N° 4126 tome IX - Avis de Mme Valérie Corre sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).


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N° 4126

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2017,

TOME IX

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET VIE ÉTUDIANTE

Par Mme Valérie CORRE,

Députée.

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 4061, 4125 (annexe n° 38).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. UN BUDGET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EN HAUSSE IMPORTANTE DE 3 % ET, AU TOTAL DEPUIS 2012, DE PRÈS DE 8 % 7

II. LES BOURSES DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET LE RÉSEAU DES CROUS 11

A. L’ÉQUITÉ DU SYSTÈME FRANÇAIS DE BOURSES ÉTUDIANTES 11

1. Des aides directes importantes ciblées sur les familles aux revenus modérés 11

2. Des aides publiques globales toutefois moins redistributives qu’il n’y paraît 12

3. L’efficacité avérée du système des bourses étudiantes 14

B. LA RÉFORME HISTORIQUE DE 2012 15

1. Des bourses revalorisées pour les plus défavorisés et étendues aux classes moyennes 16

a. Un élargissement en direction des classes moyennes 17

b. Un nouvel échelon pour les plus modestes 17

c. Un doublement des indispensables aides d’urgence 18

2. Un relais indispensable en complément aux aides familiales 19

3. Une aide à la réussite qui milite pour une approche réaliste et équitable du contrôle de l’assiduité 21

C. LE RÔLE INCONTOURNABLE DU RÉSEAU DES CROUS DONT LA MODERNISATION EST ENGAGÉE 23

1. Un pilotage renforcé 24

2. De très nets progrès dans le service des bourses qui justifient qu’on leur confie la gestion de l’ensemble des bourses étudiantes 25

3. Des activités de logement et de restauration en mutation 28

CONCLUSION 33

TRAVAUX DE LA COMMISSION 35

I. PRÉSENTATION DE L’AVIS 35

II. AUDITION DU MINISTRE 56

III. EXAMEN DES CRÉDITS 56

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS 57

INTRODUCTION

Le présent rapport pour avis porte sur deux des neuf programmes de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », intitulés « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante ».

Ces crédits étant examinés, de manière détaillée, par le rapporteur spécial de la commission des Finances, M. François André, la rapporteure pour avis a axé son travail sur un thème précis : la réforme des bourses étudiantes engagée depuis le début de la présente législature et la modernisation du réseau des œuvres universitaires qui joue un rôle décisif dans la gestion et le service de ces aides.

En effet, depuis la rentrée 2013, la plus importante extension des bourses étudiantes jamais entreprise depuis leur création est mise en œuvre.

Il convient, ici, de rappeler que la bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux (BCS) complète l’aide de la famille mais ne remplace pas l’obligation alimentaire à la charge des parents.

Les aides directes aux étudiants qui ont progressé de 31 %, accompagnent la démocratisation de notre enseignement supérieur. Les taux d’accès ont atteint depuis 2012 près du double de ceux observés depuis la fin des années 1990. Ils ont progressé de 31 %. Cette hausse représente un effort budgétaire exceptionnel de 535 millions d’euros dont 443 millions d’euros consacrés aux seules bourses d’études sous condition de ressources.

Cet effort s’est accompli en direction des deux principaux publics les moins bien couverts par le dispositif existant.

Sont d’abord concernées les classes moyennes dont les ressources sont au plus près des seuils d’accès aux aides. Les étudiants rencontraient des difficultés financières croissantes et, pour une fraction très significative d’entre eux, étaient contraints de travailler à côté des études pendant des durées compromettant la réussite de leurs études. Grâce à la refonte du premier échelon, toutes les bourses sont désormais rémunératrices, et près de 205 000 étudiants supplémentaires bénéficient désormais d’une aide de 1 009 euros par an.

Ensuite, le montant maximal des bourses était manifestement insuffisant pour permettre aux étudiants issus des familles les plus modestes d’envisager un suivi serein de leurs études. Dans un mouvement de justice sociale, les 45 000 étudiants les plus pauvres ont ainsi vu leurs bourses augmenter de presque 1 000 euros par an, pour atteindre 5 550 euros.

Le présent avis dresse ainsi un bilan de l’équité et de la pertinence du système français d’aides aux études supérieurs. Il n’oublie pas la nécessité de replacer ces aides directes dans le champ global de l’ensemble des aides (fiscales et au logement notamment) consenties par l’État, qui relativise d’ailleurs le caractère redistributif du dispositif d’ensemble.

Il montre, s’il en était besoin, combien les bourses étudiantes demeurent un atout et un élément indispensable d’équité pour encourager la réussite de chacun. Il présente les ambitions et la concrétisation de la vaste réforme initiée en 2013, saluée par l’ensemble des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis.

Il décrit enfin le rôle incontournable du réseau des œuvres universitaires et scolaires, qui gère l’essentiel des aides aux étudiants avec une efficacité et une qualité de service remarquables, en détaillant les nombreuses réformes de modernisation qu’il a accomplies aux cours des récentes années.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 93 % des réponses étaient parvenues.

Le budget de l’enseignement supérieur pour 2017 respecte les priorités assignées par la majorité, par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, à la réussite des étudiants, à la dynamique de site impulsée et à l’accompagnement des établissements supérieurs. Il prend aussi en compte la hausse des effectifs étudiants, dont les flux entrants annuels sont passés de 25 000 par an entre 2005 et 2012 à plus de 40 000 par an depuis 2013, soit une croissance annuelle passée de 1 % à 1,8 % (prévision retenue pour la rentrée 2016).

Ces objectifs ambitieux ont préservé les moyens de l’enseignement supérieur au sein de la mission « Enseignement supérieur et recherche » du mouvement général de modération des dépenses publiques.

Les crédits qui lui sont dévolus retrouvent ainsi une puissante dynamique en 2017, avec une hausse de 443 millions d’euros (+ 2,8 %) des autorisations d’engagement, pour atteindre 15 992 millions d’euros au total. Les crédits de paiement augmentent de 632 millions d’euros (+ 4,1 %), un ressaut induit notamment par les phases d’achèvement des grands chantiers, en particulier de constructions de logements étudiants lancés dès le début de la législature. Au total, depuis 2012, les moyens alloués à l’enseignement supérieur auront augmenté de 1,13 milliard d’euros en crédits de paiement, soit une hausse très significative de 7,6 %.

RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME

(En millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme et du titre

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2016

Demandées pour 2017

Ouverts en LFI pour 2016

Demandés pour 2017

150 – Formations supérieures et recherche universitaire

13 007,13

13 266,44

12 893,10

13 288,87

231 – Vie étudiante

2 541,92

2 725,32

2 486,80

2 722,90

TOTAL Enseignement supérieur

15 549,05

15 991,76

15 379,9

16 011,77

Source : Projet annuel de performances 2016 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et projet de loi de finances pour 2017.

Les moyens des établissements d’enseignement supérieur, hors immobilier, constitués principalement des subventions pour charges de service public récurrentes versées en application du modèle d’allocation dit « SYMPA », progressent dans le projet de loi de finances de 368 millions d’euros pour atteindre 12,32 milliards d’euros dont 11 milliards d’euros de masse salariale. Cette croissance intègre un abondement des moyens de 100 millions d’euros pour stopper la dégradation des taux d’encadrement induite par la forte augmentation des effectifs étudiants. 59 millions d’euros sont en outre consacrés à la création, conformément au schéma d’emploi défini en 2013, de 950 emplois supplémentaires dont 556 d’enseignants-chercheurs et 81 de professeurs agrégés enseignant dans le supérieur. S’y ajoutent 117 millions d’euros au titre de la revalorisation de 1,2 % du point d’indice de la fonction publique (avec une hausse de 0,6 % au 1er juillet 2016 et de 0,6 % au 1er février 2017) ainsi que 59 millions d’euros liés à la montée en puissance du dispositif d’amélioration des carrières et des parcours professionnels (PPCR).

Ces évolutions sont légèrement atténuées par un tassement conjoncturel de 30 millions d’euros des crédits de paiement consacrés aux dépenses immobilières, de 1,18 à 1,15 milliard d’euros, qui s’explique par la lente montée en puissance des chantiers issus des contrats de projet État-régions (CPER) prévus par les nouveaux contrats 2015-2020. Ce mouvement est cette année accompagné d’un infléchissement des autorisations d’engagement pour l’immobilier de 106 millions d’euros dus à la fin des opérations campus et, surtout, du vaste chantier de rénovation du site de Paris-Jussieu.

*

Le programme « Vie étudiante » reprend, après une pause en 2016, sa très vive progression constatée depuis 2012 (+ 3,7 % en 2013, + 6 % en 2014, + 1,8 % en 2015 puis – 0,5 % en 2016 de crédits de paiement), avec 236 millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires, soit une croissance record de 9,5 %. Au total, les moyens dévolus aux aides publiques en direction des étudiants ont augmenté pendant la législature de près d’un quart, soit 553 millions d’euros, dont 443 millions d’euros pour l’extension et la revalorisation des bourses étudiantes (+ 29 %).

Après un important effort d’extension et de revalorisation engagé à partir de 2013, les bourses sur critères sociaux atteignent en effet leur régime de croisière, passant de 1,98 milliard d’euros dans la loi de finances initiale pour 2016 à 2,06 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2017. Cette hausse intègre, d’une part, la fusion des échelons 0 et 0 bis (voir infra) qui permet à 25 000 étudiants supplémentaires de percevoir en 2016-2017 une bourse de 1 009 euros par an, et, d’autre part, la poursuite du dynamisme des demandes (+ 2,1 %) induite par la croissance des effectifs étudiants. Dans une même logique, les crédits pour les aides d’urgence sont maintenus au niveau, élevé, retenu l’année dernière, soit 49 millions d’euros.

L’aide au mérite, préservée à hauteur de 900 euros par an pendant trois ans – et 1 800 euros jusqu’à épuisement de leurs droits pour les bénéficiaires du dispositif en vigueur jusqu’à la rentrée 2014 – pour les étudiants ayant obtenu une mention « très bien » au baccalauréat et éligibles au versement d’une bourse sur critères sociaux, sera financée par la reconduction de 44 millions d’euros de crédits (– 11 millions d’euros en raison de l’extinction du champ des bénéficiaires de l’ancien dispositif) permettant d’attribuer environ 35 700 aides (+ 700).

S’ajoute à ces aides l’entrée en vigueur de l’aide à la recherche du premier emploi (ARPE) issue de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, qui consiste en une aide financière de 100 à 550 euros par mois dans la limite de quatre mois maximum, dont le coût est évalué en année pleine à 92 millions d’euros.

Les subventions et dotations au profit des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) connaissent elles aussi une augmentation importante de 60 millions d’euros, passant de 369 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2016 à 427 millions d’euros en 2017, qui fait plus que compenser la diminution observée l’an dernier. Les autorisations d’engagement connaissent elles aussi une progression, toutefois moins vive, de 10 millions d’euros, induite par la participation du réseau à l’ambitieux plan de construction des 42 500 logements étudiants lancé en 2013.

La massification de l’enseignement supérieur est particulièrement marquée en France où la proportion d’une classe d’âge diplômée est passée en trente ans de 20 % à 44 %. Une performance qui place la France au huitième rang des pays de l’OCDE et sensiblement au-dessus de la moyenne de l’Union européenne qui est de 37 %. Mais cette ambitieuse volonté de démocratiser l’accès aux études supérieures n’est pas sans poser des défis pour garantir aux étudiants, en particulier ceux issus de catégories sociales modestes, des conditions d’étude équitables et satisfaisantes.

Pour encourager tous les jeunes à poursuivre leurs études indépendamment de leurs facultés financières, notre pays a choisi une voie originale, qui se distingue d’autres solutions apportées chez nos voisins.

Un premier groupe d’États, qui rassemble les pays scandinaves, conjugue l’absence presque totale de frais de scolarité et le bénéfice d’aides publiques généreuses, souvent accordées quelles que soient les ressources des familles. Dans ces pays, plus de 55 % des étudiants bénéficient de bourses, de prêts d’études publics ou d’une combinaison de ces deux types d’aide. En cohérence, cette approche, onéreuse mais égalitaire, permet d’atteindre la plus forte proportion de diplômés du supérieur au monde, avec un taux moyen d’accès en licence des jeunes de 20 à 25 ans s’établissant à 62 %, contre 59 % en moyenne dans l’OCDE. Il importe cependant de relever qu’au cours des récentes années, face aux coûts financiers induits par ce choix et en raison des évolutions politiques de ces pays respectifs, le Danemark, la Suède et, bientôt, la Finlande se sont résignés à imposer le paiement de frais de scolarité aux étudiants étrangers.

Un deuxième groupe, anglo-saxon, qui réunit l’Australie, le Canada, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, autorisent des frais de scolarité, librement fixés par les universités, généralement très élevés quoique fort disparates (en moyenne supérieur à 4 000 euros), tout en aménageant un puissant système de bourses ou de prêts publics dont bénéficient, pour cependant des montants très loin de couvrir le coût des études, au moins 85 % des étudiants. Les taux d’accès en licence ou en formation équivalente s’inscrivent dans la moyenne de l’OCDE, mais souvent grâce à l’appoint significatif d’une très forte proportion d’étudiants en mobilité internationale. Ce modèle oblige néanmoins la très grande majorité des étudiants à s’endetter fortement pendant leurs études.

Un troisième groupe incluant le Chili, la Corée du Sud et le Japon cumule des frais de scolarité élevés (en moyenne près de 5 000 euros) et de très faibles systèmes d’aides aux étudiants. En cohérence ces pays se rangent, avec 53 % des 20-25 ans titulaires d’au moins une licence, sous la moyenne de l’OCDE. De plus, ce système constitue un frein puissant à toute mobilité sociale.

Enfin le dernier grand groupe qui réunit à nos côtés l’Autriche, la Belgique, l’Italie et la Suisse, allie de faibles frais de scolarité avec un niveau de soutien aux étudiants globalement modéré car ciblé sur des groupes spécifiques. On y observe un taux moyen d’accès en licence ou diplômes équivalents plutôt décevant (52 %), bien que compensé en Autriche, en Espagne et en France par un taux d’accès en formation tertiaire de cycle court très supérieur à la moyenne. De manière générale, un net mouvement d’augmentation des frais de scolarité, plus particulièrement marqué en Autriche et en Italie, est observé dans la majorité de ces pays (et en France, à l’exception des universités) depuis le début des années 2010.

Notre pays se caractérise toutefois au sein de ce groupe par l’étendue du nombre d’étudiants bénéficiant d’un système d’aides diversifiées, passé de 27 à 36 % (1) entre 2009 et 2015. Il se distingue par l’effort budgétaire important consenti et par sa complémentarité avec d’autres mesures ponctuelles permettant aux étudiants de faire face aux principales dépenses induites par la poursuite d’études. Ainsi, le socle des bourses sur critères sociaux mobilise 2,05 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2017, soit 79 % des aides directes à la vie étudiante. À cela s’ajoutent diverses aides complémentaires au titre de la poursuite d’études dans le cadre d’une mobilité internationale (26 millions d’euros) et l’indispensable filet de sécurité formé par des aides dites « spécifiques » (49 millions d’euros) attribuées pour faire face à des situations d’urgence. En parallèle, les CROUS proposent de nombreuses prestations pour la vie étudiante dans le logement, la restauration et la culture, qui tentent de lever les principaux freins concrets limitant les chances de réussite des étudiants les moins favorisés.

Cependant, les bourses et les autres services des CROUS ne constituent que l’un des volets des aides publiques aux étudiants.

À leurs côtés, et pour des montants comparables, s’ajoutent les aides au logement et les avantages fiscaux induits par le rattachement des étudiants au foyer de leurs parents, qui atténuent voire contredisent le caractère redistributif des premières.

