N° 4126 tome VII - Avis de Mme Marie-George Buffet sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).


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N° 4126

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2017,

TOME VII

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

Par Mme. Marie-George BUFFET,

Députée.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 4061, 4125 (annexe n° 32).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS EN FAVEUR DU LIVRE ET DES INDUSTRIES CULTURELLES 7

A. L’ACTION « LIVRE ET LECTURE » 7

1. La lecture publique 8

2. La chaîne du livre 10

a. Le Centre national du livre (CNL) 10

b. Les librairies 12

B. L’ACTION « INDUSTRIES CULTURELLES » 14

1. Le cinéma 14

a. Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) 14

b. Le soutien du cinéma 16

2. La musique enregistrée 18

3. La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) 19

4. Le jeu vidéo 21

II. POUR UN RENOUVEAU DES POLITIQUES EN FAVEUR DE LA LECTURE PUBLIQUE 23

A. LA LECTURE PUBLIQUE : UN OUTIL ESSENTIEL POUR PRÉVENIR LES INÉGALITÉS SOCIALES ET CULTURELLES 23

1. Des actions de sensibilisation à la lecture ciblées 24

a. La jeunesse 24

b. Des actions de proximité 25

2. Les bibliothèques : un vecteur indispensable de la lecture publique 25

B. LA LECTURE PUBLIQUE : UNE POLITIQUE À REVALORISER 29

1. Accroître la visibilité de la politique de lecture publique 30

2. Renforcer le maillage et les moyens des bibliothèques 30

a. Un maillage territorial insuffisant et des équipements inadaptés 30

b. La dégradation des moyens 33

3. Encourager les synergies entre tous les acteurs 34

a. Favoriser la montée en puissance des « contrats territoires lecture » 34

b. Améliorer la coordination avec les acteurs éducatifs 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

I. PRÉSENTATION DE L’AVIS 37

II. AUDITION DE LA MINISTRE 69

III. EXAMEN DES CRÉDITS 69

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS 71

INTRODUCTION

Créé en loi de finances initiale (LFI) pour 2011, le programme 334 Livre et industries culturelles de la mission « Médias, livre et industries culturelles » comprend deux actions.

La première, Livre et lecture, a pour objectif de favoriser le développement de la création littéraire, d’encourager la pratique de la lecture et de soutenir la chaîne du livre qui est composée d’intervenants aussi divers que les auteurs, les éditeurs, les libraires ou les bibliothèques. Cette action permet d’assurer une meilleure visibilité aux crédits consacrés à la politique publique en faveur du livre et de la lecture, qui étaient éclatés auparavant au sein de la mission Culture.

La deuxième action, Industries culturelles, finance les politiques transversales en faveur du développement des industries culturelles comme le cinéma, le jeu vidéo ou la musique enregistrée, ainsi que la lutte contre le piratage des œuvres culturelles en ligne, par l’intermédiaire d’une autorité publique indépendante.

Les deux actions Soutien aux médias de proximité et Compagnie internationale de radio et télévision (CIRT) qui avaient été rattachées au programme dans la loi de finances pour 2016 font partie désormais du programme 180 Presse et médias.

La rapporteure a choisi, cette année, de consacrer la deuxième partie de son rapport à la lecture publique.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 90 % des réponses étaient parvenues.

 

Loi de finances initiale 2016
(hors réserve parlementaire)

PLF 2017

Évolution
(en %)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 1 « Livre et lecture »

246 584 593

256 984 593

262 026 701

260 008 250

+ 6,2

+ 1,2

Action 2 « Industries culturelles »

15 906 383

15 906 383

16 917 551

16 917 551

+ 6,3

+ 6,3

Total

262 490 976

272 890 976

278 944 252

276 925 801

+ 6,2

+ 1,4

Source : Questionnaire budgétaire.

Les autorisations d’engagement (+ 6,2 %) et les crédits de paiement (+ 1,4 %) du programme sont en augmentation.

La rapporteure tient à souligner que ces augmentations sont calculées à périmètre constant. Ces crédits n’intègrent plus les deux nouvelles actions Soutien aux médias de proximité et CIRT qui avaient été rattachées au programme dans la loi de finances pour 2016 et qui font partie désormais du programme 180 Presse et médias.

Pour 2017, 262 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 260 millions d’euros en crédits de paiement (CP) seront alloués à cette action contre 246,6 millions d’euros en AE et 257 millions d’euros de CP en LFI pour 2016, soit une augmentation de + 6,2 % des autorisations d’engagement et de + 1,2 % des crédits de paiement.

Cette hausse permettra de répondre à l’augmentation des crédits attribuée à la Bibliothèque nationale de France (BnF) et à la Bibliothèque publique d’information (BPI) afin de faire face à la progression des dépenses de personnel résultant de la revalorisation du point d’indice et à la poursuite des travaux de rénovation du quadrilatère Richelieu de la BnF, avec le début des opérations liées à la phase 2, ainsi qu’à la rénovation des espaces de la BPI.

La sous-action Développement de la lecture et des collections bénéficie de 0,7 million d’euros de crédit de fonctionnement courant et de 13,4 millions d’euros de crédits d’intervention, dont 1,4 million d’euros de crédits centraux et 12 millions d’euros en crédits déconcentrés.

La Bibliothèque nationale de France (BnF)

Les crédits accordés à la Bibliothèque nationale de France (BnF) en 2017 progressent de 1,6 % par rapport à la LFI de 2016 en s’élevant à 210 millions d’euros en AE et CP contre 206,8 millions d’euros en AE et CP en 2016. Le plafond d’emplois rémunérés sur le budget propre de la BnF est maintenu au même niveau qu’en LFI 2016, soit 2 249 ETPT. Cette hausse permettra de répondre à la revalorisation du point d’indice des personnels et à la poursuite de plusieurs travaux de rénovation des différents sites de l’institution.

Comme les années précédentes, une partie des crédits est consacrée à la rénovation du quadrilatère Richelieu. Initiée en 2011 afin de mieux accueillir les chercheurs et de moderniser l’accès aux collections, cette opération comprend deux phases. La première phase est en voie d’achèvement, tandis que la phase 2 se déroulera de 2017 à 2020. Le coût total estimé à 211 millions d’euros en 2011, réévalué en 2014 à 218,7 millions d’euros, est désormais estimé à 232,4 millions d’euros. La présence d’amiante et de plomb a entraîné des surcoûts et des retards de livraison.

Cette rénovation est financée conjointement par les ministères de l’enseignement supérieur et de la recherche pour 42,7 millions d’euros et de la culture et de la communication pour 189,7 millions d’euros. Sur ce montant, le programme 334 participe à hauteur de 155,2 millions d’euros en CP. 96,6 millions d’euros ont déjà été engagés sur la période 2011-2016. 6 millions d’euros sont prévus dans le présent projet de loi de finances pour 2017.

Des travaux de remise aux normes incendie sont également prévus sur le site de Tolbiac pour un coût total de 22,5 millions d’euros ; 2 millions d’euros sont budgétés dans le présent projet de loi de finances pour 2017. La mise aux normes des ascenseurs sur ce même site nécessitera un million d’euros en 2017.

Enfin, le renouvellement du système de transport automatique de documents dont le coût total est estimé à 4,7 millions d’euros débutera en 2017. 0,4 million d’euros sont prévus à cet effet dans le présent projet de loi de finances.

La BnF s’est fixé trois grandes priorités pour 2017 :

– constituer une bibliothèque numérique de référence ;

– faire évoluer son offre documentaire et ses services ;

– rationaliser son patrimoine immobilier.

L’amélioration de l’accès aux collections s’est poursuivie. Le projet Gallica, qui numérise les œuvres détenues dans les collections afin de les rendre accessibles au plus grand nombre, comprend 3,5 millions d’ouvrages en juin 2016. En 2015, 374 235 monographies ont ainsi été mises en ligne et 400 000 le seront en 2016 (1). Le Centre national du livre a contribué à la numérisation à hauteur de 6,2 millions d’euros en 2015.

Le taux de fréquentation des salles de lecture s’est légèrement amélioré, notamment dans le Haut de jardin, la bibliothèque réservée au grand public, en baisse depuis plusieurs années (2). La modernisation des services sur place (accès au wifi, actions de médiation) et la politique de diversification des publics explique cette évolution.

La Bibliothèque publique d’information (BPI)

La BPI, établissement public administratif, est une composante du Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou. Dotée d’un statut spécifique, elle n’a pas d’activité de prêt et propose l’accès gratuit à ses collections. Elle se concentre sur des services de médiation en faveur des lycéens, des demandeurs d’emploi, des migrants ou des personnes handicapées et accompagne les bibliothèques municipales dans la transition numérique.

La subvention pour charges de service public augmentera de 0,6 % par rapport à la LFI de 2016 et s’élèvera pour 2017 à 6,8 millions d’euros en AE et CP afin d’absorber la revalorisation du point d’indice des personnels. La dotation en fonds propres progressera par rapport à la LFI pour 2016 et s’élèvera à 2 millions d’euros en AE et 2,7 millions d’euros en CP. 63 ETP seront budgétés en 2017, soit le même niveau qu’en LFI pour 2016.

Cette augmentation de la dotation permettra de financer des travaux sur les sols afin de les renouveler (la dégradation s’est accélérée en raison de l’importante fréquentation annuelle de la bibliothèque) et de les mettre aux normes d’accessibilité. Par ailleurs, le retour à une entrée commune avec le Centre Pompidou nécessite la création d’une coursive desservant uniquement la BPI.

Depuis 2014, la fréquentation continue de diminuer, le nombre d’entrées s’étant élevé à 1 200 000 entrées en 2016 contre 1 410 520 en 2014. Il convient néanmoins de relever que le taux de rotation journalier des usagers est bas.

Une réflexion sur l’offre et les services proposés a été menée à l’automne 2015.

De nouveaux services ont été proposés comme l’application « Affluences » qui permet d’informer le visiteur sur son temps d’attente avant de disposer d’une place dans la BPI ou l’offre d’un wifi documentaire qui permet l’accès aux bases de données, à l’intérieur de la bibliothèque, moyennant un abonnement payant.

L’espace sera réaménagé : une entrée commune avec le musée sur la place devrait être créée afin d’augmenter la superficie et d’ouvrir la bibliothèque de façon plus large afin d’améliorer sa fréquentation. Ces importants travaux de rénovation devraient permettre de renforcer les actions de médiation et de faciliter l’accueil de groupes dans le cadre des actions d’éducation artistique et culturelle.

À ce titre, les travaux de réaménagement de l’accueil du public ont été estimés à 9 millions d’euros. 3 millions de crédits de paiement sont prévus sur la période 2016-2017. 1,3 million d’euros en AE et CP est budgété dans le présent projet de loi de finances pour 2017.

Le soutien à la politique en faveur du livre passe par un opérateur de l’État, le Centre national du livre (CNL), établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la culture et de la communication. Sa mission consiste à encourager la création, l’édition et la diffusion des œuvres littéraires et scientifiques.

Le budget du Centre s’est élevé à 31,5 millions d’euros en 2016.

Le nombre d’emplois sera stable en 2017 avec 66 emplois (3) dont 16 ETPT pris en charge sur les crédits du titre 2 de la mission Culture et son programme 224 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture.

98 % des recettes du CNL proviennent du produit de deux taxes qui lui sont affectées :

– une taxe de 0,20 % est due par les éditeurs en fonction de leurs ventes d’ouvrages en librairie ;

– la taxe relative aux appareils de reprographie, de reproduction et d’impression est perçue à hauteur de 3,25 % sur toute vente de ces appareils.

Ces deux taxes ont été plafonnées par la loi de finances pour 2012 (4), à hauteur de 5,3 millions d’euros pour la taxe sur l’édition et 29,4 millions d’euros pour la taxe sur le matériel de reproduction. De plus, ce plafonnement, reconduit en 2017, est appliqué avant le prélèvement des frais de gestion qui représentent 1,2 million d’euros, amoindrissant d’autant les recettes du Centre.

Le rendement de la taxe sur les appareils d’impression et de reproduction s’est dégradé en 2016 atteignant 24,3 millions d’euros contre 27,7 millions d’euros en 2015. La taxe sur l’édition a également reculé passant de 4,9 millions d’euros en 2015 à 4 millions d’euros en 2016. Le total s’élèvera en 2016 à 28,3 millions d’euros contre 32,6 millions d’euros en 2015.

La diminution et la fluctuation du rendement de ces taxes ont créé des difficultés quant à l’avenir des missions du CNL. Une mission menée par l’Inspection générale des affaires culturelles a formulé des recommandations afin d’y remédier. La loi de finances rectificatives pour 2015 a ainsi élargi l’assiette de la taxe sur l’édition aux ventes de livres numériques, ce qui permettrait une recette supplémentaire estimée à 0,3 million d’euros.

Les missions du CNL sont multiples et couvrent tout le champ de la chaîne du livre. À la suite d’une concertation, une évolution du dispositif des aides a été mise en place en 2015 avec pour objectif de le simplifier : ainsi le nombre de dispositifs est passé de 36 à 26.

Son budget global d’intervention a diminué, passant de 30 millions d’euros en 2014 à 26,2 millions d’euros en 2015. C’est ainsi que le nombre total d’aides accordées est en retrait, passant de 2 712 aides en 2014 à 2 413 en 2015.

Dans le domaine de la création, le CNL attribue des bourses d’écriture, des crédits de traduction, de préparation ou de résidence à des auteurs reconnus. En 2015, ces aides se sont élevées à 1,7 million d’euros contre 2 millions d’euros en 2014.

Dans le domaine de l’édition qui concentre 43,8 % des aides, le CNL peut accorder des subventions à la traduction et à des publications. En 2015, elles se sont élevées à 4,6 millions d’euros contre 5 millions à 2014.

S’agissant du soutien au numérique, 7,4 millions d’euros ont été distribués, représentant 28,4 % du total des aides, en diminution par rapport à 2014 ou 9 millions d’euros avaient été accordés.

En 2015, un nouveau dispositif a été mis en place afin de soutenir les actions initiées par les bibliothèques en faveur des publics empêchés, que ce soit des personnes souffrant de handicaps, détenues ou hospitalisées ou de publics éloignés (5). Les subventions portent sur l’achat de collections, y compris d’ouvrages adaptés (6) ou sur des actions de médiation vis-à-vis de ces publics ou de formation du personnel. En 2015 156 aides ont été attribuées pour un montant de 0,6 million d’euros.

La France peut s’enorgueillir d’avoir su préserver un réseau dense de près de 2 500 librairies indépendantes dont 538 disposent d’un label de qualité « librairie indépendante de référence » (LIR). Bien que ce commerce soit menacé à la fois par l’arrivée de nouveaux modes de diffusion du livre (vente en ligne, livre numérique) et par une chute de la rentabilité de leur modèle économique, l’année 2014 a semblé amorcer la fin de l’érosion de la part de marché des librairies indépendantes. La part de marché des librairies s’est stabilisée à 22 % des ventes en 2015 comme en 2014. Le plan de soutien à la librairie semble avoir permis cette bonne tenue du secteur. La vente de livre par internet qui représente 19 % des ventes connaît un ralentissement de sa progression. En 2015 ce type de vente a augmenté de 0,5 point alors qu’auparavant la hausse pouvait atteindre 1,5 point.

La pénétration du livre numérique, qui représente 3,1 % du chiffre d’affaires total du livre, reste moindre en France par rapport à d’autres pays européens (7), et continue de progresser mais à un rythme moins soutenu. Les ventes représentent en 2015 environ 6,5 % du chiffre d’affaires des éditeurs.

La rapporteure souhaite néanmoins souligner que la situation des librairies reste fragile, à l’image de la situation dans des territoires comme le département de la Seine-Saint-Denis où l’existence de librairies dépend aussi de la commande publique.

En effet, les atouts des librairies indépendantes sont autant de points faibles. Elles sont situées en centre-ville où les loyers sont élevés, elles dispensent un accueil et un conseil qui supposent l’emploi de personnel qualifié (les frais de personnel pouvant atteindre 18 % du chiffre d’affaires) et elles offrent une diversité éditoriale qui suppose le financement d’un stock important et des locaux appropriés. C’est pourquoi le taux de rentabilité des libraires s’est effondré pour devenir inférieur à 0,5 % de leur chiffre d’affaires. Or un taux de rentabilité inférieur à 2 % met la profession à la merci du moindre aléa.

Selon le Syndicat de la librairie française (8), trois facteurs expliquent la dégradation de la rentabilité :

– une hausse des charges entre 2 % à 3 % par an, supérieure à la progression du chiffre d’affaires ;

– une augmentation insuffisante des remises commerciales de la part de leurs fournisseurs ;

– la baisse relative du prix du livre.

C’est pourquoi un plan de soutien a été mis en place en 2014.

Trois grands axes ont été privilégiés :

– l’aide à la transmission des librairies : géré par l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC), le fonds d’aide à la transmission doté de 7 millions d’euros intervient sous forme de prises de participations au capital de l’entreprise et d’apports remboursables ;

– l’accès au crédit bancaire : les libraires peuvent via l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), disposer d’un fonds d’avances en trésorerie doté de 5 millions d’euros, provenant du CNL. Afin d’utiliser pleinement ces crédits, le ministère de la culture et de la communication a décidé d’élargir ses conditions d’éligibilité à la restructuration des fonds de roulement des libraires à compter de 2016 ;

– le renforcement de l’aide du CNL : ce dernier joue un rôle pivot en accordant des aides directes, prêts sans intérêt ou subventions pour l’accompagnement de projets de création, de reprise ou de développement des librairies. En 2015, il a accordé 3 millions d’euros d’aides, soit 1,3 million d’euros au titre de prêt et 1,7 million d’euros au titre de subventions.

Par ailleurs, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) peuvent accorder des crédits déconcentrés afin de soutenir des projets d’aménagement, d’équipement ou des actions d’animation. En 2015 elles ont ainsi accordé 1 million d’euros.

Afin de parfaire ce dispositif plusieurs dispositions législatives ont été adoptées en 2014. En premier lieu, la loi du 8 juillet 2014 interdit désormais de pratiquer la gratuité des frais de livraison des livres à domicile (9). La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation quant à elle créé une instance de médiation (10) et des agents (11) relevant du ministre chargé de la culture et de la communication qui sont assermentés afin de pouvoir constater les infractions à la loi sur le prix unique du livre.

Par ailleurs, en 2016, le seuil hors taxe en deçà duquel les marchés d’achat de livres scolaires par les acteurs publics sont possibles sans mise en concurrence est passé à 90 000 euros (12). L’élévation de ce seuil devrait sécuriser les commandes auprès des librairies de proximité et contribuer à leur maintien.

Le Syndicat de la librairie française se félicite de ces évolutions législatives et réglementaires. Cette meilleure application du prix unique du livre a permis de rééquilibrer la concurrence entre les librairies et les grands opérateurs de vente en ligne. Elle a également favorisé l’offre en ligne des libraires et le circuit physique via « le click and collect ».

Pour 2017, 16,9 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) seront alloués à cette action contre 15,9 millions d’euros d’AE et de CP en 2016, soit une augmentation de + 6,3 %.

Cette action regroupe notamment les crédits accordés à la musique enregistrée, au jeu vidéo et au cinéma.

La progression des crédits s’explique par les moyens prévus pour financer la mise en place d’un Observatoire de l’économie de la musique (0,3 million d’euros) et la progression des crédits accordés à la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) (+ 0,5 million d’euros) et au Bureau export de la musique (+ 0,13 million d’euros).

Les aides financées par cette action s’inscrivent dans une démarche visant à encourager un secteur participant à l’activité économique du pays et pourvoyeur d’emploi.

Depuis le PLF 2015, Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a été rattaché au programme 334. Cet établissement public national à caractère administratif créé en 1946 (13) présente une spécificité, étant à la fois établissement public et administration centrale. Sa principale mission consiste à soutenir, réglementer et promouvoir les industries cinématographiques et audiovisuelles.

