N° 1801 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 septembre 2004 RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ sur les conventions collectives des personnels de l'audiovisuel public ET PRÉSENTÉ PAR M. Patrice Martin-Lalande, -- SOMMAIRE ___ Pages INTRODUCTION 9 A.- LES RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE DE LA COUR DES COMPTES SUR L'INCIDENCE DES CONVENTIONS COLLECTIVES DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC 11 1.- Un bilan mesuré : le rôle des conventions collectives dans l'évolution des charges 12 2.- Des incidences négatives significatives sur l'organisation du travail et le fonctionnement des entreprises 14 3.- La convention collective : un instrument de gestion des ressources humaines qui doit s'adapter à l'évolution de la profession 17 B.- LA GESTION DES INTERMITTENTS DU SPECTACLE DANS L'AUDIOVISUEL PUBLIC : UNE PROBLÉMATIQUE LIÉE À CELLE DES CONVENTIONS COLLECTIVES 19 1.- Le constat du recours important à l'intermittence dans le secteur audiovisuel public 20 2.- Un lien manifeste entre le recours aux intermittents et les modalités d'organisation du travail des permanents 21 a) Négocier une réorganisation du travail des permanents pour augmenter leur disponibilité réelle et assurer un équilibre meilleur entre emploi permanent et emploi précaire 21 b) Inclure dans le dialogue avec les tutelles une appréciation complète de la situation de l'emploi. 22 c) Convenir de règles communes dans l'ensemble de l'audiovisuel pour aboutir à une régulation globale et durable de l'intermittence sous la forme d'une convention de branche. 22 C.- QUELLES ÉVOLUTIONS SOUHAITABLES ? 23 1.- Des solutions simples mais insatisfaisantes 23 a) Le statu quo : une gestion pragmatique, en marge d'une convention collective inchangée 23 b) La sortie de la convention collective 24 2.- La voie la plus ambitieuse mais aussi la plus réaliste : des accords d'entreprise dans le cadre d'une convention de branche 25 a) La nécessité de disposer d'un outil adaptable 25 b) Le développement des accords d'entreprise : poursuivre une voie pragmatique 26 c) La nécessité de promouvoir une négociation collective au niveau de la branche 27 ANNEXE 1 33 EXTRAITS DU RAPPORT SPÉCIAL N°3320-ANNEXE 10 DE M. JEAN-MARIE LE GUEN SUR LE PROJET DE BUDGET DE LA COMMUNICATION POUR 2002 (8 NOVEMBRE 2001) 33 ANNEXE 2 35 ÉVOLUTIONS RÉCENTES DE DIFFÉRENTES CONVENTIONS COLLECTIVES DE BRANCHES PROCHES DE CELLES DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC 35 ANNEXE 3 39 LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES 39 EXAMEN EN COMMISSION 41 COMMUNICATION À LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE 47 L'INCIDENCE, SUR LA GESTION DES ENTREPRISES DU SECTEUR PUBLIC DE L'AUDIOVISUEL, DES CONVENTIONS COLLECTIVES QUI S'APPLIQUENT À ELLES, AINSI QUE DE LEURS MODALITÉS DE MISE EN œUVRE 47 INTRODUCTION 51 1.- La grande diversité des sociétés concernées 52 2.- L'évolution des rémunérations () 53 3.- La multiplication des accords d'entreprise 56 PREMIÈRE PARTIE 57 ÉVALUATION DU DISPOSITIF CONVENTIONNEL 57 I.- LES RÉMUNÉRATIONS 57 A.- UN SYSTÈME VALORISANT L'ANCIENNETÉ 57 1.- Le blocage du point d'indice 58 2.- La double rémunération de l'ancienneté 58 3.- L'absence de liberté de fixation des salaires 59 4.- Des mesures individuelles d'augmentation étroitement encadrées 59 B.- UNE NÉGOCIATION QUI ABOUTIT AU RENFORCEMENT DES AUTOMATISMES 60 C.- LES ACCORDS DÉROGATOIRES À LA CONVENTION COLLECTIVE 62 D.- LE COÛT DU VIEILLISSEMENT DES PERSONNELS 63 E.- LA MULTIPLICATION ET LA SUPERPOSITION DES PRIMES 65 1.- Les primes destinées à motiver l'encadrement 66 2.- Les primes versées aux autres catégories de salariés 67 F. LES AUTRES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DES RÉMUNÉRATIONS 68 1.- Les heures supplémentaires 68 2.- Les heures accomplies de nuit 69 3. - Le travail des jours fériés 69 4.- Le travail du dimanche 70 5.- Le régime des congés rémunérés 70 6.- Les indemnités conventionnelles de départ 71 II.- LE PARITARISME 74 A.- LE DISPOSITIF CONVENTIONNEL 75 1.- La CCCPA 75 2.- L'avenant audiovisuel à la CCNTJ 75 3.- Les règlements intérieurs 76 B.-LA PRATIQUE 77 1.- L'implication des organisations syndicales dans des décisions de gestion 77 2.-Le poids des procédures paritaires 79 C.- LA GESTION DES œUVRES SOCIALES 79 III.- LA NOMENCLATURE DES EMPLOIS 80 A.- L'INADAPTATION CROISSANTE DE LA CCCPA 81 1.- Des définitions de fonctions figées 81 2.- Un cadre fonctionnel remis en cause 81 3.- Une adaptation du cadre fonctionnel hors de la CCCPA 82 B.- LE DÉCOUPLAGE DU VOLET FONCTIONNEL ET DU VOLET SALARIAL POUR LES PTA 84 1.- Les incidences du gel du point d'indice 84 2.- Les conséquences du vieillissement démographique 85 C.- L'ÉVOLUTION DE LA SITUATION DES JOURNALISTES 85 D.- LE RECOURS AU PERSONNEL NON PERMANENT 86 1.- Un suivi approximatif 86 2.- Le niveau général de recours aux salariés non permanents 87 3.- Le risque de requalification 89 DEUXIÈME PARTIE 90 LA VIE DE LA CONVENTION 90 I.- LE CADRE CONVENTIONNEL 90 A.- ASPECTS GÉNÉRAUX 90 B.-LES STIPULATIONS ENCADRANT LA VIE DE LA CONVENTION 91 1.- La révision 91 2.-La dénonciation 91 3.-La tentative de révision de 1995 92 4.- Révision et dénonciation de l'avenant audiovisuel à la CCNTJ 92 C.- UN TEXTE FIGÉ DEPUIS DIX ANS 92 1.- Une négociation au niveau du secteur, jusqu'en 1993 92 2.- La valeur juridique des normes conventionnelles 93 D.- LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION 94 II.- LES SCÉNARIOS POSSIBLES 96 A.- LE MAINTIEN DES PRATIQUES CONVENTIONNELLES ACTUELLES 96 1.-La CCCPA, socle de base des relations sociales du secteur 96 2.- Une négociation maintenue au niveau des entreprises 96 3.-Les difficultés de mise en oeuvre 96 B.-LA DÉNONCIATION DE LA CONVENTION COLLECTIVE 97 1.- Un dispositif conventionnel alternatif 97 2.- Des contreparties nécessaires 98 3.- Les difficultés de mise en œuvre 98 CONCLUSION 99 ANNEXE I ÉVOLUTION ANNUELLE DES EFFECTIFS ET DES CHARGES DE PERSONNEL 101 ANNEXE II 102 LA PROCEDURE DU CADRAGE SALARIAL 102 Les ressources du secteur public de l'audiovisuel font, depuis plusieurs années et plus particulièrement depuis le printemps 2003, l'objet d'une réflexion approfondie de la part de votre commission des Finances, et en particulier de votre Rapporteur spécial. La réforme de la redevance audiovisuelle, justifiée par le constat récurrent des défauts de ce prélèvement fiscal, a en l'occurrence, été imposée par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Elle s'est traduite, à l'automne 2003, suite notamment au rapport d'information présenté par votre Rapporteur spécial (1), par une large discussion à l'Assemblée nationale sur les moyens de l'améliorer, mais aussi sur l'utilisation faite de cette ressource devenue une imposition comme les autres. Le ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie a annoncé publiquement le 4 mai dernier qu'une réforme plus profonde de sa collecte, allant dans le sens des préconisations de votre commission des Finances. Interrogé sur ce point par votre Rapporteur général et votre Rapporteur spécial lors du débat sur le projet de loi portant soutien à la consommation et à l'investissement, le Secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire a confirmé, lors de la séance publique du 24 juin 2004, que cette réforme interviendrait dès 2005 et figurerait donc dans le projet de loi de finances pour 2005. Parallèlement, les contraintes générales sur l'évolution des ressources et des dépenses publiques pesant de la même manière sur l'audiovisuel public que sur le reste du secteur public, est apparue la nécessité d'engager une réflexion sur les paramètres essentiels de la modernisation de la gestion des entreprises de ce secteur. En l'occurrence, la gestion des personnels représente l'une des principales variables du fonctionnement, de la qualité du service et des coûts des entreprises de l'audiovisuel public. En effet, malgré des différences sensibles, les charges salariales représentent des parts importantes des charges d'exploitation, puisqu'elles vont de 15,8 % pour France 2, à 34,5 % pour France 3, et s'inscrivent dans une fourchette allant de 47 % à 59 % pour Radio-France, RFO, RFI et l'INA, qui apparaissent comme autant de véritables entreprises de « main d'œuvre » et de conception. De surcroît, l'importance des charges salariales dans l'exploitation de ces organismes a tendu à s'accroître dans le temps. Au-delà de l'aspect purement financier, s'est par ailleurs progressivement fait jour, lors des auditions successives des dirigeants des entreprises de l'audiovisuel public que votre Rapporteur spécial(2) a menées, le constat que les conditions de gestion des personnels pâtissaient d'un cadre juridique inadapté à l'évolution des techniques audiovisuelles, et notamment de la numérisation qui s'impose partout comme une mutation incontournable. Dans le même temps, le recours aux intermittents du spectacle dans l'audiovisuel public a donné lieu à critiques et contestations. C'est pourquoi il a paru nécessaire, trente ans après l'éclatement de l'ORTF et plus de quinze ans après la fin du monopole des chaînes publiques, devenues minoritaires dans le paysage audiovisuel français, de vérifier si le cadre juridique de la convention collective applicable aux personnels techniques et administratifs de l'audiovisuel public (3), comme celui de l'avenant à la convention collective des journalistes spécifique à l'audiovisuel, élaborés il y a vingt ans dans le droit fil des meilleures traditions administratives et modifié pour la dernière fois au début des années 1990, étaient toujours adaptés aux besoins d'un secteur pour lequel s'impose une capacité d'adaptation très rapide. Pour ce faire, il était indispensable de disposer d'une analyse globale des modalités d'emploi des personnels, à la condition impérative qu'elle soit fondée sur des études aussi objectives que possible, et qu'elle puisse proposer des voies de solutions positives et ambitieuses, sans tomber dans un mode critique dépourvu de réelles perspectives d'évolution. Pour ce qui concerne les intermittents du spectacle, le précédent ministre chargé de la communication avait décidé de confier à un professionnel reconnu, M. Gourinchas, la mission de dresser ce bilan et d'étudier les évolutions possibles afin de rapprocher les pratiques du secteur public des conditions normales d'emploi de ces personnels(4). S'agissant des personnels permanents, dont les conditions d'emploi ont donné lieu à des critiques parfois vives, y compris de la part du rapporteur spécial émanant de la précédente majorité(5), votre commission des Finances a souhaité pouvoir s'appuyer sur l'analyse indépendante, impartiale, contradictoire et exhaustive qui est la marque de la Cour des comptes, de façon à écarter a priori tout soupçon de se contenter de formuler des critiques qui ne soient fondées que sur de simples préjugés. A.- LES RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE DE LA COUR DES COMPTES SUR L'INCIDENCE DES CONVENTIONS COLLECTIVES DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC À l'automne 2002, le Président de votre commission des Finances a souhaité donner suite à la suggestion de votre Rapporteur spécial de transmettre à la Cour des comptes une demande d'enquête, s'inscrivant dans le cadre de la mission d'assistance de celle-ci au Parlement, prévue par l'article 47 de la Constitution et précisée par l'article 58 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Par un courrier du 12 octobre 2002, le Premier président de la Cour des comptes a fait savoir que la Cour répondrait favorablement à cette demande d'enquête, qui a en conséquence été inscrite à son programme de travail de 2003. Il s'agit, en l'occurrence, de la première demande d'enquête de cette nature formulée par votre commission des Finances. Cette demande d'enquête complète, naturellement, les travaux que la Cour des comptes mène, de son propre chef, en tant que juridiction financière indépendante, sur l'ensemble du domaine de l'audiovisuel public, et sur lesquels votre Rapporteur spécial souhaite s'appuyer autant que faire se peut. En l'espèce, après les phases classiques d'instruction et de contradiction qui se sont conclues par l'audition, le 18 septembre 2003, de plusieurs présidents des organismes concernés (France-Télévisions, Radio-France, RFI et l'INA), mais pas de RFO ni surtout de la tutelle, qui n'ont pu donner suite à l'invitation qui leur avait été faite, la Cour a transmis, le 15 octobre 2003, le résultat définitif de son enquête à la commission des Finances de l'Assemblée nationale. Les travaux préparatoires à ce rapport définitif n'ont, en revanche, pas été communiqués à votre commission des Finances, en raison du secret de l'instruction, et de la nécessité légitime de préserver l'indépendance de jugement de la Cour au regard des réponses faites à son rapport provisoire par les organismes contrôlés. Votre Rapporteur spécial estime cependant particulièrement utile d'avoir néanmoins pu être informé, à intervalles réguliers, du déroulement de l'enquête et de son état d'avancement. Votre Rapporteur spécial a, par la suite, complété le travail de la Cour des comptes en procédant lui-même à un certain nombre d'auditions afin de confronter les points de vue et de tester auprès de ses interlocuteurs telle ou telle évolution de la convention collective. Votre Rapporteur spécial tient à souligner la qualité du travail mené par la troisième chambre de la Cour des comptes, présidée par M. Jean-François Collinet, et souhaite que cette démarche de collaboration constructive soit activement poursuivie, les deux institutions ayant, quoiqu'avec des moyens différents, le même objectif de contrôle et d'évaluation de l'utilisation des fonds publics. Il se réjouit, à cet égard, qu'une série d'autres demandes d'enquêtes ait fait suite, au début de l'année 2004, à celle qui fait l'objet du présent rapport. La communication de la Cour des comptes est publiée intégralement en annexe au présent rapport. S'agissant du constat de l'incidence des conventions collectives sur les entreprises de l'audiovisuel public, votre Rapporteur spécial en retiendra notamment, pour sa part, trois points principaux, relatifs respectvement : aux conséquences, mesurées, sur l'évolution des charges salariales (1) ; aux incidences plus négatives sur le fonctionnement et l'organisation du travail au sein des entreprises concernées (2) ; enfin à l'absence totale de mise à jour des textes applicables, pourtant indispensable dans un secteur connaissant des évolutions économique et technologique rapides (3). 