N° 3397 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 octobre 2006 RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 86, alinéa 8, du Règlement PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES, sur la mise en application ET PRÉSENTÉ PAR M. Serge POIGNANT ET M. Antoine HERTH, Députés. -- SOMMAIRE ___ Pages INTRODUCTION 5 I.- LES PRINCIPALES FORMES D'UTILISATION DES BIOCARBURANTS 9 A.- LES BIOCARBURANTS UTILISÉS COMME ADDITIFS AUX CARBURANTS TRADITIONNELS 9 1. L'éthanol 10 2. L'EMHV 11 B.- LES BIOCARBURANTS NÉCESSITANT DES MOTORISATIONS SPÉCIFIQUES OU ADAPTÉES 12 C.- LE CAS DES HUILES VÉGÉTALES PURES 12 II.- LA POLITIQUE DE SOUTIEN DES BIOCARBURANTS 13 A.- DES OBJECTIFS AMBITIEUX DE DÉVELOPPEMENT 13 B.- LES INSTRUMENTS DE SOUTIEN AUX BIOCARBURANTS 13 a) La réduction de TIPP 13 b) La TGAP biocarburants 15 c) Le régime juridique applicable aux huiles végétales pures 16 III.- DES RÉSULTATS DE PLUS EN PLUS SIGNIFICATIFS 18 IV.- LES PRINCIPAUX ENJEUX POUR L'AVENIR 20 A.- LE SOUTIEN AUX BIOCARBURANTS FACE AU CHANGEMENT D'ÉCHELLE DE LA PRODUCTION 20 B.- LES DIFFICULTÉS SPÉCIFIQUES DE LA FILIÈRE ÉTHANOL 23 C.- LA NÉCESSITÉ DE VEILLER AUX INTÉRÊTS DES CONSOMMATEURS ET DES CONTRIBUABLES 26 D.- L'ÉVOLUTION DE LA FILIÈRE DES HUILES VÉGÉTALES PURES 30 EXAMEN EN COMMISSION 33 GLOSSAIRE 35 MESDAMES, MESSIEURS, La loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique du 13 juillet 2005 a fixé quatre objectifs à notre politique énergétique : - contribuer à l'indépendance énergétique nationale et garantir la sécurité d'approvisionnement ; - assurer un prix compétitif de l'énergie ; - préserver la santé humaine et l'environnement, en particulier en luttant contre l'aggravation de l'effet de serre ; - garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l'accès de tous à l'énergie. Les trois premiers de ces objectifs imposent de réduire notre consommation d'énergies fossiles, importées, acquises à un prix difficilement maîtrisable, polluantes et émettrices de dioxyde de carbone. De ce point de vue, notre politique énergétique a déjà permis des succès remarquables qui font de notre pays l'un des moins émetteurs de dioxyde de carbone de l'Union européenne grâce à l'importance des énergies renouvelables, dont la France est le premier producteur européen (1), et de l'énergie nucléaire, dont la France est également le premier producteur européen. Même si des efforts supplémentaires sont nécessaires notamment pour la promotion des économies d'énergie et de la production de chaleur par des énergies renouvelables, conformément aux orientations arrêtées par la loi du 13 juillet 2005, il est peu contestable que l'enjeu majeur de la politique énergétique doit être la réduction de la consommation d'énergie fossile du secteur des transports. Ce secteur est, en effet, celui dont la consommation connaît l'évolution la plus dynamique. Ainsi, si la consommation énergétique finale (2) nationale, corrigée du climat, a augmenté de 20 % entre 1973 et 2005, celle du secteur des transports a presque doublé au cours de la même période en passant de 26,3 millions de tonnes d'équivalent pétrole (Mtep) à 50,38 Mtep. Or, les carburants pétroliers assurent environ 97 % de la consommation d'énergie du secteur des transports qui est ainsi responsable des deux tiers de notre consommation de pétrole. Aux côtés du développement, d'une part, des transports fluviaux et ferroviaires ainsi que des transports en commun et, d'autre part, des motorisations nouvelles les moins polluantes (véhicules électriques ou alimentés par une pile à combustible), la promotion des biocarburants constitue une solution particulièrement intéressante au défi posé par la consommation énergétique du secteur des transports. Les biocarburants, c'est-à-dire des carburants obtenus à partir de la biomasse, peuvent être produits sur notre sol, en y créant de la richesse et de l'emploi. L'intérêt économique et stratégique de leur promotion est donc incontestable. Ces carburants présentent, en outre, un bilan environnemental bien meilleur que les carburants fossiles y compris sur l'ensemble de leur cycle de vie, c'est-à-dire en incluant les conséquences environnementales de leur production. Malgré des résultats précis sensiblement différents, deux études (3) convergent ainsi pour souligner l'intérêt de l'utilisation de biocarburants du point des émissions de dioxyde de carbone. Les deux études évaluent ainsi entre 41 et 61 % la diminution des émissions de dioxyde de carbone rendue possible par l'utilisation d'éthanol produit à partie de betterave et entre 43 et 70 % la diminution des émissions de dioxyde de carbone rendue possible par l'utilisation d'ester méthylique d'huiles végétales produit à partir de colza. On sait, en outre, que, comme d'autres usages non alimentaires de la biomasse, les biocarburants constituent de nouveaux débouchés pour notre secteur agricole. Leur promotion présente donc non seulement un intérêt du point de vue de la politique énergétique mais aussi du point de vue de la politique agricole. Il convient de préciser que les productions végétales pour l'élaboration des biocarburants devront, comme toutes les cultures, prendre en compte la protection de l'environnement. Il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter de leur impact de ce point de vue d'autant que la production de biocarburants se substituera, dans une large mesure, à d'autres usages des mêmes plantes. Au contraire, la production de biocarburants participera pleinement à l'objectif de développement d'une agriculture écologiquement responsable et économiquement compétitive, en apportant une contribution de notre secteur agricole à la maîtrise des émissions de dioxyde de carbone. Il est donc incontestable qu'il convient de développer fortement la production de biocarburants dans notre pays. C'est pourquoi l'article 4 de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique du 13 juillet 2005 a fixé des objectifs ambitieux de développement des biocarburants, objectifs encore renforcés par l'article 48 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole qui a, en outre, autorisé l'utilisation d'huile végétale pure comme carburant agricole. En application du dernier alinéa de l'article 86 du Règlement et en qualité de rapporteurs de ces deux lois, nous vous présentons aujourd'hui un rapport sur la mise en application de ces dispositions. Celles-ci fixant un objectif général de développement des biocarburants que d'autres dispositions législatives, principalement fiscales, tendent à mettre en œuvre, la présentation de leur mise en application a toutefois conduit vos rapporteurs à présenter un bilan d'ensemble de la politique de développement des biocarburants. Après un rappel des différentes formes d'utilisation des biocarburants, des objectifs de développement fixés et des instruments utilisés pour les atteindre, vos rapporteurs vous présenteront les résultats atteints à ce jour ainsi que les principaux enjeux se posant pour l'avenir. I.- LES PRINCIPALES FORMES D'UTILISATION DES BIOCARBURANTS Beaucoup de sources d'énergie présentant des avantages par rapport aux carburants pétroliers peuvent être utilisées pour le transport. On sait, par exemple, que des véhicules peuvent fonctionner à l'électricité ou au gaz naturel tandis que des motorisations à l'hydrogène sont en cours de développement industriel. L'inconvénient de ces sources d'énergie est de nécessiter des véhicules adaptés et une infrastructure spécifique de distribution d'énergie. Il en résulte qu'indépendamment des autres difficultés pouvant entraver leur développement, celui-ci n'est possible qu'au fil du renouvellement du parc (l'âge moyen des véhicules des ménages étant de 7,7 ans) et qu'il est entravé par un cercle vicieux dans lequel l'absence d'une masse critique de véhicules nouveaux conduit à l'insuffisance des infrastructures de distribution d'énergie qui leur sont adaptées qui elle-même dissuade l'acquisition de ces véhicules. À cet égard, l'un des avantages majeurs de certains biocarburants est de pouvoir être utilisés par les motorisations et les infrastructures de distribution d'énergie existantes. Ce sont ces formes d'utilisation des biocarburants que l'on examinera donc tout d'abord en les distinguant des formes d'utilisation des biocarburants nécessitant des véhicules spécifiquement conçus ou adaptés pour eux. A.