N° 4126
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2017,
TOME V
MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES
AUDIOVISUEL ; AVANCES À L’AUDIOVISUEL PUBLIC
Par M. Michel POUZOL,
Député.
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Voir les numéros :
Assemblée nationale : 4061, 4125 (annexe n° 32).
SOMMAIRE
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PAGES
INTRODUCTION 7
I. LES CRÉDITS EN FAVEUR DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC POUR 2017 9
A. UNE REMISE EN CAUSE REGRETTABLE DE L’AUGMENTATION DE LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE 9
1. Les évolutions proposées par le Gouvernement 9
2. Les modifications apportées par l’Assemblée nationale 9
B. UN FINANCEMENT CONFORME AUX ENGAGEMENTS FIXÉS DANS LES DIFFÉRENTS CONTRATS D’OBJECTIFS ET DE MOYENS 10
1. France Télévisions : une situation financière fragile, un nouveau COM 2016-2020 ambitieux 10
a. Une situation financière qui demeure fragile 10
b. Un nouveau contrat d’objectifs et de moyens ambitieux 11
2. Radio France : des interrogations sur la trajectoire économique prévue par le COM 2015-2019 12
3. France Médias Monde : l’accompagnement financier des priorités du nouveau COM 2016-2020 14
4. Arte France : des moyens supplémentaires destinés à réaffirmer l’ambition éditoriale de la chaîne 15
5. L’Institut national de l’audiovisuel : une exécution très satisfaisante du COM 2015-2019 16
6. TV5 Monde : la nécessité d’accompagner une chaîne fortement fragilisée par la cyberattaque d’avril 2015 17
II. LA NOUVELLE OFFRE D’INFORMATION EN CONTINU DU SERVICE PUBLIC 19
A. UN PROJET INDISPENSABLE, UN LANCEMENT RÉUSSI DANS UN DÉLAI CONTRAINT 20
1. La fin d’une anomalie 20
a. La genèse d’une exception française 20
b. Des évolutions du paysage médiatique qui appellent un renforcement de l’information de service public 20
c. Un immense potentiel insuffisamment exploité 22
2. Des délais extrêmement courts, source de difficultés et d’une mobilisation exceptionnelle 22
a. Une mobilisation exceptionnelle du service public audiovisuel 22
b. Des difficultés qui ont pu être surmontées de manière pragmatique 23
B. UN MODÈLE INÉDIT FONDÉ SUR DES SYNERGIES ENTRE LES OPÉRATEURS DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC 24
1. Un projet fondé sur des accords de partenariat entre France Télévisions et les autres acteurs de l’audiovisuel public 24
2. Une gouvernance légère 26
3. Un financement fondé sur des synergies et des redéploiements qui devront faire l’objet d’un suivi scrupuleux 27
a. Les coûts de l’offre d’information du service public 28
b. Un coût global qui doit pouvoir être maîtrisé 32
C. UNE SPÉCIFICITÉ DE SERVICE PUBLIC À CONFIRMER ET À AMPLIFIER DANS UN ENVIRONNEMENT FORTEMENT CONCURRENTIEL 33
1. Un format innovant, des ajustements en cours d’élaboration 33
a. Un format incontestablement innovant, une offre orientée vers le numérique 33
b. Des ajustements en cours d’élaboration 33
2. Une spécificité de service public à confirmer et à amplifier sur le fond 34
a. Un devoir d’exemplarité 34
b. Des coopérations à définir avec les réseaux de France 3 et d’outre-mer et d’autres partenaires 36
3. Des premiers résultats prometteurs sur le numérique, plus confidentiels pour la chaîne 36
a. Des premiers résultats prometteurs sur le numérique 36
b. La problématique de la mesure de l’audience 37
D. UN MODÈLE DE « COMMUNAUTÉ DE PROJET » POUR L’AUDIOVISUEL PUBLIC ? 38
1. La validation d’une logique de « projet commun » contre les tentations de réorganisation des structures 38
a. Le rapprochement organique des sociétés de l’audiovisuel public : une approche contre-productive 38
b. La nécessité de privilégier des coopérations entre entreprises sur des projets concrets 39
2. La nécessité d’une implication plus forte de l’État dans le pilotage stratégique de l’audiovisuel public 39
a. Les limites d’une coordination s’appuyant sur la seule volonté des entreprises 39
b. L’urgence pour l’État d’assumer son rôle de stratège 40
TRAVAUX DE LA COMMISSION 43
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 77
Le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », créé par le VI de l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, retrace en recettes :
– les encaissements de contribution à l’audiovisuel public et, depuis 2016, la part de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) affectée à France Télévisions, déduction faite des frais d’assiette, de recouvrement et de trésorerie ;
– et la prise en charge par le budget général de l’État des dégrèvements de contribution à l’audiovisuel public.
En dépenses, le compte retrace les dotations allouées aux organismes de l’audiovisuel public (France Télévisions, ARTE France, Radio France, France Medias Monde, l’Institut national de l’audiovisuel et la société TV5 Monde). Celles-ci, conformément à la règle inscrite dans l’article instituant le compte de concours financiers, sont versées par douzième du montant inscrit en loi de finances initiale.
Après avoir présenté l’évolution des crédits en faveur de l’audiovisuel public dans le présent projet de loi de finances (I), le rapporteur a souhaité consacrer la partie thématique de son avis aux enjeux du lancement, le 1er septembre 2016, de la nouvelle offre d’information en continu du service public (II).
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, seules 25 % des réponses étaient parvenues, ce qui est notoirement insuffisant.
A. UNE REMISE EN CAUSE REGRETTABLE DE L’AUGMENTATION DE LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Dès 2012, le gouvernement a engagé une réforme du financement de l’audiovisuel public visant à le rendre plus indépendant des crédits du budget général. La loi de finances pour 2016 a renforcé cette démarche en prévoyant dès 2016 l’extinction des crédits budgétaires versés à France Télévisions afin de financer la suppression de la publicité après 20 heures, en contrepartie de l’affectation au groupe de 140,5 millions d’euros du produit de la TOCE prévue à l’article 302 bis KH du code général des impôts.
Dans sa version proposée par le Gouvernement, le projet de loi de finances pour 2017 prévoyait une hausse de deux euros du montant de la contribution à l’audiovisuel public, soit un euro résultant de son indexation sur la prévision d’inflation retenue dans le projet de loi de finances (0,8 %) et un euro supplémentaire exceptionnel destiné à financer les différentes priorités des sociétés de l’audiovisuel public. Les encaissements nets de contribution à l’audiovisuel public en 2017 devaient ainsi, selon les prévisions, progresser de 63 millions d’euros TTC par rapport à 2016, pour atteindre un montant total de 3,790 milliards d’euros.
L’affectation de TOCE à France Télévisions devait quant à elle être stabilisée au niveau de 2016, soit 140,5 millions d’euros hors frais d’assiette et de recouvrement.
Le rapporteur déplore la remise en cause de ces propositions par l’Assemblée nationale.
Lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, le 21 octobre dernier, l’Assemblée nationale a adopté un amendement déposé par Mme Valérie Rabault, rapporteure générale du budget, tendant à ramener l’augmentation de la redevance à un euro. Afin de maintenir la dotation de chacun des opérateurs de l’audiovisuel public à hauteur des prévisions inscrites dans le compte de concours financiers, l’Assemblée nationale a adopté un amendement, présenté par le Gouvernement, tendant à augmenter de 25,533 millions le plafond de la TOCE affectée à France Télévisions, laquelle s’établirait à 166,06 millions d’euros au lieu de 140,5 millions d’euros.
Si cette modification est sans conséquence sur le financement de l’audiovisuel public en 2017, le rapporteur ne dispose d’aucune évaluation de son impact dans les années à venir et de ses conséquences sur la capacité de l’État à respecter les engagements pris dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens.
En tout état de cause, comme l’a rappelé la ministre de la Culture et de la Communication, Mme Audrey Azoulay, en séance publique, cette modification est particulièrement regrettable pour l’ensemble du service public audiovisuel dont l’indépendance repose en grande partie sur l’affectation pérenne de la contribution à l’audiovisuel public. Cette recette possède en effet une dynamique propre liée à l’évolution de son assiette et fait l’objet d’une indexation automatique sur l’inflation, à la différence de la TOCE dont le montant affecté est forfaitaire et par ailleurs susceptible d’être remis en cause en loi de finances.
Le rapporteur rappelle en outre que le montant de la contribution à l’audiovisuel public (138 euros) demeure très inférieur à ce qu’il est en Allemagne (216 euros) et au Royaume-Uni (170 euros).
En tout état de cause, le rapporteur estime que la décision qui a été prise rend la réflexion sur le modèle économique de l’audiovisuel public et sur l’adaptation de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public à l’ère numérique d’autant plus urgente.
B. UN FINANCEMENT CONFORME AUX ENGAGEMENTS FIXÉS DANS LES DIFFÉRENTS CONTRATS D’OBJECTIFS ET DE MOYENS
Le fait est suffisamment rare pour être salué : en 2017, la dotation de chacun des organismes de l’audiovisuel public est conforme aux montants inscrits dans leurs contrats d’objectifs et de moyens respectifs, ce dont le rapporteur ne peut que se féliciter vivement.
En 2015, si les résultats de l’entreprise se sont améliorés, le résultat net du groupe étant équilibré, la situation de l’entreprise reste fragile avec un résultat d’exploitation négatif (– 30,1 millions d’euros) et une situation de trésorerie dégradée, négative de – 18,6 millions à la clôture. L’équilibre du résultat net n’a résulté que d’événements exceptionnels non récurrents (1). Le résultat d’exploitation s’est avéré quant à lui plus dégradé que prévu en raison de recettes publicitaires inférieures de 26,8 millions d’euros à une prévision très peu réaliste. Les charges de personnel – qui représentent plus d’un tiers des charges – ont progressé malgré la mise en œuvre d’un plan de départs volontaires. Le coût de grille a quant à lui diminué de 39,1 millions d’euros par rapport à 2014.
En 2016, la direction de l’entreprise s’est engagée à exécuter le budget sans déficit. Le retour à l’équilibre repose en tout premier lieu sur l’augmentation de la ressource publique à 2 509,7 millions d’euros (+ 28,7 millions d’euros) mais aussi sur une prévision d’augmentation significative des recettes publicitaires à 329,7 millions d’euros (+ 11,7 millions d’euros) intégrant l’impact des jeux olympiques et une diminution du coût de grille (2 039,6 millions d’euros au lieu de 2 047,1 millions d’euros en 2015), les coûts opérationnels du diffuseur et frais généraux étant en augmentation de 10 millions d’euros.
À ce stade de l’année, le résultat d’exploitation et le résultat net prévus au budget paraissent atteignables sous réserve que certaines charges, en particulier la masse salariale, soient maîtrisées et que les recettes publicitaires soient conformes à l’objectif, étant précisé que la provision budgétaire pour l’offre d’information en continu (6 millions d’euros) s’avère inférieure au coût réel marginal de cette offre, qui sera de l’ordre de 11 millions d’euros.
Le rapporteur observe également que la trésorerie continuera à se dégrader pour s’établir à – 33,6 millions d’euros en clôture.
Dans le cadre du projet de COM 2016-2020 qui a été adopté par le conseil d’administration de France Télévisions le 23 juillet 2016, la société souhaite s’engager, parallèlement à une trajectoire de ressources publiques plus favorable et au développement d’une nouvelle dynamique des recettes commerciales (permise en particulier par le nouvel accord signé par France Télévisions avec les producteurs indépendants le 10 décembre 2015), en faveur d’un renforcement des moyens dédiés au cœur de métier, qu’il s’agisse de l’information, de la création ou du développement numérique.
Trois grands axes stratégiques sous-tendent ainsi le projet de COM 2016-2020 :
– la priorité donnée à la création est clairement affirmée pour tous les genres, avec un accent particulier concernant la fiction française : sur la période du COM, l’entreprise s’engage ainsi à investir au moins 420 millions d’euros par an dans la création à compter de 2017 ;
– les développements numériques devraient être concentrés autour d’une plateforme vidéo permettant de répondre à tous les usages des publics, avec une large offre gratuite ainsi que l’accès à des contenus payants, à l’acte ou par abonnement ;
– enfin le lancement au 1er septembre 2016 d’une nouvelle offre d’information continue, franceinfo, en partenariat avec Radio France, France Médias Monde et l’INA, doit renforcer de manière déterminante l’offre d’information du service public pour un coût qui doit pouvoir être maîtrisé. Le rapporteur reviendra plus amplement sur les enjeux de cette nouvelle offre dans la seconde partie du présent rapport.
Prérequis incontournable de cette ambition de développement, l’entreprise s’engage à atteindre l’équilibre de ses comptes chaque année sur l’ensemble de la période du COM. Pour remplir l’ensemble de ces objectifs, l’État et France Télévisions sont convenus d’une trajectoire économique assise sur des perspectives de progression des concours publics, d’une part, sur une nouvelle dynamique de développement et de diversification des ressources commerciales dès 2017, d’autre part, et parallèlement sur la mise en œuvre d’un plan d’économies et de transformation de l’entreprise ambitieux, conjugué à de nouveaux gains de productivité. L’entreprise s’engage en particulier au non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux.
L’État et Radio France ont signé le 20 avril 2016 un COM couvrant la période 2015-2019 et fixant les conditions d’un retour durable à l’équilibre des comptes de la société. Ce COM est articulé en trois axes : « Radio France, radio de référence à l’ère du numérique » ; « Radio France, acteur majeur de la musique et de la culture » et « Radio France, entreprise modernisée et responsable ».
Pour 2017, il est proposé d’allouer à la société Radio France une dotation totale de ressources publiques de 612,3 millions d’euros HT (625,1 millions d’euros TTC) dont 577,7 millions d’euros en fonctionnement et 34,6 millions d’euros en investissement destiné à financer la réhabilitation de la Maison de la radio. La dotation globale attribuée à Radio France est ainsi en augmentation de 5,5 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2016, ce qui correspond aux 5 millions d’euros prévus par la trajectoire du COM auxquels s’ajoute une dotation complémentaire de 0,5 million d’euros attribuée pour compenser la perte de recettes publicitaires sur le numérique liée au lancement de l’offre de service public d’information en continu, la nouvelle offre franceinfo étant sans publicité, à l’antenne comme sur le numérique.
En 2017, conformément aux objectifs fixés par son COM, Radio France devra :
– poursuivre le travail de dynamisation des antennes et sa participation à la nouvelle offre franceinfo, affirmer le positionnement de la Maison de la Radio en tant que lieu culturel ouvert au public en approfondissant son rôle dans la création musicale et culturelle en lien avec les antennes et accélérer le développement numérique ;
– poursuivre le renforcement du contrôle interne de l’entreprise à travers le renouvellement du dialogue social, le travail sur les organisations, la refonte des systèmes d’information de gestion ;
– maîtriser la trajectoire financière, notamment en matière de masse salariale et mettre en œuvre les mesures nécessaires pour permettre le retour à l’équilibre progressif des comptes de l’entreprise à horizon 2018.
En 2017, malgré l’augmentation de certaines charges de fonctionnement (locations extérieures pour faciliter le respect du calendrier des travaux de réhabilitation de la Maison de la radio, amortissements liés à la mise en service prévisionnelle d’une nouvelle phase des travaux, glissements sur la masse salariale liés à l’ancienneté et à la conclusion attendue d’un nouvel accord collectif pour les personnels administratifs et techniques), le déficit d’exploitation de Radio France devrait néanmoins poursuivre la trajectoire de retour à l’équilibre des comptes commencée en 2016 grâce :
– au travail sur les recettes commerciales de l’entreprise : l’évolution du régime publicitaire de Radio France en avril 2016 doit permettre de stabiliser les recettes publicitaires ; les autres ressources propres (éditions, concerts, locations d’espaces, etc.) devraient par ailleurs bénéficier du travail plus systématique de marketing et de valorisation des produits initié en 2015 ;
– aux économies réalisées sur les frais de diffusion avec l’arrêt au 31 décembre 2016 de la diffusion en ondes longues ;
– aux efforts de productivité complémentaires recherchés sur la politique d’achats et de consommation ;
– et à un effort de maîtrise de la masse salariale à travers différents leviers (modération salariale, travail sur les effectifs, réduction de la précarité, etc.).
Le chantier de réhabilitation de la Maison de la radio se poursuivra en 2017 avec l’achèvement de la phase 4 des travaux et le démarrage de la phase 3. De nouvelles opérations s’y ajouteront avec la mise en sécurité des studios moyens, pour laquelle un financement de 5,9 millions d’euros a été prévu dans le COM.
La direction de l’entreprise fait état d’un risque important que le calendrier du chantier ne puisse être tenu. En outre, le rapporteur note que l’entreprise rencontre des difficultés dans la mise en œuvre de ses prévisions de non-remplacement des départs à la retraite dès cette année, prévisions sous-jacentes à la trajectoire financière du COM. La diminution du nombre d’ETP atteindrait 50 fin septembre contre un objectif de 90 sur l’année 2016. Le respect des objectifs fixés dans les prochaines années implique des réorganisations importantes auquel le groupe doit pouvoir procéder.
Le rapporteur relève néanmoins que Radio France est fortement contributrice à la nouvelle offre d’information sans que l’impact financier de ce projet ait pu être pleinement intégré à la trajectoire financière de Radio France, même si la trajectoire de retour à l’équilibre n’est à ce stade pas remise en cause. Les informations transmises au rapporteur par la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) avant la présentation de la partie thématique du présent avis faisaient état de 28 ETP affectés à franceinfo. Depuis, le rapporteur a été alerté sur le fait que le nombre d’ETP se serait établi à 34,5, sans compter les CDDU, ce que l’entreprise a confirmé.
Un avenant au COM de Radio France doit être signé afin d’intégrer le financement des studios moyens, à hauteur de 67,5 millions d’euros, qui n’était pas prévu dans le COM initial. Le rapporteur estime que cet avenant devrait être mis à profit pour intégrer l’impact de la nouvelle offre d’information dans les prévisions du COM.
L’État et la société ont signé, le 9 avril 2014, un COM pour la période 2013-2015, dont les principaux objectifs consistaient à poursuivre la consolidation de la couverture mondiale de France 24, continuer à adapter le programme de RFI et de MCD à leurs publics, notamment par les langues de diffusion, renforcer la stratégie de diffusion sur tous les supports numériques et approfondir les synergies, tant en interne qu’avec les autres acteurs de l’audiovisuel public.
France Médias Monde et l’État viennent de négocier un deuxième projet de COM pour la période 2016-2020. Ce contrat, transmis à notre commission pour avis, doit notamment permettre à France Médias Monde de renforcer son influence dans les zones stratégiques prioritaires, en assurant la distribution de ses antennes, en maintenant leur exigence de qualité et leur dimension de référence, tout en adaptant leur contenu aux enjeux locaux.
L’année 2017 sera notamment marquée par le lancement de la version hispanophone de France 24. La chaîne disposera d’une rédaction implantée en Amérique Latine, à Bogota, composée d’une équipe multinationale, avec le soutien d’un large réseau de correspondants répartis sur tout le continent. Cette rédaction délocalisée travaillera en lien avec une autre équipe basée à Paris, chargée des contenus « France » et « International ».
Par ailleurs, la société participe au projet commun d’offre publique d’information en continu, à travers la production de modules spécifiques pour la chaîne.
La dotation de ressources publiques de France Médias Monde pour 2017, fixée à 251,5 millions d’euros HT, en augmentation de 7,5 millions d’euros (soit + 3,1 %) par rapport à 2016, est conforme aux prévisions du projet de COM 2016-2020.
Le groupe devra poursuivre sa politique d’optimisation de son organisation afin notamment de respecter ses équilibres budgétaires. FMM devra également porter un accent particulier sur la visibilité de ses contenus dans un contexte marqué par l’hyper offre. En effet, quelle que soit la qualité des contenus, « faire » sans se faire connaître auprès des publics ne suffit plus. Fortement limitées ces dernières années en raison de la priorité donnée à l’enrichissement des antennes du groupe, les dépenses en marketing et communication doivent donc être augmentées dès 2017.
4. Arte France : des moyens supplémentaires destinés à réaffirmer l’ambition éditoriale de la chaîne
L’État et la société ont signé le 6 décembre 2011 un COM pour la période 2012-2016 dans lequel ARTE s’engageait à renforcer ses liens avec ses publics et à élargir son audience, à s’affirmer comme le média global de référence pour la culture et la création européenne auprès d’un large public, à faire évoluer l’offre de services grâce aux nouveaux médias et continuer à améliorer et moderniser sa gestion.
Un nouveau projet de COM couvrant la période 2017-2021 vient d’être transmis à notre commission pour avis. Il réaffirme l’ambition éditoriale d’ARTE France en continuant à donner la priorité à la création et en proposant d’accroître la part de programmes inédits, tout en accentuant leur caractère européen et leur déploiement en Europe grâce au numérique, dans le cadre d’une gestion maîtrisée.
Pour 2017, il est proposé d’allouer à la société ARTE France une dotation de ressources publiques de 274,3 millions d’euros HT, en hausse de 3,8 %, conforme aux prévisions de ce projet de COM. La totalité de la hausse de contribution publique (10 millions d’euros hors taxes) en 2017 sera affectée aux programmes. Le rapporteur note que l’entreprise mobilisera également la totalité du solde du report à nouveau prévisionnel disponible à l’issue de l’exercice 2016 (3 millions d’euros), afin d’accroître les investissements directs dans les programmes par rapport à 2016 (à hauteur de 13 millions d’euros, soit + 10 %) pour les porter à 146 millions d’euros.
L’entreprise devrait par ailleurs bénéficier d’une diminution sensible de ses charges de diffusion (à hauteur de -5,8 millions d’euros) à la faveur de l’effet en année pleine de l’arrêt de la diffusion TNT et satellite SD et du nouveau partage des charges entre diffuseurs sur la TNT HD.
La dotation publique allouée à l’INA pour 2017 est de 89 millions d’euros HT (soit 90,9 millions d’euros TTC), montant conforme aux prévisions du COM 2015-2019, qui fixe à l’établissement plusieurs axes majeurs.
L’INA doit tout d’abord poursuivre sa mission de conservation des archives audiovisuelles. Le plan de sauvegarde et de numérisation lancé en 1999 pour conserver sous un format durablement exploitable les fonds audiovisuels doit être finalisé à 90 % en 2019.
