N° 4126
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2017,
TOME IV
ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
Par M. Pascal DEMARTHE,
Député.
——
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 4061, 4125 (annexe n° 25).
INTRODUCTION 5
I. UN PROJET DE BUDGET QUI PARACHÈVE CINQ ANNÉES DE PRIORITÉ ABSOLUE DONNÉE À L’ÉDUCATION 7
II. LA REVALORISATION DES CARRIÈRES ET DES RÉMUNÉRATIONS ENSEIGNANTES 9
A. UN DÉCROCHAGE DES SALAIRES DES ENSEIGNANTS DANS LES ANNÉES 2000 9
1. Une rémunération caractérisée parmi les cadres de la fonction publique par la part modérée des primes 9
a. Des rémunérations principales en phase avec la moyenne des cadres de la fonction publique 9
b. Des rémunérations accessoires toutefois moins importantes et concentrées sur les enseignants du secondaire 10
c. Un régime empreint de rigidité 13
2. Une absence de revalorisation globale depuis vingt-cinq années 14
3. Une place peu enviable dans les comparaisons internationales 15
B. UNE PROFONDE RÉFORME DES CARRIÈRES COURONNANT UN VASTE MOUVEMENT DE REVALORISATION 17
1. De nombreuses mesures depuis 2012 concentrées sur la clarification et la revalorisation des primes 17
2. Le protocole sur les parcours, les carrières et les rémunérations, de forts gains de pouvoir d’achat et une ambitieuse modernisation des carrières 19
a. Des carrières toutes revalorisées et homogénéisées, avec une évolution plus équitable et linéaire 20
b. Des rendez-vous d’accélérations de carrière, valorisant les fonctions décisives pour la réussite éducative 22
c. Un accompagnement et une évaluation refondée 25
TRAVAUX DE LA COMMISSION 29
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 47
Le présent rapport pour avis porte sur des programmes qui totalisent, à eux seuls, 68,64 milliards d’euros en crédits de paiement et constituent depuis deux ans le premier budget de l’État. Ainsi, par rapport à 2016, les crédits de la mission Enseignement scolaire (hors enseignement agricole) progresseront de plus de 2 milliards d’euros en excluant la croissance des charges de pension versées au compte d’affectation spéciale dédié.
Le détail de ce budget et des créations d’emplois étant examiné par le rapporteur spécial de la commission des Finances, M. Alain Fauré, le rapporteur pour avis a centré son travail sur la revalorisation des carrières et des rémunérations des enseignants.
La présente majorité peut être fière d’avoir concrétisé la priorité absolue donnée à l’école de la République. L’effort financier consenti depuis 2012 est exceptionnel et ne peut être comparé dans toute l’histoire de l’éducation qu’à l’ample modernisation des carrières enseignantes engagées en 1989. Le budget de l’enseignement scolaire a ainsi progressé de 7,7 milliards d’euros depuis l’alternance, soit une hausse globale de 12,7 %.
Cette refondation s’est faite avec ambition, méthode et détermination. La loi du 8 juillet 2013 a d’abord posé des bases novatrices seules aptes à permettre à notre système scolaire de faire face aux grands défis qui sont devant lui, au premier rang desquels l’émancipation de la réussite de nos enfants de la surdétermination par les origines socio-économiques. Avec la priorité donnée au primaire, la révision de tous les programmes, de la maternelle au lycée, pour que le socle commun devienne une réalité, la réforme de l’éducation prioritaire, la modernisation du collège, etc., la République a donné aux enseignants les outils nécessaires pour remplir leur précieuse mission. En rétablissant une formation initiale digne de ce nom, elle a reconstruit l’indispensable fondation sans laquelle il est illusoire de prétendre bâtir un édifice solide. En cohérence et avec la garantie que les nouveaux moyens seront ainsi utilisés dans un dispositif refondé, 60 000 créations de postes ont rétabli des effectifs dangereusement entamés au cours des années précédentes.
Toutes ces mesures sont autant d’éléments tangibles de reconnaissance à l’égard de nos enseignants. Rétablir des effectifs en phase avec les besoins, moderniser et clarifier les missions et les méthodes de l’éducation, affirmer avec force les ambitions de l’école, notamment pour fortifier les valeurs de la République, valoriser partout les pratiques les plus efficaces et les plus novatrices, donner une formation de qualité… ce sont autant de témoignages quotidiens et décisifs de la considération portée par l’État.
Il restait néanmoins à aborder la question des rémunérations. En l’absence de réforme des carrières depuis 1993 et, surtout, avec la raréfaction des hausses puis le gel du point d’indice de la fonction publique qui est l’élément déterminant des salaires enseignants compte tenu de la modestie de leurs primes, les professeurs ont subi depuis le début des années 2000 une indiscutable érosion de leur pouvoir d’achat. Ils ont participé, avec abnégation, à l’important effort de redressement de nos comptes publics, qui porte enfin ses fruits au moment où notre pays repasse sous la barre des 3 % de déficit.
Dans un esprit de responsabilité et de justice, après la refondation des méthodes de l’école et le rétablissement de ses moyens, le Gouvernement a procédé à la première revalorisation de toutes les étapes de la carrière enseignante depuis un quart de siècle, en trouvant un accord avec les organisations syndicales permettant une hausse moyenne (1) à l’échéance de 2020 de 4,4 % sur l’ensemble de la carrière. En y intégrant la création en 2013 et l’alignement en 2016 de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves des professeurs des écoles sur celle versée aux certifiés et la hausse de 1,2 % du point d’indice au 1er juillet 2016 puis au 1er février 2017, cette augmentation atteindra 5,6 % pour les certifiés et 9,3 % pour les professeurs des écoles, soit 7,5 % en moyenne.
Mais, là encore, le choix a été fait de réaliser cette revalorisation en modernisant profondément le déroulé de la carrière des enseignants, afin d’y rétablir plus d’équité et de lisibilité (grâce à une progression linéaire garantie à tous et ouvrant, enfin, à tous les professeurs des écoles le second grade de la hors classe qui permet un réel saut de rémunération) tout en aménageant une vraie valorisation du mérite et des missions les plus difficiles (au moyen de quatre rendez-vous de carrière permettant de récompenser les enseignants les plus investis et grâce à la création d’un nouveau grade « exceptionnel »).
Surtout, le protocole d’accord modifie en profondeur l’évaluation, objet de critiques récurrentes, en substituant à une logique d’inspections aléatoires, administratives et souvent peu lisibles et motivantes, un vrai accompagnement personnalisé, tout au long de la carrière, et des rendez-vous d’évaluation aux critères clairs et tenant compte de l’implication des professeurs. Elle récompensera aussi certaines activités, comme l’investissement durable en éducation prioritaire ou l’exercice des fonctions de direction et de coordination, permettant une meilleure reconnaissance de la nation.
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 93 % des réponses étaient parvenues.
Le présent projet de budget respecte la trajectoire ambitieuse de progression des moyens tracée par la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
Les crédits des cinq programmes qui relèvent du ministère de l’éducation nationale dans la mission « Enseignement scolaire » (le programme 143 relève du ministère de l’agriculture) s’élèveront ainsi à 65,64 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2017. À périmètre constant, et hors accroissement des charges de pension versées au compte d’affectation spéciale dédié, le budget s’accroît de 2,09 milliards d’euros (+ 4,4 %).
RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME
(en millions d’euros)
Numéro et intitulé du programme et du titre |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | ||
Ouvertes en LFI pour 2016 |
Demandées pour 2017 |
Ouverts en LFI pour 2016 |
Demandés pour 2017 | |
140 – Enseignement scolaire public du premier degré |
20 193,35 |
21 525,50 |
20 193,35 |
21 525,50 |
141 – Enseignement scolaire public du second degré |
31 273,07 |
32 440,99 |
31 273,07 |
32 440,99 |
230 – Vie de l’élève |
4 814,12 |
5 044,34 |
4 829,59 |
5 042,99 |
139 – Enseignement privé du premier et du second degré |
7 203,35 |
7 434,32 |
7 203,35 |
7 434,32 |
214 – Soutien de la politique de l’éducation nationale |
2 141,82 |
2 178,62 |
2 185,62 |
2 195,65 |
Total Éducation nationale |
65 625,71 |
68 623,76 |
65 684,99 |
68 639,45 |
143 – Enseignement technique agricole |
1 384,52 |
1 419,60 |
1 384,52 |
1 419,60 |
Source : Projet annuel de performances 2017 de la mission « Enseignement scolaire » et projet de loi de finances pour 2017. Hors fonds de concours.
– Comme pour toutes les années depuis 2013, cette augmentation s’appuie sur le renforcement des moyens humains de l’éducation grâce à la création de 11 662 postes supplémentaires (en équivalent temps plein, ETP) soit un effort budgétaire en 2017 de 320 millions d’euros.
Les créations nettes depuis l’alternance de 2012 atteignent ainsi 60 000 postes (54 000 pour les premiers et seconds degrés et 6 000 pour l’enseignement supérieur), conformément aux engagements souscrits par le président de la République et concrétisés selon le rythme de déploiement prévu dans la loi de refondation.
Seront ainsi ouverts en 2016 9 711 nouveaux postes d’enseignants titulaires, dont 4 311 affectés dans le premier degré public, 4 400 dans le second degré public et 1 000 dans l’enseignement privé. S’y ajouteront 600 postes de personnels non enseignants ainsi que 1 351 postes d’accompagnants pour les élèves en situation de handicap.
Ces créations permettront de consolider et d’étendre les nouvelles mesures introduites par la loi de refondation de l’école, en particulier le dispositif « plus de maîtres que de classes » ou l’encouragement à la scolarisation des enfants de moins de trois ans, tout en continuant à accompagner les mesures de refondation de l’éducation prioritaire et de réforme du collège. Une attention particulière est accordée, dans la lignée du plan annoncé le 18 octobre dernier par la ministre de l’Éducation nationale, à la reconstitution des viviers de remplaçants, avec 1 500 emplois supplémentaires dédiés dans le premier degré soit 5 000 créations de postes de remplaçants depuis 2012 (après une baisse de 1 576 entre 2007 et 2012).
– 1,12 milliard d’euros supplémentaires seront consacrés à des mesures catégorielles confortant la reconnaissance et les rémunérations des personnels de l’éducation, portant l’effort de la nation sur cette question à 1,5 milliard d’euros de coût en année pleine depuis 2012 (voir infra II du présent rapport), en conjuguant en particulier l’alignement de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves versée aux enseignants du premier degré sur celle de leurs collègues du secondaire (430 millions d’euros au total dont 303 millions d’euros en 2017), la première étape du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR) (469 millions d’euros) ainsi que la revalorisation de 0,6 % du point d’indice au 1er février 2017 (490 millions d’euros, dont 350 millions d’euros en 2017).
– En dehors de ces deux très importants chantiers, on observe une stabilisation des moyens déployés dans le cadre des grands plans engagés durant le quinquennat, qu’il s’agisse du numérique (191 millions d’euros pour déployer des ressources pédagogiques et des équipements numériques individuels pour les élèves de cinquième dans 50 % des collèges publics et privés sous contrat et 160 millions d’euros les projets phares du service public du numérique éducatif tels M@gistère, Mon orientation augmentée, D’col, etc.), du renforcement de la formation continue des enseignants (103 millions d’euros, + 20 % depuis 2012), de la lutte contre le décrochage (58 millions d’euros pour la mission de lutte dédiée) et de la lutte contre la pauvreté (fonds sociaux en direction de 280 000 collégiens et lycéens en grande difficulté portés à 65 millions d’euros, +85 % depuis 2012).
1. Une rémunération caractérisée parmi les cadres de la fonction publique par la part modérée des primes
Comme tous les autres fonctionnaires, les enseignants bénéficient d’une rémunération principale, fondée sur un système d’indices évoluant au rythme des échelons atteints dans leur corps d’appartenance, complétée par des rémunérations accessoires constituées d’heures supplémentaires et d’indemnités liées à des fonctions ou des sujétions particulières.
À la différence toutefois des cadres de catégorie A de la fonction publique, la rémunération accessoire (les « primes ») ne constitue qu’une part modeste des revenus globaux, ne dépassant pas 10 à 15 % pour les enseignants du second degré et 5 % pour ceux de premier degré, lorsqu’elle atteint près du tiers du traitement des cadres non enseignants de l’État et, globalement, 20 % de celui de l’ensemble des fonctionnaires.
La rémunération principale des enseignants prend place dans une « grille » applicable à toute la fonction publique, qui vise à assurer que des aptitudes professionnelles comparables d’un corps à un autre ou d’une administration à une autre soient rémunérées de la même façon.
Le traitement indiciaire des professeurs certifiés et équivalents (professeur des écoles, professeur d’EPS, professeur de lycée professionnel) s’apparente ainsi à celui des cadres moyens de l’administration, à l’instar des attachés d’administration de l’État ou des attachés territoriaux.
Un professeur des écoles ou certifié débute ainsi sa carrière, comme les attachés, à l’indice brut 379 (1 626 euros bruts par mois en 2016) et la termine, là encore comme un attaché, à l’indice brut 801 de la classe normale (3 065 euros) ou à l’indice brut 966 (3 647 euros) s’il a été promu au grade de hors classe. La grille indiciaire des professeurs agrégés est comparable quant à elle à celle des maîtres de conférences, culminant à l’indice brut 1 015 en classe normale (4 142 euros).