- LES BIOCARBURANTS UTILISÉS COMME ADDITIFS AUX CARBURANTS TRADITIONNELS Deux grandes filières de production industrielle de biocarburants existent aujourd'hui en France (4). La première est celle de l'éthanol, alcool produit à partir de la fermentation de plantes sucrières (betterave dans notre pays, canne à sucre au Brésil notamment) ou céréalières (maïs et blé) et qui est incorporé dans l'essence. La seconde est la filière des esters d'huiles végétales, principalement développés sous la forme d'EMHV (ester méthylique d'huiles végétales) incorporés dans le gazole et produits à partir de plantes oléagineuses (colza, tournesol, soja ou palme). L'EMHV, développé en France par la société Diester, est souvent qualifié pour cette raison dans notre pays de diester ou parfois de biodiesel. Ces deux filières, outre qu'elles font appel à des matières premières végétales différentes, présentent des avantages et des inconvénients spécifiques. L'éthanol, aujourd'hui produit pour deux tiers environ à partir de betteraves sucrières et pour le tiers restant à partir de blé, est aujourd'hui incorporé à l'essence soit directement soit sous forme d'ETBE (éthyl tertio butyl éther) qui est un mélange d'éthanol (47 %) et d'isobutène (53 %). L'incorporation directe d'éthanol dans l'essence soulève des difficultés techniques liées, d'une part, au risque de démixtion (séparation des phases essences et alcool en présence d'humidité) et, d'autre part, à l'augmentation de la tension de vapeur des essences résultant de l'incorporation d'une teneur limitée d'éthanol. L'importance réelle de ces difficultés techniques, régulièrement soulignées par le secteur pétrolier, est contestée par les producteurs d'éthanol et de sa matière première agricole. Ceux-ci soulignent, d'une part, que l'augmentation de la tension de vapeur du mélange d'essence et d'éthanol, maximale lorsque le taux d'incorporation d'éthanol est inférieur à 5 %, diminue pour un taux d'incorporation supérieur et, d'autre part, qu'il est possible de régler ce problème en incorporant l'éthanol dans une base d'essence à faible volatilité. Les producteurs d'éthanol et de matière première agricole s'étonnent d'ailleurs de ne parvenir à acquérir de telles bases d'essence qu'en les important et s'interrogent sur les réticences des raffineurs français à les commercialiser. Du côté des raffineurs notamment, on souligne que la solution technique la plus efficace est le recours à l'ETBE dont l'incorporation dans l'essence ne pose pas de difficulté technique. Il se trouve toutefois que la production d'ETBE nécessite, d'une part, l'obtention d'isobutène, dérivé du pétrole, et, d'autre part, des unités de production de grande taille qui sont exploités en France soit par Total (Feyzin) soit par Total en partenariat avec les betteraviers, les céréaliers et les producteurs d'éthanol (Nord ETBE à Dunkerque et Ouest ETBE à Gonfreville). Les producteurs d'éthanol et de matière première agricole estiment donc que le recours à l'ETBE les place dans une situation de dépendance vis-à-vis des raffineurs et militent conséquemment pour le développement de l'incorporation directe. Vos rapporteurs n'ont pas la prétention de trancher les querelles techniques relatives à l'incorporation directe d'éthanol. Ils notent toutefois qu'une incorporation directe à un taux de 10 % est pratiquée aux Etats-Unis. En l'état du droit, il convient de noter qu'une réglementation européenne (la directive n° 98/70/CE du Parlement et du Conseil du 13 octobre 1998) impose des spécifications techniques aux carburants. Cette directive limite notamment expressément les taux d'incorporation des biocarburants dans les carburants fossiles (5 % pour l'éthanol et l'EMHV et 15 % pour l'ETBE) ainsi que le taux d'oxygénation des carburants. Or, ces limites sont fixées en volume. Les objectifs de développement des biocarburants communautaires et nationaux sont, eux, fixés en teneur énergétique. La valeur énergétique d'un combustible est mesurée par son pouvoir calorifique inférieur (PCI), qui mesure la quantité d'énergie libérée lors de la combustion (5). Or, le contenu énergétique de l'éthanol est sensiblement inférieur à celui des carburants pétroliers. Ainsi, à volume égal, le pouvoir calorifique inférieur (PCI) de l'éthanol représente 66 % de celui de l'essence. Toutes choses égales par ailleurs, il faut donc davantage d'éthanol que d'essence pour propulser un véhicule sur une même distance. En volume, les objectifs fixés seraient donc nettement supérieurs à ce qu'ils sont en teneur énergétique. Ainsi, par exemple, pour porter à 5,75 % la part d'éthanol dans la teneur énergétique de l'essence, il faudrait incorporer, en volume, 8,74 % d'éthanol par la voie directe alors que les spécifications des carburants interdisent, comme on l'a rappelé, une incorporation au-delà de 5 % en volume. L'ester méthylique d'huile végétale est produit par transestérification (6) des triglycérides des huiles végétales (obtenues principalement en France à partir de colza) avec du méthanol, lui-même fabriqué à partir du méthane ou d'autres hydrocarbures. Les deux principaux coproduits de ce procédé de fabrication sont les tourteaux issus des graines triturées, utilisés pour l'alimentation animale, et la glycérine, produite par la réaction de transestérification et utilisée notamment par les industries agroalimentaires, pharmaceutique ou cosmétique. L'EMHV présente des caractéristiques proches du gazole qui permettent son incorporation dans ce carburant sans difficulté et même avec certains avantages techniques, l'EMHV présentant un pouvoir lubrifiant permettant de faire l'économie d'additifs spécifiques. Comme l'éthanol, l'EMHV a un pouvoir calorifique inférieur moindre que celui du carburant fossile dans lequel il s'incorpore. L'écart est toutefois bien plus faible puisque le PCI de l'EMHV est d'environ 92 % de celui du gazole. B.- LES BIOCARBURANTS NÉCESSITANT DES MOTORISATIONS SPÉCIFIQUES OU ADAPTÉES L'éthanol comme l'EMHV peuvent être utilisés avec des motorisations spécifiques ou adaptées dans des proportions beaucoup plus importantes que celles qui sont techniquement possibles avec les motorisations traditionnelles. Pour l'éthanol, l'utilisation pure est techniquement possible mais sa faible volatilité entraîne alors des difficultés pour les démarrages à froid. Il est donc jugé préférable, sous nos climats, de recourir à un mélange comprenant de l'éthanol et de l'essence SP95, l'E85, mélange qui peut comprendre jusqu'à 85 % d'éthanol, cette proportion pouvant être moindre en hiver. Ce carburant est utilisé par des moteurs adaptés, à bicarburation (« flex fuel ») pouvant fonctionner aussi bien avec de l'essence traditionnelle qu'avec de l'E85 ou un mélange quelconque, dans le réservoir, des deux carburants. À la différence d'autres motorisations nouvelles, les propriétaires de ces véhicules n'auront donc pas besoin d'une infrastructure de distribution de carburant adaptée pour les utiliser puisqu'ils pourront, en l'absence de pompe distribuant de l'E85, alimenter leur véhicule avec de l'essence traditionnelle. Pour l'EMHV, l'utilisation pure (EMHV100) est possible avec des véhicules adaptés et est pratiquée notamment en Allemagne. Dans notre pays, le mélange utilisé est un mélange à 30 % d'EMHV (EMHV30) qui nécessite également des véhicules et une infrastructure de distribution de carburant adaptés de sorte que l'utilisation est, en pratique, réservée à des flottes captives. C.- LE CAS DES HUILES VÉGÉTALES PURES Les huiles végétales peuvent être utilisées directement dans les moteurs diesel, sans adaptation de ceux-ci. Plusieurs études conduites (7) mettent toutefois en évidence la dégradation des performances des moteurs résultant de cette utilisation (principalement du fait de la formation de dépôts) et ses conséquences négatives sur certaines émissions (hydrocarbures, oxyde de carbone, particules). Ces difficultés sont particulièrement fortes pour les motorisations diesel les plus avancées à injection directe. Les huiles végétales pures sont, en outre, très mal adaptées au démarrage à froid. II.- LA POLITIQUE DE SOUTIEN DES BIOCARBURANTS La politique de soutien au développement des biocarburants poursuit des objectifs ambitieux et repose sur deux principaux instruments de soutien. A.