N° 1975 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 décembre 2004. RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 145 du Règlement PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES sur les métiers artistiques ET PRÉSENTÉ par M. Christian KERT, Député. ___ INTRODUCTION 7 I.- LES MÉTIERS D'ARTISTES SALARIÉS : DES ÎLOTS DE STABILITÉ DANS UN OCÉAN DE PRÉCARITÉ 13 A. L'EMPLOI INTERMITTENT : LA FUITE EN AVANT 13 1. L'histoire de l'intermittence porte en germe la précarisation du marché de l'emploi artistique 13 a) Les origines de la précarisation 13 : l'extension de la notion de « périmètre des ayants droit » 13 b) Le développement des pratiques artistiques a fait bondir le nombre des allocataires et laisse s'affoler les déficits 14 c) Conséquence : la lente marche vers la précarisation 16 2. La nécessaire flexibilité du monde du spectacle : comment trouver les moyens de stabiliser le déficit ? 24 a) Les mesures prises depuis la publication de la contribution de la mission de mars 2004 24 b) Assurer la viabilité du système à plus long terme : redéfinir les limites du régime 25 c) Améliorer les conditions d'entrée dans les métiers artistiques 30 d) Réformer le système de reconversion des intermittents : l'importance des « portes de sortie » 34 3. Renforcer la place des intermittents du spectacle dans la vie économique, sociale et culturelle 35 a) Un rôle important de transmission, de sensibilisation et de formation 35 b) Reconnaître le rôle économique et social majeur des manifestations culturelles et du spectacle enregistré 38 B. LES EMPLOIS ARTISTIQUES PERMANENTS : UNE STABILITÉ TROMPEUSE ? 39 1. Des emplois hétérogènes 41 a) Le cas atypique de la Comédie-Française 41 b) L'Opéra de Paris : une permanence gage d'excellence et quelques difficultés 42 2. Un besoin de souplesse, parallèle au nécessaire développement de formes d'emplois moins précaires 43 C. UN FINANCEMENT DU SPECTACLE VIVANT ET ENREGISTRÉ À RÉINVENTER 44 1. Le développement d'une nouvelle politique d'aides publiques par l'Etat et les collectivités locales 44 a) Une clarification des rôles de l'Etat et des collectivités 44 b) Un préalable : le développement de l'observation culturelle 45 c) Imposer un cahier des charges plus strict et plus précis, corollaire d'un financement pérenne, aux institutions de la culture et de l'audiovisuel 46 d) Envisager la création d'un Centre national du théâtre sur le modèle du Centre national de la cinématographie 48 2. La redéfinition des modalités d'utilisation du Compte de soutien à l'industrie de programme (COSIP) : repenser le financement du spectacle enregistré 48 a) La nécessaire taxation des recettes de SMS des opérateurs audiovisuels 49 b) L'importance de la redéfinition de la notion d'œuvre 49 c) Un soutien recentré sur les créations qui ne peuvent voir le jour sans aide ? 51 II.- LES MÉTIERS ARTISTIQUES NON SALARIÉS OU LA FACE CACHÉE DE LA LUNE 53 A. DES MÉTIERS MAL CONNUS ET PEU ORGANISÉS 53 1. De qui s'agit-il ? 53 2. Des rémunérations fragiles et sous dépendance 55 a) Les droits d'auteur 55 b) La vente des œuvres 57 c) Les rémunérations des interventions et activités d'enseignement 58 3. Des droits sociaux incomplets 58 a) Il n'existe pas de droit à la formation professionnelle pour les artistes indépendants 59 b) Il n'existe pas de couverture du risque de maladies professionnelles et de protection en matière d'accidents du travail pour les artistes indépendants 59 B. DES PISTES D'ÉVOLUTIONS... 60 1. ... pour la protection sociale des artistes indépendants 60 : un rapprochement entre l'AGESSA et la Maison des artistes 60 2. ... pour la formation des artistes indépendants 60 3. ... pour la rémunération des artistes indépendants 61 a) Assurer la transparence des comptes remis aux auteurs par les diffuseurs 61 b) Revoir à la baisse la durée des contrats d'édition et par conséquent de cession des droits 61 c) Restituer aux auteurs les droits cédés mais non exploités 62 d) Assurer la rémunération des œuvres sur Internet 62 e) Intégrer la rémunération de l'auteur au coût du spectacle 62 4. ... pour le statut fiscal des artistes indépendants 63 5. ... pour les politiques publiques d'aide 64 a) Développer la pratique des auteurs en résidence 64 b) Développer la politique de diffusion des œuvres françaises dans le monde francophone, en lien avec le ministère des affaires étrangères 65 C. FAUT-IL FAIRE PAYER LES « ÊTRES DE LÉGENDE » POUR LES VIVANTS ? 65 TRAVAUX DE LA COMMISSION 69 ANNEXES 73 PROPOSITIONS DE LA MISSION 75 COMPOSITION DE LA MISSION 79 TABLE RONDE SUR LE RÔLE DES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS LE DOMAINE DE LA CULTURE 81 AUDITION DE M. RENAUD DONNEDIEU DE VABRES, MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION 99 LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET RENCONTRÉES LORS DES DÉPLACEMENTS 111 Un été 2003... La France ne souffre pas que de la canicule ; la France a également mal à ses festivals. Le 26 juin paraît un accord signé par les partenaires sociaux destiné à revoir les modalités d'application du régime de l'assurance chômage du spectacle, plus communément appelé régime de l'intermittence du spectacle. Sa publication met le feu aux poudres : la plupart des grandes manifestations estivales seront annulées ou se dérouleront a minima. Le ministre de la culture et de la communication, M. Jean Jacques Aillagon, tentera vainement de dégager les voies de l'apaisement. Quelques mois plus tard, il sera «sacrifié » pour n'avoir pu ni sauver l'été 2003, ni prendre les initiatives qui auraient permis de dédramatiser la situation. Mais la révolte des intermittents ne laissera pas que le goût amer de l'échec et de l'inachevé. Elle permettra tout d'abord de réaliser l'importance vitale de ce régime d'assurance chômage dans la vie culturelle et sociale du pays. Parallèlement, elle va révéler les ambiguïtés d'un système qui a en partie transformé ce régime en un mode d'aide directe à la création et à la diffusion. Ce mouvement va également révéler un volume préoccupant d'abus en tous genres, notamment et principalement dans l'audiovisuel, qui plus est dans l'audiovisuel public, qui recourt depuis des années et de façon abusive à l'intermittence. Enfin, il va mettre en évidence l'absence de définition des « métiers artistiques » et celle du périmètre de ces métiers. Le gouvernement, arbitre jusqu'à cette période du conflit, réalise que la situation est totalement bloquée, admet que certaines insatisfactions sont légitimes et s'efforce de reprendre le dialogue et la négociation avec les différentes parties. C'est la tâche que va entreprendre le nouveau ministre de la culture et de la communication, M. Renaud Donnedieu de Vabres, sitôt après sa nomination le 31 mars 2004. L'Assemblée nationale ne souhaitait pas rester hors du débat. L'ensemble des groupes politiques s'est ainsi saisi de cette question en traduisant leur intérêt et leur préoccupation soit par la demande d'une mission d'information, soit par le dépôt d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête. Trois propositions de résolution ont ainsi été déposées : - la proposition n° 1054 de M. Dominique Paillé, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les abus et fraudes dans l'intermittence et l'avenir du financement de la création et de la diffusion du spectacle vivant ; - la proposition n° 1063 de M. Jean-Pierre Brard, relative à la crise dans les domaines du spectacle vivant et de la création audiovisuelle en France ainsi qu'aux mesures nécessaires pour permettre leur essor et garantir à leurs professionnels un statut protecteur ; - la proposition n° 1099 de M. Jean-Marc Ayrault visant à analyser la situation des intermittents du spectacle et de l'audiovisuel après l'agrément du protocole d'accord du 26 juin 2003 et de son avenant du 8 juillet 2003 et de l'avenir du spectacle vivant dans notre pays et à évaluer les conséquences économiques et sociales qui en découleront pour le tissu culturel français. Pour répondre aux objectifs des auteurs des trois propositions de résolution, une mission d'information, interne à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, semblait plus adaptée. Ainsi, dès le mois de novembre 2003, le bureau de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a constitué une mission d'information à l'ambition large puisqu'elle porte sur « les conditions actuelles d'exercice des métiers artistiques en France que ceux-ci soient exercés à titre salarié - permanent ou intermittent - ou en indépendant ». Ainsi définies, cette mission et cette notion de métiers artistiques peuvent apparaître simples. En réalité, lors de son audition devant la mission, le ministre, M. Jean Jacques Aillagon, a bien cerné les difficultés de l'exercice : « La réponse à la question : ″ comment soutenir le développement des métiers artistiques ? ″ est forcément complexe. Cela revient à se demander comment consacrer la reconnaissance d'un individu dans sa qualité d'artiste. Cela peut paraître abstrait mais c'est une question au cœur de toutes les politiques menées par le ministère de la culture, qu'il s'agisse de ses actions de soutien, de formation ou d'information. » Afin de ne pas être abstrait, il y a donc lieu de cerner la notion des métiers artistiques par une définition exhaustive. Les métiers artistiques sont ceux relevant de tous les secteurs de la vie culturelle. Ils regroupent d'une part tous les artistes professionnels, qu'ils occupent un emploi salarié à titre permanent ou intermittent, ou encore qu'ils travaillent en indépendant dans : - le spectacle vivant, c'est-à-dire, comme le définit l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, tous les spectacles qui emploient au moins un artiste pour assurer la représentation au public d'une œuvre de l'esprit, (comédiens, metteurs en scène, musiciens, chanteurs, chefs d'orchestre et chœurs, danseurs, artistes de cirque, marionnettistes ou manipulateurs d'objets,...) ; - le cinéma et l'audiovisuel, (acteurs, réalisateurs, documentaristes)1 ; - les arts plastiques, (peintres, sculpteurs, artistes de l'image - photographie et vidéo - ou créateurs d'installations) ; - les activités d'auteurs, qu'elles soient ou non liées aux secteurs évoqués ci-dessus (écrivains, auteurs de théâtre, de chansons, de dialogues, scénaristes, compositeurs, chorégraphes). Ils regroupent d'autre part les emplois de techniciens, permanents ou intermittents, qui contribuent à la création et à la représentation d'un spectacle, vivant ou audiovisuel. La notion de métiers artistiques se rapproche, sans la recouper totalement, de la notion de « professions culturelles » au sens de l'INSEE. Répartition des actifs des professions culturelles selon la profession
Source : Notes de l'Observatoire de l'emploi culturel, n° 36, octobre 2004 Il appartenait donc à la mission d'examiner tous les aspects de ces métiers : formation, conditions d'accès, exercice, rémunération, protection sociale. Elle le fera sur un an, grâce à un calendrier préalablement défini, prévoyant une série d'auditions hebdomadaires qui lui permettront d'entendre la plupart des grands représentants ou partenaires de la vie artistique française. On se doute bien que, dans le contexte du moment, la mission va privilégier la réflexion sur l'intermittence, ce qui la conduira à rédiger une note d'étape le 10 mars 2004. Dans les conclusions de cette note, la mission retiendra notamment la nécessité de pérenniser l'insertion du régime de l'intermittence dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle, tout en mettant l'accent, en regard, sur trois autres nécessités : - redéfinir les « limites » du régime ; - garantir la situation des plus fragiles ; - restaurer les conditions de l'emploi artistique en France. Immédiatement après avoir rendu cette note d'étape, la mission a élargi son champ d'investigation à l'ensemble de la problématique sur les liens entre l'exercice d'un métier artistique et la liberté de création. Au cours de ses travaux, elle apprendra qu'un débat sur le spectacle vivant et sa place dans la politique culturelle de notre pays doit se tenir au mois de décembre 2004 à l'Assemblée nationale. Ainsi, le présent rapport a pour seconde vocation de servir à l'enrichissement de ce débat. Dans ce rapport, seront successivement évoqués : - Les métiers artistiques salariés : la situation de l'intermittence sera largement évoquée, mais pas uniquement puisqu'il sera également question des emplois artistiques permanents et des problématiques liées à la stabilité qu'ils offrent. Dans ce même chapitre, sera également traitée la question du financement du spectacle vivant et enregistré et sur ce point la mission répond sans ambages qu'il est à réinventer. - Les métiers artistiques non salariés : ils sont parfois un peu les « oubliés » de la population culturelle. On est ici dans le domaine de l'indépendance avec ce que cela suggère de rémunérations fragiles, de droits sociaux incomplets et de formation professionnelle très insuffisante. - En guise de conclusion, le rapport présentera des propositions d'ensemble afin de pérenniser le régime de l'intermittence en le réformant, tout en engageant parallèlement une réflexion sur la refondation des politiques culturelles, la redéfinition des services publics et l'ensemble du financement des arts et de la culture. L'objectif de ces propositions est de garantir aux artistes et techniciens des conditions d'emploi et de création satisfaisantes et d'assurer, par ce biais, la préservation de la richesse et de la diversité de la création artistique française.
Bien que ce travail figure dans certains des (nombreux) rapports parus sur le sujet ces derniers mois, il paraît indispensable de faire un bref rappel historique de ce qu'est l'intermittence afin de montrer comment nous sommes tous parvenus à transformer un régime de chômage en une qualification d'emploi. Ce rappel illustrera également pourquoi la délimitation du périmètre des ayants droit de ce régime est devenue aujourd'hui, et singulièrement depuis juin 2003, une question centrale.
Deux rapports récemment parus, celui de M. Jacques Charpillon et celui de M. Bernard Latarjet, viennent nous rappeler la montée en puissance du régime de l'intermittence tout en démontrant comment, au fil des années, ce système est devenu indispensable au financement de la vie culturelle française, au travers du financement de l'emploi culturel lequel, sous le double effet du nombre et des coûts, s'est précarisé.
a) Les origines de la précarisation : l'extension de la notion de « périmètre des ayants droit » Contrairement à certaines idées reçues, le régime des intermittents n'est pas une innovation de la dernière décennie. C'est dans les années 60 qu'il faut trouver la source des premières délimitations formelles de ce régime. C'est à ce moment, en effet, que des catégories professionnelles sous contrat à durée déterminée sont autorisées à intégrer une annexe particulière du régime d'assurance chômage. Tous les secteurs du monde artistique ne sont pas logés à la même enseigne : en 1964, cette intégration est offerte aux ouvriers, techniciens, réalisateurs de la profession cinématographique et télévisuelle, au sein de l'annexe VIII. Deux ans plus tard, ces droits seront ouverts à certains de leurs collègues du spectacle vivant et aux artistes, au sein de l'annexe X. Pendant vingt-cinq ans, seule la fonction exercée par le salarié intermittent sera prise en compte pour cet accès au régime d'indemnisation. A partir de 1992, pour l'annexe VIII (et en 1999 pour l'annexe X), un second critère s'ajoute, celui de l'activité de l'employeur, qui va désormais figurer sur une liste limitative arrêtée par les partenaires sociaux. On ne s'étonnera pas que cette limitation se soit concrétisée par une accalmie de l'augmentation du déficit de 1993 à 1994. Mais, à la faveur d'une réforme de la codification INSEE, les catégories d'entreprises éligibles à l'annexe VIII se trouvent sensiblement augmentées et la courbe des déficits s'en ressent : elle reprend son allure devenue habituelle, à la hausse. Au cours de la décennie 1990-2000, on va assister à un processus d'extension régulière du périmètre des ayants droit. C'est l'accord interbranches du 12 octobre 1998, dit « accord Michel », qui va donner le ton. En effet, il achève l'élargissement en englobant la production de spectacles vivants entendue au sens très large : salariés des cabarets concerts, mais également « hôtesses» de peep show dont les frais vestimentaires sont assez limités et qui deviennent elles aussi des « intermittentes » d'un spectacle ô combien vivant !
b) Le développement des pratiques artistiques a fait bondir le nombre des allocataires et laisse s'affoler les déficits En réalité, 2001 porte en germe la crise de 2003. A l'occasion de la signature de la nouvelle convention du régime général d'assurance chômage, on se refuse à renégocier les deux annexes VIII et X, alors que toutes les autres le sont. La loi n° 2002-311 du 5 mars 2002 relative au régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle, d'initiative parlementaire, proroge la validité de ces deux annexes jusqu'à la conclusion d'un nouvel accord : ce sera celui du 26 juin 2003, destiné à couvrir la période 2004-2005. La crise ouverte par cet accord sera aussi aiguë que les déficits sont devenus conséquents.
