par la création d’une nouvelle action – l’action 8 – destinée à recevoir les crédits affectés au Fonds pour l’emploi pérenne dans le spectacle vivant, dit « FonPEPS », doté de 90 millions d’euros en autorisations d’engagement et 55 millions d’euros en crédits de paiement.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 224 – TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE
(Hors fonds de concours et attribution de produits)
(En millions d’euros)
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | |||||
LFI |
PLF |
Évolution |
LFI |
PLF |
Évolution | |
Action 1 – Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle |
273,9 |
265,3 |
– 3,1 |
262,8 |
275,8 |
+ 4,9 |
Action 2 – Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle |
103,2 |
111,1 |
+ 7,7 |
105,3 |
111,1 |
+ 5,5 |
Action 6 – Action culturelle internationale |
6,6 |
7,6 |
+ 15,2 |
6,6 |
7,6 |
+ 15,2 |
Action 7 – Fonctions de soutien du ministère |
759,2 |
786,9 |
+ 3,6 |
758,3 |
778,9 |
+ 2,7 |
Action 8 – Fonds pour l’emploi pérenne dans le spectacle |
90 |
55 |
||||
Total programme 224 – Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
1 142,9 |
1 261,0 |
+ 10,3 |
1 133,0 |
1 228,5 |
+ 8,4 |
Source : Projet annuel de performances de la mission Culture pour 2017.
1. L’action 1 : « Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle »
Cette action, qui regroupe 21 % des crédits du programme, sert de support au financement de la centaine d’établissements rattachés au ministère de la Culture et de la Communication, au sein desquels plus de 37 000 élèves ont suivi un cursus d’enseignement supérieur en 2015-2016.
Elle connaît une évolution contrastée de ses dotations, marquées sur un an par une baisse des autorisations d’engagement de 3,1 % et une progression des crédits de paiement de 4,9 %. Cette double évolution est liée à la poursuite de travaux engagés dans plusieurs établissements d’enseignement pour lesquels le présent projet de loi de finances comporte des crédits de paiement correspondant à des autorisations d’engagement votées lors d’exercices précédents : poursuite des travaux à l’école nationale supérieure d’architecture de Marseille, engagement des travaux de réhabilitation de l’école nationale supérieure d’architecture de Toulouse, poursuite des travaux de l’école nationale supérieure de la photographie d’Arles, poursuite des travaux de remise aux normes du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, notamment.
L’achèvement de l’intégration au processus de Bologne constitue un des axes de développement prioritaire de l’enseignement supérieur Culture : le cursus Licence-Master-Doctorat (LMD) est désormais largement intégré aux deux premiers niveaux et, pour l’architecture, au niveau doctorat. Le développement des activités de recherche constitue le défi le plus important dans un contexte de compétition aiguë, tant au plan national qu’international. Le présent budget renforce de 1,1 million d’euros les crédits destinés à accompagner la réforme du statut d’enseignant-chercheur dans les écoles nationales supérieures d’architecture.
La première priorité de l’enseignement supérieur Culture demeure néanmoins la consolidation de la dimension professionnelle du système de formation, mesurée au taux d’insertion professionnelle des diplômés, ainsi que la diversification sociale dans l’accès aux enseignements supérieurs. Le ministère a d’ailleurs mis en place une « aide à la recherche du premier emploi » destinée aux jeunes diplômés boursiers qui arrivent sur le marché du travail, dotée de 2 millions d’euros.
L’évolution des subventions aux établissements publics d’enseignement supérieur culturel inscrites dans les projets de loi de finances pour 2016 et 2017 est retracée dans le tableau ci-après.
ÉVOLUTION DES SUBVENTIONS AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR CULTUREL INSCRITES DANS LES PROJETS DE LOI DE FINANCES
POUR 2016 ET 2017 (en crédits de paiement)
(En millions d’euros)
PLF 2016 |
PLF 2017 | |
Écoles nationales supérieures d’architecture |
51 |
52 |
Institut national du patrimoine |
6,1 |
6,2 |
École du Louvre |
2 |
2 |
Sous-total architecture et patrimoine |
59,1 |
60,2 |
École nationale supérieure des Beaux-Arts |
7,9 |
8,4 |
École nationale supérieure des arts décoratifs |
11,6 |
12,1 |
École nationale supérieure de création industrielle |
4 |
4,1 |
Écoles d’art en région |
11,8 |
12,5 |
Académie de France à Rome |
5,2 |
5,2 |
Sous-total arts plastiques |
40,5 |
42,3 |
Conservatoire national supérieur d’art dramatique |
3,7 |
3,9 |
Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris |
25,5 |
25,8 |
Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon |
13,8 |
14,1 |
Centre national des arts du cirque |
3,4 |
3,4 |
Sous-total spectacle vivant |
46,4 |
47,2 |
Total |
146 |
149,7 |
Source : Projet annuel de performances de la mission Culture pour 2016 et 2017.
L’action 2, dont les crédits représentent 8,8 % du programme, contribue à l’objectif d’assurer l’accès de tous les publics à la culture sur l’ensemble du territoire national par le soutien à l’éducation artistique et culturelle (EAC) et par le financement de mesures en faveur du maillage culturel des territoires, en particulier dans les espaces urbains sensibles et les espaces ruraux et périurbains.
Elle voit ses crédits de paiement augmenter sur un an de 5,8 millions d’euros (+ 5,5 %), faisant suite à l’augmentation de près de 10 % inscrite dans le précédent projet de loi de finances. Les autorisations d’engagement progressent parallèlement de 7,9 millions d’euros, soit + 7,7 %.
• Les crédits de fonctionnement consacrés à l’éducation artistique et culturelle s’élèvent dans le cadre du présent projet de loi de finances à 64 millions d’euros, marquant une progression de 108 % par rapport au projet de loi de finances pour 2012.
Parmi les mesures ainsi financées figurent :
– un soutien aux actions des conservatoires classés en faveur de la jeunesse et de la diversité, à hauteur de 11 millions d’euros ;
– le développement du programme DEMOS (pour Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale), piloté par la Cité de la Musique – Philharmonie de Paris, abondé de 1,5 millions d’euros ;
– le financement de projets de classes dans le cadre scolaire ou périscolaire (aides aux ateliers artistiques, aux classes culturelles, aux classes à projet artistique et culturel, et plus largement aux dispositifs de sensibilisation à la culture), à hauteur de 7 millions d’euros ;
– le financement de projets d’établissements (soutien aux jumelages, résidences d’artistes et autres dispositifs mis en place par les établissements), à hauteur de 15,2 millions d’euros ;
– le financement de projets de territoires (soutien aux actions menées en partenariat avec les collectivités territoriales dans le cadre de contrats éducatifs locaux ou de contrats ou plans locaux d’éducation artistique), à hauteur de près de 19 millions d’euros.
• Les crédits consacrés aux actions menées dans le domaine de la démocratisation culturelle, de l’irrigation culturelle du territoire et des pratiques amateurs s’élèvent à 47,11 millions d’euros. Parmi les mesures financées figurent :
– le financement de dispositifs de soutien à l’accès à la culture de publics spécifiques (en situation de handicap ou sous main de justice, notamment), à hauteur de 4 millions d’euros ;
– le financement d’une politique d’aménagement territorial de la culture (pour un budget total de 34 millions d’euros), autour notamment des conventions de développement culturel signées avec les collectivités territoriales, d’actions spécifiques en direction des territoires ruraux ou du soutien des agences régionales et organismes départementaux pour le développement des arts vivants ;
– le soutien au développement des pratiques artistiques en amateur, à hauteur de 4,5 millions d’euros.
L’action 6 ne représente que 0,6 % du programme 224 ; ses crédits progressent sur un an de plus de 15 % pour s’établir à 7,6 millions d’euros en AE comme en CP, étant toutefois noté que l’action internationale du ministère de la Culture ne se limite pas aux crédits inscrits à cette action : il convient de tenir compte aussi des actions de coopération engagées par les établissements publics ou les réseaux et labels, ainsi que des crédits inscrits à la mission « médias, livre et industries culturelles » (4).
Cette action permet, notamment, le financement :
– de dispositifs de promotion des industries culturelles françaises (livre, musique, architecture) à l’étranger, à hauteur de 380 000 euros ;
– d’actions de coopération et d’échanges avec des institutions culturelles internationales (participation au fonds d’intervention de l’UNESCO pour la diversité culturelle, contribution au financement de l’Organisation internationale de la francophonie, participation aux « itinéraires culturels européens » mis en place par le Conseil de l’Europe, notamment), à hauteur de 2,11 millions d’euros ;
– d’actions de diffusion des cultures étrangères en France (soutien à l’Institut français, participation aux saisons mettant à l’honneur les cultures étrangères en France, notamment), à hauteur de 1,6 million d’euros ;
– de dispositifs d’accueil des professionnels de la culture et des artistes étrangers en France (notamment des résidences d’artistes et des programmes de formation), à hauteur de 2,6 millions d’euros ;
– d’un dispositif d’intervention d’urgence sur le patrimoine en péril à l’étranger en raison de catastrophes naturelles ou de conflits armés, à hauteur de 1 million d’euros : ce fonds de soutien permettra de financer des missions sur le terrain, l’aide et l’expertise d’urgence, la formation et le soutien aux acteurs locaux pour la protection et la reconstruction des biens patrimoniaux.
Cette action regroupe l’ensemble des crédits alloués aux fonctions de soutien (ressources humaines, logistique, système d’information, etc.) de l’administration centrale et des services déconcentrés. Elle comprend également la masse salariale en titre 2 du ministère de la Culture et de la Communication, afin d’assurer une meilleure gestion des emplois et de leur évolution. Elle représente 62,4 % des crédits du programme.
Le plafond d’emplois du ministère s’établit pour 2017 à 11 189 équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit une progression de 148 ETPT sur un an.
Cette action est créée dans le cadre du présent projet de loi de finances afin de recevoir les crédits affectés au Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle, ou FonPEPS, premier fonds destiné à soutenir la création d’emplois pérennes par les entreprises du spectacle vivant et enregistré. Au titre de 2017, il est doté de 90 millions d’euros en autorisations d’engagement et 55 millions d’euros en crédits de paiement. Il va servir à financer plusieurs mesures, dont, notamment, l’aide au premier salarié (APS), la prime à l’emploi pérenne de salariés du spectacle (PEPSS), l’aide aux jeunes artistes diplômés (AJAD), l’aide à la garde d’enfants d’artistes et techniciens intermittents (AGEDATI) et un fonds assurantiel des groupements d’entreprises culturelles.
*
* *
L’étude des crédits des programmes « création » et « transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui sont analysés avec davantage de précision par le rapporteur spécial de la commission des Finances, constitue l’occasion pour le rapporteur pour avis de se pencher, au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation, sur un thème relatif à un de ces programmes.
Il a choisi cette année de centrer ses travaux sur une stratégie publique d’aide au développement des artistes émergents d’expression française dans la filière musicale.
II. L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT DES ARTISTES ÉMERGENTS D’EXPRESSION FRANÇAISE DANS LA FILIÈRE MUSCIALE : UNE STRATÉGIE PUBLIQUE NÉCESSAIRE POUR DÉFENDRE NOTRE EXCEPTION CULTURELLE
Le rapporteur pour avis tentera dans un premier temps de démontrer que le droit d’auteur, le statut d’intermittent du spectacle, la création et l’expression en français, sont des éléments constitutifs et indispensables du patrimoine culturel, qui participent de notre « soft power » dans le monde. Si la dimension économique de la culture est trop souvent sous-estimée, nous verrons que nous ne pouvons pour autant considérer la culture comme un secteur économique quelconque et que des politiques publiques audacieuses doivent y être consacrées.
Il s’interrogera ensuite sur la place de l’artiste émergent dans un écosystème musical en pleine reconfiguration, menant très souvent à la paupérisation et à l’isolement. C’est particulièrement vrai pour l’artiste francophone à l’ère de l’hégémonie de la langue et de la culture anglaises et d’une approche exclusivement commerçante menant à un formatage appauvrissant. Pour plus de diversité et afin que la langue française perdure à travers la chanson, une stratégie publique d’aide au développement des artistes émergents francophones est donc nécessaire.
« Le meilleur témoignage que nous puissions donner de notre dignité, c’est la culture », disait Charles Baudelaire, et reprenait le président de la République le 19 janvier 2012 aux Biennales internationales du spectacle à Nantes.
Une composante essentielle du monde de la culture tel que nous l’appréhendons aujourd’hui est la musique, source d’inspiration et de satisfaction inépuisable pour les artistes amateurs ou mélomanes qui résident en chacun de nous. Car la musique met tout le monde d’accord, comme le prouve une étude Ipsos commanditée en 2014 par la Société des auteurs, compositeur et éditeurs de musique (SACEM) (5) : 99 % des Français écoutent régulièrement de la musique, trois quarts d’entre eux déclarant « ne pas pouvoir s’en passer ». Et pourtant, encore aujourd’hui, la musique reste le parent pauvre de la culture.
C’est tout particulièrement le cas pour les musiques actuelles, souvent péjorativement qualifiées de « variété » et très peu présentes dans les conservatoires. Depuis l’arrivée du disque vinyle en 1954, importé en France par Eddie Barclays et qui a très rapidement trouvé son succès auprès du public français, la musique enregistrée souffre en effet d’une image commerciale ne méritant pas que la puissance publique s’y intéresse. Et pourtant, comme le disait André Malraux, « la musique est une industrie mais c’est aussi un art ».
1. Les éléments constitutifs de l’exception culturelle française assurent la viabilité de notre modèle de création
a. Le droit d’auteur n’est pas un ensemble de règles obsolètes qui empêchent la création, bien au contraire : ce sont ces mécanismes protecteurs qui la rendent possible
Plus de 250 ans après la fondation de la SACEM, les droits d’auteur restent une composante majeure de notre paysage culturel. Rejoints dans le code de la propriété intellectuelle par les droits voisins aux droits d’auteur (6) en 1985 avec l’adoption de la loi Lang (7), ils permettent aux artistes de conserver la propriété de leur œuvre et de percevoir des droits sur l’exploitation qui en est faite. Grâce aux droits d’auteur, les créateurs sont libres et indépendants vis-à-vis des mécènes et autres commanditaires qu’il faut satisfaire : c’est l’une des conditions pour que la liberté d’expression existe.
Beaumarchais, créateur de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) en 1777, disait qu’« avant de créer, il faut souper ». Beaucoup d’artistes n’ont que leurs droits d’auteur pour vivre, et vivre intégralement de ses droits reste difficile : en 2015, sur 157 000 membres, seulement 13 270 auteurs et compositeurs de la SACEM ont reçu plus de 1 500 euros de droits et 2 800 plus de 15 000 euros. Quant aux artistes-interprètes, l’immense majorité d’entre eux ne touche qu’un cachet au moment de l’enregistrement de l’œuvre, sans « royalties » sur l’exploitation qui en est faite par la suite, notamment sur internet où ils sont contraints de céder leurs droits aux producteurs qui traitent directement avec les plateformes.
En effet, confrontés aux producteurs et aux plateformes, les artistes isolés ne disposent pas de la force de négociation nécessaire. La gestion collective des droits par des sociétés telles que la SACEM, la SPEDIDAM ou l’ADAMI est donc la seule solution pour parvenir au rééquilibrage du partage de la valeur tirée de la musique en ligne. S’il est regrettable d’avoir manqué l’occasion historique d’une grande loi sur la culture ou de la mission de médiation de M. Marc Schwartz (8) pour agir, le rapporteur pour avis reste persuadé que la puissance publique devra prendre ses responsabilités à l’avenir sur la question de la gestion collective des droits issus de l’exploitation de la musique en ligne afin de remédier à la paupérisation et à l’isolement des artistes-interprètes.
Toutes ces questions sont méconnues du grand public, tant il est difficile aujourd’hui de faire comprendre les principes du droit d’auteur et des droits voisins, tout particulièrement à la « génération du partage » sous laquelle on désigne les adolescents et jeunes adultes ayant grandi avec l’essor du numérique. Parmi eux, la copie illicite est en effet une pratique très répandue, et elle s’accompagne d’idées fausses sur le droit d’auteur. Ces idées sont aussi très prégnantes à Bruxelles, où l’on considère souvent le droit d’auteur comme un « obstacle » à la révolution numérique, le président de la commission européenne Jean-Claude Juncker étant allé jusqu’à parler en octobre 2014 de la nécessité de « briser les barrières nationales, dont celles du droit d’auteur ».
Si une réflexion sur le droit d’auteur apparaît légitime au regard des nouveaux usages apparus avec la facilité de reproduction et de diffusion des œuvres sur internet, il s’agit de réaffirmer notre attachement à ce principe de droit d’auteur, comme l’a fait la commission des affaires européennes à l’Assemblée nationale dans une proposition de résolution européenne (PPRE) conjointe de nos collègues Marietta Karamanli et Hervé Gaymard en mai dernier (9). Il est certain qu’un nivellement par le bas du système de droit d’auteur portera gravement atteinte à la création artistique française, en fragilisant la rémunération des auteurs et en raréfiant les sources de financement des œuvres, avec à la clé un appauvrissement de la diversité et de l’offre de produits culturels.
En effet, les conséquences d’un « détricotage » du cadre juridique européen sur le droit d’auteur pourraient être extrêmement graves, comme on a pu le voir en Espagne où, au nom de l’idéologie ultra-libérale du tout-gratuit, on a détruit le système de rémunération pour copie privée. Au total, 110 millions d’euros de financement privé à la culture, dont – comme en France – un quart allait au financement de missions d’intérêt général, ont été supprimés. Cela a entraîné la disparition de centaines voire de milliers d’emplois, et la rémunération des auteurs – déjà largement paupérisés – a encore été diminuée. Les conséquences directes de cette réforme ont été dramatiques : fermeture de festivals, suppression d’aides aux jeunes artistes, disparition de financements aux nouveaux projets, affaiblissement des soutiens aux répertoires les plus fragiles…
L’affaiblissement du droit d’auteur risquerait en outre de conforter la situation quasi monopolistique des grands groupes culturels et d’information qui paient extrêmement peu d’impôts relativement à leur chiffre d’affaires et ne participent pas au financement des œuvres culturelles. Le mastodonte Google, à peine inquiété par la Commission européenne, détient ainsi une part de marché de 90 % dans les vingt-huit pays de l’Union. Sans même parler des risques d’une telle position hégémonique (menace sur les données personnelles, espionnage électronique), s’il y a quelque chose de vraiment inadapté dans le cadre juridique européen du numérique, c’est donc bien le laisser-faire fiscal qui a coûté des centaines de milliards d’euros au contribuable européen et auquel il faut mettre un terme.
Plutôt que de chercher de nouvelles exceptions au droit d’auteur affaiblissant la rémunération des artistes et les industries de la création, il s’agit ainsi de modifier la directive-cadre européenne de 2000 sur le commerce électronique afin de mettre un terme à l’impunité légale et fiscale dont bénéficient les grands acteurs du net et qui tue les acteurs européens du numérique dans un statu quo inacceptable que l’on peut qualifier de véritable « exception numérique » (10). Les GAFA (11) doivent eux aussi participer au financement de la création.
