N° 1204 N° 504
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ASSEMBLÉE NATIONALE SÉNAT
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE SESSION ORDINAIRE DE 2007 - 2008
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Enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale Rattaché pour ordre au procès-verbal
Le 16 octobre 2008 de la séance du 22 septembre 2008
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 octobre 2008
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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
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sur
Science, Société et Parlements
(compte-rendu de la réunion des commissions et offices chargés de l’évaluation des choix scientifiques et technologiques des Parlements de l’Union européenne et du Parlement européen - 22 septembre 2008)
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Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale Déposé sur le Bureau du Sénat
par M. Claude BIRRAUX, par M. Henri REVOL,
président de l'Office Premier vice-président de l'Office
Composition de l’Office parlementaire d’évaluation
des choix scientifiques et technologiques
Président
M. Claude BiRRAUX
Premier vice-président
M. Henri REVOL
Vice-présidents
M. Claude GATIGNOL, député M. Jean-Claude ÉTIENNE, sénateur
M. Pierre LASBORDES, député M. Pierre LAFFITTE, sénateur
M. Jean-Yves LE DÉAUT, député M. Claude SAUNIER, sénateur
M. Christian BATAILLE M. Claude BIRRAUX M. Jean-Pierre BRARD M. Alain CLAEYS M. Pierre COHEN M. Jean-Pierre DOOR Mme Geneviève FIORASO M. Claude GATIGNOL M. Alain GEST M. François GOULARD M. Christian KERT M. Pierre LASBORDES M. Jean-Yves LE DÉAUT M. Michel LEJEUNE M. Claude LETEURTRE Mme Bérengère POLETTI M. Jean-Louis TOURAINE M. Jean-Sébastien VIALATTE |
M. Philippe ARNAUD M. Paul BLANC Mme Marie-Christine BLANDIN Mme Brigitte BOUT M. Marcel-Pierre CLÉACH M. Roland COURTEAU M. Jean-Claude ÉTIENNE M. Christian GAUDIN M. Pierre LAFFITTE M. Serge LAGAUCHE M. Jean-François LE GRAND Mme Catherine PROCACCIA M. Daniel RAOUL M. Ivan RENAR M. Henri REVOL M. Claude SAUNIER M. Bruno SIDO M. Alain VASSELLE |
SOMMAIRE
DISCOURS D’OUVERTURE
M. Claude Birraux, député, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) 5
ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES ET RÔLE DES PARLEMENTS
La gestion par les Parlements de la dimension scientifique et technologique des politiques publique
M. Joszef Palinkas, président de l’Académie des sciences de Hongrie 7
La cohérence européenne dans l’évaluation
M. Philippe Busquin, député européen, président de l’Office d’évaluation de la Science et de la Technologie (STOA) du Parlement européen 9
La pratique du Parlement italien en matière d’évaluation scientifique et technologique
M. Silvano Moffa, député, membre de la commission des activités industrielles et du VAST (Office d’évaluation) de la Chambre des députés d’Italie 11
Interventions
L’avenir de la politique spatiale européenne
M. Henri Revol, sénateur, premier vice-président de l’OPECST 26
L’évolution du secteur de la micro/nanoélectronique
M. Claude Saunier, sénateur, vice-président de l’OPECST 28
NOUVELLES TECHNOLOGIES, INTERROGATIONS DE LA SOCIÉTÉ ET RÔLE DES PARLEMENTS
Introduction
M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST 33
Parlements et évaluation scientifique des nouvelles technologies
Mme Ulla Burchardt, députée, présidente de la commission de l’éducation, de la recherche et de l’évaluation technologique du Bundestag allemand 35
Droits civiques dans la société des technologies de l’information
M. Jyrki Kasvi, député, vice-président de la commission de l’avenir du Parlement de Finlande 38
Les progrès et les dangers liés aux biotechnologies
M. Jean-Yves Le Déaut, député, vice-président de l’OPECST 43
Sciences du vivant et société, les lois bioéthiques de demain
DÉCLARATION FINALE
DISCOURS DE CLÔTURE
M. Claude Birraux, député, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)
Mesdames, Messieurs,
Je tiens, en mon nom personnel et en celui de M. Henri Revol, sénateur, premier vice-président de l’Office parlementaire français d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, à remercier les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat d’avoir inscrit à l’ordre du jour de l’agenda très chargé des manifestations parlementaires organisées à l’occasion de la Présidence française de l’Union européenne, notre réunion d’aujourd’hui.
Je suis très heureux de constater que le thème de cette dernière, axé sur les travaux d’évaluation et de prospective conduits au sein des Parlements dans un domaine essentiel pour l’avenir de l’Europe, celui de la recherche, ait suscité un tel intérêt.
Cette mobilisation est une première réponse d’espoir donnée aux citoyens européens qui souhaitent une plus grande considération de leurs attentes dans les décisions qui touchent à leur mode de vie et qui engagent les générations futures. C’est aussi une réponse d’espoir donnée aux chercheurs de l’Union européenne.
L’implication des Parlements dans l’évaluation des choix scientifiques et technologiques suppose l’établissement de relations de confiance avec la communauté scientifique. La présence des présidents des académies des sciences, des technologies et de médecine, de membres du conseil scientifique de l’OPECST, d’académiciens et de jeunes chercheurs ayant participé au partenariat mis en place entre l’Office et l’Académie des sciences, constitue un témoignage de cette reconnaissance mutuelle à laquelle je suis très attaché.
L’OPECST s’est en effet efforcé de développer les relations entre le Parlement et la communauté scientifique.
Définir les conditions dans lesquelles les Parlements peuvent exercer leur mission, à l’interface du monde de la recherche et de la société, constitue également un impératif démocratique qui me semble essentiel.
Notre monde doit, pour assurer son avenir, relever des défis majeurs d’ordre climatique, énergétique, alimentaire, sanitaire, qui exigent que des actions soient entreprises et des solutions recherchées pour éviter l’exacerbation de tensions au niveau international. En ce sens, de telles actions sont porteuses de paix.
La mobilisation de tous à l’échelle planétaire, et plus particulièrement de l’Europe, est nécessaire pour répondre à ces défis. Ce nouvel enjeu pour la recherche s’ajoute à ceux déjà clairement affirmés, de nature académique, économique, technologique ou sociale.
Dire que la science et la technologie exercent une influence grandissante sur les sociétés, les économies et notre environnement est devenu un lieu commun.
Chacun s’accorde à reconnaître que, si des progrès remarquables ont été réalisés, en termes de niveau de vie et de performances économiques, grâce à l’investissement dans la recherche, l’utilisation de certaines techniques peut aussi présenter des risques de différentes natures – sanitaire, environnementale ou éthique – qu’il convient de mieux connaître.
La nécessité de prendre en compte les attentes de la société s’est heureusement imposée. Ces attentes sont nombreuses et complexes, parfois contradictoires. Elles s’enrichissent continuellement de nouvelles préoccupations, parmi lesquelles une exigence d’information en amont des décisions et des mises sur le marché. Les responsables politiques, mais aussi les scientifiques, doivent répondre à ces interrogations et intégrer dans leurs objectifs, non seulement l’excellence scientifique et le transfert vers l’économie, mais également un effort d’explication à l’attention du public.
Comment nos pays sont-ils conduits à effectuer des choix éclairés ? Comment rétablir la confiance des citoyens européens dans la science et la technologie ? Quel rôle les Parlements peuvent-ils jouer ? Quels moyens peuvent-ils mettre en ouvre pour être informés et contribuer aux débats de société ? Cette réunion aura le premier mérite de permettre à l’ensemble des Parlements de l’Union européenne de confronter leurs expériences dans ce domaine.
Il ne s’agit pas d’imposer un modèle particulier, mais bien plutôt de s’enrichir mutuellement des pratiques des uns et des autres, et d’examiner par quelles voies la légitimité du travail parlementaire peut s’affirmer, dans un domaine longtemps laissé à la seule appréciation des experts.
J’ai passé à ce jour à peu près la moitié de ma vie parlementaire dans la majorité et l’autre moitié dans l’opposition. Lorsque j’étais dans l’opposition, même si je n’étais pas d’accord avec ce que faisait la majorité de l’époque, je savais que celle-ci avait une légitimité conférée par l’élection. Cela ne doit jamais être discuté. Sinon, ce sont les bases mêmes de la démocratie qui sont en jeu.
Pour répondre à l’objection lourde de conséquences d’un déficit démocratique, d’autant plus inacceptable qu’elle entache des choix à long terme, de multiples initiatives ont été prises pour favoriser la participation du public à la prise de décisions. Notre réunion devrait contribuer à préciser notre rôle de parlementaires, lesquels doivent pleinement être impliqués dans ces débats.
J’espère qu’à l’issue de notre rencontre, une déclaration finale traduira notre soutien aux activités de recherche et à l’innovation, notre attachement à une implication forte des Parlements dans ce domaine, et notre confiance dans l’avenir de l’humanité du fait des progrès de la science et de la recherche.
ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES ET RÔLE DES PARLEMENTS
M. le président Claude Birraux. Une réflexion a été engagée au sein de l’Union sur la gestion des grands équipements de recherche. À cet égard, la première intervention de ce matin portera sur la gestion par les Parlements de la dimension scientifique et technologique des politiques publiques. Son auteur, M. Palinkas, président de l’Académie des sciences de Hongrie, pays nouvellement entré dans l’Union européenne, a mené des recherches, en particulier au sein de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, le CERN, qui vient de mettre en route le Grand collisionneur de hadrons – LHC.
La gestion par les Parlements de la dimension scientifique et technologique
des politiques publiques
M. Joszef Palinkas, président de l’Académie des sciences de Hongrie
Monsieur le président, l’organisation de cette réunion, dont je vous remercie, montre que la science et la technologie sont une des priorités de la Présidence française de l’Union européenne, ce dont je me réjouis.
Je tiens d’emblée à vous livrer cette bonne nouvelle : le 15 septembre, le Comité exécutif de l'Institut européen d'innovation et de technologie – EIT – a décidé, lors de sa première réunion organisée sous l’égide de M. Manuel Barroso, président de la Commission européenne, et de Mme Valérie Pécresse, ministre française de l’enseignement supérieur et de la recherche, que son siège serait à Budapest. Je remercie chacun d’entre vous d’avoir appuyé cette décision.
Professeur de physique nucléaire à l’université de Debrecen, ministre de l’éducation au début des années 2000, j’ai dû renoncer à mon mandat de parlementaire au mois de mai dernier après avoir été élu président de l’Académie des sciences. C'est donc en cette qualité que j’interviendrai, sachant que l’Académie hongroise des sciences a un rôle important à jouer dans notre pays dans le domaine de l’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Plusieurs lois décisives en matière de recherche, d’innovation et de développement sont déjà intervenues : la loi de 1994 relative à l’Académie hongroise des sciences ; la loi de 1995 concernant la protection du droit de la propriété intellectuelle ; la loi de 2003 sur les fonds de recherche et d’innovation technologique ; la loi de 2005 sur l’enseignement supérieur.
S’agissant de nos institutions, le Parlement hongrois, mis en place en 1848, est constitué par l’Assemblée nationale, le Gouvernement étant responsable devant elle. Élus pour quatre ans, les parlementaires peuvent exercer trois mandats. Ils votent conformément à leur conscience, sachant que le véritable travail parlementaire, fondé sur le consensus politique entre les différents groupes, s’effectue dans le cadre des commissions, qui sont de deux types. Les commissions permanentes, d’une part, relatives à l’éducation et à la science, aux technologies de l’information, aux affaires européennes, à la protection de l’environnement ou à la culture et aux médias. Les commissions temporaires, d’autre part, c'est-à-dire les commissions d’enquête et les commissions ad hoc. S’agissant des secondes, je participe à celle, créée voilà un an et demi, concernant la recherche, le développement et l’innovation.
Les douze membres, par exemple de la commission qui nous concerne, peuvent auditionner vingt experts, lesquels ont la possibilité de présenter des propositions de discussion ou de résolution, sans bien sûr disposer du droit de vote. De même, ces auditions peuvent être menées avec le ministère de l’éducation, responsable de la recherche et du développement. Parfois, l’Académie des sciences est invitée à y présenter des rapports sur l’état de la recherche et du développement dans le pays. Cette commission élabore chaque année un rapport sur la science et les technologies.
Les commissions prennent également contact avec les organisations de la société civile, qui peuvent ainsi faire part de leurs préoccupations. En dépit de tous ces efforts – je pense notamment à notre programme « Portes ouvertes » –, la distance semble cependant rester grande entre la société civile et les parlementaires, d’autant que se pose la question de la compétence des nombreux groupes d’intérêt représentant la société civile qui essaient d’influencer la prise de décision.
Nous disposons à cet égard d’une institution indépendante, l’Académie hongroise des sciences, dont l’objectif, conformément à la loi, est de fournir des conseils éclairés au Parlement et au Gouvernement. Créée en 1825 par le Parlement, il s’agit d’une institution de droit public. Son budget est décidé par le Parlement. Tous les deux ans, son président doit présenter un rapport sur l’état de la recherche scientifique en Hongrie devant le Parlement qui est ensuite appelé à le voter.
Notre Académie se penche sur toutes les questions liées à la science et à la technologie, à l’échelle nationale et internationale au sein des différentes disciplines – physique, chimie, etc. Il en va surtout des grands problèmes de société par exemple dans les domaines de l’énergie, de l’alimentation, de l’environnement, des technologies de l’information et de la communication, de l’emploi, de la santé, de l’éducation et de la sécurité. Elle est également, au même titre que le débat public, un partenaire privilégié dans le cadre de la préparation de la stratégie à long terme adoptée par le Parlement.
L’Académie dispose de ses propres commissions, qui réunissent la matière grise du pays. Ses membres jouissent d’une grande audience à l’échelle nationale.
Pour autant, l’impact de la science et de la technologie est-il suffisamment pris en compte dans l’élaboration des politiques ? C'est une question à laquelle on ne peut encore répondre de façon positive. Bien des points restent à améliorer. Certes, les scientifiques peuvent donner leur avis par l’intermédiaire des commissions, mais c’est le Parlement dans son ensemble qui prend les décisions.
En guise de conclusion, je vous livrerai cette réponse de John von Neumann, le père de l’ordinateur et de la théorie des jeux, à une question portant sur les moyens de survivre au développement technologique qui lui avait été posée, pendant la guerre froide, au cours d’une audition à Washington par une commission pour la science, la technologie et le développement : « Nous ne sommes pas en mesure d’apporter des solutions toutes faites pour répondre aux défis de l’avenir ; nous ne pouvons que définir ce qui est propre à l’homme pour survivre : la tolérance, la patience, l’intelligence et la souplesse… et une bonne dose d’humour ! »
J’espère que l’intelligence, la souplesse et l’humour permettront au Parlement européen et aux Parlements de l’Europe de survivre à l’évolution technologique, mais aussi de contribuer au développement des sciences, de la technologie et de l’innovation. (Applaudissements.)
La cohérence européenne dans l’évaluation
M. Philippe Busquin, député européen, président de l’Office d’évaluation de la Science et de la Technologie (STOA) du Parlement européen
Je tiens à mon tour, monsieur le président, à vous remercier de cette réunion qui porte sur un sujet de plus en plus essentiel. À cet égard, mon propos traitera plus particulièrement de la nécessité de construire un espace européen de l’évaluation scientifique et technologique.
L’évaluation parlementaire des technologies, ou parliamentary technology assessment, PTA, a évolué de manière assez différente selon les pays, où les pratiques peuvent se révéler divergentes en raison des traditions et des structures. Aussi convient-il aujourd’hui de renforcer sa cohérence. Plusieurs raisons militent en ce sens.
Premièrement, l’évolution de la PTA en Europe est un modèle de « diversité dans l’unité », dans lequel les différences de traditions, de pratiques et de structures institutionnelles n’ont pas empêché de poursuivre le même objectif : mieux évaluer l’impact des sciences et des technologies sur la société, et en partager les résultats avec la population de manière démocratique.
Deuxièmement, le traité de Lisbonne introduit une dimension nouvelle en renforçant à la fois le rôle des Parlements nationaux au niveau européen et le processus de codécision, d’autant que de nombreux domaines sont concernés, tels que les sciences, les technologies et l’évaluation scientifique et technologique.
Troisièmement, l’espace européen de la recherche se construit peu à peu : Institut européen de technologie IET, Conseil européen de la recherche, CER, action ERA-NET s’appuyant, selon notre jargon européen, sur la méthode ouverte de coordination. De la même façon, ce dernier doit être institué pour l’évaluation scientifique et technologique. Mon successeur à la Commission européenne, M. Janez Potočnik, est lui aussi conscient de cette nécessité.
La naissance de l’évaluation parlementaire des technologies remonte à la création de l’Office d’évaluation technologique – OTA – par le Congrès des États-Unis en 1972, institution qui a cessé ses activités en 1995. Depuis lors, de nombreux pays ont créé des Offices, mais selon deux modèles structurellement différents : d’une part, le modèle instrumental, dans lequel l’Office sert de conseil aux seuls Parlements, comme en France, en Allemagne et au Royaume-Uni ; d’autre part, le modèle discursif, dans lequel la relation entre la science et la société prime, le Parlement n’étant qu’un élément intermédiaire, comme en Suisse et aux Pays-Bas.
Au niveau européen, l’Office d’évaluation des choix scientifiques – STOA – du Parlement européen, de modèle instrumental, a été créé il y a vingt ans. Son règlement, modifié en 2004, organise un mécanisme de pairage permettant un contact privilégié entre des scientifiques, qui ont été à la base d’un projet européen, et des parlementaires, généralement d’une autre nationalité. Un tel mécanisme existait dans certains Parlements nationaux – au Royaume Uni avec la Royal Society, ou encore en France – avant d’être introduit au niveau européen.
Compte tenu de l’expérience de chacun, il convient aujourd’hui de voir comment parvenir à la cohérence des pratiques de PTA.
En 2002-2003, un groupe de chercheurs – allemands, belges, britanniques, danois, espagnols, néerlandais, polonais, suisses et tchèques – dont beaucoup sont ici, a mené un projet baptisé TAMI – Technology Assessment-Methods and Impacts, ou Évaluation des technologies – méthodes et incidences –, dont les résultats ont été publiés dans un livre intitulé Bridges between Science, Society and Policy – Les ponts entre la science, la société et la politique.
L’objectif de TAMI était de vérifier que l’on parlait bien des mêmes choses, question essentielle à l’échelle de l’Europe, où l’on manie des langues différentes. Il était aussi de s’assurer que l’on pourrait créer un concept transnational d’évaluation des technologies. Les experts ont considéré qu’il était non seulement possible, mais indispensable d’atteindre cet objectif.
De même, les chercheurs ont répondu, à la question « Est-il possible et opportun d’adapter, de transférer et d’utiliser tous les outils d’évaluation des technologies au niveau transnational ? », que « du point de vue des praticiens de l’évaluation des technologies, la réponse est affirmative ». En effet, si les travaux de certains Offices sont de très grande qualité scientifique, des travaux équivalents sont menés dans d’autres Offices. En outre, les méthodes d’évaluation des technologies et les compétences peuvent être transférées grâce à un mode de coordination ouverte entre les professionnels du métier. Déjà, les programmes européens permettent à des experts et à des chercheurs de se rendre dans d’autres pays avec une bourse Marie Curie. Pourquoi ne pas créer de telles bourses dans le domaine de l’évaluation ?