D’abord, les aides au logement dont bénéficient les étudiants sont versées sans condition de ressources contrairement au régime général des aides sociales. Elles sont calculées à partir des seuls revenus des étudiants et non ceux de leurs parents, n’obligeant pas ces derniers à exclure leur enfant de leur déclaration fiscale. Par contre, elles sont incompatibles avec le versement d’allocations familiales aux parents. Dès lors le champ des bénéficiaires est très vaste, intégrant le tiers des étudiants dont deux tiers non boursiers. Sur les 1,5 milliard d’euros dépensés chaque année à ce titre, un milliard d’euros bénéficie ainsi aux familles dont les ressources sont suffisantes pour ne pas être relayées par les bourses.

En parallèle, les aides fiscales mobilisent 1,6 milliard d’euros par an : la demi-part supplémentaire au titre de l’étudiant dont bénéficient les foyers qui rattachent leur enfant à leur déclaration, le régime de la pension alimentaire en faveur des jeunes adultes et la réduction d’impôt au titre des frais de scolarité. Les avantages qu’elles induisent sont par ailleurs d’autant plus importants que les familles concernées paient beaucoup d’impôt, favorisant donc celles qui ont déjà des revenus importants.

Au total, le jeu combiné de ces trois types d’aides dessine un paysage insuffisamment favorable aux familles aux revenus moyens.

Comme l’a indiqué l’INSEE (2), les étudiants dont les familles appartiennent aux trois premiers déciles de revenus (les 30 % de familles les « plus pauvres ») concentrent ainsi les trois quarts des moyens publics consacrés aux bourses et 45 % du montant des aides au logement pour les étudiants. Les étudiants des foyers les plus aisés quant à eux, qui appartiennent aux déciles 9 et 10 (les 20 % « les plus riches »), cumulent près des deux tiers du coût global des avantages fiscaux (37 % pour les 10 % les plus riches et 24 % pour les 10 % suivant) et une proportion d’aides au logement comparable à celle perçue par tous les autres étudiants.

Ce sont donc les étudiants des familles des déciles 4 à 8 (les 50 % de « classes moyennes ») qui perçoivent au total le plus faible montant cumulé d’aides publiques, imprimant une courbe en U de l’assistance de l’État qui nécessiterait de renforcer encore l’équité globale de notre système d’encouragement aux études supérieures. Si le plafonnement des avantages fiscaux induits par la demi-part, l’exclusion du bénéfice des aides au logement des étudiants dont la famille acquitte l’impôt de solidarité sur la fortune et, surtout, l’élargissement du bénéfice des bourses aux classes moyennes décrit infra ont probablement atténué ce phénomène, ils ne l’ont en aucun cas supprimé.

La rapporteure pour avis s’inquiète à ce titre des conséquences néfastes que provoquerait une éventuelle suppression de l’impôt sur la fortune à travers le renforcement des effets de cette courbe en U de l’assistance de l’État.

Dans ce contexte complexe, le choix d’un dispositif concentré sur les étudiants les moins favorisés financièrement et étendu à de nombreux domaines décisifs pour la poursuite d’études comme le logement, s’impose comme un outil indispensable d’égalité des chances dont l’efficacité est attestée.

D’une part, dans toutes les auditions, il a été clairement signalé qu’un emploi régulier, surtout s’il est exercé plus de 16 heures par semaine et qu’il est dépourvu de lien avec les études, réduit très significativement la probabilité de réussir aux examens universitaires. Or, d’évidence, le recours à l’emploi est d’autant plus fort qu’il s’impose pour pouvoir financer ses études.

D’autre part, à caractéristiques scolaires comparables, il est observé que les étudiants ne bénéficiant pas de l’aide de leurs parents ont une probabilité très fortement réduite d’envisager des études longues. Ces phénomènes d’autocensure, très puissants tout en bas de la hiérarchie des revenus, ne peuvent être efficacement contrés que par la garantie d’une assistance financière durable et stable.

Enfin, et c’est un élément décisif, les étudiants confrontés à des difficultés financières sont exposés à un taux d’échec considérablement plus élevé que leurs camarades. La Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle au Ministère de l’éducation nationale a ainsi montré, à partir de l’étude des destins scolaires de 12 000 bacheliers en 2008 (3), que 35 % d’étudiants sont confrontés à des problèmes financiers, dont 17 % qui ne perçoivent pas d’aide de leur famille et 6 % qui ne reçoivent aucune aide directe publique. Par ailleurs seulement 56 % des étudiants non boursiers se déclarant en difficultés financières accèdent en deux ans au niveau bac +2, contre 65 % de l’ensemble des étudiants, tandis que 17 % abandonnent leurs études dans ce court délai (contre 6 %). Ces échecs touchent l’ensemble des filières, atteignant leur paroxysme en licence générale (19 % de sortie dès la deuxième année et 48 % de réorientation ou de redoublement). Seuls 22 % de ces étudiants obtiennent ainsi leur licence en 3 ans, soit la moitié de la proportion concernant les étudiants plus favorisés financièrement.

Or les bourses comportent un fort effet protecteur pour ces étudiants défavorisés. En effet, ceux-ci jouissent en moyenne de 10 à 15 points de pourcentage supplémentaires de chance de réussite que les étudiants en difficulté non aidés, avec un taux d’accès à bac + 2 en deux ans de 70 % (avec seulement 3 % de décrochage) et un taux de réussite de 39 %, de la licence en trois ans. Ces performances, qui les rapprochent de celles des jeunes les plus favorisés, tendent à s’infléchir dans la suite du processus.

Leurs chances d’intégrer des écoles ou masters de niveau bac + 5 s’établissent à 57 %, certes moins que les 69 % atteints par la moitié des étudiants qui dispose des revenus familiaux, mais très au-dessus des 42 % du tiers des jeunes les moins favorisés et non aidés.

De manière générale, en effet, le directeur de l’Observatoire de la vie étudiante (OVE) a fait remarquer, au cours de son audition, que le revenu disponible net déclaré par les étudiants est efficacement homogénéisé grâce aux bourses, celui-ci allant, en 2013, de 515 euros par mois pour les étudiants à l’ancien échelon 0 jusqu’à 719 euros pour les non-boursiers et 673 euros pour les bénéficiaires des bourses alors les plus élevées de l’échelon 6.

Même s’il est vrai que ce revenu méconnaît les avantages en nature reçus par certains d’entre eux, tel le logement qui a parfois un poids disproportionné dans les budgets.

Ces dispositifs ambitieux prennent une importance décisive dans le contexte d’une très importante intensification de l’accès à l’enseignement supérieur, avec un taux de croissance annuelle passé de moins de 1 % entre 2000 et 2010 à 2,2 % depuis cette date. Ces flux nouveaux se concentrent sur l’université (dont les effectifs ne croissaient que de 0,3 % dans les années 2000) qui doit désormais accueillir près de 40 000 étudiants de plus chaque année (+ 2,8 %) contre 25 000 auparavant. De toute évidence, ils concernent au premier chef les jeunes issus des milieux les moins favorisés, jusqu’alors caractérisés par un accès moindre aux études supérieurs.

Les causes précises de ce ressaut sont encore mal connues. Elles sont partagées entre la part prise par la démographie, celle du contexte de fort chômage des jeunes qui les incite à retarder leur entrée sur le marché du travail et à se doter du puissant bouclier qu’est le diplôme supérieur, celle induite par la hausse importante du nombre de bacheliers professionnels dont une fraction croissante entame désormais des études supérieures et celle liée à une nouvelle appétence des jeunes adultes pour l’enseignement supérieur. En tout état de cause, ce mouvement qui crédibilise l’objectif de passer de 43 à 60 % d’une classe d’âge diplômée du supérieur d’ici 2025, ne manque pas de constituer un défi important, exigeant un réel effort pour garantir l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur.

Pour accompagner cette croissance, la présente majorité a fait le choix cohérent, en dépit d’un contexte budgétaire contraint, de renforcer et d’étendre le champ des bénéficiaires des diverses aides en faveur de la vie étudiante : aides financières, logement, restauration, santé, animation des campus...

Ces réformes ambitieuses et l’extension des publics concernés ont exigé d’importants efforts d’adaptation des CROUS. Ces établissements portent l’essentiel de l’action de l’État pour la vie étudiante et jouent en particulier un rôle décisif dans la gestion, le versement mais aussi les retours d’information sur les bourses étudiantes.

La présente législature a ainsi mis en œuvre l’une des réformes les plus importantes des bourses étudiantes depuis leur création.

En effet, parallèlement à l’ajustement des montants de l’ensemble des bourses à l’inflation particulièrement faible depuis 2012, la majorité a fait le choix d’étendre le champ des bénéficiaires et de les revaloriser pour les moins favorisés. Cela a permis une hausse de 40 % des bénéficiaires depuis 2008 (4), dont le nombre atteint désormais 694 066.

Grâce à ce mouvement continu, l’aide moyenne perçue par un boursier sur critères sociaux a augmenté de 25 % pour passer de 2 320 euros pour l’année universitaire 2000-2001 à 2 862 euros pour 2014-2015.

RÉPARTITION DES BOURSES SUR CRITÈRES SOCIAUX PAR ÉCHELON

Échelon

2008-2009

2009-2010

2010-2011

2011-2012

2012-2013

2013-2014

2014-2015

2015-2016

(données au 15 mars 2016)

Prévision

rentrée 2016

Échelon 0

71 023

101 648

118 906

132 930

139 326

97 565

22 805

24 971

 

Échelon 0 bis

54 651

152 718

175 928

203 253

Échelon 1

93 406

99 446

102 550

104 164

105 330

105 402

104 129

104 211

105 854

Échelon 2

52 156

53 779

54 799

56 082

55 504

56 146

54 940

54 372

55 215

Échelon 3

52 516

53 621

54 501

55 481

56 323

55 761

55 394

54 780

55 581

Échelon 4

51 594

52 103

52 597

53 521

54 368

54 101

52 630

51 899

52 598

Échelon 5

96 910

96 730

98 974

101 057

101 231

100 385

96 013

93 234

94 272

Échelon 6

107 023

108 471

110 730

116 978

118 639

84 557

82 135

82 616

83 544

Échelon 7

37 871

39 853

43 509

43 750

Total

524 618

565 798

593 057

620 213

630 721

646 439

660 617

685 520

694 066

Source : Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle au ministère de l’éducation nationale (DGSIP).

Cet effort s’est déployé sur le fondement de deux constats consensuels quant aux limites qui affectaient le dispositif traditionnel des aides, tels que par exemple identifiés dans un rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche consacré aux aides sociale et fiscale en faveur des étudiants de 2013 (5).

On assistait depuis le début des années 2000 à une augmentation manifeste des tensions financières pesant sur les étudiants dont les familles disposaient de revenus au plus près du seuil d’accès aux bourses.

Ainsi, on a pu observer que les étudiants issus de ménages aux ressources médianes, qui entraient dans l’échelon 0 des bourses exonérant des droits de scolarité, étaient dans les faits ceux qui travaillaient le plus en dehors des études, sur des durées souvent élevées pouvant compromettre la réussite de leur cursus.

Pour alléger ces contraintes et réduire les durées hebdomadaires de travail annexe à un niveau n’empêchant pas la poursuite des études, la nouvelle majorité a choisi dès la rentrée 2013 d’étendre les bourses à ces jeunes et, partant, de diminuer les effets de seuil induits par les conditions de ressources.

Ainsi, l’introduction du nouvel échelon 0 bis a permis progressivement à plus de 200 000 nouveaux étudiants de bénéficier d’une aide de 1 009 euros pour l’année (alors qu’il n’y avait auparavant que 55 000 boursiers inscrits à l’échelon 0). En 2017 s’achèvera le passage de l’ensemble des étudiants auparavant inscrit à l’échelon 0 dans le nouvel échelon. Désormais, tous les échelons de bourse sont rémunérateurs.

À l’extrémité basse des revenus, c’est un phénomène inverse qui a motivé la forte revalorisation de l’échelon le plus élevé des bourses.

Alors que près des deux tiers des étudiants exercent, ponctuellement ou durablement, un travail à côté des études, ce n’est le cas que de la moitié des 20 % d’étudiants issus des familles les moins favorisés économiquement. Deux grandes explications sont souvent invoquées pour expliquer cette situation atypique. D’une part, il est manifeste qu’il est plus difficile pour les jeunes issus de milieux très défavorisés de trouver un travail que pour ceux plus favorisés dont les parents ont un réseau plus étendu. D’autre part, le non-travail est aussi un choix, assumé par la moitié de ces étudiants, qui souhaitent concentrer toute leur énergie à la réussite d’études perçues à juste titre comme un instrument décisif de promotion sociale.

Quelles qu’en soient les motivations, cette situation exposait les étudiants concernés à d’importantes difficultés. En effet, même en cumulant les bourses à taux maximum, les aides au logement et les autres aides indirectes, une majorité d’étudiants à l’échelon 6 des bourses n’avaient manifestement pas de ressources suffisantes pour poursuivre leurs études dans des conditions satisfaisantes.

C’est pourquoi les aides en direction des jeunes dont les familles ont les ressources les plus faibles ont été très significativement revalorisées grâce à l’ajout d’un nouvel échelon 7 qui a permis à 43 000 étudiants, les plus modestes de l’ancien échelon 6, de bénéficier d’une bourse annuelle portée à près de 5 550 euros.

RÉPARTITION DES BOURSIERS SELON LE TAUX DE LA BOURSE

 

Échelon 0 (1)

Échelon 0 bis

Échelon 1

Échelon 2

Échelon 3

Échelon 4

Échelon 5

Échelon 6

Échelon 7

Total

Bourses sur critères sociaux

2015-2016

25 015

174 710

103 172

53 780

54 208

51 429

92 227

81 682

43 036

679 259

En %

3,7 %

25,7 %

15,2 %

7,9 %

8 %

7,6 %

13,6 %

12 %

6,3 %

100 %

Montant de la bourse en 2015

0 €

1 008 €

1 667 €

2 510 €

3 215 €

3 920 €

4 500 €

4 773 €

5 545 €

 

(1) Exonération des droits d’inscription à l’université et de cotisation au régime de sécurité sociale étudiant.

Enfin, d’autres aides viennent répondre aux situations les plus difficiles auxquelles sont exposés certains étudiants.

Le caractère en effet mécanique des bourses tend nécessairement à laisser de côté les situations exceptionnelles affectant, en général en cours d’année, un nombre modéré d’étudiants, le plus souvent en raison d’une rupture familiale qui les prive brutalement de toutes ressources.

Le dispositif des aides spécifiques qui a succédé, conformément à la circulaire n° 2014-0016 du 8 octobre 2014, au fonds national d’aide d’urgence (FNAU) créé en 2008, est ainsi destiné à aider les étudiants qui rencontrent des difficultés particulières au cours de l’année universitaire auxquelles ne peut répondre le système de bourses sur critères sociaux. L’aide peut alors être ponctuelle ou annuelle, suivant la nature des difficultés auxquelles fait face l’étudiant. Elle est accordée par le CROUS après un entretien avec le service social.

L’aide ponctuelle (40 000 bénéficiaires, pour environ 65 000 aides chaque année), dont le montant est plafonné au montant annuel de l’échelon 1 des bourses sur critères sociaux (1 667 euros) mais qui peut être cumulée avec une bourse ou une allocation annuelle, concentre 26 % des crédits consacrés aux aides spécifiques. Les principaux motifs de demande sont l’aide alimentaire (37 % des cas), le logement (33 %) et la santé. On remarque une hausse significative du nombre de bénéficiaires non boursiers (35 % en 2014 contre 28 % en 2012), témoignant de conditions d’études plus difficiles pour les classes moyennes et une proportion toujours importante d’étudiants étrangers parmi les demandeurs (40 %).

L’aide annuelle (5 500 aides par an) équivaut pour sa part à un droit à bourse d’une année, fixé selon le montant de l’un des échelons des bourses sur critères sociaux, et donne droit à l’exonération des droits d’inscription et de cotisations de sécurité sociale étudiante. Contrairement aux aides ponctuelles, les aides annuelles ne sont pas cumulables avec une bourse sur critères sociaux.

