OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES ________________________ RAPPORT sur La place des biotechnologies en France et en Europe Par M. Jean-Yves LE DÉAUT, Député
_______________________________________________________________________ Composition de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques Président M. Henri REVOL Premier Vice-Président M. Claude BIRRAUX Vice-Présidents M. Claude GATIGNOL, député M. Jean-Claude ÉTIENNE, sénateur M. Pierre LASBORDES, député M. Pierre LAFFITTE, sénateur M. Jean-Yves LE DÉAUT, député M. Claude SAUNIER, sénateur
Saisine Table des matières CHAPITRE 1 : L'URGENCE DE RECONNAÎTRE EN FRANCE LA DIMENSION STRATÉGIQUE DES SCIENCES DE LA VIE ET DES BIOTECHNOLOGIES 17 A - Les biotechnologies constituent une « technologie clé » 21 1 - Les domaines d'intérêt des biotechnologies 21 a) Les biotechnologies, un concept équivoque ? 22 b) L'alimentation 24 c) La santé 26 d) L'environnement 30 e) La sécurité 34 2 - La diffusion des biotechnologies 38 a) La « pluridisciplinarité » et la dynamique des biotechnologies 38 b) La diffusion des biotechnologies dans le secteur de la pharmacie 41 c) La diffusion des connaissances, « le paradoxe européen » 46 B - Les biotechnologies émergent dans un contexte contraignant 53 1- L'enjeu des biotechnologies dans la concurrence internationale 54 a) Concentration et sectorisation industrielles : l'exemple des semences et de la pharmacie 54 b) Recherche et développement, la France est en train de décrocher 58 c) Le potentiel économique des biotechnologies 61 d) L'internationalisation de la recherche industrielle et la menace de délocalisations 66 e) L'appréciation du « risque économique » lié aux biotechnologies 68 f) Le sort des pays émergents ou en développement 73 2 - L'encadrement réglementaire du développement des biotechnologies 75 a) Les interdictions relevant de l'ordre juridique général : cellules souches, brevets, bases de données et protection des animaux 76 b) Les réglementations relatives à la production, à la commercialisation et à la circulation de certains produits issus des biotechnologies 86 c) L'évaluation des risques et des bénéfices 97 C - Les OGM dans l'agriculture, une illustration de la crise des biotechnologies en France et en Europe 109 1 - La perception des Français et des Européens sur les OGM est négative 109 2 - Bref historique des plantes génétiquement modifiées en France 111 3 - Un débat qui s'enlise 114 4 - Les techniques de la transgénèse végétale 115 5 - Les bénéfices des OGM 117 a) Mieux protéger l'environnement 117 b) Améliorer la qualité sanitaire et nutritionnelle des aliments 119 c) Les impacts économiques dans les pays du Sud : si les OGM permettaient de maîtriser les coûts de production ? 122 6 - Les risques sanitaires et les incertitudes sur les OGM 125 7 - L'assurabilité et la responsabilité juridique liées aux risques potentiels des OGM 135 8 - Les enjeux économiques des OGM 136 a) Les enjeux internationaux 136 b) Les risques de domination économique des pays qui possèdent les brevets 140 c) OGM et propriété intellectuelle 142 d) Les rapports entre les pays du Nord et les Pays du Sud 144 9 - Le droit pour le citoyen de savoir et de choisir 146 a) Le nécessaire étiquetage et la mise en oeuvre de la traçabilité des OGM 147 b) La guerre des seuils des contaminations fortuites d'OGM 151 c) La question de la coexistence des filières 152 10 - La recherche sur les plantes génétiquement modifiées est indispensable 154 a) Les expérimentations en plein champ sont-elles nécessaires ? 154 b) Les destructions des expériences 158 11 - La nécessité d'un débat fondateur en France sur les biotechnologies 159 a) Le manque de courage des responsables politiques 159 b) Une évolution idéologique du dossier 164 c) Quel système d'autorisation en France et en Europe 165 12 - Conclusion 167 CHAPITRE 2 : LA NÉCESSITÉ D'IDENTIFIER LES LEVIERS ESSENTIELS D'UN DÉVELOPPEMENT DES BIOTECHNOLOGIES EN FRANCE ET EN EUROPE 169 A - La question cruciale du financement 173 1 - Interventionnisme ou libéralisme ? 174 a) Les premiers domaines d'application des biotechnologies sont ceux où traditionnellement l'Etat s'implique 174 b) L'effort de recherche consenti dans les biotechnologies repose sur une imbrication des sphères publique et privée 175 c) La visibilité d'une politique publique permet d'attirer (et de retenir) les capitaux privés 177 d) Le statut de l'aide publique à la recherche privée reste ambigu 178 e) Dans le domaine des biotechnologies, les Etats européens ont initié les politiques les plus diverses en tenant compte de leurs spécificités nationales 180 2 - La situation du secteur privé et les limites rencontrées 183 a) Les dépenses de R&D des groupes industriels sont généralement comptées. 183 b) Le financement privé des sociétés de biotechnologies reste problématique 189 c) Les aides publiques sont nécessaires mais doivent être plus ciblées 196 d) Le financement de l'amorçage et le soutien au développement des produits issus des biotechnologies doivent trouver prioritairement des solutions rapides 201 3 - La place déterminante de la recherche publique 204 a) Les biotechnologies dépendent de la recherche académique 205 b) A travers la recherche publique, les Etats définissent des orientations stratégiques 207 c) L'Union européenne a tenté de créer une dynamique sans véritablement y parvenir 212 d) En France, les principales interrogations portent sur la mobilisation de fonds complémentaires et l'étendue du champ d'intervention de la recherche publique 214 B - Que signifie un partenariat public/privé ? 219 1 - Le problème de l'organisation de l'espace : clusters et biopoles 220 a) Le phénomène cumulatif des pôles d'excellence : l'exemple de Boston 221 b) L'impact de politiques locales adossées à une stratégie nationale : l'exemple de la Bavière 223 c) Les difficultés rencontrées par certaines stratégies locales indépendantes : l'exemple de Chiba, par opposition à Osaka ou Kobe 225 d) L'avenir incertain des pôles transnationaux : l'exemple de BioValley 230 e) La difficile évaluation des pôles constitués : l'exemple des bilans des génopoles 231 f) La diversité des « profils » en biotechnologies : le cas des régions françaises 238 2 - Le problème du choix des structures, des personnes et des partenaires 242 a) Des structures de valorisation peu mentionnées 243 b) L'importance accordée aux moyens humains 245 c) Des partenaires industriels introuvables ? 247 3 - Le problème de la consolidation des vecteurs de valorisation 250 a) La valorisation des brevets, le Bayh Dole Act et les difficultés rencontrées 250 b) La viabilité des supports utilisés 256 c) La valorisation du métier de chercheur 260 Conclusion 265 RECOMMANDATIONS 269 Examen du rapport par l'Office 297 Composition du groupe de travail 303 Liste des personnes auditionnées 305 Audition publique du Jeudi 2 décembre 2004 321 ANNEXES 413 Annexe 1: La réglementation des biotechnologies végétales aux Etats-Unis (publication de la mission économique de l'Ambassade de France aux Etats-Unis) 415 Annexe 2 : Evolution du nombre de demandes d'autorisation relatives à des PGM (partie B de la directive) déposées annuellement en France 431 Annexe 3 : Les essais sur les PGM en France, en 2004 433 Annexe 4 : La genèse d'un médicament 435 -------- 436 J'ai souhaité entreprendre ce rapport, il y a maintenant 18 mois. Après l'âge d'or du développement des biotechnologies aux Etats-Unis ou au Japon, en Chine aujourd'hui, des signes d'essoufflement semblent caractériser l'Europe, mais aussi la France. J'en ai réellement pris conscience lors de la publication du déchiffrage du génome humain. Alors que M. Jean Weissenbach avait réussi « une première » en décrivant, en 1992, le bornage du génome, nous n'avons, au final, déchiffré qu'un chromosome sur 23 et cela aurait pu être pire si Mme Elizabeth Dufourcq, Secrétaire d'Etat du gouvernement d'Alain Juppé, n'avait intuitivement compris ce défi et confié, en 1996, à M. Jean-Marc Egly, Grand prix de l'INSERM 2004, membre du Conseil Scientifique de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, la mission de replacer la France dans la compétition sur le génome humain. Plusieurs conversations avec M. Bernard PAU, alors Directeur des Sciences de la Vie au CNRS, membre du comité de pilotage, ainsi qu'avec M. Hervé Chneiweiss, conseiller technique au cabinet de M. Roger-Gérard Schwartzenberg de 2000 à 2002, membre du Conseil Scientifique de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, en 2002 et 2003, ont conforté mon analyse. Il m'apparaissait nécessaire de relancer rapidement l'innovation biopharmaceutique en France. Ces interrogations se croisaient avec deux constats majeurs que j'avais pu faire comme responsable politique. Elu député depuis bientôt 19 ans, scientifique de formation, docteur ès sciences, professeur de biochimie, j'ai participé à l'aventure de la création et de « la mise sur orbite » de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques. Cette expérience a été passionnante, car petit à petit, nos études ont montré à la classe politique les rapports ambigus qu'entretiennent Science et Société et l'Office Parlementaire a contribué à apporter des réponses aux questions posées par les citoyens. L'Office Parlementaire a ainsi souvent été sollicité pour répondre aux préoccupations manifestées sur le clonage thérapeutique, les organismes génétiquement modifiés, la brevetabilité du vivant, la sécurité nucléaire, les épidémies de légionellose, d'encéphalite spongiforme, les effets toxiques des métaux lourds, de l'amiante, l'impact des ondes électromagnétiques... Mais, ces questions étaient le plus souvent posées en période de crise, quand le public réclamait une réponse rapide. J'ai rapidement acquis la conviction que la recherche et le progrès de la connaissance n'étaient pas la priorité des responsables politiques français. Au delà des sarcasmes maintes fois ressassés sur la nécessité d'avoir « des chercheurs qui trouvent », la plupart des responsables politiques français formés « dans le même moule » et acquis à la pensée économique unique, n'ont pas compris l'intérêt de mener une politique ambitieuse de propriété intellectuelle, de formation « à et par la recherche », de soutien au financement des entreprises innovantes, de contrôle des technologies clés. L'économie de demain sera foncièrement différente, elle ne pourra être assise uniquement sur les services. La perte des emplois industriels devra être compensée par des emplois dans les hautes technologies, qui créeront de la richesse et qui permettront d'irriguer le tissu économique et social. L'exemple de l'Institut américain de la santé (les NIH) le prouve. Les Présidents Clinton puis Bush ont décidé que ses crédits seraient doublés de 2000 à 2004, car ils voulaient asseoir la domination économique des Etats-Unis dans le secteur clé des biotechnologies, dont dépend aujourd'hui la pharmacie. Les Etats-Unis ont également misé sur les technologies de l'environnement, le secteur agroalimentaire, le secteur de l'énergie et compris que la domination économique et le contrôle des technologies clés passaient par des soutiens financiers massifs à la R & D. Il y a chez eux une réelle stratégie politique. Le résultat a été à la hauteur des ambitions. L'augmentation des crédits du NIH a été de près de 4 milliards de dollars en 2003 quand le budget total de l'INSERM (2004) plafonnait à 400 millions d'euros, soit huit fois moins que la seule augmentation des crédits du NIH, alors que le budget total des recherches consacrées à la santé par tous les organismes français (2002) se montent à moins de 900 millions d'euros, soit 4 fois moins que la seule augmentation du NIH. Si l'on rajoute toutes les dépenses de recherche et développement publiques consacrées à la santé et aux sciences de la vie, on atteint un chiffre inférieur à 2 milliards d'euros en 2002 soit deux fois moins que la seule augmentation du budget du NIH. La France et l'Europe ne « jouent plus dans la même cour ». En effet, par tête d'habitant, le NIH consacre à périmètre identique, 6 fois plus que tous les organismes de recherche français sur des objectifs se rapportant à la santé1. La situation européenne n'est pas meilleure que celle de la grande majorité des Etats membres. Les crédits du programme cadre européen de recherche et de technologie sont très largement insuffisants pour revenir dans la course au contrôle des technologies clés. Le financement total du PCRDT (17,5 milliards d'euros) entre 2002 et 2006 ne représente que 5 % des financements des Etats membres de l'Union. Et si l'on reprend la comparaison précédente, l'Europe consacre, chaque année, moins que l'augmentation du seul NIH américain, pour coordonner le développement des secteurs prioritaires. Les questions de l'intégration des dépenses de la recherche dans les critères définissant le pacte de stabilité ou d'augmentation de la contribution des Etats pour financer la recherche, se présentent aujourd'hui avec une particulière acuité. Votre rapporteur fera des propositions à ce sujet. Il est donc urgent que la recherche devienne la première priorité de notre pays, que l'Etat engage une politique volontariste de soutien à la formation, à la connaissance et à l'innovation. Nos gouvernants n'ont pas non plus su prendre en compte les revendications croissantes des citoyens qui souhaitent être associés aux prises de décision, regrettant que celles-ci soient réduites à un tête-à-tête entre l'expert et le scientifique. On est donc passé imperceptiblement de la période de « l'expert tout puissant », où le politique s'appuyait totalement sur lui pour forger sa position, à celle du « principe d'inaction » où toute nouvelle question posée par la société se solde irrémédiablement par un report de décision ou par un moratoire. M. Marc Guillaume, Professeur à l'Université Paris-Dauphine, a bien cerné ce phénomène dans un point de vue publié par Le Monde le 25 décembre 2004 : «Dans bien des cas, on joue à se faire peur, cela donne un fond tragique à l'existence, rend plus vif le sentiment d'exister»... Et pourtant, il faudrait proposer à «la société un avenir et non pas seulement un simple futur de survie». Car, «comment maintenir à la fois des objectifs de croissance, d'emploi, de compétitivité face à des pays émergents qui, légitimement nous ferons de plus en plus concurrence et viser un développement équitable pour les plus défavorisés des pays riches et pour les pays les plus pauvres». Pour relever ces défis, il faut «créativité, audace, exigence de liberté, capacité à débattre et à accepter sereinement les différences (...), gôut pour le risque, et donc l'action» car «si chacun continuait à entreprendre, le monde pourrait quand même changer avant que des catastrophes ne nous y obligent». L'exemple des OGM que nous allons aborder dans ce rapport illustre bien cette problématique de la prise de décision politique. Si la technique avait eu cinquante ans d'avance, elle aurait été utilisée sans la moindre discussion au nom de la « révolution verte » qui avait pour objectif d'augmenter la productivité agricole et d'assurer l'autosuffisance alimentaire européenne. Aujourd'hui, le défi a été si bien relevé que l'Europe a dû réguler la production en imposant des quotas de production, en stockant massivement certains produits pour soutenir les cours, en créant des jachères énergétiques ou des gels de terre... Il n'y a donc plus le même intérêt économique, mais cela suffit-il à justifier le refus a priori d'une partie de la société vis-à-vis de cette technologie dans l'agriculture, en oubliant d'ailleurs qu'elle pourrait avoir un intérêt dans les pays émergents ? Les rapports successifs de Mme Noëlle Lenoir sur les biotechnologies (2001), de M. Antoine Masson sur l'attractivité de l'industrie pharmaceutique (2004), des Sénateurs Jean Bizet et Jean-Marc Pastor sur les enjeux économiques et environnementaux des OGM (2003), du Professeur Pierre Kopp sur le secteur français des biotechnologies (2003), de l'OCDE « Science, technologie et industrie » (2003), tirent des conclusions identiques. La France et l'Europe décrochent dans le domaine des biotechnologies. Et si la situation n'est pas encore irréversible, il est « urgentissime » de réagir. Deux rapports du Conseil d'analyse économique, remis récemment au Premier ministre, mais aussi le rapport de M. Jean-Louis Beffa consacré à l'innovation, arrivent au même constat et s'inquiètent de la perte de compétitivité des entreprises françaises dans les technologies clés. Après l'informatique, l'électronique, la France s'efface dans le secteur des biotechnologies, alors qu'il y a 45 ans, la France et l'Europe étaient « en tête » dans les sciences de la vie. J'arrive à la conclusion que la France et l'Europe n'ont pas suffisamment privilégié l'économie de la connaissance. Les emplois de demain dépendront de nos points de force en intelligence logicielle, dans les nanotechnologies, les biotechnologies ou des écotechnologies. L'économie du XXIème siècle sera une économie de la matière grise et il faudra tout faire pour éviter qu'à l'avenir, une nouvelle charge, s'ajoutant à la facture pétrolière, ne pèse lourdement sur la France et l'Europe et qu'elles ne soient contraintes de payer au prix fort les médicaments et les produits issus de la recherche menée dans les pays concurrents. Il est devenu absolument nécessaire d'assurer une meilleure cohérence de nos politiques de formation, de recherche et de développement économique. Les biotechnologies ont un passé, elles ont un présent, il reste à leur inventer un avenir. C'est en paraphrasant les propos tenus sur la génétique par un scientifique français et en les transposant aux biotechnologies que l'on prend la mesure du risque auquel s'exposent l'Europe, et en particulier la France, en n'engageant pas les efforts nécessaires pour soutenir l'innovation dans ce domaine. Les biotechnologies ont un long passé, non circonscrit à l'Europe. Avec l'essor de la microbiologie, grâce à Louis Pasteur, puis du génie enzymatique, la compréhension et la maîtrise des processus faisant intervenir des organismes vivants ou des éléments de ceux-ci ont fait des progrès considérables. Ces progrès ont permis de mettre au point des traitements efficaces et de reproduire à l'échelle industrielle les mécanismes étudiés, tel celui de la fermentation. Le passé des biotechnologies, celui des premières générations, a été marqué par une puissance scientifique, industrielle et agricole des pays européens, souvent occultée par d'autres évolutions industrielles ne reposant pas sur l'emploi d'organismes vivants ou de matières biologiques. Pourtant, l'apport des biotechnologies a été essentiel au bien être des populations, en particulier dans les domaines de l'alimentation et de la santé. Boissons et aliments fermentés, produits sucrants, arômes, additifs alimentaires, vaccins, antibiotiques, vitamines sont issus de ces premières générations de la biotechnologie, couplée parfois avec des procédés de synthèse chimique. Parallèlement, l'approfondissement des connaissances du monde vivant, de sa diversité et de ses mécanismes, a été à la base de multiples avancés technologiques dans beaucoup de secteurs de l'économie et de la société. La vie est sans doute apparue il y a quatre milliards d'années, les biotechnologies modernes ont cinquante ans. C'est en 1953 que Watson et Crick découvrent que la molécule d'ADN est le support de l'information génétique et que le secret de la vie est conservé dans des alignements de quatre bases chimiques qui peuvent être transmis de génération en génération. Depuis, les découvertes se sont accélérées, puisque le code qui permet de déchiffrer les « logiciels de la vie » est découvert en 1962 par Niremberg et qu'en 1971, Schapiro réussit, pour la première fois, à transférer un gène d'une bactérie à une autre et à démontrer qu'il est possible de faire fabriquer, par un organisme vivant, une protéine à partir d'un gène étranger et transféré. Au début des années 1980, ces expériences sont reproduites d'abord chez les végétaux, puis chez les animaux. Grâce aux découvertes et inventions nées de la biologie moléculaire, du génie génétique et de la génomique et avec l'appui de nouveaux outils automatisés d'investigation, à partir des années 1980, une nouvelle génération de produits et de procédés a ainsi enrichi les biotechnologies. Tenter d'établir, au niveau des produits, des procédés de production ou de recherche, une frontière entre ces différentes générations, en tenant compte également des apports de la culture cellulaire, se révèle pratiquement impossible. Aux premiers secteurs ayant utilisé les biotechnologies, s'en sont ajoutés d'autres, comme celui des productions animales et végétales ou celui de l'énergie. Les méthodes de travail ont évolué pour intégrer ces nouvelles connaissances et dans certains secteurs, les nouvelles techniques sont devenues routinières. Les industries françaises et européennes ont-elles suffisamment investi dans ces nouvelles technologies ? Ont-elles su soutenir la recherche dans ce domaine et s'en approprier les résultats? Le débat sur les OGM, qui ne constituent qu'un élément, bien qu'essentiel, des biotechnologies, n'a-t-il pas masqué des erreurs de stratégie industrielle ? Un récent rapport émanant du Conseil d'analyse économique2 souligne le retard enregistré dans ce domaine : « Après avoir en grande partie manqué le tournant des technologies de l'information, l'Union européenne et plus particulièrement la France sont probablement en train de manquer le tournant des biotechnologies, comme celui d'autres nouvelles technologies, et l'on peut craindre le pire pour notre croissance potentielle. C'est bien là la consécration de la perte de substance de l'industrie française ». Pourtant, le retard de la France dans ce domaine n'est pas nouveau. En 1996, une étude du Ministère de l'Industrie3, consacrée au secteur de la chimie en France, constatait que « les biotechnologies au sens strict dégagent 6,6 milliards de francs de chiffres d'affaires en 1994, soit 4% du potentiel total des produits qui pourraient être fabriqués avec ces technologies nouvelles ». Par ailleurs, la biotechnologie moderne tardait déjà à faire son entrée dans le monde industriel. A peine une trentaine d'entreprises déclaraient pratiquer des techniques de génie génétique, et cette technologie concernait principalement leurs activités de recherche. La fermentation représentait plus de 69% des procédés utilisés pour la production bio-industrielle (sérums et vaccins, substances actives azotées, comme la lysine et le glutamate, médicaments à base d'hormones, vitamines) et la culture cellulaire 21% (sérums et vaccins essentiellement, réactifs de laboratoires), tandis que la bioconversion par catalyse enzymatique stagnait à 3% (substances actives azotées, insecticides, hormones et huiles essentielles) et que les « autres procédés biotechnologiques », proches de la bioconversion, atteignaient à peine 6%. Les principaux secteurs d'activité bio-industrielle étaient l'industrie pharmaceutique et l'agrochimie (hors secteur agroalimentaire que l'étude n'abordait pas). A la même période, la première société de biotechnologie créée aux Etats-Unis, Genentech, fêtait ses vingt années d'existence. La première hormone de croissance recombinante était sur le marché depuis déjà onze années. L'EPO avait été découvert depuis sept ans. Et le premier produit végétal transgénique venait d'être mis sur le marché américain. A l'époque, on croyait que les biotechnologies seraient portées presque exclusivement par de nouvelles sociétés et allaient constituer une filière « à part ». Or cette vision a été en partie démentie par les faits. Certaines sociétés de biotechnologies évoluent en diversifiant leurs activités et peuvent concurrencer les groupes présents sur le marché avant elles et une partie de ceux-ci ont adopté la nouvelle technologie en l'intégrant dans leurs stratégies de recherche et de développement. Face à cette situation, de nombreux Etats, notamment européens, ont mis en place des politiques visant à rattraper le retard constaté. En France, des instruments spécifiques ont été mis en oeuvre, s'appuyant sur des dispositifs plus généraux visant à favoriser l'innovation, tels ceux prévus par la loi de 1999 sur le développement de la recherche et de l'innovation. L'Union européenne a défini une stratégie en faveur des biotechnologies. Mais dans le même temps, les Etats-Unis ont poursuivi leurs investissements dans ce domaine, à un niveau inégalé. Le présent rapport dresse un premier bilan des politiques publiques mises en œuvre et des stratégies des acteurs académiques et économiques impliqués, en se concentrant sur ce que l'on appelle communément les biotechnologies modernes, utilisées notamment dans les industries semencière et pharmaceutique4. Le constat est clair : malgré les efforts déployés et en dépit de ses nombreux atouts, l'Europe s'est laissée distancer. La partie n'est toutefois pas perdue. Le « décollage » a bien eu lieu en France et en Europe mais un nouvel élan plus soutenu, plus constant et plus coordonné, s'avère nécessaire. Chapitre 1 : Des différentes auditions organisées en France par votre Rapporteur se dégage un sentiment général de découragement et de démobilisation. Visiblement, les discours sur les perspectives économiques du développement des biotechnologies, comme des avantages que les populations pourront en retirer n'ont convaincu ni nos concitoyens, ni même nos gouvernements. Il faut aujourd'hui adopter une démarche différente, plus concrète, basée sur des faits, plus que sur des projections. Nous disposons du recul nécessaire pour mener à bien cette entreprise, même si elle est rendue malaisée par l'imperfection des indicateurs utilisés, qui ne permettent pas d'appréhender correctement une réalité encore en construction, ainsi que par les caractéristiques du mode de développement des produits et des procédés issus des biotechnologies, qui nécessite du temps, en raison tant de la complexité de la matière étudiée - le vivant - que des légitimes exigences inhérentes aux premiers domaines d'application - la production agricole et la santé humaine. Parce que ce développement s'inscrit dans la durée, le retard enregistré par la France peut être rattrapé, à condition toutefois que l'élan nécessaire soit dès maintenant donné. Sans cette impulsion en faveur des sciences du vivant et des biotechnologies, entièrement construites sur ce socle scientifique, l'alternative « make or buy », produire ou acheter, sera définitivement tranchée. Il faudra acheter ! C'est ce qui fait dire à votre rapporteur que si la France ne prend pas la mesure de l'importance qu'il faut donner au soutien à la recherche dans l'économie de la connaissance, nous devrons, demain, payer cher des licences ou des brevets pour utiliser dans l'agriculture, dans le secteur de la santé ou de l'environnement, des technologies développées ailleurs. Je partage l'avis de l'économiste Jean-Paul Betbeze qui craint qu'il ne faille bientôt rajouter une « facture recherche » à la « facture pétrolière ». Or, si ce choix peut se justifier dans des domaines où la science, la technologie et l'industrie correspondent à des segments mineurs, il constitue une grave erreur lorsqu'il s'exerce au détriment de domaines économiques diversifiés et dynamiques, qui constituent des secteurs clés pour le bien être de la population et l'indépendance d'un pays, dans lesquels des industries nationales tiennent encore leur rang et emploient de nombreux salariés, et qui sont soutenus par un travail scientifique, dont la qualité est reconnue, ayant mobilisé plusieurs générations de chercheurs. L'idée selon laquelle, qu'à défaut de produire lui-même, un pays pourrait se réserver des « niches », pour tester les produits fabriqués ailleurs, est non moins erronée et la boucle sera bouclée lorsqu'on évaluera la qualité de produits importés par des procédés et selon des protocoles mis au point par d'autres, voire par les producteurs eux-mêmes. Après l'électronique, les technologies de l'information, la France et l'Europe décrochent dans les biotechnologies. L'attitude des décideurs politiques ou économiques vis-à-vis de l'introduction des biotechnologies dans le domaine de l'agro-alimentaire est tout à fait différente de celle qu'ils ont eue pour l'utilisation de ces technologies en matière de santé. Nous analyserons en détail dans ce rapport ces deux secteurs. Dans le cas de l'utilisation des biotechnologies dans l'agriculture, on réécrit une nouvelle version de la querelle entre les « anciens » et les « modernes ». Pour les uns, les procédés utilisés traditionnellement sont meilleurs et garantissent des produits de qualité. Pour leurs opposants, ce n'est qu'après expérimentation que l'on pourra décider de l'intérêt de l'introduction de techniques de transgénèse dans l'agriculture alors que, comme pour les techniques qui ont fini par s'imposer dans le passé, l'amélioration viendra de l'utilisation de ces techniques modernes. L'introduction de l'hybridation, il y a cinquante ans, avait généré les mêmes conflits. Le débat est tout autre dans le domaine de l'introduction des biotechnologies dans le secteur de la santé, car le public adhère à toute innovation qui peut apporter une amélioration thérapeutique et accepte de prendre, pour se soigner, des risques. Mais on est obligé de constater que les mutations dans l'industrie pharmaceutique sont lentes et que ce sont des groupes nouveaux qui ont développé de nouvelles molécules à partir des biotechnologies comme Amgen qui fabrique une érythropoiétine (EPO), dont le chiffre des ventes 2003 a atteint près de 2,5 milliards de dollars et que les seuls Européens à apparaître dans les ventes des dix premiers produits biotechnologiques sont SERONO et Roche (Suisse). Le « défaitisme » que votre Rapporteur a pu relever parmi beaucoup d'industriels dépasse d'ailleurs largement le seul enjeu des biotechnologies. Or, en s'interrogeant sur la capacité d'un pays comme le nôtre à « relever le défi des biotechnologies », on prend la mesure de son dynamisme économique, celui qui notamment permet non seulement de sauvegarder des emplois mais d'en créer. Pourquoi ? D'une part, parce que les biotechnologies constituent, selon le terme consacré, « une technologie clé », susceptible, à terme, de se diffuser dans diverses industries, capable de répondre aux besoins des populations, non seulement au niveau national, et dans des domaines essentiels. D'autre part, parce que les biotechnologies émergent dans un contexte contraignant, où la concurrence est extrêmement rude, où les marchés sont faiblement régulés au niveau international, mais fortement réglementés surtout au plan national. Ces contraintes juridiques pèsent lourdement sur les biotechnologies, au point que l'on peut avoir l'illusion qu'elles leur sont spécifiques et qu'elles sont entièrement justifiées par les caractéristiques propres à cette technologie, alors qu'elles sont appelées à devenir « la règle » et qu'elles ont vocation à définir le cheminement « normal » du développement de toute technologie avancée, susceptible de produire des « externalités négatives ». A - Les biotechnologies constituent une « technologie clé » Le concept de « technologie clé » est a priori réducteur, avec sa connotation nécessairement technique et sa dimension industrielle. Il n'en est pas moins cependant utile, puisque, même limité à des perspectives économiques et industrielles, il permet de mesurer l'impact de l'introduction d'une nouvelle technologie sur la croissance, le développement de l'emploi (généralement des emplois qualifiés), les revenus et la consommation des ménages. Il ne fait pas néanmoins abstraction de toute considération sociale. Même si les besoins sont appréhendés en termes de besoins de consommation, ceux-ci intègrent désormais les attentes des consommateurs, non seulement celles d'un bien-être strictement matériel, mais aussi celles qui ont trait à la sécurité, à la facilité d'utilisation, à la transparence et aux garanties exigées pour sa fabrication ou à l'écologie (produits « propres », non polluants). Traditionnellement, trois secteurs d'application des biotechnologies sont évoqués, celui de l'alimentation, celui de la santé et celui de l'environnement. Les secteurs de l'énergie, des matériaux et de la chimie sont aussi parfois cités. Pour les deux premiers en tout cas, il s'agit de domaines dans lesquels, non seulement les recherches ont été les plus intenses, mais où aussi des produits ont été mis sur le marché en quantité relativement importante. L'approche retenue peut paraître inadéquate, dans la mesure où, d'une part, elle est appliquée aux biotechnologies qui, en tant que technologie clé, ont vocation à irriguer de multiples domaines industriels et divers services et où, d'autre part, la banalisation de l'utilisation de ces technologies a tendance à masquer les changements de société qu'elles sont susceptibles de susciter. Cette dernière dimension a été mise en évidence par le Professeur HAIECH, lors de son audition. Au cours de celle-ci, il a ainsi observé que la compréhension du vivant permettait de décrire un « utilisateur virtuel », en indiquant qu'aux Etats-Unis, des sociétés utilisaient déjà des « patients virtuels » pour les phases I et II, sur la base d'outils d'aide à la décision, et qu'elle permettait finalement d'adapter le produit à l'homme. Il a également souligné que l'innovation étant le résultat d'un continuum entre la recherche, la technologie et les produits, les biotechnologies ne se limiteront pas aux secteurs de la santé, de l'alimentation ou de l'environnement. La démarche choisie a cependant le mérite du réalisme et de la simplicité, en dépit du caractère parfois équivoque du terme « biotechnologie(s) ». Au cours des différents entretiens organisés, le concept s'est révélé particulièrement ambigu. Pour certains, il évoquait la problématique des sociétés dédiées aux biotechnologies, avec d'ailleurs, nous y reviendrons, différentes approches pour les identifier. Pour d'autres, il recouvrait essentiellement un procédé, et pas forcément un procédé de fabrication, mais plutôt de recherche-développement. Parfois, il se résumait aux produits obtenus par transfert d'un ou plusieurs gènes. Un rapport récent émanant de l'OCDE5, soulignait qu'actuellement, le sens donné aux biotechnologies varie selon les secteurs : _ Dans le domaine agricole, les biotechnologies font généralement référence à la modification génétique et à des technologies associées, comme les marqueurs ADN ; elles incluent parfois la culture tissulaire ; mais jamais elles ne comprennent les technologies traditionnelles, comme la reproduction conventionnelle. Il faut également prendre conscience que, même si des sauts technologiques restent encore à accomplir, l'énergie de demain viendra en grande partie de la biomasse. Les productions agricoles classiques pourront être transformées en bioéthanol et en diester mais aussi, sans doute, en de nouveaux produits grâce aux progrès qui auront lieu dans les techniques de gazéification ou de transformation enzymatique. _ Dans le secteur de la santé, les biotechnologies renvoient à diverses technologies nouvelles, comme le génie génétique, la génomique mais aussi à d'autres technologies comme la protéomique, la glycomique, la bioinformatique, la chimie combinatoire, dont les applications s'étendent à la chimie de synthèse traditionnelle ou encore l'élaboration des biomatériaux. _ Dans le domaine de l'environnement et de l'industrie, la plupart des technologies visées n'utilisent pas les organismes génétiquement modifiés. Mais beaucoup de plates-formes industrielles, pour la bioremédiation de l'eau, de l'air ou des sols, le traitement des pollutions, le biolessivage, le biodéveloppement, utilisent des micro-organismes qui peuvent être ou non génétiquement modifiés.. Les biotechnologies devraient également permettre de développer des matériaux industriels plus propres, plus résistants, mieux adaptés à la fin du cycle de vie d'un produit en intégrant, dès sa conception, les conditions et les critères de biodégradabilité. Cette confusion de sens n'est pas surprenante. Il s'agit même d'une caractéristique des biotechnologies, liée à la fois à leur histoire, à la variété des techniques mises en œuvre et à l'approfondissement continu de la connaissance des mécanismes du vivant. La plupart des rapports consacrés aux biotechnologies rappellent d'ailleurs avec insistance que les biotechnologies sont appliquées depuis très longtemps dans l'alimentation d'abord, puis dans le domaine sanitaire. Ils s'accordent généralement sur le principe que « la biotechnologie moderne », qui constituerait la troisième génération de la biotechnologie, s'est développée à partir de la technique de l'ADN recombinant (l'ADNr) mise au point par Cohen et Boyer en 1973 et de la biologie moléculaire.
Pour la Commission européenne6, la biotechnologie moderne, par rapport aux précédentes générations, repose sur une série de disciplines scientifiques, dont certaines sont « appliquées », comme la microbiologie, la biochimie et la chimie combinatoire, et d'autres plus fondamentales, comme la génétique et la biologie moléculaire. Elle ne se résume donc pas au génie génétique et au clonage, mais recouvre de nombreuses techniques et méthodes utilisées dans des domaines d'application extrêmement divers. Selon le Protocole de Carthagène7, la « biotechnologie moderne » s'entend : « a/ de l'application de techniques in vitro aux acides nucléiques, y compris la recombinaison de l'acide désoxyribonucléique (ADN) et l'introduction directe d'acides nucléiques dans des cellules ou organites ; « b/ de la fusion cellulaire d'organismes n'appartenant pas à une même famille taxonomique, « qui surmontent les barrières naturelles de la physiologie de la reproduction ou de la recombinaison et qui ne sont pas des techniques utilisées pour la reproduction et la sélection de type classique ». L'OCDE8 a eu le mérite, pour répondre à ses besoins statistiques, de donner une définition des biotechnologies, qui fait l'objet de travaux d'évaluation réguliers, par des groupes de travail dans lesquels dix-neuf Etats et la Commission européenne sont représentés. Actuellement la définition est la suivante : « L'application des sciences et des techniques à des organismes vivants, qu'il s'agisse d'éléments, de produits ou d'échantillons, pour transformer les matériaux vivants ou non, dans le but de produire des connaissances, des biens et des services »9. Une liste non exhaustive de domaines a été dressée : _ ADN (le codage) : génomique, pharmacogénomique, recherches sur les gènes, sondes génétiques, séquençage ; synthèse et amplification de l'ADN, génie technique, _ Protéines et molécules (les groupes fonctionnels) : séquençage/synthèse de protéines et de peptides, glycomique, protéomique, hormones et facteurs de croissance, récepteurs cellulaires/signaux /phéromones, _ Culture et génie cellulaires et tissulaires : culture de cellules/tissus, génie tissulaire, hybridation, fusion cellulaire, stimulants vaccinaux/immunitaires, manipulation embryonnaire, _ Procédés biotechnologiques : bioréacteurs, fermentation, bioprocédés, biolessivage, biolignification, bioblanchiment, biodésulfurisation, bioremédiation, et biofiltration, _ Organismes sub-cellulaires : thérapie génique, vecteurs viraux10. Le débat, dans ce domaine, s'est focalisé sur les plantes génétiquement modifiées, tolérantes aux herbicides ou résistantes aux insectes, destinées à la consommation humaine ou animale. Or, dans le domaine alimentaire, les biotechnologies ne se limitent pas aux OGM et les OGM ne se résument pas à ceux déjà largement commercialisés. L'utilisation de micro-organismes, tels que les levures ou les bactéries pour la production de pain, de bière, de yaourt ou de sauces n'est généralement pas perçue comme relevant des biotechnologies, bien qu'en constituant la première génération. Il en est de même des cultures cellulaires ou de tissus, qui sont pourtant classées dans la « deuxième génération ». Le génie enzymatique, qui utilise des macromolécules biologiques complexes de nature protéique produites par des cellules vivantes et qui permet par exemple de créer des arômes et de transformer l'amidon en glucose, n'est généralement pas évoqué, la mutagenèse non plus. Pourtant, dans le seul domaine de la sélection classique par mutation, plus de 1 500 variétés de cultures ont été officiellement enregistrées11. Actuellement, les plantes génétiquement modifiées concernent des espèces limitées, essentiellement consommées, dans les pays développés, par les animaux (soja, maïs), par l'homme après extraction et transformation (soja, colza, maïs) ou non destinées à la consommation (coton), et des caractères agronomiques presque exclusivement centrés sur la résistance aux ravageurs ou la tolérance aux herbicides, avec, en particulier, le maïs Bt résistant à la pyrale, par introduction d'un gène Bt (Bacillus thuringiensis) et des résistances à des désherbants totaux, comme le Round up et dont le principe actif est le glyphosate, ou le Liberty, et dont le principe actif est le glufosinate, L'objectif poursuivi vise ainsi à accroître les rendements agricoles mais surtout à diminuer la pollution générée par l'utilisation de pesticides. Il convient aussi sur ce plan de souligner que les besoins des populations des pays en développement sont d'une autre nature que ceux généralement ressentis dans les pays développés. En effet 800 millions de personnes souffrent aujourd'hui de sous-alimentation ou de mal nutrition et la population mondiale devrait passer de 6 à 9 milliards d'individus au cours des trente prochaines années, 95% de cet accroissement concernant les pays en développement. Dans ce contexte, écarter les solutions offertes par les biotechnologies, et les OGM en particulier, capables de susciter les « sauts techniques » nécessaires, pour augmenter la productivité agricole (tolérance à la sècheresse, résistance aux insectes et aux virus) et améliorer la qualité nutritionnelle des produits (en luttant contre les carences, comme « le riz doré », et les facteurs allergènes), constituerait certainement une erreur12, même s'il faut reconnaître qu'elles ne peuvent à elles seules résoudre les difficultés rencontrées par ces pays. Dans un rapport récent, publié en mai 2004, consacré à la sécurité alimentaire, la FAO a ainsi souligné l'intérêt des biotechnologies pour les pays en développement, en permettant notamment d'accroître les rendements, d'améliorer la qualité nutritionnelle des aliments et de réduire le coût des pesticides. Face à ceux qui mettent en évidence les potentialités des OGM dans ce domaine13, d'autres, chercheurs ou industriels, soulignent les difficultés de parvenir à des résultats rapidement. Les entreprises européennes, confrontées à l'augmentation des coûts, notamment d'homologation, aux destructions des essais, mais aussi au moratoire, concentrent leurs recherches sur les grandes cultures plus rentables, « en négligeant les niches où les biotechnologies peuvent avoir des apports perceptibles par les consommateurs »14. A ces considérations économiques et stratégiques, s'ajoutent des difficultés scientifiques, liées à la complexité du métabolisme général des plantes15. Il est communément admis qu'à la différence du domaine alimentaire, l'opinion publique européenne se montre favorable à l'utilisation des biotechnologies dans le domaine médical. Cette simple constatation mérite une explication. Dans ce domaine, les besoins ne sont pas entièrement satisfaits, même dans les pays développés. Les patients et la population en général ont par ailleurs confiance dans les institutions sanitaires et dans le corps médical. Pourtant, il convient de souligner que les questions éthiques constituent des sujets importants de préoccupation, ce qui tend à montrer que leur mode de traitement, le plus en amont possible, dans la transparence, avec un effort d'explication et une certaine retenue, est essentiel. Comme dans le cas de l'alimentation, les biotechnologies modernes sont le fruit d'un continuum scientifique et technique. Le génie génétique a émergé, avec la production, dans les années soixante-dix, des premiers anticorps monoclonaux, fabriqués pour réagir à une maladie particulière, soit dans un but immunitaire, soit de signalisation (tests immunologiques), à la suite de la microbiologie et du génie enzymatique qui avaient permis de mettre au point différents produits, tels les antibiotiques, vitamines, hormones, sérums et vaccins, notamment par des procédés de fermentation et de bioconversion par catalyse enzymatique. Dès avant la fin des années quatre-vingt-dix, un certain nombre de produits pharmaceutiques issus de la biotechnologie moderne ont été fabriqués : anticorps monoclonaux, insuline recombinée, erythropoïétine16, interférons synthétisés par les cellules, hormones de croissance, vaccins recombinés, facteurs de croissance hématopoïétiques, facteur VIII... Certains de ces produits ont permis de s'affranchir du matériel naturel de base qui présentait le risque de susciter des réactions infectieuses ou immunitaires, comme dans le cas des hormones de croissance qui étaient précédemment produites à partir de tissus extraits de cadavres humains, ou de l'insuline recombinée qui a permis de ne plus utiliser les pancréas de porcs ou de bœufs. En dépit des difficultés rencontrées (2% des embryons manipulés portent le gène désiré et la constitution d'un cheptel exige une durée assez longue), et des réserves éthiques formulées, des animaux transgéniques ont permis de produire des substances d'intérêt médical, telles que l'antithrombine III fabriquée dans le lait. Le génie génétique a introduit dans le domaine thérapeutique un changement fondamental. L'étude, au niveau des gènes, des causes des maladies, a suscité une ambition nouvelle, celle d'intervenir en amont sur les dysfonctionnements à l'origine des maladies, plutôt que de se contenter d'en réguler les effets. La médecine de demain. De nouvelles formes de thérapie ont ainsi vu le jour. La thérapie génique a donné naissance au concept de « l'ADN médicament », tandis que les thérapies cellulaires et tissulaires ont bénéficié de nouveaux outils. La thérapie génique, de nature somatique et non germinale, repose sur le principe du transfert d'une séquence codante capable de produire des protéines à effet thérapeutique, dans le cas de maladies héréditaires ou acquises, par des procédés de transfert in vivo ou ex vivo. Initialement utilisée pour des maladies monogéniques, son emploi s'est étendu aux maladies polyfactorielles, telles que le cancer, avec des résultats encourageants17. La galénique, qui s'intéresse à la vectorisation, avec les retrovirus, adenovirus, les adeno-associated virus et les vecteurs non viraux et aux voies d'administration pour résoudre les problèmes de biodisponibilité, a pris de l'importance. Le développement des biotechnologies a permis également de créer de nouveaux concepts thérapeutiques, tels que la « médecine prédictive », visant grâce à une détection précoce des prédispositions génétiques, à prévenir ou à traiter dans la mesure du possible la maladie, ou la « médecine personnalisée », qui permet d'adapter un traitement au métabolisme particulier de chaque individu. Car on sait aujourd'hui que l'efficacité d'une moélcule thérapeutique n'est qu'une moyenne à des réponses individuelles. De nombreux chercheurs auditionnés pensent que ces tests biologiques préalables, vérifiant la réponse d'un organisme à une thérapie constituera la prochaine révolution médicale. Comme dans le domaine de l'alimentation, et peut-être plus encore dans celui de la santé, le gène est non seulement un objet de recherche, mais aussi un outil pour la recherche et le développement18. L'analyse des génomes et la génomique fonctionnelle ont constitué une avancée importante dans le processus de découverte des médicaments qui a aussi bénéficié des apports provenant de la chimie combinatoire, permettant de synthétiser de nouvelles entités en grande quantité, et du criblage à haut débit, qui consiste à tester des molécules grâce à la robotique. La bioinformatique est devenu un outil d'analyse incontournable dans beaucoup de domaines. Lors de la visite de la plateforme protéomique de la génopole de l'Institut Pasteur, M. Abdelkader NAMANE a ainsi insisté sur l'importance qu'il convenait d'accorder à l'informatique. Aux Etats-Unis, les travaux de recherche reposeraient, dans le domaine concerné, pour moitié sur les manipulations et pour moitié sur l'informatique. Dans ce contexte, les logiciels permettant d'exploiter les données collectées se révèlent essentiels, comme l'a d'ailleurs également souligné le Professeur Ernest FEYTMANS qui dirige l'Institut suisse de bioinformatique. Pour certains, cette évolution serait insuffisamment prise en compte en France, laquelle compte environ une trentaine de spectromètres, tandis que certains laboratoires se heurtent à des problèmes de recrutement, les informaticiens préférant s'orienter vers les secteurs des assurances ou des finances et « beaucoup d'équipements » resteraient sous-utilisés. L'identification d'un ou plusieurs gènes liés à une pathologie permet de déterminer de nouvelles cibles inédites, que sont la ou les protéines codées par ce ou ces gènes. Alors que les thérapies contemporaines concernaient en 1998 environ 400 cibles sur lesquelles étaient testées les maladies, la génomique permettait alors d'envisager l'identification de 2 500, voire 5 000 nouvelles cibles19. De même que la médecine personnalisée permet d'entrevoir une adaptation des traitements en fonction du patrimoine génétique de chaque patient, la pharmaco-génomique se propose d'utiliser la génomique pour évaluer les réactions des patients aux médicaments. La définition d'un profil génétique associé à une maladie pour laquelle le produit est testé doit ainsi permettre d'opérer une sélection plus rigoureuse qu'aujourd'hui pour la formation des groupes de patients se prêtant aux essais cliniques. Enfin, les animaux transgéniques peuvent être utilisés pour tester des molécules et évaluer leurs effets sur des maladies humaines. Ces diverses innovations ont-elles constitué de réelles avancées sur le plan thérapeutique ? Malheureusement les indicateurs dans ce domaine font défaut, surtout pour mener une évaluation comparative, les données concernant les techniques traditionnelles et leur processus de recherche-développement n'étant guère disponibles. Néanmoins, le document établi en 2003 par M. Anthony Arundel pour l'OCDE comporte des informations intéressantes. Il fait ainsi état d'une étude publiée en 2001 (G. Ashton « Growing Pains of Biopharmaceuticals » - Nature Biotechnology), et réalisée à partir de bases commerciales de données, selon laquelle 56% des médicaments biopharmaceutiques entre 1982 et 2000 aux Etats-Unis ont été ciblés sur les maladies orphelines, contre 14% pour les autres médicaments et 25% des médicaments biopharmaceutiques ont un mode d'action unique (contre 15% pour les autres médicaments). Ces résultats tendent donc à démontrer un effet bénéfique sur le plan thérapeutique. De fait, au cours des auditions des groupes pharmaceutiques, l'accent a été mis sur des maladies pour lesquelles les traitements actuels ne sont pas encore performants ou qui comportent de nombreux effets secondaires. Le document précité souligne aussi que des données inédites ont été produites par un organisme à but non lucratif français « Prescrire » qui a diffusé des indicateurs de haute qualité, sur la base d'évaluations effectuées sur les médicaments autorisés sur le marché français. De 1981 à décembre 2001, Prescrire a évalué 48 médicaments issus des biotechnologies, pour 83 indications. Les résultats montrent clairement une supériorité thérapeutique par rapport aux autres médicaments. Le tableau suivant révèle ainsi que 32,5% des médicaments issus des biotechnologies représentent une réelle avancée, contre 10,6% pour les autres médicaments ; si 15,7% des premiers ne présentent aucun avantage, le taux atteint 66,1% pour les seconds médicaments et si on assiste à un recul (31,7% des 63 médicaments issus des biotechnologies introduits entre 1996 et 2001 ont représenté une avancées, contre 35% des 20 médicaments de cette catégorie introduits entre 1981 et 1995), ce recul est moins accentué que pour les autres médicaments, pour lesquels le taux passe de 14,3% à 6,9%. Avancée thérapeutique des médicaments autorisés sur le marché français (1981-2001)