- DES OBJECTIFS AMBITIEUX DE DÉVELOPPEMENT La directive 2003/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 mai 2003 visant à promouvoir l'utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports établit un objectif de développement de ces carburants qui est de porter leur part dans la teneur énergétique de la quantité totale d'essence et de gazole mise en vente : - à 2 % au 31 décembre 2005, - à 5,75 % au 31 décembre 2010. En France, le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, a annoncé, en septembre 2005 à Rennes, des objectifs plus ambitieux qui sont de porter la part des biocarburants dans la teneur énergétique de la quantité totale d'essence et de gazole mise en vente : - à 5,75 % au 31 décembre 2008, - à 7 % au 31 décembre 2010, - à 10 % au 31 décembre 2015. Ces nouveaux objectifs sont ceux aujourd'hui prévus par l'article 4 de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique du 13 juillet 2005 dont la rédaction résulte de sa modification par l'article 48 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole. B.- LES INSTRUMENTS DE SOUTIEN AUX BIOCARBURANTS Deux dispositifs principaux concourent au développement des biocarburants : une réduction de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) à leur profit, d'une part, et une taxation des distributeurs de carburants n'atteignant pas les objectifs d'incorporation, d'autre part. Par ailleurs, un régime spécifique encadre l'utilisation des huiles végétales pures qui bénéficie d'une exonération fiscale totale lorsqu'elle est autorisée. En application de l'article 265 du code des douanes, un additif à un carburant est soumis à la même taxation que le carburant auquel il s'incorpore. Un biocarburant incorporé à un carburant traditionnel devrait donc, en principe, être soumis à la même fiscalité que lui. Les biocarburants bénéficient toutefois, par dérogation, d'une réduction de TIPP prévue par l'article 265 bis A du code des douanes. Pour 2006, cette réduction est égale à : - 25 euros par hectolitre pour les esters méthyliques d'huile végétale (EMHV) incorporés au gazole ou au fioul domestique ; - 33 euros par hectolitre pour le contenu en alcool des dérivés de l'alcool éthylique incorporés aux supercarburants dont la composante alcool est d'origine agricole (ETBE) ; - 33 euros par hectolitre pour l'alcool éthylique d'origine agricole (éthanol) incorporé directement aux supercarburants. En application du 1 de cet article, la réduction « doit permettre d'assurer la compétitivité des biocarburants par rapport aux carburants fossiles sans toutefois aboutir à une surcompensation de l'écart de prix de revient entre ces produits ». Plusieurs paramètres déterminent cet écart de prix de revient. Le premier est le prix du pétrole lui-même qui est, bien entendu, l'élément majeur de la formation du prix des carburants fossiles avec lesquels les biocarburants sont en concurrence mais qui impacte également, évidemment dans une moindre mesure, le coût de revient des biocarburants compte tenu de l'énergie nécessaire à leur production. Le second élément majeur est le prix d'achat de la matière première agricole, qui fluctue fortement. Enfin, le troisième paramètre important est le prix auquel peuvent être valorisés les coproduits des biocarburants (tourteaux ou glycérine, par exemple), prix qui, toutes choses égales par ailleurs, tend à diminuer parallèlement à l'augmentation des quantités de biocarburants produites par saturation progressive des marchés initiaux de ces coproduits. L'association de ces différents paramètres fait que le calcul de l'écart de prix de revient est relativement complexe et que le seuil de compétitivité des biocarburants avec les carburants fossiles ne peut être apprécié en comparant simplement le prix de revient des biocarburants à un instant donné à une projection du prix de revient des carburants fossiles sur la base d'une estimation du prix futur du baril du pétrole. Une certaine incertitude entoure donc le seuil de rentabilité des biocarburants exprimé en prix du baril du pétrole, les estimations allant, pour une production de biocarburants en France et à partir d'une matière végétale également produite en France, de 60 à 150 dollars selon le biocarburant pris en compte et les hypothèses de calcul. Il convient toutefois de souligner que le principal paramètre est tout de même le prix du pétrole et que, conséquemment, plus celui-ci augmente, plus les biocarburants deviennent, toutes choses étant égales par ailleurs, compétitifs et moins une défiscalisation forte est nécessaire. C'est ce phénomène qui a expliqué la baisse de la défiscalisation proposée par la loi de finances pour 2006, baisse qui ne traduisait pas, au contraire, un recul de l'engagement des pouvoirs publics en faveur du développement des biocarburants. Cette défiscalisation partielle n'est ouverte que pour des quantités limitées. Le système repose, en effet, sur l'agrément fiscal de capacités de production. Ces agréments sont accordés par les pouvoirs publics au terme d'appels d'offres. La capacité agréée a évolué comme suit (en tonnes) :
Source : DGDDI Depuis mai 2005, date à laquelle le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a lancé une nouvelle phase du plan en faveur des biocarburants, 3 780 000 tonnes d'agréments nouveaux ont été délivrés dont 2 795 000 tonnes de biodiesel, 900 000 tonnes d'éthanol en incorporation directe et 85 000 tonnes équivalent éthanol d'ETBE. La loi de finances pour 2005 a créé un prélèvement supplémentaire de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) organisé par l'article 266 quindecies du code des douanes sur certains carburants d'origine fossile (supercarburants et gazole), dont sont redevables les personnes qui mettent à la consommation ces carburants. Le taux de cette taxe est progressif selon un calendrier institué par la loi. Ce taux était de 1,2 % pour 2005. Il est de 1,75 % pour 2006. Il sera de 3,5 % pour 2007, de 5,75 % pour 2008, de 6,25 % pour 2009 et de 7 % pour 2010. L'incorporation des biocarburants dans l'essence et dans le gazole permet néanmoins de réduire le taux de la taxe à due proportion du pouvoir énergétique des quantités incorporées. Cette taxe constitue donc, de fait, une sanction financière à l'encontre des distributeurs de carburants n'incorporant pas de biocarburants. Il convient de noter que l'incorporation de biocarburants permettant de réduire le taux de la taxe est appréciée par type de carburant traditionnel distribué. Le distributeur doit donc, pour ne pas payer de taxe, atteindre l'objectif d'incorporation aussi bien sur le gazole que sur les essences, sans compensation possible entre les deux catégories de carburants. Un distributeur dépassant l'objectif s'agissant du gazole mais ne l'atteignant pas pour les essences devra donc payer la taxe au titre de sa distribution d'essences sans la réduire du fait de ses résultats sur le gazole. En revanche, l'incorporation de biocarburants dans les essences est possible indistinctement sous forme d'incorporation directe ou d'incorporation d'ETBE. L'assiette de la taxe est la quantité de carburants distribuée valorisée au prix du « précompte » pétrolier c'est-à-dire de l'assiette de la TVA perçue sur les produits pétroliers, soit la valeur constatée du prix du carburant fossile au cours du précédent quadrimestre, majorée de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) et de la redevance au profit du comité des stocks stratégiques pétroliers. Il s'agit donc d'une assiette très élevée qui correspond, en pratique, au chiffre d'affaires des distributeurs de carburants hors taxe sur la valeur ajoutée mais TIPP incluse. La TIPP représentant, pour le supercarburant environ 60 % du prix hors TVA, un distributeur de supercarburant n'incorporant pas du tout de biocarburant devrait s'acquitter, au niveau actuel de l'assiette, d'une TGAP biocarburants représentant 4,7 % de son chiffre d'affaires hors toutes taxes en 2006, près de 10 % de celui en 2007 et près de 20 % de celui-ci en 2010. La TGAP biocarburants constitue donc un instrument extraordinairement incitatif à l'incorporation de biocarburants jusqu'à son taux. Il convient, en revanche, de noter qu'au-delà de ce taux, toute incitation disparaît. c) Le régime juridique applicable aux huiles végétales pures Conformément à l'article 265 ter du