1.- Un bilan mesuré : le rôle des conventions collectives dans l'évolution des charges En termes d'évolution des coûts salariaux, l'incidence de l'application des conventions collectives est réelle et tangible, même si elle ne doit pas être surestimée. Certes, sur cinq ans (1997-2002), sur la base du critère de l'évolution de la RMPP (rémunération moyenne des personnels en place), les coûts salariaux de l'audiovisuel public sous convention collective ont augmenté plus vite : - que l'inflation (avec un supplément de croissance de la masse salariale de + 12,4 % pour France 3, + 10,9 % pour Radio-France, et de + 14,1 % pour RFI) ; - que les coûts salariaux des entreprises hors convention collective (avec notamment un écart de 7,4 % entre France 3 et France 5); - que ceux des autres entreprises du secteur public (compte tenu d'un différentiel de rythme de croissance quasiment nul pour France 2, mais de + 1,2 % pour Radio-France, de + 2,8 % pour France 3, ainsi que de + 4,5 % pour RFI). L'évolution globale moyenne de l'ensemble de l'audiovisuel public est comparable à celle de l'ensemble du secteur public. Cette comparabilité est cependant facilitée par l'existence d'un certain effet ralentisseur des entreprises audiovisuelles hors convention collective, même si leurs effectifs sont proportionnellement faibles. Par ailleurs, la Cour souligne que, au cours des dix dernières années, l'évolution de la rémunération moyenne des personnels permanents a été supérieure, dans le secteur public de l'audiovisuel, à six reprises à celle de tous les autres secteurs d'activité assujettis au contrôle de la CICS (Commission interministérielle de coordination des salaires). Pour autant, les écarts relevés par la Cour des comptes ne sont pas excessifs, et ne traduisent pas un dérapage incontrôlé du système de gestion des personnels. * * * A contrario, votre Rapporteur tient à rappeler que la contrainte du cadrage salarial des personnels permanents, imposée aux dirigeants des entreprises audiovisuelles de la même manière qu'à tous les autres entreprises publiques (6), peut expliquer le recours récurrent aux personnels non permanents, qu'il s'agisse de salariés sous contrats à durée déterminée, ou sous contrats d'usage pour les intermittents du spectacle, notamment techniciens audiovisuels. En effet, jusqu'en 2000, ceux-ci n'étaient pas pris en compte dans le calcul de l'évolution de la masse salariale servant de critères d'examen. Depuis lors, les CDD y sont intégrés, mais les cachetiers, pigistes et intermittents en demeurent exclus. De même, l'analyse de l'évolution des rémunérations n'épuise pas la question du poids relatif des charges salariales, qui doit tenir également compte du niveau global moyen des salaires. À cet égard, les investigations menées dans le cadre de la préparation du rapport spécial sur le budget de la communication pour 2004 avaient permis de constater que le niveau des rémunérations du secteur public audiovisuel (7) s'avérait relativement élevé par rapport aux salaires bruts moyens de 26.280 euros dans le secteur privé et de 28.296 euros dans le secteur public (8), - ce qui relativise quelque peu l'observation d'une évolution en tendance conforme à celle du reste des entreprises publiques -, même si des écarts significatifs demeurent entre les entreprises comme le démontre le tableau ci-dessous : - pour Arte, qui n'est pas couverte par les conventions collectives applicables à l'audiovisuel public, les rémunérations apparaissent globalement plus faibles ; - pour France 5, qui n'est pas non plus couverte par ces conventions collectives, la pyramide des rémunérations est sensiblement moins écrasée dans ses rémunérations les plus faibles. Cette particularité résulte en partie de la jeunesse de l'entreprise et de ses personnels, par rapport aux chaînes plus « anciennes » que sont France 2 et France 3 ; - il existe une nette hiérarchie, par niveaux croissants, entre France 5, France 3 et France 2 ; - le niveau des salaires les plus faibles demeure très convenable, y compris pour une entreprise publique comme France 3 parfois considérée comme peu généreuse (2.055 euro/mois pour les 10 % des personnes les moins bien payés de France 3).
2.- Des incidences négatives significatives sur l'organisation du travail et le fonctionnement des entreprises Le constat dressé par la Cour des comptes comporte un certain nombre de critiques, qui peuvent susciter de réelles interrogations. En matière de rémunérations, la liberté de manœuvre des entreprises est réduite, car le système en place valorise essentiellement l'ancienneté. Si le point d'indice est gelé depuis 1997, et si les entreprises ont souhaité privilégier le financement de mesures individuelles d'avancement et de promotion, il demeure que ces mesures sont d'ampleur limitée. L'ancienneté est rémunérée par des primes pouvant atteindre jusqu'à 21 % du salaire de référence, et les promotions s'accompagnent d'augmentations automatiques élevées. De manière générale, la gestion des ressources humaines se caractérise surtout par le poids des automatismes, encore confortés par les négociations sociales les plus récentes (accords dits « Servat » pour les journalistes, protocoles signés par France 3 entre 2000 et 2002, accords liés à la numérisation de la diffusion de RFI, ...) (9) : - le renouvellement est faible, et la population salariée connaît un vieillissement certain. Ainsi, chez France 2, France 3 et à l'INA, la proportion de salariés âgés de plus de 50 ans dépasse 27 %, et de 29 % à 34 % des salariés ont plus de vingt ans d'ancienneté ; - compte tenu des divers mécanismes qui se complètent, la durée du travail est faible. Avec 22 jours de RTT par an, le nombre de jours non travaillés va, selon les entreprises, de 163 à 171 jours sur 364, soit 193 à 201 jours de travail au maximum. Hors événements familiaux et hors week-ends, les salariés bénéficient donc de douze semaines non travaillées (10); - les heures supplémentaires sont devenues, notamment pour une partie des techniciens, un élément permanent de rémunération. La proportion des salariés ayant perçu des rémunérations pour heures supplémentaires en 2002 va de 39 % (à l'INA) à 54 % (pour RFO) ; - les grilles de rémunération sont en partie obsolètes, et les entreprises doivent recourir à des pratiques non prévues, comme la création des postes de « cadres non encadrant », pour contourner les difficultés qui en découlent. Plus généralement, le vieillissement et les automatismes ont conduit à sur-représenter le nombre de cadres, occupant le « haut » des grilles ; - la direction a abandonné une partie de ses attributions en matière de gestion des carrières, alors que le paritarisme n'a vocation, en principe, à être que consultatif (11). Ainsi, à France 3, le règlement intérieur des commissions paritaires donne l'avantage aux représentants des salariés en cas de partage. De même, 20 % des choix des bénéficiaires de mesures individuelles sont laissés aux organisations syndicales. Pour sa part, le président-directeur général de RFI reconnaît, dans sa réponse au rapport de constations provisoires de la Cour des comptes, que « même si les commissions paritaires ne sont que consultatives, la contrainte est très forte pour la direction de prendre en compte les demandes des élus ». Enfin, les licenciements pour faute réelle et sérieuse, - comme d'ailleurs l'ensemble des procédures disciplinaires -, sont particulièrement rares, ce qui ne pourrait être considéré positivement que si cette rareté découlait d'une absence totale de tout comportement critiquable, laquelle n'est malheureusement pas prouvée. À cet égard, on ne peut, en l'occurrence, qu'approuver la conclusion écrite transmise à votre Rapporteur par le SNJ, et à laquelle il importerait maintenant, à tout le moins, de donner une signification réelle et générale: « nous ne nions pas que la mise en pratique de l'avenant audiovisuel à la CCNTJ ait pu, ici ou là, poser des problèmes, mais (...), lorsque ces problèmes surviennent, ils tiennent davantage à une pratique qui s'est éloignée de la lettre et de l'esprit de l'avenant audiovisuel qu'à sa stricte mise en œuvre. La solution la plus simple est aussi la plus efficace : veiller à une stricte application des textes en mettant fin aux dérives qui ont pu se manifester (...) (12). » - à l'exception de Radio-France, et à un moindre titre de France 3, les entreprises de l'audiovisuel public n'ont pas fait d'efforts approfondis et ambitieux pour mettre en œuvre une gestion dynamique de leurs ressources humaines, à cause de, ou malgré, - selon l'angle sous lequel on se place -, le caractère fortement contraignant des conventions collectives. Certaines entreprises (RFO, France 2, Radio-France), n'avaient même pas mis en oeuvre d'entretiens annuels d'évaluation avec leurs cadres, qui constituent pourtant une procédure largement répandue dans la gestion des ressources humaines, notamment parce qu'elle est préalable à toute démarche d'évaluation des salariés au regard des objectifs qui leur sont fixés; - par ailleurs, il apparaît objectivement que la pratique du paritarisme, en particulier lorsqu'elle est au surplus déclinée régionalement, comme pour France 3, se traduit dans l'audiovisuel public par un temps considérable passé en réunions préparatoires, réunions officielles, négociations, (13) ...qui ne semble pas se traduire pour autant par un dialogue social particulièrement porteur de modernisation de l'entreprise. Dans ces conditions, il est clair que la marge de manœuvre, comme la responsabilité des dirigeants de ces entreprises apparaît singulièrement faible dans le domaine de la gestion des ressources humaines, et notamment de la politique salariale. Cette situation est difficilement compatible avec le souhait de faire de ces organismes de véritables entreprises, dotées d'une autonomie de gestion réelle et des moyens nécessaires pour la mettre en œuvre. * * * En conclusion, la gestion des salariés s'éloigne très sensiblement de celle qui pourrait être attendue d'une entreprise, et s'apparente beaucoup plus à celle d'une administration, avec des rémunérations qui y sont cependant plus élevées. Par ailleurs, il faut souligner que, pour les entreprises audiovisuelles comme pour l'administration, l'exigence d'une stricte égalité entre les salariés ne conduit pas nécessairement à une véritable justice. Lorsque les mécanismes d'avancement prennent principalement la forme d'automatismes salariaux à intervalle réguliers mais néanmoins trop longs par rapport aux exigences à plus court terme d'une gestion efficace des ressources humaines, l'égalité prévaut alors sur l'équité entre les salariés, ce qui ne peut créer les fondements d'un dynamisme nécessaire au sein de l'entreprise. Ne pouvoir récompenser des mérites par des avancements ou des promotions qu'entre trois et cinq ans après les avoir constatés - à condition d'ailleurs qu'il soit réellement possible de différencier les évolutions individuelles et que les marges de manœuvre financières ne soient pas totalement obérées par l'application des automatismes - ne constitue pas, pour une entreprise qui se veut moderne, un mode de gestion des personnes dynamique et responsabilisant, et ne peut s'apparenter à l'outil de gestion de la performance des ressources humaines que l'on est en droit d'attendre d'une entreprise publique, a fortiori lorsqu'elle appartient à un secteur concurrentiel. Pour autant, il ne saurait être question de substituer brutalement au dispositif actuel, co-géré, aux mécanismes bien identifiés, un autre qui serait trop arbitraire et ne serait pas suffisamment connu à l'avance. En particulier, il va de soi que l'individualisation des rémunérations ne peut évidemment être intégrale, - ne serait-ce que parce que les gains de productivité de l'entreprise reposent aussi sur des comportements collectifs et des évolutions de l'organisation globale du travail-, ni fondée sur des modalités d'appréciation qui enfermeraient les salariés dans une évaluation trop peu objective et trop peu discutée avec les intéressés. 3.