Les principaux motifs d’attribution de cette aide sont la rupture familiale (48 %), l’indépendance avérée (26 %) et la reprise d’études (6 %).

De manière générale, ces aides d’urgence sont marquées par un rythme de croissance assez vif, atteignant 5 % en 2015-2016, qui est cohérent avec le ressaut observé dans l’accession aux études supérieures mais qui exige une attention particulière.

Elles constituent en effet, une indispensable soupape de sécurité permettant de garantir la cohérence de l’ensemble du système.

C’est pourquoi la rapporteure pour avis se félicite que la présente majorité ait décidé, dès l’alternance, de presque doubler le contingent de bénéficiaires assigné aux CROUS de 3 000 à 5 500 allocations par an entre 2012 et 2015.

De manière générale, il apparaît que le dispositif des aides sous condition de ressources, opportunément étendues aux étudiants dont les familles subissaient les plus forts effets de seuil, offre à leur bénéficiaire une amélioration très substantielle de leurs conditions de vie, leur garantissant un suivi serein de leurs cursus.

Ce constat impose cependant d’en cerner les limites, inhérentes à la philosophie qui a inspiré leur création.

Le premier principe est que les aides sont le relais, et non le substitut des aides familiales. Cela explique qu’elles soient fondées sur trois critères qui ont fait consensus pendant les auditions :

– d’une part, et c’est l’essentiel, les ressources des parents ou des tuteurs légaux appréciées en fonction d’un barème national actualisé chaque année ;

– d’autre part, les missions éducatives auxquelles ils font face, appréciés par le nombre d’enfants à charge (deux points pour chaque autre enfant et quatre points pour un autre enfant effectuant également des études dans l’enseignement supérieur) ;

– et enfin, mais dans une mesure moindre, l’éloignement entre le domicile et le lieu d’études (un point de charge pour une distance comprise entre 30 et 249 kilomètres et deux points de charge au-delà), en raison du poids du financement du logement.

BARÈME DES RESSOURCES POUR LES BOURSES DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
EN 2016-2017

(en euros)

Points de charge

Échelon
0 bis

Échelon

1

échelon

2

échelon

3

échelon

4

échelon

5

Échelon

6

Échelon

7

0

33 100

22 500

18 190

16 070

13 990

11 950

7 540

250

1

36 760

25 000

20 210

17 850

15 540

13 280

8 370

500

2

40 450

27 500

22 230

19 640

17 100

14 600

9 220

750

3

44 120

30 000

24 250

21 430

18 640

15 920

10 050

1 000

4

47 800

32 500

26 270

23 210

20 200

17 250

10 880

1 250

5

51 480

35 010

28 300

25 000

21 760

18 580

11 730

1 500

6

55 150

37 510

30 320

26 770

23 310

19 910

12 570

1 750

7

58 830

40 010

32 340

28 560

24 860

21 240

13 410

2 000

8

62 510

42 510

34 360

30 350

26 420

22 560

14 240

2 250

9

66 180

45 000

36 380

32 130

27 970

23 890

15 080

2 500

10

69 860

47 510

38 400

33 920

29 520

25 220

15 910

2 750

11

73 540

50 010

40 410

35 710

31 090

26 540

16 750

3 000

12

77 210

52 500

42 430

37 490

32 630

27 870

17 590

3 250

13

80 890

55 000

44 450

39 280

34 180

29 200

18 420

3 500

14

84 560

57 520

46 480

41 050

35 750

30 530

19 270

3 750

15

88 250

60 010

48 500

42 840

37 300

31 860

20 110

4 000

16

91 920

62 510

50 520

44 630

38 840

33 190

20 940

4 250

17

95 610

65 010

52 540

46 410

40 400

34 510

21 780

4 500

Les principales critiques opposées à ces critères, outre l’effet de seuil d’entrée dans le système que la présente majorité, on l’a vu supra, a su atténuer, portent sur l’aptitude du dispositif à apprécier les ressources réelles des familles. Ces ressources sont souvent moins bien cernées par le revenu déclaré brut qui exclut notamment les revenus du patrimoine, que par le revenu fiscal de référence qui intègre mieux les autres éléments de revenus et qu’il est parfois proposé d’utiliser.

Toutefois, sur cette question, la rapporteure pour avis observe que l’écart entre ces deux références n’est guère substantiel globalement, même s’il peut induire d’importants changements dans l’identité des familles bénéficiaires des bourses. Une substitution de cette nature porterait ainsi le risque d’introduire une instabilité dans le champ des bénéficiaires dont il n’est guère sûr qu’elle soit efficacement compensée par les modestes gains en termes d’équité qu’elle induirait.

Une autre critique tient aux montants « en escalier », qui génèrent par construction d’importants effets de seuil. Les associations de représentants des étudiants ont ainsi, au cours de leurs auditions, indiqué qu’une linéarisation des bourses, désormais possible grâce à la complète numérisation des données, offrirait une amélioration très substantielle à cet égard.

Le second principe fondateur des bourses est qu’elles sont une aide et non une récompense de la réussite.

Leur objet est d’offrir la possibilité aux étudiants d’accomplir avec succès un parcours d’études en compensant les ressources que leur famille n’est pas en mesure de leur apporter.

C’est précisément pour cette raison que les bourses intègrent un équitable droit à l’erreur. Tout étudiant dispose de 7 droits (années) à bourse, utilisables au cours de son cursus dans un établissement d’enseignement supérieur, dès lors que 5 au maximum sont utilisés pour le cursus licence et les cycles courts et 3 (lorsque moins de 5 ont été utilisés précédemment) ou 2 pour le master.

Ce droit à l’erreur éclaire la question récurrente du contrôle de l’assiduité des boursiers.

Le versement des bourses est assorti d’une stricte obligation d’assiduité conformément à l’article D. 821-1 du code de l’éducation qui dispose, dans sa version résultant du décret n° 51-445 du 16 avril 1951 relatif au paiement des bourses d’enseignement supérieur, que « si l’élève ne remplit pas, durant cette période, les conditions générales de scolarité et d’assiduité auxquelles est subordonné son droit à la bourse, il est tenu au reversement des sommes indûment perçues. »

Chaque année, la circulaire précisant les modalités d’attribution des bourses d’enseignement supérieur sur critères sociaux et autres aides (mobilité internationale, mérite, …) fixe les conditions d’organisation et de maintien des droits à bourse pour l’année universitaire à venir. La circulaire n° 2016-088 du 6 juin 2016, publiée le 23 juin 2016, prévoit ainsi que l’étudiant boursier doit, en contrepartie de cette aide financière, à la fois être « inscrit et assidu aux cours, travaux pratiques ou dirigés et réaliser les stages obligatoires intégrés à la formation » et être présent « aux examens et concours correspondant à ses études ». Elle précise que ces contrôles d’assiduité et de présence aux examens doivent être réalisés « tout au long de l’année, sous la responsabilité des présidents d’université, des directeurs d’école et des chefs d’établissements. »

Pour autant, son application par les établissements d’enseignement supérieur est disparate, tant pour la définition que pour le contrôle de l’assiduité, non seulement entre les établissements d’enseignement supérieur mais parfois au sein même d’un établissement. Cette forte disparité de pratiques entraîne des inégalités de traitement entre les étudiants.

Ainsi dans les classes préparatoires aux grandes écoles et les sections de techniciens supérieurs, le défaut d’assiduité se mesure le plus souvent en demi-journées ou en heures d’absence, avec des seuils toutefois variables.

Dans les universités, la Cour des comptes a souligné dans une partie de son rapport annuel pour 2015 consacré au réseau des œuvres universitaires (6) que « le contrôle de présence aux cours magistraux n’est quasiment jamais effectué et celui aux TD et TP relève de chacune des unités de formation et de recherche, au risque que beaucoup d’universités ne contrôlent dans les faits que la présence aux examens ».

Il faut également noter que ce défaut de signalement de l’assiduité empêche les établissements de repérer les situations éventuelles de décrochage et de définir un accompagnement pédagogique adapté.

Enfin, même en cas de constatation de défaut d’assiduité, les pratiques de reversements dus par les étudiants déclarés non assidus sont extrêmement variables (allant de quelques jours à plusieurs mois). Les montants recouvrés demeurent en tout état de cause très faibles à moins de 0,2 % des bourses versées, avec 6 millions d’euros en 2015-2016. Il est en effet courant que les rectorats annulent les ordres de recouvrement émis par les CROUS face à l’insolvabilité des étudiants concernés.

La rapporteure pour avis s’inquiète de ces disparités pouvant remettre en cause la légitimité d’un système pourtant efficace pour assurer une égalité réelle des chances dans l’enseignement supérieur.

C’est pourquoi elle se félicite que le Gouvernement ait commencé à prendre la mesure du défi, après avoir adressé un rappel de leurs responsabilités à tous les recteurs le 21 juillet 2014, en mettant en place un contrôle de l’inscription pédagogique des étudiants au début du premier semestre. Tout étudiant n’ayant pas procédé à son inscription pédagogique avant une date butoir doit désormais voir le paiement de sa bourse immédiatement suspendu de façon à limiter le montant des paiements indus. En parallèle, une refonte des applications gérant la scolarité des étudiants et les demandes de bourse a garanti une meilleure communication entre elles de manière à assurer l’information rapide du CROUS en cas de manquement d’un étudiant boursier à son obligation d’assiduité.

Il faut maintenant aller plus loin en conduisant une négociation avec l’ensemble des universités permettant de définir, dans un plein consensus, un « socle » minimum de contrôles d’assiduité applicables partout sur le territoire.

Ils pourraient être par exemple, fondés sur une note moyenne minimale obtenue aux examens ou au contrôle continu et/ou sur l’obtention de seuils minima d’ECTS pendant une durée donnée. Ces contrôles devraient bien entendu tenir compte des aménagements d’horaires adéquats à l’attention des étudiants contraints de travailler pour financer leurs études.

L’attribution des aides directes figure au cœur des compétences du réseau des CROUS. Héritiers des mouvements d’entraide étudiante, ils se sont développés à partir de la création des premiers foyers et restaurants universitaires dès 1919 et mis en place par la loi du 16 avril 1955 en vue d’améliorer et d’homogénéiser les conditions de vie étudiante.

Le réseau des CROUS fédère 28 établissements publics à caractère administratif, dont la présidence du conseil d’administration est assurée par le recteur d’académie.

Ils se concentrent sur trois activités principales : l’attribution des aides directes (bourses et aides d’urgence), le logement (plus de 180 000 lits) et la restauration (environ 800 restaurants et cafétérias).

À côté de ces champs d’action, qui mobilisent l’essentiel de leurs ressources, ils assurent des services d’action sociale et de soutien aux initiatives culturelles étudiantes, en interaction avec les établissements d’enseignement supérieur. Ils ont également assumé jusqu’en 2012 la gestion des boursiers des gouvernements français et étrangers désormais assumée par Campus France.

Cette prise en charge des services aux étudiants par des établissements publics nationaux est originale en Europe, ne s’imposant à nos frontières qu’en Allemagne (où toutefois la compétence appartient aux Länder). La vie étudiante relève en effet très généralement des universités (avec le modèle anglo-saxon, fondée sur une approche de services commerciaux) ou des individus eux-mêmes, relayés par les associations étudiantes (comme en Scandinavie).

Le réseau emploie près de 13 000 agents en équivalent temps plein (ETP) dont trois quarts de personnels ouvriers contractuels de droit public affectés à l’hébergement et à la restauration. L’organisation est identique dans tous les CROUS : gestion en régie directe pour l’hébergement et la restauration, gestion administrative pour les bourses dans une logique de prestation sociale.

À côté de la gestion des bourses sur critères sociaux (2 milliards d’euros) délégués directement aux recteurs et ne transitant donc pas par leurs budgets, les CROUS dépensent chaque année 1,2 milliard d’euros, dont 200 millions consacrés aux investissements.

Leurs recettes résultent pour 700 millions d’euros de ressources propres issues des activités d’hébergement et de restauration et entre 400 et 500 millions d’euros de dotations budgétaires de l’État.

La structuration en 28 centres régionaux autonomes exige un pilotage garantissant une pleine égalité d’accès aux services partout sur le territoire de la République. À cette fin, le Centre national des œuvres universitaires (CNOUS) joue un rôle de tête de réseau à l’égard des établissements. Il répartit la subvention de fonctionnement et d’investissement entre les CROUS, il assure le contrôle budgétaire et comptable et le contrôle de gestion. Il fournit également toute assistance utile aux établissements en difficulté.

Le nouveau décret n° 2016-1042 du 29 juillet 2016 relatif aux missions et à l’organisation des œuvres universitaires a très opportunément clarifié le positionnement du CNOUS vis-à-vis des CROUS. Il a mieux assis les missions de pilotage et de contrôle qu’il exerce depuis de nombreuses années. Il lui a parallèlement donné les leviers nécessaires à l’exercice de ces missions.

Ce pilotage renforcé prévoit ainsi expressément une étude attentive des stratégies pluriannuelles des CROUS, passant par l’analyse « des plans d’investissement des centres régionaux et leurs conventions immobilières à caractère financier ». Il affirme l’ambition de promouvoir une équité territoriale, en encourageant partout « la création de [tous les] services de nature à satisfaire les besoins des étudiants » et en veillant « à une allocation des ressources budgétaires et financières aux centres régionaux au regard notamment de la trésorerie de chaque établissement du réseau ». Il lui donne la possibilité d’une puissante mutualisation des moyens, avec notamment la faculté, « dans les conditions prévues par le code des marchés publics, de constituer une centrale d’achats chargée de passer des marchés publics » pour le compte des CROUS.

Dans cette logique, de nouveaux critères de répartition de la subvention de fonctionnement, versée par l’État au CNOUS pour être ensuite répartie dans chacun des centres, sont utilisés depuis 2014.

Pour le secteur non marchand, la subvention est calculée en fonction du nombre total d’étudiants dans l’académie et de la part représentée par les boursiers sur critères sociaux. Elle prend désormais aussi en compte la qualité et l’intensité des actions conduites afin de faciliter l’accès au logement et à l’emploi temporaire des étudiants et afin d’entretenir le dynamisme de la vie de campus, évaluées selon des indicateurs de gestion et de performance définis dans un large consensus en 2014.

De même, pour les secteurs restauration et hébergement, sont pris en compte non seulement le besoin de financement des CROUS mais aussi leur performance, mesurée à partir de la valeur ajoutée et de la productivité pour la restauration et du taux d’occupation financier pour l’hébergement.

De l’application des critères découle une subvention théorique permettant à chaque CROUS de se situer par rapport à la moyenne nationale et d’identifier ses marges de progression.

Afin d’éviter des variations trop importantes des subventions, un lissage des dotations est régulièrement effectué à partir des résultats du dialogue de gestion conduit entre chaque CROUS et le CNOUS. Il permet de prendre en compte la spécificité de certains défis, telle que la situation ultramarine ou l’existence d’un redressement structurel induit par des difficultés financières pérennes. Ainsi par exemple, en fin de gestion de l’année 2015, 6 CROUS rencontrant des difficultés financières ont bénéficié d’une subvention complémentaire (Amiens, Antilles-Guyane, Besançon, Corte, Limoges, Rennes) dont le montant cumulé n’a pas dépassé 1,6 million d’euros. Ce type d’opérations demeurera sans doute longtemps nécessaire en raison de la disparité des moyens des CROUS, avec quelques établissements dans une situation financière satisfaisante et d’autres sans aucune capacité d’autofinancement.

En cohérence, les subventions d’investissement attribuées par le CNOUS assurent, elles aussi, un équilibrage au profit en particulier des opérations déjà lancées dans des CROUS à trésorerie faible.