L’INA doit désormais relever le défi de mieux adapter ses offres aux usages numériques. C’est tout l’enjeu de la création d’un Hub, grand site-carrefour auquel seront arrimées toutes les propositions de l’établissement, actuellement excessivement dispersées, en direction de tous ses publics (professionnels, chercheurs, institutions, en France comme à l’étranger, grand public).
L’INA doit également remédier à la dégradation de ses recettes commerciales en diversifiant ses clients. Afin de faire face au vieillissement des fonds sur lesquels il possède des droits et à l’atonie du marché national, l’INA doit accentuer sa politique de prise de mandats commerciaux sur des fonds qui lui sont confiés et développer son outil de commercialisation de ces fonds, la plate-forme INA Médias pro. L’INA vient par ailleurs de lancer sa plate-forme de vidéo à la demande par abonnement. Le renforcement de ces offres doit s’accompagner de la recherche de nouveaux marchés, en région, auprès d’entreprises « hors médias » ou encore à l’international.
Il convient de noter que les recettes commerciales ont été estimées à 38,09 millions d’euros dans le budget initial 2016, mais revues à la baisse à 37,2 millions d’euros dans le budget rectificatif approuvé le 7 juillet dernier par le conseil d’administration. Ce volume de recettes est supérieur de près de 1 million d’euros au réalisé 2015 mais en retrait de plus de 2 % par rapport au budget initial. Cette baisse est essentiellement due à la diminution des ventes de contenus ainsi qu’au décalage de certains projets à l’international lié à des négociations préalables complexes avec les ayants droit. Cette activité est également affectée par le recul du marché des éditions physiques et une progression plus faible qu’anticipée du marché des éditions physiques. Néanmoins, les résultats à la fin du premier semestre 2016 confirment une nette évolution des attendus de recettes qui, associés à la mise en œuvre au dernier trimestre 2016 du nouveau projet stratégique d’entreprise orienté vers l’augmentation de la valeur commerciale et scientifique des contenus et services proposés, doivent permettre de maintenir l’objectif de chiffre d’affaires conforme à la trajectoire budgétaire du COM, à hauteur de 39 millions d’euros pour 2017. Le rapporteur salue à cet égard l’amélioration de la prévision budgétaire de l’INA en matière de recettes commerciales.
L’INA prévoit en outre de renforcer, en partenariat avec l’éducation nationale, son rôle en matière d’éducation aux médias et de décryptage de l’information. Il est également prévu la création d’un observatoire de l’audiovisuel et du numérique, lieu de réflexion prospective sur l’avenir des nouveaux médias.
Enfin, l’INA doit moderniser sa gestion sociale, financière et immobilière. L’institut doit en particulier renforcer ses procédures d’achat et de contrôle comptable et financier et élaborer un plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Le rapporteur note que ces chantiers ont été lancés avec succès par la nouvelle direction. L’objectif de stabilisation de la masse salariale a notamment été tenu. En 2017, l’institut prévoit de poursuivre la maîtrise de ses charges de personnels en maintenant sa masse salariale en dessous de 67,5 millions d’euros et le recours à l’intermittence en dessous d’un montant de 2,5 millions d’euros. Les charges d’exploitation ont été fortement contraintes en 2015 avec la mise en œuvre d’une politique de rationalisation des achats, notamment au travers de l’adoption d’un nouveau règlement intérieur des achats et une réorganisation du département des achats. Cette dernière se poursuit en 2016 et les orientations définies dans le cadre des procédures achats, associées à la réalisation en cours d’une cartographie globale des besoins, permettront à l’INA de poursuivre la maîtrise de ses charges d’exploitation et de les contenir au niveau de ses engagements pris dans le COM, à hauteur de 39,5 millions d’euros.
L’établissement doit de surcroît lancer un chantier immobilier qui permettra le regroupement des activités à Bry-sur-Marne, l’amélioration des conditions de travail et la création d’un nouveau centre de stockage des archives. Le ministère de la culture et de la communication et l’INA ont à cet effet confié en 2014 à l’opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) une expertise sur l’évolution des implantations immobilières de l’INA. Les conclusions de cette étude ont permis d’établir un projet immobilier structurant pour l’établissement qui sera intégralement autofinancé sur quatre ans et dont le coût final est estimé à 25 millions d’euros HT. Ce projet débutera en mars 2017 après une phase de travaux préalables en cours de réalisation.
L’institut participe par ailleurs au projet commun d’offre publique d’information en continu, en fournissant plusieurs modules quotidiens visant à éclairer l’actualité au travers des fonds documentaires dont dispose l’INA. Le rapporteur salue la mobilisation de l’entreprise, qui n’a procédé à aucun recrutement, pour fournir des modules dont la qualité apporte une véritable profondeur historique à franceinfo.
6. TV5 Monde : la nécessité d’accompagner une chaîne fortement fragilisée par la cyberattaque d’avril 2015
TV5 Monde est une chaîne multilatérale francophone basée à Paris, associant les radiodiffuseurs publics de la France, de la Belgique, de la Suisse, du Canada et du Québec. Elle doit servir de vitrine à l’ensemble de la Francophonie et être un lieu de coopération entre les radiodiffuseurs partenaires. Elle diffuse ses programmes par câble ou satellite sous la forme de neuf signaux régionaux distincts dans plus de 200 pays dans le monde, représentant plus de 255 millions de foyers. TV5 Monde constitue ainsi l’un des trois plus grands réseaux mondiaux de télévision, aux côtés de MTV et de CNN.
La cyberattaque du 8 avril 2015 dont a été victime TV5 Monde a profondément bouleversé le fonctionnement de la chaîne et entraîné des charges financières supplémentaires qui ont eu des répercussions dès 2015 et représenteront un surcoût annuel pérenne de l’ordre de 3 millions d’euros par an. La France et ses partenaires se sont efforcés d’accompagner l’entreprise pour éviter que les conséquences de cette attaque terroriste ne fragilisent son équilibre économique et ne remettent en cause sa capacité à promouvoir la francophonie à travers le monde et en particulier dans des territoires stratégiques.
Un plan stratégique pour les exercices 2017 à 2020 est en cours de négociation entre la société et les gouvernements bailleurs de fonds. Ce plan devra notamment permettre à TV5 Monde de relancer son offre numérique, tout en respectant ses impératifs de cybersécurité, et devra lui permettre de consolider sa place de chaîne internationale de référence, notamment en Afrique.
Pour 2017, il est proposé d’allouer à la société une dotation totale de ressources publiques de 78,4 millions d’euros HT (soit 80 millions d’euros TTC), en progression de 1,4 million d’euros, soit 1,9 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2016. Cette progression doit notamment aider la chaîne à faire face aux surcoûts pérennes liés à la sécurisation accrue de ses systèmes d’information et à améliorer son offre numérique.
Les partenaires francophones ont également soutenu financièrement TV5 Monde en 2016 avec des contributions exceptionnelles à hauteur de 2 millions d’euros, non reconductibles en 2017. Le montant de leurs dotations pour 2017 n’est cependant pas connu à ce stade.
Afin de disposer de moyens supplémentaires nécessaires pour relever les défis auxquels TV5 est confrontée et considérant que les gouvernements bailleurs de fonds font face à des contraintes budgétaires fortes, le rapporteur note qu’est actuellement à l’étude l’opportunité d’étendre le périmètre de TV5 Monde à de nouveaux partenaires présentant toutes les garanties non seulement de respect de leurs engagements mais surtout de partage des mêmes visions démocratiques de bonne gouvernance et valeurs culturelles fondamentales.
Le rapporteur a souhaité consacrer la partie thématique de son avis aux enjeux du lancement, le 1er septembre 2016, d’une nouvelle offre d’information continue réunissant les différents acteurs de l’audiovisuel public. Ce lancement constitue un événement majeur à plusieurs titres.
L’absence d’une chaîne publique d’information continue destinée au public français constituait une exception française en Europe. Il s’agissait d’une lacune majeure, alors que le service public audiovisuel français est fort de la plus grande rédaction d’Europe à travers les 4 500 journalistes que comptent les sociétés France Télévisions, France Médias Monde et Radio France, et que l’information constitue pour le service public une mission centrale que la révolution numérique a conduit à réaffirmer et à amplifier partout en Europe. Le lancement réussi de la nouvelle offre d’information du service public, dans des délais particulièrement contraints, vient donc enfin remédier à cette anomalie (A).
En outre, alors que les rapports qui se succèdent déplorent tous l’absence de coordination des sociétés de l’audiovisuel public et appellent à des synergies accrues, qui selon certains ne pourraient passer que par des rapprochements structurels entre les sociétés, le service public fait la démonstration de sa capacité à mettre en commun ses compétences et ses moyens dans une démarche pragmatique (B).
Si l’offre mise en place présente d’indéniables qualités, en particulier des formats innovants, le rapporteur estime qu’elle devra confirmer et amplifier sa spécificité de service public afin d’asseoir sa légitimité dans un univers fortement concurrentiel (C).
À la lumière de cette expérience et du bilan négatif des tentatives de rapprochement et des fusions opérées entre les sociétés de l’audiovisuel public, le rapporteur estime que la piste d’un rapprochement organique entre les sociétés de l’audiovisuel public doit être écartée au profit d’une politique coordonnée de développement de l’audiovisuel public. Cette approche nécessite néanmoins la mise en place par l’État d’un véritable pilotage stratégique dont le rapporteur ne peut que constater qu’il fait défaut (D).
Le rapporteur rappelle qu’une chaîne d’information en continu du service public devait voir le jour en septembre 2002 sous la présidence de Marc Teissier, à la faveur du déploiement de la télévision numérique terrestre (TNT). En mai 2002, à quelques jours du second tour de l’élection présidentielle, Lionel Jospin, Premier ministre, avait même publié le décret approuvant le cahier des charges de la nouvelle chaîne.
Le nouveau Gouvernement a néanmoins remis en cause le projet, en s’appuyant en particulier sur les conclusions du rapport commandé par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin à Michel Boyon, futur président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), sur la TNT. Ce dernier soulignait notamment la nécessité de préserver les acteurs privés (à l’époque les chaînes payantes LCI et I-Télé). Parallèlement, le Gouvernement faisait le choix de développer une chaîne publique d’information internationale, France 24, détenue à parts égales par France Télévisions et TF1, mais qui ne sera pas diffusée sur le territoire national dans le même souci de préservation de la concurrence. En mai 2005, le CSA sélectionnait néanmoins huit services nationaux pour la TNT parmi lesquels BFM-TV, nouvelle chaîne d’information gratuite en continu détenue par le groupe Nextradio, et I-Télé qui devenait un service gratuit. Comme l’indique très justement Jean-Marie Beffara dans son rapport d’information sur la nouvelle chaîne publique d’information en continu de juillet 2016, « le choix politique qui a été fait après 2002 de favoriser l’émergence d’une troisième chaîne privée d’information en continu au détriment d’une chaîne publique peut surprendre. Il fait en effet de la France le seul pays européen où le service public est absent de ce secteur pourtant primordial pour la défense du pluralisme et l’enrichissement du débat démocratique ». Alors que les chaînes d’information en continu sont venues concurrencer frontalement l’information fournie par les chaînes historiques, cette situation est demeurée une faiblesse majeure du service public français.
b. Des évolutions du paysage médiatique qui appellent un renforcement de l’information de service public
Comme le soulignait le rapport de février 2015 du groupe de travail sur l’avenir de France Télévisions coordonné par M. Marc Schwartz en s’appuyant sur des comparaisons européennes, dans le contexte de forte mutation du paysage médiatique que nous connaissons, marqué en particulier par l’explosion du nombre de chaînes de télévision et de l’offre de programmes disponibles sur les réseaux, « la présence de médias de service public paraît plus que jamais nécessaire ». Partout en Europe, les États ont réaffirmé le rôle indispensable et la spécificité des missions des médias de service public. L’information figure au premier rang de ces missions car, le rapporteur tient à le souligner, les bouleversements du paysage médiatique auxquels nous assistons ne font que renforcer le besoin d’un service public de l’information puissant.
La révolution numérique qui engendre une explosion des sources d’information et percute les modèles économiques des médias privés, loin de remettre en cause le rôle de l’information de service public, la rend plus indispensable que jamais. Comme l’indique le projet de contrat d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions pour la période 2016-2020, alors que les réseaux sociaux sont devenus une des premières sources d’information pour les nouvelles générations, « l’information de service public dispose d’une responsabilité particulière, celle de fournir une information certifiée, vérifiée et validée, qui est le principal contrepoids aux démarches de communication relayées sans discernement et sans recul ». L’offre d’information du service public doit être « une offre de décryptage, qui cherche à favoriser la compréhension du monde ». Elle doit par ailleurs permettre de « garantir aux citoyens l’accès à une information totalement indépendante des pouvoirs politiques et économiques ».
En effet, alors que l’intérêt des Français pour l’information est élevé, le baromètre réalisé tous les ans par TNS Sofres pour La Croix montre que leur confiance dans les médias est très dégradée, la radio étant le média jugé le plus crédible, à 55 %, suivi par le journal à 51 %, la télévision à 50 % et enfin internet avec 31 %. Seuls 27 % des Français jugent les journalistes indépendants face aux pressions des partis politiques et du pouvoir et 28 % les jugent indépendants face aux pressions de l’argent. Comme le souligne Carine Marcé, directrice associée de TNS Sofres, « ces résultats renvoient à une forme de désespérance de la société française, très critique vis-à-vis de ses médias comme vis-à-vis de toute institution » (2).
Les recompositions du paysage médiatique à l’œuvre ces dernières années ont accru le sentiment d’un manque d’indépendance des professionnels de l’information. Comme l’indique Julia Cagé, économiste spécialiste des médias, « avec la reprise en mains musclée de Canal + et d’iTélé par Vincent Bolloré (nouveau propriétaire de Vivendi) cet été, le sentiment diffus d’un manque d’indépendance des médias est soudain devenu visible et concret : limogeage de patrons de chaînes, censure non démentie de documentaires… L’appétit médiatique d’un géant des télécoms comme Altice (SFR-Numéricable) qui possède Libération, L’Express et bientôt BFM TV et RMC, ou celui de l’industriel Bernard Arnault (LVMH, Les Échos) qui a racheté Le Parisien, interroge tout autant » (3).
Dans ce contexte, il est de la responsabilité des pouvoirs publics de contribuer à inverser cette tendance et, à cet égard, le rapporteur ne peut que se féliciter de l’adoption récente de la proposition de loi de Bruno Le Roux et Patrick Bloche visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias et de l’affirmation d’une ambition forte du service public dans le domaine de l’information.
À la suite de nombreux rapports ayant formulé un constat semblable, le rapport de février 2015 du groupe de travail sur l’avenir de Télévisions relevait que « dans le domaine de l’information, les stratégies des sociétés publiques ne sont pas coordonnées et les moyens s’additionnent au sein des trois entités concernées : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde. Les rédactions de ces sociétés totalisent environ 4 500 journalistes, au sein des rédactions nationales, des rédactions régionales et des réseaux internationaux. Cela représente une force de frappe considérable et un atout déterminant pour l’audiovisuel public français. Mais les coopérations restent limitées, sauf au sein d’une même société : France Bleu/France Inter ou France 24/RFI par exemple. […]
Le groupe de travail partage le diagnostic porté par plusieurs interlocuteurs d’une dispersion des moyens publics en matière d’information, et d’une lacune existant dans le dispositif public, qui ne dispose pas, en dépit de moyens conséquents, d’une chaîne d’information en continu destinée au public français. Il considère que tout projet dans ce domaine ne devrait se concevoir qu’en associant toutes les forces du secteur public, autour d’un projet commun ».
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, s’il n’est pas illégitime de s’interroger sur le nombre de chaînes d’information disponibles sur la TNT, situation dont le CSA est le principal responsable, le rapporteur estime que la légitimité d’une chaîne d’information du service public est quant à elle incontestable et que le service public ne peut être absent de l’information en continu à la télévision sans porter atteinte à sa crédibilité.
Dans son projet stratégique, Delphine Ernotte s’engageait à présenter un projet avant la fin de l’année 2015 « avec l’objectif, s’il venait à être validé, d’une mise à l’antenne en septembre 2016 ». Comme l’indique Jean-Marie Beffara dans son rapport précité, la chaîne publique d’information en continu devait nécessairement être lancée dans des délais de mise en œuvre exceptionnellement courts, « pour que l’histoire ne se répète pas ».
Alors que le rapport d’information d’André Gattolin et de Jean-Pierre Leleux de septembre 2015 (4) insistait sur l’« inertie » de l’audiovisuel public français et que le dernier rapport de la Cour des comptes sur France Télévisions (5) consacre quant à lui un chapitre à l’information, « un secteur emblématique rétif au changement », force est de constater que le service public, en réussissant contre toute attente le lancement d’une nouvelle chaîne dans les délais prévus, a fait la preuve de sa réactivité et de son dynamisme. Le rapporteur ne peut que saluer la mobilisation exceptionnelle de l’audiovisuel public au service de ce projet.
Les difficultés engendrées par ces délais extrêmement réduits ont été largement analysées dans le rapport d’information précité de Jean-Marie Beffara. Elles ont été à nouveau évoquées par les représentations syndicales rencontrées par le rapporteur qui ont pu regretter « une concertation au pas de charge » ou une mise en œuvre « à marche forcée » ainsi que des interrogations sur l’organisation du travail.
La mise en place d’un avenant à l’accord collectif du 28 mai 2013 sur la création de nouveaux emplois applicable à la chaîne d’information n’avait en particulier pas pu aboutir, faute de temps, avant le lancement de la chaîne d’information. Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport précité, la nouvelle classification des métiers introduite par l’accord collectif du 28 mai 2013 n’a pas été mise à profit pour adapter les postes de l’entreprise à la polyvalence que permettent les outils numériques et qui rend de plus en plus poreuse la frontière – considérée autrefois comme intangible – entre journalistes et techniciens. À titre d’exemple, les journalistes sortant de formation sont en mesure de monter eux-mêmes la majorité des sujets simples diffusés dans les journaux télévisés.
Deux des syndicats représentatifs de France Télévisions ont considéré que bien que limitée au périmètre de la chaîne d’information, la création de postes comportant des compétences complémentaires aurait dû faire l’objet d’une négociation collective en amont et ont porté ce contentieux devant la justice.
La décision du tribunal de grande instance de Paris du 13 septembre 2016, dont France Télévisions a interjeté appel, a confirmé cette analyse et interdit à l’entreprise de modifier unilatéralement les métiers de l’entreprise sans conclure un accord avec les organisations syndicales représentatives afin de réviser l’accord collectif du 28 mai 2013. Cette décision, qui interdisait, en l’état, l’exercice des compétences complémentaires mises en œuvre pour la chaîne d’information continue (montage pour les journalistes et production de contenu éditorial pour les monteurs) aurait pu conduire à l’arrêt de franceinfo. Le rapporteur se félicite qu’une issue positive ait pu être trouvée par le dialogue social avec la conclusion d’un accord majoritaire.
Cet accord met en place une expérimentation, limitée dans le temps, qui permet l’exercice de certaines compétences complémentaires dans le cadre de la chaîne d’information sans pour autant les généraliser au niveau de l’entreprise. Un bilan est prévu en fin de période à l’issue duquel des négociations pourront s’engager, en ce qui concerne la chaîne d’information, sur la base d’éléments d’appréciation concrets et objectifs.
L’accord repose donc sur une approche pragmatique qui consacre le rôle central confié à la commission d’analyse, de suivi de la mise en œuvre et d’ajustement (CASMOA) de la nouvelle offre d’information, mise en place à la demande et sous l’égide du comité central d’entreprise. Présidée par un représentant élu du personnel et instituée jusque fin 2017, cette commission permet l’exercice d’un dialogue social continu qui se nourrit des réalités observées sur le terrain en ce qui concerne chaque aspect de la nouvelle offre.
Le rapporteur se félicite que le groupe France Télévisions ait pu sortir par le haut de cette situation, à travers une approche pragmatique qui fait de la chaîne d’information un laboratoire au service de l’ensemble des chantiers sociaux de la société et un moteur de transformation du groupe.
1. Un projet fondé sur des accords de partenariat entre France Télévisions et les autres acteurs de l’audiovisuel public
La nouvelle chaîne publique d’information repose sur la mise en commun des savoir-faire et des complémentarités des quatre organismes partenaires : elle bénéficie ainsi de l’expérience de la radio France Info en matière d’information continue, de la puissance et du maillage territorial des rédactions de France Télévisions, de l’expertise internationale de France 24 et de la capacité de l’INA à mettre en perspective les événements grâce à l’exploitation des archives. Ainsi que le prévoient désormais les cahiers des charges modifiés (6) de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, franceinfo repose sur des accords de partenariat signés entre France Télévisions et chacun des partenaires du projet qui valorisent de façon croisée les apports des uns et des autres au projet commun.
La participation de la radio France Info, dont le rapporteur tient à souligner qu’elle constitue historiquement la première chaîne d’information en continu de France, permet d’apporter son expérience et sa notoriété en ce domaine ainsi que sa marque. Radio France met ainsi à disposition de la chaîne :
– un fil de dépêches et d’éléments pour les journaux produits par l’Agence France Info ;
– des bandeaux d’actualité reprenant ces informations en continu ;
– des rappels de titres en direct produits quatre à cinq fois par heure, pendant une minute, mis en image avec photos et vidéos et diffusés simultanément sur l’antenne radio ;
– une émission quotidienne de trente minutes en direct diffusée simultanément sur l’antenne radio vers huit heures trente ;
– et une deuxième tranche quotidienne d’une heure trente minutes en direct diffusée simultanément sur l’antenne radio vers vingt heures.
Selon l’actualité, Radio France s’engage en outre à mettre à la disposition de la chaîne des décrochages ponctuels de l’antenne radio et des duplex de décryptage.
Ces contributions sont valorisées à un montant forfaitaire annuel de 1,5 million d’euros hors taxes (HT). La concession de la licence de la marque « France Info » de Radio France à France Télévisions donne par ailleurs lieu à une rémunération annuelle forfaitaire d’un montant de 40 000 euros HT.