Enfin, les différences culturelles peuvent être vaincues si l’on adapte les méthodes et le sujet des débats d’un pays à l’autre. Si la diversité crée la créativité, elle ne doit pas pour autant être un obstacle au travail en commun. Or, qu’il s’agisse du nucléaire, des OGM ou encore des cellules souches, les conceptions sont différentes entre respectivement la France et l’Allemagne, la France et l’Espagne et l’Italie et le Royaume-Uni.
Nous avons pris l’initiative, dans le domaine des nanotechnologies, d’examiner les moyens de faciliter les relations entre la société et la science autour d’un sujet aussi important. Alors que l’Europe a des potentialités énormes, la société ne peut en l’occurrence rester à la traîne.
Pour conclure sur une note un peu plus personnelle, il me semble qu’en matière d’évaluation scientifique et technologique, les pays d’Europe doivent intégrer le risque.
Ce risque peut prendre trois formes : le risque perçu – par exemple le risque d’être malade si l’on mange trop – que chacun peut assumer ; le risque mesurable – celui notamment d’avoir telle maladie ; et puis le risque virtuel, qui fait appel à l’émotionnel. En Europe, il est parfois poussé au paroxysme. Les évaluations scientifiques et technologiques devraient, dans la mesure du possible, quantifier un tel risque et sa probabilité.
Les exemples sont aujourd’hui nombreux où, faute de proportionnalité entre le risque et la réalité, on agit parfois de manière irraisonnable. Pour autant, le principe de précaution, que les Européens sont les seuls au monde à développer et qui est une bonne chose en soi, ne doit en aucun cas devenir un principe d’inaction. C’est à nous, parlementaires, de provoquer le dialogue entre la science et la société. L’Europe ne se construira pas si nous ne sommes pas capables de développer des méthodologies communes pour favoriser les relations les plus harmonieuses possibles entre la science et la société, ce qui suppose diversité et choix démocratiques. (Applaudissements.)
La pratique du Parlement italien en matière d’évaluation scientifique
et technologique
M. Silvano Moffa, député, membre de la commission des activités industrielles et du VAST (Office d’évaluation) de la Chambre des députés d’Italie
Monsieur le président, je souhaite en effet, après avoir remercié en votre nom la Présidence française d’avoir organisé cette réunion, vous apporter l’exemple de l’Italie et de ses pratiques.
La Chambre des députés italienne a créé, dès 1997, au sein même de la présidence, un comité chargé de l’évaluation des choix scientifiques et technologiques – VAST –, présidé par le président de la Chambre des députés.
Le rôle de ce comité est de coordonner les initiatives et les activités parlementaires dans le domaine de la recherche scientifique et des applications technologiques et de concourir aux travaux d’organismes internationaux et européens participant, en particulier, au réseau EPTA – European parliamentary technology assessment network. Sa nature exclusivement parlementaire fait qu’il peut pleinement jouer son rôle de trait d’union entre le Parlement et le monde des chercheurs, des scientifiques, des entreprises ou des institutions.
Le VAST organise des séminaires thématiques, des auditions sur des sujets scientifiques qui se trouvent au cœur du débat politique en raison de leurs implications économiques, sociales, culturelles et éthiques. Il est ainsi à l’origine de débats sur la politique spatiale, sur les centrales nucléaires, sur l’état de la recherche en Italie, etc. Il a développé un dialogue constant avec les commissions parlementaires de la Chambre afin que les choix technologiques fassent partie intégrante des travaux parlementaires. C’est cette logique qu’a suivie le président de la Chambre pendant les trois dernières législatures lorsqu’il a choisi de déléguer la coordination des activités du comité au président de la commission des activités industrielles.
Les Parlements doivent s’efforcer de trouver les voies permettant à la politique de « métaboliser » les données techniques et de mettre en lumière les potentiels et les alternatives qu’offrent les nouvelles technologies afin d’effectuer les choix en connaissance de cause.
Le Parlement est en effet le lieu naturel où mener un débat public informé sur les grandes thématiques liées aux nouvelles technologies. La prise d’informations et les relations avec les experts deviennent donc un passage essentiel dans le processus de décision et il conviendrait de réfléchir à des formes et à des modalités de procédures parlementaires qui institueraient la possibilité, voire l’obligation, pour les décideurs, d’effectuer des évaluations complexes fondées sur des éléments de nature technologique. En même temps, le Parlement doit pouvoir guider le processus d’acquisition des connaissances techniques lors des travaux législatifs afin de remplir sa mission d’orientation et de contrôle. Il ne peut se réduire à n’être que le simple destinataire passif des connaissances du monde scientifique.
De ce point de vue, l’expérience de ces dernières années, au sein des instances interparlementaires, n’a pas toujours été fructueuse du fait souvent d’une organisation où les données techniques ont semblé prévaloir sur la possibilité, pour les parlementaires, de mener un rôle actif en la matière.
La capacité de lecture des données scientifiques par les Parlements doit au contraire aller au-delà d’une simple vision technique. Ils doivent en avoir une vision politique et sociale afin de saisir pleinement les potentiels des choix que la technologie rend possible.
Le Parlement doit donc avoir un rôle « d’ouvreur » dans le domaine de la diffusion des technologies et de l’évaluation de leur impact économique, social et politique.
Dans les milieux scientifiques comme dans les médias, on a souvent mis en évidence les potentiels et les applications possibles des nouvelles technologies. Mais on a également bien souvent déploré l’incapacité des décideurs à saisir ces opportunités. Il est notoire que l’impact des nouvelles technologies sur la vie quotidienne a été moins important qu’on aurait pu l’attendre. Voilà pourquoi, à Lisbonne, l’accent a été mis sur la nécessité de développer davantage l’Europe des connaissances, comme paramètre essentiel de la croissance économique et sociale des citoyens européens.
Je souhaite appeler l’attention sur un problème de méthode de travail parlementaire en matière d’évaluation des choix technologiques et scientifiques. Il faudrait, au niveau national et dans les instances interparlementaires, rendre les processus décisionnels parlementaires davantage perméables aux éléments technologiques, et faire en sorte que les députés puissent jouer un rôle plus important. Il faut reconnaître que l’EPTA n’a pas constitué un forum efficace d’échanges et de discussions entre les parlementaires européens impliqués dans l’évaluation technologique. Le rôle même exercé par les parlementaires dans cette instance n’a pas toujours été adéquat, ce qui a entravé la création de relations interparlementaires efficaces en matière de données scientifiques. C’est pourquoi le rendez-vous d’aujourd’hui est important.
Il conviendrait, lorsque l’on choisit les thématiques et le déroulement de la conférence annuelle de l’EPTA, de proposer l’implication directe des présidences des Parlements européens et des collègues députés qui appartiennent à différents comités d’évaluation.
Par ailleurs, pour exercer une influence politique, les instances interparlementaires devraient pouvoir approuver des documents à caractère politique lors de la conclusion des travaux. Ces résolutions pourraient, ainsi que l’a souligné le précédent intervenant, constituer une base utile pour des études qui seraient ensuite menées par chaque Parlement sur des thèmes scientifiques. Il conviendrait également de garantir une plus grande information sur les initiatives législatives engagées par chaque Parlement dans le domaine de l’évaluation technologique suite à une analyse menée au niveau interparlementaire ou à des initiatives spécifiques au niveau national. (Applaudissements.)
M. le président Claude Birraux. L’expérience de l’Office parlementaire français est à cet égard intéressante. Sa composition – il comprend dix-huit députés et dix-huit sénateurs de la majorité et de l’opposition, issus de deux chambres dont les traditions et les manières de fonctionner sont différentes – n’empêche pas ses membres de travailler en parfaite harmonie. Assisté d’un conseil scientifique de vingt-quatre membres, nous pouvons nous entourer, pour chacune des études conduites sous l’autorité d’un rapporteur, d’un groupe de travail ou « comité de pilotage » composé de personnalités extérieures au Parlement. En outre, nous ne nous contentons pas de procéder à des auditions dans notre pays. Nous nous rendons à l’étranger afin d’examiner les bonnes pratiques et la façon dont est abordée telle ou telle thématique, pour tirer le meilleur de chacune des expériences.
M. Janis Strazdnis, député, président de la commission de l’éducation,
de la culture et de la science de la Diète de Lettonie
En 2003, la commission de l’éducation, de la culture et de la science du Parlement letton a créé sous son égide un sous-comité pour le développement de la Lettonie dans les années à venir, afin de contrôler la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne. Ce sous-comité évalue le développement et l’innovation dans les technologies de pointe, encourage les entrepreneurs à créer des contacts et à coopérer plus activement avec les scientifiques et les chercheurs. Les membres du Parlement rencontrent ainsi des chercheurs universitaires et des scientifiques, des hauts fonctionnaires, des représentants d’ONG, des membres de l’Académie des sciences et des associations scientifiques. Cette coopération a abouti à l’adoption d’un projet de loi disposant que le financement des activités scientifiques augmentera tous les ans de 0,15 % du PIB.
En 2005, le Parlement a adopté un document de fond relatif au développement de la Lettonie à long terme, intitulé « Modèle de croissance pour la Lettonie, les citoyens d’abord », qui est devenu la base du plan de développement national de notre pays pour la période 2007-2013, lequel a été débattu dans des forums spécifiques et est d’ailleurs désormais disponible sur Internet.
En 2006, le Gouvernement a approuvé les priorités de la recherche scientifique pour la période 2006-2009. Un programme de financement sur le long terme de l’éducation et de la recherche scientifique a également été préparé sur la base du budget national, complété de ressources en provenance de l’Union européenne. Ce programme prévoit une augmentation significative de l’investissement public dans le développement de la science et des technologies. Au-delà, la Lettonie travaille sur une stratégie de développement durable jusqu’en 2030.
M. Virginijus Domarkas, député, président de la commission de l’éducation,
des sciences, de la culture de la Diète de Lituanie
Devant les défis géopolitiques et économiques de ces dernières années, l’Union européenne a adopté la stratégie de Lisbonne qui tend notamment à garantir une croissance économique européenne durable par le biais de réformes globales et interdépendantes, l’action menée par un pays étant d’autant plus efficace que les autres États membres agissent de concert.
Notre stratégie économique en Lituanie est de renforcer la croissance afin de réduire l’écart entre le développement économique de notre pays et celui de la moyenne de l’ensemble des pays de l’Union. Un tel objectif exige une politique de développement scientifique avisée et une politique économique compétitive grâce à la connaissance et au développement des ressources humaines.
En 2000, l’Union européenne a invité tous les États membres à instaurer un espace européen commun de la recherche, afin de pouvoir mettre en œuvre la stratégie de Lisbonne. Hélas, toutes les stratégies, aussi bonnes soient-elles, ont parfois du mal à trouver une traduction concrète et tout ce qui est planifié ne parvient pas toujours à être mis en œuvre.
Depuis le rétablissement de l’indépendance de notre pays, très peu d’investissements y ont été réalisés pour la rénovation et le développement des infrastructures des établissements scientifiques et des universités. Pourtant, notre recherche fondamentale et appliquée, qui a conservé un potentiel élevé, a continué d’avancer, à notre plus grande satisfaction. Grâce aux fonds européens, différents programmes universitaires et économiques sont engagés, des pôles nationaux d’excellence et de compétence se mettent en place en même temps qu’est mis l’accent sur le développement des ressources humaines et l’amélioration de la carrière des chercheurs.
Le fait que les politiques soient disposés à reconnaître les insuffisances de leur dispositif d’action et à réfléchir aux moyens de l’améliorer est à cet égard une opportunité en Lituanie. Les différents partis représentés au Parlement ont d’ailleurs signé un accord relatif à la restructuration du système scientifique et universitaire lituanien, preuve que, devant des défis majeurs, les opposants politiques peuvent dépasser leurs clivages et s’accorder au bénéfice de leur pays.
L’un des problèmes est d’améliorer la gestion, le contrôle et la surveillance des organismes scientifiques et universitaires, d’accroître leurs responsabilités – ils ont des comptes à rendre à la société –, mais aussi de créer les conditions juridiques permettant d’utiliser au mieux les financements. Divers programmes ont été lancés, ainsi que des recherches scientifiques interdisciplinaires, dont l’objectif est d’encourager les chercheurs scientifiques lituaniens de niveau international à rester en Lituanie en leur offrant de réelles perspectives de carrière, bref d’éviter la fuite des cerveaux. La réforme est en marche. Nous nous sommes aperçus qu’outre une ferme volonté politique, un large dialogue social était également nécessaire. Les parlementaires doivent véritablement avoir mandat pour agir résolument dans cette direction.
L’éducation, la recherche scientifique et le développement social constituent le triptyque de la société de la connaissance et de l’innovation grâce auquel le système éducatif européen restera attractif dans le monde entier. La Lituanie a bon espoir d’avancer sur cette voie, avec une économie compétitive fondée sur la connaissance, garantissant un niveau de vie élevé et un développement social harmonieux.
M. Piotr Wach, sénateur, membre de la commission de la science,
de l’éducation et du sport du sénat de Pologne
Je tiens avant tout à remercier le Parlement français d’avoir organisé cette rencontre, et même s’il est sans doute prématuré d’en faire part, je souhaite exprimer mon soutien au projet de déclaration finale, certes très générale, mais fondamentale. Peut-être y manque-t-il simplement une référence à l’éducation aux sciences et à la technologie.
Nous rencontrons, je le crois partout en Europe, en tout cas en Pologne, des difficultés en ce domaine. Nous manquons d’étudiants de bon niveau, notamment en mathématiques et, d’une manière générale, dans les disciplines scientifiques et technologiques, et le nombre de ceux qui choisissent ces filières va, hélas, diminuant. Un effort particulier serait donc nécessaire sur ce point. Bien entendu, la rémunération des métiers, par exemple d’ingénieurs, auxquels ces études conduisent est un élément important d’attractivité, mais il faut aussi que les études scientifiques soient, dès le départ, attrayantes pour les jeunes étudiants. Les Parlements devraient insister sur cette question de l’éducation aux sciences et aux technologies, et notre déclaration finale en faire état.
Je souhaiterais enfin aborder la question de l’énergie et des centrales nucléaires, qui ne doit pas être taboue. Pourquoi ne pas débattre des conditions dans lesquelles le nucléaire pourrait être considéré comme une énergie propre par rapport aux énergies fossiles ? La France possède une très grande expérience dans ce domaine, l’essentiel de sa production d’électricité étant d’origine nucléaire. La Pologne ne possède pas encore de centrales nucléaires, mais aimerait pouvoir s’appuyer sur l’expérience d’autres pays. Celle de la France pourrait nous être précieuse, concernant notamment les aspects technologiques. Faut-il, par exemple, chercher à développer des surgénérateurs ou de nouveaux types de réacteurs ?
M. le président Claude Birraux. Nous n’engagerons pas aujourd’hui le débat sur ce point, ni encore moins ne le trancherons. Mais si le Parlement polonais souhaite organiser un débat, des membres de notre OPESCT, qui ont plus spécialement travaillé sur ces questions, pourront y participer.
M. Philippe Galiay, administrateur principal à la direction générale
de la recherche de la Commission européenne
Je serai bref, la Commission partageant l’essentiel des points développés par M. Busquin. Pour la Commission, l’espace européen de la recherche est un cadre commun à la fois de réflexion et d’action. Ce n’est que depuis 2002, date de son lancement, que la question de la relation entre science et société a été pour la première fois formellement posée dans un programme-cadre.
Dans cette perspective, nous avons examiné ce qui avait trait à la gouvernance de la science en privilégiant trois axes de travail : la participation des citoyens et des organisations de la société civile à la science, la connaissance du risque et son évaluation, enfin la remise d’avis scientifiques aux politiques. C’est ce dernier axe qui a été jusqu’à présent le moins vivant. Procédant à des études comparées, nous nous sommes aperçus qu’il existait en Europe une myriade d’instances rendant des avis scientifiques. Nous avons essayé de les coordonner, les outils informatiques constituant à cet égard une aide précieuse. Et récemment, nous avons lancé avec le Parlement européen des exercices pilotes pour établir des liens entre scientifiques et parlementaires, dont nous sommes en train d’évaluer les résultats.
Comment faire pour que l’espace européen de la recherche, aujourd’hui très morcelé, soit plus intégré et, partant, plus performant ? Nous avons déjà mobilisé certains réseaux au travers des quelques actions que nous avons menées comme celui des bureaux d’évaluation technologique auprès des Parlements ou bien encore celui des académies des sciences. Mais il est sans aucun doute possible d’être beaucoup plus ambitieux et efficace à l’avenir.
M. Irinel Popescu, sénateur, président de la commission de l’enseignement,
de la science, de la jeunesse et du sport du Sénat de Roumanie
Une loi est en préparation en Roumanie pour créer un Office d’évaluation scientifique et technologique, et je tiens à cet égard, à remercier tout particulièrement Mme Ulla Burchardt, présidente de la commission de l’éducation, de la recherche et de l’évaluation technologique du Bundestag, qui nous a beaucoup apporté lors de la réunion de Berlin en 2006, ainsi que M. David Cope qui nous a également donné beaucoup d’idées lors de sa visite en Roumanie, et M. Henri Revol, à la fois président du groupe d’amitié parlementaire franco-roumain et vice-président de l’OPESCT français.
Il me semble que les Parlements constituent le lieu le plus pertinent pour débattre de l’évaluation des technologies, ne serait-ce que par la diversité des opinions qui peuvent s’y exprimer. Ils ne doivent cependant pas être seulement des lieux de débat, mais aussi de décision. Ils doivent rendre des avis clairs et précis, informer la population des risques potentiels des technologies nouvelles et prendre les décisions nécessaires pour l’en protéger.
Les technologies sont en plein essor en Europe et l’objectif de concurrencer les États-Unis, voire de les surpasser en matière de science et de technologie, qui apparaissait autrefois presque impossible à atteindre, commence à devenir réaliste, et l’Europe peut raisonnablement viser la première place mondiale en matière scientifique et technologique. Les Parlements doivent donc prêter la plus grande attention à l’évaluation des technologies nouvelles et à leur impact sur la population et le développement.
L’Office d’évaluation scientifique et technologique que la Roumanie met en place devra se voir affecter les financements nécessaires, faute desquels aucune activité de qualité ne serait possible. Nous disposons pour l’instant d’une instance composée de membres du Sénat et de l’Académie roumaine, et je partage totalement l’avis du président de l’Académie des sciences de Hongrie : les pays qui disposent d’académies doivent les utiliser, d’autant que les membres, nommés à vie, de ces institutions pérennes et prestigieuses sont très heureux de participer à ces travaux. La loi en préparation prévoit que le nouvel Office comprendra également des députés et peut-être des membres de l’Académie des sciences. Nous nous orientons plutôt vers la production de rapports élaborés par des parlementaires et incluant un avis politique, plutôt que vers des rapports purement scientifiques, élaborés par des scientifiques qui les mettraient à la disposition des politiques.
Nous progressons dans la mise en place de cet Office. Le chemin n’est pas facile, mais nous avons déjà beaucoup appris, et continuerons de le faire, de l’expérience de chacun des autres pays européens. Sur cette voie, une réunion comme celle-ci nous est très utile.