Le droit d’auteur n’est pas un frein à la diffusion des œuvres, mais bien au contraire une condition nécessaire à la survie des industries culturelles. En effet, jamais le consommateur n’a eu accès à autant d’œuvres culturelles : en 2015, 83 % des ménages européens avaient accès à internet. Partout dans l’Union européenne on peut se faire livrer des millions de livres, de disques, de morceaux de musique, de films ou de séries TV. « La création et la diffusion des biens culturels n’ont jamais été aussi faciles qu’à l’époque du grand marché numérique, lequel est déjà pleinement une réalité » (12).
b. Le régime des intermittents du spectacle est indispensable à la démocratisation culturelle et pour cela il mérite d’être défendu
Sur l’ensemble du territoire, des artistes et techniciens du spectacle interviennent dans le domaine des arts vivants et enregistrés pour initier des publics à la découverte et à la pratique de leur art. Ces missions, au cœur des politiques culturelles de décentralisation mises en place au lendemain de la seconde guerre mondiale, sont fondamentales à la démocratie. En favorisant l’expression artistique de tous et l’accès aux pratiques artistiques, les intermittents du spectacle contribuent ainsi à la démocratisation culturelle. Sans eux, tous nos festivals, concerts, et manifestations artistiques seraient rendus impossibles.
À l’heure où les discours simplificateurs et caricaturaux se multiplient dans les médias et sur les réseaux sociaux, nous avons plus que jamais besoin d’artistes et d’intermittents du spectacle pour interroger nos certitudes et bousculer nos conventions. André Malraux ne disait-il pas que « la Culture, c’est ce qui répond à l’homme quand il se demande ce qu’il fait sur la terre » ?
Le régime des intermittents du spectacle fait la fierté de notre pays et permet de maintenir le spectacle accessible à tous, avec des billets d’entrée aux tarifs abordables. Pourtant, depuis plus d’une décennie, ce régime fait débat.
Créé originellement en 1936 pour les artistes du cinéma, le régime des intermittents du spectacle est régi par des règles spécifiques d’indemnisation du chômage liées au caractère discontinu de leur activité. Ce régime est lié aux conditions d’emploi du secteur : des périodes de forte activité alternent avec des périodes au cours desquelles l’intermittent ne perçoit aucun salaire et peut donc toucher une allocation chômage. Dans le détail, les artistes et techniciens qui ont travaillé plus de 507 heures sur une période de 10 mois et demi maximum peuvent bénéficier d’une indemnisation pendant 243 jours les jours où ils ne travaillent pas, calculée sur la base des salaires perçus et du nombre de jours travaillés.
Souvent taxés de « privilégiés », ces professionnels de la scène peinent à se faire comprendre de publics concevant difficilement que les techniciens et les artistes qu’ils applaudissent sur scène sont pour la plupart des travailleurs précaires : contrats très courts, insécurité, heures supplémentaires non payées constituent le quotidien d’une très grande partie d’entre eux.
Une étude de février 2016 du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) sur la pluriactivité dans le spectacle vivant (13) montre ainsi qu’en moyenne les salariés y travaillent moins de 463 heures annuelles pour des revenus de 6 928 euros nets par an, seulement 30 % d’entre eux tirant l’essentiel de leurs revenus du secteur. L’insécurité de l’emploi y est très forte, la durée moyenne des contrats de travail étant de trois jours et les salaires devant être renégociés à chaque contrat de travail. En outre, la rémunération horaire moyenne des artistes a baissé : elle est passée de 18 euros à 15 euros bruts en cinq ans (14). Les femmes, qui ne représentent que 30 % des intermittents du spectacle, sont particulièrement touchées par la précarité. Enceintes, il leur est très compliqué d’atteindre le nombre d’heures requis pour bénéficier des allocations journalières de la sécurité sociale, et c’est pour elles la double peine avec de grandes difficultés à redevenir bénéficiaires du régime d’assurance chômage.
Même s’il faut lutter contre la fraude aux prestations sociales, pas plus marquée dans le monde de l’intermittence que dans le reste du monde du travail (15), rien n’indique que les intermittents soient des privilégiés. Cette idée provient directement des campagnes de communication orchestrées par le MEDEF, selon lequel le régime des intermittents du spectacle serait responsable d’un déficit de l’assurance-chômage à hauteur d’un milliard d’euros, chiffre dont le mode de calcul trompeur avait été éclairci par l’Unédic (16) dans un rapport de notre collègue Jean-Patrick Gille en 2013. En réalité, ce déficit serait de 320 millions d’euros, somme bien moins impressionnante alors même que les intermittents sont les acteurs-clé d’un secteur qui, nous le verrons, génère une énorme activité économique.
2. Une stratégie de soutien aux jeunes artistes émergents est nécessaire tant la musique est un pilier de notre économie et de notre culture
a. « Il est temps de prendre la musique économiquement au sérieux » (Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco, le 3 décembre 2015)
La culture apporte une participation essentielle à l’économie ; faut-il rappeler qu’elle contribue « sept fois plus que l’industrie automobile » au PIB français ?
Or, au sein des industries culturelles et créatives (ICC), la filière musicale est un poids lourd dont on sous-estime la plus-value. Son chiffre d’affaires s’élève à 8,6 milliards d’euros, soit plus de 10 % du chiffre d’affaires (17) des ICC, ce qui en fait un contributeur plus important à l’économie de la culture que le cinéma ou le livre. Avec 240 000 emplois (18), c’est en outre la filière qui emploie le plus de personnes après les arts visuels dans le secteur culturel.
Les métiers de la musique forment un écosystème riche et varié ; si les créateurs y occupent une place centrale, l’exploitation de leur œuvre nécessite bien d’autres professionnels (producteurs, distributeurs, diffuseurs, fabricants d’instruments de musique…) qui ont pour certains un rôle mal connu mais pourtant essentiel comme les éditeurs (19). Malgré la crise, ces derniers ont été à l’origine avec les producteurs de la création de plus de 12 000 emplois en 2013 (20).
À l’image du secteur culturel, la filière musicale est un débouché qui « attire notamment les jeunes et ce, quelle que soit leur formation » (21). Ainsi, comme le montre le panorama Ernst & Young sur les ICC, celles-ci concentrent une population active constituée de gens en moyenne plus jeunes que dans l’économie globale (22). Encore fortement touchée par le chômage, si bien que l’on peut parler de « fracture générationnelle », la jeunesse investit massivement le secteur culturel et la filière musicale. C’est elle qui, par son envie et sa créativité, permet le renouvellement d’un domaine qui ne saurait générer de la richesse s’il reste immobile. En ce sens, le soutien aux artistes émergents doit être considéré comme un véritable investissement.
Enfin, il faut rappeler que nos productions ne se sont jamais aussi bien exportées. La musique et son écosystème sont au cœur d’un processus d’internationalisation qui est aujourd’hui un des piliers de leur développement. La filière produit en effet un chiffre d’affaires global de 800 millions d’euros à l’export. Daft Punk, Phoenix ou encore Zaz sont l’exemple même d’artistes faisant carrière à l’étranger avec un grand succès. Classiques toujours plébiscités (Edith Piaf) et nouveautés remarquées font du répertoire musical français le deuxième plus diffusé au monde derrière le répertoire anglo-saxon. Notre pays est bien positionné vis-à-vis des technologies numériques : Deezer et Believe Digital sont deux géants français respectivement de l’écoute de musique en streaming et de la distribution numérique des artistes et labels indépendants. Ces succès, qui méritent d’être soutenus et confirmés, laissent malheureusement largement de côté les œuvres d’expression française des jeunes artistes émergents.
Il apparaît donc crucial de soutenir la filière musicale. Or, si l’aide de l’État est bien réelle (par des subventions directes, des crédits d’impôt (23) ou encore via le plan de soutien à l’innovation et à la transition numérique pour le secteur de la musique enregistrée), il semble cependant que celle-ci soit largement sous-dimensionnée, compte tenu de la richesse générée par l’ensemble des métiers de la musique.
Les auteurs du rapport « Création musicale et diversité à l’ère numérique » (24) estimaient ainsi ce soutien à hauteur de 80 millions d’euros en 2011, ce qui, selon ces mêmes auteurs, restait très limité (25) et insuffisant compte tenu de l’activité et de l’importance de la filière (26). Ce rapport montrait également que l’industrie cinématographique était nettement mieux soutenue par les pouvoirs publics par comparaison avec sa contribution à l’économie globale (plus faible que celle de la musique), le producteur phonographique assumant la « quasi-totalité du risque de son projet, alors que dans le cinéma, le producteur délégué n’assume, en moyenne, qu’un quart de ce risque (les trois quarts étant pris en charge par les aides du CNC, les préachats des diffuseurs, les investissements des SOFICA (27) …). » (28).
Cette absence de soutien est particulièrement flagrante à l’encontre des musiques actuelles. Un rapport sur les aides de l’État aux musiques actuelles constatait ainsi en 2006 que celles-ci pâtissaient historiquement d’un manque de considération conduisant à leur marginalisation au sein du ministère de la Culture. La faiblesse des moyens dont dispose l’écosystème des musiques actuelles peut être résumée à l’aide de deux chiffres : alors que le budget du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), dont les ressources proviennent essentiellement de la taxe fiscale (29), est de 30 millions d’euros, celles du Centre national du cinéma (CNC) s’élèvent à 728 millions d’euros. Un tel écart n’est pourtant absolument pas justifié au vu de la place croissante des musiques actuelles dans le paysage musical. De la même manière, les Scènes de musique actuelles (SMAC) ont des moyens largement insuffisants pour mener à bien leurs missions, comme nous le verrons en seconde partie.
De façon générale, cette situation pénalise les acteurs les plus vulnérables de l’écosystème musical. Il faut ici rappeler à quel point la filière musicale est clivée entre petites et grosses structures à chaque maillon de la chaîne de valeur. Ainsi, du côté de la production phonographique, derrière les majors travaillent une multitude de TPE locales (labels indépendants représentés par des associations comme la Fédération nationale des labels indépendants – ou FELIN – qui regroupe plus de 500 structures). Or, ces structures, qui jouent un rôle clé dans l’émergence de jeunes artistes, sont plus durement touchées encore par la crise du disque. En raison des contraintes financières, elles prennent de moins en moins de risques. « Le seuil de rentabilité d’un album est de plus en plus rarement atteint, en tout cas pour les nouveaux artistes ou les artistes de notoriété moyenne » (30) si bien que la chute de la production locale devrait être de 8 % chaque année (31).
En outre, la croissance très forte des revenus engendrés par la scène ne doit pas cacher le fait que les PME du spectacle vivant, qui représentent 95 % des entreprises du secteur, sont souvent financièrement à la peine. Les petites entreprises ne connaissent en effet pas la même situation d’embellie que les grosses structures susceptibles de concentrer leur activité sur des salles importantes. Confrontées à une stagnation ou un repli de la fréquentation des petites salles et à une hausse du coût (32) des tournées, elles sont parfois dans une situation difficile. Soulignons ainsi qu’il est de plus en plus difficile pour ces petites entreprises d’investir en direction de jeunes artistes, à un moment où la scène est pourtant leur moyen d’émergence privilégié. Enfin, cette dichotomie favorise le développement d’inégalités territoriales d’accès à la culture étant donné que les salles à forte capacité d’accueil sont principalement situées dans des ensembles urbains importants voire en hyper centre-ville.
L’accent mis sur le poids économique de la filière musicale ne doit néanmoins pas conduire à oublier que l’importance de la musique au sein de notre société dépasse très largement son impact en termes d’emplois et de contribution au produit intérieur brut (PIB). Si la vision comptable est un prisme nécessaire dans un contexte de difficultés budgétaires, elle ne permet pas, dès lors qu’il est question de culture, de mesurer pleinement la contribution de cette dernière à la construction du lien social.
b. Le soutien aux jeunes artistes émergents est une façon d’abonder notre patrimoine culturel et de participer au développement de notre influence dans le monde
Si la logique marchande est de plus en plus prégnante dans le milieu de la musique, il s’agit de rester prudent et de veiller à ce que la réflexion de la puissance publique ne soit pas uniquement guidée par la question lucrative. Il apparaît pertinent, à cet égard, de se demander pourquoi la loi Création, Architecture et Patrimoine n’a pas créé un « Observatoire de la création musicale » plutôt qu’un « Observatoire économique de la musique » (33), à la dénomination particulièrement restrictive.
C’est en insistant sur la capacité de l’écosystème musical à enrichir notre vie culturelle avant tout et ainsi à favoriser le vivre-ensemble qu’une stratégie de soutien aux jeunes artistes émergents doit être pensée. Bien que l’idée d’investissement en devenir soit pertinente, l’accompagnement de l’artiste qui cherche à émerger doit être conçu comme une façon d’abonder notre patrimoine culturel plus que comme la première étape d’une plus-value économique future, sans quoi nous risquons de perdre de vue les bénéfices humains et sociétaux de la culture.
De la même manière, si, à l’international, les productions musicales rencontrent un véritable succès commercial, c’est en termes d’influence qu’il faut aussi évaluer l’importance de l’exportation de la musique. L’ancien Premier ministre Lionel Jospin déclarait ainsi à Avignon le 17 juillet 2000 : « Pour la France, s’il s’agit encore de « rayonner », il s’agit de le faire de façon nouvelle, en assumant une vocation de passeurs de rêves, de créateurs de liens, de médiateurs entre les cultures ». Le soutien à la filière musicale doit ainsi être un moyen de consolider notre soft power, de rayonner culturellement parlant au-delà des gains économiques.
Les événements culturels internationaux que la France accueille chaque année sont au cœur de cette dynamique. Nos festivals de cinéma sont mondialement reconnus. Mais ils ne sont pas les seuls et la musique fait aussi partie de ce mouvement, ainsi qu’en témoignent des rencontres comme le « Nancy Jazz Pulsations » ou « Jazz in Marciac », manifestations devenues incontournables sur la scène européenne.
Enfin, la musique, via l’exportation de l’œuvre d’artistes francophones, est une opportunité de valoriser notre langue qui, rappelons-le, bénéficie d’une large communauté francophone à travers le monde. La francophonie représente en effet 274 millions de locuteurs sur tous les continents en 2014, chiffre qui devrait s’établir à plus de 700 millions en 2050. Il s’agit donc d’un atout à ne pas négliger dans les années à venir. Défendre la chanson en français sous toutes ses formes, c’est permettre la diversité culturelle dans le monde.
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Non seulement le droit d’auteur, le statut d’intermittent du spectacle, la chanson française sont des éléments constitutifs et indispensables de notre patrimoine culturel qui contribuent à défendre la diversité, mais en plus ils apportent une contribution essentielle à notre économie et ils participent de notre influence à l’international.
Il s’agit à présent de s’interroger plus précisément sur la place de l’artiste émergent et en particulier de l’artiste francophone qui a vocation à être au centre de l’écosystème musical bien que ce dernier valorise trop souvent une approche exclusivement commerçante menant à un formatage appauvrissant.
B. DE L’ÉCOLE À L’EXPORT, COMMENT DONNER LEUR PLACE AUX NOUVEAUX CRÉATEURS, AUTEURS, COMPOSITEURS D’EXPRESSION FRANÇAISE DANS LE PAYSAGE MUSICAL ?
À la suite des auditions menées, le rapporteur pour avis estime difficile de définir avec précision ce qu’est un artiste émergent. Cette absence de définition, y compris juridique, donne lieu à des situations absurdes telles que l’attribution d’aides à des Johnny Halliday ou Charles Aznavour d’un fonds que l’ancienne ministre de la Culture Catherine Tasca définissait comme destiné à « aider les jeunes créateurs qui ne sont pas encore connus ». On peut donc s’interroger sur les critères de redistribution de ce fonds, géré par la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), dont les aides (13 millions d’euros l’an dernier) sont majoritairement attribuées à des artistes confirmés dont près des deux tiers sont signés chez les trois majors Universal, Sony et Warner. En effet, les modalités d’attribution de ce fonds méconnaissent assurément l’esprit de la loi du 3 juillet 1985 (cf. encadré ci-après) et l’argument du directeur-général de la SCPP (34) selon lequel un investissement auprès d’un artiste tel que Johnny Halliday constitue une prise de risque ne tient pas quand on sait que ce dernier a vendu en un an au moins 300 000 exemplaires de son dernier album.
Les dépenses d’action culturelle et sociale des sociétés de perception et de répartition des droits
C’est pour compenser pour les auteurs, artistes-interprètes et producteurs la perte de revenu engendrée par la réalisation, faite licitement et sans leur consentement, de copies d’œuvres fixées sur des phonogrammes ou des vidéogrammes à des fins strictement privées, que la loi du 3 juillet 1985 (35) a créé une rémunération pour copie privée (RCP).
Les trois-quarts des sommes provenant de la RCP, récoltées par Copie France, sont reversés aux ayants droit par les différentes sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) qui en assurent la gestion collective. L’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle dispose que le solde – soit 25 % de ces sommes – est consacré par les SPRD à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes ainsi que, depuis l’adoption de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite « loi LCAP » (article 20) à des actions de développement de l’éducation artistique et culturelle menées par des auteurs ou des artistes-interprètes. À ces sommes provenant de 25 % du produit de la RCP s’ajoute en outre la totalité des sommes n’ayant pu être réparties par les SPRD pour des raisons juridiques (absence de réciprocité dans les conventions internationales) ou pratiques (absence d’identification des bénéficiaires).
Le montant et l’utilisation de l’ensemble de ces sommes font l’objet, chaque année, d’un rapport des SPRD au ministre chargé de la culture, sous le contrôle de la Commission permanente de contrôle des SPRD. D’après le dernier rapport annuel de cette commission, publié en avril 2016 (36), les dépenses d’action culturelle et sociale des SPRD ont connu une forte progression au cours des dernières années, passant d’environ 70 millions d’euros en 2012 et 2013 à plus de 80 millions d’euros en 2014.
À titre d’exemple, la Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI) a redistribué en 2015 plus de 13 millions d’euros et ainsi contribué au financement de 1 077 projets garantissant l’emploi des artistes-interprètes et favorisant le développement de leur carrière et leur promotion. Près de 4 millions d’euros concernaient plus spécifiquement des projets dans les domaines des variétés, musiques actuelles et musiques du monde. M. Bruno Boutleux, directeur de l’ADAMI a indiqué, lors de son audition par le rapporteur pour avis, que, si le fait que les artistes s’expriment en français ne figure pas aujourd’hui parmi les critères de répartition, il n’était pas opposé à ce qu’un tel critère y figure à l’avenir.
S’il est difficile de définir avec précision l’émergence, il est en revanche possible de comprendre dans quelles conditions un artiste est susceptible de se faire connaître petit à petit afin de souligner les difficultés nouvelles auxquelles il est exposé et d’y répondre par la suite.