Source : MERIT (2002), à partir des données fournies par Prescrire. La question qui se pose aujourd'hui est simple : aurons-nous les moyens de nous payer le « luxe de la médecine de demain » dans laquelle les molécules seront utilisées après des tests individuels ayant prouvé l'efficacité de la réponse thérapeutique. Au moment où les organismes de sécurité sociale sont en déficit, on peut en douter. Votre rapporteur a été marqué par le débat actuel aux Etats-Unis, n°1 de l'industrie phamaceutique mondiale, où des voix s'élèvent pour réclamer aux pays développés une augmentation des prix de vente des médicaments, arguant que les coûts de recherche développement ne sont pas suffisamment pris en compte dans le prix final du médicament. Les hautes autorités fédérales commencent à dire haut et fort que les Etats-Unis payent la recherche biologique du reste du monde. En dépit de la mise au point de nouveaux procédés biotechnologiques ciblés sur la protection de l'environnement, pour la dépollution des sols, de l'air, de l'eau, ou pour la production d'énergies renouvelables, comme l'éthanol, et malgré la mise en œuvre de procédés industriels innovants, offrant des solutions plus propres et moins agressives pour l'environnement que les applications chimiques ou mécaniques actuellement utilisées, ce secteur des biotechnologies reste apparemment encore sous-développé. Il faut souligner que peu de statistiques sont disponibles dans ce domaine et on ne dispose pas d'indicateurs pertinents pour apprécier la compétitivité économique de ces nouvelles technologies. Lors d'une réunion du comité de pilotage, M. Jean-Jacques Doyen, directeur R & D du groupe Suez a indiqué que l'apport des biotechnologies dans des secteurs comme l'eau ou l'énergie où les prix de vente étaient tirés vers le bas, était difficile à évaluer, car les avantages apportés ne compensaient pas le coût des investissements. De ce fait, cela constitue un frein à leur développement. Pour les procédés industriels, les principaux vecteurs d'utilisation de ces nouvelles applications résident dans la diminution des coûts et de la quantité de matières premières et d'énergie nécessaires par unité produite. En 2001, l'OCDE a ainsi publié une étude sur l'apport des biotechnologies au développement industriel durable20 concluant que « la biotechnologie s'impose aujourd'hui comme une technologie propice au développement industriel durable » et observant que « l'évolution vers une économie reposant davantage sur les biotechnologies apparaît riche de promesses tant pour les pays développés qu'en développement ». Basé sur des études de cas, ce rapport a mis en évidence la réduction non seulement des coûts, mais aussi de l'empreinte écologique, liée à l'utilisation de nouvelles techniques issues des biotechnologies, telles que les procédés biocatalytiques, l'évolution moléculaire enzymatique ou le génie métabolique. Dans certains cas, la consommation d'énergie et d'eau a baissé de 10 à 80% et l'utilisation de solvants pétrochimiques a pu être réduite de 90%, voire totalement supprimée. Différents secteurs industriels ont été examinés. Celui de la chimie fine et de l'industrie pharmaceutique est actuellement le domaine privilégié de la biotechnologie industrielle21, dans la mesure où la valeur des produits de ce secteur permet de supporter le coût élevé du développement technologique des nouvelles applications. Une filiale allemande de Novartis a ainsi développé un procédé de catalyse enzymatique pour fabriquer des antibiotiques, l'efficience des enzymes ayant été optimisée en modifiant génétiquement les micro-organismes qui les produisent et le procédé générant cent fois moins de solvants résiduaires, lesquels doivent normalement être incinérés. De même Hoffmann La-Roche utilise un micro-organisme dont le métabolisme a été modifié pour produire une vitamine et grâce à ce procédé une seule étape suffit alors que le procédé chimique en comprenait six, les quantités de matières premières non renouvelables utilisées ayant diminué de 75%, les émissions de composés organiques volatils dans l'air et l'eau de 50% et les coûts de production de 50%. Plusieurs exemples sont cités dans d'autres domaines, tels les produits chimiques intermédiaires, les polymères, l'agro-alimentaire, le traitement des fibres - en particulier le blanchiment - l'extraction minière et l'affinage des métaux - biolixiviation notamment, procédé qui est utilisé pour extraire le cuivre à l'aide de bactéries et qui représente actuellement 20 à 25% de la production mondiale de cuivre - ainsi que le secteur de l'énergie. Cargill Dow LLC (Etats-Unis) a ainsi mis au point un biopolymère, recyclable, biodégradable et qui peut être composté, dont la fabrication fait appel à des bioprocédés et utilise le maïs comme matière de base. Domtar, une société canadienne, a commencé à utiliser une enzyme, la xylanase, dont les performances ont été améliorées en modifiant génétiquement le champignon dont elle est extraite, pour le « bioblanchiment» de la pâte à papier. Dans le domaine agricole, les biotechnologies sont également susceptibles de réduire la quantité des « intrants », pesticides ou matières premières notamment, telle l'eau, par la mise au point de variétés résistantes ou tolérantes à la sécheresse. Leurs applications s'étendent par ailleurs à la réduction des déchets et des rejets toxiques produits par certaines activités industrielles, comme à la dépollution ou à la détection d'agents polluants. A ce titre, se développe progressivement une biotechnologie dédiée au secteur de l'environnement. Ainsi, par exemple, une firme aux Pays-Bas a mis au point un bioprocédé pour traiter les effluents acides des raffineries de zinc. Des bactéries sulfaréductrices sont utilisées pour piéger et recycler le zinc et d'autres métaux présents dans les effluents, alors que le procédé classique utilise de la chaux ou du calcaire, ce qui génère de grandes quantités de gypse chargé de métaux lourds. S'agissant des procédés de dépollution par traitement biologique, l'introduction de nouvelles techniques n'a pas pour vocation à se substituer à l'ensemble des autres moyens actuellement mis en œuvre, mais à les rendre plus efficaces. Les biotechnologies sont déjà utilisées dans ce domaine depuis un certain nombre d'années, et on assiste à une succession de différentes générations de biotechnologies, comme dans les autres domaines. Tel est le cas des biotechnologies appliquées pour le traitement des eaux résiduaires, secteur déjà fortement utilisateur de biotechnologies. La dénitrification et la déphosphatation biologiques ont été introduites depuis une trentaine d'années, la dégradation des graisses par des procédés biologiques est employée depuis une vingtaine d'années et des procédés utilisant des levures ont été mis au point il y a une dizaine d'années pour dégrader très rapidement des pollutions carbonées. Depuis quelques années, des bactéries sont sélectionnées, pour produire dans des conditions particulières, des enzymes ayant des propriétés spécifiques. En 2002, l'ANVAR22 avait d'ailleurs observé que, dans le secteur de l'eau et des effluents aqueux, les bioréacteurs constituaient désormais des outils communément rencontrés et que la recherche de « consortia bactériens dédiés » aux traitements biologiques des effluents liquides ou gazeux s'intensifiait. Des procédés biologiques « optimisés » sont également en cours de développement pour dépolluer les sols, par biodégradation de divers composés. La modification génétique reste cependant, semble-t-il, réservée aux milieux confinés et pour des applications de détection ou d'évaluation. Si des techniques de traitement de la pollution, basées sur les biotechnologies sont déjà utilisées, des outils de mesure et de contrôle reposant aussi les biotechnologies, sont disponibles mais leur utilisation dans le secteur de l'environnement demeure peu répandue. Les besoins dans ce domaine d'application sont pourtant considérables. Plusieurs rapports ont ainsi, aux niveau national et international, souligné l'imperfection des dispositifs d'alerte actuels et la relative gravité des risques de contamination, en particulier pour l'eau potable. Selon l'Organisation mondiale de la santé, un tiers de la population mondiale souffre de maladies imputables à la contamination de l'eau de boisson. Les pays développés sont aussi confrontés à des problèmes d'infection d'origine hydrique. De nouvelles méthodes d'évaluation de la qualité microbienne de l'eau de boisson, fondées sur la détection et l'amplification d'acides nucléiques notamment, existent. Ces méthodes permettent de déceler la présence de micro-organismes qui ne pourraient l'être avec les techniques actuelles de mise en culture et/ou de réaliser une détection plus rapide que ne le permettent les procédés utilisés à ce jour. La poursuite des recherches dans ce domaine reste néanmoins nécessaire. Les biocapteurs, comme la puce à ADN, offrent aussi de nouveaux moyens de surveillance en continu de la qualité de l'eau, comme l'utilisation de biomarqueurs ou de bioindicateurs, pour la détection de pollutions, des sols notamment. Mais leur développement, notamment dans le domaine de l'eau potable, dépend du degré d'exigence des normes de sécurité, du prix que les consommateurs sont prêts à payer pour cette sécurité, mais aussi des possibilités actuelles de prévention et de décontamination de l'eau distribuée, comme de guérison des personnes susceptibles d'être infectées. Votre rapporteur pense que le développement de ces écotechnologies aura un rôle économique majeur dans les prochaines années. Il recommande qu'elles fassent l'objet d'un programme national de recherche technologique prioritaire, que l'innovation et le transfert dans les « biotechnologies blanches » soient particulièrement soutenus et que la France agisse pour que l'Union Européenne en fasse un programme phare du 7ème PCRDT. Il peut sembler a priori surprenant de considérer que les biotechnologies puissent constituer l'outil d'une meilleure sécurité, alors que sont abondamment soulignées, comme nous le verrons ultérieurement, les menaces d'un usage incontrôlé des biotechnologies. Pourtant, les biotechnologies offrent d'ores et déjà diverses solutions pour contrôler l'innocuité ou l'efficacité de produits déjà commercialisés ou destinés à l'être. La mise au point de produits plus sûrs et plus efficaces a été précédemment évoquée, dans les domaines de l'alimentation, de la santé ou de l'environnement. Mais les biotechnologies sont aussi à la base de diverses activités de services, et non seulement d'activités productives. Plusieurs sociétés de biotechnologie ont été créées et se sont développées dans ce secteur. Leur expansion est intrinsèquement liée au degré d'exigence des réglementations visant à garantir la qualité des produits mis sur le marché. Dans le domaine alimentaire par exemple, le principe de traçabilité des OGM conduit ainsi à mettre en place de nouveaux outils, dont certains sont issus des biotechnologies elles-mêmes. Pour les médicaments, les biotechnologies permettent aussi de mieux apprécier leur efficacité. En cela, les biotechnologies sont susceptibles de remettre en cause des situations acquises, ce qui explique, au moins en partie, les réticences exprimées à leur encontre. Lors de la visite en Allemagne du Max-Delbrück-Centrum (MDC) de Berlin-Buch, le dirigeant d'une petite société de biotechnologie23 a dénoncé les barrières empêchant le développement des tests génétiques destinés à évaluer les effets sur le métabolisme de la consommation de certains médicaments. Le processus d'homologation a été bloqué nous a-t-il indiqué. Il s'agissait en l'occurrence, de tester l'efficacité de médicaments commercialisés, en déterminant si le patient appartenait aux 20 à 25% des personnes pour lesquelles le médicament « ne marche pas », compte tenu de leurs caractéristiques métaboliques. Cet entrepreneur avait conclu son intervention en regrettant vivement que les tests génétiques restent finalement cantonnés à ce jour, principalement, à la poursuite des infractions criminelles et à la recherche de paternité ! Il convient aussi d'aborder dans le domaine de la sécurité, les craintes parfois émises à propos du « bioterrorisme »24. L'arme biologique fait déjà partie de l'arsenal des moyens susceptibles d'être utilisés par des terroristes, Dans ce cas, on craint la dissémination de bactéries ou de virus pathogènes comme la peste, la variole ou l'anthrax. Mais l'utilisation des biotechnologies pourrait permettre d'intégrer, par exemple, le gène d'une toxine dans un microorganisme utilisé dans l'agroalimentaire et d'ajouter ce microorganisme pathogène dans des processus de fabrication. Depuis le 11 septembre 2001, les gouvernements ont compris qu'ils peuvent être confrontés à de nouvelles formes de menaces terroristes. L'utilisation de ces techniques se caractérise par la simplicité d'acquisition des savoir-faire et par leur faible coût. Tout étudiant en biologie moléculaire maîtrise au bout de quelques années d'université les techniques de transgénèse ou celles de la fermentation. La fabrication d'une bactérie produisant de la toxine botulinique est d'une grande simplicité, la multiplier également, même si les terroristes devront, pour en produire en quantité, disposer de gros fermenteurs. Les biotechnologies pourraient donc aussi être détournées de leurs fins, au même titre que d'autres techniques, machines ou équipements utilisés pour répondre aux besoins civils des populations et qui peuvent être transformés en engins de mort. Parce que les biotechnologies sont destinées à satisfaire des besoins fondamentaux, leur diffusion est inévitable et les transferts technologiques sont fortement revendiqués, ce qui rend difficiles le contrôle et les restrictions à la circulation des produits, des technologies et des connaissances. A quelle échéance ce risque est-il susceptible de se produire, sachant que d'ores et déjà des agents biologiques non génétiquement modifiés ou des toxines constituent une menace avérée ? A cette question sur les conséquences à moyen ou long terme des progrès des biotechnologies et du génie génétique, M. Pierre LANG, dans son rapport25, apporte une réponse pondérée, en soulignant notamment que, si des inquiétudes légitimes existent, « il n'est pas certain que de tels organismes génétiquement modifiés ou hybrides survivent très longtemps une fois disséminés dans l'environnement ». Si à l'avenir, le risque d'une manipulation génétique de microorganismes à des fins terroristes ou militaires ne peut être écarté, « seule une recherche développée dans les pays démocratiques permettra de conserver les capacités d'anticipation et de réaction adaptées face à des menaces précises », comme le suggérait le Professeur Didier RAOULT, dans son rapport26. Face au bioterrorisme, les biotechnologies modernes offrent en effet de multiples possibilités pour détecter la présence d'agents pathogènes, diagnostiquer une infection, voire, à terme, la traiter. Le rapport du Professeur RAOULT a ainsi souligné le rôle de la génomique et de la protéomique, dans la lutte contre le bioterrorisme. La stratégie systématique de séquençage des microorganismes mise en place aux Etats-Unis a permis de séquencer un grand nombre de microbes pathogènes. La génomique peut ainsi répondre à l'objectif de diagnostic et la protéomique permet d'envisager la mise au point de techniques sérologiques basées sur des protéines isolées, immunogènes, reconnues et susceptibles d'être testées. Dans le domaine thérapeutique, le rapport prône l'utilisation de techniques de détection rapide de la susceptibilité aux antibiotiques et la détection des séquences nucléiques associées à la résistance, ainsi que la recherche et la production d'anticorps polyclonaux et monoclonaux protecteurs. Pour la prévention et la mise au point de vaccins, il souligne aussi l'intérêt de la protéomique, des modèles informatiques, de la biologie structurale, des modèles animaux et des techniques de production d'anticorps. Mais, votre rapporteur ne partage pas l'optimisme de notre collègue Lang, car on sait aujourd'hui sélectionner des souches capables de résister à des contraintes climatiques et de se développer dans la nature. Quant au professeur Raoult, il indique la marche à suivre, mais si l'on en croit les propos recueillis au cours des auditions à ce sujet, il n'y aurait pas de programme spécifique de lutte contre le bioterrorisme en France. Pire, à l'inverse de la situation américaine, le ministère de la défense ne finance pas de programmes de recherche. Il m'a également été rapporté que les laboratoires de l'armée ne se préoccupaient pas de la protection de la population civile, du ressort du ministère de l'intérieur, qui ne finance aucun programme de recherche. La liste des OGM dangereux détenus par l'armée n'a pas été communiquée aux autorités d'expertise compétentes et pourtant on sait qu'il existe chez la souris un virus proche de la vaccine mais qui ne se développe pas. Des scientifiques australiens viennent de montrer qu'en greffant le gène de l'interleukine, ce virus se révélait tueur. Tout cela ressemble à de l'impréparation. Votre rapporteur souhaite que, comme pour les activités de la DGSE, des parlementaires membres de l'OPECST et de la commission de la défense soient agréés à recevoir des informations « confidentiel-défense » et puissent contrôler notre système de riposte aux menaces de bioterrorisme. Lors de la mission que nous avons effectuée au Japon, la question du bioterrorisme a été évoquée, compte tenu notamment des menaces représentées par la secte Aum qui a expérimenté divers agents biologiques. Là aussi, elle a été abordée sous l'angle des solutions que peuvent fournir les biotechnologies et de la nécessité d'intensifier les efforts de recherche dans ce domaine, pour détecter une possible contamination. A Tokyo, l'AIST (National Institute of Advanced Industrial Science and Technology) comporte un laboratoire qui travaille sur la vérotoxine E. Coli O-157, qui figure parmi les cinq virus identifiés par le centre de contrôle d'Atlanta, avec l'anthrax, la peste, la variole et Ebola. Les travaux visent à détecter rapidement et facilement les vérotoxines, en une heure. En principe, l'incubation dure 4 à 5 jours et si l'on inclut le temps des analyses, une période de 7 à 8 jours est actuellement nécessaire, ce qui est trop tardif, la mort pouvant survenir avant. Actuellement, il faut 3 à 4 jours pour détecter la vérotoxine et le nouveau produit, issu de biotechnologies, sur lequel portent les recherches, permettra une détection en soixante minutes. Votre rapporteur n'est pas convaincu que nous disposions de moyens de détection rapide de dissémination de microorganismes, ni que des programmes de recherche concernant ces thématiques aient été lancés. La meilleure lutte contre le bioterrorisme est pourtant la rapidité de la réponse. Aux Etats-Unis, la lutte contre le bioterrorisme a représenté une enveloppe financière de 5 milliards de dollars entre 1998 et 2001 et 3,5 milliards de dollars en 2003. L'effort porte notamment sur la recherche et le développement, avec la mise en place du programme « Bioshield », dont les fonds - 6 milliards de dollars sur 10 ans, dont 1,3 milliard en 2003 - sont gérés par les NIH (National Institutes of Health). Pour apprécier le degré de diffusion d'une technologie, il faut en règle générale disposer d'indicateurs crédibles permettant de mesurer la croissance qu'elle assure au secteur de production considéré, son intégration dans d'autres secteurs, utilisateurs de la nouvelle technologie, ainsi que les interactions qu'elle entretient avec d'autres technologies. C'est notamment sur la base d'une telle démarche qu'a été reconnu le caractère stratégique des technologies de l'information et de la communication. C'est aussi parce qu'une telle démarche s'est révélée difficile à appliquer aux biotechnologies, que leur caractère stratégique est parfois mis en doute27. Comme le souligne le troisième rapport de la Commission européenne sur les indicateurs de la science et de la technologie, il est fort regrettable que les biotechnologies ne soient pas prises en compte comme un secteur à part entière, mais seulement examinées en fonction des différents domaines d'application28. Cette approche sectorielle, largement incontournable, s'explique essentiellement par la structure des firmes industrielles, comme nous le verrons ultérieurement. Quoi qu'il en soit, l'exploitation des indicateurs disponibles conduit à étudier principalement la diffusion des biotechnologies « médicales »29, en abordant ensuite la question des brevets en biotechnologie et des publications en sciences de la vie. Il convient néanmoins préalablement de présenter les caractéristiques des biotechnologies, qui démontrent qu'elles sont appelées à irriguer, de façon diversifiée, de larges domaines de l'économie et de la société. Les biotechnologies présentent plusieurs caractéristiques essentielles qu'il convient de recenser. En premier lieu, il s'agit de technologies fondées sur la science. Leur essor est intrinsèquement lié au progrès des connaissances dans le domaine des sciences de la vie. Ce point a été constamment souligné au cours des auditions et il est frappant de remarquer que la plupart des rapports consacrés aux biotechnologies contiennent une liste plus ou moins exhaustive des découvertes scientifiques, généralement couronnées par l'attribution du Prix Nobel, qui se sont succédé tout au long du développement des biotechnologies dites modernes. L'approfondissement des connaissances, mais aussi les évolutions des méthodes de recherche s'appuyant sur les nouvelles connaissances acquises, ont amené des changements profonds, tant au sein des organismes publics de recherche, que dans les firmes industrielles. Celles-ci ont ainsi dû intégrer de nouvelles compétences, soit en procédant à des fusions, soit en multipliant les accords avec des organismes externes, tels que les laboratoires publics de recherche, spécifiques ou universitaires, et les sociétés spécialisées de biotechnologie nouvellement créées, souvent d'ailleurs par des chercheurs. Et si, à un moment du développement des biotechnologies, certains ont pu croire que ce transfert de connaissances ne marquerait qu'une étape de ce développement, il semble aujourd'hui que le secteur économique des biotechnologies ne pourra pas à moyen, voire à long terme, s'affranchir de la recherche fondamentale et, plus généralement de la recherche publique. Une autre caractéristique réside dans la variété des procédés mis en œuvre et des produits, enrichie par les changements réguliers et progressifs marquant le développement des biotechnologies. A tel point que toute étude se voulant la plus complète possible déroute plus le lecteur non averti qu'elle ne l'informe, et que l'objectif d'exhaustivité s'avère lui-même inaccessible. En outre, cette variété n'est pas forcément perceptible par le consommateur ou par le citoyen ; les produits et les services issus des biotechnologies qu'ils utilisent ne peuvent pas être identifiés par eux ; leur diffusion n'est donc pas évidente. Les biotechnologies ont par ailleurs une dimension pluridisciplinaire, qui a été abondamment soulignée lors des auditions. Un ensemble de disciplines scientifiques et de technologies sont impliquées et se nourrissent mutuellement. Le troisième rapport sur la Science et la Technologie émanant de la Commission européenne insiste ainsi sur les relations qu'entretiennent notamment les technologies de l'information et de la communication, avec en particulier la bioinformatique, les nanotechnologies et les biotechnologies. Pour la recherche pharmaceutique, les plates-formes reposent maintenant sur la génomique, la bioinformatique, la chimie combinatoire, la pharmacogénomique et la protéomique a fait son entrée. Tout le champ du vivant, hommes, animaux, plantes, micro-organismes, est couvert, ainsi que leurs interactions. Cette pluridisciplinarité soulève d'ailleurs des problèmes d'organisation, pour mieux coordonner les travaux des uns et des autres, et aussi d'adaptation des emplois scientifiques de haut niveau. Un rapport britannique récent30, souligne ainsi que la réussite des biosciences requiert des biologistes qualifiés en sciences de l'ingénieur pour innover dans le domaine des bioprocédés, des physiciens avec une expérience en recherche en biologie, pour maîtriser l'ingénierie tissulaire, et des informaticiens titulaires d'un doctorat en biologie moléculaire, pour développer la bioinformatique. Enfin, l'application des biotechnologies est nécessairement transversale et multisectorielle. Si l'on peut identifier certains secteurs actuellement privilégiés, le degré de diffusion des biotechnologies est difficile à apprécier ; les frontières de la chimie, de la pharmacie et de l'industrie alimentaire sont en effet poreuses. A titre d'exemple, la biotechnologie végétale moderne est appelée à s'appliquer non seulement dans le domaine agricole et alimentaire - pour différentes applications d'ailleurs, telles que les applications agronomiques, pour améliorer la capacité des plantes à subir des conditions de stress environnemental, celles liées à la qualité des aliments et à la santé publique, avec de nouvelles fonctionnalités comme la production de vitamines ou la concentration plus élevée d'amino-acides essentiels, ou encore celles afférentes à l'alimentation animale pour augmenter les propriétés nutritionnelles des aliments - mais aussi dans le domaine médical, avec la mise au point de vaccins oraux par exemple, et dans les autres domaines industriels, pour la production de textiles, de carburants ou de plastiques biodégradables notamment. Ces différents caractères n'expriment-ils pas finalement une même réalité : celle d'une profonde unité, au-delà des exigences propres à chaque spécialité scientifique et à chaque domaine d'application ? « La base génétique commune de tous les systèmes vivants signifie que les progrès accomplis dans le domaine de la connaissance des phénomènes transcendent les frontières institutionnelles traditionnelles, qu'il s'agisse des fonctions administratives, des clivages sectoriels industriels ou des disciplines scientifiques » notait Monsieur William Looney, expert industriel en 199631, alors même que, dans le domaine industriel, on a plutôt assisté à un éclatement des sociétés qui se sont spécialisées en fonction des secteurs d'application.
Bien que le secteur de la santé soit celui pour lequel l'investissement public en faveur des biotechnologies a été le plus massif, les indicateurs disponibles sur la diffusion des biotechnologies restent incomplets. Un indicateur intéressant est constitué par les ventes de produits de santé, mais les données, issues des sociétés industrielles, ne sont pas exhaustives. Grâce aux procédures de notification des essais cliniques et d'autorisation de mise sur le marché, on dispose d'indicateurs assez fiables sur le nombre de tests diagnostics ou de médicaments dans le « pipeline » ou autorisés. Au cours des auditions, le principe d'une application généralisée des biotechnologies dans le processus de recherche et développement des nouveaux médicaments s'est nettement dégagé, tant en France qu'à l'étranger. On peut ainsi considérer que l'utilisation de divers procédés de nature biotechnologique est désormais « routinière », c'est-à-dire qu'elle a acquis un caractère systématique. Si cette évolution est bien sûr perceptible au vu du développement des sociétés dédiées aux biotechnologies dans le domaine médical, comme nous l'examinerons ultérieurement, elle est également vraie pour les grands groupes pharmaceutiques, pour lesquels les biotechnologies ne constituent qu'un élément de leur stratégie industrielle. Ainsi, lors des auditions, il a été observé qu'on pouvait estimer que l'intégralité des nouveaux produits pharmaceutiques était issue des biotechnologies si l'on prenait en compte l'utilisation d'un procédé biotechnologique, même à la phase de validation. Selon Les Entreprises du médicament (LEEM), tous les centres de recherche utilisent désormais les techniques génomiques, et aucun d'eux ne fait plus exclusivement de la chimie. Cela ne signifie pas néanmoins que les biotechnologies peuvent se passer de la chimie. M. MAFFRAND, Directeur de la Recherche Amont du groupe SANOFI-SYNTHELABO a ainsi souligné qu'un nouveau domaine, la chemicals genetics, a pour ambition, pour chaque protéine, d'identifier une petite molécule qui va se fixer et modifier la fonction de la protéine, ce qui permettra de valider les cibles. Selon les informations recueillies par votre Rapporteur, le processus de validation des cibles se décompose en plusieurs étapes : la sélection, le développement de tests, au cours duquel on procède au criblage (screening) de molécules sur la cible sélectionnée, puis le criblage tous azimuts (screening output) pour étudier les autres capacités et enfin, l'optimisation au terme de laquelle sont identifiés les « candidats » au développement, pour la fabrication de médicaments à partir de la transformation des molécules. La cible est en général une protéine, mais de l'ADN, voire un ARN messager, peut constituer une cible. Il s'agit de rechercher de petites molécules susceptibles de perturber la cible pour corriger les dysfonctionnements de celle-ci qui sont à l'origine d'une pathologie. Pour cela, la recherche pharmaceutique s'appuie sur la génomique et la génétique, voire aujourd'hui sur la protéomique, plusieurs protéines pouvant être codées par un même gène. 30 à 35 000 gènes ont été dénombrés, ce chiffre étant encore lui-même discuté. Un gène, représentant une sous unité protéique, peut participer à l'assemblage de plusieurs protéines différentes sachant que des modifications postérieures à la transcription peuvent induire la synthèse de protéines différentes. On estime qu'il y a entre 200 000 et 300 000 protéines dans l'organisme humain. On est loin du premier postulat de la biologie moléculaire qui affirmait : un gène code pour une protéine. On est loin de l'optimisme de ceux qui pensaient que le décryptage du génome humain allait permettre de soigner toutes les maladies d'origine génétique. Car, dans un certain nombre de cas, la maladie peut dépendre non pas d'une seule protéine, mais de plusieurs d'entre elles. Les médicaments existants reconnaissent 500 gènes (ou plutôt les protéines codées par ces gènes). Actuellement, on estime que 3000 gènes, soit près de 10% de l'ensemble des gènes, pourraient constituer des cibles médicamenteuses. Il s'agit donc de trouver les 2 500 gènes et les protéines correspondantes ! Ce travail n'est pas facile en raison de la complexité fonctionnelle des protéines. Il faut découvrir pourquoi un dysfonctionnement crée la maladie et quels sont les paramètres qui interviennent. Les chercheurs disposent désormais de plusieurs outils issus des biotechnologies. Ainsi, la bioinformatique permet de réaliser l'opération de sélection. Lors du développement des tests, les outils de la biotechnologie sont également nécessaires et des « montages cellulaires » sont réalisés. Pour l'optimisation, la biotechnologie est aussi « un peu » utilisée, et en développement, la toxicogénomique relève également de la biotechnologie ; l'attrition due à la toxicité est étudiée sur l'animal mais on disposera de tests cellulaires prédictifs humains. En étude clinique, un débat est actuellement en cours sur le rôle de la pharmacogénomique et du génotypage des patients, afin de corréler le bénéfice et le risque au génotype du patient. Partant du constat que « les patients ne sont pas tous égaux devant les médicaments », certains estiment qu'il faut sélectionner les patients qui ont le plus intérêt à prendre un médicament donné en phase III, par une sorte de « tri génétique ». Cette voie est empruntée actuellement en cancérologie. S'agissant de la fabrication de nouveaux produits, la tendance est clairement favorable aux biotechnologies. Au schéma classique de développement pharmaceutique, basé uniquement sur les molécules chimiques, se substitue, dans certaines pathologies, le développement de molécules biologiques, de protéines et d'anticorps.
Globalement, les efforts de recherche sont ciblés sur certains types de maladies, comme les troubles du système nerveux, les diabètes, les maladies des os, les cancers et les maladies orphelines. Ces trois paramètres nous ramènent à des arbitrages budgétaires. Comment les systèmes de protection sociale pourront-ils à la fois satisfaire les besoins nouveaux et prendre en charge les frais engendrés par les soins ? Après le cancer, et le traitement du SIDA, les Français (31 %, avec un chiffre de 49 % pour les plus de 65 ans) sont persuadés que c'est dans le domaine du traitement contre la maladie d'Alzheimer qu'il y a eu récemment des découvertes majeures. Les nouveaux besoins médicaux sont principalement la lutte contre le SIDA et le cancer, contre les maladies neurodégénératives, contre les maladies génétiques ou les pathologies cardiovasculaires... Pour mieux soigner ces maladies, les Français comptent sur la recherche, mais comme nous allons le montrer, les crédits de recherche stagnent. Certains responsables des autorisations de mise sur le marché, pensent qu'il ne sera pas possible de financer, par la sécurité sociale, des soins chers permettant de soigner toutes les maladies graves, non traitées aujourd'hui. Il faudra donc prendre des décisions politiques. Actuellement, les produits issus des biotechnologies et mis sur le marché sont majoritairement, si l'on se réfère aux chiffres d'affaires, les érythropoïétines, indiquées dans les anémies associées à l'insuffisance rénale chronique et à la chimiothérapie, les insulines, indiquées dans le traitement du diabète et les interférons alpha, bêta et gamma, indiqués notamment pour les leucémies, l'hépatite B et la sclérose en plaques. La place exacte des produits biopharmaceutiques reste cependant difficile à apprécier, les résultats pouvant varier selon que l'on retient le chiffre d'affaires généré par les médicaments, le nombre de ceux-ci mis sur le marché ou de ceux en phase de développement relativement avancée. Si on se limite aux produits soumis à la procédure européenne centralisée de mise sur le marché (après recombinaison d'ADN)32, 70 molécules ont été autorisées, soit un nombre équivalent à celui des molécules du même type mises sur le marché aux Etats-Unis, sachant par ailleurs que 15 000 AMM ont été accordées en France, tous médicaments confondus, qu'elles couvrent environ 7 000 principes actifs, dont près de 3 500 « efficaces » ou très utilisés. Selon les informations recueillies, ces 70 molécules représentent 10 % du chiffre d'affaires généré par la vente des médicaments. Depuis 1996, l'Agence européenne d'évaluation des médicaments, a autorisé une soixantaine de produits vétérinaires et près de 230 produits à usage humain, étant précisé qu'un même principe peut exister sous plusieurs formes d'AMM. Pour les produits à usage humain, 65 demandes ont émané des Etats-Unis, 31 de la Suisse, 29 du Royaume-Uni, 25 de l'Allemagne, 18 de la France, 14 du Danemark, 6 du Japon et 6 de la Suède. En 2002, les produits biopharmaceutiques représentaient, selon le rapport britannique « Bioscience 2015 », 8% des ventes du marché pharmaceutique mondial, avec un taux de croissance important de 15% de 1997 à 2001. Ce taux correspond à certaines données transmises lors des auditions, selon lesquelles, sur un marché mondial de médicaments estimé à 430 milliards de dollars en 2002, le marché des biomolécules représentait alors 32,6 milliards de dollars, contre 19,3 milliards en 1999 et représenterait entre 50 à 60 milliards en 200333. En 1998, avec 7 milliards de dollars, les premiers produits issus des biotechnologies ne représentaient que 2% du marché pharmaceutique mondial34. Selon Noëlle Lenoir35, s'appuyant sur des travaux de la commission européenne, le marché européen des biotechnologies pourrait représenter 100 milliards de dollars fin 2005. Votre rapporteur, s'appuyant sur les augmentations des taux de croissance du secteur biopharmacologique, pense que le chiffre d'affaires européen des biotechnologies pourrait atteindre 200 milliards d'euros en 2010, pour la plus grande partie, dans le secteur des produits pharmaceutiques et pour le reste, dans les technologies énergétiques, environnementales, et pour une plus faible part, dans l'agriculture et dans l'agroalimentaire. Si l'on prend en compte le nombre de nouvelles molécules mises sur le marché, qui plafonne aujourd'hui à une trentaine par an, contre 50 précédemment, cette part serait de 20 % à 30 % aujourd'hui pour les molécules nouvelles. En tout cas, la dynamique du secteur est réelle. Fin 2002, le marché mondial comptait ainsi 120 produits issus des bioetechnologies, contre une soixantaine en 1995, soit un doublement en sept années.
Ces derniers chiffres ont été donnés par Eurostaf36 ; selon la même source, environ 300 biomolécules font l'objet d'essais cliniques en phase III, dont 80% sont développés par des laboratoires américains aux Etats-Unis, essentiellement dans des domaines thérapeutiques tels que le cancer, le diabète, la polyarthrite rhumatoïde, l'obésité ou la sclérose en plaques, ce qui conduisait les auteurs de l'étude à conclure que d'ici 2008, une quinzaine de produits issus des biotechnologies seront vraisemblablement lancés chaque année et que le marché des biotechnologies humaines devrait représenter alors 20 % du marché pharmaceutique mondial. Depuis le début de l'année 2004, plus de la moitié des nouveaux produits biopharmaceutiques agréés par le FDA sont des produits issus des biotechnologies. La même étude indique que plus de 600 produits en phases avancées (II et III) en 2002-2003 sont développés aux Etats-Unis, contre environ 160 pour l'Europe, dont 49% sont développés au Royaume-Uni et 14% environ en Suisse. Pipelines de produits en phases avancées de développement en 2002-2003
Source : Les Echos Etudes d'après Ernst § Young et BioCentury in « Le Secteur des biotechnologies humaines » Ces données ont été confirmées lors des auditions : 53 produits sont actuellement recensés en phase III, dont 23 pour le Royaume-Uni, 11 pour la Suisse et un seul pour la France. Selon l'étude précitée, qui s'est appuyée sur les données produites par PhRMA37, aux Etats-Unis, l'oncologie représente le premier domaine de R&D dans le secteur des biotechnologies, 42 % des molécules en développement étant destinées à cette indication et 11% desdites molécules sont ciblées sur les maladies infectieuses. Pour M. Philip WRIGHT, de l'ABPI (the Association of the British Pharmaceutical Industry), la part de marché des produits des biotechnologies s'établira à 25 % dans 10 ans en prenant en compte les ventes des médicaments sur ordonnance, c'est-à-dire les médicaments brevetés ainsi que les génériques. Mais il y aura des variations importantes selon les domaines thérapeutiques. Votre rapporteur pense que si la situation n'est pas désespérée, il est urgent de fortifier l'industrie pharmaceutique, tant au niveau national qu'européen, en soutenant la recherche publique, mais aussi les partenariats publics privés, en favorisant l'innovation, en valorisant les relations entre jeunes pousses des biotechnologies et groupes pharmaceutiques, en améliorant l'environnement réglementaire et fiscal.