Les enseignants se différencient par leurs modalités d’avancement.
Les débuts de carrière y sont beaucoup plus rapides. Ils accèdent ainsi au deuxième échelon au bout de trois mois, au troisième échelon au bout de neuf mois supplémentaires et au quatrième échelon au bout d’un an, alors que pour les attachés par exemple les deux premières progressions prennent un an et la troisième deux ans. Dès deux ans de carrière, la rémunération principale des enseignants atteint 2 073 euros.
Ensuite, cependant, les carrières deviennent progressives mais inégales selon les professeurs, les sauts d’échelon se faisant dans des durées allant de deux ans à quatre ans et demi, suivant les résultats de leurs évaluations. Selon un schéma dérogatoire du statut de la fonction publique, on distingue en effet trois rythmes d’avancement, appelés « grand choix », « choix » et « ancienneté », déterminés à la suite des inspections effectuées. Ainsi, à titre d’exemple, le passage du neuvième au dixième échelon de la classe normale peut prendre deux ans au grand choix, trois au choix et quatre à l’ancienneté.
À côté de ces progressions, le principal saut de rémunération, qui permet d’accéder à une grille revalorisée où les traitements sont supérieurs de 500 à 1 300 euros par mois, est suspendu à l’accès au grade de hors classe par voie d’inscription au tableau d’avancement arrêté par l’inspecteur d’académie, pour les professeurs des écoles, ou par le recteur, pour les certifiés, dans tous les cas après avis de la commission administrative paritaire académique compétente. Or cet accès est contingenté, limité jusqu’en 2013 à environ 2 % des effectifs des professeurs des écoles éligibles à cette promotion et 5 % de celui des certifiés exerçant en collège et lycée. Dès lors, de nombreux professeurs des écoles n’accèdent jamais à ce grade, qui n’intervient que tard dans la carrière de beaucoup de certifiés.
b. Des rémunérations accessoires toutefois moins importantes et concentrées sur les enseignants du secondaire
À côté de ce traitement stable, les rémunérations accessoires se concentrent sur les heures supplémentaires et diverses indemnités.
— Les heures supplémentaires versées aux enseignants, qui mobilisent 43 % de leurs rémunérations complémentaires, sont de deux types.
Les heures supplémentaires années (HSA) rémunèrent, de manière forfaitaire, les heures qui excèdent leur maximum hebdomadaire de service de manière permanente sur l’année scolaire.
Sur l’année scolaire 2015-2016, dans l’enseignement public du 2nd degré, 60 % des enseignants effectuent des heures supplémentaires années (mais 75 % des plus de 40 ans contre seulement 45 % des moins de 30 ans), dont la moyenne s’établit, pour ceux qui les exercent, à 2 heures. Cela mobilisait un coût budgétaire de 689 millions d’euros en 2016. Sont ainsi assurées 9 % des heures totales d’enseignement dans le secondaire.
Ces heures supplémentaires ont connu une vive croissance à partir de 2007 (+ 30 %), grâce notamment au régime très incitatif introduit par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA) qui avait exonéré les heures supplémentaires de l’impôt sur le revenu et des cotisations sociales. L’abrogation de cette disposition n’a pas pour autant découragé la pratique des HSA, rendues absolument indispensables face à la très nette dégradation du taux d’encadrement liée aux suppressions de postes des années 2007 à 2012. Cependant leur croissance s’est nettement affaissée à mesure où les créations de postes allégeaient la pression sur les effectifs (+ 4 % d’augmentation seulement au total depuis 2012).
La première heure supplémentaire hebdomadaire est majorée de 20 %. Cela représente, pour un professeur certifié de classe normal, 1 291 euros annuels pour la première heure et 1 076 euros par heure supplémentaire. S’ajoutait une prime spéciale de 500 euros par an au bénéfice des enseignants qui assuraient au moins trois heures supplémentaires année d’enseignement, instituée par le décret n° 2008-927 du 12 septembre 2008 mais abrogée par le décret n° 2016-1174 du 30 août 2016, le rétablissement des effectifs enseignants ne justifiant plus le maintien d’une telle incitation.
Si le principe de volontariat domine, les enseignants peuvent être tenus d’effectuer, lorsque l’intérêt du service l’impose, une heure supplémentaire en sus de leur maximum hebdomadaire de service.
Compte tenu d’obligations de service très différentes selon les niveaux d’enseignement, il est logique que les heures supplémentaires soient essentiellement exercées par les professeurs certifiés et non par les professeurs des écoles dont le face-à-face pédagogique mobilise l’essentiel du temps de travail. Parmi les premiers, les plus forts nombres d’heures supplémentaires sont assurés par les professeurs de chaire supérieure et agrégés en classes préparatoires aux grandes écoles (5 heures par semaine en moyenne).
En parallèle, les enseignants réalisent chaque année 5,5 millions d’heures supplémentaires effectives, soit 20 minutes par semaine pour chaque enseignant, versées à l’occasion de services supplémentaires occasionnels ne s’inscrivant pas dans un horaire régulier. Le gain est ici logiquement beaucoup plus modeste (environ 390 euros par an par enseignant) et le coût budgétaire limité à 227 millions d’euros. Le recours à ces heures a connu une vive diminution en 2016, après que l’indemnité pour mission particulière créée en 2015 (voir infra) a permis de rémunérer directement une partie des activités exercées par les enseignants en dehors du face-à-face pédagogique.
— Le régime des indemnités est plus traditionnel.
Certaines ont vocation à couvrir des sujétions spéciales :
– les enseignants faisant des remplacements bénéficient d’une prime fixée en fonction de l’éloignement du poste exercé ;
– les enseignants en éducation prioritaire touchent une indemnité de sujétions de 2 312 euros dans une école ou un établissement relevant d’un programme REP + et de 1 734 euros en REP ;
– les diverses missions assumées par les enseignants en dehors de leurs heures de classe, dont la rémunération était complexe et parfois aléatoire, font désormais l’objet d’une claire reconnaissance grâce au versement d’indemnités pour missions particulières, dont le montant est fixé par le recteur, sur proposition du chef d’établissement, en fonction de la charge effective de travail que nécessite leur accomplissement et des conditions dans lesquelles elles sont exercées. Ces indemnités s’inscrivent dans un barème où le recteur choisit entre cinq taux annuels allant de 313 à 3 750 euros. Les activités concernées sont la coordination de discipline, de cycle ou de niveau, l’exercice du rôle de référent ressources, décrochage ou culture et le tutorat des élèves en lycée ;
– les professeurs principaux bénéficient, au titre de leur responsabilité en particulier dans l’orientation des élèves, d’une prime allant de 895 à 1 409 euros en fonction de leur indice.
En complément, tous les enseignants bénéficient d’une prime dont l’objet est de reconnaître leur investissement dans l’accompagnement des élèves.
Cette indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE), créée en 1991, est longtemps demeurée uniquement versée aux enseignants du secondaire, nourrissant durablement la divergence des rémunérations avec leurs collègues du primaire. Elle s’établit aujourd’hui à 1 200 et représente à elle seule plus de la moitié des indemnités qui leur sont versées.
Le décret du 30 août 2013 a mis fin à cette inégalité en instituant pour les professeurs des écoles une indemnité de suivi et d’accompagnement (ISAE), d’abord fixée à 400 euros avant que le décret du 27 juin 2016 ne parachève le rapprochement avec les certifiés en la portant à 1 200 euros dès la rentrée 2016.
Au total, ces rémunérations dessinent un paysage complexe qu’illustre le tableau ci-après.
RÉMUNÉRATION NETTE MENSUELLE DES ENSEIGNANTS
AU 1ER SEPTEMBRE 2016 EN DÉBUT, MILIEU ET FIN DE CARRIÈRE
(en euros)
Hors indemnité |
Avec indemnités les plus courantes (3) et une heure supplémentaire | |
Professeur des écoles | ||
En début de carrière |
1 693 |
1 779 |
À 15 ans de carrière (1) |
1 940 |
2 026 |
En fin de carrière |
2 579 |
2 665 |
En fin de carrière au grade de « hors classe » (2) |
3 069 |
3 155 |
Professeur certifié | ||
En début de carrière |
1 693 |
1 905 |
À 15 ans de carrière (1) |
1 940 |
2 152 |
En fin de carrière |
2 579 |
2 791 |
En fin de carrière au grade de « hors classe » (2) |
3 069 |
3 294 |
Professeur agrégé | ||
En début de carrière |
1 917 |
2 183 |
À 15 ans de carrière (1) |
2 489 |
2 755 |
En fin de carrière |
3 218 |
3 484 |
En fin de carrière au grade de « hors classe » (2) |
3 775 |
4 058 |
(1) Pour un avancement « moyen », dit « au choix », à chaque étape.
(2) Échelon maximum du grade.
(3) ISOE/ISAE et indemnité de résidence (zone 1).
De manière générale, le régime de rémunérations des enseignants se révèle empreint de rigidité et d’uniformité, ne laissant aujourd’hui (en dépit d’importants progrès introduits par la reconnaissance des missions particulières en 2014) guère de marge de manœuvre pour promouvoir une politique de gestion des ressources humaines dynamique et valorisante.
La reconnaissance du mérite et de l’exercice de missions volontaires, pourtant essentielles au succès de l’éducation, demeure très relative en raison, d’une part, des faibles taux de promotion dans le grade « hors classe », aggravée en particulier dans le secondaire par la rareté et le caractère aléatoire des inspections qui permettent cet avancement, et, d’autre part de la faiblesse relative des nouvelles primes liées à ces fonctions dans l’ensemble des rémunérations.
Il faut enfin ajouter que les enseignants du primaire ne sont guère les mieux lotis, avec des primes (et des heures supplémentaires) limitées représentant en moyenne seulement 5 % de leur traitement contre 15 % pour les certifiés, et un passage dans le grade hors classe sévèrement limité.
La dernière réforme d’ampleur des rémunérations des enseignants date du début des années 1990, avec la signature des protocoles d’accord entre le Gouvernement et les organisations syndicales dit « Jospin », du 25 mai 1989, « Durafour » le 9 février 1990 et « Lang » du 8 février 1993, qui se sont traduits par un effort budgétaire exceptionnel de 4,3 milliards d’euros dont 2,3 pour le premier degré et 2 pour le second.
L’ensemble des mesures réglementaires prises à la suite de ces protocoles ont entraîné une très substantielle revalorisation de la situation indiciaire de tous les personnels enseignants, accélérée en début de carrière, relevée à chacune des étapes ensuite et couronnée par la création d’un nouveau grade de hors classe aux rémunérations confortées.
Les anciens instituteurs ont bénéficié d’une amélioration sans précédent de leur situation grâce à la création d’un corps de professeurs des écoles, ouvert aux anciens instituteurs (dont le corps était ainsi mis en extinction), dont la grille a été alignée sur celle des certifiés.
Ces réformes ont été complétées par un important volet indemnitaire, avec en particulier l’institution de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves décrite supra.
Par suite, les rémunérations des enseignants ont logiquement évolué au rythme du point d’indice de la fonction publique. Entre 1993 et 2003, elles ont été parfaitement en phase avec l’inflation (+ 1,9 %), les gains de pouvoir d’achat pour les enseignants pris individuellement venant donc exclusivement des augmentations de rémunération au fil de la carrière, au fur et à mesure que chacun gagnait en âge, avec un rythme vif en début de carrière (un enseignant âgé de 30 à 40 ans gagnait en 2005 en moyenne 22 % de plus qu’un enseignant de moins de 30 ans) et plus modéré par la suite (un enseignant de 40 à 50 ans percevait ainsi environ 17 % de plus qu’un enseignant de 30 à 40 ans). Ainsi, au total, le pouvoir d’achat après 15 années d’expérience n’a pas progressé durant cette période.
Cependant la part réduite des primes, qui forment l’élément le plus dynamique des ressources des autres cadres de l’État, a creusé un écart de rémunération entre ces derniers et les enseignants, qui a progressivement atteint 40 % dans la tranche d’âge 40 à 50 ans. En contrepoint, la stagnation des revenus des cadres et professions intermédiaires du privé dans cette période a rapproché leur rémunération de celles des enseignants, bien qu’ils demeurent, à qualifications comparables, mieux payés de montants de l’ordre de 20 %.
La raréfaction des hausses puis le gel à partir de 2010 du point d’indice (0,7 % d’augmentation entre 2003 et 2014 pour 1,7 % d’inflation) ont ensuite logiquement ralenti la progression des revenus sans que, là encore, ces mesures générales soient compensées, comme elles l’ont été pour de très nombreux fonctionnaires, par des revalorisations des primes ou des carrières. En conséquence, leur pouvoir d’achat, apprécié par exemple par l’évolution du traitement servi après quinze années d’expérience ajusté à l’inflation, s’est tassé entre 2003 et 2014 de 9,8 % pour les enseignants du primaire et 9,9 % pour les certifiés en intégrant l’impact des hausses de cotisation liées à la réforme des retraites de 2010 (2). Le salaire moyen quant à lui, porté par le vieillissement des effectifs aggravé par le tarissement des recrutements à partir de 2007, s’est révélé stable sur la période, tandis que celui des autres fonctionnaires augmentait d’environ 0,2 % par an en termes réels et celui des salariés de 0,5 % (3).