Les crédits constituant son fonds de soutien proviennent principalement de trois taxes affectées, la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA), la taxe sur les services de télévision (TST) et la taxe sur la vidéo et la vidéo à la demande. Le CNC assure le recouvrement et le contrôle fiscal des deux principales taxes affectées (TSA depuis 2007 et TST depuis 2010). Quant à la taxe sur la vidéo, son recouvrement est effectué par la Direction générale des finances publiques (DGFIP).

Le produit de ces taxes affectées s’est élevé en 2016, en exécution, à 666,7 millions d’euros, contre un budget primitif prévu de 633 millions d’euros. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet écart : le produit de la TST éditeurs et distributeurs a fortement augmenté, particulièrement celle sur les distributeurs, s’élevant à 218,9 millions d’euros en exécution contre un montant estimé de 200,9 millions d’euros grâce à l’amélioration de la santé des opérateurs télécoms et à des recettes exceptionnelles issues d’un contrôle fiscal. Quant à la TSA, le montant exécuté soit 140,1 millions d’euros est supérieur au montant estimé de 134,8 millions d’euros grâce la bonne tenue de la fréquentation des salles.

Pour 2017, le produit des taxes affectées est estimé à 671,1 millions d’euros, soit une progression de 0,7 %. Le produit de la TST éditeurs observe une progression de 7,8 % liée notamment à l’impact de la suppression de la majoration des acomptes versés par les éditeurs.

Depuis 2010, le fonds de soutien prend également en charge des actions auparavant financées par la mission Culture comme les dispositifs d’éducation à l’image, le plan de restauration des films anciens, l’action culturelle internationale ainsi que la subvention allouée à la Cinémathèque française.

Le dispositif d’aide à la restauration et à la numérisation des films du patrimoine a ainsi bénéficié à 690 films depuis 2012 (14). 10 millions d’euros, sous forme d’avances remboursables ou de subventions, ont été distribués en 2016. Le même montant est prévu pour 2017.

La Cinémathèque française a pour vocation de valoriser et de diffuser le patrimoine cinématographique, par le biais de la projection de films et l’organisation d’expositions. Le budget pour 2016 de l’établissement s’élève à 27,4 millions d’euros, dont 19,2 millions d’euros versés par le CNC.

Celui-ci finance également la Cinémathèque de Toulouse et cinq autres institutions en région.

Depuis 2012, le CNC assure en outre, via le fonds de soutien, la subvention à l’École nationale supérieure des métiers de l’image et du son (ancienne FEMIS).

Le budget de gestion du CNC s’est élevé à 51,1 millions d’euros en 2016, hors amortissement et projet immobilier. Pour 2017, le budget de gestion est évalué à 49 millions d’euros. Les emplois pour 2017 sont fixés à 470 ETP, en légère diminution par rapport à 2016 (15).

Le projet immobilier de regroupement des emprises sur un seul site a débuté en avril 2016 avec la vente de trois immeubles, ce qui permettra de financer en partie le déménagement et les travaux d’aménagement. Le restant sera couvert par la réserve immobilière constituée lors des exercices précédents.

La situation du cinéma français se maintient. Le parc cinématographique français qui comprenait 2 033 établissements et 5 741 écrans en 2015 reste un des plus importants d’Europe. Il convient, néanmoins, de relever que le nombre d’écrans augmente (5 741 en 2015), ce qui reflète une plus grande concentration des écrans et des fauteuils. Cette situation se traduit par le développement des multiplexes (établissements de 8 écrans et plus) qui étaient au nombre de 203 en 2015.

La part de marché du film national conserve également de bons résultats au niveau européen. Elle s’est élevée à 36 % en 2015 contre 27 % en Allemagne, 20 % en Italie, 19 % en Espagne et 10 % au Royaume-Uni. Cependant, le nombre d’entrées a légèrement diminué entre 2014 et 2015 (-1,8 %).

Le secteur bénéficie de nombreuses aides qui ont la particularité d’être autofinancées par la profession elle-même. Le CNC se charge ensuite de les redistribuer selon des critères spécifiques.

S’agissant de l’exploitation, le soutien financier s’organise autour d’un fonds qui se compose de subventions automatiques et d’aides sélectives.

– Le soutien automatique à l’exploitation :

Chaque établissement reçoit une allocation calculée proportionnellement au montant de la taxe acquittée sur le prix des entrées des séances (la TSA). Plus l’établissement fait recette, moins la subvention reversée par le CNC sera élevée. Cependant, elle ne peut être inférieure à 30 % du montant total de la taxe. Depuis 2013, elle tient compte de l’évolution de l’indice des prix et du coût de la construction. Son objectif est de faciliter les investissements des exploitants.

Ces aides se sont élevées à 78 millions d’euros en 2015.

– Le soutien sélectif :

Dans cette catégorie figure trois aides : la modernisation des salles en zone insuffisamment équipées, le soutien aux salles classées art et essai et l’aide aux salles à la programmation difficile.

Afin de préserver ce maillage territorial unique, les exploitants peuvent présenter des projets au CNC visant à créer ou restructurer des salles dans des zones tendues et bénéficier de subventions s’ils sont retenus. Elle ne peut bénéficier aux propriétaires ou exploitants détenant plus de 50 écrans. En 2015 41 projets ont bénéficié d’une subvention de 7,4 millions d’euros tandis qu’en 2014, 40 projets avaient reçu 7,58 millions d’euros. 25 de ces projets aidés sont situés dans des villes de moins de 20 000 habitants.

Les exploitants d’établissements classés « art et essai » peuvent recevoir une aide s’ils programment une proportion conséquente de films classés art et essai et mènent une politique d’animation pour les promouvoir ; trois labels sont pris en compte, « jeune public », « recherche et découverte » et « patrimoine et répertoire ». En 2015, 1 159 établissements ont reçu 14,5 millions d’euros soit une moyenne de 12 500 euros par établissement, soit une légère diminution par rapport à 2014 ou 1 148 établissements avaient reçu 14,6 millions d’euros.

Des primes sont également accordées à des exploitants de grandes villes qui maintiennent, face à la concurrence, une programmation difficile. L’aide tient compte de la qualité, de la diversité et des prises de risque de la programmation ainsi que de la situation financière de la salle. En 2015, 38 établissements ont reçu 1,8 million d’euros contre en 2014, 39 établissements qui avaient reçu 1,76 million d’euros, soit une stabilité. Cette aide concerne principalement les cinémas parisiens, au nombre de 32.

Outre les aides versées par le CNC, 2,6 millions d’euros sont prévus en 2017 (soit un montant identique à celui de 2016) pour le soutien au cinéma. Ils sont destinés à soutenir des festivals et des associations régionales de salles de proximité et d’art et essai qui favorisent la découverte d’œuvres cinématographiques peu diffusées ou produites localement.

Par ailleurs, afin d’éviter que les tournages soient réalisés à l’étranger, le crédit d’impôt cinéma, qui permet à une société de production de déduire de son imposition un pourcentage de certaines dépenses, a été rénové en 2015.

– le plafond des dépenses éligibles par film a été relevé de 4 millions d’euros à 30 millions d’euros ;

– les films en langue étrangère pourront en bénéficier sous certaines conditions et profiteront d’un taux de 20 % ;

– l’ensemble des œuvres françaises pourra bénéficier d’un taux de 30 % de crédit d’impôt.

Ces nouvelles mesures ont eu un impact positif. Lors de son audition devant la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation (16), Mme Frédérique Bredin, présidente du CNC, s’est félicitée des effets de cette mesure : en cinq mois, la valeur des activités relocalisées en France a atteint plus de 180 millions d’euros.

Par ailleurs, Mme Frédérique Bredin a annoncé un renforcement du soutien à la production et à la distribution indépendante en souhaitant relancer les ciné-clubs, à travers une initiative dénommée « Cinéma et citoyenneté », en lien avec l’Agence du service civique. Un millier de volontaires devrait être mobilisé au cours de l’année 2016/2017.

Enfin, afin de faciliter la diffusion des films dans toutes les salles, un accord interprofessionnel a été obtenu. Des contrats écrits entre les producteurs et les distributeurs d’un côté et les exploitants de salles de l’autre seront rédigés afin de convenir des modalités de diffusion du film dans les salles, au moins 15 jours avant sa diffusion. Le film devrait rester au moins 15 jours à l’affiche. En cas de désaccord, le Médiateur du cinéma sera appelé à statuer. Par ailleurs, les distributeurs ont signé l’engagement de mettre davantage de copies à la disposition des communes rurales et moyennes (moins de 5 000 habitants).

5,3 millions d’euros pour 2017 seront alloués à la sous-action Soutien dans le domaine de la musique enregistrée, soit une forte augmentation des crédits par rapport à ceux accordés en 2016, qui s’élevaient à 4,9 millions d’euros.

Deux mesures nouvelles expliquent cette progression.

En premier lieu, afin de soutenir le rayonnement de la filière musicale à l’étranger, le Bureau Export de la musique française est doté de crédits en hausse (+ 0,13 million d’euros).

En deuxième lieu, la loi relative à la création, à l’architecture et au patrimoine (17) a créé un Observatoire de la musique au sein du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz. Ce nouvel organisme aura pour mission d’observer l’ensemble de la filière musicale en recueillant les données relatives à l’économie de la production, de la diffusion et de l’emploi auprès des acteurs privés ou publics. 2 ETPT seront transférés pour l’accomplissement de ces missions et 0,3 million d’euros sont budgétés.

La difficulté de la filière musicale à s’adapter à un nouveau modèle économique dominée par le numérique et la pratique du piratage expliquent les mauvais résultats enregistrés depuis une dizaine d’années dans ce secteur. Après une embellie conjoncturelle en 2013 (18), les résultats de 2015 confirment les difficultés : le chiffre d’affaires a encore diminué, passant de 570 millions d’euros en 2014 à 543 millions d’euros en 2015.

Ces mauvais chiffres s’expliquent par la prédominance des ventes physiques au sein des revenus des producteurs, à hauteur de 64 % du chiffre d’affaires. Seul le vinyle, qui ne représente que 2,3 % du marché physique, connaît une progression.

En 2015, le marché du streaming représentait 104 millions d’euros de chiffre d’affaires contre 72 millions en 2014, soit plus de 44 % d’augmentation. Sur ce segment, l’abonnement payant à un service de streaming musical a connu un essor en 2015, représentant 82,1 millions d’euros soit une augmentation de plus de 71 % en part de marché par rapport à 2014 tandis que le streaming gratuit enregistrait une baisse. 3 millions de Français étaient abonnés à un service de streaming musical.

Le secteur de la production musicale est composé de trois filiales de multinationales dites majors mais aussi de nombreuses petites et moyennes entreprises (PME) et très petites entreprises (TPE) indépendantes. C’est pourquoi, afin de soutenir la diversité culturelle au sein du secteur un dispositif de soutien en faveur des petites entreprises phonographiques a été mis en place. Ce crédit d’impôt (19) qui concerne les entreprises de production phonographique assujetties à l’impôt sur les sociétés et créées depuis au moins trois ans, porte sur les dépenses de production, de développement et de numérisation d’un enregistrement phonographique ou vidéographique musical. Il a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2018 (20). Cette aide cible les entreprises indépendantes, au premier rang desquelles les TPE et les PME.

Après un aménagement des conditions de ce crédit d’impôt en 2015, il est envisagé d’élargir l’assiette des dépenses éligibles en prenant en compte les dépenses promotionnelles liées à la publication de l’enregistrement phonographique.

Autorité publique indépendante chargée de promouvoir le développement de l’offre légale sur internet et de protéger les œuvres d’atteintes aux droits d’auteur, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), créée par la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, est chargée de trois missions : appliquer un dispositif de réponse graduée contre les usages illégaux, favoriser l’offre légale et mener des études afin d’adapter les industries culturelles aux défis du numérique.

La subvention de 9 millions d’euros en AE et CP est en légère augmentation par rapport à 2016, (+0,5 million d’euros). La subvention a été consolidée car le Conseil d’État a enjoint l’autorité d’indemniser les fournisseurs d’accès à internet, au titre des surcoûts résultant du traitement des demandes d’identification des internautes qui se livrent à des téléchargements illégaux.

Concernant sa première mission, elle a de nouveau accru son activité ; depuis octobre 2010, la Hadopi a envoyé environ 6,9 millions de premières recommandations, dont 938 082 entre janvier et juillet 2016, et 1 050 dossiers ont été transmis aux tribunaux, dont 389 entre janvier et juillet 2016.

Depuis 2012, le gouvernement a souhaité réorienter la lutte contre le piratage vers les sites de téléchargement illégal à des fins commerciales. Un décret (21) a donc supprimé la peine complémentaire de suspension d’accès à internet. En cas de condamnation pour téléchargement illégal, le juge peut seulement prononcer une amende contraventionnelle de cinquième classe, et non plus suspendre l’accès à internet.

Dans cet esprit, dans la lignée du rapport présenté par Mme Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la commission de protection des droits de la Hadopi (22) la ministre de la culture et de la communication a présenté un plan de lutte contre le piratage commercial qui s’articule autour de trois objectifs : assécher les ressources financières des sites illicites, renforcer les actions interministérielles et responsabiliser les plateformes numériques.

Le 23 mars 2015, une Charte des bonnes pratiques a été signée entre les annonceurs, les professionnels de la publicité et les représentants des ayants droit. Fondée sur une démarche volontaire, les signataires s’engagent à inciter l’ensemble des acteurs à exclure les sites pirates de leurs relations commerciales et à les priver de recettes publicitaires.

Industrie culturelle dynamique, le marché du jeu vidéo affiche un chiffre d’affaires de 2,7 milliards d’euros en 2015. Les entreprises du jeu vidéo souffrent néanmoins de la concurrence étrangère et éprouvent des difficultés à accéder au crédit bancaire, ce qui nuit au renforcement de leurs fonds propres. C’est pourquoi l’État intervient via le fonds d’aide au jeu vidéo qui a soutenu 47 projets en 2015 pour un montant total de 3,8 millions d’euros.

Afin de faire face à la concurrence étrangère qui a mis en place des dispositifs de crédits d’impôt agressifs, le mécanisme français créé en 2007 a été adapté (23). Ce dispositif contribue à éviter la délocalisation des entreprises de jeu vidéo en permettant de combler partiellement la différence de coût des studios français avec ceux de l’étranger.

Le décret du 23 juin 2015 (24) a fixé les conditions d’application de ce nouveau crédit d’impôt. Trois évolutions majeures sont introduites afin d’adapter ce dispositif aux évolutions du marché :

– les œuvres, destinées à un public adulte selon la classification en vigueur dite PEGI 18, sont désormais éligibles au crédit d’impôt, à condition qu’elles ne comportent pas de scène de grande violence ;

– le dispositif est désormais accessible aux jeux dont le budget de production est supérieur à 100 000 euros ;

– les dépenses de personnel indirectement liées à la production pourront être prises en compte.

S’agissant de l’accès au crédit bancaire, deux initiatives principales ont été lancées :

– un partenariat entre la Banque publique d’investissement (BPI) et l’IFCIC a été conclu le 30 mars 2015 : il permettra à l’IFCIC d’engager par délégation la garantie de Bpifrance et de délivrer aux banques un taux de garantie de 70 % sur leurs crédits aux entreprises du secteur culturel et d’utiliser le réseau régional des agences de la BPI ;

– un fonds d’avances remboursables sous forme de prêts participatifs sous l’égide de l’IFCIC, en collaboration avec la Caisse des dépôts et consignations, a été concrétisé au printemps 2016. L’idée générale est de créer un effet de levier pour les entreprises qui pourraient, en complément de ce prêt participatif, obtenir des crédits complémentaires auprès des banques. 15 millions d’euros devraient être mobilisés à cet effet.

Selon le dernier recensement de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI), 7 % de la population en métropole, soit 2,5 millions de personnes ayant été scolarisées en France, sont en situation d’illettrisme.

On entend par illettrisme (25) la situation de personnes ayant une connaissance insuffisante de la lecture, de l’écriture, du calcul bien qu’ayant été scolarisées en France. C’est ainsi que, contrairement aux idées reçues, la moitié de ces personnes exercent une activité professionnelle et vivent dans des zones rurales ou faiblement peuplées. Enfin, 71 % d’entre elles parlaient uniquement le français à la maison à l’âge de 5 ans. Les actions menées se différencient donc de celles concernant l’apprentissage du français pour des personnes dont ce n’est pas la langue maternelle.

L’ANLCI a pour mission de fédérer et d’optimiser les moyens de l’État, des collectivités territoriales, des entreprises et de la société civile dans ce domaine ; c’est pourquoi elle a développé des partenariats avec ces différents acteurs et exerce un effet de levier. Son action a été reconnue et saluée par de nombreuses personnes auditionnées. La Cour des comptes s’est félicitée de sa gestion. Ainsi la rapporteure sera vigilante quant à son devenir, la lutte contre l’illettrisme ne pouvant être diluée dans des actions de défense de la langue française.

Favoriser la lecture publique ne peut qu’aider à lutter contre l’illettrisme, source d’inégalités économiques mais aussi sociales et culturelles. Avoir accès à la lecture, à l’objet livre permet de se former, de s’émanciper et de contribuer à son enrichissement personnel. L’association « ATD Quart monde » évoque même « la libération par le savoir », source de développement personnel et d’autonomie.

C’est pourquoi, malgré le contexte budgétaire contraint, les politiques publiques de développement du livre et de la lecture qui contribuent à prévenir les inégalités sociales et culturelles doivent être confortées et mieux valorisées.

Selon Mme Dominique Rateau présidente de l’agence « Quand les livres relient » (26) l’initiation à la lecture dès le plus jeune âge va permettre à l’enfant de développer ses capacités à parler mais aussi à penser et à critiquer. Ainsi lire, parler, penser ne doivent pas être différenciés. De plus, cet apprentissage de la lecture lui conférera une confiance en soi et dans l’autre. M. Evelio Cabrejo-Para, vice-président de l’association « Actions culturelles contre les exclusions et les ségrégations (Accès) » (27) a quant à lui rappelé que la langue reflétait les inégalités sociales, c’est pourquoi la lecture d’histoires à un bébé est une entrée dans l’apprentissage du langage ; il a ainsi utilisé cette phrase : « Nourrissons les nourrissons par la parole ».

Ainsi l’initiation au livre et à la lecture doit se faire dès le plus jeune âge, particulièrement dans les familles défavorisées. De nombreuses associations ont donc centré leurs actions sur l’éveil à la lecture des tout petits. Afin de rencontrer les familles, elles ont développé des partenariats avec les professionnels de la petite enfance, que ce soit les crèches, les centres de protection maternelle et infantile (PMI) ou des assistantes maternelles.

Dans le même esprit l’opération Premières Pages, lancée en 2009 sur le modèle d’une expérience britannique « Bookstart », réunit acteurs sociaux comme les centres de PMI, les crèches et les acteurs culturels via les bibliothèques départementales de prêt. Elle cible les enfants en bas âge (0-3 ans) et leurs familles et prend la forme de différentes manifestations : remises d’albums, inscription offerte en bibliothèque, prêt de mini bibliothèques ou séances d’animation. Cette opération associe l’État qui a crédité l’opération de 207 500 euros en 2016, l’UNAF (Union nationale des associations familiales) et les collectivités territoriales volontaires (28) qui labellisent des projets. En 2016, 200 000 très jeunes enfants ont ainsi pu en bénéficier.

S’agissant des enfants plus grands, une association « Lire et faire lire » (29) est partie du constat que 37 % des enfants ne savaient pas lire après le collège. C’est pourquoi des bénévoles de plus de 50 ans assurent des séances de lecture en petit groupe, une ou plusieurs fois par semaine, durant toute l’année scolaire afin de donner plaisir à lire et de lutter contre le décrochage scolaire, dans une démarche qui privilégie la rencontre entre les générations.