La diffusion des connaissances constitue un élément fondamental du dynamisme d'une discipline scientifique ou d'un secteur technologique. Cette diffusion des connaissances est généralement appréciée sur la base de deux indicateurs principaux : les publications scientifiques et les brevets déposés. Or, dans les domaines des sciences de la vie et des biotechnologies, l'examen de ces deux types d'indicateurs révèle la position encore paradoxale de l'Europe. Son excellence scientifique ne se trouve pas concrétisée en matière d'innovations, en dépit des progrès enregistrés. S'agissant des publications scientifiques consacrées à la biotechnologie, les données contenues dans le dernier rapport de la Commission européenne sur les indicateurs de la Science et de la Technologie traduisent le dynamisme et la place prépondérante de l'Europe. Au cours des quinze dernières années, la biotechnologie a constitué un domaine intensément étudié46. De 1994 à 1999, quelque 700 000 publications ont été produites par les chercheurs des Etats-Unis et de l'Union européenne (des 15). Alors que 345 206 publications ont émané des Etats-Unis, 348 935 ont été réalisées par les quinze pays de l'Union européenne et 18 128 par la Suisse. Au sein de l'Union européenne, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France se distinguent des autres pays, avec respectivement 76 830, 71 007 et 58 490 publications, suivis ensuite par l'Italie (34 021), la Hollande (23 697) et l'Espagne (20 677). Les sciences de la vie, regroupant selon les indicateurs retenus, la médecine clinique, les sciences fondamentales du vivant, la biomédecine et la biologie, constituent la discipline la plus représentée, devant la physique, la chimie et les sciences de la matière qui contribuent également à l'essor des connaissances en biotechnologie. Des évolutions analogues sont constatées d'ailleurs dans l'ensemble des disciplines relevant des sciences de la vie. Le nombre de publications consacrées à ce domaine aux Etats-Unis et en Europe (plus 1 100 000, de 1995 à 1999) reflète le dynamisme de la recherche dans ce domaine, avec une prédominance européenne (616 212 publications, contre 529 608 pour les Etats-Unis et 125 448 pour le Japon) et, au sein de l'Union européenne, les meilleurs rangs sont tenus par le Royaume-Uni (152 332), l'Allemagne (114 395) et la France (89 376), suivis par l'Italie (62 831) et la Hollande (42 409). L'examen des « taux d'impact » des publications scientifiques en sciences de la vie (citation des articles produits) donne cependant des résultats moins encourageants. Les publications émanant des Etats-Unis sont les plus citées (1,35) et les publications britanniques se situent au deuxième rang (1,15), l'Allemagne occupant le septième rang, la France le dixième, avec un taux (0,89) inférieur à celui de la moyenne européenne (0,90), et le Japon, le treizième rang. Néanmoins, sur la base d'un nouvel indicateur sur les citations scientifiques dans les brevets (NPRs - Non patent references), on peut observer que la position de l'Europe reste solide et même s'améliore. Les statistiques produites par l'USPTO, l'organisme des brevets des Etats-Unis, montrent ainsi qu'au cours de la période 1987-1995, le taux pour l'Union européenne (3,38) est proche de celui des Etats-Unis (4,02) et supérieur au Japon (2,76), avec une croissance forte (+ 15,5%), plus importante que celles enregistrées par le Japon (10,3) et les Etats-Unis (3,7). A cet égard, la France conserve une bonne position, tant en ce qui concerne le taux de citation (3,17) que le taux de progression (+ 17,5%), proche du Royaume-Uni. Ces derniers chiffres mettent en évidence l'importance de la science européenne dans le développement des brevets déposés aux Etats-Unis. Une étude réalisée par la Direction de la recherche de la Commission européenne a montré que l'Europe jouissait d'une relative indépendance scientifique. Tous domaines confondus, les citations des inventeurs européens se réfèrent à des recherches européennes en majorité (59%) ; ce taux est de 48% pour les Etats-Unis (inventeurs des Etats-Unis se référant à des recherches réalisées aux Etats-Unis) et de 22% pour le Japon (inventeurs japonais se référant à des recherches effectuées au Japon). En revanche 39% des citations des inventeurs des Etats-Unis et 38% des citations des inventeurs japonais font référence à des travaux de recherche européens. Il ne faudrait pas compromettre cette indépendance européenne en délaissant des secteurs scientifiques aussi essentiels et porteurs d'innovations que ceux couverts par les sciences de la vie et les biotechnologies. Le nombre de brevets en biotechnologies déposés ou accordés depuis une quinzaine d'années traduit également une forte dynamique. De 1987 à 1995, 25 736 brevets de ce type ont été enregistrés par l'USPTO et de 1987 à 1997, 16 246 brevets ont été déposés à l'Office européen des brevets (EPO). Dans le domaine de la pharmacie, cette diffusion est particulièrement intense. Les biotechnologies représentaient au niveau mondial 40% des brevets pharmaceutiques au cours de la période 1996-1998, contre 34% en 1993-1995 et 32% en 1990-1992. De ce point de vue, la progression la plus forte revient aux Etats-Unis (respectivement 46, 40 et 39%), mais la position du Royaume-Uni est fort proche (respectivement 41, 31 et 27%, avec un taux de croissance important de 22,8%) et celles de la France et de l'Allemagne sont très satisfaisantes et se sont améliorées47. Pour le Japon, la part des biotechnologies a augmenté (25% en 90-92, 24% en 93-95 et 30% en 96-98), mais la progression a été moindre. Le retard par rapport aux Etats-Unis s'est ainsi réduit, ce rattrapage ayant été plus important pour le Royaume-Uni que pour la France. L'examen du nombre de brevets de biotechnologie enregistrés par l'USPTO de 1987 à 1995 révèle plusieurs évolutions. La prédominance des pays nord-américains est nette (16 656 brevets et un taux de croissance de 24,4%). Les pays de l'Union européenne des quinze, avec 5 052 brevets, restent très en deçà, mais les taux de croissance sont élevés quoique disparates (38,7% pour la Belgique, 29,5% pour le Danemark, 26,4% pour la Hollande, 21,2 % pour l'Italie, 25,5% pour l'Autriche, 24,5% pour la France, 19,9% pour l'Allemagne et 18,7% pour le Royaume-Uni). Au sein de l'Union européenne, le Royaume-Uni (avec 1 031 brevet), l'Allemagne (avec 1 351 brevets) et la France (avec 826 brevets) se détachent nettement. Les pays développés d'Asie, incluant le Japon, la Corée, Singapour et Taïwan, avec 3 366 brevets, ont connu un taux de croissance moyen de 11,5%, équivalent au taux moyen de l'Union européenne. La Chine et Hong-Kong ont enregistré ensemble la croissance la plus forte (78,3%), mais le nombre de brevets est limité à une trentaine au cours de la période étudiée. Les autres pays européens témoignent aussi d'un dynamisme certain, en particulier l'Islande, la Norvège, la Suisse et le Lichtenstein (486 brevets et un taux de croissance de 19,4%). Les mêmes tendances peuvent être observées pour les brevets déposés à l'Office européen. Les Etats-Unis dominent (8 468 brevets de 1987 à 1997, dont 1 519 pour cette dernière année), suivis par l'Europe (5 742 brevets sur la période et 1 014 en 1997), puis le Japon (2 036 brevets, dont 251 en 1997). La place de la Chine reste minime (0,5% des brevets en 1999), mais de 1992 à 1999, elle a enregistré un taux de croissance de 950%. Des conclusions similaires à celles exposées par la Commission européenne émanent de l'OCDE48 : _ Augmentation substantielle du nombre des brevets USPTO et EPO en biotechnologie, comme de l'ensemble des brevets. Pour l'USPTO, entre 1990 et 2000, le nombre de brevets en biotechnologie a augmenté de 15% (contre 5% pour l'ensemble des brevets) et pour l'EPO, les demandes de brevets en biotechnologie ont augmenté entre 1990 et 1997 de 10,5% (contre 5% pour l'ensemble des brevets). _ Tant pour l'USPTO (brevets en biotechnologie accordés en 1990 et 2000) que pour l'EPO (brevets en biotehnologie demandés en 1990 et 1997), les six pays ou groupes de pays en tête (pour le nombre de brevets obtenus ou demandés) sont les mêmes (OCDE, Etats-Unis, Union européenne, Japon, Allemagne, Royaume-Uni), les différences n'apparaissent qu'au septième rang (Canada pour l'USPTO, France pour l'EPO). _ Les parts nationales ont évolué comme suit : - USPTO 1990/2000 : fortes variations pour les Etats-Unis (+9 points) et le Japon (-11 points) ; faibles variations pour les autres pays (Canada : +1,7 point ; Danemark : +1,1 point, Allemagne : -1,2%), - EPO 1990/1997 : forte variation pour le Japon seulement - Dans les deux cas la part de l'OCDE est restée stable (moins d'un point de variation). _ S'agissant des taux de croissance : - USPTO - les taux sont positifs pour tous les pays et la France, proche de la Suisse, a le taux médian (environ 15%) ; la Corée enregistre le taux annuel le plus élevé (40%) mais sa part reste très modeste (0,7% en 1990 ; 5% en 2000), - EPO - les taux sont positifs pour la majorité des pays ; le Canada a le taux de croissance le plus fort (40%), suivi par la Corée ; le taux pour la France atteint 10%. Les études statistiques présentées par l'Office japonais des brevets et établies à partir de l'examen, en 2002, des demandes de brevets permettent de confirmer ces tendances. Les données concernent le nombre de dépôts dans le domaine des biotechnologies49, selon la nationalité50 des déposants, auprès du JPO, de l'USPTO et de l'EPO, sur la période 1991/2000. S'agissant, du JPO, le graphique révèle une croissance régulière, toutes nationalités confondues, de 1991 à 1998, avec une rupture à partir de 1999, liée en partie au processus d'introduction des données relatives aux dépôts étrangers. Sur la période 1991-2000, les dépôts japonais représentent 48% des dépôts, les dépôts « américains » 32%, européens 19%, chinois 0,2% et autres 1%, alors que toutes technologies confondues, la part japonaise s'établit à 90%. L'examen des années 1991 et 1997 montre que l'augmentation du nombre des demandes résulte de la croissance des demandes étrangères, le nombre des demandes japonaises restant stables, voire diminuant au cours de la période étudiée51. Pour ce qui concerne l'USPTO, toutes nationalités confondues,l'augmentation est rapide de 1991 à 1997, une baisse intervenant en 1998, qui se poursuit en 1999, l'année 2000 étant marquée par une bonne reprise. Sur la période 1991-2000, les dépôts japonais représentent 9% des dépôts, les dépôts « américains » 72%, européens 18%, chinois 0,2% et autres 1%, alors que toutes technologies confondues, la part américaine s'établit à 56%. L'examen des années 1991 et 1997 montre que l'augmentation du nombre des demandes résulte de la croissance des demandes américaines52. S'agissant, de l'EPO, le graphique révèle une croissance régulière et soutenue, toutes nationalités confondues, de 1991 à 1999, avec une nette rupture en 2000. Sur la période 1991-2000, les dépôts japonais représentent 10% des dépôts, les dépôts « américains » 49%, européens 39%, chinois 0,2% et autres 2%, alors que toutes technologies confondues, la part européenne s'établit à 50%. L'examen des années 1991 et 1997 montre que l'augmentation du nombre des demandes résulte essentiellement de la croissance des demandes européennes et américaines53. Depuis deux ans, l'USPTO a néanmoins constaté une diminution de l'ordre de 10 à 20 % des demandes de brevets dans le domaine des biotechnologies, selon les informations données lors de la mission effectuée aux Etats-Unis. B - Les biotechnologies émergent dans un contexte contraignant De lourdes contraintes, économiques et juridiques, pèsent sur le développement des biotechnologies. Cette double pression s'explique par le fait que les produits qui en sont issus ne sont pas à proprement parler nouveaux, pour la plupart. Il s'agit de produits présentant des caractères différents par rapport aux produits déjà existants. C'est pourquoi, ils doivent trouver leur place dans des secteurs, comme l'alimentation ou la santé, où des agents économiques sont déjà présents et entendent conserver ou renforcer leurs positions, sur la base de stratégies qui leur sont propres, soit en intégrant cette nouvelle technologie, soit en la rejetant. Où aussi, diverses réglementations ont été depuis de nombreuses années mises en place et donc, où l'habitude, pour les Etats, d'intervenir est déjà prise, selon des principes pré-établis. Mais elle s'explique aussi par l'état actuel du contexte dans lequel elles émergent. La concurrence sur les marchés s'est exacerbée et s'exerce à l'échelle mondiale. De nouveaux concepts, tels que l'éthique ou le principe de précaution, se sont imposés, en réponse aux légitimes préoccupations des populations qui n'entendent pas que l'on fasse n'importe quoi, à n'importe quel prix. Au cours des différentes auditions organisées en France et à l'étranger, ces contraintes économiques d'une part, juridiques d'autre part, ont été constamment évoquées. Sur le plan économique, les interrogations ont porté essentiellement sur le poids économique à court ou moyen terme des biotechnologies, mais aussi sur les conséquences pour les entreprises des secteurs concernés de la non prise en compte de cette nouvelle technologie. Sur le plan juridique, les principales interrogations résidaient dans l'appréciation des effets des réglementations sur les activités de recherche et sur leurs incidences économiques. Il convient donc d'étudier ce double contexte. Mais il faut aussi souligner que les biotechnologies présentent, de ce point de vue, une grande spécificité par rapport aux technologies de l'information et de la communication. En effet, aux particularités intrinsèques à ces deux catégories de technologies, s'ajoutent des différences tenant aux caractéristiques des contextes économiques et juridiques dans lesquels elles sont apparues. C'est pourquoi, les comparaisons faites entre ces deux types de technologies, conduisant généralement à mettre en doute le potentiel de développement des biotechnologies, se révèlent en fait incomplètes. Plus convaincantes, seraient les comparaisons prenant en compte les stades de développement de chacune d'elles, en retenant non pas les TIC dans leur globalité, mais une nouvelle technologie parmi celles-ci, qui doit s'insérer dans le tissu industriel actuel des TIC et se conformer aux règles désormais établies visant à en réguler l'usage. Une telle comparaison montrerait que des contraintes du même ordre agissent dans les deux domaines. Elle permettrait aussi d'identifier les contraintes propres qui pèsent sur les biotechnologies, susceptibles d'orienter, peut-être différemment d'ailleurs, les investisseurs privés d'une part, les pouvoirs publics d'autre part. Lors des auditions organisées en France et à l'étranger, les préoccupations économiques ont été omniprésentes. Elles se sont révélées toutefois extrêmement diversifiées. Au-delà des différences d'approches, la question fondamentale reste la suivante : à quelles conditions les biotechnologies sont-elles susceptibles de renforcer la domination des quelques grosses entreprises sur les marchés internationaux ou, au contraire, vont-elles permettre d'y résister ? Au cours de ce questionnement, plusieurs données ont été fournies, qui méritent d'être exposées. Elles portent sur les restructurations industrielles ayant déjà eu lieu, sur le potentiel économique des biotechnologies, sur les stratégies des grands groupes industriels intervenant dans les premiers domaines d'application des biotechnologies en matière de recherche, avec notamment la pratique des externalisations et des délocalisations, sur l'idée de souveraineté industrielle et/ou technologique et, enfin, sur le rôle des Etats face à ces évolutions. C'est en examinant l'état des deux marchés sur lesquels les premiers produits issus des biotechnologies ont été intégrés, que l'on peut mesurer l'enjeu économique et industriel qu'elles représentent, avec notamment le risque d'une « microsoftisation » des biotechnologies, où un groupe domine le monde parce qu'il détient les brevets et les marchés. Dans le domaine des semences, comme l'ont rappelé les responsables de LIMAGRAIN, lors d'une visite effectuée en Auvergne, depuis vingt ans on a assisté à une forte concentration, la taille critique doublant tous les dix ans. DUPONT-PIONEER domine le marché, devant SYNGENTA, MONSANTO et LIMAGRAIN, sachant que la taille de MONSANTO est le double de cette dernière. Pour les biotechnologies végétales, MONSANTO bénéficie d'un quasi monopole actuellement, avec 90% des 67 millions d'hectares cultivés et ses concurrents rencontrent des difficultés, tels que BAYER, DOW et même DUPONT/PIONEER qui n'a pas d'expertise interne et rachète les technologies de MONSANTO. La nouveauté est que les plus grandes sociétés mondiales sont à la fois des agrochimistes et des semenciers. Le groupe français, à la différence de ses concurrents, ne dispose toutefois pas de pôle « chimie », alors que SYNGENTA constitue le premier groupe agrochimique mondial, avec un chiffre d'affaires supérieur à 6 milliards de dollars et un pôle « semences » très faible par rapport au reste. Le pôle « semences » de MONSANTO, qui se situe au troisième rang des firmes « agrochimie et semences », représente le tiers de son chiffre d'affaires, mais toute sa stratégie est basée sur un seul produit. DUPONT (4ème rang), dont les parts respectives des semences et de l'agrochimie sont relativement équilibrées dans le chiffre d'affaires, n'a pas en fait de position forte dans ce dernier secteur, à la différence des semences de PIONEER. BASF (5ème rang), dont le chiffre d'affaires généré par les semences reste dérisoire par rapport à celui issu de l'agrochimie, investit néanmoins tous les ans 70 millions d'euros dans les biotechnologies. BAYER CROP SCIENCE, qui occupe le deuxième rang, dont le pôle « semences » reste très réduit par rapport à l'agrochimie, cible pour l'instant ses biotechnologies sur le riz, le canola (colza) et le coton. Comparé à ses autres concurrents mondiaux intervenant dans le domaine de l'agrochimie et des semences, LIMAGRAIN se situe au septième rang, avec un chiffre d'affaires représentant le tiers du groupe qui le précède. Dans ce contexte, le groupe français, dont la maison mère est une coopérative, qui emploie 5 000 salariés, dont 58% en France et 21% dans le reste de l'Union européenne et dont plus de 800 chercheurs, tient actuellement son rang, bien que dépourvu de pôle chimie, grâce aux semences et à la génétique, dans un environnement extrêmement concurrentiel. L'innovation constitue pour lui un impératif, s'il veut conserver ses parts de marché. Les dépenses de recherche y ont atteint 72 millions d'euros en 2002/2003, soit environ 8 % du chiffre d'affaires, dont 17 % en biotechnologies. Quatrième semencier mondial, il est leader européen en semences de blé et de maïs, et constitue un acteur important du marché nord-américain, avec la société AgReliant qui y détient 3,5% des parts de marché et qui est issu de la fusion des filiales américaines de LIMAGRAIN et du groupe allemand KWS, lequel est numéro un pour la betterave. En ce qui concerne les semences potagères et les produits du jardin, il est aussi leader mondial pour les semences destinées au grand public et se situe au deuxième rang mondial pour les semences utilisées par les professionnels, qui constituent, grâce à l'acquisition de la société VILMORIN en 1974, le seul segment du groupe coté en bourse. Il détient actuellement 20% des parts de marché en Europe pour les semences et constitue, comme l'a souligné son Président, M. Pierre PAGESSE, un vecteur d'innovation essentiel dans le secteur du végétal en Europe, ce qui met en évidence les enjeux essentiels qu'il représente pour la compétitivité agricole et agroalimentaire européenne. Il convient en effet de rappeler que le déficit de l'Europe en productions végétales représente l'équivalent de 12 millions d'hectares, en raison du déficit en protéines destinées à l'alimentation animale, soit 49 millions de tonnes importées. Aux Etats-Unis, l'accès aux « gènes » de MONSANTO représente pour LIMAGRAIN une dépense en royalties de 16 millions de dollars par an, sur un chiffre d'affaires de 80 millions de dollars et une part de marché limitée à 3,5% ! Un tel chiffre permet de mesurer le risque d'une dépendance se concrétisant dans l'absorption d'une part importante de la valeur ajoutée d'une chaîne alimentaire représentant 15% du PIB ! Dans le domaine de la pharmacie, des évolutions analogues se sont dessinées. A l'heure où des réflexions sont engagées en France sur l'équilibre des régimes d'assurance maladie (la sécurité sociale et les mutuelles financent 86% de la consommation de médicaments ; le médicament ne représente que 15% des biens et services de santé mais sa croissance est soutenue), il n'est pas inutile d'examiner les enjeux industriels de l'innovation dans ce domaine particulier. A l'échelon mondial, l'industrie pharmaceutique a connu au cours de années 80 et 90, de nombreuses opérations d'acquisition et de fusion. Alors qu'en 1996, le premier groupe mondial représentait 4,4% de part du marché mondial, il en représentait quatre ans plus tard, 7%. Selon M. Heinz BOLLER, Directeur de Novartis Suisse, l'explosion des coûts de recherche va aboutir à une concentration accrue, déjà largement amorcée. Les 10 plus grands laboratoires pharmaceutiques réalisaient déjà 50% du marché mondial54 en 2002, contre 28% en 1982. Ce taux de 50% a été atteint grâce aux fusions ; si on le décompose, on s'aperçoit qu'il est obtenu à partir des 28% initiaux, auxquels on doit ajouter 17% au titre des fusions et seulement 5% résultant de la croissance interne des groupes initiaux. Cette concentration risque de s'exacerber. En 2000, parmi les 50 premiers groupes pharmaceutiques mondiaux, 23 sont de nationalité américaine, 11 de nationalité japonaise, la France étant alors représentée par trois groupes seulement, le groupe franco-allemand AVENTIS, qui se situait au 6ème rang, SANOFI-SYNTHELABO qui occupait le 17ème rang et SERVIER à la trentième place. Parallèlement, les dépenses de recherche-développement se sont fortement concentrées sur les grands groupes ; les dix premières sociétés pharmaceutiques participent à hauteur de 47% au montant total de R&D : 9 milliards d'euros sur 25 milliards en 1994 ; 16 milliards d'euros sur 34 milliards en 199855. Depuis 1995, 57% des nouveaux médicaments vendus sont ainsi américains, seulement 25% européens56 et depuis 1997, les dépenses de recherche-développement pharmaceutiques aux Etats-Unis dépassent celles constatées en Europe. Alors que les efforts de recherche des industriels dans ce domaine en France (un peu moins de 2,5 milliards d'euros en 1998) sont inférieurs à ceux consentis par le Royaume-Uni (près de 3,7 milliards d'euros) et par l'Allemagne (environ 2,7 milliards d'euros), et que la place de la France a fortement régressé dans le total des médicaments découverts57, l'industrie pharmaceutique française reste encore dynamique. Il convient donc de la soutenir. Les trois premiers groupes français effectuaient ainsi 60% des dépenses de recherche en France et y affectaient 17% de leur chiffre d'affaires en 2000. Avec 36 milliards d'euros de chiffre d'affaires, l'industrie pharmaceutique française a réalisé près du tiers du chiffre d'affaires de l'industrie des biens de consommation et elle reste un des rares secteurs industriels créateurs d'emplois (+ 1% par an en moyenne depuis 10 ans), avec une main d'œuvre qualifiée, jeune et bien rémunérée. En 2000, 101 000 personnes, soit 3,3% des effectifs de l'industrie manufacturière, travaillaient dans l'industrie pharmaceutique ; par ailleurs, 10 000 personnes travaillaient dans des établissements de recherche ou pour le développement. La France est ainsi le premier producteur européen de médicaments. En 1999, 22% des médicaments commercialisés en Europe ont été produits en France, qui devance l'Allemagne, laquelle occupait le premier rang jusqu'en 1995, et le Royaume-Uni dont la position s'est très nettement améliorée. L'excédent commercial, pour les médicaments dépasse, 3,5 milliards d'euros58 et les exportations ont doublé depuis 1995, représentant désormais plus du quart du chiffre d'affaires, tandis que les importations augmentent de 20% par an depuis 1993. Le marché français des médicaments, qui se situe au second rang en Europe, mais ne représente que 6% du marché mondial, contre 40% pour les Etats-Unis, a par contre attiré les entreprises étrangères. Les filiales des groupes étrangers réalisent désormais 63% des ventes, mais seulement 31% de la recherche et du développement ; 28,5% de la production en France est assurée par AVENTIS et SANOFI-SYNTHELABO59, soit moins que leur part dans la production, tandis que les groupes français effectuaient 43,5% de leur recherche à l'étranger, AVENTIS réalisant pour sa part 70% de ses dépenses de recherche aux Etats-Unis et en Allemagne. L'annonce de la fermeture du site de Romainville d'AVENTIS illustre cette tendance à la délocalisation des centres de recherche européens vers les Etats-Unis. La fusion de SANOFI et d'AVENTIS, intervenue lors de la préparation du présent rapport, montre que les délocalisations et les fusions-acquisitions restent d'actualité. Votre rapporteur se félicite toutefois de la création de cette nouvelle entité. SANOFI a toujours misé sur la recherche et on peut espérer que la stratégie de R&D du nouveau groupe SANOFI AVENTIS permettra à l'Europe de retrouver sa place dans la découverte de nouveaux médicaments à diffusion mondiale. Ce paysage industriel, dans lequel ont émergé, puis se sont développées les biotechnologies, a été marqué également par un mouvement de sectorisation qui se poursuit. Plusieurs intervenants français, au cours des auditions, ont ainsi évoqué avec regret le « démantèlement » de RHONE POULENC, en soulignant la nécessité de disposer d'industries solides pour faire face à la concurrence. En France, comme à l'étranger, le concept du pôle industriel s'appuyant sur les sciences de la vie pour fabriquer de nouveaux produits, sur la base de plate- formes communes, notamment à la pharmacie et à l'agroalimentaire, s'est délité. AVENTIS, qui regroupait trois branches, chimique, agroalimentaire et pharmaceutique, sur la pression des marchés financiers, a cédé la branche « chimie » dont les marges étaient faibles et sa branche agroalimentaire alors qu'elle avait toujours été dotée d'une forte R&D. Votre rapporteur pointe du doigt les erreurs répétées de RHONE POULENC puis d'AVENTIS depuis 20 ans. Elles sont restées relativement confidentielles mais elles ont abouti à ce qu'un groupe, à la pointe des biotechnologies dans les années 80/90, qui avait réalisé la première transgénèse sur le tabac en 1984 ait, pour des raisons purement boursières, dilapidé son potentiel et son savoir-faire en biotechnologie, vendu « par appartements » ses secteurs agroalimentaires à BAYER dont le poids est aujourd'hui extrêmement limité en France et la chimie à RHODIA. La fusion avec HOECHST a donné les résultats médiocres que l'on connaît. AVENTIS a, pour satisfaire à court terme ses actionnaires, arrêté les programmes, perdu des compétences. Comment ne pas s'inquiéter de la fermeture du grand centre de recherches de Romainville, ce qui a conduit la France à avoir perdu tout son savoir-faire sur les maladies infectieuses ? La fusion précédente entre HOECHST et ROUSSEL UCLAF avait fait disparaître d'autres compétences comme celles sur les immuno-stimulants. Il est quand même choquant que ces managements déplorables soient récompensés pour certains par des promotions. Sans ces fautes de gestion les successeurs de RHONE POULENC auraient certainement aujourd'hui des produits biotechnologiques classés dans les 10 « blockbusters » mondiaux cités dans le tableau qui suit. La concurrence demeure très vive et l'innovation est devenue un facteur essentiel de survie. Dans le domaine pharmaceutique, le poids des biotechnologies est actuellement limité mais il s'accroît beaucoup plus vite que celui du secteur de la chimie pharmaceutique. Sur un chiffre d'affaires mondial de l'ordre de 300 milliards de dollars, les ventes des dix premières classes de produits de biotechnologies en 2002 atteignaient près de 28 milliards60, étant observé toutefois que sur une cinquantaine de « blockbusters »61 commercialisés par une vingtaine d'entreprises, six relevaient en 2002 des biotechnologies, que 27% des molécules en développement clinique dans le monde en sont issues62 et que plus de la moitié des molécules autorisées par la FDA aux Etats-Unis en 2004 en sont issues. Le secteur des biotechnologies offre par ailleurs la particularité de réserver une place relativement importante aux sociétés dédiées à la mise au point de ces produits, par rapport aux grands laboratoires pharmaceutiques plus « généralistes ». Sur le marché américain, la part des produits biotechnologiques issus de la recherche des grands laboratoires, hors AMGEN et GENENTECH, est limitée à 10% seulement mais les accords de licence et de coproduction conclus ont permis à ces grands laboratoires d'en commercialiser le quart. Certaines d'entre elles font déjà partie des plus grandes firmes pharmaceutiques (les « Big pharmas »), telles qu'AMGEN ou BIOGEN qui détiennent six des dix « blockbusters »63 issues des biotechnologies, dépassant tous le milliard de dollars de vente. Selon BIO qui représente les sociétés de biotechnologie aux Etats-Unis mais qui s'ouvre progressivement sur l'extérieur, 15 % des 200 premiers médicaments vendus dans le monde sont issus de la recherche biotechnologique. Les statistiques tenues par cette organisation semblent reposer davantage sur un critère organique (sociétés de biotechnologies, par opposition aux grands groupes pharmaceutiques) que fonctionnel (utilisation de procédés biotechnologiques). Elles révèlent le dynamisme du secteur, tant en ce qui concerne le nombre de produits mis sur le marché (10 en 1990, 20 en 1995, 92 en 2000, 197 en 2005, avec des coefficients multiplicateurs importants : 2 de 1990 à 1995, 4,6 de 1995 à 2000 et 2,1 de 2000 à 2005), que les produits en développement (respectivement, pour les mêmes années : 100, 240, 389 et 800, avec des coefficients multiplicateurs pour les mêmes tranches quinquennales de : 2,4 ; 1,45 et 2). Les alliances64 constituent le mode d'implication privilégié pour les Big Pharma et les montants des alliances augmentent fortement mais des fonds d'investissement (corporate ventures) ont aussi été constitués (GSK : 290 millions d'euros ; Eli Lilly : 80 millions d'euros ; Aventis : 30 millions d'euros). Parmi les 23 sociétés de biotechnologies leaders au niveau mondial en 2002 (sociétés cotées), 13 sont américaines (Amgen, Genentech, Genzyme, Chiron, Biogen, Medimmune...), quatre sont britanniques (Shire Phamaceuticals, Celltech,...), deux suisses (dont celle qui occupe le troisième rang, Serono), une irlandaise (Elan qui occupe le 4ème rang), une allemande (16ème rang, Qiagen) et aucune française. Ces chiffres devraient inquiéter les dirigeants français et européens. La domination américaine est écrasante : 63% du chiffre d'affaires (32% pour l'Europe) et 72% des budgets de R&D (25% pour l'Europe). Le déclin de la vieille Europe est évident. Il est paradoxal qu'avec un système universitaire de premier rang, des organismes de recherche reconnus, on en soit arrivé là. La conclusion s'impose. La recherche et l'innovation doivent devenir la première priorité de la France et de l'Europe. Cette évolution conduit à s'interroger sur les perspectives de développement des groupes industriels concernés. Ont-ils la taille nécessaire pour supporter le coût des recherches dans le domaine des biotechnologies, sachant que demain de nombreux produits en seront issus ? Comment la prise de risques et la nécessité d'engager les investissements nécessaires sont-elles appréciées ? La stratégie de repli sur des « niches », qui aggrave les effets de la sectorisation et qui s'accompagne d'abandons, est-elle viable à long terme et offre-t-elle de réelles perspectives d'avenir ? Plusieurs études ont tenté d'estimer le potentiel économique des biotechnologies. La tâche se révèle cependant particulièrement difficile, pour diverses raisons liées à la fois aux incertitudes inhérentes aux processus de recherche-développement, aux stratégies des groupes industriels, aux incidences des différentes réglementations, et aux débouchés. Peu de travaux sont par ailleurs suffisamment exhaustifs ; ils ne prennent généralement pas en compte les retombées économiques de l'ensemble des activités de production, lesquelles, si l'on reprend la définition donnée par l'OCDE, concernent la production de biens, mais aussi de services et de connaissances. La Commission européenne notait ainsi65 qu'il était difficile d'apprécier la compétitivité internationale dans le domaine des biotechnologies : « le principal facteur de valeur est fondé sur les connaissances et les données statistiques habituelles sur le chiffre d'affaires, les ventes et les exportations n'indiquent pas où une valeur ajoutée en termes de propriété intellectuelle a été créée ». Elle estimait néanmoins que le marché potentiel direct et indirect des sciences du vivant et de la biotechnologie, à l'exclusion de l'agriculture, devrait approcher les 2 000 milliards d'euros en 2010 et évaluait le marché européen de la biotechnologie à plus de 100 milliards d'euros en 2005. Le METI, le ministère de l'économie, du commerce et de l'industrie japonais, a indiqué que les bio-industries devraient en 2010 représenter un marché au Japon d'environ 182 milliards d'euros, dont 61 milliards pour le secteur biomédical, 46 milliards pour l'industrie alimentaire, 39 milliards pour les biomatériaux et la bio-informatique et 31 milliards pour l'environnement, induisant la création d'un million de nouveaux emplois. Actuellement, le marché japonais des biotechnologies de pointe représente un poids de 11 milliards d'euros et le METI estime que ce chiffre sera multiplié par 20 d'ici 2010. Un autre indicateur pris en compte repose sur le développement des sociétés spécialisées dans les biotechnologies. Il ne permet pas d'avoir une vision globale du développement des biotechnologies, puisqu'il laisse de côté les groupes industriels « traditionnels ». Ainsi, comme le notait d'ailleurs le METI, si l'on compare les catégories de déposants des « bio-brevets », on s'aperçoit qu'au Japon, comme en Europe66, la part des grosses entreprises est largement prépondérante dans le secteur des biotechnologies (72% des dépôts), par rapport aux start up (12% pour le Japon et 5% pour l'Europe) et aux universités et organismes publics (16% pour le Japon et 23% pour l'Europe). En revanche, pour les Etats-Unis, les grosses entreprises ne représentent que 13% des dépôts, contre 38% pour les start up et 49% pour les universités et les organismes publics. Ces chiffres montrent que l'innovation et le transfert de technologies fonctionnent mieux aux Etats-Unis, car ils s'appuient sur des dotations budgétaires gigantesques dans les secteurs qui s'ouvrent aux technologies clés. De surcroît, cet indicateur ignore les produits issus des grosses entreprises non spécialisées et pose la question des « frontières », lorsqu'un produit est issu d'une collaboration. Quoi qu'il en soit, il permet d'identifier une tendance, même si les résultats constatés ne constituent finalement que des hypothèses « basses », puisqu'ils ne concernent que les sociétés s'appuyant uniquement sur les biotechnologies. Actuellement, au niveau mondial, les applications médicales et pharmaceutiques sont nettement majoritaires. En nombre d'entreprises, elles représentent 80 à 90% des sociétés de biotechnologie. Dans ce secteur, sur la période 1995/2002, le nombre de sociétés a été multiplié par 2,3, le chiffre d'affaires par 3,5, atteignant aujourd'hui environ 32 milliards d'euros, avec une progression moyenne de 20% par an depuis 1995. Le nombre de salariés est passé de 125 200 à 290 224, soit un coefficient multiplicateur de 2,3, et le nombre moyen de salariés par entreprise a augmenté de 3%, passant de 66 à 68. Ces statistiques intègrent AMGEN, qui est une big pharma, et GENENTECH. Le secteur a fourni 10% des produits commercialisés par l'industrie pharmaceutique. Alors que la croissance de certaines grosses entreprises pharmaceutiques s'explique souvent par les stratégies de fusion ou d'acquisition, qui se soldent généralement, par des suppressions d'emplois et des fermetures de sites de production ou de recherche, celle des sociétés de biotechnologies reposent sur des créations nettes de richesses et d'emplois. Elles mêmes vivent actuellement une période de consolidation, mais leurs chiffres d'affaires, comme leurs budgets de recherche ou leurs effectifs permettent de prendre la mesure du potentiel économique du secteur dans lequel elles ont pris naissance. Classement des sociétés de biotechnologies leaders au niveau mondial 2002 (sociétés cotées)
* millions d'euros Pour la France, dont aucune société ne figure dans ce tableau, la société Stallergènes est cotée, avec un chiffre d'affaires de 75 millions d'euros, un résultat positif (5 millions d'euros) et une capitalisation boursière de 76 millions d'euros. Source : Les Echos Etudes d'après Ernst & Young Le tableau suivant (page 65), constitué à partir des éléments communiqués lors des auditions permet de mesurer le dynamisme du secteur. Lorsque GENENTECH et BIOGEN ont mis au point l'insuline humaine, le marché était dominé par la société ELI LILLY qui contrôlait 85% du marché dans les années soixante-dix et pesait trois milliards de dollars. La première réussite, avec l'insuline humaine, de GENENTECH, créée en 1976 par Herbert Boyer et un investisseur, Bob Swanson, a permis, en 1985, de « sortir » l'hormone de croissance recombinante, puis l'Herceptine, un des premiers anticorps monoclonaux. AMGEN doit son succès à la mise au point de l'épotine alpha, utilisée pour les sujets sous dialyses rénales. Le développement des biotechnologies a été soutenu et s'est en même temps traduit, aux Etats-Unis, par un renforcement des activités de recherche dans le domaine des sciences de la vie. L'observation de James WATSON, le père avec Francis CRICK, de la « double hélice », mérite d'être citée : « Environ 3 000 chercheurs participeront à la première phase de la révolution de l'ADN (1953-1972), qui va de la découverte de la double hélice jusqu'au décryptage du code génétique. Durant la deuxième phase, inaugurée par les technologies de recombinaison et de séquençage de l'ADN, ce nombre allait se multiplier par 100 en l'espace d'un peu plus de dix ans »67. Cette deuxième phase, qui a été marquée, dans un premier temps, dans le domaine de la pharmacie, par la mise au point de protéines aux fonctions connues, comme l'insuline, l'hormone de croissance erythropoiétine (EPO), s'est engagée dans des voies moins « faciles », comme les facteurs de croissance, les anticorps monoclonaux et les nouvelles thérapies, en particulier contre le cancer. On peut penser qu'il en est de même pour les biotechnologies végétales et celles « environnementales ». Mais, en tout état de cause, dans la mesure où les biotechnologies sont appelées à répondre à des besoins essentiels, l'importance de leur « potentiel économique » ne saurait être mise en doute, même s'il est difficile de le traduire en données chiffrées et pour des échéances précises. Dans les dix ans selon l'évaluation de votre rapporteur se basant sur les différences de croissance avec le secteur pharmaceutique classique, les ventes de produits issus des biotechnologies pourraient atteindre le tiers des ventes totales des produits pharmaceutiques. Le secteur des biotechnologies dans le domaine de la santé humaine
La question de la localisation des activités de recherche des sociétés industrielles impliquées dans le domaine des biotechnologies a été récurrente lors des auditions. L'activité de ces sociétés a généralement une dimension internationale, même lorsqu'il s'agit de groupes français indépendants, en raison de l'existence de filiales et du poids des exportations directes. A cette internationalisation, s'ajoute le phénomène de l'externalisation croissante des activités de recherche, particulièrement dans le domaine de la biopharmacologie. Ainsi, aux Etats-Unis, les dépenses de R&D externalisées représente 8 milliards de dollars par an sur un total de dépenses engagées par les grands laboratoires pharmaceutiques s'élevant à quelque 33 milliards de dollars. Votre rapporteur est inquiet du risque d'une délocalisation des activités de recherche vers les Etats-Unis et d'une expatriation des chercheurs français, dans les domaines agroalimentaire et pharmaceutique. En fait, cette problématique recouvre plusieurs dispositifs, tels que les collaborations entre les groupes industriels et les institutions publiques de recherche, les relations entre ceux-là et les sociétés de biotechnologie, et enfin l'implantation des laboratoires de recherche des groupes industriels. S'agissant plus particulièrement des collaborations entre les groupes industriels implantés en France et les établissements publics de recherche, les appréciations paraissent très diversifiées. Les critères pris en compte concernent à la fois : _ l'assimilation par les organismes de recherche publics des exigences propres aux industriels. A cet égard ont été notamment évoqués pour la France la faible mobilité entre les secteurs public et privé, le manque d'expertise en ce qui concerne les mécanismes de développement des médicaments ou le cloisonnement des compétences selon les disciplines scientifique, juridique et économique, voire parfois l'ostracisme dont certains groupes ont fait l'objet, sur la base d'un critère de nationalité particulièrement difficile à définir pour certains groupes industriels. _ la « visibilité » des pôles de compétences. Sur ce point, a été déplorée la dispersion de la recherche fondamentale française en biotechnologies, du fait de l'éparpillement des sept génopoles, auxquels il convient désormais d'ajouter les futurs cancéropoles. Mais inversement, la centralisation de la recherche fondamentale française, avec un nombre très limité d'organismes nationaux, contrairement à la multitude des universités nord-américaines, a été présentée comme un avantage, même si la nécessité d'efforts de communication de la part de ces organismes a été soulignée. Plus difficile est l'identification des critères stratégiques retenus pour définir les alliances et les collaborations avec les sociétés de biotechnologies, domaine dans lequel en tout état de cause il convient de distinguer les situations selon que ces sociétés ont été créées par les groupes industriels (spin off) ou pas. Parfois, le recours à une sous-traitance spécialisée se justifie essentiellement par un gain de coût et de temps, sur un créneau qui présente des potentialités (et aussi des risques en termes d'investissements), mais sur lequel le groupe a pris du retard ou n'a pas pris conscience assez tôt des retombées possibles des recherches. SANOFI et AVENTIS n'ont pas adopté une politique uniforme de ce point de vue. Les auditions ont ainsi révélé que, pour SANOFI, le partenariat conclu avec la société IDM dans le domaine de la thérapie cellulaire contre le cancer et le mélanone a constitué une simple opportunité, avec un investissement de 30 millions d'euros, soit à peine 1% des dépenses de R&D du groupe. Pour celui-ci la recherche interne semble privilégiée. A Labège, près de Toulouse, un centre est ainsi dédié aux biotechnologies et les recherches effectuées relèvent en partie du domaine de la recherche fondamentale. La stratégie de rattrapage d'AVENTIS a été plus vigoureuse, en particulier dans le domaine des anticorps, un partenariat ayant été conclu avec la société ImmunoGen aux Etats-Unis et des investissements ayant été réalisés lors de la restructuration du pôle de Francfort pour mettre en place un département « fort » dédié aux anticorps monoclonaux. En ce qui concerne l'implantation des laboratoires privés, différents paramètres sont pris en considération, comme : _ le « niveau scientifique » du pays d'implantation, _ les facilités offertes pour les essais, en particulier leur environnement réglementaire. De ce point de vue, les industriels de la semence entendus ont souligné l'effet très négatif des difficultés rencontrées pour organiser et protéger les essais au champ. Pour les industriels de la pharmacie, l'accent a été mis sur la lenteur des processus d'élaboration des normes, étant considéré que « dans un marché ouvert, tout pays qui tarde à définir des règles claires et respectées risque de subir des délocalisations », ainsi que sur les délais exigés pour les essais cliniques qui constituent un critère de compétitivité, au même titre que la qualité de la recherche clinique. Dans ce dernier domaine, les conditions d'accès aux échantillons sont également prises en compte. _ le marché. Pour les médicaments, l'Europe se situe au troisième rang, derrière les Etats-Unis et le Japon, et la France est mieux placée que l'Allemagne et le Royaume-Uni. A côté de la dimension du marché considéré, sont aussi pris en compte les politiques de santé publique, les prix des médicaments et les restrictions à la vente qui sont des critères jugés « déterminants ». A cet égard, les Etats-Unis offrent aux industriels de la pharmacie des perspectives prometteuses, avec des dépenses en matière de santé en croissance de 17% et une part dans le PIB s'établissant à 13 ou 14% actuellement. Actuellement, les délocalisations dans la R&D profitent essentiellement aux Etats-Unis, plus qu'aux pays en développement ou émergents. Cette attraction résulte de leur avance scientifique, comme de la qualité de leur environnement scientifique, même si les coûts salariaux y sont plus élevés qu'en Europe. « Ce que l'on ne trouve pas ici, on va le chercher ailleurs » ; telle est la logique de la plupart des sociétés industrielles concernées qu'elles appliquent au sein de l'Union européenne, comme à l'extérieur. Lors de la visite organisée en Suisse, l'une des personnes entendues a observé que les biotechnologies, parce que leurs applications permettent de répondre à des besoins essentiels, trouveront les moyens notamment financiers nécessaires à leur développement. Cette vision, finalement très libérale, s'avère aussi très optimiste. Mettre sur le marché un produit issu des biotechnologies nécessite de lourds investissements. Comme nous le verrons ultérieurement, les phases de recherche et développement sont longues et coûteuses ; elles se soldent souvent par des échecs ; la fabrication et la commercialisation doivent aussi respecter des normes ; le produit doit enfin, comme tout autre produit, trouver acheteur. Comment, face à ces différentes contraintes, les acteurs économiques de la biotechnologie réagissent-ils, dans un contexte marqué par de fortes tensions agissant sur ce qu'il est devenu commun d'appeler « l'acceptation sociale »? Des différentes auditions, il est possible de dresser certains constats. En premier lieu, il convient de noter que ce n'est pas parce que le besoin existe, que le marché permettra de développer un produit répondant à ce besoin. L'exemple le plus édifiant à ce propos concerne le domaine de la santé, avec la mise au point de vaccins destinés aux populations des pays pauvres, pour des maladies propres à ces populations. Il est quand même scandaleux qu'au XXIème siècle aucun investissement majeur en R&D n'ait permis de vaincre le paludisme et que seulement 5% des victimes du Sida aient accès à la trithérapie, que de « nouveaux croisés » luttent au nom d'une idéologie floue contre l'amélioration de la synthèse de vitamines ou de micro-nutriments dans le riz. Comment convaincre les investisseurs de financer le développement et la fabrication de tels produits ? Dans tous les exemples précédents, la technologie ne permettra pas seule de résoudre les problèmes posés. Cependant, la France et l'Europe devraient être en pointe pour traiter de la question des transferts de technologie vers les pays du Sud et pour consacrer une partie des financements de la R&D aux problèmes d'énergie, de santé ou de nutrition des pays les moins avancés. La société suisse Berna Biotech, spécialisée dans les vaccins, a ainsi créé une spin off dénommée Pévion pour développer un vaccin contre la malaria, dont le principe repose sur une action visant à augmenter les épitopes neutralisants et diminuer les épitopes immuno-suppressifs et qui utilise la technologie du virosome. La décision d'externalisation a été justifiée par le risque financier d'un tel projet, en dépit de ses capacités techniques. La nouvelle société a bénéficié d'une aide financière de la Commission pour la Technologie et l'Innovation, qui accorde en principe des fonds aux « jeunes pousses » sur la base de critères prenant en compte notamment le « potentiel sur le marché ». Bien que le produit développé ne présente pas, de ce point de vue, « un bon rendement » en raison de l'insolvabilité des acheteurs éventuels, la CTI a retenu le projet en prenant en considération ses aspects culturels, éthiques et sociaux. Mais les exemples de « déshérence » sont multiples dans le domaine sanitaire. Des cas analogues existent aussi dans le domaine alimentaire, où la situation paraît s'être de surcroît profondément dégradée en Europe, notamment au sein des organismes publics et plus encore para-publics de recherche qui ont pourtant un rôle essentiel dans des domaines habituellement délaissés par l'initiative privée. Tel est le cas du CIRAD en France qui mène des recherches agronomiques en collaboration avec les pays en développement, notamment sur le riz ou le manioc. La campagne menée contre le « riz doré », enrichi en vitamines A, dont la dénomination malencontreuse vient de sa couleur (et non du rendement financier attendu), et qui a été mis au point notamment par le Professeur Ingo Potrykus au sein de l'Ecole Polytechnique fédérale de Zurich, ne doit pas à cet égard masquer certaines réalités. Si de grands groupes industriels ont su apprécier l'intérêt commercial d'un tel produit, cette recherche du profit ne saurait occulter les difficultés rencontrées par les organismes de recherche ou les universités pour financer leurs travaux, ni les obstacles inhérents au processus conduisant à transformer un concept en un produit utile économiquement viable. Le « riz doré » a eu la chance d'intéresser des investisseurs ; la même opportunité pourrait se présenter pour d'autres produits, notamment ceux issus des biotechnologies, et destinés à répondre aux besoins spécifiques de populations déshéritées des zones tropicales. Votre rapporteur pense qu'il faut inciter les étudiants et les chercheurs à s'intéresser à ces questions, et que des laboratoires continuent à mener des recherches dans ces domaines. En second lieu, la prise de risque lié à l'innovation, au sein des groupes industriels, reste mesurée, surtout lorsqu'il s'agit d'une innovation biotechnologique, en tout cas en Europe. Si on observe une grande dispersion selon les branches industrielles, avec un taux de dépenses de R&D rapportées au chiffre d'affaires pouvant varier de 18% pour les industries pharmaceutiques à 1,7% pour les industries alimentaires, au sein de chaque secteur, les différences peuvent être importantes selon les entreprises et selon les sous-secteurs industriels. L'industrie pharmaceutique européenne semble avoir désormais pris conscience qu'elle ne peut pas se désintéresser des biotechnologies, mais elle paraît aussi, en règle générale, manquer cruellement de vision stratégique et de politique audacieuse dans ce domaine, à l'exception peut-être de groupes, comme SERONO, dont le développement repose entièrement sur les biotechnologies. Alors que les différentes auditions ont révélé que les grands groupes pharmaceutiques prétendent disposer de la fameuse « masse critique » nécessaire pour supporter les risques inhérents au développement de produits innovants, que l'engagement de plusieurs projets à la fois permet de compenser les échecs de certains par la réussite d'un seul, en réalité, selon l'avis de votre rapporteur, l'état actuel des pipelines et les politiques de partenariat présentées ne constituent guère à ce jour une traduction tangible de telles affirmations. Beaucoup de sociétés de biotechnologie en Europe sont nées des politiques d'abandon conduites par les grands groupes, soit par la mise sous licences ou la vente de licences sur des produits délaissés, soit par la création de spin off, à la suite d'un « recentrage » de l'activité d'un groupe, soit encore par la mise en place de fonds de capital risque pour « amortir » les effets des suppressions d'emplois consécutives à une fusion ou une délocalisation. Certaines d'entre elles se sont bien développées. C'est le cas notamment d'Actélion, créée par des chercheurs de Roche à Bâle précédemment chercheurs à l'INSERM à Nancy, qui ont pris en licence deux produits issus des laboratoires de cette société mais « arrêtés » lorsque celle-ci a délaissé le secteur cardiovasculaire. De tels succès ne doivent pas, toutefois, occulter les difficultés de financement de la plupart des sociétés de biotechnologie européennes dont l'activité est basée sur le développement d'un produit de santé. Dans le domaine alimentaire, le risque économique est moins lié, en tout cas actuellement, aux aléas du processus de développement (mais cette donnée pourrait évoluer très rapidement, tant par l'effet de nouvelles réglementations que par l'aboutissement des recherches en cours sur les produits de nouvelle génération), qu'aux débouchés commerciaux des produits étiquetés « OGM ». La position d'une société telle que Danone sur les OGM est révélatrice du blocage actuel : quel que soit le sujet abordé, lorsqu'une question met en jeu les relations avec les consommateurs et les liens existant entre la science et la consommation, si un doute subsiste dans le domaine scientifique, réglementaire ou pour le consommateur, le groupe s'abstient d'utiliser le produit discuté, alors même qu'aucun indice ne permet de soutenir que ces produits ont une incidence sur la santé du consommateur ! Cette position a été qualifiée de schizophrénique, les scientifiques du groupe étant convaincus que les produits issus de la transgénèse peuvent dans certains cas être meilleurs pour la santé et le développement durable que les produits classiques, mais les agences de notation boursière imposant leur propre vision du développement qui est un développement sans OGM. Certains groupes industriels agro-alimentaires ont ainsi mis en place des politiques de sectorisation pour tenir compte des différences de réglementations et des attitudes de consommateurs selon les zones géographiques. Dans le secteur de l'environnement, le moment d'investir dans de nouveaux procédés issus des biotechnologies ne semble pas encore venu, tant que les consommateurs ne sont pas prêts à payer plus cher une eau de meilleure qualité et que le degré d'exigences des réglementations, dans ce domaine, reste celui qui est le leur actuellement. Néanmoins, de grandes perspectives pourraient s'ouvrir demain dans le secteur de la fabrication d'énergie à partir des plantes, de la valorisation de la biomasse pour obtenir de nouveaux matériaux, de la fixation inversée du carbone à partir du gaz carbonique. Le troisième constat porte sur les limites rencontrées pour financer, par d'autres voies, les biotechnologies, en particulier par le capital risque qui permet de lever des fonds auprès d'investisseurs pour apporter des fonds propres en prenant des participations dans le capital des jeunes entreprises. Alors que l'Europe compte désormais un nombre de sociétés de biotechnologie équivalent à celui des Etats-Unis, soit entre 1 800 et 1 900 sociétés, les Etats-Unis, d'une part, rassemblent 85% des sociétés cotées, avec des montants d'opérations post-introduction en bourse très nettement supérieurs à ceux enregistrés par les sociétés de biotechnologie européennes (plus de 7 fois supérieurs en 2001 et plus de 18 fois supérieurs en 1999) et, d'autre part, attirent un montant de placements au titre du capital risque dans les biotechnologies deux fois plus important qu'en Europe. Les chiffres disponibles dans le domaine du capital