M. Ferdinand Devinsky, député, président de la commission de l’éducation,
de la jeunesse, des sciences et des sports du Conseil national de Slovaquie
Le rôle des universités et du secteur privé, pour le député et l’universitaire que je suis, ne doit pas être négligé, surtout dans la perspective d’un modèle participatif. Le secteur de l’enseignement supérieur a en effet un énorme potentiel en matière de recherche, tandis que le secteur privé devrait contribuer à soutenir financièrement la recherche. La question est donc de savoir comment les universités et le secteur privé, et pas seulement les académies des sciences, peuvent influencer le processus de prise de décision des Parlements. Il y va de la transparence, mais aussi d’une meilleure intégration.
Il n’existe aujourd’hui en Slovaquie aucune structure de type OPESCT, mais nous devrions pouvoir en mettre une en place rapidement. Sur ce point, votre expérience devrait nous être très précieuse.
M. Petre Popeangă, député, président de la commission de l’enseignement, de la science, de la jeunesse et du sport, de la Chambre des députés de Roumanie
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les délégués,
Permettez-moi, d’abord, de remercier nos hôtes pour l’invitation de participer à cette réunion. J’aimerais évoquer, dans mon allocution quelques considérations portant sur la relation entre les Parlements et la société civile ainsi que les moyens d’affirmer la légitimité du travail parlementaire.
Je commence par rappeler quelques uns des principes qui revêtent la plus haute importance pour la gouvernance démocratique et qui méritent toute notre attention, à savoir la participation, la transparence et l’obligation de rendre compte. Ces principes constituent le fondement de toute politique saine, réellement au service des populations et du développement.
La société de XXIème siècle ouvre des perspectives, mais apporte aussi des risques nouveaux qui appellent des choix politiques et donc des débats publics, des orientations et la définition d'un cadre institutionnel adéquat : il appartient aux Parlements, plus qu'à quiconque, de déterminer ces choix politiques.
Les décisions scientifiques et technologiques majeures ne doivent pas être laissées aux seuls techniciens, et les politiques dans ces domaines ne doivent pas être l'apanage de spécialistes travaillant séparément chacun dans son secteur, elles doivent plutôt être intégrées dans une démarche globale; dans une politique commune.
Si les Parlements définissent les politiques nationales visant à développer la société nous aurons la garantie que, dans chaque pays, ces politiques seront sans doute, durables et efficientes.
Il appartient donc aux Parlements, forts de leurs fonctions législatives et constitutionnelles, de consolider le cadre des droits, à commencer par le droit d'accès à l'information considéré comme un élément fondamental de la citoyenneté, une condition préalable afin que les perspectives extraordinaires qui s'ouvrent à la production et la diffusion du savoir ne soient pas soumises aux seules lois du marché, mais engendrent un « bien commun » nouveau et mondial.
Il incombe aussi aux Parlements de promouvoir l'utilisation des technologies, afin que les citoyens soient mieux informés, non seulement sur les activités parlementaires, notamment législatives, mais aussi comme condition préalable à l'exercice d'une « citoyenneté active ».
Il est urgent et nécessaire que les Parlements lancent des initiatives institutionnelles sur la transparence, de sorte que l'obligation de rendre des comptes soit respectée à tous les niveaux. Ainsi favoriseront-ils un contrôle diffus de l'action de l'exécutif et la lutte contre la corruption. (En Roumanie, on a adopté la loi n° 52/2003 sur la transparence décisionnelle dans l'administration publique et la loi n° 544/2001 sur le libre accès aux informations publiques).
Les Parlements doivent devenir le forum institutionnel permettant le contrôle, en permanence, des effets des nouvelles technologies et de les évaluer, non seulement en termes de développement économique, mais aussi pour protéger les valeurs de la personne humaine et veiller à ce que les secteurs les plus désavantagés de la société aient aussi leur part du progrès.
Si nous voulons le progrès d'une société saine qui contribue au développement, nous devons mettre en évidence les valeurs démocratiques telles que la participation, la transparence et l'obligation de rendre compte. Dans ce sens les Parlements sont les institutions les mieux placées pour s'en porter garants.
D'une élection à l'autre, presque jamais la population n'est consultée sur aucun sujet qui pourtant concerne tous les citoyens. Même s'il existe des « consultations », celles-ci sont rarement prises en compte et n'ont jamais statut de contrainte. Toutes les décisions qui nous concernent tous sont prises sans débat public ni forums, conférences de citoyens et colloques, parfois contre l'intérêt de la majorité.
On n'organise presque jamais des débats sur les conséquences du développement de certaines technologies innovatrices et les modes de régulation de leur utilisation (le nucléaire, le financement de la protection sociale, la construction européenne, les technologies de l'information, les technologies médicales etc.). De plus en plus, on semble opposer démocratie représentative et démocratie participative.
Cependant, ces décisions nous engagent, nous et nos enfants. On doit donc s'interroger, se poser la question : comment peut-il y avoir une telle contradiction entre l'esprit de la Constitution tel qu'il est stipulé dans la lettre de son principe « gouvernance du peuple, par le peuple et pour le peuple », et la réalité quotidienne ?
A tout instant et à tout niveau, les décisions doivent faire l'objet d'un débat public préalable. Le "parlementaire" doit s'expliquer devant ses électeurs et justifier ses votes. L'évolution de la presse, et en particulier le rôle dominant de la télévision, ainsi que le caractère publicitaire des élections, ont pratiquement supprimé le caractère public des débats politiques.
On a toujours reproché aux États le manque de transparence, la forte dépendance des acteurs politiques vis-à-vis de leurs experts administratifs, l'insuffisante formalisation des liens entre administration et experts « invisibles », l'éparpillement des compétences administratives entre plusieurs autorités.
Dans notre « société du risque » et notre modernité, les formes et les lieux d'expertise se diversifient, face à la complexité des problèmes, en particulier celle relative aux risques engendrés par les activités humaines. Le risque est de se développer des expertises « participatives », autonomes, profanes, qui permettent à des non spécialistes de contribuer à la résolution des cas.
L'usage de l'expertise par les décideurs politiques serait donc hypothéqué par la remise en cause de la légitimité de l'expert et les interrogations sur les nécessaires relations entre connaissance et décision. L'expertise se retournerait contre les décideurs politiques, avec le développement d'une expertise « autonome », mobilisée comme outil critique à l'égard de l'action publique. Le rôle de l'expert autonome, ou du « spécialiste » n'est pas de proposer des « solutions », mais « de rendre visibles les mécanismes de pouvoir répressif qui sont exercés de manière dissimulée »
Si l'expertise est toujours une source de légitimité pour l'action publique, c'est moins en tant que savoir « positif » et incontestable, que comme mobilisation de connaissances et de valeurs, une négociation entre plusieurs points de vue contradictoires sur une réalité complexe, voire outil critique. C'est l'ambiguïté d'une notion qui ne se réduit ni à un savoir exact, ni à un professionnalisme, ni à une commande préexistante.
Une solution pour la re-légitimation de l'action publique est la décentralisation, qui permet de construire une gouvernance démocratique locale. En effet, de nombreux États sont aujourd'hui fragilisés, souvent perçus comme des espaces socialement artificiels découpant des flux humains et commerciaux transfrontaliers et ne reflétant pas nécessairement la construction historique d'une vie commune. Cette perte de confiance incite à ne plus considérer la question du développement au seul niveau macro-économique et à prendre en considération les dynamiques locales. Les frontières traditionnelles de l'État sont également aujourd'hui transformées par une forte demande sociale en faveur d'une plus grande participation de l'ensemble des acteurs : la société civile, le secteur privé.
Au-delà de la bonne gestion des affaires publiques, du renforcement de l'État de droit et de la lutte contre la corruption, la confiance et la légitimité engagent les processus de coordination sociale qui façonnent l'action publique : la participation de tous les acteurs, tenant compte de l'ensemble des champs interdépendants d'une société (politique, économique, environnemental et culturel), des différents échelons territoriaux : local, national, régional, transfrontalier. Le territoire, en tant qu'espace de vie, de l'apprentissage de la citoyenneté, de la confrontation des intérêts et des légitimités, de la cohabitation interethnique, de la gestion des relations entre société et environnement, des dynamiques économiques, représente l'échelon de base de la mobilisation de ces dynamiques.
La participation de l'ensemble des acteurs à l'élaboration et la mise en œuvre de politiques négociées constitue une source d'un enracinement démocratique et d'efficacité des politiques publiques. Elle se construit en conciliant la recherche du consensus propre aux pratiques coutumières et informelles et le caractère contradictoire de la démocratie, dans la perspective d'une véritable intégration de l'action publique dans les processus politiques des sociétés locales.
Dans la perspective de cette intermédiation, la coopération et les échanges entre Parlements soutiennent la constitution des espaces publics de dialogue et le renforcement des capacités des collectivités locales ainsi que de la société civile.
Certes, la mise en œuvre des politiques de décentralisation suit des trajectoires différentes en fonction des contextes de développement institutionnel et économique de chaque région et de chaque pays dans une perspective à long terme. Cependant, la gouvernance locale peut devenir un laboratoire de la citoyenneté et du développement. En rendant légitimes les modalités de contribuer à la vie politique et de créer un espace civique, elle offre une opportunité de réconcilier les populations avec l'action publique et de refonder la gouvernance de l'État.
Nous tous, on désire encourager une participation accrue des Parlements nationaux aux activités de l'Union européenne et de renforcer leur capacité à exprimer leur point de vue sur les projets d'actes législatifs européens ainsi que sur d'autres questions qui peuvent présenter pour eux un intérêt particulier. Mais pour réussir on doit coordonner les travaux, organiser le retour d'expérience, coopérer entre nous.
Je vous remercie.
M. le président Claude Birraux. Nos échanges font ressortir la nécessité absolue pour les Parlements d’être informés des questions scientifiques et d’organiser l’interface avec le milieu scientifique. À cet égard, plusieurs modèles existent : le modèle hongrois, où les académies des sciences jouent un rôle majeur ; le modèle français, où les parlementaires travaillent en liaison avec les scientifiques, mais conduisent eux-mêmes les études et en endossent la responsabilité ; le modèle du STOA du Parlement européen qui essaie de concilier débat, expertise et plus grande implication des Parlements.
Il nous faut être très vigilants. L’intégrisme en effet naît d’un huis clos, qui prend souvent sa source dans l’incompréhension : lorsque l’on ne comprend pas ce qui se passe autour de soi, on peut avoir tendance à s’enfermer dans une sorte de bulle et à rejeter tout ce qui se trouve à l’extérieur. Ce que l’on ne connaît pas, pour ne l’avoir jamais vu, a aussi tendance à éblouir – qui ne connaît le mythe de la caverne de Platon ?
Il est vrai que certaines technologies actuelles ne sont pas aisément explicables à tous, ce qui peut faire le lit d’éventuels prêcheurs de la non-science, voire de l’obscurantisme. Il est de notre rôle de parlementaires de veiller à organiser l’interface avec le milieu scientifique et à comprendre nous-mêmes un minimum des évolutions en cours.
Cet après-midi, deux interventions auront trait à la bioéthique et aborderont notamment la question de la gestation pour autrui. Au-delà du fait que cette pratique n’est pas autorisée en France, et que ceux qui souhaitent y recourir sont obligés de se rendre à l’étranger, la question la plus essentielle qui se pose à cet égard est celle de savoir si, après un certain âge, il est acceptable sur le plan éthique qu’une femme puisse avoir des enfants grâce aux techniques de PMA. Chacun comprend que nous sommes là au-delà des frontières de la science et touchons à la philosophie et à l’éthique.
M. le président Josezf Palinkas. Je suis d’accord avec notre collègue slovaque quant à la nécessité d’associer les universitaires au processus de décision.
En Hongrie, l’Académie, instance prestigieuse et garante de la qualité scientifique des travaux, inclut les universités, du moins les meilleures d’entre elles, et près de 70 % de ses membres travaillent aussi à l’université. Ainsi, à une réunion à laquelle j’avais convié vingt experts, douze venaient de l’université. Notre problème en Hongrie est que pour dix millions d’habitants, nous comptons soixante-douze universités, ce qui est beaucoup. L’une des premières exigences est d’évaluer ces établissements.
M. Lars Hjmälmered, député, membre du RIFO, membre de la commission de l’éducation du Parlement de Suède. Je me félicite de ce type de réunion qui permet de prendre connaissance des expériences des autres pays et d’en tirer les leçons.
Nous rencontrons en Suède les mêmes problèmes que ceux exposés par notre collègue polonais. À cet égard, deux initiatives intéressantes ont été prises dans notre pays. D’une part, une instance a été mise en place au sein du Parlement tendant à établir des liens entre parlementaires et scientifiques de renom afin de permettre aux politiques d’être au fait des derniers résultats des recherches. D’autre part, un débat est en cours pour créer une sorte de conseil de recherche auprès du Gouvernement afin de renforcer sa capacité d’évaluation et d’éclairer ses décisions en matière de recherche pour l’avenir. Des propositions devraient nous être soumises d’ici à quelques semaines.
Notre voisin, la Finlande, a pris une mesure très intéressante en créant une commission permanente sur l’avenir des programmes stratégiques. La mise en place de l’espace européen de la recherche et les réunions régulières du Conseil européen de la recherche nous semblent également d’excellentes initiatives que nous soutenons. Cela étant, nous pensons que l’Union européenne dépense trop pour les affaires présentes au détriment de l’avenir, par exemple pour la PAC, alors qu’il vaudrait mieux investir dans des programmes de recherche d’avenir.
Mme Ulla Burchardt, députée, présidente de la commission de l’éducation, de la recherche et de l’évaluation technologique du Bundestag allemand. Je remercie nos collègues français qui ont pris l’initiative de cette réunion très intéressante, ainsi que notre collègue roumain pour les propos très aimables qu’il a tenus à mon endroit.
Je préside au Bundestag la commission de l’éducation, de la recherche et de l’évaluation technologique. C’est une seule et même commission qui est chargée de toutes ces questions – je le souligne car dans les différents Parlements, on ne met pas nécessairement l’accent sur les mêmes points : alors que certains insistent sur la recherche, l’innovation, les technologies d’avenir, d’autres privilégient l’évaluation.
La stratégie de Lisbonne tend à faire de l’Union européenne un espace concurrentiel de croissance économique, mais elle doit également contribuer à améliorer la qualité de la vie et la cohésion sociale. Des solutions urgentes sont nécessaires dans toute une série de domaines tels que la santé, le changement climatique, le vieillissement de la population. Nous avons besoin de solutions globales, et nous ne pouvons pas, sur ces sujets, nous contenter de solutions seulement techniques ou technologiques.
Il faut bien distinguer entre la fonction d’origine des Parlements, qui est de légiférer, et cette nouvelle fonction consistant par exemple à rendre des avis sur les sujets scientifiques. Je remercie notre collègue roumain d’avoir rappelé que la fonction première d’un Parlement est d’élaborer des lois et de prendre les décisions indispensables pour garantir la sécurité de la population. En dépit de la nécessité qu’il y a à communiquer plus largement et à disposer de toutes les expertises nécessaires qui peuvent être obtenues auprès des scientifiques, n’oublions jamais notre fonction première et restons conscients que, même nous parlementaires, ne disposons que de vingt-quatre heures par jour.
Pour ce qui est du nucléaire, domaine classique d’évaluation de l’impact technologique en Allemagne, sans doute pourrions-nous organiser une réunion spécifique sur ce sujet qui donnerait l’occasion de comparer les expériences de tous les États membres. J’ai assisté il y a peu à une audition de notre commission de l’environnement portant sur le problème du stockage des déchets radioactifs, pour lequel il n’existe pas encore de solution satisfaisante. Or le bon sens commanderait de ne pas poursuivre une production dont on ne sait que faire des déchets, et ce dans l’intérêt même des générations futures. Le traitement des déchets radioactifs est de surcroît très coûteux pour le contribuable.
On le voit, la question n’est pas seulement scientifique ni économique, mais aussi écologique. Il s’agit d’un problème global à aborder globalement.
M. le président Claude Birraux. Une autre question est de savoir que faire du gaz carbonique produit par les centrales thermiques. Nous pourrons organiser une autre réunion pour débattre spécifiquement de ces sujets.
M. Jan Staman, directeur du Rathenau Instituut (Pays-Bas). Aux Pays-Bas, nous menons d’importants programmes de recherche tout à fait novateurs sur les sciences du vivant, les nanotechnologies, etc., auxquels nous consacrons d’importants moyens. Dès l’affectation des fonds, un certain montant est réservé à l’évaluation de l’impact de ces technologies. Mais, l’expérience me l’a appris, les relations entre parlementaires et scientifiques ne sont pas toujours faciles. C’est comme si les seconds craignaient les premiers. Ils rechignent ainsi à faire des déclarations très précises sur leurs travaux et à communiquer sur leur dimension politique.
Il ne suffit donc pas pour les parlementaires de débattre avec les scientifiques. Il faut susciter leur confiance de façon qu’ils soient plus attentifs à nos besoins dans la rédaction de nos rapports sur les résultats de leurs travaux.
M. Pierre Braunstein, membre de l’Académie des sciences (France). L’évaluation des choix scientifiques et technologiques suppose, d’une manière générale, de disposer d’outils d’évaluation pertinents. Les parlementaires étrangers ont exprimé le souci d’évaluer les compétences des universités, des instituts et autres instances de recherche. Il en va de même au niveau européen. Où en sommes-nous s’agissant de la mise en commun d’outils permettant de valider les meilleures pratiques et de faire en sorte que, sur le plan international, l’Europe puisse s’évaluer elle-même pour progresser mais aussi évaluer les autres au lieu d’attendre qu’on lui applique des classements faits par d’autres, souvent peu pertinents pour elle ? Où en est l’ambition européenne sur ce point ?
M. le président Claude Birraux. Les chercheurs, que je rencontre fréquemment, me disent que lorsqu’ils doivent coordonner un programme européen, ils ne font plus de recherche, mais de l’administration. Une simplification serait sans aucun doute nécessaire.
M. Philippe Busquin. La question de la simplification des programmes européens se pose de manière récurrente et n’est pas simple à régler, surtout à vingt-sept. C’est pourquoi il convient de privilégier les formules très souples, comme ERA-NET, qui permet l’ouverture mutuelle de programmes nationaux. Mais, à ma connaissance, il n’existe pas d’ERA-NET en matière d’évaluation. La Commission européenne aurait pourtant les moyens de financer une telle structure grâce au programme Science et société, qui a été significativement abondé dans le cadre du 7ème programme-cadre, 360 millions d’euros pouvant aujourd’hui y être consacrés.
La mise en réseau et le partage d’informations sont extrêmement importants pour déterminer les meilleures pratiques. L’Europe ne peut pas – elle ne le souhaite d’ailleurs pas – imposer des pratiques. Elle peut seulement encourager celles qui lui paraissent les meilleures et les diffuser, de façon que les pays qui ne disposent pas encore d’instances d’évaluation puissent avoir des références.