L’écosystème musical a profondément changé depuis plusieurs dizaines d’années et cela n’est évidemment pas sans incidences sur les carrières des créateurs. Internet est devenu un élément incontournable pour l’artiste en devenir. Un exemple extrême, comme celui du trio L.E.J (37) montre que l’essor du web a pu transformer les trajectoires d’émergence, en les rendant à la fois plus rapide et plus indépendante du support physique que par le passé. Néanmoins, on peut se demander si de telles ascensions fulgurantes ne cachent pas une réalité moins avenante. « Sortir de la masse n’est pas plus aisé » comme le notait le Centre de ressources et d’informations pour les musiques actuelles (IRMA) (38) et, pour un artiste parvenant à percer grâce à internet, combien stagnent et ne parviennent pas à être entendus, fautes de « vues » ?
Il faut ajouter à ce bouleversement son corollaire, à savoir l’effondrement du marché du disque qui a fragilisé toute la chaîne de valeur, petits labels indépendants comme majors de moins en moins enclines à signer des artistes méconnus. Ces derniers sont ainsi de plus en plus amenés à se constituer une visibilité tout seul pour pouvoir être ensuite repérés par des producteurs. « Pour faire simple, s’il n’y a pas 15 000 likes ou 100 000 vues de clip, les professionnels s’engageront plus difficilement. Il faut une fanbase suffisante et un travail déjà réalisé. La moitié du parcours, l’artiste la fait tout seul » souligne ainsi Philippe Albaret, directeur du Studio des variétés (39). Comme l’a confié un directeur de label phonographique, les entreprises de production phonographique sont moins des « pépinières » que des « accélérateurs de particules ».
La disparition des circuits de distribution locale a aussi accentué la difficulté des artistes émergents à se faire connaître dans un premier temps grâce à leur album. Il faut à cet égard rappeler que le nombre de disquaires indépendants a été divisé par vingt en trente ans (40). Or, comme le rappelle la Fédération nationale des labels indépendants (FELIN), ceux-ci représentaient des débouchés importants pour les albums de jeunes artistes qui ne sont pas encore acceptés par la grande distribution.
Enfin, le manque de diffusion de la musique – notamment francophone – dans les médias traditionnels, qui sera traité ultérieurement, est aussi un élément fondamental qui ne facilite pas l’exposition médiatique.
b. L’artiste émergent est ainsi amené à se « professionnaliser » de plus en plus et à assumer des métiers qui ne relèvent pas de la création
Face à cette situation, l’artiste émergent ne peut que très difficilement se consacrer uniquement au perfectionnement de son œuvre artistique. Afin de s’intégrer à un écosystème qui ne prend souvent pas la peine de l’accompagner, il doit pouvoir endosser des rôles divers.
Le développement de l’autoproduction est à cet égard particulièrement emblématique ; le créateur se transforme en entrepreneur : en 2008, 45 % des artistes de musique associés de l’ADAMI avaient réalisé au moins un enregistrement en autoproduction dans les trois dernières années (41). De la même manière, étant donné que la scène et internet sont aujourd’hui des facteurs déterminants dans l’essor d’une carrière, les artistes émergents sont de plus en plus amenés à se construire une image élaborée avant même d’avoir fait le moindre album. Ils doivent savoir parler aux médias, gérer leur communication et développer une approche marketing de leurs projets. Autre exemple, le développement du modèle dit à « 360 degrés » confronte les jeunes artistes à des réalités contractuelles complexes : l’intégration verticale de la filière, l’effacement apparent des frontières entre éditeurs et producteurs peut conduire ces derniers à profiter de leur position aux dépens du créateur (42). On conçoit aisément les difficultés que cela peut poser à des jeunes gens qui ne sont a priori pas juristes et qui seraient peu ou mal assistés.
Prospérer dans un tel environnement nécessite donc des compétences et des connaissances bien particulières, qui, si elles ne sont pas maîtrisées, peuvent conduire les jeunes créateurs à la précarité. C’est d’autant plus vrai pour les artistes francophones qui doivent faire face à la position dominante du répertoire anglo-saxon. Une stratégie de soutien aux jeunes artistes émergents doit viser à accompagner les créateurs tout au long de cette professionnalisation dans un contexte où ni les entreprises de production d’une taille conséquente, ni les principaux diffuseurs ne semblent prêts à donner leur chance à la plupart des créateurs novices (43). C’est à cette condition que des trajectoires incertaines d’émergence pourront être transformées en véritables parcours stabilisés.
Ainsi, le rapporteur pour avis tient à mettre en garde les pouvoirs publics sur le risque de précarisation des artistes émergents qui doivent être toujours plus autonomes. « Saltimbanques 3.0 » (44) devant passer de réseaux sociaux en réseaux sociaux pour pouvoir espérer atteindre le devant de la scène, ces derniers sont trop souvent délaissés. Les politiques publiques doivent prendre en compte ces nouveaux phénomènes et penser le soutien aux jeunes artistes depuis l’école jusqu’à l’export en renforçant les dispositifs de professionnalisation.
C’est en effet dès le plus jeune âge que la sensibilisation aux arts doit être encouragée, afin de faire comprendre aux citoyens le rôle majeur des artistes dans notre société et de favoriser l’éclosion des artistes de demain. Le cas d’un pays comme la Finlande, qui prévoit dans son programme scolaire une éducation artistique complète et obligatoire dès les premières années pour tous les enfants et qui est systématiquement très bien notée dans les classements PISA de l’OCDE, est à cet égard édifiant.
2. Le soutien et le développement de l’éducation musicale par les pouvoirs publics : un premier pas pour la formation des jeunes créateurs
La Finlande a cherché à développer, à travers la musique, le rayonnement de sa culture à l’international. Pour un petit pays de 5,5 millions d’habitants, la musique finlandaise s’exporte de manière impressionnante, à travers des artistes comme Jean Sibelius, Lindberg, Karita Mattila mais aussi grâce à ses réseaux de festivals (54 annuellement dans tout le pays) et environ 30 orchestres professionnels. Cette réussite semble passer par une éducation musicale performante et volontariste, soutenue par des politiques publiques ambitieuses (45).
Bien que la France ne soit pas en reste en termes de soutien à l’éducation musicale, des efforts semblent indispensables dans un contexte de restriction budgétaire et de nombreux projets ambitieux gagneraient à être étendus.
Engagée dans une période trouble de son histoire, tiraillée par les velléités impérialistes de la Russie et de la Suède, la Finlande a fait dès le XIXe siècle le choix du développement de la musique comme un moyen de permettre la survie de sa culture et de sa langue. Pour cela, la Finlande a instauré, dans ses écoles, une éducation musicale (mais aussi artistique) particulièrement ambitieuse.
Cet enseignement s’est développé progressivement et, aujourd’hui, les écoles finlandaises ont obligation de mettre en place une éducation musicale et artistique dès le plus jeune âge. Pendant les huit années d’école primaire, cela représente une heure de cours par semaine au minimum, en fonction des différentes options artistiques choisies par l’élève. La formation des enseignants suit cette même logique puisqu’ils doivent impérativement maîtriser les éléments pédagogiques pour l’apprentissage du chant, de la théorie musicale mais aussi pouvoir enseigner la pratique d’un instrument. De la même façon, les écoles de musique sont nombreuses sur ce grand territoire à la population peu dense (plus d’une centaine) et bénéficient d’un financement pérenne et croisé entre l’État et les municipalités depuis la loi de 1969.
L’exemple finlandais est à prendre en compte non pas comme un modèle directement transposable à la situation française mais parce que l’importance donnée à la musique et à l’éducation musicale semble avoir eu de nombreuses conséquences positives sur le système éducatif et le rayonnement culturel finlandais. L’apprentissage de la musique permet, en effet, le développement des cours et parcours transcurriculaires, ce qui peut être vu comme une des causes du succès du système scolaire finlandais. Par ailleurs, comme dit précédemment, cela a permis un formidable développement de la culture nationale à l’international. La Finlande a bien compris que la musique devait être une évidence à l’école et l’on s’en rend bien compte dans le cadre de la récente réforme des rythmes scolaires, où le nombre d’heures allouées à l’éducation musicale est encore en augmentation.
Cet exemple démontre la nécessité de faire de l’éducation musicale une cause nationale en France, permettant de sécuriser l’avenir de la création musicale tout en étant l’une des conditions pour un meilleur rayonnement de la musique et de la chanson française. Cette démarche peut être vue parallèlement comme un formidable vecteur d’intégration sociale entre des élèves de différents horizons et un moyen de développer l’écoute et la compréhension de différents styles musicaux et donc de différentes cultures.
Beaucoup a déjà été fait pour élargir la place de l’éducation musicale dans les écoles et au bénéfice des élèves. Ainsi, la loi du 11 juillet 1975 insistait déjà sur « le nécessaire équilibre entre les disciplines intellectuelles, artistiques, manuelles, physiques et sportives ». De la même façon, la loi sur les enseignements artistiques de 1983 mettait en avant l’ouverture des écoles aux « personnes justifiant d’une compétence professionnelle dans les domaines de la création ou de l’expression artistique, de l’histoire de l’art ou de la conservation du patrimoine qui peuvent apporter leur concours aux enseignants ». Nous pouvons encore citer le plan Lang-Tasca des années 2000 pour les arts et la culture dans l’enseignement supérieur (46).
Depuis 2012, la place de l’éducation artistique et musicale a encore été renforcée au sein des écoles. Pour la première fois, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République la reconnaît comme l’un des grands domaines de la formation générale dispensée à tous les élèves (47). En se fondant sur le Parcours d’éducation artistique et culturelle (PEAC) et la circulaire du 7 juillet 2015, qui fixe les objectifs de formation et les repères de progression dans la mise en œuvre de ce parcours, cette loi ne se limite pas à l’éducation musicale mais veut permettre une cohérence et une continuité de son apprentissage dans le parcours des élèves.
Enfin, la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine prévoit que les 25 % de la rémunération pour copie privée déjà consacrés au financement d’aides à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes, devront aussi soutenir l’éducation artistique et culturelle. Parallèlement, le 8 juillet 2016, la Charte de l’éducation artistique et culturelle (48) a été présentée en Avignon par Mme Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication, et Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Cette Charte a pour objectif une éducation artistique et culturelle (comprenant donc l’enseignement de la musique) accessible à tous à travers la « fréquentation des œuvres, la rencontre avec les artistes, la pratique artistique et l’acquisition de connaissances ».
À cette occasion, les deux ministres ont rappelé l’augmentation des crédits de l’État destinés à l’éducation artistique et culturelle (une augmentation de 80 % des crédits du ministère de la Culture entre 2012 et 2016 ; une augmentation de 61 % des crédits de la politique de la ville alloués aux pratiques culturelles et à l’éducation artistique et culturelle entre 2012 et 2015). Un exemple concret et réussi de cette politique en faveur de l’éducation artistique est celui des orchestres DEMOS, qui permettent un accès des enfants des quartiers défavorisés à la musique classique via la pratique d’un instrument de musique à raison de quatre heures par semaine. Ce dispositif, qui a fait ses preuves (50 % des « enfants de Démos » ayant poursuivi l’étude de la musique en conservatoire), sera, dans le cadre du présent projet de loi de finances, étendu à l’ensemble du territoire national, outre-mer inclus, en passant de quinze à trente orchestres d’ici à 2018.
Plusieurs mesures ont ainsi été mises en place afin de financer, de soutenir et d’organiser l’éducation musicale dans les écoles françaises, qui pourraient être encore plus ambitieuses. Notons que l’accent doit être mis tout particulièrement sur la pratique du chant ou d’un instrument de musique plus que sur l’enseignement théorique. Par ailleurs, pourquoi ne pas créer en France une option au baccalauréat, qui plus est estampillée « musiques actuelles », où les lycéens pourraient faire preuve de leur talent sur tous les styles de musiques existants, du rock à la pop, en passant par le rap ou le slam, et où l’expression en français serait mise à l’honneur ? Nous restons encore loin derrière un pays comme la Finlande en termes d’ampleur et de démocratisation de l’enseignement artistique, bien que des expériences et projets intéressants existent dans plusieurs écoles françaises qui mériteraient d’être généralisés sur l’ensemble du territoire. Cela permettrait d’atteindre les objectifs de la Charte précédemment citée, en termes d’accessibilité de l’éducation musicale.
Ainsi, le dispositif « La Fabrique à Chanson », en partenariat avec la SACEM, permet à cent classes (environ 2 500 élèves de CM1 et CM2), chacune en partenariat avec un artiste-créateur, de travailler autour de projets pédagogiques plaçant les élèves au cœur de la création musicale, en passant par toutes les étapes et à travers cinq séances et une représentation en public (scène locale, vidéo…).
La pratique du chant ou d’un instrument de musique est également indispensable à l’école. Ainsi, les chorales et les « Orchestres à l’école » (49) permettent la pratique d’un instrument dans le cadre d’un apprentissage musical régulier en tant que matière à part entière. Il faut noter que les élèves ayant des difficultés à accéder à la pratique d’un instrument sont considérés comme prioritaires et que le dispositif contribue à favoriser leur inclusion au sein de l’école. Ce sont des dispositifs partenariaux qui sont considérablement aidés par la SPEDIDAM, la SACEM ou encore Radio France. Cela permet à l’association de prendre en charge directement, au sein des écoles, 50 % du coût du parc instrumental et la mise à disposition de formateurs. À la rentrée 2015, 1 140 établissements bénéficiaient de ce dispositif et 60 000 élèves ont pris part à ces orchestres depuis le début de l’opération.
Tout comme on pourrait imaginer développer les opérations « Orchestre à l’école » et « Fabrique à Chanson » afin que chaque enfant, à la fin de son parcours scolaire, ait pu faire l’expérience d’un processus de création musicale, pourquoi ne pas donner les moyens à chacun des 7 100 collèges de France de développer un auditorium et un parc instrumental afin de permettre la pratique musicale de tous dans des conditions acoustiques optimales ? Cela serait un pas remarquable vers l’égal accès de tous à l’éducation artistique (Charte pour l’éducation artistique et culturelle du 8 juillet 2016).
Une formation plus approfondie des enseignants à l’éducation musicale et une augmentation des effectifs de musiciens intervenants (« dumistes ») seraient nécessaires afin de permettre la généralisation de ces programmes (« Élèves au concert » (50), « Enfant en chœur » (51), « La Fabrique à Chansons »…) ou encore une utilisation plus importante des « Enfants de la Zique » (source nationale de références musicales utilisée par environ 400enseignants aujourd’hui) ou de « Musique Prim » (une ressource dédiée à l’éducation musicale pour les enseignants du premier degré). Il faut amener l’éducation musicale à devenir une matière à part entière au collège mais surtout, au sein des écoles primaires. Toujours à l’école élémentaire, la bonne utilisation des ressources numériques est aussi enseignée aux élèves, à travers l’opération Calysto, qui sensibilise les jeunes sur les enjeux de la création et les risques du piratage.
En dehors du cadre scolaire, les conservatoires et écoles de musique doivent également être soutenus par les pouvoirs publics. Relativement à la taille de la population, avec ses 200 conservatoires à rayonnement régional et à rayonnement départemental (CRR et CRD), la France est loin des efforts réalisés par la Finlande. En outre, le désengagement de l’État observé l’année dernière avec la suppression de la subvention aux conservatoires dans la loi de finances pour 2015, auquel s’ajoute celui des départements et de certaines villes, se traduisent par une baisse de la diversité de l’offre et par une augmentation des tarifs. Malgré l’augmentation de plus de 8 millions d’euros des moyens mis à disposition par l’État en 2016 (13,5 millions au total), on est encore loin des 27 millions d’euros de 2012 (52). Là encore, la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales a une incidence directe sur la baisse des moyens alloués à la culture, qui devient, trop souvent, la variable d’ajustement budgétaire.
En prenant exemple sur la réussite de l’éducation musicale finlandaise, une généralisation des projets expérimentés sur le territoire national, mais aussi une mise en cohérence de tous ces dispositifs, permettraient une formation musicale étendue et ainsi le développement de plus de jeunes musiciens créateurs, dans le but de favoriser le rayonnement culturel et musical français.
3. Accompagner le développement des nouveaux artistes d’expression française est une priorité pour le secteur de la création
Accompagner le développement des artistes émergents est également une priorité pour le secteur de la création, et il existe des dispositifs qui assurent avec succès cette mission depuis plusieurs années.
a. Les dispositifs d’accompagnement et les structures de formation en particulier qui tentent d’apporter des réponses à ces nouveaux besoins
Afin d’aider les artistes à entrer dans la carrière et à s’y maintenir, plusieurs dispositifs d’accompagnement existent et sont souvent soutenus par les pouvoirs publics.
C’est le cas du Fonds d’action et initiative rock (Fair), créé en 1989 par le ministère de la Culture et qui se définit comme un « premier dispositif de soutien au démarrage de carrière et de professionnalisation en musiques actuelles » dont plus de 300 groupes et chanteurs ont bénéficié (53).
Sur 500 dossiers examinés, le Fair récompense chaque année quinze lauréats, sélectionnés par un comité artistique composé de professionnels de la musique et renouvelé chaque année. Le Fair pourvoit une aide financière de 7 000 euros, il propose une aide juridique qui peut s’avérer très utile en cas de contrat, la participation à des formations techniques ou encore un conseil en management avec la participation à un stage « gestion de carrière ».
La visibilité offerte par le Fair est un atout majeur du dispositif, avec la publication à 10 000 exemplaires chaque année d’une compilation regroupant un titre de tous les lauréats, envoyée à un réseau de grands partenaires musicaux et médiatiques (54). En outre, le dispositif du Fair est exemplaire car il met en lien des acteurs de la filière musicale souvent dispersés et accompagne un par un des artistes sur tous les aspects de leur début de carrière.
S’il s’agit d’une initiative qu’il convient de soutenir, ce dispositif ne saurait pour autant suffire à garantir une véritable diversité des artistes émergents, dont seulement 15 par an bénéficient du dispositif. À titre de comparaison, une structure comme la SPEDIDAM fournit 13 millions d’euros à 2 000 structures différentes chaque année. Même si un tiers environ des artistes aidés chantent en français, on peut par ailleurs regretter que le Fair ne valorise pas spécifiquement les artistes émergents d’expression francophone, aucun critère de francophonie n’étant prévu.
Au vu de l’exemplarité du dispositif, l’idée d’un doublement de la subvention du ministère de la Culture au Fair apparaît pleinement justifiée. Une telle augmentation permettrait notamment de faire passer le nombre de lauréats de 15 à 20 voire 25, d’accentuer la formation individuelle, d’améliorer la visibilité des artistes émergents dans les médias, d’aider à la diffusion en baissant les prix des places en salles à Paris et en région, tout en portant une meilleure attention aux projets francophones.
