Abolition de la peine de mort

Partager

Discours de Robert Badinter à la tribune de l'Assemblée nationale

Discours de Robert Badinter à la tribune de l'Assemblée nationale

L’abolition de la peine de mort

Le 18 septembre 1981, par 363 voix contre 117, l'Assemblée nationale adopte, après deux jours de débats, le projet de loi portant abolition de la peine de mort présenté, au nom du Gouvernement, par Robert Badinter, garde des Sceaux, ministre de la justice. Douze jours plus tard, le texte est voté dans les mêmes termes par le Sénat, par 160 voix contre 126. La loi portant abolition de la peine de mort est promulguée le 9 octobre 1981.

C'est l'aboutissement du combat mené depuis deux siècles par tous ceux qui, dans les enceintes parlementaires, dans les prétoires ou dans leurs écrits, ont défendu la cause de l'abolition devant une opinion réticente, voire résolument hostile.

  

Un long combat vers l'abolition

Longtemps perçue comme une réparation indispensable et comme une garantie de sécurité pour les sociétés, la peine de mort n’est contestée dans sa légitimité qu’à partir du XVIIIe siècle, concomitamment aux débats sur l’État de droit et le sens de la peine.

La lutte pour l'abolition de la peine de mort

Quelques chiffres sur la peine de mort dans l’histoire

   

Le Parlement se saisit

Dans certains cahiers de doléances qui préparent les États généraux de 1789, on trouve des propositions relatives à la peine mort. Les révolutionnaires s’emparent du sujet lors d’un grand débat qui se tient les 30 mai et 1er juin 1791 à l’Assemblée nationale. L’abolition est alors votée mais « à dater du jour de la publication de la paix générale ». Défendue par Lamartine durant la Monarchie de Juillet, l’abolition en dépasse le stade du débat. Malgré l’engagement de Victor Hugo, elle n’aboutit pas non plus en 1848. Comme le relève Robert Badinter, alors même que tout était réuni, les débats de 1907-1908 constituent un nouveau « rendez-vous manqué ».

Deux siècles de débat à l'Assemblée nationale, 1789-1979

- Voir le débat de 1791 à l'Assemblée constituante

- Voir le débat de 1908 à la Chambre des députés

  

La peine de mort en procès devant l'opinion publique

Après la Seconde guerre mondiale, de nombreux intellectuels se mobilisent en faveur de l’abolition. Parmi eux, s’engage tout particulièrement Arthur Koestler qui publie de nombreux essais. Avec Albert Camus, il cosigne en 1957 Réflexions sur la peine capitale. L’ouvrage connaît un grand succès dans tout l’Europe et contribue au débat britannique conduisant l’abolition de la peine de mort au Royaume-Uni en 1969. Dans les années 1960 et 1970, de grands avocats s’engagent également contre la peine de mort alors même que l’opinion publique semble y demeurer favorable.

En savoir plus

  

17 et 18 septembre 1981 : les députés se déterminent

Fidèle à la promesse faite pendant la campagne présidentielle, François Mitterrand, dès sa prise de fonction, demande au garde des Sceaux, Robert Badinter, de préparer un projet de loi abolissant la peine de mort. La procédure est conduite avec une exceptionnelle célérité : passage en Conseil des ministres le 26 août 1981, adoption par la commission des lois le 10 septembre, examen en séance publique et adoption par l'Assemblée nationale les 17 et 18 septembre.

Malgré un sondage publié le premier jour du débat, qui donne 62 % d'opinions favorables au maintien de la peine capitale, la victoire, préparée par deux siècles de combats, est désormais acquise, chacun ayant conscience que le temps était venu pour la France d'accorder sa législation à celle des autres pays de l'Europe occidentale. Le seul point de divergence soulevé par les abolitionnistes "conditionnels" portait sur l'institution immédiate d'une peine de remplacement, mais l'accord se fait pour traiter cette question ultérieurement, à l'occasion de la réforme du code pénal.