- La convention collective : un instrument de gestion des ressources humaines qui doit s'adapter à l'évolution de la profession La convention collective applicable à l'audiovisuel public est utile par les grandes lignes du cadre de l'organisation du travail qu'elle contribue à déterminer, à condition que ce cadre soit adaptable à la réalité des métiers exercés. Mais après plusieurs années de gestion active de la convention collective postérieurement à sa signature, ce texte est devenu désuet sur de nombreux points, car il a cessé d'évoluer depuis 1993, faute de marges de manœuvre et de négociations abouties. Même la mise en œuvre des 35 heures n'a pas conduit à modifier la convention collective, alors qu'elle en a rendu obsolètes des pans complets. De même, le point d'indice global applicable à toutes les rémunérations des personnels permanents est gelé depuis 1997, ce qui retire une grande partie de son fondement et de son utilité à la négociation collective sur ce thème. Par ailleurs, pour les mêmes raisons, les rémunérations prévues par les grilles pour les emplois les moins qualifiés sont devenues inférieures au SMIC, ce qui a notamment imposé la pratique des surclassements des personnels, eu égard à leur fonction réelle, au moment de leur recrutement. Enfin, la gestion globale de l'évolution des métiers, au-delà de chaque entreprise prise individuellement, est rendue d'autant plus difficile par la convention collective que celle-ci n'a pas été mise à jour en temps voulu. Compte tenu du passage de l'analogique à l'électronique, puis au numérique, le progrès technique s'est traduit par la disparition de nombreuses fonctions, sans que les nouveaux métiers soient pour autant pris en compte. La Cour des comptes souligne d'ailleurs que, ce faisant, les contraintes légales posées par le code du travail, qui imposent notamment une révision quinquennale des qualifications, ne sont pas respectées. Dans le même temps, les entreprises et la tutelle ont privilégié une voie moins collective, fondée sur des accords spécifiques, adaptés au contexte et aux métiers de chaque organisme. Quoique juridiquement fragiles, car parfois dérogatoires, dans un sens qui pourrait être jugé défavorable par certains, à la convention collective qui normalement s'impose, ces accords ont permis de rationaliser et de mettre à jour, dans les entreprises qui y ont recouru, les cadres d'emplois et les rémunérations. Radio-France constitue un exemple particulièrement illustratif de cette voie, avec de multiples accords d'entreprise, par catégories, qui finissent par couvrir une partie non négligeable du personnel (25,7 % des personnels permanents en 2001, contre 4,7 % en 1990). Ils ont successivement porté sur : - les personnels d'antenne des radios locales (6 décembre 1998), - les attachés de production (12 juillet 2000), - les chargés de production (3 janvier 2001), - les cadres de direction (7 février 2001), Ces accords, pour partie dérogatoires à la convention, n'ont pas été critiqués par les organisations syndicales, qui y ont sans doute vu une évolution favorable opportune pour les salariés concernés, comme peut-être pour l'entreprise. Cette voie ne peut cependant résoudre à elle seule la totalité des difficultés découlant de l'immobilisme infligé à la convention collective, notamment pour les personnels d'exécution, pour lesquels une rémunération variable en fonction du respect d'objectifs est plus délicate à mettre en œuvre. Ces personnels ne peuvent pas pour autant rester indéfiniment en marge de la progression salariale. L'achèvement d'un tel processus progressif suppose donc une mesure finale globale pour tous les métiers n'ayant pas bénéficié d'un régime favorable spécifique. B.- LA GESTION DES INTERMITTENTS DU SPECTACLE DANS L'AUDIOVISUEL PUBLIC : UNE PROBLÉMATIQUE LIÉE À CELLE DES CONVENTIONS COLLECTIVES Avant même les polémiques suscitées pendant l'été 2003 par les projets de réforme du régime d'assurance-chômage des intermittents du spectacle, le précédent ministre de la Culture et de la communication avait confié à M. Bernard Gourinchas, président de l'AESPA (Association des employeurs du secteur public audiovisuel), une mission d'analyse et de propositions concernant le recours aux intermittents dans les entreprises publiques, celles-ci devant naturellement se montrer exemplaires en la matière. Cette exigence vis-à-vis des entreprises de l'audiovisuel public est d'ailleurs l'un des points forts de la politique menée par M. Donnedieu de Vabres depuis le mois d'avril dernier. Le ministre a en effet adressé en juin dernier une lettre aux présidents de chaînes télévisés dans laquelle il leur demande de ne pas abuser du recours à l'intermittence. Ces missives attirent l'attention sur la responsabilité, directe et indirecte, des employeurs et sur la nécessaire modification des comportements afin de mettre un terme aux fraudes et arrangements divers qui ont contribué à déséquilibrer le régime d'indemnisation chômage des intermittents du spectacle. Au-delà de cette correspondance, le ministre a affiché sa volonté de « réconcilier les Français avec les intermittents »(14). Il a ainsi annoncé la création d'un fonds spécifique provisoire pour les professionnels du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel. Ce fonds permet de prendre en compte la situation des personnes qui auront effectué leurs 507 heures en 12 mois, mais qui n'y seraient pas parvenues en 11 mois, qui est la durée prévue par le nouveau protocole pour 2004. Ce fonds permet également l'indemnisation des congés de maladie de plus de 3 mois. Le ministre a par ailleurs confié une mission à Jacques Charpillon, chef du service de l'inspection générale de l'administration des Affaires culturelles, pour qu'il présente des propositions pour mieux délimiter le périmètre des métiers, des secteurs d'activité, voire des productions, dont les spécificités justifient le recours à l'intermittence. Son rapport vient d'être publié et nourrira très certainement la mission confiée à Jean-Paul Guillot, président d'un bureau d'expertise économique indépendant, pour définir les principes et l'organisation d'un système d'indemnisation du chômage pour les artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel, en concertation avec les différentes parties prenantes. 1.- Le constat du recours important à l'intermittence dans le secteur audiovisuel public Le rapport de cette mission, rendu public au début 2004, a relevé un recours important aux contrats d'usage (15) et aux personnels intermittents, dans un certain nombre de cas pour des motifs légitimes, et dans un certain nombre d'autres de manière abusive. Comme le rapport spécial sur le budget de la communication l'avait déjà relevé à l'automne 2003, il précise que le recours à l'intermittence des neuf sociétés de l'audiovisuel public s'établissait en 2002 en moyenne à 21 % du total de l'offre de travail : soit 534.381 jours (hors artistes-interprètes) travaillés par leurs salariés intermittents, avec des différences sensibles entre le maximum (TV5 avec 37 %) et le minimum (INA, avec 4 %).
M. Bernard Gourinchas a cependant lui-même souligné (16) que « la solution communément considérée comme la seule - requalifier les emplois des intermittents en permanents - n'est pas une solution satisfaisante, dans la mesure où la disponibilité théorique de l'intermittent est plus importante que celle d'un permanent. Ce dernier est intégré dans un système qui comprend des congés supérieurs aux congés légaux, des RTT, des récupérations. L'intermittent n'est pas obligé de prendre ses congés. C'est la raison pour laquelle [...] un intermittent peut offrir un potentiel de travail de 220 à 230 jours, et un permanent de 190 », et même nettement moins s'il s'agit d'un journaliste. C'est la raison pour laquelle les vagues successives de requalification des contrats d'intermittents en contrats à durée indéterminée, négociées depuis un peu moins de dix ans à France 3 et Radio-France et portant sur environ un millier d'emplois, n'ont pas réussi à diminuer de manière véritablement significative et durable le recours à l'intermittence, même si elles ont en revanche régularisé des situations irrégulières et, en tout état de cause, conduit à relever les effectifs permanents. 2.- Un lien manifeste entre le recours aux intermittents et les modalités d'organisation du travail des permanents Sans résumer ici de manière trop caricaturale le rapport de M. Bernard Gourinchas, il convient de souligner que trois de ses six préconisations, auxquelles votre Rapporteur spécial ne peut que s'associer, s'inscrivent dans le droit fil du présent rapport, dont elles constituent le pendant en ce qui concerne les personnels non permanents. Il s'agit des propositions suivantes : a) Négocier une réorganisation du travail des permanents pour augmenter leur disponibilité réelle et assurer un équilibre meilleur entre emploi permanent et emploi précaire Cette proposition pourrait être atteinte par : - par la régulation des absences des personnels permanents. En effet, ainsi que l'indique le rapport, « les sociétés régies par la convention collective rencontrent des difficultés pour planifier les absences. Aux jours de congés propres à la convention (congés de fractionnement, congés d'âge et d'ancienneté notamment) s'est ajouté un nombre conséquent de jours RTT. Les négociations du passage à 35 heures hebdomadaires se sont conclues sur de timides modulations à France 2, Radio France et RFI mais, a fortiori, nulle part sur l'annualisation du temps de travail. Or certaines activités de production, exposées à des aléas de planification ou à des irrégularités de plan de charge auraient trouvé dans ces dispositifs, avec leurs salariés permanents, une marge de flexibilité supplémentaire. Le passage à 35 heures, en déclenchant plus tôt les heures supplémentaires, par ailleurs ramenées de 450 (plafond de la convention collective) au contingent légal de 130 heures par an, a en outre multiplié les heures de récupération dans certains métiers techniques. Cette situation nouvelle rend intenables pour les responsables de l'organisation du travail les pratiques habituelles de fixation des congés et des absences largement laissées à la décision individuelle. L'objectif n'est pas de contester ces avantages mais d'en réguler l'usage par la reconnaissance du droit primordial d'organisation de l'employeur. Il n'est pas acceptable, par exemple, que certains services s'autoplanifient sur trois jours, si la direction doit recourir à l'intermittence pour le solde. Et il paraîtrait raisonnable que les prises de congés correspondent aux périodes de ralentissement de l'activité du service » ; - par l'évolution de certains métiers vers la polyvalence. Ainsi que le souligne le rapport, il s'agit là d'une question en réalité intimement liée à l'évolution de la convention collective des personnels techniques et administratifs. Or, « à partir du moment où la question de la réduction du recours à l'emploi intermittent dans l'audiovisuel est soulevée devant l'opinion publique par [les] organisations syndicales, on voit mal comment elles pourraient se dérober à un réexamen global de l'équilibre entre emploi permanent et emploi non permanent dans les entreprises où elles sont représentatives. Ces entreprises ne peuvent accepter de se laisser enfermer dans des contraintes contradictoires : les sommer de se réorganiser et leur en refuser les moyens » ; - par la création de pools mobiles, sur le modèle de Radio France, qui dispose depuis 1970 d'une « brigade de réserve » composée de 34 techniciens, capables d'intervenir en remplacement dans toutes les chaînes nationales de Radio France ; - par l'utilisation des technologies nouvelles. En particulier, « la numérisation et l'automatisation de certains équipements permettent d'obtenir des gains de productivité, de diminuer par conséquent le recours aux collaborateurs non permanents. Mais ce résultat ne va pas de soi : on peut utiliser ces équipements au dixième de leurs possibilités parce que les méthodes de travail n'ont pas été modifiées. » b) Inclure dans le dialogue avec les tutelles une appréciation complète de la situation de l'emploi. Reprenant l'analyse développée précédemment, le rapport indique que « jusqu'en 2000, la Commission interministérielle de coordination des salaires n'a pris en considération que la rémunération moyenne des personnels en place (RMPP), c'est à dire la masse salariale des permanents. Le reste de la masse était considéré comme une dépense de fonctionnement. Or, plus l'effectif permanent était contenu, plus les sociétés s'habituaient à recourir à longueur d'année à toutes les formes de collaboration non permanente. Ces pratiques ont abouti à des condamnations répétées d'employeurs à tous les niveaux de juridiction dans les années 90 et, en 1997, aux premières vagues de requalifications à France 3 et Radio France. Aujourd'hui encore, malgré la révision en vigueur depuis 2002 qui a pris en compte la rémunération des CDD, les cachetiers, pigistes et intermittents sont exclus de la RMPP. » c) Convenir de règles communes dans l'ensemble de l'audiovisuel pour aboutir à une régulation globale et durable de l'intermittence sous la forme d'une convention de branche. Il s'agit là, en effet, d'une question dont on peut même s'étonner qu'elle n'ait pas été traitée de manière responsable et collective par l'ensemble des employeurs de l'audiovisuel, public et privé, chacun ayant choisi sa propre réponse à une question financière intéressant pourtant l'ensemble du secteur. En l'espèce, les entreprises privées - notamment TF1, dont le taux de personnels non permanents, incluant intermittents, pigistes et intérimaires, n'atteint que 10 % -, n'ont pas nécessairement eu un comportement moins vertueux, du point de vue des dépenses de l'UNEDIC, que les entreprises publiques, et auraient au contraire tout intérêt à ce que les solutions rigoureuses mais exigeantes qu'elles ont choisi d'appliquer de manière spontanée soient identiques pour leurs concurrents. C.- QUELLES ÉVOLUTIONS SOUHAITABLES ? 1.