Fondé en 1983, le Studio des variétés (ou SDV) est également devenu l’une des références en matière d’accompagnement et de développement artistique pour les artistes en quête de perfectionnement. Fonctionnant à 57 % sur fonds propres et à 43 % grâce à des subventions de l’État (320 000 euros gelés depuis plusieurs années), le SDV a soutenu en 2015 350 projets artistiques et 784 artistes en leur proposant des formations artistiques et professionnelles personnalisées afin de favoriser leur émergence ou leur retour sur le devant de la scène. C’est un microcosme très intéressant à visiter dans lequel travaillent côte à côte des représentants de tout l’écosystème musical (artistes, formateurs, mixeurs, producteurs, managers…).
Le SDV propose des formations artistiques mais aussi administratives très utiles à une époque où les artistes ont de plus en plus recours à l’autoproduction et ont davantage tendance à gérer seuls les différents aspects de leur carrière. Par ailleurs, le SDV loue dans ses locaux à Paris des résidences de création aux artistes pour des périodes de 6 mois ou d’un an. Dans ces conditions, à proximité immédiate de tous les acteurs passant par les locaux du SDV, l’artiste peut créer dans un environnement favorable et faire des rencontres pouvant lui être très bénéfiques dans la poursuite de sa carrière.
Une autre structure importante pour le développement des artistes émergents est le Fonds pour la création musicale (FCM), lequel soutient la création et la diffusion des musiques actuelles, tous genres confondus (cf. encadré infra). Le FCM, qui vient de procéder à une réforme importante de ses aides et de son mode de fonctionnement, accorde désormais une importance toute particulière à l’aide à l’auto-production des artistes qui, comme nous l’avons vu, témoigne de l’évolution des trajectoires d’émergence.
Le Fonds pour la création musicale
Le Fonds pour la création musicale est une association, créée en 1984 dans la prévision de la reconnaissance, intervenue avec l’adoption de la loi du 3 juillet 1985 (55), des droits voisins au droit d’auteur pour les artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes. Il soutient la création et la diffusion des musiques actuelles, tous genres confondus.
Son budget est issu des sommes prélevées par les SPRD sur les 25 % de la copie privée et les montants irrépartissables de la rémunération équitable. Il s’élève désormais, du fait d’un accroissement des contributions des SPRD décidé en 2015, à 4,5 millions d’euros, dont 770 000 euros de budget de fonctionnement.
Une réforme importante de ses programmes d’action a été menée en 2015, guidée par trois lignes directrices : l’accompagnement de la prise de risque, en particulier ciblée sur les carrières des nouveaux talents (aide à la pré-production scénique, aide au premier pacte de préférence signé par un éditeur, le plus souvent déficitaire dans l’attente de « décollage » de l’artiste), la suppression des doublons avec d’autres programmes d’aide existant auprès des autres guichets que sont le Centre national des variétés ou le Bureau export de la musique (suppression d’aides à des festivals ou à des tournées) et la priorité donnée à la musique par l’image (aide à la réalisation de clips vidéos).
Lors de son audition par le rapporteur pour avis, M. Laurent Rossi, président du FCM, a souligné l’importance de faire évoluer régulièrement les critères d’attribution des aides du fonds, afin de les adapter aux nouveaux usages numériques (d’où une aide particulière à la réalisation de clips vidéos, qui permettent de faire le « buzz » sur les plateformes) et de concentrer ces fonds en direction des artistes émergents et de tous les acteurs de la filière qui les accompagnent (aide à la prise de risque).
Enfin, le Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles – plus communément appelé IRMA – occupe une place spéciale de par sa dimension transversale qui lui donne une légitimité auprès des acteurs du secteur. Financé par le ministère de la Culture et de la Communication à hauteur de 55 % de ses revenus, l’IRMA a vocation à s’occuper de tous les professionnels de l’écosystème musical. Les formations de l’IRMA, qui concernent 800 à 1 000 stagiaires par an, s’adressent plutôt à l’entourage de l’artiste et notamment aux managers et sont donc plus professionnelles qu’artistiques. Le but de l’IRMA est ainsi d’améliorer l’environnement de l’artiste pour que ce dernier puisse créer de manière plus sereine, avec des professionnels compétents présents à ses côtés tout le long de sa carrière.
L’IRMA, dont les difficultés économiques ont conduit à deux séries de licenciements au cours des dix dernières années, se considère comme une structure orpheline du projet avorté de Centre national de la musique (CNM). Le CNM, qui devait créer des synergies en « [rassemblant] le soutien à la musique enregistrée et au spectacle vivant dans un établissement public couvrant l’ensemble de la filière », aurait permis de regrouper une grande partie de ces dispositifs qui ont le mérite d’exister et de bien fonctionner mais qui restent inconnus d’une partie des artistes, perdus dans la multiplicité des guichets existants.
b. Mettre en cohérence ces différents dispositifs pour aider les artistes émergents au sein d’une « maison commune de la musique »
Au cours des auditions menées, le rapporteur pour avis ne peut plus douter du fait que le Centre national de la musique, projet initialement souhaité par le Président de la République Nicolas Sarkozy et son ministre de la Culture et de la Communication Frédéric Mitterrand en 2011, était unanimement soutenu par les acteurs de la filière.
Sur le modèle du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui a fait de notre cinéma l’un des plus florissants au monde en contribuant à la diversité et au financement des œuvres, le CNM devait accompagner le développement de la production musicale française. François Hollande s’était lui-même engagé pendant sa campagne à reprendre le chantier du CNM dans son engagement 44 « pour en faire un outil au service de la diversité culturelle ».
Mais ce projet, qui devait nécessiter « 50 millions d’euros en plus des ressources existantes » selon Mme Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication de l’époque, a été abandonné en septembre 2012, faute de moyens financiers pour le mettre en œuvre. Les acteurs de la filière musicale avaient repris espoir avec l’annonce par la ministre en janvier 2014 d’une réforme du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), lequel soutient actuellement le spectacle vivant (cf. encadré infra), et qui aurait dû, à terme, soutenir l’ensemble de la filière musicale. Ce qui s’annonçait comme le « grand chantier de l’année » devait ainsi donner au CNV des missions élargies pour devenir le « réceptacle du financement dédié à la musique ».
Les aides attribuées par le Centre National de la Chanson, des Variétés et du Jazz (CNV)
Le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) est un établissement public industriel et commercial qui a vocation à soutenir les professionnels du secteur du spectacle vivant par la collecte et la redistribution de la taxe sur les spectacles de variété, instaurée par de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003 et applicable depuis le 1er janvier 2004. Le taux de la taxe, due par l’entrepreneur de spectacles responsable de la billetterie, est de 3,5 % sur le montant hors taxes des recettes de billetterie.
C’est par ailleurs le CNV qui, à la suite des attentats qui ont frappé notre pays en 2015, gère, au titre des années 2015 à 2018, un fonds d’intervention pour la sécurité et le risque économique lié à des événements imprévisibles des structures du spectacle vivant destiné à financer « des actions visant à améliorer les conditions de sécurité des manifestations de spectacle vivant ainsi qu’à apporter aux structures concernées un soutien économique lorsque des événements imprévisibles remettent en cause la poursuite de leur activité » (56). Depuis sa création, ce fonds a été doté de 14 millions d’euros.
Le produit de la taxe sur les spectacles de variété est redistribué selon une clé de répartition définie par le règlement intérieur du CNV : 65 % du produit est redistribué sous forme d’un « droit de tirage », aide automatique reversée à tous les contributeurs de la taxe afin de soutenir l’activité de production des entreprises, et 35 % sont affectés par des commissions thématiques composées de représentants des professionnels du secteur à des projets particuliers. Le système, essentiellement alimenté par les gros producteurs, qui versent davantage qu’ils ne reçoivent en retour au titre du « droit de tirage », s’avère ainsi particulièrement redistributif.
Lors de son audition par le rapporteur pour avis, M. Gilles Petit, président du CNV, a précisé que l’attribution des aides n’est pas conditionnée à des critères esthétiques, artistiques ou linguistiques, et s’adresse à tous les artistes, qu’ils s’expriment en français ou non, même si la variété d’expression française reste bien représentée. De plus, le CNV peut se targuer d’offrir un soutien à des artistes qui ne sont pas éligibles à d’autres aides, publiques ou privées, et d’apporter ainsi une aide à l’ensemble de l’« écosystème musical ». Le développement des carrières figure parmi les priorités du CNV au travers de sa commission « productions » tandis que la commission « salles » vient en aide aux salles de petite à moyenne capacité qui soutiennent les artistes émergents.
Le produit de la taxe est plafonné par la loi à 30 millions d’euros (57), ce qui pourrait causer de lourdes difficultés au CNV dont les perspectives pour 2017 laissent apparaître un produit de la taxe supérieur à ce plafond, malgré le relèvement de ce dernier par la loi de finances pour 2016. S’agissant de fonds privés, il apparaît pour le moins curieux de plafonner le produit d’une taxe très largement acceptée par les opérateurs et dont le produit soutient l’écosystème fragile de la création musicale française.
Un nouveau directeur du CNV a été nommé en janvier 2015 par Mme Fleur Pellerin, nouvelle ministre de la Culture et de la Communication, et la lettre de mission qu’elle lui a adressée était intéressante : elle lui demandait d’ « élargir le champ d’action » du CNV afin d’en faire « une maison commune de tous les acteurs de la musique », en les accompagnant « à la fois en termes d’aides directes à leur développement et à leurs investissements et en termes de régulation de leur environnement ». Entre autres missions, le CNV devait « mettre en œuvre des partenariats […] pour faire converger ou coordonner les outils au service de l’écosystème de la musique ». Il se serait notamment attaché à « identifier toutes les opportunités que le numérique peut apporter à l’ensemble de la filière musicale ».
Si l’on ne peut qu’être d’accord avec l’objectif vertueux de faire coopérer l’ensemble des acteurs de la filière musicale, on peut néanmoins se demander quelle sera la stratégie du CNV au-delà des missions qui lui sont confiées quant à l’accompagnement des artistes émergents d’expression française. En effet, ces derniers ont vocation à occuper une place de choix au sein de la « maison commune » de la musique française, et il est regrettable que cette mission ne soit pas expressément mentionnée dans la lettre de mission du directeur du CNV.
Il faudra par ailleurs s’assurer du fait que le CNV dispose de moyens humains et financiers suffisants pour cela. Pour que le CNV dispose de davantage de ressources, il convient en premier lieu de supprimer le plafond de 30 millions d’euros à la taxe sur les spectacles, plafond instauré il y a deux ans et qui a déjà été atteint cette année. Cela s’avère indispensable pour un établissement qui a vu ses missions largement élargies ces dernières années et qui s’occupe d’un secteur très affaibli économiquement à la suite des attaques terroristes du 13 novembre.
c. Revoir les critères du crédit d’impôt pour les entreprises de spectacles vivants musicaux pour promouvoir les artistes émergents d’expression française et rendre les éditeurs éligibles à ce crédit d’impôt
Sans moyens financiers, le soutien à la création et à la diversité musicales ne resterait en effet qu’une incantation, et c’est pourquoi le crédit d’impôt à la production phonographique et le crédit d’impôt pour les entreprises de spectacles vivants musicaux sont considérés comme essentiels par l’ensemble de la filière.
Le crédit d’impôt à la production phonographique, qui devait se terminer en décembre 2015 mais a été prolongé jusque fin 2018 dans la loi de finances rectificatives de 2014, a pour objectif d’accompagner les entreprises du secteur musical – en particulier les PME et TPE – dans la transition numérique. Il bénéficie à toute entreprise française ou ressortissante d’un État-membre établie en France depuis plus d’un an et investissant dans des dépenses de production, de développement et de numérisation. Il est réservé aux productions concernant des nouveaux talents, c’est-à-dire les artistes ou groupes d’artistes, compositeurs ou artistes-interprètes n’ayant pas vendu deux fois 100 000 exemplaires pour deux albums distincts précédant un nouvel enregistrement (58).
Lorsque les albums sont chantés, le crédit d’impôt est subordonné au respect d’une condition de « francophonie », ce qui signifie que la moitié des albums produits chaque année par l’entreprise doivent l’être en français ou dans une langue régionale. Par conséquent, si la production d’albums de nouveaux talents d’expression en français ou dans une langue régionale est majoritaire, tous les albums de nouveaux talents d’une entreprise sont éligibles au crédit d’impôt.
La crise du disque incitant les producteurs phonographiques à se désengager encore davantage de l’organisation des tournées, surtout des talents émergents (59), les producteurs de spectacle musicaux sont de plus en contraints d’assurer eux-mêmes ces financements, alors même que l’on assiste à une explosion du nombre de représentations sur scène, devenues la première source de revenu des artistes. En 2014-2015, on a ainsi compté plus de 58 000 représentations en France, ce qui équivaut à une augmentation de plus de 60 % sur les huit dernières années (60).
Le secteur de la production de spectacle vivant est très inégalitaire : 95 % des entreprises sont des petites structures aux capacités d’investissement réduites, un grand nombre d’entre elles avec un résultat d’exploitation négatif, tandis que 5 % des entreprises réalisent 56 % du chiffre d’affaires (61). Or, les TPE et PME ont un rôle majeur à jouer dans l’émergence de nouveaux artistes via le financement de leurs représentations, le plus souvent dans de petites salles.
Demande de longue date du PRODISS (62) et de l’association « Tous pour la musique », le crédit d’impôt spectacle vivant musical mis en place par la loi de finances pour 2016 concerne en premier lieu les TPE et PME de la production de spectacle puisqu’il s’élève à 30 % du montant total des dépenses éligibles contre 15 % pour les autres entreprises. Surtout, ce crédit d’impôt ne concerne que les productions présentant des artistes dont aucun n’a comptabilisé plus de 12 000 entrées payantes pendant les trois années précédant la demande. Ainsi, il permet d’ « écarter les grosses productions (63) » et de se concentrer sur les jeunes artistes musicaux.
Enfin, même si l’entreprise ne fait pas de bénéfices ou si le crédit d’impôt excède l’impôt sur les sociétés dû, l’excédent de crédit d’impôt est remboursable. Or, ainsi que nous l’avons vu, cette situation concerne une grande partie des TPE et PME du spectacle. Le crédit impôt spectacle est donc à cet égard une petite « révolution » (64).
Neuf mois après l’annonce de ce crédit d’impôt dont le décret d’application n’a été publié que le 9 septembre dernier, une inquiétude se fait toutefois jour chez les producteurs de spectacle en ce qui concerne la rétroactivité du dispositif. En effet, la ministre de la Culture et de la Communication avait annoncé que le crédit d’impôt serait opérant au 1er janvier 2016 alors même que le décret tout récemment publié n’est pour l’instant pas rétroactif. Il faudra donc s’assurer de la rétroactivité du crédit d’impôt pour les entreprises de spectacles qui apparaît comme indispensable dans un secteur qui a beaucoup souffert ces derniers mois et qui a grandement besoin, selon le PRODISS, d’un « accompagnement à la prise de risques ».
En outre, même si ce crédit d’impôt est réservé aux spectacles musicaux dont les coûts de création sont majoritairement engagés en France ou dans un pays de l’Espace économique européen (EEE), la francophonie n’est par contre pas valorisée en tant que telle, aucune condition de langue n’étant requise pour bénéficier du crédit d’impôt spectacle vivant musical.
Pour soutenir les artistes émergents d’expression française, il apparaît donc nécessaire de conditionner le bénéfice du crédit d’impôt pour les entreprises de spectacles vivants musicaux au respect d’une condition de francophonie, comme c’est le cas pour le crédit d’impôt phonographique.
Il reste un métier qui ne bénéficie d’aucun crédit d’impôt et sans lequel aucune carrière artistique ne serait possible : il s’agit du métier d’éditeur de musique, qui pâtit d’une véritable méconnaissance bien qu’il soit aussi essentiel que celui de producteur. Selon le sociologue Jean-François Bert « l’éditeur est le professionnel qui assume par tous les moyens auprès du public, la diffusion permanente et suivie de l’œuvre ». S’il est un professionnel qui s’occupe du développement de carrière, c’est bien l’éditeur, qui est présent dès le départ, en prêtant des avances sur ses fonds propres à un artiste afin de lui permettre de développer son projet, en lui trouvant des interprètes, des musiciens, et en dernier lieu un label une fois son projet véritablement abouti. Entre autres missions, il doit également garantir la protection juridique de son œuvre ou encore vérifier le bon recouvrement des droits patrimoniaux.
Les éditeurs sont de vrais artisans du temps long, car ils sont rémunérés en touchant un pourcentage sur les droits des artistes qu’ils aident or ces derniers ne les touchent généralement qu’au bout de cinq ans, à l’issue du processus de répartition par les sociétés de gestion collective. Par ailleurs, les éditeurs souffrent avec les artistes de l’inégal partage des revenus issus de la musique en ligne, problématique déjà évoquée plus haut. Sachant que pour un million de vues sur YouTube un éditeur ne touche que 300 euros et qu’un artiste très connu fait à peu près 50 millions de vues, un éditeur qui s’occuperait de « petits » artistes ne peut être décemment rémunéré et c’est un véritable problème.
Le minimum serait donc de rendre le métier d’éditeur de musique éligible au crédit d’impôt phonographique, ce qui aura en plus pour effet d’influencer les comportements de ces professionnels de la musique de manière vertueuse puisque le bénéfice de ce dernier est réservé aux nouveaux talents d’expression française (65).
4. Assurer la diffusion et la bonne exposition des nouveaux artistes d’expression française est également indispensable pour qu’ils trouvent leur place dans le milieu de la musique
a. Permettre aux SMAC de devenir de véritables partenaires de la création musicale d’expression française
Assurer une bonne exposition et la diffusion et des artistes émergents est également indispensable pour qu’ils trouvent leur place dans le milieu de la musique, et cela fait notamment partie des missions des Scènes de musiques actuelles (SMAC). En effet, selon leur cahier des missions et des charges, les SMAC doivent : « développer une programmation musicale […] affirmant une ligne artistique originale et indépendante contribuant à la diversité de l’offre », « accueillir des artistes en tournée » et « en résidence », ou encore « diffuser les musiques actuelles sous toutes leurs formes, qui s’agisse d’artistes en tournée ou en résidence, en développement ».
Mises en place en 1998, les SMAC sont des scènes de valorisation et de diffusion des musiques actuelles labellisées par le ministère de la Culture qui bénéficient d’une aide pérenne au fonctionnement sur trois ans sous réserve d’une convention avec l’État et les collectivités. Partout en France, il existe environ cent cinquante SMAC qui sont autant de lieux musicaux de petite et moyenne capacité, et qui mettent fréquemment à disposition un « pôle information musique », des espaces de répétitions, de création et d’accompagnement artistiques.
Les SMAC, qui ont vocation à être des lieux d’expérimentation et d’apprentissage en lien avec les labels indépendants dans la recherche de nouveaux talents, constituent un outil de promotion et de débouché particulièrement intéressant pour des artistes peu ou pas connus qui se font connaître non par le disque ou la radio mais par la scène. Les SMAC sont ainsi des lieux d’exposition particulièrement intéressants pour les artistes passés par des dispositifs comme le Fair car elles leur permettent de rencontrer leur public dans un cadre adapté et sur l’ensemble du territoire.