Ce mouvement général n’a été contrarié que par deux mesures de revalorisation, très insuffisantes. La première, rendue nécessaire par l’apparition de difficultés de recrutement au moment où les qualifications exigées augmentaient au niveau du master, a été exclusivement consacrée aux débuts de carrière dans le cadre du « pacte de carrière » en 2010, consécutif à la réforme du recrutement et de la formation des personnels enseignants. Cette amélioration a pris la forme de l’attribution d’une bonification d’ancienneté d’une année pour les jeunes enseignants, classés, en tant que stagiaire, directement au 3e échelon puis, dès leur titularisation, à l’échelon 4. Ces indices de début de métier ont parallèlement été augmentés de 157 euros nets par mois en 2010 puis 102 euros nets en 2012, soit + 13 % au total. Depuis le 1er février 2012, tout jeune enseignant titularisé exerçant à temps plein bénéficie ainsi d’un traitement d’au moins 2 000 euros bruts. Ces mesures, modestes, ont eu un coût budgétaire de 268 millions d’euros.
Par suite, les améliorations concernant le reste de la carrière, au-delà des importants efforts d’augmentation des primes consentis depuis 2012 (voir infra), se sont limitées à l’augmentation continue des ratios de promus au grade hors classe, de 5 à 7 % pour les certifiés et surtout de 2 % à 5 % pour les professeurs des écoles, pour un coût de 21 millions d’euros.
Ce décrochage de l’évolution des rémunérations a contribué à dégrader la place de la France dans les comparaisons internationales relatives aux salaires versés aux enseignants.
L’OCDE (1) a ainsi montré que le salaire effectif moyen des enseignants en France est inférieur de 12 % à la moyenne des pays de l’OCDE pour l’enseignement primaire, de 2 % pour ceux du collège et quasiment au même niveau que la moyenne pour les enseignants de pré primaire ou de lycée.
Cette situation trahit toutefois une dégradation de leur situation par rapport aux actifs du secteur privé titulaires d’un diplôme comparable.
En effet, la rémunération des professeurs des écoles est inférieure de 24 % à la moyenne des salaires des diplômés de l’enseignement du supérieur, quel que soit leur niveau de diplôme, alors même que depuis 2010 les premiers sont titulaires du niveau, très élevé, du master. Cette situation tient moins au début de carrière, où l’écart est de 12 %, qu’au reste du déroulement de leur métier, où l’écart se creuse pour atteindre 37 % pour les 45 à 54 ans.
Cet écart s’établit à 10 % pour les enseignants du collège (et 3 % pour ceux du lycée), là aussi selon un profil tendant à s’aggraver au fil des années d’exercice.
Ces moins-values se retrouvent dans l’immense majorité des pays de l’OCDE, mais notre pays les accentue d’environ 10 points de pourcentage à tous les niveaux de la carrière des enseignants. Ainsi, si l’écart de salaire avec le privé est très fort en Autriche, en Islande et en Italie (plus de 40 %), on observe qu’au Canada, en Corée, en Espagne, au Luxembourg et au Portugal, les enseignants du primaire gagnent autant et ceux du secondaire bien davantage que les actifs diplômés de l’enseignement supérieur.
Notre pays se caractérise par des salaires de début de carrière très faiblement attractifs, inférieurs de 20 % à la moyenne des pays de l’OCDE. Cet écart se creuse légèrement après quinze années de carrières. En revanche, les fins de carrière rapprochent nos enseignants de leurs collègues des pays voisins, avec une très importante nuance liée au fait que les échelons maximums de rémunération sont atteints après 34 années de carrière dans notre pays contre 25 ans dans l’OCDE et, rappelons-le, qu’ils ne sont pas accessibles à tous.
Rapprochés de la richesse de notre nation, appréciée par référence au PIB, ces écarts sont amplifiés. Ainsi, lorsque nos principaux voisins servent des salaires significativement supérieurs ou égaux au PIB par habitant (125 % en Allemagne et en Espagne, 100 % en Angleterre par exemple), le traitement des professeurs des écoles entamant leur carrière ne dépasse pas 79 % du PIB par habitant français. Le temps de travail, même limité au face-à-face pédagogique, ne justifie pas cet écart, puisque les enseignants du primaire exercent 924 heures devant les élèves contre 782 en moyenne dans l’OCDE. Cela est moins vrai pour les professeurs certifiés, qui jouissent d’une rémunération horaire supérieure de moitié à celle de leurs homologues du primaire.
Plus grave, avant l’impact des violentes mesures d’ajustements budgétaires dans les pays du Sud de l’Europe, l’évolution des salaires des enseignants français en milieu de carrière entre 2000 et 2010 a très nettement tranché avec la presque totalité des autres pays de l’OCDE. Ceux-ci ont ainsi régressé chez nous, comme il a été vu, de presque 10 % lorsque l’on observait une croissance moyenne de 20 % dans l’OCDE où de nombreux pays ont décidé d’investir massivement dans le salaire des enseignants pour attirer et retenir les meilleurs. Seuls le Japon et la Suisse ont connu une baisse, toutefois plus modérée, des traitements, mais à partir d’un niveau de départ sans commune mesure avec celui de notre pays.
Or il apparaît de plus en plus nettement que l’importance du salaire des enseignants est positivement corrélée dans les pays les plus riches au niveau de performance des élèves (bien qu’il soit difficile d’isoler la nature exacte des mécanismes responsables de ce constat au-delà de l’effet d’attractivité permettant de drainer les étudiants les plus méritants), comme l’illustre le tableau ci-après.
SALAIRE DES ENSEIGNANTS ET PERFORMANCE EN MATHÉMATIQUES EN 2012
Salaire des enseignants par rapport au PIB par habitant (%)
Remarques : Le salaire des enseignants en pourcentage du PIB par habitant est le salaire moyen pondéré des enseignants en poste dans le premier et le deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Les salaires des enseignants en poste à ces niveaux d’enseignement sont pondérés en fonction de l’effectif d’élèves âgés de 15 ans (dans les pays et économies dont les données sur le premier et le deuxième cycle de l’enseignement secondaire sont disponibles).
1. La ligne en trait plein dénote une relation non significative (p > 0.10).
2. La ligne en pointillés dénote une relation significative (p < 0.10).
Source : OCDE, Base de données PISA 2012, tableaux I.2.3a et IV.3.3.
1. De nombreuses mesures depuis 2012 concentrées sur la clarification et la revalorisation des primes
Le vaste chantier de la refondation de l’école, engagé dès 2013, s’est traduit par un puissant effort de revalorisation de la condition enseignante.
Il ne faut pas mésestimer l’importance, tant en termes d’amélioration des conditions d’exercice quotidiennes du métier que d’attractivité de la profession, des 60 000 créations de postes, dont 20 262 enseignants du premier et du second degré et 25 937 enseignants stagiaires, qui ont traduit avec éclat, dans un contexte budgétaire pourtant très difficile, la priorité absolue accordée par la nation à l’éducation. Le rétablissement d’une formation initiale digne de ce nom s’est aussi imposé comme la marque du respect manifesté par l’État à ses agents dont les missions sont si précieuses pour l’avenir du pays.
Cet effort budgétaire sans précédent, qui représente en année pleine une dépense supplémentaire de 1,7 milliard d’euros, a été relayé tout au long de ces années par de très nombreuses mesures de revalorisation salariale dont le cumul mobilisera 700 millions d’euros en 2017.
Les premières ont été des mesures d’égalité, comblant les principales disparités dans les rémunérations accessoires qui demeuraient entre les professeurs des écoles et les certifiés exposées supra. Le rapporteur pour avis salue ainsi le relèvement progressif du taux d’accès à la « hors classe » des premiers vers ceux appliqués aux seconds (de 2 à 3 % à compter du 1er septembre 2013, 4 % en 2014, 4,5 % en 2015 et 5 % à la rentrée 2016), pour un coût annuel total de 22 millions d’euros. Surtout, l’instauration et le triplement du montant de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE) versée aux professeurs des écoles pour l’aligner sur l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE) perçue par les enseignants du secondaire, dès le 1er septembre 2016, mobilise en année pleine 430 millions d’euros.
Une seconde série de mesures relève d’une volonté de lisibilité et de justice pour mieux valoriser l’ensemble des missions assumées par les enseignants. Selon les termes imagés utilisés par les représentants des personnels de direction au cours de leur audition, c’est à une vraie reconnaissance du « travail gris » des professeurs qu’a su se livrer le Gouvernement.
Il l’a fait, d’abord, en clarifiant la rémunération de l’ensemble des missions inhérentes au métier d’enseignant avec la création de l’indemnité pour missions particulières permettant de rétribuer, comme il a été vu supra, en fonction de cinq échelles d’indemnisation fixées à 312,50, 625, 1 250, 2 500 et 3 750 euros, les fonctions de coordonnateur de discipline, de cycle d’enseignement ou de niveau d’enseignement, celles de référent culture, numérique ou décrochage scolaire, celles de tutorat des élèves ainsi que toute autre mission déterminée par l’établissement.
Les décrets n° 2014-930 et n° 2012-941 du 20 août 2014 ont aussi instauré deux nouvelles indemnités de sujétion allouées respectivement aux enseignants du second degré dont les classes dépassent trente-cinq élèves et à ceux qui assurent un service en classe de première, de terminale ou qui préparent à un certificat d’aptitude professionnel (CAP). Ces trois nouvelles indemnités, au coût de 83 millions d’euros pour la première et de 13 millions d’euros pour les secondes, ont été financées grâce au redéploiement de crédits auparavant destinés à la rémunération d’heures supplémentaires (96 millions d’euros d’économie) qui tendaient, dans des circonstances toutefois très disparates et peu lisibles, à récompenser ces activités complémentaires au face-à-face pédagogique.
De même, la clarification et la relance de l’éducation prioritaire se sont traduites par une revalorisation des indemnités des enseignants dans les nouveaux réseaux d’éducation prioritaire, qui ont doublé pour les professeurs en REP +, pour atteindre 2 312 euros par an, et augmenté de moitié pour ceux des REP, pour s’établir à 1 734 euros par an, pour un coût annuel de 100 millions d’euros.
Le rapporteur pour avis remarque que ces mesures, conjuguées à une vraie remobilisation des moyens de l’éducation prioritaire se traduisant notamment par un net redressement du taux d’encadrement des élèves et par la multiplication des activités complémentaires de soutien, de coordination et d’animation, commencent pour la première fois à exercer des effets tangibles sur l’appétence des enseignants à aller enseigner dans les endroits considérés comme les plus difficiles.
Ainsi en 2016, la proportion d’enseignants de REP demandant à quitter l’éducation prioritaire, qui s’établissait en moyenne à 92 %, s’est repliée à 70 %. Si ce chiffre demeure bien sûr trop élevé, il signale néanmoins un début de stabilisation des équipes qui mérite d’être salué. En sens inverse, les enseignants demandant à être mutés en éducation prioritaire, certes peu nombreux, sont passés de 6 à 12 % Le travail encore devant nous pour rendre l’attractivité à certains territoires demeure néanmoins très important.
2. Le protocole sur les parcours, les carrières et les rémunérations, de forts gains de pouvoir d’achat et une ambitieuse modernisation des carrières
Dans le cadre du protocole dénommé « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) dans la fonction publique, dont le Premier ministre a annoncé la mise en œuvre en septembre 2015, l’État, avec l’approbation des organisations syndicales représentant près de 70 % des personnels, a décidé une profonde rénovation des carrières des personnels enseignants, dans l’enseignement public ou assimilés comme dans l’enseignement privé sous contrat.
Ce protocole permet de conclure de manière cohérente la modernisation et la revalorisation des métiers de l’éducation nationale entamée en 2013 par la refondation de l’école de la République.
Il représente un effort financier atteignant un milliard d’euros d’ici 2020, s’agissant tant de la revalorisation de toutes les carrières (avec la majoration de tous les indices, de 7 à 8 points en début de carrière et de 11 en milieu de carrière et l’extension à tous les professeurs du bénéfice du dernier grade de la hors classe), que de la réforme et de l’homogénéisation des évaluations (avec la substitution aux inspections aléatoires de quatre rendez-vous de carrière durant lesquelles 30 % des enseignants pourront bénéficier d’une accélération de carrière).
Au total, les moyens budgétaires dévolus à la revalorisation enseignante depuis 2012 mobiliseront en 2020 près de deux milliards d’euros.
Avec la hausse du point d’indice de 1,2 % en 2016 et 2017 ainsi que la création en 2013 puis la revalorisation de l’ISAE, cela représentera en 2020 une augmentation moyenne (calculée sur toute la carrière d’un enseignant gravissant tous les échelons au rythme moyen (au « choix ») et atteignant la hors classe après 26 ans de carrière) de 5,6 % pour un certifié et de 9,3 % pour un professeur des écoles, qui vient couronner, de manière pleinement légitime, l’exceptionnel mouvement de refondation de l’école engagé avec méthode, constance et ambition par la présente majorité.