code des douanes, « sont interdites l'utilisation à la carburation, la vente ou la mise en vente pour la carburation de produits dont l'utilisation et la vente pour cet usage n'ont pas été spécialement autorisées par des arrêtés du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'industrie ». Les huiles végétales pures ne figurant pas parmi les produits autorisés par les arrêtés pris en application de cet article, leur utilisation à la carburation est, en principe, interdite. Toutefois, la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 a autorisé l'utilisation, comme carburant agricole, d'huile végétale pure par les exploitants ayant produit les plantes dont l'huile est issue. Elle prévoit, en outre, une exonération totale de TIPP pour ces huiles, exonération qui constitue un régime très favorable puisque les autres biocarburants n'en bénéficient pas. Ce régime se justifie par l'impossibilité pratique de prélever la taxe pour un carburant utilisé en autoconsommation. Les dispositions issues de la loi d'orientation agricole, codifiées au 2 de l'article 265 ter du code des douanes, prévoient qu'un décret déterminera les conditions d'application de cet article codifié. Ce décret n'a pas été publié. La loi d'orientation agricole a également introduit, au sein du code des douanes, un nouvel article 265 quater autorisant la vente d'huile végétale pure en vue de son utilisation comme carburant agricole ou pour l'avitaillement des navires de pêche professionnelle ainsi que cette utilisation à compter du 1er janvier 2007. Cet article prévoit qu'un décret précisera, au vu du bilan de l'application du 2 de l'article 265 ter, les modalités de production, de commercialisation et d'utilisation des huiles végétales pures. Ce décret n'a pas été publié mais devrait l'être rapidement selon les informations communiquées par le Gouvernement à vos rapporteurs. III.- DES RÉSULTATS DE PLUS EN PLUS SIGNIFICATIFS Il est curieusement assez difficile de disposer de chiffres fiables et aisément comparables sur les résultats atteints en matière de promotion de biocarburants. Une série statistique, fournie par l'observatoire de l'énergie du ministère de l'industrie et remontant loin existe pour la production de biocarburants en France. Cette série ne distingue toutefois pas les deux filières d'utilisation de l'éthanol. Les résultats correspondants sont les suivants (en milliers de tonnes d'équivalent pétrole) :
(1) : résultat provisoire, (2) : estimation Source : Direction générale de l'énergie et des matières premières, Les énergies renouvelables en France 1970-2005, juin 2006. Les douanes fournissent, par ailleurs, des éléments sur les volumes de biocarburants mis à la consommation et bénéficiant de la défiscalisation. Ces volumes ont évolué comme suit (en milliers d'hectolitres) :
Source : Direction générale des douanes et des droits indirects En taux d'incorporation, les résultats sont les suivants :
Source : ministère de l'industrie Vos rapporteurs notent, qu'en tout état de cause, toutes les sources convergent pour souligner trois éléments : - les difficultés spécifiques rencontrées par la filière de l'incorporation directe de l'éthanol, dont les résultats sont très modestes mais dans un cadre réglementaire longtemps très défavorable (pas d'agrément fiscal avant 2004), - la relative lenteur du développement des biocarburants, toutes filières confondues, - sa très forte accélération à compter de 2005, c'est-à-dire de la création de la TGAP sanctionnant l'incorporation insuffisante, Presque tous les acteurs du secteur rencontrés par vos rapporteurs soulignent le bouleversement intervenu à partir de 2005 sous l'effet de la création de la TGAP. Si le taux d'incorporation cible de la taxe pour cette année (1,2 %) n'a pas été atteint, les personnes entendues par vos rapporteurs estiment que l'objectif de 2006, soit 1,75 %, le sera ce qui représenterait une augmentation de plus de 113 % du taux d'incorporation en trois ans. IV.- LES PRINCIPAUX ENJEUX POUR L'AVENIR Les résultats de la politique de soutien aux biocarburants sont très encourageants. Ces résultats restent toutefois modestes par rapport aux objectifs fixés à moyen terme (multiplication par dix du taux d'incorporation moyen en dix ans). Ils sont, en outre, fortement différenciés par filière, l'éthanol en incorporation directe peinant toujours à se développer. Enfin, ces résultats sont obtenus grâce à un système de soutien assez complexe dont les effets économiques doivent être bien évalués. Ces trois enjeux majeurs doivent être pris en compte. Par ailleurs, une réflexion spécifique s'impose sur la filière des huiles végétales pures. A.- LE SOUTIEN AUX BIOCARBURANTS FACE AU CHANGEMENT D'ÉCHELLE DE LA PRODUCTION Les taux d'incorporation imposés par la TGAP (ceux pour lesquels la taxe due est nulle) progressent très rapidement au cours des prochaines années, conformément aux objectifs d'incorporation établis par la loi d'orientation agricole. Un doublement du taux d'incorporation moyen est ainsi imposé entre fin 2006 et fin 2007 puis une augmentation de celui-ci de 65 % entre fin 2007 et fin 2008. Les acteurs du secteur rencontrés par vos rapporteurs ne jugent pas ces objectifs irréalistes. Ils soulignent toutefois le fait qu'à partir de 2008, les quantités nécessaires devront être produites par des usines nouvelles, qui ont reçu des agréments fiscaux mais qui doivent entrer en service. Le premier risque à court terme est donc que d'éventuels retards dans la construction de ces unités rendent difficile d'atteindre l'objectif fixé pour 2008. Le décalage susceptible d'intervenir, le cas échéant, dans la satisfaction de l'objectif d'incorporation pour 2008 ne serait toutefois pas, en lui-même, préoccupant, l'essentiel étant que la dynamique de progression engagée se poursuive. Il conviendrait toutefois de veiller à ce que cette éventuelle difficulté temporaire n'aboutisse pas à placer des distributeurs dans l'incapacité physique, faute de production française suffisante de biocarburants, de respecter le taux d'incorporation prévue par la TGAP. Deux inconvénients majeurs pourraient, en effet, en résulter : le recours massif à des importations pour respecter le taux d'incorporation cible, d'une part, ou la répercussion sur les consommateurs du montant de TGAP dû par les distributeurs ne parvenant pas à atteindre l'objectif, d'autre part. Il importera donc de veiller, au vu de l'état d'avancement des unités de production à une éventuelle adaptation temporaire du dispositif par la loi de finances pour 2008. Le vrai défi pour l'avenir se posera toutefois ensuite pour atteindre les objectifs d'incorporation fixés pour 2010 (7 %) et 2015 (10 %), niveaux auxquels des questions relatives à la disponibilité de la matière première commencent à se poser. Trois faits doivent être rappelés pour apprécier la question. Premièrement, en l'état des techniques, l'éthanol est utilisé en incorporation (directe ou sous forme d'ETBE) dans les essences mais n'est pas incorporé dans le gazole. Deuxièmement, les rendements de production des plantes produisant l'éthanol (et notamment les betteraves) sont nettement supérieurs aux rendements de production des oléagineux utilisés pour la production d'EMHV. Ainsi, en l'état des techniques, il semble envisageable, selon un rapport de décembre 2002 de l'ADEME, de produire environ 1,3 tonne d'EMHV par hectare de colza cultivé, 2,55 tonnes d'éthanol par hectare de blé cultivé et 5,78 tonnes d'éthanol par hectare de betterave cultivé. Troisièmement, pour des raisons principalement fiscales, le parc automobile français est caractérisé par la prédominance des motorisations diesel consommant du gazole, prédominance qui semble appelée à croître encore dans les années à venir. Il en résulte qu'en l'état des techniques, c'est le biocarburant utilisant la matière première agricole dont la production nécessite le plus de surface pour lequel les besoins sont les plus importants. Ainsi, selon le ministère de l'industrie, les prévisions de consommation de carburants en France jusqu'en 2010 s'établissent, en effet, ainsi en mètres cubes :