Bien qu’elles occupent une place très particulière sur nos territoires en permettant l’émergence de nouveaux talents, les SMAC sont pourtant les parents pauvres de l’action culturelle et elles disposent de moyens bien moindres que leurs grandes sœurs les Scènes nationales (66) alors qu’elles sont soumises à un cahier des charges aussi contraignant. Même avec le « plan SMAC » du ministère de la Culture qui a permis l’attribution de 12 millions d’euros supplémentaires de 2011 à 2016 au réseau des SMAC, leur budget moyen annuel n’est en effet passé que de 102 000 euros à 120 000 euros, ce qui reste loin des 640 000 euros par an des autres scènes labellisées (opéras, scènes, cirques nationaux).
Le désengagement financier des communes et des départements, lié à la baisse des dotations de l’État, conduit de plus en plus souvent les SMAC à « sacrifier le risque artistique, à se spécialiser sur des spectacles de petits formats ou encore à fonctionner sur une base importante de travail non rémunéré » (67). Les SMAC sont contraintes de fonctionner avec des emplois aidés ou précaires (20 % de leurs emplois permanents sont en CAE ou en CUI (68)), et l’on constate une nouvelle fois que les travailleurs pauvres de l’action culturelle sont la variable d’ajustement budgétaire.
Afin de remédier au moins partiellement à cette situation inégalitaire et de donner plus de moyens aux SMAC pour accomplir leurs missions de service public, il convient dans un premier temps de relever le plancher de leurs subventions reçues de 75 000 à 150 000 euros. À titre de comparaison, le plancher pour une Scène nationale est de 500 000 euros.
En outre, afin que les SMAC valorisent mieux les artistes francophones, elles qui doivent selon la circulaire ministérielle du 31 août 2010 et comme l’ensemble des établissements labellisés « [porter] une attention particulière aux œuvres contemporaines d’expression francophone », il conviendrait de le préciser dans leur cahier des charges.
b. Fixer à Radio France et à France Télévisions des objectifs en termes de diffusion de nouveaux artistes d’expression française
Le soutien et l’exposition de la création dans sa diversité sont également au cœur de la mission du service public de l’audiovisuel. On le sait peu mais les entreprises publiques France Télévisions et Radio France ont en effet pour mission de promouvoir la création et l’expression française. D’après la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 (69), France Télévisions doit ainsi œuvrer « au développement et à la diffusion de la création intellectuelle et artistique » et « au rayonnement de la francophonie et à la diffusion de la culture et de la langue françaises dans le monde ».
Quant à Radio France, une de ses missions est de « donner une place majoritaire à la chanson française et [de] promouvoir les nouveaux talents. » (70). L’article 28 du décret qui définit, conformément à l’article 48 de la loi du 30 septembre 1986, le cahier des missions et des charges de Radio France est ainsi rédigé : « La société promeut les créations dans le domaine de la musique, en donnant une place privilégiée aux œuvres d’origine nationale ».
Radio France, avec ses 14 millions d’auditeurs, est souvent considéré comme le champion de la diversité, « un groupe dont la politique musicale et le savoir-faire technique sont appréciés de la filière musicale » comme on pouvait le lire dans le rapport de M. Jean-Marc Bordes sur l’exposition de la musique dans les médias (71). On pourrait en outre s’attendre à une part de diffusion de chansons francophones élevée car, à la différence des radios privées, Radio France est financée par des fonds publics, à savoir la contribution à l’audiovisuel public (72) (la CAP, ancienne redevance audiovisuelle).
Et pourtant, une très récente étude de la société d’analyse des diffusions musicales Yacast démontre que la politique de Radio France en la matière n’est pas si exemplaire qu’on la présente et que la diffusion d’œuvres musicales francophones est en recul quasiment sur l’ensemble de ses stations.
Sur France Inter, on constate ainsi que le taux de diffusions de chansons francophones a glissé sous la barre des 40 % depuis septembre 2015. Les nouveaux talents francophones reculent encore plus nettement avec une baisse de 5,4 points et le taux de nouvelles productions francophones a chuté de 3 points depuis le mois de mars 2014. La place occupée par les titres « golds » (disques de plus de trois ans) y progresse de 8 points, passant en moyenne de 40,2 % au printemps 2014 à 48,6 % au début de l’été 2016. Sur France Bleu, le taux de diffusion de chansons francophones est en légère baisse avec un taux moyen de 60 % sur le troisième trimestre 2016 contre 65 % au deuxième trimestre 2014. Concernant FIP, le taux de diffusions de chansons françaises représente à peine 20 % de la programmation.
Ces chiffres sont dramatiques quand on sait que la radio reste la première source de découverte musicale, y compris chez les plus jeunes. En effet, on ne va écouter sur internet que des artistes que l’on connaît déjà. Si on prend l’exemple de Christine and the Queens, revenu à de très nombreuses reprises au cours des auditions comme exemple d’artiste émergente ayant rencontré le succès aussi bien en France qu’à l’étranger, la popularité de cette dernière n’a véritablement explosé qu’à la suite de la diffusion massive de ses œuvres à la radio et à la télévision. Quant aux artistes émergents en région, les radios du réseau de France Bleu à qui des playlists sont imposées ne jouent pas leur rôle de révélateur de talents nouveaux.
France Télévisions, qui est aussi financé par la contribution à l’audiovisuel public (CAP), assume bien moins fidèlement sa mission de promotion de la création musicale française sur ses ondes. Il est loin le temps où nous pouvions assister à des émissions intégralement consacrées à la musique à la télévision publique, permettant de montrer des artistes émergents d’expression française ainsi que des spectacles en direct.
Nous devons désormais nous satisfaire de simples « pastilles » musicales comme les 6 minutes de l’émission Alcaline consacrées à un artiste émergent (ne chantant pas toujours en français), ou encore d’événements ponctuels comme les Victoires de la Musique ou le récent « hip-hop symphonique », de beaux programmes qui font pourtant beaucoup d’audience et laissent présager un succès certain pour une ou plusieurs émission(s) musicale(s) régulière(s) à heure de grande écoute.
Un exemple récent de ce manque d’exposition de la musique francophone à la télévision publique a été celui de la soirée organisée sur France Inter en l’honneur du centenaire de la naissance de Léo Ferré. Une superbe soirée avait été organisée vendredi 9 septembre 2016 (« France Inter fête Léo Ferré ») avec des artistes aussi divers que Bernard Lavilliers, Cyril Mokahiesh, Arno, Cali, Catherine Ringer ou encore Philippe Katerine, événement qui n’a été relayé sur aucune des chaînes de la télévision publique.
Il apparaît donc nécessaire d’imposer des objectifs de production et de diffusion de nouvelles chansons francophones à des heures décentes. Il est en effet primordial de réserver un espace de diffusion pour ces artistes le matin, l’après-midi, et en début de soirée, à la radio mais aussi à la télévision publiques, et les prochains contrats d’objectifs et de moyens (COM) des établissements cités pourront être revus dans ce sens.
c. Faciliter l’exportation : un enjeu primordial pour l’ensemble de la filière musicale et le développement des artistes
L’exposition des artistes émergents d’expression française trouve un débouché naturel dans la promotion de nos talents à l’étranger, ce qui constitue le cœur de mission du Bureau export de la musique.
Le Bureau export de la musique
Créé en 1993 à l’initiative des professionnels français du secteur, le Bureau export de la musique est une association qui accompagne la filière musicale française dans le développement de ses artistes à l’international, dans le domaine des musiques actuelles et des musiques classiques.
Il dispose pour ce faire, outre de son bureau parisien, de cinq antennes implantées sur des territoires stratégiques à travers le monde : aux États-Unis – il dispose d’une implantation à New York depuis 1993 –, en Allemagne – le bureau a été transféré de Mayence à Berlin en 2001 –, au Royaume-Uni où le bureau londonien est ouvert depuis 1999, à Tokyo au Japon et Sao Paulo au Brésil.
Des centaines de projets de tous les styles musicaux bénéficient chaque année de son accompagnement qui revêt une nature double : expertise, conseil, mise en relation et veille, d’une part, soutien financier, d’autre part.
Les artistes sont accompagnés à chacune des étapes de leur développement à l’international : le Bureau export assure en premier lieu une veille de marché et donne des conseils sur les points d’entrée adaptés à chaque projet sur un territoire donné ; il identifie les partenaires locaux potentiels et assure la première mise en relation ; il assure un soutien logistique et financier des projets ; une fois le projet monté (sortie d’album ou organisation de concerts, par exemple), il assure un relais promotionnel à l’étranger, notamment via son site www.french-music.org.
Le Bureau export aide les professionnels souhaitant être accompagnés dans leur travail de développement à l’international et justifiant d’un environnement professionnel solide autour des artistes (manager, éditeur, producteur de phonogrammes, producteur de spectacles) et d’une véritable stratégie de développement à l’international. Dans le domaine des musiques actuelles, il consacre une aide particulière pour assurer la visibilité des artistes « made in France » lors des différents festivals consacrés chaque année au plan mondial aux artistes émergents, notamment celui de Hambourg. Il accorde en outre des bourses, dont le nombre va prochainement augmenter, passant de huit chaque année depuis quatre ans à vingt-six en 2017, dotées de 10 000 à 50 000 euros selon l’ampleur des projets.
Le Bureau export bénéficie de financements mixtes de la part de partenaires privés issus de la filière musicale (Société civile des producteurs phonographiques – SCPP, Société civile des producteurs de phonogrammes de France – SPPF, Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique – SACEM, Fonds pour la création musicales – FCM) et de partenaires publics (ministère de la Culture et de la Communication, Centre national des variétés – CNV, et ministère des Affaires étrangères). En 2015, son budget total était de 3,2 millions d’euros, il devrait atteindre 4,5 millions d’euros en 2017 grâce à un effort particulier de la filière et du ministère de la Culture et de la communication.
Au cours des auditions menées par le rapporteur pour avis, nombre de personnes entendues ont souligné que le développement des artistes français à l’étranger, qui constitue la continuité logique de l’exploitation artistique en France, surtout dans le contexte de l’explosion du numérique, suppose une veille permanente de la diffusion des artistes français à l’étranger afin de permettre aux professionnels d’être réactifs dans leurs actions de développement. Ce rôle est pleinement joué par le Bureau export, devenu une passerelle incontournable entre les artistes français et les professionnels étrangers.
Malgré une augmentation récente de crédits, le Bureau export de la filière musicale ne semble pas doté de moyens en adéquation avec l’importance de sa mission. Par rapport au Bureau export du cinéma, la musique bénéficie en effet de fonds beaucoup moins importants : le Rapport Attali sur la francophonie en 2014 (73) montrait ainsi que la musique française à l’international bénéficiait de 8 fois moins de soutiens publics que le cinéma, alors même que le secteur musical pèse deux fois plus économiquement (avec un chiffre d’affaires de 8,6 milliards euros contre 4,4 milliards d’euros). En outre, les sommes allouées à l’export de musique par d’autres pays européens sont elles aussi bien plus importantes : la Grande-Bretagne y consacre ainsi 6,6 millions d’euros et un petit pays comme le Danemark 5 millions d’euros (74). Il apparaît ainsi que, malgré une certaine prise de conscience du gouvernement (75), un effort supplémentaire doive être consenti dans un domaine où l’effet de levier serait considérable : les professionnels de la filière estiment « qu’une croissance de 4 % du chiffre d’affaires de la filière à 3 ans est accessible par un renforcement des moyens dédiés à l’export. Il s’agit donc d’un gain potentiel de 320 millions d’euros » (76). Cette situation est préjudiciable aux exportations, et d’autant plus contestable que le Bureau export, salué par l’ensemble des acteurs de la filière musicale, est un dispositif qui compte de nombreux succès à son actif, avec des revenus à l’international estimés à 251 millions d’euros en 2014.
Afin de conforter la place de la France en tant que « superpuissance de la musique » (77), il est nécessaire d’augmenter de façon conséquente les moyens du Bureau export, rejoignant ainsi les recommandations de M. Marc Thonon, son directeur, entendu par le rapporteur pour avis. Il s’agirait de porter le budget à 6 millions d’euros, financés à parité par la filière, le ministère de la Culture et de la communication et le ministère des Affaires étrangères.
Il faut également souligner que, si le Bureau export est évidemment au cœur du dispositif de soutien de l’exportation de la musique, ce n’est pas le seul organisme à assumer cette mission. D’une part, des associations comme l’ADAMI, la SPEDIDAM ou la SACEM, ainsi que le CNV peuvent apporter des aides de différents types aux artistes dans la perspective de réaliser des tournées à l’international (78). D’autre part, le réseau culturel du ministère des Affaires étrangères, et plus spécifiquement l’Institut français, peuvent également jouer un rôle important en la matière. Ce dernier est susceptible d’apporter un soutien au Bureau export en accord avec sa mission de « promotion et accompagnement à l’étranger de la culture française » (79).
Les guichets d’aide à l’exportation sont ainsi particulièrement éparpillés (80) malgré des efforts récents dans le domaine (fusion entre le Bureau export et Francophonie diffusion depuis le 1er janvier 2014, coopération plus étroite entre le FCM et le CNV). Remarquons à cet égard que la coordination entre les différentes structures, tout particulièrement entre le Bureau export, le ministère des Affaires étrangères et l’Institut français, n’est pas suffisante ce qui conduit à un manque de lisibilité d’ensemble pour les artistes et plus généralement, à une moindre efficacité du soutien de la musique à l’exportation. « Tous Pour la Musique » souligne même l’absence d’une communication commune autour de la musique à l’international qui ne peut être que préjudiciable pour l’exposition des réalisations françaises et francophones à l’étranger (81). Il faut de plus noter une relative marginalisation de la musique au sein du réseau culturel du ministère des Affaires étrangères qui n’incite pas au resserrement des liens. En effet, les attachés audiovisuels du Quai d’Orsay sont quasiment exclusivement dédiés au cinéma et à l’audiovisuel et ne sont que peu mobilisés sur l’exportation de musique (82) ainsi que le soulignent le rapport Attali et les professionnels auditionnés.
Ainsi, le renforcement de la coordination et de la complémentarité entre les différents guichets d’aide à l’exportation ainsi que le resserrement des liens entre le Ministère des Affaires étrangères et le Bureau export sont indispensables.
Il est enfin nécessaire de mener une réflexion sur les territoires d’installation du Bureau export, qui ne nous semblent pas en adéquation avec le potentiel grandissant de l’Afrique francophone. M. Jacques Attali, dans son rapport précité de 2014, notait ainsi l’absence de Bureau export de la musique « sur l’ensemble du territoire africain », « la musique francophone [n’étant] pas utilisée à plein comme potentiel de diffusion ». Nous rejoignons sa recommandation de créer une représentation du Bureau export en Afrique afin d’accompagner le développement de nos exportations sur ce territoire devenu le centre de la francophonie comme nous l’indiquions.
Comme le rapporteur pour avis a pu le constater au cours d’auditions diverses mais toujours passionnantes, aborder les thématiques de la création et de l’émergence conduit à embrasser un grand nombre de sujets liés. Toute stratégie de soutien aux artistes émergents devra être globale pour être pertinente et nécessite ainsi un diagnostic d’ampleur sur les dysfonctionnements de l’écosystème musical. C’est en cela que l’organisation d’Assises de la jeune création par le ministère de la Culture en avril et juin 2015, avec plus de 150 acteurs de toutes les disciplines, était intéressante, bien qu’on puisse regretter que la problématique spécifique du secteur musical – et notamment des musiques actuelles – n’ait encore une fois pas suffisamment été prise en compte. Sur le modèle de ce qui s’est fait l’an dernier, le rapporteur pour avis préconise ainsi la tenue d’ « Assises de la création musicale » où pourront être débattues dans le détail et avec l’ensemble des acteurs du secteur les questions concernant l’émergence des jeunes talents d’expression française.
Le présent avis formule ainsi vingt propositions (cf. annexe 1) dans le but de développer une stratégie publique de soutien à ces artistes, stratégie passant à la fois par l’optimisation des outils existants, mais aussi par la création de nouveaux dispositifs.
La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède à l’examen des rapports pour avis de M. Hervé Féron (Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la culture), et de M. Michel Herbillon (Patrimoines) sur les crédits pour 2017 de la mission Culture lors de sa seconde séance du mercredi 26 octobre 2016.
M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, nous poursuivons, cet après-midi, l’examen du projet de loi de finances pour 2017, avec la présentation de deux rapports pour avis sur les crédits de la mission « Culture ».
Nous entendrons, mardi 8 novembre, Mme la ministre de la Culture et de la communication nous présenter les crédits 2017 de la mission « Culture » en commission élargie.
Je vais maintenant donner la parole à M. Marcel Rogemont, qui supplée le rapporteur pour avis sur les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Notre collègue Hervé Féron, malheureusement retenu dans sa circonscription, s’est beaucoup investi dans la rédaction de son avis budgétaire, sur un sujet qui lui tient tout particulièrement à cœur : la mise en place d’une stratégie publique d’aide au développement des artistes émergents d’expression française dans la filière musicale.
M. Marcel Rogemont, suppléant M. Hervé Féron, rapporteur pour avis sur les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Je vais lire le texte de notre collègue Hervé Féron, et comme le disait à l’instant le président, la partition vaut le coup d’être lue.
La musique apparaît bien souvent comme le parent pauvre de la culture, tant les politiques culturelles l’ont négligée au cours des années passées.
L’abandon du Centre national de la musique (CNM), projet qui mettait pourtant d’accord la quasi-totalité de la filière, a été, à cet égard, emblématique. Outre cela, le manque de considération envers la musique, et notamment les musiques actuelles, a des racines profondes.
En 2006, c’est un exemple parmi d’autres, un rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) soulignait la marginalisation historique des musiques actuelles au sein du ministère de la culture. Si l’on ajoute à cela la situation hégémonique de la langue anglaise, on comprend aisément que les grands sacrifiés de cette politique sont tout particulièrement les artistes émergents d’expression francophone, qui sont pourtant indispensables au maintien de la diversité culturelle. Il nous a paru essentiel d’appeler votre attention sur la situation de ces artistes menacés par une précarisation et un isolement rampants, afin de souligner la nécessité d’une stratégie publique globale et cohérente pour les aider à émerger et à se développer dans la durée au sein de l’écosystème musical.
Bien sûr, des efforts ont été consentis par les pouvoirs publics, notamment au cours de ce quinquennat. Le Gouvernement et les députés de la majorité ont agi en faveur d’une plus grande considération des musiques actuelles, avec la création du crédit d’impôt pour le spectacle vivant ou la mise en place du plan pour les scènes de musiques actuelles (SMAC) par exemple. Mais ces mesures demeurent de loin insuffisantes, surtout si l’on compare ce soutien avec celui qui est aujourd’hui accordé à la filière cinématographique.
Or les enjeux sont les mêmes, voire plus considérables encore. Il faut tout d’abord rappeler le poids économique conséquent de la filière musicale, qui génère plus de 10 % du chiffre d’affaire des industries culturelles et créatives et 240 000 emplois, soit deux fois plus que le secteur du cinéma. Le soutien aux artistes émergents doit, à cet égard, être considéré comme un investissement d’avenir.