Depuis le démarrage du projet, France Médias Monde fait partie du comité de pilotage du projet de chaîne d’information. Concernant la participation de France 24, le projet prévoit des modules produits spécifiquement pour franceinfo :
– trois journaux du monde, sept jours sur sept, tout en images ;
– trois duplex quotidiens permettant des échanges entre les trois rédactions partenaires (franceinfo télé, France Info radio et France 24) ;
– trois modules hebdomadaires de deux minutes, « Les Observateurs », émission phare de France 24 ;
– une capacité à prendre en charge les éditions spéciales en cas d’événement international majeur ;
– la reprise du signal de France 24 en français entre minuit et six heures du matin ;
– des passerelles en matière d’offres numériques.
Ces prestations et contenus s’échangent moyennant une valorisation croisée de 1,2 million HT.
L’INA produit pour la chaîne des programmes permettant, grâce au recours aux images d’archives, d’éclairer l’événement présent, de le mettre en perspective avec le passé comme avec l’avenir :
– l’archive du jour, module « quotidien tout images », d’environ deux minutes trente ;
– l’archive du jour, module quotidien « incarné » d’environ trois minutes reprenant le module « quotidien tout images » et complété d’une introduction et d’une conclusion en plateau par un présentateur de l’INA ;
– la « data du jour », module quotidien d’environ deux minutes. Ce module présente une donnée (sondage, date, résultat, montant…) en résonance avec l’actualité, illustrée par un document d’archive issu des fonds de l’INA et mise en perspective par une infographie, avec un commentaire en voix off.
Chacun de ces modules sera diffusé au minimum trois fois par jour sur l’offre linéaire de la chaîne et disponible en ligne sur son offre délinéarisée. Ils seront également repris sur le site ina.fr. En contrepartie de ce qui précède, France Télévisions versera à l’INA la somme annuelle, globale et forfaitaire de 500 000 euros HT.
S’agissant de la gouvernance, de la coordination et de la responsabilité éditoriale, Radio France et France Télévisions ont fixé leurs modalités de collaboration dans trois contrats :
– un contrat portant sur la chaîne de télévision et prévoyant les modalités de participation de Radio France à la chaîne d’information ainsi que les garanties qui y sont associées ;
– un contrat portant sur la licence de la marque « France info » à France Télévisions ;
– et un contrat portant sur les services non-linéaires prévoyant la mise en œuvre d’une gouvernance commune pour l’offre numérique créée par France Télévisions et Radio France.
Ces trois contrats ont été discutés avec le souci partagé de garantir l’indépendance des rédactions, la cohérence éditoriale de l’offre, l’équilibre entre les deux partenaires, la pérennité de leur collaboration et l’intérêt social de chaque entreprise.
France Télévisions édite sous sa seule responsabilité le service de télévision franceinfo, de même que Radio France édite sous sa seule responsabilité le service de radio « France Info ». Les programmes de France 24 diffusés après minuit restent évidemment sous la responsabilité éditoriale de France 24.
S’agissant de la coordination éditoriale, le contrat conclu entre France Télévisions et Radio France relatif à la chaîne de télévision prévoit qu’un comité de coordination éditoriale, placé sous les responsabilités des présidents de Radio France et de France Télévisions, réunit paritairement les directions de la chaîne et de l’antenne radio pour partager la stratégie éditoriale, organiser les modalités de coopération entre les antennes et garantir la cohérence de l’information.
Les services non-linéaires (site internet, application, réseaux sociaux) sont composés principalement des contenus apportés par France Télévisions et Radio France. Les deux sociétés conservent leur autonomie pour la mise en ligne des contenus qu’elles apportent et demeureront chacune responsable de ces contenus.
Les modalités de collaboration entre France Télévisions et Radio France concernant la création de l’offre numérique d’information commune sont fixées dans un contrat spécifique, qui prévoit que la direction des services non linéaires est confiée conjointement à un directeur et à un directeur délégué nommés d’un commun accord par la présidente de France Télévisions et le président de Radio France. Assistés d’un comité numérique composé paritairement par trois représentants de chaque société, ils ont notamment pour mission de définir la stratégie et la ligne éditoriale de l’offre et de s’assurer de la cohérence des contenus avec la ligne éditoriale de la chaîne de télévision et de l’antenne radio.
Enfin, dans le cadre du contrat de licence de la marque « France Info », un comité de la marque est instauré, réunissant France Télévisions et Radio France, afin de s’assurer du maintien de la réputation, de l’image, des valeurs de la marque ainsi que des savoir-faire qui y sont indissociables.
3. Un financement fondé sur des synergies et des redéploiements qui devront faire l’objet d’un suivi scrupuleux
Le rapport précité de la Cour des comptes juge le chiffrage du coût de franceinfo « flou » et estime indispensable que soit menée une expertise sérieuse et approfondie permettant de déterminer un coût complet « afin d’en apprécier la pertinence par référence à des comparaisons établies sur des chaînes similaires déjà existantes et de prévenir tout risque de dérapage financier ». Les auditions conduites par le rapporteur l’ont convaincu des limites méthodologiques d’un exercice d’évaluation du coût complet, s’agissant d’un projet essentiellement fondé sur des synergies, et le conduisent à estimer le risque de « dérapage financier » limité, bien qu’un suivi scrupuleux, en particulier des redéploiements, soit évidemment nécessaire.
Les chiffres qui suivent sont les chiffres connus de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) à la date du 23 septembre 2016. Ils prennent notamment en compte les éléments de révision du plan d’affaires à laquelle France Télévisions a procédé courant septembre. La DGMIC propose une évaluation du coût « direct » de l’offre publique qui est appréhendé en faisant la somme :
– des charges correspondant aux moyens déjà dédiés à la production d’information et qui sont mis au service de la nouvelle offre ;
– et des coûts additionnels, qui correspondent aux moyens supplémentaires mobilisés par les organismes pour répondre aux besoins de l’offre publique d’information.
En revanche, le ministère de la Culture et de la Communication indique en réponse au questionnaire budgétaire, qu’« à ce stade, il n’est pas possible de chiffrer le coût complet de l’offre publique d’information, faute de données homogènes (entre sociétés) et fiables de comptabilité analytique permettant d’intégrer à la nouvelle offre une fraction des frais de structure de chaque entité (coût de la gestion des ressources humaines, coût d’entretien du bâtiment ou du loyer, etc.). Une partie de ces coûts aura vocation à être imputée analytiquement à l’offre, mais ils ne constitueront ni une augmentation du budget, ni un surcoût pour les entreprises, car ils correspondront à des redéploiements de charges préexistantes ».
S’agissant de l’approche en coût complet exigée par la Cour des comptes, France Télévisions ne la considère ni pertinente, ni réaliste. Selon l’entreprise « elle impliquerait de réelles difficultés méthodologiques et un risque important de surévaluation et de double compte, eu égard au volume de synergies, très atypique par comparaison avec les offres privées, sur lequel repose le modèle économique du projet. Ainsi, si le surcoût induit par cette nouvelle offre doit bien évidemment être attentivement maîtrisé, c’est à l’échelle de l’entreprise et à l’aune de la tenue globale de ses comptes que son impact économique net devra être appréhendé ».
À titre d’illustrations de cette complexité méthodologique :
– la réexploitation sur l’antenne de franceinfo de sujets déjà produits et diffusés par les réseaux régionaux et ultramarins n’a pas vocation à être considérée comme un élément du coût de la chaîne puisque ce coût est d’ores et déjà imputé à l’entité qui primo-diffuse ces contenus ;
– l’intervention ponctuelle sur le plateau de franceinfo de journalistes spécialisés de la rédaction nationale de France Télévisions n’a pas davantage vocation à être imputée comme un coût : une telle imputation serait impossible en méthode et irait, selon France Télévisions, à rebours de la logique de fusion des rédactions, qui consiste précisément à créer une rédaction unique dont les moyens sont mis à la disposition des différentes éditions d’information du groupe ;
- les coûts techniques de diffusion sur la TNT ou les mètres carrés utilisés par le plateau de franceinfo ne constituent pas des surcoûts pour France Télévisions, puisque la chaîne a été développée par le groupe à périmètre de ressource hertzienne (par dégradation du signal de France Ô) et à surface immobilière inchangés. Si ces coûts auront bien pour leur part vocation à être imputés analytiquement à la chaîne, cette imputation aura pour corollaire une minoration des coûts immobiliers et de diffusion pour les entités qui les supportaient précédemment. Cette opération constitue donc un simple jeu d’écritures comptables et aura un solde neutre pour France Télévisions.
Le tableau ci-après montre que l’essentiel du « surcoût » engendré par la nouvelle offre sera supporté par France Télévisions.
COÛT DIRECT DE L’OFFRE PUBLIQUE D’INFORMATION
(En millions d’euros)
2016 |
2017 |
2018 |
2019 | |
France Télévisions | ||||
Coût additionnel dont charges de personnels dont charges de fonctionnement * dont amortissements des investissements initiaux dont développements du projet |
11,1 6,4 3,4 0,6 0,7 |
15,8 9,8 4,4 1,7 |
13,6 7,6 4,3 1,7 |
13,8 7,8 4,3 1,7 |
Charges déjà existantes redéployées |
0,8 |
5,3 |
7,6 |
7,8 |
Coût direct total |
11,9 |
21,1 |
21,2 |
21,5 |
Radio France | ||||
Coût additionnel dont charges de personnels dont charges de fonctionnement courant dont amortissements des investissements initiaux |
2,4 1,2 1,0 0,2 |
3,5 2,1 0,8 0,6 |
3,5 2,1 0,8 0,6 |
3,5 2,1 0,8 0,6 |
Charges déjà existantes redéployées |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
Coût direct total |
2,4 |
3,5 |
3,5 |
3,5 |
Institut national de l’audiovisuel | ||||
Coût additionnel |
0,2 |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
Charges déjà existantes redéployées |
0,4 |
1,3 |
1,3 |
1,3 |
Coût direct total |
0,6 |
1,8 |
1,8 |
1,8 |
France Médias Monde | ||||
Coût additionnel |
0,3 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
Charges déjà existantes redéployées |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
Coût direct total |
0,3 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
Neutralisation des coûts pris en charge par FTV Coût direct total |
0,5 14,7 |
0,7 26,7 |
0,7 26,9 |
0,7 27,2 |
dont coût additionnel total dont charges déjà existantes redéployées |
13,5 1,2 |
20,1 6,6 |
17,9 8,9 |
18, 1 9,1 |
* incluant la prise en charge des coûts additionnels de l’INA et de FMM
Source : direction générale des médias et des industries culturelles.
Présentation des coûts supportés par les différentes sociétés
Les éléments qui suivent ont été transmis par la DGMIC au rapporteur en réponse au questionnaire budgétaire.
À France Télévisions, l’équipe dédiée à l’offre publique d’information serait constituée de 175 équivalents temps plein (ETP) dont 112 ETP au sein de la direction de l’information, et 63 ETP au sein de la direction technologies et fabrication. 50 % seraient issus de redéploiements progressivement opérés par France Télévisions (11 % des postes en 2016, 37,5 % en 2017 et 50 % en 2018). À partir de 2019, les charges de personnels supplémentaires (hors redéploiement) représenteraient 7,7 millions d’euros, soit 50 % des 15,5 millions d’euros de masse salariale totale consacrée à l’offre publique d’information.
L’amortissement des 8,6 millions d’euros d’investissements initiaux occasionnerait une charge supplémentaire de l’ordre de 1,7 million d’euros par an à partir de 2017.
Dans le cadre de sa participation à l’offre publique d’information, Radio France prévoit de recruter 28 ETP dont 13 seront destinés à renforcer l’activité éditoriale (personnels supplémentaires pour présenter les titres et pour enrichir les contenus radiophoniques avec des éléments visuels) et 15 seront affectés à des postes de techniciens audio et vidéo.
Les amortissements en lien avec les 3,9 millions d’euros d’investissements initiaux
– dédiés à la mise à disposition d’un studio, son aménagement technique en qualité broadcast, et au déploiement de l’infrastructure des systèmes d’information reliant Radio France et France Télévisions – constituent une charge supplémentaire de l’ordre de 0,6 million d’euros par an. Au total, le coût de fonctionnement annuel est estimé pour Radio France à 2,4 millions d’euros pour l’exercice 2016 et 3,5 millions d’euros annuels pour les années 2017, 2018 et 2019.
Le coût total direct serait de 1,8 million d’euros pour l’INA dont :
– 0,5 million d’euros correspondent à des moyens nouveaux que doit mobiliser l’Institut du fait de sa participation au projet. Ainsi, l’INA doit payer la libération des droits pour les archives utilisées à l’antenne et doit également renforcer son équipe pour la réalisation et le montage des modules ainsi que l’intégration du titrage et s’adjoindre de nouvelles compétences (exemple : maquilleur) ;
– 1,3 million d’euros correspondent à des redéploiements de personnels et de moyens techniques. Ainsi, les documentalistes de l’INA sont mobilisés, à hauteur de 2,5 ETP, pour réaliser les recherches destinées à alimenter les modules, le travail de description des archives et leur livraison à la chaîne d’information.
Le coût additionnel de 1 million d’euros supporté par France Médias Monde est composé :
– des paiements des droits INA liés à l’utilisation des sujets de France Télévisions (à hauteur de 150 000 euros) ;
– de la renégociation des contrats de France Médias Monde auprès des agences d’images (AP, Reuters, TF1…) pour que ses contenus puissent être diffusés par un autre diffuseur, en l’occurrence l’offre publique d’information (à hauteur de 50 000 euros) ;
– de la production de contenus spécifiques diffusés en journée par la nouvelle chaîne (à hauteur de 800 000 euros). Ces productions nécessiteraient de mobiliser 9 ETP.
LES EFFECTIFS DÉDIÉS À L’OFFRE PUBLIQUE D’INFORMATION
Entreprise |
Nombre total d’ETP |
dont ETP redéployés |
France Télévisions |
175 |
87,5 |
Radio France |
28 |
|
INA |
2,5 |
2,5 |
FMM |
9 |
|
Total |
214,5 |
90 |
Source : direction générale des médias et des industries culturelles.
Le groupe France Télévisions a insisté sur sa volonté de tenir le chiffrage proposé, qui conditionne en particulier le respect de la trajectoire de retour à l’équilibre prévue par son plan d’affaires. Ce chiffrage repose sur des hypothèses de redéploiements de 88 salariés à France Télévisions, dont la mise en œuvre devra donc faire l’objet d’un suivi scrupuleux.
Il convient en effet de souligner que l’entreprise a commencé par recourir à des recrutements extérieurs avant de procéder à des redéploiements. S’agissant des recrutements effectués par France Télévisions et Radio France, aucune précision n’a été apportée au rapporteur sur leur statut, en particulier sur le nombre de non-permanents, notamment en CDDU.
Par ailleurs, comme l’indique le rapport précité de la Cour des comptes, « France Télévisions n’a pas été en mesure de présenter les mesures de réorganisation sous-jacentes indispensables à ces transferts internes. En l’absence de plan clairement établi, la direction des ressources humaines devra également être vigilante afin que ces redéploiements ne se traduisent pas in fine par des embauches (notamment de salariés non permanents) dans les services d’origine des salariés redéployés ». Il conviendra donc de s’assurer que l’entreprise respecte son engagement de recourir à des salariés déjà présents à hauteur de 50 % des postes à pourvoir. La capacité à opérer des redéploiements devrait en particulier pouvoir s’appuyer sur la fusion des rédactions nationales de France Télévisions à travers le projet « info 2015 », qui a pris beaucoup de retard mais que le groupe s’engage à achever d’ici à 2018.
Les auditions conduites par le rapporteur le conduisent néanmoins à estimer que le risque financier associé au projet de chaîne d’information en continu à l’échelle des dépenses du groupe demeure limité.
Se pose néanmoins la question de l’impact de la création de la chaîne d’information sur le groupe Radio France, les surcoûts liés à cette offre n’ayant pas été intégrés au plan d’affaires du COM signé en fin d’année 2015. Le rapporteur estime que la signature d’un avenant ne serait pas illégitime.
C. UNE SPÉCIFICITÉ DE SERVICE PUBLIC À CONFIRMER ET À AMPLIFIER DANS UN ENVIRONNEMENT FORTEMENT CONCURRENTIEL
Il ne serait pas raisonnable de se livrer au bilan d’une offre lancée il y a à peine deux mois. Le rapporteur note cependant que, si la chaîne comporte encore certains défauts formels qui sont en cours de réglage, elle présente d’indéniables qualités, en particulier des formats et des codes particulièrement innovants. Néanmoins, pour asseoir sa légitimité, l’offre d’information du service public doit impérativement se distinguer des autres offres d’information et faire la preuve de sa réelle valeur ajoutée sur le fond, notamment dans la couverture des événements qui marqueront notre pays dans les prochains mois ou années, à commencer par la campagne présidentielle.
Libérée de la contrainte de dégager des ressources publicitaires, la chaîne a indéniablement su innover en proposant un format et des codes différents de ceux que l’on peut trouver sur les autres chaînes d’information. Il convient de souligner à cet égard que la chaîne vise à offrir une information orientée prioritairement vers les détenteurs de terminaux numériques, fixes et mobiles, dans l’objectif de conquérir des publics qui ne regardent plus les éditions d’information traditionnelles. Comme l’indique le projet de COM, « cela implique d’être innovant, notamment sur des formats plus courts et plus synthétiques ». Les premiers résultats enregistrés apparaissent prometteurs à cet égard (cf. infra).
Compte tenu du calendrier particulièrement serré dans lequel le projet a été élaboré et a vu le jour, mais aussi de la spécificité du modèle de la chaîne, l’équipe chargée du projet travaille quotidiennement à l’identification des axes d’amélioration ou d’ajustement, qu’ils concernent des dimensions strictement éditoriales, les supports techniques ou des aspects plus fonctionnels relatifs, notamment, à la bonne coordination avec l’antenne radio.
La structuration de la gouvernance du projet, sa déclinaison opérationnelle et la bonne circulation de l’information entre les partenaires sont évidemment des éléments clé dans le déploiement du projet et la mise en œuvre de procédures permettant la résolution progressive des difficultés rencontrées ou simplifiant tout simplement le fonctionnement quotidien de la chaîne. C’est donc en ce sens, et de façon très pragmatique, que les équipes de France Télévisions et de Radio France travaillent au quotidien pour améliorer le contenu de l’offre et le service rendu aux téléspectateurs.
S’agissant du volet éditorial, s’il est trop tôt pour avancer des éléments précis, les objectifs poursuivis sont les suivants :
– recherche d’une plus grande fluidité d’antenne, s’agissant notamment de la transition entre les journaux télévisés et le rappel des titres ;
– réflexion sur une évolution des journaux télévisés destinée à mieux mettre en avant les faits d’actualité ;
– renforcement de l’interactivité de l’antenne ;
– amélioration de la conduite d’antenne et de l’habillage (transitions, taux de rotation, utilisation de l’habillage sonore, éclairage, etc.)
Une « V2 » de la chaîne est ainsi en cours d’élaboration, pour une mise à l’antenne en fin d’année au plus tard, qui tiendra compte des besoins d’ajustement identifiés depuis le lancement.
Enfin, les représentants des organisations syndicales de Radio France ont regretté que l’application numérique ne permette pas de mettre suffisamment en valeur les contenus de la radio. Il conviendra évidemment d’adapter l’offre numérique afin de garantir le meilleur accès possible aux différents contenus.
Comme l’indique le projet de COM du groupe France Télévisions, cette offre vise surtout à porter une ligne éditoriale distincte de celle des autres chaînes, qui donne la priorité à la compréhension sur l’émotion. Aux termes du cahier des missions et des charges de France Télévisions, réformé par un décret n° 2016-803 du 15 juin 2016, la programmation de la chaîne doit répondre au besoin de connaissance et de compréhension de l’actualité. Tout en s’attachant à informer le public sur l’actualité la plus immédiate, elle doit consacrer une part substantielle de son antenne à la diffusion de programmes qui favorisent l’analyse et la mise en perspective des événements et intégrer une forte dimension d’interactivité afin de toucher des publics diversifiés. Elle doit enfin veiller à la qualité éditoriale et à la diversité du contenu de ses programmes ainsi qu’à l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion.
Le rapporteur note que le groupe France Télévisions s’engage à évaluer la qualité de cette offre d’information à travers un indicateur qui sera mis en place avant la fin de l’année 2016, selon des modalités qui ne lui ont pas été communiquées.
Il insiste sur l’impératif de confirmer et d’amplifier le caractère « différenciant » de l’offre. S’appuyant sur les forces vives du service public, elle dispose déjà de la plus grande rédaction d’Europe et d’une capacité de couverture inégalée sur l’ensemble du territoire national et à travers le monde. Il s’agit là d’un atout majeur par rapport aux concurrents privés que le service public devra exploiter pleinement, en particulier à travers la mobilisation du réseau de France 3. Les modules fournis par l’INA apportent également une mise en perspective de l’actualité particulièrement intéressante qui ne se retrouve pas ailleurs. Comme l’ont suggéré les syndicats de Radio France lors de leur audition, une réflexion pourrait utilement être menée sur le profil des experts intervenant à l’antenne. La dimension européenne, largement absente des autres chaînes d’information, gagnerait également à être approfondie par le service public.
En tout état de cause, au-delà du caractère innovant des formats, la nouvelle offre devra faire la preuve de son exemplarité et de sa capacité à dépasser l’émotion dans le traitement des événements et échéances importants qui marqueront notre pays dans les mois et années à venir.
À cet égard, à la suite de la diffusion d’images liées à l’attentat de Nice qui ont suscité de vives réactions, la direction de France Télévisions a demandé qu’il soit procédé, dans les meilleurs délais, à une révision et un renforcement de l’ensemble des procédures internes pour que l’information de service public offre toutes les garanties nécessaires au respect de ses valeurs. Comme l’indique la présidente de France Télévisions, dans un document transmis au rapporteur, « les quinze secondes d’images en cause ont été diffusées à 1 h 46 du matin, au sein d’une édition spéciale d’une heure et demie réalisée dans des circonstances difficiles. Le sujet avait suivi la procédure habituelle dédiée aux éditions. De cette erreur, nous avons tiré la leçon que les procédures de validation, suffisantes dans le cadre d’éditions "normales", ne l’étaient pas dans le cadre d’éditions spéciales traitant d’événements aussi graves, exceptionnels et traumatisants. La fabrication de l’information à France Télévisions est aujourd’hui conçue pour l’édition de trois journaux quotidiens par chaîne. La nouvelle offre d’information du service public obéira nécessairement à des règles et des procédures adaptées à une information en continu et aux éditions spéciales. Elle doit, loin du sensationnalisme, être un outil d’analyse, de mise en perspective et de pédagogie. Le service public se doit d’être exemplaire en la matière ».