Dans ce contexte, la rapporteure pour avis se félicite de l’augmentation significative des dotations de fonctionnement accordées par l’État en loi de finances initiale pour 2017, pour un montant de 427,2 millions d’euros. Cela tempère la diminution de 2016 (369 millions d’euros de crédits de paiement contre 402,3 en 2015), qui a nécessité la mobilisation d’une partie des réserves de trésorerie de certains CROUS.

Ce rétablissement de moyens se conjugue à la fin de pratiques indignes, telle que la sous-estimation systématique des besoins induits par les bourses étudiantes qui obligeaient certains CROUS à interrompre les versements en décembre dans l’attente d’une majoration des crédits en fin d’exercice.

Dans cet esprit de responsabilité et de loyauté budgétaire, on constate également que la subvention de l’État aux CROUS est majorée de 6 millions d’euros dans le projet de loi de finances initiales pour 2017 pour financer la revalorisation du point d’indice et l’application des mesures agréées dans les parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR).

Dans ce contexte de responsabilité budgétaire, il faut saluer les remarquables efforts de qualité, de réactivité et de productivité accomplis par le réseau. Il est parvenu à assurer le service de bourses en dépit d’effectifs globalement stables ou en baisse dans certains CROUS, alors même que le rythme annuel d’accroissement des demandes, logiquement stimulées par l’élargissement des aides, est désormais de 5,5 %.

Mieux, la généralisation et la dématérialisation du Dossier Social Étudiant (DSE) ont permis son extension à 1,08 million d’étudiants (dont presque 700 000 bénéficiaires de bourses) et offert des souplesses de gestion sans commune mesure avec ce qui existait auparavant.

En pratique, ces changements ont considérablement amélioré la qualité et la régularité du versement des aides, désormais partout assuré sur dix mois, dès septembre. Il est maintenu pendant les vacances universitaires de juillet et août pour certains étudiants, en particulier ceux qui étudient en métropole alors que leurs parents résident en outre-mer.

La mise en place du DSE s’est accompagnée à partir de 2008, de la mensualisation du versement des bourses, tandis que le traitement des demandes s’améliorait continûment grâce à la convergence des logiciels de gestion des CROUS et des établissements d’enseignement supérieur.

Sa dématérialisation dans l’ensemble des académies, effective depuis janvier 2014, a permis de simplifier et d’optimiser le traitement des dossiers. Il facilite également la relation avec l’étudiant, en réduisant les temps de réponse de façon significative. Le taux de réponse immédiate aux appels téléphoniques est ainsi, par exemple, passé de 23 % à 85 % en cinq années.

Lors de son audition, le président du CNOUS a pu démontrer que les CROUS sont désormais en mesure de garantir le versement des bourses en septembre à tous les étudiants qui ont fait leur demande avant le 31 mai et sous réserve que leur dossier soit complet.

La cause principale des éventuels retards de paiement résulte des très inégales performances des universités dans la notification rapide des inscriptions. Par ailleurs, les étudiants en réinscription n’ont pas toujours conscience que leur réinscription tardive impacte le déclenchement du paiement de leur bourse.

La rapporteure pour avis appelle à un réel effort de communication et d’homogénéisation qui devra être encouragé au cours des différentes vagues de certification conduites par le ministère de l’Enseignement supérieur.

Ces progrès doivent beaucoup à la mutualisation de la gestion des bourses entre les CROUS. Par exemple, les trois CROUS franciliens disposent maintenant d’une plateforme commune d’instruction et de traitement des dossiers de demandes de bourses, tandis que d’autres CROUS s’engagent dans la mutualisation du traitement des messages électroniques ou de la réponse aux appels téléphoniques des étudiants, à l’image de la plateforme téléphonique mutualisée entre les CROUS de Lyon, Grenoble et Clermont-Ferrand.

Ces performances ont permis aux CROUS d’absorber, là encore à moyens constants, la gestion de l’ensemble des bourses versées par le ministère de la culture (soit 15 000 étudiants) en 2008 puis celles du ministère de l’agriculture (presque 10 000 étudiants supplémentaires) en 2015, pour le plus grand bénéfice des étudiants concernés. En effet, les représentants du ministère de l’agriculture ont indiqué combien l’accélération des délais de traitement, le versement dès septembre et de manière mensuelle, la lisibilité pour les familles et la meilleure prise en compte des étudiants par les CROUS avec lesquels un lien direct a été créé, ont représenté un réel progrès.

L’efficacité des CROUS dans la gestion des bourses, tout comme l’attente exprimée par les étudiants plaident aux yeux de la rapporteure pour avis pour que l’ensemble des aides directes versées aux étudiants soient gérées par les CROUS.

Sont en particulier concernées les formations sanitaires et sociales qui offrent des bourses sous condition de ressources allouées par les régions. Le nombre de jeunes intéressés, issus d’ailleurs de milieux familiaux globalement moins favorisés que les moyennes nationales (45 % de boursiers parmi les 152 000 étudiants), milite pour une telle démarche de lisibilité, d’homogénéité nationale et d’efficacité dans la gestion des aides.

L’expérimentation de cette gestion par le CROUS de Caen au service de la région Normandie apparaît à cet égard prometteuse. Lors de leur audition, les représentants de ce CROUS ont ainsi relevé le haut degré de satisfaction des étudiants des formations sanitaires et sociales s’agissant de la rapidité, la simplicité, la régularité et la réactivité du paiement de leurs bourses régionales ainsi que les nets gains de productivité induit par cette délégation de gestion. Ils ont indiqué que la maîtrise légitime par la région de la définition et des modalités d’attribution des bourses ne posait pas de difficultés particulières, remarquant notamment que leur intervention ne faisait aucunement obstacle à l’identification de la collectivité comme prestataire des bourses, grâce en particulier à la jonction d’une lettre de son président aux documents adressés aux bénéficiaires. Il est vrai que le choix de la région Normandie d’aligner les montants versés sur le droit commun de l’enseignement supérieur facilite leur intervention. De surcroît, l’intervention des CROUS arrime ces jeunes à l’ensemble des autres services étudiants dont ils demeuraient globalement exclus auparavant.

Cette logique vertueuse de mutualisation des compétences par un opérateur clairement identifié par les étudiants et disposant, grâce au DSE, d’une infrastructure technique performante, pourrait très utilement être étendue à la plupart des autres aides directes proposées par les collectivités territoriales. Les réflexions prometteuses engagées par la région Île-de-France pour confier aux CROUS la gestion des aides au mérite qu’elle a mis en place en témoignent.

Une telle démarche pourrait aussi être envisagée pour l’aide à la mobilité internationale, destinée aux étudiants qui suivent une formation supérieure ou effectuent un stage à l’étranger. Elle est accordée aux étudiants boursiers ou bénéficiaires d’une aide spécifique annuelle.

Aujourd’hui cette aide fait l’objet d’un contingent annuel. Elle est attribuée aux établissements d’enseignement supérieur engagés dans une procédure de contractualisation avec le ministère chargé de l’enseignement supérieur, qui sélectionnent les bénéficiaires de cette aide parmi leurs étudiants. Accordée pour une période de deux à neuf mois, son montant mensuel ne dépasse pas 400 euros.

La relative modicité des montants au regard des coûts inhérents aux études à l’étranger et leur attribution très déconcentrée qui peut conduire à des situations extrêmement différentes selon les établissements d’enseignement tendent à limiter le nombre des bénéficiaires, qui ne sont que 13 829, soit 24 % des 57 015 étudiants ayant effectué un séjour à l’étranger en 2015. Cette modération entre en contradiction avec l’ambition d’élargir le vivier d’étudiants en mobilité et surtout, la volonté d’encourager les déplacements des étudiants issus des familles les plus modestes qui demeurent manifestement sous-représentés parmi les jeunes étudiant à l’étranger. La rapporteure pour avis estime donc opportun de réfléchir à la possibilité de renforcer les montants de ces aides et de mieux associer les CROUS à leurs gestions.

Cela explique d’ailleurs pourquoi la gestion de l’Aide à la Recherche du Premier Emploi (ARPE) issue de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, qui consiste en une aide financière de 100 à 550 euros par mois dans la limite de quatre mois maximum, a été confiée aux CROUS.

À côté de cette mission essentielle, les CROUS jouent un rôle important, bien que déclinant, dans la fourniture de logements aux étudiants.

Si l’on est loin avec 7 % des étudiants logés par les CROUS en 2015 des 35 % en 1965, le parc universitaire demeure un élément important d’équité et d’égalité territoriale.

Il est vrai que le réseau a dû faire face aux cours des dernières décennies à de fortes concurrences, parfois même singulièrement avantagées à son égard.

À côté des bailleurs sociaux qui interviennent eux aussi dans le logement étudiant, avec près de 3 000 logements dédiés construits chaque année depuis 2007 s’ajoutant au parc du CROUS, interviennent partout en France des résidences privées qui bénéficient de dispositifs de défiscalisation très favorables, parmi lesquels le dispositif « Censi-Bouvard ». Ces acteurs interviennent d’autant plus aisément qu’ils ne sont bien sûr astreints à aucune obligation de construction dans les zones déficitaires en logement, où se déploie l’essentiel – et le plus coûteux – des efforts des CROUS, et qu’ils peuvent mieux diversifier leur public pour rentabiliser leurs offres (absence de tarifs sociaux, accueil temporaire de non étudiants pendant les congés, etc.), tout en disposant du filet de sécurité que constituent les allocations logement dont bénéficient presque tous leurs étudiants.

Les logements du CROUS, attribués sous condition de ressources, doivent quant à eux, respecter des tarifs sociaux. Si les boursiers représentent en moyenne 60 % des étudiants logés, sont aussi accueillis, pour 15 %, des étudiants non boursiers aux ressources modestes et 25 % d’étudiants étrangers. En outre, les taux d’occupation des logements étudiants gérés par les CROUS sont plus faibles que ceux des autres logements sociaux, en raison du caractère saisonnier de l’année universitaire, et tendent à se dégrader avec les nouveaux rythmes universitaires induits par la semestrialisation des études qui réduisent la présence des étudiants dès le mois de mai, où se concentrent examens et stages. Enfin, l’implantation équilibrée sur le territoire induit des problématiques très différentes selon que :

– les logements sont situés dans des zones denses où la demande est tendue mais où le foncier est extrêmement cher et donc reporte nécessairement l’horizon de la rentabilisation des opérations de construction ;

– qu’ils sont situés dans des villes moyennes où les CROUS sont parfois confrontés à la difficulté de remplir leurs bâtiments lorsque les tarifs proposés sont proches de ceux du marché locatif privé, dans lequel les loyers des petites surfaces ont beaucoup décliné.

Dans ce contexte, un premier défi est de faire évoluer la répartition des logements du CROUS sur les territoires et de la rapprocher de la démographie étudiante. Les plus grands pôles universitaires accusent en effet les déficits d’offre en logements étudiants les plus importants. Ainsi, le CROUS de Paris disposait en 2014 d’une offre de logement d’environ 5 500 places, proche de celle du CROUS de Rouen, qui accueille six fois moins d’étudiants. De même, le nombre de logements disponibles dans l’académie de Créteil (4 500 places) qui accueille la plus forte proportion d’étudiants défavorisés, est proche de celui des académies de Caen ou Poitiers. Les académies fortement déficitaires restent celles de Paris, Créteil, Lyon et Lille.

Après la relative déception du plan Anciaux en 2004 qui n’a pas atteint ses objectifs (avec seulement 2 637 places créées chaque année et 5 055 réhabilités contre 5 000 et 7 000 attendus), les CROUS ont mieux participé à la réalisation du plan ambitieux de relance des constructions de logements étudiants de 42 500 nouvelles places sur cinq ans, prioritairement à proximité des zones urbaines où le déséquilibre entre offre et demande de logements est le plus marqué.

On rappellera en effet qu’à la suite d’une mission confiée en 2013 à M. Marc Prévôt, ancien inspecteur général de l’administration du développement durable, qui a mobilisé partout en France les préfets de région, les recteurs d’académie et les collectivités territoriales, des sites prioritaires ont été identifiés et de grandes opérations de construction de logement social étudiant ont été lancées. La mise en place d’une instance de pilotage dédiée, sous la présidence des préfets de région et des recteurs d’académie, a garanti tout au long du processus une mobilisation efficace des acteurs.

Trois contingents ont été pris en compte pour le calcul du nombre de places créées : les logements construits ou gérés par les CROUS, les logements construits par les organismes HLM et gérés en régie ou par des associations et les logements conventionnés à loyer plafonné construits par des opérateurs privés. Ces opérations bénéficient dans une large mesure des prêts aidés de l’État, tels que le prêt locatif social et le prêt locatif à usage social. Les collectivités territoriales peuvent apporter leur concours sur le foncier ou sur le financement des opérations.

Dans ce cadre, 42 607 places nouvelles ont été créées entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017, dont près de la moitié (20 689) en Île-de-France et globalement 36 337 dans les onze académies où les besoins sont les plus criants (Aix-Marseille, Bordeaux, Créteil, Lille, Lyon, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Toulouse et Versailles). Selon la dernière actualisation du tableau de bord national effectuée le 31 mars 2016, 20 496 places ont d’ores et déjà livrées. On observe ainsi une nette accélération des constructions annuelles (6 388 en 2013, 5 267 en 2014 et 8 911 en 2015), qui exigera toutefois le relais d’un effort porté à plus de 10 000 places en 2016 et 2017 pour garantir l’achèvement du projet. La contribution des CROUS s’est révélée précieuse mais difficile à assumer par un réseau aux moyens peu dynamiques, avec près de 3 000 logements construits chaque année, presque exclusivement dans les zones tendues.

Pour apprécier l’ampleur de l’aide apportée par la présente majorité au logement des étudiants, il importe aussi de mentionner la généralisation à la rentrée universitaire 2014-2015 de la caution locative étudiante (CLE), elle aussi confiée aux CROUS. Cette aide permet aux étudiants dépourvus de garant personnel, dont le nombre est en nette augmentation pour s’approcher désormais, selon l’OVE, du cinquième des étudiants, d’accéder à un logement dans le parc locatif privé. Il apparaît cependant que ce dispositif très innovant connaît une mise en œuvre encore trop modeste, liée sans doute à sa méconnaissance par les étudiants et par les bailleurs privés ; en effet seules 10 000 cautions ont été validées à ce jour, dont la moitié concerne des locations encore en cours.

Dès lors que les objectifs quantitatifs qui lui étaient assignés sont en passe d’être atteints, le CNOUS s’attache désormais à consentir un effort plus qualitatif, prenant acte des évolutions des attentes étudiantes qui mettent à mal le traditionnel modèle de la chambre monofonctionnelle de 9m². Au cours de son audition, le président du CNOUS a ainsi fait part de sa volonté de veiller à prendre en compte les nouveaux besoins et à adapter l’offre existante à ces nouveaux défis.

En dépit des tensions induites par cette relance de constructions et réaménagements, l’équilibre financier de l’activité logement des CROUS s’est continûment rétabli, porté par un chiffre d’affaires qui a progressé d’un tiers entre 2008 et 2015, pour atteindre 459 millions d’euros. Cela témoigne d’une bien meilleure couverture des dépenses par les ressources propres, en dépit d’aides personnelles et d’indices de révision des loyers qui ont globalement peu progressé. Seuls six CROUS accusent désormais un léger déficit sur cette section du budget.

La restauration est elle aussi une activité en mutation intense imposée par les évolutions des habitudes étudiantes, qui pèse souvent dans les difficultés financières que rencontrent certains CROUS.

Les restaurants universitaires sont ouverts à tous les étudiants au prix national préservé à 3,25 euros en 2015/2016 et 2016/2017. Ils se heurtent aux nouvelles dynamiques de croissance étudiante qui néglige de plus en plus les villes moyennes généralement bien dotées en restaurant universitaire, à la préférence croissante des étudiants pour la restauration rapide au détriment du repas classique et à la modification des rythmes universitaires qui réduisent très fortement la fréquentation des établissements dès le printemps.