risque affecté aux biotechnologies montrent toutefois que l'écart entre les Etats-Unis et l'Europe s'est réduit, alors même que cette technique n'a été introduite en Europe que tardivement68, que cet écart reste plus faible que celui existant entre les montants investis tous secteurs confondus par le capital risque respectivement dans les deux zones géographiques considérées, et enfin que les biotechnologies dans le domaine médical ont, en France en tout cas, plutôt mieux résisté que d'autres secteurs au désengagement consécutif à l'éclatement de la bulle financière en 2001. Néanmoins, le secteur des biotechnologies européen souffre à la fois des faiblesses du dispositif financier européen et de ses propres caractéristiques. Au titre de la première catégorie de difficultés, on peut ranger, outre la dépression ayant affecté ce type de financement depuis 2001, qui n'a d'ailleurs pas épargné les Etats-Unis, l'émiettement des places boursières européennes, lesquelles ne parviennent pas à concurrencer les volumes drainés par le NASDAQ. En mars 2002, seulement six entreprises de biotechnologie étaient placées sur le Nouveau marché français, contre plus de 400 aux Etats-Unis. Tous secteurs confondus, le NASDAQ totalise une capitalisation boursière plus de cinq fois supérieure à l'ensemble des marchés européens de croissance, pour un nombre de sociétés cotées plus de six fois supérieur. Au cours des auditions, le système de collecte de fonds a aussi fait l'objet de certaines critiques, en particulier l'attitude des investisseurs traditionnels tels que les banques. Un interlocuteur suisse a ainsi amèrement constaté que les banques européennes préféraient investir dans les fonds de capital risque de Californie, ce qui aboutit à déplacer des richesses nées en Europe vers les Etats-Unis. D'autres ont déploré les aides publiques excessives distribuées en Allemagne notamment, qui ont créé, dans le secteur européen des biotechnologies un marché fictif. Le secteur des biotechnologies, du moins une partie de celui-ci, présente par ailleurs des caractéristiques propres, difficilement compatibles avec les mécanismes du capital risque. Schématiquement, les projets présentés aux « capital risqueurs » en Europe ne seraient pas assez « mûrs ». Cette affirmation recouvre cependant toute une série de critiques, tant à l'encontre des porteurs de projets, que des investisseurs eux-mêmes. Il y a d'abord un reproche adressé aux divers organismes intervenant lors du transfert technologique ou de la phase d'amorçage ; nous y reviendrons plus en détail ultérieurement. Il y a aussi l'âpre déception de découvrir que la connaissance en elle-même ne génère pas, en tant que telle, d'activités économiques autonomes. Le Professeur Axel KAHN a ainsi constaté que toutes les sociétés de biotechnologie qui ne pouvaient sortir un produit ont rencontré de grandes difficultés et que la connaissance, même excellente, ne permettait pas de « faire des affaires ». Les sociétés de capital risque n'investissent dans des sociétés qui ont largement dépassé la preuve du concept qu'à la condition que le produit présente certaines garanties de rentabilité, en se fondant sur la propriété intellectuelle et un savoir faire exceptionnel. Il y a enfin les aléas liés à la découverte d'un médicament et la durée du processus conduisant à son homologation, qui peuvent contrarier les perspectives de sortie des « capital risqueurs » ou des « capital investisseurs », ainsi que leurs objectifs de valorisation. Le dernier constat porte sur l'appréciation du risque économique par les Etats. Les Etats européens et les instances européennes ont jusqu'à maintenant déployé de grands efforts pour étudier et prévenir les risques que le développement des biotechnologies pourrait représenter pour la santé et l'environnement ; c'était nécessaire. Mais que se passera-t-il si, dans dix, quinze ou vingt ans, les biotechnologies, portées par les progrès qui seront réalisés entre-temps, se révèlent moins nuisibles que d'autres technologies mises en œuvre, voire très bénéfiques ? Quel est alors le risque économique encouru d'un investissement insuffisant dans les biotechnologies, voire d'un abandon des recherches dans certains domaines ? Les controverses actuelles sur les plantes génétiquement modifiées en Europe ne contribuent-elles pas à conforter les géants économiques américains ? Votre rapporteur a toujours été étonné que les manifestations contre les OGM organisées se focalisent sur les 7 hectares d'expérimentations en France alors que des dizaines de millions d'hectares sont plantés aux Etats-Unis ou encore qu'elles prennent plus facilement pour cible LIMAGRAIN que ses concurrents américains. Il serait intéressant de comprendre le processus de décision ayant conduit à déterminer certaines cibles et à élaborer les plans des actions engagées contre ces expérimentations. Une telle analyse fait aujourd'hui cruellement défaut, alors que sont en jeu des notions telles que la souveraineté technologique, la souveraineté sanitaire, la souveraineté alimentaire d'un pays et de l'Union européenne et donc leur capacité à faire prévaloir leurs intérêts, mais aussi leurs valeurs, lors des négociations internationales futures. La question de l'accès aux produits pharmaceutiques dans les pays en développement est largement débattue depuis plusieurs années ; elle ne concerne pas spécifiquement les produits de santé biotechnologiques. Dans ce domaine, la principale interrogation d'ordre spécifique porte semble-t-il sur la capacité de fabrication de tels produits, ce qui pose le double problème de l'exploitation par ces pays des « biogénériques » qui commencent à arriver sur le marché et de l'exploitation de licences obligatoires sur ces produits. S'agissant des « biogénériques », l'ampleur des difficultés ne doit pas être sous estimée. Lors de la mission effectuée en Suisse, ont été ainsi évoqués les obstacles techniques rencontrés par un grand groupe pharmaceutique de renom pour « copier » un produit dont le brevet est arrivé à échéance. En ce qui concerne l'exploitation de licences obligatoires, la résolution, adoptée le 30 août 2003, au sein de l'OMC, et qui permet aux Etats membres disposant d'une capacité de production suffisante de prévoir une licence obligatoire pour la fabrication et l'exportation de produits pharmaceutiques brevetés, peut constituer une solution intéressante. En Suisse d'ailleurs, il est actuellement envisagé d'introduire une licence obligatoire pour l'exportation de produits pharmaceutiques69, en particulier des vaccins. Le potentiel offert par les produits de santé issus des biotechnologies a par ailleurs conduit un certain nombre de pays émergents, tels que la Chine, la Corée et l'Inde à développer une recherche de bon niveau dans ce domaine, dont les résultats sont déjà perceptibles, avec une augmentation sensible des brevets déposés. S'agissant des biotechnologies végétales, leur développement dans les pays en voie de développement reste un sujet très controversé70 ; les débats se poursuivent et les parties opposées s'affrontent, tant au sein des pays développés, qu'entre les pays en voie de développement71 mais aussi à l'intérieur de ceux-ci, comme en témoignent, par exemple, les réactions suscitées au Brésil par la décision de légalisation provisoire des productions de soja génétiquement modifié. En tout état de cause, il appartient aux Etats concernés de prendre les décisions qu'ils jugent les plus appropriées à leur situation. Comment dès lors ne pas empêcher certains pays en voie de développement de s'engager dans une voie qui leur semblerait bénéfique, que celle-ci conduise à un développement de l'utilisation des biotechnologies ou qu'elle emprunte une direction opposée ? La double question de l'accès aux nouvelles technologies et des débouchés offerts aux produits issus de celles-ci reste posée. S'agissant de l'accès, différentes solutions ont été évoquées, comme celles s'inspirant des mécanismes mis en place pour les médicaments, le renforcement de la recherche publique, dans les pays développés et dans les pays en voie de développement, par des aides nationales et internationales appropriées, ou encore, l'engagement des entreprises privées, sur la base du mécénat ou dans le cadre de partenariats. En ce qui concerne les débouchés, le problème posé par l'existence, dans les pays importateurs, de réglementations sur la sécurité, la traçabilité et l'étiquetage devrait être résolu de façon équilibrée, afin de concilier les exigences légitimes des uns et la capacité des autres à les satisfaire. Il est essentiel que les pays du Nord, dans leurs travaux de recherche, prennent en considération les besoins des pays du Sud. De ce point de vue, la résistance aux herbicides72 ne constitue pas une priorité, même si elle peut présenter des avantages. La lutte contre les stress abiotiques - notamment la sècheresse et la salinité -, la suppression des facteurs allergènes et la valorisation nutritionnelle constituent ainsi des axes de recherche importants qui mériteraient d'être davantage développés. Non seulement de nouvelles fonctionnalités doivent être recherchées, mais le champ des études doit être élargi aux plantes destinées à la consommation locale73, sachant que l'analyse des risques doit aussi prendre en compte les caractéristiques locales. Ces travaux de recherche ne seront pas pris en charge par les entreprises privées des pays du Nord, sauf si elles peuvent en retirer un bénéfice suffisant ou accéder aux ressources génétiques locales. Ces préoccupations doivent donc être intégrées dans les objectifs des organismes de recherche publique des pays développés, agissant en collaboration avec les chercheurs des pays en développement qui exercent dans des structures publiques ou privées. Parce que les biotechnologies sont appelées à couvrir de multiples domaines d'application, leur développement reste lié aux réglementations encadrant et régissant chaque domaine (produits de santé, produits alimentaires, cosmétiques, semences...), tout au long du processus, de la recherche jusqu'à la commercialisation, en passant par le développement et la production74. Des dispositifs de « biovigilance » ont par ailleurs été créés75, mais votre rapporteur a pu constater qu'ils fonctionnaient mal. Ces réglementations reposent sur de légitimes préoccupations : le respect de l'ordre public, la protection de la santé et, plus récemment, la protection de l'environnement. Il s'agit d'instruments utiles dont les pouvoirs publics se sont dotés pour garantir aux individus le respect de leurs droits fondamentaux et que certains Etats tentent d'imposer à l'échelle internationale. Mais les effets de ces réglementations ne sont pas neutres sur le plan économique. C'est d'ailleurs pourquoi, une grande partie d'entre elles sont progressivement entrées dans les compétences de l'Union européenne et que toute harmonisation est âprement discutée au niveau international. Le coût des procédures, comme leur complexité qui rend nécessaire l'appui de services spécialisés, constituent désormais des barrières pour ceux, petites entreprises ou structures de valorisation, qui tentent de pénétrer sur le marché. Un autre effet d'une multiplication des exigences techniques réside dans la confrontation de points de vue scientifiques divergents, émanant d'experts et de chercheurs, publics ou privés, parfois tour à tour contrôleurs et contrôlés. a) Les interdictions relevant de l'ordre juridique général : cellules souches, brevets, bases de données et protection des animaux Au cours des différentes auditions organisées, plusieurs thèmes ont été abordés, soit pour regretter les limites posées au développement de la recherche, soit pour souligner l'intérêt de telles limites. Le débat qui s'est clos en juillet dernier, par l'adoption définitive de la loi relative à la bioéthique, a permis de prendre connaissance des différentes positions exprimées en France sur la plupart de ces questions. Il n'est pas inutile cependant de retracer la situation existant dans les pays visités, étant précisé toutefois que les considérations ici retracées reflètent nécessairement le « panel », restreint et donc non représentatif, des personnes entendues. L'utilisation des cellules souches embryonnaires humaines a constitué un sujet constant de préoccupation sans faire l'objet d'un véritable consensus. La plupart des Etats poursuivent leurs réflexions à ce sujet. En fait, cette question recouvre des problèmes diversement traités, celui lié à l'importation de cellules souches embryonnaires à des fins de recherche, celui de l'utilisation des embryons surnuméraires, celui de la création par transfert de noyau de cellules souches embryonnaires à des fins de recherche, celui enfin du clonage thérapeutique, étant observé que le clonage dit reproductif, lui, est totalement prohibé. L'importation de cellules souches embryonnaires, pour éviter d'édicter une législation nationale, est de l'avis de votre rapporteur totalement hypocrite. C'est parfois à l'occasion de l'examen d'une demande d'importation de ce type que la question de l'utilisation de cellules souches embryonnaires a été posée de façon plus large. Tel est le cas de la Suisse, où une loi a été votée et devait être suivie d'un referendum en novembre 2004; elle est susceptible d'être révisée dans quelques années, à l'occasion de l'examen de nouvelles dispositions en préparation sur la recherche biomédicale. En Allemagne une loi spéciale a été adoptée il y a trois ans pour permettre la recherche sur des embryons importés avant une certaine date. Dans certains pays, l'ouverture de possibilités de recherches sur les embryons surnuméraires est en cours ou a été décidée. Au Japon, le Conseil national de bioéthique a proposé d'ouvrir la voie de l'utilisation des embryons « normaux » pour effectuer des recherches sur les cellules souches, en recourant exclusivement aux embryons surnuméraires, lesquels sont destinés à être détruits, et en écartant la possibilité de faire naître un être humain. Sur la base de ce rapport, le MEXT (Ministre de la science et de la technologie au Japon) a élaboré une directive en définissant une procédure très stricte d'autorisation et en créant une commission pour examiner les projets de recherche sur ces cellules, ainsi qu'un comité d'éthique au sein de chaque organisme de recherche. Depuis la mise en place de cette commission, en 2001, et jusqu'en novembre 2003, 7 ou 8 projets d'utilisation de cellules souches embryonnaires, importées d'universités américaines et australiennes, ont été examinés. En Suisse, où le diagnostic préimplantatoire est actuellement interdit et où, depuis 2002, la congélation d'embryons surnuméraires est interdite, la récente loi votée a autorisé la constitution de lignées cellulaires de cellules souches embryonnaires à partir des embryons surnuméraires de fertilisation in vitro dans la limite de sept jours. En Allemagne, le droit en vigueur, notamment la loi sur la protection de l'embryon, semble interdire ce genre de recherches, mais un débat s'est engagé en Allemagne sur la notion d'embryon, l'opinion majoritaire considérant que son existence résulte de la fusion de l'ovule et du spermatozoïde, tandis que pour d'autres, le point de départ est la nidation de l'ovule dans l'utérus. Si la première interprétation est retenue, toute recherche sur l'embryon serait totalement exclue en Allemagne. S'agissant du clonage, au Japon, sur la base d'un premier rapport rendu par le Conseil national de bioéthique sur le clonage thérapeutique et reproductif, une loi a été adoptée, qui interdit le clonage reproductif, établit une liste de neuf sortes « d'embryons » artificiellement créés, en permettant qu'une seule de ces neuf techniques puisse être utilisée pour faire des recherches et créer des organes à transplanter ; cette technique consiste à créer un « embryon » à partir d'un ovocyte animal énucléé, avec transfert d'un noyau humain. En avril 2003, une équipe de l'université de Kyoto a envisagé de créer des cellules souches embryonnaires, en se déclarant prête à en fournir aux instituts de recherche. Le Conseil national de bioéthique japonais mène actuellement une réflexion sur le statut de l'embryon, susceptible de conduire soit à l'interdiction, soit à l'autorisation du clonage thérapeutique, reposant sur l'utilisation d'ovocytes humains, soit à édicter un moratoire, compte tenu du contexte scientifique actuel qui, selon le Professeur Ryuichi IDA, ne permet pas de connaître les possibilités réelles de cette technique, pour le traitement des maladies. Il a par ailleurs souligné les risques liés au clonage thérapeutique qui ne constitue qu'une phase préalable au clonage reproductif, lequel peut être réalisé par simple réimplantation dans l'utérus et estimé que ces risques étaient trop importants par rapport aux bénéfices médicaux, encore très hypothétiques, résultant d'un clonage thérapeutique. Les conditions de brevetabilité des inventions biotechnologiques ont constitué un autre sujet souvent abordé. Ce domaine reste encore très controversé, et ne se limite pas à la question des brevets relatifs aux séquences géniques et aux séquences partielles de gènes isolés du corps humain. Selon l'Office japonais des brevets, les inventions biotechnologiques couvrent actuellement les technologies de base, les analyses des génomes, les médicaments recombinants, les plantes et animaux transgéniques, les procédés d'analyse et de diagnostic, la thérapie génique (facteurs et non méthodes), les puces à ADN et les animaux clonés. Aux termes de la Convention sur le brevet européen (CBE), sont des inventions biotechnologiques, des inventions qui portent sur un produit composé de matière biologique ou en contenant, ou sur un procédé permettant de produire, de traiter ou d'utiliser de la matière biologique, celle-ci étant définie comme toute matière contenant des informations génétiques et qui est autoreproductible ou reproductible dans un système biologique. La directive européenne de 1998 sur les inventions biotechnologiques traite de la brevetabilité d'un « élément du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène ». Le développement des biotechnologies conduit tout d'abord à s'interroger sur la portée des exclusions et exceptions à la brevetabilité. S'agissant des exclusions, et si l'on se réfère à la CBE, les notions de « découvertes scientifiques », de « méthode de traitement chirurgical et thérapeutique du corps humain ou animal », de « méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal », de « variétés végétales ou de races animales », placées hors du champ de la brevetabilité, se révèlent ambiguës. Une partie des interrogations portant sur la pertinence de la brevetabilité de certaines inventions biotechnologiques reposent ainsi notamment sur l'assimilation de telles « inventions » à de simples découvertes scientifiques ou sur l'application thérapeutique ou diagnostique qui en découle, même si la brevetabilité du médicament est depuis longtemps admise76. Les exceptions, notamment celles relatives aux inventions contraires à l'ordre public et aux bonnes mœurs, ont par ailleurs dû, avec le développement des biotechnologies, être précisées au niveau européen (exclusion des procédés de clonage des êtres humains, des procédés de modification de l'identité génétique germinale de l'être humain, de l'utilisation d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales, de la modification de l'identité génétique des animaux en cas de souffrance sans utilité médicale substantielle pour l'homme ou l'animal). Le Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies de la Commission européenne a ainsi émis divers avis sur la brevetabilité, notamment en 1993, sur les inventions biotechnologiques, en 1996 sur la brevetabilité des inventions portant sur des éléments d'origine humaine et en 2002 sur la brevetabilité des inventions impliquant des cellules souches humaines77. Pour sa part, l'Office japonais des brevets considère que les éléments du corps humain, les gènes, les protéines, les tissus sont brevetables, comme les composés chimiques ; il en est de même des cellules souches embryonnaires ; l'utilisation des embryons humains dans un but thérapeutique est également brevetable ; le clonage de primates excluant l'homme est brevetable, mais en revanche le clonage humain n'est pas brevetable, car contraire à l'ordre public, une loi de novembre 2001 l'ayant explicitement interdit. Depuis l'émergence des biotechnologies on assiste ainsi à une suite de tâtonnements dans ce domaine, en ce qui concerne tant la détermination des éléments brevetables, que l'examen des conditions de brevetabilité. La transposition récente par la France de la directive européenne de 1998, dont le processus d'élaboration s'est étalé sur dix années, ne permet pas de considérer que le débat sur la brevetabilité du gène soit définitivement clos. Lors de la visite effectuée en Allemagne, en octobre 2003, a été annoncé le projet de loi gouvernemental en vertu duquel l'application industrielle d'une séquence ou d'une séquence partielle d'un gène doit être correctement exposée dans la demande de brevet avec indication de la fonction exercée par cette séquence ou séquence partielle, la fonction constituant ainsi le critère décisif pour l'examinateur, étant par ailleurs observé qu'en vertu du principe de protection absolue, la protection par brevet des produits portant sur des gènes couvre toutes les applications et les inventions dépendantes sont soumises à des licences obligatoires, avec paiement de redevances. En Suisse, des travaux ont été engagés pour restreindre la portée des brevets dans ce domaine, en distinguant le gène et la fonction brevetée et en précisant les exemptions au bénéfice de la recherche. L'une des propositions émanant de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle consiste à limiter la protection par brevet pour les séquences et séquences partielles de gènes aux propriétés et applications décrites explicitement dans les demandes de brevet et opte ainsi pour une protection ciblée, en se basant notamment sur la multifonctionnalité des gènes (40% des gènes codent pour plus d'une protéine). Il est aussi envisagé d'ancrer dans la loi le « privilège de la recherche », en autorisant les recherches scientifiques effectuées sur l'objet d'une invention, même en l'absence d'accord du titulaire du brevet et en prévoyant, lorsque l'outil de recherche fait lui-même l'objet d'une protection par brevet, le recours à des licences non exclusives d'utilisation. La voie Suisse pourrait ainsi constituer le juste équilibre entre la non patrimonialité du vivant et la rémunération de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, les offices européen, japonais et américain se rapprochent et des évolutions sont en cours. Ainsi, pour ce qui concerne les gènes, l'Office européen des brevets a indiqué qu'un consensus se dégageait pour exiger une fonction spécifique, substantielle et crédible. Les autorités américaines ont d'ailleurs adopté des directives plus sévères en 2001. De même l'Office japonais des brevets a précisé que les discussions trilatérales entre les trois offices avaient porté en 1999-2000 sur les fonctions présumées reposant sur des méthodes comparatives. L'analyse des positions respectives des trois offices avait alors révélé la position moins stricte des Etats-Unis. Dans le cas d'homologies faibles (découverte d'un gène ayant une faible homologie avec un gène connu et dont la fonction est présumée identique à celle du gène connu), si aucun office n'avait accepté le caractère utile de « l'invention » et donc si tous refusaient la brevetabilité dans ce cas, des divergences apparaissaient au niveau de l'appréciation du degré d'inventivité (l'EPO refusait, l'USPTO acceptait et le JPO examinait au cas par cas). En revanche, dans le cas d'une forte homologie, l'utilité était reconnue par tous, mais des divergences existaient au niveau de l'appréciation du degré d'inventivité et donc de la brevetabilité, l'USPTO l'acceptant, tandis que l'EPO et le JPO la refusant. L'Office japonais a ainsi précisé que trois types de demandes de brevets existent actuellement : sur les séquences de gènes, sur la fonction présumée du gène et sur sa fonction confirmée, ces demandes étant examinées par ledit office, en se fondant sur plusieurs concepts : _ premier type : la séquence est déterminée (à l'aide d'un séquenceur) ; cette découverte ne peut pas faire l'objet d'un brevet, mais doit faire l'objet d'une publication auprès de tous les chercheurs, _ deuxième type : la fonction présumée a été identifiée (à l'aide d'un ordinateur) ; en principe, le gène (dont la séquence est déterminée et la fonction présumée identifiée) n'est pas brevetable ; mais si l'homologie repose sur des données nombreuses issues de méthodes autres que la comparaison automatique des séquences (ou si l'homologie est très forte), le bureau peut accepter la brevetabilité, _ troisième type : la fonction est analysée et déterminée par des méthodes expérimentales, la séquence et la fonction nettement identifiée peuvent faire l'objet d'un brevet. Les discussions trilatérales entre les trois offices ont abordé la question de la structure tridimensionnelle des protéines en 2002. Il reste très difficile d'apprécier les effets des différentes réglementations relatives à la brevetabilité, tant en ce qui concerne la pratique des déposants que s'agissant de leurs incidences sur la recherche et l'économie. Le dépôt de brevets dans le domaine des biotechnologies a en tout cas une dimension internationale très marquée, comme le montrent les tableaux suivants établis à partir de données fournies par l'Office japonais qui a observé que le Japon était « importateur » de brevets, tandis que, pour les Etats-Unis et l'Europe, le rapport « importations/exportations » était plus équilibré. Nombre de brevets enregistrés au Japon, aux Etats-Unis et en Europe dans le domaine des biotechnologies (1997) Flux
Nombre de brevets demandés au Japon, aux Etats-Unis et en Europe dans le domaine des biotechnologies (1991-2000) Flux
L'analyse des dépôts dans le domaine des biotechnologies, tous offices confondus, sur la période 1980-2000 fait apparaître les évolutions suivantes : _ Globalement, toutes nationalités confondues, le nombre des demandes en 2000 est 7 fois plus important que celui constaté en 1980. Trois périodes peuvent être identifiées : de 1980 à 1989, la croissance est régulière et en 1989 le nombre de demandes est 3 fois plus élevé qu'en 1980 ; de 1989 à 1992, le nombre de demandes est à peu près constant, avec une légère baisse en 1991 ; à partir de 1993, les augmentations redeviennent régulières et même s'accélèrent dès 1995, le nombre de demandes constaté en 2000 étant plus de deux fois plus important que celui enregistré en 1993. _ La prédominance américaine intervient dès 1990, année à partir de laquelle les demandes américaines dépassent en nombre celles des autres nations ou groupes de nations, avec une avance qui ne cesse de se creuser, à tel point qu'en 2000, le nombre des demandes américaines atteint pratiquement le double de celui revenant au Japon, à l'Europe ou à la Chine. _ A partir de 1999, la Chine prend une place significative et en 2000 le nombre des demandes chinoises dépasse celui constaté pour le Japon ou l'Europe, étant précisé que les demandes sont pour la plupart déposées en Chine. _ Pour les pays européens (entendus au sens large), la progression a été régulière et en 2000 le nombre de demandes est 6 fois plus important que celui constaté 20 ans plus tôt. En termes relatifs, ces pays ont rattrapé leur retard vis-à-vis du Japon à partir des années 1990 ; auparavant, le nombre de demandes européennes représentait la moitié du nombre de demandes japonaises et en 1997, ces nombres ont été équivalents, l'Europe devançant légèrement le Japon ensuite. _ Le Japon a été prédominant jusqu'en 1990, année à partir de laquelle les américains l'ont devancé et depuis, le nombre annuel de demandes japonaises stagne. L'examen des statuts des déposants, dans le domaine des biotechnologies, tous offices confondus, révèle à la fois des évolutions dans le temps et des variations selon les nationalités : Année 1991
Année 2000
On constate que le poids des organisations académiques et publiques (sous réserve que cette notion recouvre une même réalité) s'est renforcé au Japon et en Europe, grâce aux efforts menés par les pays concernés et a régressé aux Etats-Unis. De ce point de vue, en 2000, les situations des différentes régions sont devenues relativement similaires. Le poids des grandes compagnies est resté dominant au Japon et en Europe, même s'il s'est amenuisé. Les Etats-Unis ont connu une tendance régressive analogue, mais elle s'est appliquée à une situation où la place des grandes compagnies n'était pas prédominante. L'augmentation de la part revenant aux jeunes pousses qui était presque inexistante au Japon et très modeste en Europe est restée faible dans ces deux régions (gain de 2 ou de 3 points). En revanche, aux Etats-Unis, leur place est devenue très importante (gain de 25 points, alors qu'en 1991 les jeunes pousses représentaient déjà 20% des dépôts). En février 2003, l'Institut fédéral suisse de la propriété intellectuelle a interrogé, sur la base d'un questionnaire, les chercheurs des organismes publics, les grandes entreprises et les sociétés de biotechnologie constituées sous forme de PME, sur les effets des brevets dits génétiques et sur les améliorations souhaitables. Les positions des uns et des autres varient sensiblement. Ainsi, par exemple, en ce qui concerne l'institution d'un « délai de grâce »81 pour régler le problème des publications, si les institutions académiques y sont favorables, les industriels y sont opposés. Les conclusions de cette étude restent nuancées. Quelques difficultés ont été identifiées comme la forte dépendance aux brevets antérieurs, l'existence de brevets limitant l'accès à des technologies et les freins représentés par le foisonnement de brevets comme par les chevauchements d'étendues de protection, les instituts de recherche ayant par ailleurs relevé un niveau médiocre d'expertise parmi leurs employés dans le domaine des brevets. Les participants à l'enquête ont considéré que de larges dérogations en faveur de la recherche et une limitation de l'étendue de protection des brevets sur l'ADN à l'utilité spécifique exposée dans la demande constituerait une solution possible aux problèmes posés. Ils ont estimé qu'une protection absolue entraverait tant la recherche que les développements futurs et considéré que l'indication de la fonction du gène breveté dans la demande permettrait de limiter les revendications. Néanmoins, les grandes compagnies ne pensent pas qu'une limitation de l'étendue de protection leur soit réellement nécessaire. Les conditions de création et d'accès aux « biobanques » Au japon, il est envisagé, sur le modèle britannique, de constituer un centre de ressources biologiques. En 2001, l'OCDE a consacré un rapport à cette question82, dans la perspective d'une mise en réseau des différents centres, pour diminuer les coûts et les redondances tout en en garantissant la qualité. Partant du constat du développement des recherches en post-génomique, de l'accroissement prévisible des coûts de gestion des bases (2 500 à 3 000 dollars pour une bactérie, soit un coût d'acquisition et de conception de 9 milliards de dollars pour les 3 millions de bactéries restant à isoler), des insuffisances de nombreuses législations nationales en matière éthique et de l'absence de normes d'assurance qualité, le document plaide pour l'élaboration de règles internationales et un développement de la coopération dans ce domaine. En 2003, le Comité consultatif national d'éthique français a consacré un avis sur les « problèmes éthiques posés par les collections de matériel biologique et les données d'information associées (« biobanques » ou « biothèques ») », en soulignant l'inadaptation du cadre juridique actuel, notamment en ce qui concerne « le problème crucial » de l'accès et en évoquant l'élaboration d'un statut de « bibliothécaire », compte tenu de l'intérêt que représentent désormais ces collections pour la recherche, des coûts de maintenance et des perspectives d'une collaboration internationale renforcée dans ce domaine. Ces collections d'échantillons et de données ont, avec le développement de la recherche génétique, pris de la « valeur ». Des brevets sont parfois déposés sur les résultats de recherches fondées sur ces banques ; dans le cadre des essais cliniques, elles permettent de tester des médicaments ; elles permettent aussi de rechercher des « cibles thérapeutiques » pour notamment la mise au point de nouveaux traitements. L'accès à ces collections est ainsi devenu un enjeu important pour les laboratoires privés, dont certains ont créé leurs propres banques, et pour la recherche publique aussi, dans la mesure où, comme le notait le CCNE, « les laboratoires privés ont tendance à garder « leurs » ressources biologiques et leurs banques de données pour leur propre usage, pour orienter l'étude génétique vers les maladies les plus rentables ». La constitution ou la multiplication de telles bases conduisent ainsi certains gouvernements à définir ou renforcer les règles de protection des personnes, tant en ce qui concerne la collecte des échantillons et des données que leur utilisation, ces règles étant, en France, définies par le code civil, le code de la santé publique et la loi « informatique et libertés », tandis que le développement des échanges transnationaux et la valorisation croissante de ces bases soulèvent de nouvelles interrogations juridiques et éthiques dans les pays où une réglementation protectrice a été mise en place au niveau national, comme dans ceux, comme la France, où le principe d'indisponibilité du corps humain est affirmé. Votre rapporteur est favorable à la création de biobanques mais souhaite que la loi précise mieux le droit à l'intimité génétique, limitant strictement l'accès à des données individuelles du génome à certains cas bien définis et réglementant les échanges internationaux de données génétiques, stipulant comme en Afrique du Sud, les dividendes à reverser aux pays qui ont fourni les ressources ou données biologiques. Le développement des biotechnologies doit enfin tenir compte des réglementations édictées en matière de protection des animaux qui, dans certains pays, comme le Royaume-Uni notamment, constitue une préoccupation éthique importante, tandis que le clonage y est autorisé. Votre rapporteur demande d'ores et déjà une révision de la directive européenne de 1998, ainsi que la mise en place d'une procédure de suivi destinée à identifier les effets concrets des nouvelles dispositions. b) Les réglementations relatives à la production, à la commercialisation et à la circulation de certains produits issus des biotechnologies Un corps de règles s'est mis progressivement en place pour prévenir les risques réels et potentiels liés aux activités biotechnologiques. Certaines sont spécifiques à ce type d'activités et concernent essentiellement les activités mettant en œuvre des organismes génétiquement modifiés. Dans ce domaine, des efforts considérables ont été déployés au niveau communautaire pour à la fois assurer une sécurité optimale et harmoniser les réglementations nationales, sans toutefois parvenir à ce jour à une complète uniformité, tandis qu'au niveau international, le cheminement juridique reste balbutiant. Nous allons consacrer un chapitre à la question des OGM mais nous avons voulu rappeler dans ce paragraphe le corpus législatif et résumer les problèmes posés. La mise en œuvre en milieu confiné d'OGM constitue le premier objet de cette réglementation. Dès les premiers développements des biotechnologies modernes, les Etats se sont dotés de dispositifs visant à garantir la sécurité des personnels appelés à intervenir dans le processus de production et à éviter la « dissémination » d'agents susceptibles de présenter certains risques pour la santé et pour l'environnement. En Europe, cette réglementation a tout d'abord reposé sur la directive 90/219/CEE83, qui s'appuyait sur les connaissances scientifiques disponibles au début des années 80 et sur l'expérience pratique limitée que l'on avait alors de l'utilisation des micro-organismes génétiquement modifiés dans les applications industrielles. Pour tenir compte de l'approfondissement des connaissances dans ce domaine et de la plus grande maîtrise de la technologie mise en œuvre, une nouvelle directive 98/81/CE84 (qui devait être transposée dans le droit national avant le 5 juin 2000) a profondément révisé la précédente, en supprimant les critères précédemment applicables pour la classification des MGM et le classement des opérations en fonction de leur objectif et de leur échelle, en adaptant les procédures administratives au risque et en introduisant des dérogations pour les MGM qui ne présentent pas de risque pour la santé humaine, ni pour l'environnement. Dans son rapport sur l'expérience tirée de l'application de la directive 90/210/CEE, la Commission souligne ainsi qu'il « est impératif que les progrès technologiques et que les avancées scientifiques à venir soient pris en compte dans le processus de réglementation »85. Les législations et les pratiques des Etats européens restent encore disparates, comme le montrent les éléments contenus dans le rapport précité de la Commission et qui porte sur la période 1996-199986. En France, la transposition de la directive de 1990 est intervenue lors de l'adoption de la loi du 13 juillet 1992. Le dispositif français actuel repose sur la distinction entre les installations mettant en œuvre des OGM dans des processus de production industrielle ou commerciale, qui sont soumises à la réglementation des installations classées et l'utilisation confinée d'OGM à des fins de recherche, de développement ou d'enseignement. Depuis un décret du 21 septembre 1977, la mise en œuvre d'OGM à des fins de production industrielle ou commerciale est soumise à un régime d'agrément87, la Commission de Génie Génétique, créée par un décret du 1er mai 1989, étant obligatoirement consultée. Il en va de même des conditions d'utilisation confinée d'OGM en recherche, développement ou enseignement, qui sont aussi soumises à une procédure d'agrément par le Ministre chargé de la recherche. La Commission de Génie Génétique, qui est aux termes de la loi de 1992, chargée d'évaluer les dangers et les risques présents ou potentiels, propose des mesures de confinement pour les prévenir. Des normes ont été établies pour le confinement, selon une classification en quatre niveaux qui décrit des contraintes de niveau croissant, tant en ce qui concerne les pratiques de travail, l'équipement de confinement , l'agencement des locaux. Cette classification prend en compte la classe de risque en fonction de divers paramètres tels que la nature des organismes donneurs et receveurs et des vecteurs utilisés. Des règles ont été ainsi établies par la CGG pour chaque type d'utilisation confinée (utilisation d'OGM en laboratoires de recherche, utilisation d'OGM en milieu industriel, confinements pour animaux transgéniques, confinements pour les plantes transgéniques, administration d'OGM à des fins thérapeutiques ou vaccinales). Ainsi, par exemple, le confinement de niveau 1 pour un laboratoire est souhaité pour un laboratoire utilisant des micro-organismes de classe 1 (n'ayant aucun pouvoir pathogène pour l'homme et ne constituant pas une menace pour l'environnement), celui de niveau 2, dans le cas d'une utilisation de micro-organismes de classe 2 (qui peuvent provoquer des maladies chez l'homme mais dont la dissémination dans l'environnement est peu probable, qui sont sans risque pour la collectivité et contre lesquels une prophylaxie ou des traitements efficaces sont connus), les micro-organismes de classe 3 sont quant à eux caractérisés par un pouvoir pathogène important chez l'homme mais présentent un risque mineur pour la collectivité et contre lesquels une prophylaxie ou des traitements efficaces sont connus et ceux de classe 4 par un très fort pouvoir pathogène chez l'homme tout en représentant une menace pour la collectivité et contre lesquels aucune prophylaxie ou traitement efficace sont connus. De même, pour les serres de confinement, le classement d'une expérience dépend de la plante transgénique (espèce végétale et transgène) mais aussi de l'environnement dans lequel vit la plante (confinement plus strict lorsque les vecteurs naturels du pollen et des graines, comme les insectes par exemple, des plantes transgéniques se trouvent à proximité du local expérimental ou lorsque des plantes sexuellement compatibles avec les espèces transgéniques sont présentes au voisinage). Le classement définit quatre types de confinements (type S1, basé sur le contrôle de la dissémination du pollen - essentiellement pour les plantes dont les graines ne survivent pas à l'hiver en France- ; type S2, reposant sur le contrôle de la dissémination du pollen et le contrôle de la dissémination des graines - essentiellement pour les plantes dont les graines survivent au froid, ainsi qu'à d'autres conditions adverses ; type S3, fondé sur le contrôle de la dissémination du pollen et des graines, le contrôle des insectes vecteurs de virus, le contrôle de certains micro-organismes ; type S4, pour le contrôle de toutes les possibilités de dissémination, lorsque la plante ou le gène sont suspectés de présenter des risques potentiels importants). Pour la thérapie génique, les classements sont effectués au cas par cas en fonction du vecteur, du matériel génétique transporté, de la voie et de la technique d'administration. La « dissémination volontaire d'OGM » constitue un deuxième pan complémentaire de la réglementation. La notion de dissémination volontaire, contenue dans le titre même de la directive, s'est révélée, au vu des controverses qui ont suivi, maladroite et il eut été préférable de retenir la notion d'expérimentation en plein champ. Au niveau communautaire, la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil, est entrée en vigueur le 17 octobre 200288. Faisant référence au principe de précaution, elle pose le principe d'une évaluation89 préalable au cas par cas, définit une méthodologie commune d'évaluation des risques pour l'environnement, basée sur la consultation de scientifiques indépendants et un objectif commun pour la surveillance des OGM après leur dissémination volontaire ou leur mise sur le marché, et pose le principe de la consultation du public dans le processus d'autorisation. Elle prévoit une élimination progressive des marqueurs résistants aux antibiotiques, mais souligne l'intérêt de poursuivre les recherches, en insistant sur la nécessité de mener des recherches systématiques et indépendantes sur les risques potentiels, en observant que la dissémination volontaire d'OGM au stade de la recherche est dans la plupart des cas une démarche nécessaire dans la mise au point de nouveaux produits dérivés d'OGM ou en contenant et en posant le principe de la réalisation « d'essais sur le terrain » pour obtenir une AMM. La directive opère une distinction entre, d'une part (partie B), la dissémination volontaire d'OGM à toute autre fin que la mise sur le marché (disséminations expérimentales en R&D), qui est soumise à des procédures nationales et différenciées et, d'autre part (partie C), la mise sur le marché en tant que produit et élément de produit, qui relève de politiques sectorielles. La partie B n'est pas applicable aux médicaments à usage humain ou vétérinaire, ni la partie C, sous réserve de l'application de dispositions équivalentes, pour prévenir les risques pour l'environnement. La directive annonce que la Commission émettra des propositions sur la responsabilité environnementale couvrant également les dommages causés par les OGM. Lors de leur audition, les représentants d'ORGANIBIO90 ont indiqué qu'ils étaient favorables à la transposition intégrale de la directive, avec en particulier la conservation du principe de législations sectorielles, selon les secteurs économiques d'activité (semences, aliments, médicaments), le maintien de la distinction entre d'une part, la dissémination volontaire à d'autres fins que la commercialisation (partie B), soumise à des procédures nationales et, d'autre part, les autorisations de mise sur le marché relevant d'une procédure européenne, ainsi que la sauvegarde de procédures simplifiées. Les procédures d'autorisation nationales actuelles suscitent une série d'interrogations qui n'ont pas à ce jour reçu en France91 de réponses satisfaisantes. S'agissant des expérimentations en plein champ de plantes génétiquement modifiées, la situation française est particulièrement préoccupante, les procédures d'autorisation restant peu transparentes, donc contestées92. Le rapport établi à la suite du débat sur les OGM et les essais au champ qui s'était déroulé les 4 et 5 février 2002 au Conseil économique et social garde aujourd'hui toute sa pertinence, tant en ce qui concerne son analyse des conditions dans lesquelles peuvent être justifiées des expérimentations au champ, notamment au regard des enseignements tirés des études en milieu confiné, que ses observations sur la procédure d'autorisation, qui ignore les élus locaux et n'a pas permis d'assurer à la Commission du génie biomoléculaire une légitimité suffisante. Il a aussi mis en évidence les difficultés actuelles liées à une gestion préventive au cas par cas, dans le cadre des essais, des risques de dissémination, dont les conséquences peuvent être non seulement sanitaires et environnementales, mais aussi économiques, eu égard aux seuils réglementaires de présence fortuite définis au niveau communautaire. Cette question rend nécessaire de mieux expliciter les conditions d'autorisation pour la détermination des lieux d'implantation afin de régler dans les meilleures conditions possibles la coexistence d'essais et de cultures avoisinantes en prenant en compte non seulement la présence de telles cultures mais aussi leur nature, conventionnelle ou biologique, ainsi que les caractères des plantes cultivées et pour la détermination des distances d'espacement et des autres mesures de « confinement » telles que les barrières polliniques. La nécessité de mettre au point des protocoles de suivi pour les autorisations pluriannuelles et des contrôles prolongés du terrain et de l'environnement après les essais avait aussi été soulignée. Pour les essais de thérapie génique, l'Agence Française de la Sécurité Sanitaire des Produits de Santé fonctionne comme « un guichet unique » et les autorisations prennent en compte les avis de la Commission du Génie Génétique qui détermine la classe de risque et le niveau de confinement des différents OGM, de la Commission du Génie biomoléculaire qui évalue le risque de dissémination dans l'environnement et précise la durée de confinement minimum à respecter et des groupes de travail de l'AFSSAPS (sécurité virale, qualité pharmaceutique du produit, pré-requis pharmaco-toxicologiques, protocole clinique). « La phase ambulatoire du traitement est assimilée à une « dissémination volontaire » d'OGM et l'autorisation de passer de la phase confinée à la phase ambulatoire est donnée lorsque le sujet n'est plus considéré comme une source d'OGM qu'il serait susceptible de disséminer sans contrôle dans l'environnement. Dans tous les cas, cette décision nécessite un avis de la Commission du Génie Biomoléculaire et un avis de la CGC »93. La mise sur le marché forme un troisième corps de règles. Dans le domaine de la santé, certains produits issus des biotechnologies doivent suivre la procédure « normale » d'autorisation sur le marché des médicaments. Les essais cliniques (et leurs résultats) constituent alors une condition préalable à l'autorisation de mise sur le marché, celle-ci pouvant être nationale94 ou européenne95. La commercialisation des produits hors de l'Union européenne est subordonnée à des procédures d'enregistrement auprès des autorités nationales concernées (Federal Drug Administration, pour les Etats-Unis, Kosheisho, pour le Japon). En vertu du Règlement (CEE) 2309/93 du Conseil, les médicaments indiqués à l'annexe A (médicaments issus de la biotechnologie ou promoteurs de croissance utilisés en médecine vétérinaire) ne peuvent être mis sur le marché européen sans qu'une autorisation n'ait été délivrée par l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments. Dans son rapport, le groupe de travail biacadémique sur la thérapie génique soulignait le caractère long et coûteux de cette procédure centralisée : « quatre à six mois de présentation et de validation du dossier, quatre mois pour le premier rapport d'évaluation incluant les demandes d'éclaircissements, sept mois pour connaître l'opinion du comité instruisant le dossier y compris sur les réponses aux questions posées, trois mois pour l'avis définitif du comité et trois mois enfin pour l'avis de l'Agence européenne ». Une procédure est en cours au niveau communautaire depuis novembre 2001, pour modifier la procédure centralisée de délivrance de l'AMM, le Conseil ayant en septembre 2003 souhaité que cette procédure obligatoire soit limitée aux nouveaux médicaments destinés au traitement du cancer, du sida, des maladies neuro-dégénératives et du diabète, avec une clause de révision de la liste des maladies concernées dans un délai de quatre ans. Le Règlement (CE) 141/2000 du Parlement européen et du Conseil définit pour sa part la procédure applicable aux médicaments destinés aux « maladies orphelines », dont les critères de définition reposent sur une prévalence ne dépassant pas cinq pour mille, une gravité suffisante et un bénéfice éventuel pour le malade traité. Ce dispositif permet de réduire les frais d'enregistrement tout en accordant une exclusivité commerciale pour dix ans. Le Comité des médicaments orphelins évalue la qualité, la sécurité et l'efficacité du produit. Selon le groupe de travail précité sur la thérapie génique, il fallait compter 60 jours pour la présentation et la validation du dossier, 90 jours d'examen par le comité et 45 jours pour la décision finale de la Commission européenne. Des régimes d'incitation au développement de médicaments orphelins existent aussi aux Etats-Unis depuis 1983 et au Japon depuis 1993. Les conditions d'autorisation de mise sur le marché des « biogénériques » restent pour leur part encore incertaines, tant en Europe qu'aux Etats-Unis, notamment en ce qui concerne l'exigence éventuelle d'essais précliniques et cliniques, pour les médicaments « bio-similaires », alors que pour les médicaments génériques chimiques, des études de bioéquivalence avec le produit déjà commercialisé sont suffisantes. Dans le domaine alimentaire, une autorisation est également exigée pour commercialiser des OGM ou des dérivés dans l'Union européenne. Avant l'intervention du Règlement dit « NF/NF » (Novel Food/Novel Feed), il n'existait pas de réglementation spécifique applicable pour la filière de l'alimentation animale et des produits obtenus à partir de plantes génétiquement modifiées ont été autorisés pour cette filière, par le biais de la procédure générale d'autorisation (soja, maïs et colza). S'agissant de l'alimentation humaine, une réglementation communautaire, applicable à l'ensemble des nouveaux aliments et nouveaux ingrédients, y compris ceux issus des biotechnologies modernes, a été introduite en 1997 (règlement n°258/97) mais aucun OGM n'est à ce jour directement consommable en alimentation humaine. Le nouveau règlement NF/NF met en place un cadre unique pour l'autorisation et l'étiquetage des OGM et de leurs dérivés destinés à l'alimentation humaine ou animale et couvre les denrées et les ingrédients alimentaires. La procédure est désormais totalement centralisée mais reste complexe et lourde. Par le biais de ce règlement, peuvent être autorisées la dissémination dans l'environnement (culture) et la commercialisation de denrées alimentaires contenant cet OGM ou ses dérivés. Le Règlement (CE) 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2003, concernant les denrées alimentaires et aliments pour animaux génétiquement modifiés, entré en application en avril 2004, pose les principes de libre choix des consommateurs, d'étiquetage, de traçabilité. Le détail de cette réglementation sera développé dans le chapitre suivant. Il s'applique sans discrimination aux produits importés dans les pays de l'Union et fait référence au protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques. S'agissant des denrées alimentaires génétiquement modifiées destinées à l'alimentation humaine, il pose le principe d'une AMM communautaire, valable 10 ans et renouvelable et celui de l'étiquetage. Pour les aliments génétiquement modifiés pour animaux, hors ingrédients, il définit les mêmes principes d'autorisation et d'étiquetage, en retenant le même seuil96. Le Règlement (CE) 1830/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2003, concernant la traçabilité et l'étiquetage des OGM et la traçabilité des produits destinés à l'alimentation humaine ou animale produits à partie d'OGM et modifiant la directive 2001/18 précise les conditions d'étiquetage et de traçabilité. Il n'est pas applicable aux médicaments à usage humain ou vétérinaire, qui sont autorisés en vertu d'un règlement de 1993 (Règlement CEE 2309/93) et il donne une définition des OGM, en excluant les techniques énumérées à l'annexe IB de la directive 2001/18/CE. Il opère une distinction entre les produits qui consistent en OGM et les produits destinés à être des denrées alimentaires et des aliments produits à partir d'OGM. Il définit des règles de traçabilité ainsi que d'étiquetage, en exemptant les traces fortuites ou techniquement inévitables. Une seule évaluation des risques et une seule autorisation seront ainsi désormais nécessaires pour un OGM et ses utilisations ultérieures et l'évaluation scientifique incombera à l'Autorité européenne de sécurité des aliments. David Byrne, commissaire européen chargé de la santé et de la protection des consommateurs a souligné en juillet 2003 que l'Union européenne disposait dorénavant de la « meilleure législation au monde » sur les OGM. Aux Etats-Unis, dès l'origine, le principe d'une régulation des biotechnologies par les lois existantes, applicables aux autres produits, a été retenu. Mais le dispositif est devenu très lourd à gérer, en raison de la multiplicité des lois régissant les différents domaines (loi sur les pesticides, loi sur les fongicides, loi sur la sécurité alimentaire, loi sur le contrôle des substances toxiques, loi sur les microorganismes pour les biocapteurs par exemple) et des agences de contrôle (FDA, EPA et USDA97 notamment). La logique qui avait prédominé dans les années 80, lors de l'introduction des biotechnologies, fondée sur l'analyse du produit et non sur la prise en compte du processus, génère de plus en plus d'effets pervers. Pour certains produits, plusieurs agences sont compétentes (FDA et USDA pour les plantes tolérantes aux herbicides, EPA et USDA pour les essais aux champs, voire pour les pesticides FDA, EPA et USDA). Des efforts ont néanmoins été entrepris pour coordonner l'action de ces différentes administrations et une base de données commune a dû être constituée. Le développement des biotechnologies, avec la production aux Etats-Unis de poissons, d'insectes et de bétails génétiquement modifiés, soulève par ailleurs de nouvelles difficultés, le cadre réglementaire actuel se révélant particulièrement inadapté et lacunaire. Ce développement semble ainsi rendre nécessaire une réorganisation des structures administratives de contrôle, dont la complexité actuelle paraît peser sur les coûts d'homologation, le chiffre d'un million de dollars ayant été avancé par la Pew Initiative Food and Biotechnology. D'autres contraintes, plus commerciales que réglementaires, régulent le secteur des biotechnologies aux Etats-Unis. La problématique de la coexistence des filières y est posée, même si elle est moins visible qu'ailleurs. Le développement des cultures OGM suscite en effet parfois des inquiétudes. Les règles concernant l'établissement de « zones refuges » ne sont respectées, selon l'EPA, qu'à 60 ou 80 %, les petits exploitants constituant les principaux contrevenants. Les