Le projet de loi de finances initiale pour 2017 comporte ainsi 469 millions d’euros au titre du pacte de carrière, auxquels s’ajoutent 485 millions d’euros induits par la revalorisation du point d’indice de la fonction publique de 0,6 % au 1er juillet 2016 et de 0,6 % au 1er février 2017.
a. Des carrières toutes revalorisées et homogénéisées, avec une évolution plus équitable et linéaire
Le premier grand axe de la réforme est, pour la première fois depuis 1989, la conduite d’une amélioration massive et globale des carrières – et non seulement des indemnités ou de quelques échelons de leurs rémunérations – de tous les enseignants, qu’ils soient certifiés, agrégés, professeurs des écoles, de lycée technologique, d’éducation physique et sportive, ainsi que des conseillers d’orientation psychologues.
Cette réforme est fondée sur trois principes équitables et d’ailleurs appliqués à l’immense majorité des carrières de fonctionnaires :
– toute carrière d’enseignant a vocation à se dérouler dans deux grades, comme c’est le cas pour tous les fonctionnaires de catégorie A ;
– un avancement « naturel » leur est garanti ;
– des accélérations régulières sont ouvertes, dans des proportions réalistes et satisfaisantes (30 % des effectifs), aux plus méritants.
Comme il a été vu supra, si la carrière des personnels enseignants s’organise aujourd’hui sur deux grades, le second, appelé « hors-classe », n’est pas accessible à tous. Des taux d’accès limités à 7 % des effectifs globaux tendent ainsi à introduire de très substantielles divergences dans le rythme d’évolution des carrières des professeurs certifiés. Pire, avec des taux longtemps plafonnés à 2 % et, heureusement, relevés à 5 % durant la présente législature, de nombreux professeurs des écoles terminent leur carrière sans jamais accéder à la hors classe.
En outre, la rémunération des enseignants progresse de manière très variable, avec des inspections, en particulier pour les certifiés, aux régularités souvent aléatoires et, lorsque cette inspection a lieu, des rythmes d’avancement, corrélés à l’évaluation, plus au moins rapides selon que le professeur bénéficie du « grand choix », du « choix » ou de la simple « ancienneté ».
Dans ce contexte, le déroulé des carrières est très hétérogène selon les enseignants, et dépend parfois moins de leurs mérites que de la fréquence de leurs inspections.
Rompant avec cette logique, la carrière rénovée substitue une cadence unique et linéaire de déroulement aux trois anciens rythmes d’avancement.
La durée de référence pour atteindre le dernier échelon de la classe normale est ainsi fixée pour tous à vingt-six ans, soit une période comparable à la moyenne des fonctionnaires de catégorie A. Les durées d’échelon deviennent identiques pour tous en classe normale et en hors-classe, fixées à la moyenne entre les anciens « choix » et « grands choix ».
Ainsi les progressions seront globalement plus rapides pour tous (à l’exception il est vrai des très rares cas d’avancements systématiques au « grand choix »). Surtout elles seront déconnectées du caractère parfois aléatoire, globalement peu lisible et très administratif des anciennes notations.
En parallèle, tous les indices seront majorés dès le 1er janvier 2017. Les enseignants gagneront de 7 à 11 points d’indice en classe normale, avec une progression plus importante (11 points) pour les milieux de carrière, qui n’avaient fait l’objet, comme il a été vu supra, d’aucune amélioration depuis de très nombreuses années, mais néanmoins significative dans les premières années du métier (7 à 8 points). Concrètement, un professeur au 8e échelon de la classe normale verra ainsi sa rémunération augmenter d’environ 450 euros bruts par an.
Le reclassement dans les nouvelles grilles, effectif pour sa part le 1er septembre 2017, se fera à identité de grade à l’échelon comportant un indice égal ou supérieur à l’indice actuel. En dépit de cette revalorisation immédiate, tous les enseignants garderont leurs droits à ancienneté pour avancer au prochain échelon. Cela permettra à leur grande majorité d’atteindre plus rapidement l’échelon suivant et de voir, à cette occasion, leur rémunération augmenter une nouvelle fois. Par exemple, un professeur au 8e échelon bénéficiant d’ores et déjà de trois ans d’ancienneté sera reclassé dès le 1er septembre, soit six mois après sa première augmentation, à l’échelon supérieur, avec un gain d’environ 2 000 euros bruts par an.
Ces étapes ont vocation à être complétées, dès janvier 2019, par une nouvelle augmentation d’environ 10 points d’indice pour tous les échelons.
Au total, en excluant l’intégration dans le traitement des éléments de prime dans le cadre du rééquilibrage global assuré pour les fonctionnaires de catégorie A (4), l’augmentation moyenne des échelons représentera 5,2 % de la rémunération principale dans la classe moyenne et 10,8 % dans la hors classe, soit 7,5 % pour l’ensemble des échelons de la carrière.
Un effort comparable est aussi fait pour les stagiaires, qui entreront dans la carrière avec un salaire augmenté de 1 400 euros bruts par ans à partir de 2019.
De même, l’accès au deuxième grade de « hors classe » ne sera plus une bonification induite par la notation, qui intervient plus ou moins tôt dans la carrière, voire pas du tout. Il sera désormais, là encore à compter du 1er septembre 2017, automatique à partir de la seconde année du 9e grade de la classe normale. Cet accès au premier échelon de la « hors classe » permettra ainsi, après 24 à 26 années de carrière, de bénéficier d’un saut d’indice de 21 points. Des adaptations seront définies pour garantir que ce nouveau mécanisme n’aboutisse pas provisoirement à réduire le taux de promus par rapport aux promouvables, fixés pour l’année à 7 % pour les professeurs certifiés comme pour les professeurs des écoles.
Ainsi, dès 2020, les carrières « normales » s’achèveront à l’indice 821, un gain de près de 50 points d’indice, entraînant mécaniquement une forte revalorisation des retraites assises sur les derniers mois de traitement.
Sur l’ensemble de sa carrière, un enseignant certifié, qui déroulera une carrière complète en classe normale et hors-classe, gagnera 23 000 euros de plus. Pour un professeur des écoles, ce gain atteindra 45 000 euros, voir même 60 000 euros s’il accède au grade exceptionnel décrit infra, par rapport à un collègue qui n’aurait aujourd’hui accompli sa carrière qu’en classe normale.
b. Des rendez-vous d’accélérations de carrière, valorisant les fonctions décisives pour la réussite éducative
Pour autant, tracer de carrières homogènes n’implique pas de renoncer à valoriser les enseignants qui font montre d’un investissement exceptionnel dans leur métier.
À cet effet, le pacte de carrière aménage d’abord deux premiers rendez-vous de carrière permettant d’accélérer le parcours des plus méritants. Ces rendez-vous sont placés, en cohérence avec les évolutions traditionnelles du métier (qui est souvent considéré comme « maîtrisé » en sept années en moyenne et qui appelle généralement un besoin de formation complémentaire sept années plus tard), au cours de la 8e puis de la 14e année d’exercice.
En rupture avec les inspections aléatoires, tous les enseignants seront évalués. 30 % d’entre eux, une proportion élevée, pourront bénéficier d’un gain d’une année dans le déroulé de leur carrière et atteindre ainsi plus vite le grade de hors classe.
En fin de grade normal, un troisième rendez-vous de carrière est aménagé autour de 20 ans de carrière pour accéder plus rapidement au grade de hors classe.
Pour maintenir dans la suite de la carrière cette dynamique de reconnaissance, un troisième grade, dénommé « classe exceptionnelle », est créé à compter du 1er septembre 2017. Il sera accessible à partir du 3e échelon de la hors classe.
Si 20 % des promus le seront à partir de leurs « mérites » tels qu’évalués comme dans tous les autres rendez-vous de carrière, 80 % des avancements seront réservés aux personnels ayant assumé pendant au moins huit années des missions difficiles et/ou particulières. Seront ainsi valorisés ceux qui ont enseigné pendant au moins 8 ans en éducation prioritaire ainsi que ceux qui ont exercé pendant la même durée des activités dûment et précisément énumérées, particulièrement précieuses pour l’éducation mais qui ne font aujourd’hui l’objet que d’une reconnaissance incomplète. Il s’agit des missions de directeur d’école, de directeur de centre d’information et d’orientation, de conseiller pédagogique, de directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques (ex-chefs de travaux), de formateurs et d’enseignants exerçant dans l’enseignement supérieur.
Pour assurer un vrai impact dans les carrières enseignantes, le Gouvernement a choisi de fixer un taux de promotion, à 10 % des personnes concernées, très substantiellement supérieur aux taux actuels de promotion dans la hors classe.
En se félicitant de cette innovation, le rapporteur pour avis remarque que le taux d’accès retenu demeure sans doute trop limité pour permettre de valoriser la majorité des enseignants qui ont consenti à un investissement exceptionnel dans leur métier. C’est en particulier le cas pour les enseignants qui exercent au moins 8 ans dans l’éducation prioritaire. Il serait dès lors opportun d’envisager à brève échéance un élargissement de la proportion d’enseignants susceptibles d’intégrer ce nouveau grade.
Ces efforts servent en effet l’ambition incontournable de garantir l’attractivité de l’enseignement dans l’éducation prioritaire. Ils viennent apporter un dernier élément de cohérence en valorisant l’investissement durable des enseignants, que la réforme des points d’affectation en 2014 avait atténué en limitant les bonifications à 320 points en REP + (et 160 points en REP) dès lors que les professeurs demeuraient 5 ans en poste, lorsque l’ancien régime valorisait (jusqu’à 400 points) des durées de service allant jusqu’à 8 ans.
L’ensemble de ces modifications imprime un rythme nouveau aux carrières enseignantes dont le tableau ci-après offre un aperçu.
ÉVOLUTION DE LA RÉMUNÉRATION BRUTE MENSUELLE ENTRE 2017 ET 2020 DES PROFESSEURS DES ÉCOLES ET DES CERTIFIÉS
(en euros et en pourcentage)
Anciennes grilles, intégrant la hausse du point d’indice au 1er février 2017 |
Nouvelles grilles en 2020 |
Gain mensuel |
Gain mensuel hors intégration de primes dans le traitement (3) |
En pourcentage | |
En début de carrière |
2 000 |
2 099 |
99 |
57 |
2,8 |
Après 15 ans de carrière |
2 459 |
2 610 |
151 |
109 |
4,4 |
En fin de carrière, sans accélération d’avancement (1) |
3 047 |
3 777 |
730 |
688 |
22,6 |
En fin de carrière au grade et à l’échelon maximum (2) |
3 626 |
4 555 |
929 |
887 |
24,5 |
(1) 40 années de carrière, en classe normale dans l’ancienne grille et jusqu’à l’échelon 6 du hors classe dans la nouvelle grille (avancement naturel sans accélération).
(2) Dernier échelon de la « hors classe » actuelle et dernier échelon du nouveau grade exceptionnel.
(3) Les nouvelles grilles intègrent en effet dans le traitement une partie de l’ISAE/ISOE pour l’équivalent d’environ 9 points d’indice.
L’augmentation est particulièrement vive en fin de carrière, où tous les enseignants se voient garantir l’accès à la « hors classe » et, par voie de conséquence, une rémunération supérieure de près d’un quart à celle à laquelle plafonnaient certains professeurs des écoles qui n’accédaient jamais auparavant à ce grade. Le nouveau grade exceptionnel est tout aussi rémunérateur, avec des traitements culminant à 25 % au-dessus des anciens échelons maxima réservés aux très rares enseignants qui atteignaient la fin de la grille de l’ancienne « hors classe ».
Sur l’ensemble de la carrière, la revalorisation prévue dans le PPCR atteindra des montants allant de 4,5 % pour un enseignant dont l’avancement n’est accompagné d’aucune accélération (franchissement des échelons « au choix » et accès au bout de 26 ans à la « hors classe » dans les anciennes grilles) à 9,1 % pour un professeur des écoles qui aujourd’hui n’aurait jamais accédé au second grade en raison de la faiblesse du taux de promotion.
De toute évidence, ces mesures appellent une semblable redéfinition des grilles applicables aux autres cadres supérieurs de l’éducation, en particulier des inspecteurs et des chefs d’établissement, dont les négociations sont d’ores et déjà engagées.
En dernier lieu, et de manière absolument décisive, le protocole prévoit une refondation de l’évaluation des enseignants afin d’en faire un outil moderne et respectueux de gestion des ressources humaines de l’éducation.
S’il est bien un point qui a rencontré un complet consensus au cours des auditions effectuées par rapporteur pour avis, c’est bien le constat que l’évaluation actuelle des enseignants n’est pas satisfaisante.
Elle est d’abord jugée infantilisante.
Toutes les inspections se traduisent aujourd’hui par une appréciation, ternaire, ayant immédiatement des conséquences en termes de carrière. Dès lors, les erreurs et les perfectibilités sont vécues moins comme des occasions de progresser que des échecs immédiatement sanctionnés. Le terme même d’« inspection », qui renvoie à la vérification de l’application d’une norme, en dit long sur cette conception de l’évaluation, peu commune dans l’univers des cadres, qui laisse très peu de place au suivi et aux conseils individuels.
Elles se limitent le plus souvent à l’observation de la gestion de classe, complétée par des échanges entre l’inspecteur et le chef d’établissement permettant de mieux cerner l’étendue des missions de l’enseignant, sans que le professeur puisse toujours mettre en avant, de lui-même, son appréciation de l’exercice de son métier.