La part prise par ces activités dans les budgets des CROUS s’est en conséquence considérablement repliée, de 36 à 30 % du chiffre d’affaires. On constate cependant là encore, un effort déterminé pour pallier cette désaffection grâce à la diversification de l’offre au profit de modes de restauration plus rapides et diversifiées. La mutualisation des structures de restauration avec d’autres acteurs publics, de plus en plus pratiquée, constitue une autre opportunité intéressante pour compenser les coûts fixes inhérents à cette activité.

CONCLUSION

La démocratisation de notre enseignement supérieur demande un effort de la Nation. En effet, pour permettre à tous d’accéder aux études supérieures, il est nécessaire que la solidarité nationale prenne le relais des familles ne pouvant soutenir l’effort financier inhérent à ces études.

Il est donc plus indispensable que jamais de maintenir le système des bourses, la réussite des études étant fortement compromise lorsque l’impératif de subvenir à ses besoins devient trop pressant.

Le choix français d’un dispositif fort et concentré sur une fraction importante des familles les moins aisées répond globalement aux attentes. Il faut cependant convenir que cette volonté d’aider les plus modestes peut être contrariée par les autres aides publiques qui complètent ce dispositif, en particulier les aides au logement et les avantages fiscaux aux foyers qui rattachent leurs enfants étudiants.

Toutefois la philosophie des bourses est fortement marquée par une organisation des études supérieures héritées du XXe siècle, où les études se font dans l’immense majorité des cas une fois pour toute, immédiatement après le baccalauréat.

Or étudier efficacement au XXIe siècle impliquera des changements importants, en allant vers un système souple d’alternance entre les études, le travail, le retour en formation… Cela suppose que tout ne soit pas joué à 25 ans, et que chacun puisse trouver de nouvelles chances pour évoluer dans son métier.

De ces exigences découlent de nombreuses conséquences pour penser l’avenir des bourses. Elles imposent de mieux reconnaître les situations particulières de chacun, en prenant en particulier en compte les réalités territoriales ou les situations familiales contemporaines (parents divorcés, familles recomposées, etc.).

Elles introduisent un nouveau rapport au temps de formation, s’émancipant d’une logique rigide en semestres et années complètes pour avancer vers des blocs d’études, capitalisés selon des rythmes différenciés. Elles imposent une vraie fusion entre formation initiale et continue, intégrant efficacement la validation des acquis de l’expérience.

Ces logiques mettent manifestement en cause les critères principaux des bourses (l’âge limite, le revenu des parents, etc.) et posent la question de leur universalité. Elles bousculent une conception française des études, toujours appréhendées comme un « TGV » où le jeune adulte doit aller le plus vite possible vers le niveau le plus prestigieux d’études avant que tout ne soit figé. Une formation pertinente appelle une logique d’étapes, plus ou moins longues et fréquentes, permettant à chacun de progresser tout au long de la vie.

C’est pourquoi il faut ouvrir sans tarder la réflexion sur une organisation de l’aide aux études qui comprendrait des encouragements à la formation non seulement initiale mais aussi continue. On pourrait ainsi opportunément avancer, dans la voie ouverte par le compte individuel de formation, vers un stock de droits (ou d’années) à formation, pour chaque personne, qui pourraient être utilisés en début de formation et/ou tout au long de la vie professionnelle.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède à l’examen des rapports pour avis de M. Vincent Ledoux (Recherche) et Mme Valérie Corre (Enseignement supérieur et vie étudiante) sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », lors de sa première séance du mercredi 19 octobre 2016.

M. le président Patrick Bloche. Le travail de la Commission sur les missions budgétaires qui relèvent de sa compétence s’organisera en deux temps : une présentation de la partie thématique des avis budgétaires en commission, puis un examen des crédits de la mission en commission élargie, en présence du ou de la ministre.

M. Vincent Ledoux, rapporteur pour avis sur les crédits de la recherche. Puisque nous examinerons les crédits en commission élargie, je mettrai l’accent sur le portage politique de deux sujets éminemment importants.

Alors que le Président Obama reçoit son conseiller à la recherche tous les vendredis, que la Chancelière Angela Merkel préside le board de la stratégie High Tech, qui définit la politique allemande de recherche et développement, et que le Premier ministre du Japon a l’obligation – inscrite dans la Constitution – de présider la réunion mensuelle du Conseil de la recherche, on ne peut pas dire que la recherche française bénéficie du même portage politique. Cette situation est particulièrement notable dans les deux pathologies à travers lesquelles j’ai décidé d’analyser, cette année, les crédits de la mission « Recherche », qui me semblent constituer des enjeux majeurs de santé publique pour les décennies à venir : la maladie d’Alzheimer et le diabète.

La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative, qui touche principalement des sujets âgés et conduit à une dégradation des fonctions cognitives et à une très forte dépendance sociale. Longtemps considérée comme une caractéristique « normale » du vieillissement, cette maladie découverte au début du XXe siècle est aujourd’hui analysée comme une pathologie à part entière. Elle touche actuellement 900 000 personnes en France, et 3 millions de personnes si l’on considère le rôle primordial que jouent les aidants et leurs familles, qui sont fortement impactées. Or ce chiffre devrait doubler d’ici à 2050. Un chercheur me signalait que, dans le monde, toutes les trois secondes, une personne est atteinte d’une maladie neurodégénérative. C’est un véritable fléau.

Le diabète est, quant à lui, une maladie métabolique aux conséquences extrêmement graves puisqu’il peut conduire à des problèmes cardiaques, à des accidents vasculaires cérébraux, à de l’insuffisance rénale et à la cécité. Il touche aujourd’hui 3,6 millions de personnes en France et va assurément devenir une véritable pandémie dans les années à venir. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le diabète sera la septième cause de décès dans le monde en 2030.

Si j’insiste sur la dimension mondiale de ces maladies, c’est que nous ne sommes pas loin, par la Méditerranée, des côtes de l’Afrique, notamment subsaharienne, où l’on voit déjà s’opérer la hiérarchie des maladies, des maladies infectieuses aux maladies chroniques, parmi lesquelles sont repérés le diabète et la maladie d’Alzheimer. Ce qui frappe aujourd’hui des sociétés extrêmement jeunes et dynamiques nous concernera inévitablement un jour, compte tenu de la proximité géographique que j’évoquais. Il s’agit d’une cause mondiale qui nous concerne tous. Ce n’est pas qu’un problème franco-français.

Eu égard au coût économique et social que représentent ces deux pathologies, un effort de recherche conséquent a été consenti au cours des deux dernières décennies.

Le diabète, s’il n’a pas fait, en tant que tel, l’objet d’un plan gouvernemental depuis 2001, a bénéficié de crédits issus du Programme d’investissements d’avenir (PIA) dont tous les chercheurs ont souhaité souligner la qualité. Il existe notamment un laboratoire d’excellence (LABEX) spécialisé dans la génétique du diabète, l’Institut européen de génomique du diabète (EGID), et trois autres qui portent sur des sujets de recherche plus transversaux, ainsi que deux équipements d’excellence (EQUIPEX). Au total, ce sont une quarantaine d’équipes de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et 170 chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) qui travaillent sur ce sujet.

Je voudrais également mettre l’accent sur l’excellence de la recherche française. La France est au dixième rang mondial en termes de publications ; l’Inserm et l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) sont parmi les meilleurs organismes de recherche sur le sujet. Deux chercheurs d’EGID ont récemment reçu des bourses individuelles, extrêmement prestigieuses, du Conseil européen de la Recherche. La France compte peu d’équipes dans ce domaine, mais elles sont tout à fait remarquables. C’est pourquoi cet effort de recherche doit absolument être poursuivi, notamment dans le domaine de la recherche clinique et de la recherche en santé publique, afin de mieux prévenir, diagnostiquer et traiter la maladie. Sans même évoquer l’attribution de moyens supplémentaires, il me semble qu’il faudrait accéder aux demandes récurrentes des associations dans ce domaine et faire du diabète une grande cause nationale. En effet, cette pathologie est encore trop méconnue du grand public et vécue comme honteuse, puisque souvent liée à des problèmes d’hygiène de vie ou de rapport au sport. Cela constitue un frein psychologique important à la recherche clinique dans ce domaine.

La maladie d’Alzheimer, à l’inverse, fait l’objet de plans gouvernementaux depuis plusieurs années, qui ont permis des avancées notables dans la compréhension de la pathologie. Ce sont ces plans qui ont permis à la France de se hisser au huitième rang mondial en ce qui concerne les publications sur la maladie d’Alzheimer, avec 5 % de la production mondiale et deux établissements en pointe sur le sujet, l’Inserm et le CNRS.

Deux facteurs ont présidé à l’efficacité de ces plans : l’octroi de crédits supplémentaires et le portage de ces plans à un très haut niveau politique. Tous les chercheurs ont mentionné la nécessité, lorsqu’on voulait faire émerger une cause, de la porter au plus haut niveau, garantie d’une absolue transversalité et d’un rapport étroit entre tous les domaines concernés par le sujet. Or le plan récemment annoncé par le Gouvernement semble pâtir d’une certaine faiblesse à cet égard : aucun crédit supplémentaire en faveur de la recherche n’a été annoncé, et le portage politique semble se situer au niveau des cabinets ministériels et non des ministres eux-mêmes.

Par ailleurs, ce plan n’est pas consacré à la maladie d’Alzheimer, mais à l’ensemble des maladies neurodégénératives. Si l’on comprend bien la volonté de répondre à la demande des familles, il n’en reste pas moins que cela risque de conduire à un saupoudrage des moyens. Le risque est également que la France perde l’avance acquise dans ce domaine, dans la compétition internationale. Je crains que ce plan ne fasse pas le poids face aux Américains et aux Anglais : la candidate à l’élection présidentielle américaine Hillary Clinton a annoncé un financement annuel à hauteur de 2 milliards de dollars, tandis que le Royaume-Uni crée un Institut de recherche sur les démences.

Par ailleurs, si la maladie d’Alzheimer a bénéficié, comme le diabète, de fonds issus du PIA, les chercheurs que j’ai entendus ont exprimé des craintes face à l’avenir. Ils ont besoin de financements pérennes, sur le moyen terme, pour pouvoir mener à bien leurs recherches. En outre, la tendance actuelle à exiger l’application immédiate aux patients dans la rédaction des appels à projet prive la recherche sur la maladie d’Alzheimer de financements, car la recherche sur cette pathologie n’en est pas encore là.

Il importe donc de soutenir sur le long terme les 280 équipes du CNRS et de l’Inserm qui travaillent sur les maladies neurodégénératives, et d’abonder le programme d’investissements d’avenir pour continuer à financer les trois LABEX, les trois EQUIPEX et l’Institut hospitalo-universitaire des neurosciences translationnelles de Paris, qui conduisent des projets de recherche sur la maladie d’Alzheimer.

Il apparaît également nécessaire d’entamer une réflexion au plus haut niveau de l’État sur les méthodes de recherche aujourd’hui accessibles à ces chercheurs. Tous ont souligné les difficultés à obtenir, en France, des autorisations pour effectuer des biopsies humaines, en particulier du muscle, dans des délais raisonnables, ce qui fait que les chercheurs ont tendance à aller chercher en Europe, notamment en Allemagne ou aux Pays-Bas, ce qu’ils n’ont pas immédiatement dans notre pays.

De la même façon, il va falloir investir dans des méthodes d’expérimentation alternatives à l’expérimentation animale, qui est de plus en plus difficilement tolérée par la société et qui n’est pas toujours adaptée aux pathologies étudiées, comme c’est le cas pour la maladie d’Alzheimer. L’espérance de vie de la souris ou son cerveau, par exemple, ne sont pas comparables à ceux de l’homme.

Il faut aussi encourager les patients à participer à des essais thérapeutiques, qui manquent cruellement à la recherche française sur le diabète. En Australie et en Grande-Bretagne, des centres spécialisés accueillent, par exemple, les patients pris en charge dans le cadre d’un essai clinique.

En outre, il me semble indispensable de prendre des mesures rapides visant à doter la recherche française de bio-informaticiens de haut niveau, car ceux-ci sont aujourd’hui trop peu nombreux en France. Les élus engagés dans les exécutifs territoriaux, comme les régions, devraient travailler à faire émerger ces filières, qui sont extrêmement importantes. Nous avons des biologistes, nous avons des informaticiens, mais le croisement entre les deux domaines, en termes de spécialité, nous fait cruellement défaut.

De façon générale, cet avis budgétaire constitue l’occasion de souligner, encore une fois, les problèmes en matière de ressources humaines rencontrés par les organismes de recherche. Qu’il s’agisse des doctorants intégrés aux équipes de recherche, qui peinent à achever leur thèse dans le délai de trois ans désormais imposé par toutes les universités françaises, ou de ceux que l’on appelle les « post-doc », qui ne peuvent pas passer plus de cinq ans dans le même organisme et sont donc contraints à la précarité, faute d’être titularisés, le monde de la recherche perd, dans ce renouvellement perpétuel des effectifs, à la fois une énergie considérable et des capitaux.

Au final, la situation des jeunes chercheurs, aujourd’hui très problématique, mériterait de faire l’objet d’une réflexion plus poussée dans le cadre des travaux de notre commission.

Mme Valérie Corre, rapporteure pour avis sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. Depuis trente ans, la proportion de la classe d’âge diplômée dans l’enseignement supérieur est passée de 20 % à 44 %. S’il faut s’en réjouir, cette démocratisation demande un réel effort de la nation. Pour garantir à tous les étudiants, notamment ceux issus des catégories sociales modestes, des conditions d’études équitables et satisfaisantes, la solidarité nationale doit prendre le relais des familles ne pouvant soutenir l’effort financier inhérent à ces études.

Pour ce faire, notre pays s’est doté d’un dispositif original d’aide aux études, qui conjugue de faibles frais de scolarité et des bourses, certes conditionnées aux ressources, mais couvrant un nombre très étendu d’étudiants. La bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux complète l’aide de la famille mais n’a pas vocation à remplacer l’obligation alimentaire à la charge des parents.

Dès la rentrée 2013, pour répondre à ce défi de démocratisation, en cohérence avec notre volonté d’accompagner les plus modestes dans leur parcours dans le supérieur, notre majorité a engagé la réforme des bourses étudiantes la plus volontariste jamais entreprise depuis leur création. Dans mon rapport pour avis, j’ai choisi d’approfondir le sujet des bourses d’enseignement supérieur en dressant un premier bilan des progrès accomplis et en dessinant les grandes perspectives pouvant renforcer, à l’avenir, ce dispositif décisif en termes d’égalité des chances.

La réforme que nous avons portée en 2013 reposait sur deux constats de défaillances du dispositif alors en vigueur.

Premier constat, la réussite des étudiants dont les familles disposaient de revenus proches des seuils d’accès aux bourses était compromise par les tensions financières. Selon un rapport des inspections générales des finances et de l’éducation nationale, les étudiants issus des classes moyennes, qui ne bénéficiaient alors que d’une exonération des droits d’inscription, étaient ceux qui travaillaient le plus à côté de leurs études et sur les durées les plus longues. Le recours à l’emploi est d’autant plus fort qu’il s’impose pour pouvoir financer ses études, ce qui n’est pas sans poser question. Il ressort de toutes les auditions que nous avons menées qu’un emploi régulier, surtout s’il est exercé plus de seize heures par semaine et qu’il est dépourvu de lien avec les études, réduit très significativement la probabilité de réussite aux examens universitaires.

Deuxième constat, le montant des bourses de l’échelon 6, soit l’échelon maximal dont bénéficiaient les étudiants les plus défavorisés, était de plus en plus insuffisant pour leur permettre de suivre leurs études dans des conditions satisfaisantes. Il est intéressant de remarquer que ces étudiants se trouvaient dans une situation d’autant plus difficile qu’ils étaient, par rapport à leurs camarades, les moins enclins à travailler à côté de leurs études, pour deux raisons principales : le réseau professionnel moins étendu de leurs parents et la volonté de se consacrer à 100 % à la réussite de leurs études perçues comme l’instrument décisif de la promotion sociale.