risques de contamination ont provoqué des réactions ciblées98, à l'encontre du « biopharming », de l'utilisation d'un blé génétiquement modifié mis au point par MONSANTO, les producteurs craignant perdre leurs débouchés en Europe et au Japon, ou de la mise en culture d'OGM dans les zones de culture de produits « biologiques ». Certains comtés (4 en Californie) ont ainsi pris l'initiative d'interdire les cultures OGM. Mais surtout, le système de distribution impose ses propres règles. Ainsi, bien que le régime des produits « bio » soit souple (il repose sur la prise en compte du processus de production et non sur l'analyse du produit qui en est issu), les vendeurs de ces produits pourraient exiger à l'avenir des certifications supplémentaires. En outre, la mise au point de produits présentant certains caractères, par exemple des huiles bénéfiques pour la santé, pourrait favoriser l'introduction de règles de traçabilité. Les conditions de circulation de certains produits issus des biotechnologies constituent un domaine appelé aussi à être de plus en plus encadré. Le Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la convention sur la diversité biologique, adopté le 29 janvier 2000, contient plusieurs mesures destinées à assurer un niveau adéquat de protection pour le transfert, la manutention et l'utilisation sans danger d'OGM susceptibles d'avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique et sur la santé humaine. Il ne s'applique pas aux mouvements transfrontières d'organismes du même type qui sont des produits pharmaceutiques destinés à l'homme, lesquels relèvent d'autres accords ou organismes internationaux. Le Règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil 1946/2003 du 15 juillet 2003 relatif aux mouvements transfrontières des OGM a édicté un certain nombre de règles opposables aux exportateurs communautaires en vue de l'application de ce protocole et qui consistent à instituer une procédure de notification et à subordonner l'exportation au consentement explicite du pays tiers importateur99. Selon le protocole, la Communauté peut appliquer sa législation intérieure pour les mouvements transfrontières d'OGM à l'intérieur de son territoire douanier. Les considérants du Règlement précité constatent qu'il est inutile d'adopter des dispositions supplémentaires, tant pour les importations dans la Communauté, que pour le transport, la manutention et l'emballage sans danger des OGM, la législation communautaire en vigueur100 édictant déjà des règles appropriées. Sous forme transformée ou non, le soja, le maïs et le coton, qui constituent les cultures transgéniques les plus répandues, sont aussi les produits agricoles les plus échangés à l'échelle mondiale. Si différents instruments internationaux d'application obligatoire ou volontaire lient les pays qui en sont signataires, tels que le Codex Alimentarius ou le protocole de Carthagène, il n'existe pas d'instance internationale d'homologation des OGM, ni d'instance internationale ayant pouvoir d'autoriser les échanges d'OGM d'un pays à l'autre. Conformément aux règles de l'OMC, toute entrave au commerce est interdite sauf si elle est fondée sur des motifs valables, notamment de santé publique. Or, aujourd'hui, aucun élément scientifique ne permet d'interdire les importations d'OGM en Europe. En mai 2003, les Etats-Unis, le Canada et l'Argentine ont déposé une plainte contre « le moratoire de fait » appliqué dans l'Union européenne (suspension des examens de demande d'AMM) depuis le 24 juin 1999, à la demande de la France, de l'Italie, de la Grèce, du Luxembourg, du Danemark, qui ont été rejoints par l'Autriche et la Belgique. Les conditions dans lesquelles sont évalués les risques et les bénéfices des produits issus des biotechnologies constituent un enjeu essentiel pour leur développement. Des auditions organisées, il ressort que des différences profondes existent entre les analyses portant sur le dispositif applicable aux médicaments issus des biotechnologies d'une part et celui applicable aux produits issus des biotechnologies destinés à l'alimentation d'autre part. Dans le cas des médicaments, les principales remarques ont été formulées au sujet du coût des essais cliniques et des procédures administratives de mise sur le marché et de fixation des prix. Accessoirement, ont été évoquées, notamment au Japon, les difficultés rencontrées pour « recruter » des patients pour tester les produits développés. Mais, en règle générale, ni les principes applicables au déroulement des essais, ni les méthodes d'évaluation de leurs résultats n'ont fait l'objet de critiques. La coexistence de différentes procédures donnant accès aux différents marchés ne semble pas constituer une entrave majeure ; si elle crée des sujétions administratives supplémentaires, elle ne paraît pas véritablement contrarier la fluidité des stratégies commerciales, des grands groupes tout au moins. En revanche, les délais et l'insuffisante transparence des procédures de décision nationale et/ou européenne ont été souvent évoqués. Ce relatif « consensus » sur les conditions d'évaluation des risques et des bénéfices des produits de santé issus des biotechnologies résulte en partie des efforts conduits depuis de nombreuses années par les Etats pour harmoniser et adapter les règles éthiques et méthodologiques encadrant les essais cliniques, lesquels constituent une condition préalable à l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament, celui-ci faisant l'objet, après sa mise sur le marché, d'autres modes d'évaluation101. Au niveau international, les préoccupations sont essentiellement éthiques, en visant à assurer la protection des personnes sur lesquelles sont pratiquées des essais cliniques102 et économiques, pour harmoniser les règles d'enregistrement des médicaments testés, comme les lignes directrices sur les essais cliniques, publiées par la Conférence internationale d'harmonisation, lancée en 1990 et qui rassemble des représentants des instances de réglementation et des entreprises industrielles d'Europe, du Japon et des Etats-Unis. Au niveau communautaire, plusieurs initiatives ont également été prises. Des travaux d'harmonisation ont été conduits, depuis 1993, sur les exigences techniques des essais et de fabrication des médicaments à usage humain (et vétérinaire), ainsi que sur l'étiquetage, la publicité, la distribution en gros, la délivrance sur prescription médicale et la transparence des procédures de fixation des prix et de remboursement. Le 25 novembre 1998, la Commission a adopté une communication sur le marché unique des produits pharmaceutiques, abordant les questions de l'accès aux médicaments et de l'innovation pharmaceutique. S'agissant plus particulièrement des essais cliniques, il convient de mentionner : _ La création en 1993, sur la base d'un Règlement et de trois directives sur l'AMM, de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments (EMEA), dont le siège est à Londres. Cette agence, sur la base de l'examen des essais cliniques, donne un avis à la Commission européenne qui prend la décision d'AMM. Elle peut également demander le retrait du produit par les Etats membres. Depuis le 1er janvier 1995, les firmes ont le choix entre une procédure décentralisée, fondée sur le principe de reconnaissance mutuelle des autorisations nationales accordées et une procédure d'autorisation centralisée. Celle-ci, dès 1995, a été rendue obligatoire pour les médicaments issus des procédés biotechnologiques, mais reste optionnelle, depuis 1998, pour les médicaments contenant une nouvelle substance active n'ayant pas encore été autorisée par un Etat membre comme médicament à usage humain, _ Le programme trilatéral d'harmonisation des essais des médicaments, avec les Etats-Unis et le Japon, visant à réduire le coût global de la recherche pharmaceutique mondiale, _ Les dispositions de simplification adoptées en faveur des maladies rares et des médicaments orphelins, _ La directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain et qui fait référence à la Déclaration d'Helsinki, _ Surtout, la directive 2001/20/CE103 relative à l'application de bonnes pratiques dans la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain, adoptée le 4 avril 2001, qui devait être transposée avant mai 2003, pour une application en mai 2004 et qui inclut dans son champ les thérapies cellulaires et géniques et concerne tous les essais cliniques (I à IV) réalisés dans les pays de l'Union européenne ou les pays tiers. Au niveau national, le cadre des essais sur l'être humain en vue de la connaissance biologique ou médicale a été défini par la « loi Huriet » du 20 décembre 1988 modifiée. Cette loi a introduit les principes suivants : _ Principe du consentement libre, éclairé et exprès de la personne se prêtant aux essais, _ Création de comités consultatifs pour la protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB)104 qui donnent un avis. Ces comités sont chargés d'une part de contrôler l'application du principe du consentement et d'autre part d'évaluer le projet de recherche (validité scientifique du projet, qualité des moyens mis en œuvre, acceptabilité éthique). Ils sont saisis avant le début des recherches par l'investigateur. Leur avis est consultatif, la décision appartenant aux autorités de santé (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé pour les produits visés à l'article L. 5311-1 ou, dans les autres cas, ministre de la santé) lorsque l'avis est défavorable. Ils doivent rendre leur avis dans un délai de cinq semaines105. _ Définition des obligations106 incombant au promoteur des essais, qui est la personne physique ou morale prenant l'initiative de la recherche : obligation de souscription d'une assurance garantissant sa responsabilité civile et celle de tout intervenant ; les résultats de la recherche lui appartiennent mais il doit les communiquer à l'autorité sanitaire et l'informer préalablement de son intention de procéder à des essais ; il supporte la charge financière de l'étude prévue par le protocole, assure la gestion du stock des produits testés, fournit ces produits, conditionnés et étiquetés de manière à respecter un éventuel essai en aveugle, _ Définition des obligations pesant sur l'investigateur107, qui est la personne qui dirige et surveille la réalisation de la recherche et qui est lié au promoteur par un contrat de recherche ; il doit recueillir le consentement des volontaires et assurer leur information ; il doit respecter les « bonnes pratiques cliniques », _ S'agissant de l'indemnisation éventuelle des volontaires, la loi Huriet, qui opèrait une distinction entre recherche sans bénéfice direct et recherche avec bénéfice direct, interdit d'indemniser les volontaires pour les essais avec bénéfice direct et fixe un montant maximum annuel d'indemnisation pour les volontaires sans bénéfice direct, à la charge du promoteur. La récente loi relative à la politique de santé publique a modifié ce dispositif pour tenir compte notamment de la directive sur les essais cliniques. Les modifications principales portent sur : _ La suppression de la distinction entre les recherches sans bénéfice individuel direct et celles avec bénéfice individuel direct, au profit de la notion, retenue par la directive de balance bénéfice-risque ; cette suppression emporte un certain nombre de modifications, qui concernent principalement le régime de responsabilité applicable au promoteur, avec une généralisation du régime de responsabilité pour faute présumée, mais aussi le régime indemnitaire des personnes se prêtant aux recherches, qui peuvent désormais toutes (à l'exception de certaines personnes, comme les femmes enceintes) percevoir du promoteur une rétribution dans la limite d'un montant maximum, ainsi que le régime d'autorisation des sites d'expérimentation, _ Le rôle des CCPPRB, qui deviennent des « comités de protection des personnes » et dont les fonctions d'évaluation sont étendues, les décisions des autorités sanitaires étant par ailleurs désormais prises sur leur « avis conforme »108, _ La généralisation des autorisations expresses par les autorités sanitaires, avec une modification des règles d'autorisation des essais portant sur l'usage de produits de thérapie génique ou cellulaire109 et un renvoi des délais au domaine réglementaire110, _ L'aménagement du régime de consentement pour faciliter les recherches sur les personnes vulnérables, comme les mineurs et les majeurs protégés, _ La création d'une base de données des recherches biomédicales, en relation avec la base européenne. Sur le plan technique, pour les essais thérapeutiques, différentes phases sont distinguées. Les essais cliniques. Avant les phases cliniques proprement dites, auxquelles participent des êtres humains, se déroule une phase pré-clinique, comportant des études in vitro qui portent par exemple sur les caractères biochimiques, les propriétés pharmacologiques, la toxicité du produit, ainsi que les études animales, en particulier l'utilisation de modèles animaux et les tests destinés à mesurer les effets thérapeutiques et la toxicité potentielle des produits. Les essais cliniques n'ont lieu qu'une fois que les travaux des phases précédentes ont été menés à bien. L'essai clinique n'est donc engagé qu'à l'issue de l'examen du dossier complet de pharmacologie expérimentale pré-clinique, qui comporte des études de pharmacologie générale et spéciale, toxicologiques, pharmacocinétiques menées sur plusieurs espèces animales et une fois la forme galénique mise au point. Ils se répartissent en quatre phases : _ La phase I concerne des essais sur des volontaires sains pour tester les propriétés pharmacologiques et la toxicité du nouveau médicament. Il s'agit du premier essai d'un traitement chez l'homme. En cancérologie, les essais sont conduits sur des malades pour lesquels les autres thérapies ont échoué. En règle générale, il vise à étudier les conditions d'absorption, de passage dans le sang, de transport, de fixation, de dégradation, d'élimination du produit. En France, ces essais sont pratiqués dans des locaux spécialement équipés, ayant reçu une autorisation particulière pour ce type d'essais. Ces études sont réalisées sur un petit nombre de sujets, de l'ordre de quelques dizaines. _ La phase II porte sur un nombre limité de patients pour tester les effets potentiels sur des malades. Une fois la dose toxique connue au terme de la phase I, l'efficacité et la tolérance du produit utilisé à dose thérapeutique sont étudiées. Il s'agit de déterminer les modalités optimales d'administration du produit (voie d'administration, régularité des prises, posologie). Le nombre de patients est limité à 20 ou 25, qui est un nombre suffisant pour une exploitation statistique des résultats permettant une extrapolation. Généralement, plusieurs groupes sont constitués, selon la dose administrée ou les modalités d'administration. Les études sont réalisées à l'hôpital ou en ville chez des médecins spécialistes ou généralistes. Deux étapes sont classiquement distinguées : la phase IIA, qui porte sur la tolérance au médicament, pour identifier notamment la relation dose-effet indésirable, et la phase IIB qui étudie la tolérance et l'efficacité lors des augmentations de doses, avec le cas échéant des comparaisons avec d'autres produits. La phase II dure environ trois mois. _ La phase III fait intervenir un grand nombre de patients, pour évaluer les effets du produit et déterminer la posologie qui convient. Il s'agit d'une phase comparative, pour étudier l'efficacité comparée du nouveau produit avec l'activité d'un produit de référence ou d'un placebo. 200 à 400 malades sont impliqués, parfois 1 000 ou plus dans chaque groupe. La taille de l'échantillon est en effet fonction de la différence attendue entre les deux traitements. « Plus la différence d'efficacité estimée entre deux traitements est faible, plus le nombre de sujets à inclure est important pour montrer une différence significative. A l'opposé, si le traitement est très efficace, un petit nombre de patients suffit pour un résultat statistiquement significatif »111. Au terme de cette phase de confirmation, la procédure d'AMM est engagée qui permettra de délivrer le produit sur prescription médicale et éventuellement d'en obtenir le remboursement par la sécurité sociale. La phase III dure généralement de un à trois ans. _ La phase IV est réalisée, une fois le produit commercialisé, pour recenser les effets secondaires rares ou à long terme. Elle intervient après l'autorisation de mise sur le marché et relève aussi de la pharmacovigilance. La phase s'étend sur cinq à dix ans. Comparaison internationale de l'évaluation avant mise sur le marché de produits alimentaires. S'agissant des produits alimentaires issus des biotechnologies, les règles d'évaluation restent encore disparates et les différences d'approches pour l'évaluation des risques, selon les Etats, ont entraîné des décisions différentes, mais aussi des procédures différentes (autorisation explicite préalable, simple notification). Ainsi, par exemple, le dispositif mis en place aux Etats-Unis112 diffère de celui retenu dans l'Union européenne. En 1992, la FDA a publié un document consacré aux aliments et à la nourriture animale dérivés de nouvelles variétés de plantes, y compris celles produites par les nouvelles méthodes de l'ADN recombinant et aux conditions dans lesquelles le Federal Food, Drug and Cosmetic Act devait leur être appliqué. Le premier aliment soumis à la FDA et issu de l'utilisation de l'ADNr fut la tomate Flavr SavrTM. Avant de prendre sa décision, la FDA a organisé une réunion publique de son comité consultatif sur les aliments, un comité formé d'experts recrutés à l'extérieur de la FDA et a discuté les conditions d'évaluation pendant environ quatre ans. Après la décision prise sur ce produit, la FDA n'a pas jugé nécessaire de réaliser un examen scientifique complet de chaque aliment issu d'une culture modifiée biologiquement, mais elle a informé l'industrie de l'intérêt de consulter la FDA avant d'engager les procédures de commercialisation. En 2000, 45 consultations avaient eu lieu depuis l'introduction de cette nouvelle procédure. En 1996, la FDA a tenu une conférence sur l'allergénicité ; de 1996 à 1998, un projet de directive concernant l'utilisation de gènes marqueurs résistants aux antibiotiques comme agents de sélection spécifique a été examiné. En 1999, trois réunions publiques ont été organisées par la FDA sur l'évaluation de la sécurité et l'étiquetage. Au sein de l'EPA, l'Agence de protection de l'environnement, divers caractères résistants aux insectes nuisibles ont été évalués. Certains relèvent des lois sur les pesticides et ont fait l'objet d'une inscription à ce titre. D'autres, qui résultent de l'application de méthodes traditionnelles de sélection, ont été exclues de la procédure d'inscription. Pour la première catégorie, des tests de toxicologie et des analyses biochimiques ont été réalisés afin d'évaluer la toxicité éventuelle et les risques d'allergénicité des aliments. La plupart de ces caractères concernaient des toxines issues du bacille thuringiensis. L'inspection phytosanitaire et vétérinaire (l'APHIS- Animal and Plant Health Inspection Service), relevant du ministère de l'agriculture, autorise également les essais au champ et reçoit les notifications préalables à l'introduction d'un produit réglementé. Au niveau international, le principe d'une évaluation des risques sanitaires et environnementaux a été retenu, comme le montre notamment le Protocole de Carthagène qui fait référence aux effets sur « la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine ». Un projet de lignes directrices pour l'évaluation des dossiers OGM a été élaboré par le Codex Alimentarius en se fondant notamment sur les consultations FAO/OMS d'experts internationaux. Des travaux ont été engagés, en particulier au sein de l'OCDE, pour harmoniser les conditions d'analyse et de gestion des risques. Deux rapports ont été élaborés en 2000, l'un consacré aux questions de sécurité sanitaire liées à la consommation par l'homme et l'animal113, l'autre abordant les problèmes environnementaux114. Sur le plan sanitaire, le premier rapport de l'OCDE énonce « les principes scientifiques reconnus à l'échelle mondiale » en matière d'évaluation de la sécurité des aliments modifiés biologiquement, tout en observant qu'un consensus scientifique sur l'évaluation du risque, largement répandu, se dégage sur le fait que « ce n'est pas le processus appliqué dans la sélection, mais le résultat génétique et la souche qui importent » et en soulignant que les recherches actuelles en génomique, protéomique et métabolomique amélioreront les outils d'évaluation de la sécurité des nouveaux aliments. En ce qui concerne la sécurité des aliments entiers, le rapport souligne que les risques ne sont pas spécifiques aux produits issus de la biotechnologie moderne et que le concept d'équivalence en substance vise seulement à démontrer qu'un produit GM n'est pas moins sûr qu'un produit traditionnel, en rappelant les limites liées à la diversité des modèles de consommation d'une région à une autre et en notant qu'à l'avenir, il y aura des aliments GM qui n'auront aucun équivalent traditionnel approprié. Il en est de même de l'introduction d'allergènes, mais le rapport observe que les évaluations de sécurité des aliments GM incluent généralement une évaluation des allergènes dans les aliments. Ainsi, lors d'une expérience en 1996, des chercheurs ont introduit un gène d'une noix du Brésil dans une graine de soja en vue d'améliorer sa valeur nutritive et, au cours des recherches, il a été découvert que la protéine de noix du Brésil introduite réagissait au sérum de personnes sensibles à la noix du Brésil ; on aurait d'ailleurs pu prévoir ce phénomène, dans la mesure où la protéine extraite de la noix du Brésil avait elle-même des propriétés allergogènes. Le soja transgénique ainsi modifié n'a donc jamais été commercialisé. La principale difficulté réside dans le fait que les tests actuels ne peuvent déceler que les protéines allergéniques connues, mais le développement de modèles d'animaux offre de nouvelles solutions, comme l'amélioration des méthodes de tests. On n'a pas pu établir à ce jour (2004) des risques allergéniques des produits GM déjà approuvés distincts des risques allergiques déjà connus dans l'alimentation. Les développements concernant les marqueurs de résistance aux antibiotiques montrent en revanche que les évaluations dans ce domaine restent incertaines. Lors de leur audition, les représentants de l'OCDE entendus ont notamment souligné les points suivants : _ Les travaux conduits par l'OCDE ne visent pas à déterminer si les OGM sont « bons » ou au contraire s'ils sont « mauvais », mais à définir des bases communes d'évaluation, afin que les méthodes d'évaluation soient les mêmes, la gestion des résultats de ces évaluations incombant à chaque Etat, _ Eu égard aux nombreux tests réalisés et aux expériences menées par les différents Etats, on peut considérer que les risques sanitaires sont négligeables pour les produits actuellement mis sur le marché ; en revanche les futurs produits, comme les alicaments, soulèveront probablement d'autres types de problèmes, _ Les méthodes utilisées visant à identifier des différences ne sont pas toujours pertinentes et on peut toujours chercher, avec de nouvelles technologies, des différences, mais ce sont des questions sans fin, qui n'ont pas forcément de lien avec la santé. A priori, si la commercialisation d'un OGM est permise, c'est qu'il est sans risque pour la santé. Dans le cas contraire, il conviendrait de l'interdire. _ Aux Etats-Unis, la FDA jouit d'une très grande autorité auprès du public qui lui fait confiance ; ce n'est pas le cas en Europe, ni dans certains pays européens, ce qui explique que les discussions s'y poursuivent, _ Au niveau de l'OCDE, c'est la question de la sécurité environnementale qui soulève le plus de difficultés car il convient d'évaluer les effets à long terme. Sur le plan environnemental, le second rapport de l'OCDE souligne que plusieurs Etats ont acquis désormais une expérience, les premiers essais en champ ayant été réalisés en 1986 et les premières plantations commerciales ayant été introduites au milieu des années 1990. Il énumère les principales questions posées. Pour les végétaux, par exemple, sont évoqués le transfert génique aux végétaux apparentés, par le pollen, avec le risque de conférer des avantages sélectifs, le transfert de gènes aux espèces non apparentées, l'établissement et la persistance des populations d'organismes transgéniques, l'envahissement par les plantes nuisibles en milieu agricole, l'instabilité des modifications génétiques et les effets secondaires et non visés. Il souligne que « le but ultime de l'harmonisation est de parvenir à une acceptation mutuelle des décisions, ce qui se fera bien entendu dans un avenir plutôt lointain ». En effet, en dépit d'un haut niveau d'homogénéité dans les évaluations, des décisions divergentes sont prises, en raison des différences environnementales, mais aussi de la diversité des procédures et des disciplines scientifiques impliquées (biologie moléculaire/études écologiques), ainsi que de considérations socio-économiques. En France, plusieurs travaux ont été conduits récemment par l'AFSSA. Dans un document consacré à l'évaluation des risques relatifs à la consommation de produits alimentaires composés ou issus d'organismes génétiquement modifiés (janvier 2002)115, elle observe que dans le cas d'un OGM, du fait de l'introduction, de la modification ou de la suppression d'un caractère, l'organisme résultant est a priori différent et qu'en conséquence, l'évaluation du risque sur la seule démonstration de l'équivalence substantielle n'est pas suffisante. Cette étude sera analysée dans le paragraphe suivant. Différents essais doivent donc être réalisés, en particulier des essais de toxicité sur animaux d'une certaine durée, des essais sur animal de la tolérance au produit fini et des évaluations du pouvoir allergénique. Mais ces essais rencontrent certaines limites, liées à la mise en œuvre de nouvelles techniques encore au stade de la recherche (transcriptome, protéome et métabolome), à la faisabilité de certains essais (expérimentation sur des animaux en nombre suffisant et pendant une durée suffisante), et à l'évaluation des effets à long terme chez l'animal et chez l'homme (des essais cliniques sont ainsi envisagés, non seulement d'ailleurs pour des OGM, mais aussi pour des nutriments tels que les vitamines ou les minéraux parfois consommés en quantités importantes sous des formes concentrées). Par ailleurs, l'AFSSA a organisé un colloque sur l'évaluation des bénéfices pour la santé des OGM dans l'alimentation116 qui a permis de prendre conscience de l'intérêt d'une évaluation des bénéfices face aux risques que représentent pour la santé l'utilisation de pesticides ou la présence de mycotoxines dans les plantes. En revanche, il semble plus difficile de disposer d'études sur les modalités d'évaluation des effets environnementaux, comme des résultats des essais réalisés. On peut relever cependant une multiplication des études écologiques sur la dispersion pollinique. La directive 90/220/CE a fixé des lignes directrices, avec la prise en compte des « effets directs », « indirects », « immédiats » et « différés », l'évaluation des risques pour l'environnement s'effectuant « au cas par cas », ce qui conduit à moduler les exigences en fonction du type d'OGM concerné, de l'usage prévu et de l'environnement récepteur potentiel. L'annexe II de la directive 2001/18/CE pose le principe de méthodes communes d'évaluation des risques associés à la dissémination d'OGM et prévoit l'institution de mécanismes permettant la modification, la suspension ou la cessation d'une dissémination en fonction de nouvelles informations sur les risques associés à cette dissémination. Il reste enfin à déterminer les conditions dans lesquelles les filières OGM, conventionnelles et celles issues de l'agriculture biologique peuvent coexister, ce qui fait l'objet d'un des « chantiers communautaires ». Il est encore difficile de dresser un bilan des avantages et des inconvénients liés au développement des cultures OGM, même aux Etats-Unis. Au cours de la mission effectuée dans ce pays, plusieurs difficultés ont été évoquées, liées d'une part à la diversité des caractéristiques environnementales des milieux de culture, les résultats variant selon l'environnement d'implantation, d'autre part à la nécessité de disposer d'études émanant d'organismes indépendants, la plupart des recherches effectuées aux Etats-Unis relevant du secteur privé et n'étant pas systématiquement publiées, et enfin à l'insuffisante concertation internationale sur ce point. C'est ainsi que l'EPA a regretté l'arrêt à partir des années 90 des échanges d'informations avec l'Europe et souligné l'intérêt des travaux menés au sein de l'OCDE, afin de combler le vide existant entre les pratiques commerciales et les dispositions normatives. De ce fait, les conclusions restent encore lacunaires. La National Science Fondation, qui est une administration du gouvernement fédéral des Etats-Unis, tente ainsi d'encourager les recherches dans le domaine de l'évaluation du risque. Si les autorités américaines disposent déjà de certains résultats117, de nouvelles orientations s'avèrent nécessaires. Ainsi la NSF considère qu'au-delà du consensus actuel concluant que les biotechnologies agricoles ne présentent pas plus de risques que les cultures traditionnelles, les autorités politiques devraient avoir le courage de dire que l'agriculture constitue une activité qui produit des effets négatifs, quelle que soit la technologie utilisée. Elle estime aussi que l'analyse des conséquences sur les pratiques agricoles se révèle complexe mais plus intéressante que les recherches actuellement effectuées sur les seuls produits. C - Les OGM dans l'agriculture, une illustration de la crise des biotechnologies en France et en Europe Une mission d'information sur les enjeux des essais et de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés, que votre rapporteur à l'honneur de présider, a été créée à l'Assemblée Nationale par la Conférence des Présidents le 5 octobre 2004. Ce chapitre se limitera donc à dresser les grandes lignes des évolutions que nous avons observées depuis la publication en 1998 de notre premier rapport sur "l'utilisation des organismes génétiquement modifiés dans l'agriculture et l'alimentation " et sur les conclusions de la première conférence de citoyens organisée par l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques. Nous nous interrogerons sur les raisons, liées à un déficit de débat pour certains, à un débat tronqué pour d'autres, faisant que la France et l'Europe ont, en ce qui concerne la perception des OGM par les consommateurs, une position négative et décalée au niveau mondial. Les chiffres issus des enquêtes effectuées et cités dans le rapport de la FAO sur « la situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture en 2003 » datent de l'année 2000. Les réponses aux trois questions suivantes sont toutefois très évocatrices.
« Les avantages des biotechnologies sont-ils plus importants que les risques ? »
Sources : Environics International 2000 « Les biotechnologies profiteront-elles à des personnes comme vous ? »
Sources : Environics International 2000 « Soutenez-vous les applications biotechnologiques suivantes ? »
Sources : Environics International 2000 sur un échantillonnage mondial Les résultats de l'enquête révèlent une différence de perception suivant les pays du monde. Cette perception varie selon que les pays cultivent ou non des OGM. Les consommateurs sont prêts à accepter les OGM si le bénéfice potentiel leur apparaît de nature à compenser l'incertitude générée par l'introduction de cette nouvelle technologie. Globalement la confiance dans les progrès de la science est plus forte dans les pays émergents et l'on constate que si nos concitoyens sont prêts à prendre tous les risques pour se soigner, ils restent plus réticents à l'introduction d'une technologie dans l'agro-alimentaire qui leur ferait prendre des risques potentiels pour se nourrir. Les premières plantes transgéniques ont été construites, il y a maintenant vingt ans et c'est en 1986 que l'on est passé des essais en serre aux cultures expérimentales en plein champ. Aujourd'hui, 50 000 essais dans les champs portant sur 80 espèces de végétaux ont été réalisées dans une soixantaine de pays. Ces chiffres démontrent également qu'à l'inverse de ce qu'affirment les détracteurs des OGM, des essais en plein champ sont effectués depuis 18 ans, ces essais ayant toujours été précédés d'essais sous serre. Alors qu'en 1996, la superficie totale des cultures de plantes génétiquement modifiées s'élevait à 2,8 millions d'hectares, elle atteint en 2004 plus de 70 millions d'hectares, soit cinq fois la surface totale des grandes cultures en France. La superficie totale des cultures de plantes génétiquement modifiées a augmenté depuis dix ans d'une moyenne de 50 % par an, avec une augmentation record (x 4,5) entre 1997 et 1998. La France a eu une activité très importante dans le domaine de l'expérimentation puisque de 1986 à 1996, il y a eu dans notre pays 3 000 essais représentant près de 400 dossiers, dont plus de 120 pour la seule année 1997. Près de 400 parcelles étaient cultivées en 1999. De 1999 à 2003, le nombre des essais a baissé brutalement. En 2003, seulement 17 dossiers ont été instruits (12 concernant le maïs, 2 la betterave, 1 le tabac, 1 la fétuque, et 1 le peuplier). 19 parcelles sur 56 ont été détruites. Les essais aux champs peuvent se dérouler sur plusieurs années. Les essais en 2003 comprennent donc des essais autorisés en 2003 et des essais pluriannuels autorisés les années précédentes. La superficie totale en expérimentation était de 16,9 ha (Midi-Pyrénées : 16 essais sur 1,7 ha ; Auvergne : 5 essais sur 10 ha ; Guyane : 1 essai sur le caféier qui a été détruit et dont la destruction n'a pas été revendiquée, sur 1,1 ha...). En 2004, 46 essais étaient encore en cours, sur une superficie totale de 7,2 ha, la plupart en Midi-Pyrénées. Vingt-quatre essais ont été détruits, quatre ont connu un arrêt anticipé et dix-huit ont été épargnés. Deux périodes jalonnent l'histoire des OGM en France. La transposition de la directive européenne 1990/220 en droit français a été réalisée par la loi du 13 juillet 1992, dans l'indifférence générale. Pas le moindre communiqué de presse. C'est pourtant ce texte de loi qui a mis en place le système d'autorisation des expérimentations, l'utilisation en laboratoire étant du ressort de la commission du génie génétique et celle de l'expérimentation en plein champ de la commission du génie biomoléculaire. En 1994, il y a plus de dix ans, la société Syngenta (ex Novartis , ex Ciba) a déposé en France, une première demande d'autorisation de mise sur le marché d'un maïs transgénique, autorésistant à la pyrale, autorisation accordée par le ministère de l'Agriculture et notifiée à la Commission Européenne au terme du déroulement de la procédure. L'arrêté du 21 septembre 1994 stipulait que les autorisations pour la recherche et le développement ainsi que pour la mise sur le marché sont délivrées par le ministre de l'agriculture, après accord du ministre de l'environnement. Les plantes ne sont inscrites au catalogue officiel des variétés qu'après avis du Comité Technique Permanent de la Sélection des Plantes Cultivées (CTPS). A la fin de l'année 1996, est apparu le « premier coup de théâtre OGM », puisqu'une controverse interne au « gouvernement Juppé » a opposé Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement, à M. Philippe Vasseur, ministre de l'Agriculture. Alors que M. Philippe Vasseur défendait l'utilisation potentielle d'une nouvelle technologie, Mme Corinne Lepage s'appuyait sur l'incertitude de la qualité sanitaire des aliments transgéniques et évoquait le principe de précaution. Et le 12 février 1997, « un bien curieux jugement de Salomon » a été rendu puisqu'il suspendait la mise en culture de cette variété de maïs, sans toutefois en interdire l'importation et la consommation en France, décision totalement incohérente, dénoncée à l'époque par la fédération nationale des syndicats d'exploitations agricoles. La bataille médiatique était lancée, mais elle n'a jamais été accompagnée du moindre débat. « La nourriture Frankenstein », le « soja fou », ou encore la « malbouffe » étaient associés aux OGM. Le « gouvernement Jospin » a ensuite repris le dossier et M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture, paradoxalement sans veto de Mme Dominique Voynet, ministre de l'environnement, a autorisé la culture de certaines variétés de maïs et a décidé d'inscrire le 3 février 1998, trois variétés de maïs résistant à la pyrale au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France. L'année 1998 a marqué le début réel d'une clarification de la réglementation sur les OGM en France. Plusieurs nécessités ont été identifiées : définition de seuils de présence fortuite, information du consommateur et étiquetage, biovigilance, traçabilité, respect des filières séparées. Cette année fut marquée par la tenue de la première conférence de citoyens organisée en France, réunie par votre rapporteur à l'Assemblée Nationale du 20 au 22 juin 1998, après cinq mois de formation du panel de citoyens. C'est aussi le 7 juin 1998 qu'eut lieu en Suisse une " votation " repoussée par 65 % des votants. Celle-ci aurait interdit toute activité dans le domaine des biotechnologies, y compris dans la recherche médicale. Le ministre, M. Louis Le Pensec, a repris les conclusions de mon rapport de 1998, autorisant en juillet 1998 la culture de plantes comme le maïs, pour lequel aucun risque environnemental n'était détecté, mais recommandant un moratoire de deux ans pour la mise en culture de lignées de colza résistant à un herbicide, tant que les risques de dissémination des gènes de résistance vers les espèces sauvages n'étaient pas évalués et maîtrisés et qu'un dispositif de vigilance renforcé n'était pas institué. Dans le même temps, la polémique s'est étendue à toute l'Europe et de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer une directive précise sur l'information du public et l'étiquetage avant d'accorder toute nouvelle autorisation de mise sur le marché. On connaît la suite : un moratoire s'est imposé dans toute l'Europe à toutes les espèces de plantes génétiquement modifiées tant qu'une directive européenne n'avait pas fixé les règles d'étiquetage et les seuils de contamination fortuite. Même si la question de l'information du consommateur et des seuils a ensuite été réglée en 2001, le dossier OGM s'est embourbé. L'année 2002 a été marquée par une nouvelle conférence de consensus, organisée par le gouvernement français, qui s'est tenue au Conseil économique et social, sur l'expérimentation en plein champ. Le « rapport des quatre sages » (rendu par « les quatre sages », MM. André Babusiaux, Jean-Yves Le Déaut, Didier Sicard, Jacques Testard) a conclu à la nécessité de continuer la recherche, y compris en plein champ, en respectant les principes de précaution, de parcimonie et de transparence. Peine perdue, les destructions d'essais par les faucheurs volontaires ont redoublé en 2003 et surtout en 2004 A coups d'assertions et d'affirmations, sans que celles-ci ne s'appuient sur de véritables preuves scientifiques, les deux camps s'affrontent et cela donne l'impression que le débat s'est durci depuis 1998. Il est impératif, de l'avis de votre rapporteur, de sortir du scénario immuable où les uns, « industriels philanthropes », prétendent régler les problèmes de la faim dans le monde, et les autres, « responsables associatifs visionnaires », se présentent comme les sauveurs de l'humanité et de la planète. Ces deux parties sont en réalité engagées dans un combat idéologique, car plutôt que de s'affronter sur les risques et les bénéfices de l'introduction d'une technologie ou d'évaluer les impacts économiques, en terme de propriété intellectuelle, de concentration des acteurs, les « combattants anti-OGM » ont avancé des arguments sanitaires, environnementaux pour faire peur, mais qui, à l'examen, se sont révélés invérifiables ou virtuels. Cette vision manichéenne n'aide pas le citoyen à comprendre les enjeux. Celui-ci a tendance à rendre le progrès scientifique responsable des catastrophes sanitaires ou écologiques. Or, la science n'est en soi, ni bonne, ni mauvaise, elle est ce que les hommes en font par ses applications. Deux constats préalables s'imposent. Dans les pays développés, les activités humaines, dont l'agriculture, ont endommagé la nature. L'agriculture intensive, l'utilisation non maîtrisée des engrais et des produits phytosanitaires ont épuisé les sols, réduit la biodiversité. Dans les pays du Sud, la démographie galopante, les besoins accrus en énergie, l'accroissement des surfaces cultivées ont généré la déforestation ou la désertification. Mais l'agriculture n'est bien sûr pas la seule coupable, les actuels modes de vie des pays riches sont incompatibles avec le développement durable. L'épuisement en quelques générations des énergies fossiles, la déforestation non maîtrisée, les pollutions, l'utilisation de produits chimiques, les rejets de gaz à effet de serre, l'épuisement des ressources en eau ont davantage contribué à la détérioration de la planète que le développement de l'agriculture. L'humanité a, de façon générale, privilégié le bénéfice immédiat, renvoyant à plus tard la réparation des dégâts, croyant de manière aveugle que la science et la technologie sauront toujours trouver des solutions. Dans ce contexte, les OGM sont devenus le bouc émissaire tout trouvé, responsable de tous nos maux, victimes expiatoires désignées des déboires écologiques des pays développés dans lesquels, comme le dit Bernard Chevassus-au-Louis, Président du Muséum d'Histoire Naturelle, « les OGM sont devenus le totem fédérateur du refus des modes de production productivistes et mondialisés, de l'appropriation du vivant, des modes d'innovation technocratiques, pas suffisamment discutés avec la société ». Les biotechnologies représentent, pour certains, le mal absolu, incompatible avec le développement durable, ce qui est outrancier. Dans la mesure où ce débat est idéologique, il est illusoire de croire que les améliorations techniques demandées par les détracteurs des OGM mettront fin à la controverse. a) Dans la nature, l'évolution s'est construite sur le transfert des gènes A l'inverse de ce que prétendent les pourfendeurs des OGM, les biotechnologies ne font qu'accélérer ce qui se fait tous les jours dans la nature ou ce que l'homme a réalisé depuis qu'il est devenu agriculteur. Les croisements, les transferts de gènes sont le lot commun de la biosphère, y compris par le franchissement de la barrière des espèces. L'évolution, certes très lente, par l'apport d'avantages sélectifs successifs, a permis la longue traversée des ères géologiques. Des virus, du matériel génétique ont « colonisé » des cellules bactériennes, végétales ou animales ; des gènes ont été échangés. La preuve même, c'est qu'en 4 milliards d'années, on est passé, grâce à l'évolution, de l'algue bleue à l'homme et que des milliers de gènes sont communs entre l'espèce végétale la plus simple Arabidopsis et l'homme... Ceci est illustré par la phrase de François Jacob : « l'évolution c'est la somme des réussites, puisque la trace des échecs a disparu ». La preuve même de ces transferts de gènes est que des virus oncogènes, susceptibles d'initier le processus de cancérisation, sont intégrés dans le matériel génétique humain de nos cellules. La plupart des cancers ont pour origine des mutations du matériel génétique. Enfin, on sait, maintenant que le génome humain est décrypté, qu'il existe à l'intérieur d'une même espèce une grande variabilité génétique. Il convient donc de relativiser le transfert dans une espèce végétale cultivée d'un ou deux gènes supplémentaires. De surcroît, si ces gènes transférés n'apportent, après l'arrêt de la mise en culture aucun avantage sélectif, ils se perdront dans le grand brassage de l'hérédité. b) Sélection classique ou génomique végétale Dans le domaine alimentaire, les « biotechnologies modernes » se réfèrent à un ensemble particulier de techniques utilisées pour modifier génétiquement des organismes ; elle permet le transfert d'une substance génétique d'une espèce à l'autre, à l'aide des techniques de recombinaison de l'ADN. Les caractéristiques des biotechnologies modernes comprennent ainsi « la capacité de transférer des gènes entre des espèces sans aucun lien (et de préciser les gènes qui seront transférés) et l'efficacité avec laquelle les nouvelles formes de cultures, d'animaux et de micro-organismes (et leurs produits) peuvent être développées »118. Sur les plans scientifique et technique, l'intérêt de la transgenèse, par rapport aux techniques classiques, réside à la fois dans l'élargissement des possibilités de création de nouvelles variétés, dans la précision des techniques d'insertion et dans la rapidité de création de la nouvelle espèce. La diversité des procédés de transgenèse végétale est aussi généralement soulignée, le transgène pouvant provenir de la même espèce que l'organisme hôte ou d'une autre espèce et la transgenèse permettant d'activer mais également d'inactiver un caractère. Si la génétique classique repose sur des « mutations » naturelles (qui sont des modifications ponctuelles du génome) ou provoquées grâce à des composés chimiques ou des rayonnements, la « mutagenèse » se distingue de la transgenèse, par le fait que cette dernière procède par l'insertion d'un ADN « nouveau » dans le génome. Elle permet en effet d'exploiter des gènes issus d'autres espèces, et même de franchir la barrière des espèces et autorise un contrôle de leur expression quantitatif, par modulation de l'intensité de l'expression des gènes, et quantitatif, par expression du gène dans telle partie de la plante. Par ailleurs, des techniques biotechnologiques, comme les marqueurs génétiques, peuvent être utilisés par la génétique conventionnelle et permettent à la fois d'accélérer le développement de nouvelles variétés et d'élargir les possibilités d'obtention de nouvelles variétés. Comme nous le verrons plus loin, il faut cependant indiquer que l'insertion d'un nouveau gène (par sélection classique ou par transgénèse) se fait au hasard, et qu'il existe un risque associé à la modification de l'expression d'un ou de plusieurs autres gènes situés au niveau de l'insertion. Cela s'est produit au cours de la thérapie génique menée sur des « bébés bulles » : le gène thérapeutique s'est inséré dans un gène suppresseur de tumeur, provoquant une leucémie. Cet exemple montre que c'est en poursuivant les recherches que l'on peut trouver une solution, et non en refusant a priori de poursuivre la recherche après un échec. Les nouvelles techniques de la génomique végétale sont ainsi applicables aux sélections classiques ou par les méthodes OGM :
Source : " Evaluation de l'impact de la recherche en génomique végétale sur la filière agricole et alimentaire en France et en Europe " - Etude confiée par le comité d'orientation de GENOPLANTE à la société ACS-Partners - Septembre 2003 Il est apparu utile de dresser une sorte de tableau comparatif des risques et des avantages des OGM. Car, avant de juger, il faut évaluer les bénéfices attendus et les comparer aux risques potentiels. Le premier intérêt est paradoxalement que les plantes génétiquement modifiées devraient permettre de mieux protéger l'environnement, d'économiser et de valoriser les ressources naturelles comme l'eau, de réduire les traitements chimiques de produits phytosanitaires, de permettre une utilisation parcimonieuse des fertilisants et, en développant la biomasse, de mieux utiliser des ressources énergétiques renouvelables. Si de nombreuses données internationales sont aujourd'hui disponibles et sont résumées dans le rapport déjà cité de la FAO sur « la situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture en 2003 », elles sont souvent difficiles à apprécier car la performance de l'agriculture dépend de très nombreux facteurs, comme le savoir-faire de l'agriculteur, les conditions climatiques, l'impact des insectes ou des microorganismes ravageurs, car une espèce donnée ne protège pas contre tous les ravageurs, l'utilisation à bon escient d'engrais ou de pesticides, les variétés de semences... Pour certaines cultures, comme le maïs et le soja, il est donc difficile de se prononcer. Comme nous l'ont confirmé de nombreux experts, les résultats sont significatifs dans le cas du coton, qui utilise 25 % du tonnage total des insecticides dans le monde. L'utilisation du coton résistant à la pyrale réduit de 30 % à 50 % la consommation d'insecticides, ce qui a une incidence sur la santé, car il y a, du fait de la réduction du nombre d'épandages, de la réduction des produits chimiques et toxiques par des produits moins nocifs, une baisse des intoxications des paysans en Inde, en Chine ou en Afrique du Sud. Le monde scientifique s'entend pour dire que les espèces résistant aux herbicides encouragent la production des cultures avec un nombre de labours limité, ce qui réduit l'érosion des sols. Même si les recherches n'ont pas aujourd'hui totalement abouti, une deuxième génération d'OGM devrait permettre de sélectionner des plantes résistant à la sécheresse, ou poussant sur des terres à fort taux de salinité. Des plantes génétiquement modifiées devront permettre une économie d'utilisation de l'eau pour l'irrigation. La disponibilité en eau sera sans doute en lien avec le réchauffement climatique, un des grands problèmes écologiques du XXIème siècle. Les querelles entre « pro et anti-OGM » sur les économies d'intrants devraient être arbitrées au niveau international par une expertise collective, publique et contradictoire. Ce deuxième intérêt, sans doute le moins mis en avant, réside dans l'amélioration de la qualité sanitaire des produits. Certaines plantes génétiquement modifiées ont pour effet d'éliminer les virus et les parasites pathogènes qui produisent des toxines et des métabolites indésirables. Un récent rapport de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments vient de relancer la polémique, car il rapporte que des maïs transgéniques résistant à la pyrale seraient moins sensibles aux contaminations de mycotoxines sécrétant des fumonisines cancérigènes et démontre que le maïs transgénique aurait, de ce fait, un effet bénéfique inattendu. Cette question peut apparaître provocatrice en elle-même. L'examen de l'incidence sur la santé en est à ses prémisses. On ne mesure pas la traçabilité des OGM dans l'alimentation, et a fortiori on n'a pas procédé à des études épidémiologiques. D'autre part, dans la mesure où le risque est défini comme la probabilité d'un dommage et qu'on ne peut prévenir un risque qu'on ignore, on obtiendra une réponse à ces questions si on est capable d'organiser une surveillance sanitaire des millions de personnes ayant consommé des produits fabriqués à partir de maïs, de colza ou de soja transgéniques. L'OMS en 2002, le Conseil international pour la science en 2003 ont estimé que les aliments issus des espèces transgéniques actuellement cultivées sont « jugés propres à la consommation ». Les avantages potentiels des aliments transgéniques pour la santé sont soit indirects, comme nous l'avons montré plus haut, grâce à l'utilisation réduite de pesticides ou à la baisse de la teneur en mycotoxines corrélées à la lutte plus efficace contre les ravageurs, soit directs, grâce à l'amélioration des qualités nutritionnelles et des goûts des aliments, à la réduction de la présence en composés toxiques, ou à la diminution des substances allergiques dans certains aliments, comme le riz ou l'arachide. Le rapport de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) « OGM et alimentation : Peut-on identifier et évaluer les bénéfices pour la santé ? » (juin 2004) illustre bien cette problématique. A travers trois exemples d'expériences en cours et d'une analyse prospective sur les effets éventuels des microorganismes génétiquement modifiés, l'AFSSA a procédé à un examen critique des allégations portées par les adversaires ou les zélateurs des OGM. Cette étude a été menée par compilation de toutes les publications scientifiques parues sur ce thème. On peut d'ailleurs s'étonner que ce rapport n'ait pas suffisamment contribué à relancer le débat sur les comparaisons entre cultures OGM et cultures traditionnelles, chaque camp étant resté sur ses positions, n'ayant recherché dans ce rapport que les arguments susceptibles de renforcer ses propres thèses. Les principales conclusions sont les suivantes. Elles peuvent être consultées sur le site de l'AFSSA119. Le premier cas étudié concerne les plantes résistant à certains insectes ravageurs par l'introduction d'un gène de résistance à une toxine issue d'une bactérie présente dans l'environnement, Bacillus Thuriengensis. « L'introduction de nouvelles variétés résistantes aux attaques d'insectes permet de diminuer considérablement la quantité de traitements insecticides et, dans les mêmes proportions, celle de matière active en particulier pour la culture de coton. Cependant des variations géographiques existent ». « Dans les pays en développement, l'introduction du coton Bt a des répercussions sur la « santé » de l'environnement avec une moindre contamination par les produits insecticides, sur la santé des manipulateurs qui ne sont pas toujours bien formés aux risques chimiques qu'ils encourent en utilisant ces matières actives sans nécessairement appliquer toutes les précautions requises, sur l'économie de l'exploitation en libérant une main d'oeuvre, sur la qualité des sous-produits utilisés comme complément alimentaire en élevage villageois tels que la graine de coton qui sera vraisemblablement moins contaminée par les résidus d'insecticides ». « L'introduction de variétés de maïs Bt permet de diminuer dans de nombreuses situations la contamination en mycotoxines consécutive aux attaques d'insectes sur la plante et le grain de maïs. Les résultats des études disponibles sont incontestables et marqués en ce qui concerne les fumonisines produites par des moisissures qui sévissent dans les climats des pays d'Europe ». «Dans leur étude, Piva et al ont déjà observé une meilleure croissance chez le porc et le poulet nourris par du maïs Bt qui était moins contaminé en fumonisine B1 que du maïs conventionnel. Indubitablement, la moindre présence de mycotoxines dans les maïs Bt, sous les climats tempérés européens constitue un point positif dont il serait possible de tirer profit pour accroître la qualité sanitaire des alimentations humaine et animale ». Il est assez étonnant que ces résultats, qui constituent une pierre dans le jardin des détracteurs des OGM, soient restés confidentiels. Les résultats du deuxième cas, concernant les avantages de la culture de la betterave sucrière tolérante au glyphosate, sont moins nets. D'après l'AFSSA, la betterave OGM tolérante aux herbicides ne modifie pas la qualité du sucre après élimination des fibres des polyphénols et des contaminants. Mais les rédacteurs pensent qu'il existe un intérêt pour l'agriculteur et pour l'environnement, dans la mesure où le glyphosate est peu liposoluble par rapport à d'autres herbicides, ce qui réduit le risque de bioaccumulation et diminue le risque de dispersion dans l'air lors de son épandage. L'exemple du riz doré (3ème cas) a été au centre d'une polémique très vive. Sur le constat, tout le monde s'accorde. Le riz est consommé par 3 milliards d'individus dans le monde. C'est l'aliment de base dans de nombreux pays d'Asie, du Pacifique, d'Afrique ou de Madagascar. La consommation moyenne journalière dans le monde pour des adultes est de 300g pour un homme et de 250g pour une femme. Le riz apporte des protéines (20 % des besoins), des glucides, qui constituent le tiers de la ration énergétique, de lipides (3 %), de micronutriments, mais contient peu de vitamines. La malnutrition dans les pays du Sud provient à la fois de carences en protéines, mais aussi de carences en fer, en zinc ou en vitamine A. Plus de 100 millions d'enfants dans le monde sont concernés par des carences en vitamine A ; cinq millions d'enfants, chaque année, développent des maladies de l'œil, un à deux millions en meurent, et 500 000 enfants deviennent aveugles. Des produits d'origine animale peuvent fournir de la vitamine A, mais c'est aussi le cas de certaines plantes qui contiennent du _ carotène, qui est un précurseur de la vitamine A. Pour tenter de résoudre la question de la carence en vitamines, les nutritionnistes ont développé plusieurs approches : - Améliorer la valeur nutritionnelle du riz par sélection classique. - Enrichir directement le riz en nutriments comme le fer, le zinc ou en vitamine A. - Tenter de modifier les habitudes alimentaires, en encourageant la diversification de l'alimentation : consommation de légumes comme les carottes ou les patates douces, de produits animaux, de fruits ou de riz brun, qui contient du carotène, plutôt que du riz blanc. - Promouvoir l'allaitement maternel. P. Beyer, I. Protrykus et al ont décrit, en 2002, la transformation d'un riz enrichi en pro-vitamine A par trangénèse ; le riz a été appelé « riz doré », car la couleur du riz habituellement incolore est modifiée par les réactions métaboliques. Sachant qu'il faut entre 4 et 20_g de _ carotène pour obtenir dans l'organisme 1_g de rétinol, donc de vitamine A, il faudrait pour un enfant, suivant les hypothèses retenues, consommer entre 270g et 2,5 kg de riz doré par jour pour supprimer les carences suivant les taux de conversion dans l'organisme ou la biodisponibilité de la vitamine A Il ne peut, dans l'état actuel des résultats, s'agir que d'une complémentation en vitamines et non une solution miracle permettant, avec un seul produit transgénique, de régler les problèmes de malnutrition dans le monde. Bien des questions restent posées comme celle de la transposition des résultats expérimentaux actuels dans des cultures, avec des variétés de riz adaptées, celle de la fourniture gratuite des semences à des agriculteurs dont les productions sont essentiellement vivrières, dans la mesure où ils ne vendraient pas leurs productions à un niveau de revenu supérieur à un seuil qui pourrait être fixé au niveau international, ou encore celle des résultats des essais sur l'amélioration de la santé d'enfants nourris avec le riz doré. A l'inverse, il apparaît indécent de rejeter d'un revers de main une technique qui pourrait augmenter la teneur en provitamine A dans le riz, et de refuser, au nom d'une idéologie, une technologie qui peut apporter une amélioration de la situation nutritionnelle de certains pays, et qui pourrait réduire la mortalité, la morbidité et les troubles de la vue chez ces enfants. Les conclusions de l'AFSSA sont claires. Il apparaît que le riz doré n'est pas la solution pour supprimer toutes les carences en vitamine A, car aucune solution ne saurait résoudre le problème à elle toute seule... « Il est peu contestable que le projet... a soulevé un enthousiasme excessif chez certains... Il ne s'agit pour autant pas là de fausses promesses, mais bien de vrais espoirs... ». « Rien n'indique que la démarche qui a conduit à l'obtention des premières variétés de riz doré se dirige vers un échec. Elle doit donc pouvoir être poursuivie dans la sérénité avec les encouragements critiques de l'opinion publique ». c) Les impacts économiques dans les pays du Sud : si les OGM permettaient de maîtriser les coûts de production ? Dans le cas du riz doré, une présentation objective des conclusions précédentes aurait été préférable au titre récent d'un article du magazine Sciences et Avenir120 « Super riz ou supercherie », dans lequel le titre racoleur ne reflète pas le corps du texte puisque le contenu de l'article est beaucoup plus équilibré. L'auteur résume bien la situation en écrivant « on nourrira plus sûrement la planète en suivant la voie des OGM qu'en faisant confiance à une hypothétique redistribution des ressources mondiales ». Quand il écrit par contre qu'il y a risque de « disparition des savoirs traditionnels et appauvrissement de la biodiversité », votre rapporteur n'est pas certain qu'il s'agisse d'une réelle menace, car la culture en grandes surfaces de maïs, OGM ou non, ne favorise pas la biodiversité. Les Etats-Unis ou l'Argentine l'ont appris à leurs dépens. Par contre, l'augmentation des rendements, notamment par la réduction des pertes infligées aux récoltes par des prédateurs, n'est pas une vue de l'esprit comme le montre le tableau suivant tiré du rapport rédigé par votre rapporteur en 1998 : Bilan des pertes pour les principales cultures (en % de rendement)