L’inspection traditionnelle est en outre excessivement administrative et aléatoire.
L’existence d’une note, chiffrée, abandonnée de longue date dans les autres corps de la fonction publique, tend à resserrer jusqu’à l’absurde l’éventail des notes accessibles à chaque étape de la carrière et donc à rendre illisible cette mesure, frustre, de la valeur professionnelle.
Les inspections, en particulier dans le second degré, sont en outre très aléatoires, pénalisant injustement les enseignants qui doivent attendre pendant de nombreuses années, avec leur carrière ainsi gelée, la seule venue de l’inspecteur. La moyenne de 5 ans entre chaque évaluation cache en effet de nombreuses disparités, heureusement atténuées dans le premier degré (où les visites se déroulent presque systématiquement tous les 3 ou 4 ans) et dans l’éducation prioritaire (où les inspecteurs s’attachent à valoriser les conditions difficiles d’exercice du métier par des visites plus fréquentes).
Pour rompre avec ces méthodes dépassées, le protocole refonde les principes organisant l’évaluation des enseignants. Bien que les modalités concrètes que revêtira l’inspection dans les prochaines années fassent encore l’objet de négociation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, quelques grands principes décisifs sont d’ores et déjà actés.
• Une évaluation libérée de la sanction systématique dans les carrières, permettant de déployer un vrai accompagnement personnalisé
D’abord, le lien trop systématique entre « inspection » et avancement est rompu pour le déroulé des carrières, comme il a été vu supra. La nouvelle logique est que tous les enseignants ont vocation à avancer au même rythme, parce qu’ils font le même métier. Les accélérateurs de carrière, qui récompensent les plus impliqués et les plus méritants, sont donc toujours des « plus », et non la sanction d’insuffisances professionnelles pour ceux qui n’en bénéficient pas.
Dans cet esprit, toutes les inspections se déroulant en dehors des quatre rendez-vous de carrière seront désormais considérées comme strictement évaluatives et d’accompagnement, permettant aux enseignants de mieux prendre en compte leurs éventuelles lacunes et de solliciter le regard extérieur et les compétences de l’inspecteur pour les aider à les combler.
Le rapporteur pour avis est très attaché à cette évaluation « positive », qui sera un puissant moteur pour encourager les enseignants à s’approprier leurs progrès et pour mieux asseoir la vocation des personnels d’inspection et de direction à s’investir dans le pilotage pédagogique, la formation continue, le suivi et le conseil personnalisé ainsi que dans l’accompagnement des personnels enseignants dans le cadre de leur exercice et de leur parcours professionnels.
Il estime cependant que le déploiement concomitant de rendez-vous réguliers, et systématiques, de carrière et d’évaluations « libres » régulières appelle une forte intensification du rythme des visites, en particulier dans le second degré. Une meilleure délégation par les inspecteurs des très nombreuses et croissances missions « annexes » qu’ils assument pour affirmer la priorité absolue de l’acte d’inspection dans leur emploi du temps offrira sans doute des marges de manœuvre. Cependant, à plus longue échéance, un ressaut des recrutements de ces personnels apparaît indispensable.
Ensuite, le choix est fait de responsabiliser les enseignants en les faisant participer à l’évaluation. Le Gouvernement a proposé que les inspections soient précédées par la remise par les enseignants d’un document d’autoévaluation leur permettant en particulier de mettre en avant les diverses missions qu’ils assument à côté du face-à-face pédagogique.
Si le statut administratif de ce document fait l’objet de débats passionnés entre les syndicats, dont une majorité paraît souhaiter qu’il ne soit qu’un document « d’appui », le rapporteur pour avis manifeste son profond attachement à cette innovation, qui est à ses yeux le fondement de toute évaluation équilibrée et responsable, exigeant à tout le moins que le principal intéressé fasse de lui-même le point sur la manière dont il exerce son métier.
En dernier lieu, le protocole acte la fin de la notation en proposant de recourir à de nombreux critères d’évaluation prenant en compte l’étendue des attentes que l’on peut légitimement former à l’endroit du métier. La rédaction, si tardive dans notre pays, d’un référentiel de compétences le 25 juillet 2013 dépassant les seules préoccupations académiques pour comprendre tous les aspects de la démarche d’apprentissage, a fourni ici une précieuse base de travail.
La forme définitive de ces critères fait encore l’objet de négociations. L’essentiel, aux yeux du rapporteur pour avis, est que ces divers aspects de l’évaluation fassent toujours l’objet d’une appréciation littérale, qualitative et détaillée, ne se résumant pas à une grille uniforme où les évaluateurs se contenteraient de cocher des compétences ou à simplement en schématiser la maîtrise par le recours à des signes standards inéluctablement convergents qui ne seraient pas relayés par des motivations précises et complètes.
De même, il lui apparaît important de conserver, dans la rédaction de ce document final, un vrai travail de dialogue et d’équipe entre l’inspecteur et le chef d’établissement, chacun apportant à l’autre un regard nécessairement complémentaire, et de ne pas tomber dans le piège de séparer, pour finir par les rendre étanches, l’évaluation des compétences qui relèvent de l’un et de l’autre des deux acteurs. Ainsi, pour le secondaire, l’équilibre envisagé à ce jour entre le nombre d’items qui relèvent de la seule responsabilité de l’inspecteur et ceux confiés au chef d’établissement (cinq et deux) est satisfaisant dès lors que sont conservés des critères qui demeurent évalués en commun par les deux évaluateurs. En tout état de cause, il importe de rappeler que l’avis final continuera bien sûr d’être de la seule responsabilité du recteur, et que les professeurs pourront toujours en faire appel devant la commission administrative paritaire.
En dernier lieu, le rapporteur pour avis salue le choix pertinent de valoriser en toute transparence les missions particulièrement utiles pour la nation, qui rassembleront 80 % des avancements dans la nouvelle « classe exceptionnelle ». C’est un dernier gage, important, d’équité et de prévisibilité dans l’évaluation.
Revalorisation des carrières, refondation de l’évaluation, sont autant d’avancées significatives pour les personnels de l’Éducation nationale, dans le cadre du projet de loi de finances 2017.
La loi de refondation de l’école de la République a permis de mettre la jeunesse au cœur des priorités de la législature, conformément aux engagements souscrits par le Président de la République.
Après qu’ont été mises en place les conditions et les outils pour lutter efficacement et durablement contre l’échec scolaire et avancer vers une égalité républicaine pour tous les élèves, les écoles et les établissements se sont ainsi vus attribuer d’importants moyens rompant résolument avec la logique des suppressions de postes. Grâce à la nouvelle étape désormais franchie par le budget pour 2017, cet effort sans précédent trouve le relais légitime, après la relance de la formation initiale et continue, de la valorisation et de la refondation des carrières des enseignants.
La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen du rapport pour avis de M. Pascal Demarthe, sur les crédits pour 2017 de la mission « Enseignement scolaire », lors de sa première séance du mercredi 26 octobre 2016.
M. Pascal Demarthe, rapporteur pour avis. J’ai choisi de consacrer la partie thématique de l’avis budgétaire sur l’enseignement scolaire à la vaste revalorisation des carrières enseignantes, sur laquelle le Gouvernement et les organisations syndicales représentant 70 % des personnels se sont entendus l’été dernier.
Dans un esprit de méthode et de responsabilité, la priorité absolue donnée par la présente majorité à l’éducation, avec un budget en hausse de 12,5 % sur le quinquennat, s’est concrétisée en trois étapes cohérentes.
La première a été de forger tous les outils innovants nécessaires pour donner à l’école les moyens de faire face aux défis qui se dressent devant elle, au premier rang desquels, bien sûr, la question de l’égalité. C’est ce qu’a fait la loi de refondation de 2013, avec la priorité donnée au primaire et la création de dispositifs innovants – « plus de maîtres que de classes », lutte contre les ruptures école-collège ou nouveaux rythmes scolaires. Cette modernisation s’est ensuite poursuivie sans relâche, permettant une complète refonte de tous les programmes pour faire vivre le socle commun, insufflant un nouveau dynamisme à l’éducation prioritaire ou réformant le collège, maillon faible de notre système éducatif.
La deuxième grande étape, incontournable et vouée à porter tous ses fruits dès lors qu’il s’agissait de refonder notre éducation dans un environnement repensé, c’est bien entendu celle de l’accroissement des moyens. Là encore, les engagements ont été tenus, avec 60 000 nouveaux postes sur le terrain, dont 94 % d’enseignants, pour un effort budgétaire annuel de 1,6 milliard d’euros.
Rétablir les effectifs, moderniser et clarifier les missions de l’école, valoriser les pratiques les plus efficaces, rétablir une formation initiale de qualité… ce sont autant de témoignages concrets de la considération portée par la Nation à ses enseignants.
Mais il n’était pas possible d’éluder la question des rémunérations. Par esprit de responsabilité, le Gouvernement a su attendre que l’éducation soit refondée et que nos comptes publics soient redressés avant d’engager ce chantier. Toutefois, par esprit de justice, il n’a pas hésité à répondre enfin à une revendication aussi légitime qu’ancienne de nos enseignants.
Je dessine dans le rapport que je vous soumets aujourd’hui un bilan transparent de l’évolution du pouvoir d’achat des professeurs. De fait, ceux-ci n’ont bénéficié d’aucune réforme d’ampleur de leurs rémunérations depuis les fameux protocoles Jospin, Durafour et Lang de 1989, 1990 et 1993, qui avaient mobilisé 4,3 milliards d’euros actuels pour revaloriser toutes les carrières, en alignant notamment les grilles des instituteurs sur celles des certifiés.
Dans ce régime, qui n’a pas fondamentalement bougé, le traitement des enseignants a deux grandes caractéristiques.
D’abord, à la différence des fonctionnaires de catégorie A, les primes pèsent peu dans leur salaire : 15 % chez les certifiés, 5 % chez les professeurs des écoles, contre 30 % pour les autres cadres publics. En résulte une évolution presque strictement calquée sur les variations du point d’indice. C’est pourquoi, entre 1993 et 2003, les salaires enseignants ont été en phase avec l’inflation
– + 1,8 % –, préservant leur pouvoir d’achat mais creusant un premier différentiel avec les autres cadres de l’État, dont les primes étaient l’élément le plus dynamique. Surtout, la modération, puis le gel du point d’indice ont eu un fort impact sur la rémunération des enseignants. Selon l’OCDE, leur pouvoir d’achat a baissé de presque 10 % entre 2003 et 2014. Seuls les tout débuts de carrière ont fait l’objet en 2010 d’une timide revalorisation, de 13 % au total.
Ensuite, les carrières des enseignants sont très inégales. À la différence des autres fonctionnaires, l’avancement est toujours dépendant d’une évaluation, distinguant trois rythmes, dénommés « grand choix », « choix » et « ancienneté ». Or cette évaluation dépend de la fréquence des visites des inspecteurs qui, dans le second degré, est souvent rare et aléatoire, au risque d’introduire des différences dans les carrières qui ne doivent rien au mérite. Surtout, l’accès au second grade de la carrière, la « hors-classe » qui permet de nets gains de rémunération, est sévèrement contingenté, à 7 % des « promouvables » pour les certifiés et, jusqu’en 2012, à seulement 2 % pour les professeurs des écoles. Dès lors, de nombreux professeurs des écoles n’accèdent jamais à ce grade, et une majorité de certifiés doit attendre tard dans la carrière pour en bénéficier, sans que, là encore, ces rythmes différents soient toujours reliés au seul mérite.
Si l’on ajoute à cela le fait que les certifiés bénéficient à la fois de primes plus élevées, en raison principalement de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISOE) créée en 1991 pour chacun d’entre eux et mais aussi parce que, du fait leurs obligations horaires plus faibles, le volume de leurs heures supplémentaires est plus important, il apparaît clairement que les professeurs des écoles sont nettement désavantagés financièrement.
Au total, ce système de rémunération rigide et, dans les faits, bloqué depuis une quinzaine d’années, nous place dans une situation bien peu enviable au regard des salaires servis aux enseignants par les autres pays comparables. L’OCDE a ainsi montré que le salaire effectif moyen en France est inférieur de 12 % à la moyenne internationale pour le primaire et de 2 % pour le secondaire. Globalement, les professeurs des écoles et les certifiés gagnent respectivement 24 % et 10 % de moins que les actifs du privé titulaires d’un simple diplôme de l’enseignement supérieur, alors même que, depuis 2010, l’État exige d’eux qu’ils soient titulaires d’un master. Le handicap français est manifeste en début de carrière, où les jeunes enseignants gagnent 20 % de moins que leurs collègues de l’OCDE. Cet écart se creuse légèrement après quinze ans de métier, avant que des rémunérations plus solides en fin de carrière nous rapprochent de la moyenne.
Dans ce contexte, la revalorisation du traitement des enseignants apparaît comme un impératif. Mais je veux me féliciter qu’ici encore le Gouvernement ait fait le choix de ne pas simplement augmenter les rémunérations, mais de procéder, dans un fort consensus avec les syndicats, à une complète refonte des carrières permettant de promouvoir une vraie politique moderne de ressources humaines dans l’éducation nationale.