Par ailleurs, les associations privilégient des actions de sensibilisation qui vont au-devant des personnes les plus éloignées de la lecture, dans une stratégie de conquête.

« ATD Quart monde » propose ainsi des bibliothèques de rue. Le livre est apporté auprès de personnes éloignées de lieux culturels afin de les familiariser à la lecture et de les inciter ultérieurement à se déplacer dans une bibliothèque. Cette action se fonde sur la régularité et la confiance. Mme Marion Blank, déléguée ATD Quart Monde Paris (30), a ainsi cité une animation proposée auprès d’enfants sédentarisés de la communauté rom.

De son côté, l’association « La petite bibliothèque ronde » (31) a mis en place un partenariat avec les Restos du cœur au sein desquels des livres sont prêtés et une carte de bibliothèque proposée.

Enfin, l’ANLCI a édité un guide pratique sur la lecture cet automne qui a été distribué dans les magasins Casino, lors de la semaine de lutte contre l’illettrisme.

La rapporteure tient à saluer le travail remarquable de ces associations qui, au quotidien, font vivre la lecture.

Caractéristiques

Bibliothèques

Points d’accès

Niveau 1

Niveau 2

Niveau 3

Points lecture

Dépôts

Crédits d’acquisition tous documents

2 €/habitant

1 €/habitant

0,50 €/habitant

2 ou 3 critères de niveau 3 sont respectés

Moins de 2 critères de niveau 3 sont respectés

Ouverture au public

Au moins
12 h/semaine

Au moins 8 h/semaine

Au moins 4 h/semaine

   

Personnel

1 agent cat. B filière culturelle pour 5 000 habitants
1 salarié qualifié pour 2 000 habitants

1 salarié qualifié

Bénévoles qualifiés

   

Surface

Local réservé à l’usage de bibliothèque d’au moins 100 m2 et 0,07 m2 par habitant

Au moins 50 m2 et 0,04 m2 par habitant

Au moins 25 m2

   

Source : Inspection générale des bibliothèques (IGB) – décembre 2015.

Ce réseau de bibliothèque est un outil indispensable au développement de la lecture publique et à la démocratisation culturelle. En effet, la bibliothèque est un service public culturel, souvent gratuit, ouvert à tous. Mme Sylvie Robert (32) utilise même le terme d’agorathèque.

Elle est le lieu où l’information circule librement et de manière plurielle.

À ce titre, les bibliothèques sont au service de l’apprentissage de la citoyenneté. « La bibliothèque est un service public nécessaire à l’exercice de la démocratie. Elle doit assurer l’égalité d’accès à la lecture et aux sources documentaires pour permettre l’indépendance intellectuelle de chaque individu et contribuer au progrès de la société. » (33)

Les nouvelles missions assignées aux bibliothèques renforcent ce rôle. Elles participent à l’aménagement culturel du territoire et sont un instrument de cohésion sociale dans les quartiers en difficulté.

S’agissant de l’accueil d’un public plus fragilisé, la bibliothèque publique d’information (BPI) a mis en place des outils d’accès à la culture. Elle a noué des partenariats avec différentes associations comme France terre d’asile, Emmaüs ou la Mie de pain.

M. Xavier Gallup, président de l’association des bibliothécaires de France (ABF) (34), a souligné que dans certains quartiers, la bibliothèque était devenue un lieu de rencontre et de liberté.

L’action menée par la Médiathèque de la Courneuve est à citer en exemple.

Lors de son audition par la rapporteure, le directeur des médiathèques (35) M. Tristan Clemençon (36) a retracé la stratégie mise en œuvre pour conquérir le public au sein du territoire de Plaine Commune (37) dont la population est éloignée des lieux culturels.

Le directeur a travaillé sur trois axes afin de faire venir les habitants du quartier dans ses bibliothèques :

– les espaces : l’architecture a été pensée afin de réserver des espaces de silence pour les lecteurs et les personnes effectuant des devoirs ou des recherches et des espaces de convivialité où il est permis de boire et manger. En effet, il est important de prendre en compte le fait que le public n’étant plus seulement composé d’emprunteurs actifs, la bibliothèque doit devenir un lieu de vie.

– l’accessibilité : les collections sont propres et renouvelées pour donner envie de lire. Afin de correspondre aux besoins et envies du public, les livres achetés correspondent à un niveau Bac+2, ce qui a permis d’augmenter le nombre de prêt. Par ailleurs, un fonds de livres en langues étrangères a été développé. À la Courneuve un fonds tamoul a été donné par des associations, un fonds chinois est disponible à Aubervilliers, un fonds turc à Pierrefitte et un fonds polonais à Saint-Ouen.

– le développement d’actions hors les murs : par le biais de partenariats avec d’autres institutions comme les services de la ville ou les centres sociaux des animations culturelles sont proposées dans le cadre de la patinoire en hiver ou lors de fêtes de quartier.

L’État conserve un pouvoir d’impulsion et d’accompagnement dans le domaine de la lecture publique, en apportant son concours financier et technique aux bibliothèques.

S’agissant du soutien financier, l’État soutient les bibliothèques à la fois par l’intermédiaire de son opérateur, le CNL, dont les missions de diffusion du livre vis-à-vis des publics empêchés ont été rappelées supra et par le concours particulier pour les bibliothèques.

En effet, chaque année, l’État verse un concours particulier de la dotation générale de décentralisation (DGD) affectée aux investissements et au fonctionnement non pérenne dans les bibliothèques, d’un montant de 80,4 millions d’euros reconduit en 2017.

Ainsi, en 2015, la DGD a soutenu 834 opérations de constructions, de rénovation, d’extension ou de fourniture d’équipement mobilier et informatique. En 2016, deux grandes bibliothèques seront inaugurées, la médiathèque François Mitterrand à Brest et la bibliothèque Alexis Tocqueville à Caen.

Le concours particulier pour les bibliothèques municipales et les bibliothèques départementales de prêt de la dotation générale de décentralisation (DGD)

Les lois de décentralisation (loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 et loi n° 83-663 du 22 juillet 1983) ont confirmé la gestion des bibliothèques municipales par les communes et la loi n° 92-651 du 13 juillet 1992 a transféré la responsabilité des bibliothèques centrales de prêt aux conseils généraux.

L’État a transféré dans la dotation générale de décentralisation (DGD), sous forme d’un concours particulier, les crédits qu’il consacrait antérieurement à l’équipement et au fonctionnement de ces bibliothèques. Il a choisi, par ce biais, de conserver un levier pour soutenir les collectivités dans le développement de la lecture publique.

En 2005, les aides aux bibliothèques municipales et départementales ont été regroupées au sein de la même enveloppe (38).

Ce concours particulier, qui porte sur l’aide à l’investissement, est divisé en deux fractions :

– une première fraction dédiée aux projets de construction et d’équipement de petite et moyenne importance ;

– une deuxième fraction, plafonnée à 15 % du montant global du concours, est réservée pour des projets structurants d’envergure comportant un volet de coopération avec les différents organismes en charge du livre et de la lecture au niveau national, régional, voire départemental dans le domaine de l’animation culturelle, du patrimoine, de la formation, de la recherche ou de l’accès aux nouvelles technologies.

En 2010, afin d’adapter ce dispositif aux évolutions à la fois des pratiques culturelles et des technologies, le concours a été modifié. Le décret n° 2010-767 du 7 juillet 2010 prévoit que :

– les crédits accordés au titre de la deuxième fraction sont accordés en tenant compte des situations géographiques afin d’assurer une meilleure répartition des aides sur le territoire et de favoriser les projets intercommunaux ;

– le concours est complété par des nouvelles possibilités d’investissement :

a) Afin de favoriser le numérique, le concours particulier distingue les opérations d’informatisation-numerisation et celles de développement de nouveaux services aux usagers, aussi bien en première qu’en deuxième fraction.

Les modalités liées à la numérisation des collections sont étendues et précisées : elles concernent tous les supports (manuscrits, imprimés, presse, fonds sonores ou audiovisuels, iconographie…). Les projets peuvent s’inscrire dans une démarche d’amélioration de la conservation des documents rares, précieux ou fragiles ou dans une démarche de valorisation des documents numérisés. Le calcul des assiettes subventionnables prend en compte, outre les matériels et logiciels utilisés dans les bibliothèques, les études et développements, ainsi que les frais de migration de bases de données et les frais de rétroconversion.

b) Afin d’encourager la mise aux normes en terme d’accessibilité aux personnes en situation de handicap, le concours particulier peut soutenir les collectivités dans leurs investissements destinés à rendre accessible le lieu, le mobilier et les services numériques (achat de matériel informatique ou de logiciel spécifiques) pour les publics handicapés.

En 2012 (39), ce dispositif a été élargi car le financement des opérations d’investissement était jusque-là limité à la construction, la rénovation, la restructuration, l’extension ou la mise en accessibilité, l’équipement mobilier ou informatique ou l’informatisation documentaire et la numérisation des collections.

Le concours peut être désormais attribué au titre de dépenses de fonctionnement non pérennes accordées au titre d’une aide initiale et non renouvelable.

Depuis 2016 (40), les opérations ayant pour objet l’extension ou l’évolution des horaires d’ouverture des bibliothèques sont incluses dans le périmètre des dépenses éligibles.

Quant à l’aide technique, elle se traduit par la mise à disposition d’une centaine de conservateurs d’État pour les cinquante-quatre bibliothèques municipales classées aux termes de l’article R. 310-1 du code du patrimoine.

Par ailleurs, l’État apporte son expertise par l’intermédiaire de l’Inspection générale des bibliothèques qui accompagne et conseille les bibliothèques. Parmi ses missions, elle est également chargée de veiller à la qualité et à la diversité des collections acquises par les bibliothèques. Elle veille donc à préserver le pluralisme mais ne dispose pas de pouvoir de sanction.

Dans une société régie par l’image et les plans de communication, les actions menées autour du livre sont moins privilégiées par les collectivités territoriales, alors même que l’accès à la lecture entraîne des résultats sur le long terme.

Les associations auditionnées ont regretté le manque de groupes de pression puissants autour du livre pour soutenir leurs démarches. Les bibliothécaires ont livré le même constat sur leur rôle et leurs activités qui demeurent méconnus. Le travail quotidien autour du livre est peu valorisé, ce que déplore la rapporteure.

Ce besoin d’un soutien plus actif de la part de l’État a été exprimé aussi bien par les associations que les bibliothécaires. Ainsi, l’ABF plaide pour une politique plus active au niveau central pour la défense des bibliothèques. La rapporteure partage ce point de vue et plaide pour une action plus volontariste et dynamique de l’État pour ce secteur.

Quant aux associations, si elles déplorent le recul de l’action politique en matière de lecture publique, elles ont surtout insisté sur l’exigence toujours plus grande de rentabilité de leurs actions menées. Un point a cristallisé les critiques, la nécessité de répondre à des appels à projets pour obtenir des subventions, ce qui nuit à l’indépendance de leurs démarches.

Même si le constat global sur le réseau des bibliothèques est satisfaisant, il doit toutefois être nuancé. Les équipements sont variables en quantité et qualité. En effet, sur ces 16 300 lieux, 9 200 ne sont que des points d’accès aux livres, ce qui implique une amplitude horaire limitée et un personnel composé uniquement de bénévoles ayant reçu une formation.

De plus, des inégalités territoriales subsistent. 55 % des communes représentant 11,1 millions de personnes soit 17 % de la population ne bénéficient d’aucun lieu de lecture publique. Le département de l’Aisne est emblématique de ces disparités : 42 % de la population n’a pas accès à un lieu de lecture et 84 % des communes n’en sont pas équipés.

Mme Joëlle Claud, inspectrice générale des bibliothèques (41), a souligné que les zones rurales étaient touchées mais aussi les zones urbaines ; ainsi, dans la tranche des villes de plus de 5 000 habitants, 197 communes n’ont aucun équipement de lecture publique.

Si l’on étudie la répartition des bibliothèques selon la taille des communes, on constate que plus la commune est faiblement peuplée, plus il est difficile d’accéder à un établissement de lecture publique. Dans les communes de moins de 2 000 habitants, seuls 56 % des habitants ont accès à un établissement de lecture publique ; ce taux atteint les 100 % pour les communes de 100 000 habitants.

L’ABF (42) a également souligné que la nouvelle carte régionale et la mise en place de l’intercommunalité pouvaient représenter un danger potentiel, car les réseaux existant ne seront pas forcément reconduits.

ÉQUIPEMENT DES COMMUNES EN BIBLIOTHÈQUE

Population des communes

Communes offrant un accès à une bibliothèque ou à un point d’accès au livre

%

Communes n’offrant pas d’accès à une bibliothèque ou à un point d’accès au livre

%

Moins de 2 000 h

11 823

37,5

19 710

62,5

2 000 – 4 999 h

2 629

84,9

468

15,1

5 000 – 19 999 h

1 418

87,8

197

12,2

20 000 – 39 999 h

258

91,2

25

8,8

40 000 – 49 999 h

54

98,2

1

1,8

50 000 – 69 999 h

57

93,4

4

6,6

70 000 – 99 999 h

26

96,3

1

3,7

100 000 h et +

44

 

0

0

Total

16 309

44,4

20 406

55,6

Source : IGB – décembre 2015.

DÉPARTEMENTS SOUS-EQUIPÉS EN BIBLIOTHÈQUES

Départements

Population non desservie

Ration de population non desservie

Communes non desservies

Ration de communes non desservies

Aisne

235 218

42,3

693

84,9

Manche

179 064

33,4

302

50,1

Bouches-du-Rhône

930 966

32,5

28

20,7

Haut-Rhin

244 552

31,8

243

64,5

Doubs

170 640

31,4

455

76,6

Source : IGB – décembre 2015.

S’agissant des équipements, l’inspection générale des bibliothèques (IGB) a mis en exergue le problème du modèle des années 1970 tournant autour d’une bibliothèque centrale et de ses annexes. Il convient donc de repenser la bibliothèque au cœur de la cité.

Le lieu est important, tant en terme de proximité que d’espace architectural, à l’image des médiathèques de la Courneuve ou de Mont de Marsan.

Par ailleurs, l’évolution des habitudes du public rend indispensable une adaptation. Si la bibliothèque veut rester un lieu de vie ouvert à tous, elle doit faire évoluer son amplitude horaire.

Selon les données du rapport de Mme Sylvie Robert (43), les bibliothèques publiques sont ouvertes en moyenne 3,5 jours par semaine et durant 4 heures dans la journée. Celles installées dans des communes de plus de 100 000 habitants sont ouvertes en moyenne 40 heures par semaine. Parmi ces dernières, 7 ouvrent au-delà de 19 heures et le dimanche.

Cette question doit reposer sur une observation précise et scientifique des usages du public dans chaque bibliothèque. En effet, le type de public diffère selon les horaires d’ouverture. Selon la rapporteure, ces ouvertures doivent être pensées en fonction du territoire et adaptées. D’ailleurs, c’est dans ce sens, que vont les recommandations de Mme Sylvie Robert Elle suggère de recommander de procéder à une étude du positionnement de la bibliothèque au sein du territoire : en effet il est préférable qu’elle soit bien desservie par les transports, particulièrement le week-end, et implantée auprès d’autres structures, commerces ou bâtiments sportifs.

Enfin, la bibliothèque doit proposer d’autres services.

Les usages et les attentes du public évoluent. Si la bibliothèque doit demeurer le lieu de la connaissance et du savoir, elle doit également se transformer en lieu de vie, proposer des services diversifiés, élargir son offre.

Les statistiques reflètent ce changement de conception, car si le nombre d’inscrits a chuté en 2011 à environ 18 % de la population contre 19,3 % en 2006, le taux de fréquentation des bibliothèques mesuré par les visites a augmenté.

M. Grégory Colcanap, représentant le syndicat SGEN-CFDT des personnels de bibliothèques (44), a cité la réussite des modèles où la bibliothèque propose des activités associées comme des cours de langue ou des services sociaux, comme celles existant aux Pays Bas. Il a affirmé que lorsque l’on collait aux attentes des usagers, lorsque l’offre était attractive, le public revenait.

Ainsi, les bibliothèques peuvent contribuer à la formation permanente. La BPI a été pionnière dans ce domaine avec ses ateliers d’auto-formation qui proposent aussi bien des cours de langue, la préparation au code de la route que l’apprentissage des nouvelles technologies.

Les bibliothèques peuvent également jouer un rôle dans la recherche d’emploi. Dans ce domaine, l’établissement public de lecture dispose d’une offre documentaire, d’un accès à internet et n’est pas perçu comme un lieu stigmatisant.

La lecture publique est dépendante des choix politiques effectués par les collectivités territoriales. Comme l’a souligné l’Inspection générale des bibliothèques, l’implantation ou la rénovation des bibliothèques relèvent avant tout de choix politiques. Mme Béatrice Bonneau, représentant le syndicat SNASUB–FSU (45), s’est livrée au même constat, en soulignant que le maillage territorial était tributaire de la volonté politique des communes.

En effet, depuis les lois de décentralisation, les collectivités territoriales jouent un rôle majeur en la matière.

La rapporteure souhaite insister sur le rôle primordial des élus pour accompagner le renouveau des bibliothèques.

Ainsi le sort réservé à la Bibliothèque départementale de prêt (BDP) des Yvelines, au Mesnil-Saint-Denis est ainsi malheureusement significatif. L’établissement a été fermé et ses collections ont été dispersées dans les bibliothèques de proximité. Ses activités ont été intégrées au sein du « pôle de développement culturel » créé en début d’année.

Selon les représentants des syndicats de bibliothécaires, l’échelon départemental est menacé, bien que la lecture publique soit une compétence obligatoire des départements.

Dans un contexte de restrictions budgétaires, le livre devient en effet trop souvent la variable d’ajustement des collectivités territoriales et particulièrement des départements. La lecture publique n’apparaît pas prioritaire face au versement d’allocations sociales.

M. David-Georges Picard, conseiller livre et lecture à la DRAC Île-de-France et représentant de la CGT culture section bibliothèques (46) , a indiqué que les crédits d’acquisition des BDP étaient divisés de moitié depuis ces dernières années, ce qui risquerait d’affaiblir cet échelon et de faire disparaître le lien entre l’État et les territoires ruraux, assuré par ces BDP.

De plus, comme l’a relevé l’IGB, elles jouent un rôle clé dans la formation des personnels et particulièrement pour ceux des points lecture.

Selon la rapporteure, l’échelon départemental est indispensable car il permet d’assurer le lien entre l’État et les collectivités territoriales.

S’agissant de la diminution des moyens, ce point est particulièrement critique en ce qui concerne les investissements des bibliothèques.

Selon les chiffres du ministère de la Culture et de la Communication, le budget moyen d’investissement en 2014 s’élève à 67 000 euros. Une très grande disparité existe entre les communes, la moyenne des investissements dans les villes de plus de 100 000 habitants est de 1,2 million d’euros tandis que dans les communes de 50 000 à 100 000 habitants le budget est de 164 000 euros et dans les petites communes entre 2 000 et 5 000 habitants, ce chiffre s’élève à 27 000 euros.

Quant aux personnels, s’ils restent stables, leur qualification se dégrade.

Le recrutement du personnel bibliothécaire de la fonction publique d’État continue de relever de l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (ENSIBB), mais, il relève du droit commun pour celui de la fonction publique territoriale. Ainsi, selon l’ABF, le personnel des bibliothèques municipales constitué de plus en plus d’agents communaux reclassés, qui n’ont pas reçu de formation spécifique. De plus, on assiste à une diminution de la qualification du personnel bibliothécaire qui tend à se composer majoritairement de personnel de catégorie B et C. En 2011, 4 % des personnes employées appartenaient à la fonction publique territoriale de catégorie A, 11 % à la catégorie B et 26 % à la catégorie C (47), le reste étant constitué de bénévoles.