Surtout, la musique et les artistes émergents d’expression francophone en particulier sont à l’origine d’une richesse qui ne se mesure pas. C’est non seulement du maintien de la diversité culturelle qu’il est question, mais aussi de la préservation du lien social vis-à-vis duquel les arts jouent un rôle fondamental. En accompagnant les musiciens novices qui chantent en français, c’est notre patrimoine culturel que nous abondons et sauvegardons pour les années à venir. Cela revient aussi à garantir la diffusion de notre langue dans le monde, alors que la francophonie représente déjà un enjeu majeur amené à prendre encore davantage d’ampleur dans un futur proche.
Nous avons insisté, dans le cadre de ce travail, sur l’importance du droit d’auteur et du statut des intermittents, qui participent de notre exception culturelle. Il faut les défendre en priorité : ce sont les fondations indispensables de toute stratégie visant à soutenir les artistes émergents d’expression française. Sans droit d’auteur, sans statut stable, comment des musiciens, à la situation fragile par définition, peuvent-ils espérer prospérer durablement ? Ce qui vaut pour préserver la prospérité financière du secteur de la musique en général, vaut encore plus pour les acteurs les plus fragiles de ce milieu. Quand bien même nous financerions de multiples dispositifs pour aider les jeunes artistes à se former, l’absence d’une rémunération équitable en retour de l’exploitation de leurs œuvres les rendrait inopérants.
Il est difficile, aujourd’hui, de faire comprendre les principes du droit d’auteur et des droits voisins, tout particulièrement à la « génération du partage », expression sous laquelle on désigne les adolescents et jeunes adultes ayant grandi avec l’essor du numérique. La copie illicite est chez eux une pratique très répandue, et elle s’accompagne d’idées fausses sur le droit d’auteur, qui sont également présentes au sein de la Commission européenne, où l’on considère souvent le droit d’auteur comme un « obstacle » au grand marché numérique. Nous devons cependant être très prudents, car les conséquences d’un « détricotage » du cadre européen sur le droit d’auteur pourraient être extrêmement graves. L’exemple de l’Espagne, cité dans ce rapport, est particulièrement révélateur des conséquences que peut avoir la destruction du système de rémunération pour copie privée.
Au-delà des dangers qui pèsent sur les artistes émergents en raison de la remise en question du droit d’auteur, le rapporteur a cherché à comprendre les difficultés nouvelles auxquelles sont confrontés les jeunes artistes. Dans cette perspective, les auditions ont été extrêmement utiles pour prendre la mesure des évolutions de l’écosystème musical et de la façon dont elles impactent les trajectoires d’émergence.
Ces dernières ont évidemment été bouleversées par l’essor d’internet. Le web a pu les rendre à la fois plus rapides et plus indépendantes vis-à-vis du support physique que par le passé. Il suffit parfois d’une vidéo rencontrant le succès sur YouTube pour voir sa carrière décoller, de nombreux labels s’empressant de « signer » l’artiste s’étant ainsi fait remarquer. Mais de tels cas, mentionnés dans le rapport, s’ils ont un fort retentissement médiatique, ne sont finalement pas si fréquents. En effet, pour un artiste parvenant à percer grâce à internet, combien stagnent et ne parviennent pas à être entendus, faute d’un nombre de « vues » suffisant ?
Il faut par ailleurs mettre cette évolution en parallèle avec la crise du disque. Le rapporteur pour avis tient à souligner le fait que cette dernière est aussi due à des stratégies économiques choisies. Si le marché du disque s’est effondré de 50 % en quelques années, il faut rappeler que le disque représente encore 70 % des ventes de musique, ce qui n’est pas rien. De plus, le disque-objet, parce qu’il a une autre fonction, ne doit pas mourir.
Quoi qu’il en soit, une telle crise rend les producteurs particulièrement frileux lorsqu’il s’agit de « signer » des artistes inconnus du grand public. La plupart du temps, ces derniers sont amenés à se constituer une visibilité tout seuls. Selon l’expression du président du Fonds pour la création musicale (FCM), Laurent Rossi, les entreprises de production phonographique jouent donc moins le rôle de « pépinières » que d’« accélérateurs de particules » vis-à-vis d’artistes qui ont déjà un vivier de fans constitué.
Les mutations de l’écosystème musical ont des conséquences concrètes sur les débuts de carrière : plus isolés, les artistes émergents doivent souvent s’autoproduire, mais aussi se construire une image, gérer leur communication, acquérir des connaissances juridiques précises. Autant d’éléments qui les empêchent de se concentrer sur leur art et qu’une stratégie de soutien aux artistes émergents doit prendre en compte pour être véritablement efficace.
Un autre point essentiel est l’éducation artistique et musicale. Sans une politique volontariste en la matière, notre vivier d’artistes d’expression française a toutes les chances, à terme, de s’appauvrir. Certains pays ont fait de la pratique du chant ou d’un instrument de musique un pivot de leur système scolaire, et c’est tout le système éducatif qui en sort grandi : c’est le cas de la Finlande, étudié dans l’avis, mais aussi de la Suède ou de l’Allemagne.
Si plusieurs mesures ont été prises en faveur de l’éducation musicale en France, nous devons faire bien davantage pour atteindre les objectifs de la Charte présentée en juillet dernier par la ministre de la Culture et de la Communication, Mme Audrey Azoulay. On pourrait notamment développer des opérations telles que l’« Orchestre à l’école » et la « Fabrique à Chansons », afin que chaque enfant, à la fin de son parcours scolaire, ait fait l’expérience d’un processus de création musicale. Une autre suggestion serait de donner les moyens à chacun des 7 100 collèges de France de développer un auditorium et un parc instrumental.
Si la musique doit être enseignée dès l’école pour donner envie aux créateurs de demain de faire de la musique, ces derniers ne pourront pourtant pas émerger durablement sans des dispositifs d’aide au développement efficaces et mis en cohérence. Il existe actuellement tout un ensemble de structures, allant du Fonds d’action et initiative rock (Fair) au Studio des variétés, en passant par le Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles (Irma) ou encore l’incontournable Fonds pour la création musicale (FCM), qui ont pour mission de répondre à cet objectif.
Dans cet écosystème, les éditeurs de musique, dont le métier est mal connu et qui sont souvent confondus avec les éditeurs littéraires, occupent une place primordiale, mais trop souvent sous-estimée. En effet, l’éditeur prête des avances sur ses fonds propres à un artiste, il lui trouve des interprètes, des musiciens et, enfin, un label, une fois son projet abouti. Il n’attend pas, pour investir, que l’artiste soit « mûr » pour générer des revenus, comme c’est le cas du producteur, mais est présent, au contraire, en amont, alors que le créateur est encore largement méconnu. Une juste mesure serait de rendre éligibles les éditeurs au crédit d’impôt phonographique, qui bénéficie déjà aux autres catégories de métiers, comme les producteurs de disques.
Si ces structures sont si efficaces, c’est parce qu’elles mettent en relation des acteurs de la filière musicale encore trop souvent dispersés. Le projet de Centre national de la musique, qui devait créer des synergies en rassemblant le soutien à la musique enregistrée et au spectacle vivant dans un établissement public couvrant l’ensemble de la filière, aurait permis de regrouper une grande partie de ces dispositifs, qui ont le mérite d’exister et de bien fonctionner, mais qui restent inconnus d’une partie des artistes. Cette mission semble être désormais celle du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), qui devra néanmoins bénéficier de moyens humains et financiers suffisants pour devenir une véritable « maison commune » de la musique française.
Enfin, un aspect incontournable de l’émergence réside dans l’exposition ; ainsi, les scènes de musiques actuelles (SMAC), ainsi que les médias radio et télévision, sont indispensables pour assurer une bonne visibilité de l’artiste et lui permettre de percer. Il est difficile, aujourd’hui, pour les SMAC, d’assurer ce rôle, tant leurs moyens sont réduits par rapport aux autres scènes conventionnées. Il convient de remédier à cela en augmentant le montant de leurs subventions publiques.
Pour finir, l’audiovisuel public doit également être davantage mis à contribution, avec des objectifs de production et de diffusion de nouvelles chansons francophones à des heures décentes. C’est particulièrement le cas pour France Télévisions, où il manque aujourd’hui une émission intégralement consacrée à la musique, permettant de montrer des artistes émergents francophones, ainsi que des spectacles en direct. Radio France, souvent considéré comme le champion de la diversité, n’est pas non plus exemplaire : en effet, la diffusion d’œuvres musicales francophones est en recul quasiment sur l’ensemble de ses stations.
Ce travail a permis d’aborder un grand nombre de questions liées aux problématiques de la création et de l’émergence, qui ne laissent pas de doute sur la nécessité d’une approche globale de l’écosystème musical en la matière. Chaque maillon de la chaîne doit être examiné jusqu’à l’export, dont les problématiques sont abordées dans l’avis. C’est pourquoi la solution passe nécessairement par une stratégie publique ambitieuse allant du développement de la formation musicale dès l’école à l’octroi de moyens supplémentaires pour la filière de production, en passant par l’amélioration de l’exposition des nouveaux talents dans les médias publics. Vingt propositions sont ainsi formulées dans ce but. Ce procédé n’étant pas habituel dans le cadre d’un avis budgétaire, je vais les citer.
Proposition n° 1 : procéder à la gestion collective des droits issus de l’exploitation de la musique en ligne afin de remédier à la paupérisation et à l’isolement des artistes-interprètes.
Proposition n° 2 : veiller à la modification de la directive-cadre européenne sur le commerce électronique afin de mettre fin au laisser-faire fiscal dont bénéficient les géants du net.
Proposition n° 3 : développer les opérations « Orchestre à l’école » et « Fabrique à chansons » afin que chaque enfant, à la fin de son parcours scolaire, ait pu faire l’expérience d’un processus de création musicale.
Proposition n° 4 : donner les moyens aux 7 100 collèges français de développer un auditorium et un parc instrumental par établissement.
Proposition n° 5 : créer une option au baccalauréat, estampillée « musiques actuelles », où la chanson d’expression française serait mise à l’honneur.
Proposition n° 6 : faire de l’éducation musicale une matière à part entière, en développant la formation initiale et continue des enseignants et en favorisant le contact avec les musiciens intervenants.
Proposition n° 7 : accroître le soutien financier de l’État et des collectivités territoriales aux conservatoires et écoles de musique dans le but de favoriser leur accès.
Proposition n° 8 : doubler les subventions du Fair pour développer un dispositif qui a fait ses preuves dans le développement des artistes émergents et qui mérite d’être étendu à un plus grand nombre d’entre eux.
Proposition n° 9 : veiller à ce que le CNV, parmi ses autres missions, accompagne les artistes émergents d’expression francophone.
Proposition n° 10 : pour cela, supprimer le plafond de 30 millions d’euros à la taxe sur les spectacles, afin que le CNV dispose de davantage de ressources.
Proposition n° 11 : s’assurer de la rétroactivité du crédit d’impôt pour les entreprises de spectacles vivants musicaux, indispensable pour le secteur.
Proposition n° 12 : conditionner le bénéfice de ce crédit d’impôt au respect d’un critère de francophonie, comme c’est le cas pour le crédit d’impôt phonographique.
Proposition n° 13 : rendre le métier d’éditeur éligible au crédit d’impôt phonographique.
Proposition n° 14 : créer sur internet un portail public qui permettrait de présenter l’ensemble des artistes créateurs émergents d’expression française.
Proposition n° 15 : relever le plancher des subventions reçues par les SMAC de 75 000 à 150 000 euros, afin de les aider à accomplir leurs missions de service public.
Proposition n° 16 : préciser, dans le cahier des charges des SMAC, la nécessité de mieux accompagner les artistes émergents d’expression française.
Proposition n° 17 : imposer des objectifs de production et de diffusion de nouvelles chansons francophones à des heures d’écoute décentes sur les antennes de Radio France et surtout de France Télévisions.
Proposition n° 18 : augmenter le budget du Bureau export de la musique, afin de lui donner les moyens d’exploiter pleinement le potentiel économique de la filière musicale à l’international.
Proposition n° 19 : renforcer la coordination et la complémentarité entre les différents guichets d’aide à l’exportation et resserrer les liens entre le ministère des Affaires Étrangères et le Bureau export.
Proposition n° 20 : créer une antenne du Bureau export en Afrique afin d’exploiter le potentiel de la francophonie.
Voici, mes chers collègues, ce que j’avais à dire au nom et à la place de notre collègue Hervé Féron.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis sur les crédits du programme « Patrimoines ». Mes chers collègues, comme le temps est compté aux rapporteurs et que la commission élargie sera l’occasion d’examiner les crédits du programme « Patrimoines » pour 2017, je consacrerai mon intervention à la présentation de la partie thématique de mon avis.
J’ai choisi de concentrer mon analyse sur la protection et la valorisation des monuments nationaux et sur l’action que mène le Centre des monuments nationaux (CMN).
Quelques mots d’abord de présentation sur le CMN, le réseau de monuments dont il a la charge et son mode de fonctionnement original.
Héritier de la Caisse nationale des monuments historiques, créée en 1914, le CMN est un établissement public, placé sous la tutelle du ministère de la culture, chargé de gérer quatre-vingt-dix-neuf monuments qui, hormis les six qui lui appartiennent en propre en vertu de legs ou de donations, appartiennent à l’État.
Ces monuments sont répartis sur l’ensemble du territoire ; certains sont aussi réputés que l’Abbaye du Mont-Saint-Michel, l’Arc de Triomphe, le Panthéon ou la Sainte-Chapelle, à Paris, le site mégalithique de Carnac ou le château d’Azay-le-Rideau, la Villa Savoye à Poissy ou les domaines nationaux de Rambouillet et de Saint-Cloud… Je citerai aussi la Villa Cavrois, qui date des années trente et a été conçue par l’architecte Robert Mallet-Stevens. Le livre magnifique, édité par le CMN, qui présente cette villa, montre la splendeur de ce monument, patrimoine du XXe siècle. D’autres sont moins connus. Je n’en ferai pas la liste, mais vous pourrez la consulter en annexe de mon avis. Ils illustrent tous, par leur diversité, la richesse exceptionnelle du patrimoine français de toutes les époques : sites archéologiques, grottes préhistoriques, abbayes, châteaux, maisons d’architectes du XXe siècle… Cela illustre tout à fait la spécificité de la culture et du patrimoine français. Ce sont des éléments extrêmement forts, constitutifs de l’histoire de notre pays, de son identité, de l’attractivité culturelle et touristique qu’exerce la France dans le monde.
Parmi les monuments gérés par le CMN, dix sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO. Certains sont inscrits en tant que sites uniques, comme le Mont-Saint-Michel, la cité et les remparts de Carcassonne, ou encore les cathédrales de Chartres et d’Amiens. D’autres le sont au titre d’inscriptions en série ou en « chemins », comme la place forte de Mont-Dauphin, au titre des fortifications de Vauban, le cloître de la cathédrale du Puy-en-Velay, au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, ou encore le château d’Azay-le-Rideau, au titre du classement du Val-de-Loire, paysage naturel et culturel classé.
Le CMN s’est également vu attribuer le projet de restauration de l’Hôtel de la Marine, place de la Concorde, à Paris, qui permettra, à l’issue des travaux, l’ouverture au public des appartements du XVIIIe siècle des intendants du Garde-meuble, des appartements d’apparat du XIXe siècle, avec accès à la loggia donnant sur la place de la Concorde, ainsi qu’une présentation du patrimoine gastronomique français au rez-de-chaussée. Je rappelle que c’est dans cet hôtel qu’a été signé l’acte abolissant l’esclavage en 1848.
L’originalité du CMN réside dans son mode de fonctionnement en réseau, fondé sur une péréquation des ressources entre les monuments, qui implique une redistribution des « grands » vers les « petits » ; c’est ce qui permet au CMN d’ouvrir au public l’immense majorité des monuments, sans souci de rentabilité « individualisée ». Cette organisation en réseau se traduit également par un partage des compétences et la mutualisation de certains projets culturels
– expositions itinérantes dans plusieurs monuments, organisation de saisons, telle « l’année Saint-Louis », célébrée en 2014 dans huit monuments.
Ce modèle mutualisé a joué un rôle d’amortisseur significatif de la baisse de fréquentation enregistrée dans les monuments, comme dans les autres établissements culturels, après la vague d’attentats qui ont endeuillé notre pays en janvier et novembre 2015 et juillet 2016.
Après avoir accueilli 9,5 millions de visiteurs en 2014 et 9,2 millions en 2015, les monuments du réseau devraient en accueillir, d’après les dernières projections, de l’ordre de 8,5 millions en 2016, ce qui représente une baisse de 7 % sur un an et 10 % sur deux ans. Ce chiffre global cache des situations contrastées : si les recettes de la billetterie de l’Arc de Triomphe ou des tours de Notre-Dame à Paris ont accusé un net repli, avec une baisse de 30 % sur un an, plusieurs monuments en régions ont enregistré une progression marquée : c’est le cas des tours de La Rochelle, des remparts d’Aigues-Mortes, de la Villa Cavrois ou de la maison des mégalithes de Carnac. Il y a eu manifestement un déplacement du tourisme des Français vers la province, qui a en partie compensé le reflux des touristes étrangers, effrayés par les récents événements. Les chiffres de l’hôtellerie à Paris confirment ce reflux.
Le CMN ne ménage pas ses efforts pour redresser la fréquentation de ses monuments. Il a, depuis plusieurs années, noué des partenariats pour mieux les faire connaître à l’étranger, notamment avec Air France ; il est aussi présent dans les grands salons du tourisme international, aux côtés d’Atout France. Il s’assure également une présence très active sur internet et sur les réseaux sociaux, afin de toucher un public plus jeune.
Après cette rapide présentation du CMN et de son modèle original, j’en viens aux principaux défis qu’il doit relever. Le premier a trait à son financement, le second à la gestion de l’emploi.
En ce qui concerne son financement, le CMN est confronté à une difficulté particulière en matière de crédits d’investissement. Dans le cadre de la loi de finances pour 2007, le législateur a confié au CMN la charge, au-delà de ses activités traditionnelles de gestion des monuments, d’assurer la maîtrise d’ouvrage des travaux de restauration des monuments nationaux qui lui ont été remis en dotation. Le CMN n’a été en capacité effective d’exercer cette compétence nouvelle qu’en 2010.
Il n’est pas question, pour moi, de remettre en cause cette mission nouvelle, qui permet au CMN de concevoir et de mettre en œuvre des opérations de restauration intégrées, prenant en compte tous les éléments patrimoniaux
– immobilier, mobilier et paysage –, ainsi que tous les points de vue
– conservation, médiation, valorisation, aménagement du territoire – afin d’obtenir la meilleure présentation du monument au public. J’ai pu mesurer les vertus d’un tel système lorsque je me suis rendu au château d’Azay-le-Rideau, où le CMN a engagé une très importante campagne de restauration globale, destinée à redonner tout son lustre à ce joyau de la Renaissance, que je vous engage tous, mes chers collègues, à aller visiter !