Source : « Eléments pour la connaissance de l'emploi dans le spectacle », Développement culturel n° 145, septembre 2004. Les chiffres de la décennie 1992-2002 sont particulièrement éloquents : 41 038 intermittents indemnisés en 1992, 102 600 intermittents indemnisés en 2002, soit une multiplication par 2,5. Selon les chiffres avancés par l'UNEDIC, certes contestés par les intermittents mais actuellement seule source d'information exhaustive sur ce déficit, Evolution de l'intermittence du spectacle de 1992 à 2002
Source : rapport de M. Bernard Latarjet « Pour un débat national sur l'avenir du spectacle vivant », au ministre de la culture et de la communication, avril 2004 Etat des lieux des annexes VIII et X en 2002
Source : rapport de M. Bernard Latarjet au ministre de la culture et de la communication, avril 2004 Le problème qui se pose à tous les acteurs culturels, comme aux élus et responsables politiques, c'est qu'au fil de ces années, le régime spécifique est devenu le seul régulateur des salaires, des contrats de travail, des carrières professionnelles. Il est devenu le seul garant de la permanence des activités artistiques et techniques. Or, fin 2002, chacun sent bien qu'à marche forcée ce régime est condamné. L'Etat, les collectivités territoriales, les entreprises du secteur, y compris celles de l'audiovisuel (et notamment de l'audiovisuel public), le MEDEF, la CGPME, les syndicats de salariés et les salariés eux-mêmes doivent faire leur mea culpa : la société toute entière a bénéficié de la manne financière de ce régime interprofessionnel, lequel banalisait, en outre, un détournement tacite du code du travail et des conventions collectives. c) Conséquence : la lente marche vers la précarisation _ Entrée dans le régime de salariés de plus en plus nombreux et de plus en plus précaires (du fait de la baisse du nombre d'heures travaillées) Durant cette décennie, on assiste en effet à une explosion du nombre des salariés dans les métiers du spectacle vivant et enregistré. La mission a convenu dès son origine qu'elle se garderait de revenir longuement sur des statistiques déjà livrées par d'autres. Comme le souligne le tableau suivant, les sources statistiques sont nombreuses, mais toutes ne prennent pas en compte le même périmètre de calcul. Présentation des dix sources statistiques
Source : « Eléments pour la connaissance de l'emploi dans le spectacle », Développement culturel n° 145, septembre 2004. Toutefois, il paraît opportun de rapporter ici quelques uns de ces chiffres qui illustrent la lente mais inexorable marche des artistes vers leur précarisation. En effet, toutes les sources statistiques, même si elles divergent sur leur appréciation du nombre d'intermittents, s'accordent sur un point : la croissance du secteur a été très importante au cours de la dernière décennie. Evolution des effectifs entre 1995 et 2001 Source : « Eléments pour la connaissance de l'emploi dans le spectacle », Développement culturel n° 145, septembre 2004. L'INSEE nous indique que, de 1993 à 2001, le nombre de salariés ayant travaillé au moins une heure dans le secteur du spectacle est passé de 200 000 à 360 000. Parmi ceux ci, 100 000 cotisent au régime d'assurance chômage et 120 000 sont des intermittents recensés par la Caisse des congés spectacles dont : - 60 000 artistes ; - 30 000 techniciens ; - 10 000 administratifs ; - 10 000 autres métiers. Il faut y ajouter, selon la direction des études et prospectives (DEP) du ministère de la culture et de la communication, les enseignants artistiques, soit 7 500 pour les formations supérieures et 6 700 pour les formations initiales. Il faut, de plus, retenir les professionnels des cours privés et de la formation, ainsi que les fonctionnaires affectés aux établissements de spectacles pour lesquels on ne dispose pas de statistiques fiables. Le monde du spectacle est « mouvant ». M. Bernard Latarjet, auteur du rapport « « Pour un débat national sur l'avenir du spectacle vivant », l'a souligné lors de son audition : la mobilité entre les métiers du spectacle et l'extérieur du champ est très importante. Cette part d'activité hors secteur atteint 40 % en 2002. Selon les déclarations annuelles de données sociales (DADS), alors que le nombre de salariés ayant travaillé au moins une heure dans le spectacle a augmenté de 44 % entre 1995 et 2001 (soit une moyenne annuelle de 6,2 %), l'offre d'emploi (mesurée au nombre d'heures travaillées dans le spectacle) n'a progressé que de 35 % (soit 5,1 % en moyenne par an). En 2001, les salariés travaillant dans le spectacle effectuent en moyenne 572 heures dans l'année, alors qu'ils en effectuaient 611 en 1995. Répartition des intermittents indemnisés au 31 décembre 2002
Source : Rapport de M. Jean-Paul Guillot, 29 novembre 2004 Simultanément, ces mêmes salariés du spectacle ont eu tendance à diversifier davantage leur activité professionnelle en travaillant aussi à l'extérieur de la sphère du spectacle : le nombre d'heures travaillées hors spectacle est ainsi passé de 287 heures à 316 heures entre 1995 et 2001 Evolution du nombre de salariés ayant travaillé dans le spectacle, de leur volume de travail dans le spectacle et de leur volume de travail hors spectacle, entre 1995 et 2001 Source : « Eléments pour la connaissance de l'emploi dans le spectacle », Développement culturel n° 145, septembre 2004. Par ailleurs, le renouvellement est important : en 2001, 46 % des salariés sont des « nouveaux entrants », alors que 40 % des « entrants » quittent le secteur la première année et 15 % la deuxième. Quant à l'évolution des rémunérations, elle est très préoccupante. Le salaire journalier moyen augmente faiblement, alors que les salaires annuels moyens et le nombre d'heures travaillées diminuent. Près de la moitié des allocataires perçoit entre 15 000 et 30 000 euros par an. 36,7 % d'entre eux perçoivent plus de 50 % de leurs revenus sous forme d'allocations chômage. Selon la Direction des études et de la prospective du ministère de la Culture et de la Communication, la durée moyenne des contrats est passée de 28 jours en 1987 à 7 jours en 2000, soit une division par quatre de cette durée moyenne en 13 ans. Répartition des intermittents indemnisés au 31 décembre 2002
Source : Rapport de M. Jean-Paul Guillot, 29 novembre 2004 Circonstance aggravante, la nature des entreprises culturelles est préoccupante : 42 % d'entre elles n'ont aucun salarié permanent. Tous les partenaires conviennent qu'il faudra, demain, faire de la présence de permanents dans les structures l'une des conditions du soutien public. En dehors des 110 000 employeurs occasionnels recensés, il y a environ 15 000 entreprises de spectacle vivant, dont 90 % comptent moins de 10 salariés. _ L'accord professionnel de juin 2003 : une solution qui n'en est pas une... Comme la mission l'avait dénoncé dès mars 2004, l'accord n'a pour l'instant permis de réduire ni le déficit du régime, ni les abus et fraudes au dispositif, et la mission doute qu'il n'atteigne cet objectif dans la durée. Par ailleurs, la suppression de la franchise a conduit à l'augmentation des allocations versées à un certain nombre d'indemnisés pour lesquels il s'agit souvent d'un revenu de complément et non de remplacement. Il est donc impératif de prendre des décisions durables pour sortir de l'impasse économique et sociale dans laquelle on se trouve. « Toute situation de dérive a ses limites » a indiqué devant la mission M. Denis Gautier-Sauvagnac, président de l'UNEDIC. Car c'est à la demande de cet organisme qu'une renégociation des annexes s'ouvre en 2003 pour aboutir à l'accord - que l'on devrait plutôt qualifier de désaccord - du 26 juin 2003. Et le président de l'UNEDIC de rappeler à la mission les « pressions » qui s'exercent alors sur cet organisme face à un déficit avancé de 800 millions d'euros. « Cinq questions ont guidé notre réflexion : « - Le monde du spectacle - les artistes et les techniciens - doit-il être assuré contre le chômage par l'UNEDIC ? « - La charge du déficit du régime doit-elle uniquement peser sur les salariés du secteur privé ? « - Pourquoi la situation a-t-elle explosée en 2003 ? « - Pourquoi ne pas avoir négocié avec les personnes concernées ? « - Pourquoi ne rien avoir fait pour réduire les abus des employeurs et des salariés ? ». Lorsque la mission se saisit de ce dossier, il lui paraît urgent de dire que cet accord n'est pas acceptable. Elle prend position dans une note d'étape, le 10 mars 2004. Que dit cette note ? - Elle dit qu'après deux mois d'application, l'accord n'a pas permis de réduire ni le déficit du régime, ni les abus et les fraudes. En effet, le champ d'application du régime (c'est-à-dire la liste des métiers pouvant être exercé au titre de l'intermittence) n'a pas été modifié par les partenaires sociaux. Par ailleurs, les nouvelles modalités retenues tant pour l'ouverture des droits que pour leur calcul, bien loin d'encourager la transparence, semblent pousser les employeurs et les salariés à faire de fausses déclarations. Ainsi, la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) estime que la définition d'un critère unique d'affiliation à 507 heures déclarées comporte le risque, dénoncé notamment par le rapport Roigt-Klein, d'inciter les plus indélicats à ne pas déclarer les heures travaillées au-delà. Apparemment, les accords contiennent des dispositions jugées aberrantes par les professionnels, comme le plafonnement des durées d'affiliation (limitation à vingt-six cachets par mois ou six cachets par semaine) ou encore le nouveau dispositif de salaire journalier de référence, qui contredisent la logique du travail des intermittents et poussent les employeurs et les salariés à faire de fausses déclarations (sous-évaluation du nombre d'heures notamment). De même, le système de période glissante pour le calcul des droits crée des situations d'injustice patente car, selon les dates auxquelles est exécuté un contrat, cette activité peut ou non être prise en compte pour l'ouverture des droits. La suppression de la date anniversaire est donc très pénalisante. D'autre part, tout nouveau cachet déclaré reportant la date de départ de la franchise, certains affiliés, comme les jeunes artistes par exemple qui touchent de très petits salaires, en sont réduits à travailler au noir - ou à ne pas travailler du tout - pour pouvoir toucher une allocation. La note souligne aussi : - que l'impact social de l'accord est négatif, car la mise en œuvre des nouvelles annexes VIII et X conduit tout à la fois à une exclusion des plus fragiles (les jeunes, les malades, les femmes enceintes) et à un système d'indemnisation inéquitable qui bénéficie aux « permittents », c'est-à-dire à ceux qui déclarent régulièrement des cachets importants pour un nombre réduit d'heures. De façon plus générale, cette réforme ne va pas dans le sens d'une réduction du travail illégal car les intermittents sont dans une situation encore plus contrainte qu'auparavant et donc prêts à accepter tous les compromis sur les heures ou les salaires déclarés pour obtenir des contrats. Au delà, le nouvel accord déséquilibre l'ensemble du secteur en encourageant le travail illégal et en renchérissant le coût des productions. Au même moment, un nouveau ministre de la culture et de la communication est nommé. Il va enregistrer la plupart de ces critiques et des revendications développées en parallèle, portant sur : - le retour à un calcul des droits sur la base de 507 heures réalisées sur douze mois ; - le plafonnement des allocations et la restauration d'un véritable délai de carence ; - le retour au droit antérieur pour les congés maladie et maternité ; - la suppression des dispositions relatives à la prise en compte des droits d'auteur ; - le renforcement des moyens de lutte contre les fraudes et les abus. La mesure relative aux 507 heures - et elle n'est pas des moindres - reste intouchable. Sur les congés maladie (de trois mois et plus) et maternité, sur le plafonnement, sur les droits d'auteur, le ministère a obtenu un certain nombre d'ajustements des partenaires sociaux. Il faut dire que la pression des organisations professionnelles était forte et que personne ne semblait souhaiter revivre un été 2003. Pour autant, dans sa contribution du mois de mars 2004, la mission d'information reconnaissait qu'au-delà de ces aménagements, « tout le monde sait bien aujourd'hui que ces accords ne sont pas durables en l'état. Certes, parmi les partenaires sociaux signataires de l'accord, certains ont d'ores et déjà fait connaître leur ferme opposition à toute renégociation et leur volonté de renvoyer les problèmes à la responsabilité des pouvoirs publics, mais une telle rigidité de position n'est pas tenable face au profond sentiment d'injustice qu'éprouvent les professionnels concernés ». La mission réaffirme sa position favorable à une renégociation des accords. Avant même la renégociation globale de la convention UNEDIC prévue pour la fin 2005, le ministre de la culture et de la communication doit réunir toutes les parties prenantes au dossier pour que les professionnels puissent exprimer leurs attentes dans la sérénité et être véritablement entendus. Ainsi, leurs positions et propositions seront connues des partenaires sociaux lorsqu'ils auront à renégocier le contenu des annexes VIII et X dans le cadre interprofessionnel. Proposition n° 1 : la mission réaffirme sa position en faveur d'une renégociation urgente de l'accord de 2003, sans attendre l'échéance de la fin 2005. Cette renégociation doit permettre de définir l'organisation d'un système pérenne. Dans ce cadre, les conclusions de la mission confiée à M. Jean-Paul Guillot, président d'un bureau d'expertise économique indépendant, pour définir les principes et l'organisation d'un système d'indemnisation du chômage pour les artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel, en concertation avec les différentes parties prenantes, sont une contribution utile. Dans le cadre de ses auditions, la mission d'information a essayé d'entendre l'ensemble des parties prenantes du secteur. Il en est ressorti un certain nombre de propositions et d'interrogations ci-après exposées, qui devraient nourrir le débat à venir.
a) Les mesures prises depuis la publication de la contribution de la mission de mars 2004 Le 11 mai 2004, l'UNEDIC a accepté, pour les années 2004 et 2005, un retour à la situation antérieure pour les congés de maternité (ils sont assimilés à des jours travaillés, sur la base de cinq heures par jour, et comptent ainsi pour le calcul des 507 heures).