Le protocole sur les parcours, les carrières et les rémunérations enseignantes (PPCR) n’est pas une avancée isolée. Depuis 2012, nous nous sommes en effet attachés à revaloriser la condition enseignante au travers, d’abord, de mesures d’égalité. Le relèvement et l’alignement progressif du taux d’accès à la hors-classe des professeurs des écoles sur celui des certifiés, pour un coût de 22 millions d’euros, sont une évidente mesure de justice. Tout comme la création en 2013 et l’alignement de son montant sur celui de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE) d’une indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE) destinée aux professeurs des écoles, pour un montant global de 430 millions d’euros.
De même, un effort de lisibilité et de justice a inspiré la refonte des primes, afin de clairement valoriser le « travail gris » des enseignants, toutes ces activités indispensables – coordination, tutorat, rôle de référent – qui accompagnent le face-à-face pédagogique. Depuis 2014, ces missions font l’objet d’un barème transparent, permettant aux établissements, sous le contrôle du recteur qui les valide en dernier ressort, d’accorder des primes allant de 300 à 3 750 euros par an. Dans une logique comparable, les primes de l’éducation prioritaire ont été clarifiées et revalorisées à 1 734 euros par an pour les réseaux d’éducation prioritaire (REP) et à 2 312 euros pour les réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+).
Le protocole PPCR va cependant beaucoup plus loin. Pour la première fois depuis un quart de siècle, il organise une amélioration massive et globale des carrières de tous les enseignants, en modifiant en profondeur la philosophie inspirant leur progression. Pour y parvenir, il s’appuie sur une très substantielle augmentation des moyens, de 1 milliard d’euros d’ici à 2020, dont 475 millions d’euros budgétés dès le présent projet de loi de finances, auxquels il faut ajouter 450 millions d’euros liés au dégel du point d’indice.
Le premier principe est de rendre plus prévisible et, au final, plus juste le déroulé de la carrière en créant une évolution linéaire dans des grilles fortement revalorisées. Aux trois anciens rythmes d’avancement est substituée une cadence unique, où les durées des échelons sont placées au sommet des anciennes moyennes. Surtout, est posée la règle équitable selon laquelle tous les enseignants ont automatiquement vocation à accéder au deuxième grade, la hors-classe, après vingt-six années de carrière s’ils n’ont pas bénéficié d’accélérations liées à leur mérite. Enfin, toutes les étapes de la carrière sont revalorisées, avec des gains maximaux concentrés sur les milieux de parcours, négligés depuis longtemps. En moyenne, tous les indices augmentent de dix points dès le 1er janvier prochain, puis ils progresseront d’un montant comparable en 2019. C’est une hausse de 5,2 % dans la classe moyenne et de 10,8 % dans la hors-classe, soit au total 7,5 %. Sur toute la carrière, cela signifie qu’un enseignant progressant à la seule ancienneté gagnera 5 % de plus et qu’un professeur des écoles, qui aujourd’hui n’aurait pu accéder au grade supérieur, touchera 10 % de plus.
Pour autant, tracer des carrières équitables n’implique pas de renoncer à valoriser les enseignants les plus méritants. C’est ici le deuxième grand principe du protocole : de vrais rendez-vous sont définis pour accélérer les parcours de ceux qui consentent à des investissements exceptionnels dans leur métier. Tous les sept ans, les enseignants ont la garantie d’être inspectés, à un moment clairement déterminé et donc attendu. 30 % d’entre eux – une proportion élevée – pourront à chacun de ces rendez-vous bénéficier d’un bond en avant d’une année dans leur carrière. Surtout, pour maintenir cette dynamique vertueuse tout au long de l’exercice du métier, le Gouvernement crée une nouvelle classe, dénommée « exceptionnelle », qui a vocation à récompenser les 10 % d’enseignants jugés les meilleurs par l’accès à des rémunérations allant jusqu’à 4 500 euros mensuels, soit 1 000 euros de plus que l’ancienne rémunération maximum. Mieux encore, le choix a été fait de valoriser tout particulièrement les missions les plus difficiles ou les plus importantes pour notre système scolaire, en réservant 80 % de ces promotions à ceux qui auront enseigné pendant huit ans en éducation prioritaire ou qui auront assumé des activités particulières, comme la direction d’école, pendant cette durée. Je crois que réside ici une innovation décisive, conférant une forte attractivité à des missions essentielles.
Troisième et dernier grand principe guidant les carrières rénovées, l’évaluation fait l’objet de ce que j’ose nommer une refondation. Chacun d’entre vous connaît les faiblesses du système actuel. Il est infantilisant pour les enseignants dont chaque inspection se traduit immédiatement par des conséquences financières. Ainsi, les lacunes sont vécues non comme des occasions de progresser, mais comme des échecs, immédiatement sanctionnés. Limitée à l’observation de la gestion de classe, l’inspection apparaît souvent trop administrative, se soldant par des notes tellement homogènes qu’elles en deviennent illisibles. Surtout, son caractère aléatoire introduit des discriminations dans le déroulé des carrières que rien ne justifie.
Si les modalités précises des nouvelles inspections demeurent débattues avec les partenaires sociaux, je voudrais insister sur quelques aspects qui me paraissent absolument indispensables. D’abord, il est salutaire que les inspections soient enfin déconnectées de la gestion des carrières. En dehors des quatre rendez-vous clairement identifiés, les évaluations serviront exclusivement d’accompagnement, permettant aux enseignants de prendre conscience de leurs éventuelles lacunes et de solliciter l’expertise de l’inspecteur, en particulier pour choisir une formation continue adaptée. Cette évaluation positive est un progrès considérable et un précieux instrument de gestion des ressources humaines. Pour réussir cependant, il faudra s’assurer que les inspecteurs visitent régulièrement les enseignants en dehors des rendez-vous programmés, ce qui implique un effort de recrutement à la mesure des attentes.
Ensuite, je suis très attaché à ce que les enseignants soient pleinement associés à l’évaluation. La proposition du Gouvernement de faire précéder les inspections de la remise par l’enseignant d’un document d’autoévaluation est à cet égard un progrès très important, gage d’une responsabilisation et d’une appropriation de son évaluation par l’enseignant plus proche des standards applicables aux cadres.
Enfin, si le protocole prend acte de la suppression de l’absurde notation chiffrée, il reste à définir le détail des nombreux critères d’évaluation, opportunément rédigés à partir des attentes définies dans le référentiel des compétences des enseignants adopté en 2013.
Je formule ici deux mises en garde, sur lesquelles je crois que vous me rejoindrez aisément. La première, c’est de s’assurer que l’évaluation fera désormais l’objet d’une appréciation littérale, qualitative et détaillée et qu’elle ne se limitera pas au fait de remplir une grille uniforme composée de signes standards inéluctablement convergents, et donc illisibles. La seconde, c’est qu’il me paraît important de préserver un vrai travail de dialogue et d’équipe entre l’inspecteur et le chef d’établissement, chacun apportant à l’autre un regard complémentaire, sans que ni l’un ni l’autre ait seul le contrôle unilatéral de tel ou tel critère.
Mme Julie Sommaruga. Monsieur le rapporteur, le thème sur lequel vous avez choisi d’axer votre rapport, la revalorisation du métier d’enseignant, est un thème central. Central, car ce métier passionnant est de plus en plus difficile. Sa revalorisation est donc indispensable, non seulement pour les enseignants eux-mêmes, mais également – et c’est étroitement lié – pour la réussite scolaire de nos enfants. Par conséquent, en valorisant les enseignants, on redonne de l’attractivité à leur métier, on augmente le succès des élèves, et c’est, en définitive, toute la société qui finit par en profiter. Il est donc de notre devoir d’accompagner au mieux celles et ceux qui participent à la construction de la société en transmettant leur savoir et en stimulant les compétences des élèves.
Après des années de casse à l’éducation nationale, après des années de dénigrement du métier et d’abandon des enseignants, nous savions, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités en 2012, qu’il y avait urgence à revaloriser ce beau métier, à le rendre plus attractif ; nous savions aussi que cette ambition mettrait quelques années à porter ses fruits. C’est dans cette perspective que nous agissons depuis 2012, en prenant des mesures concrètes, détaillées dans ce rapport, afin de moderniser et de rendre plus attractifs les métiers de l’éducation, c’est-à-dire afin de mieux accompagner mais aussi de mieux rémunérer l’ensemble des personnels de l’éducation nationale.
La première étape a consisté à redonner la priorité absolue à l’école de la République. C’est ce que nous faisons depuis 2012, la mobilisation de l’État pour l’éducation étant totale : le budget de l’enseignement scolaire a progressé de près de 8 milliards d’euros sur ces quatre dernières années.
Plus précisément, il était urgent de recréer les postes supprimés par la droite pour tenter de soulager les effectifs dans les classes et pour permettre aux enseignants de travailler dans de meilleures conditions.
Il fallait, et nous l’avons fait, remettre en place la formation initiale, supprimée par la droite, tout comme il fallait porter un effort particulier sur la formation continue : 100 millions d’euros y seront consacrés en 2017, soit 20 % de plus qu’en 2012. Nous savons néanmoins que nous devons encore améliorer cet outil déterminant pour recréer de l’attractivité et ouvrir des perspectives aux enseignants.
Il fallait enfin moderniser les carrières enseignantes et mieux les valoriser financièrement ; nous avons donc fait le choix d’améliorer la rémunération des personnels enseignants, même si nous l’avons fait dans des proportions encore insuffisantes.
Nous subissons, aujourd’hui encore, les effets de la dévalorisation du métier d’enseignant orchestrée par la droite, puisque nous nous heurtons, dans certains territoires, à une crise du recrutement et à des difficultés pour pallier le remplacement des enseignants absents. Bien que des postes aient été créés, il est parfois difficile de les pourvoir faute d’un nombre de candidats suffisant. Là encore, face à cette crise du recrutement, nous agissons sans relâche, et je me félicite que la ministre Najat Vallaud-Belkacem ait présenté un plan pour améliorer le remplacement des professeurs absents.
Rendre plus attractifs les métiers de l’éducation nationale passe donc au premier chef par leur revalorisation, laquelle s’opère en faisant bénéficier les personnels d’une formation efficace et d’une juste reconnaissance de leur engagement. Même si c’est un travail de longue haleine, qui nécessite encore des efforts et de nouvelles évolutions, les premiers résultats sont là : cette année, le nombre d’étudiants faisant le choix du métier d’enseignant a augmenté, et c’est une bonne nouvelle pour les enseignants, pour les élèves, pour les parents et pour tous ceux qui agissent pour l’avenir de notre école de la République.
M. Xavier Breton. Je ne rentrerai pas dans la logique du passage de l’ombre à la lumière, c’est une approche dépassée et les propos introductifs du rapporteur, comme ceux de l’oratrice précédente, relèvent davantage de la propagande que d’une analyse objective.
Nous aurons l’occasion de débattre du budget de la mission « Enseignement scolaire » en séance publique, mais il est essentiel pour cela de renoncer à toute approche quantitative. On sait que, proportionnellement, notre système scolaire coûte plus cher que dans la moyenne des pays de l’OCDE, pour des résultats bien moindres. Mais, dans son rapport de mai 2013, « Gérer les enseignants autrement », la Cour des comptes pose le diagnostic en ces termes : « Le problème n’est pas celui du nombre d’enseignants ou d’une insuffisance de moyens : la réduction du nombre d’enseignants au cours de la révision générale des politiques publiques, comme son augmentation programmée sur cinq ans, sont vaines si elles se font à règles de gestion inchangées. C’est l’utilisation des moyens existants qui pose problème. » Si nous nous accordons sur ce point, nous pourrons dialoguer et travailler ensemble.
En dépit de ce constat, on continue à dépenser massivement l’argent public – plus de 7,7 milliards d’euros sur l’ensemble de la législature – de façon pas toujours efficace, alors que des marges de progression existent. La problématique choisie par le rapporteur est donc d’autant plus opportune que l’on connaît l’importance de l’effet « maître » et le rôle primordial des enseignants au cœur de notre système éducatif. Or cela fait plusieurs années que nos enseignants sont moins bien payés que leurs collègues européens, et nous figurons au cinquième rang des pays de l’OCDE qui paient le plus mal leurs professeurs des écoles dans le primaire. En outre, ils sont, à diplôme égal, souvent moins bien rémunérés que les autres cadres de la fonction publique d’État, sans parler des écarts importants qui existent avec le secteur privé. Dans ces conditions, on ne peut que regretter que la ministre ait supprimé au milieu de l’été la prime de 500 euros, créée sous la précédente législature, pour les professeurs acceptant de faire plus de trois heures supplémentaires par semaine.
La question de la rémunération en effet ne pose pas seulement problème en termes de reconnaissance sociale mais également en termes d’attractivité du métier et, comme le rappelait Julie Sommaruga, nous sommes confrontés à un véritable problème de recrutement. Certes il y a cette revalorisation tardive, en fin de quinquennat, du PPCR, mais elle ne prendra effet qu’en 2017 pour s’étendre jusqu’en 2020 et sera donc à la charge de la prochaine majorité.
Il aurait mieux valu, comme le souligne le rapport, engager avant toute chose une réflexion sur le fonctionnement de notre système éducatif et la gestion des ressources humaines, qui continue de privilégier les individus sur les équipes, et confère aux directeurs d’école dans le premier degré et, plus largement, à tous les directeurs d’établissement un statut qui n’est pas conçu pour leur permettre de « manager » les enseignants.