Le contrat territoire lecture (CTL) est l’instrument qui reflète le mieux l’intérêt d’un partenariat entre différents acteurs pour œuvrer en faveur du développement de la lecture publique. Tous les interlocuteurs de la rapporteure ont loué ce dispositif qui se développe avec succès.

Ces contrats prennent la forme de partenariats pluriannuels (sur trois ou quatre ans) entre l’État, les collectivités territoriales (départements, communes ou établissements publics de coopération intercommunale) et des acteurs associatifs ou para-publics autour d’actions ciblées. Au préalable, un état des lieux de la lecture publique sur le territoire concerné est réalisé, et au final une évaluation est conduite.

L’État verse une subvention aux collectivités territoriales, via les DRAC, selon une convention établie entre les deux partenaires. Ce financement n’est pas pérenne mais joue un rôle d’impulsion et sert de levier pour d’autres financements. En moyenne un CTL est subventionné par l’État à hauteur de 17 000 euros par an. En 2015 ce soutien s’est au total élevé à 2,2 millions d’euros. Une dotation complémentaire de 0,5 million d’euros est prévue dans le présent projet de loi de finances pour 2017.

120 contrats devraient être signés à la fin de l’année, dont une quarantaine par les départements. La répartition territoriale est inégale, l’Île-de-France étant sous-représentée. La rapporteure souligne, à ce titre, que cette région ne dispose que d’un seul conseiller livre et lecture au sein de la DRAC, ce qui explique en partie la difficulté à mener des négociations.

Des axes prioritaires sont privilégiés comme l’action en direction de quartiers prioritaires de la politique de la ville et les zones de revitalisation rurale ainsi que les partenariats avec les acteurs éducatifs lors du temps scolaire et périscolaire.

Comme l’ont souligné les associations œuvrant au développement de la lecture chez les jeunes, la pratique de la lecture participe avant tout au développement personnel, à l’éveil à l’autre, d’où son importance à un âge ou la personnalité se construit.

Si l’on excepte les visites de classes primaires dans les bibliothèques, la coopération entre les bibliothèques et le milieu scolaire est encore timide, alors même qu’ils poursuivent un objectif commun.

Divers dispositifs ont été récemment mis en place et la réforme des rythmes scolaires a amplifié le développement de ces relations, même, si selon les représentants des syndicats auditionnés, le partenariat pourrait être plus important.

Ainsi le département de l’action pédagogique de la BnF propose des formations et des dossiers pédagogiques aux enseignants et a réalisé en 2016 un site internet sur l’éducation à la laïcité.

Globalement, selon les chiffres du ministère de la culture et de la communication, en 2014 une moyenne de 45 % des bibliothèques accueillent des enfants durant le temps périscolaire (hors collectivités de moins de 2 000 habitants).

Les collèges et les lycées sont moins ciblés, 25 % des bibliothèques ayant noué un partenariat avec des collèges et 10 % avec un lycée.

Selon l’ABF, plusieurs facteurs expliquent ces chiffres : il est plus difficile de dégager des créneaux horaires dans le second degré et la priorité est souvent donnée à la réalisation du programme et à la préparation des examens. En outre, la difficulté tient plus aujourd’hui à des contingences pratiques comme la difficulté du déplacement à la bibliothèque (coût d’un bus et responsabilité des enseignants) et à l’alourdissement des programmes qui laisse moins de place au livre. L’arrivée du numérique a aussi eu tendance à minimiser l’importance du livre comme source d’information : les moteurs de recherche ont supplanté les dictionnaires et les livres sur un sujet d’étude.

Pourtant, l’école est un vecteur irremplaçable pour familiariser les enfants de milieux défavorisés avec la bibliothèque et le monde des livres. 

Le dispositif le plus intéressant qui mériterait d’être développé est celui des projets éducatifs territoriaux. L’objectif de ce dispositif est de mobiliser toutes les ressources d’un territoire (Éducation nationale, administrations de l’État, associations), afin de garantir la continuité éducative entre, d’une part les projets des écoles et, le cas échéant, les projets des établissements du second degré et, d’autre part, les activités proposées aux enfants en dehors du temps scolaire (48). L’intérêt de ce mécanisme est son insertion dans d’autres dispositifs plus globaux de type contrats territoire lecture ou contrat enfance jeunesse.

L’IGB a cité la thématique lecture du projet éducatif global de la ville de Lille lancé en mars 2015 qui a pour but de valoriser la littérature jeunesse au sein de l’école à la fois dans les temps scolaires et périscolaires. L’intérêt de ce dispositif est de cibler non seulement les classes primaires mais aussi la maternelle et les collèges. L’accent a été mis sur la réussite éducative et a associé les services éducatifs, sportifs, sociaux et culturels de la ville, les maisons de quartier et les associations.

Par ailleurs, certaines bibliothèques ont mis en place des actions destinées à favoriser le soutien scolaire. Les bibliothèques de proximité sont souvent le seul lieu de rencontre, de convivialité, voire de liberté dans certains quartiers, comme l’a souligné l’Association des directeurs de bibliothèques départementales de prêt (ABDP) : « internet isole tandis que la bibliothèque rassemble ».

À ce titre les animations proposées par les médiathèques de la Courneuve méritent d’être citées. S’agissant du soutien scolaire, un petit groupe d’élèves décrocheurs (15 enfants) est pris en charge à la bibliothèque. De plus, une expérimentation sera menée cette année qui vise à accueillir les élèves exclus des cours par le conseil de discipline.

La bibliothèque reste aussi un espace privilégié pour effectuer des révisions. La BPI du Centre Pompidou a développé une offre pour les lycéens préparant le baccalauréat. L’ABDP a également cité la médiathèque de Fresnes qui organise des animations spécifiques pour les examens du baccalauréat ou du brevet, annales mises à disposition, soutien scolaire. À Mulhouse, la bibliothèque a adapté ses horaires à la préparation des examens.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède à l’examen des rapports pour avis de M. Michel Pouzol (Audiovisuel ; Avances à l’audiovisuel public), de Mme Virginie Duby-Muller (Presse) et de Mme Marie-George Buffet (Livre et industries culturelles) sur les crédits pour 2017 de la mission « Médias, livre et industries culturelles », lors de sa séance du mercredi 2 novembre 2016.

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, nous achevons ce matin l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017 en commission avec la présentation successive des trois rapports sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » ainsi que ceux figurant au compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », autrement dit la répartition de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), autrefois appelée redevance, et d’une partie de la taxe sur les opérateurs électroniques (TOCE).

Je ne reviens pas sur les débats que nous avons eus en première partie du projet de loi de finances. Vous savez qu’a été voté un amendement réduisant l’augmentation de la CAP à un seul euro, correspondant à l’inflation. Cela a conduit le Gouvernement à devoir compenser, par voie d’amendement, les 25,5 millions d’euros manquants par une mobilisation d’une plus grande part de la TOCE.

Par ailleurs, je tiens à signaler que France Télévisions, qui nous occupe toujours beaucoup, a fait l’objet de la part de la Cour des comptes d’un rapport sur sa gestion pour les années 2011-2015, période pendant laquelle Rémy Pflimlin était à la tête du groupe. Celui-ci a pu, comme cela est prévu dans le cadre d’une procédure contradictoire, répondre aux arguments les plus critiques avancés dans le rapport. Nous reparlerons bientôt de France Télévisions à l’occasion de l’audition de sa présidente, Delphine Ernotte, qui portera sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens et sur l’actualité du groupe.

J’évoquerai un autre sujet d’actualité : la grève à i-Télé, qui entre dans sa dix-huitième journée après avoir été reconduite hier à une très forte majorité. La crise, marquée par le départ de journalistes au professionnalisme incontestable, se cristallise autour des rapports entre l’actionnaire et la rédaction. Les grévistes ont formulé trois revendications principales. Il s’agit tout d’abord de la distinction entre le poste de directeur général et le poste de directeur de la rédaction, fonctions de nature très différente aujourd’hui cumulées par la même personne, M. Nejdar, ce qui pose problème pour l’indépendance de la rédaction de la chaîne. Il s’agit, ensuite, de la nomination d’un médiateur, compte tenu de la durée du conflit social. Il s’agit, enfin, dans le droit fil de la loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias que nous avons votée le 6 octobre dernier, de la négociation d’une charte de déontologie, qui constituerait une garantie pour l’indépendance des journalistes de la rédaction à l’égard des actionnaires d’i-Télé et des annonceurs.

Le débat que nous aurons après la présentation des trois rapports nous conduira très certainement à évoquer cette actualité.

Je remercie très sincèrement M. Michel Pouzol, Mmes Virginie Duby-Muller et Marie-George Buffet d’avoir choisi pour leur rapport un thème spécifique, qui leur aura permis d’approfondir un enjeu particulièrement important pour une entreprise ou un secteur professionnel des médias et des industries culturelles.

Je vous rappelle que Mme la ministre de la culture et de la communication nous présentera en commission élargie, mardi 8 novembre, son budget pour 2017, qui couvre les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et de la mission « Culture ».

Je vais tout d’abord donner la parole à M. Michel Pouzol, rapporteur pour avis sur les crédits de l’audiovisuel public, lesquels, comme il aura soin de le rappeler, ne concernent pas seulement France Télévisions mais bien d’autres entreprises. Je fais cette précision, en écho aux débats que nous avons eus sur le montant de la contribution à l’audiovisuel public lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir porté votre attention sur la nouvelle offre d’information en continu du service public.

M. Michel Pouzol, rapporteur pour avis sur les crédits de l’audiovisuel public. Comme vous l’avez souligné en introduction, monsieur le président, l’actualité dans le domaine des médias est extrêmement riche. Le Parisien ce matin a choisi de consacrer sa une, assez provocatrice, à France Télévisions. Par ailleurs, le conflit sans précédent qui mobilise les journalistes d’i-Télé montre combien étaient fondées les questions que notre commission a posées tout au long de l’année, notamment à l’occasion de l’examen de la loi visant à renforcer le pluralisme des médias.

J’ai souhaité consacrer la partie thématique de mon avis aux enjeux du lancement, le 1er septembre 2016, d’une nouvelle offre d’information continue réunissant les différents acteurs de l’audiovisuel public, événement qui aura marqué l’année dans le domaine de l’information.

Ce lancement constitue une excellente nouvelle à plusieurs titres.

Tout d’abord, l’absence d’une chaîne publique d’information continue faisait de notre pays une exception en Europe. Une telle chaîne aurait dû voir le jour en 2002 dans le cadre du déploiement de la télévision terrestre numérique (TNT) sous l’impulsion de M. Marc Teissier, avec le soutien du gouvernement de M. Lionel Jospin, mais, alors que la chaîne était près d’émettre, la majorité suivante a décidé de remettre en cause le projet, s’appuyant sur les conclusions d’un rapport de Michel Boyon, futur président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Ce dernier soulignait en particulier la nécessité de préserver les acteurs privés – à l’époque les chaînes payantes LCI et i-Télé – alors même que le CSA devait peu de temps après autoriser à émettre sur la TNT une nouvelle chaîne privée gratuite, BFM-TV. La concurrence frontale exercée par les chaînes d’information en continu à l’égard de l’information fournie par les chaînes historiques est demeurée une faiblesse majeure du service public français.

Depuis, les bouleversements du paysage médiatique – j’insiste sur ce point – n’ont fait que renforcer le besoin d’un service public de l’information puissant. La révolution numérique, qui engendre une explosion des sources d’information et percute les modèles économiques des médias privés, loin de remettre en cause le rôle de l’information de service public, la rend plus indispensable que jamais. À l’heure où les réseaux sociaux sont devenus l’une des premières sources d’information des nouvelles générations, il incombe à l’information de service public une responsabilité particulière, celle de fournir une information certifiée, vérifiée, validée et mise en perspective. Par ailleurs, alors que les recompositions du paysage médiatique auxquelles nous assistons ont continué de dégrader la confiance des Français dans leurs médias et accru le sentiment que ceux-ci manquent d’indépendance à l’égard des pouvoirs politiques et économiques, le service public a la responsabilité de garantir aux citoyens l’accès à une information totalement indépendante.

L’affaiblissement du service public de l’audiovisuel dans le domaine de l’information au profit de nouveaux acteurs privés a eu pour première conséquence d’augmenter sensiblement la défiance des téléspectateurs vis-à-vis de la probité de ces médias. Il y a là un paradoxe dont chacun tirera les conclusions qui lui conviennent et que la crise que traverse i-Télé éclaire, me semble-t-il, de manière intéressante.

Le projet qui vient d’être lancé était d’autant plus indispensable que notre service public audiovisuel est fort de la plus grande rédaction d’Europe, qui compte 4 500 journalistes répartis entre France Télévisions, France Médias Monde et Radio France et qui dispose de moyens – je pense en particulier au maillage régional et international – dont aucun média privé n’est doté. Or, le constat était unanimement partagé que ces moyens s’additionnaient, voire, s’agissant du numérique, se concurrençaient et que, faute d’une coordination suffisante, ce qui devait constituer un atout déterminant pour le service public et une force de frappe considérable s’apparentait à une faiblesse majeure au regard notamment de l’impératif de bonne utilisation des deniers publics.

Compte tenu de tous ces éléments, s’il n’est pas illégitime de s’interroger sur le nombre de chaînes d’information disponibles sur la TNT, sur leur viabilité et sur les stratégies réelles menées par certains grands groupes audiovisuels émergents, j’estime que la légitimité d’une présence forte du service public dans l’information en continu sur tous les supports est, quant à elle, indiscutable.

En ce qui concerne la mise en place de la nouvelle offre, je note que le service public a, contre toute attente, réussi ce lancement dans des délais exceptionnellement courts, faisant ainsi la preuve de sa réactivité et de son dynamisme. Si cette rapidité a été source de difficultés réelles soulignées par les syndicats, je me félicite que celles-ci aient pu être surmontées de manière intelligente et pragmatique.

À titre d’illustration, j’évoquerai la signature d’un accord majoritaire à la suite de la décision du tribunal de grande instance de Paris du 13 septembre 2016 interdisant à France Télévisions d’imposer unilatéralement les compétences complémentaires mises en œuvre pour la chaîne d’info – montage pour les journalistes et production de contenu éditorial pour les monteurs. L’accord collectif de mai 2013 n’avait pas été mis à profit par la précédente direction pour adapter les métiers à la polyvalence que supposent les outils numériques. L’accord majoritaire signé le 16 septembre dernier met en place une expérimentation, limitée dans le temps, qui fait de la chaîne d’info un laboratoire au service de l’ensemble des chantiers sociaux de l’entreprise et un moteur de transformation du groupe.

Surtout, alors que les rapports qui se succèdent déplorent tous l’absence de coordination des sociétés de l’audiovisuel public et appellent à des synergies accrues, qui selon certains ne pourraient passer que par des rapprochements structurels entre les sociétés, le service public fait la démonstration de sa capacité à mettre en commun ses compétences et ses moyens dans une démarche pragmatique. Le projet repose ainsi sur la mise en commun des savoir-faire et des complémentarités des quatre organismes partenaires.

Cette mise en commun bénéficie de l’expérience de la radio France Info, dont je rappelle qu’elle est historiquement le premier média d’information en continu de France. Elle met également à profit la puissance et le maillage territorial des rédactions de France Télévisions, l’expertise internationale de France 24 et la capacité de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) à mettre en perspective les événements grâce à l’exploitation des archives. Franceinfo repose ainsi sur des accords de partenariat signés entre France Télévisions et chacun des partenaires du projet. Ces conventions valorisent de façon croisée les apports des uns et des autres au projet commun, selon des modalités précisées dans mon rapport.

S’agissant de la gouvernance, de la coordination et de la responsabilité éditoriale, les entreprises ont également fixé leurs modalités de collaboration à travers divers contrats établissant une gouvernance légère qui doit en particulier garantir l’indépendance des rédactions et la cohérence éditoriale de l’offre.

Le financement du projet, dont les divers coûts sont détaillés dans mon rapport, repose en grande partie sur des synergies et des redéploiements qui devront faire l’objet d’un suivi précis afin de prévenir tout risque de dérapage financier. Il conviendra en particulier de s’assurer que France Télévisions respecte son engagement de recourir à des salariés déjà présents dans l’entreprise à hauteur de 50 % des postes à pourvoir. La capacité à opérer des redéploiements devra s’appuyer sur la fusion des rédactions nationales de France Télévisions que le groupe s’engage à achever d’ici à 2018. Par ailleurs, la phase de lancement étant achevée, le groupe France Télévisions doit désormais préciser les modalités de coopération avec les rédactions régionales et ultramarines, dont la participation est envisagée mais n’a pas encore été formalisée. Il s’agit là d’un enjeu majeur pour garantir la pleine réussite du projet.

Il ne serait pas raisonnable de se livrer au bilan d’une offre lancée il y a deux mois à peine. Je note cependant que si la chaîne connaît certains problèmes formels, en passe d’être réglés, elle présente d’indéniables qualités, qui résident notamment dans des formats et des codes particulièrement innovants, adaptés aux usages numériques au cœur de la stratégie de Franceinfo. L’innovation est bien du côté du service public, n’en déplaise à certains think tanks comme la Fondapol ou l’Institut Montaigne, qui n’ont eu de cesse de remettre en cause l’existence même de l’audiovisuel public.

Les premiers résultats enregistrés dans le domaine numérique apparaissent particulièrement prometteurs à cet égard. Je tiens en particulier à souligner la qualité de l’apport de l’INA dont les modules intelligemment montés éclairent le présent et donnent une mémoire à Franceinfo. Néanmoins, pour asseoir sa légitimité dans un univers fortement concurrentiel, l’offre d’information de l’audiovisuel public doit impérativement confirmer et amplifier sa spécificité de service public et son souci d’exemplarité, notamment dans la couverture des événements qui marqueront notre pays dans les prochains mois ou années, à commencer par la campagne présidentielle.

En ce qui concerne l’audience de la chaîne, les chiffres communiqués par la presse montrent qu’elle a bénéficié d’un effet de curiosité qui s’est atténué puisque la part d’audience aurait été ramenée à 0,3 %. France Télévisions met en avant l’impératif d’informer les téléspectateurs de l’existence de la nouvelle offre, compte tenu des handicaps importants dont elle a souffert à son démarrage, en particulier un numéro peu favorable sur la TNT et un positionnement très hétérogène dans les plans de services des fournisseurs d’accès à internet (FAI) et des câblo-opérateurs. En tout état de cause, il me semble important que l’audience de la chaîne sur les quatre supports où elle est diffusée puisse être mesurée le plus rapidement possible.

Dans la dernière partie de mon rapport, je me suis demandé dans quelle mesure le projet de Franceinfo pouvait servir de modèle pour des « communautés de projets » au sein de l’audiovisuel public. Certains syndicats se sont inquiétés du fait qu’il s’agirait d’une fusion déguisée, prélude au mariage de France Télévisions et de Radio France. J’estime au contraire que la réussite de ce projet constitue le meilleur remède contre les propositions de rapprochement organique entre les sociétés, qui se sont multipliées ces dernières années. À la lumière des expériences mises en œuvre au sein de l’audiovisuel extérieur de la France comme de France Télévisions, il apparaît clairement que les rapprochements entre sociétés ont produit plus de crispations et de surcoûts que de synergies. C’est d’ailleurs l’une des principales conclusions du dernier rapport de la Cour des comptes : l’entreprise unique a été un échec patent qui a profondément déstabilisé France Télévisions sans lui permettre d’atteindre les objectifs fixés. Le projet Franceinfo aura permis en sept mois plus de synergies que l’entreprise unique en sept ans : comment ne pas en tirer les leçons qui s’imposent ?