La spécificité du fonds est donc de se limiter aux conditions d'ouverture des droits, en les rendant plus favorables, sans toucher au corps principal de l'accord après les correctifs apportés. Le fonds, géré par l'UNEDIC - ce qui le situe bien dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle - se borne donc à élargir de 11 à 12 mois la période des droits pour l'année 2004. Il est provisoire et sera prorogé en 2005, pour devenir « transitoire », selon les informations fournies par le ministre à la mission. L'ouverture des droits s'apprécie à une date anniversaire « préfixe » : cela signifie que les intermittents peuvent prétendre au bénéfice du fond du 1er janvier au 31 décembre 2004 et qu'un déport symétrique prolonge leurs droits jusqu'au 31 décembre 2005. En outre le fonds n'impose aucune condition de ressources, redoutable par ses effets de seuil, pas plus que d'ancienneté, en incluant les nouveaux entrants. Dans un souci de rapidité opérationnelle, l'Etat en supportera seul la charge, la recherche d'autres contributeurs ne permettant pas de répondre à cet objectif d'urgence. _ Quelles perspectives d'avenir ? Le rapport sur les modalités d'organisation et de fonctionnement du fonds spécifique destiné à prendre en compte les effets des nouvelles règles d'indemnisation, commandé à M. Michel Lagrave par les deux ministres concernés, s'efforce de réaliser une simulation de la « population potentiellement exclue par les accords ». Le chiffre de 13 000 avancé par l'UNEDIC est repris par l'auteur du rapport. Selon les informations fournies au rapporteur par le ministère, 2 000 dossiers ont été déposés à ce jour et 1 000 sont éligibles au fonds. Il semblerait que l'évaluation initiale ait été très pessimiste. Ce fonds répond, semble-t-il, imparfaitement à son objet, nombre d'intermittents n'y ayant pas encore accès, à cause de l'interprétation restrictive et tatillonne des ASSEDIC. Certains intermittents semblent par ailleurs être rentrés dans le système grâce à un nombre d'heures suffisant, du simple fait que leur employeur a déclaré des heures qui auparavant ne l'étaient pas. Il semble par ailleurs qu'il y ait moins de nouveaux entrants dans les deux annexes au cours des derniers mois. Pour autant, le nouveau protocole n'a pas permis de réaliser les économies attendues.
L'entrée et la sortie de carrière doivent faire l'objet d'un traitement spécifique. De même les personnes malades et les femmes enceintes ne doivent pas se trouver en situation d'être plus mal traitées que dans le régime général. Les acquis de la « révision » des accords de 2003 doivent, à cet égard, être pérennisés.
Pour que la solidarité sociale soit juste, il faut qu'elle ne bénéficie qu'à des personnes qui contribuent à la création, à l'exclusion des métiers administratifs (secrétariat, chauffeurs, etc.). Proposition n° 2 : les partenaires sociaux doivent redéfinir le périmètre du régime.
L'entrée dans le système doit également être mieux contrôlée côté employeurs : n'importe qui ne peut pas décider, du jour au lendemain, qu'il peut employer des intermittents. Les contrôles lors de l'attribution de la licence d'entrepreneur de spectacles doivent donc être renforcés et le système étendu aux secteurs du cinéma et de l'audiovisuel. Le contrôle des entrées dans le système doit se faire au niveau de l'employeur puisque c'est lui qui fait les choix de recrutement. En 1998, un accord a été passé sur la limitation de l'utilisation des contrats à durée déterminée (CDD) d'usage. Il était contourné dans les jours qui suivaient ! Il faut donc assurer un contrôle de la réalité des emplois déclarés ainsi que des profils professionnels et de l'objet des contrats. Les organismes sociaux (UNEDIC, Audiens, Congés spectacles) doivent eux mêmes s'engager dans une logique de contrôle. En premier lieu, il faut assurer un contrôle plus strict à l'entrée dans le système, lors de l'attribution de la licence d'entrepreneur de spectacles, et non par la création d'une carte professionnelle pour les salariés de ces structures. La mission a retenu ce qu'un certain nombre des interlocuteurs auditionnés ont affirmé et que M. Denys Fouqueray, membre de la délégation nationale du Syndicat français des artistes interprètes a parfaitement résumé : « la création d'une carte professionnelle n'est pas nécessaire pour toutes les professions, car on ne peut pas s'improviser danseur ou musicien classique. Par contre, elle pourrait être justifiée pour les comédiens mais, même au théâtre, on ne peut pas tricher longtemps. En réalité, ce sont les contrats de travail accordés en bonne et due forme par les structures publiques de création et de diffusion qui devraient tenir lieu de carte professionnelle. Un comportement exemplaire des centres dramatiques nationaux (CDN) dans les conditions de l'emploi artistique serait le meilleur filtre professionnel qui soit ». M. Patrick Bézier, directeur général d'Audiens, en d'autres termes, disait quasiment la même chose sauf que, pour lui, « une carte sur le modèle de celle des journalistes ne serait pas choquante». Mais, corrigeait-il « la référence de cette carte aux employeurs n'est cependant pas sans poser problème car il existe également de leur part beaucoup d'abus ». Plus complète encore, pour ce chapitre sur les employeurs, est la vision de M. Georges Terrey, président du syndicat des directeurs de théâtres privés (SDTP) qui, le 10 mars dernier, a déclaré devant la mission d'information que « l'accès des employeurs aux secteurs du spectacle n'était pas correctement contrôlé. Les commissions régionales d'attribution de licence ne sont absolument pas coordonnées au plan national ; elles concentrent leur attention sur le respect des obligations sociales par les futurs employeurs et ne regardent pas si le demandeur a un projet artistique économiquement viable ». Il faut donc revenir à des critères essentiels que sont la compétence professionnelle et la responsabilité des entrepreneurs de spectacles. Redisons ici la volonté de la mission d'information de voir l'obligation pour un employeur culturel d'avoir au moins, directement ou par le biais d'un groupement d'employeurs, un emploi permanent pour assurer le fonctionnement de la structure. Le seul recours à l'intermittence pour assurer la pérennité de la mission d'un employeur paraît insuffisant. Proposition n° 3 : instaurer l'obligation pour l'entrepreneur de spectacle de disposer au minimum, directement ou par le biais d'un groupement d'employeurs, d'un emploi permanent. Et si l'on veut ne pas supprimer le système existant qui semble laisser toutes ses chances à la liberté de création, il conviendrait de : - créer une période probatoire pour laisser une chance aux employeurs entrants ; - modifier les critères d'octroi de la licence, afin de mieux prendre en compte l'ensemble des aspects des projets ; - organiser une meilleure coordination entre les différentes commissions régionales chargées d'attribuer des licences. Proposition n° 4 : améliorer le système des licences d'entrepreneur de spectacle. En l'état, la mission d'information n'est pas persuadée que la carte professionnelle puisse être une « clef de contrôle » des entrées efficace et acceptée. De plus, elle n'est pas parvenue à définir quelle instance pourrait se voir confier son examen et son attribution. Les difficultés plus délicates encore que pour l'octroi d'un diplôme. En deuxième lieu, il convient de renforcer les moyens de lutte contre les fraudes et les abus. Les contrats à durée déterminée (CDD) d'usage doivent retrouver leur vocation originelle. Le contrôle du travail illégal doit être intensifié, de même que celui du recours abusif aux CDD d'usage : les personnes embauchées sous le statut de l'intermittence doivent effectivement occuper des postes relevant de ce régime. Dans ce domaine du contrôle des abus, l'audition de M. Thierry Priesteley, secrétaire général de la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal (DILTI), et de Mme Maylis Descazeaux, inspectrice du travail à la DILTI fut précieuse. Certes, le ministre de la culture et de la communication a pris un certain nombre de mesures : - Le plan d'action contre le recours abusif à l'intermittence et le travail dissimulé dans les secteurs qui intéressent la mission d'information, défini en 2003 à la demande du Premier ministre, s'étalera sur deux ans au minimum. Peu avait été fait jusqu'à présent, ce qui justifie que depuis octobre 2003 cette lutte soit devenue une priorité. - Le 7 mai 2004 est paru le décret qui permet le croisement des déclarations des employeurs et des salariés et des fichiers des organismes sociaux du secteur : les employeurs devront adresser aux organismes sociaux une déclaration faisant ressortir, pour chacun des salariés occupés dans l'entreprise ou l'établissement, le montant total des rémunérations payées et les périodes de travail correspondantes. - Le ministre a participé au Comité interministériel de lutte contre le travail illégal du 18 juin 2004, au comité de suivi de la convention partenariale de lutte contre le travail illégal dans le spectacle le 14 septembre 2004. - Il a appelé à la vigilance et à la mobilisation des principaux employeurs du secteur par des courriers rendus publics leur demandant de moraliser leurs pratiques d'emploi. Le président de France Télévisions est ainsi chargé d'animer un groupe de travail pour élaborer un code de bonne conduite. Les infractions ciblées par la DILTI concernent : - l'abus d'emplois d'intermittents (plus dans le spectacle enregistré que dans le vivant). Le rapport de M. Bernard Gourinchas est, à cet égard, éloquent ; - l'emploi de permanents sous le statut d'intermittent ; - toutes les formes d'emploi dissimulé et notamment les fausses déclarations ; - les fraudes transnationales (fausses délocalisations) correspondant à des prestations de services par des sociétés étrangères qui ne versent pas de cotisations sociales alors même qu'elles emploient des personnes résidant en France ; Pour effectuer les missions nécessaires à cette lutte, les effectifs de l'Inspection du travail ne sont pas considérables, mais plus qu'un problème quantitatif, c'est plutôt celui de l'efficacité du contrôle qui se pose. Outre le besoin de formation des corps de contrôle qui ne connaissent pas le secteur du spectacle et des médias, la détection des fraudes est rendue difficile par l'organisation complexe des entreprises - avec la présence de nombreuses filiales dans les entreprise audiovisuelles notamment - et le manque de moyens juridiques adaptés. Proposition n° 5 : permettre à l'Inspection du travail d'accomplir ses missions dans de bonnes conditions, c'est-à-dire : - augmenter sensiblement le nombre des inspecteurs et contrôleurs du travail ; - leur permettre de disposer d'un logiciel adapté pour exploiter les données et d'agents de catégorie C pour les saisir (c'est une demande qui n'est pas nouvelle, loin s'en faut) ; - leur donner les moyens légaux de reconstituer l'entité de l'entreprise employeuse. D'autres évolutions seraient également nécessaires : - la possibilité d'utiliser officiellement les listings des emplois intermittents établis par l'UNEDIC, qui actuellement ne sont pas exploitables par les corps de contrôle. - la possibilité de communiquer aux organismes dispensateurs de subventions culturelles le nom des entreprises verbalisées, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui où il faut attendre qu'elles aient été condamnées par la justice, alors que pour les aides à l'emploi, par exemple, les verbalisations peuvent déclencher la suspension des aides. On aura compris que cette question du croisement des fichiers est devenue une véritable nécessité de toute politique cohérente des contrôles. La mission parlementaire ne saurait trop recommander également une grande vigilance de la part des organismes sociaux : UNEDIC, Audiens, Congés spectacles. Proposition n° 6 : achever la parution des textes nécessaires au croisement des fichiers. En troisième lieu, les structures publiques doivent être exemplaires. Ce qui est exigé des employeurs privés doit être exigé des institutions publiques du spectacle vivant comme de l'audiovisuel. Il en va de la crédibilité de l'Etat et des collectivités locales. Pour cela, les moyens de production doivent être renforcés et le contrôle sur leur juste et efficace utilisation intensifié. « On est exemplaire si l'on respecte la loi et les normes professionnelles - les mêmes pour tous - si, les respectant, on produit de la qualité et si l'on est suivi. Il devrait en être ainsi dans un monde idéal » déclare M. Bernard Gourinchas dans son rapport sur le recours à l'intermittence dans les sociétés de l'audiovisuel public (France Télévisions, Réseau France Outre-Mer, Arte, Radio France Internationale). On ne peut être plus clair sur l'exigence d'exemplarité.