Comme on le sait, les objectifs d'incorporation sont fixés en teneur énergétique et non en masse ou en volume. Or, le PCI des biocarburants est inférieur à volume identique à celui des carburants auxquels ils se substituent, le rapport étant de 0,92 pour les EMHV par rapport au gazole et de 0,66 pour l'éthanol par rapport à l'essence. Le PCI provenant de la biomasse de l'ETBE fait l'objet d'un débat qui sera évoqué ci-après. En l'état du droit douanier, il est de 0,391 par rapport à celui de l'essence. Pour atteindre le taux d'incorporation fixé pour 2010, soit 7 %, il conviendra donc d'incorporer, en volume, 7,6 % d'EMHV et 10,6 % d'éthanol en incorporation directe. On peut donc estimer le besoin de biocarburant en 2010 à 3,14 millions de mètres cubes d'EMHV soit environ 2,78 millions de tonnes et à 878 000 mètres cubes d'éthanol soit environ 700 000 tonnes (dans l'hypothèse d'une incorporation sous forme d'ETBE). Sous ces hypothèses et en supposant la production d'EMHV à partir de colza et celle de l'éthanol à partir de la betterave, on peut donc évaluer le besoin de surfaces agricoles utilisées pour la production de biocarburants à plus de 2,1 millions d'hectares pour le colza et à 120 000 hectares pour la betterave. On rappellera, à titre de comparaison, que les surfaces cultivées pour produire du colza couvraient, en 2005, 1,2 million d'hectares et celles consacrées à la culture de betteraves pour des usages industriels, environ 366 000 hectares tandis que la surface en jachère correspond à environ 1,2 million d'hectares (8). Il serait donc nécessaire, pour atteindre l'objectif d'incorporation dans le gazole à partir du seul colza produit en France, de mobiliser l'intégralité des terres en jachère pour des cultures énergétiques et de renoncer à l'ensemble des autres usages de cette plante. Il est, en tout cas, clair que la question de la concurrence des usages alimentaires et non alimentaires se posera rapidement pour les oléagineux. Or, si la production de biocarburants doit se faire non sur des jachères mais en substitut des cultures actuelles, l'équation économique (en termes de création d'emplois et de rendement pour les agriculteurs notamment) n'est plus du tout la même. De même, dans une perspective strictement agricole, la logique n'est plus alors celle d'une production de complément mais d'une production principale, de fait financée par le contribuable (si la défiscalisation reste nécessaire pour assurer la compétitivité de la filière) et donc selon des modalités dont la compatibilité avec les règles de l'OMC relatives aux subventions agricoles mériterait d'être étudiée plus avant. Enfin, il faut rappeler que l'économie actuelle des filières de biocarburants tient compte de la valorisation des coproduits (pailles, tourteaux, etc..). Celle-ci ne sera clairement plus possible dans les mêmes conditions pour des volumes de production très supérieurs. Deux voies pourraient toutefois permettre de résoudre ces difficultés. La première est l'incorporation de l'éthanol dans le gazole qui est techniquement possible sous la forme de l'ester éthylique d'huile végétale (EEHV) dans lequel on utilise de l'éthanol d'origine agricole à la place du méthanol pour fabriquer l'ester. Le développement des procédés correspondants est en cours et il conviendra ensuite d'adapter les unités de production d'EMHV existantes ou d'en construire de nouvelles. Une production industrielle paraît envisageable à l'horizon 2010. La seconde solution envisageable repose sur des biocarburants de deuxième génération. Les biocarburants actuellement utilisés à l'échelle industrielle ne valorisent, en effet, qu'une très faible partie des plantes dont ils sont issus, plantes qui ne représentent elles-mêmes qu'une fraction modeste de la production végétale totale. Il est toutefois envisageable de mieux utiliser la biomasse disponible par hectare, constituée principalement de cellulose, d'hémicellulose et de lignine et dite « ligno-cellulosique ». La ressource potentielle est considérable. Selon l'ADEME, le potentiel de la biomasse encore mobilisable en France représente l'équivalent énergétique de 30 millions de tonnes de pétrole, 80 % de cette ressource provenant de la partie lignocellulosique de la biomasse (9). Des travaux sont en cours pour la mise au point de ces nouvelles filières. L'Institut français du pétrole (IFP) étudie notamment les pistes de production des carburants de synthèse avec la filière BTL (« biomass to liquid »). Les biocarburants sont obtenus en transformant, dans une première étape, la biomasse en gaz de synthèse par gazéification à haute température. Cette étape est étudiée actuellement en collaboration avec le CEA. Ensuite, après purification, ce gaz est transformé en gazole suivant le procédé dit de Fischer-Tropsch. Les hydrocarbures liquides obtenus sont d'excellente qualité et parfaitement adaptés aux moteurs diesel. Le récent rapport de MM. Christian Bataille et Claude Birraux au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les nouvelles technologies de l'énergie et la séquestration du dioxyde de carbone présente les enjeux techniques du développement de ces biocarburants de deuxième génération. B.- LES DIFFICULTÉS SPÉCIFIQUES DE LA FILIÈRE ÉTHANOL Le développement de la filière éthanol est moins rapide que celui de la filière EMHV, en particulier s'agissant de l'incorporation directe qui n'a permis la consommation que d'environ 3 300 tonnes d'éthanol en 2005, chiffre à comparer aux 368 500 tonnes d'EMHV consommées. Les spécifications techniques des carburants font effet, comme on l'a rappelé, obstacle à l'incorporation directe d'éthanol en faible proportion sans recours à des bases d'essences adaptées. Or, il apparaît que les raffineurs français ont été réticents à mettre à la disposition des distributeurs intéressés de telles bases d'essences. Des opérations d'incorporation sont néanmoins engagées, en Alsace, d'une part, et dans la région de Rouen, d'autre part, mais elles sont conduites par des distributeurs utilisant des bases d'essences importées. Des tensions vives en résultent entre, d'une part, les producteurs d'éthanol et de la matière première végétale et, d'autre part, les raffineurs français. Ces tensions ont, en outre, été avivées par la question du contenu en biocarburant de l'ETBE. Comme on le sait, les objectifs d'incorporation établis par la directive du 8 mai 2003 sont fixés en teneur énergétique. Il en est de même des objectifs français plus ambitieux et des « taux cibles » de la TGAP. Le calcul de la teneur énergétique, c'est-à-dire du PCI, des biocarburants détermine donc les quantités nécessaires pour atteindre les objectifs et, s'agissant des distributeurs de carburants, pour échapper au paiement de la TGAP. Or, ce calcul fait l'objet d'une polémique s'agissant de l'ETBE qui est, comme on le sait, un mélange d'éthanol (47 %) et d'isobutène (53 %). En l'état du droit, le PCI issu du biocarburant de l'ETBE est calculé en multipliant la part de l'éthanol dans l'ETBE en volume par le PCI global du produit. Il en résulte un PCI qui est égal à 39 % de celui de l'essence. Pour les producteurs d'éthanol, ce calcul majore artificiellement le contenu énergétique de l'ETBE issu d'un biocarburant puisqu'il prend en compte le contenu énergétique de l'isobutène qui est très supérieur à celui de l'éthanol. Il conviendrait donc, pour ces producteurs, de calculer ce PCI à partir du seul éthanol en multipliant la part de ce produit dans l'ETBE par le PCI de l'éthanol. Il en résulterait un PCI de l'ordre de 31 % de celui de l'essence. Ce raisonnement paraît techniquement incontestable. Ce débat d'apparence très technique a de lourdes conséquences, le PCI retenu faisant varier en conséquence les quantités devant être incorporées pour atteindre les objectifs. Ainsi, en l'état, pour incorporer la même quantité de biocarburant au sens de la TGAP, il est nécessaire d'utiliser un litre d'éthanol sous forme d'ETBE mais 1,26 litre d'éthanol en incorporation directe (10). Le mode actuel de calcul a été défini par une circulaire douanière. Il a donné lieu à un débat entre les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et ceux du ministère de l'agriculture qui a conduit le Gouvernement à solliciter l'interprétation de la Commission européenne. Celle-ci a admis le mode de calcul proposé par les douanes mais en ne s'exprimant naturellement que sur l'interprétation des objectifs d'incorporation de la directive du 8 mai 2003 et non sur l'application de la TGAP, dispositif fiscal purement national qui n'est