Source : Rapport « De la connaissance des gènes à leur utilisation : l'utilisation des OGM dans l'agriculture et l'alimentation » - Jean-Yves LE DÉAUT - OPECST (1998), d'après les chiffres de l'INRA L'augmentation de la productivité peut non seulement permettre de nourrir à leur faim certaines populations, d'améliorer les équilibres nutritionnels, mais aussi, à terme, de réduire les surfaces cultivées. La question principale que pose le développement des biotechnologies dans les pays du Sud, est celle de la domination économique que pourraient exercer quelques grands groupes agro-chimiques propriétaires des brevets d'insertion de gènes nouveaux et des produits phytosanitaires associés. On a vérifié dans l'exemple des génériques que les " industriels mondialistes " ne sont pas des philanthropes ; c'est sur le terrain économique que devraient porter nos discussions dans les enceintes internationales. Votre rapporteur est un peu scandalisé que des contestataires de pays nantis, qui bénéficient de tous les avantages du progrès lié à la société de consommation puissent refuser que des recherches tentent de trouver des solutions aux difficultés dans lesquelles se débattent les pays du Sud. La technologie OGM fait l'objet de polémiques dans les pays développés, puisque le problème majeur de l'agriculture européenne et américaine est la surproduction. Tous les « censeurs des villes » oublient que des maladies dévastent les récoltes et que, dans bien des pays pauvres, les paysans n'ont accès à aucun produit de traitement. Dans les pays du Sud, la production en quantité suffisante de produits agricoles n'est pas un problème théorique ; il est réel. On ne peut pas abruptement affirmer que ces techniques ne sont pas adaptées et que l'amélioration des rendements passe exclusivement par des programmes de formation et de vulgarisation agricole. C'est en partie vrai, mais des semences de plantes traditionnelles résistant à la sécheresse ou à des sols salins devraient, par exemple, permettre d'améliorer la production alimentaire. La technique de la transgénèse ne doit pas se substituer à l'amélioration des pratiques culturales des pays pauvres, mais peut contribuer à l'amélioration de semences mieux adaptées. Comme nous l'avons déjà indiqué, la diminution significative des traitements insecticides ou herbicides, la simplification du travail du sol pour les agriculteurs, l'augmentation des rendements, peuvent être porteurs de retombées économiques. Pour le coton Bt susmentionné, le rapport de la FAO a chiffré, de 1999 à 2001, les variations de rendement, les coûts des intrants (produits chimiques, semences) et les bénéfices résultant des économies de coûts. Les augmentations de rendement ont varié de 12 % pour le Mexique, 31 % pour l'Argentine, 300 % pour l'Afrique du Sud et 340 % pour la Chine. En Chine, l'étude faite par Pray et coll (2002) a montré que 80 % des petits agriculteurs chinois dans la Province de Shandong et près de 100 % dans celle de Hebei ont adopté le coton Bt, car les dégâts dus à la chenille du coton étaient catastrophiques et que des résistances aux pesticides chimiques s'étaient développées. Les études ont prouvé que les gains de rendement étaient d'autant plus importants que l'exploitation était petite. L'exemple de la Chine montre que si le transfert de technologies est opéré vers les petits agriculteurs, ils en retirent une part non négligeable de dividendes. « Les cultures transgéniques ont eu des retombées économiques très positives pour les agriculteurs de certaines régions du monde... Les économies à l'hectare ont été très importantes par comparaison à la totalité des innovations technologiques des dernières décennies ». Le rapport de la FAO évalue la répartition des bénéfices aux Etats-Unis entre les industriels (35 %), les agriculteurs (46 %) et les consommateurs (19 %). La vraie question porte sur les conditions permettant d'une part aux paysans africains ou asiatiques d'avoir accès à ces semences et, d'autre part, d'orienter les recherches vers la solution de leurs problèmes. L'augmentation démographique est une réalité et la planète ne pourra nourrir deux milliards d'individus supplémentaires que si les productions augmentent. Dans le cas contraire, des forêts supplémentaires seront défrichées ruinant un peu plus l'équilibre fragile entre le poumon vert et les organes vitaux de la planète terre. C'est une imposture de dire que les productions agricoles d'aujourd'hui pourraient nourrir la planète, si l'on omet de dire que ces productions proviennent principalement des pays développés et de quelques pays émergents. La lutte contre la sous-alimentation ne passe pas par un cloisonnement entre des pays producteurs riches, allouant une manne alimentaire à des pays consommateurs pauvres, mais par le développement agricole dans les pays les plus pauvres, permettant de lutter sur place contre la sous-alimentation et la malnutrition. Après avoir analysé les bénéfices des OGM, il convient d'apprécier les risques qui existent, car toute politique ne peut être conduite que sur l'appréciation de la balance entre les bénéfices et les risques. La principale conclusion de votre rapporteur est que le débat, qui était centré en 1998 sur les risques sanitaires des OGM, s'est déplacé et, dans la mesure où les dangers sanitaires se sont avérés inexistants, les détracteurs des OGM ont depuis cherché d'autres points d'achoppement, permettant de surmédiatiser le débat. Ceci s'est notamment vérifié lors des campagnes d'arrachage des expérimentations en plein champ des étés 2003 et 2004. Les questions sanitaires étaient en 1998 au centre du débat dans la société et des interrogations du panel de citoyens. Les risques sanitaires des OGM sont restés gravés dans l'inconscient collectif de nos concitoyens. Ceux-ci pensent que si la télévision présente des destructions d'essais, si des présidents de région veulent interdire toute expérience dans les champs, c'est que le danger persiste. M. François Kourilsky, Directeur général de l'Institut Pasteur, l'un des cinq scientifiques français présents à Asilomar121 en 1975, résume cette position en déclarant : « On est dans le domaine des risques potentiels, pas dans celui des risques avérés », « Je n'ai pas connaissance de problèmes sanitaires qui auraient été posés par les OGM ». M. Gérard Pascal, Directeur de recherche honoraire à l'INRA, Expert en sécurité des aliments à l'OMS, Président du comité scientifique, Directeur de l'alimentation humaine jusqu'à la mise en place de l'autorité européenne de sécurité des aliments, pense que « les OGM posent de multiples problèmes, mais pas sur le plan de la sécurité sanitaire ». Il ajoute que « les problèmes d'environnement sont gérables ». Cela correspond aux déclarations de M. Marc Fellous, Président de la Commission du génie biomoléculaire qui pense que « les OGM destinés à la thérapie génique sont potentiellement beaucoup plus dangereux qu'une plante génétiquement modifiée ». Et pourtant, ils sont acceptés par l'opinion publique. Même M. Guy Kastler, représentant la Confédération paysanne lors de l'audition publique du 2 décembre, a peu insisté sur les risques en matière de santé, privilégiant les problèmes économiques et environnementaux et se bornant à évoquer la controverse sur les expériences d'Aryad Pusztai en 1998, jamais reproduites, qui indiquent que des rats nourris avec des pommes de terre transgéniques, sur lesquelles avait été greffé le gène d'une lectine toxique souffraient de prolifération de cellules génératives de la paroi stomacale. Les problèmes posés par les détracteurs des OGM sont insolubles rationnellement, car la science moderne est fondée sur l'incertitude, et au bout du compte, le scientifique est toujours confronté à un problème de probabilités. Le rapport conjoint des Académies de médecine et de pharmacie « OGM et Santé », présenté par M. Alain Rerat, Directeur de recherche honoraire à l'INRA, membre de l'Académie nationale de médecine, est encore plus catégorique. « Les OGM représentent potentiellement, dans ce domaine, des outils puissants d'accroissement de la productivité des sols, assurant une meilleure protection des plantes contre les conditions adverses de milieu (actuellement : insectes, mauvaises herbes ; ultérieurement : aridité des sols, sécheresse, températures extrêmes) tout en préservant l'environnement et son capital d'avenir. Ils permettent également des progrès révolutionnaires en termes d'équilibres alimentaires, en enrichissant en certains macronutriments (acide oléique...) ou en certains micronutriments (fer, vitamine A) des plantes qui en sont pauvres ; ils peuvent ainsi contribuer à la prévention des maladies cardiovasculaires ou alors à celle de carences plus spécifiques comme la carence martiale... Ce potentiel de progrès est cependant obéré par les craintes irraisonnées des consommateurs, fondées sur une information parcellaire et souvent tendancieuse ». Il est en effet inquiétant qu'entre d'une part le Directeur général de l'Institut Pasteur, le rapporteur l'Académie de médecine, le Président de la Commission du génie biomoléculaire et, d'autre part, quelques rares scientifiques dont les publications sur le thème des OGM ont été souvent refusées d'être éditées dans des revues internationales à comité de lecture, nos concitoyens se rangent du côté de ceux qui prônent la peur. La gravité de la situation doit ainsi être soulignée lorsque des organisations, guidées par des scientifiques ne respectant pas l'éthique professionnelle ou par des « amateurs » s'autoproclamant « experts », n'hésitent pas à mettre en cause l'honnêteté intellectuelle de scientifiques reconnus internationalement. 1) Les risques allergiques La question relative aux risques allergiques est légitime, dans la mesure où on a observé depuis quelques années une augmentation très forte des risques d'allergies alimentaires. Ce risque existe pour les OGM puisqu'un gène nouveau va induire la production d'une nouvelle protéine, mais ce risque potentiel sera le même pour tout aliment nouveau, ou pour toute espèce nouvelle produite par des méthodes non transgéniques. Votre rapporteur pense qu'un paysan de la Meuse s'expose à plus de risques en mangeant un kiwi, un letchi ou un pain au sésame, si c'est la première fois qu'il consomme ces produits - donc des centaines de protéines nouvelles - qu'un OGM produisant une nouvelle protéine, qu'il est plus dangereux de se parfumer avec un nouveau parfum que de consommer un aliment issu d'une plante génétiquement modifiée. Il est évidemment dangereux d'aller " pêcher des gènes " dans des sources allergènes. En outre, le stockage prolongé, la texturation, le chauffage, la fermentation peuvent augmenter l'allergénicité d'une protéine. Le soja contient de 11 à 13 sources allergènes. Les Etats-Unis d'Amérique ont convaincu la FAO et l'OMS de la validité d'utiliser un gène issu de sources allergènes et d'évaluer le risque allergène de la protéine codée par ce gène en comparant sa séquence avec celle de protéines allergènes figurant dans des banques de données, sur la base de similitudes de l'alignement de six à huit acides aminés, puis d'étudier la dégradation de la protéine par digestion enzymatique et enfin, de rechercher la liaison entre cette protéine transgénique et les sérums de sujets allergiques à la plante dont est issu le gène, ou des allergènes répertoriés du même groupe. La professeure Denise Monneret-Vautrin122, du CHU de Nancy, propose également d'analyser le risque d'allergénicité croisée de la protéine transgénique avec les allergènes existants et d'analyser le risque de modification de l'allergénicité des protéines de la plante transgénique. Les Américains refusent la recherche de cette allergénicité croisée, contestant la qualité de sérums qui dépendraient de banques commerciales. Votre rapporteur recommande la création, en France, sous l'égide de l'AFSSA et de l'Institut national de veille sanitaire, d'un centre d'allergovigilance, comprenant une sérothèque de référence, qui existe déjà au CHU de Nancy. En résumé, la professeure Monneret-Vautrin, spécialiste européenne incontestée des allergies conclut que « la surveillance du risque allergique des aliments est une légitime préoccupation, justifiée par la fréquence grandissante des allergies alimentaires. Les aliments transgéniques ne sont qu'un élément parmi d'autres méritant cette surveillance, dont les prémices rationnels sont clairement posés désormais. Sans oublier que cette biotechnologie conduira à la mise au point de matériels alimentaires qui permettront une immunothérapie spécifique prometteuse pour le traitement des allergies alimentaires et peut-être, d'aliments hypoallergéniques ». Des cas de risques allergiques d'OGM non commercialisés, détectés au préalable grâce à un sérum de sujet allergique au soja ont été décrits chez l'animal, mais on est loin du catastrophisme de la description de MM. L. Ceballos et G. Kastler dans leur opuscule « OGM, sécurité, santé »- « Ce que la science révèle et qu'on ne nous dit pas », éditions Nature et Progrès (2004) : « Récemment, une équipe a montré que la toxine Cryl Ac contenue dans certaines plantes Bt provoque des réactions allergiques des muqueuses et de l'ensemble du système immunitaire par sa capacité à pénétrer l'organisme suite à un simple contact sur la peau. C'est un immunogène aussi puissant que la toxine cholérique. Une souche Bt, qui cause une nécrose sévère chez l'homme, provoque la mort des souris en 8 h ». Votre rapporteur préconise une analyse au cas par cas des risques allergiques. 2) Les risques toxiques Comme dans le cas des allergies, les risques toxiques des aliments génétiquement modifiés ont été testés. Cette thématique a également été au centre de nombreuses polémiques. Les positions communément admises sont les suivantes : - Le transgène est un fragment d'ADN. Il est dégradé dans le tube digestif. - La protéine d'expression du transgène doit bien sûr être testée lors d'un protocole d'évaluation préliminaire à toute utilisation. C'est davantage la diversité des commissions chargées d'examiner ce risque qui inquiète votre rapporteur, car dans le cas de l'autorisation de mise sur le marché, l'AFSSA est compétente, alors que la commission des toxiques donne un avis pour les produits phytosanitaires. Depuis 2003, l'Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments instruit l'autorisation de mise sur le marché. Des avis divergents ont souvent caractérisé les évaluations de ces instances. Enfin, un risque peut provenir de la persistance de produits dérivés des pesticides, dans la mesure où certaines plantes sont par définition résistantes à des pesticides utilisés pour détruire les mauvaises herbes. Il revient à la commission des toxiques - puisqu'il s'agit de pesticides - d'évaluer ces risques potentiels. Pour votre rapporteur, une réforme et une meilleure coordination entre le système national et européen d'évaluation s'impose. Mais, dans ce domaine comme dans les précédents, il convient de relativiser. Certains experts doutent de l'utilité d'un système trop pointilleux d'évaluation de la toxicité. S'il y a un réel effet toxique, il sera mis en évidence ; si l'effet est discret, ce n'est pas l'allongement des tests de toxicité sur des animaux qui permettra de le détecter. Les méthodes classiques de la toxicologie ne sont pas assez sensibles pour mettre en évidence ces effets discrets. Si on continue à vouloir persévérer dans cette voie, on risque de connaître de graves ambiguïtés, comme dans le cas du maïs MON 863 où les mêmes résultats avaient convaincu le panel Européen et l'AFSSA de l'innocuité du produit, alors que la CGB (compétente pour des expérimentations) avait demandé des informations complémentaires. Votre rapporteur avait, en 1998, été l'un des premiers à réclamer des études sur l'activation des gènes dormants après l'insertion d'un transgène. Mais, cette demande devrait, dans cette hypothèse, s'appliquer à toutes les techniques de sélection génétiques, y compris celles utilisant les méthodes de sélection végétale qui sont « brutales » lorsque sont utilisés l'irradiation ou des mutagènes. Il serait absurde et « criminel » d'accepter, comme le demandent les adversaires des OGM, des expérimentations sur deux ans, car cela supposera des milliers d'animaux sacrifiés pour des résultats non significatifs. M. Bernard Chevassus-au-Louis « enfonce le clou » quand il aborde la question du seuil de contaminants autorisés. «On a pris 0,9 % au niveau européen sans base objective, car si le problème était toxicologique, je ne connais aucune toxique susceptible d'être tolérée à 0,9% ». Ou les OGM sont dangereux et il faut les interdire, ou ils ne le sont pas et ils ne doivent pas être traités comme des poisons. Les expériences menées depuis dix ans ont permis de connaître, de manière de plus en plus précise, les zones d'insertion des transgènes ; on est également capable d'isoler des sites d'insertion d'un même gène. On dispose aussi de collections de mutants d'insertion chez le riz, ce qui va permettre de rechercher l'incidence de l'insertion d'un gène sur l'expression éventuelle d'autres gènes de la plante. Pour Mme F. Casse et M. F. Hervieu, dans « OGM et Santé » déjà cité, la conclusion est claire : « Quoi qu'il en soit, les évaluations a priori et les surveillances instituées, en France comme en Europe, peuvent raisonnablement permettre de penser que le cadre réglementaire relatif aux OGM permet d'écarter tout danger sanitaire pour les consommateurs ». 3) Les gènes de résistance aux antibiotiques Les discussions en 1998 avaient tourné autour de ce thème et plusieurs dangers avaient été relevés : - Passage du gène de résistance aux antibiotiques vers les bactéries du tube digestif. M. P. Courvalin, Chef de l'unité des agents antibactériens de l'Institut Pasteur, estimait que « la stabilité thermique de l'ADN est telle que dans un certain nombre de cas, les gènes de résistance ne seront pas dénaturés par la préparation que subissent les aliments avant ingestion ». - Passage aux bactéries du sol de l'ADN des plantes trangéniques en décomposition, et notamment de leurs racines. M. P. Courvalin, estimait alors que « l'ADN, contrairement aux idées reçues (...), est une molécule extrêmement stable dans les sols et que certaines espèces bactériennes telluriques peuvent spontanément et efficacement incorporer de l'ADN ». Aujourd'hui, ces arguments sont relativisés. - Les gènes de résistance aux antibiotiques utilisés dans les plantes transgéniques de première génération sont déjà très largement répandus dans la nature. A titre d'exemple, le gène bla est porté par une souche de colibacilles sur deux. La majorité des êtres humains portent des colibacilles dans leur tube digestif à un taux de 10 à 100 millions par gramme, ce qui fait une excrétion quotidienne de 5 à 50 milliards de colibacilles porteurs de gène bla dans la nature par un individu sur deux. - Bien que le transfert horizontal de gène de résistance depuis les végétaux vers les bactéries soit théoriquement possible avec une probabilité très faible, aucun transfert horizontal de gènes depuis les végétaux vers les bactéries n'a été prouvé dans la nature. Les marqueurs de résistance aux antibiotiques ne présentent aucun risque pour la santé. L'AFSSA a, dans son avis (2002) sur l'évaluation des risques relatifs à la consommation de produits alimentaires composés ou issus d'OGM, conclu que les plantes génétiquement modifiées contenant des gènes de résistance à la kanamycine ou à l'ampicilline ne représentaient qu'un risque théorique, et elle le considérait comme négligeable pour la santé, dans la mesure où de nombreuses résistances aux antibiotiques avaient malheureusement déjà colonisé la fibre bactérienne. Néanmoins, pour éviter d'introduire un risque supplémentaire, votre rapporteur avait proposé que ne soient plus acceptés les dossiers de plantes transgéniques contenant un ou des gènes marqueurs de résistance à des antibiotiques (1998). Cette position a été reprise par la FAO et l'OMS (2000), ainsi que l'Union Européenne. D'ailleurs, il semble exister aujourd'hui des méthodes permettant d'éliminer, chez les plantes, les gènes marqueurs. Un avis récent de l'European Food Safety Authority (EFSA) propose de classer ces types de résistance en trois classes selon leurs niveaux de risques. Votre rapporteur propose donc que les nouvelles autorisations de mise sur le marché soient refusées si les constructions contiennent des gènes de résistance aux antibiotiques, mais que les espèces déjà autorisées ou les expérimentations en cours puissent être autorisées encore pendant cinq ans. Beaucoup de réponses ont ainsi été apportées depuis sept ans aux questions posées par les initiateurs du combat anti-OGM. Les questions posées faisaient craindre des catastrophes, elles ont engendré la méfiance d'une partie de nos concitoyens. Les réponses techniques des scientifiques n'ont eu aucune influence et le front du refus a tendance à s'élargir puisque pour chaque interrogation résolue, de nouveaux questionnements apparaissent. 4) Les risques sériels Les méthodes de toxicologie classiques destinées à détecter l'impact toxique de molécules, lorsque l'exposition humaine est très faible, sans que l'on puisse « forcer la dose » en expérimentation animale, ne sont pas assez sensibles pour mettre en évidence des effets discrets à long terme. Mais on peut se demander si les demandes croissantes de contrôle de sécurité n'ont pas pour seul but de bloquer la filière. Car, pourquoi soumettre un aliment contenant une substance extraite d'un organisme génétiquement modifié à des contrôles auxquels aucun aliment importé d'une autre région du monde n'a été soumis ? Tous les arguments développés pour justifier l'apparition de nouveaux métabolites après insertion d'un gène s'appliquent également à certains aliments obtenus après sélection classique. Un effet discret peut être le fait de tout aliment, qu'il soit OGM ou non. Cette question est liée à celle que nous aborderons plus tard d'assurabilité et de prise en charge des risques sériels. Il s'agit d'un des points continuant à alimenter la controverse sur les OGM. Il convient d'accorder une importance relative à la phrase passe-partout « On a des OGM dans nos assiettes ». Manger un OGM veut simplement dire que nous consommons un petit morceau d'ADN qui existait déjà dans la nature. Ce morceau de gène sera digéré, comme l'est l'ADN de tous les produits que nous ingérons tous les jours dans les aliments que nous mangeons. D'autre part, n'oublions pas que des bactéries ou des microorganismes accompagnent nos rations alimentaires quotidiennes. Le fromage au lait cru détient le record de microorganismes ingérés puisqu'il contient un milliard de germes par gramme. L'approche de la France qui demande à tout candidat à la mise sur le marché de prouver qu'il n'y a pas de risque est totalement différente du modèle américain dans lequel il revient à l'instructeur du dossier de démontrer qu'il y a un risque. Votre rapporteur pense qu'il conviendrait de soutenir les recherches sur la précision de l'insertion dans le génome et sur les interactions entre l'insertion d'un gène et l'expression du génome de la plante. Les questions relatives aux risques environnementaux restent au centre du débat sur les OGM. Elles concernent principalement : - Le flux des gènes ou transfert génétique vers d'autres plantes. - L'apparition de résistances chez les prédateurs. - Le risque que des animaux transgéniques ou des microorganismes transgéniques s'échappent dans la nature. 1) Les flux de gènes Cette question a été largement débattue lors de la controverse française sur l'expérimentation en plein champ. Les flux de gènes se produisent depuis que l'agriculture existe et des croisements entre espèces sauvages et cultures ont toujours existé. Les flux de gènes, qui sont à la base de la variabilité végétale depuis des millénaires, ont été plutôt profitables. Un facteur essentiel dans la diffusion d'un caractère donné réside dans son adaptabilité au milieu environnemental, traduisant l'avantage reproductif qu'il confère à la plante, dans un environnement donné. Le problème ne se pose pas pour le maïs, car il n'y a pas, en Europe, de possibilité de croisement avec les adventices sauvages, comme le téosynte, l'ancêtre du maïs originaire des hauts plateaux du Mexique. Les croisements sont, par contre, possibles entre le colza et des espèces sauvages européennes comme la moutarde, la ravenelle ou la roquette bâtarde. Il n'y a pas de consensus sur ces questions et nous devons recommander de rester vigilants. Toutefois, il n'y a pas non plus d'exemple direct d'invasion massive par un hybride provenant d'une espèce transgénique d'une plante sauvage apparentée dans les pays qui autorisent des cultures d'OGM. De nouvelles méthodes culturales ont été proposées. Cette question est au centre du débat sur la coexistence entre cultures transgéniques et agriculture biologique. On peut prévoir des périodes de floraison différentes des espèces transgéniques pour empêcher la pollinisation croisée, prévoir des zones tampons qui séparent la culture transgénique cultivée de champs avoisinants. Votre rapporteur rappelle toutefois la nécessité de la biovigilance et souhaite que des recherches soient menées, en particulier sur les sites où ont eu lieu des expérimentations. Il demande notamment que l'apparition de gènes multirésistants à des herbicides soit étudiée. La prudence s'impose, mais comme nous l'avons détaillé précédemment, la priorité que nous devrions nous fixer est de réduire la consommation de pesticides et d'herbicides, ces produits phytosanitaires ayant un impact certain sur l'environnement et la santé humaine. 2) L'apparition de résistance chez les prédateurs Cette question a été notamment posée dans le cas du maïs Bt, résistant à la pyrale. Le développement d'une résistance à une toxine Bt rendrait le traitement classique, et notamment biologique, utilisant cette toxine inefficace. Dans cette hypothèse, il pourrait y avoir une augmentation de la densité de population de ravageurs et par contrecoup, une augmentation des moyens de lutte chronique comme les pesticides. Rien de tel n'a été constaté aujourd'hui dans les pays qui cultivent des plantes transgéniques. Votre rapporteur recommande la prudence, mais aussi qu'une comparaison soit faite entre l'utilisation des biotechnologies et l'emploi de pesticides et d'herbicides. L'affaire du « Monarque » en 1999 a en effet provoqué une grande émotion dans la presse. Une équipe américaine (John Losey et coll.), a publié dans la prestigieuse revue « Nature », les conclusions d'une recherche qui démontrait non seulement que le maïs Bt tuait les larves de pyrale ou de sésame, mais que son pollen tuait également les chenilles du papillon Monarque. Cette étude a ensuite été réfutée par six publications éditées en 2001 dans une revue prestigieuse de l'Académie des Sciences (des USTPNAS). Ces recherches ont montré que le pollen du maïs Bt n'avait que des conséquences négligeables sur la chenille du papillon « Monarque ». Toutefois, ces expérimentations contradictoires n'ont pas fait les titres des journaux en Europe. Il aurait fallu dire en parallèle à cette information que, même si le pollen de maïs Bt avait une influence sur la larve du « Monarque » - ce qui n'aurait pas été en soi étonnant puisqu'il s'agit d'une larve d'un papillon voisin de la pyrale - le dégât pour l'entomofaune est moins grand si l'on réduit le nombre de traitements aux insecticides, car un pesticide ou un herbicide tue non seulement tous les insectes, mais dégrade aussi l'habitat des oiseaux. Votre rapporteur recommande une gestion des effets sur les autres espèces par l'utilisation de techniques culturales appropriées, en créant notamment des zones refuges. 3) La biodiversité est plus menacée par l'agriculture intensive que par les OGM L'homme ne parviendra jamais à modifier durablement la biodiversité par l'ingénierie génétique. L'industrialisation des pays riches, la démographie galopante, la déforestation des forêts équatoriales ont malheureusement conduit à une destruction systématique des espèces qui vivent sur notre planète. Et la culture du maïs, qu'il soit ou non transgénique, menace la biodiversité. Ce sont nos modes de production qui sont en jeu et si la démographie continue à galoper, nous aurons les plus grandes difficultés à préserver la biodiversité sur notre planète. Dans le débat sur les OGM, l'apport des intrants à l'amélioration des rendements est généralement souligné, leurs limites sont aussi mises en évidence, tant en ce qui concerne la préservation des ressources naturelles, que sur le plan de la recherche d'une meilleure efficacité, de nombreux pathogènes de plantes n'étant pas sensibles aux pesticides actuellement commercialisés et certains agents pathogènes pouvant supporter sans dommage de fortes doses de pesticides. La transgenèse constitue pour la protection des plantes, « une méthodologie efficace, nécessaire, mais non suffisante »123. L'utilité tant des procédés chimiques, de plus en plus ciblés avec des effets secondaires de plus en plus réduits, que des procédés biologiques, reposant sur des préparations à base de virus, champignons, insectes, capables de limiter les populations de certains ravageurs et qui représentaient en 1998 5% des interventions phytosanitaires, demeure, comme est reconnu l'intérêt de la création de variétés végétales résistantes par des techniques de sélection classique. Ses avantages intrinsèques, mais aussi ceux comparés aux inconvénients liés à l'utilisation des pesticides, sont cependant mis en valeur. Ainsi, par exemple, pour les variétés de maïs (Bt) transformés pour produire une toxine active contre la pyrale, on souligne que ladite toxine est active sur les insectes et non sur les mammifères et produite principalement dans les parties vertes de la plante, lesquelles ne sont pas consommées par l'homme124. Comme le rappelait un document émanant de l'OCDE125, dans le domaine agricole, les objectifs tendant à augmenter les rendements ou à fixer l'azote, sont moins importants au sein de l'OCDE que dans les pays en développement, la population des pays développés estimant que, dans le domaine alimentaire, ses besoins quantitatifs et qualitatifs sont globalement satisfaits. Des recherches sont orientées néanmoins sur la mise au point d'OGM résistants aux stress abiotiques (froid, sècheresse, salinité, chaleur) même si leurs résultats ne s'inscrivent pas dans le court terme. Actuellement, l'accent est mis sur les OGM dits de " deuxième génération ", c'est-à-dire sur des caractères qualitatifs (modification des profils d'acides gras, de la composition protéinique, maturité des fruits après la récolte, amidons absorbant moins de matières grasses au cours de la cuisson). En 1994, la tomate transgénique Flavr SavrTM de la société Calgène (Etats-Unis), à mûrissement contrôlable, a été mise sur le marché, mais est restée isolée et n'a pas connu de succès commercial parce que la variété parentale avait été mal choisie sur le plan des qualités organoleptiques. Cette question est majeure, puisqu'elle englobe non seulement la protection des consommateurs contre les risques sanitaires ou environnementaux qui pourraient apparaître à long terme, mais également la protection des agriculteurs contre les risques de contaminations de filières biologiques coexistant dans les mêmes régions de production. La conférence de citoyens avait souhaité, en 1998, que la responsabilité en matière de produits défectueux puisse être élargi aux OGM, mais ceux-ci, par définition, ne sont pas considérés comme des produits susceptibles d'être défectueux, puisqu'ils sont autorisés par les ministres concernés, après avis, au niveau national et européen, des commissions concernées. C'est l'avis défendu par « l'UFC Que Choisir » qui réclame un régime de responsabilité spécifique, permettant de saisir le tribunal en cas de dommages sanitaires et souhaite que la loi inclue le risque de pollution génétique. Votre rapporteur souhaite que cette question soit débattue dans le cadre du travail de la mission parlementaire sur les enjeux des essais et de l'utilisation des OGM, et que le texte de loi précise le régime de responsabilité. Il souhaite toutefois éviter qu'une législation nouvelle ne contribue à créer un nid de procédures et est opposé à la nouvelle loi allemande qui rend responsables les semenciers et les agriculteurs des alentours en cas de contamination, même s'il n'y a pas eu faute. Le cadre juridique de responsabilité pour faute lui apparaît suffisant, dans la mesure où des seuils de mélange entre cultures OGM et conventionnelles sont tolérés ; tout abaissement nouveau des seuils réclamés par certains anti-OGM reviendrait, comme en Allemagne, à interdire l'agriculture génétiquement modifiée. Les assureurs sont opposés à toute éventualité d'assurer les semenciers ou les agriculteurs, puisqu'il est impossible de préciser le risque. Le point le plus problématique m'apparaît être celui de la responsabilité juridique en cas de préjudices environnementaux et les responsabilités des pouvoirs publics, des semenciers, du producteur, devraient être précisées. Mais avec plus de 80 000 000 d'hectares cultivés dans le monde en 2004, on considère que la cohorte des consommateurs est la plus grande jamais réunie dans une expérience, puisque les gènes transférés sont consommés en partie par l'homme ou dans l'alimentation animale, et qu'elle devrait permettre de détecter des effets marqués sur la santé, sur les flux de gènes ou l'apparition de résistances. Le développement des cultures OGM dans le monde et leur refus en Europe illustre la complexité des relations économiques mondiales. Les accords de Marrakech créaient, en 1992, l'Organisation Mondiale du Commerce, et avaient pour but d'instaurer le libre échange en matière d'échanges commerciaux internationaux. La controverse des OGM a été un nouveau grain de sable dans les échanges agricoles, après les épisodes plus anciens des tourteaux de soja ou du bœuf aux hormones. Les consommateurs américains, avec l'aval de la puissante Food and Drug Administration, ont accepté la mise sur le marché des aliments issus des plantes transgéniques. Les autorités fédérales américaines n'ont d'ailleurs pas compris que les Européens aient refusé leurs importations et aient imposé, en 2004, des contraintes en terme d'information du consommateur et d'étiquetage. Nous disposons aujourd'hui de statistiques précises dans le domaine des cultures génétiquement modifiées. Il s'agit de données publiques dont la collecte est facilitée par l'existence de procédures d'autorisation, mais aussi privées, le secteur, fortement concurrentiel, faisant l'objet d'autorisations dans certains pays ou d'un suivi technologique systématique. Les informations dont disposent les organisations professionnelles126 révèlent plusieurs évolutions. D'une part, depuis 1998, on a assisté à plus d'un doublement des surfaces cultivées d'OGM dans le monde. Soixante-sept millions d'hectares sont concernés en 2003 et la progression a été régulière depuis sept ans : 1,7 million d'hectares en 1996, 11 millions en 1997, 27,8 millions en 1998, 39,9 millions en 1999, 44,2 en 2000, 52,6 en 2001, 58,7 en 2002 et 67,7 millions d'hectares en 2003. Sur ce point les industriels font valoir que si les débats sur les OGM dans l'alimentation en ont ralenti le développement, celui-ci est resté soutenu. " Les OGM s'imposent sur les marchés ", ce qui montre, prétendent-ils, qu'ils présentent un intérêt, non seulement pour les industries productrices, mais aussi pour les utilisateurs, et en particulier les agriculteurs des zones de production ou de distribution. La répartition par zones géographiques est, d'autre part, très inégale. En 2003, environ 99% des surfaces cultivées sont concentrées dans cinq pays : Etats-Unis (63,2%), Argentine (20,5%), Canada (6,5%), Brésil (4,4%), Chine (4,1%), Afrique du Sud (0,6%). Mais une évolution s'est produite depuis 1996 : la croissance des cultures OGM a été régulière dans les pays en voie de développement, ou du moins dans certains d'entre eux, passant d'une surface inexistante en 1996 à 20 millions d'hectares en 2003 ; pour ces pays le cap des 10 millions d'hectares a été franchi en 2000 et les surfaces ont doublé en l'espace de trois années. En revanche, pour les pays industrialisés, la forte croissance jusqu'en 1999 - la surface passant de quelques centaines de milliers d'hectares en 1996 à près de 33 millions en 1999 - après une pause l'année suivante, a connu une reprise, mais plus modérée qu'au cours de la période précédente, pour atteindre 47 millions d'hectares en 2003. Distribution des cultures OGM par pays en 2000 et 2003
En troisième lieu, si les cultures OGM sont actuellement concentrées sur quelques espèces, pour ces espèces elles représentent une part croissante et importante des cultures. Ainsi, en 2003, trois espèces couvrent 95% des surfaces " OGM ". Le soja en représente 61,2%, le maïs 22,9%, le coton 10,6%, le canola 5,3% et les autres espèces, moins de 1%. Le soja a connu la plus forte croissance, passant de 5 millions d'hectares en 1997 à plus de 40 millions en 2003. Aujourd'hui, 55% des surfaces mondiales de culture de soja, 11% des cultures de maïs, 16% des surfaces de colza et 21% des surfaces de coton sont OGM. Evolution des cultures OGM par espèce végétale entre 1996 et 2003
Enfin, les cultures OGM sont actuellement ciblées sur deux caractères, la tolérance à un herbicide et la résistance aux insectes, qui représentent 99% des surfaces. Entre 1996 et 2003, la tolérance aux herbicides a connu une très forte croissance, pour atteindre 50 millions d'hectares en 2003, contre 10 millions pour la résistance aux insectes (2002) et environ 7 millions pour une tolérance aux herbicides associée à une résistance aux insectes. Les technologies Monsanto y sont très largement dominantes, avec 95% des surfaces (tolérance herbicide : 73,4%, résistance aux insectes (Bt) : 18%, Bt et tolérance aux herbicides : 8,6%). Dans ce contexte, le paysage OGM européen est presque inexistant. Il se limite à ce jour à 32 000 hectares en Espagne, quelques centaines d'hectares en Allemagne, quelques milliers d'hectares en Bulgarie et 70 000 hectares en Roumanie. Les statistiques relatives aux essais au champ donnent des informations sur les variétés susceptibles d'être commercialisées dans deux à cinq ans, mais les indicateurs méritent d'être affinés et devraient couvrir les produits non alimentaires, comme ceux issus de l'horticulture. La base de données BioTrack, mise en place par l'OCDE, comprend d'une part, des données sur les produits issus de la biotechnologie moderne autorisés sur les marchés127 (type d'organisme, entreprise ou institution ayant déposé la demande d'autorisation, code du produit, pays ayant autorisé pour la première fois le produit et année de délivrance de cette première autorisation) et, d'autre part, des données sur les essais au champ dans les pays membres de l'OCDE. Pour ces pays, les essais portent actuellement sur les variétés suivantes : maïs 38%, colza 13%, pomme de terre 12%, tomate 10%, soja 9%, coton 7%, tabac 5%, cucurbitacées 2%, betterave à sucre 2%, luzerne 1% et bactéries 1%. En 2002, les biotechnologies de seconde génération128, celles axées sur la qualité, qui devraient offrir de plus grands avantages aux agriculteurs et pour l'environnement, représentaient 19,2% des essais en champ aux Etats-Unis et 12,7% pour l'Union européenne. Le tableau suivant, extrait d'un document de l'OCDE129, montre que, pour les recherches relatives aux caractères ciblés sur la qualité, le secteur privé investit peu, surtout dans l'Union européenne. S'agissant des processus alimentaires, l'intérêt du secteur privé s'est réduit depuis 1996 aux Etats-Unis. Essais aux champs aux Etats-Unis et dans l'Union européenne
Source : A. Arundel " Agro-biotechnology, Innovation and Employment " - Science and Public Policy 2002 Depuis le moratoire, en quatre années, 39% des entreprises privées de biotechnologie et des instituts de recherche publics ont radié leurs projets de recherche relatifs aux OGM pour l'agriculture et le nombre d'essais expérimentaux en champ, pourtant non couverts par le moratoire, a diminué de 76% par défection spontanée. Selon les estimations de la Commission, 61% des entreprises privées de biotechnologie en Europe ont annulé les projets de recherche sur les OGM depuis 1998130. En Europe, le nombre d'essais en 2003 était plus bas que celui enregistré en 1992. Alors que ce nombre dépassait 250 en 1997, il a diminué fortement en 2000 (de l'ordre de 125), pour atteindre près de 80 essais en 2001 et quelque 50 essais en 2002. Le nombre de dossiers soumis à la CGB - la commission du génie biomoléculaire - en France et autorisés a régressé de 50% de 2001 à 2003, passant de 30 à 15131, en raison notamment des destructions illégales perpétrées132. Un document européen133 analyse les perspectives de diffusion des biotechnologies végétales en Europe. Pour apprécier ces perspectives à court terme (5 ans), elle prend en compte les autorisations intervenues et les demandes déposées en Europe à la date de l'élaboration dudit document (14 plantes GM ont été autorisées avant 1998, aucune depuis ; 13 demandes d'autorisation avaient été formulées sur la base de la directive de 1990 et 19 sur la base de la nouvelle directive de 2001), les autorisations données dans les autres pays développés, notamment ceux qui exportent des produits en Europe (Etats-Unis, Canada et Argentine notamment), ainsi que les besoins de l'Union européenne. Si depuis le milieu des années 90, des évolutions ont eu lieu permettant à l'Europe de changer de fournisseurs pour ses importations (l'administration américaine estime que les pertes enregistrées, liées à la baisse de ses exportations de maïs vers l'Europe, se sont élevées à 300 millions de dollars par an), les productions d'OGM se sont aussi fortement développées chez la plupart des pays fournisseurs de l'Europe (Etats-Unis, Argentine, Canada, voire Brésil). A moyen terme (5 à 10 ans), les essais au champ sont déterminants, puisqu'ils constituent un prérequis pour une approbation sur le marché. Or, en Europe, de 1998 à 2001, le nombre de ces essais a diminué de 76% et même de 87% de 1998 à 2002. Tant aux Etats-Unis qu'en Europe, les essais portant sur des caractères non agronomiques ont diminué, mais aux Etats-Unis les recherches à finalité pharmaceutique (molecular farming) se sont développées (1% des essais et 11% des projets menés en laboratoire). Le document souligne que les abandons de projets de recherche en Europe reposent principalement sur des considérations non strictement techniques (par ordre d'importance : insécurité juridique, faible intérêt des consommateurs, incertitude des marchés). Dans la logique européenne, la clause de sauvegarde du protocole de Carthagène devrait permettre d'assurer la sécurité du consommateur, et dans celle des Américains, l'Europe serait accusée d'instaurer, sous couvert d'OGM, des barrières non tarifaires. L'OMC doit, pour les tenants du libre échange, combattre toutes les limitations d'importation ou de vente des produits. Dans cette logique anglo-saxonne, la vente d'un produit est permise, si l'on n'a pas prouvé sa nocivité et si l'on n'a pas démontré qu'il existe des risques avérés de toxicité. La doctrine des Etats-Unis veut que les fabricants de denrées alimentaires soient responsables a posteriori vis-à-vis des consommateurs, si les aliments se révèlent défectueux. Pour les tenants de cette doctrine la sanction du marché et la concurrence imposent de fait un niveau de qualité élevé. Cette philosophie est « aux antipodes » du système des pays latins dans lesquels l'Etat est en premier responsable de la sûreté alimentaire. Ce dernier système demande au préalable à tout pétitionnaire de prouver l'innocuité du produit qu'il commercialise. Aux Etats-Unis, on donne la priorité à des mesures correctives a posteriori alors que les pays Européens prônent l'application du principe de précaution. Toute la question des OGM est résumée dans cette différence d'approche et elle se résume en une interrogation : « Peut-on prévenir un risque potentiel qu'on ne connaît pas ? ». De surcroît, les groupes américains comme Monsanto, Dupont de Nemours ou Pioneer qui ont investi depuis plus de quinze ans dans les biotechnologies agricoles, veulent récupérer les dividendes des coûts de leurs programmes de recherche. C'est la raison du « lobbying » qu'ils exercent. Le droit international sur les échanges commerciaux s'est compliqué avec l'adoption des récents traités internationaux : l'Union Européenne a signé le protocole de Carthagène relatif à la prévention des risques biotechnologiques, annexé à la convention sur la diversité biologique des Nations Unies, discutée pour la première fois au sommet de Rio de Janeiro, et entrée en vigueur en 2003. L'objectif de cet accord est d'établir des règles communes pour les mouvements transfrontaliers d'OGM afin de garantir, à l'échelle mondiale, la protection de la biodiversité et de la santé humaine, et d'évaluer les risques qui pourraient provenir du transfert, de la manutention et de l'utilisation des organismes vivants modifiés. Le protocole prévoit une procédure d'accord préalable pour les produits qui pourraient avoir des effets contraires sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité. Il stipule des règles exigeant la notification des exportations d'OGM, l'information préalable du public et l'identification des organismes vivants modifiés. Il est également prévu qu'un processus visant à rechercher les responsabilités et à réparer les torts causés par ces exportations sera mis en place. La position prise par l'Union Européenne sur l'étiquetage et l'information du public est conforme aux règles de l'OMC. Elle est transparente et non discriminatoire. Cette question est au cœur même de la question posée par les échanges de produits issus d'OGM, car ces deux traités ont la même valeur juridique. Mais rien n'est prévu dans les conventions internationales pour arbitrer entre la clause de sauvegarde des pays signataires du protocole de Carthagène, où l'Etat qui protège doit apporter la preuve du risque, et la répression de l'instauration de barrières non tarifaires par les signataires du traité de l'OMC. Les décisions peuvent également s'appuyer sur des considérations socioéconomiques, découlant de l'impact des organismes vivants modifiés sur la biodiversité. Ce point est donc directement lié à celui relatif à la propriété intellectuelle. En conclusion, s'agissant des inconvénients, après cinq ans de recul, à la lecture de plusieurs dizaines de rapports, il apparaît que le risque le plus important n'est pas le risque sur la santé. Pour votre rapporteur, le premier risque des OGM est avant tout socio-économique. La mondialisation de l'économie conduit à une concentration de l'industrie semencière et de l'industrie chimique dans le giron de quelques grands groupes multinationaux, qui veulent à la fois avoir la propriété des semences et des produits phytosanitaires associés. Le moyen le plus intelligent pour nous opposer à cette appropriation économique n'est pas de bloquer l'utilisation de la technique, mais de l'utiliser au mieux de nos intérêts. D'une part, le combat serait perdu d'avance, puisque cette technique est utilisée par de nombreux autres pays en concurrence avec l'Europe. D'autre part, nous pensons que cette technique utilisée avec pertinence peut être utile à l'homme. La France a mis six ans pour transposer en droit interne la directive du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques. Des débats très riches ont conduit, lors de l'adoption de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, à transposer dans le code de la propriété intellectuelle les articles 5 et 6 concernant le corps humain et ses dérivés. Les dispositions relatives aux inventions biotechnologiques ont été votées le 29 novembre 2004. Le texte a certes progressé, énonçant que le brevet ne protège que des inventions et non de simples découvertes. L'Europe a refusé de cautionner la brevetabilité du vivant qui était souhaitée par de grandes sociétés industrielles. Un gène n'est pas brevetable « en tant que tel ». Plusieurs questions restent toutefois posées après la transposition de cette directive. Nous disposons en Europe d'un instrument très efficace de protection de la propriété intellectuelle. Il s'agit du certificat d'obtention végétale communautaire. Nous aurions dû imposer sa généralisation. Ce dispositif est toujours en vigueur. Il associe la possibilité d'utiliser le génome d'une variété pour une recherche de nouvelle variété, tout en rémunérant la propriété intellectuelle. C'est bien sûr un système que nous devons promouvoir, puisqu'il évite que les grandes sociétés ne s'accaparent des brevets pour imposer des verrous technologiques, empêchant de fait toute concurrence et stérilisant la recherche. La possibilité de breveter un gène devrait être associée à la description précise de la fonction de celui-ci. Cette position concilie la liberté de recherche et la nécessité pour toute entreprise d'avoir un juste retour sur ses activités de recherche et de développement. Le rapporteur du texte au Sénat, le Sénateur Jean Bizet, auteur avec Jean-Marc Pastor d'un rapport sur « Quelle politique des biotechnologies pour la France ? », a amélioré le texte « en conciliant le droit des brevets à celui des obtentions végétales ». Une disposition permet à l'agriculteur d'utiliser pour son besoin « des semences fermières », c'est le privilège de l'agriculteur. Le Sénat a rajouté une exemption visant à élargir le champ de l'exemption du brevet aux « actes accomplis en vue de créer ou de découvrir et de développer d'autres variétés végétales ». C'est le privilège du sélectionneur. Mais, outre le fait que la position de l'Union Européenne n'est pas connue sur le privilège du sélectionneur, plusieurs autres parties du texte ne correspondent pas à nos convictions. La directive ne stipule pas l'exemption de recherche qui devrait permettre d'utiliser toute invention brevetée à des fins de recherche. Nous avons en mémoire l'exemple de cette firme américaine qui, ayant breveté un gène utilisé dans la détection du cancer du sein, a prétendu interdire à l'Institut Curie de travailler sur ce gène, en revendiquant l'exclusivité de son exploitation. Nous devons refuser que le dépôt d'un brevet en amont ne bloque toute la recherche en aval. S'agissant de la brevetabilité des gènes, votre rapporteur appelle l'attention sur le risque de croire qu'à un gène n'est associée qu'une fonction. Du fait de l'immense complexité de la machinerie cellulaire, la génomique nous enseigne que plusieurs fonctions peuvent être associées à un seul gène. Déposer des brevets en cascade sur une multitude de gènes peut donc conduire indirectement à breveter des fonctions virtuelles. L'article premier du texte semble poser quelques garde-fous, mais la transposition en droit interne de la directive européenne n'épuise pas le sujet. Votre rapporteur ne se sent pas autorisé à considérer que le débat est clos et demande au gouvernement et à l'Union Européenne des explications sur l'association des gènes et des fonctions dans la démarche de brevetabilité. Il apparaît également indispensable de bien distinguer le droit du brevet et celui du certificat d'obtention végétale, de manière à prévenir les pratiques abusives de certains détenteurs de brevets. Votre rapporteur pense également qu'il faudrait élargir la possibilité d'octroyer plus facilement des licences obligatoires pour ne pas bloquer le développement de la connaissance. Certains grands groupes ont intérêt à refuser les cessions de licence pour limiter la concurrence. Nous souvenant du contentieux ayant opposé les Professeurs Gallo et Montagné sur l'antériorité de la découverte du virus du SIDA, nous pensons qu'il est impératif de doter l'Europe de dispositions claires sur la propriété intellectuelle. Votre rapporteur souhaite que la France demande, sans délai, une renégociation du traité de 1998 sur la propriété des inventions biotechnologies. L'évolution des positions du Brésil et de l'Afrique du Sud sont intéressantes, car, bien que ces pays soient parvenus à des niveaux de développement différents, ils sont arrivés à la même conclusion : le développement de leur agriculture ne pouvait faire l'impasse sur les biotechnologies. Ils prônent donc une politique globalement favorable aux OGM. 1) Au Brésil, un régime d'autorisation provisoire des cultures transgéniques après une période de refus total des OGM. Le Brésil a changé de politique en 2002. Après avoir été un farouche opposant aux OGM, les gouvernants ont dû se résoudre à l'évidence : les paysans cultivaient des OGM à partir des graines de contrebande acquises en Argentine. En 2002, l'Argentine était le deuxième pays du monde pour les cultures d'OGM avec près de 14 millions d'hectares de plantes cultivées. Le Brésil a cultivé en 2003-2004, trois millions d'hectares soit 10 % de la récolte, principalement en soja. Ce chiffre tient seulement compte des contrats d'engagement liant les exploitants au ministère de l'agriculture. Il est probable que la production de soja transgénique soit en réalité bien supérieure et proche du tiers des surfaces agricoles cultivées. Le Président Lula s'est montré pragmatique et a autorisé les semis à titre provisoire, en attendant le vote d'une loi sur le biosécurité. En réalité, les semis avaient déjà commencé à partir des semences transgéniques obtenues lors des récoltes précédentes. Cette autorisation provisoire reprend en fait celles des années précédentes. La commercialisation est permise jusqu'en février 2006 et le texte ne reprend même plus cette année les dispositions excluant les semis dans « les territoires indigènes et zones considérées prioritaires pour la protection de la biodiversité ». L'examen par le Parlement brésilien de cette loi sur la biodiversité est attendu pour début 2005. Comme dans de nombreux pays, une bataille a opposé le ministre de l'agriculture, M.Roberto Rodrigues et la ministre de l'environnement, Mme Marina Silva et l'arbitrage gouvernemental a confié à une commission technique nationale de biosécurité, liée au ministère de la recherche et de la technologie, et non à celui de l'environnement, l'examen des dossiers et l'autorisation des cultures. La situation du Brésil fait dire aux « pro OGM » que le marché a parlé, car si les paysans se battent pour obtenir des semences, c'est que les rendements sont supérieurs et que la culture est plus facile. La production de soja transgénique en 2004, devrait dépasser les 60 millions de tonnes, soit le tiers de la campagne en cours. Le Brésil risque d'ailleurs de concurrencer très sérieusement les Etats-Unis sur le marché du soja dans les prochaines années ; car le handicap majeur en zone tropicale étant le problème du désherbage, celui-ci disparaît avec les plantes résistantes aux herbicides. 