Le problème plus général de l’évaluation des universités et des classements, comme celui de Shangaï, est fondamental. Une réflexion a été engagée sur ce point. Il est dommage que l’Europe dépende du reste du monde pour son évaluation scientifique et technologique, tous les classements étant aujourd’hui établis aux États-Unis ou en Chine. L’Europe doit faire valoir ses propres critères, ses propres valeurs et son savoir-faire spécifique. Ne soyons pas obnubilés par le classement de Shangaï !
Un excellent travail mené par le recteur d’une université belge en a mis en évidence le manque de cohérence et a montré que les critères retenus aboutissent à favoriser un certain type d’université. Or, tous les politiques souhaitent aujourd’hui que les universités de leur pays progressent dans le classement de Shangaï et on procède même parfois à des regroupements assez artificiels d’établissements à seule fin de remonter dans ce classement. Le savoir-faire européen est avéré, le problème, récurrent en Europe, étant qu’il est trop dispersé. Il serait intéressant de mettre en place un groupe de travail sur le sujet.
Mme Annie Sugier, directrice à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), membre du conseil scientifique de l’OPECST (France). Je voudrais revenir sur ce qu’a dit M. Palinkas au sujet de la compétence. Pour pouvoir prendre des décisions de manière éclairée, il faut parvenir à faire émerger des controverses pertinentes. Hélas, celles-ci s’expriment souvent davantage au travers des médias que dans les débats parlementaires. De ce point de vue, il faudrait réfléchir aux moyens de développer les compétences des organisations non gouvernementales, dont les positions peuvent parfois être perçues comme irrationnelles alors qu’elles ne résultent que d’un manque de compétence. Le débat s’en trouverait enrichi.
L’avenir de la politique spatiale européenne
M. Henri Revol, sénateur, premier vice-président de l’OPECST
Il me revient d’illustrer le thème de cette journée en prenant l’exemple de la recherche spatiale. Je structurerai mon intervention autour d’un concept insolite pour le secteur de l’espace, la « ressource renouvelable ».
Il est une ressource renouvelable qui façonne de façon cruciale toute la démarche de nos sociétés vis-à-vis de la conquête spatiale : l’intérêt du public. Ce départ d’analyse peut paraître paradoxal, car l’engouement des populations pour la conquête de l’espace semble acquis. Le ciel fait rêver depuis l’antiquité : avant les films de Georges Méliès et de Fritz Lang, avant les romans de Jules Verne et de Wells, Lucien de Samosate, au IIe siècle de notre ère, imaginait déjà un voyage sur la lune. La recherche spatiale s’appuie donc indubitablement sur un engouement historique des populations. Comment expliquer autrement que tant de personnes aient veillé, dans la nuit 20 au 21 juillet 1969, pour voir à la télévision Neil Armstrong marcher sur la lune ?
Mais il est une autre réalité de la conquête spatiale : l’oubli, le désintérêt dans lesquels retombent les lancements spatiaux après de grands événements comme le succès d’Apollo 11 ou, pour nous Européens, des missions au cours desquelles l’un ou l’autre de nos spationautes crée l’exploit – à l’instar de Mme Claudie Haigneré, présente parmi nous ce matin, qui nous faisait rêver lorsqu’elle était là-haut. Tel est l’intérêt « renouvelable » de nos populations pour l’espace : il est intermittent, capricieux, inconstant.
Or nous ne pouvons construire une démarche aussi stratégique que la conquête spatiale sur un intérêt versatile. Cette démarche suppose en effet des investissements très lourds et doit s’inscrire dans la durée. Le rôle des Parlements est précisément d’apporter à la conquête spatiale ces garanties de stabilité institutionnelle dont elle a besoin. Les offices parlementaires d’évaluation scientifique ont à cet égard une fonction essentielle d’éclairage et de guidage pour les aider à maintenir ainsi le cap.
Aux États-Unis, une fois stoppé le creusement du gouffre budgétaire du programme lunaire – l’équivalent de 135 milliards de dollars actuels –, le Congrès a maintenu un financement de la NASA lui permettant d’engager un programme d’envoi de robots vers Mars et les planètes du système solaire, et de développer la filière des navettes spatiales.
En Europe, le rôle de promoteur raisonnable, mais déterminé, joué par le Parlement en matière spatiale a été soutenu par l’Agence spatiale européenne, l’ASE, financée par les dotations des États. Grâce au maintien constant et confiant du soutien politique des élus nationaux dans les périodes noires, durant lesquelles le découragement pouvait l’emporter, l’aventure spatiale européenne se révèle aujourd’hui un immense succès avec Ariane. Sans même insister sur la réussite du développement progressif de ce lanceur, l’ASE a remporté des succès remarquables : la sonde Giotto, partie à la rencontre de la fameuse comète de Halley, s’approcha à 600 kilomètres du noyau de cette dernière ; en 2005, le robot Huygens fut le premier véhicule automatique à se poser sur Titan, plus grand satellite de Saturne.
L’ASE compte dix-sept pays membres et plusieurs pays partenaires. Mais il a fallu, en 1972, la constance et la confiance des Parlements des dix pays fondateurs pour continuer à croire en l’Europe spatiale, au-delà de toutes les déceptions accumulées auparavant. Il a fallu toute la force stabilisatrice de la démocratie représentative face aux humeurs changeantes de la société, pour défendre l’idée que la période de pain noir, celle du lent apprentissage d’un domaine technologique complexe et exigeant, déboucherait enfin sur place de premier rang dans la conquête de l’espace.
Ce soutien budgétaire constant et confiant, quoique raisonnable, reste toujours aussi indispensable. J’en veux pour preuve la détermination qui fut nécessaire pour aboutir, en novembre 2007, après cinq ans de difficiles négociations, à un accord sur le financement de Galileo, qui assurera l’autonomie de l’Europe en matière d’instruments de géolocalisation à partir de 2012.
Il est un autre domaine où le Parlement peut retrouver un autre rôle classique, à côté de sa fonction budgétaire : la régulation de l’utilisation de l’espace. Celle-ci revêt deux formes : une forme assez ancienne, l’autorisation de ratifier des accords internationaux, qui pourrait prendre un essor avec le besoin d’intégrer de nouvelles préoccupations de la société mondiale ; une forme plus novatrice, la mise en place d’une réglementation nationale pour l’utilisation privée de l’espace par des entreprises.
Cette nouvelle dimension de la régulation internationale est apparue en 1993 avec une coordination du suivi de ce que l’on pourrait qualifier la « pollution spatiale », résultant du lancement dans l’espace de près de 5 000 objets depuis le premier Spoutnik : avec les étages de lanceur abandonnés, les morceaux arrachés aux boucliers thermiques, les diverses pertes accidentelles en mission et les débris d’explosions, plus de 330 millions d’objets artificiels navigueraient en orbite terrestre, créant un danger en cas de collision. La première du genre identifiée en tant que telle, qui remonte à 1996, eut pour effet d’arracher un bras d’un satellite militaire français.
Un autre domaine de la régulation se fait jour depuis que la maîtrise de la technologie spatiale permet le développement d’une activité privée dans l’espace – l’envoi de satellites pour diffuser la télévision, Internet, la téléphonie mobile – ou même bientôt l’offre d’un service touristique spatial. Les États ne détiennent plus le monopole de la conquête de l’espace, ce qui nécessitera par conséquent un encadrement législatif pour garantir la sécurité des vols et le respect des accords internationaux.
L’achèvement du programme Apollo de conquête de la lune, en 1972, s’est accompagné, de la part de l’administration américaine, d’une évolution de la conception de la place du secteur privé dans l’astronautique : jusque-là simple constructeur d’engins spatiaux pour le compte de la NASA, il devait désormais prendre le relais dans l’exploitation des satellites eux-mêmes.
Depuis lors, la privatisation de l’espace n’a cessé de s’étendre, jusqu’à prendre la forme de consortiums qui soutiennent de vastes projets de téléphonie mobile spatiale couvrant la terre entière, comme GlobalStar et Iridium – comprenant respectivement quarante et soixante-six satellites. Cette privatisation de l’espace a appelé la mise en place d’un régime de régulation par les États. En France, on peut citer la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique – dont le titre IV traite « des systèmes satellitaires » – ou, plus récemment, la loi du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales, dont j’ai d’ailleurs eu l’honneur d’être le rapporteur devant le Sénat.
Je souhaite que vous soyez désormais convaincus, comme moi, que le Parlement a joué et continuera de jouer un rôle indispensable de médiation entre, d’un côté, la société, dont l’intérêt pour la conquête spatiale est « renouvelable », c’est-à-dire sujet à des bourrasques suivies de calme, et qui peut finir par s’inquiéter de tout ce qui s’accumule sur les orbites terrestres depuis 1957, et, de l’autre, les acteurs de la conquête spatiale, à qui il faut garantir un financement régulier, mais encadré.
M. le président Claude Birraux. Cet exemple illustre parfaitement combien les Parlements doivent être au fait des questions scientifiques pour légiférer.
L’évolution du secteur de la micro/nanoélectronique
M. Claude Saunier, sénateur, vice-président de l’OPECST
Après avoir circulé dans les étoiles et évoqué de grandes idées comme le mythe de la caverne, je vous invite à revenir sur terre avec le rapport consacré à la microélectronique et aux nanotechnologies que l’OPECST m’a demandé de réaliser.
Ce rapport revêt des dimensions techniques, scientifiques, économiques et sociétales. Il illustre le travail accompli par un Parlement qui se pose de grandes questions, cherche à mieux comprendre ce qui se passe dans le domaine de la science et évalue les conséquences susceptibles d’en résulter dans les champs économique et sociétal.
Ce rapport, comme tous ceux de l’OPECST, résulte d’une enquête de près d’un an au cours de laquelle nous avons organisé entre 200 et 250 auditions, en France, en Europe et dans le reste du monde. Cet effort mériterait donc d’être mieux connu et mieux partagé – je rejoins à cet égard les propos de Philippe Busquin.
Nous sommes entrés voilà quelques décennies dans une nouvelle phase de l’histoire de l’humanité : la société numérique. Chacun et chacune d’entre nous consomme des milliers, des millions, des milliards de transistors, de capacités de calcul et d’information, résultat de la révolution technologique opérée dans les années soixante-dix avec l’invention de la microélectronique, industrie aujourd'hui majeure, mais finalement mal connue des parlementaires comme du grand public.
Premièrement, son chiffre d’affaires, au niveau planétaire, s’élève à quelque 300 milliards de dollars, mais les activités et services qui en dépendent représentent 10 % de l’économie mondiale. Ces dernières années, la croissance de cette industrie a même été deux à trois fois supérieure à la croissance moyenne de l’économie mondiale, dont elle est donc l’un des moteurs.
Deuxièmement, c’est un secteur économique et industriel en pleine mutation. Le coût de fabrication des microprocesseurs, est de plus en plus élevé, et une usine coûtera demain 6 milliards de dollars contre 3 milliards aujourd’hui. Une seule machine de lithogravure coûte aussi cher que trois Airbus et une fonderie compte trois, quatre, voire dix machines de cette nature. C’est donc une industrie hautement capitalistique.
Troisièmement, cette industrie doit s’adapter à un rythme extrêmement brutal. Le contenu de nos portables et autres machines a une durée de vie de six mois : chaque semestre, cette industrie doit inventer de nouveaux concepts, de nouveaux produits pour répondre à la demande. Tout le monde a entendu parler de la loi de Moore : la puissance de calcul des puces double tous les dix-huit mois. C’est comme si la puissance motrice des machines à vapeur du XIXe siècle, à l’origine de la première révolution industrielle, avait doublé tous les dix-huit mois. Et ces puces ne se contentent plus de calculer : elles savent maintenant mesurer et transmettre.
Combien de temps ces progrès continueront-ils ? Le modèle technologique actuel, fondé sur le silicium, a une durée de vie prévisible d’une dizaine à une quinzaine d’années. Au-delà, même si nous ne détenons pas les réponses scientifiques et technologiques, des possibilités d’évolution seront offertes par l’électronique quantique et l’électronique de spin – les découvertes d’Albert Fert multiplient les capacités de mise en mémoire des engins de notre environnement.
La nouveauté, c’est que l’avenir de ce secteur industriel résulte dorénavant de sa capacité à répondre aux enjeux de la société. Les fabuleuses perspectives offertes par la microélectronique peuvent en effet nous aider à répondre aux grandes interrogations de la société en matière d’économies d’énergie, de sécurité routière ou encore d’amélioration de la santé.
Cependant, la massification des produits issus de la microélectronique soulève de vrais problèmes environnementaux. Pas moins de 13 % de la consommation d’électricité mondiale sont dus à l’utilisation d’objets intégrant de la microélectronique, et le quart de ces 13 % est imputable à des objets inactifs, en veille. La consommation électrique des serveurs de Google correspond par exemple à celle d’une ville de 50 000 habitants. Le prix de la conservation des informations dans une grande banque de données coûte plus cher en consommation d’électricité qu’en achat de serveur. De surcroît, nous produisons chaque année seize kilos de déchets issus de la microélectronique. L’impact environnemental des nouvelles technologies ne saurait donc être ignoré.
La multiplication des informations, en particulier issues de la RFID – la radio frequency identification –, pose de vrais problèmes éthiques, donc politiques, concernant notre vie privée et la capacité de la collectivité et des grands groupes industriels à y pénétrer.
Ces questions cruciales doivent être abordées par nos Parlements.
Je ne veux pas faire peur avec le péril jaune, mais 70 % de la production et de la consommation de microprocesseurs est concentrée en Asie du Sud-Est et au Japon. Le phénomène s’est bâti en une trentaine d’années, par un volontarisme politique appuyé sur des choix stratégiques, des initiatives fiscales et un engagement des grands centres de recherche et de formation en faveur des nouvelles technologies. L’Amérique n’est pas en reste : elle ne produit que 17 % de la microélectronique, mais contrôle encore indirectement près de la moitié de la production mondiale. Son poids est encore plus lourd si l’on compte les services liés à la microélectronique, avec Microsoft, Google et les autres géants.
Dans ce contexte, quel est l’avenir de la microélectronique européenne ? L’Europe possède des atouts, en particulier des très grands centres de recherche, de niveau mondial, et des leaders industriels mondiaux. Mais elle souffre de l’absence de lisibilité, en matière de recherche comme de politique industrielle. Il existe, certes, de multiples programmes européens qui ont permis à l’Europe de marquer des points, mais cette dernière ne contrôle que 14 % de la production mondiale. À cet égard, la question de la délocalisation industrielle déterminera une grande part de l’avenir de l’industrie électronique comme d’ailleurs de l’industrie automobile, 35 % de la valeur d’un véhicule de gamme moyenne étant constituée de produits électroniques.
Le rapport que je viens de vous présenter, loin d’être théorique, débouche sur des propositions politiques qui s’adressent prioritairement aux responsables français, mais également européens. La pertinence de la stratégie de Lisbonne s’affirme de jour en jour, mais reste conceptuelle : nous ne consacrons pas 3 % du PIB à la recherche. Le défi consiste à relancer une politique industrielle forte et à faire en sorte que nos concitoyens se réconcilient avec l’Europe et la reconstruisent à partir de dossiers concrets alliant science, technologie, économie et enjeux sociétaux. C’est dans cette direction que la réflexion devra s’élargir au sein de nos Offices.
M. Philippe Busquin. Ces propos méritent d’être relayés dans tous nos Parlements nationaux ainsi qu’au Parlement européen, au sein duquel nous organisons des workshops sur ces sujets. Un tel rapport devrait être traduit dans les autres langues nationales de l’Union afin que les Parlements nationaux puissent s’en saisir. Lorsque j’étais commissaire européen, nous avons financé des traductions d’expositions, notamment d’une excellente exposition portugaise relative aux mathématiques, qui a ainsi pu circuler en Europe.
M. le président Claude Birraux. Nous avons quelque peu devancé votre désir puisque ces deux excellents rapports ont été traduits en anglais. En outre, des résumés en français et en anglais sont systématiquement publiés – il y en a même un en espagnol concernant le rapport sur le thème de la biodiversité.
Je remercie encore nos deux collègues pour ces présentations remarquables sur des sujets transversaux susceptibles d’intéresser tous les Parlements.
Mme Annie Sugier. Á la suite de ces deux exposés de grande qualité, en effet, je m’interroge sur la distinction à opérer entre ce que M. Revol a appelé la « promotion raisonnable » et l’évaluation ? Ces deux axes sont-ils complémentaires ou contradictoires ? Quelle doit être l’action des Offices en la matière ?
M. Henri Revol. Tout dépend des moyens budgétaires, c’est-à-dire des relations de pouvoir entre les Parlements et les gouvernements. Les Parlements sont évidemment très concernés lorsque les gouvernements leur soumettent le budget. L’Office français émet des recommandations destinées à éclairer notre Parlement mais également nos gouvernants. Ainsi, en matière d’espace, nous avons tiré la sonnette d’alarme : si une politique spatiale européenne forte n’est pas mise œuvre immédiatement pour prévoir l’après-Ariane, l’Europe perdra son rang parmi les premières nations spatiales.
Lors de nos déplacements dans les autres pays actifs en matière spatiale, nous avons pu constater combien ils développent des programmes fabuleux pour l’avenir, avec une volonté politique très forte. Si nous n’y prenons garde, notre Europe, après avoir frisé l’excellence, retombera à un niveau très subalterne. Quand les budgets ne suivent plus, quand les équipes n’ont plus les moyens de conduire des programmes à long terme, les ingénieurs quittent les centres de recherche et les entreprises industrielles se vident de leurs spécialistes. C’est pourquoi nous avons baptisé notre rapport : « Politique spatiale, l’audace ou le déclin ».
M. le président Claude Birraux. Compte tenu de l’enjeu économique, les gouvernants, quelle que soit leur étiquette politique, ne sauraient se désintéresser de ces questions. Mais la promotion raisonnable doit tenir compte des dangers éventuels, notamment des effets sur l’environnement et de la sauvegarde des libertés publiques.
Je vous invite maintenant à une visite du Palais Bourbon, à l’issue de laquelle M. le président de l’Assemblée nationale nous recevra pour déjeuner.
NOUVELLES TECHNOLOGIES, INTERROGATIONS DE LA SOCIÉTÉ ET RÔLE DES PARLEMENTS
M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST
Nous allons aborder cet après-midi une autre problématique, apparue en filigrane ce matin. Comment les Parlements répondent-ils aux interrogations de la société suscitées par l’utilisation de nouvelles technologies ? Comment peuvent-ils affirmer leur légitimité dans l’analyse des risques ?
Progressivement, s’est imposée, à côté des objectifs d’excellence scientifique et de transfert technologique, la nécessité de prendre en considération en Europe « l’acceptabilité sociale ». Pour y répondre, plusieurs mécanismes ont été mis en place : procédures d’information et de consultation du public et dispositifs d’analyse des risques.
Le processus de Ljubljana s’inscrit dans le prolongement de cette évolution : les projets réalisés en coopération devront répondre à des besoins sociétaux et être suffisamment « lisibles » pour obtenir l’adhésion des citoyens.
Cette orientation traduit une opinion largement partagée par nos pays. Aussi, l’heure est-elle venue de réfléchir ensemble aux conditions dans lesquelles ces principes devraient être mis en oeuvre, ainsi qu’au rôle que peuvent jouer nos Parlements dans ce domaine. Notre réunion nous en offre l’occasion.