- Des solutions simples mais insatisfaisantes En première analyse, comme l'indique la communication de la Cour des comptes, deux évolutions apparaissent possibles, présentant toutes deux des avantages, mais également de sérieux inconvénients : le statu quo, poursuivant strictement la voie des accords d'entreprise en maintenant le gel de la convention collective, et la sortie de la convention collective. a) Le statu quo : une gestion pragmatique, en marge d'une convention collective inchangée Le statu quo, pratiqué depuis dix ans, est une solution qui peut paraître séduisante, dans la mesure où, à court terme, elle ne génère aucune difficulté. Mais une telle attitude apparaîtrait particulièrement peu responsable, avec une gestion empirique des personnels et des entreprises qui éloignerait toujours plus la lettre de la convention collective de la pratique et de la réalité des métiers. La convention collective ne constituerait plus alors à terme qu'un symbole social historique, témoignant, par son obsolescence, d'une véritable négligence dans la gestion publique, ou du moins du souci de prendre le moins de risques possible, sans considération des conséquences sur les entreprises publiques et leur capacité à remplir leur mission du mieux possible au regard des ressources publiques qui leur sont allouées. Le statu quo pourrait s'accompagner de la généralisation des accords d'entreprise, adaptés au cas de chacune d'entre elles, éventuellement dérogatoires à la lettre de la convention collective : cette orientation séduisante a d'ores et déjà donné satisfaction dans un nombre de cas significatif, et correspond à la voie de la réforme sociale que souhaite privilégier le Gouvernement, ainsi qu'en atteste la loi n°2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. Conformément aux conclusions de la position commune du 16 juillet 2001 sur les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective, cette loi autorise, mais uniquement pour l'avenir (17), la possibilité pour les accords d'entreprise de déroger sur certains points (18) aux conventions de branche qui n'en excluront pas explicitement la possibilité. Il s'agit ainsi d'encourager la négociation de ces dernières, en raison de leur rôle structurant, tout en faisant place à une logique de subsidiarité dans la hiérarchie actuelle des normes du droit du travail. En conséquence, même si les accords dérogatoires existants s'avèrent globalement favorables aux salariés qui en bénéficient, leur consolidation juridique est sans doute nécessaire, pour Radio-France comme pour France 3 : en effet, ces dérogations ne sont pas couvertes par le texte qui vient d'être adopté, en raison de son absence, légitime, de portée rétroactive. b) La sortie de la convention collective Le calendrier permet, du strict point de vue juridique, d'envisager une dénonciation de la convention collective jusqu'à la fin septembre 2004. En l'occurrence, dénoncer la convention collective de l'audiovisuel public ne constitue pas, en soi, une impasse impraticable, comme le montre le cas, maintenant ancien, de TF1 (19), ou celui, beaucoup plus récent, de TDF. Mais TDF a pu procéder ainsi en raison de la disponibilité immédiate d'une autre convention collective préexistante, au surplus mieux adaptée à ses besoins et à ses métiers : la convention collective des télécommunications. Le changement n'a toutefois été opéré qu'après une négociation approfondie avec des organisations syndicales conscientes de leur responsabilité vis-à-vis de l'avenir de l'entreprise à court et moyen termes. S'agissant du cas des autres entreprises de l'audiovisuel public, le choix de la révision ou de la dénonciation présente incontestablement des risques importants pour la régularité de leur fonctionnement comme de l'accomplissement de leur mission. En effet, il n'existe pas de convention qui soit immédiatement substituable à celle en vigueur jusqu'à la fin mars 2005, alors que les modifications de la convention actuelle ou l'élaboration d'une éventuelle nouvelle convention devraient être négociées dans un contexte économique et budgétaire tendu, ne permettant guère de proposer de contreparties. On peut néanmoins rappeler, à cet égard, que ni Arte, ni France 5, ni la holding France-Télévisions, n'entrent dans le champ de la convention collective publique, sans que cela nuise pour autant à leur fonctionnement, bien au contraire. La mise en place d'une convention de branche représenterait, pour sa part, la solution la plus ambitieuse, avec une sortie « par le haut ». Elle relèverait d'une ambition politique réelle, et du souci de construire un cadre solide à la fois pour l'audiovisuel public et, plus généralement, pour le secteur audiovisuel dans son ensemble. 2.- La voie la plus ambitieuse mais aussi la plus réaliste : des accords d'entreprise dans le cadre d'une convention de branche a) La nécessité de disposer d'un outil adaptable Le gel de la convention collective applicable à l'audiovisuel public, au moment où d'autres, de secteurs proches, évoluent ou parfois même se réforment complètement, atteste d'un décalage croissant et de moins en moins acceptable entre le cadre juridique et la pratique constatée. Une convention collective digne de ce nom doit en effet vivre, en particulier dans un domaine voué, par sa nature, à des changements des métiers, des qualifications et de l'organisation du travail aussi rapides que la technologie de l'audiovisuel (20). Tel a notamment été récemment le cas de la convention collective des cadres, techniciens et employés de la publicité française. Celle-ci, créée le 22 avril 1955, a fait l'objet d'une révision en profondeur, vingt-cinq ans après sa dernière réforme significative. Devenue désuète, voire anachronique sur de nombreux points, à l'instar d'ailleurs de celle de l'audiovisuel public, dans un domaine d'activité qui, lui aussi, revendique pourtant sa modernité intrinsèque, elle avait été remplacée, sur de multiples aspects, par le recours à des accords d'entreprise, s'agissant en particulier de la mise en oeuvre des 35 heures. Le récent accord intervenu en mars 2004 devrait notamment permettre de remplacer une grille de rémunérations opérant une énumération rigide des dénominations de postes, dépassées par l'évolution économique et par les exigences de la profession, par une grille plus flexible, avec des critères permettant de classer les métiers. De même, à titre d'exemple, n'est-il pas sans intérêt de relever que la convention collective du secteur des télécommunications, à laquelle TDF s'est rattachée après être sortie de la convention applicable à l'audiovisuel public, a connu, sur les deux dernières années, cinq modifications, relatives respectivement au domaine de l'internet, au financement du paritarisme, à la création d'un observatoire des métiers, à l'emploi des handicapés, au travail de nuit, attestant de la vigueur de la négociation collective dans ce secteur évolutif s'il en est, et ce malgré la souplesse qui, pour beaucoup d'autres points, caractérise cette convention. A contrario, le blocage complet de la convention collective applicable à l'audiovisuel public a conduit à des situations parfois inadmissibles, y compris pour les salariés : ainsi, l'absence de revalorisation des grilles et des métiers a fini par placer les salaires d'entrée à des niveaux parfois inférieurs au SMIC, réduisant, parallèlement, la possibilité de progression au sein de chaque grille puisque sa partie la plus basse n'est plus applicable, et conduisant in fine à pratiquer des « acrobaties » juridiques dans le choix des qualifications à l'embauche et en cours de carrière. C'est de ce type d'aberrations juridiques que découle notamment la multiplication des postes de « cadres non encadrant », critiquée à juste titre par la Cour des comptes. Mais il ressort des analyses de cette dernière, comme des différents entretiens menés par votre Rapporteur spécial, qu'une évolution négociée des conventions collectives applicables à l'audiovisuel public ne pourrait que difficilement s'opérer en l'absence de toute contrepartie prenant la forme de mesures favorables. Par ailleurs, si une solution imposée autoritairement par le législateur pourrait théoriquement être envisagée, sous réserve de l'existence d'un « véhicule » législatif ad hoc, une telle substitution autoritaire à la négociation collective serait difficilement compatible avec le nécessaire souci d'enrichir celle-ci, notamment en lui donnant plus de flexibilité. En conséquence, la solution qui paraît la plus réaliste, mais aussi la plus ambitieuse pour l'industrie audiovisuelle, consisterait en une combinaison liant une négociation de branche pour les critères structurants et le développement, en application du principe de subsidiarité précité, d'accords d'entreprises adaptés au cas de chacune d'entre elles. b) Le développement des accords d'entreprise : poursuivre une voie pragmatique Une négociation globale au niveau interentreprises, mais limitée au secteur public, n'apparaît plus réellement significative aujourd'hui compte tenu de ce que, d'une part, celui-ci ne représente plus qu'une part minoritaire de l'ensemble de l'audiovisuel français, et, d'autre part, de ce que les métiers n'ont plus réellement de socle commun entre les télévisions publiques, les radios publiques et l'INA. C'est pourquoi les directions des entreprises et les gouvernements successifs, depuis plusieurs années, ont légitimement renoncé à s'appuyer sur ces conventions collectives en tant qu'outils permettant de faire évoluer globalement l'ensemble du secteur public audiovisuel, mais ont plutôt privilégié des démarches adaptées au contexte de chaque entreprise. Cette méthode a permis de contourner certains blocages, notamment relatifs à la définition des métiers, et a créé les conditions nécessaires à la mise en œuvre de mécanismes d'incitation et de responsabilisation des salariés, à l'évidence plus efficaces que les seuls automatismes conventionnels. Cette orientation a cependant été diversement suivie, certaines entreprises réalisant en l'espèce des efforts plus nets que d'autres. Le mouvement social qui a affecté les rédactions de Radio-France au début de l'année 2004 n'a pas démenti cette analyse. Il l'a même a contrario pleinement confirmé, en se concluant par un accord fondé sur le principe d'une négociation annuelle dans l'entreprise, prolongeant ainsi l'orientation voulue depuis plusieurs années par la précédente direction de Radio-France, qui a permis d'englober dans une démarche de valorisation des efforts personnels un quart de la population salariée, incluant une grande partie, sinon la totalité, des cadres. Il conviendrait donc de poursuivre dans cette voie, à condition de ne pas se contenter de cette démarche spécifique, trop exclusive du rôle structurant de la négociation de branche. c) La nécessité de promouvoir une négociation collective au niveau de la branche Pour compléter le développement des accords d'entreprises par la recherche d'une voie négociée aussi large que possible entre les employeurs et les salariés, la voie la plus prometteuse semble en l'occurrence consister à inciter à la négociation de la convention de branche qui fait aujourd'hui encore défaut à l'ensemble du secteur audiovisuel. _ La négociation d'une convention de branche présenterait de multiples avantages : - elle pourrait constituer un socle commun harmonisant les qualifications et les salaires minimaux, dans le cadre d'une démarche fondée sur la négociation collective, et succédant nécessairement à un état des lieux social commun à l'ensemble de la profession. Le fait que les entreprises soient, pour certaines d'entre elles, en situation de concurrence frontale, y compris au sein du secteur privé notamment entre TF1, M6 et Canal plus, ne constitue pas, en soi, un obstacle rédhibitoire. L'expérience montre que, même dans un secteur aussi concurrentiel que celui des télécommunications, avec des entreprises publiques et privées en situation de compétition permanente, les employeurs trouvent un intérêt commun à disposer d'une convention collective sectorielle, adaptée à leurs métiers, et assurant à celui-ci une visibilité extérieure, par exemple vis-à-vis des jeunes diplômés. De même, un cadre commun de nomenclature de métiers et de définition des formations correspondantes présenterait l'avantage considérable de donner à tous les employeurs la garantie d'un marché du travail leur permettant de trouver les talents, formés sur les outils techniques standard de la profession ; - la négociation d'une telle convention permettrait également de poser les principes d'une protection sociale complémentaire commune et d'un niveau supérieur à celle, actuelle, de l'audiovisuel public ; - elle pourrait éventuellement distinguer radio et télévision, dont les métiers, mais aussi les moyens, diffèrent sensiblement ; - cette perspective témoignerait également du souci de consolider juridiquement un sous-secteur économique financièrement fragile, la production audiovisuelle, dont la gestion des personnels fait souvent l'objet de critiques, sinon de contentieux, et pour lequel l'appui d'une convention collective permettrait d'éviter des incertitudes ou des démarches juridiques coûteuses pour de petites structures ; - enfin, sinon surtout, la mise en place d'une telle convention permettrait à la profession de disposer d'une instance de concertation, enceinte indispensable pour gérer collectivement des problèmes qui se posent de manière collective, à l'instar de celui du recours à l'emploi des intermittents du spectacle. Celui-ci est aujourd'hui laissé aux représentants des employeurs et des salariés généralistes, qui n'ont pas nécessairement la connaissance des métiers et des contraintes du spectacle, et plus particulièrement de l'audiovisuel. Il s'agit là d'une question de responsabilité collective des employeurs, que ceux-ci ne devraient pas éluder même si, au plan des entreprises, des solutions ont pu être trouvées. De même, s'agissant de la gestion des ressources humaines, la mise en place d'une enceinte et d'un outil de concertation offrirait l'occasion aux gestionnaires techniques de confronter leurs meilleures pratiques, et de faire évoluer positivement l'ensemble du secteur par des partages d'expérience qui ne nuiraient pas nécessairement à la libre concurrence des opérateurs. À titre d'exemple, la mise en œuvre d'une politique de gestion prévisionnelle des emplois par certains employeurs privés ne pourrait qu'intéresser des entreprises publiques qui, en raison de leurs contraintes de droit social conventionnel, sont aujourd'hui empêchées de l'envisager. _ L'intérêt d'une convention de branche pour le secteur public Contrairement à la situation actuelle dans laquelle la convention collective ne s'applique pas à l'ensemble de l'audiovisuel public, la convention de branche pourrait englober toutes les entreprises publiques, y compris Arte, la holding France Télévisions et France 5. Elle permettrait, en conséquence, pour le groupe France Télévisions, de mettre en place un accord de groupe(21), qui faciliterait naturellement la mobilité entre les sociétés, aujourd'hui trop faible, voire inexistante, et de créer les conditions d'apparition d'une véritable culture d'entreprise. Cette culture constitue sans doute un préalable nécessaire pour donner toute sa valeur à la stratégie de complémentarité des chaînes voulue