La difficulté à laquelle est confronté le CMN réside dans le fait que le transfert de la maîtrise d’ouvrage ne s’est pas traduit par la pérennisation d’une dotation budgétaire suffisante pour lui permettre de mener à bien tous ses projets de rénovation. Après 2007, le CMN, qui n’était pas en mesure de consommer tous ses crédits, s’est constitué un fonds de roulement anormalement élevé ; il a donc naturellement puisé dans ce fonds de roulement pour compléter la dotation de l’État réduite en raison de l’existence de ce fonds de roulement. Les chiffres précis figurent dans le projet d’avis qui vous a été remis. La perspective d’épuisement à venir du fonds de roulement rendra toutefois nécessaire une augmentation des crédits alloués au CMN, sauf à le contraindre, comme c’est déjà le cas, à reporter certaines campagnes de restauration.
Je me suis rendu au Panthéon où j’ai pu mesurer, d’abord, les travaux qui ont été réalisés sur le dôme mais, surtout, la nécessité de poursuivre l’ambitieuse campagne de restauration, dont seule la première phase a, pour l’heure, été réalisée : il faut encore consolider le péristyle, restaurer les façades et les décors intérieurs. Un travail sur l’organisation de l’accueil et les supports de médiation doit également être engagé. Le président du CMN estime que ces travaux pourraient être réalisés en sept ou huit ans, à condition que les crédits d’investissement du CMN soient portés à 30 millions d’euros chaque année.
Au-delà des querelles de chiffres – vous imaginez bien que le ministère n’a pas la même lecture des choses que le CMN –, je crois fondamental que le Centre des monuments nationaux puisse bénéficier, dans les années à venir, d’une plus grande visibilité sur les dotations de l’État afin de pouvoir engager, à l’image de ce qu’a pu faire l’établissement public en charge du château de Fontainebleau, dont j’ai rencontré le président Jean-François Hebert, un schéma directeur ou un programme pluriannuel de travaux. La rénovation des monuments s’inscrit nécessairement dans un temps long et la réalisation d’opérations globales bien construites en amont s’avère toujours moins coûteuse in fine.
Le second défi auquel est confronté le CMN a trait à la gestion de l’emploi, en raison de la coexistence de deux régimes juridiques distincts : des fonctionnaires titulaires sont affectés au CMN par le ministère de la culture, qui continue d’assurer le recrutement et la gestion de ces personnels, et des contractuels de droit public, recrutés directement par le CMN. Ce double régime se révèle très souvent source de difficultés dans le pilotage des emplois, comme dans les actes de gestion courante au sein des monuments.
Le CMN demande, depuis plusieurs années, que lui soit déléguée la responsabilité des différents actes de gestion à l’égard des personnels affectés, avec transfert de la masse salariale correspondante, à l’image de ce qui se pratique au Louvre depuis 2003. Pour le moment, le Centre des monuments nationaux n’a pas obtenu gain de cause. Pis encore pour lui, la loi récente relative à la déontologie des fonctionnaires, d’avril dernier, devrait conduire à réduire ses capacités de recrutement d’agents contractuels.
Je sais que le sujet est regardé de près au ministère et je plaide pour que le CMN obtienne gain de cause s’agissant de la gestion des titulaires affectés, tant cette question est source de difficulté au quotidien dans les monuments.
Le CMN joue désormais un rôle important sur les territoires en matière d’emplois induits et de tourisme. Ne pas doter le Centre des monuments nationaux des crédits dont il a besoin pour restaurer et entretenir correctement le patrimoine dont il a la charge apparaîtrait peu cohérent avec le souci affiché d’aménagement culturel des territoires.
Sans doute faut-il que le CMN développe encore davantage ses ressources propres et accentue ses recherches de mécénat, ce qu’il fait, d’ailleurs, en lançant des campagnes de mécénat participatif. Je vous engage, mes chers collègues, à aller consulter la page web : mapierrealedifice.fr ! Il n’est pas interdit aux députés, notamment de notre commission, de participer au mécénat en faveur du CMN. Je précise que le président Bélaval ne m’a pas chargé de passer ce message. Je le fais à titre personnel.
L’État ne saurait pour autant se désengager ni s’exonérer d’une programmation pluriannuelle des dotations, donnant une visibilité accrue au CMN.
Comme l’a estimé le Président de la République, en décembre 2014, à Chambord, « nous avons tout avantage à faire que le tourisme soit notre pétrole ». Encore faudrait-il ne pas en fermer le robinet, faute de crédits suffisants !
M. Stéphane Travert. Permettez-moi de me féliciter de la forte hausse des crédits dédiés à la mission que nous examinons, aujourd’hui, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017. Les programmes « Patrimoines », « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » bénéficieront de 173 millions d’euros de plus qu’en 2016, soit 6,9 % de hausse.
Ce budget, en hausse chaque année depuis 2015, s’inscrit dans un contexte marqué par des risques de division inédits dans notre histoire récente. La place de la culture doit donc être plus que jamais réaffirmée pour nous rassembler autour des valeurs de la République, parmi lesquelles la liberté de création, l’élargissement des horizons artistiques et l’ouverture à la jeunesse.
Avant d’évoquer plus longuement le programme « Patrimoines » et l’excellent rapport de notre collègue Michel Herbillon, permettez-moi de revenir sur le programme « Création » et le rapport d’Hervé Féron, magnifiquement présenté par M. Marcel Rogemont. Quelques points me semblent particulièrement importants à souligner.
Je commencerai par les 64 millions d’euros affectés à la politique d’éducation artistique et culturelle, soit 12 % de plus qu’en 2016. En tant que rapporteur de la mission d’information sur le marché de l’art, dont nous présenterons les conclusions, avec son président Michel Herbillon¸ le 16 novembre prochain, je soutiens particulièrement cette disposition en faveur de la jeunesse et de l’éducation à l’ouverture et à l’esprit critique.
Par ailleurs, 816 millions d’euros seront destinés aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC), soit une hausse de 7 %. Ce budget vient rapprocher encore davantage la culture et les citoyens dans nos territoires.
Enfin, je rappelle que ce budget de soutien à la création permet de pérenniser les emplois pour les artistes et techniciens du spectacle vivant. C’est l’objet du Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle, créé en 2016 et doté de 90 millions d’euros dans le budget pour 2017.
En ce qui concerne le programme « Patrimoines », je me félicite de la hausse de 30 millions d’euros prévue pour l’année 2017. Le programme « Patrimoines » finance les politiques de préservation et d’enrichissement du patrimoine culturel français, les musées, l’architecture, l’archéologie, les archives, le patrimoine immatériel, et comporte plusieurs priorités qui s’inscrivent, en 2017, dans un cadre renouvelé depuis l’adoption par notre assemblée de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite « loi LCAP ».
La première priorité du programme « Patrimoines » en 2017 vise à rendre accessible et faire mieux comprendre à tous les publics le patrimoine sous toutes ses formes. Cet objectif est au cœur du projet national d’éducation artistique et culturelle, qui met l’accent sur les publics jeunes du champ social et le public familial de médiation. À titre d’exemple, il a été décidé d’ouvrir aux groupes scolaires trois établissements culturels majeurs – le musée d’Orsay, le musée du Louvre et le château de Versailles – le jour habituel de leur fermeture.
La deuxième priorité est de sauvegarder, protéger, mettre en valeur et enrichir ce patrimoine afin d’en assurer la transmission aux générations futures. La loi LCAP a permis de réaffirmer le rôle de l’État en matière de contrôle scientifique et technique de l’archéologie, de renforcer la lutte contre le trafic de biens culturels et de rendre plus opérationnelles les procédures de protection du patrimoine urbain et paysager. Enfin, 2017 permettra de généraliser les stratégies pluriannuelles régionales d’intervention en matière de monuments historiques.
Enfin, la troisième priorité consiste à améliorer le cadre de vie, non seulement en favorisant la protection et la mise en valeur des espaces de grande qualité patrimoniale mais, plus généralement, en encourageant la qualité architecturale sur l’ensemble du territoire – cela renvoie aux politiques de labellisation que nous avons renforcées dans la loi « LCAP ».
Monsieur Herbillon, vous vous êtes intéressé dans votre rapport à la protection et à la valorisation des monuments nationaux en proposant un regard tout à fait intéressant sur un opérateur sous tutelle du ministère, le Centre des monuments nationaux. Vous appuyant sur les auditions auxquelles vous avez procédé, dont celle de M. Philippe Bélaval, président de cet établissement depuis 2012, et sur les visites de terrain que vous avez effectuées, vous avez formulé nombre de problématiques et de préconisations sur lesquelles je vous propose de revenir brièvement.
Selon vous, le périmètre d’action du CMN est assez flou. Il s’est étendu à de nouveaux sites comme les sites préhistoriques alors que d’autres sites ont choisi l’indépendance à l’instar du château de Fontainebleau devenu établissement public administratif en 2009 selon le choix de Mme Christine Albanel, alors ministre de la Culture et de la Communication. Quels sont les avantages d’une telle indépendance selon vous ?
Le climat social au sein du CMN s’est apaisé depuis 2012, notamment grâce un rééquilibrage de son fonctionnement entre son siège parisien et les monuments, comme le souhaitait le ministère de la culture. Pouvez-vous nous indiquer quelle était la situation avant l’arrivée de son actuel président, M. Bélaval ?
Au cœur de votre rapport, vous soulignez le manque structurel de crédits destinés au Centre pour mener à bien ses missions. À juste raison, vous indiquez que la baisse de fréquentation, liée principalement aux attentats de 2015-2016, a amputé une partie de ses recettes de billetterie. D’autre part, vous soulignez que le transfert de la maîtrise d’ouvrage des travaux de restauration au Centre n’aurait pas été accompagné par une dotation budgétaire suffisante, ce qui a entraîné le report de certaines campagnes de restauration. Néanmoins, vous indiquez qu’« hors hôtel de la Marine, la programmation de travaux reste, avec 31 millions d’euros de crédits engagés, encore élevée en 2016 ». Ne pensez-vous pas qu’il s’agit d’une vision paradoxale de la situation ?
Enfin, vous préconisez la clarification du régime de l’emploi entre agents titulaires du ministère et contractuels du CMN. Sachez que je partage cette vision, indispensable pour le bon fonctionnement de cet établissement.
Les Français aiment leur patrimoine et nous constatons un attachement profond de la Nation à ses monuments et jardins. C’est un trait d’union avec notre histoire qui traduit un désir de culture partagé par tous. S’efforcer de regarder le présent avec l’œil de l’avenir en établissant un continuum entre la création et le patrimoine, c’est la meilleure façon de favoriser l’une et l’autre. C’est pourquoi nous nous félicitons au sein du groupe Socialiste, écologiste et républicain du budget volontariste de la mission « Culture » qui nous est soumis cette année.
Mme Annie Genevard. Monsieur Herbillon, vous avez souhaité consacrer votre avis au Centre des monuments nationaux qui constitue l’un des établissements publics culturels les plus importants de l’État puisqu’il a la responsabilité de la conservation, de la restauration et de la présentation au public de 99 monuments et près de 110 000 biens culturels de notre pays. Le président du CMN l’a déclaré publiquement : chaque sortie du périmètre de compétence de l’établissement est vécue de l’intérieur comme un traumatisme – pensons à Chambord ou au Haut-Kœnigsbourg. Il estime avoir fait du changement du périmètre un tabou tout en restant ouvert à de nouvelles entrées.
Pour votre part, monsieur le rapporteur, vous estimez avant tout qu’un nouveau changement de périmètre risquerait surtout de remettre en cause l’équilibre financier de l’établissement qui repose sur une péréquation des ressources. Cet équilibre est fragile, comme vous le démontrez fort bien. Le fonctionnement en réseau permet aux « gros » monuments de financer la renaissance des « petits » grâce à la mutualisation des projets, des moyens et des compétences. Ce modèle doit être absolument soutenu, car il constitue une garantie forte pour notre patrimoine en matière d’unité, de dynamisme et de protection. Nous avons besoin d’un CMN solide qui garantisse une gestion publique de nos monuments et qui forme un rempart contre les risques de fermeture ou de cession non maîtrisée de notre patrimoine. Dans le contexte post-attentats que nous connaissons, le CMN déplore une baisse de fréquentation et, par conséquent, une baisse de ressources propres, ce qui le rend vulnérable.
Vous dénoncez par ailleurs une sous-budgétisation de ses crédits destinés à l’investissement depuis 2009 : une dotation de 18,9 millions d’euros est programmée pour 2017 alors que 30 millions d’euros seraient nécessaires selon vous. Vous tirez la sonnette d’alarme parce que l’État a laissé le CMN compenser la sous-budgétisation de ses crédits par des prélèvements sur son fonds de roulement qui arrive à épuisement.
Dès l’année prochaine, plusieurs chantiers de restauration pourraient être ajournés et reportés, menaçant ainsi tout un secteur économique. Or le CMN est bon gestionnaire, il l’a prouvé : il a su élargir ses missions et accueillir dans son giron de nouveaux monuments qui constituent autant de défis. Il faut en effet lui donner les moyens d’agir.
Vous proposez de donner à l’établissement une visibilité de ses dotations sur plusieurs années, sur le modèle des contrats d’objectifs et de moyens, afin de lui permettre de rationaliser ses campagnes de restauration. Avez-vous eu l’occasion de faire part de vos propositions au ministère ? Quels échos avez-vous pu avoir à ce sujet ?
J’en viens aux crédits consacrés à la création. Nous partageons les regrets exprimés par notre collègue Hervé Féron sur l’absence d’ambition de ce quinquennat pour la musique, sur l’abandon du Centre national de la musique, beau projet – certes gourmand en crédits budgétaires –, et sur le désengagement de l’État à l’égard des conservatoires. Le rapporteur note lui-même la dégringolade de 50 % des crédits entre 2012 et 2015. Nous ne pouvons que souscrire à sa proposition n° 7.
En revanche, la proposition n° 1, qui consiste à procéder à la gestion collective des droits issus de l’exploitation de la musique en ligne, nous pose question. D’abord, les sociétés d’artistes ne s’appuient pas toutes sur le même modèle de gestion, tant s’en faut. Vous avez certainement eu connaissance du constat de la Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits à ce sujet : elle pointe un niveau de trésorerie anormalement élevée au détriment des ayants droit. La gestion collective a un coût, qui rogne nécessairement les revenus de l’artiste. Surtout, cette proposition reviendrait à complexifier la gestion des droits et à multiplier les interlocuteurs – plateformes, sociétés de perception, producteurs. Nous ne pensons pas que l’avenir de la musique et de l’offre légale en ligne passe par des modes de gestion qui risquent de se retourner contre les artistes eux-mêmes.
Concernant le soutien aux artistes émergents, nous avions pu nous retrouver lors des débats de la loi « Liberté de création, architecture et patrimoine » sur la nécessité de renforcer les quotas francophones. Vous proposez entre autres de renforcer les obligations du service public en matière de nouvelles chansons francophones, notamment pour ce qui est de la diffusion à des heures décentes. Cela va dans le bon sens.
Mme Sandrine Doucet. Je remercie en premier lieu les rapporteurs pour la qualité des travaux qu’ils viennent de nous présenter. Le Premier ministre m’a récemment confié une mission parlementaire ayant pour objet la valorisation et l’évaluation de la mise en œuvre des pratiques artistiques et culturelles au profit des projets éducatifs territoriaux (PEDT) des écoles des quartiers prioritaires et, dans le rapport de M. Féron, je me suis plus particulièrement intéressée à la partie consacrée à l’éducation musicale dans le cadre de l’éducation artistique et culturelle (EAC).
Le rapporteur cite l’exemple de la Finlande qui a développé une éducation musicale ambitieuse. Dispensés dès l’école primaire, les cours de musique, d’une heure au minimum par semaine, peuvent être complétés par d’autres options. Ces options sont-elles uniquement musicales ou plus largement artistiques au sens du parcours d’éducation artistique et culturelle instauré par la loi pour la refondation de l’école ?
L’éducation artistique est un fantastique vecteur de culture, de compréhension entre les individus et de lien social. C’est un outil au service des apprentissages qui fait travailler la langue, la mémoire, l’expression, le numérique. Le rapport cite divers exemples comme les actions organisées par l’association « Orchestre à l’école » ou le programme DEMOS – Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale – initié par La Philharmonie de Paris. Lors des déplacements que j’ai effectués dans le cadre de ma mission, j’ai pu découvrir d’autres actions, plus locales, comme à Pantin autour de la chanson française ou à Perpignan autour de la Casa musicale, lieu de partage multiculturel.
L’avis évoque la création d’une option « Musiques actuelles » au baccalauréat, proposition intéressante à condition qu’elle concerne tous les types de musique comme le rapporteur le suggère. J’ai pu constater que dans les quartiers prioritaires, l’éducation musicale se résume trop souvent au seul hip-hop, comme si les jeunes de ces quartiers n’avaient pas d’autres envies, d’autres penchants, d’autres appétences. Pensez-vous que l’enseignant en charge de ces cours devrait les dispenser seul ou entouré d’intervenants extérieurs ? Comment, dans cette deuxième hypothèse, assurer sur tout le territoire, notamment en zone rurale, un égal accès à la richesse des styles musicaux proposés ?
Notre collègue Michel Herbillon souligne dans son avis la capacité de nos monuments nationaux à attirer des touristes et à produire de la richesse. En quoi pourraient-ils contribuer à créer du lien social et constituer des lieux d’acculturation pour les jeunes publics ? Comment s’inséreraient-ils dans les parcours d’éducation artistique et culturelle ?
M. Christophe Premat. Je m’intéresserai plus particulièrement à ce qui relève du rayonnement international de la France dans les deux avis.
Je partage le diagnostic posé par notre collègue Hervé Féron sur la rémunération équitable. Nous avons pu aborder cette question complexe mais nécessaire à plusieurs reprises au cours des dernières années. Il est bon de la poser à nouveau. Il faut saluer la méthodologie adoptée par le rapporteur qui consiste à appeler l’attention non sur le patrimoine musical mais sur la valorisation des scènes vivantes. En cela, je me félicite de l’augmentation du budget alloué au Bureau export de la musique, qui passera en 2017 à 4,5 millions d’euros, contre 3,2 millions en 2015. Cette association mène une action précieuse, notamment en favorisant la diffusion d’un répertoire essentiel et en participant à l’élaboration de projets autour des musiques urbaines à l’étranger.
Parmi les propositions formulées à la fin du rapport – qui dépassent le cadre du simple avis budgétaire –, je me réjouis que beaucoup aient trait à la francophonie, d’autant que la francophonie musicale a pu être mise en valeur à travers la nomination récente de l’artiste camerounais Manu Dibango comme Grand témoin de la francophonie. Pour la valorisation du spectacle vivant, n’aurions-nous pas intérêt à travailler de plus près encore avec l’Organisation internationale de la francophonie qui, dans son budget, prévoit le financement de telles initiatives ?