pas de sa compétence. Vos rapporteurs estiment que le mode actuel de calcul du PCI de l'ETBE n'est pas, à l'heure actuelle, un enjeu majeur compte tenu des besoins importants d'éthanol au vu des capacités de production disponibles. Il serait, en outre, inopportun de bouleverser brutalement les règles applicables à ce dispositif très récent et auxquels les acteurs économiques viennent de s'adapter. Ils estiment toutefois qu'il conviendrait, à terme, de faire évoluer la réglementation douanière afin de refléter plus fidèlement le PCI de l'ETBE provenant réellement d'un biocarburant. Pour les raisons précédemment indiquées, vos rapporteurs ont la conviction que toutes les filières de production de biocarburants devront être mobilisées pour atteindre les objectifs fixés par la loi. Ils regrettent donc que des oppositions perdurent entre les différentes filières et se félicitent que des opérations d'incorporation directe d'éthanol aient enfin pu être conduites. Il convient toutefois d'observer qu'en tout état de cause, la voie de l'incorporation directe d'éthanol rencontrera rapidement des limites. Les difficultés techniques, tout d'abord, ne doivent pas être négligées notamment s'agissant de la distribution du produit, des essences mélangées d'éthanol ne pouvant être distribuées par pipelines compte tenu des risques de démixtion précédemment rappelés. En outre, et surtout, la diésélisation du parc automobile français et européen conduit à une consommation prévisible de gazole en 2010 quatre fois supérieure à la consommation prévisible d'essences. Il est donc clair que la priorité doit être de rechercher les voies d'une incorporation de l'éthanol dans le gazole sous la forme d'EEHV. Enfin, de nouvelles perspectives s'ouvrent à l'éthanol avec le développement de l'E85. Le groupe de travail sur le soutien au développement de la filière E85 présidé par M. Alain Prost vient de rendre son rapport qui rappelle que la France dispose de tous les atouts pour développer une filière E85 compétitive : - l'industrie automobile est en mesure de produire des véhicules pouvant fonctionner avec ce carburant, ces véhicules ne nécessitant que des adaptations techniques bien maîtrisées et d'un coût modeste (le surcoût étant de l'ordre de 200 euros par véhicule pour des productions en grande série) et nos constructeurs commercialisent déjà de tels véhicules au Brésil où ils représentent 61 % des immatriculations de voitures neuves, - comme cela a été rappelé, le potentiel agricole est disponible pour la production d'éthanol d'autant que des améliorations importantes sont encore possibles s'agissant des rendements, - la logistique de distribution pétrolière en amont des stations services peut être adaptée sans investissement majeur ; l'adaptation des stations elles-mêmes nécessite un investissement de l'ordre de 20 000 à 40 000 euros. Ce groupe de travail a donc présenté un plan d'action auquel le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a apporté son soutien sans réserve en précisant que les constructeurs avaient « pris l'engagement qu'avant 2009 la moitié des véhicules à essence produits seront des véhicules flexfuel » tandis que le Premier ministre indiquait que « 500 à 600 pompes distribueraient de l'E85 dès 2007 et 3 fois plus en 2008 ». Un enjeu essentiel sera de rendre incitatif le recours à l'E85 par une fiscalité adaptée devant permettre, conformément aux annonces du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la commercialisation de l'E85 à un prix de l'ordre de 80 centimes d'euros par litre, niveau de prix tenant compte du pouvoir énergétique moindre de l'E85 et qui rendrait son coût d'utilisation moindre que celui de l'essence et sensiblement comparable à celle du gazole. Une première étape de la mise en œuvre de ces engagements s'est traduite par le dépôt, par le Gouvernement, le 16 octobre, d'un amendement au projet de loi de finances pour 2007 soumettant l'E85 à la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers au taux de 33,43 euros par hectolitre. Ce taux doit être comparé, d'une part, à celui applicable au gazole, qui est de 42,84 euros par hectolitre et au supercarburant ARS, qui est de 63,96 euros par hectolitre et, d'autre part, à la réduction de la taxe applicable à l'éthanol incorporé aux essences, réduction que l'amendement propose d'étendre à l'éthanol incorporé à l'E85 et qui est d'un montant de 33 euros par hectolitre. L'E85 comprenant 85 % d'éthanol sera donc soumis à un taux effectif de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers de 5,38 euros par hectolitre. L'amendement propose, en outre, d'étendre l'application de la TGAP biocarburants aux distributeurs commercialisant de l'E85 ce qui leur permettra d'atteindre leurs objectifs d'incorporation sur les essences commercialisées avec de l'éthanol incorporé dans l'E85. Cet amendement a été adopté par l'Assemblée nationale au cours de la 3ème séance du jeudi 19 octobre. Il convient de noter qu'au cours du débat, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a apporté une précision importante en indiquant que le taux minimal d'éthanol dans l'E85 serait de 70 %, une teneur en éthanol plus faible permettant de régler, l'hiver, les problèmes de démarrage à froid. C.- LA NÉCESSITÉ DE VEILLER AUX INTÉRÊTS DES CONSOMMATEURS ET DES CONTRIBUABLES Le système actuel de soutien aux biocarburants repose sur la coexistence d'une défiscalisation et d'une sanction fiscale des distributeurs de carburants n'atteignant pas les objectifs nationaux d'incorporation. On peut s'interroger sur la juxtaposition de ces deux instruments de soutien concurrents dont chacun pourrait, en théorie, permettre le développement souhaité de la production de biocarburants. Il convient toutefois de noter que chacun de ces instruments présente également des inconvénients. S'agissant de la défiscalisation, l'inconvénient majeur est naturellement celui du coût qui est intégralement supporté par le contribuable. La dépense fiscale correspondante est d'ailleurs significative puisqu'elle s'est élevée à 192 millions d'euros pour 2005. Elle est, en outre, à défiscalisation constante, proportionnelle aux volumes. Ainsi, le droit en vigueur prévoit une réduction de TIPP de 25 euros par hectolitre d'EMHV (soit 250 euros par m3) et de 33 euros par hectolitre d'éthanol (soit 330 euros par m3). Or, comme on l'a rappelé, l'objectif d'incorporation de 7 % de biocarburants dans la teneur énergétique de l'essence et du gazole mis en vente en 2010 nécessiterait l'incorporation d'environ 878 000 m3 d'éthanol dans l'essence et de 3,14 millions de m3 d'EMHV dans le gazole. Si le niveau de défiscalisation était en 2010 celui qui est actuellement applicable, la dépense fiscale totale atteindrait donc, dans l'hypothèse où les objectifs d'incorporation seraient atteints, 1 075 millions d'euros dont 785 millions d'euros au titre de la défiscalisation de l'EMHV. Naturellement, le développement des volumes et les progrès techniques devraient permettre d'améliorer la compétitivité des filières de biocarburants et donc rendre possible une baisse de la défiscalisation. Il convient toutefois de noter que, comme cela a été rappelé, l'augmentation des volumes peut également dégrader la compétitivité des biocarburants sur d'autres aspects tels que les conditions de valorisation des coproduits. On notera également que la défiscalisation n'a pas permis un développement rapide des biocarburants pendant la longue période précédant la création de la TGAP biocarburants où elle existait seule. De son côté, la TGAP biocarburants présente également une faiblesse qui est que, si elle peut contraindre les distributeurs de carburants à acquérir des biocarburants, il n'est pas possible de leur interdire de satisfaire leurs objectifs d'incorporation en important ces biocarburants ce qui diminuerait très fortement l'intérêt de cette politique dont l'objectif est, comme l'a rappelé M. Jacques Chirac, Président de la République, à l'occasion du XVème sommet de l'élevage le 5 octobre dernier, d'assurer que ces filières se développent « en France et avec des productions françaises ». Compte tenu des inconvénients de chacun des deux dispositifs et de la possibilité de les compenser en partie en utilisant l'autre, vos rapporteurs estiment donc opportun de maintenir ces deux instruments. Il