par le législateur par souci de rationalisation, et recherchée par la direction de l'entreprise, mais encore trop peu appropriée par son personnel. La faiblesse des synergies entre les rédactions de France 2 et de France 3 constitue une illustration bien connue des progrès à faire en la matière. Une évolution en ce sens devrait d'ailleurs logiquement être intégrée dans les contrats d'objectifs et de moyens de chacune des entreprises ou groupe d'entreprises. _ Les contraintes à respecter Pour atteindre ces différents avantages, une éventuelle convention de branche devrait cependant répondre à de multiples contraintes. À l'évidence, elle devrait en particulier, à l'instar de la plupart des autres conventions collectives en vigueur, présenter une souplesse suffisante pour ne pas recréer un cadre excessivement contraignant et dissuasif. En particulier, sur un certain nombre de points, elle ne devrait sans doute comprendre que des niveaux minima. En l'espèce, ceux-ci ne devraient pas excessivement peser sur la gestion des principales entreprises privées, généralement - du moins pour les plus importantes - considérées comme plus rémunératrices que les entreprises publiques pour des fonctions comparables(22). Par ailleurs, il y a lieu de rappeler qu'en tout état de cause, la loi récemment adoptée permettra aux accords d'entreprises de déroger à des accords de branche, limitant d'autant les craintes d'une rigidification excessive pour les entreprises privées éventuellement réticentes. De même, cette convention collective devrait être élaborée de façon à permettre de répondre au souci de créer les conditions préalables à une plus grande mobilité entre entreprises comme, surtout, à l'intérieur des entreprises, y compris par exemple entre métiers techniques et métiers fonctionnels. La mobilité exige en effet un minimum de fluidité entre les différents postes, qu'une grille stricte de classification liée à des rémunérations ne permet pas d'atteindre, lorsque les critères de valorisation des métiers diffèrent trop pour être ensuite comparables en cas de changement de filière. Or la mobilité est indispensable, que ce soit pour : - promouvoir la culture de l'entreprise - exigence qui n'est pas moins importante pour celles qui sont chargées d'une mission de service public que pour celles dont la rentabilité constitue l'objectif principal -, - permettre de valoriser les individus en diversifiant leurs carrières et leurs responsabilités, entre métiers d'une même filière et entre filières elles-mêmes, - ou encore, de manière plus prosaïque, redéployer intelligemment les personnels lorsque c'est nécessaire, notamment ceux dont les métiers disparaissent en raison de l'évolution inéluctable des technologies ou sous les exigences du développement de la polyvalence technique (23) alors qu'ils peuvent encore apporter beaucoup à l'entreprise, sous réserve d'une formation adaptée et d'une négociation préalable. Cette contrainte s'impose tant au secteur public qu'au secteur privé, à France 2 comme à Canal Plus, en tant que condition de préservation d'emplois menacés dans leur pérennité par l'évolution des techniques. Enfin, et peut-être est-ce d'ailleurs primordial, une démarche en deux temps pourrait s'avérer nécessaire : le rapprochement « social », dès lors qu'elles en seraient d'accord, des entreprises privées dont les conditions d'emploi sont globalement proches, permettrait de négocier rapidement une convention limitée aux employeurs autres que publics. Dans un second temps, les employeurs publics, comme leurs salariés et leurs organisations syndicales, pourraient alors constater l'existence d'une alternative à la convention qui s'applique aujourd'hui à eux, et être convaincus, par la comparaison objective de l'intérêt respectif des deux cadres conventionnels, de s'inscrire dans le plus moderne, le plus flexible, mais aussi le plus gratifiant des deux pour les salariés désireux d'une reconnaissance de leurs efforts. _ Des circonstances aujourd'hui particulièrement favorables Cette démarche serait aujourd'hui particulièrement justifiée par le fait que l'accord national interprofessionnel «historique » du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation professionnelle tout au long de la vie, comme d'ailleurs la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, qui le traduit au niveau législatif, fait de la branche le niveau optimal pour sa mise en œuvre. En effet, la mise en oeuvre effective de l'accord interprofessionnel est subordonnée à la conclusion préalable d'accords de branche, sauf à ce que la profession s'en remette, pour certains de ses dispositifs, à des négociations ou à des dispositifs interprofessionnels, qui, par nature, sont cependant évidemment moins adaptés à ses besoins propres. La plupart des branches sont aujourd'hui rentrées dans une phase de négociation et certaines ont déjà abouti comme la métallurgie, l'agriculture ou le bâtiment. Pour mémoire, les thèmes soumis à la négociation de branche, en matière de formation professionnelle, sont les suivants : compte épargne-temps ; droit individuel à la formation ; entretien professionnel ; information auprès des TPE/PME ; négociation triennal sur les objectifs et les moyens de la formation professionnelle ; observatoire prospectif des qualifications et des métiers ; choix, fonctionnement et financement de l'OPCA (24) de branche ; contrats de professionnalisation jeunes et demandeurs d'emploi et période de professionnalisation pour les salariés en CDI ; technologie de l'information ; enfin, tutorat. Constatant cette situation, les professionnels en ont tiré les conclusions, en décidant dès le mois de décembre 2003, avec une diligence dénotant une capacité de réaction étonnamment rapide, de mettre en place une commission paritaire nationale pour l'emploi-formation professionnelle/audiovisuel (CPNEF/AV), réunissant tous les partenaires professionnels (25), y compris la production audiovisuelle, la radio et le cinéma, pour les personnels administratifs et techniques, et complétant utilement celle existant, même si elles est peu active, pour les journalistes. Ce nouveau cadre dépasse actuellement le niveau de la branche, mais prévoit néanmoins, d'ores et déjà, la réunion de sous-commissions de branches au sein de la CPNEF/AV (26). Cette orientation gagnerait naturellement à être poursuivie et amplifiée, de façon à créer les conditions et le lieu d'une concertation entre les professionnels, leur permettant notamment de gérer convenablement les problèmes qui se posent à l'ensemble de la profession, qu'il s'agisse notamment, au-delà de la formation professionnelle, de la détermination d'une grille de métiers commune et mise à jour, ou des pratiques de recours aux intermittents, qui font actuellement complètement défaut. Pour autant, cette première étape ne saurait, à l'évidence, être considérée à elle seule comme traduisant un souhait spontané et unanime des principaux acteurs, en concurrence frontale sur le même marché, de négocier une convention de branche. En revanche, elle montre de manière indubitable que les écarts peuvent se réduire lorsque chacun y trouve intérêt, ce qui paraît être aujourd'hui le cas. EXTRAITS DU RAPPORT SPÉCIAL N°3320-ANNEXE 10 « Le secteur de l'audiovisuel public a vu globalement ses charges de personnel croître à un rythme soutenu depuis 1999. Cette tendance ne s'inversera pas dans les années à venir puisqu'elle résulte essentiellement du recrutement important de personnels en contrat à durée indéterminée. Même si cette croissance a été parfois contrebalancée par une diminution temporaire du personnel occasionnel, les caractéristiques de l'activité audiovisuelle (information notamment) ainsi que de la réglementation du travail dans l'audiovisuel public, rendent inéluctable à plus ou moins brève échéance, un retour aux recrutements de personnel occasionnel ou temporaire (CDD, pigistes, intermittents du spectacle, etc.). Le recrutement massif de personnel permanent, observé même dans des petites structures comme Arte-France (+ 10 % en 2000 et encore + 10 % en 2001), s'explique par plusieurs phénomènes : - la négociation sur la réduction du travail ; - l'accord sur la titularisation des intermittents techniques ; - le développement de l'activité. Pour ce qui concerne la réduction du travail, les sociétés ont signé, en application de la loi, des accords dont l'impact est résumé par le tableau ci-après :
(1) RFO a par ailleurs procédé à 169 recrutements au premier semestre 2000 au titre de la régularisation des personnels non permanents L'année dernière, votre Rapporteur avait attiré l'attention sur l'accord signé à France 3. En effet, pour ce qui concerne les journalistes, seule France 3 a été amenée à accorder des jours supplémentaires de congés RTT tout en maintenant la référence à la durée horaire du travail figurant dans la convention collective des journalistes. Cette concession s'annonçait lourde de conséquences en matière de financement d'heures supplémentaires, de repos compensateurs et de recours aux pigistes. France 3 cumule ainsi deux logiques contradictoires dont la somme est très favorable aux journalistes qui étaient au nombre de 1.270, soit 30 % de son personnel permanent au 31 décembre 2000. Les journalistes ne doivent plus que 196 jours de travail à l'entreprise, soit 365 jours moins 104 jours de week-end, 25 jours de congés payés, 15 jours de récupération des jours fériés, 5 jours au titre du passage de 40 à 39 heures et 20 jours au titre du passage de 39 à 35 heures. Mais même pendant ces 196 jours, les journalistes de France 3, qui sont tous cadres, peuvent compter leurs heures et demander des jours de récupération si elles dépassent la durée légale du travail. Ce maintien du décompte en heures du temps de travail, qui s'ajoute aux 20 jours accordés au titre de la RTT est une spécificité de France 3. Pour ces raisons, mais aussi du fait de l'accord sur les intermittents, l'emploi permanent a augmenté de 10 % soit 400 personnes équivalent temps plein entre le 30 juin 2000 et le 30 juin 2001 à France 3. L'entreprise comptait ainsi 4.391 personnes équivalent temps plein au 30 juin 2001 contre 3.993 au 30 juin 2000. Quant à l'application de l'accord RTT, de fortes incertitudes pesaient encore sur le rythme de prise de congés et l'utilisation du compte épargne temps. » ÉVOLUTIONS RÉCENTES DE DIFFÉRENTES CONVENTIONS COLLECTIVES DE BRANCHES PROCHES DE CELLES DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC Source : Legifrance TELECOMMUNICATIONS Convention collective nationale des télécommunications
PUBLICITE ET ASSIMILEES (Entreprises) Convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française. En vigueur le 1er avril 1955 Convention collective nationale de retraite des employés de la publicité. Etendue par arrêté du 22 mai 1963 JORF 27 juin 1963. Accord national professionnel sur la gestion des formations en alternance
Accord national professionnel sur le congé individuel de formation. Etendu par arrêté du 5 décembre 1990 JORF 18 décembre 1990 Accord national professionnel sur la gestion des plans de formation. Etendu par arrêté du 2 juillet 1993 JORF 10 juillet 1993. JOURNALISTES Convention collective nationale des journalistes refondue le 27 octobre 1987
(agences de presse). Accord du 29 novembre 2000 Journalistes (agences de presse). Accord du 29 novembre 2000 (agences de presse). Accord du 29 novembre 2000 Encadrement non journaliste (agences de presse). Accord du 29 novembre 2000 radiodiffusion - journalistes Avenant nº 3 du 27 septembre 2001 (Presse quotidienne régionale) Accord du 19 février 2001 (Presse quotidienne départementale) Avenant du 27 mars 2003 (Presse d'information spécialisée) Avenant du 4 avril 2003 (Presse d'information spécialisée) Avenant nº 4 du 2 juillet 2003 (Presse périodique régionale). Avenant du 18 décembre 2002 Accord portant création d'un organisme paritaire collecteur agréé (statuts O.P.C.A. - Formation professionnelle). Accord relatif à la section professionnelle presse en région (règlement intérieur O.P.C.A.) AUDIO-VIDEO INFORMATIQUE Convention collective nationale de l'audio-vidéo informatique (Fabrication de programmes vidéo informatiques. - Reproduction d'enregistrements vidéo et prestations de régie de diffusion et de télécommunications). Etendue par arrêté du 19 juillet 1999 JORF 30 juillet 1999
Accord relatif à la participation des entreprises dont l'effectif est inférieur à 10 salariés au financement de la formation professionnelle dans le secteur du cinéma et de l'audiovisuel
LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES RFI -M. Jean-Paul Cluzel, Président-directeur général -M. Patrice Cavalier, directeur général adjoint, chargé des ressources humaines France Télévisions -Groupe France Télévisions : M. Ghislain Achard (Directeur général délégué) M. Bernard Broyet (DRH) -pour les chaînes :