Consulter des extraits des débats de 1981

Consulter le dossier législatif

L’adoption de la loi ne clôt cependant pas le débat : jusqu’en 2004, des députés déposent en effet des propositions de loi visant à rétablir la peine de mort.

Les initiatives de députés visant au rétablissement de la peine de mort

  

De 1985 à 2007 : la consécration conventionnelle et constitutionnelle de l’abolition de la peine de mort

Après le vote de la loi, la France consacre l’irréversibilité de cette réforme en ratifiant le sixième protocole additionnel à la convention de sauvegarde des Droits de l'Homme portant abolition de la peine de mort. Acquise le 20 décembre 1985 par un vote de l'Assemblée nationale, cette ratification scelle l'engagement de la France de bannir la peine de mort de sa législation pénale.

Le 15 décembre 1989, la France signe le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. À Vilnius, le 3 mai 2002, elle signe ensuite le protocole n° 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances.

Saisi par le Président de la République, le Conseil constitutionnel considère en 2005 que la ratification du deuxième protocole facultatif ne peut « intervenir qu'après révision de la Constitution ». En effet, en s’engageant irrévocablement à abolir la peine de mort, « même dans le cas où un danger exceptionnel menacerait l'existence de la Nation », le protocole porte « lors atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ».

Voir la décision n° 2005-524/525 DC du 13 octobre 2005

À l'occasion de la présentation des vœux du Conseil constitutionnel le 2 janvier 2006, M. Jacques Chirac, Président de la République, annonce donc son intention d'engager le processus de révision de la Constitution. « Une telle révision, en inscrivant solennellement dans notre Constitution que la peine de mort est abolie en toutes circonstances, consacrera l'engagement de la France. Elle témoignera avec force de notre attachement aux valeurs de la dignité humaine ».

Lors de la présentation du projet de loi au Conseil des ministres du 17 janvier 2007, M. Jacques Chirac, Président de la République, précise :

« Avec ce projet de loi, la France va affirmer dans sa loi fondamentale son attachement solennel au respect absolu de la vie humaine, inviolable et sacrée en toute circonstance.

Cela interdira le rétablissement d'une peine inhumaine, qui ne saurait constituer un acte de justice.

Cela permettra aussi à la France de poursuivre son action en faveur de l'abolition universelle, alors que 78 pays appliquent encore ce châtiment.

Le Parlement sera réuni en Congrès en vue de l'adoption de ce texte avant la fin des travaux parlementaires ».

Le projet de loi constitutionnelle est déposé à l'Assemblée nationale le 17 janvier 2007, sous le n° 3596. Il comprend un article unique, ainsi rédigé :

Article unique

Il est ajouté au titre VIII de la Constitution un article 66-1 ainsi rédigé :

« Art. 66-1. - Nul ne peut être condamné à la peine de mort. »

Consulter le dossier législatif du projet de loi constitutionnelle relatif à l'interdiction de la peine de mort

   

Un engagement international

En 2020, l’ONG Ensemble contre la peine de mort dénombre encore 52 États ou territoires appliquant la peine de mort et 146 où elle est abolie ou ne s’applique pas. L’État de Virginie (États-Unis) est le dernier territoire à avoir voté l’abolition le 22 février 2021.

Parmi ces 146 États ou territoires, on compte :

-          106 États ou territoires abolitionnistes pour tous les crimes

-          9 États ou territoires abolitionnistes pour les crimes de droit commun (la peine de mort y est abolie sauf pour des circonstances exceptionnelles)

-          31 États ou territoires ayant prononcé un moratoire aux exécutions, n’ayant pratiqué aucune exécution depuis 10 ans et ne s’opposant pas à la dernière résolution des Nations unies en faveur d’un moratoire universel sur les exécutions et/ou ayant ratifié le deuxième protocole facultatif

En savoir plus