Aujourd'hui, il n'y a plus vraiment de frontière entre les secteurs artistiques et socioculturels. Il existe des lieux très subventionnés qui font très peu de spectacles et beaucoup d'accueil de pratiques amateurs et de répétitions. Résultat : on professionnalise inutilement des amateurs qui ne prennent pas toujours la mesure de ce qu'est véritablement un métier artistique. Cela conduit à un véritable gâchis humain et crée des frustrations. Il convient de clarifier une fois pour toutes les différences entre les artistes professionnels et les pratiques amateures. Les premiers doivent voir leur statut consolidé par des conventions collectives, par la validation des acquis de l'expérience et un renforcement de leur protection sociale. Les secondes doivent être reconnues et se voir proposer un cadre de développement, mais clairement différencié des activités professionnelles. Proposition n° 7 : mieux reconnaître les pratiques amateures et leur proposer un cadre pérenne de développement. La mise en place d'une véritable politique en ce domaine inciterait probablement bon nombre d'amateurs à ne pas tenter de rejoindre les rangs des intermittents, qui retrouveraient alors une légitimité artistique brouillée par la confusion actuelle. c) Améliorer les conditions d'entrée dans les métiers artistiques Durant les auditions auxquelles a procédé la mission d'information, une critique du nouveau dispositif d'assurance chômage des intermittents du spectacle revient de façon récurrente : celui-ci interdit aux jeunes d'entrer dans le système d'indemnisation et donc, en pratique, de disposer d'un revenu de substitution le temps de faire leur place dans le milieu professionnel. Il faut cependant noter que la vocation première d'un régime d'indemnisation du chômage n'est pas de permettre l'insertion des jeunes dans le circuit professionnel en leur allouant une sorte de revenu minimum. Si cela a été le cas durant ces dernières années avec le régime des intermittents, c'est parce que celui-ci a été utilisé par tous les acteurs de la vie culturelle (publics comme privés) comme un substitut à d'autres moyens d'action et de financement. Donner aux jeunes artistes des moyens de vie décents ainsi qu'une capacité réelle à entamer une carrière professionnelle relève de la politique culturelle et de la solidarité nationale. Plusieurs propositions ont été formulées au cours des auditions de la mission pour faciliter cette insertion et accorder aux jeunes artistes la possibilité de faire de leur art un véritable métier. _ L'importance de la formation initiale Comme le souligne la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS) du ministère de la culture dans ses Propositions pour préparer l'avenir du spectacle vivant d'octobre 2004, « l'ensemble du dispositif [de formation] doit faire l'objet d'une réflexion globale à mener avec les partenaires sociaux, de manière à améliorer l'adéquation entre la formation et l'emploi. Certaines formations sont aujourd'hui excédentaires, notamment dans certains secteurs de l'administration culturelle, d'autres sont insuffisamment liées à l'emploi. De nouveaux dispositifs d'insertion doivent être mis en place, ainsi que la validation des acquis de l'expérience (VAE) ». La formation initiale, tout comme la formation permanente évoquée ci-après, souffrent en France de graves lacunes. Entre les formations d'élite que constituent les conservatoires supérieurs par exemple et les pseudo-formations privées qui ne sont ni validées ni contrôlées, l'immense majorité des artistes en France se forme sans réel encadrement ou bien grâce aux stages de l'Assurance formation des activités du spectacle (AFDAS). Proposition n° 8 : effectuer un travail exhaustif de vérification de l'adéquation entre l'offre de formation et l'emploi artistique. L'AFDAS est une institution sociale paritaire qui détient l'exclusivité de collecte et de gestion des droits à formation professionnelle des intermittents du spectacle et assure la formation de tous les professionnels de ce secteur (permanents ou intermittents). L'AFDAS accompagne donc les artistes et les techniciens tout au long de leur carrière, pour les aider à se maintenir dans leur métier (formation continue) mais également pour leur permettre d'en sortir (reconversion). Les fonds gérés proviennent de la contribution obligatoire de formation professionnelle à laquelle sont contraintes toutes les entreprises. Comme l'expliquait Mme Christiane Bruère-Dawson, directrice générale de l'AFDAS, devant la mission d'information le 31 mars dernier, « Aux Etats-Unis, un comédien reçoit une formation polyvalente qui lui permet de se produire dans différentes disciplines. En France, ce n'est pas le cas et les employeurs doivent très souvent prendre en charge la formation sur le tas des artistes et des techniciens qu'ils embauchent ». Il y a donc urgence à organiser une formation initiale de qualité, pluridisciplinaire en ce qui concerne le spectacle vivant, et susceptible de donner à ceux qui veulent réellement devenir professionnels les moyens de bien maîtriser leur métier, qu'il soit artistique ou technique. Il ne faut cependant pas pour autant écarter la possibilité de formation par l'expérience professionnelle qui est par tradition importante dans le domaine artistique. Pour cela il conviendrait, d'une part, de donner à l'AFDAS les moyens de financer et de valider des formations en apprentissage (dans le secteur du cinéma par exemple) et de prendre en charge des personnes en tutorat et, d'autre part, de rendre effective la validation des acquis de l'expérience que les établissements de formation existant aujourd'hui ne sont pas capables de réaliser. Comme le souligne M. Jean-Paul Guillot dans son rapport, « le développement de l'apprentissage permettrait de faire reposer le financement et l'organisation de l'entrée dans le métier sur les dispositifs de l'insertion professionnelle et de la formation plutôt que sur l'assurance chômage, dont ce n'est pas la vocation ». Proposition n° 9 : mettre en place de réelles formations en apprentissage des métiers artistiques et développer des modalités de validation des acquis de l'expérience. La mission fait également sienne cette suggestion de Mme Colette Chardon, déléguée générale du syndicat national des producteurs, diffuseurs et salles de spectacles (PRODISS), qui a déclaré le 26 mai devant la mission : « Il peut y avoir beaucoup à faire pour ce problème d'entrée dans la profession en terme de validation des acquis de l'expérience : il serait intéressant de développer une sorte de compagnonnage des techniciens du spectacle afin de leur permettre d'acquérir une formation solide et diversifiée. »
Le passage par une grande école n'est cependant plus une garantie suffisante pour trouver du travail. Le marché de l'emploi artistique souffre lui aussi d'une concurrence grandissante et la tradition de transmission et de solidarité qui a longtemps marqué ces milieux tend à disparaître. Compte tenu des conditions d'emploi particulièrement difficiles, les jeunes artistes en sont donc souvent réduits à accepter des emplois au noir ou alimentaires pour pouvoir survivre... ou encore à demander le revenu minimum d'insertion, d'autant que la disparition des emplois-jeunes pénalise nombre d'associations et d'entreprises culturelles. D'où l'idée de mettre en place une allocation de solidarité pour une période probatoire de deux ans, durant laquelle les jeunes artistes pourraient vivre de façon décente et réunir le nombre de cachets nécessaires à l'ouverture de droits à l'assurance chômage. Le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) pourrait jouer ce rôle, en favorisant l'accès à l'emploi des jeunes, dans certaines disciplines artistiques comme les musiques actuelles ou dans des emplois d'animation culturelle et en donnant accès à un emploi stable en début de carrière grâce à sa durée de deux ans. Mais ainsi que le souligne M. Jérôme Bouet, directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles au ministère de la culture, « il ne s'applique pas dans le secteur culturel dans des conditions attractives ». L'article 10 du projet de loi de cohésion sociale en discussion au Parlement transfère à l'Etat et aménage le CIVIS, auparavant confié aux régions dans le cadre de la loi de finances pour 2004. Ce contrat s'adresse aux jeunes de seize à vingt-cinq ans révolus, au plus bacheliers ou n'ayant pas achevé le premier cycle de l'enseignement supérieur et rencontrant des difficultés particulières d'insertion. En l'état actuel du droit, ce contrat est d'une durée maximum de deux ans non renouvelables. Le projet de loi de cohésion sociale ne reprend pas directement cette durée et renvoie à un décret les règles relatives à sa durée et son renouvellement, qui seront par ailleurs modulées selon le niveau de formation des intéressés. Le CIVIS retrace les engagements du jeune pour la mise en œuvre d'un projet professionnel à travers des actions d'accompagnement, d'orientation vers un emploi ou encore une assistance à la création ou la reprise d'entreprise. Les jeunes majeurs engagés dans le CIVIS peuvent bénéficier d'une allocation de 300 euros par mois maximum versée par la région, et demain par l'Etat, pendant les périodes durant lesquelles ils ne perçoivent aucun revenu. Le projet de loi de finances pour 2005 comprend une mesure nouvelle de 52 millions d'euros au titre de cette allocation. Ce dispositif semble donc tout à fait intéressant pour améliorer l'insertion des jeunes artistes dans la vie professionnelle. Proposition n° 10 : permettre aux jeunes artistes de s'insérer dans le milieu professionnel par le biais du CIVIS. Une variante à cette proposition a été présentée sous la forme d'un dispositif spécifique d'indemnisation du chômage pour les jeunes artistes (avec toujours l'idée d'une période probatoire) mais cela reviendrait à faire jouer une nouvelle fois à l'assurance chômage un rôle de solidarité qui n'est pas le sien. Une dernière variante pourrait également consister en la création d'un « chèque formation initiale » (un « capital heures ») qui inciterait les jeunes à se former et faciliterait leur accès au régime d'assurance chômage, ces heures de formation étant prises en compte dans le calcul des 507 heures nécessaires à l'indemnisation chômage. _ Le rôle fondamental de la formation continue Il convient en premier lieu de donner à l'AFDAS les moyens de satisfaire plus de demandes de formation continue. Les demandes liées aux lacunes de la formation initiale empêchent l'AFDAS de jouer pleinement le rôle qui doit être le sien en matière de formation continue. En effet, dans un secteur soumis à évolution constante tant des technologies utilisées (arrivée du numérique dans l'audiovisuel et le cinéma par exemple) que des goûts et des attentes du public, les professionnels ont constamment besoin de s'adapter. Proposition n° 11 : redonner à l'AFDAS son rôle plein et entier en matière de formation continue. En deuxième lieu, l'AFDAS doit avoir les moyens de rendre effective la validation des acquis de l'expérience. Dans le cinéma par exemple, il existe beaucoup de métiers que l'on apprend grâce à l'expérience professionnelle mais il n'existe aucun mécanisme permettant d'organiser légalement cet apprentissage par l'expérience. Les producteurs ne veulent plus prendre en charge la rémunération des stagiaires et l'AFDAS ne peut pas les financer car la formation grâce à l'expérience professionnelle n'est pas reconnue. De même, la nouvelle loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social valorise les fonctions tutorales mais, là aussi, l'AFDAS n'est pas habilitée à prendre en charge les personnes tutorées. Il serait donc souhaitable de trouver les financements nécessaires et de définir des modes de validation adaptés. En troisième lieu, ce point très technique ayant également été soulevé par l'AFDAS, il convient d'étendre clairement le droit à la formation individuelle aux intermittents. La loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a consacré le droit à la formation tout au long de la vie. Le droit individuel à la formation (DIF) pourrait donc permettre à tous ceux qui sont sortis du système professionnel d'accéder néanmoins à une reconversion. Malheureusement, l'article L. 954 du code du travail, qui concerne la contribution unique au développement de la formation professionnelle des intermittents du spectacle, n'a pas été correctement modifié et le DIF n'a pas été étendu aux intermittents de façon claire. Le dispositif devra donc être complété par un accord professionnel, ce qui est regrettable.
Il convient de donner à l'AFDAS, ou à d'autres organismes de formation accrédités, les moyens de développer ces formations de reconversion. En effet, l'AFDAS a aujourd'hui aussi la mission d'aider les artistes et les techniciens à sortir de leur métier lorsque c'est nécessaire. Il s'agit alors de formations longues durant lesquelles la personne reçoit un salaire. Les moyens d'action de l'AFDAS sont aujourd'hui très insuffisants et de nombreuses demandes doivent être refusées (550 dossiers ont été acceptés en 2002 pour 900 demandes). Or, Mme Christiane Bruère-Dawson, directrice générale de l'AFDAS, estime que « la réforme de l'assurance chômage des intermittents du spectacle va très certainement accroître le nombre de sorties du système professionnel et on peut s'attendre à une hausse des demandes de formation en reconversion (environ 1 500 par an) ». _ Les reconversions de fin de carrière Il existe dans ce domaine un problème d'information des publics concernés. Les intermittents attendent souvent trop longtemps pour s'engager dans une reconversion alors que l'AFDAS ne peut prendre en charge que des « professionnels », c'est-à-dire des personnes qui peuvent prouver avoir réalisé un certain nombre de cachets dans l'année. Bien souvent, les artistes attendent de ne plus travailler du tout pour demander une prise en charge et il est alors trop tard. C'est ainsi que sur les 5 500 danseurs en activité en France, seuls cinq à dix par an demandent une reconversion. Le ministère de la culture et de la communication, les syndicats et les organismes comme l'ANPE-Spectacles, l'UNEDIC ou les Congés-spectacle devraient donc mettre en place un véritable système d'information et d'alerte à destination de ces publics. Proposition n° 12 : développer l'information des publics concernés sur les possibilités de reconversion en cours et en fin de carrière, tout en augmentant les moyens disponibles au service de ces reconversions. 3. Renforcer la place des intermittents du spectacle dans la vie économique, sociale et culturelle a) Un rôle important de transmission, de sensibilisation et de formation