2) En Afrique du Sud : Oui aux OGM, mais avec une législation originale L'Afrique du Sud est le premier pays d'Afrique Sub saharienne à avoir réellement adopté les biotechnologies comme technologie clé et à avoir permis l'utilisation de la transgénèse dans l'agriculture. En 2003, il y avait déjà 400 000 hectares cultivés principalement en maïs (60 %), en soja (30 %), en coton (10 %). La surface ne correspond qu'à 1 % de la surface agricole totale, mais d'une année sur l'autre, l'augmentation des surfaces concernées a été d'un tiers. Cette position favorable aux OGM s'est doublée d'une véritable stratégie de développement des biotechnologies, correspondant à la « position en pointe » de l'Afrique du Sud en faveur du développement des médicaments génériques ; l'Afrique du Sud a de gros projets en santé humaine, en technologies microbiennes, en bioinformatique, elle s'est dotée de fonds de capital risque et de technopoles. Elle sera sans doute l'un des premiers pays d'Afrique à atteindre le seuil de 1% du Produit Intérieur Brut consacré à des dépenses de recherche et développement. Face à cette politique, elle a adopté, en parallèle, un texte de loi original allant plus loin que les clauses obligatoires de mise en conformité avec le traité de Carthagène. La loi a prévu la gestion de l'exportation des ressources biologiques et le partage des dividendes avec les communautés indigènes, énonçant que : - lorsqu'une entreprise agrochimique utilise « des ressources biologiques ou bien un savoir-faire traditionnel et indigène, les demandeurs du brevet sont obligés de dévoiler ces informations », - « lorsque l'objet de la demande concerne un savoir-faire traditionnel, ou bien un élément de l'héritage, le demandeur du brevet doit obtenir un consentement... afin d'en partager la propriété, le contrôle, l'utilisation et les avantages ». L'Afrique du Sud, récent organisateur en 2003 du sommet mondial sur le développement durable, a la volonté de concilier biosécurité, biodiversité et biotechnologies. C'est en ce sens que sa position est originale et il conviendra d'examiner les rapports de force risquant de s'établir avec de grands groupes internationaux et ce pays sur le thème de la propriété intellectuelle. L'information du consommateur est indispensable, car les questions que le public se pose reflètent une véritable inquiétude. Le refus global des OGM dans les sociétés européennes, l'invocation récurrente du principe de précaution correspond à une inquiétude profonde. Beaucoup de consommateurs font l'amalgame entre la maladie de la vache folle, le bœuf aux hormones, le poulet à la dioxine d'une part et d'autre part les OGM, entre science et application des technologies. On doit expliquer au public à quoi sert la recherche et pourquoi nous avons besoin de l'introduction des biotechnologies dans l'agroalimentaire, car si on démontre que grâce à la recherche on diminue la quantité d'insecticides et de pesticides, on protége l'environnement, ou que l'on peut améliorer la qualité nutritionnelle des produits, il n'y aura plus d'opposition frontale. Ce ne sont pas des arguments techniques qui peuvent lever les craintes, ce sont des arguments politiques. Le consommateur n'acceptera les OGM, comme le paysan brésilien, que s'il y trouve des bénéfices. Le pire est donc de privilégier la culture du secret. L'UFC « Que Choisir » ne dit pas autre chose en déclarant qu'ils ne sont pas opposés aux nouvelles technologies et donc aux OGM, si le processus d'évaluation est transparent, s'il n'y a pas de surcoût dû à la traçabilité payé par le consommateur et s'il y a, pour celui-ci, information totale et possibilité de choix. La question du surcoût découlant de l'adoption de seuils de contaminations fortuites trop bas est analysée plus loin. Enfin, le panel de citoyens déclarait avec bon sens en 1998 que n'ayant jamais été demandeurs d'OGM, ils souhaitaient qu'on leur précise les bénéfices qu'ils pouvaient en attendre. L'enlisement du débat depuis 1998 s'est d'ailleurs largement expliqué par le fait que les pays membres de l'Union avaient mis beaucoup de temps à s'entendre sur les demandes d'informations réclamées avec détermination par les opinions publiques. Cette inquiétude qui s'est cristallisée sur les OGM constitue, pour le consommateur, la continuation logique d'une quête mythique de traçabilité des aliments qu'il mange. Le monde de l'alimentation a changé. Les circuits longs dus à la grande distribution se sont aujourd'hui généralisés. Dans les grandes surfaces, le consommateur ne connaît plus l'origine du produit qu'il achète, pas plus que sa composition. Les conditions de vie « moderne », lui imposent d'acheter des plats cuisinés, souvent surgelés. Les grands groupes agroalimentaires lui proposent même de faire la cuisine ou un régime à sa place. Il n'a donc pas confiance dans ces aliments recomposés, mélangés à des additifs ou à des conservateurs. Et en plus, maintenant, il y a des OGM qui viennent s'y camoufler ! Le mot est à la fois inconnu et inquiétant ; pour le public, l'aliment qui en contient n'est pas naturel... alors qu'il y a déjà quelques décennies, en s'approvisionnant à la ferme, chez son épicier, on voyait, on connaissait, on palpait les produits qu'on mangeait... Cette incertitude sur les risques, ce besoin de mieux savoir d'où viennent les produits consommés, amènent à une première conclusion. Même si le risque n'est pas quantifiable, il est, à notre avis, nécessaire de prendre en compte le risque perçu par les consommateurs et d'éviter absolument de fustiger les " peurs irrationnelles " de citoyens supposés ignorants. L'information passe par l'étiquetage et la traçabilité. La question de l'étiquetage n'est pas aussi simple qu'il y paraît, parce qu'elle ramène non seulement à la fixation préalable de seuils de contaminations fortuites d'OGM, mais pose aussi plusieurs questions relatives aux : - aliments issus d'organismes génétiquement modifiés destinés à la consommation humaine, - produits dérivés d'OGM destinés à la consommation, - additifs, arômes et dérivés, produits par des microorganismes génétiquement modifiés, ou enzymes produites par des OGM, - aliments issus d'organismes génétiquement modifiés destinés à la consommation animale. Le règlement CE 1830/2003 complété par des modalités d'application du 6 avril 2004 a répondu à ces questions. Le cadre règlementaire pour le commerce d'OGM en Europe est résumé ci- dessous : - L'étiquetage est obligatoire au-dessus d'un seuil de présence fortuite de 0,9 % pour les produits OGM non transformés. - La présence fortuite pour des OGM évalués mais pas encore autorisés est de 0,5 %. Au-delà, la mise sur le marché est interdite. - Les denrées et aliments pour le bétail doivent être étiquetés. Ils concernent l'agriculteur et non le consommateur. - La traçabilité s'impose pour les OGM destinés à l'alimentation. Les documents d'accompagnement doivent préciser la liste des matières premières issues d'OGM lorsqu'il y a mélange et ces documents doivent être conservés cinq ans. - Dans le cas de produits élaborés à partir d'OGM, l'opérateur doit préciser l'origine de chaque ingrédient alimentaire produit à partir d'OGM, même si aucune trace d'OGM n'existe plus dans le produit final. - Ces produits doivent être notifiés aux collectivités comme les hôpitaux, les restaurants, les cantines... même s'il n'existe plus, du fait de la transformation, de trace d'ADN dans le produit final. De manière pratique, la traçabilité permet de suivre le produit tout au long de la chaîne de production et de distribution, de la semence aux produits alimentaires, y compris les denrées alimentaires hautement raffinées comme l'huile extraite de colza génétiquement modifié, la farine produite à partir de maïs génétiquement modifié ou la lecithine extraite de soja génétiquement modifié, utilisée dans la fabrication du chocolat. Les réponses apportées par la Commission européenne correspondent à un compromis politique qui ne satisfait pas votre rapporteur sur plusieurs points. Il est évident que la stratégie des détracteurs des OGM est simple. En rendant la réglementation de plus en plus sévère, ils veulent bloquer l'utilisation totale de la technologie. M. Kourilsky, Directeur général de l'Institut Pasteur, a déclaré qu'on « arrive aujourd'hui à des questions sur la sécurité d'une telle finesse, qu'il n'y a même plus de réponse possible ». C'est un peu ce qui se passe en matière de réglementation. Le curseur est allé trop loin dans le traitement de risques qui ne sont pas avérés et la complexité et la sévérité de certaines dispositions risquent de constituer, à l'avenir, un véritable nid de procédures et compliquer l'utilisation des techniques de transgénèse. De plus, un certain nombre de pays du Nord ou du centre de l'Europe ne seraient pas mécontents de porter des coups à l'agriculture française qui coûte, d'après eux, trop cher aux finances européennes. Certains militent pour la modification du règlement sur au moins quatre points nouveaux : - la nécessité d'étiqueter la viande ou les œufs provenant d'animaux ayant consommé des organismes génétiquement modifiés, - l'abaissement de la présence fortuite pour des OGM évalués mais non autorisés ou pour des OGM en expérimentation à un seuil inférieur à 0,5%, - l'abaissement des seuils de contamination tolérés pour les produits issus de l'agriculture biologique, - l'étiquetage obligatoire des produits fabriqués par des OGM comme les enzymes, mais qui ne contiennent plus aucune trace de l'ADN transféré. La mission d'information de l'Assemblée Nationale abordera ces questions, mais plusieurs points apparaissent aberrants dans ces propositions. A partir de l'hypothèse développée précédemment et largement confirmée lors de nos auditions selon laquelle les seuils ne sont pas basés sur des risques sanitaires, car on ne connaît aucun produit toxique qui serait toléré à de telles concentrations, on ne comprend pas, comme le dit anonymement un expert de la commission européenne, pourquoi ces produits sont traités comme « des matières radioactives avec des règlements identiques à des produits chimiques dangereux, des armes de guerre ou des précurseurs de drogue ». Selon l'avis de votre rapporteur, il est stupide d'envisager l'étiquetage de viandes ou de lait d'un animal nourri avec des aliments génétiquement modifiés. L'ADN d'un produit consommé par un animal est détruit, de même que les protéines sont détruites lors de la digestion, on ne peut que s'interroger sur les raisons profondes qui motivent cette demande. Ce serait le moyen à coup sûr d'interdire de fait la culture de toute plante génétiquement modifiée et la base légale à des procédures multiples sur le non-respect de la législation. Comment fixerait-on, par exemple, dans cette hypothèse, les seuils de tolérance pour qu'une alimentation soit considérée comme non OGM. L'animal qui aurait mangé une fois dans sa vie, une ration de tourteau juste au-dessus du seuil d'exemption devrait-il être indéfiniment classé OGM ? Y aurait-il des seuils de contamination pour les animaux ? D'autre part, votre rapporteur est personnellement opposé à la classification dans la catégorie « OGM », des produits issus d'OGM dans lesquels on ne détecte plus le produit transgénique. Il n'aurait pas fallu classer dans cette catégorie les produits dérivés d'OGM, comme l'huile ou la lécithine, si le fabricant apporte la preuve de l'élimination de toute trace d'ADN. Le résultat sera que tout industriel aura tout intérêt à fabriquer hors d'Europe des ingrédients comme l'huile de maïs ou de colza, de la lécithine de soja, puisqu'on ne saura pas prouver que ces produits sont issus ou non d'OGM. Le sujet suivant est technique, mais il illustre le paradoxe réglementaire des aliments génétiquement modifiés. Il y a une aberration totale et une certaine hypocrisie à ne pas considérer comme génétiquement modifiés des produits, notamment en laiterie ou en fromagerie, qui ont été fabriqués à partir d'OGM ou de protéines fabriquées par des OGM, au motif qu'il n'y a plus de traces d'ADN alors qu'un produit extrait directement d'un OGM doit, lui, être étiqueté, même s'il ne contient plus de trace d'ADN. La raison est sans doute liée à la recherche d'un compromis politique, mais cette décision est totalement irrationnelle. Il faut dire qu'à la Commission à Bruxelles, un autre responsable de l'administration nous a indiqué que si l'on avait étiqueté tous ces produits fabriqués à partir d'OGM, le tiers des produits alimentaires auraient été étiquetés « génétiquement modifiés », ce qui aurait banalisé l'information. Votre rapporteur a constaté que même à Bruxelles, aucun responsable ne croit au sérieux des mesures qui ont été proposées. Pour « enfoncer le clou », il est évident qu'il vaut mieux, pour des raisons de sécurité sanitaire, utiliser de la chymosine fabriquée par un microorganisme génétiquement modifié que cette même enzyme extraite de caillette de veau (ou de bœuf), avec les risques potentiels associés de transmission de prions que l'on connaît aujourd'hui. Le seuil de contamination accidentelle prévu à 0,5 % risque de poser avec acuité le problème de la coexistence entre l'agriculture biologique et l'agriculture utilisant des semences génétiquement modifiées. Il n'est pas possible de « séparer » totalement l'espace rural et il est sans doute trop contraignant d'imposer pour des plantes génétiquement modifiées des conditions qui ne sont exigées ni pour des semences hybrides ni pour celles issues de procédés classiques de sélection. Il est d'ailleurs paradoxal que l'agriculture biologique tolère un seuil beaucoup plus élevé de " non bio " (5 %) pour obtenir le label AB, alors qu'elle réclame l'exclusion de toute trace d'OGM. Votre rapporteur pense donc que le même seuil devrait être appliqué pour toutes les contaminations fortuites sur des produits autorisés (autorisations de mise sur le marché, exportations, expérimentations de cultures biologiques...). Cette suggestion se justifie par le fait que si le produit était dangereux, l'autorisation correspondante aurait été refusée. Il est important de refuser toute demande d'abaissement des seuils de contaminations fortuites, notamment parce qu'avec l'amélioration des techniques d'analyses, on risque de détecter des OGM partout. M. Pierre Pagesse, Président de Limagrain, a défendu, en audition publique, la position de l'association générale des producteurs de maïs, en indiquant que s'il était possible techniquement de respecter des seuils de contamination de 1 %, il pensait qu'au seuil de 1 %, le surcoût de la production était tel que si les cultures étaient développées, il serait difficile de respecter ce seuil économiquement, arguant du fait que les flux de gène existent déjà entre deux parcelles de variété différentes. Il préconise de s'aligner sur les Japonais qui ont fixé un seuil réaliste à 5 %, les Suisses qui ont retenu 3 % et même les agriculteurs « bio », qui acceptent des contaminations de 5 %. « Pourquoi peut-on étiqueter un aliment bio, donc pur à 95 %, et exiger un seuil différent pour les OGM ? ». La controverse est claire. Ceux qui veulent éradiquer les OGM militent pour une réglementation de plus en plus rigoureuse en abaissant les seuils. Ce faisant, ils veulent empêcher le développement de la technologie transgénique, car, comme le dit M. Guy Kastler, il y a, chez les zélateurs des OGM « une volonté délibérée de dissémination de gènes transgéniques au maximum dans l'environnement pour mettre l'ensemble de la société devant le fait accompli ». Au niveau européen, dans le domaine alimentaire, le processus décisionnel est grippé. Les évaluations scientifiques ne sont cependant pas la source principale de ce blocage. Si il est souvent difficile d'interpréter les résultats de ces évaluations et si ces résultats, surtout lorsqu'ils s'accompagnent de réserves, se présentent sous la forme d'un « ni oui, ni non », la difficulté essentielle semble résider dans l'impossibilité de parvenir à un consensus politique entre les Etats, dont les intérêts économiques divergent. Les avis scientifiques ne sont pas toujours concordants134. Pour le maïs MON 863, la Commission du Génie biomoléculaire a exprimé des réserves, tandis que l'AFSSA et l'Agence européenne de sécurité des aliments ont donné des avis favorables. Pour le maïs Bt 11, l'AFSSA et la Commission européenne ont adopté des positions différentes. En France, la principale source de divergences réside dans les exigences relatives aux conditions des essais pratiqués sur les animaux et sur l'interprétation qu'il convient de donner à leurs résultats. S'agissant des mises sur le marché, aucune majorité qualifiée ne s'est dégagée au sein des Etats européens pour les autoriser ou les refuser et la Commission européenne a dû prendre la décision. Ce fut le cas pour le maïs doux Bt 11 et les maïs NK 603 « feed » et « food ». Aux Etats résolument ouverts aux biotechnologies végétales s'opposent ceux foncièrement hostiles, alors que d'autres adoptent des positions variables selon les espèces et/ou selon les utilisations (transformation, mise en culture, alimentation animale ou humaine). Alors que, sous la pression notamment de l'OMC, les importations de produits GM en Europe vont suivre leur progression - 30 millions de tonnes de soja GM sont importés en Europe pour l'alimentation animale - les mises en culture sont bloquées. Une « guerre des seuils » s'est engagée. Pour les produits biologiques, si la réglementation européenne ne définit actuellement aucun seuil, des propositions ont été formulées pour en fixer, entre 0 et 0,9%. En ce qui concerne le régime de responsabilité en cas de « contamination », certains Etats comme le Danemark et l'Allemagne demandent une responsabilité totale, quel que soit le degré de contamination. S'agissant des semences, compte tenu des incidences que peuvent avoir des seuils trop hauts ou trop bas selon l'étendue des structures d'exploitation, le processus réglementaire engagé n'a pas abouti pour fixer les seuils qu'il était envisagé d'introduire afin de garantir, pour les produits finis, un taux de 0,9% soit, selon les propositions initiales, 0,5% pour le maïs, 0,3% pour le colza et 0,7% pour le soja. Les règles de coexistence, relevant de la compétence des Etats, sont par ailleurs susceptibles d'interdire de facto toute culture « GM » et, alors que la Commission doit dresser en juillet 2005 un bilan des mesures nationales, tous les Etats européens n'ont pas notifié les mesures de coexistence arrêtées au niveau national. On en arrive à se demander si cette guerre des seuils n'est pas purement tactique, les détracteurs des OGM exigeant des contraintes tellement fortes qu'elles entraîneront un surcoût pour le consommateur et démontreront que la coexistence est impossible entre les différentes cultures. L'évaluation au cas par cas permet d'analyser les « dangers » potentiels liés au transgène inséré, aux caractéristiques de l'organisme hôte dont les possibilités de croisement sont extrêmement variables et aux échelles de culture. Or le paysage agricole européen est loin d'être uniforme. Les pays de petites parcelles sont plus « exposés » que les autres à la contamination et le problème est aggravé lorsqu'une agriculture « naturelle » non OGM y est pratiquée. Mais leurs exigences risquent de produire des effets désastreux pour d'autres pays. Non seulement les cultures GM seront bannies du territoire agricole européen, alors que les importations se poursuivront, mais aussi des semences européennes fortuitement contaminées seront étiquetées GM, au même titre que celles importées, mais sans en présenter les mêmes caractères. Votre rapporteur pense que cette réglementation se révèlera à terme inapplicable et propose des solutions pour sortir de ce labyrinthe réglementaire. M. Pierre Pagesse, Président de Limagrain, a résumé cette question lors des auditions publiques et contradictoires du 2 décembre 2004 : « après cela se pose bien sûr un certain nombre de problèmes de coexistence, donc de présence fortuite, de seuils de présence fortuite. Je suis un des partisans du fait que l'ensemble des agricultures puissent coexister ». Le transfert de pollen entre champs voisins est un phénomène naturel. Des chercheurs allemands de l'institut de botanique de Halle-Wittenberg135 ont recommandé la création de zones tampons d'une vingtaine de mètres de large autour des champs de maïs transgénique pour éviter une dispersion trop importante. Ils ont évalué qu'en cas de cultures simultanées de champs transgéniques et conventionnels, la contamination est de 1,3 % à dix mètres et que cette proportion baisse à 0,4 % à une distance comprise entre vingt et trente mètres. Votre rapporteur pense que ces zones tampons seraient plus efficaces si elles étaient plantées en maïs non OGM plutôt qu'être laissées en jachères. Ces expériences concluent que la coexistence avec l'agriculture conventionnelle est possible, à l'inverse de ce que déclare Greenpeace, se fondant sur des expériences faites aux Etats-Unis. La profession agricole a déjà réglé, dans plusieurs cas, le problème de la coexistence de filières agricoles, comme celle du maïs « waxy », de cultures semencières ou de filières à vocation non alimentaires. Si on fixe des seuils trop bas, cela risque d'avoir un impact économique très important sur l'équilibre de la filière. C'est à ce niveau que se situe le nœud du problème. Comme le déclare M. Pierre Pagesse, comment rechercher « l'équilibre entre un seuil de tolérance d'impuretés aussi bas que possible et un surcoût aussi réduit que possible ». De plus, un seuil trop bas obligerait la filière semencière à revoir toutes ses structures d'exploitation. Il faut être clair, le « taux zéro contamination », réclamé par les agriculteurs biologiques, n'est pas compatible avec le principe d'une coexistence des filières. Les courbes de dispersion de pollen montrent que si la majorité de celui-ci reste, en fonction du type et des techniques de cueillette, dans un environnement proche, des grains de pollen peuvent migrer jusqu'à des distances très éloignées. Le règlement européen de 2003 pose le principe de coexistence des productions traditionnelles, biologiques ou génétiquement modifiées. Les Etats membres ont la responsabilité de mettre en œuvre cette réglementation, se basant notamment sur l'expérience acquise avec les pratiques de confinement dans le domaine des semences certifiées. Il est en effet important d'assurer un équilibre entre les agriculteurs des différentes filières de production. Les mesures doivent être spécifiques aux différents types de cultures. Ce sujet est difficile à traiter, il doit tenir compte des spécificités de certaines régions, notamment en ce qui concerne la production de semences, tenir compte des périmètres où l'agriculture biologique est développée, mais à notre sens, il ne faut pas imposer de contraintes supplémentaires trop lourdes. Cette question sera au centre des débats lors de l'examen de la transposition des directives 2001/18. Selon votre rapporteur, elle ne doit pas, comme en Allemagne, évoluer vers un régime de responsabilité sans faute pour les cultivateurs de plantes génétiquement modifiées. Elle doit instaurer un seuil raisonnable de contamination fortuite pour les produits issus de l'agriculture biologique. A côté des contaminations par flux de pollen, il y a celles dues aux graines. Pour M. Guy Kastler, représentant la Confédération Paysanne, les contaminations ne résultent pas principalement des transferts de pollen, les plus graves d'entre elles sont dues essentiellement aux transports et à la filière, notamment lors des opérations de stockage et de transformation. Un champ de colza produit 75 000 grains au m2. On perd 10 % à la récolte. Votre rapporteur réaffirme la nécessité d'arriver à un code de « bon voisinage », et souhaite qu'un code de bonne conduite évite l'exclusion d'une filière par une autre. Cet équilibre ne peut être obtenu que si les seuils réglementaires de tolérance fixés permettent réellement le développement des filières. Un seuil trop bas conduirait soit à étiqueter « OGM » tous les aliments commercialisés, soit à faire de la France et de l'Europe, une terre totalement sans OGM, sans commerce avec le reste du monde, avec, comme conséquence inéluctable, la diminution de la compétitivité de l'agriculture européenne. Paradoxalement, l'escalade des normes favorise la concentration industrielle. Le seuil de 0,9 % fixé par l'Union Européenne apparaît trop bas, comme votre rapporteur l'a déclaré lors de la dernière conférence internationale Biovision136 à Lyon (2003). L'INRA a d'ailleurs publié une étude en novembre 2000, déterminant qu'en deçà de 1 %, l'équilibre des filières OGM et non OGM est menacé. La valeur d'un seuil de tolérance à 0 ,9 % devrait pouvoir être révisée après une évaluation des résultats obtenus notamment en Espagne où 40 000 ha de maïs sont actuellement plantés, le but étant d'éviter que de multiples problèmes juridiques ne se posent à propos de ces seuils. Le principe simple suivant doit être retenu : les mesures exigées pour les OGM ne doivent pas être plus sévères que celles exigées pour tout autre contaminant de l'agriculture biologique. Il y a donc nécessité d'arbitrer rapidement ce litige. Le débat sur les OGM s'est maintenant déplacé sur la question de l'intérêt de l'expérimentation et les détracteurs des OGM ont habilement fait passer les messages suivants : - Pourquoi ne pas se limiter aux essais en serre, lesquels seraient largement suffisants ? - Les essais ne sont pas en réalité des essais de recherche puisqu'ils sont menés, pour une grande part, par des sociétés privées, ou par des organismes publics comme le GEVES, responsable de l'inscription au catalogue des semences. Ces insinuations sont, bien sûr, inexactes. Tous les scientifiques interrogés, sans exception, affirment la nécessité d'une expérimentation en plein champ, après essai en milieu confiné, et avant l'inscription au catalogue des semences et l'autorisation de mise sur le marché. Il y a donc consensus dans le monde de la recherche mais divorce entre celui-ci et les opposants aux OGM qui ont convaincu l'opinion publique, avec l'idée simple de procéder aux essais en serre. M. Philippe Kourilsky, Directeur de l'Institut Pasteur de Paris, est catégorique : « Avec ces controverses à rallonge, on a tué la recherche et handicapé l'avenir ». Il pense d'ailleurs que si certaines plantes transgéniques doivent être confinées, comme celles fabriquant des médicaments, il faudrait leur appliquer les technologies « terminator », s'assurant de ce fait qu'il n'y a plus de repousses. Le principe de précaution ne peut être pris comme principe d'abstention, ce serait un frein à l'innovation. L'actuel discours « pseudo scientifique » de certains opposants aux OGM masque en fait un combat anti-démocratique. Il est dangereux de laisser distiller l'opinion suivant laquelle il est légitime d'enfreindre la loi, puisque la planète serait en danger. 15 % des Français seulement approuvent la destruction des expériences, 56 % la désapprouvent, même si certains comprennent les motivations137 « des faucheurs volontaires ». Il est inadmissible que dans un Etat de droit, une minorité refuse d'admettre que l'Etat accorde une autorisation pour une expérimentation en plein champ ayant d'abord eu lieu en serre alors que cette autorisation résulte d'une longue évaluation. Il est inadmissible que les faucheurs volontaires, qui ont réclamé dans un premier temps un débat démocratique, s'affranchissent eux-mêmes des règles de la démocratie et que l'obscurantisme se substitue aux règles de la démocratie représentative. Il est en effet nécessaire, après l'étape en serre de se prononcer sur l'intérêt, les limites et les conséquences environnementales des essais. L'évaluation de l'impact sur l'environnement ne peut pas avoir lieu en serre. Il faut que chacun sache qu'il n'y a plus d'essais menés par la recherche publique en France, à l'exception des essais sur le peuplier dans la région Centre; on a « réduit la voilure » affirment les responsables du programme Génoplante. Pour Mme Marion Guillou, Présidente directrice générale de l'INRA, si on continue dans cette voie, « la France perdra sa capacité d'expertise internationale et n'aura plus l'autorité pour intervenir dans les instances internationales ». Les chercheurs qui ont vu leurs essais détruits en ont « ras le bol ». Ils sont démoralisés et une partie d'entre eux quittent la France. Le problème des essais privés ne se posera plus, car les entreprises, « vaccinées » contre la violence du contexte, quittent la France. L'évolution du nombre d'essais expérimentaux en France le démontre. L'exemple de l'expérimentation détruite à Marsat, dans le Puy-de-Dôme, illustre cette démission collective de l'Etat et des responsables administratifs. Cet essai concernait la régulation d'un promoteur de maïs permettant d'amplifier l'expression d'une protéine, pour évaluer sa résistance à la sécheresse et à l'assimilation de l'azote. Le gène ajouté appartenait à la même espèce végétale, le maïs. Pour assurer la sécurité de l'expérience, les plantes avaient été castrées afin qu'il n'y ait aucune libération de pollen, et les expérimentateurs avaient installé des bordures avec des maïs normaux qui servaient de pollinisateurs. Les précautions prises garantissaientt donc une sûreté optimale. Ces essais, autorisés en 2003, devaient être installés à Blagnac (Haute-Garonne). Le maire, informé, ne l'a pas souhaité. Installés à Marsat (Puy-de-Dôme), ils ont été détruits. Ces actes de vandalisme sont provocateurs et délictueux. Un chercheur a ainsi déclaré qu'« il n'aurait jamais imaginé qu'il serait un jour obligé de se coucher devant ses expériences pour protéger son travail ». Les expériences sur le riz, détruites au CIRAD à Montpellier, étaient réalisées sous serre. La seule justification donnée à votre rapporteur, « c'est qu'un jour (sic), elles auraient été implantées dans des rizières en Camargue ». Nous sommes face à une « situation qui accélère le désinvestissement privé, par contrecoup, la démobilisation des fonds publics » (Pierre Pagesse). Le pire des dangers selon votre rapporteur, serait que demain trois ou quatre acteurs internationaux concentrent, dans leurs laboratoires, les recherches permettant de contrôler l'alimentation de la planète. Paradoxalement, par leur attitude idéologique, les opposants systématiques aux biotechnologies découragent et déstabilisent les semenciers européens qui, demain, ne pourront plus faire face à cette concentration et ne pèseront plus face aux semenciers américains. Comment serait-il possible de travailler sur l'incorporation d'azote autrement que dans un champ, puisque les expériences évaluent l'efficacité des systèmes racinaires et qu'elles étudient le rôle des bactéries du sol ? Pour évaluer l'impact environnemental des OGM, il faut, comme l'a déclaré Mme Marion Guillou, étudier les effets dans un environnement permettant « le croisement en milieu naturel et en conditions naturelles avec des plantes non OGM ». Comment peut-on réaliser ces travaux autrement que dans la nature. « Je ne sais pas faire une serre grandeur nature ». Si votre rapporteur tape du poing sur la table, c'est que l'inertie gouvernementale, la naïveté et le suivisme des décideurs locaux, la propension de la presse à aller dans le sens des coups médiatiques plutôt que d'organiser un vrai débat, confortent l'opinion publique dans un refus des techniques de transgénèse. La conférence de citoyens avait, en 1998, conclu qu'il fallait continuer les recherches sur les plantes génétiquement modifiées. Si une partie du panel pensait qu'il fallait proposer un moratoire sur les cultures de plantes transgéniques, une autre moitié pensait qu'il fallait autoriser les OGM au cas par cas, qu'il ne fallait pas en tout cas condamner une technique, celle-là même d'ailleurs qui est utilisée pour fabriquer des médicaments par transgénèse, celle-là même qui sera utilisée demain pour fabriquer, grâce à la biomasse, des carburants de substitution. A l'unanimité, le panel de citoyens consultés pensait qu'il fallait soutenir fortement la recherche fondamentale sur les biotechnologies. Il y avait là consensus... Or c'est précisément la recherche qui a été mise en cause lorsque certains syndicats et associations ont détruit des expérimentations dans les champs. M. José Bové a été le champion de la lutte contre les plantes génétiquement modifiées, assimilées à la « malbouffe ». Certains responsables politiques relaient aujourd'hui ce message, refusant toute expérimentation d'OGM en France. Il est difficile dans ces conditions de prétendre que ces positions n'apparaissent pas comme « anti-science ». Le rapport des « quatre sages »138, commandé par le Gouvernement de Lionel Jospin, rendu public le 7 mars 2002, dont, outre votre rapporteur, MM. Christian Babusiaux, Didier Sicard et Jacques Testart étaient les co-auteurs, concluait à la nécessité de mener des recherches, y compris aux champs, à condition que celles-ci soient menées dans la plus grande transparence, qu'elles soient justifiées par l'intérêt social et économique des résultats espérés et qu'elles ne soient entreprises qu'après une évaluation détaillée des risques. Nous avions reconnu la légitimité des recherches sur l'amélioration des plantes par transgénèse, car c'est précisément en analysant les résultats des expérimentations que le gouvernement pourra décider qu'il est opportun ou non d'autoriser, en France, des cultures de plantes génétiquement modifiées. Nous ne nous voulions ni angéliques, ni obscurantistes, mais nous préconisions une décision fondée, au cas par cas, sur l'évaluation du rapport entre les bénéfices et les risques. Si demain nous interdisions toute recherche en plein champ, nous n'aurions plus les éléments d'appréciation nécessaires, en l'absence de données scientifiques et d'évaluation sur les bénéfices et les inconvénients environnementaux ou socio-économiques des OGM, pour prendre des décisions. Il est, au contraire, important et urgent de développer la recherche sur l'impact des OGM, en particulier sur les flux de gènes, pour préciser la réglementation et déterminer les bases des pratiques de prudence et de précaution. Pour les auteurs de l'étude précitée, toute expérimentation doit respecter le principe de précaution, de parcimonie et de transparence. Il est donc nécessaire de mieux encadrer la législation des essais aux champs et de tout faire pour que les processus d'autorisation et de suivi des essais soient plus cohérents. Tout ingénieur agronome sait que les essais en serre constituent une première étape, mais qu'il faut ensuite poursuivre l'expérimentation dans les champs, car les comportements des plantes cultivées peuvent être très différents. Enfin, pour apporter plus de transparence et donner tout son sens à la démocratie locale, les maires devraient être mieux informés. Il est choquant que les séances d'arrachage auxquelles nous avons assisté aient visé la recherche publique, alors que certaines expériences avaient précisément pour rôle de mesurer l'impact des transferts de gènes dans l'environnement, donc d'étudier les risques des OGM. Votre rapporteur a d'ailleurs posé plusieurs fois la question suivante à la Confédération Paysanne, sans obtenir la moindre réponse : « Comment pouvez-vous justifier la destruction d'expériences qui ont précisément pour but d'apporter des réponses aux questions que vous posez, notamment sur l'impact environnemental des OGM ? » Le refus a priori de toute expérience susceptible d'apporter des réponses aux questions légitimes qui se posent, relève de l'obscurantisme et cette inflation de questions posées, associées au rejet systématique de toute utilisation de la transgénèse en agriculture est insupportable intellectuellement. La transgénèse est une technique. Il n'est donc pas sérieux de prétendre, comme le font certains détracteurs des OGM, que celle-ci n'a aucune utilité potentielle. Il faut évaluer au cas par cas l'utilité des OGM, leur intérêt pour le consommateur et ne pas « contester le concept lui-même ». La transgénèse n'est en soi ni bonne, ni mauvaise, la technique n'est ni de droite, ni de gauche. Elle peut, dans certains cas, être utile, dans d'autres, non. On a, en effet, du mal à croire à la sincérité des « anti-OGM » quand ils refusent d'admettre l'aspect bénéfique pour l'environnement, alors que dans le même temps, ils s'opposent à des expérimentations qui ont précisément pour but de prouver cet avantage. Il faut mettre en place en France des structures d'expertise et d'évaluation sur lesquelles les gouvernements puissent s'appuyer et obtenant la confiance de nos concitoyens. Des critiques légitimes peuvent bien sûr être adressées au système actuel d'évaluation et d'autorisation des essais. Les solutions proposées par le rapport des « sages » restent d'actualité. Il est important de mieux prendre en compte les attentes des citoyens et de les associer aux décisions. Votre rapporteur insiste sur l'importance de débats publics, sur l'instauration de la démocratie participative, sur l'organisation, sur le modèle de la conférence de citoyens de 1998, de véritables débats régionaux, sur la nécessité de définir le caractère socialement acceptable de certaines expérimentations, sur le renforcement des prérogatives des maires, sur l'amélioration du fonctionnement des expertises scientifiques, sur une meilleure définition du régime des responsabilités, sur la maîtrise technique des contaminations, sur l'instauration de la biovigilance. Mais en aucun cas, dans une démocratie, on ne peut tolérer la remise en cause du principe de la liberté de la recherche. Le débat sur les OGM ne s'est pas caractérisé par un courage remarquable des décideurs politiques, tant au niveau français qu'européen. Leur comportement a plutôt illustré la théorie de la " patate chaude ", ou à coups de moratoire, de rapports de « sages » et de tergiversations multiples, les responsables en charge du dossier ont joué la stratégie de l'enlisement, cherchant à gagner du temps et à reporter sur leurs successeurs la décision à prendre. Autant les divergences d'opinions entre les ministres de l'environnement et de l'agriculture, M. Philippe Vasseur et Mme Corinne Lepage d'abord, M. Louis Le Pensec et Mme Dominique Voynet ensuite, apparaissaient légitimes, autant les abstentions de la France lors des conseils des ministres à Bruxelles, l'absence d'un discours clair sur l'expérimentation en plein champ, les reports de décisions ministérielles, alors que des avis nets de la commission de génie bioméculaire avaient été donnés, sont apparues comme des mesures dilatoires. Le tableau suivant montre comment le Conseil des ministres a prolongé la période du moratoire, laissant à la Commission européenne le soin de prendre les décisions.
La conversion de la plupart des nouveaux présidents de région au refus d'expérimentation des OGM sur la totalité des territoires régionaux est une autre illustration de la démission collective des décideurs sur le dossier des OGM. Car autant le refus de certains d'entre eux s'inscrit dans un combat, jamais démenti, sur l'application du principe de précaution aux technologies OGM, autant l'attitude de certains autres semble dictée par la volonté d'accompagner l'opinion publique dans le sens des vents dominants. La France « crève » de ces reports successifs de décisions, lorsque la décision à prendre ne va pas dans le sens de l'avis supposé de l'opinion publique. Autant l'examen au cas par cas des dossiers présentés pour évaluer la nécessité de mener certaines expériences apparaît légitime, autant ces refus automatiques, privilégiant la décision médiatique au débat de fond doivent être montrés du doigt. Mme Marion Guillou, Présidente de l'INRA, a résumé l'avis quasi général du monde de la recherche, ne réduisant d'ailleurs pas son discours aux seules plantes génétiquement modifiées : « Ne pas travailler sur les génomes animaux, végétaux et microbiens, c'est perdre une capacité à être présent dans un débat international ». Regrettant qu'une défiance se généralise vis-à-vis des OGM, elle pense qu'il est extrêmement grave que la Commission européenne n'affirme pas plus clairement sa position dans le cadre de la préparation du septième programme cadre. « Faisons attention, l'Europe n'existera pas politiquement si elle n'est pas indépendante sur le plan alimentaire », martèle M. Pierre Pagesse. Une incompréhension est en train de naître entre les chercheurs et les collectivités régionales. Un responsable d'une unité mixte de recherche du CNRS, de l'IRD et de l'université de Perpignan, membre correspondant de l'Académie des Sciences, a résumé son amertume dans un courrier adressé au Président de la région Languedoc-Roussillon, en découvrant le vœu émis par le conseil régional contre les OGM. Rappelant « qu'il n'y a aucun danger avéré avec les OGM qui ont été autorisés à la mise au champ ou à la commercialisation », rappelant également « les fantastiques possibilités des OGM pour réduire l'épandage de produits phytosanitaires, pour améliorer la nutrition, pour produire des substances d'intérêt pharmaceutique avec une plus grande sécurité sanitaire, pour substituer les plantes au pétrole pour la fabrication de carburants ou de plastiques », il juge sévèrement le vœu du conseil régional. « Comment pourrez-vous favoriser la création d'emplois et d'entreprises si les actes du Conseil Régional conduisent à encourager nos meilleurs étudiants et chercheurs à partir ailleurs ? Comment assurerez-vous un développement durable et une agriculture biologique si vous vous privez des outils qui peuvent y contribuer, mis au point par les scientifiques, notamment dans notre région ? Comment notre recherche trouvera-t-elle ses applications si on les repousse a priori et si on l'empêche de sortir du laboratoire et d'expérimenter en conditions réelles ? Comment nos paysans survivront-ils si on leur interdit de cultiver ce que nous autorisons à l'importation ? Comment notre pays sera-t-il compétitif et respecté s'il se prive de ce que tout le reste du monde utilise ? Ce sont de réelles questions que j'aurais aimé voir mises en contrepoint des peurs et des dangers supposés, mais jamais vérifiés, qui ont motivé ce vœu malheureux. Je ne peux m'empêcher de penser que le débat franco-français sur les OGM n'est en fait qu'un faux débat, avec lequel on occupe les masses pour mieux cacher les vrais problèmes » « Je trouve le vœu du Conseil Régional pour le moins affligeant et à courte vue ». « Je ne vous cache pas que de tels vœux ont un effet déplorable sur l'image de notre communauté scientifique, qui, sur la région Languedoc-Roussillon, a une forte reconnaissance internationale et a fait la preuve de son dynamisme. Son attractivité ne peut que souffrir de telles prises de position. Le secteur végétal régional représente environ 2 000 personnes (chercheurs, enseignants, techniciens, étudiants) dont près de 20 % travaillant sur et avec des OGM, depuis une dizaine d'années au moins ». Un Vice-Président de la région Auvergne, en opposition avec la position du Conseil Régional porte un jugement comparable, après la destruction d'essais de maïs à Marsat, dont nous avons déjà parlé. Il l'écrit au directeur de la recherche de Biogemma, responsable de ces essais : « La France, producteur agricole mondial majeur, du fait de ces arrachages, du fait de l'attitude démagogique de nombreux politiques qui refusent une attitude responsable, du fait qu'aucun débat réel, serein, ne peut avoir lieu dans notre pays, est en train de perdre pied dans un domaine en évolution rapide, capital pour sa compétitivité scientifique et économique... « Avec ces destructions, il n'est plus possible de mener en France un programme d'amélioration des plantes utilisant des technologies de pointe. Le processus de recherche et d'innovation est progressivement bloqué. Aujourd'hui, nous risquons de perdre nos entreprises et nos chercheurs les plus inventifs. Déjà les filières de formation en biologie végétale sont désertées par les étudiants. S'il est tout à fait indispensable que soient soumis au débat (et au contrôle) citoyen les problèmes que posent aux hommes les avancées technologiques, ce débat ne peut se traduire par l'arrêt de la recherche. Et encore moins par des entraves, comme le sont ces destructions... ». Les industriels ne sont pas en reste. Un des acteurs de la production animale en France, M. Alain Glon, inquiet de la position d'une élue régionale qui veut faire de la Bretagne une terre sans OGM s'interroge sur les conséquences et sur les contraintes qui découleraient d'une telle décision, cite certaines d'entre elles : - « Absence de production animale consommant des matières premières contenant des OGM . - Absence d'importation de matières premières contenant des OGM. - Absence de transformation d'animaux ayant consommé des OGM. - Absence de recherche sur le génie génétique ». Il cite les difficultés techniques pour y parvenir du fait de la porosité des frontières. Le Brésil a aujourd'hui (voir supra) une production de soja OGM correspondant au tiers des surfaces cultivées. Les usines de trituration qui traitent le soja ont de grosses capacités donc mélangent les filières, et des échantillonnages faits au départ et à l'arrivée des bateaux prouvent ce mélange des filières. Les industriels s'interrogent sur la possibilité de respecter ce seuil de 0,9 % en n'intégrant pas les contaminations tout au long de la filière. Le débat est ambitieux, populaire, mais la question est : « qui va payer », « il est des univers où le verbe est action, il en est d'autres où l'action engage des milliers d'emplois et où toute erreur peut être dramatique », et il conclut « nous observons une absence du Pouvoir sur ce sujet comme sur d'autres qui touchent à la sphère de l'économie. Il n'existe plus ni vision, ni ambition, seuls les univers " du pompier " ou de la " sanction " fonctionnent encore. Les " éclaireurs " experts, chercheurs... ont disparu et ne s'expriment plus, laissant la place au vide que d'autres s'empressent d'occuper, lorsque trop de chercheurs quittent la terre de France... ». Je partage d'autant plus ces diverses analyses émanant l'une d'un chercheur, l'autre d'un Vice-Président de région, ou encore d'un patron de l'agroalimentaire, que la démission politique à des conséquences que personne n'a analysées. Pendant que nous nous complaisons dans des débats sur des risques supposés sur les OGM, la politique en matière de santé pour lutter contre l'obésité des enfants ou pour éviter bien d'autres risques marque le pas, même si un programme national nutrition et santé commence à s'en préoccuper. Pendant que nous nous complaisons dans un débat de pays riches, caractérisés par la surproduction, nous continuons à laisser les pays du Sud dans leur total sous développement, ne trouvant aucune alternative à la déforestation croissante et à la malnutrition. Pendant que nous dissertons dans les enceintes nationales ou internationales sur la séparation des filières, les consommateurs les plus pauvres prennent le chemin des « hard discount », qui eux, ne s'embarrassent pas avec les produits sans OGM. Votre rapporteur avait, en 1998, dénoncé les grandes surfaces qui avaient fondé leur marketing sur une pseudo-sécurité alimentaire liée aux aliments non OGM. Ces mêmes grandes surfaces sont aujourd'hui victimes d'un effet boomerang. Certaines font aujourd'hui machine arrière et ouvrent même des rayons « hard discount » dans leurs propres magasins. Votre rapporteur affirme que certaines grandes surfaces ne respectent plus la législation sévère qu'elles ont contribué à promouvoir. Peut-on admettre qu'une nouvelle fracture sépare ceux qui peuvent se payer des aliments exempts d'OGM plus chers et ceux qui doivent se contenter des prix les plus bas sans avoir le droit de choisir ? Les critiques que l'on peut faire au précédent ministre de l'agriculture, M. Hervé Gaymard, sont également sévères, car il a été le grand maître dans l'art de se défausser, n'ayant pris aucune décision pendant les trente mois passés rue de Varenne. Est-il responsable qu'un Ministre de l'agriculture puisse se réjouir qu'il n'y ait pas eu un cm2 de cultures OGM en France, alors que dans le même temps il votait, à Bruxelles, en faveur de l'importation de maïs NK603 ou de maïs Monsanto 863 ? Il s'est retranché derrière des divergences d'appréciations scientifiques pour maintenir le moratoire. Ces défausses à répétition sont irresponsables, car le doute et la critique font partie de la démarche scientifique et il se trouvera toujours un expert pour mettre en garde contre un danger supposé. Le rôle du politique est de prendre des décisions en situation d'incertitude. L'exemple récent d'un essai proposé par l'INRA à Colmar sur la résistance de la vigne à un virus, illustre cette démission politique. Après l'organisation d'une concertation exemplaire avec les acteurs concernés, avec les personnes oeuvrant dans les associations, ayant limité l'expérience à cinquante porte-greffes, sans possibilité de la moindre contamination, l'expérimentation n'a pas eu lieu parce que le ministre déjà cité n'a pas signé l'autorisation, malgré l'avis favorable de la commission du génie biomoléculaire. « On se retrouve définitivement sans la possibilité de faire », déclarent les chercheurs. Tous ces exemples prouvent que nous avons perdu et que nous allons continuer à perdre des compétences dans l'agroalimentaire. La solution préconisée par certains élus d'organiser un référendum au niveau d'un département n'est pas la solution miracle, dans la mesure où, si aucun débat préalable n'est organisé, les résultats ne feront que refléter l'information reçue par nos compatriotes lors du journal télévisé de 20 heures. En fait, les voeux votés par les collectivités locales n'ont aucune assise juridique. Ils ne doivent pas occulter le nécessaire débat national et européen. L'évolution actuelle du débat au niveau politique, réglementaire et médiatique, montre bien qu'on a quitté le domaine du rationnel, pour entrer dans celui de la croyance et même du quasi-religieux. Au lieu d'affronter le sujet, les gouvernements européens ont refusé de trancher. Les décisions prises sur le niveau des seuils, sur l'étiquetage de produits issus des plantes génétiquement modifiées, alors qu'il y a quelques années la Commission envisageait d'établir une liste de produits exemptés d'étiquetage, ont des conséquences sur le développement de notre filière agroalimentaire. On a l'impression que dès qu'une question est résolue, une autre apparaît. Les gouvernements de l'Union avaient indiqué que le moratoire serait levé quand les pays se seraient entendus sur l'information du consommateur, l'étiquetage et la définition des seuils de contamination. C'est aujourd'hui chose faite. Mais cela n'a pas mis fin au contentieux. Les « faucheurs volontaires » attaquent le principe même de l'expérimentation en plein champ, et Greenpeace, quasiment inactif aux Etats-Unis sur les organismes génétiquement modifiés, réclame l'étiquetage des produits fabriqués à partir d'animaux qui ont consommé des produits génétiquement modifiés. D'autres réclament l'assurabilité et la prise en charge des risques sériels, avant que le moindre risque n'ait été défini. Jamais dans l'histoire de la protection contre les risques, une telle demande n'a été formulée avant que des dégâts n'apparaissent. Dans le cas des catastrophes naturelles, on peut s'appuyer sur les fréquences d'apparition des phénomènes, mais dans ceux se rapportant à la médecine ou à la sécurité alimentaire, les revendications n'ont été formulées qu'après coup (SIDA, hépatite C, amiante...). La controverse sur les coexistences entre productions traditionnelles, transgéniques ou biologiques, va induire de nouvelles contraintes, mais les règlements à respecter ne sont pas clairement définis au préalable. Votre rapporteur n'est pas persuadé que le « non OGM » puisse être assimilé à un critère de qualité, ce que tendent d'imposer lentement certains opposants aux OGM. Ces questions sur la coexistence des différents types de cultures, sur les modes de sélection des nouvelles semences, sur l'alimentation des animaux par les OGM, mais également sur le rôle des hybrides et sur leur impact sur l'environnement, sur la création de « vrais faux OGM » construits grâce à des mutations induites ou de plantes régénérées à partir de tapis cellulaires modifiés vont, demain, être au centre du débat. Il faudra aborder ces questions publiquement, sans a priori, avec la volonté de ne pas se défausser, en ayant toujours pour objectif de donner à la France et à l'Europe, le moyen de maintenir ses points de force et de résister à la concurrence internationale. Votre rapporteur est donc partisan à la fois, comme il l'avait demandé avec « les quatre sages » en 2002, d'un véritable débat parlementaire qui fonde notre législation sur les biotechnologies et la brevetabilité du vivant. Dans ce contexte, la mission parlementaire mise en place par le bureau de l'Assemblée Nationale, est indispensable. Ce projet de loi, de l'avis de votre