faut, en revanche, naturellement veiller à ce que la juxtaposition des deux formes de soutien soit organisée selon les modalités les plus conformes aux intérêts des consommateurs et des contribuables. De ce point de vue, le principal risque est celui de la surcompensation pour les producteurs de biocarburants. On sait que l'incorporation de biocarburants permet à un distributeur de carburants d'éviter de payer une part de la TGAP. Comme le souligne le rapport sur l'optimisation du dispositif de soutien à la filière biocarburants réalisé conjointement par le conseil général des mines, l'inspection générale des finances et le conseil général du génie rural des eaux et forêts, ce dispositif a pour effet, du point de vue des distributeurs n'atteignant pas l'objectif d'incorporation, de donner aux biocarburants une valeur économique égale au niveau de la taxe que leur permettrait d'éviter de payer l'incorporation de ces biocarburants. Les distributeurs savent, en effet que, dans l'hypothèse où ils n'acquièrent pas les quantités de biocarburants nécessaires pour respecter l'objectif fixé par la TGAP, ils devront payer cette taxe. Toutes choses étant égales par ailleurs, les distributeurs devraient donc être prêts à acquérir des biocarburants jusqu'à un prix immédiatement inférieur au montant de la taxe que leur incorporation permet d'éviter. Dans un marché où l'offre de biocarburants est insuffisante, le prix des biocarburants acquis par les distributeurs de carburants auprès de leurs producteurs devrait donc s'établir à un coût évité pour les distributeurs incluant la TGAP évitée. Or, ce montant dépend de l'assiette de la taxe qui est, comme cela a été rappelé, très élevée. Ainsi, en 2006 où la TGAP est calculée par rapport à un taux cible d'incorporation de 1,75 %, un distributeur de supercarburant vendant, dans l'année, 100 hectolitres et n'incorporant pas du tout de biocarburant devra, au titre de la TGAP, 1,75 % du produit des quantités qu'il a vendu hors TVA mais TIPP incluse, soit environ 107 euros par hectolitre. Il devra donc payer 187 euros. Le même distributeur incorporant 1 % d'éthanol dans la teneur énergétique de ses essences (donc, en incorporation directe, 1,5 hectolitre d'éthanol) se verra appliquer un taux diminué de 1 point soit un taux de 0,75 %. Il devra donc payer 80 euros. L'incorporation d'éthanol à hauteur de 1 % (en teneur énergétique) du supercarburant qu'il vend a donc, pour le distributeur, une valeur économique de 107 euros. Elle nécessite 1,5 hectolitre d'éthanol ce qui donne à ce produit une valeur économique, au titre de la taxe évitée, d'environ 71 euros par hectolitre. Le même calcul permet d'établir la valeur économique pour un distributeur n'atteignant pas l'objectif d'incorporation au titre de la TGAP des autres biocarburants à un niveau de : - 42 euros par hectolitre pour l'ETBE (valorisant implicitement l'éthanol contenu dans ce mélange à 89,4 euros par hectolitre), - 79 euros par hectolitre pour l'EMHV. Ces montants sont donc très supérieurs à la réduction de TIPP. Ils viennent, de fait, s'ajouter à celle-ci pour apprécier l'intérêt économique, pour un distributeur de carburants, de recourir à des biocarburants lorsque celui-ci n'atteint pas l'objectif d'incorporation. Un distributeur de carburant a, en effet, vocation à comparer le coût complet du carburant fossile et le coût complet du biocarburant, soit les coûts de production respectifs plus les taxes. Dans un contexte où la quantité de biocarburants disponible est inférieure à celle nécessaire pour annuler les taux de la TGAP, le différentiel de taxes au sens large entre les biocarburants et les carburants fossiles, c'est-à-dire la différence de TIPP plus la diminution rendue possible de la TGAP, s'établit donc, par hectolitre, à 104 euros pour l'éthanol en incorporation directe, à 75 euros pour l'ETBE et à 104 euros pour l'EMHV. En intégrant la teneur énergétique plus faible des biocarburants (dont il reste toutefois à prouver qu'elle soit prise en compte par le marché, les consommateurs n'étant pas nécessairement informés de l'incorporation effectuée), on peut évaluer le différentiel complet de taxes à teneur énergétique équivalente à 67,76 euros par hectolitre pour l'éthanol, à 62,25 euros par hectolitre pour l'ETBE et à 95,6 euros par hectolitre pour l'EMHV. Les éléments sur les coûts de production des biocarburants sont peu nombreux et d'une fiabilité incertaine. Ils semblent toutefois sensiblement inférieurs à ce différentiel complet de taxes. Il convient toutefois de noter que ce différentiel de taxes repose, en très large partie, sur une économie de TGAP qui suppose soit que la quantité de biocarburants disponible soit inférieure aux objectifs d'incorporation reflétés par les taux de la taxe soit, ce qui revient au même du point de vue des distributeurs assujettis à la taxe, que l'absence de concurrence sur le marché de la production des biocarburants permette aux vendeurs de biocarburants d'inclure dans leurs prix tout ou partie de l'économie potentielle de taxes. Il importe donc d'éviter la constitution de rentes au bénéfice des producteurs de biocarburants en assurant, d'une part, une disponibilité suffisante des quantités des biocarburants et, d'autre part, une concurrence effective entre leurs producteurs. Il ne semble pas que les conditions en soient encore réunies puisque : - s'agissant de l'EMHV, un acteur (la société Diester Industrie) détient près de 80 % des quantités agrées pour 2006 ; - s'agissant de l'ETBE, un acteur (Total) disposait, en ajoutant à son unité de Feyzin les unités de Gonfreville et de Mardyck dont le groupe est actionnaire, d'un monopole jusqu'à l'agrément en 2004 d'un autre opérateur (Lyondell). Il convient donc de diversifier les agréments pour l'EMHV et l'ETBE et le Gouvernement s'y est effectivement employé au cours des dernières années. Cette diversification suppose toutefois la création de nouvelles unités de production de sorte que l'intensification de la concurrence entre les producteurs de biocarburants sera nécessairement progressive. Selon les informations communiquées à vos rapporteurs par le Gouvernement, compte tenu des agréments déjà accordés, la part des agréments d'EMHV détenus par Diester descendra ainsi à 62 % du volume total à compter de 2008 avec une dizaine de nouveaux opérateurs détenant des volumes significatifs. S'agissant de l'ETBE, la part des agréments détenus par Total et ses sociétés liées (Ouest-ETBE et Nord-ETBE) passera, à cette échéance, à 53 %, un seul concurrent (Lyondell) détenant toutefois le solde des volumes agréés. Il convient donc de prolonger cet effort afin de minimiser le coût de la promotion des biocarburants pour les consommateurs. D.- L'ÉVOLUTION DE LA FILIÈRE DES HUILES VÉGÉTALES PURES Vos rapporteurs ont rappelé les difficultés techniques posées par l'utilisation des huiles végétales pures. Le principal problème posé par cette filière est toutefois autre et découle, paradoxalement, d'un atout de cette filière qui est que la production d'huile végétale peut être très décentralisée car elle est simple et ne nécessite pas un outil industriel. Cette simplicité permet la production de ces huiles par des exploitants agricoles. Il n'était, en conséquence, pas réaliste de continuer à en interdire l'utilisation comme carburant, cette interdiction ne pouvant pas, de fait, être sanctionnée. C'est pourquoi la loi d'orientation agricole a autorisé l'utilisation de ces huiles comme carburant agricole par les exploitants produisant les plantes dont elles sont issues, donc en autoconsommation. En revanche, un élargissement des conditions d'utilisation de ces huiles nécessite, selon vos rapporteurs, deux conditions. La première est d'organiser une standardisation du produit, c'est-à-dire de prévoir une forme de certification des huiles produites. Celle-ci est doublement nécessaire. En premier lieu, en l'absence d'une telle standardisation, et en dehors de toute autre considération technique, on ne peut demander aux motoristes de garantir la possibilité d'utiliser en toute sécurité des produits dont ils ne connaissent pas précisément les caractéristiques. L'utilisation des huiles végétales pures produites de manière totalement décentralisée sans contrôle ne serait donc possible que si elle était effectuée sous la seule responsabilité