La redéfinition des missions en matière de démocratisation et d'accès pour tous à la culture passe par une politique ambitieuse en direction de ces nouveaux publics. S'il faut renforcer les réseaux et leur place au cœur des villes et des villages, dans une perspective d'aménagement du territoire, il devient également indispensable de se déplacer à la rencontre des publics, dans les villes, les villages, les campagnes, mais également dans les bassins d'emploi et sur les lieux de travail. _ L'éducation à la culture Depuis trente ans, plusieurs programmes interministériels d'éducation artistique ont été lancés. Le plan le plus récent, le plan Lang-Tasca, lancé en 2000, semble au point mort et les crédits budgétaires affectés à l'éducation artistique sont en baisse. La France reste donc en retard dans le domaine de la présence des arts au sein de l'Education nationale. Dans un récent rapport sur l'enseignement des disciplines artistiques à l'école, M. Jean-Marcel Bichat, rapporteur au nom de la section du cadre de vie du Conseil économique et social, citait l'historien Antoine Prost : « Une culture commune, c'est aussi un héritage (...) Je crois qu'il serait bon qu'un noyau dur de textes littéraires communs soit enseigné à tous : il y a une communauté nationale aussi parce que tout le monde sait ce qui vient après ″jura, mais un peu tard ...″. Certains textes doivent être privilégiés, dont on peut discuter, mais où les écrivains du XVIIIe siècle méritent une place importante, car les Lumières sont à la racine de notre consensus autour des droits de l'homme et du citoyen. Je crois plus à la lecture de Voltaire qu'aux cours d'instruction civique pour éduquer une démocratie. « Mais j'aimerais qu'on se mette d'accord sur des poètes, et sur des pièces de théâtre. Il y a là tout un débat, qui n'est pas mené, où je plaiderais pour Corneille, Molière, mais aussi Aragon ou Eluard (″Paris, ma belle ville, fine comme une aiguille, forte comme une épée, tu vas libérer Paris ″). Mais c'est cela une culture commune, et pas un empilement de disciplines ». L'enseignement artistique permet aux enfants de se plonger dans notre patrimoine culturel, il conforte l'idée d'appartenance à une communauté. Le rapporteur partage le point de vue de M. Jean-Marcel Bichat : « L'école est le passage obligé de toute éducation artistique parce que c'est là que se trouve captive, la population enfantine, jeune, adolescente à qui l'on peut offrir l'occasion, qu'elle n'aurait pas autrement, de s'ouvrir à d'autres horizons que ceux qu'elle fréquente ordinairement dans sa famille ou dans son quartier. L'école est le plus court chemin pour l'accès à l'art, celui qui est emprunté par tous, et, désormais pour longtemps. Elle est la clef de l'accès à l'art et à la culture. « Dans une société démocratique l'égalité devant l'accès au savoir est fondamentale afin de pouvoir déterminer rationnellement ses choix. L'école doit être le creuset de la démocratie puisque chacun est l'égal de son voisin dans l'enseignement qu'il reçoit. Les objectifs de l'éducation artistique sont ambitieux puisqu'il s'agit de découvrir, au travers d'apprentissages divers : apprentissage de la main mais aussi du regard, de l'écoute, du corps, mais encore de la voix, le rapport à l'autre et la communication dans sa complexité et dans la multiplicité de ses formes. « Après un demi-siècle de politique culturelle de l'Etat, la démocratisation reste un objectif impératif puisque aucun progrès d'accès à la culture ne peut être recensé. Ce serait toujours les mêmes catégories sociales qui pratiqueraient les activités et les équipements culturels. Les enquêtes faites par le département des études et de la prospective du ministère de la culture confirment qu'il n'y aurait aucune évolution sensible des publics des institutions traditionnelles ». Le temps est venu de relancer cette présence artistique en milieu scolaire, qui a faibli au cours des dernières années. C'est en favorisant la présence de l'artiste dans les établissements que l'on réussira. Ce qui suppose un partenariat fort entre les deux ministères, celui de l'éducation nationale et celui de la culture et de la communication, mais également avec les associations qui jouent un rôle de pôle de ressources important en matière d'éducation artistique en milieu scolaire. Non sans avoir conscience qu'il reste des réticences à vaincre pour imposer des heures consacrées à la culture plutôt qu'aux programmes directement « scolaires »... Proposition n° 13 : relancer la présence artistique en milieu scolaire, par un renforcement de la coopération entre le ministère de l'Education nationale et celui de la culture et par la création plus systématique de résidences d'artistes. _ Un rôle fondamental dans les actions de formation aux métiers du spectacle
Or le temps consacré à ce type de formation est toujours supérieur à 55 heures sur une année. Ce sont donc des heures de travail non prises en compte, qui entraînent la perte d'un complément de salaire pourtant indispensable. Il faut donc inciter les partenaires sociaux à mieux prendre en compte et à augmenter la part des heures correspondant à des actions de formation ou à des interventions auprès de différents publics, notamment scolaires, dans les heures requises pour l'accès aux annexes VIII et X. Il faut par ailleurs rétablir cette possibilité pour les techniciens qui ne peuvent plus décompter ces 55 heures de formation. Proposition n° 14 : inciter les partenaires sociaux à mieux prendre en compte et à augmenter les heures d'enseignement et de formation dans le décompte des 507 heures. Il faut également aider les structures de spectacle vivant à se doter de missions de médiation, chargées d'accueillir les artistes et de les aider à élaborer des projets avec la population, et notamment le milieu scolaire. Elles auraient pour objectif de favoriser la cohésion sociale et d'attirer de nouveaux publics au sein des institutions culturelles. Proposition n° 15 : aider les structures de spectacle vivant à se doter de missions de médiation susceptibles de favoriser la cohésion sociale et d'attirer de nouveaux publics au sein des institutions culturelles. Il faut, enfin, proposer des formations souples et adaptées à destination des artistes, et notamment par un soutien accru aux pôles nationaux de ressources qui sont chargés de la mise en œuvre des formations conjointes avec les personnels de l'éducation nationale. b) Reconnaître le rôle économique et social majeur des manifestations culturelles et du spectacle enregistré Globalement, le secteur de la culture emploierait plus de 440 000 personnes selon l'INSEE au sein du secteur privé ou commercial et du secteur associatif. Le secteur public représenterait 84 000 emplois selon la direction des études et de la prospective du ministère de la culture et de la communication, dont 24 000 emplois budgétaires pour l'Etat et 60 000 emplois dans les filières culturelles des collectivités territoriales. En janvier 1998, le Conseil économique et social avait rendu un rapport fort intéressant, sous la plume de M. Philippe Dechartre, sur le rôle des évènements culturels dans le développement local. Il comptabilisait près de 2 000 festivals par an et soulignait clairement que M. Philippe Dechartre soulignait également que les festivals génèrent des retombées commerciales, d'autant plus importantes que le public extérieur à la ville où ils se déroulent est nombreux. Parallèlement, selon un récent rapport du Conseil économique et social régional d'Aquitaine sur l'évaluation des impacts de la politique régionale de soutien au cinéma et à l'audiovisuel, datant du 12 juillet 2004, la filière de l'audiovisuel et du cinéma rassemble plus de 6 400 entreprises, 72 000 emplois et réalise 16 milliards de chiffre d'affaires. Cette filière concernerait une soixantaine d'établissements de production et prestataires techniques sur un ensemble de 650 établissements, pour environ 3 000 emplois en Aquitaine. Enfin, toujours selon M. Philippe Dechartre, mais le rapporteur partage ce point de vue, « l'économie, le commerce, ne sont pas les seuls bénéficiaires, encore que leurs bénéfices comptent. L'intégration de la fête festivalière dans la vie sociale opère par voie de conséquences des comportements nouveaux ». Ces festivals participent à la lutte contre l'exclusion, par l'intégration des jeunes en difficulté qui passe aussi par une participation voulue et organisée à une action collective à la fois ludique, pédagogique et formatrice, comme la mission a pu le constater lors de sa rencontre avec les organisateurs du Festival des cultures du monde de Martigues. Le rapporteur s'interroge avec M. Philippe Dechartre, six ans pourtant après la publication de cet avis : comment se fait-il que « la mise en oeuvre de ce capital à faire fructifier, de ce potentiel national, n'ait pas encore fait l'objet d'une évaluation économique rigoureuse qui conduirait à mieux préciser, et à mieux prévoir en retour, une politique d'investissements ? Il faut bien avouer que, par respect ancestral et quasi religieux du « beau », on répugne encore, en son for intérieur, à lier l'art et l'économie. Parler de rentabilité et d'investissement semble indécent ». Si le travail effectué à l'époque par le Conseil économique et social est remarquable, il aurait dû être poursuivi dans le temps et repris par le ministère de la culture et de la communication. Proposition n° 16 : mettre en place un suivi statistique afin d'évaluer précisément le rôle économique et social des manifestations et évènements culturels. B. LES EMPLOIS ARTISTIQUES PERMANENTS : UNE STABILITÉ TROMPEUSE ? La part de l'emploi permanent s'est marginalisée au cours de la dernière décennie. Elle est en diminution dans le spectacle vivant et enregistré, hors parcs de loisirs. Selon le dernier recensement de la population, entre 1990 et 1999, le nombre de professionnels de l'audiovisuel et du spectacle vivant disposant d'un contrat à durée indéterminée est passé de 48 820 à 42 608, soit une baisse de 12,72 %, alors que dans le même temps le nombre de professionnels déclarant travailler dans l'audiovisuel et le spectacle en contrat à durée déterminée est passé de 19 512 à 56 649, soit une hausse de près de 196 % ! Evolution du nombre de professionnels de l'audiovisuel
Source : Notes de l'Observatoire de l'emploi culturel, n° 36, octobre 2004 Les statistiques issues d'Audiens inclut l'ensemble des salariés ayant travaillé au moins une journée dans le spectacle, et ce quel que soit leur statut (intermittent ou permanent). Elle inclut donc probablement des salariés dont l'activité principale n'est pas le spectacle. Sur la période 1996-2000, la répartition par catégorie professionnelle diffère selon le statut des salariés. Chez les permanents, les non-cadres sont largement majoritaires (81 % en 2000) et la part des artistes très faible (2 %). Chez les intermittents, en revanche, les artistes comptent pour 59 % et les non-cadres seulement pour 30 %. Répartition des salariés des professions culturelles (en %)
* Contrats à durée déterminée : emplois sur CDD, CES, saisonniers, intermittents, intérimaires, contractuels avec limitation de durée, vacataires ... ** Contrats à durée indéterminée : emplois sur CDI, fonctionnaires, contractuels sans limitation de durée. Sources : Notes de l'Observatoire de l'emploi culturel, n° 36, octobre 2004. La mission d'information a entendu les responsables de deux structures parisiennes importantes employant des artistes permanents : la Comédie française et l'Opéra national de Paris. Chacune a ses spécificités et ces cas ne sauraient servir de modèles généralisables. a) Le cas atypique de la Comédie-Française Si à la Comédie-Française, depuis 1680, la troupe est permanente, sous la forme d'une société de comédiens et a, comme l'a rappelé à la mission M. Marcel Bozonnet, son administrateur général, « traversé tous les régimes », son organisation particulière et l'attention que lui a toujours portée le pouvoir explique sans doute cette permanence. Aujourd'hui, elle est composée de 39 sociétaires et 17 pensionnaires. Les sociétaires appartiennent à la Société des Comédiens-Français. Ils sont choisis parmi les pensionnaires ayant au moins une année d'engagement, après accord du comité d'administration et des sociétaires réunis en assemblée générale. Le sociétaire est nommé par arrêté du ministre de la culture, sur proposition de l'administrateur général. Réunis par un acte notarié au sein de la société des Comédiens-Français, les sociétaires prennent une part active à la vie du théâtre et élisent chaque année ceux d'entre eux qui siègeront au comité d'administration. Ces derniers sont consultés pour les décisions les plus importantes qui régissent le théâtre, et chaque membre exerce à tour de rôle la charge de « semainier », par laquelle pendant une semaine, il assiste à toutes les représentations, veille à leur bon déroulement et prend si besoin est, les décisions qu'il juge nécessaires. Sociétaires et pensionnaires doivent réserver à la Comédie-Française la totalité de leurs activités professionnelles. Avec l'accord préalable de l'administrateur général, ils peuvent cependant obtenir un congé ponctuel pour faire du cinéma, de la télévision ou du théâtre hors de Paris. À Paris, ils peuvent, à titre exceptionnel, jouer dans un autre théâtre national. M. Marcel Bozonnet, en tant qu'ancien comédien, estime que la permanence, bien encadrée et correctement menée, est une solution viable, non seulement pour les administratifs et les techniciens, mais également pour les artistes, « sur une durée donnée, s'ils acceptent une mission et une association intime à la vie du théâtre ». Plus développée, cette permanence artistique permettrait de rééquilibrer le réseau des théâtres publics français, où la présence artistique est aujourd'hui trop faible. Le rapporteur estime qu'il convient par contre de ménager à ces permanents, certes en fonction des nécessités du service, des possibilités de travail et des expériences à l'extérieur de la troupe, afin de compléter leur formation et de leur permettre de côtoyer de nouveaux milieux. b) L'Opéra de Paris : une permanence gage d'excellence et quelques difficultés L'Opéra compte 1 584 salariés permanents et 1 900 salariés en équivalents temps plein avec les intermittents. Le nombre d'intermittents employés par l'Opéra a été réduit en deux ans et demi, par une politique d'optimisation de l'organisation du travail, passant de 450 à 300 équivalents temps plein fin 2004. Selon M. Dominique Legrand, directeur des relations sociales et des ressources humaines de l'Opéra de Paris, si la permanence se justifie tout à fait, notamment pour l'orchestre, du fait de la difficulté du concours et de la très haute compétence des musiciens, la mobilité a également un certain intérêt, notamment pour les techniciens, qui peuvent ainsi se former à des nouvelles techniques, mais ont souvent du mal à admettre la nécessité de cette flexibilité, et pour les artistes en général car elle leur permet de se renouveler. La permanence est pourtant la règle à l'Opéra de Paris, tant pour les techniciens que pour les artistes, le recours à l'intermittence se limitant aux remplacements des divers types de congés ou aux pics d'activités. _ Le corps de ballet Il est composé de 154 danseurs, 13 étoiles et 16 premiers danseurs. Ils sont en général engagés entre 16 et 20 ans dans le ballet et terminent leur carrière à 42 ans. La quasi-totalité des danseurs a été formée à l'Ecole de danse de l'Opéra. L'entrée dans le corps de ballet se fait par concours, chaque année, au prorata des places disponibles. Le concours annuel du corps de ballet permet de gravir les échelons de la hiérarchie : quadrille, coryphée, sujet, premier danseur. Les étoiles sont nommées par le directeur de l'Opéra, sur proposition de la directrice de la danse. _ L'orchestre Il compte 174 musiciens, de plus en plus jeunes. Le recrutement est largement ouvert à l'international. L'orchestre assume presque la totalité des productions des deux théâtres de l'Opéra de Paris, soit près de 280 représentations par saison, ce qui représente une trentaine d'ouvrages et une à deux créations. Le recrutement se fait par voie de concours au fur et à mesure des vacances de pupitres. _ Le choeur Il est composé de 102 chanteurs répartis de manière égale en huit pupitres. Ces chanteurs participent en moyenne à 95 représentations de 11 productions lyriques. Près de 290 services de répétitions ont été nécessaires pour préparer ces représentations. Un concours, qui a lieu généralement en début d'année et se déroule pour sa finale sur la grande scène de l'Opéra Bastille, permet de pourvoir les postes vacants chaque saison. La moyenne d'âge des chœurs est de 46 ans. Le recrutement est aujourd'hui mené à l'échelle internationale. Les chœurs comptent donc une moyenne de 45 % d'artistes étrangers originaires d'Europe, des Amériques et d'Asie (Allemagne, Belgique, Hollande, Danemark, Espagne, Italie, Portugal, Albanie, Bulgarie, Hongrie, Roumanie, Lituanie, Pologne, Russie, Algérie, Argentine, Chili, Canada, Etats-Unis d'Amérique, Chine, Corée). 2. Un besoin de souplesse, parallèle au nécessaire développement de formes d'emplois moins précaires Dans le cadre de son déplacement à Aix-en-Provence, la mission d'information a rencontré M. Angelin Prejlocaj, chorégraphe, directeur artistique du centre chorégraphique national d'Aix, qui estime que les contrats à durée indéterminée sont mal adaptés au monde artistique, car trop rigides. Il conviendrait selon lui de réfléchir à la possibilité de créer des contrats de plus longue durée que les CDD d'usage, spécifiques au secteur culturel, sans abandonner le recours aux CDD d'usage, l'ensemble de ces contrats restant bien sûr inscrits dans le code du travail. Ces contrats prévoiraient une évaluation du salarié et de l'employeur à leur issue, ainsi qu'un éventuel renouvellement. Ces contrats constitueraient un juste milieu entre la précarité de l'intermittence et les rigidités des contrats à durée indéterminée et un premier pas vers la stabilité de l'emploi artistique. Il convient parallèlement de rechercher cette stabilité, notamment dans les lieux subventionnés, par le recours à ces contrats de plus longue durée, afin de revaloriser, dans les contrats et les rémunérations, le travail effectif, tout en gardant en mémoire le coût de cette stabilisation... Par ailleurs, les lieux subventionnés devraient être exemplaires en termes de permanence artistique et donc de développement de compagnies permanentes attachées à ces lieux. L'Etat et les collectivités ont dans ce domaine une lourde responsabilité financière à venir. Proposition n° 17 : développer les contrats de plus longue durée et la permanence artistique au sein des institution subventionnées. Comme le souligne M. Jean-Paul Guillot dans son rapport précité, « le développement de formes d'emplois moins précaires et de structures plus solides doit être placé au cœur d'un système pérenne ». C. UN FINANCEMENT DU SPECTACLE VIVANT ET ENREGISTRÉ À RÉINVENTER Une réflexion sur le financement de la vie culturelle en France est rendue nécessaire par les évolutions de ce secteur. Ce rapport a la prétention de participer à cette indispensable réflexion qui doit dépasser le cadre de la seule intermittence du spectacle. Le débat à l'Assemblée nationale sur le spectacle vivant devrait également permettre de tracer des pistes que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pourra exploiter dans le cadre de ses futurs travaux. 