Par ailleurs, en réponse notamment aux préoccupations formulées dans une motion signée par une soixantaine de journalistes de la radio alertant la direction sur des dysfonctionnements et problèmes de coordination de l’information entre le site, l’antenne radio et la chaîne, les directions indiquent que les procédures et outils d’échanges entre les rédactions ont progressivement été renforcés. Un travail de formalisation accru des mécanismes de validation de l’information chaude (concernant en particulier le traitement des questions police-justice et la couverture des actes de terrorisme) est en cours ainsi qu’un travail de renforcement de la cohésion des équipes, impliquant des rencontres régulières à tous les échelons.
La phase de lancement étant achevée, le groupe France Télévisions doit désormais préciser les modalités de coopération avec les rédactions régionales et ultramarines (rédaction de France 3 Toutes régions à Lyon et celle de France Ô à Malakoff) dont la participation est prévue mais ne fait pas encore l’objet d’une formalisation.
Comme l’indique le rapport précité de la Cour des comptes, « France Télévisions entend valoriser le travail des rédactions en région qui constitue, sans conteste, un atout par rapport aux autres chaînes d’information continue dépourvues, quant à elles, de ce maillage territorial. Le fait qu’il n’existe pas de dispositif d’astreinte dans le réseau régional de France 3 invite néanmoins à tempérer les résultats à attendre de cette perspective. De même qu’y invitent les réticences persistantes marquées par le réseau pour répondre aux demandes des rédactions nationales et qui continuent de justifier, encore aujourd’hui, le maintien des bureaux régionaux de France 2 ».
Interrogé sur les objectifs en la matière, le groupe se montre particulièrement prudent, indiquant que les contenus régionaux et ultramarins sont aujourd’hui présents de façon régulière sous la forme des modules « Vu des régions », « L’ultramarin », « Courant positif – Les régions » et « Décryptage outre-mer » mais que « les modalités d’une contribution directe et spécifique des rédactions régionales et ultramarines à la nouvelle antenne sont en cours d’expertise afin d’en préciser les objectifs éditoriaux et les impacts sur les organisations du travail. Des expérimentations pourraient être menées pendant l’automne ». Il s’agit là d’un enjeu majeur pour renforcer l’offre de la chaîne et sa spécificité de service public.
Selon les informations transmises au rapporteur, des coopérations pourraient également être envisagées avec d’autres partenaires, y compris les chaînes parlementaires, ce dont le rapporteur se félicite. Il estime en particulier qu’une reprise du journal junior d’Arte apporterait une plus-value intéressante à la chaîne.
Les premiers résultats de la nouvelle offre sur le numérique apparaissent très prometteurs. Selon les informations communiquées par le groupe, le nombre de vidéos vues par jour en moyenne depuis le lancement de franceinfo atteindrait 2,6 millions par jour, soit une augmentation de 370 % par rapport à la situation antérieure (550 000 vidéos vues en moyenne par jour sur FranceTVinfo). Sur Facebook, le nombre de vidéos vues en moyenne par jour serait passé de 250 000 à 700 000.
Par ailleurs le nouveau site de franceinfo s’est hissé en septembre au quatrième rang des sites d’actualité en internet fixe (à l’exclusion des supports mobiles) selon Médiamétrie en totalisant une audience de 6,7 millions de visiteurs unique, derrière Le Figaro (8,8 millions de visiteurs uniques), Linternaute.com (8,7 millions de visiteurs uniques) et Le Monde (7,5 millions de visiteurs uniques).
La chaîne n’a pas souscrit au Médiamat quotidien de Médiamétrie : s’agissant d’un investissement important et alors que ces chiffres ne sont pas indispensables en l’absence de diffusion de publicité sur l’antenne, France Télévisions a en effet estimé qu’il n’entrait pas dans le modèle économique de la chaîne. Le groupe a néanmoins commandé à Médiamétrie des audiences dites ad hoc, que le groupe n’est pas autorisé à communiquer. Des chiffres, que le groupe n’a pas démentis, ont néanmoins été rendus publics par la presse. Ils montrent que la chaîne a bénéficié d’un effet de curiosité à son lancement, affichant 0,6 % d’audience sur les quatre ans et plus en moyenne durant les trois premiers jours étudiés, soit du 2 au 4 septembre. Mais cet effet de nouveauté s’est vite atténué, la part d’audience de franceinfo ayant été ramenée autour de 0,3 % depuis. La chaîne reste donc derrière LCI (à 0,4 %), iTélé (à 0,8 %) et loin derrière BFM TV (2,1 %) qui confirme sa position très solide de leader. À ce stade, iTélé semble être la seule chaîne à subir l’impact de l’arrivée en quelques mois de deux nouvelles chaînes concurrentes.
Le groupe met en avant l’impératif d’informer les téléspectateurs de l’existence de la nouvelle offre franceinfo mais aussi et surtout d’organiser l’initialisation des foyers, compte tenu des handicaps importants de la chaîne lors de son démarrage :
– un numéro peu favorable sur la TNT (27) ;
– un positionnement très hétérogène et globalement peu favorable dans les plans de services des fournisseurs d’accès à internet et câblo-opérateurs : si franceinfo est reprise sur son numéro logique sur les offres de Bouygues et Orange, elle était numérotée en 77 chez Free avant de reprendre le canal 27 le 28 septembre, en 104 chez Canalsat, en 65 chez SFR et en 50 chez Numericable, étant précisé que LCI est pour sa part reprise en 26 sur les offres de SFR et Free ;
– contrairement à LCI, lancée sur la TNT en clair le 5 avril concomitamment au passage au MPEG4, l’initialisation de franceinfo n’a pas bénéficié des importantes campagnes publiques diffusées de janvier à avril pour inviter les téléspectateurs à effectuer une nouvelle recherche de chaîne (rescan).
Il convient de relever que franceinfo a néanmoins pu bénéficier d’une importante campagne de promotion croisée sur les antennes de France Télévisions et de Radio France, à la différence de LCI qui ne peut procéder à ce type de promotion en application de sa convention.
En tout état de cause, le rapporteur estime que l’audience de la chaîne devra être mesurée dans la durée et s’agissant d’un axe majeur de la stratégie de l’audiovisuel public, il appelle le groupe à se doter d’un indicateur de mesure de l’audience quatre écrans de la nouvelle offre d’information.
En avril dernier, les sociétés des journalistes (SDJ) des rédactions de France 2, France 3 et Francetvinfo signaient une lettre ouverte adressée à Mme Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication, intitulée « Serez-vous la ministre qui créera l’ORTF ? ». « Entre les lignes de ce projet éditorial, il est difficile de ne pas voir une fusion déguisée, prélude au mariage de Radio France et France Télévisions », soulignait le texte.
Le rapporteur estime au contraire que la réussite de ce projet constitue le meilleur remède contre toute tentation de rapprochement organique entre les sociétés de l’audiovisuel public, à condition que l’État assume pleinement son rôle de pilote pour lancer de nouveaux projets structurants et garantir un développement coordonné de l’audiovisuel public.
1. La validation d’une logique de « projet commun » contre les tentations de réorganisation des structures
C’est l’une des principales conclusions du dernier rapport de la Cour des comptes consacré à France Télévisions : l’entreprise unique a été un échec patent qui a profondément déstabilisé France Télévisions sans lui permettre d’atteindre les objectifs fixés. « Au regard des enseignements qu’il convient de tirer du processus d’intégration de l’entreprise unique à France Télévisions, l’idée de procéder à des fusions imposées par le haut ne paraît pas aujourd’hui la méthode la plus efficace. En effet, le risque de coûts additionnels (notamment pour faire droit à des demandes d’alignement en matière salariale) paraît aujourd’hui devoir l’emporter sur les économies d’échelle liées à des réorganisations ».
Surtout, le rapporteur estime que lorsque des réformes de structure tiennent lieu de projet stratégique et que le rapprochement donne le sentiment qu’un acteur absorbe l’autre, le bilan en termes de synergies ne peut qu’être négatif. C’est ce qu’a montré l’expérience du rapprochement entre les sociétés de l’audiovisuel extérieur de la France, à travers la création du holding « Audiovisuel extérieur de la France » destiné à rapprocher France 24, RFI et TV5 Monde puis la fusion de RFI et France 24 au sein de l’entreprise France Médias Monde.
Le rapporteur est donc convaincu que le rapprochement des entreprises de l’audiovisuel, par création de holdings ou par fusion, est une démarche fondamentalement contre-productive et souligne à cet égard que le projet de chaîne d’information a permis en sept mois plus de synergies que l’entreprise unique en sept ans.
Après l’information en continu, d’autres sujets de collaboration possibles ont été maintes fois identifiés tels que les réseaux régionaux, les réseaux à l’étranger, les offres numériques en matière culturelle, les offres numériques en matière d’éducation, la formation etc.
Le rapporteur identifie en particulier la mise en place d’une offre régionale ambitieuse sur le numérique fondée sur la coopération des réseaux de France 3 et de France bleu comme prioritaire car indispensable pour garantir l’avenir de ces réseaux.
Cependant, il observe que la méthode qui a présidé à la naissance de l’offre commune d’information comporte des limites et que la mise en place de ces nouveaux projets suppose une forte réaffirmation du rôle de l’État dans le pilotage stratégique de l’audiovisuel public.
2. La nécessité d’une implication plus forte de l’État dans le pilotage stratégique de l’audiovisuel public
Le rapporteur rappelle que la mise en place de l’offre d’information commune du service public a reposé sur la conjonction de plusieurs événements largement conjoncturels.
Tout d’abord, il n’est pas inutile de rappeler que c’est le CSA qui a choisi la présidente de France Télévisions sur la base d’un projet stratégique qui prévoyait la création d’une chaîne d’information, contrairement par exemple au projet de Pascal Josèphe qui était l’autre finaliste de la procédure de nomination. C’est donc par la volonté du CSA que des choix stratégiques majeurs pour le service public ont été opérés, ce qui ne va pas sans poser question.
La volonté de la nouvelle présidente de France Télévisions a ensuite dû rencontrer celle du président de Radio France qui, confronté à la difficulté de dégager des moyens pour financer les développements numériques du groupe qu’il préside, a jugé opportun de rallier le projet porté par France Télévisions. Rien ne garantit que de futurs dirigeants soient aussi coopératifs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les conventions signées entre partenaires contiennent des clauses de non-reconduction ou de résiliation anticipée à l’initiative d’une des parties particulièrement dissuasives en terme financier. Le rapporteur estime néanmoins qu’on ne peut asservir l’avenir des sociétés de l’audiovisuel public à la volonté d’un homme ou d’une femme.
Au-delà de l’offre d’information, le rapporteur note que le projet de COM 2016-2020 de France Télévisions comporte un volet relatif aux synergies au sein de l’audiovisuel public dont la rédaction apparaît peu volontariste. Il est en effet indiqué que les projets en cours de France Télévisions devront être « proposés » à tous les partenaires de l’audiovisuel public concernés, à commencer par l’offre de plateforme de vidéo à la demande par abonnement (VàDA). L’entreprise devra « chercher à proposer des synergies et des mutualisations dans tous les domaines représentant des investissements significatifs, notamment dans le numérique ou dans la cyber-sécurité ». Le rapporteur note que la rédaction proposée conduit à reconnaître à France Télévisions l’initiative en matière de synergies au sein de l’audiovisuel. La mise en œuvre de ces objectifs est donc conditionnée à l’adhésion des autres acteurs de l’audiovisuel, laquelle ne semble pas acquise. En effet, au cours des auditions qu’il a conduites dans le cadre de la préparation du présent rapport, le rapporteur a constaté que d’autres projets communs potentiellement structurants comme le développement d’une offre numérique régionale ou d’une offre de vidéo à la demande par abonnement du service public ne réunissent pas en l’état les volontés nécessaires à leur mise en œuvre.
Si France Télévisions a su jouer un rôle de chef de file dans la mise en œuvre du projet d’offre d’information en continu, démontrant par là même qu’il n’est pas nécessaire d’envisager des fusions ou des holdings pour créer des synergies, le rapporteur estime qu’il revient à l’État d’affirmer une volonté forte d’avancer sur la voie d’une meilleure coordination entre les offres du service public. D’autant que ce rôle d’impulsion attribué de facto à France Télévisions est contre-productif en ce qu’il alimente la crainte d’autres groupes d’être « absorbés » par un plus puissant. Or, les différents projets communs gagneraient sans doute à être « pilotés » par différents opérateurs selon une logique de spécialisation.
À l’issue des auditions qu’il a conduites dans le cadre de la préparation du présent rapport, le rapporteur a acquis la conviction que le pilotage de l’audiovisuel public par l’État est aujourd’hui largement insuffisant et que cette lacune constitue une menace majeure pour l’avenir du service public.
Le rapport de la Cour des comptes se conclut aussi sur la nécessité pour l’État « d’élaborer les termes d’une démarche globale, d’en décliner les modalités d’application dans les instruments de pilotage que sont les COM et d’inscrire ce sujet dans les feuilles de route de tous les PDG de l’audiovisuel public ». Le rapport précité du groupe de travail sur l’avenir de France Télévisions avait appelé l’État à « peser davantage sur le dispositif des médias de service public » et à « affirmer une volonté forte d’avancer sur la voie d’un meilleur usage commun de la ressource publique, par la mise en place d’un pilotage stratégique relevant de sa responsabilité ». « Si tel n’était pas le cas, » avait-il ajouté, « il sera difficile d’écarter la tentation d’un rapprochement organique entre des sociétés ayant appartenu jadis à la même réalité ». Le rapporteur souscrit à cette analyse.
Ce même groupe de travail avait préconisé la mise en place d’une instance de pilotage stratégique permettant aux présidents des différents groupes de l’audiovisuel public d’échanger ensemble régulièrement autour des ministres compétents de leurs développements stratégiques et de leurs politiques d’investissements. Force est de constater que le comité de pilotage annoncé n’a été réuni qu’une seule fois par le ministère de la Culture et de la Communication. Par ailleurs, les COM de l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public étant à peine renouvelés ou en cours de l’être pour une durée de cinq ans, les projets structurants qui n’auront pas été lancés seront autant d’occasions perdues pour l’avenir du service public que d’arguments en faveur du rapprochement des structures.
Le rapport d’information de Martine Martinel sur le projet de COM de Radio France 2015-2019 de décembre 2015 puis le rapport d’information de Jean-Marie Beffara sur la nouvelle chaîne publique d’information en continu de juillet 2016 ont tous deux proposé l’élaboration d’un contrat d’objectifs et de moyens thématique consacré à l’offre d’information.
Le rapporteur appelle pour sa part de ses vœux une réactivation rapide de l’instance de pilotage stratégique de l’audiovisuel public et l’élaboration d’une contractualisation commune à l’ensemble des partenaires de l’audiovisuel public et à l’État permettant de réaffirmer le rôle de ce dernier dans le pilotage stratégique consolidé du secteur et définissant de nouveaux projets communs à mettre en œuvre. Cette démarche lui semble indispensable afin d’écarter toute velléité de réforme des structures. En tout état de cause, la gouvernance et le pilotage de l’audiovisuel public demeurent à n’en pas douter un chantier majeur pour les prochaines années.
La Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède à l’examen des rapports pour avis de M. Michel Pouzol (Audiovisuel ; Avances à l’audiovisuel public), de Mme Virginie Duby-Muller (Presse) et de Mme Marie-George Buffet (Livre et industries culturelles) sur les crédits pour 2017 de la mission « Médias, livre et industries culturelles », lors de sa séance du mercredi 2 novembre 2016.
M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, nous achevons ce matin l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017 en commission avec la présentation successive des trois rapports sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » ainsi que ceux figurant au compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », autrement dit la répartition de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), autrefois appelée redevance, et d’une partie de la taxe sur les opérateurs électroniques (TOCE).
Je ne reviens pas sur les débats que nous avons eus en première partie du projet de loi de finances. Vous savez qu’a été voté un amendement réduisant l’augmentation de la CAP à un seul euro, correspondant à l’inflation. Cela a conduit le Gouvernement à devoir compenser, par voie d’amendement, les 25,5 millions d’euros manquants par une mobilisation d’une plus grande part de la TOCE.
Par ailleurs, je tiens à signaler que France Télévisions, qui nous occupe toujours beaucoup, a fait l’objet de la part de la Cour des comptes d’un rapport sur sa gestion pour les années 2011-2015, période pendant laquelle Rémy Pflimlin était à la tête du groupe. Celui-ci a pu, comme cela est prévu dans le cadre d’une procédure contradictoire, répondre aux arguments les plus critiques avancés dans le rapport. Nous reparlerons bientôt de France Télévisions à l’occasion de l’audition de sa présidente, Delphine Ernotte, qui portera sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens et sur l’actualité du groupe.
J’évoquerai un autre sujet d’actualité : la grève à i-Télé, qui entre dans sa dix-huitième journée après avoir été reconduite hier à une très forte majorité. La crise, marquée par le départ de journalistes au professionnalisme incontestable, se cristallise autour des rapports entre l’actionnaire et la rédaction. Les grévistes ont formulé trois revendications principales. Il s’agit tout d’abord de la distinction entre le poste de directeur général et le poste de directeur de la rédaction, fonctions de nature très différente aujourd’hui cumulées par la même personne, M. Nejdar, ce qui pose problème pour l’indépendance de la rédaction de la chaîne. Il s’agit, ensuite, de la nomination d’un médiateur, compte tenu de la durée du conflit social. Il s’agit, enfin, dans le droit fil de la loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias que nous avons votée le 6 octobre dernier, de la négociation d’une charte de déontologie, qui constituerait une garantie pour l’indépendance des journalistes de la rédaction à l’égard des actionnaires d’i-Télé et des annonceurs.
Le débat que nous aurons après la présentation des trois rapports nous conduira très certainement à évoquer cette actualité.
Je remercie très sincèrement Michel Pouzol, Virginie Duby-Muller et Marie-George Buffet d’avoir choisi pour leur rapport un thème spécifique, qui leur aura permis d’approfondir un enjeu particulièrement important pour une entreprise ou un secteur professionnel des médias et des industries culturelles.
Je vous rappelle que Mme la ministre de la culture et de la communication nous présentera en commission élargie, mardi 8 novembre, son budget pour 2017, qui couvre les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et de la mission « Culture ».
Je vais tout d’abord donner la parole à M. Michel Pouzol, rapporteur pour avis sur les crédits de l’audiovisuel public, lesquels, comme il aura soin de le rappeler, ne concernent pas seulement France Télévisions mais bien d’autres entreprises. Je fais cette précision, en écho aux débats que nous avons eus sur le montant de la contribution à l’audiovisuel public lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir porté votre attention sur la nouvelle offre d’information en continu du service public.
M. Michel Pouzol, rapporteur pour avis sur les crédits de l’audiovisuel public. Comme vous l’avez souligné en introduction, monsieur le président, l’actualité dans le domaine des médias est extrêmement riche. Le Parisien ce matin a choisi de consacrer sa une, assez provocatrice, à France Télévisions. Par ailleurs, le conflit sans précédent qui mobilise les journalistes d’i-Télé montre combien étaient fondées les questions que notre commission a posées tout au long de l’année, notamment à l’occasion de l’examen de la loi visant à renforcer le pluralisme des médias.
J’ai souhaité consacrer la partie thématique de mon avis aux enjeux du lancement, le 1er septembre 2016, d’une nouvelle offre d’information continue réunissant les différents acteurs de l’audiovisuel public, événement qui aura marqué l’année dans le domaine de l’information.
Ce lancement constitue une excellente nouvelle à plusieurs titres.
Tout d’abord, l’absence d’une chaîne publique d’information continue faisait de notre pays une exception en Europe. Une telle chaîne aurait dû voir le jour en 2002 dans le cadre du déploiement de la télévision terrestre numérique (TNT) sous l’impulsion de M. Marc Teissier, avec le soutien du gouvernement de M. Lionel Jospin, mais, alors que la chaîne était près d’émettre, la majorité suivante a décidé de remettre en cause le projet, s’appuyant sur les conclusions d’un rapport de Michel Boyon, futur président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Ce dernier soulignait en particulier la nécessité de préserver les acteurs privés – à l’époque les chaînes payantes LCI et i-Télé – alors même que le CSA devait peu de temps après autoriser à émettre sur la TNT une nouvelle chaîne privée gratuite, BFM-TV. La concurrence frontale exercée par les chaînes d’information en continu à l’égard de l’information fournie par les chaînes historiques est demeurée une faiblesse majeure du service public français.
Depuis, les bouleversements du paysage médiatique – j’insiste sur ce point – n’ont fait que renforcer le besoin d’un service public de l’information puissant. La révolution numérique, qui engendre une explosion des sources d’information et percute les modèles économiques des médias privés, loin de remettre en cause le rôle de l’information de service public, la rend plus indispensable que jamais. À l’heure où les réseaux sociaux sont devenus l’une des premières sources d’information des nouvelles générations, il incombe à l’information de service public une responsabilité particulière, celle de fournir une information certifiée, vérifiée, validée et mise en perspective. Par ailleurs, alors que les recompositions du paysage médiatique auxquelles nous assistons ont continué de dégrader la confiance des Français dans leurs médias et accru le sentiment que ceux-ci manquent d’indépendance à l’égard des pouvoirs politiques et économiques, le service public a la responsabilité de garantir aux citoyens l’accès à une information totalement indépendante.
L’affaiblissement du service public de l’audiovisuel dans le domaine de l’information au profit de nouveaux acteurs privés a eu pour première conséquence d’augmenter sensiblement la défiance des téléspectateurs vis-à-vis de la probité de ces médias. Il y a là un paradoxe dont chacun tirera les conclusions qui lui conviennent et que la crise que traverse i-Télé éclaire, me semble-t-il, de manière intéressante.
Le projet qui vient d’être lancé était d’autant plus indispensable que notre service public audiovisuel est fort de la plus grande rédaction d’Europe, qui compte 4 500 journalistes répartis entre France Télévisions, France Médias Monde et Radio France et qui dispose de moyens – je pense en particulier au maillage régional et international – dont aucun média privé n’est doté. Or, le constat était unanimement partagé que ces moyens s’additionnaient, voire, s’agissant du numérique, se concurrençaient et que, faute d’une coordination suffisante, ce qui devait constituer un atout déterminant pour le service public et une force de frappe considérable s’apparentait à une faiblesse majeure au regard notamment de l’impératif de bonne utilisation des deniers publics.