Le rapport évoque également la question de l’évaluation. Comment la faire évoluer ? Les missions de l’inspection vont-elles être redéfinies ? Les chefs d’établissement auront-ils toujours un droit de regard sur les évaluations ? Ce sont là des questions fondamentales si l’on en croit une enquête réalisée il y a deux ans, qui révélait que trois enseignants sur quatre estimaient que leur hiérarchie ne comprenait pas leurs contraintes professionnelles et que 56 % d’entre eux considéraient qu’elle ne les écoutait pas. Malgré cela, nulle réforme de l’évaluation et, plus globalement de l’inspection n’est annoncée et nous en restons à une approche quantitative, ce qui est regrettable.
M. Jean-Noël Carpentier. En 2013, au début de ce quinquennat, l’enquête PISA de l’OCDE démontrait les difficultés de notre école. Elle consacrait en quelque sorte le mauvais bilan de la politique de l’ancienne majorité de 2002 à 2012. La loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République affirmait un engagement nouveau en faveur de l’éducation.
Aussi, depuis le premier exercice de ce quinquennat, le budget consacré à la mission « Enseignement scolaire » n’a-t-il cessé de progresser : entre 2012 et 2017, il a augmenté de près de 8 milliards d’euros, soit une augmentation de plus de 12 %. En 2017, les crédits s’élèvent à 69 milliards d’euros, soit 2 milliards de plus qu’en 2016. Les crédits alloués à l’enseignement scolaire des premier et second degrés représentent le premier budget de l’État.
Certes, on tente d’argumenter sur les bancs de l’opposition, où l’on affirme que la quantité ne fait pas la qualité, que le nombre d’élèves par classe ne fait pas une politique… Il ne s’agit là que d’arguties, qui cachent mal la volonté de la droite d’imposer à l’éducation comme à d’autres domaines une cure d’austérité sans précédent. Les propos des candidats à la primaire de la droite sont d’ailleurs très éclairants : ils proposent tous de réduire le nombre d’enseignants, certains allant même jusqu’à stigmatiser ces professionnels qui ne travailleraient que six mois dans l’année.
Pour sa part, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste se félicite que notre majorité mène une politique bien différente et bien meilleure pour l’école que la précédente.
Nous avons créé 60 000 postes supplémentaires, nous avons rétabli la formation des enseignants – que l’ancienne majorité avait supprimée –, nous revalorisons le métier d’enseignant, en augmentant les salaires mais aussi en facilitant la promotion de ceux qui s’engagent dans l’éducation prioritaire ou dans des missions particulières. C’est par cette revalorisation que passe la modernisation de notre système scolaire, qui profitera à tous nos enfants.
Au final, avec ce budget pour 2017, beaucoup de choses auront été réalisées en cinq ans pour l’école. Des améliorations sont néanmoins encore nécessaires. Je pense notamment aux inégalités persistantes dans les classes. La réussite scolaire est encore trop tributaire de l’origine sociale des élèves car, osons le dire, l’éducation prioritaire ne peut à elle seule faire face à la persistance de quartiers très défavorisés que notre société a bien du mal à désenclaver. C’est aux pouvoirs publics de renforcer leur action en matière de logement, d’emploi et de transports, pour remédier aux difficultés de ces zones dites difficiles.
En ce qui concerne enfin l’enseignement proprement dit, je pense aussi que notre système scolaire doit abandonner sa structure pyramidale pour mieux se réformer. Il devrait davantage s’ouvrir aux innovations qui se mettent en place au niveau local, et l’une des prochaines réformes essentielles sera certainement d’accorder plus de confiance et plus d’autonomie à tous les acteurs de terrain, qui ne ménagent pas leurs efforts pour la réussite de nos jeunes.
Vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste émet un avis positif sur la mission « Enseignement scolaire ».
Mme Martine Faure. Je remercie le rapporteur d’avoir axé son rapport autour du sujet primordial de la revalorisation du salaire des enseignants et de leur métier. Depuis 2012, nous avons beaucoup fait pour cette revalorisation, notamment en réformant la formation initiale et continue, de sorte que nombre de jeunes qui dédaignaient l’enseignement se tournent aujourd’hui vers lui, avec un regain d’intérêt. Il était également grand temps de s’occuper de la revalorisation des salaires, sachant que, pour certains professeurs des écoles, il est de 25 % inférieur à ceux des autres enseignants. Nous nous sommes donc attaqués au problème.
Vous avez, monsieur le rapporteur, évoqué rapidement le statut des directeurs d’école. Vous êtes-vous entretenu de cette question avec les personnes que vous avez auditionnées ?
Mme Annie Genevard. Je voudrais remercier le rapporteur pour son travail, tout en tenant à lui dire que la première page de son rapport est un modèle du genre en matière de déni de réalité ! Il y souligne en effet l’ambition et la méthode de la refondation de l’école, sans préciser qu’elles se sont fracassées sur la réforme des rythmes scolaires ; il cite la révision de tous les programmes, de la maternelle au lycée, oubliant de mentionner qu’elle s’est faite dans une telle précipitation qu’elle a abouti à un désastre. Quant au rétablissement d’une formation initiale « digne de ce nom », cette dernière ne se distingue pas véritablement de celle qui avait été supprimée et dont tout le monde reconnaissait les défauts. Enfin, la création de 60 000 postes que vous mettez en avant se heurte dans la réalité à la crise des vocations, et la réforme calamiteuse du collège devient sous votre plume une « modernisation ». Il semble qu’il y ait urgence pour la majorité à retrouver son électorat…
J’en viens à la revalorisation salariale. C’est en réalité une mystification. En effet vous revalorisez de 800 euros par an le salaire des enseignants du primaire, soit un gain de 60 euros par mois, et encore faut-il en déduire les charges de la fiscalité, laquelle n’a cessé d’augmenter pendant le quinquennat.
Le coût annoncé de cette mesure est de 260 millions d’euros, et je m’étonne, monsieur le rapporteur, que vous ne l’ayez pas mis en regard du dispositif d’heures supplémentaires défiscalisées qui avait été proposé aux professeurs en 2008 et qui avait représenté pour eux, au total, un gain de 410 millions d’euros de pouvoir d’achat. La comparaison nous conduit en effet à un constat simple : les professeurs étaient globalement mieux payés au début du quinquennat précédent qu’à la fin de celui-ci, primes comprises.
Enfin, vous avez exprimé le progrès considérable que constituerait une déconnexion entre l’inspection et la gestion des carrières. Soit, mais à une condition, que vous n’avez pas évoquée : une plus grande autonomie donnée aux établissements et à ceux qui les dirigent. Pourquoi n’en avez-vous pas parlé ?
M. Jean-Pierre Allossery. Merci de nous donner l’occasion aujourd’hui de revenir sur le travail approfondi et régulier que nous avons mené en faveur de l’enseignement scolaire.
Priorité du Président de la République, l’éducation a bénéficié d’une attention toute particulière depuis le début de ce mandat. Cette attention n’a pas faibli puisque, depuis deux ans, l’enseignement scolaire représente le premier budget de l’État avec une hausse de 3 % pour l’année 2017. Ce chiffre prouve que nous avons choisi de faire de l’école de la République un chantier majeur et d’investir dans l’avenir de la jeunesse. Nous pouvons être fiers des nombreuses actions que nous avons entreprises pour redonner des bases solides et novatrices à notre système scolaire. Elles sont essentielles pour que le système éducatif français puisse répondre aux défis actuels. Je pense, en particulier, à celui de la réussite pour tous les élèves, quelle que soit leur origine socio-économique. Création de 60 000 postes, rétablissement de la formation initiale des enseignants : voilà des actions qui ne souffrent pas de polémiques et qui redorent le blason de l’éducation nationale.
Une étude montre que le salaire effectif moyen des enseignants en France est inférieur de 12 % à la moyenne des autres pays de l’OCDE pour l’enseignement primaire. La question de la revalorisation des carrières et des rémunérations des enseignants est donc essentielle pour consolider l’ensemble des mesures prises par le Gouvernement. Je vous remercie donc, monsieur le rapporteur pour avis, d’avoir choisi ce thème.
Dans ma circonscription, j’ai décidé d’attribuer une partie de ma réserve parlementaire à l’installation dans les écoles de matériels numériques, afin de soutenir les mesures du ministère. À ce titre, je suis régulièrement interpellé par les formateurs au numérique du premier degré. Ces enseignants n’ont pas droit à l’ISAE, car ils ne sont pas en classe. Ils ne ménagent pourtant pas moins leurs efforts que les autres enseignants de l’éducation nationale. Ils ne bénéficient pas non plus d’indemnités de formateur alors que c’est leur mission, ni de bonification indiciaire alors qu’ils sont professeurs des écoles et que, présents dans toutes les académies, ils sont largement sollicités et espèrent dans un secteur d’avenir. Nos enfants ne pourront se passer de leur enseignement.
Les formateurs au numérique, qui sont plus de 1 000 à être concernés, sont donc moins bien rémunérés que les autres enseignants du premier degré. Pour mettre fin à cette situation, le ministère a intégré ces enseignants dans le cadre du GT5 « enseignement du premier degré » qui est en voie de finalisation. À ce titre, ils devraient pouvoir bénéficier d’une indemnité de 1 250 euros à compter de la rentrée 2017. Ce sont donc de nouvelles mesures concrètes qui devraient être mises en place dès la prochaine rentrée scolaire pour poursuivre la revalorisation des carrières et des rémunérations des enseignants.
M. Paul Salen. Monsieur le rapporteur pour avis, effectivement la rémunération des enseignants n’est pas satisfaisante. Le protocole prévoit d’ailleurs une refondation de l’évaluation des enseignants afin d’en faire un outil moderne et respectueux de gestion des ressources humaines de l’éducation. Pour rompre avec ces méthodes dépassées, il est prévu de responsabiliser les enseignants en les faisant participer à l’évaluation et de précéder les inspections par la remise par l’enseignant d’un document d’autoévaluation, ce qui exige à tout le moins que le principal intéressé fasse lui-même le point sur la manière dont il exerce son métier.
Cette proposition m’interpelle. Pensez-vous qu’une autoévaluation sera objective ? Faut-il attendre un délai aussi long que les sept ans prévus par la réforme pour faire constater les axes de progrès que doit faire l’enseignant ? Enfin, que se passera-t-il en cas de décalage important entre l’autoévaluation de l’intéressé et le rapport de l’inspecteur ?
Mme Valérie Corre. Je souhaite à mon tour féliciter le rapporteur pour avis pour son rapport et le thème qu’il a retenu.
Depuis 2012, nous faisons de l’éducation une réelle priorité. Si nous souhaitons la refondation de l’école, c’est pour la rendre plus juste et plus inclusive pour tous. Un des moyens pour y parvenir consiste à redéployer de nombreux adultes dans les écoles, parmi lesquels il y a les enseignants. Il a d’abord fallu en recruter et leur assurer une formation. Mais il faut aussi revaloriser leurs carrières et leurs rémunérations. Si cela peut permettre d’attirer de nouveaux candidats, il s’agit surtout de rémunérer plus justement celles et ceux qui font de l’enseignement leur métier, car leurs salaires ont subi un décrochage dans les années 2000.
Au total, l’ensemble des mesures de revalorisation salariale représentera 814 millions d’euros. En 2017, cela permettra d’abonder le protocole « parcours professionnels, carrières et rémunération », le PPCR, qui simplifie le processus d’évolution des carrières, et d’augmenter la rémunération des enseignants.
Votre rapport évoque l’effort budgétaire en matière de rénovation du système d’évaluation des enseignants jugé infantilisant et trop échelonné au cours des carrières. Ces nouvelles modalités sont essentielles afin de moderniser l’évaluation des enseignants et d’assurer son application égale sur l’ensemble des territoires.
Monsieur le rapporteur pour avis, estimez-vous que le budget annoncé, en hausse de 2,92 milliards d’euros sur l’année 2016, permettra de satisfaire les objectifs annoncés pour les nouvelles modalités d’évaluation des professeurs ?
M. Claude Sturni. À mon tour, je tiens à remercier notre collègue pour ce travail.
Si l’on veut donner corps à cette priorité nationale qu’est l’éducation nationale, il faut rendre attractif le métier d’enseignant, c’est-à-dire de celles et ceux qui sont sur le terrain au contact des élèves. Mais on ne peut résumer l’attractivité d’un métier à sa seule rémunération. C’est pourquoi j’ai été frustré, comme nombre de mes collègues, de voir que la comparaison avec les autres pays de l’OCDE ne porte que sur le salaire et non sur les missions d’accompagnement de l’enseignant, ses responsabilités et le volume horaire attaché à sa rémunération.
Enfin, je m’inquiète de l’accompagnement de l’enseignant, et notamment de la diminution du nombre d’adultes dans les écoles de mon département. Actuellement, en dehors des enseignants il n’y a en effet quasiment plus aucun adulte dans les établissements. Ce sont bien des décisions qui relèvent de votre démarche aujourd’hui.