1. Le développement d'une nouvelle politique d'aides publiques par l'Etat et les collectivités locales Comme le souligne la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS) du ministère de la culture dans ses Propositions pour préparer l'avenir du spectacle vivant d'octobre 2004, « la refondation des politiques publiques de soutien au spectacle vivant doit être le fruit d'une démarche renouvelée de coopération avec les collectivités territoriales ». En effet, les régions, les départements, les intercommunalités et les villes jouent un rôle majeur en matière de politique culturelle, par le financement et l'accompagnement de nombreux établissement permanents et de compagnies qu'ils effectuent. Ils exercent également des responsabilités directes dans le domaine lyrique et symphonique ou encore dans l'enseignement artistique spécialisé. Lors de son audition, M. Bernard Latarjet a indiqué qu'en 1996 (dernière année disponible), pour le spectacle vivant, 73,5 % des dépenses relevaient des collectivités territoriales et 26,5 % de l'Etat. Cette répartition est sensiblement identique en 2004. Ce cadre devrait conduire à penser un « système de financement qui associerait la solidarité interprofessionnelle à des relais de la solidarité nationale (l'Etat) et de la solidarité territoriale ». a) Une clarification des rôles de l'Etat et des collectivités Dans cet esprit, la mission a organisé le jeudi 25 novembre 2004, une table ronde sur le thème de la participation des collectivités territoriales à la vie culturelle française. A l'exception de celle des régions, les grandes associations concernées étaient représentées. Chacun des intervenants a bien pris la précaution d'indiquer que les collectivités sont prêtes à... suivre les efforts de l'Etat. Il n'est pas certain d'obtenir des engagements beaucoup plus précis dans les mois qui viennent. Pris dans le débat sur le transfert des compétences, les élus locaux expriment plus de défiance que de confiance à l'égard de ces compétences culturelles dont ils n'ont pas manqué de rappeler « qu'elles sont optionnelles ». Non sans que certains rappellent opportunément que la « culture n'est pas qu'un supplément d'âme, elle est aussi facteur de cohésion sociale ». La table ronde, en confrontant les opinions des professionnels du spectacle avec celles des élus, a laissé filtrer deux préoccupations principales : - Une clarification du rôle de l'Etat et de celui des différents échelons de collectivités territoriales est nécessaire. En un mot, le bon vieux « qui fait quoi ? » est d'actualité. Les élus ont clairement indiqué leur désir de voir l'Etat poursuivre une politique volontariste d'incitation qui irait jusqu'à la mise en place conjointe avec les régions de fonds régionaux pour le spectacle vivant. - Une démarche renouvelée de coopération est indispensable. Elle doit viser l'ensemble des champs et des actions menées dans le spectacle vivant : équipements réalisés en partenariat, structures subventionnées, contrats d'objectifs, chartes consacrées aux structures de développement culturel. b) Un préalable : le développement de l'observation culturelle Sous l'impulsion conjointe des DRAC et des régions, des observatoires culturels locaux se sont déjà développés - la mission a pu constater le travail remarquable mené par l'ARCADE en Provence-Alpes-Côte d'Azur - comme outils d'aide à la décision, notamment sur le secteur de l'emploi, de la formation ou des financements culturels. Mais, comme le souligne la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS) du ministère de la culture dans ses Propositions pour préparer l'avenir du spectacle vivant d'octobre 2004, « les différents partenaires (Etat, collectivités territoriales, organisations professionnelles, sociétés civiles) manquent d'un système d'observation cohérent d'informations non contestables sur le spectacle vivant, facilitant l'exercice des responsabilités de chacun, la réflexion partagée, l'élaboration des politiques et l'analyse prospective ». Certes, chaque région doit définir en commun les informations dont elle a besoin. Mais les données collectées doivent malgré tout être utilisables et comparables partout en France. Le ministère de la culture et de la communication doit définir le cadre de cette réforme. Un groupe de travail fédérant administrations centrales, directions régionales des affaires culturelles, partenaires et experts étudie actuellement cette problématique afin de disposer fin 2005 d'une série de guides ou fiches méthodologiques de l'observation culturelle en région, qui permettront de coordonner la mise en œuvre de l'observation culturelle sur l'ensemble du territoire. Ainsi, les résultats des observatoires locaux pourront être mis à disposition de tous les acteurs culturels et connaître une large diffusion. Proposition n° 18 : créer un réseau d'observatoires régionaux de l'emploi et des métiers artistiques. c) Imposer un cahier des charges plus strict et plus précis, corollaire d'un financement pérenne, aux institutions de la culture et de l'audiovisuel _ Remettre les artistes au centre des établissements de production et de diffusion du spectacle vivant Les artistes doivent retrouver une place centrale dans les établissements de production et de diffusion du spectacle vivant. On ne voit pas ce qui empêcherait des acteurs de diriger des maisons de production, comme les centres dramatiques nationaux qui sont d'abord des lieux de fabrication du théâtre, ou les centres chorégraphiques nationaux. Ils devraient également être mieux associés à la direction et à la vie d'établissements de diffusion. Par ailleurs, comme le souligne la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS) du ministère de la culture dans ses Propositions pour préparer l'avenir du spectacle vivant d'octobre 2004, « l'amélioration de la présence artistique dans les établissements subventionnés rejoint l'objectif de réduction de la précarité des emplois. Dans des scènes nationales, une plus grande présence artistique de musiciens et de danseurs devrait permettre d'améliorer la part de l'activité consacrée à ces deux domaines, et en faciliter la diffusion ». Proposition n° 19 : destiner en priorité aux artistes les contrats de travail permanents des lieux de diffusion. _ Lier l'automaticité des aides au respect strict de critères sociaux précisément définis et contrôlés dans le cadre de contrats d'objectifs Il serait intéressant d'élaborer, conjointement avec les collectivités territoriales concernées, des contrats d'objectifs pour chaque structure subventionnée. Ces contrats listeraient un certain nombre de critères sociaux ou d'emplois pour chaque organisme ou équipe artistique bénéficiant d'un soutien public, qu'il vienne de l'Etat ou des collectivités territoriales, et, en contrepartie, le bénéfice de certaines aides pérennes. Ce dispositif nouveau d'incitation et de contrôle contractualisé semble intéressant, d'autant plus que, selon la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS) du ministère de la culture dans ses Propositions pour préparer l'avenir du spectacle vivant d'octobre 2004, « le ministère de la culture souhaite pour sa part que les structures qu'il soutient financièrement aient recours à des contrats de plus longue durée. Il conditionnera à l'avenir l'octroi de son soutien aux lieux subventionnés à la justification par ces structures, pour un nombre significatif de salariés, de durées de contrat correspondant à la durée du projet artistique défendu ou au mandat du directeur ». Proposition n° 20 : élaborer des contrats d'objectifs avec les structures subventionnées basés sur des critères sociaux plus stricts. _ Assurer une plus large diffusion des spectacles et œuvres créés par le biais des aides publiques Tous les interlocuteurs rencontrés en conviennent, et M. Bernard Latarjet a largement souligné ce point dans son rapport, l'offre de spectacles doit favoriser une plus grande diffusion, et donc une circulation plus importantes des œuvres. A l'heure actuelle, on assiste au contraire à un fort accroissement du nombre de productions alors que la durée de vie de chaque spectacle diminue. Or il existe aujourd'hui un nombre important de lieux d'accueil potentiels pour tout type de spectacles sur l'ensemble du territoire. Il conviendrait donc de mieux en tirer profit. Des efforts conséquents sont menés par les établissements en matière de production ou de coproduction de nouveaux spectacles alors même que leur diffusion n'est pas toujours assurée ou, en tous les cas, sur une durée qui n'est bien souvent pas assez longue. De même, de nombreux intervenants ont souligné la difficulté d'être accueillis par les structures existantes dans le cadre de tournées. Cela implique bien évidemment que les coûts de production sont très mal couverts par la diffusion et affecte donc la rentabilité des fonds publics qui y sont consacrés. Le rapporteur soutient donc les préconisations de M. Jérôme Bouet : « Les établissements de production ou de diffusion doivent veiller à replacer au centre de leur action, la préoccupation d'élargir le champ de diffusion des œuvres. Pour cela, ils doivent initier des mécanismes innovants passant notamment par : « - une réflexion sur le choix d'œuvres susceptibles de toucher un large public en respectant évidemment l'équilibre compatible avec leur responsabilité en matière de création contemporaine ; « - la conception de productions intégrant, en amont de la diffusion, les enjeux techniques, sociaux et financiers de la circulation à venir ; « - des opérations de partenariat avec des diffuseurs permettant la présentation des spectacles dans des zones géographiques défavorisées en matière de possibilités d'accéder au spectacle vivant ». Proposition n° 21 : mieux lier les aides publiques à une plus large diffusion des oeuvres. d) Envisager la création d'un Centre national du théâtre sur le modèle du Centre national de la cinématographie Lors de son audition par la mission d'information le 17 novembre 2004, M. Charles Berling, acteur, a estimé que le théâtre souffrait de circuits de décision trop lourds et de mécanismes de financement très fragiles. Les directeurs de théâtres publics se sont fonctionnarisés et se cooptent entre eux, ce qui a un retentissement sur le choix de la programmation qui manque d'audace. Il a donc proposé qu'une réflexion soit menée sur la répartition des aides pour favoriser la diversité des créations, ce qui s'inscrit tout à fait dans le cadre des propositions de la mission, et a estimé qu'il serait sans doute utile de créer le pendant du Centre national de la cinématographie pour le théâtre, avec une structure collégiale rassemblant la diversité des professionnels concernés et distribuant l'ensemble des aides publiques à ces structures, tant publiques que privées. Proposition n° 22 : réfléchir à la création d'un Centre national du théâtre, chargé de la répartition des aides à l'ensemble du secteur. Une telle proposition aurait par ailleurs le mérite de renouer le dialogue entre le secteur public et le secteur privé, de créer des synergies et de rationaliser l'utilisation des structures. 2. La redéfinition des modalités d'utilisation du Compte de soutien à l'industrie de programme (COSIP) : repenser le financement du spectacle enregistré Il convient de réfléchir aux moyens de dégager des fonds supplémentaires pour la création de spectacles enregistrés. Ces nouveaux moyens, mieux fléchés vers la création, bénéficieraient à l'ensemble des métiers artistiques. Le dispositif français de soutien à la production audiovisuelle et cinématographique est fondé sur une réglementation de la diffusion et de la production d'œuvre françaises et européennes et sur un système d'aides à la production, distribuées par le compte de soutien à l'industrie des programmes (COSIP). Ce compte de soutien a été créé dans le cadre de la loi de finances pour 1986 et est basé sur deux régimes d'aides : les aides automatiques et les aides sélectives. Il contribue ainsi à développer la création audiovisuelle à la fois en aidant des producteurs déjà présents sur le marché, mais également en favorisant l'apparition de nouvelles créations. Il est géré par le Centre national de la cinématographie (CNC). a) La nécessaire taxation des recettes de SMS des opérateurs audiovisuels Comme le soulignaient les représentants de la société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) lors de leur audition devant la mission, « il ne semble pas normal que leurs recettes de SMS, actuellement en forte croissance grâce aux émissions de téléréalité, échappent à la taxe du COSIP car cela permettrait d'apporter un financement supplémentaire pour la création ». Lors du débat budgétaire, M. Dominique Richard, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, a relayé cette interrogation et fait adopter un amendement qui étend l'assiette de cette taxe aux recettes liées aux appels surtaxés ou aux SMS (Short message Service). Cette manne financière devrait ainsi contribuer au soutien financier des industries cinématographiques et audiovisuelles. Si cet amendement est définitivement voté, il permettra d'ailleurs de prendre acte et d'adapter la réglementation à l'évolution de la structure des résultats économiques des chaînes. Proposition n° 23 : insérer les recettes de SMS dans l'assiette de la taxe du COSIP. Par ailleurs, rien ne justifie non plus que les recettes de parrainage soient exclues de l'assiette alors que la publicité est comprise. Il ne s'agit que de deux techniques différentes de promotion, mais la finalité est identique. De la même façon, il serait donc symboliquement très important que ces recettes participent au financement des œuvres audiovisuelles et cinématographiques. b) L'importance de la redéfinition de la notion d'œuvre Que ce soit pour le respect des quotas de production ou pour la distribution des financements du compte de soutien, la qualité des œuvres aujourd'hui retenues, suite à l'arrêt Popstars, n'est pas sans fragiliser le système. À l'automne 2001, s'appuyant sur les textes existants, le Centre national de la cinématographie (CNC), puis le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), ont reconnu la qualité d'œuvre audiovisuelle à Popstars, diffusée sur M6. Ces décisions ont suscité un tollé chez les producteurs et ayants droit qui ont saisi le Conseil d'Etat. Le 30 juillet 2003, le Conseil d'Etat a donné tort aux producteurs, en confirmant que Popstars était bien une œuvre audiovisuelle au sens du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié fixant les principes généraux concernant la diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision. Parallèlement, le 11 mars 2004, le tribunal administratif de Paris a annulé la qualification d'oeuvre audiovisuelle attribuée par le CNC à Popstars, et donc la subvention perçue à ce titre par la société de production. Selon le Syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC), « aujourd'hui, trois définitions coexistent et sont incompatibles : celle du code de la propriété intellectuelle, trop vaste et donc inutilisable, celle formulée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pour vérifier le respect des quotas et celle utilisée par le Centre national de la cinématographie (CNC) pour le compte de soutien ». Qu'est-ce qu'une œuvre audiovisuelle ? 1. La définition de l'œuvre audiovisuelle pour l'application des quotas de diffusion et des obligations de production : l'article 4 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 définit l'œuvre audiovisuelle au sens du droit de la communication audiovisuelle : « Constituent des œuvres audiovisuelles les émissions ne relevant pas d'un des genres suivants : œuvres cinématographiques de longue durée ; journaux et émissions d'information ; variétés ; jeux ; émissions autres que de fiction majoritairement réalisées en plateau ; retransmissions sportives ; messages publicitaires ; télé-achat ; autopromotion ; services de télétexte ». Cette définition est utilisée pour déterminer les obligations de diffusion et de production des chaînes de télévision. 