Au-delà de l’information, d’autres sujets de collaboration possibles ont été maintes fois identifiés, tels les réseaux régionaux, les réseaux à l’étranger ou les offres numériques en matière de culture, d’éducation ou de formation. La mise en place d’une offre d’information régionale ambitieuse sur le numérique, fondée sur la coopération des réseaux de France 3 et de France Bleu, apparaît en ce sens comme prioritaire, urgente et indispensable pour garantir l’avenir de ces réseaux. Il s’agirait en somme de la version régionale et locale de Franceinfo.

J’observe cependant que la méthode qui a présidé à la naissance de Franceinfo comporte des limites importantes. Je rappelle en effet que le CSA a choisi la présidente de France Télévisions sur la base d’un projet stratégique qui prévoyait la création d’une chaîne d’information, élément absent du projet de l’autre finaliste de la procédure de nomination, Pascal Josèphe. La volonté de la nouvelle présidente de France Télévisions a ensuite dû rencontrer celle du président de Radio France mais rien ne garantit que de futurs dirigeants soient aussi coopératifs ou partagent une vision similaire du développement de l’audiovisuel public. Par ailleurs, au cours des auditions que j’ai effectuées, j’ai pu constater que les autres projets structurants ne réunissent pas en l’état les volontés nécessaires à leur mise en œuvre alors qu’ils pourraient constituer autant de moteurs du développement des entreprises qui composent l’audiovisuel public, tout en permettant un meilleur usage des moyens qui leur sont consacrés.

J’insiste donc sur les limites d’une coordination s’appuyant sur la seule volonté des entreprises et la nécessité pour l’État d’assumer enfin son rôle de stratège et de pilote garant d’un développement harmonieux et coordonné de l’audiovisuel public. Je ne peux que constater que ce rôle fait actuellement cruellement défaut. Nous sommes en présence d’un actionnaire unique : l’État est représenté dans tous les conseils d’administration, il négocie les contrats d’objectifs et de moyens avec les différentes sociétés, précise par décret le contenu des cahiers des charges de celles-ci et élabore le budget, mais il ne pilote pas une politique nationale, pas plus qu’il n’en fixe les grandes lignes, ce qui représente actuellement à mes yeux la principale menace pour l’avenir de l’audiovisuel public.

Le groupe de travail sur l’avenir de France Télévisions coordonné par M. Marc Schwartz avait préconisé la mise en place d’une instance de pilotage stratégique où les présidents de l’audiovisuel public auraient échangé régulièrement sur leurs développements stratégiques avec les ministres compétents. Force est de constater que cette instance n’a été réunie qu’une fois et que l’État n’a pas joué le rôle proactif qui aurait dû être le sien. Les contrats d’objectifs et de moyens de l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public étant à peine renouvelés ou en cours de l’être pour une durée de cinq ans, les projets structurants qui n’auraient pas été lancés seront autant d’occasions perdues pour l’avenir du service public que d’arguments à disposition de ceux qui préconisent un rapprochement des structures.

Dans leurs rapports d’information respectivement consacrés au projet de contrat d’objectifs et de moyens de Radio France pour 2015-2019 et à la nouvelle chaîne publique d’information en continu, Martine Martinel et Jean-Marie Beffara ont tous deux proposé l’élaboration d’un contrat d’objectifs et de moyens thématique consacré à l’offre d’information. Dans le même esprit, j’appelle de mes vœux une réactivation rapide de l’instance de pilotage stratégique de l’audiovisuel public et l’élaboration d’une contractualisation commune à l’ensemble des partenaires de l’audiovisuel public et à l’État afin de définir de nouveaux projets communs à mettre en œuvre et de permettre à l’État d’affirmer une vision consolidée et un rôle de pilote stratégique du secteur.

Dans la droite ligne des rapports que je viens de citer, sans doute conviendrait-il de préconiser une nouvelle articulation des contrats d’objectifs et de moyens des entreprises publiques de l’audiovisuel pour les mettre en concordance avec l’entrée en fonction de leurs présidents et l’émergence d’éventuels projets communs, tout en redonnant à l’État actionnaire un rôle plus pertinent que celui de simple financeur.

En somme, cette chaîne d’information publique en continu, pourvu qu’on prenne soin de soutenir son côté novateur et expérimental, est l’exemple vivant d’une nouvelle approche de l’audiovisuel public et de ses missions. Elle appelle à reproduire les mécanismes de sa réussite à l’échelle du pilotage de l’audiovisuel public dans sa globalité. Sans remettre en cause l’indépendance des entreprises de l’audiovisuel public, que nous n’avons eu de cesse de renforcer ces quatre dernières années, nous voulons redonner un rôle moteur à l’État face aux défis auxquels il est confronté dans un monde où se fait plus que jamais sentir le besoin de compréhension, de recul, d’intelligence et d’analyse. Le service public de l’audiovisuel doit à cet égard jouer le rôle majeur qui lui est historiquement dévolu.

M. le président Patrick Bloche. Merci, monsieur le rapporteur.

Nous allons maintenant écouter Mme Virginie Duby-Muller, qui a souhaité consacrer son avis sur les crédits relatifs à la presse écrite aux stratégies de soutien de la presse en ligne.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse écrite. Je suis heureuse de vous présenter mon avis sur les crédits en faveur de la presse inscrits au projet de loi de finances pour 2017.

Pour élaborer mon rapport, j’ai mené près d’une vingtaine d’auditions qui m’ont été particulièrement utiles d’autant que le 10 octobre dernier, jour que la loi organique relative aux lois de finances fixe comme date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires, seul un tiers des réponses aux questions que j’avais adressées au Gouvernement en juillet dernier m’était parvenu. Cela marque une très nette dégradation du taux de réponse puisque, l’an dernier, à la même date, le rapporteur en charge de l’avis sur les crédits dédiés à la presse avait reçu 95 % des réponses attendues. Je ne peux que le regretter.

Je ne regrette pas, en revanche, d’avoir choisi de me pencher plus particulièrement sur les politiques publiques de soutien à la presse en ligne car l’année 2016 a été, et continue d’être, extrêmement riche en la matière.

Je n’ignore pas que, dans son avis sur les crédits alloués à la presse dans le projet de loi de finances pour 2015, notre collègue Jean-Noël Carpentier s’était déjà interrogé sur les dispositifs de soutien à la presse à l’ère numérique. Toutefois, l’année 2016 a marqué un véritable changement de paradigme au niveau tant national qu’européen. Il m’a donc paru très important de faire un point sur l’évolution récente des modalités de soutien à la presse en ligne et sur leurs perspectives.

Au niveau national tout d’abord, la création, par le décret du 26 août dernier, d’un Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse traduit l’amorce d’une nouvelle approche : pour la première fois, la puissance publique ne se contente plus de soutenir financièrement des médias existants, dans une logique conservatoire, mais elle suscite au contraire, dans une logique d’innovation, la création de nouveaux médias, notamment de services de presse « tout en ligne » dits « pure players ».

Ce fonds a vocation à décerner des bourses à des entreprises de presse émergentes, sans condition d’agrément par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP). Alors que, jusqu’à présent, les aides à la presse fonctionnaient selon un mécanisme de remboursement sur présentation de factures acquittées, l’État accepte désormais d’assumer le risque qu’un projet financé échoue – risque toutefois limité puisque le montant des bourses est plafonné à 50 000 euros.

Comme les représentants du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL), j’estime que cette inflexion nette des politiques publiques de soutien à la presse en général, et à la presse en ligne en particulier, va dans le bon sens. En effet, les aides doivent non seulement préserver les conditions existantes du pluralisme mais aussi le renforcer.

Conformément aux préconisations du rapport de M. Jean-Marie Charon sur la presse et le numérique, le Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse devrait également lancer des appels à projets pour des programmes d’incubation dédiés aux médias émergents. Il semble que ces programmes pourront être portés tant par des groupes de presse accueillant des start-up en résidence que par des incubateurs généralistes ou appelés à se spécialiser dans la presse, en région parisienne comme en province. Ils devraient donc également concerner les start-up à même de fournir des solutions techniques, graphiques ou éditoriales innovantes aux médias. Contrairement aux bourses d’émergence, ces aides ne s’adressent donc pas nécessairement qu’aux éditeurs de presse : elles sont conçues dans une optique plus large que l’approche éditoriale classique.

Comme M. Jean-Marie Charon, j’estime que les programmes d’incubation subventionnés doivent être conçus de façon à associer des start-up intervenant dans différents domaines – presse, commerce, marketing – entre lesquels il faut encourager une certaine porosité plutôt que des start-up issues uniquement du secteur de la presse. En effet, dans la conception des aides à l’innovation, il ne faut pas enfermer les gens dans des cases mais favoriser au contraire des dispositifs associant les entreprises de presse traditionnelles en transformation avec des acteurs nouveaux qui les aident à innover.

Enfin, le Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse devrait lancer des appels à projets pour la réalisation de programmes de recherche innovants, définis avec les acteurs du secteur de la presse afin notamment de développer une expertise sur des thèmes au cœur des mutations du secteur : monétisation de l’information, big data, micro-paiements, kiosques, etc. Ces aides pourront par exemple financer la création d’infrastructures de données susceptibles de permettre aux éditeurs de presse de faire face aux stratégies des « infomédiaires » que sont les fournisseurs d’accès à internet, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les plateformes d’échanges et autres acteurs technologiques connus sous l’acronyme « GAFA ».

Si, de mon point de vue, le décret du 26 août 2016 marque un premier pas louable dans le sens d’une logique d’innovation, on peut toutefois regretter que le Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse ne soit doté que de 5 millions d’euros et que les économies générées par la réforme de l’aide au transport postal de la presse n’aient pas servi à abonder ce fonds.

On peut également s’étonner que la dotation du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) soit réduite de plus de 2 millions dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2017 alors que le décret du 26 août dernier a réaffirmé l’éligibilité de la presse en ligne de la connaissance et du savoir à ses aides, et augmenté ses taux de subvention en créant notamment, pour les projets de jeunes entreprises de petite taille qui ont moins de trois ans d’existence et qui emploient moins de vingt-cinq salariés, un taux super bonifié de 70 % des dépenses éligibles, dont le périmètre a par ailleurs été élargi aux dépenses de salaires et de commercialisation. La création de ce taux, unanimement saluée, devrait permettre de remédier aux difficultés constatées en 2015 : bien que doté de près de 30 millions d’euros, le FSDP n’a pu alors verser des aides qu’à hauteur de 10 millions d’euros car les éditeurs bénéficiaires ont eu des difficultés à trouver les compléments de financement nécessaires à la mise en œuvre des projets.

À cet égard, je tiens à souligner que, comme pour les aides au portage, les mécanismes d’attribution des aides du FSDP sont mis en œuvre trop tardivement dans l’année. D’après ce qui m’a été indiqué, au 12 octobre dernier, aucun comité d’attribution du FSDP n’avait été réuni, ce qui risque malheureusement de conduire à concentrer toute la stratégie d’aides pour l’année 2016 sur les mois de novembre et de décembre.

Par ailleurs, bon nombre des personnes que j’ai entendues ont déploré que les modalités de candidature aux aides du FSDP soient trop lourdes pour de jeunes services de presse « tout en ligne ». En conséquence, les dispositifs initialement conçus pour les entreprises de presse naissantes ont été en partie captés par les grandes entreprises « historiques » de la presse écrite qui disposent d’une technostructure plus adaptée. Il est par exemple pour le moins surprenant que le premier pure player en France, le Huffington Post, n’ait jamais bénéficié de la moindre aide à la presse depuis sa création, d’après ce que m’ont indiqué ses représentants.

Il semble que cela tienne en bonne partie à ce que, pour bénéficier des aides du FSDP – comme de celles du Fonds Google, du reste –, les services de presse en ligne doivent être agréés par la CPPAP et habilités « IPG », alors que la distinction entre presse IPG et presse non-IPG ne semble guère pertinente pour la presse en ligne. Selon le président de la CPPAP lui-même, il faut appréhender la notion d’IPG de façon différente selon qu’il s’agit de presse imprimée ou de presse numérique. En effet, pour cette dernière forme de presse, on passe aisément de l’IPG au non-IPG, de sorte que les critères d’éligibilité sont complexes, flous et évolutifs. Si le recours au concept d’IPG a pu avoir du sens à l’ère du papier, il n’en a plus guère à l’ère du numérique.

Il faut donc conforter et amplifier la logique d’innovation amorcée par le décret du 26 août dernier en repensant la distinction entre presse IPG et presse non-IPG et en s’affranchissant des critères habituels de raisonnement qui ont été adoptés pour la définition des dispositifs d’aides à la presse imprimée.

Cette logique commande également d’ouvrir le bénéfice des aides au pluralisme – dont le montant s’élève, dans le PLF 2017, à environ 16 millions d’euros – aux services de presse en ligne. À l’heure où la lecture de la presse quotidienne nationale s’effectue, à près de 60 %, sur des supports numériques, il est pour le moins surprenant que la presse en ligne soit exclue du bénéfice de ces aides alors que cette forme de presse a de faibles ressources publicitaires, comme les titres nationaux d’IPG mensuels, bimensuels et trimestriels au profit desquels ces aides ont été étendues par un décret du 6 novembre 2015.

Cette mesure pourrait contribuer à pérenniser le modèle économique des services de presse en ligne dont la viabilité est aujourd’hui entravée par l’impossibilité d’accéder au marché des annonces judiciaires et légales et menacée par l’impossibilité prochaine de solliciter des financements auprès du Fonds Google, dont la dotation devrait être épuisée d’ici à la fin de l’année. À partir de l’an prochain, les éditeurs de presse français n’auront d’autre choix que de se tourner vers le « fonds Google européen », baptisé « Digital News Initiative » (DNI). Ce fonds n’est doté que de 150 millions d’euros sur trois ans et, dans la mesure où il est ouvert à l’ensemble des éditeurs de presse européens, les éditeurs de presse français pourront n’espérer de financements qu’à hauteur de 5 à 10 millions d’euros par an au maximum – soit deux à quatre fois moins que ce qu’offre aujourd’hui le fonds Google.

Le modèle économique de la presse en ligne est également menacé par la captation de ses ressources publicitaires par les « infomédiaires » qui tirent des profits de la diffusion de contenus qu’ils ne créent pas et dont ils n’assument pas les coûts de production. Je pense notamment aux « crawlers » qui diffusent des panoramas de presse souvent sans autorisation préalable ni rémunération des éditeurs et qui réalisent aujourd’hui en France un chiffre d’affaires d’environ 30 millions d’euros dont les éditeurs ne profitent pas.

Le rapport de force entre les éditeurs de presse et les infomédiaires, qui sont pour la plupart des acteurs d’envergure internationale, est aujourd’hui si profondément déséquilibré qu’il semble que ce ne soit qu’au niveau européen qu’une solution puisse être trouvée pour donner aux premiers les moyens de lutter à armes égales avec les seconds, dans le cadre d’une concurrence équitable.

Or, au niveau européen, les lignes ont commencé à bouger cette année. Dans le cadre des réflexions relatives à la révision de la directive de 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, la Commission européenne a lancé en mars dernier une consultation publique sur le rôle des éditeurs dans la chaîne de valeur du droit d’auteur. La France y a répondu en s’appuyant sur un rapport que Mme Laurence Franceschini a présenté en juillet dernier au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) et qui préconise la création, au niveau européen, d’un droit voisin spécifique aux éditeurs de presse et portant sur un droit de reproduction lié aux seuls usages numériques et sur un droit de mise à disposition du public.

Cette préconisation a été suivie par la Commission européenne : la proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique publiée en septembre dernier la reprend en précisant que la protection instituée au bénéfice des éditeurs de presse expirera vingt ans après la diffusion de la publication de presse et qu’elle ne s’étendra pas aux actes de création de liens hypertextes qui ne constituent pas une communication au public. La Commission souligne également que la reconnaissance d’un droit voisin aux éditeurs de presse, pour l’utilisation numérique de leurs publications, ne portera nullement atteinte aux droits d’auteur des journalistes. Je tiens également à les rassurer sur ce point.

Mais je tiens aussi à alerter le Gouvernement de la nécessité de saisir la fenêtre de tir ouverte par la Commission européenne pour inclure les agences de presse dans le champ des réflexions menées sur le partage de la valeur créée par la production et la circulation de l’information sur internet. Ces agences connaissent en effet de grandes difficultés financières qui conduisent d’ailleurs le Gouvernement à octroyer à l’Agence France-Presse (AFP), dans le projet de loi de finances pour 2017, cinq millions d’euros supplémentaires par rapport à ce qui était prévu par le contrat d’objectifs et de moyens, au titre la compensation de ses missions d’intérêt général.

Les agences de presse sont aujourd’hui les seuls acteurs du secteur de la presse pour lesquels le taux réduit de TVA a augmenté pour être porté à 10 %, dans un contexte de dégradation très forte de leur situation économique qui pourrait menacer le traitement de l’information et son pluralisme.

Or, il se trouve, là encore, que l’année 2016 pourrait fournir au Gouvernement une occasion de revoir à la baisse ce taux de TVA car la Commission européenne, pourtant jusqu’à présent très réservée sur l’application d’un taux super-réduit de TVA aux services de presse en ligne, pourrait peut-être faire évoluer sa position dans le cadre de la révision de la directive « TVA ». Du moins a-t-elle lancé, en juillet dernier, une consultation sur l’application d’un taux de TVA réduit sur les publications fournies par voie électronique. Le Gouvernement a, dans le cadre de cette consultation, rappelé sa position constante depuis le vote, à l’unanimité des deux assemblées, de la loi du 27 février 2014 harmonisant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne. Mais il n’en demeure pas moins que la France fait partie d’un groupe d’États favorables à l’application d’un taux de TVA super-réduit à la presse qui est aujourd’hui minoritaire au sein de l’Union européenne. Or les traités prévoient que les directives en matière d’impôts indirects doivent être adoptées à l’unanimité.

Il est donc important que le Gouvernement défende activement la généralisation, à l’échelle de l’Union, d’un taux de TVA super-réduit pour l’ensemble des formes de presse, écrite comme numérique, et que, dans ce contexte, il n’oublie pas de réexaminer le sort réservé aux agences de presse.

Je terminerai en évoquant l’impact du numérique sur le métier de journaliste dont le Congrès du Syndicat national des journalistes (SNJ) s’est fait l’écho au début du mois d’octobre. Ce syndicat avait alors dénoncé la « dégradation des conditions de travail liée aux évolutions numériques ». Sans nier la précarisation des « journalistes Shiva » amenés à accomplir des tâches très diverses auxquelles ils ne sont pas toujours suffisamment formés, je souhaiterais achever mon propos sur une note optimiste en me réjouissant que le SPIIL ait récemment signé la convention collective nationale des journalistes – ce qui montre encore une fois que l’année 2016 aura marqué, pour le secteur de la presse en ligne, un tournant.

M. le président Patrick Bloche. Ce sujet est d’une actualité brûlante. Vous avez même évoqué le débat, connu de nous depuis longtemps, relatif à l’IPG et au non-IPG. Je souhaitais rendre hommage à votre prise de risque en la matière !

Je voudrais vous remercier également d’avoir fait un point d’actualité sur la question fiscale, compte tenu, notamment, de la révision de la directive TVA. Nous avions, de façon consensuelle – et même unanime, oserais-je ajouter – voté une proposition de loi en 2014 tendant à permettre à la presse en ligne de bénéficier du taux super-réduit de 2,1 %. Nous l’avions fait volontairement, sachant très bien que cela susciterait un contentieux à Bruxelles. Ce que vous indiquez deux ans après dans votre rapport montre que nous avons eu raison d’être volontaristes puisque nous avons réussi à convaincre de la nécessité de ce taux super-réduit.