Comment les Parlements se sont-ils impliqués dans les débats de société suscités par l’utilisation des nouvelles technologies ? Peut-on aujourd’hui dresser un bilan des expériences initiées à la fin des années quatre-vingt – conférences de consensus, conférences de citoyens, ou encore forums et débats publics ?
S’agissant du respect des règles propres aux processus scientifiques, ne faut-il pas reconnaître que, dans ce domaine, il existe des contraintes irréductibles qui empêchent de traiter de la même façon les théories qui ont été vérifiées et celles qui ne le sont pas, qui créent une asymétrie entre le scientifique et le néophyte, et qui sont difficilement compatibles avec le principe d’une transparence absolue, comme avec l’exigence d’une certitude immédiate ? Quelles sont les évolutions qui semblent souhaitables ?
Il ne s’agit pas là seulement de questions de procédure. Sur le fond, la prise en considération des interrogations de la société a eu des effets bénéfiques.
Témoignant de la grande réactivité des États européens et de l’Union européenne, qui ont multiplié les initiatives pour mieux évaluer et gérer les risques, informer les citoyens, elle a permis de prendre conscience du déficit de connaissances dans certaines disciplines, telles que la toxicologie et l’épidémiologie.
Elle devrait également nous faire comprendre que la construction d’un Espace européen de la recherche dépend de la capacité des États et de l’Union européenne à répondre à ces interrogations de façon plus cohérente. En l’absence d’un mode de régulation adapté et coordonné, la recherche, l’innovation technologique et la croissance économique en Europe risquent en effet d’en pâtir.
Les efforts déployés au sein de l’Union européenne pour combattre la désaffection croissante vis-à-vis des études et des carrières scientifiques, pour favoriser la mobilité des chercheurs et abolir les frontières sur le territoire européen, pour décourager les expatriations et les délocalisations vers d’autres continents, pour inciter l’investissement privé dans la recherche et vivifier le capital-risque, peuvent être compromis.
Pour faciliter la compréhension des citoyens européens, il faut aussi rechercher une plus grande cohérence des politiques publiques, en particulier celles ayant un impact sur les moyens utilisés par la recherche :
Cohérence des principes éthiques applicables, comme dans le domaine de la recherche biomédicale ou dans le domaine des technologies de l’information ;
Cohérence tant des politiques visant à répondre aux attentes de la société que des moyens donnés à la recherche pour y répondre, moyens non seulement financiers, mais aussi techniques et scientifiques – je songe là, en particulier, à la question très controversée des essais en plein champ des plantes génétiquement modifiées ou aux recherches effectuées en neurosciences ;
Cohérence des actions tendant à accélérer les processus de transfert technologique et de mise sur le marché, et de celles se proposant d’évaluer les conséquences et de convaincre les citoyens ;
Cohérence, enfin, des objectifs visant à répondre aux préoccupations à court et moyen terme des citoyens européens, à satisfaire les besoins des hommes qui peuplent des continents plus déshérités que le nôtre et à préparer, pour les générations futures, un environnement de qualité.
La tâche est immense et difficile, en raison de la variété des approches et des priorités au sein de nos sociétés, de la multiplicité des objectifs, de l’influence qu’exercent les médias. Mais ce défi doit être relevé et les Parlements peuvent y contribuer.
Les interrogations de la société ne doivent pas en effet constituer des freins au développement de la recherche et de l’innovation, mais, au contraire, enrichir les politiques scientifiques et technologiques, sans que la peur ne devienne l’unique levier de la recherche européenne ni le critère déterminant de choix des programmes de recherche et de développement.
Parlements et évaluation scientifique des nouvelles technologies
Mme Ulla Burchardt, députée, présidente de la commission de l’éducation,
de la recherche et de l’évaluation technologique du Bundestag allemand
Nous l’avons compris ce matin, l’organisation des politiques de recherche dans les Parlements des pays membres est très hétérogène. Les expériences des institutions, et donc l’évaluation de la recherche, sont très différentes. Dans ce contexte, il peut paraître difficile de faire un exposé qui touche tous les participants présents et, surtout, d’apporter une contribution utile qui réponde à nos préoccupations communes et permette de parvenir à une formulation commune.
Monsieur le président, je ne répondrai pas à toutes les questions que vous avez soulevées, car une seule personne n’y suffirait pas. Je me contenterai d’aborder quelques grands thèmes, avec modestie et réserve, mon objectif étant de trouver les moyens de faire avancer notre projet commun d’évaluation des technologies.
Je rappellerai, d’abord les raisons pour lesquelles l’évaluation des technologies au niveau parlementaire est indispensable. Je vous donnerai, ensuite, quelques informations concernant la politique scientifique et l’évaluation des technologies au sein du Parlement allemand. Puis je dirai ce que pourrait être le conseil de l’évaluation en matière de technologies. Enfin, je reviendrai sur les propositions formulées ce matin, dont l’objectif est de permettre de mieux coordonner les évaluations des technologies et les politiques scientifiques au sein de nos institutions parlementaires.
Pourquoi est-il indispensable pour nous d’avoir une évaluation des technologies de la recherche ?
Première raison : dans la société de la connaissance où nous vivons, nos prises de décision doivent, si nous voulons les légitimer, être fondées sur des connaissances claires. Nous devons savoir organiser la réception des connaissances et nous en servir. Les décisions que nous prenons dans le domaine des technologies auront en effet un impact sur la vie des citoyens et des citoyennes qui nous ont élus, sur l’évolution de nos économies et de nos sociétés, ce qui nécessite de s’appuyer sur cette société de la connaissance.
Deuxième raison : une politique démocratique doit s’attacher à résoudre les problèmes, dont beaucoup s’imposent à nous : le réchauffement climatique, le vieillissement de nos sociétés, les problèmes environnementaux, etc. Pour pouvoir les résoudre ensemble, l’aide des scientifiques, des spécialistes des technologies, est indispensable. Le progrès technologique est en effet toujours ambivalent : il peut être positif, mais aussi – l’histoire de l’Europe est pleine d’exemples à cet égard – négatif. Un tel caractère ambivalent doit constamment être présent à notre esprit : lorsque nous prenons des décisions sur le plan technologique, nous devons toujours avoir bien défini leurs effets positifs et négatifs. Le changement climatique, par exemple, n’est-il pas lié aux décisions que nous avons prises dans le passé dans les domaines des transports ou encore de la consommation ? Pour faire face aux défis colossaux qui nous attendent en la matière, nous devons par conséquent savoir quelles techniques, quelles structures, quelles innovations institutionnelles pourraient éviter que le réchauffement climatique ne devienne plus important encore.
Troisième raison : un grand nombre d’expertises, d’études très différentes sont réalisées, et non seulement nous sommes inondés d’informations, mais des ONG ou des entreprises n’hésitent pas à faire du lobbying quand elles ont besoin que certaines décisions soient prises. Dans cette confusion, nous ne sommes pas plus avancés que les citoyens et les citoyennes eux-mêmes : nous ne savons pas qui croire. Il nous faut donc développer un système d’évaluation pour repérer, dans ce flux d’informations et d’expertises, les éléments réellement valables et ceux qui ne le sont pas.
Enfin, nous avons besoin d’informations scientifiques qui soient suffisamment « prédigérées » – en matière nucléaire, par exemple – pour pouvoir nous en servir dans notre prise de décision politique.
Ces quelques remarques me conduisent à lancer un vibrant plaidoyer en faveur d’une instance d’évaluation scientifique autonome dans chaque Parlement, uniquement dédiée à ce dernier et financée par lui, sans avoir de comptes à rendre qu’à nous-mêmes. Ainsi, seront pris en considération les besoins des parlementaires.
Le Bundestag a décidé, en 1997, de se doter d’un Office spécial chargé de l’évaluation de la technologie. Cet Office indépendant dispose d’un budget de 2 millions d’euros nous permettant de réaliser les études que nous jugeons importantes, après que les commissions ont formulé des propositions et que le Bundestag a donné son avis. Les questions spécifiques liées à la science et à la technologie portent sur tous les sujets – santé, environnement, défense, etc. – et concernent toutes les commissions spécialisées.
Cette instance pilote a un droit de contrôle et de décision, une partie des pouvoirs étant déléguée à un rapporteur, et c’est ce porte-parole, issu d’un groupe politique, qui assure la coopération avec la communauté scientifique. Nous rencontrons les représentants de cette dernière au moins une fois par mois pour étudier les mandats d’étude à donner et pour discuter ensemble des moyens de présenter les résultats des études tant à nos collègues qu’à l’opinion publique.
J’en viens à ce que pourrait être le conseil parlementaire en matière d’évaluation des sciences et des technologies.
Pour ce qui nous concerne, les études que nous décidons de réaliser ou non sur la base des propositions formulées par les commissions, n’ont pas uniquement pour objet d’évaluer les conséquences des technologies nouvelles. En 2003, par exemple, nous avons mené une grande étude sur les nanotechnologies concernant leur définition, les perspectives en matière de recherche, les applications existantes ou encore l’impact sur l’environnement et sur la santé des personnes travaillant sur les produits issus des nanotechnologies ou les utilisant. Le mandat concernant, par exemple, la recherche, était très précis afin de prévoir une adaptation de la législation aux résultats. Il ne s’agit donc pas pour nous de lancer uniquement des recherches, mais également d’aider les responsables politiques dans leur prise de décision.
Nous demandons aussi aux scientifiques de nous indiquer très tôt quels pourraient être des pistes de réflexion. Nous avons, par exemple, mené une grande enquête relative à l’avenir du travail. Il s’agissait de savoir dans quelle mesure les biotechnologies, les nanotechnologies, les technologies de la biointelligence peuvent se répercuter sur l’emploi, les activités des différents secteurs, l’organisation du travail de demain, afin d’anticiper leur impact éventuel sur les besoins de qualification de la population, par exemple. Rien ne sert en effet de disposer de nouvelles technologies merveilleuses si les salariés capables de les utiliser dans les entreprises, voire de leur apporter une valeur ajoutée, font défaut.
Il nous faut également, et surtout, évaluer les stratégies politiques. Nous nous sommes interrogés, par exemple, sur les aspects positifs et négatifs de l’encouragement aux énergies renouvelables dans le contexte de concurrence internationale. L’Europe pourrait peut-être faire mieux que d’autres pays dans le monde en la matière.
L’évaluation des technologies faite par les parlementaires doit, ainsi que cela a été souligné ce matin, se développer et être plus constructive. Nous y avons tous intérêt. Aussi nous faut-il travailler davantage en réseau et mieux transférer d’un pays à l’autre les expériences accumulées en matière d’évaluation des technologies dans les différents pays européens. Je ne peux donc qu’être enthousiasmée par la proposition qui a été formulée en la matière. J’émettrai à cet égard deux propositions.
La méthode de la coordination ouverte signifie tout d’abord l’existence d’un document commun, lequel pourrait être une sorte de livre de travail auquel se référeraient tous ceux qui sont intéressés par le sujet et qui permettrait de connaître l’approche de tous les pays européens en matière d’évaluation des technologies. Pour parvenir à la création d’un tel outil, des consultations sont bien entendu nécessaires. Nous avons commencé, après la conférence de Berlin, à avoir des échanges les uns avec les autres. Certains de mes collègues allemands ont accepté l’invitation de se rendre dans d’autres Parlements pour expliquer comment ce modèle fonctionne en Allemagne. J’imagine que, de même, mes collègues français ont eu des contacts bilatéraux et présentent leur modèle. Nous devrions inciter résolument tous les parlementaires concernés à procéder à de tels échanges.
Compte tenu des activités diverses et des nombreux résultats scientifiques que nous produisons, il serait par ailleurs souhaitable, pour nous Européens, de disposer d’un hub à même de rassembler les flux d’informations, puis de les orienter vers les bons canaux. Il s’agirait d’une sorte de base en réseau rendant possible l’évaluation des technologies au niveau européen. Nombre d’entre vous connaissent le réseau EPTA, qui permet d’échanger toutes les données en matière d’évaluation des technologies. Je suggère d’élargir la proposition de M. Busquin : ne pourrions-nous pas, en combinaison avec le réseau EPTA, établir un réseau interparlementaire afin de mieux profiter des connaissances et des évaluations des uns et des autres ? (Applaudissements.)
M. le président Claude Birraux. Je puis vous assurer que l’Office parlementaire français a inondé le site d’EPTA d’études en français et en anglais, voire en espagnol et en allemand, et chacun devrait faire de même. Il conviendrait également de s’interroger sur les moyens d’augmenter le nombre de personnes consultant le réseau.
Droits civiques dans la société des technologies de l’information
M. Jyrki Kasvi, député, vice-président de la commission de l’avenir
du Parlement de Finlande
L’évaluation de l’utilisation des nouvelles technologies, très utile pour nos Parlements, est aujourd’hui limitée aux aspects technologique et économique de ces dernières et ne s’attache pas suffisamment à étudier leur impact humain et social. Il est pourtant essentiel de comprendre comment ces nouvelles technologies changent nos sociétés et d’en connaître l’impact sur les êtres humains. Les technologies de l’information et de la communication se développant massivement, à quoi ressembleront nos sociétés et quels seront les impacts sur nos droits civiques ?
Nos sociétés deviennent de plus en plus dépendantes des technologies. Or, ces dernières définissent aujourd’hui – beaucoup plus que notre législation – ce que nous pouvons et ne pouvons pas faire.
Pourquoi les régimes totalitaires et les géants des médias ont-ils tant de problèmes avec Internet ? À cause des valeurs qui sont à la base des premiers protocoles de leur fonctionnement. Si ces protocoles avaient été fixés à Leningrad, à Moscou plutôt qu’à San Francisco ou à Los Angeles, et non pas dans les années soixante-dix, Internet et le monde fondé sur celui-ci seraient totalement différents aujourd’hui. Internet et d’autres technologies représentent un défi pour nous, législateurs.
Il est facile de penser que nos valeurs pourraient changer au fur et à mesure que la technologie modifie les règles, les droits, les responsabilités dans nos sociétés. Or, le résultat pourrait être dérangeant.
Pendant dix-huit ans, Unabomber, de son vrai nom Theodore Kaczynski, a hanté les États-Unis avec ses lettres piégées, tuant trois personnes, en blessant vingt-neuf. Pendant tout ce temps, personne n’a proposé que les autorités collectent des informations sur nos courriers papier. Personne ici non plus n’y a pensé quand des lettres empoisonnées à l’anthrax ont été envoyées par Bruce Ivins en 2001, tuant cinq personnes, en contaminant dix-sept. Pourquoi acceptons-nous que des informations soient collectées à partir de nos courriers électroniques et de nos appels téléphoniques, mais pas de nos cartes postales et de nos lettres ? Combien de temps le contrôle de notre courrier constituera-t-il encore une violation de notre sphère privée ?
L’enseignement que nous devons tirer des affaires Kaczynski et Ivins est que nos droits civiques devraient aussi être pris en compte dans le domaine numérique, au risque de mettre en péril nos valeurs et nos droits.
Mes chers collègues, les nouvelles technologies ont connu une évolution considérable au cours des dernières décennies et les changements auxquels nous allons être confrontés dans les années à venir seront également majeurs. Le développement de la société de l’information entre dans une phase nouvelle. Selon une société de télécommunications finlandaise, les technologies seront même omniprésentes. Le défi que nous devons relever aujourd’hui est similaire à celui auquel ont dû répondre les sociétés fondées sur l’agriculture, qui ont dû changer en quelques décennies du fait du développement de l’industrie.
Sur quelles valeurs allons-nous fonder nos nouvelles sociétés ? Quels droits civiques, quelles responsabilités allons-nous accorder à nos citoyens ?
La bataille pour la défense de la sphère privée de nos concitoyens est-elle perdue d’avance contre des criminels, voire des sociétés, des gouvernements ? N’avons-nous pas donné la possibilité à certains géants de l’informatique d’espionner nos ordinateurs, leur permettant de savoir quelle musique nous écoutons ?
Peut-être devrions-nous opérer un virage complet, comme le propose David Brin dans son livre The transparent society – « La société transparente ». D’après lui, la bataille étant perdue, il faut renoncer à la sphère privée et donner accès à tout et à tout le monde, par exemple en connectant toutes les caméras de surveillance à Internet, y compris les caméras surveillant les contrôleurs, afin que ceux qui sont observés puissent observer ceux qui les observent. Dans nos sociétés, nos téléphones mobiles ne permettent-ils pas déjà de nous localiser – à moins de payer un service chargé de déjouer les recherches de nos épouses jalouses...
Toute technologie peut faire l’objet d’abus selon les mains dans lesquelles elle se trouve. Dans quelques années, la RFID et l’identification biométrique existeront partout. Imaginez ce qui se passerait si quelqu’un avait accès à la puce d’identification de votre passeport biométrique à la suite d’une simple défaillance du système de sécurité de lecture : n’importe qui pourrait prendre votre place et agir en votre nom ! Certains passeports européens ont déjà fait l’objet de violation. D’ailleurs, connaissez-vous les clés d’encodage que vos pays utilisent pour leurs passeports biométriques ?
La technologie est censée améliorer la sécurité, mais elle peut aussi la mettre en péril si nous manquons de prudence.
Qu’en est-il de la liberté d’expression ?
Immense facteur d’égalité, Internet permet à chaque utilisateur de faire potentiellement de son site un média de masse, ce qui ne peut que faire peur à l’establishment du fait du pouvoir de la rumeur. Il a d’ailleurs été souvent difficile, pour des politiques et des responsables, de comprendre la difficulté à contrôler ce genre de situation. Préoccupé, l’establishment a bien essayé de limiter la liberté d’expression permise par Internet, mais c’est comme demander à un poisson de respirer l’air !
Demander à des sociétés de télécommunications d’être des censeurs, ferait de celles-ci des policiers et des juges en même temps. À qui les clients pourraient-ils alors se plaindre ? Par ailleurs, aucun pays ne dispose de ressources suffisantes pour tout contrôler. La Chine, par exemple, a engagé plus de 30 000 policiers chargés de contrôler les discussions sur Internet, mais elle a échoué. Si cela n’avait pas été le cas, nous ne saurions pas ce qui se passe dans ce pays ni au Tibet.
Le développement technologique met en exergue d’anciens droits qui n’avaient pas été mis en péril par le passé, et fait apparaître de nouveaux droits.
Pour prendre l’exemple du droit à l’identité, le viol de l’identité est un crime très répandu de nos jours. Notre identité, notre bien le plus précieux, n’a pas été bien protégée par la loi jusqu’à présent. Nos législations ne sont plus adaptées.
De même, le droit à l’accès aux communications électroniques, aux services numériques est aujourd’hui un droit fondamental. Il est très gênant d’envisager de limiter l’accès à Internet pour déjouer certains crimes, en cas de partage d’informations, par exemple.
Chers amis, l’évolution des droits civiques n’a pas fait l’objet de débats suffisamment approfondis. Certes, la sécurité des données donne lieu à des discussions passionnées depuis quelques années, mais ne concernent-elles pas essentiellement les menaces extérieures, voire les pratiques de nos voisins ?
Quel est le risque ? Imaginez que vous ayez accès au casier judicaire, aux comptes, aux données personnelles sur la santé de votre fille, de votre fils. Les regarderiez-vous ou pas ? Que ceux qui envisagent de ne jamais le faire ou seulement en cas de suspicion lèvent la main ! Tous, vous regarderiez, car ne s’agit-il pas en l’occurrence de votre fils ou de votre fille ?