2. La définition de l'œuvre audiovisuelle pour l'éligibilité au compte de soutien aux industries de programmes (COSIP) : les œuvres audiovisuelles susceptibles d'être aidées par le compte de soutien aux industries de programmes (COSIP) sont définies par le décret n° 95-110 du 2 février 1995 relatif au soutien financier de l'Etat à l'industrie des programmes audiovisuels modifié par le décret n° 2004-1009 du 24 septembre 2004 qui dispose que peuvent bénéficier des différentes formes de soutien les œuvres « audiovisuelles présentant un intérêt particulier d'ordre culturel, technique ou économique et appartenant à l'un des genres suivants : fiction, à l'exclusion des sketches, animation, documentaire de création, captation ou recréation de spectacle vivants » ainsi que les magazines comportant « un intérêt d'ordre essentiellement culturel », les vidéomusiques et les pilotes d'animation. 3. La définition de l'œuvre audiovisuelle pour l'application de la directive européenne « télévision sans frontières » (TVSF) : la directive « télévision sans frontières » (TVSF) du 3 octobre 1989 fait référence à la notion d'œuvre en ce qui concerne les quotas de diffusion (article 4) et le dispositif de soutien à la production indépendante (article 5). Il résulte implicitement de ce texte que la notion d'œuvre constitue un sous-ensemble de la notion de programme, excluant l'information, les manifestations sportives, les jeux, la publicité, les services de télétexte et de télé-achat. A la suite de la décision du Conseil d'Etat, le ministre de la culture et de la communication de l'époque, M. Jean-Jacques Aillagon, a estimé qu'il importait de clarifier la notion d'œuvre. Il convient aujourd'hui de prendre une décision et de redéfinir l'œuvre dans un sens strict, afin de ne prendre en compte à l'avenir que les véritables œuvres « de stock ». Proposition n° 24 : réviser la définition de la notion d'oeuvre. c) Un soutien recentré sur les créations qui ne peuvent voir le jour sans aide ? On constate en effet que la hausse des financements consacrés à la fiction a depuis dix ans été quasi-totalement absorbée par le coût des distributions, c'est-à-dire en fait par les cachets des vedettes. Pour lutter contre ce phénomène, il faudrait revoir la structure de la section audiovisuelle du compte de soutien afin de mieux encourager la diversité, la création et la prise de risque. Comme le soulignait le syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC), « il est regrettable que l'aide ait dévié par rapport aux motivations originelles. Il ne s'agit plus de soutenir en priorité les programmes qui, compte tenu du marché, ne pourraient pas être produits sans aide ». Il convient donc de revenir à la philosophie originelle du compte de soutien, tout en évitant un autre effet pervers liés aux aides à la première édition ou diffusion, qui favorisent une expérience unique, au lieu d'encourager la mise en place d'un soutien sur la durée. Enfin, comme le rappelait la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), « il serait intéressant de réfléchir à la mise en place d'une fiscalité cohérente sur l'ensemble des biens culturels audiovisuels (disques, vidéos et DVD), en articulant l'application généralisée d'un taux réduit de TVA (pourquoi les CD et pas les DVD ?) et une contribution à un compte de soutien permettant de faire remonter des financements supplémentaires vers la création ». II.- LES MÉTIERS ARTISTIQUES NON SALARIÉS A. DES MÉTIERS MAL CONNUS ET PEU ORGANISÉS Aujourd'hui, un artiste indépendant qui veut débuter une activité indépendante d'artiste-auteur doit s'adresser à la Maison des artistes (pour les auteurs d'œuvres graphiques et plastiques) ou à l'AGESSA (pour les photographes, illustrateurs d'œuvres littéraires ou scientifiques diffusées par la voie de l'édition, auteurs de logiciels et auteurs d'œuvres audiovisuelles) pour faire une déclaration de début d'activité. Il doit ensuite remplir un formulaire de déclaration d'activité artistique fourni par le centre des impôts de son domicile en vue de son inscription au répertoire SIRENE par l'INSEE. L'artiste doit également s'inscrire auprès de l'Institution de retraite complémentaire de l'enseignement et de la création (IRCEC), qui gère le régime obligatoire de retraite complémentaire du régime des professions libérales. L'artiste qui ne veut pas relever de ce statut peut choisir le statut juridique des professions libérales. Dans ce cas, il doit s'inscrire auprès du centre de formalités des entreprises (CFE) situé à l'URSSAF de son département. Il peut également relever du statut d'artisan d'art. Dans ce cas, il doit s'inscrire auprès du centre de formalités des entreprises (CFE) de la chambre des métiers de son département. La mission n'a abordé que la question du statut d'artiste-auteur, plus communément appelé « artiste indépendant ». Il s'agit de populations très éclatées, très cloisonnées, très attachées à leur statut d'artiste indépendant. Un certain nombre d'organismes relaient leurs préoccupations, gèrent leurs droits ou leur régime social, mais aucun de ces organismes ne disposent de chiffres exhaustifs sur l'état des « artistes indépendants ». Les plus connus de ces artistes sont les artistes plasticiens, les artistes-interprètes ou les auteurs. Répartition des actifs des métiers artistiques (en %)
Sources : Notes de l'Observatoire de l'emploi culturel, n° 36, octobre 2004. Ainsi, la Maison des artistes, qui gère les droits sociaux des artistes plasticiens, a entrepris un important travail de recensement et a aujourd'hui identifié 34 000 artistes et diffuseurs plasticiens. Ce travail est cependant loin d'être terminé puisqu'on peut, selon cet organisme, évaluer cette population à environ 50 000 personnes en France. Le recensement en cours montre bien le potentiel d'accroissement de cet effectif puisque, lorsque la Maison des artistes a été agréée en 1975, il y avait 3 000 artistes affiliés au régime de sécurité sociale. Il y en a aujourd'hui 18 000 et le recensement identifie 34 000 plasticiens. Comme l'a souligné M. Gilles Fromonteil, président du conseil d'administration de la Maison des artistes, « bien évidemment, le champ professionnel couvert est très vaste et encore mal délimité ; il recouvre des réalités de carrière très différentes mais, de l'artiste qui vend ses œuvres dans les grandes foires internationales aux artistes régionaux qui animent la vie artistique locale, tout le monde a sa place et son intérêt ». La Fédération des réseaux et associations des artistes plasticiens (FRAAP) reconnaît également que le secteur des arts plastiques est plutôt mal connu en France et qu'il n'existe pas aujourd'hui de recensement clair des artistes. L'Agence pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), créée en 1955, qui est une société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes (comédiens, solistes de musique et de danse, artistes de variété), réunit quant à elle 20 500 sociétaires. Enfin, selon le Syndicat national de l'édition (SNE), les 400 principales maisons d'édition représentent 90 % du secteur de l'édition, qui compte 650 000 ayants droit (auteurs et descendants). Pour autant, comme le soulignait à juste titre la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) « un certain nombre d'auteurs a également un contrat de salarié (permanent ou plus couramment intermittent), comme par exemple les scénaristes ou les auteurs de théâtre », ce qui complique d'autant plus la donne statistique. 2. Des rémunérations fragiles et sous dépendance Comme le rappelait la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), « les trois quarts des auteurs ont aujourd'hui des revenus inférieurs au SMIC et vivent dans une très grande précarité économique et sociale. Certes, celle-ci est le lot des artistes depuis des siècles, mais elle demeurait acceptable tant qu'elle s'accompagnait d'une reconnaissance de la valeur de leur travail. Ce n'est plus le cas aujourd'hui ». La précarité de leur statut a pu être contrebalancée jusqu'au XXe siècle grâce au mécénat et au système des commandes, mais aujourd'hui la situation est devenue explosive, sous la pression de la concurrence désormais exacerbée dans l'audiovisuel, le cinéma et le spectacle vivant. Beaucoup d'auteurs travaillent pour rien, simplement pour être embauchés ou voir leur œuvre retenue par un producteur... Plus globalement, les revenus des artistes indépendants sont généralement de trois ordres : les droits d'auteur, les ventes d'œuvres - notamment pour les artistes plasticiens - et la rémunération par honoraires des interventions et des activités d'enseignement. Une vente d'œuvre est la cession à titre commercial de la propriété matérielle de l'objet qui sert de support à son oeuvre (par exemple, la toile d'un tableau). Elle n'entraîne pas pour autant la cession des droits d'exploitation sur l'œuvre au bénéfice de l'acheteur. Un artiste perçoit des « honoraires » lorsqu'il effectue une prestation de services ou en contrepartie de la conception (honoraires de création) et de la réalisation de l'œuvre. Enfin, il perçoit des « droits d'auteur » lorsqu'il cède ses droits patrimoniaux sur la propriété immatérielle de ses oeuvres (par exemple, droits de reproduction d'un tableau). Le droit d'auteur est la dénomination courante des droits de la « propriété littéraire et artistique ». Il permet à l'auteur d'autoriser les différents modes d'exploitation de son oeuvre et d'en percevoir en contrepartie une rémunération par l'attribution de droits patrimoniaux : droit de reproduction, droit de représentation et droit de suite (pour les seuls artistes des arts graphiques et plastiques). Il reconnaît également à l'auteur un droit moral, dont la finalité est de protéger le caractère strictement personnel de son oeuvre. Le droit moral est perpétuel. Les droits d'exploitation durent pendant toute la vie de l'auteur et soixante-dix ans après sa mort (article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle). A la mort de l'auteur, les droits sont transmis à ses ayants droit (héritiers, légataires...). Le contrat entre un auteur et un éditeur doit prévoir une rémunération en contrepartie de la cession des droits. Le principe est celui de la rémunération proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation (pourcentage fixé de gré à gré, l'assiette étant le prix de vente public de l'œuvre). Comme l'a souligné la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) devant la mission « la rémunération des auteurs se fait de plus en plus sous forme de droits car cela coûte moins cher à l'éditeur. Auparavant, la répartition se faisait à 50/50 entre les droits et le salaire ; aujourd'hui, cette répartition est plutôt de 70/30 ». La Société des gens de lettres (SGDL) fait le même constant : depuis plusieurs années, on enregistre une forte dégradation du métier et de sa rémunération. Autrefois, les droits s'élevaient à 10 % des ventes mais aujourd'hui, les contrats prévoient 8 % ou 8,5 %. Les à-valoir sont très limités (entre 2 200 et 7 600 euros) et assortis d'un « droit de préférence » très sévère puisqu'il faut s'engager à proposer les prochains livres en priorité à l'éditeur, sans garantie de publication ni de rémunération. D'autre part, tous les frais sont à la charge de l'auteur, qui doit désormais fournir son travail sous forme de fichier informatique, ce qui permet à l'éditeur d'économiser les frais de saisie. Enfin, le paiement des droits d'auteur fait également l'objet d'une « provision sur retour » : l'auteur doit attendre trois ans avant de savoir combien d'exemplaires ont réellement été vendus et, au bout de cinq ans, l'éditeur n'est plus tenu de faire une reddition de comptes. Selon les statistiques de l'Association pour la gestion et la sécurité sociale des auteurs (AGESSA), 8 000 personnes sont inscrites à ce régime de sécurité sociale, dont environ 1 100 écrivains. Pour bénéficier du régime, il faut déclarer au minimum 6 300 euros de droits d'auteur par an. Avec 8,5 % de droits d'auteur sur le prix de vente - la vente d'un livre de poche rapporte environ 15 centimes d'euro -, cela fait pas mal de livres vendus... Au delà des trois auteurs français les plus riches qui ont respectivement déclarés un revenu annuel d'un million d'euros, de 150 000 euros et de 120 000 euros, l'immense majorité des écrivains a des revenus très modestes. La moyenne du revenu mensuel, qui s'étend à 3 000 euros, est donc faussée par les revenus exceptionnels de quelques écrivains. Selon la Société des gens de lettres (SGDL), on estime aujourd'hui qu'il n'y a que 300 écrivains en France qui vivent exclusivement de leur plume, alors que plus de 30 000 nouveautés sont publiées chaque année. Parallèlement, selon la Fédération des réseaux et associations des artistes plasticiens (FRAAP), les droits d'auteur des artistes plasticiens sont très mal respectés. Les principaux problèmes portent sur : - le droit de représentation, qui prévoit que la présentation d'œuvres dans une exposition fait l'objet d'une rémunération : dans la pratique, ce n'est quasiment jamais le cas car les lieux d'exposition, qui ne sont pourtant pas des lieux de vente, considèrent qu'ils font de la publicité à l'artiste en montrant son œuvre et que cela doit lui suffire ; - le droit de suite : ce droit, défini à l'article L.122-8 du code de la propriété intellectuelle, est réservé aux artistes plasticiens et graphiques. Il leur permet de percevoir un pourcentage (3 %) du prix de revente de leurs oeuvres à l'occasion des enchères publiques ou par l'intermédiaire d'un commerçant. Au niveau européen, une directive harmonisant le droit de suite a été définitivement adoptée le 27 septembre 2001. Elle sera applicable au 1er janvier 2006 et prévoit que les auteurs de tableaux, collages, peintures, dessins et autres gravures percevront une rémunération lors de chaque cession de leurs oeuvres dans des galeries ou salles de vente. Le seuil minimum de vente à partir duquel un droit de suite est perçu est fixé à 3 000 euros, mais les Etats membres ont la faculté de décider d'un niveau inférieur. Une étude est toujours en cours à l'Inspection générale des affaires culturelles du ministère, mais aucune information, notamment sur les chiffres des deuxièmes ventes par les galeries, n'a été rendue publique. Selon la Fédération des réseaux et associations des artistes plasticiens (FRAAP), « pour que tous les artistes, et pas seulement les plus cotés sur le marché, puissent bénéficier du droit de suite, il serait nécessaire de mutualiser une partie de ces droits afin de financer un fonds d'aide à la création ». Ainsi, du fait de la faiblesse de ces rémunérations, les artistes indépendants sont nombreux à disposer d'une autre activité, annexe ou principale, qui leur permet de vivre. La Fédération des réseaux et associations des artistes plasticiens (FRAAP) estime que la vente des œuvres dans les galeries représente une part extrêmement réduite des revenus des artistes plasticiens. A côté de ceux qui travaillent avec le réseau institutionnel (Fonds régionaux d'art contemporain, centres d'art) et dans les associations d'artistes, il existe tout une frange de « pratiquants », inscrits à la Maison des artistes - l'affiliation étant automatique dès le premier euro de vente -mais qu'il est très difficile de définir professionnellement. c) Les rémunérations des interventions et activités d'enseignement Selon la Société des gens de lettres (SGDL), mis à part les 300 écrivains qui peuvent vivre de leur plume, tous les autres gagnent leur vie autrement, grâce à des actions dans les écoles ou dans les quartiers difficiles, à l'enseignement et à l'animation d'ateliers d'écriture. Si ces activités sont intéressantes et motivantes, elles ne sont pas toujours bien rémunérées. En outre, les demandes d'interventions gratuites sont de plus en plus nombreuses, notamment de la part du ministère des affaires étrangères, qui propose souvent des interventions à l'étranger, moyennant un simple défraiement, mais sans rémunération de l'artiste indépendant... Par ailleurs, la qualification de cette dernière source de revenu est problématique car s'il s'agit d'activités régulières, les artistes sont renvoyés vers le régime salarié, et dans les autres cas, vers celui des travailleurs indépendants. Dans les deux cas, cela risque à tout moment de les faire sortir du champ professionnel propre aux artistes indépendants. Pourtant, comme le rappelaient les responsables de la Maison des artistes lors de son audition devant la mission « les productions réalisées durant ces interventions portent toujours la marque de l'artiste et constituent donc une élément de son œuvre. Il serait donc intéressant d'intégrer une partie de ces revenus dans les revenus " artistiques " ».
La Maison des artistes est une association créée en 1952 et agréée en 1975, afin de gérer le régime de sécurité sociale des artistes plasticiens. L'AGESSA joue le même rôle pour les autres artistes indépendants. Ces deux organismes assurent l'affiliation et l'immatriculation des artistes-auteurs, puis le calcul et l'appel des cotisations. Le recouvrement et le contrôle sont effectués par les URSSAF et les prestations sont servies par les caisses primaires de sécurité sociale.