Enfin, je vous informe que j’ai tenté, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2017, de relayer votre suggestion de faire bénéficier les agences de presse d’un taux de TVA réduit à 5,5 %. Alors que ce taux leur était applicable il y a quelques années, il a été porté à 7 % en 2012 puis à 10 % ultérieurement. De ce fait, les agences de presse sont en grande difficulté de trésorerie. Toutefois, mon amendement a été rejeté au motif qu’il était contraire au droit communautaire. Il y aura donc dans les mois et les années à venir un autre combat à mener.

Mme Marie-George Buffet, rapporteure pour avis sur les crédits du livre et des industries culturelles. Le programme 334 a pour objectif, dans sa première action à laquelle je me suis attachée, de favoriser le développement de la création littéraire, d’encourager la pratique de la lecture et de soutenir la chaîne du livre. Comme l’ensemble du programme, les crédits de paiement comme les autorisations d’engagement de l’action «Livre et lecture » sont en légère hausse, à périmètre constant. On ne peut que s’en féliciter : 2017 est marquée par une embellie budgétaire qui ne peut nous étonner. Cette hausse devrait permettre de répondre aux besoins les plus évidents, les plus nécessaires de la Bibliothèque nationale de France (BnF) et de la Bibliothèque publique d’information (BPI), de financer la revalorisation du point d’indice et de stabiliser les équivalents temps plein (ETP) au niveau de 2016 – stabiliser, seulement, alors que la légère hausse de la fréquentation aurait pu aboutir à de nouvelles embauches. Cette hausse devrait aussi permettre de faire avancer les travaux de rénovation du quadrilatère Richelieu de la BnF et de poursuivre, en lien avec le Centre Georges Pompidou, la rénovation des espaces de la BPI, pour en renforcer la qualité d’accueil. Je rappelle que le taux de fréquentation de la BPI a baissé depuis 2014 de façon préoccupante.

Je dirai un mot sur le Centre national du livre (CNL) dont le budget global d’intervention a baissé entre 2014 et 2015. Cette diminution, liée à l’assiette des taxes qui lui sont en partie affectées, ne sera pas entièrement corrigée par la réforme de 2015  de cette assiette.

Il faut se réjouir de l’effet du plan de soutien aux librairies. Leur part de marché est stabilisée à 22 % des ventes mais des fragilités demeurent, qu’il s’agisse de la dégradation de la rentabilité de ces librairies ou des inégalités territoriales. Si les librairies de centre-ville arrivent à se maintenir, beaucoup de territoires urbains périphériques sont aujourd’hui confrontés à l’absence complète de points de vente de livres. Je voudrais donc insister sur la place de la commande publique pour soutenir ces librairies. Il n’est pas difficile de maintenir cette commande publique puisque les appels d’offre ont été simplifiés pour l’achat de livres scolaires. Cela demande simplement une volonté politique de la part des collectivités dans ces territoires urbains périphériques.

J’ai voulu rappeler ces quelques points du rapport car tous ces acteurs
– BnF, BPI, CNL et librairies – sont des vecteurs importants de la chaîne du livre et donc de l’accès à la lecture. Mais d’autres acteurs sont tout aussi essentiels à cet accès. Je pense bien sûr aux bibliothèques départementales et municipales, aux points d’accès aux livres et aux associations. Des acteurs de la lecture pourtant peu visibles, insuffisamment mis en valeur, souvent insuffisamment dotés et inégalement répartis sur le territoire de notre pays. Pourtant, l’accès au livre et à la lecture est synonyme d’épanouissement, d’accès au langage, aux connaissances, à l’esprit critique, à la citoyenneté et de développement du savoir et de la recherche. Cette intervention publique en faveur de la lecture mériterait donc, dans les temps présents, de bénéficier d’un nouvel éclairage et de nouvelles approches.

D’où ce rapport pour un renouveau des politiques publiques en faveur de la lecture publique. Les besoins sont là. 55 % des communes, soit plus de 11 millions de personnes, ne bénéficient pas d’un lieu de lecture publique et beaucoup de familles n’ont pas de livres à domicile. Alors que de nombreuses études montrent que la langue reflète les inégalités sociales, l’apprentissage du langage chez les plus jeunes enfants par l’accès à la lecture d’histoires et par le rapport aux livres, le plus tôt possible, est une source de développement de la pensée et de l’esprit critique et permet le recul des ségrégations. Or, cet accès des plus jeunes aux livres est encore trop limité. L’effet, en termes d’échec scolaire, de cet accès limité aux livres et à la lecture est également insuffisamment interrogé. Enfin, 7 % de la population métropolitaine ayant été scolarisée dans notre pays souffrent aujourd’hui d’illettrisme. Il est donc nécessaire de conforter, de valoriser et de renouveler les politiques publiques de développement du livre et de la lecture.

Permettez-moi de saluer les associations qui œuvrent en ce domaine, notamment auprès des publics les plus défavorisés. Je voudrais citer les bibliothèques de rue de l’association ATD Quart monde, le partenariat entre La Petite Bibliothèque ronde et les Restos du cœur, l’action du Secours populaire visant à mettre des livres à disposition du public et l’initiation à la lecture des enfants du plus jeune âge, en lien avec la Protection maternelle infantile (PMI), les crèches et les assistantes maternelles. Je citerai ainsi l’opération « Première page », lancée en 2009 et dont ont bénéficié 200 000 enfants de moins de trois ans en 2016, et l’opération « Lire et faire lire » qui vise 37 % des collégiens ayant actuellement un accès difficile à la lecture.

Toutes ces associations, lors de leurs auditions, ont soulevé la question de la pérennité de leurs subventions. Travaillant avec des institutions sur le long terme, elles ont besoin d’avoir une vision claire de l’avenir de leurs moyens, ce que ne permet pas le cadre des appels à projet.

J’évoquerai à présent l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme. Toutes les associations et institutions que j’ai auditionnées ont insisté sur son rôle positif de coordination et d’impulsion auprès de l’État, des associations, des collectivités et des entreprises en faveur de la lutte contre l’illettrisme. La Cour des comptes a rendu un avis très positif sur la gestion de cette agence. Aussi je m’interroge quant à sa dissolution dans une agence de défense de la langue française. Cela montre qu’il y a une confusion quant aux causes de l’illettrisme et donc quant aux moyens d’agir contre ce fléau.

Toutefois, le vecteur indispensable de l’accès au livre et à la lecture est la bibliothèque – municipale ou départementale –, service public nécessaire à l’exercice de la démocratie, à l’égal accès à la lecture, à l’indépendance intellectuelle et au progrès de la société. Cette mission, rappelée dans la Charte des bibliothèques, est de taille. La France dispose d’un maillage important de 16 300 lieux de lecture qui contribuent à l’aménagement culturel du territoire. L’État leur apporte son soutien financier par l’intermédiaire du CNL, avec le concours particulier de la dotation générale de décentralisation pour un montant constant de 80 millions d’euros. La bibliothèque est souvent aussi un lieu qui favorise le lien social, un lieu de rencontres.

Ce réseau de bibliothèques a des défis à relever si l’on veut en relancer le taux de fréquentation et élargir les publics concernés par la lecture publique.

Tout d’abord, il faut renforcer le maillage et la qualité du service : 17 % de la population n’a pas accès à ces lieux de lecture publique. Cette insuffisance concerne les zones rurales mais aussi les villes moyennes puisque 197 villes de plus de 5 000 habitants n’ont pas de lieu d’accès à la lecture publique. Il convient également de veiller à la qualité de ces 16 300 lieux, dont 9 200 ne sont que des points d’accès aux livres, sans l’encadrement nécessaire de professionnels. Vous trouverez à cet égard un tableau dans mon rapport.

Ensuite, il faut maintenir une réelle qualification des personnels. Dans les bibliothèques municipales, 26 % de personnels sont de catégorie C. Beaucoup de ces établissements n’ont plus de personnel formé et qualifié.

Il faut enfin faire évoluer les bibliothèques elles-mêmes, leur espace et les services qu’elles rendent. Nous avons auditionné longuement les responsables de la bibliothèque de la Courneuve qui ont ouvert, à côté d’un espace de lecture et des espaces de travail, des espaces de convivialité où les jeunes et les familles peuvent se retrouver pour échanger et où les élèves peuvent faire leurs devoirs. Cela peut, petit à petit, susciter chez eux l’envie d’aller vers les livres et vers la lecture.

Nous nous sommes demandé, lors de nos auditions, si la tendance à ouvrir les bibliothèques à toute une série d’activités – notamment celle d’accueil d’enfants en décrochage scolaire ou d’associations qui font de l’animation – n’allait pas affecter le cœur de métier des bibliothécaires. Il reste que les bibliothèques ont besoin de s’ouvrir pour gagner de nouveaux lecteurs. La question de l’amplitude horaire a aussi été débattue : elle ne doit pas être décidée d’en haut mais s’adapter aux différents territoires et aux différents publics qui n’ont pas toujours les mêmes besoins.

Il faut développer les réseaux et veiller à ce que la réforme des territoires, qui se met en place petit à petit, ne vienne pas perturber les réseaux existants mais les conforte au contraire, tant ils sont nécessaires pour offrir partout la même qualité de service aux lecteurs. Dans ce système en réseau, le contrat territoire lecture a partout recueilli des avis très positifs mais à ce jour, seuls 120 contrats ont été signés. Et dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), les personnels dédiés à la lecture publique sont parfois très peu nombreux : en Île-de-France, par exemple, il n’y a qu’une personne chargée de la mobilisation en faveur de la lecture publique. Toujours en termes de réseaux, si le rapport entre les bibliothèques et l’Éducation nationale est très étroit dans le primaire, il est aujourd’hui insuffisant dans le secondaire, tant au collègue qu’au lycée.

J’en viens enfin à la question des moyens. En 1983, la gestion des bibliothèques municipales revient aux communes. Puis, en 1992, les bibliothèques centrales de prêt sont transférées aux conseils généraux pour devenir des bibliothèques départementales. Or, avec la baisse des dotations publiques, la lecture pourrait être la variable d’ajustement dans certaines collectivités territoriales – ou, du moins, elle pourrait en rester au niveau actuel sans que les moyens soient mis pour renouveler l’offre et attirer de nos nouveaux publics.

C’est pourquoi il faut donner une ambition politique et une visibilité à l’enjeu de la lecture publique. On parle souvent de l’art vivant et des festivals mais très peu, dans l’actualité, de nos bibliothèques, de la lecture publique et de l’effort pour amener de nouveaux publics à la lecture.

En conclusion, je remercie toutes les personnes que nous avons auditionnées, qu’elles représentent des associations ou institutions.

M. le président Patrick Bloche. J’en profite pour vous remercier pour ces auditions, en nombre conséquent comme celles des autres rapporteurs. C’est ce travail parlementaire, que nous effectuons chaque année au moment de l’examen du budget, qui nous permet de faire un état de la situation. Votre rapport est d’autant plus intéressant qu’il croise les enjeux culturels et éducatifs qui sont au cœur de notre Commission.

Mme Martine Martinel. Sans dédaigner le travail remarquable des deux autres rapporteurs, j’évoquerai uniquement le rapport de Michel Pouzol. Il est vraiment passionnant de lire cet avis budgétaire consacré au nouvel acteur du paysage audiovisuel public qu’est Franceinfo.

Sans éluder les interrogations que suscite la création de nouvelles chaînes d’information en continu, vous montrez très clairement combien une chaîne publique est nécessaire et légitime. Vous rappelez tout d’abord que cette dernière n’est pas née d’un emballement soudain puisque dès 2002, le Gouvernement de Lionel Jospin avait décidé de sa création. Il aura fallu attendre le 1er septembre 2016 pour que la France, qui dispose de la plus grande rédaction d’Europe avec ses 4 100 journalistes – entre France Télévisions, Radio France et France Médias Monde –, soit dotée d’une chaîne publique en continu.

Cette offre commune d’informations de service public est une avancée majeure. La chaîne, si elle tient ses promesses et respecte ses missions en proposant une information certifiée, vérifiée et validée, indépendante des pouvoirs politique et économique, trouvera aisément un public qui se tourne déjà vers elle dans le cadre de l’offre numérique. En effet, vous montrez, en vous fondant sur des études, que les Français sont paradoxalement demandeurs d’information mais se détournent des médias dont ils déplorent le manque d’indépendance – l’exemple d’i-Télé n’étant pas là pour les contredire. Vous vous référez aussi au rapport de 2015 de M. Marc Schwartz pour affirmer la nécessité de renforcer la puissance de l’information sur les chaînes du service public, afin de contrebalancer les approximations des réseaux sociaux et le choix des chaînes d’information privées concurrentes qui privilégient trop souvent le sensationnel.

Sans prétendre évaluer les performances de la chaîne – ce qui serait prématuré au bout de deux mois d’existence –, vous qualifiez d’exceptionnelle la mobilisation du service public qui a réussi à fédérer les rédactions de France Télévisions, de Radio France, de France Médias Monde et les équipes de l’INA pour disposer d’une couverture inégalée sur le territoire national, européen et mondial.

Lancer une chaîne fondée sur la synergie de l’ensemble des opérateurs de l’audiovisuel public en peu de temps n’étant pas une mince affaire, le pragmatisme a prévalu. Même si certains – parmi les syndicats, notamment – déplorent des avancées à marche forcée, le résultat est l’aboutissement d’un formidable projet qui fait travailler ensemble des journalistes de radio et de télévision pour livrer des informations en continu fondées sur l’esprit d’analyse, l’indépendance et le respect du pluralisme. À ce propos, nous nous félicitons comme vous, monsieur le rapporteur, de l’adoption par le Parlement de la proposition de loi de Bruno Le Roux et Patrick Bloche sur la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias.

La création de cette nouvelle chaîne n’épuise pas toutes les interrogations et vous faites, monsieur le rapporteur, nombre de suggestions sur les chantiers présents et à venir, tels que la réflexion sur les métiers, le coût, l’introduction d’indicateurs d’audience « quatre écrans » et le développement du numérique. Vous évoquez « la mise en place d’une offre numérique régionale ambitieuse, fondée sur la coopération des réseaux » – notamment avec France 3 et France Bleu – et « la mise à profit de la dimension européenne et mondiale qui fait défaut aux chaînes privées concurrentes ».

Vous évoquez aussi la gouvernance de cette chaîne et son devenir. Actuellement, la chaîne d’information bénéficie d’une gouvernance équilibrée qui permet aux différents groupes d’audiovisuel public de s’impliquer dans ce projet tout en gardant leur identité, mais vous montrez aussi la fragilité de cette organisation. Enfin, vous insistez à juste titre sur l’insuffisante implication de l’État dans le pilotage de l’audiovisuel public – insuffisante au point d’en menacer l’avenir. Vous apportez des préconisations pour pallier cette défaillance de l’État ; pourriez-vous nous en détailler quelques-unes ?

M. Frédéric Reiss. Merci à nos trois rapporteurs pour avis de la qualité de leurs travaux et de l’éclairage qu’ils apportent à l’activité budgétaire et médiatique.

Quelques mots, pour commencer, sur le rapport de Mme Buffet, que je soutiens dans sa volonté de promouvoir la lecture publique : c’est un outil essentiel pour prévenir et corriger les inégalités sociales et culturelles. Les offres en direction de la jeunesse sont essentielles. Je confirme que, dans la ruralité, les élus locaux n’ont malheureusement pas toujours conscience que de réels efforts intergénérationnels en faveur de la lecture publique sont indispensables.

En ce qui concerne le rapport de M. Pouzol sur le lancement de Franceinfo, notre groupe est sensible à la nécessité de garantir à nos concitoyens des contenus d’information estampillés « service public ». La nouvelle chaîne d’information publique compte chez nous des partisans mais d’autres sont plus sceptiques ; certains me parlent parfois de « propagande gouvernementale », ce qui montre que la perception de l’indépendance est relative. L’avenir nous dira si Franceinfo a choisi la bonne stratégie éditoriale. Il me semble que le choix d’être avant tout « réseau social voire mobile compatible » représente une opportunité pour la chaîne de gagner en légitimité et de s’installer durablement dans le paysage audiovisuel, même si ce format peut en dérouter certains.

La grande question concerne son coût et j’ai lu avec intérêt la partie du rapport à ce sujet. Il importe de ne pas confondre surcoût et embauches supplémentaires, d’autant que le coût est principalement supporté par France Télévisions, dont le projet de contrat d’objectifs et de moyens (COM) nous laisse circonspects quant à sa capacité à éviter les déficits dans les années à venir. L’entreprise est structurellement déficitaire et dépend d’un niveau important de ressources propres pour maintenir son budget à l’équilibre. Vous avez, monsieur le rapporteur, reconnu l’absence de pilotage de l’État ; elle n’excuse pas les dérives de gestion. C’est pourquoi il convient aussi de parler de la gestion de l’entreprise, dont la Cour des comptes a souligné les défauts.

Le lancement de Franceinfo rappelle cruellement, en creux, l’absence de réforme de l’audiovisuel public sous cette législature, la majorité s’étant contentée d’augmenter continuellement la contribution à l’audiovisuel public (CAP) ainsi que le taux de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques pour reverser à l’entreprise l’équivalent du produit de cette augmentation, en gardant le reste de la ressource dans le budget de l’État. Le débat en PLF sur cette question a démontré les limites de cette navigation à vue puisque c’est même de la rapporteure générale qu’est venu un amendement refusant une nouvelle hausse de la CAP. Estimez-vous que France Télévisions puisse faire face, sans risque industriel, au coût que représente cette nouvelle chaîne ?

En ce qui concerne le rapport de Virginie Duby-Muller sur le développement de la presse en ligne, qu’il s’agisse des pures players ou du développement numérique des rédactions historiques, j’ai noté le parti-pris assumé de rééquilibrer les aides entre les acteurs et de repenser la ligne de démarcation entre presse IPG et non IPG.

La quatrième recommandation préconise la création d’« un droit voisin au bénéfice des éditeurs de presse » dans le cadre de la révision de la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique. Cette orientation nous semble prometteuse, même si son échec relatif chez nos voisins ternit un peu l’espoir de voir les « infomédiaires » prendre leur juste part dans la chaîne de création de la valeur éditoriale. Ce sera un sujet intéressant à évoquer avec les députés du Bundestag, lors de la prochaine rencontre de notre Commission dans un mois.

Pensez-vous que l’Europe pourrait faire plier Google, malgré les précédents espagnols et allemands, les accords signés dans ces pays n’ayant pas permis la mise en place de compensations financières significatives en échange de droits de reproduction et de communication ? Il ne faudrait pas que ce débat si nécessaire, alors que les acteurs de notre pays ont pris le virage numérique mais peinent encore à créer des modèles économiques viables, ne se termine aussi mal que la taxe Google, le fonds Google en faveur de la presse ayant certes le mérite d’exister, mais sans doute plus pour très longtemps. Ce n’est pas, en tout cas, par des subventions de plus en plus importantes que nous pourrons envisager sereinement l’avenir.

M. Rudy Salles. Je félicite Marie-George Buffet pour son rapport relatif au livre, qui met en lumière les aspects essentiels de l’apprentissage de la lecture mais aussi les faiblesses de notre système. Ce rapport apporte la démonstration que les pouvoirs publics ne mènent pas une politique suffisamment ambitieuse pour répondre aux défis qui se posent à nous.

Je soutiens également le rapport de Virginie Duby-Muller, qui me rappelle un rapport que j’ai rédigé il y a quatre ans sur la presse quotidienne régionale. Je vois que les réponses aux problèmes sont toujours en attente.

Je remercie Michel Pouzol pour son rapport sur l’audiovisuel public, plus particulièrement consacré à la nouvelle chaîne d’information en continu Franceinfo. C’est un choix opportun car le sujet mérite toute notre attention. Comme je l’ai indiqué ici-même à de multiples reprises, je pense sincèrement qu’il n’était pas opportun, en 2016, de créer une nouvelle chaîne d’information, en premier lieu parce que le créneau est largement occupé par le privé depuis de nombreuses années. On peut même parler de saturation dans ce secteur, ce qui peut se vérifier par la fragilité de certaines sociétés.