Compte tenu de tous ces éléments, s’il n’est pas illégitime de s’interroger sur le nombre de chaînes d’information disponibles sur la TNT, sur leur viabilité et sur les stratégies réelles menées par certains grands groupes audiovisuels émergents, j’estime que la légitimité d’une présence forte du service public dans l’information en continu sur tous les supports est, quant à elle, indiscutable.
En ce qui concerne la mise en place de la nouvelle offre, je note que le service public a, contre toute attente, réussi ce lancement dans des délais exceptionnellement courts, faisant ainsi la preuve de sa réactivité et de son dynamisme. Si cette rapidité a été source de difficultés réelles soulignées par les syndicats, je me félicite que celles-ci aient pu être surmontées de manière intelligente et pragmatique.
À titre d’illustration, j’évoquerai la signature d’un accord majoritaire à la suite de la décision du tribunal de grande instance de Paris du 13 septembre 2016 interdisant à France Télévisions d’imposer unilatéralement les compétences complémentaires mises en œuvre pour la chaîne d’info – montage pour les journalistes et production de contenu éditorial pour les monteurs. L’accord collectif de mai 2013 n’avait pas été mis à profit par la précédente direction pour adapter les métiers à la polyvalence que supposent les outils numériques. L’accord majoritaire signé le 16 septembre dernier met en place une expérimentation, limitée dans le temps, qui fait de la chaîne d’info un laboratoire au service de l’ensemble des chantiers sociaux de l’entreprise et un moteur de transformation du groupe.
Surtout, alors que les rapports qui se succèdent déplorent tous l’absence de coordination des sociétés de l’audiovisuel public et appellent à des synergies accrues, qui selon certains ne pourraient passer que par des rapprochements structurels entre les sociétés, le service public fait la démonstration de sa capacité à mettre en commun ses compétences et ses moyens dans une démarche pragmatique. Le projet repose ainsi sur la mise en commun des savoir-faire et des complémentarités des quatre organismes partenaires.
Cette mise en commun bénéficie de l’expérience de la radio France Info, dont je rappelle qu’elle est historiquement le premier média d’information en continu de France. Elle met également à profit la puissance et le maillage territorial des rédactions de France Télévisions, l’expertise internationale de France 24 et la capacité de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) à mettre en perspective les événements grâce à l’exploitation des archives. Franceinfo repose ainsi sur des accords de partenariat signés entre France Télévisions et chacun des partenaires du projet. Ces conventions valorisent de façon croisée les apports des uns et des autres au projet commun, selon des modalités précisées dans mon rapport.
S’agissant de la gouvernance, de la coordination et de la responsabilité éditoriale, les entreprises ont également fixé leurs modalités de collaboration à travers divers contrats établissant une gouvernance légère qui doit en particulier garantir l’indépendance des rédactions et la cohérence éditoriale de l’offre.
Le financement du projet, dont les divers coûts sont détaillés dans mon rapport, repose en grande partie sur des synergies et des redéploiements qui devront faire l’objet d’un suivi précis afin de prévenir tout risque de dérapage financier. Il conviendra en particulier de s’assurer que France Télévisions respecte son engagement de recourir à des salariés déjà présents dans l’entreprise à hauteur de 50 % des postes à pourvoir. La capacité à opérer des redéploiements devra s’appuyer sur la fusion des rédactions nationales de France Télévisions que le groupe s’engage à achever d’ici à 2018. Par ailleurs, la phase de lancement étant achevée, le groupe France Télévisions doit désormais préciser les modalités de coopération avec les rédactions régionales et ultramarines, dont la participation est envisagée mais n’a pas encore été formalisée. Il s’agit là d’un enjeu majeur pour garantir la pleine réussite du projet.
Il ne serait pas raisonnable de se livrer au bilan d’une offre lancée il y a deux mois à peine. Je note cependant que si la chaîne connaît certains problèmes formels, en passe d’être réglés, elle présente d’indéniables qualités, qui résident notamment dans des formats et des codes particulièrement innovants, adaptés aux usages numériques au cœur de la stratégie de Franceinfo. L’innovation est bien du côté du service public, n’en déplaise à certains think tanks comme la Fondapol ou l’Institut Montaigne, qui n’ont eu de cesse de remettre en cause l’existence même de l’audiovisuel public.
Les premiers résultats enregistrés dans le domaine numérique apparaissent particulièrement prometteurs à cet égard. Je tiens en particulier à souligner la qualité de l’apport de l’INA dont les modules intelligemment montés éclairent le présent et donnent une mémoire à Franceinfo. Néanmoins, pour asseoir sa légitimité dans un univers fortement concurrentiel, l’offre d’information de l’audiovisuel public doit impérativement confirmer et amplifier sa spécificité de service public et son souci d’exemplarité, notamment dans la couverture des événements qui marqueront notre pays dans les prochains mois ou années, à commencer par la campagne présidentielle.
En ce qui concerne l’audience de la chaîne, les chiffres communiqués par la presse montrent qu’elle a bénéficié d’un effet de curiosité qui s’est atténué puisque la part d’audience aurait été ramenée à 0,3 %. France Télévisions met en avant l’impératif d’informer les téléspectateurs de l’existence de la nouvelle offre, compte tenu des handicaps importants dont elle a souffert à son démarrage, en particulier un numéro peu favorable sur la TNT et un positionnement très hétérogène dans les plans de services des fournisseurs d’accès à internet (FAI) et des câblo-opérateurs. En tout état de cause, il me semble important que l’audience de la chaîne sur les quatre supports où elle est diffusée puisse être mesurée le plus rapidement possible.
Dans la dernière partie de mon rapport, je me suis demandé dans quelle mesure le projet de Franceinfo pouvait servir de modèle pour des « communautés de projets » au sein de l’audiovisuel public. Certains syndicats se sont inquiétés du fait qu’il s’agirait d’une fusion déguisée, prélude au mariage de France Télévisions et de Radio France. J’estime au contraire que la réussite de ce projet constitue le meilleur remède contre les propositions de rapprochement organique entre les sociétés, qui se sont multipliées ces dernières années. À la lumière des expériences mises en œuvre au sein de l’audiovisuel extérieur de la France comme de France Télévisions, il apparaît clairement que les rapprochements entre sociétés ont produit plus de crispations et de surcoûts que de synergies. C’est d’ailleurs l’une des principales conclusions du dernier rapport de la Cour des comptes : l’entreprise unique a été un échec patent qui a profondément déstabilisé France Télévisions sans lui permettre d’atteindre les objectifs fixés. Le projet Franceinfo aura permis en sept mois plus de synergies que l’entreprise unique en sept ans : comment ne pas en tirer les leçons qui s’imposent ?
Au-delà de l’information, d’autres sujets de collaboration possibles ont été maintes fois identifiés, tels les réseaux régionaux, les réseaux à l’étranger ou les offres numériques en matière de culture, d’éducation ou de formation. La mise en place d’une offre d’information régionale ambitieuse sur le numérique, fondée sur la coopération des réseaux de France 3 et de France Bleu, apparaît en ce sens comme prioritaire, urgente et indispensable pour garantir l’avenir de ces réseaux. Il s’agirait en somme de la version régionale et locale de Franceinfo.
J’observe cependant que la méthode qui a présidé à la naissance de Franceinfo comporte des limites importantes. Je rappelle en effet que le CSA a choisi la présidente de France Télévisions sur la base d’un projet stratégique qui prévoyait la création d’une chaîne d’information, élément absent du projet de l’autre finaliste de la procédure de nomination, Pascal Josèphe. La volonté de la nouvelle présidente de France Télévisions a ensuite dû rencontrer celle du président de Radio France mais rien ne garantit que de futurs dirigeants soient aussi coopératifs ou partagent une vision similaire du développement de l’audiovisuel public. Par ailleurs, au cours des auditions que j’ai effectuées, j’ai pu constater que les autres projets structurants ne réunissent pas en l’état les volontés nécessaires à leur mise en œuvre alors qu’ils pourraient constituer autant de moteurs du développement des entreprises qui composent l’audiovisuel public, tout en permettant un meilleur usage des moyens qui leur sont consacrés.
J’insiste donc sur les limites d’une coordination s’appuyant sur la seule volonté des entreprises et la nécessité pour l’État d’assumer enfin son rôle de stratège et de pilote garant d’un développement harmonieux et coordonné de l’audiovisuel public. Je ne peux que constater que ce rôle fait actuellement cruellement défaut. Nous sommes en présence d’un actionnaire unique : l’État est représenté dans tous les conseils d’administration, il négocie les contrats d’objectifs et de moyens avec les différentes sociétés, précise par décret le contenu des cahiers des charges de celles-ci et élabore le budget, mais il ne pilote pas une politique nationale, pas plus qu’il n’en fixe les grandes lignes, ce qui représente actuellement à mes yeux la principale menace pour l’avenir de l’audiovisuel public.
Le groupe de travail sur l’avenir de France Télévisions coordonné par M. Marc Schwartz avait préconisé la mise en place d’une instance de pilotage stratégique où les présidents de l’audiovisuel public auraient échangé régulièrement sur leurs développements stratégiques avec les ministres compétents. Force est de constater que cette instance n’a été réunie qu’une fois et que l’État n’a pas joué le rôle proactif qui aurait dû être le sien. Les contrats d’objectifs et de moyens de l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public étant à peine renouvelés ou en cours de l’être pour une durée de cinq ans, les projets structurants qui n’auraient pas été lancés seront autant d’occasions perdues pour l’avenir du service public que d’arguments à disposition de ceux qui préconisent un rapprochement des structures.
Dans leurs rapports d’information respectivement consacrés au projet de contrat d’objectifs et de moyens de Radio France pour 2015-2019 et à la nouvelle chaîne publique d’information en continu, Martine Martinel et Jean-Marie Beffara ont tous deux proposé l’élaboration d’un contrat d’objectifs et de moyens thématique consacré à l’offre d’information. Dans le même esprit, j’appelle de mes vœux une réactivation rapide de l’instance de pilotage stratégique de l’audiovisuel public et l’élaboration d’une contractualisation commune à l’ensemble des partenaires de l’audiovisuel public et à l’État afin de définir de nouveaux projets communs à mettre en œuvre et de permettre à l’État d’affirmer une vision consolidée et un rôle de pilote stratégique du secteur.
Dans la droite ligne des rapports que je viens de citer, sans doute conviendrait-il de préconiser une nouvelle articulation des contrats d’objectifs et de moyens des entreprises publiques de l’audiovisuel pour les mettre en concordance avec l’entrée en fonction de leurs présidents et l’émergence d’éventuels projets communs, tout en redonnant à l’État actionnaire un rôle plus pertinent que celui de simple financeur.
En somme, cette chaîne d’information publique en continu, pourvu qu’on prenne soin de soutenir son côté novateur et expérimental, est l’exemple vivant d’une nouvelle approche de l’audiovisuel public et de ses missions. Elle appelle à reproduire les mécanismes de sa réussite à l’échelle du pilotage de l’audiovisuel public dans sa globalité. Sans remettre en cause l’indépendance des entreprises de l’audiovisuel public, que nous n’avons eu de cesse de renforcer ces quatre dernières années, nous voulons redonner un rôle moteur à l’État face aux défis auxquels il est confronté dans un monde où se fait plus que jamais sentir le besoin de compréhension, de recul, d’intelligence et d’analyse. Le service public de l’audiovisuel doit à cet égard jouer le rôle majeur qui lui est historiquement dévolu.
M. le président Patrick Bloche. Merci, monsieur le rapporteur.
Nous allons maintenant écouter Mme Virginie Duby-Muller, qui a souhaité consacrer son avis sur les crédits relatifs à la presse écrite aux stratégies de soutien de la presse en ligne.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse écrite. Je suis heureuse de vous présenter mon avis sur les crédits en faveur de la presse inscrits au projet de loi de finances pour 2017.
Pour élaborer mon rapport, j’ai mené près d’une vingtaine d’auditions qui m’ont été particulièrement utiles d’autant que le 10 octobre dernier, jour que la loi organique relative aux lois de finances fixe comme date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires, seul un tiers des réponses aux questions que j’avais adressées au Gouvernement en juillet dernier m’était parvenu. Cela marque une très nette dégradation du taux de réponse puisque, l’an dernier, à la même date, le rapporteur en charge de l’avis sur les crédits dédiés à la presse avait reçu 95 % des réponses attendues. Je ne peux que le regretter.
Je ne regrette pas, en revanche, d’avoir choisi de me pencher plus particulièrement sur les politiques publiques de soutien à la presse en ligne car l’année 2016 a été, et continue d’être, extrêmement riche en la matière.
Je n’ignore pas que, dans son avis sur les crédits alloués à la presse dans le projet de loi de finances pour 2015, notre collègue Jean-Noël Carpentier s’était déjà interrogé sur les dispositifs de soutien à la presse à l’ère numérique. Toutefois, l’année 2016 a marqué un véritable changement de paradigme au niveau tant national qu’européen. Il m’a donc paru très important de faire un point sur l’évolution récente des modalités de soutien à la presse en ligne et sur leurs perspectives.
Au niveau national tout d’abord, la création, par le décret du 26 août dernier, d’un Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse traduit l’amorce d’une nouvelle approche : pour la première fois, la puissance publique ne se contente plus de soutenir financièrement des médias existants, dans une logique conservatoire, mais elle suscite au contraire, dans une logique d’innovation, la création de nouveaux médias, notamment de services de presse « tout en ligne » dits « pure players ».
Ce fonds a vocation à décerner des bourses à des entreprises de presse émergentes, sans condition d’agrément par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP). Alors que, jusqu’à présent, les aides à la presse fonctionnaient selon un mécanisme de remboursement sur présentation de factures acquittées, l’État accepte désormais d’assumer le risque qu’un projet financé échoue – risque toutefois limité puisque le montant des bourses est plafonné à 50 000 euros.
Comme les représentants du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL), j’estime que cette inflexion nette des politiques publiques de soutien à la presse en général, et à la presse en ligne en particulier, va dans le bon sens. En effet, les aides doivent non seulement préserver les conditions existantes du pluralisme mais aussi le renforcer.
Conformément aux préconisations du rapport de M. Jean-Marie Charon sur la presse et le numérique, le Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse devrait également lancer des appels à projets pour des programmes d’incubation dédiés aux médias émergents. Il semble que ces programmes pourront être portés tant par des groupes de presse accueillant des start-up en résidence que par des incubateurs généralistes ou appelés à se spécialiser dans la presse, en région parisienne comme en province. Ils devraient donc également concerner les start-up à même de fournir des solutions techniques, graphiques ou éditoriales innovantes aux médias. Contrairement aux bourses d’émergence, ces aides ne s’adressent donc pas nécessairement qu’aux éditeurs de presse : elles sont conçues dans une optique plus large que l’approche éditoriale classique.
Comme M. Jean-Marie Charon, j’estime que les programmes d’incubation subventionnés doivent être conçus de façon à associer des start-up intervenant dans différents domaines – presse, commerce, marketing – entre lesquels il faut encourager une certaine porosité plutôt que des start-up issues uniquement du secteur de la presse. En effet, dans la conception des aides à l’innovation, il ne faut pas enfermer les gens dans des cases mais favoriser au contraire des dispositifs associant les entreprises de presse traditionnelles en transformation avec des acteurs nouveaux qui les aident à innover.
Enfin, le Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse devrait lancer des appels à projets pour la réalisation de programmes de recherche innovants, définis avec les acteurs du secteur de la presse afin notamment de développer une expertise sur des thèmes au cœur des mutations du secteur : monétisation de l’information, big data, micro-paiements, kiosques, etc. Ces aides pourront par exemple financer la création d’infrastructures de données susceptibles de permettre aux éditeurs de presse de faire face aux stratégies des « infomédiaires » que sont les fournisseurs d’accès à internet, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les plateformes d’échanges et autres acteurs technologiques connus sous l’acronyme « GAFA ».
Si, de mon point de vue, le décret du 26 août 2016 marque un premier pas louable dans le sens d’une logique d’innovation, on peut toutefois regretter que le Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse ne soit doté que de 5 millions d’euros et que les économies générées par la réforme de l’aide au transport postal de la presse n’aient pas servi à abonder ce fonds.
On peut également s’étonner que la dotation du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) soit réduite de plus de 2 millions dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2017 alors que le décret du 26 août dernier a réaffirmé l’éligibilité de la presse en ligne de la connaissance et du savoir à ses aides, et augmenté ses taux de subvention en créant notamment, pour les projets de jeunes entreprises de petite taille qui ont moins de trois ans d’existence et qui emploient moins de vingt-cinq salariés, un taux super bonifié de 70 % des dépenses éligibles, dont le périmètre a par ailleurs été élargi aux dépenses de salaires et de commercialisation. La création de ce taux, unanimement saluée, devrait permettre de remédier aux difficultés constatées en 2015 : bien que doté de près de 30 millions d’euros, le FSDP n’a pu alors verser des aides qu’à hauteur de 10 millions d’euros car les éditeurs bénéficiaires ont eu des difficultés à trouver les compléments de financement nécessaires à la mise en œuvre des projets.
À cet égard, je tiens à souligner que, comme pour les aides au portage, les mécanismes d’attribution des aides du FSDP sont mis en œuvre trop tardivement dans l’année. D’après ce qui m’a été indiqué, au 12 octobre dernier, aucun comité d’attribution du FSDP n’avait été réuni, ce qui risque malheureusement de conduire à concentrer toute la stratégie d’aides pour l’année 2016 sur les mois de novembre et de décembre.
Par ailleurs, bon nombre des personnes que j’ai entendues ont déploré que les modalités de candidature aux aides du FSDP soient trop lourdes pour de jeunes services de presse « tout en ligne ». En conséquence, les dispositifs initialement conçus pour les entreprises de presse naissantes ont été en partie captés par les grandes entreprises « historiques » de la presse écrite qui disposent d’une technostructure plus adaptée. Il est par exemple pour le moins surprenant que le premier pure player en France, le Huffington Post, n’ait jamais bénéficié de la moindre aide à la presse depuis sa création, d’après ce que m’ont indiqué ses représentants.
Il semble que cela tienne en bonne partie à ce que, pour bénéficier des aides du FSDP – comme de celles du Fonds Google, du reste –, les services de presse en ligne doivent être agréés par la CPPAP et habilités « IPG », alors que la distinction entre presse IPG et presse non-IPG ne semble guère pertinente pour la presse en ligne. Selon le président de la CPPAP lui-même, il faut appréhender la notion d’IPG de façon différente selon qu’il s’agit de presse imprimée ou de presse numérique. En effet, pour cette dernière forme de presse, on passe aisément de l’IPG au non-IPG, de sorte que les critères d’éligibilité sont complexes, flous et évolutifs. Si le recours au concept d’IPG a pu avoir du sens à l’ère du papier, il n’en a plus guère à l’ère du numérique.
Il faut donc conforter et amplifier la logique d’innovation amorcée par le décret du 26 août dernier en repensant la distinction entre presse IPG et presse non-IPG et en s’affranchissant des critères habituels de raisonnement qui ont été adoptés pour la définition des dispositifs d’aides à la presse imprimée.
Cette logique commande également d’ouvrir le bénéfice des aides au pluralisme – dont le montant s’élève, dans le PLF 2017, à environ 16 millions d’euros – aux services de presse en ligne. À l’heure où la lecture de la presse quotidienne nationale s’effectue, à près de 60 %, sur des supports numériques, il est pour le moins surprenant que la presse en ligne soit exclue du bénéfice de ces aides alors que cette forme de presse a de faibles ressources publicitaires, comme les titres nationaux d’IPG mensuels, bimensuels et trimestriels au profit desquels ces aides ont été étendues par un décret du 6 novembre 2015.
Cette mesure pourrait contribuer à pérenniser le modèle économique des services de presse en ligne dont la viabilité est aujourd’hui entravée par l’impossibilité d’accéder au marché des annonces judiciaires et légales et menacée par l’impossibilité prochaine de solliciter des financements auprès du Fonds Google, dont la dotation devrait être épuisée d’ici à la fin de l’année. À partir de l’an prochain, les éditeurs de presse français n’auront d’autre choix que de se tourner vers le « fonds Google européen », baptisé « Digital News Initiative » (DNI). Ce fonds n’est doté que de 150 millions d’euros sur trois ans et, dans la mesure où il est ouvert à l’ensemble des éditeurs de presse européens, les éditeurs de presse français pourront n’espérer de financements qu’à hauteur de 5 à 10 millions d’euros par an au maximum – soit deux à quatre fois moins que ce qu’offre aujourd’hui le fonds Google.
Le modèle économique de la presse en ligne est également menacé par la captation de ses ressources publicitaires par les « infomédiaires » qui tirent des profits de la diffusion de contenus qu’ils ne créent pas et dont ils n’assument pas les coûts de production. Je pense notamment aux « crawlers » qui diffusent des panoramas de presse souvent sans autorisation préalable ni rémunération des éditeurs et qui réalisent aujourd’hui en France un chiffre d’affaires d’environ 30 millions d’euros dont les éditeurs ne profitent pas.
Le rapport de force entre les éditeurs de presse et les infomédiaires, qui sont pour la plupart des acteurs d’envergure internationale, est aujourd’hui si profondément déséquilibré qu’il semble que ce ne soit qu’au niveau européen qu’une solution puisse être trouvée pour donner aux premiers les moyens de lutter à armes égales avec les seconds, dans le cadre d’une concurrence équitable.
Or, au niveau européen, les lignes ont commencé à bouger cette année. Dans le cadre des réflexions relatives à la révision de la directive de 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, la Commission européenne a lancé en mars dernier une consultation publique sur le rôle des éditeurs dans la chaîne de valeur du droit d’auteur. La France y a répondu en s’appuyant sur un rapport que Mme Laurence Franceschini a présenté en juillet dernier au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) et qui préconise la création, au niveau européen, d’un droit voisin spécifique aux éditeurs de presse et portant sur un droit de reproduction lié aux seuls usages numériques et sur un droit de mise à disposition du public.
Cette préconisation a été suivie par la Commission européenne : la proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique publiée en septembre dernier la reprend en précisant que la protection instituée au bénéfice des éditeurs de presse expirera vingt ans après la diffusion de la publication de presse et qu’elle ne s’étendra pas aux actes de création de liens hypertextes qui ne constituent pas une communication au public. La Commission souligne également que la reconnaissance d’un droit voisin aux éditeurs de presse, pour l’utilisation numérique de leurs publications, ne portera nullement atteinte aux droits d’auteur des journalistes. Je tiens également à les rassurer sur ce point.