Vous n’êtes pas les premiers à qui je pose ces questions. En règle générale, c’est à la dernière, celle de savoir s’ils ont déjà fait quelque chose de ce genre, que les gens répondent oui à l’unanimité. Il est vrai que vous, en tant que parlementaires, ne pouvez l’avouer publiquement !
Mes chers collègues, le crime numérique est un problème mondial. Mais la plupart des violations en matière de droits numériques, c’est nous, gens ordinaires, qui les commettons. Voilà pourquoi nos systèmes d’information, nos systèmes gouvernementaux doivent être parfaitement sûrs pour nous protéger également de nos propres abus. (Applaudissements.)
M. Vincenzo Maria Vita, sénateur, vice-président de la commission de l’éducation du Sénat d’Italie.
C’est dans un millénaire plein d’incertitudes qu’arrive ce nouveau siècle qui sera marqué par les tentatives de l’humanité à maîtriser la matière du vivant et par le contrôle sur nos propres esprits.
Dans le domaine des technologies de la communication, l’ère de l’information et, plus largement, l’ère du numérique ont considérablement accéléré les échanges d’information, devenus de plus en plus envahissants pour, au final, remplacer l’ère de l’électricité et la structure relationnelle du temps analogique.
La science et la technologie sont à la fois la cause et l’effet des changements intervenus dans les techniques de production, qui nous ont conduits du fordisme et du taylorisme aux entreprises modernes reliées par réseau. Les biens immatériels cohabitent avec les biens matériels. Le réel et le virtuel se chevauchent souvent à tel point que, de temps en temps, on ne peut pas dire qui est quoi. Nous faisons de plus en plus partie d’un univers post-électricité et post-alphabet, dont Internet, les blogs et l’interactivité en sont une illustration manifeste.
Cette introduction brève et peu détaillée sert à souligner que le nouveau siècle sera marqué par un conflit entre, d’un côté, les opportunités considérables d’accéder et de partager la bibliothèque du savoir qui accompagne le développement de la citoyenneté et, d’un autre côté, le danger d’une plus grande concentration de puissance, le danger d’une utilisation de la richesse immatérielle orientée vers le profit et qu’accompagne le développement des brevets, le danger d’une colossale fracture numérique : ceux qui possèdent et ceux qui n’ont rien, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas.
C’est à une question sans précédent que les Parlements auront à répondre, une question qui devra tirer profit de cet élan numérique : comment, en respectant les principes de la démocratie, diriger et modeler des processus qui sont plus rapides que les habituels cadres temporels de nos mécanismes de prise de décision, des processus qui n’étaient pas envisagés dans les objectifs de Lisbonne ?
Les Parlements sont impliqués dans ce processus, ils tentent de s’acquitter de leurs devoirs, poussés par l’effet combiné de l’acquisition des savoirs en amont et l’évaluation d’impact en aval.
J’apprécie cet échange de vues et souhaiterais remercier nos collègues français pour le soin apporté à son organisation.
Nous devons faire des choix difficiles et avoir le courage de respecter les objectifs de Lisbonne, qui seront peut-être revus ; cela passe par un agenda avalisé par les parlements nationaux et par de nouvelles obligations plus contraignantes, comme cela avait été le cas avec les critères de Maastricht. Pour notre part, nous essaierons de nous donner les outils adéquats, au Sénat de la République et à la Chambre des députés.
Notre première mission sera tout d’abord de garantir l’égalité des chances, d’assurer la laïcité et l’indépendance du rôle du Gouvernement, tout en respectant les différences d’opinion et de religion. Une certaine forme de pression morale devra être exercée sur l’Exécutif pour que celui-ci augmente les crédits dans les domaines de la culture, des communications, de l’éducation et de la recherche : il ne s’agit pas de dépenses, il s’agit d’investissements. De même, il est essentiel de mettre les expériences en réseau, tout en respectant les différences culturelles.
Une agence européenne ad hoc devra être créée, en raison de la vitesse des changements qui est telle que les modes traditionnels de représentation se trouvent en péril. En sus des questions déjà souvent débattues sur les « critères communs » en matière de développement culturel et scientifique, on attend que les Parlements jettent rapidement les bases solides - en termes de qualité et de quantité – d’un société des Sciences et de l’Internet, essayant ainsi de restaurer le rôle clé de l’Europe, au sein du village global, à travers l’amélioration des universités, des centres de recherche, du 7ème programme-cadre européen, et par –delà, de la créativité.
A titre d’exemple, une décision sur la réglementation actuelle concernant la propriété intellectuelle est essentielle, car nous sommes tous conscients que les anciens modèles de réglementation ne sont plus suffisants.
On pourrait établir une longue liste d’objectifs, mais ce qui compte réellement, c’est la volonté de produire un effort ensemble afin de rétablir les missions des assemblées chargées de représenter les peuples, c'est-à-dire : le contrôle démocratique, la planification avec le concours actif des parties concernées. Cet effort aurait pour objectif de réconcilier les exigences de la science avec celles de ceux qui font la loi, en travaillant de concert avec les Gouvernements locaux, en nous enrichissant mutuellement, à une époque de politique globale.
Pour notre part, nous nous sommes absolument engagés à réaliser ces objectifs.
Mme Sarah Bunn, conseiller du Parliamentary Office of Science and Technology du Parlement du Royaume-Uni. Permettez-moi d’abord de vous transmettre les amitiés du Docteur Ashok Kumar et du Professeur David Cope, respectivement président et directeur de notre Office, qui ne pouvaient être présents aujourd’hui. À l’occasion de son vingtième anniversaire, le POST assumera la présidence de l’EPTA et nous serions heureux de recevoir vos suggestions en vue de la réunion du réseau l’an prochain, à Westminster.
À la suite des propos de notre collègue polonais, je tiens à souligner combien une réunion sur le nucléaire nous semble utile, dans la mesure où la Grande-Bretagne entre dans une phase de démantèlement de ses anciennes centrales et de construction de centrales de nouvelle génération.
Il serait également intéressant d’évoquer la position des pays en voie de développement au regard de l’évaluation parlementaire des choix scientifiques et technologiques. Voilà plusieurs années que le POST travaille avec nos collègues africains, notamment ougandais : vous trouverez sur notre site et celui de l’EPTA toutes les informations utiles.
M. le président Claude Birraux. Je vous prie de bien vouloir transmettre également nos amitiés au Docteur Ashok Kumar et au Professeur David Cope, avec qui nous entretenons d’excellentes relations. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de participer, à leur invitation, à une réunion avec les présidents des académies des sciences d’Afrique de l’Est. Je rappelle d’ailleurs que l’EPTA se réunira à La Haye les 27 et 28 octobre prochains.
Les progrès et les dangers liés aux biotechnologies
M. Jean-Yves Le Déaut, député, vice-président de l’OPECST
Un propos liminaire sur l’EPTA, dont j’ai été le deuxième président voilà une quinzaine d’années. L’EPTA est un excellent instrument, mais le problème réside dans l’insuffisante participation des parlementaires. Le divorce qui existe entre certains offices d’évaluation et les parlementaires en fait, hélas, un réseau quelque peu hybride.
Le soutien à une société de la connaissance et du savoir est l’élément fondateur du principe de progrès. Mais le progrès, perçu comme ambivalent, doit être maîtrisé. La science doit permettre de faire avancer nos connaissances, de mieux appréhender le monde et de créer des emplois, tout en protégeant nos concitoyens des crises sanitaires, financières, économiques ou environnementales.
Elément majeur de la vie démocratique, la science doit trouver une place plus importante dans la vie politique car le temps n’est plus où les technologies pouvaient être imposées par les seuls experts. À cet effet, il convient de réconcilier science, éthique, démocratie et société.
L’exemple du développement des biotechnologies illustre l’ambivalence entre la quête du progrès et la crainte des risques qu’il induit. Depuis la découverte de la molécule de l’ADN en 1953 et la possibilité, dès 1971, de transférer un gène étranger et de faire fabriquer par l’organisme receveur la protéine qu’il code, les applications ont été nombreuses : anticorps monoclonaux, insuline, vaccins recombinés. En 2007, plus de la moitié des médicaments agréés par la Food and Drug Administration étaient d’origine biotechnologique.
Le génie cellulaire et tissulaire, la thérapie génétique sont apparus, donnant naissance à l’« ADN médicament », et le développement des biotechnologies a permis d’évoluer vers de nouveaux concepts comme la médecine prédictive ou même la médecine personnalisée.
Les progrès des biotechnologies sont aujourd’hui appliqués à la dépollution de l’eau, des sols, de l’air, ou à la production d’énergies renouvelables. Le développement de la biomasse de deuxième génération ou encore la phytoremédiation empruntent ces techniques.
Revers de la médaille, l’extension de ces technologies au domaine de l’alimentation a mis le feu aux poudres en Europe et les OGM sont aujourd’hui vilipendés. Le débat a été mal engagé du fait d’un certain nombre de firmes agrochimiques internationales qui ont voulu faire passer en force ces techniques, l’intérêt visé étant davantage celui du propriétaire du brevet que celui de l’agriculteur ou du consommateur.
Alors que la première directive européenne de 1990 avait été acceptée dans l’indifférence générale, de fortes contestations se sont élevées il y a une dizaine d’années. Si une loi fondatrice sur les biotechnologies avait été discutée au préalable dans nos Parlements, ce dossier aurait été déminé.
Après avoir rédigé un premier rapport parlementaire en 1998, j’ai été chargé en 2002 par le gouvernement de réfléchir à l’expérimentation en plein champ. J’ai rédigé, en 2005, un rapport sur les biotechnologies et présidé la mission d’information de l’Assemblée nationale. Les mesures que nous proposions alors, comme la généralisation du certificat d’obtention dans le domaine végétal, auraient sans doute permis de rétablir la paix civile.
Il est dangereux de refuser tout essai sur les OGM en Europe alors que nous continuons à accepter des produits issus de ces mêmes plantes provenant du reste du monde. Selon moi, les biotechnologies pourront contribuer à relever les deux défis du XXIe siècle que constituent le réchauffement climatique et la croissance exponentielle de la population mondiale. En 2020, chaque humain disposera de 0,2 hectare pour se nourrir, contre 0,45 en 1960, ce qui nécessitera davantage d’engrais et d’énergie. Ces techniques seront donc un jour indispensables : les OGM de deuxième génération pourront sans doute être utilisés dans l’agriculture, comme ils le sont aujourd’hui dans le domaine de la santé.
Une loi fondatrice sur les biotechnologies demeure d’actualité en Europe. Elle devrait mieux définir le terme OGM, inclure la grande diversité des OGM bactériens, végétaux ou animaux, encadrer la coexistence des cultures, définir les seuils de présence fortuite autorisés dans les semences ou dans les produits issus de l’agriculture biologique. Elle devrait également préciser si un produit destiné au consommateur peut être étiqueté « sans OGM », définir les conditions de fabrication des arômes et des auxiliaires technologiques, prévoir le soutien de la recherche en biologie végétale pour conserver notre capacité d’expertise internationale, encadrer les conditions dans lesquelles peuvent être engagées des expérimentations en plein champ, clarifier les responsabilités entre les acteurs de la filière en cas de dissémination fortuite. Sur ces questions, nous sommes restés au milieu du gué.
Dans ces débats passionnés et complexes, l’expertise scientifique doit s’appuyer sur quatre principes : l’indépendance, la transparence, la collégialité et l’ouverture à la société.
La question de l’expertise ne peut être dissociée de l’application de principe de précaution, car l’absence d’études scientifiques ne doit pas servir d’excuse pour s’abstenir d’agir. La peur du risque ne doit pas devenir la peur de l’incertain. Le principe constitutionnel français indique, dans son article 5, que « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution, et dans leur domaine d’attribution, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » Il faut, et c’est une difficulté pour le responsable politique, parvenir à la pratique raisonnable du risque et de la précaution.
Nous vivons dans une démocratie de plus en plus technique mais qui, pour autant, ne doit pas devenir une technocratie. L’élaboration des législations et des réglementations sur les nouvelles technologies doit permettre l’expression d’une citoyenneté active. Un nouveau dialogue doit s’instaurer entre l’expert, le scientifique et le citoyen. Chers collègues européens, nous devons en être les promoteurs.
M. le président. Je vous remercie pour cette approche « raisonnée ». Je passe la parole à MM. Vialatte et Claeys, chargés de l’évaluation de la loi de bioéthique de 2004.
Sciences du vivant et société, les lois bioéthiques de demain
M. Jean-Sébastien Vialatte, député, membre de l’OPECST
Il est particulièrement intéressant de traiter de cette question importante entre parlementaires de l’Union européenne, impliqués dans l’évaluation des avancées de la science et de leur impact sur la société.
La France s’est dotée très tôt d’un corpus législatif encadrant le champ vaste de l’éthique biomédicale. Son originalité tient à l’obligation faite à l’OPECST de l’évaluer au moins tous les quatre ans, en vue de sa révision, tous les cinq ans.
L’OPECST a entamé ses travaux en novembre dernier par un état des lieux des nouveaux défis lancés par les avancées scientifiques tant à la société qu’au législateur dans le domaine de la recherche sur l’embryon, de la procréation médicalement assistée, des tests génétiques et des neurosciences.
L’extension considérable du champ des recherches des sciences du vivant constitue un premier défi. De nouveaux espoirs naissent concernant le traitement et la prévention des maladies tandis qu’apparaissent des méthodes innovantes de diagnostic – tests génétiques et imagerie. On observe un phénomène inédit de convergence des technologies, laquelle permet de passer du traitement au diagnostic, de la chimie à la biologie et de là, aux nanotechnologies.
Un deuxième défi tient à l’accélération que connaît la recherche, due en partie à une « gourmandise technologique », attente encouragée par les médias. Des espoirs un peu fous apparaissent, qui font passer celui qui s’interroge sur le sens et sur les limites de l’innovation pour un « empêcheur d’espérer en rond ». Le chercheur, comme le législateur, prend alors de moins en moins le temps de la réflexion.
La généralisation de l’accès aux nouvelles technologies, via Internet, entraîne une amélioration – réelle ou supposée – des connaissances des individus sur leur pathologie et sur les possibilités d’y remédier, tant dans leur pays qu’à l’étranger.
Faute de règles internationales contraignantes, les législations internes contraignantes sont facilement contournées. Le « tourisme bioéthique » prospère, et crée un fossé entre ceux qui disposent de connaissances et de moyens financiers et les autres. Il existerait même un marché de la gestation pour autrui dans certains pays en développement.
Via Internet, ceux qui le souhaitent peuvent obtenir un test génétique sans vérification de la qualité du prélèvement et de l’identité de l’auteur et sans encadrement de l’utilisation du prélèvement et des données. Dans le domaine de la procréation médicalement assistée, Internet favorise l’échange des gamètes, le recours à la gestation pour autrui ou encore des pratiques estimées dangereuses en raison de l’âge de la mère.
Sans normes internationales contraignantes, le vivant risque de devenir une marchandise comme une autre dans un monde globalisé. C’est pourquoi une réflexion commune, entre Parlements, est si importante.
En tant que rapporteurs de l’OPECST chargés de l’évaluation de la loi de bioéthique, nous tâchons d’être prudents et respectueux des intérêts parfois contradictoires, qu’il s’agisse de la procréation, de la recherche sur les cellules souches ou des neurosciences. S’il ne faut pas céder à la fascination scientifique et technologique, il ne faut pas davantage rejeter le progrès ou tomber dans le relativisme éthique.
M. le président Claude Birraux. Nous sommes là au cœur de l’une des questions les plus difficiles à trancher car elle touche au plus intime de la vie. Je suis ravi que deux de nos deux collègues, appartenant respectivement à la majorité et à l’opposition, puissent travailler ensemble à trouver un consensus, sans s’en remettre aux experts, voire aux médias.
M. Alain Claeys, député, membre de l’OPECST
D’aucuns diront que les lois bioéthiques freinent la recherche scientifique, d’autres qu’elles ne peuvent que la suivre. Malgré tout, je les crois utiles car elles obligent le législateur à concilier le droit des chercheurs, celui des patients et le respect de la dignité humaine. Au Parlement français comme ailleurs en Europe, nous nous efforçons de trouver cette voie étroite entre le progrès et le nécessaire respect du corps humain.
Quels que soient les législations et les pays, nous aurons à relever quatre défis. S’agissant de la recherche, chacun s’accorde à dire qu’il faut travailler sur toutes les pistes qui existent, cellules souches adultes ou cellules souches embryonnaires. Ira-t-on plus loin, comme d’autres pays l’ont fait, en autorisant le transfert du nucléon ? Jusqu’à présent, ce pas n’a pas été franchi en France, en partie à cause des problèmes posés par le don d’ovocytes.
La procréation médicalement assistée constitue le deuxième défi. Cette question recouvre celle du diagnostic préimplantatoire – dont il faut définir et limiter la pratique pour éviter toute tentation eugéniste –, celle de l’anonymat des donneurs de gamètes – qui s’oppose aujourd’hui à la demande de connaissance des origines des personnes nées d’une FIV – et celle de la gestation pour autrui, qui fait débat et a donné lieu à la publication d’un rapport au Sénat.
Nous devrons aussi mener une réflexion sur la médecine prédictive et les tests génétiques, auxquels il est fait de plus en plus recours via Internet malgré une loi très contraignante. Il s’agit aussi d’une question d’organisation de notre société dans la mesure où le principe de solidarité est ici mis à mal.
La marchandisation et la brevetabilité du vivant constituent le quatrième défi. Je n’insisterai pas sur le risque que constitue la marchandisation. Nous devons mener, à l’exemple de l’Office européen du brevet, une réflexion sur l’application mécanique de la notion de « brevet » au vivant. L’extension possible des brevets laisse craindre que ceux-ci ne constituent plus un moyen de diffusion de la connaissance, mais une rente de situation.
Bien d’autres sujets doivent être abordés. Je pense notamment au problème de la fin de vie – sur lequel le Parlement français travaille –, au développement des neurosciences et aux progrès de l’imagerie médicale.
Il est utile que les Parlements européens puissent échanger sur ces questions communes et comparer leurs modèles de régulation. C’est ainsi que nous pourrons faire avancer les choses au niveau des instances internationales. Il y a six ans, l’Allemagne et la France ont œuvré afin que le clonage reproductif humain soit dénoncé et interdit. Cette initiative n’a malheureusement pu aboutir, certains ayant cherché à inclure dans cette démarche la question du transfert du nucléon. Puissent des réunions comme celle-ci contribuer à la réflexion commune.
M. Joël de Rosnay, membre du conseil scientifique de l’OPECST et conseiller du président de la Cité des sciences et de l’industrie (France). Il semble que la complexité grandissante des sciences et des techniques rende nécessaire l’existence d’organismes relais entre le politique et les citoyens. En France, plusieurs organismes de recherche, des universités, des médias et des lieux comme la Cité des sciences et de l’industrie assument cette fonction. Qu’en est-il ailleurs en Europe ?
M. Philippe Busquin. Il existe en effet différents types de structures œuvrant en complémentarité des Offices. Il conviendrait sans doute de les mettre en réseau.