D’autre part, nous avons régulièrement des débats autour du format de France Télévisions, qui dispose d’un nombre pléthorique de chaînes dont on a du mal à cerner les spécificités. Selon moi, le service public devrait jouer un rôle majeur dans l’accès à la culture, avec la création d’œuvres originales, par exemple, ce qui est très loin d’être le cas : la course à l’audience, derrière les chaînes privées, est malheureusement la règle.

Par ailleurs, je m’étonne de la précipitation et du flou dans lesquels ce projet a été monté. Lors de sa dernière audition, la présidente de France Télévisions nous avait indiqué que Franceinfo serait un format totalement innovant, que la diffusion sur la TNT n’était pas envisagée. Tout cela n’était que de l’enfumage, préparant la création d’une chaîne d’information en continu de plus. Le rapport indique que l’information de service public a une responsabilité particulière, celle de fournir « une information certifiée, vérifiée et validée qui est le principal contrepoids aux demandes de communication relayées sans discernement et sans recul ». Dois-je vous rappeler que les journalistes du privé sont aussi astreints à ces obligations, sous le contrôle du CSA ? La distinction que vous faites est désobligeante à leur égard.

Au plan financier, ce projet est de nature à nous inquiéter. La Cour des comptes qualifie le chiffrage communiqué de « flou » et demande une expertise « sérieuse et approfondie » permettant de déterminer un coût complet afin d’en apprécier la pertinence par référence à des comparaisons établies sur des chaînes similaires déjà existantes et de prévenir tout dérapage financier.

En ce qui concerne l’originalité des programmes et l’approfondissement de l’information, je me suis astreint à regarder Franceinfo. Je n’ai pas constaté le discernement, le recul par rapport aux événements dont vous parlez. Les décrochages radio toutes les dix minutes contraignent le traitement des autres sujets, qui est souvent opéré en style télégraphique. Je ne suis visiblement pas le seul à ne pas être convaincu puisque, après l’effet curiosité des premiers jours et une audience à 0,6 %, l’audience est retombée à 0,3 %, alors que LCI est à 0,4 %, i-Télé à 0,8 % et BFMTV à 2,1 %. Je m’interroge d’ailleurs sur la frilosité de France Télévisions à communiquer les chiffres d’audience. Le groupe a demandé des mesures ad hoc mais refuse de les diffuser. Ce rapport me conforte dans toutes les préventions qui étaient les miennes.

M. Michel Françaix. J’aurais pu m’intéresser au formidable plaidoyer pour l’écrit de Marie-George Buffet mais comme j’aurais écrit la même chose, le talent en moins, je parlerai du rapport de Virginie Duby-Muller, dont je partage beaucoup des constats. Je remercie tout d’abord notre collègue de ne pas être tombée dans l’ébriété technologique : si elle reconnaît que la presse en ligne est l’avenir, elle n’écarte pas pour autant d’un revers de main le reste de la presse.

Elle a raison de souligner qu’un fonds de soutien à l’émergence ne doit pas seulement protéger les acquis mais aussi agir pour le développement de projets innovants. Toutefois, nous aurions tort de ne pas faire la différence entre une presse qui coûte beaucoup d’argent et une qui en coûte moins. Les aides à la presse existent parce que les imprimeries, la distribution coûtent très cher. La presse en ligne mérite aussi d’être aidée mais son prix de vente est en général moitié moindre que celui de la presse papier, ce qui signifie qu’elle ne doit pas être aidée au niveau qu’elle demande. Contrairement à Mme Duby-Muller, je pense que des aides justes sont des aides inégalitaires.

Je mets également en garde contre l’idée que la distinction entre presse IPG et non IPG n’aurait pas de sens pour la presse en ligne. La presse papier tente d’établir une différence entre presse de distraction et presse de connaissance. Nous ne parvenons d’ailleurs pas bien à définir ces catégories et c’est pourquoi nous remettons toujours à l’année prochaine la réforme sur cette question. Je ne souhaite pas que la presse en ligne revendique avoir droit à tout.

M. François de Mazières. Nous partageons tous l’analyse de Mme Buffet sur la priorité à donner à la lecture publique. L’un des problèmes fondamentaux, aujourd’hui, ce sont les dotations aux collectivités territoriales. Tout repose sur les départements et surtout les communes : la baisse des dotations joue de façon très négative et certaines collectivités sont conduites à diminuer ou, le plus souvent, stabiliser les aides à la lecture.

Le rapport de Mme Duby-Muller est passionnant. Nous partageons tous la conviction qu’il s’agit d’un enjeu européen. La question qu’il faudra traiter est ainsi de savoir comment parvenir à une démarche européenne efficace, alors que le veto d’un seul pays empêche aujourd’hui d’obtenir ce qu’en France nous souhaitons.

Le rapport de M. Pouzol est extrêmement optimiste mais les conclusions d’un récent rapport de la Cour des comptes devraient conduire à tempérer cet optimisme. La première page du Parisien aujourd’hui montre bien qu’il y a une crise à France Télévisions ; il ne faut pas se le cacher. La nouvelle chaîne d’information est sur le grill car son audience est très faible. Quand nous avions entendu Mme Ernotte ici même, le 28 octobre 2015, elle s’était engagée à ce qu’il n’y ait pas de recrutements mais plutôt une nouvelle cohésion au sein des équipes rédactionnelles des différentes chaînes de France Télévisions. Or, au mois de mai dernier, des recrutements ont été annoncés, ce qui a provoqué un très vif émoi parmi les journalistes de l’audiovisuel public, notamment chez ceux qui ne sont pas titulaires de contrats longs ou de CDI, qui s’estiment marginalisés dans la création de cette nouvelle chaîne. Les engagements de la présidente de France Télévisions ne sont donc pas tenus, a priori. Pouvez-vous nous éclairer sur la stratégie assez floue, entre les déclarations et la pratique ?

Mme Brigitte Bourguignon. Je salue à mon tour la qualité des trois rapports qui nous sont présentés ce matin. Je me suis penchée plus particulièrement sur celui de Mme Buffet relatif à la lecture publique. Je retrouve avec plaisir ce thème que j’avais moi-même choisi pour le PLF 2014. Améliorer l’accès au savoir pour défendre les valeurs humanistes et républicaines, promouvoir la diversité culturelle et l’épanouissement de chacun, cela reste une nécessité impérieuse en ces temps de fragilités démocratiques.

Nous avons la chance d’avoir en France un maillage territorial exceptionnel en termes de bibliothèques, en comparaison de nos voisins anglais ou allemands. Si le dernier rapport de l’inspection générale des bibliothèques pointe un certain nombre de lacunes, il indique également que, pour desservir un territoire municipal ou intercommunal du point de vue de la lecture publique, il peut être recouru à d’autres dispositifs, tels que des services en ligne, sur place ou à distance, des services à domicile – portage –, des dispositifs intermédiaires comme les bibliobus de prêt direct ou des dépôts dans des structures autres que des bibliothèques.

Dans ma circonscription très rurale, des médiathèques, comme celle de Lumbres, ont permis une mise en réseau avec plusieurs petites bibliothèques au sein de communes rurales dans le canton. Ainsi, chaque citoyen, aussi éloigné soit-il, dispose de la même diversité d’ouvrages sur l’ensemble du territoire. Il faut aussi relever l’importance du dispositif précieux des contrats territoires lecture, qui a produit de bons résultats dans mon département durement frappé par la précarité. Ce type de partenariat a permis de mobiliser avec efficacité tous les acteurs de la lecture sur le territoire par la constitution de réseaux de lecture publique et par le développement des compétences professionnelles et bénévoles.

Oui, l’échelon départemental est primordial. Mais comme le souligne Vincent Monadé, président du CNL, l’importance est aussi dans le volontarisme et la mobilisation des communes, des intercommunalités, des associations, et de la place qu’elles souhaitent donner au livre. Tant que les maires soutiendront leurs bibliothèques, on peut être raisonnablement optimiste.

Je terminerai mes propos par deux questions. En 2015, le CNL a adopté une vaste réforme de ses dispositifs d’aides. La logique est désormais de concentrer les crédits sur une cible prioritaire pour un effet maximal, d’accompagner les projets développés par les bibliothèques en faveur des publics empêchés, dont ceux qui sont géographiquement, culturellement ou socialement éloignés du livre et de la lecture. Avez-vous des retours sur les résultats de ce nouveau dispositif ?

Ma seconde question porte sur le numérique. Si l’enjeu des bibliothèques de demain sera de ne plus être seulement des lieux de savoir et d’étude mais aussi des lieux de vie, il va de soi que le développement du numérique contribuera à leur attractivité, notamment pour les jeunes générations, amenées vers le livre par le biais des nouvelles technologies. En mars 2016, une première évaluation du dispositif prêt numérique en bibliothèque a été réalisée après un an d’expérimentation sur soixante bibliothèques pilotes. Elle a montré un succès croissant au fur et à mesure de l’enrichissement du catalogue numérique. Vous n’abordez pas cette question : est-ce délibéré ?

Mme Annie Genevard. Mon propos portera plus particulièrement sur le rapport de Mme Buffet consacré au livre et à la lecture publique, pan essentiel de la politique culturelle française, qui s’inscrit dans le temps et connaît de beaux succès : prix unique du livre, maillage territorial par de nombreuses bibliothèques, maintien d’un réseau de librairies – la situation française est exceptionnelle en Europe, alors que le réseau de librairies indépendantes a disparu dans certains pays tels que l’Espagne et l’Angleterre –, les salons du livre, les résidences d’auteur, les multiples opérations dont Mme Buffet a montré toute l’inventivité. À titre d’exemple, je salue l’initiative prise en France par le Lions Club, qui a installé dans plusieurs villes des boîtes à livres dans lesquels on peut déposer ses livres et en prendre ; c’est tout simple, cela ne coûte rien et cela a un succès fou.

Ce bilan ne doit pas occulter les fragilités. Vous avez, madame la rapporteure, souligné l’affaiblissement des départements dans le financement des bibliothèques départementales de prêt. Même s’ils ont conservé la compétence culturelle, les départements se sont vus imposer une purge budgétaire qui explique ces choix sans doute faits dans la douleur. De même, 17 % de la population française, soit plus de la moitié des communes, et près de onze millions de personnes n’ont pas accès à un lieu de lecture publique. Le combat doit donc continuer.

Vous n’en parlez pas mais les crédits d’État ont diminué ces dernières années. Par ailleurs, la fréquentation des bibliothèques publiques a également fléchi. Je ne sais pas si les deux tendances sont corrélées mais force est de constater que le nombre de personnes inscrites dans des bibliothèques pratiquant le prêt a chuté de plus d’un million sur un peu plus de six millions de lecteurs. Quelle en est la cause, alors même que l’édition, notamment en matière de livres pour enfants, connaît un développement remarquable, avec des livres de très grande qualité ? Le livre est une chaîne ; ce n’est pas que la lecture publique, mais aussi le réseau privé de librairies, et les organismes, publics et privés, qui promeuvent la lecture.

Dans L’Opinion de ce matin, je vous invite à lire, dans la rubrique « In folio », la présentation de l’ouvrage Librairies : Itinéraires d’une passion, sur les grandes librairies européennes.

M. Jacques Cresta. Ayant été cette année rapporteur sur le projet de COM de France Télévisions et l’an dernier rapporteur pour avis sur le budget de l’audiovisuel public, je souhaite interroger Michel Pouzol sur le budget 2017 de l’audiovisuel et en particulier sur la chaîne d’information continue Franceinfo.

Cette chaîne d’information réunissant les principaux acteurs de l’audiovisuel public est une avancée majeure pour la vitalité démocratique de notre pays. C’est, comme vous l’avez très justement souligné, monsieur le rapporteur, la fin d’une anomalie française qui portait gravement atteinte à la qualité de l’information en continu. Je salue le travail exemplaire des équipes qui ont collaboré pour mettre ce projet sur pied en un temps record, un service unique en son genre, associant les équipes de France Télévisions, Radio France, l’INA et France Médias Monde. Cette pluralité est aussi le gage d’un nouveau modèle d’information qui privilégie le décryptage et l’analyse, mais aussi la mise en perspective historique et culturelle, autant de clés de compréhension qui manquent jusqu’ici cruellement sur nos écrans.

Comme vous, je pense que la gouvernance allégée et le fonctionnement souple de la chaîne constituent un modèle de coordination dont pourraient s’inspirer les acteurs de l’audiovisuel public afin de mettre en œuvre les synergies de demain. J’en appelle à la responsabilité de l’État, qui doit assumer pleinement son rôle d’impulsion et de stratège.

J’aimerais revenir sur la place de France 3 au sein de la chaîne d’information. Dans mon récent rapport sur le COM de France Télévisions, je me suis particulièrement intéressé à l’avenir de l’offre régionale de France 3, qui suscite de nombreuses inquiétudes. Vous vous prononcez pour une meilleure mobilisation du réseau de France 3 et pour la formalisation possible d’une contribution directe spécifique des équipes à la chaîne d’information. Je partage avec vous l’idée que le maillage exceptionnel de France 3 ne peut que renforcer la spécificité du service public de la chaîne d’information et la qualité de ses programmes. J’émettrai néanmoins une inquiétude et une réserve. Si la participation des rédactions régionales et locales de France 3 à la chaîne d’information s’accentue, n’y a-t-il pas un risque que certaines éditions soient progressivement vidées de leur substance au bénéfice de la chaîne d’information ? Je pense tout particulièrement aux éditions locales de France 3, vitrine essentielle de la vie de nos territoires, dont la permanence est menacée par des difficultés croissantes dues au manque de volonté du groupe France Télévisions d’assurer les conditions nécessaires à leur diffusion sur tous les supports.

Mme Laurence Arribagé. Je salue à mon tour la qualité des trois rapports présentés ce matin.

Votre rapport, madame Duby-Muller, met en lumière les différentes actions, nationales comme européennes, de soutien en faveur de la presse numérique. Je ne peux que vous rejoindre dans votre appréciation, au nom du nécessaire pluralisme de l’information, indispensable à toute démocratie bien portante.

En France, la presse en ligne a vu récemment son champ d’opportunités s’élargir, notamment en matière d’innovation et d’entreprenariat avec la création, par exemple, du Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse.

Pour autant, il semblerait qu’un certain nombre d’obsolescences persiste et défavorise les nouveaux acteurs de l’information numérique, en particulier les nouveaux pure players. En particulier, il apparaîtrait que la dénomination de titres d’information politique et générale, dont la plupart des aides publiques dépendent, soit particulièrement inappropriée aux spécificités du digital et source d’incertitudes et de situations passablement discriminatoires.

De même, l’impossibilité réglementaire des titres numériques d’accéder au marché des annonces judiciaires et légales apparaîtrait aujourd’hui en contradiction avec la volonté du législateur en faveur de la diffusion toujours plus large et transparente de ces informations.

Ainsi, en dépit des ouvertures créées, on constate que les titres traditionnels imprimés ou bi-médias restent, de fait, largement privilégiés face aux aides publiques et parfois privées, comme dans le cas du Fonds Google pour l’innovation numérique de 2013, et ce, au détriment des nouveaux acteurs du web.

À ce titre, et compte tenu du fait que ce fonds expire a priori à la fin de l’année en cours, pourriez-vous clarifier les modalités de cautionnement du fonds européen Google Digital News Initiative, supposé lui succéder, et notamment les mesures qui permettraient à cette nouvelle initiative privée de surmonter les écueils de la version française ?

M. Hervé Féron. Madame Duby-Muller, comme c’est le cas pour la musique, il existe dans la presse des aides au pluralisme et à l’émergence. Cela constitue une première, et il est bon de remarquer que la puissance publique ne se contente pas de soutenir financièrement des médias existants, mais aussi la création de nouveaux médias, dans une logique d’innovation et de pluralisme. Comme vous, je suis convaincu de la nécessité de mettre en place une TVA super-réduite pour l’ensemble de la presse, y compris en ligne.

Vous abordez également le sujet de la mise en place d’un droit voisin pour les éditeurs et agences de presse. C’est un vrai sujet. Je me suis rendu compte récemment que les éditeurs, dans le domaine musical, manquaient cruellement de reconnaissance et qu’ils ne bénéficiaient d’aucun dispositif fiscal, à la différence, par exemple, des producteurs de disques, alors qu’ils sont aussi importants. Sur cette priorité, nous sommes en droit d’attendre que l’Europe mette fin à l’impunité légale et fiscale des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), afin, notamment, de contraindre Google Actualités à payer les éditeurs de presse, comme il le devrait. Cela pourrait passer, pourquoi pas, par la mise en place d’un droit voisin au bénéfice de ces derniers.

Monsieur Pouzol, vous ne vous étonnerez pas que je revienne sur le rôle de l’audiovisuel public vis-à-vis de la création musicale, et notamment de la création d’expression française. Je suis persuadé qu’il manque aujourd’hui une émission musicale de variétés régulière et à une heure de grande écoute à la télévision publique, avec une place pour les interprètes créateurs émergents en français. La spécificité de service public, le devoir d’exemplarité dont vous parlez si bien dans votre rapport ne rendent-ils pas nécessaire de revoir le COM de France Télévisions en ce sens ?

À la lecture de votre rapport, Madame Buffet, je pense à des initiatives prises en région parisienne, comme ces librairies solidaires qui proposent des livres en bon état, triés, donnés ou vendus à de très petits prix. Comme vous, je trouve cette idée très intéressante pour faciliter l’accès aux livres des catégories les plus modestes.

Même si on s’éloigne un peu de votre sujet, je voudrais savoir si vous avez pu prendre connaissance du bilan de l’ouverture récente, le dimanche, de cinq bibliothèques universitaires à Paris. Voyez-vous à cette ouverture le dimanche une utilité qui correspondrait à une forte demande des étudiants ?

Mme Dominique Nachury. Les trois rapports sont très riches d’informations et de perspectives, et donnent matière à débats.

Parmi ces débats, il y a celui de la gestion et de la réforme de France Télévisions. À cet égard, le rapport de la Cour des comptes du mois d’octobre dénonce une réorganisation inaboutie et appelle à une réduction des charges. Il pointe notamment la question des effectifs et les charges de personnel, qui ont augmenté de 13 % entre 2009 et 2015, malgré deux plans de départs volontaires à la retraite. Plus gênant, le rapport dénonce également le cumul entre les CDI et les CDD ou les CDD d’usage. À l’heure où l’on débat d’une éventuelle et significative augmentation de la redevance, il conviendrait de mettre un peu de clarté dans la façon de gérer le personnel de France Télévisions.

J’ai une question à poser à Mme Buffet. L’expérience des boîtes à livres, qui se développe au niveau municipal ou dans les associations, constitue-t-elle une initiative intéressante ou finalement anecdotique au regard de la question bien plus vaste de la lecture publique ?

M. Michel Pouzol, rapporteur pour avis. En ce qui concerne les « défaillances » de l’État, madame Martinel, le mot est un peu fort. Nous avons renforcé, au cours des années, l’indépendance de l’audiovisuel public et le rôle du CSA. On peut, certes, constater que les ministères de tutelle n’ont pas forcément joué leur rôle et qu’ils devraient le faire, a fortiori si ce type de projet devait se multiplier. Nous avons envisagé plusieurs pistes, qui restent à définir. Je pense, en effet, qu’on ne peut pas se passer d’une vision déterminée de l’État sur ces sujets, et notamment du ministère de la culture. C’est en ce sens que le terme de « défaillances » a été employé.