Mais je tiens aussi à alerter le Gouvernement de la nécessité de saisir la fenêtre de tir ouverte par la Commission européenne pour inclure les agences de presse dans le champ des réflexions menées sur le partage de la valeur créée par la production et la circulation de l’information sur internet. Ces agences connaissent en effet de grandes difficultés financières qui conduisent d’ailleurs le Gouvernement à octroyer à l’Agence France-Presse (AFP), dans le projet de loi de finances pour 2017, cinq millions d’euros supplémentaires par rapport à ce qui était prévu par le contrat d’objectifs et de moyens, au titre la compensation de ses missions d’intérêt général.
Les agences de presse sont aujourd’hui les seuls acteurs du secteur de la presse pour lesquels le taux réduit de TVA a augmenté pour être porté à 10 %, dans un contexte de dégradation très forte de leur situation économique qui pourrait menacer le traitement de l’information et son pluralisme.
Or, il se trouve, là encore, que l’année 2016 pourrait fournir au Gouvernement une occasion de revoir à la baisse ce taux de TVA car la Commission européenne, pourtant jusqu’à présent très réservée sur l’application d’un taux super-réduit de TVA aux services de presse en ligne, pourrait peut-être faire évoluer sa position dans le cadre de la révision de la directive « TVA ». Du moins a-t-elle lancé, en juillet dernier, une consultation sur l’application d’un taux de TVA réduit sur les publications fournies par voie électronique. Le Gouvernement a, dans le cadre de cette consultation, rappelé sa position constante depuis le vote, à l’unanimité des deux assemblées, de la loi du 27 février 2014 harmonisant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne. Mais il n’en demeure pas moins que la France fait partie d’un groupe d’États favorables à l’application d’un taux de TVA super-réduit à la presse qui est aujourd’hui minoritaire au sein de l’Union européenne. Or les traités prévoient que les directives en matière d’impôts indirects doivent être adoptées à l’unanimité.
Il est donc important que le Gouvernement défende activement la généralisation, à l’échelle de l’Union, d’un taux de TVA super-réduit pour l’ensemble des formes de presse, écrite comme numérique, et que, dans ce contexte, il n’oublie pas de réexaminer le sort réservé aux agences de presse.
Je terminerai en évoquant l’impact du numérique sur le métier de journaliste dont le Congrès du Syndicat national des journalistes (SNJ) s’est fait l’écho au début du mois d’octobre. Ce syndicat avait alors dénoncé la « dégradation des conditions de travail liée aux évolutions numériques ». Sans nier la précarisation des « journalistes Shiva » amenés à accomplir des tâches très diverses auxquelles ils ne sont pas toujours suffisamment formés, je souhaiterais achever mon propos sur une note optimiste en me réjouissant que le SPIIL ait récemment signé la convention collective nationale des journalistes – ce qui montre encore une fois que l’année 2016 aura marqué, pour le secteur de la presse en ligne, un tournant.
M. le président Patrick Bloche. Ce sujet est d’une actualité brûlante. Vous avez même évoqué le débat, connu de nous depuis longtemps, relatif à l’IPG et au non-IPG. Je souhaitais rendre hommage à votre prise de risque en la matière !
Je voudrais vous remercier également d’avoir fait un point d’actualité sur la question fiscale, compte tenu, notamment, de la révision de la directive TVA. Nous avions, de façon consensuelle – et même unanime, oserais-je ajouter – voté une proposition de loi en 2014 tendant à permettre à la presse en ligne de bénéficier du taux super-réduit de 2,1 %. Nous l’avions fait volontairement, sachant très bien que cela susciterait un contentieux à Bruxelles. Ce que vous indiquez deux ans après dans votre rapport montre que nous avons eu raison d’être volontaristes puisque nous avons réussi à convaincre de la nécessité de ce taux super-réduit.
Enfin, je vous informe que j’ai tenté, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2017, de relayer votre suggestion de faire bénéficier les agences de presse d’un taux de TVA réduit à 5,5 %. Alors que ce taux leur était applicable il y a quelques années, il a été porté à 7 % en 2012 puis à 10 % ultérieurement. De ce fait, les agences de presse sont en grande difficulté de trésorerie. Toutefois, mon amendement a été rejeté au motif qu’il était contraire au droit communautaire. Il y aura donc dans les mois et les années à venir un autre combat à mener.
Mme Marie-George Buffet, rapporteure pour avis sur les crédits du livre et des industries culturelles. Le programme 334 a pour objectif, dans sa première action à laquelle je me suis attachée, de favoriser le développement de la création littéraire, d’encourager la pratique de la lecture et de soutenir la chaîne du livre. Comme l’ensemble du programme, les crédits de paiement comme les autorisations d’engagement de l’action « livre et lecture » sont en légère hausse, à périmètre constant. On ne peut que s’en féliciter : 2017 est marquée par une embellie budgétaire qui ne peut nous étonner. Cette hausse devrait permettre de répondre aux besoins les plus évidents, les plus obligatoires de la Bibliothèque nationale de France (BNF) et de la Bibliothèque publique d’information (BPI), de financer la revalorisation du point d’indice et de stabiliser les équivalents temps plein (ETP) au niveau de 2016 – stabiliser, seulement, alors que la légère hausse de la fréquentation aurait pu aboutir à de nouvelles embauches. Cette hausse devrait aussi permettre de faire avancer les travaux de rénovation du quadrilatère Richelieu de la BNF et de poursuivre, en lien avec le Centre Georges Pompidou, la rénovation des espaces de la BPI, pour en renforcer la qualité d’accueil. Je rappelle que le taux de fréquentation de la BPI a baissé depuis 2014 de façon préoccupante.
Je dirai un mot sur le Centre national du livre (CNL) dont le budget global d’intervention a baissé entre 2014 et 2015. Cette diminution, liée à l’assiette des taxes qui lui sont en partie affectées, ne sera pas entièrement corrigée par la réforme de cette assiette en 2015.
Il faut se réjouir de l’effet du plan de soutien aux librairies. Leur part de marché est stabilisée à 22 % des ventes mais des fragilités demeurent, qu’il s’agisse de la dégradation de la rentabilité de ces librairies ou des inégalités territoriales. Si les librairies de centre-ville arrivent à se maintenir, beaucoup de territoires urbains périphériques sont aujourd’hui confrontés à l’absence complète de points de vente de livres. Je voudrais donc insister sur la place de la commande publique pour soutenir ces librairies. Il n’est pas difficile de maintenir cette commande publique puisque les appels d’offre ont été simplifiés pour l’achat de livres scolaires. Cela demande simplement une volonté politique de la part des collectivités dans ces territoires urbains périphériques.
J’ai voulu rappeler ces quelques points du rapport car tous ces acteurs
– BNF, BPI, CNL et librairies – sont des vecteurs importants de la chaîne du livre et donc de l’accès à la lecture. Mais d’autres acteurs sont tout aussi essentiels à cet accès. Je pense bien sûr aux bibliothèques départementales et municipales, aux points d’accès aux livres et aux associations. Des acteurs de la lecture pourtant peu visibles, insuffisamment mis en valeur, souvent insuffisamment dotés et inégalement répartis sur le territoire de notre pays. Pourtant, l’accès au livre et à la lecture est synonyme d’épanouissement, d’accès au langage, aux connaissances, à l’esprit critique, à la citoyenneté et de développement du savoir et de la recherche. Cette intervention publique en faveur de la lecture mériterait donc, dans les temps présents, de bénéficier d’un nouvel éclairage et de nouvelles approches.
D’où ce rapport pour un renouveau des politiques en faveur de la lecture publique. Les besoins sont là. 55 % des communes, soit plus de 11 millions de personnes, ne bénéficient pas d’un lieu de lecture publique et beaucoup de familles n’ont pas de livres à domicile. Alors que de nombreuses études montrent que la langue reflète les inégalités sociales, l’apprentissage du langage chez les plus jeunes enfants par l’accès à la lecture d’histoires et par le rapport aux livres, le plus tôt possible, est une source de développement de la pensée et de l’esprit critique et permet le recul des ségrégations. Or, cet accès des plus jeunes aux livres est encore trop limité. L’effet, en termes d’échec scolaire, de cet accès limité aux livres et à la lecture est également insuffisamment interrogé. Enfin, 7 % de la population métropolitaine ayant été scolarisée dans notre pays souffrent aujourd’hui d’illettrisme. Il est donc nécessaire de conforter, de valoriser et de renouveler les politiques publiques de développement du livre et de la lecture.
Permettez-moi de saluer les associations qui œuvrent en ce domaine, notamment auprès des publics les plus défavorisés. Je voudrais citer les bibliothèques de rue de l’association ATD Quart monde, le partenariat entre La Petite Bibliothèque ronde et les Restos du cœur, l’action du Secours populaire visant à mettre des livres à disposition du public et l’initiation à la lecture des enfants du plus jeune âge, en lien avec la Protection maternelle infantile (PMI), les crèches et les assistantes maternelles. Je citerai ainsi l’opération « Première page », lancée en 2009 et dont ont bénéficié 200 000 enfants de moins de trois ans en 2016, et l’opération « Lire et faire lire » qui vise 37 % des collégiens ayant actuellement un accès difficile à la lecture.
Toutes ces associations, lors de leurs auditions, ont soulevé la question de la pérennité de leurs subventions. Travaillant avec des institutions sur le long terme, elles ont besoin d’avoir une vision claire de l’avenir de leurs moyens, ce que ne permet pas le cadre des appels à projet.
J’évoquerai à présent l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme. Toutes les associations et institutions que j’ai auditionnées ont insisté sur son rôle positif de coordination et d’impulsion auprès de l’État, des associations, des collectivités et des entreprises en faveur de la lutte contre l’illettrisme. La Cour des comptes a rendu un avis très positif sur la gestion de cette agence. Aussi je m’interroge quant à sa dissolution dans une agence de défense de la langue française. Cela montre qu’il y a une confusion quant aux causes de l’illettrisme et donc quant aux moyens d’agir contre ce fléau.
Toutefois, le vecteur indispensable de l’accès au livre et à la lecture est la bibliothèque – municipale ou départementale –, service public nécessaire à l’exercice de la démocratie, à l’égal accès à la lecture, à l’indépendance intellectuelle et au progrès de la société. Cette mission, rappelée dans la Charte des bibliothèques, est de taille. La France dispose d’un maillage important de 16 300 lieux de lecture qui contribuent à l’aménagement culturel du territoire. L’État leur apporte son soutien financier par l’intermédiaire du CNL, avec le concours particulier de la dotation générale de décentralisation pour un montant constant de 80 millions d’euros. La bibliothèque est souvent aussi un lieu qui favorise le lien social, un lieu de rencontres.
Ce réseau de bibliothèques a des défis à relever si l’on veut en relancer le taux de fréquentation et élargir les publics concernés par la lecture publique.
Tout d’abord, il faut renforcer le maillage et la qualité du service : 17 % de la population n’ont pas accès à ces lieux de lecture publique. Cette insuffisance concerne les zones rurales mais aussi les villes moyennes puisque 197 villes de plus de 5 000 habitants n’ont pas de lieu d’accès à la lecture publique. Il convient également de veiller à la qualité de ces 16 300 lieux, dont 9 200 ne sont que des points d’accès aux livres, sans l’encadrement nécessaire de professionnels. Vous trouverez à cet égard un tableau dans mon rapport.
Ensuite, il faut maintenir une réelle qualification des personnels. Dans les bibliothèques municipales, 26 % de personnels sont de catégorie C. Beaucoup de ces établissements n’ont plus de personnel formé et qualifié.
Il faut enfin faire évoluer les bibliothèques elles-mêmes, leur espace et les services qu’elles rendent. Nous avons auditionné longuement les responsables de la bibliothèque de la Courneuve qui ont ouvert, à côté d’un espace de lecture et des espaces de travail, des espaces de convivialité où les jeunes et les familles peuvent se retrouver pour échanger et où les élèves peuvent faire leurs devoirs. Cela peut, petit à petit, susciter chez eux l’envie d’aller vers les livres et vers la lecture.
Nous nous sommes demandé, lors de nos auditions, si la tendance à ouvrir les bibliothèques à toute une série d’activités – notamment celle d’accueil d’enfants en décrochage scolaire ou d’associations qui font de l’animation – n’allait pas affecter le cœur de métier des bibliothécaires. Il reste que les bibliothèques ont besoin de s’ouvrir pour gagner de nouveaux lecteurs. La question de l’amplitude horaire a aussi été débattue : elle ne doit pas être décidée d’en haut mais s’adapter aux différents territoires et aux différents publics qui n’ont pas toujours les mêmes besoins.
Il faut développer les réseaux et veiller à ce que la réforme des territoires, qui se met en place petit à petit, ne vienne pas perturber les réseaux existants mais les conforte au contraire, tant ils sont nécessaires pour offrir partout la même qualité de service aux lecteurs. Dans ce système en réseau, le contrat « Territoire lecture » a partout recueilli des avis très positifs mais à ce jour, seuls 120 contrats ont été signés. Et dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), les personnels dédiés à la lecture publique sont parfois très peu nombreux : en Île-de-France, par exemple, il n’y a qu’une personne chargée de la mobilisation en faveur de la lecture publique. Toujours en termes de réseaux, si le rapport entre les bibliothèques et l’éducation nationale est très étroit dans le primaire, il est aujourd’hui insuffisant dans le secondaire, tant au collègue qu’au lycée.
J’en viens enfin à la question des moyens. En 1983, la gestion des bibliothèques municipales revient aux communes. Puis, en 1992, les bibliothèques centrales de prêt sont transférées aux conseils généraux pour devenir des bibliothèques départementales. Or, avec la baisse des dotations publiques, la lecture pourrait être la variable d’ajustement dans certaines collectivités – ou, du moins, elle pourrait en rester au niveau actuel sans que les moyens soient mis pour renouveler l’offre et attirer de nos nouveaux publics.
C’est pourquoi il faut donner une ambition politique et une visibilité à l’enjeu de la lecture publique. On parle souvent de l’art vivant et des festivals mais très peu, dans l’actualité, de nos bibliothèques, de la lecture publique et de l’effort pour amener de nouveaux publics à la lecture.
En conclusion, je remercie toutes les personnes que nous avons auditionnées, qu’elles représentent des associations ou institutions.
M. le président Patrick Bloche. J’en profite pour vous remercier pour ces auditions, en nombre conséquent comme celles des autres rapporteurs. C’est ce travail parlementaire, que nous effectuons chaque année au moment de l’examen du budget, qui nous permet de faire un état de la situation. Votre rapport est d’autant plus intéressant qu’il croise les enjeux culturels et éducatifs qui sont au cœur de notre Commission.
Mme Martine Martinel. Sans dédaigner le travail remarquable des deux autres rapporteurs, j’évoquerai uniquement le rapport de Michel Pouzol. Il est vraiment passionnant de lire cet avis budgétaire consacré au nouvel acteur du paysage audiovisuel public qu’est Franceinfo.
Sans éluder les interrogations que suscite la création de nouvelles chaînes d’information en continu, vous montrez très clairement combien une chaîne publique est nécessaire et légitime. Vous rappelez tout d’abord que cette dernière n’est pas née d’un emballement soudain puisque dès 2002, le Gouvernement de Lionel Jospin avait décidé de sa création. Il aura fallu attendre le 1er septembre 2016 pour que la France, qui dispose de la plus grande rédaction d’Europe avec ses 4 100 journalistes – entre France Télévisions, Radio France et France Médias Monde –, soit dotée d’une chaîne publique en continu.
Cette offre commune d’informations de service public est une avancée majeure. La chaîne, si elle tient ses promesses et respecte ses missions en proposant une information certifiée, vérifiée et validée, indépendante des pouvoirs politique et économique, trouvera aisément un public qui se tourne déjà vers elle dans le cadre de l’offre numérique. En effet, vous montrez, en vous fondant sur des études, que les Français sont paradoxalement demandeurs d’information mais se détournent des médias dont ils déplorent le manque d’indépendance
– l’exemple d’i-Télé n’étant pas là pour les contredire. Vous vous référez aussi au rapport de 2015 de M. Marc Schwartz pour affirmer la nécessité de renforcer la puissance de l’information sur les chaînes du service public, afin de contrebalancer les approximations des réseaux sociaux et le choix des chaînes d’information privées concurrentes qui privilégient trop souvent le sensationnel.
Sans prétendre évaluer les performances de la chaîne – ce qui serait prématuré au bout de deux mois d’existence –, vous qualifiez d’exceptionnelle la mobilisation du service public qui a réussi à fédérer les rédactions de France Télévisions, de Radio France, de France Médias Monde et les équipes de l’INA pour disposer d’une couverture inégalée sur le territoire national, européen et mondial.
Lancer une chaîne fondée sur la synergie de l’ensemble des opérateurs de l’audiovisuel public en peu de temps n’étant pas une mince affaire, le pragmatisme a prévalu. Même si certains – parmi les syndicats, notamment – déplorent des avancées à marche forcée, le résultat est l’aboutissement d’un formidable projet qui fait travailler ensemble des journalistes de radio et de télévision pour livrer des informations en continu fondées sur l’esprit d’analyse, l’indépendance et le respect du pluralisme. À ce propos, nous nous félicitons comme vous, monsieur le rapporteur, de l’adoption par le Parlement de la proposition de loi de Bruno Le Roux et Patrick Bloche sur la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias.
La création de cette nouvelle chaîne n’épuise pas toutes les interrogations et vous faites, monsieur le rapporteur, nombre de suggestions sur les chantiers présents et à venir, tels que la réflexion sur les métiers, le coût, l’introduction d’indicateurs d’audience « quatre écrans » et le développement du numérique. Vous évoquez « la mise en place d’une offre numérique régionale ambitieuse, fondée sur la coopération des réseaux » – notamment avec France 3 et France Bleu – et « la mise à profit de la dimension européenne et mondiale qui fait défaut aux chaînes privées concurrentes ».
Vous évoquez aussi la gouvernance de cette chaîne et son devenir. Actuellement, la chaîne d’information bénéficie d’une gouvernance équilibrée qui permet aux différents groupes d’audiovisuel public de s’impliquer dans ce projet tout en gardant leur identité, mais vous montrez aussi la fragilité de cette organisation. Enfin, vous insistez à juste titre sur l’insuffisante implication de l’État dans le pilotage de l’audiovisuel public – insuffisante au point d’en menacer l’avenir. Vous apportez des préconisations pour pallier cette défaillance de l’État ; pourriez-vous nous en détailler quelques-unes ?
M. Frédéric Reiss. Merci à nos trois rapporteurs pour avis de la qualité de leurs travaux et de l’éclairage qu’ils apportent à l’activité budgétaire et médiatique.
Quelques mots, pour commencer, sur le rapport de Mme Buffet, que je soutiens dans sa volonté de promouvoir la lecture publique : c’est un outil essentiel pour prévenir et corriger les inégalités sociales et culturelles. Les offres en direction de la jeunesse sont essentielles. Je confirme que, dans la ruralité, les élus locaux n’ont malheureusement pas toujours conscience que de réels efforts intergénérationnels en faveur de la lecture publique sont indispensables.
En ce qui concerne le rapport de M. Pouzol sur le lancement de Franceinfo, notre groupe est sensible à la nécessité de garantir à nos concitoyens des contenus d’information estampillés « service public ». La nouvelle chaîne d’information publique compte chez nous des partisans mais d’autres sont plus sceptiques ; certains me parlent parfois de « propagande gouvernementale », ce qui montre que la perception de l’indépendance est relative. L’avenir nous dira si Franceinfo a choisi la bonne stratégie éditoriale. Il me semble que le choix d’être avant tout « réseau social voire mobile compatible » représente une opportunité pour la chaîne de gagner en légitimité et de s’installer durablement dans le paysage audiovisuel, même si ce format peut en dérouter certains.
La grande question concerne son coût et j’ai lu avec intérêt la partie du rapport à ce sujet. Il importe de ne pas confondre surcoût et embauches supplémentaires, d’autant que le coût est principalement supporté par France Télévisions, dont le projet de contrat d’objectifs et de moyens (COM) nous laisse circonspects quant à sa capacité à éviter les déficits dans les années à venir. L’entreprise est structurellement déficitaire et dépend d’un niveau important de ressources propres pour maintenir son budget à l’équilibre. Vous avez, monsieur le rapporteur, reconnu l’absence de pilotage de l’État ; elle n’excuse pas les dérives de gestion. C’est pourquoi il convient aussi de parler de la gestion de l’entreprise, dont la Cour des comptes a souligné les défauts.
Le lancement de Franceinfo rappelle cruellement, en creux, l’absence de réforme de l’audiovisuel public sous cette législature, la majorité s’étant contentée d’augmenter continuellement la contribution à l’audiovisuel public (CAP) ainsi que le taux de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques pour reverser à l’entreprise l’équivalent du produit de cette augmentation, en gardant le reste de la ressource dans le budget de l’État. Le débat en PLF sur cette question a démontré les limites de cette navigation à vue puisque c’est même de la rapporteure générale qu’est venu un amendement refusant une nouvelle hausse de la CAP. Estimez-vous que France Télévisions puisse faire face, sans risque industriel, au coût que représente cette nouvelle chaîne ?
En ce qui concerne le rapport de Virginie Duby-Muller sur le développement de la presse en ligne, qu’il s’agisse des pures players ou du développement numérique des rédactions historiques, j’ai noté le parti-pris assumé de rééquilibrer les aides entre les acteurs et de repenser la ligne de démarcation entre presse IPG et non IPG.
La quatrième recommandation préconise la création d’« un droit voisin au bénéfice des éditeurs de presse » dans le cadre de la révision de la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique. Cette orientation nous semble prometteuse, même si son échec relatif chez nos voisins ternit un peu l’espoir de voir les « infomédiaires » prendre leur juste part dans la chaîne de création de la valeur éditoriale. Ce sera un sujet intéressant à évoquer avec les députés du Bundestag, lors de la prochaine rencontre de notre Commission dans un mois.