La réforme de 2013 ciblait donc ces deux populations. Pour les premiers, un nouvel échelon 0 bis a été créé, permettant progressivement à 200 000 nouveaux étudiants de bénéficier d’une aide de 1 009 euros par an. Ainsi, tous les échelons de bourses sont désormais rémunérateurs. Pour les seconds, un nouvel échelon 7 a permis à 43 000 étudiants de bénéficier d’une bourse, augmentée de près de 1 000 euros par rapport à l’échelon 6, pour atteindre 5 550 euros par an. Au total, le nombre de boursiers a augmenté de près de 40 % et l’aide moyenne de 25 % entre 2009 et 2015.

À côté de ces bourses sur critères sociaux, les aides spécifiques accordées par les Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) ont également été renforcées. Ces aides ont vocation à accompagner les étudiants qui rencontrent des difficultés particulières auxquelles ne peut pas répondre le système des bourses. Les trois quarts de ces aides sont annuelles. Elles sont passées de 3 000 à 5 500 allocations attribuables chaque année. Elles permettent d’aider les étudiants qui n’entrent pas dans le schéma classique des bourses. C’est le cas, par exemple, des ruptures familiales ou d’indépendance avérée, qui connaissent une vive croissance, de 5 % par an.

Le dernier quart de ces aides est ponctuel. Elles permettent de répondre en urgence à des besoins alimentaires, de logement ou de santé. D’après les données de l’Observatoire de la vie étudiante, les bourses fonctionnent comme un véritable bouclier permettant à leurs bénéficiaires de connaître des taux de réussite supérieurs de 10 à 15 points par rapport aux étudiants en difficulté financière non aidés.

Pour autant, il ne faut pas en déduire que l’action de l’État en direction des étudiants est uniquement redistributive. À côté des 2 milliards d’euros consacrés chaque année aux bourses, l’État dépense 1,5 milliard d’euros d’aides au logement pour les étudiants. Ces aides sont, de fait, déconnectées des ressources des familles puisqu’elles sont calculées par rapport au seul revenu des étudiants.

Enfin, les aides fiscales induites par le rattachement des jeunes au foyer fiscal mobilisent 1,6 milliard d’euros. Ces aides sont d’autant plus importantes que les revenus familiaux sont élevés. Au total, l’apport global de l’État aux études supérieures dessine une courbe en « U » sur laquelle les 50 % de familles au milieu de l’échelle des revenus, exclues des bourses et ne bénéficiant guère des exonérations fiscales, sont celles qui perçoivent le plus faible montant cumulé d’aides. Pour autant, cette remarque ne remet pas en cause la pertinence du système des bourses, outil indispensable d’égalité des chances.

La très forte progression du nombre de bourses, sans précédent, n’a été possible que grâce aux efforts de qualité, de réactivité et de productivité consentis par l’ensemble des CROUS dans un contexte budgétaire contraint. Grâce à la généralisation du dossier social étudiant et à sa dématérialisation dans toutes les académies, grâce aussi à de nombreuses initiatives de mutualisation des ressources, les dossiers complets déposés avant le 31 mai déclenchent désormais partout le versement des bourses dès septembre. Le taux de réponse aux nombreuses demandes des étudiants s’est aussi fortement amélioré. À moyens constants, les CROUS ont été en mesure de faire face, non seulement à l’augmentation du nombre de bénéficiaires, mais aussi d’assurer la gestion des bourses versées par le ministère de la culture en 2008, puis celle des bourses versées par le ministère de l’agriculture en 2015.

Dans ce contexte globalement positif, je n’ignore pas les critiques récurrentes dont fait l’objet le dispositif des bourses. C’est le cas, par exemple, des difficultés induites par un système « en escalier » qui génère des effets de seuil pour les familles dont les revenus sont au plus près des prochains échelons, qui pourraient être utilement lissés par une linéarisation des bourses, réclamée de longue date par les organisations étudiantes.

Il y a également débat sur l’appréciation la plus pertinente des ressources des familles, aujourd’hui centrée sur le revenu déclaré brut, qui exclut notamment les revenus du patrimoine. Je ne suis pas convaincue par l’opportunité de lui substituer le revenu fiscal de référence, au risque d’introduire trop d’instabilité et d’illisibilité dans un système aujourd’hui bien compris par la majorité des familles. J’estime plus utile de mieux prendre en compte les capacités financières réelles dans lesquelles les patrimoines jouent un rôle de plus en plus important.

Enfin, il y a la question du contrôle de l’assiduité. À ce sujet, il me semble que le vrai problème réside dans le caractère très disparate de ce contrôle, qui est assuré par chaque établissement d’enseignement supérieur. Résultat, alors que les étudiants des classes préparatoires et des sections de technicien supérieur (STS) sont astreints à de lourdes obligations – manquer quelques cours peut interrompre le versement des bourses –, dans certaines universités, les étudiants ne sont contraints que de se présenter à quelques examens. Cela crée indéniablement une inégalité de traitement. Sur cette question, il faut se garder d’une position dogmatique, car les premiers perdants sont les étudiants non assidus, qui « gaspillent » des droits à bourse limités dans le temps et qui ne sont pas repérés suffisamment tôt par les établissements pour stopper leur décrochage. Il est donc urgent que soit défini par consensus un socle minimum de contrôle valant partout sur le territoire, fondé, par exemple, sur une note moyenne minimale aux examens ou sur l’obtention d’un seuil d’European credit transfer and accumulation system (ECTS) pendant une durée donnée.

Avant de conclure, je soumets au débat une piste pour faire évoluer notre système de bourses, là encore, dans une volonté d’égalité de traitement. Il s’agirait de transférer aux CROUS la gestion de toutes les aides directes versées aux étudiants. Je pense en particulier aux formations sanitaires et sociales, pour lesquelles les bourses sont allouées par les régions. La délégation de gestion expérimentée par la région Normandie au CROUS de Caen, dont j’ai reçu la direction, montre combien cette solution fluidifie et améliore le service des bourses. Cela permet aux bénéficiaires de faire pleinement partie de la communauté universitaire, sans nier la reconnaissance de la collectivité attributaire. Il est vrai que l’alignement de ces bourses sur les montants versés par l’enseignement supérieur a beaucoup facilité cette délégation. Mais n’y a-t-il pas, là aussi, un enjeu d’égalité qui milite pour la généralisation de cette démarche ?

J’élargis, bien sûr, cette perspective aux bourses de mobilité internationale, aujourd’hui attribuées par les établissements d’enseignement supérieur dont le nombre, 15 000 bénéficiaires pour 60 000 départs à l’étranger, et les montants, 400 euros au maximum, n’en font pas de vrais outils d’équité pour encourager l’accès des moins favorisés aux expériences internationales.

Pour conclure, ces questions renvoient plus généralement aux limites de la philosophie inspirant le système des bourses universitaires face aux besoins de l’enseignement supérieur au XXIe siècle.

Aujourd’hui, étudier efficacement, et avec justice, implique des changements structurels émancipant notre conception de l’éducation de la tyrannie du diplôme initial, qui veut que tout soit joué à vingt-cinq ans, pour avancer vers une alternance permanente et féconde entre le travail et les formations. Ces besoins nous imposent de mieux reconnaître des situations géographiques ou familiales toujours plus spécifiques et de nouveaux rythmes d’études bousculant la rigidité des semestres et des années universitaires. Ils imposent une vraie fusion entre formation initiale et continue, intégrant efficacement la validation des acquis de l’expérience (VAE).

De fait, ces défis mettent en cause certains des fondements de nos bourses, tels les revenus des parents ou l’âge limite, qui ont un sens fort lorsqu’on aborde la seule formation initiale, mais perdent toute pertinence à l’aune d’études envisagées tout au long de la vie. C’est pourquoi je trace, en conclusion, la perspective d’un stock de droits à formation, initiale comme continue, un peu sur le modèle du compte personnel de formation, qui permettrait à chacun d’être aidé dans ses études, pendant une période indifféremment utilisée au début du parcours ou durant sa carrière.

Mme Sandrine Doucet. Je félicite nos rapporteurs pour la qualité de leurs travaux et, au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain, plus particulièrement Valérie Corre. Le sujet qu’elle a choisi est un marqueur fort de la volonté politique d’accompagner la démocratisation de l’enseignement supérieur. Le budget pour 2017 est très favorable, avec des moyens alloués en augmentation de 8 % depuis 2012, dont 443 millions d’euros consacrés aux seules bourses d’études sous condition de ressources. Vous avez indiqué en préambule que les personnalités auditionnées dans le cadre de votre rapport ont salué la réforme des bourses que nous avons initiée.

Pour ma part, j’ai auditionné, la semaine dernière, le recteur de Nice, Emmanuel Ethis, dans le cadre de ma mission parlementaire sur l’éducation artistique et culturelle. Il nous a rapporté qu’en moyenne, un étudiant disposait de 5 euros par mois, une fois payé l’ensemble des dépenses de sa vie quotidienne – logement, factures, manuels et autres. Voilà pourquoi votre travail, madame la rapporteure, recouvre un sens particulier.

Au-delà des chiffres, notre action politique accompagne la démocratisation de l’enseignement supérieur, qui permet à des étudiants issus de classes modestes d’accéder aux études supérieures. Ils ont besoin d’être accompagnés financièrement pour pouvoir réussir. C’est une politique globale d’émancipation, d’autonomie des jeunes que nous dessinons ainsi. Nous savons qu’un étudiant préoccupé par des soucis financiers n’aura pas l’esprit pleinement dévolu à ses apprentissages, l’esprit serein et réceptif au savoir. L’endettement ou la privation permanente pour faire des études n’est pas une solution. La précarité ne doit pas être la condition systématique des études et des débuts dans la vie d’adulte.

J’ai apprécié votre mise en perspective avec les autres systèmes universitaires, qui permet de rappeler que, dans d’autres pays, l’accès à l’université est très onéreux. La quasi-gratuité de l’enseignement supérieur français est fondamentale. Dans les pays européens où j’ai eu l’occasion de me rendre lorsque je travaillais sur le dispositif Erasmus, j’ai constaté que le coût de la vie étudiante était très élevé. Je le redis : le recours à l’emprunt n’est pas une solution. Des étudiants qui s’endettent dans des familles déjà endettées ne sont pas dans une situation propice à la poursuite d’études.

Enfin, il existe un mécanisme d’autocensure qui accompagne la précarité. Les jeunes limitent la durée de leurs études à cause de leur budget restreint. Les statistiques développées à la page 13 de votre rapport sont éloquentes. Le taux d’échec est considérablement plus élevé pour les étudiants confrontés à des difficultés financières.

Les bourses forment aujourd’hui un bouclier, une protection. Elles permettent une meilleure réussite des étudiants défavorisés. Les plus modestes ont connu une forte revalorisation de l’échelon le plus élevé, car le nouvel échelon 7 permet à près de 45 000 jeunes de bénéficier d’une bourse annuelle de 5 550 euros, soit une augmentation de presque 1 000 euros par an, ce qui est considérable.

Les enfants des classes moyennes ont, eux aussi, bénéficié de ces mesures, avec la création de l’échelon 0 bis, qui a progressivement permis à plus de 200 000 nouveaux étudiants de bénéficier d’une aide annuelle de plus de 1 000 euros. Ce montant peut sembler très modéré, mais il correspond à une demi-journée de travail salarié par semaine, soit un basculement vers un seuil tout à fait supportable pour un étudiant souhaitant assortir ses études d’un job, qui peut être source d’une expérience professionnelle susceptible d’être valorisée.

Toutefois, votre rapport fait apparaître que les bourses, additionnées aux aides au logement et aux aides fiscales, impriment une courbe en « U ». L’aide se concentre essentiellement sur les classes les plus défavorisées, tandis que les deux tiers des avantages fiscaux profitent aux classes les plus favorisées. Restent, au creux du « U », les classes moyennes, pour lesquelles il faudrait faire un effort, vous l’avez souligné, madame la rapporteure, en revalorisant les bourses et en instaurant une fiscalité plus équitable.

Vous avez aussi relevé le rôle essentiel des CROUS, qui maillent l’ensemble de nos territoires et qui doivent être les piliers centraux de la redistribution des aides. J’ai été particulièrement sensible à la question des aides à la mobilité internationale. Je tiens à préciser que la France a fait un véritable effort d’accompagnement pour démocratiser la mobilité, puisque la moitié des boursiers de l’enseignement supérieur bénéficient d’une aide. Le travail des CROUS en matière de logement est également à souligner, notamment l’important plan logement, avec plus de 40 000 nouvelles places pour les étudiants dans les villes universitaires.

À nouveau, le groupe Socialiste, écologiste et républicain vous félicite pour votre travail de qualité, qui constitue un écrit précieux, en terme de bilan mais aussi de perspectives.

M. Frédéric Reiss. Merci aux deux rapporteurs pour la présentation de leurs travaux.

Le budget est en augmentation de 850 millions d’euros, 100 millions étant tardivement destinés à faire face à l’arrivée de 40 000 étudiants supplémentaires dès la rentrée 2016. Le boom démographique était prévisible, mais le Gouvernement a préféré fermer les yeux et attendre, comme il l’a d’ailleurs fait sur le sujet de la sélection en master.

Au lieu de lancer l’acte II de l’autonomie des universités pour donner à ces dernières les moyens d’avancer, le Gouvernement a mis en place une gouvernance sous forme d’usines à gaz qui ont fait perdre la dynamique créée par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU). La question du modèle économique de l’université est malheureusement restée taboue. Résultat, beaucoup de déceptions, des universités qui n’ont pas les moyens d’accueillir les flux d’étudiants toujours plus importants, et les pics sont devant nous.

J’ai quatre remarques à faire au sujet de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante.

Tout d’abord, je relève des objectifs mal posés, tel celui de la massification de l’enseignement supérieur : atteindre 60 % d’une classe d’âge diplômée d’ici à 2025 apparaît comme une mesure de forçage, à rebours d’une logique plus simple et plus intuitive. Les études du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) montrent que toutes les formations doivent être valorisées, de la plus théorique à la plus pratique, pour répondre aux besoins économiques.

Ensuite, je relève des explications pour le moins contestables sur la nécessité de trouver un travail pendant les études. La faible part des étudiants issus des familles les moins favorisées économiquement, qui travaillent pendant leurs études, serait due à l’effet de seuil et aux montants en escalier évoqués à la page 19 du rapport. Il serait donc pertinent de militer pour une linéarisation des bourses.

À ce propos, et c’est ma troisième remarque, notre collègue Valérie Corre ne s’est-elle pas trompée, à la page 14 de son rapport, en qualifiant d’« historique » la réforme de 2012 ? Quelques lignes plus loin, en effet, elle mentionne une hausse de 40 % des bénéficiaires dès 2008. Nous ne sommes pas passés subitement de l’ombre à la lumière en 2012… Pour mémoire, 115 000 nouveaux boursiers sur critères sociaux sont entrés dans le dispositif en 2010, grâce à l’augmentation significative du plafond de ressources pour l’obtention de l’échelon 0, et 110 000 étudiants, les plus défavorisés, ont bénéficié, en 2012, du sixième échelon de bourse créé en 2008. La question de l’augmentation et de la meilleure répartition des bourses a donc été abordée bien avant 2012.

Enfin, le sujet des aides accordées aux étudiants étrangers a été curieusement évité. Le modèle scandinave décrit à la page 10, en plus de confondre une aide « juste » et une aide « égalitaire », avoue ses limites quand il est mentionné que « le Danemark, la Suède et, bientôt, la Finlande se sont résignés à imposer le paiement de frais de scolarité aux étudiants étrangers ». Si la rapporteure n’économise pas ses efforts pour rassurer le lecteur sur le contrôle des critères d’obtention des différentes aides pour les étudiants nationaux, rien n’est dit sur ce contrôle pour un étudiant étranger.