Radio-France - M. Jean-Marie Cavada, président-directeur général - M. Claude Norek, directeur général délégué à la gestion et à la production - M. François Desnoyer, directeur général délégué à la stratégie et au développement -M. Didier Tourancheau, directeur des ressources humaines AESPA -M. Bernard Gourinchas, président Organisations syndicales - CFDT M. Patrice Christophe CFDT France 3 - CGT : M. Marc Chauvelot (Secrétaire Général du SNRT-CGT France 3), M. William Maunier (représentant du personnel au CA de France 3), M. Charly Kmiotek (Secrétaire Général du SNRT-CGT). -SNJ (journalistes) M. Thierry Wills (SNJ) Mme Carole Donnet (SNJ) -FO Mme Françoise Chazaud : Secrétaire Générale du SNFORT - France 2 M. Jean-Michel Seybald France 2 Mme Nathalie Picco : RFI Mme Jacqueline Coussen : RADIO FRANCE M. Didier Barast : France 3 M. Jean-Luc Benzimra : RFO Au cours de sa réunion du 21 septembre 2004, votre Commission a examiné, en application de l'article 146 du Règlement, le présent rapport d'information, suite à une enquête de la Cour des comptes sur la convention collective du personnel du secteur public de l'audiovisuel. Elle a procédé à l'audition des membres de la Cour chargés de ce secteur, MM. Hervé Barbaret et Philippe Rousselot M. Hervé Barbaret, conseiller référendaire à la Cour des comptes, a souligné que c'était la première fois que la Cour menait une enquête à la demande de l'Assemblée nationale, en application de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Il convient tout d'abord de souligner deux éléments caractéristiques du contexte dans lequel intervient cette convention collective. D'une part, il existe une certaine diversité des textes, les conventions collectives du personnel de l'audiovisuel et l'avenant à la convention nationale des journalistes formant un ensemble couvrant un large spectre. D'autre part, les entreprises couvertes sont multiples. Au début des années 80, l'objectif consistait à recréer une unité statutaire après le démantèlement de l'Office de radiodiffusion et télévision française (ORTF) dans un secteur où les métiers étaient assez homogènes. Mais aujourd'hui, les métiers de l'audiovisuel sont extrêmement variés. Par ailleurs, de nombreuses entreprises privées interviennent dans le secteur. Ainsi, les conventions de l'audiovisuel public ne couvrent plus qu'une partie du secteur de l'audiovisuel. L'enquête a permis de dégager quatre problématiques majeures : les rémunérations, le paritarisme, les métiers et la vie de la convention. En ce qui concerne les rémunérations, les travaux de la Cour n'aboutissent pas à chiffrer les surcoûts qu'engendre l'application des conventions. Certes, il y a des progressions automatiques de salaires, mais les surcoûts ne peuvent pas en être chiffrés, car il n'existe pas de comparaison possible avec le privé, puisque la Cour n'accède pas aux comptes des sociétés privées. Néanmoins, la Cour estime qu'il y a une survalorisation de l'ancienneté dans le secteur public, du fait des conventions, mais également du fait d'accords d'entreprise qui rajoutent des automatismes aux grilles d'avancement. Par ailleurs, si les rémunérations sont parfois inférieures à celles du secteur privé, il existe des dispositifs assez généreux en matière de primes et de conditions de travail. Le paritarisme occupe une place importante, dans un système inspiré de la fonction publique. Cependant la juxtaposition de principes privés et publics engendre un dispositif lourd. Il conduit à un cercle vicieux : les directions expliquent qu'elles ne mettent pas en œuvre une gestion des ressources humaines moderne à cause de la discipline du paritarisme ; de leur côté, les syndicats répondent qu'en l'absence de gestion des ressources humaines moderne, il y a un risque d'arbitraire qui justifie le maintien de dispositifs paritaires. En ce qui concerne les métiers, les conventions définissent précisément les fonctions qui peuvent être exercées dans l'audiovisuel public, mais les grilles sont la plupart du temps obsolètes : elles sont aujourd'hui déconnectées des métiers. Enfin, M. Hervé Barbaret a abordé la problématique de la vie de la convention. Pendant dix ans, celle-ci a connu de nombreux avenants traduisant une réelle adaptation au droit du travail. Mais, depuis 1993, la convention ne vit plus, car le texte ne prend pas en compte les évolutions du droit. C'est ainsi que la détermination du temps de travail dans la convention n'intègre pas la réforme des 35 heures. La négociation sociale ne vit donc plus qu'au niveau de chaque entreprise, selon des régimes dérogatoires, ce qui entraîne une fragilité juridique non négligeable et met en cause l'utilité du socle conventionnel. En conclusion, la Cour des Comptes explore deux scénarii. L'un consiste à continuer l'existant, avec un texte obsolète et des accords dérogatoires d'entreprise, qui a l'avantage d'impliquer une évolution calme mais présente le risque de fragilité juridique. L'autre passe par la dénonciation de la convention avec la définition de dispositifs alternatifs prenant en considération la réalité du secteur audiovisuel dans son ensemble. Or, on constate un déséquilibre avec un secteur public très protégé, de petites sociétés sans aucune protection et des grandes sociétés comme TF1 ou existent des accords confortables. Ces particularismes sont source de tensions et de dysfonctionnements. La récente crise des intermittents est le révélateur d'un cadre conventionnel inapproprié. M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a remercié la Cour des Comptes pour son travail. L'analyse faite est très inquiétante et confirme les réticences de la commission des Finances à refuser une hausse de la redevance audiovisuelle en 2004, directe ou indirecte, tant que ne prévaudra pas une bonne évolution de la gestion de ces entreprises, dans un secteur concurrentiel. Ainsi l'augmentation plus forte que l'inflation des coûts de ces entreprises s'explique autant par la hausse des coûts de production que par les rigidités des statuts, source d'automaticité. Cette convention virtuelle, qui ne peut plus être adaptée qu'à coup d'accords d'entreprise, n'est plus acceptable ; le moment est venu de remettre les choses à plat, par exemple sur la base des métiers. Le Rapporteur général a demandé aux représentants de la Cour des Comptes ce qu'il adviendrait des personnels qui travaillent dans des entreprises qui disparaissent comme la SFP. La réforme, en cours, de la redevance audiovisuelle, avec les incertitudes qui pèsent sur son rendement final, n'a de sens que si l'on réforme en même temps les entreprises qui en sont bénéficiaires, y compris au sein de l'audiovisuel public. M. Hervé Barbaret a indiqué que vraisemblablement les anciens salariés de la SFP ne devraient pas garder le bénéfice de la convention collective, ainsi les salariés de TDF sont-ils couverts par la convention collective de France Telecom, et, lors de la privatisation de TF1, la convention collective a cessé de s'appliquer aux personnels de la chaîne. Votre Rapporteur spécial, a précisé que les salariés de France 5, de France télévisions holding, pas plus que ceux d'Arte, n'étaient couverts par la convention collective. M. Alain Rodet a jugé inquiétant le rapport de la Cour des Comptes notamment en ce qui concerne les rigidités et a reconnu que des efforts importants doivent être réalisés. Mais il n'a pas partagé l'opinion du Rapporteur général en estimant qu'il serait réducteur de considérer TF1 comme une sorte d'étalon de gestion de l'audiovisuel public, eu égard aux obligations pesant sur les sociétés du service public. Il faut donc éviter un « procès en sorcellerie », tel qu'on a pu le connaître avec Arte il y a dix ans, et les jugements doivent être nuancés. M. Michel Bouvard, Président, s'est dit impressionné par l'évolution des effectifs de France 3, qui passent de 3.338 en 1994 à 4.564 en 2002 ; s'agit-il d'équivalents temps plein et est-ce le résultat des effets mécaniques constatés par la Cour des Comptes ? D'autre part, il s'est interrogé sur l'impact des 35 heures qui, selon le rapport, ont entraîné 22 jours de congés supplémentaires et pourraient expliquer cette augmentation des effectifs. D'une façon plus globale, M. Michel Bouvard a dit partager les observations du Rapporteur général. Le secteur public ne peut s'exonérer d'une réforme vers une plus grande productivité, avec une réforme de métiers et l'introduction de critères liés au mérite et à la performance. L'utilisation de l'argent public rend la situation actuelle inacceptable pour les citoyens. M. Hervé Barbaret a répondu que les évolutions d'effectifs présentés étaient toujours calculées en équivalent temps plein. L'augmentation des effectifs de France 3 est due à trois facteurs : les conséquences des accords de réduction du temps de travail, qui n'ont pas été formalisés sous la forme d'une modification de la convention collective, à la demande des autorités de tutelle ; la pérennisation de personnels à statut précaire et le renforcement des heures de programmes régionaux et l'accroissement consécutive de l'activité. La Cour ne fait que constater cette évolution, sans y apporter d'évaluation critique. Votre Rapporteur spécial, a souligné que les ressources du secteur public de l'audiovisuel, depuis plusieurs années et plus particulièrement depuis le printemps 2003, font l'objet d'une réflexion approfondie de la part de la commission des Finances. Au-delà, l'audiovisuel public intéresse particulièrement le Parlement. M. Marc Tessier, président de France Télévision, vient d'être auditionné par la Commission des affaires cultures, familiales et sociales, sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens. Dans le même temps, le recours aux intermittents du spectacle dans l'audiovisuel public a donné lieu à critiques et contestations. Il est donc apparu nécessaire de vérifier si le cadre juridique de la convention collective applicable aux personnels techniques et administratifs de l'audiovisuel public, comme celui de l'avenant à la convention collective des journalistes, spécifique à l'audiovisuel, élaborés il y a vingt ans dans le droit fil des meilleures traditions administratives et modifié pour la dernière fois au début des années 1990, étaient toujours adaptés aux besoins d'un secteur aux évolutions parfois rapides, tant dans le domaine de la concurrence que dans celui des technologies. Pour cela la Commission a souhaité pouvoir s'appuyer sur l'analyse indépendante, contradictoire et exhaustive de la Cour des comptes, conformément à l'article 58 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Il s'agit là de la première application de cette disposition et on ne peut que se féliciter de l'excellence de la collaboration entre la Cour des comptes et le Parlement, et du travail accompli au sein de la 3ème chambre. S'agissant du recours à l'intermittence par les sociétés d'audiovisuel public, cette question a été traitée par le rapport de M. Gourinchas, publié au début de l'année et qui a fait l'objet d'une large concertation. Certaines de ses recommandations sont déjà en application parmi lesquelles : négocier une réorganisation du travail des permanents pour augmenter leur disponibilité réelle et assurer un équilibre meilleur entre emploi permanent et emploi précaire, inclure dans le dialogue avec les tutelles une appréciation complète de la situation de l'emploi et convenir de règles communes dans l'ensemble de l'audiovisuel pour aboutir à une régulation globale et durable de l'intermittence sous la forme d'une convention de branche. Concernant enfin les conventions collectives et les emplois permanents, deux solutions semblent a priori devoir être écartées au profit d'une approche plus ambitieuse. Le statu quo, pratiqué depuis dix ans, est une solution qui peut paraître séduisante, dans la mesure où, à court terme, elle ne génère aucune difficulté. Mais une telle attitude apparaîtrait particulièrement peu responsable. La convention collective ne constituerait plus alors à terme qu'un symbole social historique, témoignant, par son obsolescence, d'une véritable négligence dans la gestion publique, ou du moins du souci de prendre le moins de risques possible, sans considération des conséquences sur les entreprises publiques et leur capacité à remplir leur mission du mieux possible au regard des ressources publiques qui leur sont allouées. Le statu quo pourrait s'accompagner de la généralisation des accords d'entreprise, adaptés au cas de chacune d'entre elles, éventuellement dérogatoires à la lettre de la convention collective. Le calendrier permet, du strict point de vue juridique, d'envisager une dénonciation de la convention collective jusqu'à la fin septembre 2004. En l'occurrence, dénoncer la convention collective de l'audiovisuel public ne constitue pas, en soi, une impasse impraticable, comme le montre le cas, maintenant ancien, de TF1, où la sortie de la convention avait été prévue par la loi de privatisation, ou celui, plus récent, de TDF. Mais TDF a pu procéder ainsi en raison de la disponibilité immédiate d'une autre convention collective préexistante : la convention collective des télécommunications. S'agissant du cas des autres entreprises de l'audiovisuel public, le choix de la dénonciation présente incontestablement des risques importants pour leur fonctionnement et leur mission, particulièrement en l'absence de convention collective susceptible de s'y substituer. La mise en place d'une convention de branche représenterait la solution la plus ambitieuse, avec une sortie « par le haut ». Elle relèverait du souci de construire un cadre solide à la fois pour l'audiovisuel public et, plus généralement, pour le secteur audiovisuel dans son ensemble. La solution qui paraît la plus réaliste, mais aussi la plus ambitieuse pour l'industrie audiovisuelle, consisterait en une combinaison liant une négociation de branche pour les critères structurants et le développement, en application du principe de subsidiarité, et des accords d'entreprises adaptés au cas de chacune d'entre elles. Une négociation globale au niveau interentreprises, mais limitée au secteur public, n'apparaît plus réellement significative aujourd'hui compte tenu de ce que, d'une part, celui-ci ne représente plus qu'une part minoritaire de l'ensemble de l'audiovisuel français, et, d'autre part, que les métiers n'ont plus réellement de socle commun entre les télévisions publiques, les radios publiques et l'INA. La négociation d'une convention de branche présenterait de multiples avantages. Elle pourrait constituer un socle commun harmonisant les qualifications et les salaires minimaux, dans le cadre d'une démarche fondée sur la négociation collective, et succédant nécessairement à un état des lieux social commun à l'ensemble de la profession. Elle permettrait également de poser les principes d'une protection sociale complémentaire commune et d'un niveau supérieur à celle, actuelle, de l'audiovisuel public. Elle pourrait éventuellement distinguer radio, archivage et télévision, dont les métiers, mais aussi les moyens, diffèrent sensiblement, et consolider juridiquement la production audiovisuelle, sous-secteur économique financièrement