Monsieur Reiss, la perception de l’indépendance est effectivement très relative, mais, le jour où les rédactions de France Télévisions feront de la propagande pour le Gouvernement actuel, passez-moi un petit coup de fil, je suis curieux de voir cela et d’en mesurer l’efficacité ! Pour l’instant, cela ne m’a pas sauté aux yeux et je pense que ce n’est pas le sentiment général.

Plus sérieusement, la capacité de Franceinfo à tenir le budget est une question qui se pose globalement pour France Télévisions, on l’a vu avec le rapport de la Cour des comptes. J’y reviendrai tout à l’heure en répondant à Rudy Salles.

Par contre, ce dont je suis à peu près sûr, c’est que la chaîne d’information ne risque pas d’être une catastrophe budgétaire, parce que le poids de cette chaîne, basée sur une masse importante de redéploiements, n’est pas suffisamment lourd pour mettre en danger l’ensemble du groupe. Le financement de cette chaîne, assez modeste, prévient l’idée d’une catastrophe budgétaire.

Pour répondre à Rudy Salles, qui parlait du coût complet, il faut rappeler que comparer, aujourd’hui, des chaînes d’information privées et celle-ci est très difficile et peu réaliste puisque les modèles ne sont pas fondées sur les mêmes synergies. Nous disposons des surcoûts pour France Télévisions, c’est-à-dire ce qui n’est pas lié à des redéploiements. Nous pouvons donc à peu près évaluer le niveau de ce surcoût en période de croisière. Dans mon rapport, un tableau fait état d’une vingtaine de millions d’euros, supportés majoritairement par France Télévisions mais pas uniquement, et dont une partie se fera aussi par redéploiements. Ce montage budgétaire est l’assurance que cette chaîne est viable.

Y a-t-il trop de chaînes d’information ? La question mérite d’être posée, ce que je fais, d’ailleurs, dans mon rapport. Mais c’est le CSA qui peut juger de cet état de fait. Cela étant, la nécessité d’une chaîne publique d’information est incontestable, d’autant que lorsque nous avons auditionné les chaînes privées qui ont bien voulu se déplacer, personne n’a remis en cause la nécessité d’une chaîne d’information de service public.

Les audiences ad hoc étant une commande spécifique, elles ne peuvent pas être communiquées. C’est la nature du contrat. Pourquoi n’y a-t-il pas d’étude Médiamétrie pour l’ensemble de la chaîne ? C’est simplement une question de coût, qui représente aujourd’hui 10 % du budget de la chaîne. La direction a estimé que ce coût était disproportionné par rapport au résultat.

Par contre, il faut absolument que nous arrivions, à terme, à une évaluation de l’audience « quatre écrans » pour cette nouvelle offre. L’audience quatre écrans qui, je le rappelle, comporte notamment tout le numérique, est en effet fondamentale pour cette chaîne.

La première page du Parisien, que vous avez citée tout à l’heure, monsieur de Mazières, est effectivement catastrophiste. Je vous encourage à lire les deux pages suivantes où la seule allusion à Franceinfo consiste à dire que ce serait peut-être une porte de sortie par le haut pour la direction actuelle, ce qui est plutôt positif. Dans cet article, il est surtout question d’audience des émissions mais c’est un autre sujet.

Oui, il y a eu des recrutements extérieurs pour le lancement de Franceinfo. Je rappelle, dans le rapport, la nécessité de s’assurer que France Télévisions procèdera bien à quatre-vingt-huit redéploiements, pour atteindre les 175 équivalents temps plein prévus. Il faudra donc s’assurer que les projets de fusion des rédactions nationales et de non-renouvellement d’un départ à la retraite sur deux vont être mis en œuvre pour aboutir à 50 % de redéploiements et 50 % de recrutements extérieurs. C’est la viabilité de la chaîne qui en dépend. Mais, pour l’instant, les réponses qui nous ont été faites sont plutôt rassurantes, même si les choses ne seront pas simples.

Pour répondre à Jacques Cresta, la participation du réseau régional de France 3 à Franceinfo ne doit pas entraîner une régression de l’offre régionale et locale d’information. Nous devons y veiller. C’est pourquoi je rejoins la proposition, que vous avez formulée dans votre avis sur le projet de COM, de préciser et clarifier les objectifs de la nouvelle direction en matière d’évolution de l’offre régionale.

Il est toutefois important de remarquer qu’aujourd’hui, les premières réactions à l’égard de la chaîne info sont plutôt bonnes dans les antennes régionales, parce qu’elle crée une sorte de dynamisme, les chaînes régionales se contentant jusqu’à présent de nourrir deux éditions par jour. Il y a désormais la sensation qu’on peut nourrir une antenne à longueur de journée, donc, d’être proactif.

Cela étant, il faut veiller à aller au bout de la redéfinition de France 3, avec la fusion des rédactions nationales. Il faut que ce chantier aboutisse, faute de quoi France 3 serait potentiellement mise en danger. On peut, dans une certaine mesure, faire le parallèle avec Radio France et le réseau France Bleu. C’est pourquoi je propose, dans mon rapport, de trouver, au moins pour le numérique, des collaborations de ce type pour que ces deux réseaux retrouvent un peu plus de vitalité et que la démarche proactive des directions rassure les personnels et les chaînes. J’insiste sur la nécessité de mettre en place une stratégie forte pour l’offre numérique. Il y va de l’avenir de ces réseaux.

Monsieur Féron, je suis, comme vous, très attaché à la création musicale. Il conviendrait que France Télévisions se mette autour de la table avec les acteurs de la musique – producteurs, syndicats d’interprètes, etc. – pour définir une réelle identité musicale.

On a parfois du mal à différencier les chaînes du groupe France Télévisions. On se demande, par exemple, quelle est leur identité. La musique peut être un excellent facteur d’identification. On peut choisir une couleur globale pour certaines chaînes, ce qui permettra d’améliorer leur identification par rapport au public ciblé. C’est un vrai chantier que nous avons à mettre en œuvre. Nous avons – Hervé Féron n’y est pas pour rien – renforcé les quotas de diffusion française dans les radios. Ce serait dommage que nous ne puissions pas entamer, avec France Télévisions, un travail de réflexion plus coordonné et peut-être moins contraint, mais qui aille dans le même sens.

Si la musique avait totalement disparu de France Télévisions ces dernières années, les modules « Alcaline » et le retour de l’émission « Taratata », s’ils ne sont pas suffisants, redonnent tout de même une place à la musique sur les antennes de France 2 et peuvent constituer le point de départ d’une réflexion plus globale sur la place de la musique à France Télévisions. Nous devons certainement aller plus loin dans ce domaine, car c’est important économiquement et culturellement.

Enfin, Madame Nachury, je vais examiner le rapport de la Cour des comptes et regarder de très près le problème du cumul entre les CDI et les CDD ou les CDD d’usage.

Pour le reste, cette chaîne publique d’information est un modèle différent, qui nous permettra peut-être de voir sous un autre angle l’ensemble du fonctionnement de la chaîne, y compris en matière de synergies. On parle toujours de l’action nationale de France 3 et de France 2, mais on voit bien qu’en créant des synergies, on peut créer des zones qui, financièrement, permettraient de dégager des ressources ou, du moins, de baisser certaines dépenses. J’y crois beaucoup, mais il nous faudra être très vigilant, car ce n’est pas gagné d’avance. Pour l’instant, les choses sont suffisamment bien encadrées pour pouvoir y arriver, mais le chemin est encore difficile. C’est pourquoi je plaide à nouveau pour une vraie présence de l’État autour de la table, notamment pour exercer un contrôle un peu plus serré qu’une simple audition parlementaire par an et un COM tous les cinq ans.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Frédéric Reiss m’a interrogée sur la recommandation n° 4, qui vise à appuyer activement la reconnaissance d’un droit voisin au bénéfice des éditeurs de presse, prévue par la proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, publiée par la Commission européenne le 14 septembre dernier. L’intention de la Commission européenne est de trouver une solution structurelle et plus pérenne que le Fonds Google-AIPG ou le DNI  à travers la création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse.

Tous les représentants que j’ai pu rencontrer, qu’il s’agisse du SPIIL, du syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) ou du syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) se sont félicités de ce changement d’approche, qui modifiera profondément la donne et permettra aux éditeurs de presse de décider ex ante de céder, ou non, leurs droits à titre gratuit ou onéreux.

Il faudra veiller à ce que les représentants des États membres auprès des institutions européennes dépassent ce rapport conflictuel entre les éditeurs de presse et les infomédiaires. Les tentatives de régulation de 2013 et 2014 en Espagne et en Allemagne ont connu un échec relatif, mais on imagine mal que Google puisse, aujourd’hui, refuser de négocier avec l’ensemble des éditeurs de presse au niveau européen. C’est effectivement à l’échelon européen qu’on pourra peser davantage face au géant du numérique.

Michel Françaix a rappelé que la presse papier avait un coût beaucoup plus important que le numérique, qu’il s’agisse de l’impression ou de la distribution. Pour autant, le numérique impose également des investissements très lourds, en particulier les outils de gestion de l’abonnement numérique, les plateformes numériques, qui doivent être renouvelées tous les deux ans, la numérisation des fonds physiques et les dispositifs pour lutter contre le piratage. Plus récemment, nombre de sites en ligne ont mis en place la vidéo, élément très attractif et dynamique, qui permet d’augmenter l’audience.

Je rappelle quelques chiffres. Aujourd’hui, 93 % des aides bénéficient à la presse papier, alors que près de 60 % du lectorat de la presse se fait actuellement via le numérique. Il y a donc une marge de progrès pour rééquilibrer la situation. L’exclusion de la presse en ligne des aides au pluralisme pose question, le président de la CPPAP lui-même en convient.

J’en viens au débat sur la presse IPG et non-IPG. Certes monsieur Françaix, la presse en ligne n’a pas « droit à tout ». Mais, dans la mesure où 98 % des aides directes à la presse sont ciblées sur la presse IPG et que de nombreux pure players associant IPG et non-IPG sont exclus de ces aides parce qu’ils n’ont pas l’agrément de la CPPAP, cela pose question et montre l’inadaptation actuelle par rapport à l’évolution de la presse en ligne. Là encore, il y a place pour un rééquilibrage.

Le Huffington Post, par exemple, n’a jamais bénéficié de la moindre aide à la presse depuis sa création. Or, aujourd’hui, c’est le premier pure player et il touche près de 45 millions de pages vues, avec 25 millions de visites en juin 2016 et 4 millions de visiteurs par mois, ce qui n’est pas anodin.

Madame Arribagé, je regrette, comme vous, l’impossibilité, pour la presse en ligne, d’accéder au marché des annonces légales, ce qui pose question sur leur modèle économique et leur viabilité.

Vous m’avez également interrogée sur les modalités de fonctionnement du Fonds européen Google DNI. Effectivement, ses modalités seront différentes de l’actuel fonds Google, qui arrive à échéance en 2016. Il avait d’ailleurs été prolongé parce qu’il n’avait pas été intégralement consommé. Je rappelle que ce fonds a permis de mobiliser 60 millions d’euros sur trois ans. Le Fonds DNI n’aura pas la même gouvernance que le Fonds Google-AIPG puisque les éditeurs de presse ne sont pas présents au sein de son conseil d’administration. Les griefs en termes d’opacité et de collusion devraient donc perdre en légitimité, ce qui a parfois été relayé au cours de nos auditions. Le SPIIL a également loué ce mode de gouvernance, ainsi que l’ouverture à la presse non-IPG. Il s’agit, là encore, d’une évolution importante.

Par ailleurs, ce fonds a déjà lancé deux appels à projet, l’un au début de l’année 2016, l’autre en cours. Son conseil d’administration est appelé à se prononcer sur tout financement compris entre 30 000 euros et 1 million d’euros. Toutefois, il faut souligner que ce fonds n’est doté que de 150 millions d’euros sur trois ans, soit 50 millions par an, et qu’il est ouvert à l’ensemble des éditeurs de presse à l’échelle européenne. Par conséquent, les éditeurs français ne pourraient espérer des financements qu’à hauteur de 5 à 10 millions d’euros par an au maximum, soit, au final, quatre fois inférieurs au financement annuel actuellement prévu pour le Fonds Google-AIPG.

Mme Marie-George Buffet, rapporteure pour avis. Je commencerai par la question de Mme Genevard sur l’affaiblissement de la fréquentation et la baisse des moyens accordés à la lecture publique. L’affaiblissement de la fréquentation ou, du moins, le fait que l’on n’arrive pas à gagner suffisamment de nouveaux publics, est lié à plusieurs facteurs, qui ne peuvent se résumer aux moyens. Il y a d’abord l’apprentissage du rapport au livre. Je suis frappée de constater la différence, en termes de développement, entre un enfant qui a la possibilité de toucher un livre, geste très important pour le rapport futur à la lecture, et qui bénéficie de la présence d’adultes lisant des livres et leur racontant des histoires, et un enfant qui n’a pas accès aux livres. Tout ce qui peut permettre de généraliser ce lien précoce entre le livre en tant qu’objet, la lecture et l’enfant, est très important pour le développement du langage et l’envie de découvrir à travers la lecture. Mais il y a également le rapport aux livres dans le cadre de l’école, au-delà des livres scolaires.

Nous avons auditionné des représentants de l’Institut de recherches de la Fédération syndicale unitaire (FSU), dont les propos nous ont frappés. Je pense, par exemple, à l’idée que, dans la formation des adultes, le temps de lecture est considéré comme du temps perdu, comme si, aujourd’hui, la formation passait par bien d’autres choses, comme les stages ou le monitoring, et que prendre le temps de lire pour avoir une culture générale, dont a besoin un enseignant, était vécu par les enseignants eux-mêmes comme du temps perdu. Replacer la lecture comme un élément de formation tout au long de la vie, un élément de connaissance et d’ouverture, demande une ambition publique. C’est ce que j’ai voulu traduire à travers ce rapport.

Vous êtes, par exemple, maire d’une ville, et vous constatez que les livres sont là et que la bibliothèque fonctionne. Selon les années, il y a plus ou moins de lecteurs, les âges varient etc. Pourtant, il faudrait secouer un peu le cocotier, car il y a sans doute beaucoup de choses à revoir en matière de services et d’espaces.

Madame Bourguignon, nous avons un formidable maillage, avec 16 300 lieux de lecture publique. Mais il y a aussi des déserts. Dans mon rapport, je cite quatre départements où il semble n’y avoir aucune volonté publique de donner accès à la lecture, que ce soit dans les villes ou dans les zones rurales.

Il faut aussi une certaine conception de la proximité. Dans un département comme le mien, il y a de magnifiques bibliothèques ou médiathèques, ainsi que des bibliothèques de proximité et des boîtes à livres. Tout cela est nécessaire, mais ne suffit pas, en soi, à gagner de nouveaux lecteurs et lectrices sans un travail de médiation.

Certaines bibliothèques de proximité, ouvertes au cœur des cités, fonctionnent grâce à la médiation d’un personnel qualifié, tandis que d’autres n’arrivent pas à capter le public alentour. Lors de nos auditions, nombre d’intervenants ont insisté sur l’importance d’avoir un personnel suffisamment qualifié pour guider, encourager, informer les personnes qui passent la porte de la bibliothèque ou de la médiathèque.

J’en reviens à la question de Mme Genevard. Tout cela demande des moyens. Il faut du personnel qualifié en nombre et des espaces de qualité. Je pense à la bibliothèque de La Courneuve, qui a été installée dans l’ancienne usine Mécano. C’est un bâtiment magnifique, avec un mélange d’ancien, de friche industrielle et de moderne. C’est aussi un lieu accueillant, où transparaît la volonté d’affecter des personnels capables d’accueillir tous les publics.

Je le répète, cela demande des moyens, et les personnels s’inquiètent de ce qui pourrait être, non un recul des moyens, mais une stabilisation qui ne permettrait pas d’évoluer vers une nouvelle conception de l’accès à la lecture publique.

En ce qui concerne le Centre national du livre (CNL), en 2015, 156 aides ont soutenu les achats de collections adaptées à certains publics. Ainsi, la bibliothèque de La Courneuve possède un fonds tamoul, pour répondre aux aspirations d’un grand nombre de familles originaires du Sri Lanka. Le financement d’un fonds étranger permet d’attirer de nouveaux publics dans la bibliothèque.

Si je n’ai pas parlé du numérique, c’est que cette question a été très peu abordée au cours de nos auditions. Comme si le numérique était devenu quelque chose d’ordinaire dans les lieux de lecture, sans produire un déclic justifiant qu’on en parle comme d’une solution pour augmenter le lectorat dans les bibliothèques.

En ce qui concerne l’ouverture des bibliothèques le dimanche dans les universités, je n’ai pas de statistiques à vous fournir. Par contre, l’ouverture le dimanche et les horaires étendus à la BPI sont un succès. Toutefois, l’ouverture le dimanche n’est pas la réponse adaptée à tous les territoires. Dans certains territoires, c’est l’ouverture plus tard le soir, par exemple, qui peut faciliter l’accès. Il ne faut pas faire une doctrine de l’ouverture le dimanche, mais veiller à ce que les horaires d’ouverture correspondent au public de chaque territoire.

Madame Genevard, j’ai tenu à parler des librairies, parce que je n’oppose pas la librairie indépendante à la bibliothèque publique. Sur un territoire comme le mien, j’ai vu fermer les bibliothèques les unes après les autres, les commandes publiques disparaître du jour au lendemain… Dans certaines villes, il n’y a, parfois, même plus d’accès à la presse. Il y a, dans ma circonscription, une ville dans ce cas. La proximité des librairies et des maisons de la presse est importante. Comment acheter un journal s’il faut, pour cela, faire des kilomètres ? Le journal doit pouvoir être acheté à proximité du domicile, sur le trajet du travail ou de l’université. La disparition des librairies ou des maisons de la presse a entraîné un recul au niveau de la lecture.

M. le président Patrick Bloche. Chers collègues, pour conclure cette matinée, je vous invite, comme chaque année, à vous rendre au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, qui aura lieu le premier week-end du mois de décembre. On y voit réunis les acteurs de la presse et du livre jeunesse, acteurs privés, acteurs publics, avec les jeunes générations, dans la démarche de transmission qui nous anime tous.

À l’issue de la commission élargie, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine, pour avis, les crédits pour 2017 de la mission « Médias, livres et industries culturelles».

M. le président Patrick Bloche. Nous n’avons pas d’amendement à examiner.

Je consulte donc la commission sur les crédits pour 2017 de la mission « Médias, livre et industries culturelles », avec un avis favorable de M. Michel Pouzol, rapporteur pour avis sur les crédits de l’audiovisuel public, et de Mme Marie-George Buffet, rapporteure pour avis sur les crédits du livre et des industries culturelles, et une abstention de Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis sur les crédits de la presse.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias livre et industries culturelles » pour 2017.

Puis la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS

(par ordre chronologique)

– Actions culturelles contre les exclusions et les ségrégations (ACCES) – Mme Marie Bonnafé, présidente, M. Evélio Cabrejo-Para, vice-président, et M. Olwen Lesourd, délégué général

– Agence quand les livres relient – Mme Dominique Rateau, présidente, et Mme Léo Campagne-Alavoine, directrice

– ATD Quart Monde – M. Denys Rochette, responsable du pôle politique d’ATD Quart Monde France, et Mme Marion Blank, déléguée ATD Quart Monde Paris, représentante d’ATD Quart Monde au CESER Île-de-France, animatrice 8 ans puis responsable de bibliothèque de rue

– La petite bibliothèque ronde – M. Olivier Ponsoye, président, et Mme Marion Moulin, directrice

– Lecture jeunesse – Mme Marie-Christine Ferrandon, présidente, et Mme Sonia Deleusse-Le Guillou, directrice

– Lire et faire lire – Mme Michèle Bauby-Malzac, présidente, et M. Laurent Piolatto, délégué général

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