rapporteur, devrait traiter de l'information du public, de la transparence, du contrôle national et européen des conditions d'utilisation des OGM, de l'expertise, de la traçabilité, de la biovigilance. Nous avons d'ailleurs insisté pour que des directions claires fixent des orientations à la recherche publique et permettent un développement maîtrisé de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Votre rapporteur préconise qu'une seule et même commission, par fusion de la commission du génie génétique, de la commission du génie biomoléculaire et du comité de biovigilance soit chargée d'évaluer les risques dès le stade des essais en milieu confiné, puis ceux de l'expérimentation aux champs et qu'elle assure le suivi des conséquences éventuelles sur l'environnement après les essais. Ces questions seront abordées en détail dans le cadre de la mission d'information sur les OGM chargée de préparer la transposition des directives 2001/18/CE. Votre rapporteur se bornera donc à résumer les grandes lignes qui devraient guider le fonctionnement des organismes d'expertise scientifique en France et en Europe, tout en prenant en compte les attentes des citoyens, en les associant au débat sur les organismes génétiquement modifiés. La législation et la réglementation sont trop complexes. Les niveaux de décision nationaux et européens sont mal coordonnés, malgré les précisions de la directive. L'expérimentation est de la responsabilité de l'Etat membre. Les autorisations doivent, à notre sens, être données après une expertise pluridisciplinaire, collégiale, transparente et indépendante. Dans la mesure où se pose la question de l'utilité des essais au champ après expérimentations sous serre, votre rapporteur est favorable au regroupement de la commission du génie génétique, de la commission du génie biomoléculaire, et la commission de biovigilance, créée par la loi d'orientation agricole de 1999 et chargée de mesurer l'impact a posteriori des cultures de plantes génétiquement modifiées. La pluridisciplinarité signifie que le champ des disciplines couvertes par les experts soient élargies et que des disciplines comme la botanique, la biologie des populations, la physiologie animale ou végétale, la biologie des populations, l'écologie soient représentées au sein de la commission. Les avis de cette commission devraient être publiés, au nom du principe de transparence. Les associations de consommateurs, les associations de défense de l'environnement, les organisations syndicales devraient être associées aux travaux de la nouvelle commission créée pour notamment analyser la balance entre les avantages et les inconvénients lors de l'évaluation des autorisations d'expérimentations ; celle-ci pourrait donner des avis sur la localisation des sites et sur la coexistence avec des cultures biologiques ou des productions traditionnelles. La nouvelle commission pourrait être constituée de deux sections, l'une se basant sur des connaissances scientifiques, l'autre donnant un avis sur les conséquences prévisibles, agronomiques, économiques et sociales. L'analyse au cas par cas des dossiers relèverait de la section d'expertise technique, la section d'expertise socio-économique, analysant plus globalement les types de gènes introduits, les résultats des évolutions des expérimentations, la balance bénéfice/risque. L'autorisation de mise sur le marché est du ressort de l'Union Européenne. Il est de l'avis de votre rapporteur nécessaire de clarifier les rôles respectifs des agences nationales et de l'Agence européenne de sécurité sanitaire. Au niveau national, votre rapporteur pense qu'il est illogique de maintenir une séparation entre l'agence française de sécurité sanitaire des aliments, amenée à donner un avis sur les risques sanitaires des nouveaux aliments obtenus par transgénèse et la commission des toxiques ayant pour mission d'évaluer l'impact des produits phytosanitaires. Il propose donc la fusion de ces deux instances et souhaite qu'un avis sur la toxicité des produits soit demandé par la nouvelle commission d'expertise à l'AFFSA avant la mise en œuvre d'une expérimentation. En ce qui concerne la nécessaire clarification pour mettre fin à la bataille souterraine qui a lieu entre l'agence européenne dont le siège sera installé à Parme, et les agences nationales, votre rapporteur propose que l'agence européenne s'appuie plus sur les agences nationales, constituant un « forum européen » de sécurité sanitaire. La préparation des rapports d'expertise serait confiée aux agences nationales, avant arbitrage définitif au niveau européen. Chaque pays pourrait disposer pour raison de risque de santé publique d'une clause de sauvegarde. Cette organisation éviterait à deux agences de publier des avis divergents sur le même dossier, entraînant une inquiétude du consommateur. La réglementation européenne devrait s'appuyer sur des principes simples. Si une plante génétiquement modifiée présente un quelconque danger, elle devrait être impérativement refusée à l'importation, à la culture et ne pas être commercialisée. Si elle est autorisée donc considérée comme non dangereuse, le seuil de contamination accidentelle devrait être relevé pour éviter les conflits entre producteurs et consommateurs, entre agriculture traditionnelle et agriculture biologique. Le soutien à une société de la connaissance et du savoir doit être l'élément fondateur du principe de progrès, mais tous nos concitoyens pensent que ce progrès doit être maîtrisé. Toute avancée technologique n'est plus perçue comme une donnée obligée, héritée de la philosophie des lumières, ni comme un outil obligé de lutte " contre les inégalités ". Si c'était le cas, il n'y aurait pas deux milliards d'individus n'ayant pas accès à l'autosuffisance alimentaire, à des besoins vitaux en énergie ou aux secours de la médecine et des médicaments. De nouveaux rapports entre les pays du Nord et ceux du Sud devraient être nos priorités politiques pour les prochaines années et ils devraient intégrer la place des technologies dans les nouvelles formes de partenariat. Pour nos concitoyens, la science doit leur permettre de mieux comprendre les faits sociaux et culturels, de mieux appréhender le monde dans lequel ils vivent, de créer des emplois, de les protéger des crises sanitaires, financières et économiques et de préserver la planète sur laquelle ils vivent. C'est un « cahier des charges ambitieux » qui doit nous faire réfléchir aux notions d'incertitudes et de risques, de bénéfices et d'inconvénients. Sur un sujet aussi complexe, rien n'est tout blanc, ni tout noir, rien ne se mesure par une formule lapidaire, ni par l'équation simpliste suivante : « Les OGM mettent en péril la survie de la planète et de l'espèce humaine » (pour leurs adversaires) ou « Les OGM vont permettre de nourrir l'humanité » (pour leurs zélateurs). L'incertitude sur les risques est au cœur de la problématique sur les plantes génétiquement modifiées. Car si on accepte de prendre des risques éventuels pour se soigner, personne n'est prêt à en prendre pour manger. Le consommateur ne voit pas l'intérêt d'une technique qui ne lui apporte aujourd'hui aucun bénéfice. Il demande donc que des assurances lui soient données en terme de santé et d'environnement. Même si aujourd'hui les risques sanitaires semblent écartés, car des rapports des académies des sciences, de médecine, ou d'agences de sécurité sanitaire ont été plutôt rassurants, il est évident que le développement des plantes génétiquement modifiées ne devrait pas se faire sans dépôt obligatoire des séquences introduites, dans une instance internationale, et sans la mise en place d'une allergo-vigilance. Comme toute technique nouvelle, elle doit être surveillée. Des questions comme l'activation des gènes dormants lors de l'insertion des gènes devrait être également étudiée avec soin, mais ces interrogations sont les mêmes quand on fabrique de nouvelles variétés par des techniques de sélection classique. Ce débat est vraiment mal engagé en Europe. Car pendant que nous nous enlisons dans d'interminables discussions, la recherche en Europe perd du terrain. Les programmes de recherche sur les plantes génétiquement modifiées ont fondu comme neige au soleil, des chercheurs démoralisés sont partis à l'étranger, des laboratoires ont transféré leurs activités aux Etats-Unis. L'Europe, en pointe dans la production des céréales, risque de se retrouver demain, avec des lendemains qui déchantent, car depuis cinq ans, nos concurrents américains, canadiens, chinois ou argentins ont avancé. Nous devons, comme pour les médicaments, innover pour transférer les technologies vers les pays du Sud. Il est quand même scandaleux que la matière grise des laboratoires internationaux ne soit pas utilisée pour résoudre les problèmes majeurs qui se posent au tiers de l'humanité. La question des OGM démontre, en fait, qu'il n'y a pas de véritable priorité donnée à la recherche en France et en Europe dans le domaine des sciences de la vie. La France patine, l'Europe stagne, les crédits de recherche s'effritent. Dans le même temps, l'effort fait par les Américains, les Japonais ou les Chinois est sans précédent. Ils risquent demain de récolter seuls les dividendes des formidables retombées des biotechnologies dans la pharmacie, dans l'agroalimentaire ou dans les industries de l'environnement. Il est temps d'aborder ces questions avec vigilance, mais sans a priori. Il est temps pour le gouvernement de décider. Les régions doivent être pragmatiques, accepter ce qui peut leur rapporter des dividendes, refuser ce qui peut présenter des dangers. Votre rapporteur est personnellement convaincu que, sous réserve d'un examen d'opportunité au cas par cas, les biotechnologies vertes nous permettront de rester un grand pays agricole et constitueront un atout dont notre pays doit bénéficier pour assurer la croissance, donc les emplois de demain. 1 Source : Ministère de l'Education Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche 2 « Désindustrialisation - Délocalisations », Lionel FONTAGNE, Professeur à l'Université Paris 1 et Jean-Hervé LORENZI, Professeur à l'Université Paris-Dauphine. Novembre 2004. Selon les auteurs du rapport, « il est fort probable que le schéma ayant abouti à la domination de l'industrie américaine des semi-conducteurs sur la période 1970-1985 se reproduise dans les biotechnologies ». 3 SESSI - Ministère de l'Industrie, de la Poste et des Télécommunications - Direction générale des stratégies industrielles - Le 4 pages - « Emergence des bio-idustries. Un industriel de la chimie sur cinq en 1995 » - n°61-mars 1996. 4 L'industrie semencière française assure en effet 10% de la production mondiale et le maïs constitue l'un de ses points forts et l'industrie pharmaceutique constitue l'un des secteurs clés de l'économie française. Mais il convient toutefois de souligner le poids économique du secteur des « biotechnologies traditionnelles », celui des aliments et boissons fermentés représentant en France un chiffre d'affaires annuel de quelque 83 milliards d'euros et des sociétés européennes (Danemark, Pays-Bas et Allemagne en particulier) dominant le marché de la production enzymatique à l'échelon mondial. 5 Organisation de coopération et de développement économiques - Biotechnology indicators and public policy - Anthony Arundel, STI Working Papers 2003/5 - DSTI/DOC(2003)5. 6 Third European Report on Science and Technology indicators - 2003. 7 Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la convention sur la diversité biologique, adopté à Montréal le 29 janvier 2000. Le Protocole ne s'applique pas aux mouvements transfrontières d'organismes vivants modifiés (« tout organisme vivant possédant une combinaison de matériel génétique inédite obtenue par recours à la biotechnologie moderne ») qui sont des produits pharmaceutiques destinés à l'homme. 8 http://www.oecd.org - Statistical definition of biotechnology. 9 " The application of Science § Technology to living organisms as well as parts, products and models thereof, to alter living or non-living materials for the production of knowledge, goods and services". 10 " - DNA (the coding) : genomics, pharmaco-genomics, gene probes, DNA sequencing/synthesis/amplification, genetic engineering. - Proteins and molecules (the functional blocks) : protein/peptide sequencing/synthesis, lipid/protein glyco-engineering, proteomics, hormones, and growth factors, cell receptors/signalling/pheromones. - Cell and tissue culture and engineering : cell/tissue culture, tissue engineering, hybridization, cellular fusion, vaccine/immune stimulants, embryo manipulation. - Process biotechnologies : bioreactors, fermentation, bioprocessing, bioleaching, bio-pulping, bio-bleaching, biodesulphurization, bioremediation, and biofiltration. - Sub-cellular organisms : genetherapy, viral vectors". 11 Rapport du groupe d'étude sur la sécurité des nouveaux aliments destinés à la consommation humaine et animale - OCDE - Conseil - C(2000)86/ADDI - 31 mai 2000. 12 Selon Philippe Busquin, « il serait irresponsable de ne pas prendre en considération la contribution possible des sciences de la vie et des biotechnologies à la résolution des graves problèmes posés par la mal-nutrition et la pauvreté ». Commission européenne, Recherche communautaire, « Vers une agriculture durable pour les pays en développement : pistes ouvertes par les sciences de la vie et les biotechnologies » - Avant-propos de Philippe Busquin. 13 « La transgenèse concernera aussi l'amélioration de la qualité des végétaux. Et quand on aura complètement décrypté les supports des caractères adaptatifs des plantes (par exemple la résistance aux pathogènes, au froid, au sel...), notamment à travers Génoplante (...), les OGM qui résulteront de ces avancées (ceux de la deuxième génération) permettront des pratiques agricoles beaucoup plus raisonnées. Ce sera vraiment novateur ! ». Yves Chupeau dans « Les OGM, graines de réflexion », Yves Chupeau et Pierre-Henri Gouyon, La Recherche n° 371, janvier 2004. Dans son rapport de 2001, le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) a souligné « le potentiel unique » des OGM pour l'alimentation du monde. 14 Michel Debrand, Directeur général de Biogemma, « L'usine nouvelle », n°2878, 3 juillet 2003. 15 « Quelles sont les stratégies des firmes industrielles sur le marché des OGM ? », Pierre-Benoît Joly, « Les OGM à l'INRA ». « Conférer une résistance à un herbicide est techniquement simple, et l'OGM obtenu peut être rapidement rentable car la protéine exprimée n'interfère pas avec l'ensemble des régulations de la plante. Mais ce ne sera pas le cas pour les OGM de deuxième génération. Car, en modifiant une voie métabolique, celle qui nous intéresse, il y a toutes les chances pour que l'on en modifie d'autres. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles ces plantes de deuxième génération ne sont pas encore disponibles : nous sommes en train d'étudier toutes ces régulations. Il faudra des années d'études et de vérifications... Les produits finis n'apparaîtront pas avant dix ou quinze ans. Puis l'expérimentation et la validation agronomique prendront encore quelques années. La période de validité du brevet, qui est de vingt ans, sera donc dépassée quand le produit arrivera sur le marché », Yves Chupeau, op.cit. 16 EPO, qui est un facteur de maturation des globules rouges, destiné notamment à remédier aux anémies associées à une insuffisance rénale chronique et qui a été découvert par la société Amgen, laquelle l'a lancé (Epogen) dès 1989. 17 Le rapport de la Commission d'orientation sur le cancer remis au Ministre de la santé en janvier 2003 insiste ainsi sur la voie ouverte par les avancées conceptuelles majeures en génomique à « une prise en charge raisonnée et personnalisée des patients atteints de tumeur ». Selon les auteurs du rapport, l'exemple du Glivec® (produit par Novartis après 16 années de recherche et indiqué pour un cancer du sang, la leucémie myéloïde chronique - LMC) et de l'Herceptine® (produit par Roche et qui est un anticorps monoclonal administré pour une forme de cancer du sein) « démontre qu'une approche rationnelle de conception de nouvelles molécules pour le traitement des cancers est possible, même si les résultats obtenus à ce jour, grâce à ces nouvelles molécules, ne permettent pas d'apporter de solutions définitives et complètement efficaces ». 18 Cette question avait ainsi fait l'objet de longs développements dans le cadre de l'étude publiée en 1998 par Eurostaf « Les biotechnologies dans la santé humaine ». 19 ibid. 20 « Les biotechnologies au service de la durabilité industrielle ». Rapport élaboré par un groupe d'étude constitué au sein du Groupe de travail sur la biotechnologie mis en place au sein de l'OCDE, et présidé par M. John JAWORSKI (Canada) - 2001. 21 La biotechnologie industrielle y est définie comme l'ensemble des technologies qui mettent à profit l'adaptation et la modification des organismes, processus, produits et systèmes biologiques présents dans la nature afin de produire des biens et des services. Elle se fonde sur le principe de la « bio-imitation », désignant la démarche qui consiste à concevoir des systèmes de production industriels imitant la nature. 22 Direction de la technologie - Bilan sectoriel 2001 - Environnement - Marc Dufau - Mars 2002. 23 Cette société, créée en 1993, compte actuellement 30 salariés permanents et son chiffre d'affaires s'élève à 3 millions d'euros par an. Son activité est concentrée dans la production de services aux différents établissements de recherche (production d'oligonucléotides, développement de marqueurs génétiques en particulier). 24 Dans son rapport - « Bioterrorisme : prévenir la menace, guérir la peur ? », rapport d'information au nom de la Commission de la Défense de l'Assemblée nationale n°1097, octobre 2003 - M. Pierre Lang donne la définition suivante du bioterrorisme : utilisation à des fins idéologiques d'agents biologiques (virus, bactéries) mais aussi de toxines (substances toxiques sécrétées par des organismes vivants) afin d'infliger des dommages aux êtres humains, aux animaux ou aux végétaux dans un but d'intimidation et de terreur. 25 Op.cit.p.13. 26 Rapport au gouvernement de M. Didier Raoult, sur le bioterrorisme, juillet 2003, dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée le 27 juin 2002. Le bioterrorisme y recouvre un domaine assez large ; selon ce rapport, le bioterrorisme peut recourir à diverses actions d'ordre biologique, chimique, pyrotechnique explosif et nucléaire. 27 Par exemple, le document de l'OCDE précité (Biotechnology indicators and public policy), constate que si l'on dispose d'indicateurs fiables concernant la diffusion des TIC, il n'en est pas de même des biotechnologies. 28 « Biotechnology is not covered as a separate industry sector in most statistics - this makes an analysis rather difficult at times ». 29 Selon Mc Kinsey, 20 % du marché de la chimie aux Etats-Unis devrait d'ici 2010 être lié au processus biologique. C'est ce que l'on appelle aux Etats-Unis la « troisième vague des sciences de la vie », qui intègre les biocarburants. Cette évolution serait liée aux perspectives offertes d'augmentation des revenus comme de réduction des coûts, par cette nouvelle technologie. La diffusion des technologies transgéniques utilisées dans l'agriculture est par ailleurs étudiée dans la partie du présent rapport consacrée aux OGM dans l'agriculture. 30 « Bioscience 2015 », rapport remis au gouvernement par le groupe d'études, mis en place en janvier 2003 et réunissant des dirigeants de sociétés, des représentants de départements ministériels, d'universités et d'instituts de recherche. 31 Rapport de M. William Looney, Directeur exécutif adjoint, Global Business Forum/Etats-Unis, établi sur la base d'une réunion d'experts patronaux qui s'est tenue à Paris, le 27 juin 1996 - OCDE - « Le financement de l'innovation dans les soins de santé ». Au sein de l'OCDE, un groupe de coordination interne dédié aux biotechnologies (GCIB) a été créé, aux travaux duquel participent plusieurs directions (Environnement, Agriculture, Emploi, Travail et Affaires sociales, Science , Technologie et Industrie). 32 Hormones de croissance, insuline, EPO, interférons alpha (hépatites, maladies virales, cancers), bêta (sclérose en plaques), gamma (cancers), interleukines, facteurs de coagulation, FSH et LH (reproduction), anticorps monoclonaux pour le diagnostic et le traitement (polyarthrites et cancers), enzymes, certains vaccins. 33 Selon un article paru dans Les Echos, le 26 ami 2004, le chiffres d'affaires cumulé des biotechnologies appliquées à la santé humaine a atteint 46 milliards de dollars en 2003 et les ventes de biomédicaments ont représenté 10% du chiffre d'affaires total de l'industrie pharmaceutique au niveau mondial. 34 « Les biotechnologies dans la santé humaine » - Eurostaf - 1998. Les chiffres peuvent toutefois varier selon le périmètre retenu. Ainsi, Mme Hèlène CHARRONDIERE d'Eurostaf, lors de son audition, a indiqué qu'en 1995, le chiffre d'affaires du secteur des « biotechnologies médicales » représentait 3,1% de celui du secteur pharmaceutique, contre 7,2% en 2002. 35 Noëlle Lenoir, « Relever le défi des biotechnologies », rapport au gouvernement français - Mars 2002 36 « Le secteur des biotechnologies humaines » - Les Echos - Etudes. 37 Pharmaceuticals Research and Manufacturers of America. 38 Dans un document de l'OCDE consacré aux statistiques des biotechnologies (STI Working papers 2001/6), Brigitte van Beuzekom a noté que de 1986 à 1998, le nombre d'articles consacrés à la biotechnologie a plus que doublé (de 1 574 à 3 261). 39 France : 35% en 96-98, 30% en 93-95 et 26% en 90-92 ; Allemagne : 35% en 96-98, 28% en 93-95 et 25% en 90-92, avec un taux de croissance de 18,4%. 40 DSTI/DOC(2001)6 - STI Working Papers 2001/6 - Brigitte Van Beuzekom. 41 Selon la définition retenue par l'OCDE. 42 Sont répertoriés, les dépôts japonais, « américains », européens (champ plus large que les pays appartenant à l'Union européenne), chinois et autres. 43 Dépôts japonais : 52% en 1991 et 37% en 1997 ; dépôts américains : 29% en 1991 et 41% en 1997 ; dépôts européens : 19% en 1991 et 21% en 1997 ; dépôts chinois : 0,2% en 1991 et 0,1% en 1997 ; autres : 0% en 1991 et 1% en 1997. 44 Dépôts américains : 67% en 1991 et 76% en 1997 ; dépôts européens : 22% en 1991 et 15% en 1997 ; dépôts japonais : 11% en 1991 et 8% en 1997 ; dépôts chinois : 0,2% en 1991 et 0,1% en 1997 ; autres : 0% en 1991 et 1% en 1997. 45 Dépôts européens : 39% en 1991 et 36% en 1997 ; dépôts américains : 47% en 1991 et 54% en 1997 ; dépôts japonais : 13% en 1991 et 8% en 1997 ; dépôts chinois : 0,2% en 1991 et 0,2% en 1997 ; autres : 1% en 1991 et 2% en 1997. 46 Dans un document de l'OCDE consacré aux statistiques des biotechnologies (STI Working papers 2001/6), Brigitte van Beuzekom a noté que de 1986 à 1998, le nombre d'articles consacrés à la biotechnologie a plus que doublé (de 1 574 à 3 261). 47 France : 35% en 96-98, 30% en 93-95 et 26% en 90-92 ; Allemagne : 35% en 96-98, 28% en 93-95 et 25% en 90-92, avec un taux de croissance de 18,4%. 48 DSTI/DOC(2001)6 - STI Working Papers 2001/6 - Brigitte Van Beuzekom. 49 Selon la définition retenue par l'OCDE. 50 Sont répertoriés, les dépôts japonais, « américains », européens (champ plus large que les pays appartenant à l'Union européenne), chinois et autres. 51 Dépôts japonais : 52% en 1991 et 37% en 1997 ; dépôts américains : 29% en 1991 et 41% en 1997 ; dépôts européens : 19% en 1991 et 21% en 1997 ; dépôts chinois : 0,2% en 1991 et 0,1% en 1997 ; autres : 0% en 1991 et 1% en 1997. 52 Dépôts américains : 67% en 1991 et 76% en 1997 ; dépôts européens : 22% en 1991 et 15% en 1997 ; dépôts japonais : 11% en 1991 et 8% en 1997 ; dépôts chinois : 0,2% en 1991 et 0,1% en 1997 ; autres : 0% en 1991 et 1% en 1997. 53 Dépôts européens : 39% en 1991 et 36% en 1997 ; dépôts américains : 47% en 1991 et 54% en 1997 ; dépôts japonais : 13% en 1991 et 8% en 1997 ; dépôts chinois : 0,2% en 1991 et 0,2% en 1997 ; autres : 1% en 1991 et 2% en 1997. 54 Par ordre décroissant : Pfizer 11%, Glaxo 7,1%, Merck 5,2%, J§J 4,8%, Astrazeneca (GB) 4,7%, Novartis (Suisse) 4,2%, Aventis (France) 3,5%, BMS 3,6%, Roche (Suisse) 3,1% et Wyeth 3,1%. 55 Etude de Mme Nelly WEINMANN, « R&D des leaders pharmaceutiques : rupture », Observatoire des Stratégies industrielles - DIGITIP - MINEFI- Octobre 2000. 56 « Notes bleues » du MINEFI, n°226, mars 2002 « L'industrie pharmaceutique ». 57 Du second rang en 1975-1979, elle est tombée au 7ème rang en 1990-1994, avec 3,2% et elle n'a produit aucun médicament de diffusion mondiale (présence sur le marché des 7 principaux pays) dans les 10 dernières années (1985-1994). Chiffres issus de la note de Mme Nelly WEINMANN précitée. 58 « La santé de l'industrie pharmaceutique française », « Le 4 pages », SESSI, DiGITIP, n°157, février 2002. 59 Selon les « Notes bleues » précitées ; selon la note du SESSI, les groupes étrangers réalisent 51% de la production de médicaments en France, les groupes américains 18% et les groupes européens 33%. 60 Chiffre issu du document publié par Eurostaf, selon lequel 45,6% du marché mondial des « biotechnologies humaines » sont concentrés sur dix produits. 61 Il s'agit de produits pharmaceutiques dont le chiffre d'affaires est supérieur à un milliard de dollars. 62 Ibid. 63 Ventes des dix premiers produits biotechnologiques en 2003 (Souce USB, tableau publié par l'AGEFI Magazine - Techno Printemps 2004 :
64 Nombre d'alliances entre laboratoires pharmaceutiques et sociétés de biotechnologie :
UBS Warburg 65 Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Conseil économique et social et au Comité des régions - « sciences du vivant et biotechnologie : une stratégie pour l'Europe » - Bruxelles 23 janvier 2001 - COM(2002)27final. 66 En revanche l'Europe et le Japon diffèrent en ce qui concerne les domaines de dépôts en biotechnologie. Le secteur médical est prépondérant en Europe, avec 86% (7% pour la chimie et 2% pour l'agriculture), tandis qu'au Japon, il y a une plus grande diversification (médical : 30% ; chimie : 22% ; agro-alimentaire : 15% ; machinerie (information médicale ou génétique, équipement de diagnostic) : 21%). 67 James WATSON, avec Andrew BERRY « ADN Le secret de la vie » - Odile Jacob sciences - 2003. 68 En 2001, 12 milliards d'euros ont été investis en Europe, soit un montant quatre fois plus faible qu'outre Atlantique et, rapporté au PIB, le capital risque représentait en 2001, aux Etats-Unis, 0,43% du PIB, contre 0,1% pour la France. SESSI - Les 4 pages - « Le capital risque. Un tuteur pour les jeunes pousses » Emmanuelle Dubocage et Yann Lhomme. Au Japon, cette technique ne semble pas vraiment être pratiquée, en tout cas selon les voies qui lui sont habituellement assignées. 69 Selon le projet de modification de la loi fédérale sur les brevets, toute personne peut demander au juge d'octroi une licence non exclusive pour la fabrication et l'exportation de produits pharmaceutiques protégés par un brevet vers un pays ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique et dont la population est touchée par des problèmes de santé publique tels que le VIH/sida, la tuberculose, le paludisme ou d'autres épidémies ; seule la quantité de produits nécessaire pour satisfaire les besoins du pays bénéficiaire peut être produite et la totalité de cette production doit être exportée dans le pays bénéficiaire. 70 Ainsi, dans le cadre de la conférence organisée par la Commission européenne, les 30 et 31 janvier 2003, Mme Louise Fresco a estimé que « le plus grand potentiel offert par les biotechnologies ne se trouve peut-être pas dans les OGM mais dans les marqueurs génétiques, la génomique et la protéomique, lesquels sont susceptibles de compléter les stratégies de sélection conventionnelle et de renforcer leur efficacité ». Commission européenne - « Vers une agriculture durable pour les pays en développement : les pistes ouvertes par les sciences de la vie et les biotechnologies ». Au cours de la même conférence, on peut relever les propos de M. Davis McConnell : « On a prétendu que les OGM étaient particulièrement dangereux (...). J'aimerais dire en termes très simples que toute nouvelle plante créée à l'aide de n'importe quel processus horticole présente le même potentiel de risque que tout ce qui est produit par voie transgénique ». 71 Il manque un cadre d'analyse pour interpréter la diversité des situations relatives au développement des cultures OGM dans les pays « émergents » ou en développement. Si l'on peut remarquer que l'Amérique du Sud (Argentine, Mexique, Brésil, Chili, Costa-Rica, Guatemala, Honduras, Colombie, Vénézuela) et l'Asie (Chine, Inde, Malaisie, Indonésie, Thaïlande) sont de plus en plus impliquées, ainsi que l'Afrique, mais plus timidement (Cameroun, Côte d'Ivoir, Kenya, Zimbabwee), encore conviendrait-il de mieux apprécier ce qui relève de simples essais. L'étude des structures agricoles, des débouchés (produits destinés à l'exportation ou au marché local) et de la nature des produits (sont-ils destinés à la transformation industrielle ou à la consommation ?) permettrait sans doute de mieux comprendre la stratégie de chaque pays. En tout état de cause, une distinction doit être faite entre les pays « émergents », tels que l'Argentine, la Chine, l'Inde et le Brésil et les pays les plus pauvres. Sur un total de 1,3 milliard d'actifs agricoles, près d'un milliard d'entre eux travaillent encore manuellement la terre. 600 millions de ces agriculteurs n'ont accès à aucune sorte d'intrants (engrais ou produits de protection des plantes), ni aux variétés sélectionnées. En Afrique, seulement 4 à 5% des agriculteurs utilisent les semences améliorées de la révolution verte. Rapport n°1371 (janvier 2004) de M. François Guillaume, au nom de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur l'agriculture et les pays en développement à l'OMC. 72 Il convient cependant de se garder de tout ostracisme dans ce domaine. Est-il normal, comme cela a été souligné lors des auditions, que 25 P.E.D. cultivent des OGM et que le CIRAD n'y soit pas impliqué ? 73 La notion de « plantes orphelines » est ainsi parfois employée, par assimilation aux « maladies orphelines ». 74 Les contraintes techniques et réglementaires de fabrication peuvent être très lourdes. Ainsi, il faut compter deux semaines pour la fabrication d'une protéine recombinante, l'urate oxydase, pour un seul lot de 100 g de produit. Les surfaces nécessaires pour produire quelques grammes de protéines recombinantes atteignent celles utilisées pour fabriquer plusieurs tonnes de principes actifs chimiques. 75 Comité de biovigilance créé en 1998 et institution d'une obligation de surveillance biologique du territoire par la loi d'orientation agricole de 1999. Décret n° 2003-1206 du 12 décembre 2003 portant organisation de la biovigilance (risques relatifs aux éléments et produits du corps humain) et modifiant le code de la santé publique. 76 La législation américaine ne comporte aucune exemption en faveur de la recherche académique et ne prévoit pas non plus d'exemption pour les méthodes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicales. 77 Selon ce dernier avis, plus de 2 000 demandes de brevet avaient d'ores et déjà été déposées dans le monde pour des cellules souches humaines et non humaines, dont un quart concernait les cellules souches embryonnaires, un brevet ayant été octroyé dans un tiers des cas pour l'ensemble des demandes, et pour le quart des demandes relatives à des cellules souches embryonnaires. « Ces brevets sont relatifs à des lignées cellulaires, considérées comme des produits et relatifs à des procédés d'isolement, d'enrichissement, de culture, d'induction de différenciation et de transdifférenciation des cellules souches ». Le même avis observait que d'autres brevets concernaient déjà des techniques de clonage en vue d'obtenir des cellules souches ; « des procédés de parthénogénèse pour produire des cellules souches autologues en évitant la destruction d'embryons potentiellement viables créés pour l'isolement des cellules souches ; des procédés de transformation de cellules somatiques en cellules souches en leur injectant du cytoplasme de cellules souches ou d'ovocyte (le transfert ovoplasmique) ». Aux Etats-Unis, des brevets ont été déposés sur les 64 lignées de cellules souches embryonnaires déjà existantes et produites par la recherche privée. 78 Demandes déposées auprès du JPO. 79 Enregistrements par l'USPTO 80 Demandes déposées auprès de l'EPO et des autres « offices » européens. 81 Ce délai, prévu dans le système américain, permet à l'inventeur, au cours de ce délai, de déposer une demande de brevet malgré sa divulgation. 82 "Biological Resource Centres - Underpinning the future of life sciences and biotechnology". Ce document aborde de manière globale les problèmes de constitution, de conservation, d'accès et de circulation des données et des matériaux issus de plantes, d'origine humaine ou provenant d'organismes et évoque donc diverses difficultés liées à la sécurité (circulation d'agents dangereux susceptibles d'alimenter le bioterrorisme), au respect des droits de l'homme et des patients, notamment en ce qui concerne les transferts internationaux pour les tests génétiques et à la propriété intellectuelle. 83 Directive 90/219/CEE du Conseil, du 23 avril 1990, relative à l'utilisation confinée de MGM. Cette directive, dans ses considérants, soulignait à la fois l'impact économique pour les Etats membres du développement des biotechnologies, la nécessité de permettre un développement « sûr », le fait que la nature exacte et l'échelle des risques liés aux MGM n'étaient pas entièrement connues et la nécessité d'une évaluation des risques « au cas par cas ». La réglementation repose sur une classification des MGM en fonction des risques qu'ils présentent, le principe d'une notification ou d'une autorisation préalable, l'élaboration de plans d'urgence, la tenue de registres et des principes de sécurité. 84 Directive 98/81/CE du Conseil modifiant la directive 90/219/CEE relative à l'utilisation confinée de MGM. Cette directive adapte les dispositions de la précédente au progrès technique, en ajoutant notamment une liste de MGM ne présentant pas de risque pour la santé humaine ni pour l'environnement, soumise à révisions, en considérant « qu'une expérience et des connaissance considérables dans le domaine des risques liés à l'utilisation confinée de MGM sont aujourd'hui disponibles ». Elle définit quatre niveaux de risques (I à IV), nul ou négligeable, faible, modéré et élevé, seules les classes 3 et 4 étant soumises à une procédure d'autorisation préalable (et non de simple notification préalable). 85 COM/2001/0263. Dans son ouvrage « ADN Le secret de la vie », James WATSON décrit le contexte dans lequel a émergé la technologie de l'ADN recombinant aux Etats-Unis, qui fut marqué, au milieu des années soixante-dix, par le moratoire décidé en 1973 puis en 1975 par la Conférence d'Asilomar. Il y décrit les conditions dans lesquelles s'est engagée « la course au clonage de l'insuline » entre Genentech (qui finit par remporter la « victoire»), dont la stratégie a consisté à synthétiser chimiquement les portions du gène dépourvues d'introns puis à les insérer dans un plasmide en utilisant une copie artificielle au lieu d'un gène directement prélevé sur un être humain, et Biogen, son concurrent, ayant opté pour un recours à de l'ADN extrait de cellules humaines, « qui est d'ailleurs celle que l'on utilise généralement de nos jours », mais qui, à l'époque, exigeait pour sa réalisation (le clonage d'un segment d'ADN humain), une installation P4 ; il constate qu'aujourd'hui, « en ces temps moins paranoïaques et mieux informés, la même pratique est souvent réalisée dans des laboratoires rudimentaires par des étudiants de premier cycle suivant un cours d'introduction à la biologie moléculaire ». 86 Selon ce rapport, au cours de la période considérée, 614 nouvelles autorisations ont été délivrées en France, dont 404 pour des MGM du groupe I (336 à des installations publiques et 68 à des installations privées), 197 autorisations ont été délivrées pour le groupe II (dont 175 pour des installations publiques et 22 pour le secteur privé), 13 autres autorisations ayant été octroyées pour l'utilisation de MGM des groupes I et II. Au total, 1498 projets de classe de risque 1 ont reçu une autorisation et 684 projets de classe de risque 2 ou supérieure. 87 Cet agrément est délivré par le préfet ; en outre, la réglementation des installations classées soumet les établissements, soit à déclaration pour ceux utilisant des organismes de classe 1 de risque, soit une autorisation lorsque des organismes des classes de risque 2, 3 et 4 sont employés ou manipulés. 88 Cette directive n'a pas fait l'objet d'une transposition législative, la loi 2004-237 du 18 mars 2004 habilitant le Gouvernement à transposer par ordonnances des directives communautaires et mettre en œuvre certaines dispositions communes ne l'ayant pas prise en compte 89 Cette évaluation comporte plusieurs étapes : identification de toute caractéristique de l'OGM susceptible d'avoir des effets néfastes, évaluation des conséquences potentielles de chaque effet néfaste identifié et de la probabilité d'apparition, évaluation du risque représenté par chacune des caractéristiques de l'OGM, application de stratégies de maîtrise des risques, détermination du risque global présenté par l'OGM. 90 Ils s'étaient déclarés favorables à la transposition de la directive 98/81 sur l'utilisation confinée de MGM, tout en soulignant la nécessité de bien distinguer les utilisations confinées d'OGM en recherche, développement et enseignement, et celles concernant la production industrielle et, par conséquent, les procédures administratives et les autres compétences correspondantes. 91 La CJCE a, le 20 novembre 2003, conclu que la France avait incomplètement transposé la directive 90/220/CEE du Conseil, telle que modifiée par la directive 97/35/CE de la Commission. Une série de textes sont pourtant intervenus, tels que la loi n°92-654 du 13 juillet 1992 et divers décrets ou arrêtés traitant des différents secteurs d'application (médicaments à usage humain, médicaments vétérinaires, éléments ou produits du corps humain génétiquement modifiés après avoir été prélevés ou recueillis, plants, semences et plantes génétiquement modifiés...). 92 L'autorisation relève de la compétence du ministre chargé de l'agriculture, après avis du ministre chargé de l'environnement. Une fois autorisée, toute expérimentation doit faire l'objet d'une information auprès du public, notamment avec l'envoi d'une fiche d'information accessible en mairie. Des contrôles de surveillance biologique sont par ailleurs exercés. L'analyse des risques liés à la dissémination dans l'environnement est réalisée par la Commission de génie biomoléculaire instituée par la loi du 13 juillet 1992 dont le champ d'expertise est pluridisciplinaire, recouvrant les plantes destinées à être cultivées, comme les vaccins recombinants à usage vétérinaire ou humain ou les essais de thérapie génique. 93 Texte émanant de la CGC. Le rapport du groupe de travail biacadémique (Académie nationale de Médecine et Académie nationale de Pharmacie) consacré à « la thérapie génique : bilan et perspective » notait que cette procédure s'appliquait alors que la commission prévue par le code de la santé publique, faute de décret d'application, n'avait pas été mise en place. 94 L'AMM est alors délivrée par l'AFSSAPS. Cette procédure nationale est de moins en moins utilisée, car elle ne s'applique qu'aux demandes de mise sur le marché limitées au territoire national. A titre exceptionnel, les médicaments destinés à traiter des maladies graves ou rares sans traitement reconnu et prescrits par des spécialistes en milieu hospitalier peuvent être autorisés avant commercialisation (Autorisation Temporaire d'Utilisation), pour une durée d'un an renouvelable. 95 Dans ce cas, c'est l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments qui donne l'autorisation. 96 Pour les semences, le seuil d'exemption est de 1% et une procédure est en cours pour fixer les seuils de présence fortuite de semences génétiquement modifiées dans les lots de semences conventionnelles (seuils différenciés suivant les espèces végétales). 97 FDA : Food and Drug Administration (sécurité alimentaire) EPA : Environnemental Protection Agency USDA : Département de l'agriculture 98 Ces risques donnent lieu parfois à des situations inattendues. L'EPA a ainsi cité le cas d'un producteur de colza, dont le produit était G.M. alors qu'il n'avait pas conclu de contrat avec la société concernée et qui s'était défendu en invoquant la « pollinisation » dont il prétendait avoir été victime. Les tribunaux ont donné gain de cause à la société dans la mesure où les taux de colza transgénique cultivé par l'agriculteur étaient incompatibles avec une contamination fortuite. Le jugement stipule donc qu'il n'y a pas eu contamination fortuite, mais utilisation de semences protégées par un brevet. C'est l'affaire Percy-Schmeiser qui a été jugée par la Cour fédérale du Canada. 99 Selon l'article 7 du protocole, la procédure d'accord préalable en connaissance de cause ne s'applique pas aux mouvements transfrontières intentionnels des organismes vivants modifiés qui, dans une décision de la conférence des Parties, sont définis comme peu susceptibles d'avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine. 100 Il s'agit en particulier de la directive 2001/18CE et de la législation sectorielle qui prévoit une évaluation spécifique des risques, pour les importations et des directives 94/55/CE du Conseil du 21 novembre 1994 et 96/49/CE du Conseil du 23 juillet 1996 relatives au rapprochement des législations des Etats membres concernant le transport des marchandises dangereuses par route et par chemin de fer, pour le transport, la manutention et l'emballage. 101 Ainsi, en France, pour les médicaments destinés à être remboursés par la Sécurité sociale ou vendus à l'hôpital, la procédure se poursuit, consistant en une évaluation de l'amélioration du service médical rendu (ASMR) par la Commission de la Transparence, puis, pour les spécialités remboursables, une évaluation du coût/efficacité par le Comité économique du médicament, le prix public étant alors fixé et l'inscription au remboursement assurée. En outre, après la commercialisation, pour toutes les spécialités, la Commission de la pharmacovigilance intervient et la Commission de la Transparence procède à un réexamen tous les trois ans. La pharmacovigilance est organisée sur la base d'une double filière, les déclarations émanant des médecins, personnels soignants et pharmaciens lorsqu'un effet indésirable grave et inattendu est constaté, et les rapports établis périodiquement par les départements de pharmacovigilance des laboratoires pharmaceutiques. A ce niveau, plusieurs autorités interviennent, les centres régionaux de pharmacovigilance, la Commission nationale et l'AFSSAPS. 102 « Code » de Nuremberg, Déclaration d'Helsinki de l'association médicale mondiale adoptée en 1964 et révisée en 1975, 1983, 1989, 1996 et 2000, Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine, signée le 4 avril 1997 à Oviedo, dont l'article 15 traite de la liberté des recherches et les articles 16 et 17 abordent la question de la protection des personnes se prêtant à une recherche, Directives éthiques internationales pour la recherche biomédicale sur l'homme de 1993, publiées par le Conseil des organisations internationales des sciences médicales (CIOMS) et révisées en octobre 2002. 103 Les bonnes pratiques cliniques (BCP) font également référence à la Déclaration d'Helsinki. En 1987, une recommandation (87/176/CEE) du Conseil avait défini des normes en matière d'essais. La directive est applicable aux essais chez l'homme de médicaments, tels que définis par les directives 65/65/CEE et 75/318/CEE. 104 Les membres de ces comités sont désignés par le représentant de l'Etat dans la région où le comité a son siège, selon une procédure définie par la loi. Ils ne peuvent valablement participer à une délibération que si ils sont indépendants du promoteur et de l'investigateur. 105 Les projets ayant fait l'objet d'un avis défavorable ne peuvent être mis en œuvre avant un délai de deux mois à compter de leur réception par l'AFSSAPS ou le ministre de la santé. Toutefois, pour les protocoles d'essais cliniques concernant les produits de thérapie génique (ceux visant à transférer du matériel génétique) ou de thérapie cellulaire, une autorisation expresse par l'AFSSAPS est prévue, qui doit intervenir dans un délai de 90 jours à compter de la réception de la demande. Il en va de même des protocoles d'essais concernant les cellules issues du corps humain. L'article R.2037-2 définit la procédure applicable notamment aux essais portant sur tout produit génétiquement modifié ou qui comporte en tout ou partie des OGM (intervention de la commission de génie génétique et de la commission d'étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire, ainsi que du ministre chargé de l'environnement). 106 En vertu de l'article L. 1127-7, pour les recherches biomédicales sans bénéfice individuel direct, le promoteur assume, même sans faute, l'indemnisation des conséquences dommageables de la recherche pour la personne qui s'y prête et celle de ses ayants droit, sans que puisse être opposé le fait d'un tiers ou le retrait volontaire de la personne qui avait initialement consenti à se prêter à cette recherche. Dans le cas de recherches avec bénéfice individuel direct, il encourt cette responsabilité, sauf preuve à sa charge que le dommage n'est pas imputable à sa faute ou à celle de tout intervenant. 107 En vertu de l'article L.1121-3, les recherches biomédicales ne peuvent être effectuées que sous la direction et sous la surveillance d'un médecin justifiant d'une expérience appropriée. 108 Plusieurs modifications ont été introduites, concernant ces comités : déclaration d'intérêts des membres, saisine par le promoteur et non plus l'investigateur, information des comités sur le montant et les modalités de rétribution des investigateurs (cette disposition, adoptée par l'Assemblée nationale, a été supprimée par le Sénat ; selon la directive le comité d'éthique formule son avis en prenant notamment en compte « les montants et les modalités de rétribution ou d'indemnisation éventuelles des investigateurs et des participants à l'essai clinique et les éléments pertinents de tout contrat prévu entre le promoteur et le site, ainsi que les modalités de recrutement des participants »). En outre, selon la directive, dans le cas d'essais cliniques multicentriques effectués dans plusieurs Etats membres à la fois, il y a autant d'avis uniques que d'Etats membres concernés par l'essai. 109 Notamment en ce qui concerne « les médicaments issus de procédés biotechnologiques qui n'ont pas d'AMM, des médicaments dont les ingrédients actifs sont des produits biologiques d'origine humaine ou animale ou dont la fabrication nécessite de tels composants » et les « dispositifs médicaux incorporant des produits d'origine humaine ou animale ou dont la fabrication nécessite de tels composants », ainsi que les produits cosmétiques contenant certains ingrédients d'origine animale et les médicaments contenant des organismes génétiquement modifiés. 110 Selon la directive, le comité d'éthique dispose d'un délai maximum de 60 jours à compter de la date de réception de la demande en bonne et due forme, pour communiquer son avis motivé au demandeur ainsi qu'à l'autorité compétente de l'Etat membre concerné (article 6-5), la directive précisant qu'aucune prolongation du délai de 60 jours ne peut être accordée « sauf s'il s'agit d'essais impliquant les médicaments de thérapie génique et de thérapie cellulaire somatique et tous les médicaments contenant des organismes génétiquement modifiés », une prolongation maximale de 30 jours pouvant dans ce cas être accordée, étant indiqué que, pour ces produits, la période de 90 jours peut être prolongée de 90 jours supplémentaires en cas de consultation d'un groupe ou d'un comité conformément aux réglementations et procédures de l'Etat membre concerné et qu'il n'existe pas de limitation de délai d'autorisation pour la thérapie cellulaire xénogénique. S'agissant des autorisations, la directive (article 9-4) définit des délais identiques. Elle précise par ailleurs que « sont soumis à une autorisation écrite préalable à leur commencement, les essais cliniques impliquant les médicaments de thérapie génique, de thérapie cellulaire somatique, y compris de thérapie cellulaire xénogénique, ainsi que tous les médicaments contenant des organismes génétiquement modifiés, en édictant le principe qu'aucun essai thérapeutique génique aboutissant à des modifications de l'identité génétique du participant ne peut être conduit et en indiquant que cette autorisation est délivrée sans préjudice de l'application éventuelle des directives 90/219/CEE du Conseil du 23 avril 1990 relative à l'utilisation confinée des micro-organismes génétiquement modifiés et 90/220/CEE du Conseil du 23 avril 1990 relative à la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement. 111 « Les essais thérapeutiques », F Gomez et F. Chauvin, Université de Lyon. 112 Les informations concernant les Etats-Unis reprennent celles contenues dans un document émanant de l'OCDE et datant de 2000. 113 Rapport du groupe d'étude sur la sécurité des nouveaux aliments destinés à la consommation humaine et animale - Conseil - C(2000)86/ADDI - 31 mai 2000. 114 Rapport du groupe de travail sur l'harmonisation de la surveillance réglementaire en biotechnologie - Conseil - C(2000)86/ADDI - 9 juin 2000. 115 L'AFSSA avait été saisie le 22 octobre 1999 par les ministres chargés de la santé, de l'agriculture et de la consommation d'une demande d'avis. 116 « OGM et alimentation : peut-on évaluer des bénéfices pour la santé ? ». 117 Pour la betterave à sucre, l'utilisation d'OGM présenterait ainsi de nombreux avantages environnementaux. S'agissant des effets de l'utilisation des produits Bt sur la consommation des pesticides, les résultats dépendent des cultures. Pour le coton, son utilisation a permis une réduction de la consommation de pesticides « durs » dans les régions du Sud-Est. En revanche, pour le maïs, les résultats sont plus mitigés puisque les agriculteurs ne traitaient pas le pyrale par des pesticides avant d'utiliser le maïs Bt, l'augmentation des rendements, de 10 à 20% étant due au traitement lié à l'utilisation de ce produit. Selon certaines études, la baisse du coût lié à la diminution de la consommation de pesticides aurait été compensée par la hausse du prix des semences, mais le bilan resterait positif pour l'agriculteur en termes de gain de temps et de facilité du travail. 118 Rapport du groupe d'étude sur la sécurité des nouveaux aliments destinés à la consommation humaine et animale - OCDE - Conseil -C(2000)86/ADDI - 31 mai 2000. 119 www.afssa.fr 120 Sciences et Avenir, décembre 2004. 121 C'est au cours de cette conférence qu'avait été décidé un moratoire sur les expériences de transgénèse jusqu'à ce que la communauté scientifique internationale fixe des règles communes. 122 Co-auteur du rapport conjoint de l'Académie de Médecine et de Pharmacie (2003). 123 Guy Riba " La transgenèse, une voie alternative à la lutte chimique pour la protection des plantes ", dans " les OGM à l'INRA ". 124 Francine Casse, " Les plantes transgéniques : les risques et la réglementation ", dans " Les plantes génétiquement modifiées ", Académie des Sciences, décembre 2002. 125 " Biotechnology indicators and public policy ".. 126 Il s'agit des données communiquées par le groupe Limagrain et celles transmises par le GNIS, basées sur les travaux de l'ISAAA (International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications). 127 Le document (ENV/JM/MONO(2002)7) d'orientation sur la formulation d'un identificateur unique pour les plantes transgéniques vise à mettre en place un code alphanumérique qui renvoie à l'évènement de transformation (et non à la nouvelle variété, par exemple) et englobe un signe de vérification. Les travaux dans ce domaine ont été engagés par l'OCDE depuis 2000. Cet identificateur est conçu notamment comme une " clé " donnant accès aux informations contenues dans la base de données de l'OCDE sur les produits issus des biotechnologies modernes qui ont fait l'objet d'une autorisation sur le marché. Bien que les principes et les éléments essentiels aient été initialement conçus pour des plantes, ils peuvent éventuellement s'appliquer à d'autres produits. La formulation de cet identificateur incombera aux promoteurs des produits transgéniques qui devront le transmettre aux autorités nationales compétentes lors de la première demande d'autorisation d'utilisation à des fins commerciales, à charge pour ces autorités de le communiquer à l'OCDE lors de la délivrance de l'autorisation. 128 Cette notion englobe souvent les OGM résistants aux stress environnementaux. 129 DSTI/DOC(2003)5, précité. 130 Etienne Magnien, Chef d'unité, Direction " Biotechnologie, agriculture et alimentation ", Direction générale Recherche, Commission européenne. " Une recherche éthique et une réglementation responsable, pour une agriculture intelligente ". " Lettre d'information sur les plantes transgéniques " (CFS, GNIS, UIPP). 131 Alors qu'en France, on comptait environ 60 essais au champ en 2002, aux Etats-Unis, plus de mille dossiers de demandes d'expérimentations sont déposées chaque année et plus de 25% émanent d'universités pour des objectifs de recherche fondamentale (plaquette " maiz'europ' "). 132 Selon un document établi par le ministère de l'agriculture, 19 essais ont fait l'objet, en 2001, de destructions illégales (bilan des destructions 2001). Selon un document fourni par le GNIS, ces destructions ont porté notamment sur des essais de tolérance au glyphosate sur la betterave sucrière, le maïs, de tolérance au glufosinate sur le maïs, de tolérance aux fusariums sur le maïs, de résistance au stress hydrique sur le maïs, d'expression par le maïs de l'ADNc codant pour une lipase gastrique, financés par Advanta, Monsanto, Cassades Semences, Meristem Therapeutics, Biogemma et Novartis. Pour 2003, un document fourni par le GNIS (situation au 18 août 2003) fait apparaître que 16 destructions ont eu lieu sur 62 essais ayant fait l'objet de décisions pluriannuelles délivrées en 2000, 2001, 2002 ou 2003. La pétition " défendons la recherche " lancée le 3 septembre 2003 fait état de 27 essais détruits au cours de l'été 2003, dont 22 transgéniques, soit près de la moitié des essais de plantes génétiquement modifiées mis en place en France en 2003. Selon une réponse du ministère de l'intérieur à une question écrite (QE-AN-16 mars 2004) : 4 affaires de destructions ou de piétinements de cultures autorisées d'OGM ont été recensées par la gendarmerie nationale en 2002. En 2003, 16 affaires ont été recensées, pour une centaine de cultures expérimentales autorisées sur l'ensemble du territoire. 133 "Review of GMOs under research and development and in the pipeline in Europe" - mars 2003 - EUR 20668 EN. 134 En revanche, pour les produits de santé soumis à la procédure unifiée (protéines recombinantes notamment), dès 1987 une procédure dite de « concertation » a été mise en place afin d'éviter les évaluations divergentes reposant sur des critères différents. Il existe aujourd'hui quelque soixante-dix molécules issues de l'ADN recombinant autorisées sur le marché européen, soit un nombre à peu près équivalent à celui des molécules du même type mises sur le marché des Etats-Unis. 135 Pleinchamp.com (25/11/04). 136 www.jyledeaut.com " OGM, ni tout blanc, ni tout noir " Lyon (2003) 137 Sondage CSA des 14 et 15 septembre 2004 - www.csa-fr.com 138 Rapport à la suite du débat sur les OGM et les Essais au Champ, Christian Babusiaux, Président du Conseil national de l'alimentation, Jean-Yves Le Déaut, Président de l'Office parlementaire de l'évaluation des choix technologiques et scientifiques, Didier Sicard, Président du Comité consultatif national d'éthique, Jacques Testard, Président de la Commission française de développement durable. (mars 2002) - www.jyledeaut.com |