Mme Colette Langlade. Comme l’a indiqué le rapporteur pour avis, le budget de l’enseignement scolaire a progressé de 7,7 milliards d’euros depuis le début du quinquennat, soit une hausse globale de 12,7 %. Ce phénomène n’avait jamais été rencontré entre 2007 et 2012.
Monsieur le rapporteur pour avis, je souhaite vous interroger sur l’accompagnement et l’évaluation refondée. Vous précisez que le protocole prévoit une refondation de l’évaluation des enseignants afin d’en faire un outil moderne et respectueux de gestion des ressources humaines de l’éducation. Lors de vos auditions, il a été fait le constat que l’évaluation actuelle des enseignants n’était pas satisfaisante et même jugée infantilisante. Et vous ajoutez que l’inspection traditionnelle est excessivement administrative et aléatoire.
Comment pensez-vous rompre avec ces méthodes dépassées ? Que proposez-vous pour réorganiser cette évaluation ?
Mme Isabelle Attard. Comme mes collègues, je souhaite vous interroger sur l’évaluation et l’inspection des enseignants.
Lors de vos auditions, la question de la formation continue a-t-elle été abordée ? Si je suis favorable à une évaluation et une inspection de l’enseignant à échéance régulière, je ne vois pas comment, sans formation continue, sans enrichissement personnel ou travail avec ses collègues entre deux inspections, l’évaluation de l’enseignant peut être différente. Cela dit, je suis bien consciente que vous n’avez pas pu axer votre réflexion sur ce sujet, et que le travail principal ces dernières années a été de remettre en place les ESPE, travail extrêmement lourd.
Si l’on veut que les enseignants se sentent bien dans leur métier, au-delà de leur rémunération il ne faut pas oublier la question de l’accompagnement, afin qu’ils ne se sentent pas seuls face à une classe. Il existe aujourd’hui des plateformes numériques, mais un spécialiste comme Philippe Meirieu estime qu’elles ne remplaceront jamais le contact direct, la formation physique et ce que les enseignants peuvent s’apporter les uns les autres.
M. Vincent Ledoux. Vous mentionnez dans votre rapport que le salaire des enseignants en France est inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE, mais vous oubliez que le nombre d’heures travaillées est de deux à quatre heures de moins chez les enseignants du primaire et de deux à six heures de moins pour les autres.
À la page 19 de votre projet de rapport, vous indiquez que le pourcentage d’enseignants demandant à être mutés en éducation prioritaire est passé de 6 à 12 %. Mais je crains qu’il y ait là un effet d’optique. En effet, pour être muté encore faut-il qu’il y ait un poste vacant.
Vous indiquez également qu’il y a un net redressement du taux d’encadrement des élèves dans les réseaux d’éducation prioritaire. Or, là encore, le chiffre s’entend tous établissements confondus.
En tant qu’ancien enseignant, je veux témoigner que l’approche quantitative n’est pas forcément la meilleure et qu’il faut lui opposer une approche qualitative. J’ai travaillé en zone prioritaire avec quinze à dix-sept nationalités différentes. Le jeune enseignant que j’étais avait beaucoup de difficultés à tenir une classe de onze élèves et je ne m’en sortais pas.
Si je remercie le Gouvernement pour les moyens supplémentaires qu’il a attribués, je suis marri de voir qu’à la fin de ce mandat il n’a pas réussi à réduire l’écart entre les bons et les mauvais élèves, ce qui reste malheureusement la particularité de la France aujourd’hui.
Mme Sandrine Doucet. Je vous remercie pour ce rapport qui met l’accent sur la reconstitution des moyens humains, notamment avec la création de 60 000 postes.
Oui, c’est une autre considération du métier d’enseignant qui est mise en avant avec ces 60 000 postes qui permettront aux enseignants de se consacrer pleinement à leur métier républicain, destiné à assurer la justice sociale par l’école.
Oui, c’est une autre considération des enseignants que celle que nous avons connue pendant dix ans, qui a été de les transformer en champions de la défiscalisation ou en chasseurs de primes.
Une fois reconstituées les forces vives de la République, il s’est agi de refonder l’esprit de l’école en assurant pour tous, à la fin de la scolarité obligatoire, la maîtrise d’un socle de connaissances, de compétences et de culture partagées pour construire le citoyen du XXIe siècle, comme l’a voulu Vincent Peillon et après lui Benoît Hamon et Najat Vallaud-Belkacem. C’est cet avenir qui est construit, notamment avec ce nouveau type d’évaluation qui s’adosse au socle.
Oui, il faut faire une évaluation collective puisqu’il s’agit avant tout de s’assurer que ces compétences transversales sont maîtrisées par les élèves. L’enseignant va pouvoir se consacrer entièrement à sa fonction et il n’aura plus à supporter ce qui s’est fait pendant dix ans, du mois de novembre à la rentrée suivante, c’est-à-dire penser d’ores et déjà qui, dans l’équipe pédagogique, verra son poste disparaître. Quand on a travaillé dans des établissements scolaires qui ont connu la disparition de 25 % de leurs effectifs en cinq ans, je puis vous assurer que c’est une autre conception des équipes pédagogiques qui est posée avec la création de 60 000 postes.
Une fois que l’on est dans cette évaluation collective avec une inspection collective, se pose la question de la formation continue. Au travers des auditions que vous avez effectuées, qu’est-ce qui vous paraît prioritaire dans cette formation continue ? Des formations individuelles ou par équipe au sein d’un établissement ?
M. Christophe Premat. Monsieur le rapporteur pour avis, le thème que vous avez retenu est très intéressant. Aussi je me félicite que vous ayez effectué ce rapport qui s’inscrit dans la refondation de l’école ainsi que dans la réflexion que nous avions menée au sein de la mission d’information sur la formation des enseignants. L’accent est bien mis sur les perspectives d’amélioration de la condition enseignante.
Vous dites qu’il convient de déconnecter les inspections de la gestion des carrières et de penser de manière dynamique la question de l’évaluation. Vous parlez de l’accompagnement, autrement dit de la question de la formation tout au long de la vie et de l’évolution dans son métier.
Ma question porte plus particulièrement sur la valorisation des projets pédagogiques. Si l’on veut que l’inspection ne devienne pas un simple lien automatique récurrent ou un rituel d’adoubement dans le système, l’évaluation selon les projets pédagogiques avec une base individuelle et collective pour l’établissement me semble une bonne piste. Je prendrai l’exemple de ce qui se fait dans le réseau de l’enseignement français à l’étranger, à savoir les actions pédagogiques pilotes qui permettent d’être répliquées dans d’autres établissements et qui apportent une vraie richesse.
J’aimerais connaître votre avis sur les conditions d’évaluation de ces projets pédagogiques.
M. Pascal Demarthe, rapporteur pour avis. Certains d’entre vous m’ont interrogé sur la suppression des heures supplémentaires. Il est vrai que nous avons considéré que la prime de cinq cents euros attribuée au-delà de trois heures supplémentaires ne se justifiait plus étant donné que, dans les faits, les enseignants font en moyenne un peu plus d’une heure supplémentaire. Au total, 1,5 milliard d’euros a été inscrit pour la revalorisation, les primes et le point d’indice : c’est une somme sans commune mesure avec la prime au cumul d’heures supplémentaires, et je précise que les trois-quarts des efforts sont d’ores et déjà budgétés.
Madame Genevard, je vous rappelle que le pouvoir d’achat des enseignants, même avec les heures supplémentaires défiscalisées, est beaucoup plus modeste que ce que vous évoquiez tout à l’heure. Je n’élude pas cette question dans mon rapport. Il faudrait se concentrer aujourd’hui sur une réflexion à long terme. C’est ce que nous souhaitons faire avec la refondation complète de l’évaluation et des carrières des enseignants, qui ne doit pas se résumer à des primes ou à des heures supplémentaires. Nous souhaitons, au contraire, que les enseignants puissent avoir confiance dans la capacité de l’État à faire évoluer leurs carrières personnelles.
Monsieur Salen, vous m’avez interpellé sur la question du travail collaboratif, notamment dans le cadre de l’évaluation. Je précise que ce que vous appelez l’autoévaluation est un travail de préparation à l’évaluation, un bilan professionnel si vous préférez, que l’enseignant fera en amont. Nous souhaitons que ces rendez-vous de carrière se fassent en étroite collaboration entre l’inspecteur et l’enseignant. Cette évaluation s’orientera aussi désormais sur le conseil et l’accompagnement : un travail transversal devra être fait avec les directeurs d’école, les chefs d’établissement et les inspecteurs, ce qui n’existe pas forcément aujourd’hui. Mon rapport indique que les enseignants vivent l’évaluation comme un exercice infantilisant et un moment très difficile qui peut être ressenti comme un échec personnel lorsque certaines facettes de leur mission ne sont pas tout à fait maîtrisées. Il est évident que ces évaluations, qui interviendront de manière très régulière et programmée, devront parfois faire l’objet d’une remise en question de l’enseignant.
Madame Attard, nous allons pouvoir envisager, entre deux rendez-vous de carrière, des phases de formation continue qui permettront à l’enseignant de se remettre à niveau sur certaines de ses missions, de manière que l’évolution constatée sur l’ensemble de sa carrière lui soit bénéfique ainsi qu’aux enfants auxquels il enseigne.
Madame Faure, la question du statut du directeur d’école a été évoquée lors des différentes auditions que nous avons effectuées, notamment avec le ministère. Dans ce domaine, la négociation est toujours en cours avec les représentants des personnels. Les corps de direction d’école, concernant notamment leur statut, mais aussi les corps d’inspection et les chefs d’établissement devraient faire l’objet dans les mois qui viennent de décisions très précises. Je rappelle que les directeurs d’école devraient avoir accès à la classe exceptionnelle prévue dans le nouveau protocole PPCR, puisque cela fait partie des critères qui ont été prédéfinis par le ministère.
Madame Corre, je vous rassure : le protocole PPCR est d’ores et déjà financé à hauteur de 469 millions d’euros et comporte deux étapes. Tout d’abord, à partir du 1er janvier 2017, tous les enseignants seront reclassés dans les grilles ; ils conserveront leur ancienneté pour leurs prochains échelons. Ensuite, les nouvelles règles d’avancement interviendront le 1er septembre 2017. C’est donc à cette date que beaucoup d’enseignants bénéficieront des augmentations qui ont été annoncées. À cela, il convient d’ajouter l’ISEA qui est versée aux professeurs des écoles depuis la rentrée 2016. Enfin, le point d’indice a augmenté de 0,6 % le 1er juillet et il sera à nouveau revalorisé de 0,6 % le 1er février prochain.
Monsieur Ledoux, je dois vous indiquer que vous faites erreur s’agissant du nombre d’heures travaillées à l’école primaire puisque les professeurs des écoles travaillent 924 heures par an, contre 782 en moyenne dans l’OCDE.
Vous insistez sur la nécessité de poursuivre le travail qualitatif par rapport au travail quantitatif. À cet égard, je rappelle que le travail qualitatif doit être mis en place entre deux évaluations. Les conseils que les inspecteurs donneront dans le cadre de cette évaluation collaborative doivent précisément déboucher sur des formations qui permettront aux enseignants de progresser dans leur métier.
Enfin, je crois avoir répondu aux questions posées par Mme Doucet qui concernent le travail pédagogique collaboratif.
M. le président Patrick Bloche. Monsieur le rapporteur, je vous remercie d’avoir répondu très précisément aux différentes interpellations et pour le travail approfondi que vous avez effectué, basé sur de nombreuses auditions.
II. AUDITION DE LA MINISTRE
La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède le mercredi 2 novembre 2016, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur les crédits pour 2017 de la mission « Enseignement scolaire » (5).
À l’issue de la commission élargie, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine, pour avis, les crédits pour 2016 de la mission « Enseignement scolaire ».
Mme Marie-George Buffet, présidente. La commission n’étant saisie d’aucun amendement, je mets aux voix les crédits pour 2017 de la mission « Enseignement scolaire », qui ont reçu un avis favorable de M. le rapporteur.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS
(par ordre chronologique)
Ø Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche :
– Direction générale de l’éducation scolaire (DGESCO) – M. Alexandre Grosse, chef du service du budget, de la performance et des établissements, et M. Philippe Thurat, sous-directeur de la gestion des programmes budgétaires
– Direction générale des ressources humaines – Mme Florence Dubo, chef de service adjointe
– Direction des affaires financières – M. Grégory Cazalet, sous-directeur de l’expertise statutaire, de la masse salariale, des emplois et des rémunérations
Ø Fédération syndicale unitaire (FSU) – Mme Fabienne Bellin, Mme Luce Desseaux et M. Arnaud Malaisé, délégués
Ø Syndicat des enseignants de l’Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA) – M. Christian Chevalier, secrétaire général et Mme Laëtitia Barel, secrétaire nationale
Ø Syndicat général de l’éducation nationale-CFDT (SGEN-CFDT) – Enseignement (*) – M. Frédéric Sève, secrétaire général, M. Christophe Huguel, responsable syndical
Ø Syndicat de l’inspection de l’éducation nationale (SI.EN UNSA) – M. Franck Montuelle, secrétaire général adjoint chargé du secteur 1er degré
Ø Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale (SNPDEN-UNSA) – M. Philippe Tournier, secrétaire général et M. Michel Richard, secrétaire général adjoint
(*) Ce représentant d’intérêt a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.