Concernant la recherche, je voudrais féliciter Vincent Ledoux d’avoir ciblé deux enjeux de recherche majeurs que sont la maladie d’Alzheimer et le diabète.

Michel Pinget a été l’une des premières personnes auditionnées par le rapporteur. Je le connais bien, il fait un travail formidable au Centre européen d’étude du diabète, à Strasbourg. À la lecture du rapport, on ne peut que souscrire à la recommandation de pérenniser les efforts de recherche sur le long terme.

Enfin, concernant les crédits consacrés à la recherche, nous ne pouvons que partager l’inquiétude de notre rapporteur, tant nous sommes habitués à l’ambivalence du Gouvernement sur ce sujet. Notre collègue Patrick Hetzel avait d’ailleurs dénoncé, l’année dernière, les conditions d’exécution du budget, avec 230 millions d’euros d’annulation de la « réserve de précaution » des universités, 123 millions de suppressions budgétaires au titre de la réorganisation du mode d’allocation des moyens des universités, 90 millions de coups de rabot en loi de finances rectificative, 100 millions de prélèvements sur les fonds de roulement et 480 millions d’euros de baisse annuelle en matière d’investissements au titre du contrat de plan État-région. Au total, ce fut une amputation de 1 milliard de crédits. On peut donc se demander quelle surprise va nous réserver la prochaine loi de règlement de 2016.

Mme Gilda Hobert. Les deux rapports sont extrêmement intéressants, en particulier au regard de leurs propositions. Monsieur le rapporteur, nous ne pouvons qu’approuver la nécessité de mener des efforts dans le domaine de la recherche. Il serait bon d’encourager les patients atteints de diabète à participer à la recherche, par le biais d’essais cliniques, dites-vous. Cela paraît judicieux, mais qui pourrait les y inciter ? Leur médecin ? Des campagnes d’information ?

Madame la rapporteure, l’augmentation du nombre de boursiers ne peut que nous réjouir puisqu’elle va dans le sens de la démocratisation de l’accès aux études supérieures. Leur champ d’application, tel que vous l’avez évoqué, évolue, en particulier pour les familles les moins favorisées.

Les établissements supérieurs dans le domaine de l’art sont aussi concernés par l’obtention de bourses pour leurs étudiants, et je voudrais vous soumettre le cas de l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (ENSATT), à Lyon. Cet établissement accueille seulement soixante-huit candidats au prochain concours. La possibilité d’obtenir une bourse est importante, mais l’inscription reste à la charge de l’établissement. A-t-on observé d’autres cas similaires ? Comment remédier à cette situation ?

M. Michel Piron. Mon collègue Laurent Degallaix, empêché, m’a chargé de vous lire son intervention.

Je remercie tout d’abord nos deux rapporteurs pour l’éclairage qu’ils nous ont apporté sur la recherche et l’enseignement supérieur.

Le groupe Union des démocrates et indépendants partage l’inquiétude du rapporteur concernant le budget de la recherche. Si la hausse globale est un geste attendu, la politique du Gouvernement à l’égard de la recherche demeure particulièrement ambivalente. Ce projet de budget traduit bien la tension qui existe entre la nécessité de maintenir les crédits de la recherche à un niveau cohérent avec les ambitions de notre pays et la réduction du déficit public.

La hausse des crédits ne permet pas de faire oublier le bilan du Gouvernement en matière de recherche depuis 2012. En mai dernier, sans la tribune de huit chercheurs, dont cinq prix Nobel, dénonçant un « suicide scientifique et industriel » de la part du Gouvernement, des annulations de crédits auraient sensiblement affecté les programmes de recherche scientifique
– 134 millions d’euros d’annulations de crédits étaient, en effet, prévues dans le projet de décret pour les budgets du CNRS, du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria).

Les critiques récurrentes pointant la dégradation des moyens humains et financiers des laboratoires nous appellent également à la plus grande vigilance.

Les effectifs de soutien à la recherche – ingénieurs d’études, techniciens, administratifs – baissent, dans le secteur public, de 0,2 % par an depuis 2009 et le vivier de chercheurs s’étiole. Le nombre de doctorants français a baissé de plus de 10 % depuis 2007. Même le flux de chercheurs étrangers – 42 % des doctorants – s’est tari depuis 2009. Le quinquennat de François Hollande n’a pas interrompu l’aggravation de la précarité dans l’enseignement supérieur et la recherche.

Par ailleurs, la massification de l’enseignement supérieur est particulièrement marquée en France, et la démocratisation de l’accès aux études supérieures n’est pas sans poser des défis, voire des problèmes, pour garantir aux étudiants, en particulier ceux issus des catégories sociales modestes, des conditions d’études équitables et satisfaisantes.

L’examen par la rapporteure des dispositifs de bourses est un choix assez audacieux, quand on remarque que cette même majorité a été fort tentée de supprimer les bourses au mérite, principe pourtant cher à la République française. Fort heureusement, grâce à la mobilisation d’un certain nombre de parlementaires, et notamment de notre groupe, cette aide a été maintenue, même si l’on peut déplorer que son montant ait été divisé par deux.

Alors que près de 70 % des étudiants travaillent pour financer tout ou partie de leurs études, soit 10 % de plus que la génération précédente, quelles pourraient être les priorités pour mieux accompagner la scolarité des étudiants les plus précaires financièrement ?

Mme Martine Faure. Nos deux rapporteurs nous ont présenté des travaux et des propositions de qualité. Je remercie Valérie Corre d’avoir souligné la hausse importante, de 3 % pour 2017 et au total de 8 % depuis 2012 de la mission « Recherche et enseignement supérieur », et les progrès que cela entraîne dans la vie étudiante au quotidien. Je remercie Vincent Ledoux d’avoir mis en éclairage deux enjeux majeurs de la recherche. Je me permets d’ajouter à la maladie d’Alzheimer et au diabète un troisième sujet primordial : la recherche sur le cancer pédiatrique. Ce n’est pas le sujet, ce matin, mais je ne manquerai pas de vous en parler ultérieurement.

Conformément à l’engagement du Président de la République, les crédits de la mission ont été renforcés, passant à plus de 23 milliards d’euros, soit une augmentation de 852 millions d’euros. Entre 2012 et 2017, les moyens alloués par l’État à l’enseignement supérieur et à la recherche auront augmenté de 1,4 milliard d’euros, soit une évolution de plus de 6 %. Et ce, malgré quelques légitimes inquiétudes quant à la pérennité des financements et aux tentations de ponctions afin de réduire le déficit public. Les crédits dédiés à la recherche augmentent de 281 millions d’euros, soit une hausse de 3,7 % en 2017. Il est important de rappeler que ces moyens assureront également l’amélioration des carrières des personnels.

En matière de recherche, la France fait partie des grandes nations. La recherche fondamentale est préservée et reconnue dans tous les domaines. Bien que notre rapporteur regrette une évolution mesurée des crédits de la recherche pour 2017, il souligne la hausse des crédits affectés aux sciences humaines et sociales et aux sciences de la vie et de la santé.

Quant à la vie étudiante, je me permets d’insister sur la consécration des bourses étudiantes, politique volontariste visant à permettre aux étudiants issus des milieux les plus modestes de réussir pleinement leurs études. C’était un engagement fort du Gouvernement, qui est aujourd’hui suivi d’effet.

Le Gouvernement a multiplié les aides en faveur des étudiants : gel des droits d’inscription, du prix du ticket de restaurant universitaire, « plan 40 000 » garantissant la construction de logements étudiants à caractère social. Ce soutien financier s’est poursuivi par un accompagnement concret vers le premier emploi, avec la mise en place du dispositif Aide à la recherche du premier emploi (ARPE), qui permettra à nos jeunes d’organiser leur avenir professionnel avec beaucoup plus de sérénité.

Monsieur Ledoux, à la lecture de votre rapport, la pérennisation des financements semble au cœur de nombreux problèmes. Pouvez-vous nous rassurer, suite à vos auditions et à votre expertise, sur les engagements et la stabilité des plans gouvernementaux en la matière, ceux d’aujourd’hui et de demain ?

Madame Corre, l’ambitieuse réforme des bourses s’inscrit dans un mouvement de justice sociale indéniable. Mais s’inscrit-elle dans une démarche unanime et transpartisane ?

Mme Dominique Nachury. Merci aux rapporteurs pour leurs présentations.

Vincent Ledoux insiste sur l’importance de la recherche, garantie des emplois de demain. Or il indique que le Gouvernement a montré cette année son intention de financer des mesures nouvelles relatives à l’emploi, à la sécurité sanitaire et à l’immigration par le biais d’une diminution des crédits de la Mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES). N’y a-t-il pas là une évidente contradiction ?

Il souligne, par ailleurs, les lourdeurs administratives et réglementaires qui entravent la recherche médicale. La prise de conscience est-elle certaine ? Que met-on ou que peut-on mettre en place pour inverser cette tendance à l’excès de prudence ou de procédures ? Pour un simple achat de matériel, la lourdeur et la longueur des procédures sont telles qu’elles rendent parfois la demande obsolète lorsqu’enfin on y répond.

En ce qui concerne les bourses de l’enseignement supérieur, j’ai compris que le contrôle d’assiduité n’existait pas vraiment. Le rapport souligne, à la page 21, que son application est disparate. Même s’il s’agit d’une aide et non d’une récompense, peut-on continuer à verser ces bourses sans aucun contrôle et sans aucun résultat ? A-t-on des retours sur le contrôle d’inscriptions pédagogiques censées précisément lutter contre l’absentéisme, et donc, le versement indu de la bourse ?

Mme Martine Martinel. Les deux rapports se complètent, car on ne peut guère envisager de faire de la recherche si la vie étudiante ne permet pas de suivre facilement des enseignements.

J’aimerais avoir l’avis de nos rapporteurs sur la réforme du master, qui a fait l’unanimité des présidents d’universités, des syndicats étudiants et des syndicats de l’enseignement supérieur. Le master est la première ouverture vers la recherche. Pourriez-vous nous donner des précisions sur cette démocratisation du master, qui associe l’excellence académique, la recherche et l’augmentation des crédits ?

J’aimerais également savoir, madame la rapporteure, comment les améliorations apportées à la vie étudiante vont pouvoir aider tous les étudiants à choisir un master et à poursuivre leurs études. Je me pose la même question concernant les doctorants et les post-doc évoqués par M. Ledoux.

Mme Isabelle Attard. Votre rapport, madame Corre, montre que l’objectif de 40 000 logements étudiants supplémentaires à la fin du quinquennat est en passe d’être atteint.

Vous mentionnez que le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et les CROUS ont du mal à évoluer en ce qui concerne la conception des logements étudiants, c’est-à-dire passer de la chambre classique de 9 mètres carrés à ce que l’on pourrait appeler une colocation organisée par les universités, afin que les étudiants en première année de licence trouvent une atmosphère d’entraide. On sait à quel point un logement triste et solitaire pour cette première année est source d’échec. J’aimerais savoir si vous avez étudié le modèle belge des kots, qui fonctionne très bien puisque ce sont des colocations organisées par les CROUS.

La caution locative étudiante, qui garantit les propriétaires contre les impayés, ne concerne aujourd’hui que 9 000 étudiants, alors que l’objectif était d’atteindre une fourchette entre 14 000 et 20 000 étudiants. La publicité faite autour de cette caution est-elle suffisante ? Faut-il modifier le plafond du montant des loyers ? Il est de 500 euros en région, 600 en Île-de-France, mais les studios sont souvent beaucoup plus chers. Les collectivités sont peu motivées pour faire la promotion de cette caution parce qu’il s’agit d’une population nomade qui ne reste pas très longtemps dans une ville et, surtout, qui ne vote pas sur place. Selon Mélanie Vasselin, trésorière de l’UNEF, les propriétaires restent extrêmement réticents et privilégient toujours les cautions parentales. Pouvez-vous nous en dire plus sur la caution locative Visale ?

M. Yves Durand. À mon tour de remercier nos deux rapporteurs.

La réforme du master 1 va avoir lieu avec l’accord unanime de la communauté universitaire. Cette réforme va amener à une mobilité relativement importante des étudiants à l’intérieur des nouvelles grandes académies. Dès lors qu’un étudiant n’aura pas obtenu son premier choix, trois propositions lui seront faites, certaines pouvant l’amener hors de son université. Or¸ compte tenu de la réforme territoriale, les nouvelles académies sont assez étendues, ce qui va entraîner un problème de mobilité. Pourrait-on prévoir une aide à la mobilité des étudiants ?

M. Hervé Féron. Madame Corre, je vous félicite pour la qualité de votre travail. Votre rapport permet de mesurer l’ampleur du travail accompli sous ce quinquennat pour améliorer notre système de bourses pour les étudiants. Les réformes entreprises ont permis, non seulement d’augmenter l’aide aux jeunes issus des familles aux revenus les plus modestes, mais aussi d’en faire bénéficier une partie des classes moyennes. Sans un tel accompagnement, comment pourrions-nous assurer une véritable et indispensable démocratisation de l’enseignement supérieur ?

Il semble que des efforts aient été réalisés pour résoudre les problèmes de réactivité des CROUS. Malheureusement, il y a encore de graves dysfonctionnements. Dans ma circonscription, des étudiants se plaignent, comme chaque année, de retards dans le versement des bourses par le CROUS. C’est doublement pénalisant, car, en début d’année, ne pouvant prouver qu’ils sont boursiers, ils doivent avancer les frais de scolarité, puis attendre deux ou trois mois qu’ils leur soient remboursés avec le versement des bourses. Cela contribue à précariser de jeunes étudiants en situation parfois dramatique.

Le rapport souligne avec pertinence qu’il reste de nombreuses questions en suspens, de la linéarisation des bourses au redéploiement du parc immobilier des CROUS. Vous concluez à juste titre que la reconfiguration des études supérieures nécessite de « mieux reconnaître les situations particulières de chacun » pour l’allocation des bourses. Cela passe, bien sûr, par une meilleure prise en compte du contexte familial de l’étudiant, ce qui a été fait avec le doublement des aides d’urgence.

On peut également se demander, compte tenu des écarts du coût de la vie entre les différentes villes ou régions, soulignés à de multiples reprises par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), s’il ne faudrait pas ajouter un critère géographique au calcul du montant des bourses sur critères sociaux, comme c’est le cas des aides personnalisées au logement (APL). Cela permettrait de s’acheminer vers plus d’égalité entre les étudiants boursiers, ce qui, pour le moment, semble faire partiellement défaut.

Enfin, vous citez le cas exemplaire du CROUS de Caen, qui gère les aides régionales allouées aux jeunes des formations sanitaires et sociales. Il faut saluer cette initiative, qui permet d’améliorer la lisibilité du soutien public à destination des étudiants, un seul organisme gérant l’attribution d’aides diverses. Une telle mesure de gestion doit sans doute être étendue. Cet exemple précis montre que l’alignement de l’aide régionale sur le droit commun de l’enseignement supérieur facilite grandement une gestion commune. Je suis en faveur d’une plus grande harmonisation et d’une plus grande mise en cohérence des aides de l’État et de celles des collectivités. Il me semble qu’il y a là une marge de progression pour rendre notre système d’aides plus accessible à tous.

Mme Régine Povéda. Je salue, moi aussi, le travail des rapporteurs.

Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche a augmenté de 8 % depuis 2012. C’est une hausse conséquente, qui vise à compenser les baisses subies sous la législature précédente. La revalorisation des bourses étudiantes est un effort très important à saluer. Malgré tout, encore trop d’étudiants renoncent ou négligent leurs études par contrainte économique, surtout quand les universités ou les cursus sont éloignés des lieux d’habitation, comme c’est le cas en milieu rural. Madame Corre, que préconisez-vous pour aider ces étudiants éloignés des pôles universitaires d’excellence à poursuivre leurs études ?

