Texte de la question
Mme Christine Pires Beaune attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, s'agissant des règles relatives à la commande publique. À l'aune du droit existant, lorsqu'une collectivité ou une entité publique est propriétaire d'un bâtiment abritant une activité économique et que ce dernier subit un accident, aucune disposition ne permet de déroger aux règles de la commande publique exigeant le respect d'une procédure de mise en concurrence et de publicité, pour la reconstruction dudit bâtiment. Or cela entraîne possiblement des délais excessivement longs entre la date de survenance de l'accident et la reconstruction dudit bâtiment. Cela n'est pas sans conséquence sur la situation des salariés ainsi que s'agissant de la vitalité économique des territoires. En effet, hormis les cas où le contrat serait conclu entre personnes publiques-organismes de droit public, entre un pouvoir adjudicateur et une entité adjudicatrice ainsi que dans le cas dit du in house, ce sont les articles R. 2122-1 à R. 2122-11 du code de la commande publique qui définissent les exceptions à ces règles de passation. L'article R. 2122-1 de ce code prévoit notamment une exception en cas « d'urgence impérieuse » qui tient bien souvent à des enjeux de sécurité ou encore de santé publique. Ainsi, elle souhaite savoir s'il serait possible d'étendre cette exception à des situations d'ordre économique. En effet, elle lui demande si l'on ne pourrait pas considérer que l'arrêt d'une activité économique et la situation de chômage qui s'en suit pour les salariés ne justifie pas d'une « urgence impérieuse » pour ces derniers, pour l'entreprise comme pour la collectivité concernée.
Texte de la réponse
Conformément aux dispositions de l'article R. 2122-1 du code de la commande publique, l'acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsqu'une urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures et qu'il ne pouvait pas prévoir ne permet pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées. Le marché doit alors être limité aux prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d'urgence. Il doit également y avoir un lien de causalité entre l'événement imprévisible et l'urgence qui en résulte (CJUE, 15 oct. 2009, C-275/08). L'article R. 2122-1 du code de la commande publique mentionne, à titre d'illustration, un certain nombre d'hypothèses permettant le recours à cette procédure. Il mentionne par exemple, et pour autant qu'il y ait urgence selon les critères précités, les marchés rendus nécessaires pour l'exécution d'office des travaux mentionnés aux articles L. 1311-4, L. 1331-24, L. 1331-26-1, L. 1331-28, L. 1331-29 et L. 1334-2 du code de la santé publique et des articles L. 123-3, L. 129-2, L. 129-3, L. 511-2 et L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les marchés passés pour faire face à des dangers sanitaires définis aux 1° et 2° de l'article L. 201-1 du code rural et de la pêche maritime. Il ne se prononce pas, par contre, sur son applicabilité dans la situation où un bâtiment appartenant à une personne publique et abritant une activité économique nécessite des travaux de reconstruction à la suite d'un accident. D'interprétation stricte (CJCE, 10 avril 2003, C-20/01 et C-28/01 ; CJUE, 20 juin 2013, C-352/12), l'urgence impérieuse est susceptible de concerner, notamment, les premières interventions rendues nécessaires en cas de survenance d'une catastrophe naturelle, la nécessité d'engager la recherche de victimes d'une catastrophe aérienne ou bien la réalisation de travaux de consolidation d'ouvrages ou infrastructures menaçant la sécurité des personnes (CAA Marseille, 12 mars 2007, n° 04MA00643). Ces situations, qui ne peuvent être constatées qu'au cas par cas sur décision des acheteurs, nécessitent une action immédiate et justifient de déroger aux règles de publicité et de mise en concurrence prévues par le code de la commande publique. Le risque lié à l'interruption d'une activité économique et aux pertes d'emplois qui pourraient en résulter ainsi que la nécessité de préserver la vitalité économique des territoires ne suffisent pas, à eux seuls, à remplir les conditions de recours à la procédure de l'article R. 2122-1 du code de la commande publique. Compte tenu de la possibilité, dans la majorité des cas, de recourir à des solutions alternatives de relocalisation temporaire ou définitive des activités économiques hébergées et du temps nécessaire à la reconstruction d'un bâtiment, le recours à une procédure négociée, sans publicité ni mise en concurrence préalables, sur le fondement de l'urgence impérieuse, pour passer un marché de travaux ne paraît pas justifié. La prise à bail ou l'achat de locaux existants peut être menée à bien dans des délais plus rapides, sur le fondement du 1° de l'article L. 2512-5 du même code. Une disposition législative ou réglementaire qui qualifierait toutes les situations de ce type d'urgence impérieuse pour déroger aux règles de publicité et de mise en concurrence préalable pour la passation des marchés publics placerait par ailleurs la France en situation de manquement à ses obligations de transposition du droit européen, conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE, Ass., 28 février 1992, SA Rothmans International France et SA Philip Morris France, n° 56776 et 56777), et ne protégerait pas les marchés publics ainsi passés contre le risque d'annulation.