Un artiste indépendant qui ne remplit pas les conditions pour être pris en charge par le régime des artistes-auteurs - c'est notamment le cas durant sa première année d'activité - sera affilié au régime de la couverture maladie universelle (CMU) pour le bénéfice des prestations en nature de l'assurance maladie, à moins qu'il ne puisse être pris en charge par ailleurs du fait qu'il est salarié, étudiant ou en qualité d'ayant droit d'un conjoint, d'un partenaire d'un PACS ou d'un concubin. Le régime de sécurité sociale des artistes indépendants est financé, d'une part, par les cotisations des artistes et, d'autre part, par les contributions des diffuseurs. La contribution est assise soit sur 30 % du chiffre d'affaires annuel toutes taxes comprises, au taux de 3,30%, ou sur la totalité des commissions toutes taxes comprises, soit sur la rémunération brute versée à l'artiste ou ses ayants droit au taux de 1 %. Contrairement à celui des intermittents du spectacle, le régime des artistes plasticiens est excédentaire : les cotisations se sont élevées à 50 millions d'euros en 2003 alors que les prestations servies par les caisses du régime général peuvent être évaluées à 12,8 millions d'euros pour la maladie et environ 20 millions d'euros pour la vieillesse. De plus, même lorsque des artistes demandent à bénéficier de leur droits à la retraite, ils continuent à travailler et donc à cotiser. a) Il n'existe pas de droit à la formation professionnelle pour les artistes indépendants Alors que la formation continue tout au long de la vie est un droit clairement affirmé par la loi, rien n'existe pour les auteurs. Toute formation doit être directement financée par la personne. Or il existe des secteurs où la création ne peut se faire que si les compétences, techniques notamment, sont régulièrement remises à jour. L'absence d'un droit à la formation continue, tout particulièrement pour l'approche des nouvelles technologies de la communication, mais aussi pour l'acquisition de nouvelles pratiques professionnelles, est problématique. Une mesure législative serait donc la bienvenue. Des discussions sont en cours depuis trois ans pour créer un fonds destiné à la formation professionnelle des auteurs. En novembre 2002, une réunion entre l'AGESSA, la Maison des artistes et tous les syndicats professionnels a permis de trouver un terrain d'entente. Un projet d'accord, qui prévoyait un rattachement au régime des travailleurs non salariés et des cotisations volontaires, a été établi mais depuis, rien n'a évolué b) Il n'existe pas de couverture du risque de maladies professionnelles et de protection en matière d'accidents du travail pour les artistes indépendants Le régime des artistes indépendants ne couvre pas le risque accident du travail, ni le risque maladie professionnelle car il n'existe pas de cotisation employeur comme dans le régime général. Ainsi, pour ces deux cas, l'artiste indépendant qui veut être couvert doit souscrire une assurance volontaire, coûteuse, auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de sa résidence habituelle. 1. ... pour la protection sociale des artistes indépendants : un rapprochement entre l'AGESSA et la Maison des artistes Les deux organismes auditionnés en conviennent, il faudrait organiser une fusion des régimes « artistes indépendants » dans un ensemble unique, mieux rattaché au régime général. On pourrait envisager de transformer l'AGESSA en une véritable caisse de sécurité sociale, chargée à la fois de l'affiliation du recouvrement des cotisations et du versement des prestations à l'ensemble des artistes auteurs. En parallèle, il conviendrait sans doute de revoir l'organisation de la Maison des artistes, et notamment mieux distinguer l'activité sociale du reste des activités de l'association. Proposition n° 25 : envisager un rapprochement entre la Maison des artistes et l'AGESSA. A défaut de fusion, si chaque régime veut garder ses spécificités, du fait de la différences entre les ressources des auteurs et des artistes plasticiens (droits d'auteurs pour les premiers et vente d'œuvres pour les seconds), il serait malgré tout intéressant de créer des synergies de gestion entre les deux organismes. 2. ... pour la formation des artistes indépendants Comme souligné précédemment, les cotisations sociales dues par les diffuseurs pour les artistes indépendants sont très faibles (1 % des droits bruts versés) et n'ont pas été augmentées depuis la création du régime de sécurité sociale des auteurs, en 1977. On pourrait donc envisager la création d'un fonds de formation professionnelle pour les artistes indépendants, auquel les diffuseurs des œuvres contribueraient. Le financement de ce fonds pourrait être assuré par : - une contribution volontaire des artistes auteurs ; - une contribution des diffuseurs ; - une partie des droits pour copie privée (en s'assurant que les sociétés de gestion de droits peuvent financer des missions de formation individuelle). Proposition n° 26 : créer un fonds de formation professionnelle destiné aux artistes indépendants. Pour assurer cette formation, 3. ... pour la rémunération des artistes indépendants a) Assurer la transparence des comptes remis aux auteurs par les diffuseurs Le plus souvent, les artistes indépendants confient la gestion de leurs droits d'auteur à des sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur (SPRD). Ce sont des sociétés civiles, régies par le titre II du code de la propriété intellectuelle, constituées pour recevoir pour le compte de leurs adhérents et grâce à un mandat, les droits d'auteur et redevances qui sont dus au titre de l'exploitation des oeuvres que leur auteur a confié au répertoire desdites sociétés. Elles défendent les intérêts de leurs membres dans la gestion de leurs droits patrimoniaux et dans les contentieux éventuels. De nombreux intervenants auditionnés ont déploré que les artistes indépendants soient aujourd'hui confrontés à un véritable manque de transparence dans la gestion de leurs droits par les diffuseurs. La transparence des comptes remis aux auteurs par les diffuseurs n'est pas assurée. Les diffuseurs devraient être soumis aux mêmes dispositions légales que les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur (SPRD) en la matière. Proposition n° 27 : améliorer la transparence des comptes remis par les diffuseurs aux auteurs. b) Revoir à la baisse la durée des contrats d'édition et par conséquent de cession des droits Les auteurs sont dans une telle situation d'infériorité par rapport aux éditeurs qu'ils n'arrivent souvent pas à exiger une modification des clauses des contrats et des modalités de calcul et de règlement de leurs droits. Ainsi, lorsqu'un auteur cède ses droits à un diffuseur, il le fait dans les limites fixées par le code de la propriété intellectuelle, c'est-à-dire le plus souvent jusqu'à soixante-dix ans après sa mort ! Autant dire qu'il s'agit en pratique d'un contrat illimité et donc d'une dépossession de droits. Il conviendrait de réfléchir à des modalités de cession plus favorables aux auteurs. Proposition n° 28 : laisser aux auteurs le choix de la durée de leurs contrats d'édition. c) Restituer aux auteurs les droits cédés mais non exploités Ces durées de cession exorbitantes des droits d'exploitation sont d'autant moins justifiées lorsque les œuvres ne sont quasiment pas exploitées. Or il faut savoir que tant qu'une œuvre est au catalogue d'un éditeur, elle est réputée exploitée, même s'il ne s'en vend que trois exemplaires par an... Sur ce point également, une évolution de la réglementation devrait être envisagée. Proposition n° 29 : restituer aux auteurs les droits cédés mais non exploités. d) Assurer la rémunération des œuvres sur Internet Comme le souligne un avis du Conseil économique et social, adopté le 23 juin 2004, la protection de leurs droits par les auteurs s'avère de plus en plus délicate du fait du développement d'Internet. Ainsi, aux Etats-Unis, le site d'Amazon permet aux internautes de consulter des chapitres entiers d'ouvrages en anglais, par le biais d'une recherche par mot-clé. Si ce type de site s'attaque aux ouvrages en français, les auteurs francophones seront spoliés. Même si, contrairement à la musique, l'édition ne peut globalement pas encore se plaindre de piratage - les bandes dessinées faisant exception -, les exceptions pour copies privées doivent être correctement rémunérées. Proposition n° 30 : assurer une rémunération correcte des œuvres sur Internet. e) Intégrer la rémunération de l'auteur au coût du spectacle Là encore, la responsabilité des producteurs est importante en ce domaine. En effet, à l'heure actuelle, les rémunérations des auteurs sont calculées sur les recettes de billetterie sans réintégrer le montant des subventions publiques. Ainsi, l'auteur est rémunéré sur un coût fictif du spectacle et non sur son coût réel. Il conviendrait que les différents protagonistes réfléchissent à un mode de calcul plus équitable pour les auteurs. Proposition n° 31 : intégrer la rémunération de l'auteur au coût réel du spectacle.
Les auteurs ne disposent pas d'un régime fiscal propre, puisqu'il n'existe pas de « statut fiscal de l'artiste » à proprement parler. Cependant, les artistes indépendants bénéficient de dispositions fiscales spécifiques (en matière de TVA, de taxe professionnelle, d'impôt sur le revenu, etc.). Les revenus artistiques doivent être déclarés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC). Les droits d'auteur sont également déclarés fiscalement au titre des bénéfices non commerciaux. Les artistes sont taxés sur le produit de la vente ou de l'exploitation de leurs « œuvres d'art ». La réglementation fiscale donne une liste de réalisations qu'elle considère comme oeuvre d'art. Cette énumération purement fiscale, ne doit pas être confondue avec la notion d'œuvre d'art originale telle qu'elle résulte du code de la propriété intellectuelle. L'article 98 A annexe III du code général des impôts considère comme oeuvres d'art les réalisations ci-après : - tableaux, collages et tableautins similaires, peintures et dessins, entièrement exécutés à la main par l'artiste, à l'exclusion des dessins d'architectes, d'ingénieurs et autres dessins industriels, commerciaux, topographiques ou similaires, des articles manufacturés décorés à la main, des toiles peintes pour décors de théâtres, fonds d'ateliers ou usages analogues ; - gravures, estampes et lithographies originales tirées en nombre limité directement en noir ou en couleurs, d'une ou plusieurs planches entièrement exécutées à la main par l'artiste, quelle que soit la technique ou la matière employée, à l'exception de tout procédé mécanique ou photomécanique ; - à l'exclusion des articles de bijouterie, d'orfèvrerie et de joaillerie, productions originales de l'art statuaire ou de la sculpture en toutes matières dès lors que les productions sont exécutées entièrement par l'artiste ; fontes de sculpture à tirage limité à huit exemplaires et contrôlé par l'artiste ou ses ayants droit ; - tapisseries et textiles muraux faits à la main, sur la base de cartons originaux fournis par les artistes, à condition qu'il n'existe pas plus de huit exemplaires de chacun d'eux ; - exemplaires uniques de céramique, entièrement exécutés par l'artiste et signés par lui ; - émaux sur cuivre, entièrement exécutés à la main, dans la limite de huit exemplaires numérotés et comportant la signature de l'artiste ou de l'atelier d'art, à l'exclusion des articles de bijouterie, d'orfèvrerie et de joaillerie ; - photographies prises par l'artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus. En pratique, deux notions donnent lieu à des difficultés d'interprétation, celle de réalisations « entièrement exécutées à la main par l'artiste » et celle d'« autres dessins industriels et commerciaux ». Sur le premier point, il a été jugé qu'un graphiste devait être considéré comme créant des dessins originaux, alors même que ces dessins sont effectués à l'aide d'un ordinateur. Sur le second point, l'administration a tendance à ne retenir, lors des redressements, que certains éléments d'appréciation. Or ce qui différencie un dessin à caractère industriel ou commercial d'une œuvre d'art, même au sens fiscal, ce n'est pas sa destination, c'est l'originalité qui est la marque de la personnalité de l'auteur. C'est dans la mesure où elle est originale que l'œuvre d'un graphiste ou d'un designer est une œuvre d'art. Les artistes se voient donc souvent appliquer des règles différentes selon les centres des impôts. Par ailleurs, ce régime fiscal est d'autant plus complexe qu'aujourd'hui 99 % des artistes doivent, pour vivre, exercer d'autres activités que leur création. Or, lorsqu'il s'agit d'activités non salariées connexes à leur métier d'artiste (conférences, interventions en milieu scolaire ou carcéral), au-delà de 4 172 euros annuels de revenus annexes, ils doivent faire des déclarations de revenus en tant que travailleur indépendant. C'est un régime fiscal contraignant et défavorable alors que ces activités sont totalement liées à leur statut d'artiste. Il faudrait donc rendre possible une déclaration globale en bénéfice non commercial (BNC), en effectuant des contrôles pour éviter les abus. Proposition n° 32 : envisager la possibilité d'une déclaration globale et unique des revenus des artistes indépendants. 5. ... pour les politiques publiques d'aide a) Développer la pratique des auteurs en résidence Il faudrait s'inspirer des expériences en cours pour développer les résidences d'écrivains couplées à l'écriture d'un texte et à un travail autour de l'œuvre, dans les milieux scolaires, ou dans les théâtres. Proposition n° 33 : développer les résidences d'écrivains. b) Développer la politique de diffusion des œuvres françaises dans le monde francophone, en lien avec le ministère des affaires étrangères Le livre français s'exporte mal, principalement parce que la langue française s'exporte difficilement, sauf dans les pays développés francophones, comme le Canada, la Suisse ou la Belgique. Les pays africains n'ont pas les moyens financiers d'investir dans le livre, et encore moins dans le livre d'art. Le Syndicat national de l'édition avait fait des propositions pour soutenir la création littéraire française à l'étranger, non suivies d'effet à ce jour. On pourrait par exemple imaginer, dans le cadre de l'octroi de l'aide au développement à des pays francophones, d'imposer l'achat d'un euro de livres pour 1 000 euros prêtés. On devrait également mieux promouvoir l'édition française lors des sommets de la francophonie. Proposition n° 34 : envisager une meilleure promotion du livre français à l'étranger.
Un certain nombre d'organisations se déclarent favorables à la création d'un domaine public payant pour financer la création et que, comme le souhaitait Victor Hugo, « les morts nourrissent les vivants ». Un prélèvement forfaitaire de 2 % sur le prix de vente des œuvres tombées dans le domaine public - sans augmenter le prix du livre - pourrait alimenter un fonds d'aide spécifique à l'écriture qui pourrait par exemple être géré par la SOFIA (société de perception et de répartition des droits d'auteur, déjà chargée de gérer le droit de prêt en bibliothèque). Pour autant, selon M. Bernard Latarjet, « cette revendication, essentiellement portée par la SACD, semble justifiée par le fait que les auteurs contemporains ne sont pas joués mais c'est un faux argument puisque 70 % des spectacles représentés sont écrits par des auteurs vivants ». Dans la « forêt » des rapports produits ces dernières années sur le thème de l'intermittence du spectacle et de l'emploi culturel en France, le rapport a une double ambition : - aider à pérenniser, en le ramenant à sa juste place dans la politique de l'emploi culturel en France, le régime d'assurance chômage lié à l'intermittence du spectacle ; - favoriser le développement d'une politique française ambitieuse d'aide à la création et à la diffusion, de conquête de nouveaux publics et de positionnement de l'artiste dans une société en attente « d'autre chose » que des stéréotypes culturels qui lui sont trop souvent proposés. Puissent les membres de la mission être parvenus à approcher ces deux cibles. En tout état de cause, ils confirmeront cette volonté qui les anime et qu'ils partagent, lors du débat sur le spectacle vivant du 9 décembre 2004. * * * En créant fin 2003, une mission d'information sur les « métiers artistiques », la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et son président, Jean-Michel Dubernard, ont donné à l'Assemblée nationale les moyens d'intervenir pour contribuer à la résolution d'un conflit aigu, celui de « l'intermittence » né de la signature du protocole UNEDIC de juin 2003. En publiant en mars 2004 un rapport d'étape sur ce sujet, la mission a sans nul doute aidé à débloquer une situation dont la gravité et les conséquences ne peuvent encore aujourd'hui être totalement mesurées. Mais au-delà, la mise en place de cette mission a permis à la représentation nationale d'aborder, pour la première fois sous cette forme spécifique, les problématiques concernant l'ensemble des métiers d'artistes dans notre pays et, plus particulièrement, la question fondamentale pour notre société du financement de l'emploi culturel. Au terme de dix mois de travaux soutenus, d'auditions nombreuses et de déplacements fréquents, le champ d'investigation qui était celui de la mission n'a sans doute pas été totalement exploré. Or ce domaine riche d'une vie intense et d'évolutions rapides, malheureusement vulnérable et éclaté, mérite de la part des élus de la Nation une attention et une vigilance de tous les instants. C'est pourquoi les membres de la mission souhaitent unanimement la création au sein de l'Assemblée nationale, d'un groupe permanent d'études sur les métiers d'artistes, sans exclusive, puisque consacré à la fois aux métiers du spectacle vivant, de l'audiovisuel, des arts plastiques, etc. Il s'agit également ainsi de traduire une conviction forte : même si ces différents types de métiers ont des spécificités incontestables, un compartimentage très strict serait à la fois réducteur pour les artistes et dangereux pour la création culturelle elle-même. Enfin, ce souhait de poursuivre durablement le travail entrepris procède également de la volonté de confirmer les moyens de renforcer le rôle d'acteur majeur de la politique culturelle de notre pays joué par l'Assemblée nationale. La mission sait d'ores et déjà gré à l'ensemble des membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et à son président du soutien qu'ils voudront bien apporter pour l'aboutissement de cette démarche. La remise de ce rapport est également l'occasion d'adresser des remerciements à l'ensemble des membres de la mission pour leur assiduité et l'esprit constructif qu'ils ont toujours su faire prévaloir lors de ses travaux, mais aussi à M. Renaud Donnedieu de Vabres pour l'aide qu'il a apportée à la réussite de cette mission et l'étroite association à laquelle il a convié ses membres pour rechercher ensemble une issue à la crise de l'intermittence conforme à l'intérêt général que les membres de la mission défendent. * 1 Ces deux premiers groupes correspondent au champ d'application du régime des intermittents mais comprennent également des artistes salariés à titre permanent. 2 Le champ recoupe ici celui des annexes VIII et X de la convention UNEDIC. 3 les points a) et b) correspondent au champ d'application du régime des intermittents mais comprennent également des artistes salariés à titre permanent 4 Le champ recoupe ici celui des annexes VIII et X de la convention UNEDIC. |