Vous parlez peu des activités culturelles, sociales et d’animation des CROUS en région. Certes, le logement, les bourses et la restauration sont les activités principales du CNOUS, mais la vie sociale, culturelle et associative de nos étudiants est essentielle pour la formation des citoyens. Je souhaiterais avoir votre avis sur les possibles évolutions pour que les étudiants puissent bénéficier d’une vie culturelle, sociale et associative qui les élève dans leur vie personnelle.

M. Christophe Premat. Je remercie nos rapporteurs, car leurs rapports pour avis sont pédagogiques et synthétiques.

Madame Corre, la démocratisation de l’enseignement supérieur est solidifiée avec une conception forte de la vie étudiante. Les bourses ont été sensiblement renforcées et tout est fait pour que nos campus soient de plus en plus dynamiques. C’est un choix cohérent, qui poursuit les efforts menés l’année dernière. Lors du PLF 2016, nous avions, en effet, massivement soutenu un amendement visant à augmenter les bourses.

En ce qui concerne les étudiants étrangers, je suis heureux que nous n’ayons pas cédé à la fausse piste des frais de scolarité. Les cas scandinaves sont des contre-exemples en la matière puisque les frais de scolarité appauvrissent le socle des filières proposées, et donc, inévitablement des recherches possibles. Ces dernières années, nous avons veillé à ce que les étudiants étrangers puissent profiter des conditions que nous leur offrons afin d’enrichir le socle des formations.

Monsieur Ledoux, vous avez fait le choix de mettre en lumière la recherche médicale et les sciences du vivant. Vos auditions sont clairement orientées dans ce sens. Votre rapport est très riche concernant la maladie d’Alzheimer, ce qui est fondamental. Cependant, je m’interroge sur le poids donné aux sciences médicales et aux sciences du vivant par rapport à d’autres domaines. Je pense notamment au projet que vous mentionnez sur l’Agence spatiale européenne, ainsi que d’autres grandes coopérations internationales. J’aurais aimé en savoir plus sur ce sujet.

Vous rappelez les engagements du Président de la République vis-à-vis de l’Agence nationale de la recherche (ANR). Cette agence est-elle évaluée pour savoir si elle permet réellement de valoriser les domaines d’excellence de la recherche scientifique française ? On sait que, dans certaines matières fondamentales, les sélections de l’ANR avaient été quelque peu questionnées ces dernières années.

M. le rapporteur pour avis. Madame Hobert, le diabète devrait être consacré « grande cause nationale ». Cette maladie profiterait ainsi d’un éclairage susceptible d’inciter davantage de patients à entrer dans des cohortes d’études et d’observation cliniques. Un financement sur le long terme inciterait également les personnes à y venir naturellement. Aujourd’hui, par exemple, l’absence d’un financement total du plan Alzheimer risque de dissuader les patients suivis d’entrer dans une démarche de long terme. C’est faire preuve de respect envers ces personnes que de mettre en place un tel financement ; on les assure ainsi d’une reconnaissance en « valorisant » leur maladie.

Le médecin généraliste peut faire office de passerelle avec le monde de la recherche. Aujourd’hui, tous les chercheurs soulignent la nécessité d’améliorer le stock de connaissances grâce à l’approche que le médecin généraliste a de la maladie. Beaucoup reste encore à faire pour qu’il y ait une véritable reconnaissance, du moins un abandon de la stigmatisation des patients atteints de diabète.

Madame Faure, monsieur Premat, bien sûr, j’aurais pu choisir un autre thème pour mon rapport. Mais c’est tout l’intérêt de l’exercice – et il faut saluer le président de la Commission pour cela – que de nous permettre de débattre très librement, sans tabous ni complexes de sujets choisis par les rapporteurs.

La recherche est un vivier d’emplois qu’il est indispensable d’identifier le plus en amont possible. Grâce aux auditions, j’ai pu identifier la piste des bio-informaticiens. J’insiste sur la nécessité que les régions et les grandes métropoles travaillent sur ces segments, parce qu’elles sont bien situées. Lorsqu’elles sont proches des campus et très impliquées dans l’organisation de l’université et la recherche universitaire, elles sont les bons interlocuteurs pour mettre en place une véritable filière. En matière d’emplois, il y a des niches. J’ai été stupéfait de constater à quel point le big data et le fait de faire mouliner toutes les données informatiques pouvait constituer aujourd’hui une source pour la recherche fondamentale. Le stéthoscope n’est plus le seul outil et s’il reste extrêmement important, de nos jours, l’informaticien apporte une richesse absolument incroyable à la recherche médicale. Il faut donc valoriser la filière de la bio-informatique et faire en sorte qu’elle puisse structurer la recherche médicale plus qu’elle ne le fait aujourd’hui.

Madame Nachury, il en est des lourdeurs administratives dans la recherche comme dans l’économie, où le petit entrepreneur local peine à se rapprocher de la procédure d’achat publique. Cela fait référence à la même logique, c’est-à-dire une ingénierie souvent trop lourde qui éloigne le chercheur de son domaine fondamental. On devrait pouvoir l’en exonérer. N’oublions pas non plus que les agendas de l’Europe et de la France ne sont pas toujours les mêmes. Certains laboratoires ont embauché des biologistes uniquement pour aller chercher les subventions et monter les dossiers.

J’ai tendance, quand je parle d’économie, à citer deux approches. Quand une famille américaine aborde une aire de jeux, les parents disent à leur enfant : « Enjoy ! - Fais-toi plaisir ! » ; en France, les parents disent : « Fais attention ! ». Ce que les chercheurs attendent, tout en conservant une éthique faisant rempart contre des évolutions hasardeuses, c’est qu’on passe de la précaution à la responsabilité. Faisons confiance à nos chercheurs et ne perdons pas de temps ! La lourdeur des procédures constitue un frein, et les autres pays avancent beaucoup plus vite que nous. Il faut supprimer tous les boulets qui nuisent à l’avancée de la recherche française.

Le nombre de statuts différents pose aussi problème. Le patron d’une grande unité de recherche évoquait deux ou trois statuts différents de fonctionnaires ou de cadres. D’où, pour la directrice des ressources humaines, des difficultés de gestion incommensurables, tout le monde n’étant pas logé à la même enseigne. Il est donc nécessaire d’unifier, de donner davantage de fluidité en la matière.

Monsieur Premat, je me suis focalisé sur la maladie d’Alzheimer et le diabète, d’abord parce que nous avons en France des laboratoires d’excellence. C’était intéressant de discuter avec leurs représentants pour avoir leur expertise et leur avis sur la question. Les chercheurs sont venus de bonne grâce. Le patron de l’Inserm a même reporté un déplacement au Japon pour parler devant la représentation nationale, ce qui montre l’intérêt porté à nos travaux.

En outre, en me limitant à ces deux pathologies, j’ai pu creuser plus profondément que si je m’étais éparpillé sur de nombreux sujets. Bien sûr, j’aurais pu aussi m’intéresser au cancer pédiatrique. En tout cas, la focale que j’ai choisie m’a permis d’extraire l’essentiel de mes sujets. J’ai ainsi mis au jour des niches d’emploi qu’il faut exploiter à fond, souligné l’importance du mode de gouvernance, au niveau tant de la structuration de l’ingénierie que de l’organisation gouvernementale pour assurer efficacité et réussite, et également constaté qu’éclairer une maladie particulière à travers un plan permet d’apporter des sources supplémentaires de valorisation ainsi que la reconnaissance des personnes atteintes. En l’espèce, des progrès restent à faire pour les patients atteints de diabète.

M. le président Patrick Bloche. Certains membres de la Commission ont pu faire l’expérience de la différence de réaction qu’il peut y avoir de part et d’autre de l’Atlantique, lors d’un déplacement au Québec. Alors qu’en France on parle de lutte contre le décrochage scolaire, là-bas, c’est de réussite éducative qu’il est question. La vie serait peut-être plus simple si nous devenions un peuple optimiste !

Mme la rapporteure pour avis. De l’optimisme, le sujet que j’ai traité me semble de nature à en procurer !

Si je me suis concentrée sur le thème précis des bourses de l’enseignement supérieur, je n’en ai pas oublié pour autant les autres services des CROUS. Bien entendu, madame Povéda, l’accès à la culture est un sujet essentiel. Les CROUS, ce sont les aides directes et indirectes, le logement, la restauration, la culture, voire l’accès aux emplois étudiant, la citoyenneté étudiante, bref tout un ensemble qui fait l’originalité de notre système d’accompagnement des étudiants.

Monsieur Reiss, dans le mouvement de démocratisation, l’objectif « fou » de 60 % d’une classe d’âge diplômée d’ici à 2025 ne procède que d’un calcul mathématique : depuis 2010, le nombre d’étudiants augmente chaque année de 2 %, contre 1 % entre 1995 et 2010. Le défi n’est pas tant d’atteindre les 60 %, mais de faire en sorte que tout se passe bien pour l’ensemble de la population qui arrive à l’université ou dans les études post-bac. Toutes les filières sont, en effet, intéressées, même si les bourses d’enseignement supérieur concernent beaucoup d’étudiants à l’université.

Notre système d’accompagnement pour aider une majorité de jeunes à faire des études, en particulier ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés, issus de familles modestes, repose sur l’idée, à laquelle nous sommes attachés, de frais d’inscription modestes pour tous et d’un accompagnement par les bourses, et donc par l’ensemble des services proposés par les CROUS. La réforme de 2012 est bel et bien historique : le nombre de boursiers a certes augmenté de 40 % depuis 2008, mais de 30 % depuis 2012.

Madame Hobert, le système des bourses donne systématiquement droit à l’exonération des frais d’inscription, et je ne connais pas d’exemple où ce ne soit pas le cas. Je crains que votre question ne porte sur la compensation de cette exonération par l’État aux établissements, ce qui est autre chose.

Madame Faure, la réforme entamée en 2013 fait l’unanimité, même si les organisations étudiantes ont attiré l’attention sur la question de la linéarisation des bourses. Des frais de scolarité modérés et un accompagnement fort, en particulier en direction des familles les plus modestes, pour permettre à tous d’accéder aux études, sont des objectifs partagés par tous ceux que nous avons reçus.

Le contrôle d’assiduité, madame Nachury, est une aide à la réussite et non une sanction. Il faut trouver l’équilibre entre la responsabilisation des étudiants et un nécessaire contrôle, car l’État ne peut consentir cet effort sans un minimum de contrôle. Depuis 2014, le versement des bourses doit être suspendu en l’absence d’inscription pédagogique. Le droit à bourse est renouvelable cinq fois sur la période de la licence, ce qui sous-entend que nous autorisons le redoublement pour éviter un décrochage total. Des gens peuvent n’être plus en situation estudiantine, mais peut-être sont-ils des jeunes en perdition ou contraints de travailler. C’est pourquoi la sanction ne doit pas être trop précoce. Toutefois, en contrepartie de cette souplesse, le contrôle de l’assiduité doit être stabilisé, peut-être en exigeant une moyenne minimale ou un nombre d’ECTS.

Madame Attard, vous avez raison, on progresse sur le nombre de logements construits et sur le type de logements proposés. Les CROUS ont fait beaucoup d’efforts. Je ne crois pas que le réseau lui-même soit récalcitrant à l’évolution de ces logements. La question de la rénovation des logements est celle du prix de sortie : une chambre de 9 mètres carrés ne correspond plus à l’attente des étudiants mais présente l’énorme avantage d’avoir un prix de loyer défiant toute concurrence. Le challenge pour les CROUS est donc de proposer d’autres types de logements, mais aussi un prix de loyer qui reste attractif, ce qui n’est pas si simple. La direction du CROUS de Caen, par exemple, propose des colocations, des logements pour les couples ou pour les familles. Les choses évoluent, même si c’est doucement.

Dans quasiment tous les CROUS, un dispositif d’étudiants référents est dédié à l’accueil des nouveaux étudiants dans les résidences universitaires. Il s’agit de lutter contre la solitude qui est une des causes d’échec ou de décrochage.

Monsieur Durand, on ne peut que se réjouir de l’unanimité de tous les acteurs de la vie universitaire sur la réforme du master : c’est ce qui fait sa force. Cette réforme va effectivement entraîner une mobilité plus importante. Dans le système des bourses, l’éloignement du domicile familial donne des points supplémentaires. Peut-être une des évolutions nécessaires serait-elle de prendre davantage en compte la question de la mobilité, en mettant un point supplémentaire pour un master, par exemple.

Enfin, monsieur Féron, d’après le président du CNOUS, le premier paiement des bourses est assuré en septembre dans la quasi-totalité des cas. Mais cela vaut pour les dossiers complets déposés avant le 31 mai, avec validation auprès du CROUS, par les universités ou les établissements d’enseignement supérieur, de l’inscription de l’étudiant. Le problème, c’est que, malgré des progrès informatiques indéniables, quelques universités ou établissements tardent à remonter l’information. Or, tant que le CROUS ne dispose pas de l’information validée, il ne peut pas mettre en paiement. Peut-être faut-il aussi une prise de conscience des étudiants eux-mêmes : s’ils peuvent se réinscrire jusqu’à la fin du mois de septembre, plus ils tarderont à le faire, plus le premier versement des bourses tardera.

Pour finir, nous devrons travailler sur la question du creux de la courbe, car il faut améliorer l’accompagnement des plus modestes. La formation sanitaire et sociale devra être intégrée dans la gestion des CROUS, pour assurer l’équité et permettre à tous les étudiants de bénéficier de l’ensemble des services du CROUS, aussi bien en matière de bourses, que de culture, d’emplois étudiant, de logements, de restauration. C’est un chantier auquel nous devrons nous atteler avec les régions dans les mois à venir.

À l’issue de la commission élargie, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine, pour avis, les crédits pour 2017 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. le président Patrick Bloche. La commission n’étant saisie d’aucun amendement, je mets aux voix les crédits pour 2017 de la mission « Recherche et Enseignement supérieur », qui ont reçu un avis favorable de Mme Valérie Corre, rapporteure pour avis pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante, et défavorable de M. Vincent Ledoux, rapporteur pour avis pour la recherche.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS

Ø Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) – M. Emmanuel Giannesini, président, et Mme Marie Message, directrice générale déléguée

Ø Observatoire national de la vie étudiante – M. Feres Belghith, directeur

Ø Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche – Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle – Mme Simone Bonnafous, directrice générale de l’enseignement supérieur, M. Christophe Castell, sous-directeur de la vie étudiante, Mme Rachel-Marie Pradeilles-Duval, cheffe du service de la stratégie des formations et de la vie étudiante, M. Didier Roux, chef du département des aides étudiants, et M. Olivier Duplessy, adjoint au chef de département

Ø CROUS Caen Normandie – Mme Virginie Catherine, directrice générale, et M. François Tabourier, directeur de la vie étudiante

Ø Cour des comptes – M. Michel Clément, conseiller maître, président de section, Mme Alice Bossière, conseillère référendaire, et Mme Virginie Lobbedey, rapporteure

Ø Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt – Direction générale de l’enseignement et de la recherche – Mme Anne Coilland, adjointe au sous-directeur de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, M. Emmanuel Hemery, chef du bureau de la vie scolaire, étudiante et de l’insertion et M. Franck Feuillatre, adjoint au chef du bureau de la vie scolaire, étudiante et de l’insertion

Ø Conférence présidents d’université (CPU) (*) – M. Mathias Bernard, président de la Commission vie étudiante de la CPU et président de l’université de Blaise Pascal, M. Michel Dellacasagrande, consultant, M. Karl Stoeckel, attaché parlementaire, et Mme Clotilde Marseault, chargée de mission

Ø UNI – M. Edgar Mathet Raffaelli, délégué national, et M. Antonin Garré, chargé de mission affaires sociales

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