Pensez-vous que l’Europe pourrait faire plier Google, malgré les précédents espagnols et allemands, les accords signés dans ces pays n’ayant pas permis la mise en place de compensations financières significatives en échange de droits de reproduction et de communication ? Il ne faudrait pas que ce débat si nécessaire, alors que les acteurs de notre pays ont pris le virage numérique mais peinent encore à créer des modèles économiques viables, ne se termine aussi mal que la taxe Google, le fonds Google en faveur de la presse ayant certes le mérite d’exister, mais sans doute plus pour très longtemps. Ce n’est pas, en tout cas, par des subventions de plus en plus importantes que nous pourrons envisager sereinement l’avenir.
M. Rudy Salles. Je félicite Marie-George Buffet pour son rapport relatif au livre, qui met en lumière les aspects essentiels de l’apprentissage de la lecture mais aussi les faiblesses de notre système. Ce rapport apporte la démonstration que les pouvoirs publics ne mènent pas une politique suffisamment ambitieuse pour répondre aux défis qui se posent à nous.
Je soutiens également le rapport de Virginie Duby-Muller, qui me rappelle un rapport que j’ai rédigé il y a quatre ans sur la presse quotidienne régionale. Je vois que les réponses aux problèmes sont toujours en attente.
Je remercie Michel Pouzol pour son rapport sur l’audiovisuel public, plus particulièrement consacré à la nouvelle chaîne d’information en continu Franceinfo. C’est un choix opportun car le sujet mérite toute notre attention. Comme je l’ai indiqué ici-même à de multiples reprises, je pense sincèrement qu’il n’était pas opportun, en 2016, de créer une nouvelle chaîne d’information, en premier lieu parce que le créneau est largement occupé par le privé depuis de nombreuses années. On peut même parler de saturation dans ce secteur, ce qui peut se vérifier par la fragilité de certaines sociétés.
D’autre part, nous avons régulièrement des débats autour du format de France Télévisions, qui dispose d’un nombre pléthorique de chaînes dont on a du mal à cerner les spécificités. Selon moi, le service public devrait jouer un rôle majeur dans l’accès à la culture, avec la création d’œuvres originales, par exemple, ce qui est très loin d’être le cas : la course à l’audience, derrière les chaînes privées, est malheureusement la règle.
Par ailleurs, je m’étonne de la précipitation et du flou dans lesquels ce projet a été monté. Lors de sa dernière audition, la présidente de France Télévisions nous avait indiqué que Franceinfo serait un format totalement innovant, que la diffusion sur la TNT n’était pas envisagée. Tout cela n’était que de l’enfumage, préparant la création d’une chaîne d’information en continu de plus. Le rapport indique que l’information de service public a une responsabilité particulière, celle de fournir « une information certifiée, vérifiée et validée qui est le principal contrepoids aux demandes de communication relayées sans discernement et sans recul ». Dois-je vous rappeler que les journalistes du privé sont aussi astreints à ces obligations, sous le contrôle du CSA ? La distinction que vous faites est désobligeante à leur égard.
Au plan financier, ce projet est de nature à nous inquiéter. La Cour des comptes qualifie le chiffrage communiqué de « flou » et demande une expertise « sérieuse et approfondie » permettant de déterminer un coût complet afin d’en apprécier la pertinence par référence à des comparaisons établies sur des chaînes similaires déjà existantes et de prévenir tout dérapage financier.
En ce qui concerne l’originalité des programmes et l’approfondissement de l’information, je me suis astreint à regarder Franceinfo. Je n’ai pas constaté le discernement, le recul par rapport aux événements dont vous parlez. Les décrochages radio toutes les dix minutes contraignent le traitement des autres sujets, qui est souvent opéré en style télégraphique. Je ne suis visiblement pas le seul à ne pas être convaincu puisque, après l’effet curiosité des premiers jours et une audience à 0,6 %, l’audience est retombée à 0,3 %, alors que LCI est à 0,4 %, i-Télé à 0,8 % et BFMTV à 2,1 %. Je m’interroge d’ailleurs sur la frilosité de France Télévisions à communiquer les chiffres d’audience. Le groupe a demandé des mesures ad hoc mais refuse de les diffuser. Ce rapport me conforte dans toutes les préventions qui étaient les miennes.
M. Michel Françaix. J’aurais pu m’intéresser au formidable plaidoyer pour l’écrit de Marie-George Buffet mais comme j’aurais écrit la même chose, le talent en moins, je parlerai du rapport de Virginie Duby-Muller, dont je partage beaucoup des constats. Je remercie tout d’abord notre collègue de ne pas être tombée dans l’ébriété technologique : si elle reconnaît que la presse en ligne est l’avenir, elle n’écarte pas pour autant d’un revers de main le reste de la presse.
Elle a raison de souligner qu’un fonds de soutien à l’émergence ne doit pas seulement protéger les acquis mais aussi agir pour le développement de projets innovants. Toutefois, nous aurions tort de ne pas faire la différence entre une presse qui coûte beaucoup d’argent et une qui en coûte moins. Les aides à la presse existent parce que les imprimeries, la distribution coûtent très cher. La presse en ligne mérite aussi d’être aidée mais son prix de vente est en général moitié moindre que celui de la presse papier, ce qui signifie qu’elle ne doit pas être aidée au niveau qu’elle demande. Contrairement à Mme Duby-Muller, je pense que des aides justes sont des aides inégalitaires.
Je mets également en garde contre l’idée que la distinction entre presse IPG et non IPG n’aurait pas de sens pour la presse en ligne. La presse papier tente d’établir une différence entre presse de distraction et presse de connaissance. Nous ne parvenons d’ailleurs pas bien à définir ces catégories et c’est pourquoi nous remettons toujours à l’année prochaine la réforme sur cette question. Je ne souhaite pas que la presse en ligne revendique avoir droit à tout.
M. François de Mazières. Nous partageons tous l’analyse de Mme Buffet sur la priorité à donner à la lecture publique. L’un des problèmes fondamentaux, aujourd’hui, ce sont les dotations aux collectivités territoriales. Tout repose sur les départements et surtout les communes : la baisse des dotations joue de façon très négative et certaines collectivités sont conduites à diminuer ou, le plus souvent, stabiliser les aides à la lecture.
Le rapporteur de Mme Duby-Muller est passionnant. Nous partageons tous la conviction qu’il s’agit d’un enjeu européen. La question qu’il faudra traiter est ainsi de savoir comment parvenir à une démarche européenne efficace, alors que le veto d’un seul pays empêche aujourd’hui d’obtenir ce qu’en France nous souhaitons.
Le rapport de M. Pouzol est extrêmement optimiste mais les conclusions d’un récent rapport de la Cour des comptes devraient conduire à tempérer cet optimisme. La première page du Parisien aujourd’hui montre bien qu’il y a une crise à France Télévisions ; il ne faut pas se le cacher. La nouvelle chaîne d’information est sur le grill car son audience est très faible. Quand nous avions entendu Mme Ernotte ici même, le 28 octobre 2015, elle s’était engagée à ce qu’il n’y ait pas de recrutements mais plutôt une nouvelle cohésion au sein des équipes rédactionnelles des différentes chaînes de France Télévisions. Or, au mois de mai dernier, des recrutements ont été annoncés, ce qui a provoqué un très vif émoi parmi les journalistes de l’audiovisuel public, notamment chez ceux qui ne sont pas titulaires de contrats longs ou de CDI, qui s’estiment marginalisés dans la création de cette nouvelle chaîne. Les engagements de la présidente de France Télévisions ne sont donc pas tenus, a priori. Pouvez-vous nous éclairer sur la stratégie assez floue, entre les déclarations et la pratique ?
Mme Brigitte Bourguignon. Je salue à mon tour la qualité des trois rapports qui nous sont présentés ce matin. Je me suis penchée plus particulièrement sur celui de Mme Buffet relatif à la lecture publique. Je retrouve avec plaisir ce thème que j’avais moi-même choisi pour le PLF 2014. Améliorer l’accès au savoir pour défendre les valeurs humanistes et républicaines, promouvoir la diversité culturelle et l’épanouissement de chacun, cela reste une nécessité impérieuse en ces temps de fragilités démocratiques.
Nous avons la chance d’avoir en France un maillage territorial exceptionnel en termes de bibliothèques, en comparaison de nos voisins anglais ou allemands. Si le dernier rapport de l’inspection générale des bibliothèques pointe un certain nombre de lacunes, il indique également que, pour desservir un territoire municipal ou intercommunal du point de vue de la lecture publique, il peut être recouru à d’autres dispositifs, tels que des services en ligne, sur place ou à distance, des services à domicile – portage –, des dispositifs intermédiaires comme les bibliobus de prêt direct ou des dépôts dans des structures autres que des bibliothèques.
Dans ma circonscription très rurale, des médiathèques, comme celle de Lumbres, ont permis une mise en réseau avec plusieurs petites bibliothèques au sein de communes rurales dans le canton. Ainsi, chaque citoyen, aussi éloigné soit-il, dispose de la même diversité d’ouvrages sur l’ensemble du territoire. Il faut aussi relever l’importance du dispositif précieux des contrats territoires lecture, qui a produit de bons résultats dans mon département durement frappé par la précarité. Ce type de partenariat a permis de mobiliser avec efficacité tous les acteurs de la lecture sur le territoire par la constitution de réseaux de lecture publique et par le développement des compétences professionnelles et bénévoles.
Oui, l’échelon départemental est primordial. Mais comme le souligne Vincent Monadé, président du CNL, l’importance est aussi dans le volontarisme et la mobilisation des communes, des intercommunalités, des associations, et de la place qu’elles souhaitent donner au livre. Tant que les maires soutiendront leurs bibliothèques, on peut être raisonnablement optimiste.
Je terminerai mes propos par deux questions. En 2015, le CNL a adopté une vaste réforme de ses dispositifs d’aides. La logique est désormais de concentrer les crédits sur une cible prioritaire pour un effet maximal, d’accompagner les projets développés par les bibliothèques en faveur des publics empêchés, dont ceux qui sont géographiquement, culturellement ou socialement éloignés du livre et de la lecture. Avez-vous des retours sur les résultats de ce nouveau dispositif ?
Ma seconde question porte sur le numérique. Si l’enjeu des bibliothèques de demain sera de ne plus être seulement des lieux de savoir et d’étude mais aussi des lieux de vie, il va de soi que le développement du numérique contribuera à leur attractivité, notamment pour les jeunes générations, amenées vers le livre par le biais des nouvelles technologies. En mars 2016, une première évaluation du dispositif prêt numérique en bibliothèque a été réalisée après un an d’expérimentation sur soixante bibliothèques pilotes. Elle a montré un succès croissant au fur et à mesure de l’enrichissement du catalogue numérique. Vous n’abordez pas cette question : est-ce délibéré ?
Mme Annie Genevard. Mon propos portera plus particulièrement sur le rapport de Mme Buffet consacré au livre et à la lecture publique, pan essentiel de la politique culturelle française, qui s’inscrit dans le temps et connaît de beaux succès : prix unique du livre, maillage territorial par de nombreuses bibliothèques, maintien d’un réseau de librairies – la situation française est exceptionnelle en Europe, alors que le réseau de librairies indépendantes a disparu dans certains pays tels que l’Espagne et l’Angleterre –, les salons du livre, les résidences d’auteur, les multiples opérations dont Mme Buffet a montré toute l’inventivité. À titre d’exemple, je salue l’initiative prise en France par le Lions Club, qui a installé dans plusieurs villes des boîtes à livres dans lesquels on peut déposer ses livres et en prendre ; c’est tout simple, cela ne coûte rien et cela a un succès fou.
Ce bilan ne doit pas occulter les fragilités. Vous avez, madame la rapporteure, souligné l’affaiblissement financier des départements dans le financement des bibliothèques départementales de prêt. Même s’ils ont conservé la compétence culturelle, les départements se sont vus imposer une purge budgétaire qui explique ces choix sans doute faits dans la douleur. De même, 17 % de la population française, soit plus de la moitié des communes, et près de onze millions de personnes n’ont pas accès à un lieu de lecture publique. Le combat doit donc continuer.
Vous n’en parlez pas mais les crédits d’État ont diminué ces dernières années. Par ailleurs, la fréquentation des bibliothèques publiques a également fléchi. Je ne sais pas si les deux tendances sont corrélées mais force est de constater que le nombre de personnes inscrites dans des bibliothèques pratiquant le prêt a chuté de plus d’un million sur un peu plus de six millions de lecteurs. Quelle en est la cause, alors même que l’édition, notamment en matière de livres pour enfants, connaît un développement remarquable, avec des livres de très grande qualité ? Le livre est une chaîne ; ce n’est pas que la lecture publique, mais aussi le réseau privé de librairies, et les organismes, publics et privés, qui promeuvent la lecture.
Dans L’Opinion de ce matin, je vous invite à lire, dans la rubrique « In folio », la présentation de l’ouvrage Librairies : Itinéraires d’une passion, sur les grandes librairies européennes.
M. Jacques Cresta. Ayant été cette année rapporteur sur le projet de COM de France Télévisions et l’an dernier rapporteur pour avis sur le budget de l’audiovisuel public, je souhaite interroger Michel Pouzol sur le budget 2017 de l’audiovisuel et en particulier sur la chaîne d’information continue Franceinfo.
Cette chaîne d’information réunissant les principaux acteurs de l’audiovisuel public est une avancée majeure pour la vitalité démocratique de notre pays. C’est, comme vous l’avez très justement souligné, monsieur le rapporteur, la fin d’une anomalie française qui portait gravement atteinte à la qualité de l’information en continu. Je salue le travail exemplaire des équipes qui ont collaboré pour mettre ce projet sur pied en un temps record, un service unique en son genre, associant les équipes de France Télévisions, Radio France, l’INA et France Médias Monde. Cette pluralité est aussi le gage d’un nouveau modèle d’information qui privilégie le décryptage et l’analyse, mais aussi la mise en perspective historique et culturelle, autant de clés de compréhension qui manquent jusqu’ici cruellement sur nos écrans.
Comme vous, je pense que la gouvernance allégée et le fonctionnement souple de la chaîne constituent un modèle de coordination dont pourraient s’inspirer les acteurs de l’audiovisuel public afin de mettre en œuvre les synergies de demain. J’en appelle à la responsabilité de l’État, qui doit assumer pleinement son rôle d’impulsion et de stratège.
J’aimerais revenir sur la place de France 3 au sein de la chaîne d’information. Dans mon récent rapport sur le COM de France Télévisions, je me suis particulièrement intéressé à l’avenir de l’offre régionale de France 3, qui suscite de nombreuses inquiétudes. Vous vous prononcez pour une meilleure mobilisation du réseau de France 3 et pour la formalisation possible d’une contribution directe spécifique des équipes à la chaîne d’information. Je partage avec vous l’idée que le maillage exceptionnel de France 3 ne peut que renforcer la spécificité du service public de la chaîne d’information et la qualité de ses programmes. J’émettrai néanmoins une inquiétude et une réserve. Si la participation des rédactions régionales et locales de France 3 à la chaîne d’information s’accentue, n’y a-t-il pas un risque que certaines éditions soient progressivement vidées de leur substance au bénéfice de la chaîne d’information ? Je pense tout particulièrement aux éditions locales de France 3, vitrine essentielle de la vie de nos territoires, dont la permanence est menacée par des difficultés croissantes dues au manque de volonté du groupe France Télévisions d’assurer les conditions nécessaires à leur diffusion sur tous les supports.
Mme Laurence Arribagé. Je salue à mon tour la qualité des trois rapports présentés ce matin.
Votre rapport, madame Duby-Muller, met en lumière les différentes actions, nationales comme européennes, de soutien en faveur de la presse numérique. Je ne peux que vous rejoindre dans votre appréciation, au nom du nécessaire pluralisme de l’information, indispensable à toute démocratie bien portante.
En France, la presse en ligne a vu récemment son champ d’opportunités s’élargir, notamment en matière d’innovation et d’entreprenariat avec la création, par exemple, du Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse.
Pour autant, il semblerait qu’un certain nombre d’obsolescences persiste et défavorise les nouveaux acteurs de l’information numérique, en particulier les nouveaux pure players. En particulier, il apparaîtrait que la dénomination de titres d’information politique et générale, dont la plupart des aides publiques dépendent, soit particulièrement inappropriée aux spécificités du digital et source d’incertitudes et de situations passablement discriminatoires.
De même, l’impossibilité réglementaire des titres numériques d’accéder au marché des annonces judiciaires et légales apparaîtrait aujourd’hui en contradiction avec la volonté du législateur en faveur de la diffusion toujours plus large et transparente de ces informations.
Ainsi, en dépit des ouvertures créées, on constate que les titres traditionnels imprimés ou bi-médias restent, de fait, largement privilégiés face aux aides publiques et parfois privées, comme dans le cas du Fonds Google pour l’innovation numérique de 2013, et ce, au détriment des nouveaux acteurs du web.
À ce titre, et compte tenu du fait que ce fonds expire a priori à la fin de l’année en cours, pourriez-vous clarifier les modalités de cautionnement du fonds européen Google Digital News Initiative, supposé lui succéder, et notamment les mesures qui permettraient à cette nouvelle initiative privée de surmonter les écueils de la version française ?
M. Hervé Féron. Madame Duby-Muller, comme c’est le cas pour la musique, il existe dans la presse des aides au pluralisme et à l’émergence. Cela constitue une première, et il est bon de remarquer que la puissance publique ne se contente pas de soutenir financièrement des médias existants, mais aussi la création de nouveaux médias, dans une logique d’innovation et de pluralisme. Comme vous, je suis convaincu de la nécessité de mettre en place une TVA super-réduite pour l’ensemble de la presse, y compris en ligne.
Vous abordez également le sujet de la mise en place d’un droit voisin pour les éditeurs et agences de presse. C’est un vrai sujet. Je me suis rendu compte récemment que les éditeurs, dans le domaine musical, manquaient cruellement de reconnaissance et qu’ils ne bénéficiaient d’aucun dispositif fiscal, à la différence, par exemple, des producteurs de disques, alors qu’ils sont aussi importants. Sur cette priorité, nous sommes en droit d’attendre que l’Europe mette fin à l’impunité légale et fiscale des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), afin, notamment, de contraindre Google Actualités à payer les éditeurs de presse, comme il le devrait. Cela pourrait passer, pourquoi pas, par la mise en place d’un droit voisin au bénéfice de ces derniers.
Monsieur Pouzol, vous ne vous étonnerez pas que je revienne sur le rôle de l’audiovisuel public vis-à-vis de la création musicale, et notamment de la création d’expression française. Je suis persuadé qu’il manque aujourd’hui une émission musicale de variétés régulière et à une heure de grande écoute à la télévision publique, avec une place pour les interprètes créateurs émergents en français. La spécificité de service public, le devoir d’exemplarité dont vous parlez si bien dans votre rapport ne rendent-ils pas nécessaire de revoir le COM de France Télévisions en ce sens ?
À la lecture de votre rapport, Madame Buffet, je pense à des initiatives prises en région parisienne, comme ces librairies solidaires qui proposent des livres en bon état, triés, donnés ou vendus à de très petits prix. Comme vous, je trouve cette idée très intéressante pour faciliter l’accès aux livres des catégories les plus modestes.
Même si on s’éloigne un peu de votre sujet, je voudrais savoir si vous avez pu prendre connaissance du bilan de l’ouverture récente, le dimanche, de cinq bibliothèques universitaires à Paris. Voyez-vous à cette ouverture le dimanche une utilité qui correspondrait à une forte demande des étudiants ?
Mme Dominique Nachury. Les trois rapports sont très riches d’informations et de perspectives, et donnent matière à débats.
Parmi ces débats, il y a celui de la gestion et de la réforme de France Télévisions. À cet égard, le rapport de la Cour des comptes du mois d’octobre dénonce une réorganisation inaboutie et appelle à une réduction des charges. Il pointe notamment la question des effectifs et les charges de personnel, qui ont augmenté de 13 % entre 2009 et 2015, malgré deux plans de départs volontaires à la retraite. Plus gênant, le rapport dénonce également le cumul entre les CDI et les CDD ou les CDD d’usage. À l’heure où l’on débat d’une éventuelle et significative augmentation de la redevance, il conviendrait de mettre un peu de clarté dans la façon de gérer le personnel de France Télévisions.
J’ai une question à poser à Mme Buffet. L’expérience des boîtes à livres, qui se développe au niveau municipal ou dans les associations, constitue-t-elle une initiative intéressante ou finalement anecdotique au regard de la question bien plus vaste de la lecture publique ?
M. Michel Pouzol, rapporteur pour avis. En ce qui concerne les « défaillances » de l’État, madame Martinel, le mot est un peu fort. Nous avons renforcé, au cours des années, l’indépendance de l’audiovisuel public et le rôle du CSA. On peut, certes, constater que les ministères de tutelle n’ont pas forcément joué leur rôle et qu’ils devraient le faire, a fortiori si ce type de projet devait se multiplier. Nous avons envisagé plusieurs pistes, qui restent à définir. Je pense, en effet, qu’on ne peut pas se passer d’une vision déterminée de l’État sur ces sujets, et notamment du ministère de la culture. C’est en ce sens que le terme de « défaillances » a été employé.
Monsieur Reiss, la perception de l’indépendance est effectivement très relative, mais, le jour où les rédactions de France Télévisions feront de la propagande pour le Gouvernement actuel, passez-moi un petit coup de fil, je suis curieux de voir cela et d’en mesurer l’efficacité ! Pour l’instant, cela ne m’a pas sauté aux yeux et je pense que ce n’est pas le sentiment général.
Plus sérieusement, la capacité de Franceinfo à tenir le budget est une question qui se pose globalement pour France Télévisions, on l’a vu avec le rapport de la Cour des comptes. J’y reviendrai tout à l’heure en répondant à Rudy Salles.
Par contre, ce dont je suis à peu près sûr, c’est que la chaîne d’information ne risque pas d’être une catastrophe budgétaire, parce que le poids de cette chaîne, basée sur une masse importante de redéploiements, n’est pas suffisamment lourd pour mettre en danger l’ensemble du groupe. Le financement de cette chaîne, assez modeste, prévient l’idée d’une catastrophe budgétaire.
Pour répondre à Rudy Salles, qui parlait du coût complet, il faut rappeler que comparer, aujourd’hui, des chaînes d’information privées et celle-ci est très difficile et peu réaliste puisque les modèles ne sont pas fondées sur les mêmes synergies. Nous disposons des surcoûts pour France Télévisions, c’est-à-dire ce qui n’est pas lié à des redéploiements. Nous pouvons donc à peu près évaluer le niveau de ce surcoût en période de croisière. Dans mon rapport, un tableau fait état d’une vingtaine de millions d’euros, supportés majoritairement par France Télévisions mais pas uniquement, et dont une partie se fera aussi par redéploiements. Ce montage budgétaire est l’assurance que cette chaîne est viable.
