Texte de la question
M. André Chassaigne interroge M. le ministre de l'éducation nationale sur les conséquences pour les enseignants de la disparition des heures pleines de latin et de grec ancien dans le cadre de la réforme du collège. En effet, la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République a entériné la dilution des heures pleines de latin et de grec ancien en « projets » dans les heures d'enseignement pratique interdisciplinaire (EPI). Les enseignants de langues anciennes, mis devant le fait accompli, avaient fait part de leur grande inquiétude face à cette perspective. Si certaines heures d'enseignement du latin et du grec en collège se font aujourd'hui dans le cadre de l'enseignement des « langues et cultures de l'Antiquité », cet enseignement pratique interdisciplinaire est loin de compenser la suppression des heures pleines et la possibilité d'un enseignement de complément en langues anciennes aux élèves qui souhaitent approfondir ces disciplines. D'année en année, au travers de la diminution progressive des heures d'enseignement, ces enseignants se voient contraints de changer d'affectation et d'enseigner dans de nombreux établissements parfois très éloignés les uns des autres afin de compléter leur service. Cette situation n'est pas sans créer des inégalités entre enseignants. Aussi, il souhaiterait connaître la position de M. le ministre quant au rétablissement de l'enseignement en heures pleines de ces enseignements en collège et lycée. Il lui demande par ailleurs quelles dispositions sont prévues pour prendre en compte la dégradation de leurs conditions de travail au regard des conséquences de la mise en œuvre de cette réforme.
Texte de la réponse
Le ministre de l'éducation nationale porte une attention toute particulière aux langues et cultures de l'Antiquité (LCA). Dès le 16 juin 2017 a été publié l'arrêté modifiant l'arrêté du 19 mai 2015 relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de collège. L'article 7 rétablit un véritable enseignement de lettres et cultures de l'Antiquité. Ce texte établit l'existence d'enseignements facultatifs qui ne sont plus nécessairement liés à un enseignement pratique interdisciplinaire (EPI). Il est notamment créé l'enseignement facultatif de « langues et cultures de l'Antiquité au cycle 4, dans la limite d'une heure hebdomadaire en classe de cinquième et de trois heures hebdomadaires pour les classes de quatrième et de troisième ». La mise en œuvre de cet enseignement est confortée par la publication de la circulaire no 2018-012 du 24 janvier 2018 qui rappelle les évolutions réglementaires récentes et explicite les recommandations à respecter pour garantir à cet enseignement l'enrichissement et l'efficacité qu'il peut assurer à tous les élèves en matière de maîtrise des savoirs fondamentaux de la langue française et d'émancipation grâce à une culture générale humaniste. Cette circulaire précise qu'un enseignement pratique interdisciplinaire (EPI) portant sur un sujet emprunté aux LCA peut être également proposé aux élèves dès la classe de sixième, puisque les EPI et les projets qui en résultent ne sont plus réservés au cycle 4. Il s'agit bien d'informer au plus tôt et concrètement les élèves par une découverte ancrée dans les langues et cultures de l'Antiquité afin de susciter chez eux l'envie de poursuivre cette approche. La circulaire précitée propose également que l'horaire global et maximal de sept heures d'enseignement des LCA sur le cycle 4 puisse être modulé différemment selon les besoins pédagogiques de l'établissement, si telle a été la décision du conseil d'administration. Par ailleurs, le 5 septembre 2017, le ministre a confié à M. Charvet, inspecteur général honoraire de lettres, et à M. Bauduin, inspecteur d'académie – inspecteur pédagogique régional de lettres, la mission de valorisation des langues et cultures de l'Antiquité dont le rapport « Les Humanités au cœur de l'école » a été rendu au ministre le lundi 29 janvier 2018. Ce rapport préconise différentes mesures dont certaines sont déjà en cours d'élaboration. Il s'agit en premier lieu de développer la conscience linguistique des élèves, notamment aux cycles 3 et 4, en favorisant chez eux l'apprentissage du lexique par le biais de l'étymologie et de l'histoire des mots. Des fiches-ressources à destination des enseignants sont en cours de rédaction et seront présentées à l'occasion du séminaire national de mai 2018. Ce séminaire intitulé « L'apprentissage du lexique par l'histoire des mots et les pratiques théâtrales au cycle 3 » proposera également des démarches pédagogiques innovantes fondées, notamment, sur la pratique théâtrale. Il est par ailleurs prévu la création d'une maison numérique des Humanités, nommée « Odysseum », qui offrira à des publics divers des portails multiples d'entrée dans la culture humaniste. Cette revalorisation des langues et cultures de l'Antiquité offrira des conditions plus stables d'enseignement aux professeurs de lettres classiques et suscitera plus d'attrait pour les concours de recrutement. Au regard de l'infructuosité chronique des concours et de la baisse du nombre de candidats, moins de postes ont été proposés aux concours. Entre 2016 et 2018, le nombre de postes a baissé de 17 % car le nombre de candidats a baissé de 17 %. Grâce aux propositions du rapport « Les Humanités au cœur de l'école » de MM. Charvet et Bauduin, les épreuves du CAPES externe de lettres classiques seront revues, pour la session 2019, notamment l'épreuve de thème/version afin d'être plus en phase avec le parcours et le niveau des étudiants. En outre, afin d'élargir le vivier des candidats, un CAPES "troisième voie"de lettres classiques pourra être ouvert à la prochaine session. Ce CAPES"troisième voie" est réservé aux candidats ayant cinq ans d'ancienneté dans le secteur privé et qui souhaitent, dans le cadre d'une seconde carrière, rejoindre le corps professoral. Par ailleurs le rapport préconise également de définir une planification pluriannuelle du volume de postes ouverts aux concours ainsi que la mise en place d'une certification complémentaire de LCA ouverte à différentes disciplines. Ainsi, par ces diverses mesures et ressources, les langues et cultures de l'Antiquité sont valorisées afin d'offrir à tous l'accès aux éléments fondamentaux d'une culture partagée.