de leurs utilisateurs assumant pleinement les conséquences pouvant en résulter pour leurs véhicules. Il en résultait toutefois probablement des contentieux qu'il convient d'éviter. En second lieu, et en tout état cause, un renvoi complet à la responsabilité des utilisateurs n'est pas envisageable s'agissant des conséquences environnementales et sanitaires de l'utilisation de ces huiles. Les normes de pollution doivent s'appliquer également aux véhicules utilisant des huiles végétales pures et cela suppose une standardisation du produit. La deuxième condition préalable à une autorisation plus large de l'utilisation de ces huiles est la définition d'un régime fiscal. Aujourd'hui, les huiles sont totalement défiscalisées. Cette situation se borne, là aussi, à tirer les conséquences d'une situation de fait : il n'est pas réaliste d'envisager de soumettre à une taxe l'utilisation de ces huiles en autoconsommation. En revanche, si leur commercialisation devait être autorisée, la situation serait profondément différente et il n'y aurait plus de raison de faire bénéficier ces huiles d'une exonération totale de taxes dont ne bénéficient pas les autres biocarburants. Il conviendra, en outre, comme le prévoit l'article 265 quater du code des douanes issu de la loi d'orientation agricole, de réaliser un bilan de l'autorisation de l'utilisation des huiles en autoconsommation avant d'élargir leurs conditions d'utilisation. Lors de sa réunion du 25 octobre 2006, la Commission a procédé à l'examen du rapport d'information de MM. Antoine Herth et Serge Poignant sur la sur la mise en application de l'article 4 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique et des articles 48 et 49 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole fixant les objectifs de développement des biocarburants et établissant le régime juridique des huiles végétales pures. Après l'exposé des rapporteurs, M. Claude Birraux les a félicité et a félicité le Président Patrick Ollier de suivre l'application des dispositions votées par le Parlement, exerçant ainsi une mission de contrôle fondamentale. Ces travaux, comme ceux menés par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques en 2001 puis en 2004, montrent qu'il faut absolument vaincre les réticences, parfois fortes, des pétroliers comme de certains environnementalistes, pour répondre aux défis qu'affronte notre agriculture, éviter des importations massives d'alcool qui pourraient imposées par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et lancer l'effort de recherche nécessaire pour développer les biocarburants de deuxième génération, produits à partir des plantes entières. Les roseaux à croissance rapide sont un exemple de ces possibilités, offrant un rendement à l'hectare équivalent à 700 000 litres de pétrole. M. Philippe Feneuil a reconnu que les rapporteurs avaient soulevé le problème fondamental en ce qui concerne les huiles végétales pures, celui de l'absence de standardisation des produits, question liée à celle de la nécessaire professionnalisation des producteurs. Il a souhaité que l'autorisation de l'emploi des biocarburants ne soit pas limitée, au-delà de l'autoconsommation agricole, au seul secteur de la pêche et jugé souhaitable que les agriculteurs qui n'en produisent pas puissent les utiliser. M. Jean Dionis du Séjour a félicité les rapporteurs et approuvé les axes du rapport, notamment les deux conditions posées au développement des huiles végétales pures. Il a toutefois regretté qu'une politique plus volontariste ne soit pas conduite s'agissant de cette filière. L'alternative aujourd'hui est, en effet, entre une impulsion forte des pouvoirs publics permettant d'organiser la filière ou son développement par des initiatives individuelles et dans l'anarchie, qui est malheureusement d'ores et déjà engagé, en particulier dans le Sud-Ouest. Les succès rencontrés par l'Allemagne dans la promotion des biocarburants montrent qu'une action efficace est possible et il est donc fâcheux que la France ne s'inspire pas davantage de cet exemple. M. Claude Birraux a recommandé de prendre appui sur les flottes captives pour développer les nouveaux produits, à partir des bus et des flottes de véhicules des collectivités territoriales notamment, afin d'éviter le cercle vicieux dans lequel l'absence d'infrastructures de distribution adaptées entrave la commercialisation des véhicules dont l'insuccès ne favorise pas le développement des infrastructures adaptées. M. Serge Poignant, rapporteur, rappelant l'apport des travaux de l'Office parlementaire d'évaluation scientifique, a précisé que les chiffres relatifs à l'année 2006 n'étaient malheureusement pas encore disponibles mais que tous les acteurs auditionnés considéraient le taux d'incorporation de 1,75% en 2007 comme un objectif réaliste. M. Antoine Herth, rapporteur, a indiqué que l'avis de la commission sur les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » comprendrait un échéancier des décrets d'application de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole. Des expériences menées localement pour développer l'emploi des biocarburants ont été autorisées à titre expérimental. Quant à la comparaison constante avec l'Allemagne, elle n'est pas forcément judicieuse : les automobiles produites par les constructeurs allemands se caractérisent par une consommation de carburant particulièrement élevée, ce qui ne traduit pas une grande préoccupation environnementale. Enfin, la réflexion sur les productions agricoles et leur utilisation énergétique doit se poursuivre et l'un des intérêts des huiles végétales pures, à cet égard, est de sensibiliser les exploitants aux préoccupations énergétiques. A l'issue de ce débat, la Commission a décidé, à l'unanimité, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication, en application de l'article 86, alinéa 8, du Règlement. GLOSSAIRE
1 () Source : Observatoire de l'énergie du ministère de l'industrie sur la base de données pour 2004 de l'Agence internationale de l'énergie. 2 () L'énergie finale est l'énergie livrée au consommateur pour sa consommation finale. La consommation d'énergie finale correspond donc à la consommation d'énergie totale (excluant la consommation de produits énergétiques comme matière première, par exemple dans la pétrochimie) nette des pertes de distribution (comme les pertes en lignes électriques) et des quantités consommées par les producteurs et transformateurs d'énergie. Elle est corrigée du climat pour neutraliser l'effet des variations exceptionnelles de température. 3 () La première de ces études a été réalisée par le cabinet PriceWaterHouseCoopers pour le compte de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et du ministère de l'industrie et est disponible sur le site Internet de cet établissement public. La seconde a été réalisée par le centre de recherche de la Commission européenne et par deux organismes liés respectivement à l'association européenne des compagnies pétrolières et à l'association européenne des constructeurs automobiles. Elle est disponible, en anglais, sur le site http://www.ecrin.asso.fr/. 4 () On renverra le lecteur désireux d'une information plus complète sur les aspects techniques des biocarburants à la remarquable synthèse récemment publiée par l'Institut français du pétrole (D. Ballerini, N. Alazard-Toux, Les biocarburants, éditions Technip, Paris, 2006) dont les développements suivants sont largement nourris. 5 () Le pouvoir calorifique inférieur correspond à la quantité de chaleur dégagée par la combustion complète de l'unité de combustible considéré nette de la chaleur de condensation de l'eau supposée restée à l'état de vapeur à l'issue de la combustion. Le PCI correspond donc à l' «énergie utile» d'un combustible ou d'un carburant. 6 () La transestérification est la réaction par laquelle un ester d'un acide organique est transformé en un autre ester du même acide. 7 () On trouvera une synthèse de ces etudes dans D. Ballerini, N. Alazard-Toux, Ibid, pp 170-172. 8 () Source : ministère de l'agriculture. 9 () ADEME, Programme national de recherché sur les bioénergies, document de référence, février 2005. 10 () 1 litre d'éthanol permet de produire 2,12 litres d'ETBE, quantité dont le PCI calculé selon l'état du droit équivaut à celui de 1,26 litres d'éthanol en incorporation directe. |