Y a-t-il trop de chaînes d’information ? La question mérite d’être posée, ce que je fais, d’ailleurs, dans mon rapport. Mais c’est le CSA qui peut juger de cet état de fait. Cela étant, la nécessité d’une chaîne publique d’information est incontestable, d’autant que lorsque nous avons auditionné les chaînes privées qui ont bien voulu se déplacer, personne n’a remis en cause la nécessité d’une chaîne d’information de service public.
Les audiences ad hoc étant une commande spécifique, elles ne peuvent pas être communiquées. C’est la nature du contrat. Pourquoi n’y a-t-il pas d’étude Médiamétrie pour l’ensemble de la chaîne ? C’est simplement une question de coût, qui représente aujourd’hui 10 % du budget de la chaîne. La direction a estimé que ce coût était disproportionné par rapport au résultat.
Par contre, il faut absolument que nous arrivions, à terme, à une évaluation de l’audience « quatre écrans » pour cette nouvelle offre. L’audience quatre écrans qui, je le rappelle, comporte notamment tout le numérique, est en effet fondamentale pour cette chaîne.
La première page du Parisien, que vous avez citée tout à l’heure, monsieur de Mazières, est effectivement catastrophiste. Je vous encourage à lire les deux pages suivantes où la seule allusion à Franceinfo consiste à dire que ce serait peut-être une porte de sortie par le haut pour la direction actuelle, ce qui est plutôt positif. Dans cet article, il est surtout question d’audience des émissions mais c’est un autre sujet.
Oui, il y a eu des recrutements extérieurs pour le lancement de Franceinfo. Je rappelle, dans le rapport, la nécessité de s’assurer que France Télévisions procèdera bien à quatre-vingt-huit redéploiements, pour atteindre les 175 équivalents temps plein prévus. Il faudra donc s’assurer que les projets de fusion des rédactions nationales et de non-renouvellement d’un départ à la retraite sur deux vont être mis en œuvre pour aboutir à 50 % de redéploiements et 50 % de recrutements extérieurs. C’est la viabilité de la chaîne qui en dépend. Mais, pour l’instant, les réponses qui nous ont été faites sont plutôt rassurantes, même si les choses ne seront pas simples.
Pour répondre à Jacques Cresta, la participation du réseau régional de France 3 à Franceinfo ne doit pas entraîner une régression de l’offre régionale et locale d’information. Nous devons y veiller. C’est pourquoi je rejoins la proposition, que vous avez formulée dans votre avis sur le projet de COM, de préciser et clarifier les objectifs de la nouvelle direction en matière d’évolution de l’offre régionale.
Il est toutefois important de remarquer qu’aujourd’hui, les premières réactions à l’égard de la chaîne info sont plutôt bonnes dans les antennes régionales, parce qu’elle crée une sorte de dynamisme, les chaînes régionales se contentant jusqu’à présent de nourrir deux éditions par jour. Il y a désormais la sensation qu’on peut nourrir une antenne à longueur de journée, donc, d’être proactif.
Cela étant, il faut veiller à aller au bout de la redéfinition de France 3, avec la fusion des rédactions nationales. Il faut que ce chantier aboutisse, faute de quoi France 3 serait potentiellement mise en danger. On peut, dans une certaine mesure, faire le parallèle avec Radio France et le réseau France Bleu. C’est pourquoi je propose, dans mon rapport, de trouver, au moins pour le numérique, des collaborations de ce type pour que ces deux réseaux retrouvent un peu plus de vitalité et que la démarche proactive des directions rassure les personnels et les chaînes. J’insiste sur la nécessité de mettre en place une stratégie forte pour l’offre numérique. Il y va de l’avenir de ces réseaux.
Monsieur Féron, je suis, comme vous, très attaché à la création musicale. Il conviendrait que France Télévisions se mette autour de la table avec les acteurs de la musique – producteurs, syndicats d’interprètes, etc. – pour définir une réelle identité musicale.
On a parfois du mal à différencier les chaînes du groupe France Télévisions. On se demande, par exemple, quelle est leur identité. La musique peut être un excellent facteur d’identification. On peut choisir une couleur globale pour certaines chaînes, ce qui permettra d’améliorer leur identification par rapport au public ciblé. C’est un vrai chantier que nous avons à mettre en œuvre. Nous avons – Hervé Féron n’y est pas pour rien – renforcé les quotas de diffusion française dans les radios. Ce serait dommage que nous ne puissions pas entamer, avec France Télévisions, un travail de réflexion plus coordonné et peut-être moins contraint, mais qui aille dans le même sens.
Si la musique avait totalement disparu de France Télévisions ces dernières années, les modules « Alcaline » et le retour de l’émission « Taratata », s’ils ne sont pas suffisants, redonnent tout de même une place à la musique sur les antennes de France 2 et peuvent constituer le point de départ d’une réflexion plus globale sur la place de la musique à France Télévisions. Nous devons certainement aller plus loin dans ce domaine, car c’est important économiquement et culturellement.
Enfin, Madame Nachury, je vais examiner le rapport de la Cour des comptes et regarder de très près le problème du cumul entre les CDI et les CDD ou les CDD d’usage.
Pour le reste, cette chaîne publique d’information est un modèle différent, qui nous permettra peut-être de voir sous un autre angle l’ensemble du fonctionnement de la chaîne, y compris en matière de synergies. On parle toujours de l’action nationale de France 3 et de France 2, mais on voit bien qu’en créant des synergies, on peut créer des zones qui, financièrement, permettraient de dégager des ressources ou, du moins, de baisser certaines dépenses. J’y crois beaucoup, mais il nous faudra être très vigilant, car ce n’est pas gagné d’avance. Pour l’instant, les choses sont suffisamment bien encadrées pour pouvoir y arriver, mais le chemin est encore difficile. C’est pourquoi je plaide à nouveau pour une vraie présence de l’État autour de la table, notamment pour exercer un contrôle un peu plus serré qu’une simple audition parlementaire par an et un COM tous les cinq ans.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Frédéric Reiss m’a interrogée sur la recommandation n° 4, qui vise à appuyer activement la reconnaissance d’un droit voisin au bénéfice des éditeurs de presse, prévue par la proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, publiée par la Commission européenne le 14 septembre dernier. L’intention de la Commission européenne est de trouver une solution structurelle et plus pérenne que le Fonds Google-AIPG ou le DNI à travers la création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse.
Tous les représentants que j’ai pu rencontrer, qu’il s’agisse du SPIIL, du syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) ou du syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) se sont félicités de ce changement d’approche, qui modifiera profondément la donne et permettra aux éditeurs de presse de décider ex ante de céder, ou non, leurs droits à titre gratuit ou onéreux.
Il faudra veiller à ce que les représentants des États membres auprès des institutions européennes dépassent ce rapport conflictuel entre les éditeurs de presse et les infomédiaires. Les tentatives de régulation de 2013 et 2014 en Espagne et en Allemagne ont connu un échec relatif, mais on imagine mal que Google puisse, aujourd’hui, refuser de négocier avec l’ensemble des éditeurs de presse au niveau européen. C’est effectivement à l’échelon européen qu’on pourra peser davantage face au géant du numérique.
Michel Françaix a rappelé que la presse papier avait un coût beaucoup plus important que le numérique, qu’il s’agisse de l’impression ou de la distribution. Pour autant, le numérique impose également des investissements très lourds, en particulier les outils de gestion de l’abonnement numérique, les plateformes numériques, qui doivent être renouvelées tous les deux ans, la numérisation des fonds physiques et les dispositifs pour lutter contre le piratage. Plus récemment, nombre de sites en ligne ont mis en place la vidéo, élément très attractif et dynamique, qui permet d’augmenter l’audience.
Je rappelle quelques chiffres. Aujourd’hui, 93 % des aides bénéficient à la presse papier, alors que près de 60 % du lectorat de la presse se fait actuellement via le numérique. Il y a donc une marge de progrès pour rééquilibrer la situation. L’exclusion de la presse en ligne des aides au pluralisme pose question, le président de la CPPAP lui-même en convient.
J’en viens au débat sur la presse IPG et non-IPG. Certes monsieur Françaix, la presse en ligne n’a pas « droit à tout ». Mais, dans la mesure où 98 % des aides directes à la presse sont ciblées sur la presse IPG et que de nombreux pure players associant IPG et non-IPG sont exclus de ces aides parce qu’ils n’ont pas l’agrément de la CPPAP, cela pose question et montre l’inadaptation actuelle par rapport à l’évolution de la presse en ligne. Là encore, il y a place pour un rééquilibrage.
Le Huffington Post, par exemple, n’a jamais bénéficié de la moindre aide à la presse depuis sa création. Or, aujourd’hui, c’est le premier pure player et il touche près de 45 millions de pages vues, avec 25 millions de visites en juin 2016 et 4 millions de visiteurs par mois, ce qui n’est pas anodin.
Madame Arribagé, je regrette, comme vous, l’impossibilité, pour la presse en ligne, d’accéder au marché des annonces légales, ce qui pose question sur leur modèle économique et leur viabilité.
Vous m’avez également interrogée sur les modalités de fonctionnement du Fonds européen Google DNI. Effectivement, ses modalités seront différentes de l’actuel fonds Google, qui arrive à échéance en 2016. Il avait d’ailleurs été prolongé parce qu’il n’avait pas été intégralement consommé. Je rappelle que ce fonds a permis de mobiliser 60 millions d’euros sur trois ans. Le Fonds DNI n’aura pas la même gouvernance que le Fonds Google-AIPG puisque les éditeurs de presse ne sont pas présents au sein de son conseil d’administration. Les griefs en termes d’opacité et de collusion devraient donc perdre en légitimité, ce qui a parfois été relayé au cours de nos auditions. Le SPIIL a également loué ce mode de gouvernance, ainsi que l’ouverture à la presse non-IPG. Il s’agit, là encore, d’une évolution importante.
Par ailleurs, ce fonds a déjà lancé deux appels à projet, l’un au début de l’année 2016, l’autre en cours. Son conseil d’administration est appelé à se prononcer sur tout financement compris entre 30 000 euros et 1 million d’euros. Toutefois, il faut souligner que ce fonds n’est doté que de 150 millions d’euros sur trois ans, soit 50 millions par an, et qu’il est ouvert à l’ensemble des éditeurs de presse à l’échelle européenne. Par conséquent, les éditeurs français ne pourraient espérer des financements qu’à hauteur de 5 à 10 millions d’euros par an au maximum, soit, au final, quatre fois inférieurs au financement annuel actuellement prévu pour le Fonds Google-AIPG.
Mme Marie-George Buffet, rapporteure pour avis. Je commencerai par la question de Mme Genevard sur l’affaiblissement de la fréquentation et la baisse des moyens accordés à la lecture publique. L’affaiblissement de la fréquentation ou, du moins, le fait que l’on n’arrive pas à gagner suffisamment de nouveaux publics, est lié à plusieurs facteurs, qui ne peuvent se résumer aux moyens. Il y a d’abord l’apprentissage du rapport au livre. Je suis frappée de constater la différence, en termes de développement, entre un enfant qui a la possibilité de toucher un livre, geste très important pour le rapport futur à la lecture, et qui bénéficie de la présence d’adultes lisant des livres et leur racontant des histoires, et un enfant qui n’a pas accès aux livres. Tout ce qui peut permettre de généraliser ce lien précoce entre le livre en tant qu’objet, la lecture et l’enfant, est très important pour le développement du langage et l’envie de découvrir à travers la lecture. Mais il y a également le rapport aux livres dans le cadre de l’école, au-delà des livres scolaires.
Nous avons auditionné des représentants de l’Institut de recherches de la Fédération syndicale unitaire (FSU), dont les propos nous ont frappés. Je pense, par exemple, à l’idée que, dans la formation des adultes, le temps de lecture est considéré comme du temps perdu, comme si, aujourd’hui, la formation passait par bien d’autres choses, comme les stages ou le monitoring, et que prendre le temps de lire pour avoir une culture générale, dont a besoin un enseignant, était vécu par les enseignants eux-mêmes comme du temps perdu. Replacer la lecture comme un élément de formation tout au long de la vie, un élément de connaissance et d’ouverture, demande une ambition publique. C’est ce que j’ai voulu traduire à travers ce rapport.
Vous êtes, par exemple, maire d’une ville, et vous constatez que les livres sont là et que la bibliothèque fonctionne. Selon les années, il y a plus ou moins de lecteurs, les âges varient etc. Pourtant, il faudrait secouer un peu le cocotier, car il y a sans doute beaucoup de choses à revoir en matière de services et d’espaces.
Madame Bourguignon, nous avons un formidable maillage, avec 16 300 lieux de lecture publique. Mais il y a aussi des déserts. Dans mon rapport, je cite quatre départements où il semble n’y avoir aucune volonté publique de donner accès à la lecture, que ce soit dans les villes ou dans les zones rurales.
Il faut aussi une certaine conception de la proximité. Dans un département comme le mien, il y a de magnifiques bibliothèques ou médiathèques, ainsi que des bibliothèques de proximité et des boîtes à livres. Tout cela est nécessaire, mais ne suffit pas, en soi, à gagner de nouveaux lecteurs et lectrices sans un travail de médiation.
Certaines bibliothèques de proximité, ouvertes au cœur des cités, fonctionnent grâce à la médiation d’un personnel qualifié, tandis que d’autres n’arrivent pas à capter le public alentour. Lors de nos auditions, nombre d’intervenants ont insisté sur l’importance d’avoir un personnel suffisamment qualifié pour guider, encourager, informer les personnes qui passent la porte de la bibliothèque ou de la médiathèque.
J’en reviens à la question de Mme Genevard. Tout cela demande des moyens. Il faut du personnel qualifié en nombre et des espaces de qualité. Je pense à la bibliothèque de La Courneuve, qui a été installée dans l’ancienne usine Mécano. C’est un bâtiment magnifique, avec un mélange d’ancien, de friche industrielle et de moderne. C’est aussi un lieu accueillant, où transparaît la volonté d’affecter des personnels capables d’accueillir tous les publics.
Je le répète, cela demande des moyens, et les personnels s’inquiètent de ce qui pourrait être, non un recul des moyens, mais une stabilisation qui ne permettrait pas d’évoluer vers une nouvelle conception de l’accès à la lecture publique.
En ce qui concerne le Centre national du livre (CNL), en 2015, 156 aides ont soutenu les achats de collections adaptées à certains publics. Ainsi, la bibliothèque de La Courneuve possède un fonds tamoul, pour répondre aux aspirations d’un grand nombre de familles originaires du Sri Lanka. Le financement d’un fonds étranger permet d’attirer de nouveaux publics dans la bibliothèque.
Si je n’ai pas parlé du numérique, c’est que cette question a été très peu abordée au cours de nos auditions. Comme si le numérique était devenu quelque chose d’ordinaire dans les lieux de lecture, sans produire un déclic justifiant qu’on en parle comme d’une solution pour augmenter le lectorat dans les bibliothèques.
En ce qui concerne l’ouverture des bibliothèques le dimanche dans les universités, je n’ai pas de statistiques à vous fournir. Par contre, l’ouverture le dimanche et les horaires étendus à la Bibliothèque publique d’information sont un succès. Toutefois, l’ouverture le dimanche n’est pas la réponse adaptée à tous les territoires. Dans certains territoires, c’est l’ouverture plus tard le soir, par exemple, qui peut faciliter l’accès. Il ne faut pas faire une doctrine de l’ouverture le dimanche, mais veiller à ce que les horaires d’ouverture correspondent au public de chaque territoire.
Madame Genevard, j’ai tenu à parler des librairies, parce que je n’oppose pas la librairie indépendante à la bibliothèque publique. Sur un territoire comme le mien, j’ai vu fermer les bibliothèques les unes après les autres, les commandes publiques disparaître du jour au lendemain… Dans certaines villes, il n’y a, parfois, même plus d’accès à la presse. Il y a, dans ma circonscription, une ville dans ce cas. La proximité des librairies et des maisons de la presse est importante. Comment acheter un journal s’il faut, pour cela, faire des kilomètres ? Le journal doit pouvoir être acheté à proximité du domicile, sur le trajet du travail ou de l’université. La disparition des librairies ou des maisons de la presse a entraîné un recul au niveau de la lecture.
M. le président Patrick Bloche. Chers collègues, pour conclure cette matinée, je vous invite, comme chaque année, à vous rendre au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, qui aura lieu le premier week-end du mois de décembre. On y voit réunis les acteurs de la presse et du livre jeunesse, acteurs privés, acteurs publics, avec les jeunes générations, dans la démarche de transmission qui nous anime tous.
La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède le mardi 8 novembre 2016, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2017 de la mission « Médias, livres et industries culturelles » (7).
À l’issue de la commission élargie, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine, pour avis, les crédits pour 2017 de la mission « Médias, livres et industries culturelles».
M. le président Patrick Bloche. Nous n’avons pas d’amendement à examiner.
Je consulte donc la Commission sur les crédits pour 2017 de la mission « Médias, livre et industries culturelles », avec un avis favorable de M. Michel Pouzol, rapporteur pour avis sur les crédits de l’audiovisuel public, et de Mme Marie-George Buffet, rapporteure pour avis sur les crédits du livre et des industries culturelles, et une abstention de Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis sur les crédits de la presse.
La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias livre et industries culturelles » pour 2017.
Puis la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS
Ø Institut national de l’audiovisuel (INA) – M. Laurent Vallet, président, et M. Jean-Marc Boero, secrétaire général
Ø NextRadioTV – M. Damien Bernet, directeur général délégué, et M. Aurélien Pozzana, cabinet Affaires publiques consultants
Ø Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – Mme Sylvie Pierre-Brossolette, présidente du groupe de travail télévision publique, M. Tristan Julou, chef du département secteur public, et Mme Laure Leclerc, directrice des programmes
Ø Table ronde France Télévisions :
– Force ouvrière (FO) France Télévisions – Mme Marie-Pierre Samitier, M. Jean-Michel Seybald et M. Eric Vial, délégués syndicaux centraux
– Confédération générale des travailleurs (CGT) France Télévisions – M. Marc Chauvelot, secrétaire général du SNRT-CGT, Mme Véronique Marchand, secrétaire générale du SNJ-CGT, M. Pierre Mouchel, délégué syndical central, et M. Jean-Hervé Guilcher, secrétaire du CE du pôle Nord-Ouest de France Télévisions et président de la Commission économie et structure du CCE de France Télévisions
– Confédération française démocratique du travail de France Télévisions (CFDT Médias) (*) – Mme Yvonne Roehrig, M. Thierry Vildary et M. Patrice Christophe, délégués syndicaux centraux
– Syndical central SNJ France Télévisions – M. Didier Givodan, journaliste
Ø Table ronde Radio France :
– Confédération française des travailleurs (CFDT) (*) – M. Renaud Dalmar, chargé de réalisation
– Confédération générale des cadres (CGC) – M. Gilles Le Mouël, journaliste à France Bleu
– Confédération générale du travail (CGT) de Radio France – M. Lionel Thompson, membre du bureau, élu au Comité d’entreprise
– UNSA Radio France – M. Philippe Ballet, délégué central, M. Emmanuel Moreau, journaliste, et M. Philippe Marty, responsable des programmes à Lille
Ø Table ronde syndicats France Médias Monde
– CGT – Mme Addala Benraad, déléguée syndicale SNJ-CGT, Mme Françoise Delignon, déléguée syndicale SNRT-CGT, Mme Sabine Mellet, déléguée syndicale SNJ-CGT, et Mme Catherine Rolland, élue CGT au conseil d’administration
– CFTC – Mme Yara Jamali Elo et M. Maximilien de Liberta, journalistes
– FO – Mme Maria Afonso, déléguée syndicale, et M. Patrice Chevalier, délégué syndical
– SNJ – Mme Nina Desesquelle, déléguée syndicale
Ø Table ronde syndicats INA :
– CGT Ina – M. Philippe Raynaud, administrateur CGT élu, et Mme Françoise Lamontagne, déléguée syndicale et secrétaire du syndicat
– FO Ina –M. Pierre Cortese et M. Hervé Hubert, délégués syndicaux
– INA CFDT – M. Philippe Benhalassa, délégué syndical CFDT/INA, élu CE, représentant syndical CHSCT, et M. Stéphane Baron, délégué syndical CFDT/INA et secrétaire du CE
Ø Arte France – Mme Véronique Cayla, présidente du directoire, Mme Anne Durupty, directrice générale, M. Olivier Guillemot, directeur de la gestion et de la coordination, et Mme Elsa Comby, responsable des affaires publiques
Ø Radio France (*) – M. Mathieu Gallet, président-directeur général, Mme Sibyle Veil, directrice déléguée en charge des opérations et des finances, et Mme Maïa Wirgin, secrétaire générale, et Mme Marie Lhermelin, chargée des relations institutionnelles
Ø Ministère de la culture et de la communication – Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) – M. Martin Ajdari, directeur général, et M. Ludovic Berthelot, sous-directeur
Ø Ministère de l’économie et des finances – Direction générale du budget – Sous-direction chargée des médias – Mme Sabine Deligne, cheffe du bureau, Mme Charlotte Galland, administratrice civile, et M. Guillaume Vaille, administrateur civil
Ø France Médias Monde – Mme Marie-Christine Saragosse, présidente, M. Victor Rocaries, directeur général délégué, et M. Thierry Delphin, directeur financier
Ø Canal + – M. Gérald-Brice Viret, directeur général des antennes, et Mme Peggy Le Gouvello, directrice relations extérieures
Ø M. Marc Schwartz, auteur du rapport du groupe de travail interministériel France Télévisions 2020
Ø France Télévisions – Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente, M. Francis Donnat, secrétaire général, M. Christian Vion, Directeur général délégué à la gestion, à la production et aux moyens, et M. Stéphane Sitbon-Gomez, directeur de cabinet, et Mme Juliette Rosset-Cailler, directrice des relations avec les pouvoirs publics
Ø Mission Médias-Culture du contrôle général économique et financier de l’audiovisuel public France Télévisions – M. Jean-Charles Aubernon, contrôleur général, et M. Michel Lehalle, responsable de la Mission Médias Culture
(*) Ces représentants d’intérêt ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.