Dans le rapport de notre collègue Michel Herbillon, il est beaucoup question de restauration et de création, mais un peu moins de valorisation. Atout France a créé des parcours culturels pour mettre en valeur notre patrimoine. Il me semblerait important d’explorer la piste de la coopération décentralisée, car cet organisme a des moyens très limités à l’étranger.
Mme Colette Langlade. Nous pouvons collectivement nous réjouir de voir le budget de la culture croître dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017. Il viendra irriguer les bibliothèques, il contribuera à protéger et à défendre notre patrimoine et facilitera, par un doublement de moyens, l’accès à l’éducation artistique et culturelle, autant d’objectifs qui justifient amplement cette augmentation des crédits.
Pour ma part, je me réjouis des propositions formulées par le rapporteur pour avis pour développer les scènes de musique actuelle (SMAC)
– particulièrement en territoire rural –, qui passent, notamment, par un relèvement du plancher des subventions reçues de 75 000 euros à 150 000 euros. Cela viendrait conforter le plan de rénovation du réseau de ces salles, qui concourent au rayonnement de la chanson francophone et à la valorisation des nombreux talents. Je tiens à citer ici le Rocksane de Bergerac en Dordogne, qui contribue à l’attractivité du territoire.
Monsieur Rogemont, je souhaiterais connaître votre avis sur la densité des SMAC, notamment dans le cadre de la stratégie publique d’aide au développement des jeunes talents ? Des demandes particulières ont-elles émergé des auditions menées par le rapporteur Hervé Féron ?
M. Christian Kert. Quand on lit l’encadré consacré dans le rapport de Michel Herbillon à l’Hôtel de la Marine, l’opération de reconversion paraît extrêmement simple. J’ai l’impression que les choses sont plus complexes en réalité, qu’il s’agisse des différents niveaux d’intervention ou de l’étage consacré à l’excellence de la gastronomie française. Tout cela donne l’impression d’un mélange des genres. Que vient faire la gastronomie française dans ce projet ? Je ne suis pas le seul à me le demander : une étude parlait du passage « du garde-meuble au garde-manger ». Le rapporteur pourrait-il nous éclairer ?
Merci à nos deux rapporteurs pour la qualité de leurs avis, qui mettent en avant la progression du budget de la Culture pour cette année.
M. Michel Pouzol. Notre collègue Michel Herbillon me pardonnera, je l’espère, de concentrer mon intervention sur le rapport de M. Hervé Féron et plus précisément sur deux de ses propositions auxquelles j’aimerais revenir.
La proposition n° 17 vise à imposer des objectifs de production et de diffusion de nouvelles chansons francophones à des heures décentes sur les antennes de Radio France et surtout de France Télévisions. Plutôt que de contraindre, ne vaudrait-il pas mieux prévoir l’organisation d’un débat avec les producteurs de musique dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions ? Certes, le groupe public a consenti des efforts notables depuis quelques années avec le retour de Taratata ou la mise en valeur des modules Alcaline mais ceux-ci restent insuffisants.
La proposition n° 18 vise à augmenter le budget du Bureau export de la musique. Ne pourrait-on pas promouvoir plutôt une refonte totale du financement de cet organisme ? L’industrie musicale française exporte plutôt bien mais elle aurait besoin d’une structuration de plus grande envergure à l’international, à l’instar de l’industrie cinématographique avec Unifrance et ses divers partenaires.
M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis suppléant. Si vous le permettez, monsieur le président, je commencerai par quelques remarques personnelles sur le rapport d’Hervé Féron.
Il pose de légitimes questions sur la structuration de la filière musicale, en désignant les résultats probants de l’organisation de la filière cinématographique comme un exemple. Ce travail d’édification du secteur musical est devant vous et l’exemple du secteur cinématographique constitue notre « étoile polaire ». Dire que les relations enfin fraternelles et harmonieuses entre la SPEDIDAM et l’ADAMI constituent une base active pleine d’avenir pour l’industrie musicale est faible. La fusion de ces deux filières de perception place la nouvelle entité au premier rang des sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) au niveau européen et facilitera grandement l’objectif affiché par Hervé Féron. J’ajouterai que nous devons être attentifs à l’évolution du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) afin de faire prospérer une ambition plus large pour cette institution.
J’en viens aux questions, en précisant que j’aurai peut-être peine à me substituer à notre rapporteur Hervé Féron pour répondre à certaines d’entre elles.
Madame Genevard, je tiens à vous préciser que les financements des conservatoires et écoles de musique ont été renforcés, même si ce n’est que récemment.
S’agissant de la proposition n° 1, je rappelle que l’article 10 de la loi « Liberté de la création, architecture et patrimoine » crée le principe d’une garantie minimale de rémunération pour les artistes-interprètes dont les œuvres sont exploitées sur internet.
Madame Doucet, l’option « Musiques actuelles » pour le baccalauréat pourrait s’approcher de l’option théâtre, et reposer sur l’intervention d’artistes. Je vous remercie d’avoir évoqué les initiatives mises en œuvre par certains établissements, moins connues que celles citées dans l’avis de notre collègue Hervé Féron. Quant aux parcours d’éducation artistique et culturelle instaurés par la loi pour la refondation de l’école, ils prévoient une rémunération pour les artistes intervenants. Enfin, pour ce qui est de votre question sur l’organisation des enseignements artistiques en Finlande, nous vous ferons parvenir une réponse dès que nous disposerons des informations demandées.
Monsieur Premat, la réorganisation de nos ambassades, ambitieux projet mené depuis le début de la législature, devra permettre une meilleure collaboration entre les acteurs des dispositifs qui assurent le développement de la francophonie.
Madame Langlade, vous nous avez demandé si la densité des SMAC nous paraissait suffisante. Plus que la multiplication de ces scènes, c’est l’affirmation de leur rôle qui nous paraît importante. C’est la raison pour laquelle le rapporteur a proposé une mesure ambitieuse – très ambitieuse, même – de relèvement du plancher des subventions, destinée notamment à soutenir les SMAC dans leur fonction d’accompagnement des jeunes talents.
Monsieur Pouzol, s’agissant de la proposition n° 17, je dois vous rappeler que notre commission a souhaité que l’élément que vous citez ne figure plus dans les objectifs du COM de France Télévisions. Quant au Bureau export musique, il est largement financé par le secteur privé et il fonctionne bien : mieux vaut ne pas revenir là-dessus.
M. le président Patrick Bloche. Monsieur Rogemont, ce n’est pas notre commission en tant que telle qui a agi sur le COM de France Télévisions, c’est la négociation avec le ministère qui a abouti à ces résultats.
M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis suppléant. En effet, mais c’est notre commission qui a mis en avant la nécessité de réduire le nombre d’objectifs.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je remercie M. Stéphane Travert d’avoir appuyé mes remarques s’agissant de l’investissement et de l’emploi au sein du CMN. Il y a une véritable nécessité de clarifier le régime de l’emploi au sein de cet établissement.
J’aimerais, comme vous l’avez fait, revenir sur l’évolution des crédits dédiés au patrimoine. Si le budget s’accroît cette année, à périmètre constant, de 6,9 %, je voudrais souligner le fait que le constat est plus nuancé sur l’ensemble de la législature. Les crédits consacrés au patrimoine monumental ont chuté en cinq ans de 11 % ; les crédits des musées, de 5 % ; ceux des archives, de 40 %. Il ne faut pas oublier la saignée très forte qu’a subie le budget de la culture pendant les deux premières années du quinquennat, avant l’arrivée à Matignon de M. Manuel Valls.
En ce qui concerne l’éducation culturelle et artistique, évoquée par nos collègues Stéphane Travert et Sandrine Doucet, je veux regretter qu’il n’y ait plus de convention entre le ministère de l’Éducation nationale et le CMN depuis 2013. Peut-être que la visibilité que nous donnons au Centre dans le cadre de la discussion budgétaire permettra au ministère de se ressaisir. Pour l’heure, c’est le CMN qui finance sur ses fonds propres les missions d’éducation artistique et culturelle, hors mise à disposition de professeurs-relais.
Je partage le point de vue de M. Stéphane Travert selon lequel le patrimoine est un élément fédérateur : il constitue un repère pour nos concitoyens, y compris dans les villes de banlieue – je peux en porter témoignage en tant que maire de Maisons-Alfort, riche en bâtiments des années trente. Le patrimoine contribue à rassembler autour de valeurs qui constituent une part de l’identité de notre pays, il est important de le souligner. En cela, chère Sandrine Doucet, le patrimoine est créateur de lien social.
Le patrimoine repose néanmoins sur un équilibre fragile. Je remercie Mme Annie Genevard de son soutien au modèle original du CMN, fondé sur la péréquation des ressources entre monuments très réputés et d’autres qui le sont moins. La baisse de fréquentation a induit une certaine vulnérabilité des ressources propres. Toutefois, le CMN a été plutôt moins touché que d’autres établissements : d’une part, parce que le réseau des monuments dont il a la charge s’étend sur l’ensemble du territoire ; d’autre part, parce qu’il développe d’autres types de ressources. Il faut lui donner les moyens d’agir, vous avez raison d’insister sur ce point. Lui permettre de disposer d’une plus grande visibilité sur l’évolution pluriannuelle de ses ressources est indispensable, compte tenu des actions de rénovation et de restauration qu’il mène. L’audition de M. Vincent Berjot, directeur général des patrimoines, me laisse penser que cette demande sera favorablement accueillie par le ministère de la culture.
Monsieur Premat, vous soulignez l’importance de la valorisation des monuments nationaux à l’étranger. Atout France disposant de moyens limités, il serait bon de s’appuyer sur les réseaux diplomatiques et les instituts français. En évoquant la coopération décentralisée, peut-être suggériez-vous de développer des partenariats entre les monuments nationaux français et les monuments à l’étranger ? Cela me paraît être une idée intéressante.
Monsieur Kert, l’avenir de l’hôtel de la Marine a fait l’objet de beaucoup de polémiques, dont nous sommes fort heureusement sortis. Je dois vous dire que je suis plutôt confiant dans le projet de rénovation retenu. Le programme de restauration est clairement identifié. Il fait partie des priorités du Centre des monuments nationaux et de son président Philippe Bélaval et l’on peut penser à bon droit qu’une attention particulière y sera portée, compte tenu de l’extrême visibilité de ce bâtiment, qui donne sur la place de la Concorde. Je dois préciser que la restauration de la galerie extérieure, menée dans le cadre d’une opération de mécénat du groupe Bouygues, est déjà achevée. La mise en valeur du mobilier fait partie intégrante du projet actuel. Certaines salles, comme celle où fut signé le décret d’abolition de l’esclavage, conserveront leur configuration. Une autre partie du projet, qui n’est pas encore totalement finalisée, vise à mettre en valeur la place qu’occupe la gastronomie dans notre histoire et dans notre culture. Au rez-de-chaussée, dans la partie donnant sur la cour, un restaurant sera ouvert avec la participation de chefs emblématiques. Je tiens ici à rappeler que la gastronomie fait partie intégrante de notre patrimoine culturel – le repas gastronomique des Français a été inscrit au patrimoine immatériel de l’UNESCO, comme vous le savez – et qu’elle constitue un élément de l’attractivité culturelle de la France qu’il ne faut pas négliger.
Je termine par Fontainebleau. Le bilan que l’on peut tirer de son autonomie est très globalement positif. Cela a permis de simplifier la gestion et l’administration de l’édifice, de renforcer l’unité de gestion des collections, des bâtiments et du domaine de Fontainebleau, de responsabiliser l’établissement et de favoriser son développement culturel, scientifique et économique. La fréquentation annuelle s’est très sensiblement accrue, passant de 350 000 visiteurs avant 2009 à 520 000 en 2014.
Le président de l’établissement public, Jean-François Hébert, a beaucoup insisté sur le fait que la prise de décisions avait été rendue bien plus aisée par ce nouveau statut. L’élaboration du schéma directeur qui couvre les années 2015 à 2026 permet au président et à ses équipes d’avoir une plus grande visibilité de moyen terme s’agissant de l’usage des crédits de rénovation. Le château de Fontainebleau a pu également nouer des partenariats exemplaires avec les collectivités territoriales, qui ont permis l’installation en mars 2015 du pôle d’excellence du tourisme de Seine-et-Marne dans le quartier Henri IV. Enfin, l’autonomie que permet le statut a favorisé le choix du château de Fontainebleau comme lieu d’accueil, depuis 2011, du Festival de l’histoire de l’art, en association avec le ministère de la culture et l’Institut national d’histoire de l’art (INHA). Un service de compétence nationale aurait sans doute eu plus de peine à faire aboutir ce type d’initiative.
II. AUDITION DE LA MINISTRE
La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède le mardi 8 novembre 2016, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2017 de la mission « Culture » (83).
À l’issue de la commission élargie, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine, pour avis, les crédits pour 2017 de la mission « Culture ».
M. le président Patrick Bloche. Nous ne sommes saisis d’aucun amendement. Je demande aux rapporteurs pour avis de rappeler leur position sur les crédits.
M. Hervé Féron, rapporteur pour avis sur les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Avis favorable.
Mme Dominique Nachury, suppléant M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis sur les crédits du programme « Patrimoines ». Abstention.
M. le président Patrick Bloche. Je consulte donc la Commission sur les crédits de la mission « Culture ».
La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture ».
– Proposition n° 1 : procéder à la gestion collective des droits issus de l’exploitation de la musique en ligne afin de remédier à la paupérisation et à l’isolement des artistes-interprètes.
– Proposition n° 2 : veiller à la modification de la directive-cadre européenne sur le commerce électronique afin de mettre fin au laisser-faire fiscal dont bénéficient les géants du net.
– Proposition n° 3 : développer les opérations « Orchestre à l’école » et « Fabrique à Chanson » afin que chaque enfant, à la fin de son parcours scolaire, ait pu faire l’expérience d’un processus de création musicale.
– Proposition n° 4 : donner les moyens aux 7 100 collèges français de développer un auditorium et un parc instrumental par établissement afin de permettre la pratique musicale de tous, dans des conditions acoustiques optimales.
– Proposition n° 5 : créer une option au baccalauréat estampillée « musiques actuelles » où la chanson d’expression française serait mise à l’honneur.
– Proposition n° 6 : faire de l’éducation musicale une matière à part entière en développant la formation initiale et continue des enseignants et en favorisant le contact avec les musiciens intervenants.
– Proposition n° 7 : accroître le soutien financier de l’État et des collectivités territoriales aux conservatoires et écoles de musique dans le but de favoriser leur accès.
– Proposition n° 8 : doubler les subventions au Fair pour développer un dispositif qui a fait ses preuves dans le développement des artistes émergents et qui mérite d’être étendu à un plus grand nombre d’entre eux.
– Proposition n° 9 : veiller à ce que le CNV, parmi ses autres missions, accompagne les artistes émergents d’expression francophone.
– Proposition n° 10 : pour cela, supprimer le plafond de 30 millions d’euros à la taxe sur les spectacles instaurée afin que le CNV dispose de davantage de ressources.
– Proposition n° 11 : s’assurer de la rétroactivité du crédit d’impôt pour les entreprises de spectacles vivants musicaux, indispensable pour le secteur.
– Proposition n° 12 : conditionner le bénéfice de ce crédit d’impôt au respect d’une condition de francophonie, comme c’est le cas pour le crédit d’impôt phonographique.
– Proposition n° 13 : rendre le métier d’éditeur éligible au crédit d’impôt phonographique.
– Proposition n° 14 : créer sur internet un portail public qui permettrait de présenter l’ensemble des artistes créateurs émergents d’expression française.
– Proposition n° 15 : relever le plancher des subventions reçues par les SMAC de 75 000 à 150 000 euros afin de les aider à accomplir leurs missions de service public.
– Proposition n° 16 : préciser, dans le cahier des charges des SMAC, la nécessité de mieux accompagner les artistes émergents d’expression française.
– Proposition n° 17 : imposer des objectifs de production et de diffusion de nouvelles chansons francophones à des heures décentes sur les antennes de Radio France et surtout de France Télévisions.
– Proposition n° 18 : augmenter le budget du Bureau export de la musique afin de lui donner les moyens d’exploiter pleinement le potentiel économique de la filière musicale à l’international.
– Proposition n° 19 : renforcer la coordination et la complémentarité entre les différents guichets d’aide à l’exportation et resserrer les liens entre le ministère des Affaires Étrangères et le Bureau export.
– Proposition n° 20 : créer une antenne du Bureau export en Afrique afin d’exploiter le potentiel de la francophonie.
(par ordre chronologique)
Ø Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) – M. Guillaume Prieur, directeur des affaires institutionnelles et européennes
Ø France Télévisions – Mme Mathilde Michel-Lambert, secrétaire générale des programmes et directrice de l’unité de programmes Culturebox, Mme Aurélie Caille, directrice générale adjointe de France Télévisions Distribution, et Mme Juliette Rosset-Cailler, directrice des relations avec les pouvoirs publics
Ø Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (SPEDIDAM) – M. Guillaume Damerval, directeur gérant, et M. François Lubrano, directeur chargé de la culture et de la communication
Ø Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) – M. Guillaume Leblanc, directeur général, et Mme Patricia Sarrant, directrice de la communication
Ø Syndicat des musiques actuelles (SMA) – Mme Aurélie Hannedouche, déléguée générale, et M. Vincent Rulot, directeur de la Scène de musiques actuelles (SMAC) La Clef, à Saint-Germain-en-Laye
Ø Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) – M. Gilles Petit, président, et M. Philippe Nicolas, directeur
Ø Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (SYNDEAC) – M. Cyril Seasseau, directeur
Ø Fédération nationale des labels indépendants (FÉLIN) – M. Philippe Couderc, président
Ø Radio-France (*) – Mme Maïa Wirgin, secrétaire générale et M. Frédéric Schlesinger, directeur délégué aux antennes et aux programmes
Ø Syndicat national des producteurs, diffuseurs, festivals et salles de spectacle musical et de variété (PRODISS) – Mme Aline Renet, conseillère stratégique et relations institutionnelles, et M. Jean-Philippe Daniel, directeur associé de Lysios (*)
(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
Ø Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI) – M. Bruno Boutleux, directeur général-gérant et M. Benjamin Sauzay, directeur des affaires institutionnelles
Ø Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) (*) – M. Jean-Noël Tronc, directeur général, et M. Blaise Mistler, directeur des relations institutionnelles
Ø Fonds pour la création musicale (FCM) – M. Laurent Rossi, président et directeur du label Jive Epic Records (Sony)
Ø Bureau export de la musique française – M. Marc Thonon, directeur
Le rapporteur pour avis a également rencontré :
Ø Tous pour la musique – M. Bruno Lion, président
Ø Le Fair – M. Julien Soulié, directeur
Ø Le Studio des Variétés – M. Philippe Albaret, directeur
Ø Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles (IRMA) – M. Gilles Castagnac, directeur
Ø Chambre syndicale des éditeurs de musique (CSDEM) – Mme Juliette Metz, présidente, Mme Angélique Dascier, déléguée générale, Mme Caroline Molko et M. Thomas Jamois
(*) Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.