fragile. Enfin, sinon surtout, la mise en place d'une telle convention permettrait à la profession de disposer d'une instance de concertation, enceinte indispensable pour gérer collectivement des problèmes qui se posent de manière collective, à l'instar de celui du recours à l'emploi des intermittents du spectacle. Pour le secteur public, une convention de branche pourrait englober toutes les entreprises publiques, y compris Arte, la holding France Télévisions et France 5. Elle permettrait, en conséquence, pour le groupe France Télévisions, de mettre en place un accord de groupe, qui faciliterait naturellement la mobilité entre les sociétés, aujourd'hui trop faible. Les circonstances sont actuellement particulièrement favorables. Cette démarche serait aujourd'hui particulièrement justifiée par le fait que l'accord national interprofessionnel «historique » du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation professionnelle tout au long de la vie, comme d'ailleurs la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, fait de la branche le niveau optimal pour sa mise en œuvre. En effet, la mise en oeuvre effective de l'accord interprofessionnel est subordonnée à la conclusion préalable d'accords de branche. Constatant cette situation, les professionnels en ont tiré les conclusions, en décidant dès le mois de décembre 2003, avec une diligence dénotant une capacité de réaction étonnamment rapide, de mettre en place une commission paritaire nationale pour l'emploi-formation professionnelle/audiovisuel, réunissant tous les partenaires professionnels, y compris la production. Cette démarche est d'autant plus importante que la formation professionnelle tout au long de la vie est indispensable pour valoriser le capital humain de ces entreprises et favoriser l'évolution des compétences. Pour autant, cette première étape ne saurait, à l'évidence, être considérée à elle seule comme traduisant un souhait spontané et unanime des principaux acteurs, en concurrence frontale sur le même marché, de négocier une convention de branche. En revanche, elle montre de manière indubitable que les écarts peuvent se réduire lorsque chacun y trouve intérêt, ce qui paraît être aujourd'hui le cas. Votre commission des Finances a alors autorisé, en application de l'article 146 du Règlement, la publication du rapport d'information. COUR DES COMPTES COMMUNICATION À LA COMMISSION DES FINANCES,
octobre 2003 PRÉAMBULE En application de l'article 58 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le Président de la Commission des finances de l'Assemblée Nationale a demandé à la Cour des comptes de bien vouloir inscrire à son programme de contrôles une enquête sur « l'incidence, sur la gestion des entreprises du secteur public de l'audiovisuel, de la convention collective qui s'applique à elles, ainsi que de ses modalités de mise en œuvre ». Le Premier président de la Cour des comptes a inscrit cette enquête au programme de la Cour pour 2003. Deux niveaux d'analyse ont été distingués : ¬ Les textes conventionnels eux-mêmes : - La convention collective de la communication et de la production audiovisuelles (CCCPA), qui concerne les personnels techniques et administratifs (PTA). Elle ne s'applique pas à l'ensemble du secteur audiovisuel, contrairement à une convention de branche, mais à six seulement des sociétés publiques issues de l'ex-ORTF. - L'avenant audiovisuel à la convention collective nationale du travail des journalistes (CCNTJ), cette dernière étant pour sa part une convention de branche étendue Six sociétés sont signataires de ces textes : France 2, France 3, Radio France, Radio France International (RFI), Radio France Outre-Mer (RFO) et l'Institut National de l'Audiovisuel (INA). ¬ Les accords d'entreprise, tels qu'ils se sont développés depuis vingt ans et, plus généralement, la politique de gestion des ressources humaines au sein de ces entreprises. A travers cette grille d'analyse, trois blocs ont été examinés : ¬ Les rémunérations : fixation des salaires, avancements et promotions, régime indemnitaire, régime des congés ... ¬ Le fonctionnement du paritarisme, hérité du statut général des fonctionnaires qui s'appliquait jusqu'en 1974 aux salariés de l'ORTF. ¬ La définition des métiers et l'impact des évolutions technologiques sur le système de grilles de qualification défini en 1984. La procédure qui a présidé à l'établissement du présent rapport a été contradictoire, un document provisoire ayant été adressé aux autorités de tutelle et aux présidents des entreprises concernées. Une audition à laquelle n'ont pas souhaité être associées les autorités de tutelle a permis aux présidents des sociétés d'apporter des éclairages repris dans la conclusion du présent rapport. En 1974, l'éclatement de l'ORTF donne lieu à la création de sept sociétés différentes : TF1, Antenne 2, FR3, Télédiffusion de France (TDF), la Société Française de Production (SFP), l'INA et Radio France. Ces dernières sortent alors du statut général de la fonction publique, sous l'empire duquel les salariés de l'Office étaient placés, et chacune d'entre elles édicte progressivement ses propres règles sociales, par voie d'accord d'entreprise. Placées dans des situations économiques et concurrentielles différentes, elles adoptent progressivement des dispositions sensiblement divergentes. En 1981, le nouveau gouvernement se préoccupe de réorganiser l'audiovisuel : une commission, présidée par M. Pierre Moinot, est mandatée pour faire des propositions au gouvernement. Elle propose la fusion de TF1, Antenne 2 et la SFP, qui aurait permis de recréer une mini-ORTF, et l'éclatement de FR3 en de multiples télévisions régionales. Aucune de ces deux propositions ne sera retenue dans la loi sur la communication audiovisuelle du 29 juillet 1982. Cependant, les tenants de la réunification de l'audiovisuel public obtiennent du gouvernement l'ouverture d'une négociation entre les partenaires sociaux et les sociétés concernées, visant à soumettre à une convention collective unique l'ensemble des entreprises issues de l'ORTF. Deux textes vont être signés : ¬ L'avenant audiovisuel à la convention nationale du travail des journalistes, le 9 juillet 1983, par l'association des employeurs du secteur public de l'audiovisuel, l'AESPA, et trois syndicats, le syndicat national des journalistes (SNJ), la CFDT et la CGT. FO y adhérera en janvier 1984. ¬ La convention collective de la communication et de la production audiovisuelles, le 31 mars 1984, par l'association des employeurs d'une part, et la CFDT, FO et la CGC d'autre part. La CFTC y adhérera en 1986 et la CGT en 1994. Les deux textes présentent de nombreuses similitudes, seul le bloc salarial différant sensiblement puisqu'il n'existe pas de mécanismes de progression automatique des salaires dans l'avenant audiovisuel. De tels automatismes seront institués dix ans plus tard, à l'occasion des accords « Servat ». En 1986, TF1 est privatisée. La loi autorise expressément la nouvelle société à sortir du champ de la convention collective. Un accord d'entreprise est signé par les nouveaux dirigeants de la société. Cet accord reprend une partie du dispositif de la CCCPA, notamment en matière d'indemnisation des licenciements et des départs à la retraite ainsi qu'en matière de droits à congés. En revanche, les dispositions relatives aux automatismes de rémunération et au paritarisme sont supprimées. L'ancienneté n'est plus rémunérée que par la prime d'ancienneté, qui est conservée, et « les promotions sont attribuées par la direction ». De la même manière, l'accord d'entreprise des journalistes de TF1 se distingue de l'avenant audiovisuel à la CCNTJ, en excluant toute gestion paritaire des carrières. La privatisation de TF1 ouvre l'ère du développement des médias télévisés privés. La création de Canal + puis de La Cinq et de M6, l'expansion des télévisions du câble puis du satellite vont profondément bouleverser le paysage audiovisuel hexagonal et l'ouvrir à la concurrence nationale et internationale. Les sociétés publiques évoluent : la SFP est cédée à un groupe privé le 18 juillet 2002. TDF rejoint le groupe France Télécom et sort de la CCCPA. Les sociétés de diffusion se différencient progressivement : France 2 fait face à la concurrence de TF1 et adopte un schéma économique de production similaire, caractérisé par une forte externalisation de la fabrication de ses programmes. Dans le budget de ces chaînes, l'essentiel des dépenses est consacré à l'achat de programmes, coproduits ou non, et les charges de personnel pèsent d'un poids relativement limité. Ainsi, dans le budget de France 2, les dépenses de personnel ne représentent que 16 % de l'ensemble des charges d'exploitation. Les autres télévisions publiques, France 3 mais aussi RFO, et les radiodiffuseurs, Radio France et RFI, continuent pour leur part à produire l'essentiel de leurs programmes avec des moyens internes. Dans ces sociétés, les dépenses de personnel représentent 35 à 60 % des charges d'exploitation : 35 % à France 3, 47 % à RFI, 56 % à l'INA et à Radio France et 60 % à RFO. Aussi, l'impact financier des dispositions de la CCCPA est-il particulièrement fort dans ces entreprises. 1.- La grande diversité des sociétés concernées Les six entreprises qui entrent actuellement dans le champ d'application de la convention collective se partagent entre trois grandes familles : la télévision, avec France 2, France 3 et RFO, la radio, avec Radio France, RFI et aussi RFO, l'archivage et la documentation avec l'INA. Les métiers de chaque famille sont spécifiques et ont évolué sous l'effet des innovations techniques. Même au sein des sociétés de télévision, les modes de fonctionnement de France 2 et de France 3 diffèrent. À cette diversité interne s'ajoute le fait que d'autres diffuseurs publics se sont créés et développés en dehors du champ de la CCCPA : Arte, du fait de son statut supra-national, La Cinquième, devenue France 5, Sattellimages TV5 SA (TV5) et Canal France International (CFI). Ces sociétés fonctionnement selon des règles propres, plus ou moins inspirées de la CCCPA : TV5 applique les dispositions de la CCCPA sans toutefois en être signataire ; Arte en est proche mais a signé son propre accord d'entreprise ; La Cinquième a, dès l'origine, adopté un système original, caractérisé par une grande souplesse : absence de grilles, absence d'automatismes, carte des métiers. Malgré son intégration dans le groupe France Télévisions, France 5 continue d'appliquer son propre accord d'entreprise. Dès lors que la loi du 6 juillet 2001 se prononçait clairement pour la constitution d'un groupe public de télévision et dotait France Télévisions de la personnalité morale et de pouvoirs étendus de direction sur les sociétés du groupe, l'éventualité d'une négociation sociale se situant au niveau du groupe, et non plus au niveau de chacune des sociétés le composant, devait être envisagée. A l'heure actuelle, cette question n'a pas reçu de réponse concrète. Elle se heurte aux fortes particularités qui caractérisent chacune des sociétés. Le risque d'un alignement systématique des dispositions sur les plus coûteuses d'entre elles demeure suffisamment important pour que cette question soit traitée avec une grande prudence. 2.- L'évolution des rémunérations (27) Le présent rapport s'attache à évaluer l'ensemble du dispositif conventionnel, en appréciant sa pertinence au regard non seulement de l'organisation actuelle du secteur audiovisuel public, des évolutions technologiques et de la confrontation à la concurrence, mais aussi de la capacité des acteurs à conduire le changement : capacité des directions de ces entreprises à négocier, à faire évoluer les relations sociales dans leur sociétés, capacité de l'Etat actionnaire à responsabiliser les dirigeants de ces sociétés sur leurs résultats. A la question des surcoûts qui résulteraient directement des dispositions de la seule convention collective, il n'existe pas de réponse simple. Le coût des avantages sociaux consentis aux salariés des sociétés de l'audiovisuel public résulte en réalité de l'addition de multiples éléments dont l'agencement est complexe. Des comparaisons avec les coûts salariaux des sociétés du secteur privé étaient concevables. Cependant, la Cour n'a pas accès aux informations relatives aux comptes de TF1, de Canal + ou de M6. De plus, la prudence s'impose face à des comparaisons trop rapides qui occulteraient la diversité des modes de production et des structures économiques de ces chaînes : l'équilibre financier de Canal +, fondé sur le sport et le cinéma et dépendant des recettes d'abonnement, est difficilement comparable à celui de TF1. La seule comparaison entre TF1 et France 2 est, a priori, plus pertinente : alors que les charges de personnel représentent 11 % des charges d'exploitation de TF1, ce ratio est de 16 % à France 2, soit près de 50 % en plus. Pour autant, il serait évidemment abusif d'en tirer la conclusion que la convention collective a pour effet d'augmenter à due concurrence les coûts salariaux dans les entreprises publiques de l'audiovisuel, ne serait-ce qu'en raison de la diversité des choix opérés en matière d'externalisation de certaines activités. L'examen de l'évolution des rémunérations versées par les sociétés du service public de l'audiovisuel sur longue période apporte des éléments d'analyse intéressants. Seul l'indicateur habituellement utilisé par la Commission interministérielle de coordination des salaires (CICS), la « rémunération moyenne des personnels en place » (RMPP) - cf. annexe 2 -, permet d'établir des comparaisons homogènes entre les six entreprises assujetties à la CCCPA et à l'avenant audiovisuel. Cet indicateur qui, jusqu'en 2001, ne prenait pas en compte l'ensemble des éléments constitutifs des rémunérations, permet de neutraliser l'effet de noria (remplacement des personnels qui ont quitté l'entreprise par des jeunes, dont les salaires sont en moyenne plus faibles) ainsi que l'impact des variations de provisions, qui viennent éventuellement grever la masse salariale.