Légiférer ou non sur les questions bioéthiques est bien évidemment du ressort des Parlements nationaux. Pour autant, la libre circulation des marchandises et des personnes rend les frontières nationales moins évidentes. Ainsi, on observe une mobilité des patients en fonction de la législation sur la procréation médicalement assistée.
En tant que commissaire européen à la recherche, j’ai dû traiter de la question des cellules souches embryonnaires surnuméraires lors de la mise en œuvre du sixième programme cadre. J’ai mesuré combien les représentants d’un pays pouvaient se trouver contraints par la position de leur Parlement et rendre ainsi impossible un compromis européen. C’est ainsi que les Allemands ont maintenu l’interdiction d’utilisation d’embryons datant d’après 2003.
Si chaque pays légifère de manière trop précise, une cacophonie européenne risque d’apparaître ; faute de collaboration entre les États, nous aurons à affronter des situations inextricables. Auparavant, on ne légiférait pas. Aujourd’hui, à trop légiférer, on risque les procès d’inquisition.
M. le président Claude Birraux. Le législateur français a considéré que les évolutions de la science et l’existence temporaire d’incertitudes rendaient nécessaire une révision périodique des lois de bioéthique. Cela posé, il nous semble utile d’affirmer que les produits du corps humain ne peuvent se négocier comme le Cassis de Dijon !
Par ailleurs, la convention d’Oviedo – que la France n’a pas encore ratifiée, à ma grande honte – donne aux pays signataires une base commune sur les questions de bioéthique.
Mme Ulla Burchardt. L’Allemagne est en effet confrontée à un dilemme au niveau européen s’agissant des cellules souches.
La loi a été révisée le 1er mai 2007. Après avoir mené un grand nombre d’auditions sur les aspects éthiques, médicaux, juridiques de cette question, les députés ont recherché le juste équilibre entre la protection de la vie et la liberté de la recherche, deux principes inscrits dans notre Constitution. Il n’y a pas eu de consignes de vote au Bundestag ; l’appartenance politique n’a joué aucun rôle dans la prise de décision. Les parlementaires ont agi en véritables représentants du peuple.
Il nous est aujourd’hui difficile de concilier les choix de notre société et la nécessité d’améliorer la coordination à l’échelle européenne. Peut-être faudrait-il tout simplement accepter de vivre avec ce dilemme.
M. Jan Staman. Concernant les relations entre l’OPECST et les différentes commissions, le comité des sciences et de l’éducation chapeaute notre Office. Par ailleurs, qu’il s’agisse des sciences du vivant, des biotechnologies ou du bien-être animal, d’autres commissions se trouvent saisies. Est-ce également le cas au Parlement français et dans les autres Parlements européens ?
M. le président Claude Birraux. Dès la première loi de bioéthique, le Parlement a chargé l’OPECST de conduire l’évaluation préalable à la révision, tous les quatre ans, de la loi. Par ailleurs, le Gouvernement a demandé à l’agence de biomédecine, créée par la loi de bioéthique de 2004, de conduire également une évaluation. Ces évaluations pourront être consultées par le public, ce qui donnera lieu à un débat national, sans doute organisé par la commission nationale du débat public. Nous avons demandé que nos deux collègues, MM. Vialatte et Clayes, fassent partie du comité de pilotage.
Les avis recueillis à cette occasion permettront de préparer le texte de la nouvelle loi. Lorsque celui-ci viendra en discussion devant l’Assemblée nationale, une commission spéciale, composée de députés issus de différentes commissions, sera chargée de l’examiner. L’évaluation réalisée par l’OPECST sera alors déterminante, puisqu’elle aidera nos collègues à rechercher le point d’équilibre sans négliger les paramètres sociaux, moraux ou métaphysiques.
M. Jean-Sébastien Vialatte. C’est la première fois qu’un débat public de cette ampleur se tiendra. Un tel événement est difficile à organiser et nous espérons pouvoir nous inspirer du débat de qualité qui a eu lieu au Royaume-Uni sur les clones hybrides.
M. Philippe Galiay. La question est celle de savoir ce que veut la société. De l’expérience de la Commission, il faut, très en amont, un dialogue fourni entre la science et la société.
Ainsi, a été lancée, à l’initiative de la Cité des sciences, une conférence de consensus en sciences neuronales, coordonnée par la Fondation Roi Baudouin. Il s’agit de savoir jusqu’où l’on peut aller, et quel point on ne peut dépasser. La Commission a financé un autre projet, coordonné par la Cité des sciences, fonctionnant selon les mêmes méthodes, et destiné à favoriser le développement de bonnes pratiques. À cet égard, cinq points sont essentiels.
Les pays qui réussissent le mieux en matière scientifique et économique sont ceux où le dialogue entre science et société est le plus vivant.
Pour développer des sociétés de la connaissance, il faut orienter les politiques publiques vers la connaissance, sachant que les objectifs se mesurent en termes de quantité – les 3 % de l’objectif de Barcelone –, mais aussi de qualité, qu’il s’agisse de la gouvernance ou du dialogue entre science et société.
Eu égard à la vitesse à laquelle va la science, des décalages apparaissent entre le moment où les rapports sont rendus et celui où il convient de décider. Aussi des instances sont-elles nécessaires où puisse se retrouver l’ensemble des acteurs sociaux – citoyens, associations, etc. La Commission a lancé des processus de recherche coopérative regroupant ces acteurs.
De telles instances doivent déboucher sur la formulation d’objectifs et de visions communs à l’ensemble de l’Union européenne, à l’exemple du code de conduite adopté en février dernier par la Commission, et soumis au Conseil, sur les recherches en nanotechnologies ; ce code se veut évidemment non pas un point d’aboutissement, mais un point de départ, une ligne de convergence pour les États membres et les acteurs.
Enfin, les Parlements devraient se charger de faire vivre ce dialogue de façon intense durant les prochaines années.
M. Michel Caboche, directeur de recherches à l’Institut nationale de recherche agronomique (INRA), membre du Conseil scientifique de l’OPECST. Selon M. Jean-Yves Le Déaut, les OGM de première génération n’ont guère d’intérêt pour le consommateur. Il faut nuancer ce point de vue : ils n’ont pas d’intérêt pour le consommateur car ils concernent essentiellement l’alimentation pour le bétail – maïs, soja. Cependant, leur intérêt économique, mais aussi écologique est réel. Alors que 120 millions d’hectares sont cultivés en OGM, ces derniers forment les trois quarts des bénéfices des agriculteurs par rapport aux prix payés aux semenciers ; en matière d’environnement, les OGM permettent d’économiser la consommation de six millions de véhicules, sans parler des économies sur les coûts de stockage et de séchage des céréales.
Les OGM de deuxième génération, qui vont arriver sur le marché prochainement, apporteront des avantages plus importants. Ainsi, les acides gras polyinsaturés qu’ils privilégieront auront un impact direct sur la santé des consommateurs, autrement dit sur la longévité des êtres humains.
M. Jyrki Kasvi. Le projet de motion expose que des modalités appropriées pour les Gouvernements sont nécessaires s’agissant des orientations à prendre en matière de sciences et de technologies. Or, l’une des raisons pour lesquelles la science et la technologie occidentales ont eu tant de succès ces dernières années est qu’elles ont échappé au contrôle de l’État.
Le monde de la recherche dispose de dispositifs d’autorégulation. Il faut qu’il conserve une certaine maîtrise de ses objectifs de recherche, si l’on veut éviter que, comme c’est le cas aujourd’hui, un scientifique ne puisse aisément faire financer des recherches hors des programmes définis par l’Union européenne.
Discussion de la déclaration finale
M. le président Claude Birraux. Nous en venons à la discussion du projet de déclaration finale.
M. Philippe Busquin propose de supprimer au point 1 les mots « et contrôlées », et d’ajouter, dans la première phrase des deux premiers points, le terme « l’évaluation ».
D’autres proposent, puisque le mot « contrôle » est maintenu au point 2, de conserver aussi au point 1 les mots « et contrôlées ».
Je propose donc de remplacer au point 1 le mot « contrôlées » par le mot « évaluées » et, au point 2, le mot « contrôle » par le mot « évaluation ».
Au point 3 le représentant de la Pologne propose d’ajouter, après l’adverbe « activement », les mots « au renforcement de l’éducation scientifique et technique ».
M. Philippe Galiay. Au point 3, ne serait-il pas possible d’ouvrir aussi les débats aux industriels ?
M. le président Claude Birraux. Ils sont déjà inclus au sein des « experts » et des « citoyens ».
Au point 5, Mme Ulla Burchardt propose de supprimer la deuxième partie après le mot « en renforçant », et de la remplacer par les mots : « l’initiative EPTA dans les Parlements nationaux et la dimension parlementaire de l’EPTA » :
M. Philippe Busquin. Cela n’est pas contradictoire avec le point 4.
S’agissant toujours du point 5, EPTA ne couvre pas aujourd’hui tout le champ européen, mais seulement onze États membres sur vingt-sept. Une méthodologie commune aux États membres devrait être mise en œuvre. Il y a une dynamique à créer.
Mme Ulla Burchardt. Je suis très contente que mes propositions d’amendement soient acceptées.
EPTA doit être comprise comme étant le noyau d’une structure en réseau, à condition que les nouveaux Parlements y soient intégrés dès que possible. Nous avons une structure qui fonctionne bien, il ne faut pas la réinventer ex nihilo.
M. le président Claude Birraux. Je suis d’accord à la fois avec Mme Ulla Burchardt et M. Philippe Busquin.
Nous touchons là à une question fondamentale : qu’est-ce que l’Homme ? Quelle doit être sa place dans la société ? La réponse à cette question doit être partagée par tous les Parlements de l’Union européenne.
Cela dit, EPTA a l’avantage d’exister. À Oslo, il a été décidé que le réseau devrait s’organiser en deux réunions annuelles, l’une au printemps, réunissant les directeurs, l’autre à l’automne, regroupant les parlementaires. Il faut que ces derniers, à l’exemple des scientifiques, assistent à ces réunions s’ils veulent jouer le rôle d’interface entre le réseau et leur Parlement et échanger sur les expériences .
Je serais d’avis, concernant la rédaction de la motion, de conserver une formulation large, pour impliquer l’ensemble des pays de l’Union européenne, mais aussi de faire référence à EPTA, pour que les parlementaires s’y intéressent.
M. Jos Hessels, député, membre de la commission ces affaires économiques de la Chambre des Représentants des Pays-Bas. Il est nécessaire d’élargir, pour les parlementaires, les possibilités de discuter de ces questions scientifiques et technologiques. En revanche, je suis réservé s’agissant de la création immédiate de nouvelles institutions. Il faut que tous les Parlements des vingt-sept États membres s’engagent dans EPTA avant de créer un EPTA élargi.
M. Sergio Bellucci, secrétaire du TA-Swiss (Suisse). Sans oublier la mise en place des institutions d’évaluation des choix technologiques dans les pays qui n’en ont pas.
M. le président Claude Birraux. La réunion, j’espère, a convaincu les participants de créer une structure qui permette la confrontation des idées. Il faut cependant tenir compte des modalités différentes d’organisation de l’évaluation en fonction des Parlements.
M. Jan Staman. Imaginons que les Parlements néerlandais ou danois concluent que leur méthode d’évaluation n’est pas considérée comme bonne, car différente de celle de l’OPECST, alors qu’elle leur convient, qu’allons-nous leur dire ?
M. Philippe Busquin. Le traité de Lisbonne a décidé d’une meilleure liaison entre experts et Parlements en matière d’évaluation scientifique, mais chaque pays a toute latitude pour organiser son évaluation scientifique. Un Parlement peut, par exemple, déléguer cette évaluation à un organisme spécifique. En revanche, au niveau européen, les États doivent être représentés par leurs parlementaires, les experts n’étant présents, si les Parlements le souhaitent, que pour les assister.
M. Jean-Yves Le Déaut. Les experts viennent aux réunions EPTA ; la difficulté est que les Parlements de tous les pays n’y sont pas représentés.
En Allemagne, un organisme d’évaluation siège auprès du Parlement tandis qu’en France le modèle d’évaluation repose non pas sur un organisme technique permanent, mais sur un groupe d’experts différent par projet. La proposition de Mme Ulla Burchardt est donc un bon compromis.
M. le président Claude Birraux. Dans cet esprit, on pourrait donc ajouter à la fin du point 4 les mots : « soutenir les initiatives visant à renforcer l’évaluation technologique dans les Parlements nationaux et conforter la dimension parlementaire d’EPTA ».
L’amendement est adopté par consensus.
M. le président Claude Birraux. La question désormais va donc être celle de l’après.
Est-il envisageable de lancer à La Haye un appel aux pays non encore membres d’EPTA ? Quelles initiatives prendront les nouveaux membres ? Comment est-il possible de faire émerger des positions communes ?
De même, s’agissant du pilotage de la recherche, celle-ci doit-elle être pilotée par les universités, par les organismes de recherche, par les nouvelles agences qu’en France, par exemple, nous avons créées ? Qui peut décider ?
M. Sergio Bellucci. Il faut renforcer le rôle des Parlements nationaux, en liaison avec les experts, en se fondant sur EPTA et établir des dispositifs d’évaluation dans les pays de l’Union européenne qui n’en disposent pas encore.
M. Virginijus Domarkas, député, président de la commission de l’éducation, des sciences et de la culture de la Diète de Lituanie. Dans notre pays, le Parlement travaille justement à une évaluation technologique dans différents domaines.
M. Silvano Moffa, député, membre de la commission des activités industrielles et du VAST de la Chambre des députés d’Italie. Nous sommes d’accord pour rendre aux Parlements leur rôle central en matière d’évaluation. C'est ainsi que nous sommes tombés d’accord en Italie pour renforcer le rôle du Parlement au sein de l’EPTA.
Mme Ulla Burchardt. L’après, pour moi, sera la conférence EPTA, avec, pour être efficace, un ordre du jour organisé à l’avance.
M. Sergio Bellucci. Serait-il possible, Monsieur le président, que vous prépariez avant la réunion de La Haye, des pistes pour l’amélioration du réseau EPTA, et que le Rathenau Instituut prépare de son côté un document définissant la notion de technology assessment, de façon que chacun puisse avoir un support pour les discussions à venir ?
M. Philippe Busquin. Il est d’abord indispensable que la présidence tchèque, puis la présidence suédoise, mettent ce point à l’ordre du jour.
Texte de la déclaration finale
Réunis ce jour à Paris, le 22 septembre 2008, les présidents des commissions et des organes parlementaires spécialisés dans l’évaluation des choix scientifiques et technologiques en Europe :
1. Témoignent de leur confiance dans la science et la technologie pour contribuer au progrès des sociétés européennes. Orientées et évaluées grâce à une gouvernance appropriée, science et technologie garantissent le développement durable aux plans économique, social, culturel et environnemental de l’Europe et du monde.
2. Affirment le rôle majeur des Parlements dans l’orientation et l’évaluation des politiques publiques dans le domaine de la science et de la technologie. Expression de la souveraineté politique, lieu d’expertise et de débat, l’institution parlementaire possède une vocation naturelle à jouer un rôle éminent en la matière.
3. Soulignent la nécessité pour les Parlements de contribuer activement au renforcement de l’éducation scientifique et technique et à l’animation du débat citoyen sur la place de la science et de la technologie dans la société. Cette animation prend les formes que chaque pays juge les plus appropriées, mais elle a pour mission commune de créer les conditions d’un débat éclairé et apaisé entre les experts, les citoyens et les élus du suffrage universel.
4. Souhaitent que les Parlements nationaux et le Parlement européen puissent confronter régulièrement leurs pratiques d’évaluation, s’organiser en réseau pour mieux échanger leurs travaux d’expertise, soutenir les initiatives visant à renforcer l’évaluation technologique dans les Parlements nationaux, et conforter la dimension parlementaire de l’EPTA (European Parliamentary Technology Assessment).
5. Appellent l’Union européenne, les ministres européens de la Recherche et les Parlements, dans le cadre de l’Espace Européen de la Recherche, à créer les conditions d’une dynamique européenne de la science et de l’innovation en renforçant les synergies, en allégeant le formalisme des procédures, en mettant en place un mécanisme financier adapté pour le soutien des jeunes entreprises innovantes et le transfert de technologie.
Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureuse d'être parmi vous ce soir, au terme d'une journée exceptionnelle : il est en effet rare que soient ainsi rassemblés tous ceux qui, partout en Europe, donnent chair à ce dialogue permanent entre responsables politiques, experts scientifiques et citoyens, que nous appelons tous si souvent de nos vœux, sans toujours bien savoir le faire vivre.
Pour qu'un tel dialogue soit non pas seulement fructueux, mais tout simplement possible, il faut que puissent s'y faire entendre des attentes parfois si différentes qu'elles en paraissent contradictoires.
Derrière les craintes qu'éprouvent nos sociétés lorsqu'elles sont confrontées à des transformations aussi profondes qu'incessantes, les scientifiques craignent en effet que ne se niche une défiance systématique et irraisonnée à l'endroit de la science et du progrès. Mais de là vient aussi que les hommes et les femmes de science se refusent parfois à répondre aux interrogations et aux peurs que nourrissent nos sociétés, pour ne pas alimenter la défiance en opposant des arguments rationnels à des peurs qui souvent ne le sont pas.
Parler en scientifique, c'est en effet accepter que le savoir puisse revêtir différents degrés de certitude et qu'aux côtés des théories les mieux établies puissent voisiner des conjectures solides, des hypothèses pour l'heure simplement prometteuses et même des zones d'ombre où règne encore l'incertitude.
Parler en scientifique, c'est savoir que même ce qu’on croit être les plus grandes certitudes conservent une part de fragilité et qu'en leur temps, elles furent elles aussi des hypothèses audacieuses, mais incertaines. C'est pourquoi il existe un usage proprement scientifique du doute : loin de paralyser la réflexion, celui-ci permet de conserver la saine distance sans laquelle le progrès même deviendrait impossible, toute innovation étant alors vouée à disparaître, faute de certitude immédiate.
Les citoyens attendent des scientifiques une réponse claire et tranchée à leurs incertitudes ; mais ceux-ci ne sont toujours pas en mesure d'apporter les réponses qu'ils espèrent et ce décalage même nourrir une incompréhension et une méfiance réciproque. Car si l'incertitude est à l'origine de toutes les audaces scientifiques, elle ne peut ni ne doit pas prendre le visage d'un risque que la société a peur d’accepter de courir sans même le savoir.
Aussi, pour qu'un véritable dialogue puisse se nouer entre la science et la société, il faut qu'intervienne une tierce instance, capable de se faire le porte-parole des scientifiques auprès des citoyens et des citoyens auprès des scientifiques, et donc digne de la confiance de chacun parce que soucieuse de l'intérêt de tous.
Ce tiers en qui tous peuvent avoir confiance, c'est, à l'évidence, le Parlement. Tout le destine à remplir ce rôle : par nature, il n'est aucune institution qui ne soit plus ouverte à la société que les assemblées parlementaires. C'est de la société qu'elles tirent leur légitimité ; c'est elle qu'elles reflètent, c'est à ses besoins qu'elles doivent répondre et c'est pourquoi, chaque jour, défilent dans les couloirs des Assemblées des citoyens qui viennent pour y être entendus par ceux qui les représentent, quand ces derniers ne sont pas déjà venus, sur le terrain, à leur rencontre.