¬ Cette comparaison montre d'abord que, sur cinq ans, la RMPP a augmenté plus vite que l'indice des prix à la consommation. L'écart total est de 10,8 points, mais il varie de 6,43 points (INA) à 14,14 points (RFI) pour les seules sociétés assujetties à la CCCPA (hors Arte et France 5). Cependant, cette augmentation n'est guère plus élevée que celle de l'ensemble du secteur public, dont la RMPP augmente de 16,8 points sur entre 1997 et 2002. ¬ Ce pourcentage global d'évolution masque toutefois des différences entre les sociétés : l'augmentation la plus forte apparaît à RFI (3,37 points de plus que l'ensemble constitué par l'audiovisuel public), immédiatement suivie par RFO (1,78 point d'écart), France 3 (1,64 point d'écart) puis Radio France. La RMPP augmente proportionnellement moins vite à France 2, mais le niveau de départ était plus élevé. ¬ Les sociétés qui ne sont pas soumises à la CCCPA, même si, comme Arte, elles appliquent des dispositions assez proches, ont vu leur RMPP augmenter beaucoup moins vite : l'écart entre l'indice INSEE et l'évolution constatée pour Arte n'est que de 7,44 points et de 5,02 points pour France 5. Ces sociétés contribuent à maintenir l'évolution de la RMPP du secteur audiovisuel à un niveau relativement proche de celui de l'ensemble du secteur public. Une autre comparaison peut être effectuée en rapprochant les poids respectifs des masses salariales des six sociétés concernées, au regard du total de leurs charges d'exploitation :
Ce tableau montre là aussi de grandes différences entre les sociétés : alors que la part relative de la masse salariale dans les charges d'exploitation, en dix ans, est restée quasi constante à l'INA grâce à une gestion des départs se traduisant par une diminution des emplois, et n'a augmenté que d'un point à France 2, elle a crû de 3,7 points à France 3, de 5,2 points à Radio France, de 9,1 points à RFO et de 10,8 points à RFI. Cette évolution ne résulte pas que de la dynamique propre aux textes collectifs : à RFI, par exemple, le passage en 1998 à un format privilégiant l'information s'est traduit immédiatement par des charges de personnel accrues. De même, en 2000, la signature des accords de réduction du temps de travail a également accru le poids des charges de personnel. La Cour constate qu'en l'état, les directions des entreprises ne sont pas en mesure d'identifier l'impact respectif de chacun de ces facteurs sur la masse salariale. 3.- La multiplication des accords d'entreprise Les relations sociales dans les entreprises du secteur public audiovisuel sont caractérisées par une forte tension sociale et le règlement au coup par coup des problèmes, sous la menace fréquente des préavis de grève dont le nombre est élevé. Il n'existe pas, à l'exception de RFI depuis 1996, dans ces sociétés, de gestion prévisionnelle des compétences et des emplois. Des efforts récents entrepris, notamment, par France Télévisions ou l'INA, n'ont pas encore porté de fruits. La question du vieillissement des personnels est ainsi traitée, jusqu'à présent, par la création de nouveaux automatismes salariaux, qui s'ajoutent à ceux qui existent déjà dans la CCCPA. La CCCPA a pourtant organisé, au sein de ces sociétés, un paritarisme qui donne aux employeurs et aux représentants des salariés de nombreuses occasions de rencontre et de discussion. Il semble cependant que ce paritarisme, qui se superpose aux structures classiques de représentation des salariés (comité d'entreprise et délégués du personnel), soit désormais figé dans un rituel peu propice au dialogue social. Il n'a en tous cas pas permis de moderniser le cadre conventionnel, qui a peu évolué depuis 1984 et semble même pratiquement gelé depuis 1993. Cette « sanctuarisation » de la convention collective en fait désormais un texte difficilement amendable. La conclusion des accords de réduction du temps de travail, par exemple, qui aurait justifié un toilettage en profondeur du texte de la CCCPA, n'a pas débouché sur une révision de cette convention, chaque entreprise ayant mené la négociation séparément. De ce fait, plusieurs articles de la CCCPA sont désormais obsolètes. De nombreux accords d'entreprise ont en revanche été signés dans chacune des six sociétés. Il est possible de discerner trois grandes catégories d'accords particuliers : ¬ Les accords de revalorisation des carrières, du type de ceux évoqués ci-dessus, visant à reclasser les salariés ayant une certaine ancienneté, ¬ Les accords prenant en compte les évolutions des métiers de l'audiovisuel, le plus souvent en contrepartie de l'octroi de primes particulières, ¬ Les accords ayant pour objet de réduire les disparités entre les sociétés soumises à la CCCPA. La CCCPA et l'avenant audiovisuel à la CCNTJ sont censés maintenir l'unité du secteur public de l'audiovisuel. Dans un contexte où renaît régulièrement le débat sur la place du service public et le contenu de ses missions, question qui semblait en voie de règlement avec la signature des contrats d'objectifs et de moyens, mais qui est à nouveau posée du fait de l'abandon de certaines de leurs lignes de force, le statut des personnels des sociétés nationales de programme acquiert une force symbolique dont l'enjeu dépasse évidemment les textes eux-mêmes. 1 () Rapport d'information de Patrice Martin-Lalande « Réformer la redevance, pour assurer le financement de l'audiovisuel public » ; Doc Assemblée nationale n°1019 du 9 juillet 2003. 2 () Voir en annexe 3 la liste des personnes auditionnées. 3 () Qui concerne France 2 et France 3, ainsi que RFO, Radio-France, RFI et l'INA, mais ni Arte, ni France 5, ni la holding France Télévisions. 4 () « Le recours à l'intermittence dans les sociétés de l'audiovisuel public » Bernard Gourinchas, janvier 2004. 5 () Cf. rapport spécial n°3320-annexe10 de M. Jean-Marie Le Guen sur le projet de budget pour 2002, au nom de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, et notamment ses développements sur l'incidence de la mise en place des 35 heures, rappelée en annexe 1. 6 () Sous la forme de l'examen par la CICS, qui fait lui-même l'objet de critiques assez sévères en raison de son calendrier inadapté à la gestion réelle des entreprise, et de l'insuffisance de marges de manœuvre laissées aux dirigeants. 7 () Seules les entreprises de télévision ont répondu d'une manière homogène et comparable à la question posée par votre Rapporteur. 8 () Données INSEE pour 2001, à laquelle il conviendrait d'appliquer, par souci d'exactitude, une croissance de l'ordre de 2 à 3% par an, soit environ 500 à 800 euros de plus chaque année. 9 () Le SNJ a en revanche fait valoir à votre Rapporteur, à cet égard, que les journalistes ne bénéficient d'aucun automatisme qui résulterait spécifiquement de l'avenant audiovisuel (public) à la convention collective des journalistes. Les automatismes, concernant les journalistes de l'audiovisuel public, découlent en réalité des accords dits « Servat ». 10 () Le détail de cette situation ainsi que les critiques qui peuvent lui être faites ont été présentées avec beaucoup de pertinence par le Rapporteur spécial de la précédente majorité, dont les analyses en la matière sont rappelées en annexe 1. 11 () Le SNJ a fait valoir à votre Rapporteur que, s'agissant des journalistes, le paritarisme ne résultait pas des traditions administratives et de dispositifs spécifiques à l'audiovisuel public, mais de l'histoire et des textes fondateurs de le profession, puisque tant la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels que la Commission arbitrale ont été créées par la loi du 29 mars 1935 portant statut des journalistes professionnels. Par ailleurs, au niveau des autres branches, le paritarisme, qui garantit une certaine indépendance des journalistes et des rédactions vis-à-vis de la direction des titres, constitue le mode de fonctionnement habituel de la presse écrite. En revanche, il est vrai que seul l'avenant audiovisuel public prévoit la clause, pourtant légitime, suivant laquelle le journaliste « ne peut être contraint à accepter un acte contraire à son intime conviction professionnelle » (additif à l'article 5 de la convention collective nationale) 12 () Courrier adressé le 29 avril 2003 aux rapporteurs de la Cour des comptes par les représentants du SNJ de France 2, France 3, RFI,, Radio-France et RFO, et transmis à votre Rapporteur par ses auteurs. 13 () Par exemple, uniquement pour RFI, existent 135 « mandats», correspondant aux institutions légales et conventionnelles, mais également, pour certaines, facultatives. L'ensemble du dialogue social s'est manifesté dans cette entreprise de taille limitée (681 salariés permanents en 2002) par deux réunions par semaine (soit environ 100 par an...). Un effort a cependant été recherché par certaines entreprises, (France 2 par exemple), pour réduire le nombre et la durée de certaines de ces réunions paritaires les moins utiles. 14 () Entretien paru dans le Figaro du lundi 14 juin 2004 15 () Le contrat d'usage constant est la forme juridique que prend le recours à l'intermittence (article L. 122-1-1-3° du Code du Travail). L'audiovisuel figure dans la liste des secteurs d'activité autorisés à recourir à ce type de contrat (article D.121-2 du code du travail). 16 () Le Monde, vendredi 16 janvier 2004. 17 () L'article 42 de la loi prévoit une nouvelle rédaction de l'article L. 132-23 du code du travail, complété par les deux alinéas suivants : « En matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives mentionnées à l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale et de mutualisation des fonds recueillis au titre du livre IX du présent code, la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement ne peut comporter des clauses dérogeant à celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels. « Dans les autres matières, la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement peut comporter des dispositions dérogeant en tout ou en partie à celles qui lui sont applicables en vertu d'une convention ou d'un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord en dispose autrement. » 18 () À l'exception des salaires minima, des classifications, de la protection sociale complémentaire et de la mutualisation des fonds de la formation professionnelle. 19 () En l'occurrence, TF1 n'a pas dénoncé son appartenance à la convention de l'audiovisuel public : c'est la loi de privatisation qui l'a prévu. 20 () Cf. annexe rappelant l'historique des avenants récents des conventions collectives les plus proches des métiers de l'audiovisuel : télécommunications, publicité, journalistes, audio-vidéo informatique, ... 21 () Et accessoirement de permettre à la holding France Télévisions de participer au dispositif de la CNEFP/AV (cf. infra), alors que, ne faisant pas partie du champ d'application de la convention collective de l'audiovisuel public, son activité pourrait aujourd'hui lui interdire de participer à cette commission. 22 () On peut d'ailleurs observer que, s'agissant du plus important employeur privé, celui-ci a adopté un accord d'entreprise considéré comme généreux et en grande partie inspiré de la convention collective de l'audiovisuel public, à l'exception de sa dimension paritaire et de ses automatismes. Élaboré après de longues négociations, achevées relativement récemment en 1997, cet accord d`entreprise pourrait être une utile contribution à la discussion et à la préparation d'une convention de branche, sous réserve que ses minima soient abaissés à un niveau acceptable par les concurrents de TF1. 23 () Le rapport précité de M. Gourinchas souligne d'ailleurs, à juste titre, les efforts faits en ce sens, notamment par France 2, qui a négocié des modifications de la composition de ses équipes de reportage qui devraient faciliter le redéploiement de l'activité des preneurs de son vers des activités de transmission et de montage. D'autres entreprises ont prévu la création de nouvelles fonctions de « techniciens de reportage », assumant les fonctions de son, d'éclairage et de transmission, Mais cette démarche n'est ni aisée, ni générale, notamment parce qu'elle se heurte aux grilles, obsolètes, de la convention collective des personnels techniques et administratifs 24 () OPCA : organisme paritaire collecteur agréé, qui finance la formation professionnelle des salariés. 25 () Quinze organisations professionnelles, ainsi que l'ensemble des syndicats représentatifs des salariés. 26 () Radiodiffusion, télédiffusion, production cinématographique et audiovisuelle, et prestations techniques. 27 () L'évolution, au cours des 10 dernières années, des effectifs et des charges de personnel des six entreprises, est retracée dans l'annexe 1. |