Aussi le Parlement ne peut-il jamais rester indifférent aux craintes, aux attentes et aux espoirs de la société qu'il a pour vocation de servir, bien au contraire, puisqu'il est le lieu où ils peuvent s'exprimer le plus librement par le double jeu du pluralisme politique et de la liberté de parole offerte à chaque parlementaire.
Sur chacun de nous pèse donc un devoir d'écoute et d'attention à la société qui, par nature même, ne peut qu'être absolu : car s'il revient aux responsables politiques de faire des choix, il leur revient également de ne les faire qu'après avoir entendu ce que les citoyens avaient à leur dire et à leur proposer.
Écouter et choisir, voici les deux responsabilités qui sont celles des hommes et des femmes politiques et c'est pour les assumer au mieux qu'en quelques années à peine, la très grande majorité des Parlements de l'Union européenne a choisi de se doter d'organes capables d'apprécier et d'évaluer les choix scientifiques et technologiques qui s'offrent à nos sociétés.
Car alors même que les grandes évolutions scientifiques de notre temps faisaient naître mille questions dans l'esprit de chacun – M. le président Birraux le soulignait à l’instant –, il devenait indispensable pour les représentants de la nation d'ouvrir une enceinte à ces interrogations et de se donner les moyens humains et scientifiques nécessaires pour y répondre.
C'est l'objet même des offices et commissions qui sont aujourd'hui rassemblés ici à travers vous. Par-delà l'infinie diversité de leurs formes et de leurs attributions, ils partagent tous la même caractéristique : celle d'être des espaces indispensables de débat et de dialogue neutres et pluralistes, ouverts à toutes les sensibilités politiques, intellectuelles et scientifiques.
Cette neutralité trouve sa première origine dans la nature proprement parlementaire de ces organes : qu'ils soient composés de responsables politiques ou d'experts scientifiques, ils ont tous vocation à éclairer en premier lieu le pouvoir législatif et lui seul.
Par essence, le pouvoir exécutif vit en effet dans un temps dont l'horizon unique est l'action. Il lui est donc impossible de construire patiemment le consensus scientifique et social nécessaire pour aborder les sujets que vous traitez quotidiennement : pour ce faire, il faut non seulement disposer du temps nécessaire, mais plus encore, il faut pouvoir bâtir une réflexion ouverte et ne pas sentir peser constamment sur soi le poids de la décision prochaine, qui conduit chacun, on le sait, à durcir son discours voire à choisir par avance son camp.
Je pense ainsi aux questions bioéthiques, particulièrement délicates et auxquelles j'ai été confrontée lorsque j'étais députée : sur de tels problèmes, l'urgence n'a pas de prise, la décision ne peut être immédiate ; elle doit bien au contraire se nourrir d'un large travail de concertation et d'écoute, scandé par les étapes successives sans lesquelles un consensus ne peut ni se former ni mûrir.
Sur ces sujets comme sur bien d'autres, telles que les nanotechnologies, les biotechnologies, les technologies de l’information, les réflexions de l'Office parlementaire français furent exemplaires et je veux, cher Claude Birraux, cher Henri Revol, saluer l'extrême qualité des travaux auxquels vous présidez, qui ont permis à la société française d'évoluer sur bien des sujets. Loin de papillonner d'un sujet à l'autre au fil de l'actualité, l'Office a en effet su répondre aux sollicitations du temps tout en revenant régulièrement sur un petit nombre de problèmes qui lui tenaient à cœur, faisant ainsi progresser la réflexion collective.
Il en est allé ainsi en matière bioéthique, puisque les travaux de l'Office ont inspiré la première loi en la matière. De même, vous avez mis les risques technologiques et naturels au cœur des réflexions des parlementaires, vous montrant ainsi les précurseurs de l'esprit de précaution auxquels nous en appelons tous aujourd'hui, principe de précaution qui, grâce au travail de l’Office, n’est pas contraire au progrès scientifique ni ne s’y oppose.
Pour mener ces travaux de longue haleine, l'Office a su pleinement tirer parti des trois dimensions de l'action publique : en venant régulièrement défricher des sujets particulièrement délicats, les rapports de l'Office ont permis d'ouvrir le débat public sur ces questions et de le faire sur des bases scientifiques sûres et politiquement responsables ; par ce travail de préparation, ils ont également rendu possible l'adoption, dans des conditions souvent remarquablement sereines, de lois pourtant majeures ; enfin, une fois ces textes votés, l'Office a toujours eu à cœur de revenir sur eux pour en mesurer les effets et en préparer l'éventuelle révision, pour tenir compte de l’évolution de la science.
Vous nous avez ainsi donné un très bel exemple de la place qui peut être celle du Parlement dans une démocratie mature : celle d'un pouvoir législatif renforcé, capable sur tous les sujets non seulement d'ouvrir la voie à la réflexion collective, mais aussi de mener les évaluations apaisées et non polémiques, et qui soient analysées du seul point de vue des résultats.
Au lendemain d'une réforme constitutionnelle qui va transformer en profondeur le visage de notre démocratie en redonnant au Parlement toute l'étendue des prérogatives qui sont naturellement les siennes, l'Office apparaît donc comme l'un des plus beaux exemples de ce que nous pouvons espérer construire ensemble : une démocratie apaisée et une action publique responsable.
L’autorité des travaux de l’Office, qui s’étend, au-delà des limites du Parlement, à toutes les associations concernées et aux citoyens, va vous permettre d’accroître encore votre rôle. Ce rôle-clé, je souhaite le concrétiser en faisant appel au président de l’Office pour qu’il participe à la définition de la stratégie nationale de recherche et d’innovation française.
Grâce à vos travaux, le débat public n'est plus le signe de la méfiance, mais bien la première condition de la confiance, d'une confiance dans le progrès, certes réfléchie et non plus instinctive, mais qui n'en est pas moins précieuse. Rien n'est en effet plus essentiel que de rétablir partout cette relation de confiance qui unissait traditionnellement les scientifiques et les citoyens d'Europe et que les formidables transformations technologiques, qu'il nous a été donné de vivre, ont parfois ébranlée.
Rien n'est plus essentiel, car dans les années qui viennent, le visage de nos sociétés va une nouvelle fois changer, accélérant encore les métamorphoses de nos vies quotidiennes. De nouveaux défis s'offrent en effet à nous et, pour les relever, nous aurons besoin de pouvoir nous appuyer sur l'une de nos plus grandes richesses : l'excellence de nos chercheurs, nourrie par une tradition scientifique millénaire.
C'est pourquoi, dès la réunion informelle des ministres européens chargés de la Recherche, à Versailles en juillet dernier, la France a proposé à ses partenaires européens d'unir leurs efforts de recherche pour relever ensemble quatre défis primordiaux. Sans ces nouveaux progrès scientifiques, il nous sera en effet presque impossible de faire face au vieillissement de la population et à ses conséquences sur la santé, au changement climatique, à la transition énergétique qui s'annonce ou bien encore à la nécessité de nourrir en toute sécurité une population mondiale qui ne cesse de croître.
Ces quatre défis seront donc au cœur de la vision pour 2020 de l'espace européen de la recherche, une vision que la France a reçu mission de rédiger avec ses partenaires et dont elle a fait l'une des priorités cardinales de sa présidence de l'Union.
Avec cette vision pour 2020, l'Europe préparera l'avenir de la plus belle manière qui soit : en misant sur l’espace européen de la recherche, sur l'intelligence et sur l'inventivité des peuples de l'Union et en faisant de leurs efforts scientifiques communs le socle de nos progrès futurs.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, à l'issue de cette journée de réflexion consacrée aux rapports entre la science et la société et à la contribution décisive qu'y apportent les instances parlementaires, je tenais à vous lancer cet appel : dès les mois à venir, nous aurons besoin de vous pour donner chair au beau programme qui sous-tend la vision pour 2020 de l'espace européen de la recherche.
Pour fixer un seul cap à nos efforts de recherche, celui de l'intérêt de nos sociétés et des besoins de nos économies, nous aurons besoin de vous. Nous aurons besoin de ces liens de confiance mutuelle que vous avez su patiemment tisser avec tous ceux qui font vivre la recherche et la réflexion scientifique dans nos pays. Nous aurons besoin de cette confiance que placent aujourd'hui en vous tous les citoyens de l'Union.
Au nom du Conseil des ministres de l'Union, je ne voulais donc vous dire qu'une seule chose : nous comptons sur vous, sur l'Office scientifique et technologique du Parlement européen, bien sûr, mais aussi sur chaque Office et sur chaque commission parlementaire nationale pour nous aider à bâtir ensemble l'Europe, mais aussi le monde de demain.
Je sais que c'est en toute liberté et en toute indépendance que vous mènerez les travaux qui nous permettront d'honorer ensemble chacun de ces grands rendez-vous. (Applaudissements.)
M. le président Claude Birraux. Madame la ministre, vos compliments nous vont droit au cœur, s’agissant tout particulièrement des membres de l’Office français d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, unis par beaucoup d’amitié et de respect, sentiments qui ont été forgés dans le travail.
Pour clore cette conférence, Mesdames, Messieurs, laissez-moi vous donner à méditer sur le chemin du retour cette citation du Dalaï-Lama que m’inspire une réflexion de Madame la ministre : « Doutez parce que le doute incite à la recherche et que la recherche est la voie qui conduit à la connaissance ». Merci à tous. (Applaudissements.)
M. Nicolas About, sénateur des Yvelines, président de la commission des affaires sociales - Sénat- France
M. Jean-Pierre Alix, chargé de mission au CNRS - France
Mme Yvonne Andersson, députée, présidente du RIFO (Associations of MPs and Researchers) et membre de la commission de l’éducation - Riksdag, Parlement - Suède
M. Gérald Angley, conseiller scientifique à l’ambassade d’Irlande
M. Joao Ary, secrétaire de la commission de la commission de la culture, de la science et de l’éducation - Assemblée parlementaire du conseil de l'Europe
Mme Yolande Avontroodt, députée, présidente du Comité d'avis pour les questions scientifiques et technologiques - Chambre des Représentants - Belgique
M. Walter Bartos, député, président de la commission de l'éducation, de la culture et de la jeunesse et du sport - Poslanecká Snĕmovna, Chambre des députés - République tchèque
M. Sergio Bellucci, secrétaire du TA-Swiss - Suisse
Mme Anne Bernard, déléguée adjointe à la délégation à l’information scientifique et à la communication - Académie des Sciences - France
M. Claude Birraux, député de Haute-Savoie, président de l’OPECST - Assemblée nationale - France
Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice du Nord, membre de l’OPECST – Sénat - France
M. Claude Boudene, président de l'Académie de médecine - France
Mme Brigitte Bout, sénatrice du Pas-de-Calais, membre de l’OPECST – Sénat - France
M. Jean-Pierre Brard, député de Seine-Saint-Denis, membre de l’OPECST - Assemblée nationale - France
M. Pierre Braunstein, membre de l'Académie de médecine - France
Mme Catherine Bréchignac, présidente du CNRS - France
Mme Sarah Bunn, conseillère du POST (Parliamentary office for Science ans Technology) - House of Commons et House of Lords, Parlement britannique - Royaume-Uni
Mme Ulla Burchardt, députée, présidente de la commission de l'éducation, de la recherche et de l'évaluation des répercussions technologiques - Deutscher Bundestag - Allemagne
Mme Christine Bürgi Dellsperger, conseillère scientifique à l’ambassade de Suisse - Suisse
M. Philippe Busquin, député, président du STOA (Scientific Technology Options Assessment) - Parlement européen
M. Michel Caboche, directeur de recherche à l’INRA, membre du conseil scientifique de l’OPECST - France
M.Fulvio Caccia, président du TA-Swiss - Suisse
M. Andrej Celinski, député, vice-président de la commission de l'éducation, de la science et de la jeunesse - Sejm, Diète - Pologne
Mme Karina Chatain, chargée des relations avec le Parlement à la CNIL - France
M. Cezar Dan-Chioibasu, conseiller du Sénat de Roumanie
M. Hervé Chneiweiss, directeur de laboratoire au CNRS, membre du conseil scientifique de l’OPECST - France
M. Alain Claeys, député de la Vienne, membre de l’OPECST - Assemblée nationale - France
M. Joël de Rosnay, conseiller du président de la Cité des sciences et de l’industrie, membre du conseil scientifique de l’OPECST - France
M. Victor Demaria, chargé des relations avec le Parlement à l’INSERM - France
M. Ferdinand Devinsky, député, président de la commission de l'éducation, de la jeunesse, des sciences et des sports - Nàrodnà Rada, Conseil national - Slovaquie
M. Virginijus Domarkas, député, président de la commission de l'éducation, des sciences et de la culture – Seimas - Lituanie
M. Philippe Galiay, administrateur principal à la Direction générale de la Recherche - commission européenne
M. Claude Gatignol, député de la Manche, vice-président de l’OPECST - Assemblée nationale- France
Mme Katrin Gerlinger, expert du TAB (Büro für technikfolgen-Abschätzung beim Bundestag)- Allemagne
M. François Guinot, président de l’Académie des Technologies - France
Mme Claudie Haigneré, ancien ministre, conseillère auprès du directeur général de l’ Agence Spatiale Européenne, membre du conseil scientifique de l’OPECST- France
Mme Marcela Havrdova, secrétaire de la commission de l'éducation, de la culture et de la jeunesse et du sport - Poslanecká Snĕmovna, Chambre des députés - République Tchèque
Mme Helga Hebeling, conseiller scientifique à l’ambassade d'Allemagne
M. Jos Hessels, député, membre de la commission des affaires économiques - Tweede Kamer, Chambre des Représentants - Pays-Bas
M. Lars Hjälmered, membre de la commission de l’éducation - Riksdagen, Parlement suédois - Suède
M. Paul Huynen, conseiller scientifique à l’ambassade de Belgique
M. Zoltan Jan, député, président de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et du sport - Drzavni Svet, Conseil national - Slovénie
Mme Lina Joskaudaite, conseiller à la commission de l’éducation, des sciences et de la culture - Seimas, Diète - Lituanie
M. Jean Jouzel, directeur de recherche au CEA, membre du conseil scientifique de l’OPECST - France
M. Théo Karapiperis, chef d'unité au Département économie et sciences -Parlement européen
M. Jyrki Kasvi, député, vice-président de la commission de l'avenir – Eduskunta, Parlement - Finlande
M. Peeter Kreitzberg, député, président de la commission des affaires culturelles – Riigikogu, Parlement - Estonie
Mme Bozena Krizikova, conseiller scientifique à l’ambassade de Slovaquie
Mme Païvi Laivola de Rosière, conseiller scientifique à l’ambassade de Finlande
Mme Sophie Landershammer, conseiller des Services européens et internationaux –Bundesrat – Conseil fédéral - Autriche
M. Jean-Yves Le Déaut, député de Meurthe-et-Moselle, vice-président de l’OPECST - Assemblée nationale - France
M. Manuel Lopez Ruiz, conseiller scientifiqueà l’ambassade d’Espagne
Mme Alison Mac Ewen, conseiller scientifique à l’ambassade du Royaume-Uni
M. Alain Méchineau, président de la commission particulière du débat public – Troyes, Auxerre, Bourges (CNDP TAB) -France
M. Antonio Mené, secrétaire du VAST (Comitato per la Valutazione delle Scelle Scientiche et Tecnologiche) - Italie
Mme Dominique Meyer, membre de l’Académie des Sciences - France
M. Silvano Moffa, député, membre de la commission des activités industrielles et du VAST - Camera dei Deputati, Chambre des députés - Italie
M. René Moreau, membre de l’Académie des Sciences - France
S. Exc. Péricles Nearchou, ambassadeur de Chypre
M. Jacques Neirynk, député, commission de la Science, de l'éducation et de la culture – Conseil national - Suisse
M. József Pálinkás, président de l’Académie des sciences de Hongrie
M. Costas Papadimitriou, directeur du Service des études scientifiques - Vouli Ton Ellinon, Parlement-Grèce
Mme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche - France
M. Martin Peleman, chef du secrétariat du Comité d'avis pour les questions scientifiques et technologiques - Chambre des Représentants - Belgique
M. Michel Petit, président de la section scientifique et technique, Conseil général des technologies et de l’information, membre du conseil scientifique de l’OPECST - France
M. Petre Popeanga, député, président de la commission de l'enseignement, de la science, de la jeunesse et du sport - Camera Deputatilor, Chambre des députés - Roumanie
M. Irinel Popescu, sénateur, président de la commission de l'enseignement, de la science, de la jeunesse et du sport-Senatul, României, Sénat -Roumanie
Mme Ana Preda, expert -- Senatul, României, Senat - Roumanie
Mme Catherine Procaccia, sénatrice du Val-de-Marne, membre de l’OPECST – Sénat - France
M. Henri Revol, sénateur de la Côte-d’Or,Premier vice-président de l’OPECST - Sénat- France
M. Daniel-Ricquier, membre de l’Académie des Sciences - France
M. Josef Saller, député, membre de la commission des transports, de l'innovation et de la technologie - Bundesrat, Conseil fédéral - Autriche
M. Claude Saunier, sénateur, vice-président de l’OPECST - Sénat - France
Mme Elzbierta Sayegh, conseiller scientifique à l’ambassade de Pologne
M. Pierre Sinaÿ, membre de l’Académie des Sciences - France
M. Mark Sinclair, conseiller scientifique - Ambassade du Royaume-Uni-Royaume-Uni
Mme Brynhild Sirevag, conseiller scientifique à l’ambassade de Norvège
M. Norbert Somogyi, conseiller scientifique à l’ambassade de Hongrie
Mme Françoise Souyr, rapporteur à la Cour des Comptes - France
M Jan Staman, directeur du Rathenau Institute - Pays-Bas
M. Janis Strazdnis, député, président de la commission de l'éducation, de la culture et de la science -Saeima, Diète - Lettonie
Mme Doris Stump, députée, membre de la -commission de la culture, de la science et de l'éducation -Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe-
Mme Annie Sugier, directrice à l’IRSN, membre du Conseil scientifique de l’OPECST - France
Mme Katalin Szaloki, conseillère du Parlement – Orszàggyülès, Assemblée nationale - Hongrie
M. Miguel Tiago, député, vice-président de la commission de l'éducation et de la science - Assembleia da Repύblica, Assemblée de la République - Portugal
Mme Paula Tiihonense, chef du secrétariat de la commission de l'avenir - Eduskunta - Parlement - Finlande
M. Jean-Louis Touraine, député du Rhône, membre de l’OPECST - Assemblée nationale - France
Mme Anne Tricaud, Adjointe au chargé des relations avec les Parlements du CEA - France
Mme Caroline Van Hemel, conseillère scientifique à l’ambassade des Pays-Bas
M. Jean-Sébastien Vialatte, député du Var, membre de l’OPECST - Assemblée nationale - France
M. Jean-Pierre Vigouroux, chargé des relations avec les Parlements du CEA - France
M. Vincenzo Vita, sénateur, vice-président de la commission de l'éducation - Senato della Republica, Sénat - Italie
M. Piotr Wach, sénateur, membre de la commission de la science, de l'éducation et du sport – Sénat - Pologne
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